N° 2301

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020
(n° 2272),

 

TOME I

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Par M. Joël GIRAUD

Rapporteur général,

Député

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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

FICHE N° 1 : Le contexte macroéconomique

I. Un contexte mondial incertain mais des indicateurs français stables

A. une croissance stabilisée malgré un environnement mondial dégradé

1. Laccélération de la croissance en 2017 a été stoppée par la dégradation du climat économique mondial

2. Une croissance qui résisterait en 2019 et en 2020 grâce à une demande intérieure soutenue

3. Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de la croissance

B. Linflation demeure contenue

1. L’indice des prix à la consommation se stabilise à un bas niveau

2. Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de linflation

C. LamÉlioration du taux de marge des entreprises

D. LamÉlioration du marchÉ de lemploi

E. la persistance dun fort dÉficit commercial, toutefois en voie damélioration

II. Les hypothÈses de croissance du Gouvernement

III. Lavis du Haut Conseil des finances publiques

FICHE N° 2 : LE DÉFICIT PUBLIC ET SES COMPOSANTES (TOUTES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CONFONDUES)

I. UN NIVEAU DE DÉFICIT PUBLIC HISTORIQUEMENT BAS

A. LE DÉFICIT PUBLIC SE RÉDUIT ENCORE EN 2020

1. L’évolution du déficit public sur longue période

2. Un déficit public, hors mesures exceptionnelles, sous la barre des 3 % depuis 2017

B. LA RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC EST MOINS RAPIDE QUE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE

1. Une cible de déficit dégradée par rapport à la loi de programmation des finances publiques et au programme de stabilité de 2019

2. La nécessité d’une nouvelle trajectoire de programmation des finances publiques

C. UN DÉFICIT PUBLIC PORTÉ PAR L’ÉTAT

a. L’État porte l’essentiel du déficit public

i. L’exécution budgétaire de l’État en 2018

ii. La prévision actualisée du déficit de l’État en 2019

iii. Les principales évolutions pour 2020

iv. La concentration du déficit public sur l’État s’est accentuée ces dernières années

b. L’amélioration des finances des administrations publiques locales, liée au cycle électoral

c. L’amélioration du solde des administrations de sécurité sociale mais l’accroissement des déficits sociaux

II. UN DÉFICIT D’ORIGINE STRUCTURELLE

A. DÉFICIT PUBLIC ET DÉFICIT STRUCTUREL SE CONFONDENT EN 2020

1. Qu’est-ce que le déficit structurel ?

a. Une composante du déficit public suivie au titre des engagements européens de la France

b. Des modalités de calcul complexe

c. Les hypothèses de calcul du déficit structurel

2. L’évolution de l’écart de production depuis 2018

B. Le haut conseil des finances publiques signale un risque de dÉclenchement de mesures correctives

III. LE DÉFICIT de l’État EN COMPTABILITÉ NATIONALE

FICHE N° 3 :  LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

I. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES JUSQUEN 2019

A. LÉVOLUTION DE LONG COURS

B. LA STRUCTURE

II. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2019

A. UNE BAISSE DE PLUS DUN POINT DE PIB EN UN AN

B. LÉVOLUTION SPONTANÉE SANS EFFET SUR LE TAUX DE prélèvements obligatoires

III. Les PRÉLÈVEMENTS obligatoires en 2020

A. UNE BAISSE DE 0,3 POINT DE PIB AU TITRE DES MESURES NOUVELLES

B. UNE ÉVOLUTION SPONTANÉE NEUTRE SUR LE TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

IV. LÉvolution des prÉlÈvements obligatoires depuis le dÉbut de la lÉgislature

FICHE 4 : LA DÉPENSE PUBLIQUE

I. LA POURSUITE DE LA MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE SELON L’ENSEMBLE DES INDICATEURS USUELS

A. UNE ÉVOLUTION EN VOLUME CONTENUE, EN LIGNE AVEC LES HYPOTHÈSES DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

B. LA BAISSE DU RATIO DE DÉPENSE PUBLIQUE PAR RAPPORT À LA RICHESSE NATIONALE

1. Une tendance à la baisse du ratio de dépenses publiques depuis 2014

2. L’objectif de diminution du ratio de dépense publique d’ici 2022 reste ambitieux, malgré une révision à la baisse depuis la loi de programmation des finances publiques

3. La traduction en euros courants de la réduction du poids de la dépense publique dans le PIB

C. L’AUGMENTATION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN MILLIARDS D’EUROS courants

II. UNE ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE DIFFÉRENCIÉE SELON LES SOUSSECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

A. LA FAIBLE PROGRESSION DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES

1. Une évolution contenue malgré l’augmentation de la norme de dépenses pilotables de l’État

2. La poursuite de la démarche de transformation de l’action publique

B. LA MAÎTRISE PROLONGÉE DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

1. Une progression de l’objectif national d’assurance maladie à 2,3 % en 2020

2. Limpact de la réforme de lassurance chômage

C. L’ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

1. L’évolution maîtrisée des dépenses de fonctionnement et la mise en œuvre du processus de contractualisation

a. La progression contenue des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales

b. Le cadre fixé par la loi de programmation des finances publiques

c. Les premiers résultats prometteurs du processus de contractualisation avec lÉtat

2. Le dynamisme des dépenses dinvestissement

FICHE N° 5 : LA DETTE PUBLIQUE

I. UNE DETTE PUBLIQUE STABILISÉE MAIS À LÉVOLUTION MOINS FAVORABLE QUE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

A. Une dette publique élevée, mais stabilisée

1. Un niveau de dette élevé et une évolution divergente par rapport à nos voisins européens

2. La stabilisation du niveau de l’endettement public

B. Les écarts constatés en 2018 à la loi de programmation : une stabilisation précoce de la dette, mais un niveau supérieur À la prÉvision en raison de traitements comptables

C. Les prévisions du présent projet de loi de finances à compter de 2020 : une baisse éloignée des prévisions de la loi de programmation des finances publiques

1. 2020 : une légère diminution du niveau de dette publique

2. Une cible de réduction de la dette publique en 2022 éloignée de celle de la loi de programmation des finances publiques

3. La décomposition de la dette publique par soussecteur dadministration

II. LES ENJEUX DE TAUX STRUCTURELLEMENT BAS POUR LA DETTE FRANÇAISE

A. LA FAIBLESSE DES TAUX D’INTÉRÊT DE LA DETTE FRANÇAISE : UNE TENDANCE DE FOND

1. Une tendance générale de fond et de long terme accentuée par une politique monétaire accommodante

2. Un niveau de taux d’intérêt de la dette française particulièrement faible

B. UN IMPACT MAJEUR SUR LE NIVEAU DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

C. UNE AUBAINE QUI NE SAURAIT REMETTRE EN CAUSE LA NÉCESSITÉ DE TENDRE VERS LÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS

FICHE N° 6 : LE PLF 2020 DANS SON CONTEXTE EUROPÉEN

I. LA SURVEILLANCE EUROPÉENNE DES FINANCES PUBLIQUES

A. LES NORMES DE FINANCES PUBLIQUES À RESPECTER

B. LE CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE DES FINANCES PUBLIQUES

1. Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance

a. Lobligation délaborer un programme de stabilité ou de convergence

b. Lévaluation et le suivi des programmes de stabilité ou de convergence

2. Le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance

II. LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

A. L’OBJET DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

B. LE CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

III. LE CYCLE ANNUEL BUDGÉTAIRE

A. LE SEMESTRE EUROPÉEN

1. Le cadre juridique du semestre européen

2. Le calendrier du semestre européen

a. Novembre de lannée N-1

b. Mars de lannée N

c. Avril de lannée N

d. Mai de lannée N

e. Juin et juillet de lannée N

f. Septembre de l’année N

B. LE SEMESTRE NATIONAL

1. Le cadre juridique du semestre national

2. Le calendrier du semestre national

C. LE CYCLE BUDGÉTAIRE ANNUEL DE LA FRANCE EN 2019

1. Dans le cadre du semestre européen

2. Dans le cadre du semestre national

FICHE N° 7 : Le volet fiscal du projet de loi de finances pour 2020

I. Des mesures d’adaptation de la fiscalitÉ des entreprises

A. La rÉvision de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés

B. La réduction de deux dépenses fiscales importantes

1. La défiscalisation des versements de mécénat des entreprises

2. Le resserrement des crédits dimpôt recherche et innovation

II. Les principales mesures de baisse des impôts

A. Pour les mÉnages

1. La baisse de l’impôt sur le revenu

2. La suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale

B. Pour les entreprises

III. la réforme de la fiscalitÉ locale

IV. Le verdissement de la fiscalité

A. La mise sous condition de ressources du CITE et sa transformation en prime forfaitaire pour les ménages modestes

B. La suppression des tarifs rÉduits de TICPE sur le gazole non routier

C. La refonte de la taxation des véhicules à moteur

D. L’accroissement de la fiscalitÉ pesant sur les passagers du transport aÉrien

E. Autres mesures

V. La rationalisation de la fiscalité

A. La suppression de taxes à faible rendement

B. La rationalisation des dépenses fiscales

C. L’amÉnagement de la fiscalitÉ affectÉe

D. L’alignement de la fiscalitÉ du tabac

VI. La mise en conformité du droit français avec le droit européen

A. La lutte contre l’Évasion fiscale

B. la mise en conformité en matière de TVA

C. La mise en conformiTÉ en matiÈre d’impÔt sur les sociÉtÉs

VII. La mise en place d’un paquet e-commerce

A. De nouvelles règles de tva applicable au commerce Électronique transnational

B. Les obligations dÉclaratives des exploitants d’entrepôts logistiques

C. Le « Name and shame » des plateformes numériques

VIII. La mise en œuvre d’un stimulus fiscal en faveur de certains territoires

IX. La modernisation des modalités de déclaration, de paiement et de recouvrement de limpôt

X. Autres mesures

A. La domiciliation fiscale des dirigeants de grandes sociÉTÉs françaises

B. Taxe sur les cdd d’usage

C. Le traitement fiscal de la dette de SNCF RÉSEAU

FICHE N° 8 : Les recettes de l’état

I. LES RECETTES FISCALES DE L’ÉTAT

A. PASSAGE DES RECETTES FISCALES BRUTES AUX RECETTES FISCALES NETTES

1. La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux

2. Les recettes fiscales de lÉtat hors budget général

B. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1. Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

a. Lévolution spontanée

b. Les mesures législatives

c. Les mesures de périmètre et de transfert

2. Évolution générale de 2019 à 2020

C. PRÉSENTATION PAR IMPÔT

1. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

a. En 2019

b. En 2020

2. Limpôt sur le revenu

a. En 2019

b. En 2020

3. Limpôt sur les sociétés

a. En 2019

b. En 2020

4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

a. En 2019

b. En 2020

II. LES RECETTES NON FISCALES DU BUDGET GÉNÉRAL

III. LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

IV. 90 MILLIARDS DEUROS DE DÉPENSES FISCALES POUR 2020

FICHE N° 9 : LES DÉPENSES DE L’ÉTAT

I. UNE ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’ÉTAT MAÎTRISÉE MALGRÉ L’ABAISSEMENT DE LA PRÉVISION DE RÉDUCTION DES EFFECTIFS

A. LA POURSUITE DU RALENTISSEMENT DES DÉPENSES DE L’ÉTAT

1. La progression modérée des dépenses pilotables de l’État en 2020

a. L’évolution des normes de dépenses en 2020

b. Les normes de dépenses de lÉtat sur la période triennale 20202022

2. Une gestion plus saine des crédits et plus respectueuse de l’autorisation parlementaire

B. La masse salariale de l’État : une diminution des effectifs moins forte que prévue par la loi de programmation

1. La moindre diminution des effectifs sur le champ de l’État et de ses opérateurs

a. Le niveau stable de l’emploi de l’État et de ses opérateurs en 2020

b. Une prévision de réduction de 10 500 emplois environ sur le quinquennat

c. L’évolution des effectifs des ministères

d. Le ralentissement de la baisse des effectifs au sein des opérateurs de l’État

2. L’évolution des rémunérations

a. L’effet du glissement vieillesse technicité et des mesures catégorielles

b. Le gel du point d’indice en 2020

II. LE BUDGET DE L’ÉTAT REFLÈTE DES CHOIX FORTS PROPOSÉS PAR LE GOUVERNEMENT POUR 2020 ()

A. L’AUGMENTATION GLOBALE DES PLAFONDS DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU BUDGET GÉNÉRAL

B. LES AUGMENTATIONS DE CRÉDITS CIBLÉS SUR CERTAINES MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL

1. La poursuite du renforcement du pôle régalien

2. L’effort significatif en matière d’insertion et de solidarité

3. La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de l’enseignement scolaire, de l’enseignement supérieur et de la recherche et des investissements d’avenir

4. La hausse des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

C. DES BAISSES DE CRÉDITS CONCENTRÉES SUR DEUX MISSIONS

D. LES MESURES DE PÉRIMÈTRE

E. LES PROJECTIONS TRIENNALES DES PLAFONDS DE CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL

III. VERS UNE APPROCHE INÉDITE DE L’ÉVALUATION DE L’IMPACT DES DÉPENSES SUR L’ENVIRONNEMENT

AUDITION du MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, du MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, ET Du SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS

AUDITION du PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES


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   introduction

Ce troisième projet de loi de finances du quinquennat traduit des choix politiques forts du Gouvernement, qu’il s’agisse de mesures s’inscrivant dans la continuité de celles présentées depuis 2017 ou de mesures nouvelles proposées à la suite du Grand débat national. Tout en tirant les conséquences d’un contexte économique assombri et des souhaits des Français en matière de fiscalité et de services publics, il se conforme en tendance aux principales orientations définies dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP 2018‑2022).

D’abord, il acte la poursuite de la baisse du déficit public. Ce dernier s’établirait à 2,2 % du PIB pour atteindre son niveau le plus faible depuis 2001.

Ensuite, il renforce l’objectif de décrue des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale en proposant une diminution d’environ 10 milliards d’euros de la fiscalité et des charges en 2020. Le taux de prélèvements obligatoires s’établirait à 44 % du PIB l’année prochaine.

Au total, la baisse des prélèvements obligatoires pour les ménages atteindrait 20,7 milliards d’euros sur la période 2018‑2020, dont 5 milliards d’euros de diminution de l’impôt sur le revenu prévue par le présent projet de loi de finances. Pour les entreprises, cette baisse atteindrait environ 6,4 milliards d’euros sur la même période. Sur le quinquennat, le taux de prélèvements obligatoires baisserait davantage que la LPFP le prévoyait : la diminution serait de 1,3 point de PIB au lieu de 1 point.

L’évolution de la dépense publique continue d’être maîtrisée. Après sa décroissance en volume historique en 2018, elle augmenterait de 0,7 % en 2019 et en 2020. En moyenne sur le quinquennat, le taux de croissance en volume de la dépense publique s’établirait à 0,4 %, en ligne avec les orientations de la LPFP et à un niveau sensiblement inférieur aux taux moyen constaté lors des deux précédents quinquennats. Cette croissance contenue masque des évolutions contrastées des financements des politiques publiques, en cohérence avec les choix proposés par le Gouvernement : le renforcement des pôles régaliens ; le soutien accru aux politiques de solidarité et d’inclusion ; l’intensification des investissements dans la transition écologique et les mobilités durables ; un effort marqué en faveur de l’enseignement scolaire, de l’enseignement supérieur et de la recherche ; la poursuite de la transformation de l’action publique ; la simplification du calcul de certaines prestations.

La dette publique rapportée au PIB décroîtrait légèrement en 2020
(– 0,1 point) après la stabilisation de 2018. Sur le quinquennat, la baisse du ratio serait toutefois inférieure aux prévisions de la LPFP (– 0,7 point entre 2017 et 2022 au lieu de – 5,3 points).

On constate ainsi que les trajectoires financières du présent projet de loi de finances s’écartent par certains aspects de celles de la loi de programmation en vigueur. Il s’agit de tenir compte, d’une part, de la dégradation des prévisions macroéconomiques depuis la LPFP et, d’autre part, des mesures nouvelles adoptées en décembre 2018 ou annoncées à la suite du Grand débat national. Il n’est pas anormal que la troisième année de programmation budgétaire ne soit pas absolument conforme à la trajectoire pluriannuelle de la LPFP. Depuis l’apparition de cet outil programmatique, deux années séparent en général deux lois de programmation des finances publiques. Cela se comprend aisément tant les prévisions relatives aux finances publiques sont, à tout le moins, dépendantes des hypothèses macroéconomiques. Dans ce contexte nouveau, il conviendra en 2020 d’actualiser la trajectoire des finances publiques du pays dans une nouvelle loi de programmation.

On l’a vu, des mesures nouvelles ont été adoptées ou sont proposées en faveur du pouvoir d’achat des ménages depuis la fin de l’année 2018 et à la suite du Grand débat national. Les effets bénéfiques de ces mesures sur la croissance ont été visibles dès l’année 2019 et devraient se poursuivre en 2020. Néanmoins, elles ne signifient aucunement le passage mécanique d’une politique économique « de l’offre » à une politique « de la demande », comme cela est parfois avancé dans le cadre de débats réducteurs. Les prélèvements obligatoires sur les entreprises continueront de diminuer en 2020 par rapport à 2019. Plus largement, rien n’est remis en cause quant aux politiques menées depuis 2017 en faveur de la compétitivité et de la modernisation de notre économie.

S’agissant du budget de l’État, le déficit budgétaire pour 2020 s’établirait à 93,1 milliards d’euros, en amélioration de 14,6 milliards d’euros par rapport au déficit pour 2019 tel que prévu par la loi de finances pour 2019. Cette diminution a notamment pour origine des recettes fiscales dynamiques et la révision à la baisse de la prévision de charge d’intérêts de la dette.

Le présent projet de loi de finances pour 2020 comporte un volet fiscal fourni. Les dispositions fiscales sont en effet réparties au sein de 36 articles dont 19 articles en première partie et 17 en seconde partie.

Elles consistent d’abord en des propositions de baisses significatives d’impôts. L’impôt sur le revenu serait ainsi abaissé de 5 milliards d’euros dès 2020 pour les classes moyennes (article 2). La taxe d’habitation est intégralement supprimée dès 2020 pour 80 % des ménages, et le sera progressivement pour tous les foyers en 2023 (article 5). Malgré l’aménagement de la trajectoire de taux de l’impôt sur les sociétés, ce dernier poursuivra sa baisse pour toutes les entreprises en 2020 (article 11).

Plusieurs dispositions visent ensuite à « verdir » notre système fiscal. Le régime du gazole non routier serait réformé, par la suppression progressive pour certains secteurs des taux réduits de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) – des compensations pour les secteurs les plus exposés sont prévus notamment sous la forme de suramortissements fiscaux (article 16). Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) serait transformé en une prime forfaitaire concentrée au bénéfice des ménages modestes (article 4). Plusieurs taxes sur les secteurs des transports routiers et aériens seraient également modifiées (articles 18, 19 et 20).

De nouvelles incitations fiscales en faveur de la réduction des inégalités territoriales seraient créées. Des taux ciblés de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) permettraient ainsi de favoriser l’investissement en direction des foyers les plus modestes dans les secteurs du logement social et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (article 8). Le présent projet de loi propose également un nouveau zonage pour encourager l’implantation et soutenir l’artisanat et le commerce existant dans les centres-bourgs ruraux ou les centres de villes moyennes, dans la continuité de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite loi « ÉLAN » (articles 47 et 48).

Ce projet de loi de finances contient également un ensemble de dispositions permettant d’adapter notre fiscalité au développement du e‑commerce. Il s’agit entre autres de lutter contre les fraudes qui perdurent en raison du décalage existant entre les règles fiscales et leur applicabilité à l’économie numérique. Trois articles imposeraient ainsi de nouvelles obligations aux plateformes de vente en ligne : elles seraient désormais redevables de la TVA pour certaines des transactions qu’elles facilitent, notamment pour les importations extracommunautaires (article 53) ; elles devraient mieux tracer les colis transitant par leurs entrepôts pour favoriser les contrôles fiscaux (article 54) ; enfin, l’administration pourrait publier la liste des plateformes non coopératives sur le plan fiscal (article 55).

Enfin, dans la lignée des dispositions de la loi de finances pour 2019, le projet de loi de finances pour 2020 comporte un programme de suppression de 18 taxes à faible rendement, après la suppression de 22 de ces taxes l’année dernière (article 6). En outre, plusieurs articles rationaliseraient des dépenses fiscales comme celle relative au mécénat d’entreprise (article 51) et celle relative aux crédits d’impôt recherche et innovation (article 49). Onze autres dépenses fiscales sont visées par des mesures de plafonnement ou de suppression (article 7).

S’agissant des dépenses, le projet de loi de finances est marqué par les conséquences budgétaires de la baisse des taux d’intérêt. En comptabilité nationale, la charge de la dette de l’ensemble des administrations publiques atteindrait 33,7 milliards d’euros en 2020, soit 2,2 milliards d’euros de moins qu’en 2019 et 12,5 milliards d’euros de moins que la prévision pour 2020 de la LPFP 2018‑2022. Le constat de ces économies importantes ne doit pas détourner le Gouvernement de son action visant à rétablir l’équilibre des comptes des administrations publiques. Il convient d’ailleurs de rappeler que la baisse des taux d’intérêt résulte en partie de la faiblesse du taux de croissance de l’économie qui lui-même a pour conséquence de diminuer les recettes publiques et constitue une pression à la hausse sur le déficit public.

Le débat relatif à l’opportunité de « recycler » d’éventuelles économies constatées sur la charge de la dette pour intensifier l’effort d’investissement public peut avoir un sens en théorie économique, mais les termes du sujet ne se posent pas de la même façon dans la préparation du budget. En effet, la construction d’un budget est la résultante d’un équilibre entre un ensemble de dépenses et un ensemble de recettes. La charge d’intérêts de la dette est un paramètre particulier d’une équation budgétaire générale. L’ensemble de l’augmentation des dépenses et des baisses de recettes est financé par l’ensemble des économies sur la dépense et des mesures d’augmentation des recettes, et par le déficit public. Dans cette perspective, cest la question de lefficience de la dépense publique qui se pose, afin que soient utilisées au mieux les recettes publiques issues, entre autres, de la baisse des taux d’intérêt.

La question parfois posée serait celle d’une nouvelle augmentation du déficit public pour financer des investissements. Le déficit public s’établirait en 2020, il est vrai, à un niveau bas qu’il n’avait pas atteint depuis près de vingt ans. Il ne faut toutefois pas oublier qu’il reste supérieur aux déficits de la plupart de nos partenaires européens – c’est également le cas pour notre niveau d’endettement et ce de façon accrue ces dernières années. Dans la phase actuelle de croissance de l’économie, le redressement des finances publiques est donc nécessaire pour que la France puisse faire face à un éventuel retournement conjoncturel.

En outre, bien que la perspective de taux d’intérêt faibles au niveau mondial semble s’installer, les économies ou les surcoûts liés à la charge de la dette demeureront volatils et incertains.

Enfin, ce projet de loi de finances marque la poursuite de l’effort du Gouvernement pour renforcer la portée des principes budgétaires et renouer avec l’esprit originel de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Les modifications apportées à plusieurs comptes d’affectation spéciale confortent les principes d’unité et d’universalité budgétaires (articles 29 à 33), tout comme la rebudgétisation de certaines taxes (articles 6 et 27). Plusieurs dotations budgétaires sont à nouveau augmentées afin de poursuivre la limitation des sous‑budgétisations, conformément au principe de sincérité. Le projet de loi de finances pour 2020, comme le projet de loi de finances pour 2019, comporte un nombre relativement élevé d’articles fiscaux, ce qui laisse espérer que le projet de loi de finances rectificative pour 2019 ne comportera pas de dispositions fiscales.

En résumé, le projet de loi de finances pour 2020 s’avère à la fois favorable au pouvoir d’achat des Français et au dynamisme de notre économie, et conforme à l’objectif de retour à l’équilibre des comptes publics.

 


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   FICHE N° 1 :
Le contexte macroéconomique

Résumé de la fiche

Le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement pour présenter le projet de loi de finances pour 2020 repose sur des perspectives de croissance peu remaniées par rapport aux prévisions issues du programme de stabilité du printemps 2019, malgré la dégradation de la conjoncture mondiale et donc la baisse probable de la demande mondiale adressée à la France, pesant sur ses exportations. La croissance s’élèverait à 1,4 % du PIB en 2019 et à 1,3 % du PIB en 2020.

La croissance serait donc résiliente, grâce au niveau de consommation des ménages, soutenu dès 2019 par les mesures prises en faveur du pouvoir d’achat et par le dynamisme de l’emploi. L’investissement des entreprises resterait dynamique dans un contexte de taux d’intérêt bas et de meilleures marges. L’inflation se maintiendrait à un niveau de 1,2 % en 2019 et en 2020.

Le Haut Conseil des finances publiques considère que la prévision de croissance du Gouvernement est atteignable pour 2019 et plausible pour 2020. Il estime, en outre, que les prévisions d’inflation, d’emploi et de masse salariale retenues par le Gouvernement pour 2019 sont cohérentes avec les informations disponibles. Elles sont, selon le Haut Conseil, raisonnables pour 2020.

Les prévisions relatives aux finances publiques de l’année à venir sont directement liées au contexte macroéconomique. Les objectifs fixés en termes de solde, de recettes et de dépenses publics doivent découler dhypothèses macroéconomiques crédibles, en termes de croissance, dinflation, de taux dintérêt et demploi.

Ces hypothèses sont considérées comme des données exogènes à la conception du budget à venir. Elles reposent sur des prévisions gouvernementales qui peuvent être comparées aux estimations externes en provenance de divers organismes statistiques ou économiques.

Les principaux indicateurs nécessaires à lélaboration du budget

Le scénario macroéconomique sur lequel repose l’élaboration d’un projet de loi de finances fait intervenir de nombreuses hypothèses macroéconomiques. Quatre d’entre elles sont particulièrement importantes.

Le taux de croissance

La prévision de taux de croissance en volume (la variation des prix ne l’influence pas) du produit intérieur brut (PIB) est l’une des plus importantes pour l’élaboration du budget de l’État.

L’hypothèse de croissance permet de bâtir une prévision du montant des recettes fiscales de l’exercice à venir. Le taux de croissance de l’année précédant celle du budget est aussi très important car l’exigibilité de certains impôts présente un décalage d’une année avec leur assiette.

Le taux de croissance en valeur du PIB, qui tient compte de la variation des prix, est également très important. C’est en effet le PIB en valeur qui figure au dénominateur du ratio de calcul du déficit public.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), chargé d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques, consacre généralement, dans ses avis, la majeure partie de ses développements à l’appréciation de l’hypothèse du taux de croissance.

L’inflation

La prévision d’inflation est prise en compte dans la prévision des recettes, car elle a un impact immédiat sur certaines bases taxables, comme celle de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également un effet sur la prévision des dépenses, dans la mesure où certaines d’entre elles sont indexées à l’inflation. L’inflation a également pour effet de réduire le rendement mesuré de certaines mesures d’économies tendancielles (telles que les mesures de « gel » des crédits budgétaires en exécution).

L’INSEE réalise, dans ses études de conjoncture, des fiches relatives à l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC), à sa décomposition ainsi qu’à des prévisions d’indices pour les trimestres à venir. Certains indicateurs font référence à l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui porte sur un panier de biens harmonisé au niveau européen – il sert notamment pour apprécier le respect du critère de convergence portant sur la stabilité des prix dans l’UE.

Enfin, il est parfois fait référence à l’inflation dite sous-jacente. L’inflation sous-jacente est plus représentative des tendances macroéconomiques de fond car elle se calcule nette des effets exogènes des indices de prix de l’énergie et de certains indices de prix volatils en raison de l’évolution des marchés mondiaux.

Les taux dintérêt

La prévision de taux d’intérêt permet d’anticiper la charge de la dette de l’État, c’est-à-dire le montant des intérêts à servir sur le capital de dette accumulé.

La Banque de France, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique monétaire de la zone euro, communique plusieurs statistiques et études économiques relatives à l’évolution des taux appliqués dans le secteur bancaire et des taux appliqués à la dette publique.

La masse salariale privée

Une grande partie de l’évolution des prélèvements obligatoires (les cotisations sociales, la fraction principale de la contribution sociale généralisée – CSG –, et l’impôt sur le revenu) est liée à l’évolution de la masse salariale dans le secteur privé. Cet indicateur est dès lors essentiel pour les prévisions de recettes et de déficit public toutes administrations publiques confondues.

L’enquête emploi de l’INSEE concourt à fournir des données actualisées en continu sur la situation du marché de l’emploi en France.

Le cadre macroéconomique du présent projet de loi de finances sinscrit dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes internationales, dans lequel la France s’appuie sur des résultats économiques résilients (I).

Au total, le dynamisme de la demande intérieure et la moindre exposition de la France à la dégradation de la conjoncture mondiale permettent au Gouvernement de prévoir un scénario de croissance : la croissance en volume du produit intérieur (PIB) s’élèverait à 1,4 % en 2019 et à 1,3 % en 2020 (II).

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a rendu un avis qui valide ce scénario macroéconomique (III).

I.   Un contexte mondial incertain mais des indicateurs français stables

La croissance française devrait résister aux tensions pesant sur la conjoncture internationale. L’inflation, qui demeure dépendante des prix de l’énergie, se maintient à un niveau bas. Le taux de marge des entreprises poursuit son redressement et la situation de l’emploi s’améliore. L’important déficit commercial français se résorbe depuis 2018 grâce à de meilleures performances à l’exportation.

A.   une croissance stabilisée malgré un environnement mondial dégradé

La croissance, qui redémarrait progressivement depuis 2012, ne retrouve pas la performance obtenue en 2017. Cela tient à un environnement mondial sujet à de nombreuses tensions (1). Toutefois, la France se singularise par un niveau de croissance résilient, porté par la demande intérieure (2). Sur longue période, la croissance économique poursuit toutefois son ralentissement historique (3).

1.   L’accélération de la croissance en 2017 a été stoppée par la dégradation du climat économique mondial

La croissance du PIB a marqué, avec la crise financière, un coup d’arrêt en 2008. Le pays a ainsi connu une année de récession particulièrement forte en 2009. Après une phase de rattrapage en 2010 et 2011, la croissance a de nouveau marqué un coup d’arrêt en 2012. À partir de 2012, la croissance du PIB s’est redressée progressivement jusqu’à dépasser 1 % à partir de 2015.

L’année 2017 s’est caractérisée par une accélération de la croissance qui n’avait pas été anticipée à ce niveau par les prévisionnistes. « Cette croissance a été portée par une progression marquée de linvestissement des entreprises (+ 4,1 %) et des ménages (+ 5,6 %) », davantage que par la consommation qui « a crû modérément (+ 1,0 %) » ([1]).

Toutefois, la croissance a marqué le pas dès 2018, tout en se maintenant à un niveau supérieur aux moyennes enregistrées depuis 2012. Cela tient à une détérioration du cycle économique mondial, qui se poursuit en 2019.

Croissance en volume du produit intÉrieur brut depuis 2012

(en % d’évolution annuelle)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Croissance

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,4

1,7

Source : INSEE, comptes nationaux.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), dans ses perspectives économiques intermédiaires de septembre 2019 ([2]), la croissance mondiale devrait ralentir pour s’établir à 2,9 % en 2019 et 3,0 % en 2020. Cette prévision est en baisse de 0,3 et 0,4 point respectivement par rapport à aux prévisions publiées en mai 2019. L’OCDE relève que ce sont les taux de croissance « les plus faibles enregistrés depuis la crise financière de 2007 ».

Selon la Commission européenne ([3]), « les risques qui pèsent sur les perspectives économiques mondiales restent étroitement interconnectés et sont principalement négatifs ». Trois principales causes de ralentissement peuvent être identifiées :

– le regain des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ;

– la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

– le choc d’incertitude lié à ces événements, facteur de risque supplémentaire.

La Direction générale du Trésor a analysé les effets macroéconomiques de la « guerre » commerciale entre la Chine et les États-Unis ([4]). En 2018, les États-Unis ont relevé les droits de douane sur un total de 250 milliards de dollars d’importations annuelles de produits chinois. La Chine a répliqué par des mesures tarifaires portant sur 110 milliards de dollars d’importations en provenance des États-Unis. La DG Trésor n’identifie pas d’effet notable sur la croissance américaine mais analyse que « les tensions commerciales ont accéléré le ralentissement économique en cours en provoquant un choc de confiance ». Par ricochet, la demande chinoise adressée à ses partenaires mondiaux a baissé et le commerce mondial a connu un « net freinage ». Selon l’INSEE ([5]), le commerce mondial croîtrait trois fois moins vite en 2019 qu’en 2018 (+ 1,4 % après + 4,5 %)

Le calendrier de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne demeure un autre facteur d’incertitude qui pèse sur les prévisions de croissance. Selon l’OCDE, une sortie sans accord se traduirait par une récession au Royaume-Uni dès 2020, de 2 % de son PIB entre 2020 et 2021. Un tel scénario conduirait à un amoindrissement « considérable » de la croissance de la zone euro, avec un effet de l’ordre de – 0,5 point du PIB de la zone euro (légèrement moins en France, jusqu’à 1 point aux Pays-Bas et 1,5 point en Irlande). Selon les chiffres avancés par le Gouvernement lors de l’audition des ministres par la commission des finances le vendredi 27 septembre, l’impact serait de – 0,1 point de PIB pour la France. L’impact principal à court terme du « Brexit » sur l’économie française viendrait du rétablissement des formalités douanières dans les échanges avec le Royaume-Uni, qui se traduiraient par des délais et des coûts supplémentaires pour les entreprises.

Enfin, l’incertitude qui découle des événements économiques décrits ci-dessus connaît une ampleur qui conduit à considérer ce facteur comme un canal de risque à part entière. En effet, les tensions liées aux politiques commerciales nuisent à la confiance et à l’investissement des entreprises, ce qui accentue l’incertitude quant à l’anticipation des décisions de politique publique (les décisions de politiques monétaires, en particulier) et trouble la perception des risques sur les marchés financiers.

Sur les marchés financiers, le choc d’incertitude se manifeste par une plus importante volatilité des cours, qui a conduit à une « fuite des investisseurs vers les placements sûrs » selon l’OCDE, dans ses prévisions précitées. Cette situation peut expliquer, en partie, le niveau bas, sinon négatif, des taux d’intérêt de la dette obligataire des États. L’OCDE estime ainsi que près de 30 % de la dette obligataire mondiale s’est négociée à des taux négatifs en août 2019. En revanche, ce détournement de flux d’épargne vers des placements sûrs se fait au détriment du financement de l’économie et pèse sur la croissance.

De même, l’industrie européenne a été pénalisée par l’accumulation des incertitudes : les tensions sino-américaines rendent crédibles les menaces américaines d’appliquer des droits de douane à l’industrie automobile et aéronautique européenne ou, en France, au secteur vinicole. Sur le « Brexit », si la perspective d’une sortie sans accord est un risque avéré, c’est l’incertitude planant sur le calendrier de cette sortie qui biaise les anticipations des agents économiques, dont la visibilité sur les perspectives commerciales liées à ce pays est quasi-nulle.

L’effet cumulé de ces trois facteurs de risques principaux a donc conduit l’OCDE à revoir à la baisse ses prévisions de croissance de mai 2019. En septembre 2019, la révision par l’OCDE des perspectives de croissance pour 2020 est significative pour le monde (– 0,4 point), la Chine et les États-Unis
(– 0,3 point). L’impact en zone euro est significatif (– 0,4 point), en particulier pour l’Allemagne (– 0,6 point). La France voit sa prévision de croissance dégradée de 0,1 point.

Perspectives économiques intermédiaires de l’OCDE : prévisions de septembre 2019 comparées aux prévisions de MAI 2019

Croissance du PIB réel

(en %)

Année

2018

2019

2020

Zone

Croissance observée

Prévisions de septembre 2019

Variation par rapport aux prévisions de mai 2019

Prévisions de septembre 2019

Variation par rapport aux prévisions de mai 2019

Monde

3,6

2,9

– 0,3

3

– 0,4

États-Unis

2,9

2,4

– 0,4

2

– 0,3

Chine

6,6

6,1

– 0,1

5,7

– 0,3

Zone euro

1,9

1,1

– 0,1

1,4

– 0,4

dont France

1,7

1,3

0

1,2

– 0,1

dont Allemagne

1,5

0,5

– 0,2

0,6

– 0,6

Source : OCDE

2.   Une croissance qui résisterait en 2019 et en 2020 grâce à une demande intérieure soutenue

La France absorbe mieux la dégradation de la conjoncture mondiale que ses principaux partenaires économiques. De fait, les prévisions de croissance pour 2019 et 2020 n’ont guère évolué depuis les débats d’orientation budgétaire du printemps dernier. En particulier, les performances à l’exportation françaises ont bien résisté au ralentissement de la demande mondiale depuis le début de l’année 2019, comme en témoigne le haut niveau d’exportation en biens (+ 3,0 % par rapport à 2018, à l’issue du premier semestre). Ces performances à l’exportation sont supérieures à celles des principaux partenaires de la France en zone euro dont certains ont vu leurs performances se dégrader.

Comme le signale la Commission européenne, dans ses prévisions précitées, la demande intérieure en zone euro, et en particulier la consommation des ménages, reste un moteur de la croissance économique, soutenue par le dynamisme persistant du marché du travail. La France s’inscrit dans le contexte de ces prévisions.

D’une part, le climat des affaires y résiste, y compris dans l’industrie manufacturière, tandis qu’il s’effrite dans d’autres pays comme l’Allemagne, plus sensibles aux variations du commerce mondial. Cela peut être le signe que les entreprises anticipent une consommation intérieure toujours dynamique.

D’autre part, comme le constate l’INSEE pour l’année 2019 ([6]), le pouvoir d’achat des ménages, mesuré en référence au revenu disponible brut, se redresse significativement (+ 2,3 %, après + 1,2 % en 2018 et + 1,4 % en 2017). Cela s’explique par un contexte de soutien budgétaire significatif de l’État au pouvoir d’achat des ménages, dont l’ampleur a augmenté à la suite de la mise en œuvre des mesures d’urgence économiques et sociales prises en décembre 2018.

Impact financier des mesures de pouvoir d’achat annoncÉes en dÉcembre 2018 par rapport À l’Équilibre financier du PLF et du PLFSS pour 2019

(en milliards d’euros)

Mesure

Impact financier

Annulation de la hausse de la fiscalité énergétique

3,9

Revalorisation de la prime d’activité

2,8

Élargissement du périmètre du chèque-énergie et de la prime à la conversion

0,4

Avancement au 1er janvier de l’exonération de cotisations sociales et de l’exonération d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires

2,4

Rétablissement d’un taux de CSG à 6,6 % sur certaines pensions de retraite et d’invalidité

1,4

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

-

Total

10,9

Source : Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2019.

Le pouvoir d’achat des ménages devrait être encore renforcé par la mise en œuvre des mesures fiscales du présent projet de loi de finances, à hauteur de 9,3 milliards d’euros (baisse d’impôt sur le revenu et suppression de la taxe d’habitation, réindexation des retraites de moins de 2 000 euros au niveau de l’inflation, défiscalisation et désocialisation des heures supplémentaires, etc.).

En termes macroéconomiques, dans le cadre d’auditions préparatoires à l’examen du PLF, le directeur général de l’INSEE a présenté devant la commission des finances, le 18 septembre 2019, le résultat d’enquêtes menées pour savoir si les gains de pouvoir d’achat obtenus par les ménages français ont principalement un effet sur la consommation ou sur l’épargne.

L’INSEE mobilise l’indicateur de la confiance des consommateurs, qui se décline en un indicateur de confiance quant à leur situation financière future et un indicateur portant sur l’opportunité de faire des achats importants. Après une baisse brutale dans le contexte de la crise sociale de la fin 2018, le redressement de cet indicateur est significatif au cours de l’année 2019. Le rebond constaté permet de revenir aux niveaux de confiance de début 2018.

opinion des mÉnages interrogÉs sur leur situation financière future

(solde des réponses : amélioration moins détérioration)

Source : Enquête mensuelle de conjoncture de l’INSEE, août 2019.

 

opinion des mÉnages interrogÉs sur l’opportunitÉ
de faire des achats importants

Source : Enquête mensuelle de conjoncture de l’INSEE, août 2019.

 

L’INSEE montre également une réelle corrélation entre l’augmentation du pouvoir d’achat et la hausse du taux d’épargne des ménages, la consommation servant plutôt, dans un premier temps, au lissage du revenu. Le surcroît de pouvoir d’achat peut être mobilisé pour reconstituer une épargne de précaution. Toutefois l’INSEE constate que, dans le passé, les pics de consommation ont bien lieu, et suivent les pics de pouvoir d’achat après quelques trimestres.

effet des chocs de pouvoir d’achat sur la consommation des mÉnages

Source : INSEE.

Ces résultats prouvent que le dynamisme de la demande intérieure pourrait se maintenir à des niveaux satisfaisants en 2019 et en 2020, en soutien d’une croissance affectée par le choc d’incertitude qui frappe l’économie mondiale.

3.   Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de la croissance

Sur longue période, on observe cependant un tassement de la croissance. Alors que celle-ci a été en moyenne de 2,3 % durant la décennie des années 1980, la croissance annuelle a baissé à 2 % durant les années 1990 puis 1,5 % durant les années 2000. Depuis 2010, elle n’est en moyenne que de 1,4 %.

Depuis 1974, la croissance annuelle n’a été inférieure à 1 % qu’à sept reprises. Mais sur ces sept années, trois concernent les 10 dernières années.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Croissance

1,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux.

On observe également que la phase de reprise est moins vigoureuse que par le passé. La croissance annuelle moyenne des huit années qui ont suivi les récessions de 1975 et 1993 s’est élevée dans les deux cas à 2,6 %. En revanche pour les neuf années qui ont suivi la récession de 2009 (soit sur la période 2010-2018), la croissance annuelle moyenne a été deux fois moins élevée, soit 1,4 %.

B.   L’inflation demeure contenue

1.   L’indice des prix à la consommation se stabilise à un bas niveau

Entre 2003 et 2012, à l’exception de l’année 2009, l’inflation se situait dans une fourchette de 1,5 % à 2,8 %. Elle a ensuite fortement ralenti, jusqu’à devenir nulle en 2015, ce qui avait suscité des craintes sur une possible déflation.

L’inflation s’est redressée à partir de 2016 (+ 0,2 %) pour atteindre un pic en 2018 (+ 1,8 %). Depuis, l’inflation se stabilise à un niveau relativement bas.

Inflation en France

Année

Inflation

Année

Inflation

2003

2,1 %

2012

2,0 %

2004

2,1 %

2013

0,9 %

2005

1,7 %

2014

0,5 %

2006

1,7 %

2015

0,0 %

2007

1,5 %

2016

0,2 %

2008

2,8 %

2017

1,0 %

2009

0,1 %

2018

1,8 %

2010

1,5 %

2019*

1,2 %

2011

2,1 %

2020*

1,2 %

* prévisions INSEE et rapport économique, social et financier du présent PLF.

Source : INSEE.

Cette stabilisation s’explique principalement par un maintien à des niveaux modérés des prix du pétrole – la hausse du début de l’année 2019 ayant été en partie compensée par plusieurs baisses des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité.

Indice des prix à la consommation

(en %)

 

2018

2019 (p)

2020 (p)

Indice total en moyenne annuelle

1,8

1,2

1,2

dont indice sous-jacent*

0,8

0,9

0,9

* Linflation sous-jacente est plus représentative des tendances macroéconomiques de fond car elle se calcule nette des effets exogènes des indices de prix de lénergie et indices de prix volatils.

Source : présent PLF

La prévision d’inflation du PLF 2020 est en ligne avec le consensus des économistes de septembre 2019 pour 2019 (+ 1,2 %) et un peu inférieure pour 2020 (+ 1,2 % contre + 1,3 % pour le consensus).

2.   Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de l’inflation

Sur longue période, comme pour la croissance, on observe un tassement de l’inflation.

Alors que celle-ci a été en moyenne de 7,4 % durant la décennie des années 1980, l’inflation annuelle a baissé à 1,9 % durant les années 1990 puis 1,7 % durant les années 2000. Depuis 2012, elle est inférieure ou égale à 2 %.

L’inflation en france depuis 1974

(en % d’évolution annuelle)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Inflation

13,7

11,8

9,6

9,4

9,1

10,8

13,6

13,4

11,8

9,6

7,4

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Inflation

5,8

2,7

3,1

2,7

3,6

3,4

3,2

2,4

2,1

1,6

1,8

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Inflation

2,0

1,2

0,6

0,5

1,7

1,6

1,9

2,1

2,1

1,7

1,7

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Inflation

1,5

2,8

0,1

1,5

2,1

2,0

0,9

0,5

0,0

0,2

1,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Inflation

1,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE.

Cette tendance de long terme est principalement expliquée par la mise en œuvre, par la Banque centrale européenne (BCE), des objectifs de politique monétaire définis par l’article 127 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne. Celui-ci dispose que « l’objectif principal du Système européen de banques centrales, ci-après dénommé SEBC, est de maintenir la stabilité des prix ». Depuis 1998, l’interprétation de ce mandat de politique monétaire par la BCE l’a conduite à tâcher de contenir l’inflation dans la zone euro à un niveau à la fois inférieur à et proche de 2 % à moyen terme.

C.   L’amÉlioration du taux de marge des entreprises

La confirmation de l’amélioration du taux de marge ([7]) des sociétés non financières (SNF) est un facteur positif à prendre en compte. Le taux de marge s’est redressé depuis le point bas atteint en 2013 (29,7 %), pour atteindre 31,7 % en 2017, soit une hausse de 2 points en quatre ans. Cela résulte en grande partie des mesures de baisse du coût du travail, à travers notamment la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, remplacé en 2019 par une baisse pérenne de cotisations sociales.

Comme les autres indicateurs, le taux de marge des entreprises demeure à un niveau relativement stable en 2018 : il fléchit légèrement de 0,5 point à 31,2 %. Cela s’explique, selon l’INSEE, par un accroissement des impôts pesant sur la production – en particulier la fiscalité énergétique accrue par la poursuite de la trajectoire carbone jusqu’en 2018 – et par une augmentation des rémunérations des salariés des sociétés non financières supérieure à l’augmentation de la valeur ajoutée. Ces deux facteurs dégradent l’évolution de l’excédent brut d’exploitation (EBE) des entreprises, au numérateur du taux de marge.

Cette réduction du taux de marge n’a pas d’effet sensible sur le taux d’investissement des entreprises, qui progresse, en 2018, à un rythme proche de 2017 (+ 5,1 % après + 5,3 % en 2017).

En 2019, le taux de marge des sociétés non financières augmenterait sensiblement, à 32,4 %, avant de revenir en 2020 à 31,6 %. Selon l’INSEE, cette évolution s’explique par la bascule du CICE en allégements de cotisations sociales pendant cet exercice, qui permet aux entreprises de cumuler les effets du CICE et ceux de l’allégement du coût du travail.

La forte baisse des taux d’intérêt sur les titres publics depuis le début de l’année 2019, qui se transmet aux entreprises par le canal du crédit, est de nature à soutenir l’investissement en 2019 et en 2020 : le taux d’intérêt annuel moyen sur les nouveaux crédits des sociétés non financières est passé ainsi de 1,5 % en décembre 2018 à 1,1 % en juillet 2019.

D.   L’amÉlioration du marchÉ de l’emploi

En 2018, l’économie française emploie en équivalents temps plein (ETP) 28,1 millions de personnes, soit une hausse de 272 200 emplois ETP. Cette hausse provient exclusivement des entreprises privées.

Décomposition des Emplois en France en 2018

Catégorie demployeurs

Nombre demplois EQTP

Évolution annuelle

Entreprises privées

21,0 millions

+ 291 100

Administrations publiques

6,1 millions

– 16 400

Ménages et institutions sans but lucratif au service des ménages

1,1 million

– 2 500

Total

28,1 millions

+ 272 200

Source : INSEE, comptes nationaux.

C’est la deuxième année consécutive que la croissance de l’emploi dépasse 1 % : cette performance du marché de l’emploi n’avait plus été observée depuis la crise de 2008. Selon l’INSEE, il est possible de conjecturer que la bascule du CICE en baisse de cotisations sociales ait un effet positif sur les créations d’emplois, car le climat de l’emploi est resté, pendant la période 2017-2019, à un niveau stable.

Évolution du nombre d’emplois en France depuis 2008

(en millions d’emplois)

(en %)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre d’emplois

27,1

26,8

26,8

27,0

27,1

27,2

27,3

27,4

27,6

27,8

28,1

Hausse annuelle

+ 0,5

– 1,2

+ 0,1

+ 0,7

+ 0,3

+ 0,2

+ 0,5

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,0

+ 1,0

Source : Insee, enquête emploi

Dans le présent projet de loi de finances, le Gouvernement prévoit que l’année 2019 permettra la création de 230 000 emplois (+ 1,1 %). Ce rythme refluerait en 2020, avec 180 000 nouvelles créations d’emplois (+ 0,7 %).

Selon l’INSEE, le taux de chômage au sens du BIT ([8]) s’est établi fin 2018 à 8,8 %. La baisse engagée en 2016 se poursuit donc, ce que les données disponibles sur les premiers trimestres de l’année 2019 confirment : il baisserait de 0,1 % en 2019 pour s’établir à 8,3 % ([9]). Il demeure toutefois nettement supérieur au taux de chômage constaté avant le déclenchement de la crise financière de 2008 (7,4 %).

Taux de chÔmage depuis 2012

(en % de la population active)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019*

Taux de chômage

9,8

10,3

10,3

10,4

10,1

9,4

8,8

8,3

* prévision.

Source : INSEE, enquête Emploi.

Parmi les chômeurs, 0,9 million déclarent rechercher un emploi depuis au moins un an – ce qui constitue la définition du chômage de longue durée. Leur nombre s’établit à 3,2 % de la population active au deuxième trimestre 2019, soit 0,4 point de moins qu’au deuxième trimestre 2018. Les chômeurs de longue durée subissent une perte d’employabilité liée à leur éloignement persistant du marché du travail. Le fait que leur nombre diminue dans une proportion proche de celle de l’ensemble des chômeurs (– 0,6 % entre le T2 2019 et le T2 2018) peut être interprété comme une plus grande efficacité du marché du travail.

Toutefois, l’INSEE recense 1,5 million de personnes sont considérées comme inactives au sens du BIT – et ne sont donc pas comptabilisées comme en situation de chômage –, alors même qu’elles souhaitent un emploi. Cette proportion demeure relativement stable depuis 2014.

E.   la persistance d’un fort dÉficit commercial, toutefois en voie d’amélioration

En 2018, le solde du commerce extérieur, c’est-à-dire la différence entre la valeur des exportations et des importations de biens et de services, a été déficitaire à hauteur de – 25,4 milliards d’euros, en hausse de 0,4 milliard d’euros par rapport à 2017. Toutefois, le déficit de la balance commerciale (qui mesure uniquement les importations et les exportations de biens) est plus élevé : – 60,4 milliards d’euros en 2018 après – 59,3 milliards d’euros en 2017.

En tendance, la situation est, pourtant, en voie d’amélioration. Le déficit du commerce extérieur devrait diminuer de 4 milliards entre 2018 et 2019, pour atteindre – 21,4 milliards d’euros. En particulier, les exportations de biens continueraient à croître de façon dynamique (+ 3,5 %, stable par rapport à 2018) malgré le ralentissement de la demande mondiale adressée à la France (+ 1,9 % après + 3,8 % en 2018). L’amélioration des exportations de biens (+ 3 milliards d’euros) explique les trois-quarts de l’amélioration du solde du commerce extérieur (les exportations de services progressent d’1 milliard d’euros). Selon l’INSEE ([10]), qui confirme cette tendance, cela s’explique par d’importantes livraisons aéronautiques et navales en fin d’année, par un euro dont le taux de change est favorable et par une amélioration de la compétitivité-prix de nos entreprises. En moyenne, les exportations françaises progresseraient plus vite que la demande mondiale adressée à la France, ce qui se traduit par une légère augmentation de ses parts de marché mondial. Toutefois, le ralentissement est assez net par rapport à 2018 : il est plus juste de préciser que les exportations résistent en 2019 (+ 1,9 %) après deux bonnes années (+ 3,5 % en 2018 et + 4,0 % en 2019).

Cette situation devrait, selon le Gouvernement, perdurer en 2020. Ce dernier vise une nouvelle progression des exportations (+ 2,5 % après + 1,9 % en 2019), faisant ainsi le pari que le dynamisme des investissements et les bonnes conditions de financement des entreprises exportatrices pallieront la montée des incertitudes mondiales. Le solde du commerce extérieur continuerait de s’améliorer en 2020, à hauteur de 0,5 milliard d’euros.

balance des transactions courantes (principales lignes)

(en milliards d’euros)

Soldes*

2017

2018

2019

2020

Biens et services

– 25,0

– 25,4

– 21,4

– 20,9

Biens manufacturés

– 59,3

– 60,4

– 57,3

– 57,7

Services

20,2

23,8

24,7

25,6

* Exportations ­– importations

Source : Rapport économique, social et financier

Il convient, enfin, de rappeler que l’ensemble des hypothèses macroéconomiques du Gouvernement, comme des instituts statistiques, reposent sur la perspective d’un « Brexit » négocié. La perspective d’une sortie sans accord (« no deal ») pourrait assombrir les résultats du commerce extérieur français et, par ricochet, d’autres indicateurs macroéconomiques tels que la croissance ou l’investissement des entreprises.

II.   Les hypothÈses de croissance du Gouvernement

Dans son cadrage macroéconomique, le Gouvernement anticipe un redressement de la croissance au second semestre de l’année 2019, qui devrait atteindre 1,4 % pour l’ensemble de l’année.

Il prévoit une croissance de 1,3 % pour 2020.

Les prévisions antérieures, et en dernière date celles du débat d’orientation des finances publiques (DOFP) de juillet 2019, reposaient sur la prévision d’un contexte macroéconomique plus favorable que celui qui est actuellement anticipé. La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 ([11]) a, quant à elle, été bâtie sur une hypothèse de croissance annuelle du PIB de 1,7 % pour les années 2018 à 2021, puis de 1,8 % en 2022.

Tandis que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2019 demeure inchangée par rapport au programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril dernier, la prévision pour 2020 a été abaissée de 0,1 point.

hypothèses de croissance du PIB en volume du Gouvernement

(en %)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

DOFP 2019

1,7

1,4

1,4

1,4

1,4

PSTAB 2019

1,6

1,4

1,4

1,4

1,4

PSTAB 2018

2,0

1,9

1,7

1,7

1,7

LPFP 2018-2022

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Source : tome I du rapport du Gouvernement en vue du débat d’orientation des finances publiques pour 2020, programmes de stabilité 2018 et 2019 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le Rapporteur général relève que les prévisions du Gouvernement sont en ligne avec celles des principaux instituts conjoncturistes, quoique très légèrement supérieures. Leurs prévisions les plus récentes prévoient en effet une croissance comprise entre 1,3 % et 1,4 % en 2019 et entre 1,2 à 1,4 % en 2020.

Prévisions de taux de croissance du PIB français en volume

(en %)

Année

2019

2020

Gouvernement, PLF 2020

1,4

1,3

Commission européenne, Prévisions économiques de l’été, juillet 2019

1,3

1,4

INSEE, Note de conjoncture, octobre 2019

1,3

-

Banque de France, Prévisions économiques, septembre 2019

1,3

1,3

OCDE, Perspectives économiques, septembre 2019

1,3

1,3

FMI, Perspectives de l’économie mondiale, juillet 2019

1,3

1,4

Consensus des économistes (consensus forecast), septembre 2019

1,3

1,2

Source : commission des finances.

III.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Aux termes de larticle 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([12]), le HCFP doit rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances ([13]).

L’avis du HCFP sur le scénario macroéconomique du présent projet de loi de finances comporte plusieurs appréciations positives ([14]). Le HCFP a qualifié d’« atteignable » pour 2019 et de « plausible » pour 2020 les hypothèses de croissance en volume du PIB associées au PLF 2020.

Avis du Haut conseil sur les principaux indicateurs économiques

Indicateurs du scénario macroéconomique

Prévision du Gouvernement

Appréciation

du HCFP

Croissance pour 2019

+ 1,4 %

« atteignable »

Croissance pour 2020

+ 1,3 %

« plausible »

Inflation pour 2019

+ 1,2 %

« raisonnable »

Inflation pour 2020

+ 1,2 %

« raisonnable »

Emploi et masse salariale pour 2019

+ 3,3 %

« cohérent »

Emploi et masse salariale pour 2020

+ 2,8 %

« raisonnable »

Prélèvements obligatoires pour 2019 *

43,8 % du PIB

« cohérent »

Prélèvements obligatoires pour 2020 *

44,0 % du PIB

« cohérent »

Évolution en volume de la dépense publique, hors crédits d’impôt 2019

+ 0,7 %

« plausible »

Évolution en volume de la dépense publique, hors crédits d’impôt 2020

+ 0,7 %

« plausible »

Déficit public pour 2019

3,1 % du PIB

« plausible »

Déficit public pour 2020

2,2 % PIB

« plausible »

* Net de l’effet de la bascule du CICE en allégements de charge, qui réduit le taux de PO en 2019 et l’augmente en 2020 par contrecoup, les taux de PO sont respectivement de 44,7 % et 44,3 %.

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2019-3 du 23 septembre 2019.

Le HCFP ne critique pas le scénario macroéconomique du Gouvernement mais identifie plusieurs risques majeurs : un « Brexit » sans accord ; une escalade des mesures protectionnistes ; les tensions géopolitiques au Moyen-Orient ; la récession industrielle allemande qui pourrait avoir un effet sur ses partenaires, notamment la France ([15]).

Ce regard raisonnablement positif sur le cadre macroéconomique dans lequel s’inscrivent les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2020 n’est plus une nouveauté. Il traduit le fait que le Gouvernement établit depuis 2017 un scénario vraisemblable qui contribue à la justesse des prévisions budgétaires et, partant, à la sincérité des lois financières du quinquennat.

*

*     *

 

 


—  1  —

   FICHE N° 2 :
LE DÉFICIT PUBLIC ET SES COMPOSANTES (TOUTES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CONFONDUES)

Résumé de la fiche

Le déficit public pour 2020 est prévu à 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), en baisse de 0,9 point de PIB par rapport à 2019 (3,1 % du PIB). Toutefois, le déficit public de 2019 est ponctuellement grevé par l’effet de la bascule du CICE en allégements de cotisations sociales (0,8 point de PIB). Net de cet effet temporaire, le déficit public se réduirait de 0,1 point de PIB entre 2019 et 2020. Il s’agit du plus faible déficit public prévu depuis 2001. Le Haut Conseil des finances publiques estime « plausible » cette prévision.

Le déficit public est désormais un déficit d’origine exclusivement structurelle. Le déficit structurel s’établit à 2,2 % du PIB potentiel. L’excédent du solde conjoncturel (+ 0,1 point) est, en effet, annulé par l’effet de mesures exceptionnelles ou temporaires (– 0,1 point).

L’ajustement structurel pour 2020 est nul, car le déficit structurel ne diminue pas entre 2019 et 2020. L’écart avec la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 s’accroît sensiblement, ce qui rend cette dernière obsolète. Sans nouvelle trajectoire dans les prochains mois, le Haut Conseil des finances publiques devrait vraisemblablement déclencher le mécanisme de correction prévu par la loi organique de 2012. Le Haut Conseil estime, à ce propos, que les prévisions de déficit pour 2020 constituent un « problème de cohérence » avec la LPFP qui « affaiblit la portée de l’exercice de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques ».

Le déficit budgétaire de l’État pour 2020 – c’est-à-dire la différence entre les encaissements et les décaissements de l’année – est prévu à 93,1 milliards d’euros au lieu de 96,3 milliards d’euros pour 2019 (selon les données d’exécution actualisées par le présent PLF), soit une diminution de 3,2 milliards d’euros.

Le déficit public pour 2020 est porté essentiellement par l’État, les autres administrations publiques présentant des comptes en excédent.

Le déficit de l’État en comptabilité nationale pour 2020 – c’est-à-dire selon le principe des créances et dettes constatées – est toutefois plus important de 6,6 milliards d’euros, puisqu’il est évalué à 99,7 milliards d’euros, ce qui tient à l’intégration dans ce solde du transfert à l’État de 25 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau.

Les objectifs de déficit public, de déficit structurel et d’ajustement structurel sont au cœur du débat budgétaire, notamment en raison des engagements européens de la France.

Les engagements européens de la France en matière de réduction du déficit

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qualifie le déficit public d’« excessif » lorsqu’il dépasse 3 % du produit intérieur brut (PIB).

En outre, l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) pose le principe de l’équilibre ou de l’excédent des budgets des administrations publiques. Il limite le déficit structurel autorisé à – 0,5 point de PIB pour les États membres, comme la France, dont la dette dépasse 60 % du PIB.

Les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an, et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB.

Cette règle d’ajustement structurel est également encadrée par une règle en dépenses et en recettes. L’évolution des dépenses publiques est définie en fonction de la croissance potentielle estimée par la Commission européenne. Enfin, les États n’ayant pas encore atteint leur OMT doivent compenser les réductions de recettes discrétionnaires par des réductions de dépenses équivalentes. La Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne peuvent cependant estimer que l’effort d’ajustement peut être plus limité en période de conjoncture économique défavorable.

Enfin, une déviation de la trajectoire d’ajustement structurel est autorisée, à hauteur de 0,5 point de PIB sur une année, ou cumulée sur deux ans (soit 0,25 point par an en moyenne).

L’article liminaire du présent projet de loi de finances comprend un tableau de synthèse mentionnant les objectifs de déficit public et de déficit structurel pour 2020.

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2018 À 2020

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2018

Prévision

d’exécution

2019

Prévision

2020

Solde structurel (1)

– 2,3

– 2,2

– 2,2

Solde conjoncturel (2)

0,0

0,0

0,1

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,2

– 0,9

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

– 2,5

– 3,1

– 2,2

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4 – 3)

– 2,3

– 2,2

– 2,2

Source : article liminaire du présent projet de loi de finances.

Article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative
à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

« La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre.

« Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les soldes structurels et effectifs de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.

« Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. »

Le présent article fixe ainsi, pour 2020, un objectif de déficit public de 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui n’avait pas été observé depuis 2001 (I).

Le déficit public est intégralement d’origine structurelle ( 2,2 % du PIB potentiel). Le léger excédent conjoncturel prévu, à 0,1 % du PIB, est compensé par un poids des mesures exceptionnelles et temporaires de  0,1 % du PIB (II).

I.   UN NIVEAU DE DÉFICIT PUBLIC HISTORIQUEMENT BAS

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Cette mesure est également la référence à partir de laquelle la France évalue le respect de ses engagements européens.

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et s’inscrit dans un champ d’analyse macroéconomique. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale sont décisifs pour déterminer le niveau de déficit exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) qui joue un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen. Ce sont ainsi les résultats de la comptabilité nationale qui permettent de savoir si la France respecte au non la règle selon laquelle le déficit ne peut excéder 3 % du PIB prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

A.   LE DÉFICIT PUBLIC SE RÉDUIT ENCORE EN 2020

En 2020, le déficit public prévu par le Gouvernement s’établit à 2,2 % du PIB, soit son plus faible niveau depuis 2001.

1.   L’évolution du déficit public sur longue période

Le dernier excédent public constaté date de 1974. Cette année-là, alors que les effets du premier choc pétrolier commencent à se faire sentir, les comptes publics affichent un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB.

Depuis 1975, les comptes publics de la France sont en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019*

2020*

 

 

 

 

 

 

 

 

Solde

– 2,5

– 3,1

– 2,2

 

 

* prévisions du présent projet de loi de finances.

Source : INSEE, base 2014.

Le point le plus bas de solde effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit record de 7,2 % du PIB. En 2018, il a été ramené à 2,5 % du PIB. Le déficit public a été réduit de près de cinq points de PIB en neuf ans.

Les données qui figurent dans le tableau ci-dessous sont à jour des comptes nationaux annuels publiés par l’INSEE en mai 2019.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2013 À 2018

En milliards d’euros

(en % du PIB)

Agrégat

2013

2014

2015

2016

2017

2018

 

 

PIB

2 117,2

+ 0,6 %
en volume

2 149,8

+ 1,0 %
en volume

2 198,4

+ 1,1 %
en volume

2 234,1

+ 1,1 %
en volume

2 295,1

+ 2,3 %
en volume

2 353,1

+ 1,7 % en volume

 

 

Recettes publiques

1 125,2

(53,1 %)

1 146,0

(53,3 %)

1 169,0

(53,2 %)

1 185,2

(53,2 %)

1 230,4

(53,8 %)

1 259,1

(53,5 %)

dont prélèvements obligatoires*

950,5

(44,9 %)

962,2

(44,8 %)

978,4

(44,5 %)

995,3

(44,6 %)

1 036,9

(45,3 %)

1 058,1

(45,0 %)

dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

13,7

(0,6 %)

21,3

(1,0 %)

26,7

(1,2 %)

25,9

(1,2 %)

28,9

(1,3 %)

36,2

(1,5 %)

dont autres recettes

163,1

(7,7 %)

164,6

(7,7 %)

167,0

(7,6 %)

167,8

(7,5 %)

169,9

(7,4 %)

164,8

(7,0 %)

 

 

Dépenses publiques

1 211,6

(57,2 %)

1 230,0

(57,2 %)

1 248,7

(56,8 %)

1 264,3

(56,6 %)

1 294,0

(56,4 %)

1 318,6

(56 %)

dont crédits d’impôt enregistrés en dépenses

15,9

(0,8 %)

25,4

(1,2 %)

32,4

(1,5 %)

31,7

(1,4 %)

31,7

(1,4 %)

39,2

(1,7 %)

dont dépenses hors crédits d’impôt

1 195,7

(56,5 %)

1 204,6

(56,0 %)

1 216,3

(55,3 %)

1 232,6

(55,3 %)

1 262,2

(55,1 %)

1 279,4

(54,3 %)

 

 

Déficit public

86,5

(4,1 %)

83,9

(3,9 %)

79,7

(3,6 %)

79,1

(3,5 %)

63,6

(2,8 %)

59,5

(2,5 %)

 

 

Dette publique

1 977,7

(93,4 %)

2 039,8

(94,9 %)

2 101,3

(95,6 %)

2 188,5

(98,0 %)

2 258,7

(98,4 %)

2 315,3

(98,4 %)

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales (4,6 milliards d’euros en 2018, 4,0 milliards d’euros en 2017, 3,6 milliards d’euros en 2016).

Source : INSEE, base 2014.

2.   Un déficit public, hors mesures exceptionnelles, sous la barre des 3 % depuis 2017

La barre des 3 % de déficit public a été franchie à quatre périodes :

– une première fois, très brièvement, en 1986 ;

– une deuxième fois, pour une période de six années entre 1992 et 1997 ;

– une troisième fois, pour une période de quatre années entre 2002 et 2005 ;

– une quatrième fois dans la période à la fois la plus récente et la plus longue, entre 2008 et 2016 – soit au total neuf années consécutives.

L’année 2017 marque le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009.

La procédure de déficit excessif à l’encontre de la France est close

La France faisait l’objet d’une procédure de déficit excessif depuis le 27 avril 2009. Le Conseil de l’Union européenne avait alors accordé un délai à la France jusqu’en 2012 pour corriger son déficit. Le 2 décembre 2009, le Conseil a accordé un nouveau délai à la France jusqu’en 2013. Le 21 juin 2013, ce délai a été reporté à 2015. Enfin, le 10 mars 2015, ce délai a été porté à 2017.

Le Conseil a clôturé la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet lors de sa réunion du 22 juin 2018. Depuis 2019 et la clôture de la procédure à l’encontre de l’Espagne, plus aucun État membre n’est en situation de déficit excessif.

L’année 2017 se caractérise également par une accélération de la baisse du déficit public. Sur la période 2013-2016, le déficit public a été réduit en moyenne de seulement 2,5 milliards d’euros par an, soit 7,4 milliards d’euros au total. La réduction du déficit public en 2017 a accéléré pour atteindre 17,7 milliards d’euros, soit plus du double que le total de la réduction des trois exercices précédents.

Depuis lors, la réduction du déficit public, hors mesures exceptionnelles, est tendancielle, ce qui peut être interprété comme une normalisation de la politique budgétaire française au regard de ses engagements européens.

DÉficit public depuis 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

En

% du PIB

3,3

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,5

2,8

2,5

3,1*

2,2

En

milliards d’euros

65,0

138,9

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

79,1

63,6

59,5

73,9

53,5

*Hors mesures exceptionnelles, le déficit public de 2019 s’établit à 2,2 % du PIB.

Source : INSEE, comptes nationaux jusqu’en 2018, présent projet de loi de finances pour les années 2019 et 2020.

L’année 2019 devrait marquer, en apparence, une rupture de tendance, le déficit public devant progresser de 0,6 point pour s’établir à 3,1 % du PIB. Cet exercice est, en réalité, marqué par une mesure exceptionnelle relative à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, dont l’ampleur budgétaire est conséquente. Cette mesure dégrade temporairement le solde public de 0,8 point de PIB.

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’IS ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017 avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations sociales. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC.

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continuent de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.

Les efforts de réduction du déficit public se poursuivent donc en 2019 et en 2020 et confirment la tendance baissière observée depuis 2017.

DÉficit public depuis 2000

(en point de PIB)

Source : exposé des motifs du présent PLF.

B.   LA RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC EST MOINS RAPIDE QUE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE

1.   Une cible de déficit dégradée par rapport à la loi de programmation des finances publiques et au programme de stabilité de 2019

La cible de déficit public pour 2020 prévue par le présent PLF est plus élevée de 0,7 point que celle prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([16]), à 2,2 points de PIB contre 1,5 point. Le programme de stabilité transmis au mois d’avril 2019 à la Commission européenne s’engageait, quant à lui, sur un objectif de déficit public de 2 % du PIB pour 2020, soit une cible dégradée de 0,2 point par le présent PLF.

trajectoire de solde public de la loi de programmation des finances publiques pour les annÉes 2018 à 2022

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

trajectoire de solde public du programme de stabilitÉ d’avril 2019

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,8

– 2,5

– 3,1

– 2

– 1,6

– 1,2

Source : programme de stabilité 2019-2022.

Le débat sur le programme de stabilité d’avril 2019 avait été l’occasion pour le Gouvernement de présenter une trajectoire de finances publiques tirant les conséquences de l’évolution du contexte macroéconomique et des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages décidées en décembre 2018.

Pour des raisons de calendrier, elle n’intégrait pas encore l’impact financier découlant des annonces faites par le Président de la République le 25 avril dernier, à l’issue du Grand Débat national.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constitution et « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012‑1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

2.   La nécessité d’une nouvelle trajectoire de programmation des finances publiques

Dès le débat d’orientation des finances publiques (DOFP) en juillet 2019, le Rapporteur général appelait le Gouvernement à proposer une nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques afin de prendre en compte le financement des mesures d’urgence économiques et sociales de la fin 2018, les mesures consécutives au Grand débat national d’avril 2019 et l’évolution du contexte économique international.

L’opportunité des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages n’est pas contestable, d’autant plus que leur mise en œuvre n’a pas entravé la baisse du déficit public. C’est pourquoi ce n’est pas à la politique budgétaire d’être ajustée pour tenir la trajectoire, mais à la trajectoire d’être adaptée.

Le Gouvernement s’est engagé à présenter un projet de loi de programmation des finances publiques au printemps 2020. Cette échéance a été justifiée par la prise en compte d’au moins deux événements futurs ayant un impact budgétaire : la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et les paramètres de la future réforme des retraites.

C.   UN DÉFICIT PUBLIC PORTÉ PAR L’ÉTAT

Solde public par sous-secteur

(en points de PIB)

Sous-secteur

2017

2018

2019

2020*

État

– 2,8

– 3,0

– 3,5

– 3,0

Organismes divers d’administration centrale

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Administrations publiques locales

0,0

0,1

0,1

0,2

Administrations de sécurité sociale

0,3

0,5

0,5

0,7

Solde public

– 2,7

– 2,5

– 3,1

– 2,2

* Hors reprise de dette de SNCF Réseau (25 milliards d’euros), retraitée en dépense publique de l’État.

Source : Rapport économique, social et financier.

a.   L’État porte l’essentiel du déficit public

Le solde budgétaire de l’État est constitué par la somme du solde du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Le déficit budgétaire de l’État a diminué chaque année de 2009 à 2017. Il a été divisé par deux sur cette période, passant de 138 milliards à 67,7 milliards d’euros.

Il se redresse toutefois en 2018 et accélère fortement en 2019 pour 20,3 milliards d’euros selon la prévision actualisée du présent projet de loi de finances, par l’effet de la bascule du CICE en allégements de charges sociales, qui se traduit, en 2019, par le cumul des pertes de recettes du CICE et de la compensation des allégements de cotisation par un prélèvement sur les recettes de TVA au bénéfice des administrations de sécurité sociale.

La baisse du déficit budgétaire de l’État devrait reprendre en 2020 à hauteur de 3,2 milliards d’euros. Sur la période 2017-2020, le déficit budgétaire de l’État s’aggraverait donc de 25,4 milliards d’euros.

Le dÉficit budgÉtaire de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

Année

2010*

2011

2012

2013

2014*

2015

2016

2017

2018

2019**

2020**

Déficit budgétaire

113,8

90,7

87,2

74,9

73,6

70,5

69,1

67,7

76,0

96,3

93,1

* hors programme d’investissements d’avenir

** prévisions du présent projet de loi de finances.

Source : INSEE, comptes nationaux et présent projet de loi de finances.

i.   L’exécution budgétaire de l’État en 2018

En 2018, pour le budget général, les dépenses nettes, y compris les prélèvements sur recettes, se sont élevées à 386,2 milliards d’euros et les recettes nettes à 309,2 milliards d’euros. Le solde des budgets annexes et des comptes spéciaux est positif, à hauteur de 900 millions d’euros. Le déficit budgétaire de l’État ressortait ainsi à 76 milliards d’euros.

Exécution 2018

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

386,2

Recettes (II)

309,2

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

325,2

Recettes fiscales nettes

295,3

PSR au profit de l’Union européenne

20,6

Recettes non fiscales

13,9

PSR au profit des collectivités territoriales

40,3

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

+ 0,9

Déficit à financer

(I  II  III)

76,0

Source : loi de règlement pour 2018.

ii.   La prévision actualisée du déficit de l’État en 2019

En 2019, le déficit budgétaire serait bien plus faible que celui prévu en loi de finances pour 2019, prévu à 107,7 milliards d’euros. Selon les données actualisées disponibles dans le présent PLF, le solde budgétaire serait de – 96,3 milliards d’euros, soit une amélioration de 11,4 milliards d’euros.

Cela s’explique d’abord par un gain supplémentaire de recettes de 4,6 milliards d’euros. Ainsi, l’exécution prévisionnelle pour 2019 estimée par le présent PLF comprend un surcroît de recettes de 2,2 milliards d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, essentiellement dû, selon le Gouvernement, à la mise en place du prélèvement à la source (2,0 milliards d’euros). La prévision des recettes non fiscales est majorée de 2,0 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, ce qui est dû, entre autres, au règlement des litiges de l’administration fiscale avec Google (500 millions d’euros en 2019) ([17]).

En matière de dépenses, la prévision actualisée intègre la révision de la charge de la dette, consécutive à la baisse substantielle des taux d’intérêt (1,6 milliard d’euros). En outre, l’abaissement de 1,5 milliard d’euros de la norme de dépenses a été effectué en cours de gestion, objectif annoncé dès le début de l’exercice 2019.

prÉvision actualisÉe pour 2019

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

391,2

Recettes (II)

292,2

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

329,3

Recettes fiscales nettes

278,1

PSR au profit de l’Union européenne

21,2

Recettes non fiscales

14,5

PSR au profit des collectivités territoriales

40,7

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

+ 2,3

Déficit à financer

(I  II  III)

96,3

Source : présent projet de loi de finances.

En 2020, les dépenses de l’État continueraient de progresser, tandis que les recettes augmentent fortement, principalement du fait de la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et de l’effet retour de cette suppression sur les recettes d’IS et, plus marginalement, d’IR. Cela permettrait d’améliorer le solde budgétaire de 3,2 milliards d’euros par rapport à 2019.

prÉvision 2020

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

399,2

Recettes (II)

306,2

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

337,0

Recettes fiscales nettes

291,8

PSR au profit de l’Union européenne

21,3

Recettes non fiscales

14,4

PSR au profit des collectivités territoriales

40,9

Soldes des comptes spéciaux (III)

0

Déficit à financer

(I  II  III)

93,1

Source : présent projet de loi de finances.

iii.   Les principales évolutions pour 2020

Le déficit budgétaire diminuerait donc de 3,2 milliards d’euros en 2020. Deux catégories d’effets de trésorerie sont à l’œuvre :

– la suppression du CICE, dont le poids budgétaire était encore complet en 2019, entraîne mécaniquement une augmentation de recettes en 2020 (+ 10,3 milliards d’euros) ;

– l’IR est perçu sur douze mois en 2020, contre onze mois en 2019 (+ 5,1 milliards d’euros).

En sens contraire, le budget de l’État supporte seul les mesures suivantes :

– la baisse de l’IR (– 5 milliards d’euros) ;

– la baisse de l’IS (– 2,5 milliards d’euros) ;

– la suppression de la dernière tranche de TH (– 3,7 milliards d’euros) pour 80 % des ménages.

En outre, la compensation des allégements de charges sociales (décidés en contrepartie de la suppression du CICE) aux administrations de sécurité sociale fonctionnera « à plein régime » à compter de 2020, ce qui se traduit par un transfert supplémentaire de recettes de TVA à hauteur de 6,5 milliards d’euros. Ce coût est, cependant, largement équilibré par les recettes supplémentaires d’IS et d’IR liées à l’« effet retour » de la suppression du CICE (la suppression d’un crédit d’impôt augmente la base imposable), qui rapporte 5,9 milliards d’euros.

Enfin, la hausse spontanée des recettes (gain de 11,2 milliards d’euros) est supérieure à la progression de la norme de dépenses pilotables (coût de 6,6 milliards d’euros) entre 2019 et 2020.

passage du solde 2019 actualisÉ au solde plf 2020

(en milliards d’euros)

 

2019

Prévision actualisée

Variation

2020

PLF

 

2019

Prévision actualisée

Variation

2020

PLF

Dépenses (I)

391,2

+ 8

399,2

Recettes (II)

292,2

+ 14

306,2

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

329,3

+ 7,7

337,0

Recettes fiscales nettes

278,1

+ 13,7

291,8

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

21,2

+ 0,1

21,3

Recettes non fiscales

14,5

– 0,1

14,4

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

40,7

+ 0,2

40,9

Soldes des comptes spéciaux (III)

+ 2,3

– 2,3

0

Déficit à financer

(I  II  III)

96,3

 3,2

93,1

Source : commission des finances.

iv.   La concentration du déficit public sur l’État s’est accentuée ces dernières années

On observe une tendance nette à la concentration du déficit public sur le déficit de l’État. En comptabilité nationale, la part de l’État dans le déficit public est ainsi passée de 82 % en 2012 à près de 94 % en 2016. Il devient même supérieur au déficit public à compter de 2017. Le déficit de l’État s’élève en 2018 à 69,8 milliards d’euros et représente 117 % du déficit public.

DÉcomposition du solde public par sous-secteur d’administration
depuis 2010 (comptabilitÉ nationale)

(en milliards d’euros)

Année

solde public

 

État

ODAC

APUL

ASSO

2010

– 137,4

– 122,9

11,3

– 2,0

– 23,9

2011

– 106,1

– 92,4

– 0,2

– 0,8

– 12,7

2012

– 104,0

– 85,1

– 2,6

– 3,7

– 12,7

2013

– 86,5

– 70,2

1,3

– 8,5

– 9,1

2014

– 83,9

– 74,3

2,6

– 4,8

– 7,4

2015

– 79,7

– 73,3

– 2,5

– 0,1

– 3,8

2016

– 79,1

– 73,8

– 6,1

3,0

– 2,2

2017

– 63,6

 

– 66,1

– 4,4

1,6

5,3

2018

– 59,5

 

– 69,8

– 2,7

2,3

10,6

Source : INSEE, comptes nationaux et Rapport économique, social et financier 2020.

 

b.   L’amélioration des finances des administrations publiques locales, liée au cycle électoral

Comme l’a souligné le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales ([18]), la part des dépenses des administrations publiques locales (APUL) dans le PIB se stabilise après plusieurs années de baisse. Ces dernières s’élèvent à 11,1 % du PIB en 2018 et en 2017 au lieu de 11,2 % en 2016, 11,4 % en 2015 et 11,8 % en 2014.

Évolution des dÉpenses des administrations publiques locales
et du Pib depuis 1990

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales, depuis INSEE, comptes nationaux.

Au niveau global, le solde des APUL s’améliore en 2018 (+ 2,3 milliards d’euros contre + 1,6 milliard d’euros en 2017), se stabilise en 2019 (+ 2,1 milliards d’euros) et repartirait nettement à la hausse en 2020 (+ 4,8 milliards d’euros), ce qui est principalement dû à un effort soutenu en dépense (voir la fiche « Les dépenses publiques » du présent tome I).

Ce résultat s’explique par une augmentation modérée des dépenses de fonctionnement (+ 1,5 % en 2019 et + 0,7 % en 2020) et une baisse des dépenses d’investissement, en raison du cycle électoral (+ 8,1 % en 2018 et 2019 puis
– 1,8 % en 2020).

Les comptes des administrations publiques locales devraient dès lors s’établir en excédent de 0,1 % du PIB en 2019 et de 0,2 % en 2020.

c.   L’amélioration du solde des administrations de sécurité sociale mais l’accroissement des déficits sociaux

Les comptes de la sécurité sociale se sont améliorés de manière continue entre 2010 et 2018. Ces régimes constituent l’essentiel de la catégorie des administrations de sécurité sociale (ASSO).

Ainsi, les soldes du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), périmètre que retient la Cour des comptes ([19]) pour estimer le déficit de la sécurité sociale, se sont établis à 1,2 milliard d’euros en 2018 au lieu de 20,9 milliards d’euros en 2011, en baisse de presque 20 milliards d’euros.

Évolution des dÉficits sociaux de 2011 À 2018

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Maladie

– 8,6

– 5,9

– 6,8

– 6,5

– 5,8

– 4,8

– 4,9

– 0,7

Accident du travail et maladie professionnelle (AT-MP)

– 0,2

– 0,2

+ 0,6

+ 0,7

+ 0,7

+ 0,8

+ 1,1

0,7

Famille

– 2,6

– 2,5

– 3,2

– 2,7

– 1,5

– 1,0

– 0,2

0,5

Vieillesse

– 6,0

– 4,8

– 3,1

– 1,2

– 0,3

+ 0,9

+ 1,8

0,2

FSV**

– 3,4

– 4,1

– 2,9

– 3,5

– 3,9

– 3,6

– 2,9

– 1,8

Sous-total Régime général + FSV**

 20,9

 17,5

 15,4

 13,2

 10,8

 7,8

 5,1

– 1,2

Régimes obligatoires de base + FSV**

 22,6

 19,1

 16,0

 12,8

 10,3

 7,0

 4,8

– 1,5

* accident du travail et maladie professionnelle.

** FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Cour des comptes

La Cour des comptes relève que les déficits sociaux, qui prennent plus largement en compte tous les régimes obligatoires de base, se réduisent et que la sécurité sociale « se rapproche de l’équilibre », à – 1,5 milliard d’euros en 2018 après – 4,8 milliards d’euros en 2017. Il a ainsi connu une nouvelle réduction de 3,3 milliards d’euros, de plus grande ampleur que l’année précédente
(– 2,2 milliards d’euros).

Le déficit des comptes sociaux ne constitue pas le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui prend aussi en compte le fonds de réserve pour les retraites (FRR), la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et les régimes complémentaires. Les ASSO ont connu un excédent de 0,5 % du PIB en 2018. Elles devraient enregistrer un excédent de 0,5 % en 2019 et 0,9 % du PIB en 2020, sous l’effet d’un dynamisme des recettes en lien avec la progression de la masse salariale d’une part, et d’une maîtrise des dépenses, d’autre part.

Cette relative stabilité de l’excédent public des ASSO masque une forte aggravation du déficit de la sécurité sociale (régime général + FSV), dès 2019, comme l’illustre le tableau ci-dessous.

DÉcomposition du solde des administrations de sÉCURITÉ sociale

(en milliards d’euros)

Année

2018

2019 (PLF)

2019 (révisé)

2020

Total Administrations de sécurité sociale (ASSO)

13,8

20,2

11,7

17,0

Recettes

626,5

644,3

633,3

649,8

Dépenses

612,7

624,1

621,5

632,9

 

 

 

 

Régime général + Fonds de solidarité vieillesse

0,6

1,7

 5,3

 4,4

Recettes

416,8

442,3

438,2

448,8

Dépenses

416,3

440,6

443,5

452,6

 

 

 

 

 

Unédic

 1,5

0,7

 1,5

0,4

Recettes

37,9

39,1

39,0

40,0

Dépenses

39,4

38,5

40,6

39,6

 

 

 

 

 

Régimes complémentaires

1,7

3,8

3,0

3,6

Recettes

104,1

109,3

108,2

111,9

Dépenses

102,4

105,4

105,3

108,2

 

 

 

 

 

Cades

14,9

15,5

15,7

16,8

Recettes

18,2

18,5

18,7

19,2

Dépenses

3,3

3,0

2,9

2,3

 

 

 

 

 

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

 2,0

 1,9

 1,8

 1,8

Recettes

0,8

0,9

0,8

0,8

Dépenses

2,8

2,8

2.6

2,6

 

 

 

 

 

Organismes divers de sécurité sociale

0,1

0,5

0,6

1,0

Recettes

98,2

101,4

98,3

101,3

Dépenses

98,1

100,9

97,7

100,3

Source : Rapport économique, social et financier 2020.

En effet, certaines mesures nouvelles de baisse de prélèvements obligatoires supportées par les ASSO et décidées à la suite de la crise sociale fin 2018 – les exonérations sociale et fiscale pour les heures supplémentaires et la réduction du taux de CSG pour certains retraités – ne sont pas prises en charge par l’État, c’est-à-dire via une compensation qui aurait fait porter le poids de ces mesures par l’État.

L’excédent du solde des ASSO est préservé grâce à la hausse de l’excédent de plusieurs autres comptes, en premier lieu desquels celui de la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), qui augmente de 15,5 milliards d’euros en 2019 à 16,8 milliards en 2020.

II.   UN DÉFICIT D’ORIGINE STRUCTURELLE

Depuis 2018, l’économie française est en haut de cycle, ce qui se traduit par un écart de production nul (2018 et 2019) ou légèrement positif (2020) ayant un effet négligeable sur le solde public.

Ainsi, hormis les mesures exceptionnelles et temporaires, le déficit public de 2020 s’explique en intégralité par sa composante structurelle.

Selon le HCFP, l’ajustement structurel de la France est insuffisant et, faute de nouvelle trajectoire des finances publiques, pourrait conduire à la mise en œuvre de mesures correctives.

A.   DÉFICIT PUBLIC ET DÉFICIT STRUCTUREL SE CONFONDENT EN 2020

1.   Qu’est-ce que le déficit structurel ?

a.   Une composante du déficit public suivie au titre des engagements européens de la France

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le déficit conjoncturel est le déficit issu des effets de la conjoncture.

Autrement dit, le déficit comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.

C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([20]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an, et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB.

b.   Des modalités de calcul complexe

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une construction économétrique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([21]). Par suite, la croissance potentielle est définie comme le niveau de croissance du PIB potentiel au-delà duquel apparaissent des tensions inflationnistes.

Les hypothèses d’écart de production permettent d’estimer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon une méthodologie de calcul décrite précisément dans l’annexe 2 du rapport annexé à la LPFP pour les années 2018 à 2022.

Une approche plus simple, mais généralement vérifiée − appelée « règle du pouce » −, consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est légèrement supérieur à la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes de dépenses sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est négatif, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Toute surestimation de l’écart de production, découlant par exemple de la surestimation du niveau de croissance potentielle, conduit à sous-estimer le niveau du déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

Le solde structurel des administrations publiques

Le solde public effectif peut se décomposer en deux parties : une partie conjoncturelle, qui représente les effets du cycle économique sur les dépenses et les recettes publiques, et une partie structurelle, correspondant au niveau du solde effectif si la production de l’économie se situait à son niveau potentiel (c’est-à-dire le volume maximal de biens et de services que l’économie produit lorsqu’elle utilise toutes ses capacités).

Le solde structurel s’établit donc en corrigeant le solde public effectif des effets de la conjoncture économique, ainsi que des situations ou mesures exceptionnelles (mesures « one-off » selon la terminologie de la Commission européenne) ou temporaires, qui n’ont pas d’impact durable sur le solde. L’intérêt de cet outil d’analyse est d’identifier les mesures liées directement à une décision discrétionnaire de politique économique.

Toutes les dépenses sont supposées structurelles, c’est-à-dire indépendantes de la conjoncture économique, à l’exception des dépenses liées à l’indemnisation du chômage, qui sont intégrées au calcul du solde conjoncturel car leur évolution est cyclique.

Parmi les recettes, seules les recettes non fiscales, comme les dividendes, sont considérées comme structurelles. Tous les prélèvements obligatoires sont supposés varier en fonction de la conjoncture.

L’ajustement structurel désigne l’évolution du solde structurel d’un exercice à l’autre. Il convient d’aller plus loin en distinguant :

– l’effort structurel, qui désigne plus précisément les mesures discrétionnaires de politique économique en dépense, en rapportant le taux de croissance de la dépense publique en volume à la croissance potentielle de l’économie, et en recette, en estimant le montant des mesures nouvelles en matière de prélèvements obligatoires (y compris les crédits d’impôt) ;

– les variations des élasticités des recettes par rapport à leur élasticité moyenne (dite élasticité conventionnelle), qui, elle, est intégrée au calcul du solde conjoncturel. Cet effet statistique est intégré au calcul du solde structurel alors qu’il n’a pas de lien direct avec la volonté des décideurs publics ;

– les contributions des recettes au solde structurel, hors prélèvements obligatoires, supposées non discrétionnaires.

Source : Annexe méthodologique au programme de stabilité 2019-2022.

Source : Annexe méthodologique au programme de stabilité 2019-2022.

c.   Les hypothèses de calcul du déficit structurel

Les hypothèses initiales de calcul du déficit structurel ont été fixées dans la LPFP pour les années 2018 à 2022.

HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 1,1

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces hypothèses ont été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis portant sur le projet de LPFP pour les années 2018 à 2022 ([22]). Le Gouvernement n’a pas modifié ses hypothèses de croissance potentielle dans le cadre du présent PLF.

Toutefois, les hypothèses d’écart de production doivent être actualisées chaque année en fonction de la croissance effective constatée.

HypothÈses actualisÉes d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

Croissance en volume du PIB

1,1

2,2

1,7

1,4

1,3

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 0,6

– 0,1

0

0,1

Source : Rapport économique, social et financier pour 2020.

2.   L’évolution de l’écart de production depuis 2018

Le déficit public en 2020 serait intégralement d’origine structurelle
(– 2,2 % du PIB potentiel). Le léger excédent conjoncturel prévu, à 0,1 % du PIB, est compensé par un poids des mesures exceptionnelles et temporaires de – 0,1 % du PIB.

L’écart de production serait légèrement positif en 2020, à hauteur de 0,1 point de PIB. Cela signifie que le PIB effectif serait légèrement supérieur au PIB potentiel de l’économie française, et que les facteurs de production seraient « en tension ». Il en est déduit un solde conjoncturel positif de 0,1 point de PIB (soit environ la moitié, arrondie, de l’écart de production en application de la « règle du pouce » précitée).

Cette situation d’écart de production faible ou nul s’observe depuis 2018 : l’économie française est en haut de cycle et les effets de la crise ont cessé de peser sur le déficit public.

B.   Le haut conseil des finances publiques signale un risque de dÉclenchement de mesures correctives

Le Gouvernement avait proposé, dans la LPFP 2018-2022, une trajectoire des finances publiques conduisant à quasiment diviser par trois le solde structurel entre 2017 et 2022.

Le solde structurel devait donc s’améliorer de plus d’un point de PIB pendant le quinquennat, alors même qu’une réduction significative des prélèvements obligatoires aurait été consentie. Cela supposait un effort structurel conséquent en dépense.

Toutefois, l’ajustement structurel prévu a été diminué en 2018 et 2019, puis annulé en 2019 et 2020, au bénéfice d’une politique budgétaire plus soutenue, dans la perspective de sortir la France de la crise sociale qu’elle traverse depuis l’automne 2018.

Dans son avis sur le projet de loi de finances 2020 ([23]), le Haut Conseil des finances publiques concentre ses critiques sur l’évolution du solde structurel prévu par le présent PLF, qu’il compare à la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.

En 2020, le déficit structurel serait de 2,2 points de PIB, contre 1,6 point dans la LPFP (– 0,5 point avec les effets d’arrondis). Le Haut Conseil relève en conséquence que le Gouvernement présente un article liminaire du projet de loi de finances qui « s’écarte fortement » de la trajectoire de la loi de programmation en vigueur : « un tel choix pose un problème de cohérence entre le PLF 2020 et la LPFP et affaiblit la portée de l’exercice de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques ».

Ajustement structurel et effort structurel
prÉSENTÉs par le Gouvernement

(en points de PIB potentiel)

 

PLF pour 2020
(sept. 2019)

LPFP
(janvier 2018)

2018

2019

2020

Cumul

2018-20

2018

2019

2020

Cumul

2018-20

Ajustement structurel

0,1

0,1

0,0

0,2

0,1

0,3

0,3

0,7

Effort structurel

0,1

0,1

0,1

0,3

0,2

0,3

0,4

0,9

dont effort en dépense
(hors crédits d'impôt)

0,3

0,3*

0,4*

1,0

0,4

0,4

0,5

1,3

dont mesures nouvelles en recettes

– 0,2

– 0,3*

– 0,6*

– 1,1

– 0,3

– 0,1

– 0,5

– 0,9

dont clé en crédits d’impôt

0,0

0,1

0,3

0,4

0,0

0,0

0,4

0,4

Composante non discrétionnaire

0,0

0,0

 0,1

 0,1

 0,1

0,0

 0,1

 0,2

* Hors France Compétences

Note : les chiffres étant arrondis, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.

Source : Haut Conseil des finances publiques.

Plus précisément, l’effort structurel, qui représente la partie de l’ajustement structurel directement liée aux décisions gouvernementales en matière de réduction des dépenses publiques et de mesures nouvelles de prélèvements obligatoires, s’élèverait à 0,3 point de PIB en cumul sur la période 2018-2020, contre 0,9 point dans la LPFP.

L’écart cumulé de 0,6 point représente précisément l’effet de la modification de la politique budgétaire du Gouvernement pour répondre à la crise sociale née fin 2018. Selon le HCFP, ces 0,6 point se décomposent, avec des effets d’arrondis, en un moindre effort en dépense de – 0,3 point de PIB, malgré la baisse des charges d’intérêts, et à une réduction supplémentaire des prélèvements à hauteur de 0,2 point de PIB.

Un tel différentiel de trajectoire cumulé exposerait le Gouvernement à l’obligation de mettre en œuvre des mesures correctives dès 2020, auxquelles il échapperait de peu au titre de l’année 2019.

En effet, selon les données du présent PLF, la réduction du déficit structurel en 2019 n’est que de 0,1 point de PIB. Par rapport à la trajectoire de la LPFP, l’écart de solde structurel prévu s’élèverait respectivement à – 0,1 point en 2018 et – 0,3 point en 2019. L’écart moyen sur deux années serait donc de 0,2 point par an en moyenne, ce qui conduit le Haut Conseil à signaler qu’un tel écart est « très proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction » de 0,25 point prévu à l’article 23 de la loi organique de 2012.

Le mécanisme de correction de la loi organique

L’article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis rendu préalablement au dépôt du projet de loi de règlement.

Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter, à l’occasion du DOFP, des mesures de correction. Ces mesures doivent intervenir dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année. Un retour à la trajectoire de solde structurel doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à la suite de l’année pendant laquelle l’écart important a été constaté.

Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées par le TSCG.

En revanche, le cumul des écarts de trajectoire de solde structurel de 2019 (– 0,3 point) et de 2020 (– 0,6 point) conduirait nécessairement, faute de trajectoire mise à jour, au déclenchement de ce mécanisme en 2020.

III.   LE DÉFICIT de l’État EN COMPTABILITÉ NATIONALE

Le déficit budgétaire de l’État est prévu pour 2020 à 93,1 milliards d’euros par l’article 37 du présent projet de loi de finances. Le déficit de l’État, en comptabilité nationale, est toutefois plus important de 6,6 milliards d’euros, puisqu’il est évalué à 99,7 milliards d’euros par le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Cela s’explique principalement par la reprise de la dette de SNCF Réseau par l’État à hauteur de 25 milliards d’euros, qui dégrade uniquement le solde en comptabilité nationale.

La distinction entre comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

Traditionnellement, l’examen du projet de loi de finances avait pour but de débattre uniquement du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire d’une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui de la comptabilité la plus observée et la plus commentée car elle permet de mesurer le déficit budgétaire et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

Depuis 2013, l’examen du projet de loi de finances permet, grâce à l’examen de son article liminaire et grâce au RESF, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

Les résultats de la comptabilité nationale sont désormais au cœur du débat public : c’est à partir d’eux qu’il est possible de savoir si la France respecte ou non les règles européennes relatives à son déficit public (qui doit être inférieur à 3 %) ou à son solde structurel (qui doit être inférieur à 0,5 %). Plusieurs retraitements
– exposés dans le RESF annexé au présent projet de loi de finances – sont nécessaires pour passer du solde budgétaire au solde en comptabilité nationale.

ClÉs de passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire
au solde en comptabilitÉ nationale

(en milliards d’euros)

Les retraitements qui dégradent le solde en comptabilité nationale

Les retraitements qui améliorent le solde en comptabilité nationale

Différence

Reprise de la dette de SNCF Réseau

 

– 25

Versement de dividendes sous forme de titres

+ 0,8

 

Intérêts d’emprunt résultant de primes d’émission

+ 9,4

Créances restantes de CICE

+ 6,6

Remboursement à EDF

+ 0,9

Autres

+ 0,7

Total

– 25

 

+ 18,4

– 6,6

Source : Rapport économique, social et financier 2020.

*

*     *

 

 


—  1  —

   FICHE N° 3 :
LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Résumé de la fiche

Les prélèvements obligatoires (PO) sont en tendance longue orientés à la hausse depuis 1974. Après avoir atteint un record historique en 2017 à 45,2 % du produit intérieur brut (PIB), le taux de PO s’est élevé à 45,0 % du PIB en 2018 et devrait atteindre 43,8 % en 2019.

Le taux de PO remonterait à 44,0 % du PIB en 2020, du fait du contrecoup de la suppression du CICE et de sa bascule en allégements de cotisations sociales. En dehors de cet effet, les prélèvements obligatoires baisseraient de près de 10 milliards d’euros entre 2019 et 2020 (de 44,7 % à 44,3 %).

Ces taux sont présentés compte non tenu de la mesure de périmètre que constitue le traitement de France compétences comme un organisme divers d’administration centrale par l’INSEE, ce qui entraîne une hausse identique sur les niveaux des dépenses et des prélèvements obligatoires, de 4,6 milliards d’euros en 2019 et de 1,5 milliard en 2020. Cet élément explique que le taux de PO soit, en comptabilité nationale, supérieur aux données présentées ci-avant (44 % en 2019 et 44,3 % en 2020). Étant donné que cette mesure de périmètre ne reflète pas l’évolution discrétionnaire des prélèvements obligatoires en 2019 et 2020, il est plus pertinent de raisonner net de cet effet.

La mise en œuvre d’un important programme de baisse d’impôts en 2018 (suppression par étapes de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, instauration d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune par un impôt sur la fortune immobilière) s’est poursuivie en 2019, dans un contexte marqué par l’urgence économique et sociale.

Ont ainsi été adoptées des mesures d’exonérations fiscale et sociale des heures supplémentaires et la baisse de la CSG pour les retraités aux revenus modestes, tandis que plusieurs hausses de fiscalité énergétique ont été annulées.

Par ailleurs, l’année 2019 est marquée par une baisse d’impôt importante et ponctuelle, liée au remplacement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par un allégement pérenne de cotisations sociales.

Selon les calculs du Rapporteur général, la baisse des PO concernant les ménages atteint 20,7 milliards d’euros sur la période 2018-2020, conformément aux estimations du Gouvernement. Environ la moitié de cet effort entre en vigueur en 2020. S’agissant des entreprises, la baisse des PO est d’environ 6,4 milliards d’euros sur la période 2018-2020, dont une baisse effective d’1,5 milliard d’euros en 2020.

En 2020, dans la foulée des conclusions du Grand débat national en avril 2019, le présent PLF réduit l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros et prévoit la dernière étape de la suppression définitive de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. L’aménagement de la trajectoire de réduction de l’impôt sur les sociétés d’ici 2022 conduit également à une baisse d’IS pour toutes les entreprises imposables en 2020.

Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts et cotisations sociales recouvrées par les administrations publiques et les institutions européennes.

En comptabilité nationale, le taux de PO est calculé net des crédits d’impôt, afin de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques.

I.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES JUSQU’EN 2019

A.   L’ÉVOLUTION DE LONG COURS

Les prélèvements obligatoires (PO) sont, en tendance longue, orientés à la hausse. Ils ont fortement augmenté entre 1974 et 1982, essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 4 points de produit intérieur brut (PIB) sur cette période, passant de 13,1 à 17,1 % du PIB. Le taux de PO de 40 % du PIB a été franchi en 1982.

Ce taux a ensuite progressé par pallier, selon trois périodes que l’on peut ainsi définir :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les PO ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 et 42,1 % du PIB, avec une moyenne de 41,3 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41,2 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,7 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,6 % du PIB.

Les prélèvements obligatoires depuis 1974

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

33,7

35,1

37,1

37,1

37,2

38,9

39,6

39,8

40,3

41,1

41,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

41,9

41,3

42,1

41,2

40,9

40,9

41,2

40,7

41,3

41,9

42,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

43,2

43,4

43,3

44,0

43,2

42,9

42,2

42,0

42,2

42,6

43,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

42,3

42,1

41,2

41,5

42,7

43,9

44,9

44,8

44,5

44,6

45,2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Solde

45,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, base 2014.

La progression des PO dans la richesse nationale est donc une tendance lourde. Le point le plus haut a été atteint en 2017 avec 45,2 % du PIB.

Les oscillations à la baisse et à la hausse ne sont pas corrélées à la couleur de la majorité politique. La hausse a été sensiblement de même ampleur durant la période 2007-2012 (+ 1,6 point) et durant la période 2012-2017 (+ 1,3 point).

PrÉlÈvements obligatoires

Année

En milliards deuros

En % du PIB

2002

669,5

42,2

 

2007

820,8

42,3

 

2012

916,3

43,9

2013

950,5

44,9

2014

962,2

44,8

2015

978,4

44,5

2016

995,3

44,6

2017

1 036,9

45,2

2018

1 058,1

45,0

Source : INSEE, base 2014.

B.   LA STRUCTURE

Le tableau qui suit donne une répartition des PO telle que l’exécution pour 2018 la révèle pour chacun des secteurs d’administration publique.

DÉcomposition des prÉlÈvements obligatoires en 2018

(en milliards d’euros)

Fiscalité globale

Fiscalité par sous-secteur dadministration

Principaux impôts

Montant 2018

 

689,6

État +

organismes divers d’administration centrale (ODAC) + Union européenne

 

339,2

TVA (part État)

156,5

Impôt sur le revenu (IR)

73,1

Impôt sur les sociétés (IS)

28,2

TICPE (part État)

18,6

Impôts transférés aux ODAC

11,8

Impôts transférés à l’UE

4,6

Droits de succession et de donation

15,9

Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité

7,7

Autres

22,8

Administrations publiques locales (APUL)

 

150,9

Taxe foncière (bâti et non bâti)

35,2

CVAE-CFE-IFER

22,4

Taxe d’habitation

16,9

TICPE (part APUL)

12,1

Taxe départementale sur les mutations à titre onéreux

11,4

Versement transport

8,9

TVA (part Régions)

4,2

Autres

39,8

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

 

199,5

CSG-CRDS

125,3

Taxe sur les salaires

13,2

Droits de consommation sur les tabacs

12,3

TVA (part ASSO)

10,2

Prélèvement de solidarités

2,8

Forfait social

5,7

Contribution sociale de solidarité des sociétés

3,8

Autres

26,2

 

Cotisations sociales

368,6

 

 

Total des prélèvements obligatoires

1 058,1

Source : commission des finances. Les données des deux premières colonnes sont issues de la comptabilité nationale de l’INSEE, tandis que les données de la dernière colonne proviennent de données issues de la comptabilité budgétaire de différentes annexes au PLF 2020.

Le tableau précédent cumule des sources chiffrées issues de comptabilités nationale (INSEE) et budgétaire (annexes au présent PLF). Les données fournies par le Gouvernement dans ces annexes sont, en effet, lacunaires et nuisent à la bonne information du Parlement. Les lignes relatives aux « autres PO » comprennent des impositions ayant pourtant une réelle incidence budgétaire.

Dans l’ensemble des prélèvements obligatoires, les cotisations sociales représentent une proportion de 34,8 % et les impôts une proportion de 65,1 %. Le rendement des impôts est concentré sur sept d’entre eux : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), l’impôt sur le revenu (IR), les taxes foncières, l’impôt sur les sociétés (IS) et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; ils représentent à eux seuls 451,3 milliards d’euros, soit deux tiers de la fiscalité globale en 2018.

II.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2019

En 2019, le taux de PO devrait poursuivre la baisse constatée en 2018 et s’établir, en comptabilité nationale, à 44 % du PIB, hors France compétences, soit 1 064 millions d’euros, après 45 % en 2018. Une fois retraité l’impact de la création de France compétences (0,2 point de PIB), le taux de PO en 2019 s’élèverait à 43,8 % du PIB, soit 1 059,4 milliards d’euros.

Mesure de périmètre – France compétences

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a rénové en profondeur la gouvernance du système français de formation professionnelle continue et d’apprentissage. Elle a créé un nouvel établissement public dénommé « France Compétences » qui assurera désormais la répartition et le versement d’une partie des fonds de la formation professionnelle

En comptabilité nationale, France Compétences devrait être considéré par l’INSEE comme un organisme divers d’administration centrale (ODAC). Il s’ensuit que les recettes transitant par cet organisme devraient être requalifiées en prélèvements obligatoires.

Évolution des recettes publiques sur la pÉriode 2015 à 2019

(en milliards d’euros)

(en % du PIB)

Agrégat

2015

2016

2017

2018

2019 *

 

PIB

2 198,4

+ 1,1 %
en volume

2 234,1

+ 1,1 %
en volume

2 295,1

+ 2,3 %
en volume

2 353,1

+ 1,7 %
en volume

2 417

+ 1,4 %
en volume

 

Recettes publiques

1 169,0

(53,2 %)

1 185,2

(53,0 %)

1 230,4

(53,6 %)

1 259,1

(53,5 %)

1 264,5

(52,3 %)

dont prélèvements obligatoires

978,4

(44,5 %)

995,3

(44,6 %)

1 036,9

(45,2 %)

1 058,1

(45,0 %)

1 059,4

(43,8 %)

dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

26,7

(1,2 %)

25,9

(1,2 %)

28,9

(1,3 %)

36,2

(1,5 %)

36

(1,5 %)

dont autres recettes

167,0

(7,6 %)

167,6

(7,3 %)

168,6

(7,2 %)

169,4

(7,0 %)

169,1

(7,0 %)

* Hors France compétences

Source : commission des finances.

A.   UNE BAISSE DE PLUS D’UN POINT DE PIB EN UN AN

La baisse du taux de PO par rapport à 2018 serait ainsi de plus d’un point de PIB, après une baisse de 0,3 point de PIB entre 2017 et 2018. Toutefois, cette baisse s’explique par le cumul, pendant cet exercice, du bénéfice du CICE et de l’allégement de charges sociales destiné se substituer à ce crédit d’impôt. En dehors de cette mesure, la réduction du taux de PO entre 2018 et 2019 reste effective, mais de moindre ampleur (de 45,0 % à 44,7 % du PIB).

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017 avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations sociales. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC.

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continuent de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.

Selon le Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2020, en 2019, le montant des mesures nouvelles serait de – 29,3 milliards d’euros à champ constant, et de – 5,3 milliards d’euros en excluant l’effet de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales.

En dehors de la bascule CICE-cotisations sociales, cette baisse s’explique principalement par les effets de la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économique et sociale : l’exonération de cotisations sociales salariales (– 2,0 milliards d’euros) et la défiscalisation (– 1,0 milliard d’euros) des heures supplémentaires, ainsi que l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités modestes (– 1,6 milliard d’euros). Deux autres mesures suivent leur cours : la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation (– 3,6 milliards d’euros) et de la baisse du taux normal d’IS (– 0,7 milliard d’euros).

En sens inverse, plusieurs hausses sont notables : la hausse de la fiscalité du tabac (+ 0,4 milliard d’euros), l’augmentation des taux Agirc-Arrco pour les personnes et pour les entreprises (+ 1,8 milliard d’euros), la création de la taxe « GAFA » sur les services numériques (+ 0,4 milliard d’euros) et le surcroît de recettes lié au prélèvement forfaitaire unique (+ 0,3 milliard d’euros).

B.   L’ÉVOLUTION SPONTANÉE SANS EFFET SUR LE TAUX DE prélèvements obligatoires

Le Gouvernement a retenu, en 2019, une hypothèse prudente d’élasticité des PO à la croissance égale à l’unité. Autrement dit, l’évolution spontanée des PO devrait être proportionnelle à celle du PIB en valeur, si bien qu’elle n’aurait pas d’effet sur le taux de PO.

Pour mémoire, en 2018, la prévision gouvernementale portait sur une élasticité à la croissance des PO de 1,1. L’évolution spontanée des PO a progressé plus vite (+ 2,8 %) que le PIB en valeur (+ 2,5 %), ce qui a comme effet mécanique d’augmenter leur poids dans le PIB d’environ 0,1 point.

La notion délasticité

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de
– 0,5, l’évolution spontanée est négative dans la même proportion, bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %. Enfin, le rendement d’un prélèvement obligatoire dont l’élasticité est supérieure à l’unité croîtra plus que proportionnellement au PIB.

III.   Les PRÉLÈVEMENTS obligatoires en 2020

Les prélèvements obligatoires devraient atteindre 1 098 milliards d’euros en 2020, soit 44,3 % du PIB. Hors France compétences, les prélèvements obligatoires s’élèveraient à 1 091,9 milliards d’euros, à 44 % du PIB, en hausse de 0,2 point de PIB par rapport à 2019. Il s’agit du contrecoup de la bascule du CICE en allégements de cotisations sociales : en trésorerie, la suppression effective du CICE se traduit par un surcroît de recettes par rapport à 2019.

Si on isole l’effet de la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales, le taux de PO passerait de 44,7 % du PIB en 2019 à 44,3 % en 2020, ce qui illustre le caractère effectif des baisses de prélèvements obligatoires pesant sur les ménages et sur les entreprises.

Évolution PRÉVISIONNELLE des recettes publiques sur la pÉriode 2019 à 2022

(en milliards d’euros)

(en % du PIB)

Agrégat

2019 *

2020 *

2021

2022

 

PIB

2 417

+ 1,4 %
en volume

2 479

+ 1,3 %
en volume

2 546

+ 1,3 %
en volume

2 620

+ 1,4 %
en volume

 

Recettes publiques

1 264,5

(52,3 %)

1 288,9

(52,0 %)

1 325

(52,0 %)

1 357

(51,8 %)

dont prélèvements obligatoires

1 059,4

(43,8 %)

1 091,9

(44 %)

1 125

(44,2 %)

1 156

(44,1 %)

dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

36

(1,5 %)

26

(1,1 %)

24

(1,0 %)

22

(0,8 %)

dont autres recettes

169,1

(7,0 %)

171

(6,9 %)

180

(6,9 %)

185

(6,9 %)

* Hors France compétence

Note : Net de l’effet de la bascule du CICE en allégements de charge, qui réduit le taux de PO en 2019 et l’augmente en 2020, les taux de PO seraient respectivement de 44,7 % en 2019 et 44,3 % en 2020.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du Rapporteur général.

A.   UNE BAISSE DE 0,3 POINT DE PIB AU TITRE DES MESURES NOUVELLES

Le présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale présentent cinq mesures ayant des effets importants sur le taux de PO, auxquelles il faut ajouter des mesures antérieures ayant des effets en 2020.

Hors contrecoup du CICE, les mesures nouvelles en 2020 (comprises dans le PLF 2020 ou applicables en 2020 au titre de textes financiers antérieurs) devraient entraîner une baisse des prélèvements obligatoires de 10,2 milliards d’euros, dont 9,3 milliards d’euros pour les ménages et 0,9 milliard pour les entreprises. Un chiffrage détaillé est proposé dans le IV ci-après.

Les principales mesures nouvelles de baisse sont celles favorables aux ménages : achèvement de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages (– 3,7 milliards d’euros), baisse de l’impôt sur le revenu (– 5 milliards d’euros) et mise en œuvre, en année pleine, des exonérations et défiscalisation des heures supplémentaires (– 0,8 milliard d’euros). Les entreprises bénéficient de la poursuite de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés (– 2,5 milliards d’euros).

En 2020, auraient également lieu les hausses suivantes de PO : hausse de la fiscalité du tabac (+ 0,5 milliard d’euros), réforme de la taxation des plus-values à long terme (+ 0,3 milliard d’euros), suppression progressive du taux réduit de TICPE sur le gazole non routier (+ 0,2 milliard d’euros), exclusion des ménages les plus aisés du bénéfice du CITE (+ 0,1 milliard d’euros) et plafonnement des bénéfices de la déduction forfaitaire spécifique (+ 0,4 milliard d’euros).

Principales mesures législatives sur les prÉlÈvements obligatoires
en 2020*

(en milliards d’euros)

 

Rendement en 2020

Mesures de baisse

– 12

Réforme du barème de l’impôt sur le revenu

– 5

Dernière étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages

– 3,7

Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés

– 2,5

Exonération fiscale et sociale sur les heures supplémentaires

– 0,8

Mesures de hausse

+ 1,5

Suppression du taux réduit de TICPE sur le gazole non routier

+ 0,2

Fiscalité du tabac

+ 0,5

Réforme de la taxation des plus-values à long terme

+ 0,3

Recentrage du CITE sur les ménages les moins aisés

+ 0,1

Limitation de la dotation forfaitaire spécifique

+ 0,4

* Hors effet de la bascule du CICE en allégements de cotisations sociales, qui induit une baisse des PO de 10,3 milliards d’euros en 2020.

Source : Exposé des motifs du présent projet de loi.

B.   UNE ÉVOLUTION SPONTANÉE NEUTRE SUR LE TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Le Gouvernement retient en 2020, comme en 2019, une hypothèse prudente d’élasticité des PO à la croissance égale à 1.

Le Haut Conseil des finances publiques estime cette hypothèse « raisonnable ».

IV.   L’Évolution des prÉlÈvements obligatoires depuis le dÉbut de la lÉgislature

Depuis le rapport sur le projet de loi de finances budget pour 2019 (tome I) ([24]), le Rapporteur général procède à un calcul de l’évolution des PO depuis le début de la législature.

Dans l’exposé des motifs du présent projet de loi de finances, le Gouvernement indique que « le budget 2020 amplifie et accélère la baisse des impôts mise en œuvre depuis 2017 pour favoriser le pouvoir dachat, la croissance et lemploi : (…) cela représente une diminution de 30 milliards deuros depuis 2017 et contribuera à latteinte dune baisse du taux de prélèvements obligatoires de plus dun point (- 1,3 point) sur le quinquennat ».

Selon les données retraitées du Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2020, la baisse cumulée des impôts depuis le début de l’année 2018 s’élève à 30 milliards d’euros, hors bascule CICE et hors mesure de périmètre de France compétences. Selon les calculs du Rapporteur général, qui propose un périmètre légèrement différent mais plus proche de la charge réelle supportée par les contribuables, la baisse effective d’impôts depuis 2017 s’élève à environ 27,1 milliards d’euros.

Sur l’ensemble du quinquennat, l’objectif du Gouvernement est d’atteindre une baisse de PO de 27 milliards d’euros pour les ménages et une baisse de 13 milliards d’euros pour les entreprises, soit une baisse totale de 40 milliards d’euros. Selon l’exposé des motifs du présent PLF, l’année 2020 marquerait l’atteinte aux trois quarts de cet objectif, grâce à une baisse cumulée de 30 milliards d’euros.

Ce constat doit être examiné dans le détail. La lecture de l’évolution des PO en 2020 par rapport aux deux années précédentes est en effet malaisée à cause de plusieurs mesures temporaires et des « effets retours ». En outre, certaines mesures de baisse des prélèvements obligatoires méritent d’être retraitées.

Les effets de périmètre observables entre 2018 et 2020 sont les suivants :

– la bascule de cotisations sociales sur la CSG entraîne bien, au sens de la comptabilité nationale, une baisse des PO en 2019 mais cela s’explique par le fait qu’une fraction de la baisse des cotisations salariales avait été décalée du 1er janvier au 1er octobre 2018. Autrement dit, la baisse de 2019 observée à ce titre s’explique par le contrecoup de la hausse de 2018. Au global, la mesure est neutre ;

– l’effet de la création du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS), est budgétairement neutre entre sa mise en place (2018) et sa suppression (2020) ;

– la suppression de la surtaxe temporaire d’IS pour compenser l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes n’est pas, rigoureusement, une baisse des PO pesant sur les entreprises. En effet, la baisse décomptée à ce titre pour 2018 et 2019 – 4,9 milliards d’euros – n’est que le contrecoup de la création de cette surtaxe en 2017 ;

– dans le sens contraire, il convient de prendre en compte dans les baisses de PO la suppression de la taxe à 3 % sur les dividendes (– 1,7 milliard d’euros), annulée par le Conseil constitutionnel. Si cet allégement ne résulte pas de la volonté du Gouvernement, elle se traduit bien, sur la période, par une moindre charge fiscale pour les entreprises ;

– enfin, comme évoqué dans le rapport d’application de la loi fiscale présenté à l’été par le Rapporteur général ([25]), la loi de finances initiale pour 2019 a supprimé un certain nombre de taxes à faible rendement, pour un coût évalué à 311 millions d’euros. C’est donc 0,3 milliard qu’il convient de décompter du niveau des prélèvements obligatoires en 2019.

La somme de ces effets permet de retrouver le périmètre défini par le Gouvernement, soit 30 milliards d’euros de baisse de fiscalité depuis le début du quinquennat : 27,1 milliards de baisse de PO constatés par le Rapporteur général, auxquels il faut retrancher 1,7 milliard d’euros d’annulation de la taxe sur les dividendes et 0,3 milliard de baisse des taxes à faible rendement, deux montants non pris en compte par le Gouvernement, et ajouter 4,9 milliards de surtaxe à l’IS, non pris en compte par le Rapporteur général.

Le tableau ci-dessous présente le détail de l’évolution des PO permettant de parvenir au montant de 27,1 milliards d’euros, net des hausses de prélèvements également présentées.

Évolution des prÉlÈvements obligatoires depuis le dÉbut de la lÉgislature

(en milliards deuros)

Mesures

Rendement

2018

2019

2020

 

 

I  Fiscalité des ménages

 

Mesures de baisses « Ménages »

Remplacement de l’ISF par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)

– 3,2

Suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages

– 2,9

– 3,6

– 3,7

Mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique

– 1,4

– 0,3

– 0,1

Élargissement du crédit d’impôt pour l’emploi de personnes à domicile

– 1,0

Exonération de cotisations sur les heures supplémentaires

– 3

– 0,8

Baisse de CSG sur les retraités à revenus modestes

– 1,6

– 0,1

Aménagement et prorogation du CITE

– 0,3

Suppression de cotisations étudiantes

– 0,2

Baisse du barème de l’IR

– 5,0

 

Mesures de hausse « Ménages »

Hausse de la fiscalité du tabac, net des effets de comportement

+ 0,9

+ 0,4

+ 0,4

Augmentation du taux d’appel des cotisations AGIRC-ARRCO, part salariale

+ 1,1

+ 0,1

Hausse de la fiscalité énergétique

+ 2,4

+ 0

Aménagement et prorogation du CITE

+ 0,8

Alignement progressif du taux de cotisations des fonctionnaires sur le privé

+ 0,2

+ 0,2

 

 

 

 

Total

– 5,5

– 6

– 9,2

 

20,7

 

 

II  Fiscalité des entreprises

 

Mesures de baisse « Entreprises »

Baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés

–1,2

– 0,7

– 2,5

Suppression de la taxe à 3 % sur les dividendes

– 1,7

Montée en charge du CICE (taux de 6 % à 7 %)

– 3,3

– 0,4

Suppression de petites taxes

– 0,3

Suppression de la 4e tranche de la taxe sur les salaires

– 0,1

Mesures en faveur des micro-entreprises

– 0,2

Réforme du régime de l’intégration fiscale

– 0,1

 

Mesures de hausse « Entreprises »

Réforme de la taxation des plus-values brutes à long terme

+ 0,4

+ 0,3

Taxe sur les services du numérique

+ 0,3

+ 0,1

Hausse de la fiscalité énergétique

+ 1,2

+ 0,1

Suppression du taux réduit de TICPE pour le gazole non routier

+ 0,2

Verdissement du barème de la taxe sur les véhicules de société

+ 0,1

Augmentation du taux d’appel des cotisations AGIRC-ARRCO, part patronale

+ 0,7

Changement de la méthode de calcul de la CVAE pour les groupes fiscalement intégrés

+ 0,3

Limitation de la dotation forfaitaire spécifique

+ 0,4

 

 

 

 

 

– 4,7

– 0,2

– 1,5

 

6,4

Source : commission des finances

Selon cette présentation, la baisse des PO concernant les ménages atteint 20,7 milliards d’euros sur la période 2018-2020, conformément aux estimations du Gouvernement. Environ la moitié de cet effort entre en vigueur en 2020.

S’agissant des entreprises, le Rapporteur général calcule que la baisse des PO est d’environ 6,4 milliards d’euros sur la période 2018-2020, dont une baisse effective d’1,5 milliard d’euros en 2020, soit davantage que ce que le Gouvernement annonce (1 milliard d’euros). La différence tient au retraitement du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS), supprimé en 2019 pour être transformé en allégement de cotisations sociales au même titre que le CICE, pour un résultat neutre budgétairement entre 2018 et 2020.

 

*

*     *

 

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 4 :
LA DÉPENSE PUBLIQUE

Résumé de la fiche

Le présent projet de loi de finances confirme la tendance de modération de la dépense publique.

La dépense publique hors crédits d’impôts et après neutralisation de l’effet de périmètre lié à la création de France Compétences progresserait de 0,7 % en volume en 2019 et de 0,7 % en 2020, après la baisse historique de 0,3 % en 2018. En moyenne, entre 2018 et 2022, le taux de croissance de la dépense publique en volume (retraité de l’effet de périmètre précité) serait de 0,4 %, en ligne avec les projections de la loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le ratio de dépense publique poursuivrait sa baisse entre 2019 et 2022. Il s’établirait à 53,8 % du PIB en 2019 et à 53,4 % du PIB en 2020, hors crédits d’impôts et hors intégration de France Compétences. Il est désormais prévu qu’il diminue de 2,7 points de PIB entre 2017 et 2022. Cette diminution correspond à une dépense « évitée » de l’ordre de 70 milliards deuros par rapport à une situation où le ratio aurait été stabilisé à son niveau de 2017.

La réduction du ratio de dépense publique entre 2017 et 2022 serait toutefois moindre que prévue par la loi de programmation des finances publiques (– 3,4 points), essentiellement pour deux raisons :

– la révision à la baisse des prévisions de croissance sur la période 2018‑2022 depuis la loi de programmation a eu un effet dénominateur haussier sur le ratio ;

– les mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages adoptées en décembre 2018 et à la suite du Grand débat national ont un effet numérateur.

L’ensemble du champ des administrations publiques reste soumis à l’objectif de maîtrise de la dépense publique, mais il est appliqué de façon différenciée selon ses sous‑secteurs :

– les administrations publiques centrales – regroupant l’État et les organismes divers d’administration centrale (ODAC) – présentent le taux le plus faible d’évolution de la dépense en volume (– 0,9 % en 2019 et + 0,5 % en 2020) ;

– les administrations publiques locales verraient leurs dépenses progresser sensiblement en volume en 2019 (+ 2,3 %) puis ralentir en 2020 (+ 0,5 %), en raison du calendrier électoral municipal ;

– les dépenses des administrations de sécurité sociale croîtraient de 1,2 % en volume en 2019, puis de 0,8 % en 2020.

I.   LA POURSUITE DE LA MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE SELON L’ENSEMBLE DES INDICATEURS USUELS

Il existe plusieurs indicateurs permettant d’appréhender l’évolution de la dépense de l’ensemble des administrations publiques. Les montants des masses financières en jeu et leur dépendance vis-à-vis de facteurs exogènes puissants imposent d’utiliser une pluralité de grilles de présentation de la dynamique de la dépense.

Les prévisions du présent projet de loi de finances sur les différents indicateurs de la dépense publique confortent le constat d’une évolution maîtrisée.

A.   UNE ÉVOLUTION EN VOLUME CONTENUE, EN LIGNE AVEC LES HYPOTHÈSES DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Le taux de croissance en volume de la dépense publique est égal au taux de croissance de la dépense en euros courants, auquel on soustrait un indicateur d’évolution des prix. Plusieurs choix sont possibles pour ce dernier indicateur. Le Gouvernement fait par convention le choix de retenir l’indice des prix à la consommation, notamment parce qu’une fraction importante de la dépense publique est indexée sur cet indicateur.

Lors du débat d’orientation des finances publiques de juillet 2017, le Gouvernement a indiqué valoriser cet indicateur pour le suivi des économies réalisées, car il s’agit selon lui « d’une méthode à la fois simple et robuste » ([26]).

Les méthodes de calcul de l’évolution en volume des dépenses publiques

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2018, la Cour des comptes a présenté deux méthodes de calcul de l’évolution en volume des dépenses publiques, en retenant pour déflateur :

– soit lindice des prix à la consommation (IPC), hors tabac ;

– soit le prix du PIB.

Le prix du PIB s’écarte de l’indice des prix à la consommation, en fonction notamment, de l’évolution des prix des importations, des exportations et de la formation brute de capital fixe. Ainsi, l’IPC évalue l’évolution des prix des biens consommés dans l’économie, tandis que le prix du PIB évalue l’évolution des prix des biens produits dans l’économie domestique. Le prix des biens importés (produits pétroliers par exemple) est directement intégré dans l’IPC et indirectement dans le prix du PIB.

La première méthode est celle retenue usuellement par le Gouvernement. Néanmoins, le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 19 septembre 2018 (1), a souligné que la seconde méthode est conforme à la présentation retenue pour la mesure de l’effort structurel. Ces deux méthodes peuvent donner lieu à des résultats divergents. Ainsi, l’IPC hors tabac s’est établi en 2018 à 1,6 % (avec une contribution des prix de l’énergie de 0,8 point) et le prix du PIB à 0,8 %. Compte tenu du taux dévolution en valeur des dépenses publiques, hors crédits dimpôts, de 1,4 % en 2018, lapplication des deux méthodes donne des résultats aux sens contraires :

– une baisse des dépenses publiques en volume à hauteur de – 0,3 % avec l’IPC hors tabac ;

– une augmentation des dépenses publiques en volume à hauteur de 0,6 % avec le prix du PIB.

En premier lieu, le Rapporteur général considère qu’il peut être utile de disposer de comparaisons de données selon des méthodes alternatives. En revanche, il est essentiel de conserver une permanence dans le choix des méthodes, qui permet de disposer d’éléments de comparaison crédibles.

En second lieu, il estime que chaque méthode présente des faiblesses. L’IPC hors tabac peut en effet avoir tendance à survaloriser l’évolution des prix de l’énergie. À l’inverse, le prix du PIB peut sous-évaluer l’impact des prix de l’énergie sur le niveau des dépenses publiques (consommations intermédiaires liées aux dépenses d’énergie, fluides et carburants).

(1) Avis n° HCFP-2018-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2019, 19 septembre 2018.

En 2020, d’après les hypothèses du présent projet de loi de finances, la dépense publique en volume progresserait de 0,8 %. Ce taux inclut toutefois l’effet de périmètre lié à l’intégration de France Compétences dans le champ des administrations publiques à partir de 2019. Retraité de cet effet, le taux dévolution de la dépense publique en volume sétablirait à 0,7 % en 2020, soit le même niveau qu’en 2019 (0,7 %). Entre 2018 et 2022, la moyenne des taux dévolution de la dépense publique (hors création de France Compétences) sétablirait à 0,4 %, en ligne avec la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([27]) (LPFP).

Évolution de la dÉpense publique, hors crÉdits d’impôt ([28])

(en %)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Moyenne

des taux 2018/2022

Taux de croissance en valeur (LPFP)

1,8

1,5

1,7

1,8

2,0

1,9

1,8

Taux de croissance en volume (LPFP)

0,8

0,5

0,6

0,4

0,2

0,1

0,4

Taux de croissance en valeur (PLF 2019)

2,4

1,6

1,9

1,9

1,8

2,1

1,9

Taux de croissance en volume (PLF 2019)

1,4

0

0,6

0,5

0,1

0,4

0,3

Taux de croissance en valeur (Pstab 2019)

2,4

1,3

1,9

1,7

1,7

1,9

1,7

Taux de croissance en volume (Pstab 2019)

1,4

– 0,3

0,8*

0,7*

0,3

0,1

0,2

Taux de croissance en volume (DOFP 2019)

1,4

– 0,3

0,5

0,5

0,5

0,2

0,4

Taux de croissance en valeur (PLF 2020)

2,4

1,4

2,1

1,8

1,8

1,8

1,8

Taux de croissance en volume (PLF 2020)

1,4

– 0,3

1,1

0,8

0,5

0,2

0,7

Taux de croissance en volume

hors impact de la création de France Compétences (PLF 2020) *

1,4

– 0,3

0,7

0,7

0,5

0,2

0,4

Pstab : programme de stabilité ; PLF : projet de loi de finances ; DOFP : débat d’orientation des finances publiques

* La création de France Compétences, organisme dans le champ des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, en substitution de plusieurs organismes hors champ des administrations publiques, aurait un impact haussier sur les dépenses publiques de 4,6 milliards deuros en 2019 et de 1,5 milliard deuros les années suivantes.

Source : rapport économique, social et financier 2020.

À titre de comparaison, la moyenne des taux de croissance en volume de la dépense publique était de 1,0 % entre 2013 et 2017 et de 1,4 % entre 2008 et 2012.

taux de croissance en volume de la dÉpense publique hors crÉdits d’impôt
(hors création de France Compétences)

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014, et rapport économique, social et financier 2020.

B.   LA BAISSE DU RATIO DE DÉPENSE PUBLIQUE PAR RAPPORT À LA RICHESSE NATIONALE

1.   Une tendance à la baisse du ratio de dépenses publiques depuis 2014

● Depuis 1974, il n’y a eu que quatre périodes de plusieurs années successives de baisses du ratio de dépenses publiques.

La part de la dépense publique dans la richesse nationale a fortement progressé à la suite de la crise économique et financière en 2008-2009. Cette part a été progressivement réduite à compter de 2014 et devrait accélérer sa décrue à partir de 2018. La période 2014‑2018 est la seule période de plus de quatre années durant laquelle le ratio n’a pas augmenté.

Évolution de la part de la dÉpense publique hors crÉdits d’impôt dans le PIB depuis 1974

(en vert, les baisses de la part de dépense publique)

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Part

39,8

44,5

45,0

44,2

45,2

45,5

46,4

49,0

50,2

50,7

51,6

Évolution

4,8

0,5

– 0,8

1

0,3

0,9

2,6

1,3

0,5

0,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Part

52,3

51,9

51,3

50,6

49,4

50,1

51,2

52,6

55,2

54,6

54,8

Évolution

0,6

– 0,4

– 0,6

– 0,7

– 1,2

0,7

1,1

1,3

2,6

– 0,6

0,2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Part

54,8

54,5

52,9

52,6

51,6

51,7

52,6

53,1

52,8

53,0

52,5

Évolution

0,1

– 0,4

– 1,6

– 0,3

– 1,0

0,1

0,9

0,5

– 0,3

0,3

– 0,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Part

52,0

52,5

56,3

56,0

55,5

56,3

56,5

56,0

55,3

55,2

55,0

Évolution

– 0,5

0,5

3,7

– 0,3

– 0,5

0,9

0,2

– 0,4

– 0,7

0,0

– 0,2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Part

54,4

Évolution

– 0,6

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE, base 2014.

2.   L’objectif de diminution du ratio de dépense publique d’ici 2022 reste ambitieux, malgré une révision à la baisse depuis la loi de programmation des finances publiques

Lors de la présentation de la LPFP, le Gouvernement avait fixé pour objectif une réduction de la part de la dépense publique dans la richesse nationale de plus de 3 points entre 2017 et 2022.

Prévisions de la part de la dÉpense publique hors crÉdits d’impÔts dans le PIB depuis la loi de programmation

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évol.
2017/2022

Dépense publique, hors crédits d’impôt (LPFP)

54,7

54,0

53,4

52,6

51,9

51,1

– 3,6

Évolution du ratio

– 0,7

– 0,6

– 0,8

– 0,7

– 0,8

Dépense publique, hors crédits d’impôt (PLF 2019)

55,1

54,6

54,0

53,3

52,5

51,8

– 3,3

Évolution du ratio

– 0,5

– 0,6

– 0,7

– 0,8

– 0,7

Dépense publique, hors crédits d’impôt (Pstab 2019)

55,0

54,4

53,8

53,3

52,8

52,1

– 2,9

Évolution du ratio

– 0,6

– 0,6

– 0,5

– 0,5

– 0,7

Dépense publique, hors crédits d’impôt (PLF 2020)

55,0

54,4

54,0

53,6

53,2

52,6

– 2,4

Évolution du ratio

– 0,6

– 0,4

– 0,4

– 0,4

– 0,4

Dépense publique, hors crédits d’impôt (PLF 2020) hors impact de la création de France Compétences

55,0

54,4

53,8

53,4

52,9

52,3

– 2,7

Évolution du ratio

– 0,6

– 0,6

– 0,4

– 0,5

– 0,6

Source : commission des finances.

La LPFP prévoyait ainsi une baisse de 3,6 points du ratio sur le quinquennat. Le programme de stabilité de juin 2019 a révisé à la baisse cet objectif, l’établissant à 2,9 points (2,7 points sans la neutralisation de l’impact de l’intégration de France Compétences dans le champ des administrations publiques). Cet objectif un peu moins ambitieux s’expliquait :

– pour les trois quarts par un effet dénominateur : le Gouvernement a révisé à la baisse ses prévisions de croissance entre la LPFP et le programme de stabilité d’avril 2019 ce qui, toutes choses égales par ailleurs, entraîne mécaniquement une augmentation du ratio de dépenses publiques ;

– pour le reste par un effet dénominateur, du fait principalement des mesures d’urgence actées en décembre 2018, en particulier l’augmentation de la prime d’activité.

Le présent projet de loi de finances prévoit désormais un objectif de baisse de 2,7 points du PIB entre 2017 et 2022 (– 2,4 points en incluant l’impact de France Compétences). Pour atteindre cet objectif, l’effort de maîtrise de la dépense publique devra se poursuivre à un rythme soutenu : entre 2017 et 2020, le ratio diminuera de 1,6 point de PIB. Il devra donc diminuer de 1,1 point sur les années 2021 et 2022 pour que le niveau cible soit atteint.

Évolution du ratio de dÉpenses publiques hors crédits d’impôts
et hors impact de la création de France COmpétences

(en % du PIB)

Source : INSEE, base 2014, comptes de la nation et rapport économique, social et financier 2020.

3.   La traduction en euros courants de la réduction du poids de la dépense publique dans le PIB

L’évolution du ratio de dépenses publiques permet de chiffrer le montant de la dépense en euros courants « évitée » par rapport à une situation de stabilité du ratio de dépense publique.

Elle serait estimée en convertissant en euros courants la réduction du poids de la dépense publique exprimée en points de PIB, en multipliant cette dernière par le PIB en valeur. Le Rapporteur général dispose de données avec une précision au dixième s’agissant des ratios de dépenses publiques pour les années 2019 à 2022. L’estimation des moindres dépenses en euros courants ne peut donc qu’être approximative.

Selon cette méthode, les moindres dépenses engendrées par la baisse du ratio de dépense publique seraient de l’ordre de 43 milliards deuros pour les années 2017 à 2020 et de 28 milliards deuros pour les années 2021 et 2022, soit un total de l’ordre de 70 milliards deuros sur lensemble du quinquennat. À titre de comparaison, la moindre dépense estimée selon cette même méthode s’est élevée à 11 milliards d’euros environ entre 2012 et 2017.

Estimation du montant d’économies en euros courants
entre 2017 et 2022

 

2017

2018

2019 (p)

2020

(p)

2021 (p)

2022 (p)

Dépenses publiques hors CI en % du PIB

(hors impact de la création de France Compétences)

55,0

54,4

53,8

53,4

52,9

52,3

Évolution du ratio en points de PIB

(hors impact de la création de France Compétences)

– 0,2

– 0,6

– 0,4

– 0,4

– 0,5

– 0,6

PIB (en milliards d’euros courants)

2 295,1

2 353,1

2 417

2 479

2 546

2 620

 

Moindres dépenses par rapport au PIB

en milliards d’euros courants

(hors impact de la création de France Compétences)

– 4,0

– 14,7

– 12,8

– 11,0

– 12,7

– 15,7

– 43

– 28

– 71

Note : CI = crédits d’impôts

Source : commission des finances, d’après les données fournies par le Gouvernement et les données du rapport économique, social et financier 2020.

C.   L’AUGMENTATION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN MILLIARDS D’EUROS courants

L’évolution de la dépense publique peut être présentée en milliards d’euros courants. Il s’agit sûrement de la présentation la plus lisible, mais elle n’est pas la plus pertinente. La Cour des comptes ([29]), suivie sur ce point par la mission d’information relative à l’application de la LOLF ([30]) (MILOLF), recommande une présentation d’un objectif de dépenses publiques en euros courants dans les lois de programmation des finances publiques. L’article liminaire des lois de finances pourrait actualiser chaque année cet objectif. À court terme, les documents annexés au PLF de l’année N – en particulier le rapport économique, social et financier – gagneraient à présenter une estimation du montant de la dépense publique en milliards d’euros de l’année N‑1 et une prévision pour l’année N, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Néanmoins, il faut garder à l’esprit que le montant en euros courants de la dépense publique est extrêmement sensible aux hypothèses macroéconomiques et en particulier aux hypothèses d’inflation et de croissance. Cette analyse ne peut donc qu’être complémentaire de celle de l’évolution en volume (qui neutralise l’effet de l’inflation) et de celle de l’évolution du poids de la dépense publique dans le PIB.

D’après les données fournies au Rapporteur général par le Gouvernement, en 2020, la dépense publique hors crédits d’impôts augmenterait de 27 milliards deuros courants en 2019 et de 23 milliards deuros en 2020.

Ces chiffres confirment la progression contenue de la dépense publique depuis 2018. En moyenne, entre 2018 et 2020, hors crédits d’impôts, elle augmenterait de 22 milliards deuros. Ce niveau est nettement inférieur à l’augmentation annuelle moyenne constatée entre 2002 et 2017 (29 milliards d’euros). Les comparaisons sont toutefois à prendre avec précaution tant l’évolution en euros est sensible à la croissance et à l’inflation.

Évolution annuelle de la dÉpense publique

(en milliards d’euros)

Année

Dépense publique,

y compris crédits d’impôt

Augmentation

annuelle

Dépense publique,

hors crédits d’impôt

Augmentation

annuelle

2002

838,3

42,8

835,7

43,2

2003

868,7

30,4

865,6

29,9

2004

902,9

34,2

899,6

33,9

2005

941,1

38,2

936,8

37,2

2006

977,2

36,1

970,5

33,7

2007

1 020,5

43,3

1 010,3

39,8

2008

1 061,9

41,4

1 046,7

36,4

2009

1 106,7

44,8

1 089,6

42,9

2010

1 135,0

28,3

1 117,3

27,7

2011

1 158,7

23,7

1 141,6

24,3

2012

1 192,2

34,2

1 176,3

34,7

2013

1 211,6

18,8

1 195,7

19,4

2014

1 230,0

18,3

1 204,6

8,9

2015

1 248,7

18,7

1 216,3

11,7

2016

1 264,3

15,6

1 232,6

16,3

2017

1 294,0

29,7

1 262,2

29,6

2018

1 318,6

24,7

1 279,4

17,2

2019 (p)

1 343

24

1 306

27

2020 (p)

1 349

6

1 329

23

Note : les données pour les années 2019 et 2020 sont présentées avec un niveau de précision moindre que les autres car il s’agit de prévisions.

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE base 2014, comptes de la nation publiés le 29 mai 2018 pour les années 2002 à 2018 et d’après les données fournies par le Gouvernement pour les années 2019 et 2020.

La progression contenue de la dépense publique constatée par les indicateurs présentés supra résulte de la mise en place de mesures de modération applicables à l’ensemble des administrations publiques.

II.   UNE ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE DIFFÉRENCIÉE SELON LES SOUSSECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

Tous les secteurs d’administration publique sont soumis au principe général de modération de la dépense publique sans que l’approche retenue par le Gouvernement soit mécanique, chaque secteur ayant ses contraintes et dynamiques propres. L’évolution de la dépense publique en 2019 et en 2020 sera marquée par l’impact du cycle électoral.

Évolution de la dÉpense publique en volume
hors crÉdits d’impÔt, par sous-secteur

(taux d’évolution en volume à champ constant)

Sous-secteur

2018

2019

2020

Administrations publiques

– 0,3 %

0,7 %

0,6 %

Administrations publiques centrales

– 1,4 %

– 0,9 %

0,5 %

Administrations publiques locales

0,8 %

2,3 %

0,2 %

Administrations de sécurité sociale

0,1 %

1,2 %

0,8 %

Note : ces données sont présentées à champ constant, c’est-à-dire retraitées de la création de France Compétences, mais également de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CITE) et des autres mesures de périmètre, d’où la croissance en volume de la dépense de 0,6 % en 2020 au lieu de 0,7 % comme présenté plus haut. Les transferts entre sous‑secteurs d’administration ont été neutralisés.

Source : Rapport économique, social et financier 2020.

À champ constant, l’évolution de la dépense publique, hors crédits d’impôt, s’établirait à 0,7 % en 2019. L’effort des administrations publiques centrales serait très significatif, avec une baisse en volume de la dépense publique à hauteur de 0,9 % en 2019 après la diminution de 1,4 % en 2018. Compte tenu des éléments exposés ci-dessus, la dépense des administrations publiques locales freinerait sous l’effet du cycle électoral communal, son taux de croissance en volume passant de 2,3 % en 2019 à 0,2 % en 2020. Les dépenses des administrations de sécurité sociale augmenteraient de 1,2 % en 2019 et de 0,8 % en 2020.

A.   LA FAIBLE PROGRESSION DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES

1.   Une évolution contenue malgré l’augmentation de la norme de dépenses pilotables de l’État

L’évolution des dépenses des administrations publiques centrales en volume entre 2018 et 2022 est très maîtrisée et inférieure aux prévisions de la LPFP. Après une diminution en volume de 1,4 % en 2018 et de 0,9 % en 2019, la dépense en volume progresserait de 0,5 % en 2020. La moyenne des taux de croissance de la dépense publique en volume entre 2018 et 2020 s’établirait à ‑ 0,6 %, soit un niveau nettement inférieur à celui prévu par la LPFP (0,8 %).

● En 2019, l’État et les organismes divers d’administration centrale auraient une contribution nulle à la croissance en valeur de la dépense publique. La croissance de la norme de dépenses pilotables de l’État ([31]) serait compensée par, d’une part, le contrecoup du paiement en 2018 du contentieux sur la taxe à 3 % sur les dividendes et, d’autre part, la baisse de la charge d’intérêts de la dette.

Il convient en outre de rappeler que pour financer une partie des mesures d’urgence adoptées en décembre 2018, le Gouvernement s’est engagé à réaliser des économies à hauteur de 1,5 milliard d’euros en gestion sur la norme de dépenses prévue par le projet de loi de finances pour 2019. Elles devraient être constatées par le projet de loi de finances rectificative pour 2019.

Sur le seul champ des organismes divers d’administration centrale (ODAC), les dépenses augmenteraient de 8,3 milliards d’euros, compte tenu de la classification de France Compétences comme ODAC par l’INSEE. À champ constant, la croissance des dépenses serait de 2,2 milliards d’euros, du fait notamment :

– de l’augmentation des dépenses des établissements publics de recherche à hauteur de 0,6 milliard d’euros ;

– de la hausse des dépenses du fonds de garantie des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) à hauteur de 0,4 milliard d’euros, liée notamment à l’allongement de la durée moyenne des dossiers d’indemnisation ;

– de la montée en charge du programme d’investissements d’avenir, à hauteur de 0,3 milliard d’euros ;

– de la hausse des dépenses de l’AFITF, à hauteur de 0,2 milliard d’euros.

● En 2020, les administrations publiques centrales contribueraient positivement à la croissance de la dépense publique, en raison de la progression de la norme de dépenses pilotables (+5,1 milliards d’euros par rapport à la prévision 2019 de la loi de finances pour 2019). Elle s’explique notamment :

– par l’augmentation sensible du financement de certains dispositifs de solidarité et d’insertion, comme la prime d’activité – dont l’augmentation est une des mesures d’urgence de décembre 2018 – ou l’allocation pour les adultes handicapés ;

– par l’effort financier en faveur du pôle régalien ;

– par la dynamique des dépenses d’enseignement scolaire et d’enseignement supérieur et de recherche ;

– par l’intensification des investissements par l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) ([32]).

Cette dynamique ne serait que partiellement compensée par la moindre dépense sur la charge d’intérêts de la dette, par les mesures d’économies liées à la prise en compte des revenus contemporains pour le calcul du montant des aides au logement et par la poursuite de la réduction des loyers de solidarité.

2.   La poursuite de la démarche de transformation de l’action publique

La LPFP incluait dans ses prévisions des économies permises par le plan « Action publique 2022 » et par la démarche de transformation de l’action publique.

Une mission budgétaire spécifique, intitulée Action et transformation publiques finance les projets portés par le programme 349 « Fonds pour la transformation de l’action publique ». Il a pour objet le financement de réformes structurelles permettant de dégager, à terme, des économies. En 2018, le fonds a été doté d’un montant de 200 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement (AE), soutenant la mise en œuvre de trente-deux projets de transformation publique. La loi de finances pour 2019 a ouvert des autorisations d’engagement supplémentaires à hauteur de 245 millions d’euros pour lancer une nouvelle phase de sélection de projets de transformation.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoira une nouvelle enveloppe supplémentaire de 200 millions d’euros. À l’occasion de la présentation, vendredi 27 septembre, du présent projet de loi de finances à la commission des finances de l’Assemblée nationale, M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a estimé qu’il était indispensable que d’ici la fin du quinquennat soient mises en œuvre de nouvelles mesures de baisse structurelle de la dépense publique. Il a précisé que ces dernières devaient être concertées avec les parlementaires, les organismes publics, les collectivités territoriales et les ministères concernés.

B.   LA MAÎTRISE PROLONGÉE DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

En 2019, les dépenses des administrations de sécurité sociale s’établiraient à 621,5 milliards d’euros, en augmentation de 2,2 %, principalement sous l’effet de la croissance des prestations (2,4 %). L’évolution des pensions serait toutefois contenue par une mesure de revalorisation maîtrisée.

En 2020, la progression des dépenses ralentirait à 1,8 %, freinée par une croissance des prestations de 2,1 %. Elle s’établirait au total à 632,9 milliards d’euros. Les pensions de retraite accéléreraient toutefois sous l’effet de la réindexation sur l’inflation des pensions de base pour les retraités touchant moins de 2 000 euros.

Évolution des dépenses des administrations de sécurité sociale

 

2018

2019

2020

Évolution des dépenses

1,9 %

2,2 %

1,8 %

Dont évolution des prestations

2,2 %

2,4 %

2,1 %

Source : rapport économique, social et financier 2020.

1.   Une progression de l’objectif national d’assurance maladie à 2,3 % en 2020

● S’agissant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), le Gouvernement prévoit pour l’exercice 2020 un taux fixé à 2,3 %, conformément à l’objectif inscrit dans la LPFP. La progression de l’ONDAM serait donc inférieure à celle prévue pour 2019 par le récent rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale, soit 2,6 % (CCSS) ([33]).

Évolution des dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM

(en %)

Source : rapport sur les comptes de la sécurité sociale présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2019 et rapport économique, social et financier 2020.

L’atteinte de l’objectif d’évolution de l’ONDAM pour 2020 requiert des mesures d’économies par rapport à la progression tendancielle de l’ordre de 4,2 milliards deuros, étant précisé qu’il s’agit également de financer le plan annoncé par le Gouvernement le 16 septembre 2019 en faveur des urgences hospitalières.

Le Gouvernement présente dans le rapport économique, social et financier les mesures qu’il envisage de prendre à cet effet.

Économies attendues en 2020

(en millions d’euros)

Mesure

Montant

Structuration de l’offre de soins

1 045

Structurer des parcours de soins efficients (chirurgie ambulatoire, alternatives à l’hospitalisation, réduction des hospitalisations évitables, etc.)

215

Améliorer la performance interne des établissements de santé et médico-sociaux

830

Dont optimisation des achats

585

Dont rééquilibrage de la contribution de l’ONDAM à l’objectif global de dépenses (OGD)

245

Actions sur les tarifs des produits de santé et remises

1 345

Prix des médicaments

920

Prix des dispositifs médicaux

200

Remise sur les produits de santé

225

Pertinence et qualité des actes et des produits de santé

1 235

Pertinence et adaptation tarifaire de la biologie

205

Pertinence et adaptation tarifaire de la radiologie (protocole)

60

Maîtrise médicalisée et structure de prescription des produits de santé (volume, génériques, biosimilaires)

595

Promotion des génériques et biosimilaires

120

Pertinence et adaptation tarifaire sur les autres actes

255

Pertinence et efficience des prescriptions d’arrêts de travail et de transports

265

Transports

120

Indemnités journalières

145

Contrôle et lutte contre la fraude

90

Lutte contre la fraude et dispositifs de contrôle associés

90

Gestion dynamique du panier de soins remboursé

205

Total ONDAM

4 185

Source : Rapport économique, social et financier 2020.

Les mesures de maîtrise de la dépense consisteront notamment à favoriser l’amélioration des actions de pertinence. L’économie réalisée est calculée par rapport au tendanciel de l’évolution de l’ONDAM correspondant à l’évolution de l’agrégat avant mesures nouvelles d’économies.

Écart entre l’exécution de l’ondam et l’évolution tendancielle

(en %)

Source : rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale.

2.   L’impact de la réforme de l’assurance chômage

À la fin de l’année 2018, la dette de l’assurance chômage ([34]) a atteint 35,5 milliards d’euros, la situation financière du régime s’étant continûment dégradée depuis 2008.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([35]) prévoyait que le Gouvernement transmette aux partenaires sociaux en septembre 2018 un document de cadrage prévoyant des objectifs d’évolution des règles de l’assurance chômage pour lutter contre la précarité et inciter les demandeurs d’emploi au retour à l’emploi, afin qu’ils négocient une nouvelle convention.

En l’absence d’accord et conformément aux dispositions législatives en vigueur ([36]), le Premier ministre a fixé les mesures d’application du régime d’assurance chômage par deux décrets du 26 juillet 2019 ([37]). Ils ont réformé les règles d’indemnisation de l’assurance chômage pour rendre plus incitative la reprise d’un emploi durable, pour renforcer l’accompagnement des chômeurs par Pôle Emploi et pour améliorer la soutenabilité des finances publiques. Ils ouvrent également de nouveaux droits pour les démissionnaires et les travailleurs indépendants.

Ces nouvelles dispositions, qui entreront en vigueur le 1er novembre 2019 pour certaines d’entre elles et le 1er avril 2020 pour les autres, engendreront des économies sur les dépenses de l’Unédic d’un montant estimé à 2,1 milliards d’euros en 2022, net des mesures ouvrant de nouveaux droits et hors augmentation de la contribution de l’Unédic au financement de Pôle emploi.

Impact de la réforme de l’assurance chômage sur les dépenses de l’Unédic
(hors transferts à Pôle Emploi)

(en millions d’euros)

 

 

Fin

2019

2020

2021

2022

Dépenses liées aux règles d’indemnisation

Conditions d’ouverture

de droit

– 10

– 900

– 1 000

– 1 000

Salaire de référence

– 250

– 1 100

– 1 300

Dégressivité

– 20

– 140

– 220

Sous-total (1)

– 1 170

– 2 240

– 2 520

Dépenses liées aux nouveaux droits

Démissionnaires

+ 300

+ 300

+ 300

Indépendants

+ 140

+ 140

+ 140

Sous-total (2)

+ 440

+ 440

+ 440

Évolution nette des dépenses (1 + 2)

 10

 730

 1 800

 2 080

Note : l’évolution de la contribution de l’Unédic au financement de Pôle emploi (+ 380 millions d’euros en 2020 et + 370 millions d’euros en 2021 et en 2022 n’est pas présentée).

L’évaluation de l’Unédic ne prend pas en compte d’éventuels effets de comportements.

Source : Unédic, Note d’impact de la réforme de l’assurance chômage 2019, 24 septembre 2019, p. 5.

Le gain pour les finances publiques sera supérieur aux seules économies sur le champ de la dépense, compte tenu de la mise en place dune taxe sur les contrats à durée déterminée dits « dusage » (CDDU) par l’article 51 du présent projet de loi de finances et d’une sur-contribution pour les employeurs d’intermittents du spectacle pour les CDDU de moins de trois mois, dont le rendement, pour les deux dispositifs, est estimé à 50 millions d’euros par an. La pérennisation de la majoration exceptionnelle et temporaire de 0,05 %, initialement prévue pour toutes les entreprises jusqu’au 30 septembre 2020 par la convention de 2017, entraînera également des recettes supplémentaires, de l’ordre de 80 millions d’euros en 2020 et de 320 millions d’euros en 2021 et en 2022.

Au total, selon le rapport économique, social et financier, la réforme de l’assurance chômage permettrait de dégager un quantum d’économies cumulé estimé à 3,4 milliards deuros sur la période 20192021. Le régime de l’assurance chômage deviendrait excédentaire à partir de 2020.

C.   L’ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

Les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales resteraient contenues, du fait notamment du dispositif de contractualisation prévue par la LPFP. Après une augmentation sensible en 2019, les dépenses d’investissement ralentiraient nettement en 2020. Au total, la dépense locale croîtrait de 3,2 % en 2019 et de 0,5 % en 2020, après une progression de 2,4 % en 2018.

dÉpense des administrations publiques locales

Dépense

Niveaux 2018

Évolution

Milliards d’euros

Pourcentage

2018

2019

2020

Total des dépenses (1 + 2)

260,4

100 %

2,4 %

3,2 %

0,5 %

Dépenses hors investissement* (1)

203,3

78 %

1,0 %

1,5 %

0,7 %

dont consommations intermédiaires hors services d’intermédiation financière indirectement mesurés (SIFIM)

49,2

19 %

2,0 %

2,6 %

1,3 %

dont rémunérations des salariés

82,1

32 %

0,7 %

1,3 %

1,1 %

dont prestations sociales et transferts sociaux

26,6

10 %

1,6 %

0,8 %

0,2 %

Dépenses de fonctionnement des collectivités locales**

183,3

0,7 %

1,2 %

1,2 %

Investissement* (2)

57,1

22 %

7,8 %

8,9 %

– 0,1 %

dont formation brute de capital fixe (FBCF) hors Société du Grand Paris

45,1

17 %

8,1 %

8,1 %

– 1,8 %

* Investissement au sens de la formation brute de capital et des transferts en capital (= subventions d’équipement).

** Ligne pour information. Champ portant sur l’ensemble des collectivités locales (pas sur l’ensemble des administrations publiques locales), dépenses retraitées sur le périmètre des contrats, et à champ constant (dépenses afférentes au plan d’investissement dans les compétences, écrêtement des dépenses d’aides à l’insertion sociale au-delà de 2 %, de la recentralisation du revenu de solidarité active à Mayotte et en Guyane en 2019 et à La Réunion en 2020, ainsi que du transfert de certaines dépenses d’apprentissage aux administrations publiques centrales).

Source : annexe au présent projet de loi de finances, rapport économique, social et financier 2020, p. 122.

1.   L’évolution maîtrisée des dépenses de fonctionnement et la mise en œuvre du processus de contractualisation

a.   La progression contenue des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales

● En 2019, les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales augmenteraient de 1,5 % après une croissance de 1,0 % en 2018. Sur le champ des seules collectivités territoriales – après exclusion des organismes divers d’administration locale (ODAL) –, le taux de croissance des dépenses de fonctionnement serait de 1,2 %, après 0,7 % en 2018 ([38]). Selon le Gouvernement, la maîtrise des dépenses de fonctionnement serait « perceptible sur les postes pilotables de la dépense locale de fonctionnement, principalement sur la masse salariale ([39]) ».

● En 2020, les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales seraient en hausse de 0,7 % du fait de la poursuite de l’effort de maîtrise de la dépense et du transfert aux administrations publiques centrales de plusieurs dépenses dans le domaine de l’apprentissage et des prestations sociales.

La progression contenue de ces dépenses s’explique en partie par le nouveau cadre des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales fixé par la LPFP.

b.   Le cadre fixé par la loi de programmation des finances publiques

● Rompant avec la logique de baisse des dotations à l’œuvre jusqu’en 2017, la LPFP a fixé le principe de la stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales sur la période 2018‑2022.

Évolution des concours financiers de l’état
aux collectivités territoriales

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

5,61

5,71

5,95

5,88

5,74

Taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions

4,12

4,23

4,36

4,50

4,66

Autres concours

38,37

38,14

38,12

38,10

38,10

Source : article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Son article 13 prévoit toutefois que les collectivités territoriales contribuent à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées. Il fixe en effet un objectif national dévolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour chacune des années 2018 à 2022, correspondant à un taux de croissance annuel de 1,2 % en valeur, appliqué à la base des dépenses réelles de fonctionnement de 2017.

objectif de dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre pour une base 100 en 2017

(en %, en valeur et à périmètre constant)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Dépenses de fonctionnement

101,2

102,4

103,6

104,9

106,2

Source : article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le même article fixe un objectif national d’évolution du besoin de financement des collectivités territoriales, correspondant à une diminution de celui-ci à hauteur de 13 milliards deuros cumulés en 2022.

objectif d’Évolution du besoin de financement des collectivités territoriales et groupements À fiscalité propre

(en milliards d’euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Réduction annuelle du besoin de financement

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

Réduction cumulée du besoin de financement

– 2,6

– 5,2

– 7,8

– 10,4

– 13

Source : article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ainsi, chaque collectivité territoriale de plus de 3 500 habitants doit communiquer, lors de son débat d’orientation budgétaire, ses objectifs concernant l’évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement et de son besoin de financement.

c.   Les premiers résultats prometteurs du processus de contractualisation avec l’État

● Le dispositif de contractualisation prévu par la LPFP concerne les 322 collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le budget principal dépassent 60 millions d’euros. Elles représentent plus des deux tiers de des dépenses réelles de fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales. Elles doivent définir une trajectoire des dépenses de fonctionnement, dont le taux d’évolution est modulé selon plusieurs critères, afin de tenir compte de la diversité des territoires. Un mécanisme de reprise financière en cas de dépassement des objectifs est instauré pour garantir le respect des engagements pris par les collectivités territoriales.

Les dispositions de l’article 29 de la loi de programmation des finances publiques relatives au dispositif de contractualisation entre l’État et certaines collectivités territoriales

Les contrats signés entre l’État et les collectivités territoriales fixent le niveau maximal annuel des dépenses de fonctionnement que la collectivité territoriale ou l’EPCI signataire s’engage à respecter chaque année, sur la base du taux de croissance national de référence de 1,2 %. Ce taux cible peut être modulé pour chaque collectivité signataire dans une limite de 0,15 point selon chacun des trois critères suivants : la croissance démographique ; le revenu moyen par habitant ; l’évolution entre 2014 et 2016 des dépenses réelles de fonctionnement.

Pour les collectivités ou EPCI qui font partie des 322 collectivités ou EPCI aux dépenses de fonctionnement les plus importantes, ce taux d’évolution peut être fixé par arrêté préfectoral en l’absence de contrat signé avec le préfet.

Chaque année, si le niveau constaté des dépenses de fonctionnement excède l’objectif fixé, il est appliqué une reprise financière égale aux trois-quarts de la différence entre le niveau constaté et le niveau cible. Le montant de la reprise financière ne peut toutefois excéder 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal de l’année. Le montant de la reprise est majoré pour les collectivités ou EPCI n’ayant pas signé de contrats parmi les 322 collectivités précitées.

Dans le cas où les objectifs d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement et d’amélioration du besoin de financement sont atteints, le préfet peut accorder aux communes et EPCI signataires d’un contrat une majoration du taux de subvention pour les opérations bénéficiant de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).

Parmi les 322 collectivités incitées à signer un contrat avec l’État, 229 l’ont fait, soit 70 %, dont plus de 80 % des collectivités du bloc communal, la majorité des régions et plus d’un département sur deux. Par ailleurs, seize collectivités qui ne relevaient pas du périmètre de contractualisation obligatoire ont volontairement adhéré au dispositif.

Il est encore trop tôt pour mesurer l’efficacité du dispositif, comme l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport de juin 2019 sur les finances publiques locales ([40]). On ne peut toutefois que constater qu’en 2018, les dépenses de fonctionnement des collectivités et EPCI soumis à la contractualisation ont diminué de 0,3 %, alors que les dépenses réelles de fonctionnement de l’ensemble des collectivités et de leurs EPCI ont augmenté de 0,2 %.

● Pour 2019, le Gouvernement constate que les dernières remontées comptables d’exécution « sont compatibles avec le respect pour la deuxième année consécutive de l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement » ([41]).

2.   Le dynamisme des dépenses d’investissement

L’influence du calendrier des élections municipales sur l’évolution des dépenses d’investissement s’explique par la prépondérance de l’investissement des communes dans l’investissement local (60 %). Le cycle électoral est marqué par le ralentissement de l’investissement local l’année des élections et l’année suivante, avant un redressement à partir du milieu du cycle et jusqu’aux élections suivantes.

Les dépenses d’investissement local, au sens de la formation brute de capital fixe, augmenteraient de 8,1 % en 2019, après une croissance au même niveau en 2018 (8,1 %). Elles diminueraient en 2020 de 1,8 %.

*

*     *

 

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 5 :
LA DETTE PUBLIQUE

Résumé de la fiche

En 2020, la dette publique diminuerait de 0,1 point de PIB pour s’établir à 98,7 % du PIB. Ce léger fléchissement intervient après la stabilisation du ratio de dette publique en 2018 à 98,4 % du PIB et le ressaut attendu en 2019 à 98,8 % du PIB, en raison notamment de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations patronales.

La stabilisation du ratio de dette publique en 2018 et sa diminution attendue pour 2020 constituent une rupture de tendance importante, le ratio n’ayant cessé d’augmenter depuis 2007. La trajectoire de la dette publique française a toutefois nettement divergé des trajectoires baissières de dette de la plupart des autres États de la zone euro depuis 2010. Son niveau est désormais supérieur de 13 points au niveau moyen de la zone euro.

L’objectif de réduction de la loi de programmation des finances publiques ([42]) de 5,3 points du PIB du ratio de la dette publique entre 2017 et 2022 a été en outre revu. Selon les prévisions associées au présent projet de loi de finances, ce ratio diminuerait de 0,7 point de PIB pour s’établir à 97,7 % du PIB en 2022. L’actualisation de l’objectif de réduction du niveau de dette s’explique à la fois par la baisse des perspectives de croissance depuis la loi de programmation et par les mesures nouvelles en faveur du soutien au pouvoir d’achat des ménages.

Paradoxalement, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles, la charge d’intérêts de la dette publique française ([43]) bénéficie de taux d’intérêt historiquement bas, permettant à la France de disposer de marges budgétaires plus importantes que prévues. Selon le présent projet de loi de finances, la charge de la dette publique en 2020 en comptabilité nationale s’établira à 33,7 milliards d’euros, un montant :

– en baisse de 2,2 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2019 et de 6,6 milliards d’euros par rapport au niveau constaté en 2018 ;

– inférieur de 12,5 milliards d’euros (0,5 point de PIB) à la prévision pour 2020 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([44]).

I.   UNE DETTE PUBLIQUE STABILISÉE MAIS À L’ÉVOLUTION MOINS FAVORABLE QUE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

A.   Une dette publique élevée, mais stabilisée

1.   Un niveau de dette élevé et une évolution divergente par rapport à nos voisins européens

L’accumulation de déficits publics depuis 1974 a eu pour effet la constitution d’un encours de dette. L’indicateur usuel pour apprécier la croissance de la dette publique est le montant de l’encours de la dette publique à une date donnée rapporté au PIB ([45]). Il permet d’appréhender la soutenabilité de la dette publique.

La dette publique française s’est établie à 2 315,3 milliards deuros en 2018, soit 98,4 % du PIB. Comme l’ensemble des pays de la zone euro, la France a vu son ratio d’endettement s’accroître considérablement entre 2008 et 2012, sous le double effet de l’accumulation de l’encours de dette (effet numérateur) et de la chute du niveau du PIB (effet direct par le dénominateur et effet indirect par le numérateur par la moindre augmentation des recettes de prélèvements obligatoires corrélées à la croissance). En revanche, à partir de 2012, la trajectoire de l’endettement français a divergé de celle de ses partenaires européens, comme le montre le graphique ci‑dessous. La divergence entre le ratio français et le ratio allemand est plus marquée encore et intervient plus précocement.

Alors qu’en 2007 le niveau de dette publique français était du même ordre de grandeur que les niveaux de dette de l’Allemagne et dans la zone euro, onze ans plus tard le ratio français était supérieur :

– de plus de 13 points au ratio dans la zone euro ;

– de près de 38 points à celui de l’Allemagne.

Si les différences de niveau d’endettement ne sont pas significatives selon la théorie économique, la divergence des trajectoires de dette révèle les fragilités des finances publiques françaises. Autrement dit, un niveau élevé de dette publique rapporté au PIB ne révèle pas forcément de fragilités quant à la soutenabilité de la dette, notamment si ce ratio suit une tendance baissière. L’objectif de réduction de l’endettement porté par le Gouvernement est donc nécessaire.

Comparaison des ratios de dette de la France,
de la zone euro et de l’Allemagne

(en % du PIB)

Source : INSEE, base 2014, Eurostat.

2.   La stabilisation du niveau de l’endettement public

Depuis 1978, la dette publique n’a cessé de progresser en euros courants, cette augmentation étant le corollaire d’un déficit public annuel constaté chaque année. Le ratio d’endettement a également connu une trajectoire ascendante, ponctuée à sept reprises de diminutions annuelles. Dans la période récente, la croissance de l’endettement a été plus modérée, avant que le ratio de dette se stabilise en 2018.

● Entre 2007 et 2018, la dette publique rapportée au PIB a crû de 34 points, soit une augmentation annuelle moyenne de 2,8 points de PIB. Cette progression est en partie la conséquence de la crise économique de 2009. Sans suivre une trajectoire descendante, la croissance de la dette a ralenti depuis 2014. L’augmentation moyenne annuelle de la dette a en effet été de 0,7 point entre 2014 et 2018.

Évolution constatée du ratio de dette publique

(en points de PIB)

Année

Encours de dette
au 31

Augmentation annuelle

Augmentation cumulée

2007

64,5

– 0,1

+ 23,3

2008

68,8

+ 4,3

2009

83,0

+ 14,2

2010

85,3

+ 2,3

2011

87,8

+ 2,5

2012

90,6

+ 2,8

+ 10,6

2013

93,4

+ 2,8

2014

94,9

+ 1,5

2015

95,6

+ 0,7

2016

98,0

+ 2,4

2017

98,4

+ 0,4

+ 0,4

2018

98,4

Source : INSEE, base 2014.

● Le ralentissement de l’accroissement de la dette a précédé sa stabilisation. En 2018, pour la première fois depuis 2007, la dette publique rapportée au PIB n’a pas augmenté, marquant une ainsi une rupture de tendance. Cette stabilisation est d’autant plus remarquable que la loi de programmation des finances publiques prévoyait une évolution à la hausse en 2018 (voir infra).

La dette publique depuis 1978

(en vert, les périodes de baisse de la dette publique)

(en pourcentage du PIB au 31/12 de l’année)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

nd

nd

nd

nd

21,2

21,2

20,8

22,0

25,4

26,7

29,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

30,7

31,3

33,7

33,6

34,4

35,6

36,5

40,2

46,6

49,9

56,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

60,0

61,4

61,4

60,5

58,9

58,3

60,3

64,4

65,9

67,4

64,6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

64,5

68,8

83,0

85,3

87,8

90,6

93,4

94,9

95,6

98,0

98,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

Solde

98,4

Source : INSEE, base 2014, comptes de la nation.

S’il n’existe pas de niveau étalon du ratio de dette publique au‑delà duquel l’endettement peut être considéré comme insoutenable, l’évolution de la dette rapportée au PIB est un critère de soutenabilité important, comme l’a d’ailleurs souligné M. Philippe Martin, président du Conseil d’analyse économique (CAE) lors de la table ronde « Au cœur de l’économie » organisée par la commission des finances le 18 septembre dernier ([46]). La stabilisation intervenue en 2018 est ainsi un élément effectif de l’amélioration de la soutenabilité des finances publiques.

Pour que le ratio dette publique / PIB soit stabilisé, il faut que le déficit public soit suffisamment faible pour que la croissance du PIB permette, par un effet dénominateur, de neutraliser l’effet numérateur. Le niveau de déficit pour lequel le ratio est stable est appelé déficit public stabilisant. En 2017 et en 2018, les déficits publics constatés, respectivement de 2,8 % et 2,5 % du PIB ont été proches des déficits publics stabilisants, hors flux de créances (2,6 et 2,4 % du PIB ([47])). La stabilisation du ratio de dette publique en 2018, malgré un déficit public légèrement supérieur au déficit public stabilisant, s’explique par la contribution positive des flux de créances à la réduction du ratio de déficit public (– 0,1 point).

Le calcul du solde public stabilisant

L’évolution du ratio dette publique / PIB entre l’année N et l’année N – 1 est déterminée, par construction, par l’évolution de l’encours de dette publique entre N – 1 et N en euros courants et par la croissance du PIB en euros courants entre ces deux années.

Or, la variation de la dette publique entre les années N – 1 et N en euros courants est égale au déficit public de l’année N en euros courants, moyennant le retraitement des flux de créances ([48]). C’est en effet le déficit en euros de l’année N qui explique la progression du stock de dette en euros entre l’année N – 1 et l’année N.

La croissance en pourcentage du stock de dette entre l’année N – 1 et l’année N est donc égale au rapport entre le déficit de l’année N en euros et le stock de dette de l’année N – 1 en euros. Pour que le ratio de dette soit stable, il faut que ce taux de croissance de l’encours de dette entre l’année N‑1 et l’année N soit égal au taux de croissance du PIB.

Il découle de ce constat que le déficit public exprimé en pourcentage du PIB stabilisant le ratio de dette publique, hors flux financiers, est égal au produit du taux de croissance du PIB en valeur entre lannée N – 1 et lannée N et du rapport entre le stock de dette de lannée N  1 et le PIB de lannée N.

● L’analyse de l’évolution de la dette en euros courants témoigne également du ralentissement de sa croissance et de la rupture de tendance constatée l’année dernière. La dette publique na en effet augmenté que de 56,6 milliards deuros en 2018, évolution la plus faible depuis 2006.

évolution de la dette publique en euros courants

(en milliards d’euros)

Année

Encours de dette
au 31/12

Augmentation annuelle

Augmentation

cumulée

Augmentation annuelle moyenne

2007

1 252,9

+ 58,8

+ 614

+ 123

2008

1 370,3

+ 117,4

2009

1 608,0

+ 237,7

2010

1 701,1

+ 93,1

2011

1 808,0

+ 106,9

2012

1 892,5

+ 84,5

+ 381

+ 76

2013

1 977,7

+ 85,2

2014

2 039,8

+ 62,1

2015

2 101,3

+ 61,4

2016

2 188,5

+ 87,2

2017

2 258,7

+ 70,2

+ 127

+ 63

2018

2 315,3

+ 56,6

Source : INSEE, base 2014.

B.   Les écarts constatés en 2018 à la loi de programmation : une stabilisation précoce de la dette, mais un niveau supérieur À la prÉvision en raison de traitements comptables

La LPFP 2018‑2022 a fixé une trajectoire de dette pour les années 2018 à 2022. Cette trajectoire était cohérente avec les hypothèses macroéconomiques d’alors, avec la trajectoire de déficit public et avec les règles comptables applicables. L’exécution 2018 présente des écarts avec les estimations de la LPFP. L’évolution du ratio de dette publique a été plus favorable que prévue en 2018. En raison de traitements comptables, son niveau est toutefois supérieur à l’estimation de la LPFP.

Comparaison du ratio de dette publique Aux prévisions de la LPFP 2018‑2022
pour les années 2017 à 2019

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

Dette publique – LPFP

96,7

96,9

97,1

Dette publique – présent PLF

98,4*

98,4*

98,8

* Chiffres exécutés.

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent projet de loi de finances.

● Selon la trajectoire présentée à l’article 3 de la LPFP, le ratio de dette devait progresser de 0,2 point de PIB en 2018, puis poursuivre sa croissance en 2019 sous l’effet de la mesure de transformation du CICE en allégements de cotisations patronales. Il aurait cessé d’augmenter à partir de 2020.

Le ratio a finalement été stabilisé dès 2018 en raison à la fois d’une croissance relativement dynamique et d’une faible évolution de l’encours de dette (voir supra) liée notamment à la modération de l’évolution des dépenses publiques.

● Paradoxalement, le niveau d’endettement constaté en 2018 (98,4 % du PIB) est supérieur de 1,5 point de PIB à la cible de la LPFP. Cela tient à des raisons comptables de deux ordres ayant eu des effets contraires sur le niveau de l’endettement.

D’une part, le reclassement comptable de SNCF Réseau en administration publique par l’INSEE à compter de 2016 a entraîné une révision à la hausse du ratio de dette publique de 1,7 point en 2017. Le point de départ de la trajectoire du ratio de dette publique pour les années 2017 à 2022 a donc été rehaussé à due concurrence de l’impact du reclassement de SNCF Réseau.

Le reclassement de SNCF Réseau en administration publique
et son impact sur la dette publique

En septembre 2018, l’INSEE a annoncé avoir décidé, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique à compter de l’année 2016 (1). En effet, la part des coûts de production de SNCF Réseau couverte par des recettes marchandes était passée sous le seuil de 50 % à partir de 2016.

Compte tenu de la situation déficitaire et d’endettement de l’entreprise, le reclassement a eu un impact mécanique haussier sur le déficit et la dette notifiés pour les années 2016 et 2017. L’impact sur le déficit a été de 3,2 milliards d’euros en 2016 et de 2,2 milliards d’euros en 2017. La dette notifiée a été majorée de 37 milliards deuros fin 2016 et de 39,5 milliards deuros fin 2017.

(1) INSEE, Communiqué de presse, Notification à Eurostat : publication des révisions du déficit et de la dette des administrations publiques par l’INSEE, 6 septembre 2018.

D’autre part, le niveau du ratio a été rehaussé en raison de la révision de l’impact des flux de créances. Ces flux, neutres pour le déficit public en comptabilité nationale, ont des effets sur le niveau de la dette publique et nécessitent par conséquent des retraitements comptables.

Les principaux postes affectant les flux de créances sont les décalages entre le solde budgétaire et le solde de l’État en comptabilité nationale, comme la comptabilisation des crédits d’impôt reportables, les opérations financières, les corrections en droits constatés sur les dépenses et les recettes, la variation du niveau de trésorerie de l’État, la prise en compte des titres à leur valeur faciale ou l’amortissement de la Caisse nationale des autoroutes (CNA).

En 2018, la LPFP prévoyait que les flux de créances auraient un impact haussier de 0,1 point de PIB sur la dette publique. Le programme de stabilité d’avril 2019 a finalement constaté des flux de créances négatifs de 0,2 point de PIB, soit un écart de 0,3 point de PIB par rapport à la LPFP.

C.   Les prévisions du présent projet de loi de finances à compter de 2020 : une baisse éloignée des prévisions de la loi de programmation des finances publiques

1.   2020 : une légère diminution du niveau de dette publique

Après le ressaut ponctuel de 2019, la dette publique entamerait une décrue en 2020, pour la première fois depuis 2007. Elle diminuerait légèrement, à hauteur de 0,1 point de PIB pour s’établir à 98,7 %.

La LPFP 2018‑2022 avait également projeté que le niveau de dette publique commencerait à être réduit en 2020, même si l’ampleur de la diminution cette année‑là devait être plus importante (– 1,0 point de PIB dans la LPFP contre – 0,1 point dans le présent projet de loi de finances). Selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi, le solde stabilisant s’établirait à un niveau de déficit de 2,5 % du PIB pour un niveau de déficit effectif de 2,2 %, soit un différentiel de 0,1 point une fois pris en compte l’effet de 0,2 point de PIB des flux de créances ([49]).

2.   Une cible de réduction de la dette publique en 2022 éloignée de celle de la loi de programmation des finances publiques

La LPFP a fixé pour objectif une réduction de plus de 5 points du ratio de dette publique entre 2017 et 2022. Après avoir été portée à 7,8 points par le programme de stabilité d’avril 2018, cette cible a été nettement abaissée par le Gouvernement à l’occasion de la présentation du dernier programme de stabilité d’avril 2019, puis à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques de juin dernier qui l’a fixée à 1,4 point. Le présent projet de loi de finances diminue à nouveau la réduction prévisionnelle du ratio de dette publique entre 2017 et 2022 pour l’établir à 0,7 point de PIB. La révision à la baisse du ratio depuis l’adoption de la LPFP s’explique :

– par la révision à la baisse des taux de croissance du PIB, d’abord lors de la présentation du programme de stabilité d’avril 2019, puis par le présent projet de loi de finances. Cette révision à la baisse a un effet direct haussier sur le ratio de dette publique, toutes choses égales par ailleurs, par la minoration du dénominateur. Elle a également un effet indirect sur le numérateur par la minoration des recettes publiques, dont l’évolution spontanée est corrélée à la croissance ;

– par les mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages décidées en décembre 2018 puis en avril 2019, à la suite des conclusions du Grand débat national.

Trajectoires du ratio de dette publique

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évolution 2017/2022

Dette publique – LPFP

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

– 5,3

Variation du ratio de dette publique

 

+ 0,2

+ 0,2

– 1,0

– 1,9

– 2,8

Dette publique – programme de stabilité 2019

98,4

98,4

98,9

98,7

98,1

96,8

– 1,6

Variation du ratio de dette publique

 

+ 0,5

– 0,2

– 0,6

– 1,3

Dette publique – débat d’orientation des finances publiques 2019

98,4

98,4

98,9

98,9

98,3

97,0

– 1,4

Variation du ratio de dette publique

 

+ 0,5

– 0,6

– 1,3

Dette publique – présent PLF

98,4

98,4

98,8

98,7

98,6

97,7

– 0,7

Variation du ratio de dette publique

 

– 

+ 0,4

– 0,1

– 0,1

– 0,9

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, programme de stabilité 2019, tome I du rapport du Gouvernement préparatoire au débat d’orientation des finances publiques 2019, présent projet de loi de finances.

Bien qu’il résulte pour une part importante de facteurs exogènes comme le changement du contexte macroéconomique ou de retraitements comptables, l’écart entre la trajectoire du projet de loi de finances pour 2020 et la trajectoire de la LPFP n’en demeure pas moins significatif. Le Rapporteur général note avec satisfaction que le Gouvernement a annoncé qu’il déposerait un projet de loi de programmation des finances publiques au printemps 2020 pour tirer les conséquences, entre autres sur la trajectoire d’endettement, du nouveau contexte macroéconomique et budgétaire.

3.   La décomposition de la dette publique par sous‑secteur d’administration

L’évolution du ratio de dette publique serait différente selon les sous‑secteurs. En 2019, l’augmentation de 0,4 point de PIB du niveau de dette serait imputable à la hausse de l’endettement des administrations publiques centrales (APUC), à hauteur de 1,0 point, partiellement compensée par la diminution de l’endettement des administrations publiques locales (APUL), à hauteur de – 0,3 point et des administrations de sécurité sociale (ASSO), à hauteur également de – 0,3 point.

En 2020, une dynamique semblable serait à l’œuvre, l’endettement des APUC croîtrait de 1,1 point de PIB, alors que les ratios d’endettement des APUL et des ASSO diminueraient de respectivement 0,4 point et 0,8 point de PIB.

Évolution du ratio d’endettement par sous-secteur d’administration

(en points de PIB)

Année

2018

2019

2020

Ratio dendettement au sens de Maastricht

98,4

98,8

98,7

Dont contribution des administrations publiques centrales (APUC)

81,0

82,0

83,1

Dont contribution des administrations publiques locales (APUL)

8,7

8,4

8,0

Dont contribution des administrations de sécurité sociale (ASSO)

8,7

8,4

7,6

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2020, page 135.

II.   LES ENJEUX DE TAUX STRUCTURELLEMENT BAS POUR LA DETTE FRANÇAISE

A.   LA FAIBLESSE DES TAUX D’INTÉRÊT DE LA DETTE FRANÇAISE : UNE TENDANCE DE FOND

1.   Une tendance générale de fond et de long terme accentuée par une politique monétaire accommodante

● Au‑delà de la politique monétaire, la faiblesse des taux d’intérêt a des causes profondes et de long terme. Comme l’a souligné M. Philippe Martin lors de son audition évoquée supra par la commission des finances de l’Assemblée nationale ([50]), une analyse de long terme de l’évolution des taux d’intérêt nominaux met en évidence le phénomène structurel et généralisé de la baisse des taux d’intérêt :

– elle a débuté au début des années 1980 ;

– elle a touché l’ensemble des pays de l’OCDE.

Comparaison des principaux taux d’intérêt nominaux de référence À 10 ans

(en pourcentage)

Source : Fred Economic Data.

Les taux d’intérêt réels ([51]) ont également entamé une tendance baissière, mais plus tardivement, au début des années 1990. L’observation de l’évolution des taux réels sur longue période montre que le phénomène de taux négatifs nest pas nouveau. Il s’est déjà produit en France au milieu des années 1970.

Comparaison des principaux taux d’intérêt réels de référence à 10 ans

(en pourcentage)

Source : Fred Economic Data.

● Des causes structurelles expliquent cette tendance au long cours. Le taux d’intérêt réel est en effet le prix qui équilibre au niveau mondial l’épargne et l’investissement. Or, l’offre d’épargne s’accroît depuis les années 1990, sous l’effet notamment du vieillissement de la population. Parallèlement, l’investissement diminue en raison de la baisse de la productivité et du remplacement dans les pays avancés d’activités capitalistiques par des services qui le sont moins. Ces deux tendances s’accompagnent donc d’une baisse tendancielle du taux d’intérêt.

La force de ces facteurs laisse présager, selon certains économistes, l’installation dun environnement durable de taux bas dans le monde.

● Cette tendance de fond a été amplifiée dans les années récentes par la politique monétaire. La politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) menée depuis l’après‑crise de 2009, et singulièrement depuis 2014, a eu un effet baissier sur les taux d’intérêt de la dette française, comme sur celle de l’ensemble des États de la zone euro. Les décisions récentes de la Réserve fédérale américaine (Fed) et de la BCE dans le sens de la poursuite de cette politique ont encore conduit à une baisse des taux. Récemment, lors de sa réunion de politique monétaire du 12 septembre 2019, la BCE a abaissé de – 0,40 % à
– 0,50 % le taux de facilité de dépôt et a décidé de relancer ses achats nets d’actifs à hauteur de 20 milliards d’euros par mois.

Enfin, la France parvient à financer sa dette à un moindre coût parce que les investisseurs ont confiance dans sa signature, condition nécessaire au financement de la dette publique dans de bonnes conditions. Cela explique en partie que la dette française est l’une des plus attractives.

2.   Un niveau de taux d’intérêt de la dette française particulièrement faible

● Sous l’effet des puissants facteurs présentés ci-dessus et de manière contre‑intuitive, la charge d’intérêt de la dette publique française a connu une évolution divergente de celle du ratio de dette publique, comme le montre le graphique ci-dessous.

Comparaison des trajectoires de dette publique
et de charge d’intérêt de la dette

(en % du PIB)

Source : INSEE.

Depuis 2016, les conditions de financement de la dette française sont d’autant plus favorables que le taux dintérêt est inférieur au taux de croissance du PIB, ce qui facilite la diminution du ratio de dette publique. En effet, dans cette situation, le ratio de dette peut être stabilisé par un solde public primaire négatif. En d’autres termes, le ratio de dette diminue quand bien même les comptes publics hors charge d’intérêts de la dette seraient en déficit.

● La France emprunte à des taux historiquement bas. Le 5 septembre 2019, elle a levé 10,14 milliards d’euros dont 1,5 milliard d’euros à échéance de quinze ans. Pour la première fois, le taux nominal à cette échéance a été négatif
(– 0,03 %).

Le Gouvernement a tiré les conclusions de la faiblesse actuelle des taux dans ses prévisions pour l’année 2020. Il conserve une hypothèse prudente pour les années à venir :

– le taux à dix ans serait amené à légèrement rebondir depuis les plus bas historiques de l’été 2019 (– 0,4 % à la mi‑août) pour atteindre 0,20 % à la fin de l’année 2019 et 0,70 % à la fin de l’année 2020 ;

– le taux à trois mois s’élèverait à – 0,50 % à la fin de l’année 2019 et à la fin de l’année 2020.

Hypothèses de taux d’intérêt

(Niveaux en fin d’année)

 

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Taux courts
(BTF 3 mois)

LPFP 2018-2022

– 0,50 %

– 0,10 %

0,70 %

1,50 %

2,00 %

2,50 %

PSTAB 2018

 0,78 %

– 0,10 %

0,70 %

1,50 %

2,10 %

PSTAB 2019

 0,84%

– 0,20 %

0,70 %

1,50 %

2,10 %

PLF 2020

– 

 

– 0,50 %

– 0,50 %

 

 

Taux longs
(OAT à 10 ans)

LPFP 2018-2022

1,10 %

1,85 %

2,60 %

3,25 %

3,75 %

4,00 %

PSTAB 2018

0,79 %

1,60 %

2,35 %

3,10 %

3,60 %

PSTAB 2019

0,71 %

1,25 %

2,0%

2,75 %

3,50 %

PLF 2020

0,20 %

0,70 %

 

 

Note : les niveaux constatés sont en italique.

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, programmes de stabilité 2018 et 2019, présent projet de loi de finances.

Bien que prudente, cette prévision est nettement plus basse que celle du programme de stabilité d’avril 2019 qui, déjà, avait fortement révisé à la baisse les hypothèses de taux d’intérêt du programme de stabilité d’avril 2018. Le taux à dix ans associé au PLF 2020 serait inférieur à la prévision d’avril 2019 de respectivement 105 et 130 points de base pour 2019 et pour 2020.

Selon le rapport économique, social et financier annexé au présent PLF, le taux moyen à l’émission des titres à court terme (BTF) s’est établi à – 0,59 % depuis le début de l’année 2019, après – 0,62 % en 2018 et le taux moyen à l’émission des titres à moyen‑long terme (OAT à 10 ans) à 0,20 % après 0,53 %.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ([52]) a souligné que la charge d’intérêts pourrait être inférieure à celle que le Gouvernement prévoit. Si les taux d’intérêt restaient inchangés à leur valeur au 1er septembre 2019, l’économie serait de l’ordre d’un milliard deuros en 2020 par rapport aux hypothèses sous‑jacentes au présent projet de loi.

B.   UN IMPACT MAJEUR SUR LE NIVEAU DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Compte tenu du poids de la charge des intérêts de la dette dans la dépense publique, la diminution des taux d’intérêt a un fort effet baissier sur le niveau de la dépense publique.

● Le Gouvernement prévoit désormais que le montant de la charge de la dette publique, en comptabilité nationale, s’élèvera à 37,2 milliards deuros en 2020, un niveau inférieur de 2,2 milliards d’euros à l’estimation actualisée pour 2019 et de 6,6 milliards d’euros à l’exécution 2018.

Prévisions de la Charge d’intérêts de la dette publique

 

2018

2019

2020

2021

2022

En Mds €

En % du PIB

En Mds €

En % du PIB

En Mds €

En % du PIB

En Mds €

En % du PIB

En Mds €

En % du PIB

LPFP 2018-2022

41,2

1,8

42,8

1,8

46,3

1,9

51,0

2,0

55,9

2,1

PSTAB 2018 (avril 2018)

39,6

1,7

41,8

1,7

44,8

1,8

49,3

1,9

53,8

2,0

PLF 2019

43,4

1,8

43,1

1,8

 

 

 

 

 

 

PSTAB 2019 (avril 2019) / DOFP 2019 (juillet 2019)

40,0

1,7

37,1

1,5

37,2

1,5

39,8

1,6

44,0

1,7

PLF 2020

40,3

1,8

35,9

1,5

33,7

1,4

 

 

 

 

Écart LPFP / PLF 2020

– 1,0

– 6,9

– 0,3

– 12,5

– 0,5

 

 

 

 

Note : les données sont présentées en comptabilité nationale. Il ne faut pas les confondre avec la charge d’intérêts de la seule dette de l’État, présentée en comptabilité budgétaire et dont les crédits sont inscrits au programme 117 du budget général.

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2019 à 2022, programmes de stabilité et réponses du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Par rapport aux prévisions de la LPFP, la trajectoire de charge d’intérêts de la dette a été nettement révisée. La prévision du présent projet de loi de finances pour l’année 2020 est inférieure de 12,5 milliards deuros à la prévision de la LPFP pour cette même année, soit environ 0,5 point de PIB. Les prévisions du programme de stabilité d’avril dernier laissaient apparaître un écart estimé à 9 milliards d’euros.

C.   UNE AUBAINE QUI NE SAURAIT REMETTRE EN CAUSE LA NÉCESSITÉ DE TENDRE VERS LÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS

Les effets de la diminution des taux d’intérêt sur la charge de la dette sont massifs. Ils ont bien sûr des causes exogènes, mais ils ne sont pas sans lien avec l’action du Gouvernement dans la mesure où l’attrait des investisseurs pour la dette française révèle leur confiance dans la politique économique menée. Les projections du Gouvernement et les prévisions de la LPFP réalisées à l’automne 2017 ne laissaient toutefois pas envisager une telle évolution.

Dans ce contexte plusieurs économistes ont débattu de l’opportunité pour la France et pour les États en général de profiter de la diminution des charges d’intérêts de la dette pour intensifier l’effort d’investissement public ou pour accentuer les mesures soutenant le pouvoir d’achat des ménages. Selon le Rapporteur général, le constat de ces économies importantes ne doit pas détourner le Gouvernement de son action visant à rétablir l’équilibre des comptes des administrations publiques. Il convient d’ailleurs de rappeler que la baisse des taux d’intérêt résulte en partie de la faiblesse du taux de croissance de l’économie qui lui-même a pour conséquence de diminuer les recettes publiques et constitue une pression à la hausse sur le déficit public.

À titre liminaire, si le débat relatif à l’opportunité de « recycler » d’éventuelles économies constatées sur la charge de la dette pour intensifier l’effort d’investissement public a un sens en théorie économique, les termes du sujet ne se posent pas de la même façon dans la préparation du budget. En effet, la construction d’un budget est la résultante d’un équilibre (déficitaire en l’occurrence) entre un ensemble de dépenses et un ensemble de recettes.

La charge d’intérêts de la dette est un paramètre particulier d’une équation budgétaire générale. Par exemple, les crédits consacrés à la mission Investissements davenir augmentent de 1,1 milliard d’euros entre 2019 et 2020 selon le présent projet de loi de finances. Ces investissements seront, de fait, financés par la baisse des taux d’intérêt, comme par les recettes supplémentaires issues de la croissance, et par l’ensemble des mesures ayant conduit à modérer la dépense publique ou à augmenter les ressources publiques. Ils ont également été, de fait, financés par l’emprunt, compte tenu de la situation déficitaire de nos comptes publics. Dans cette perspective, cest la question de lefficience de la dépense publique qui se pose, afin que soient utilisées au mieux les recettes publiques issues, entre autres, de la baisse des taux d’intérêt. Les projets d’investissements publics doivent donc être analysés au cas par cas pour que soient engagés ceux dont la rentabilité socio‑économique est la plus forte.

La question pourrait alors revenir à proposer une augmentation du déficit public ou sa moindre diminution pour financer des investissements. S’il est légitime de se réjouir que le déficit public atteigne un niveau qu’il n’avait pas atteint depuis près de vingt ans, il ne faut pas oublier quil reste supérieur aux déficits de la plupart de nos partenaires européens – cest également le cas pour notre niveau dendettement et ce de façon accrue ces dernières années. Dans la phase actuelle de croissance de l’économie, le redressement des finances publiques est nécessaire pour que la France puisse faire face à un éventuel retournement conjoncturel, alors que son écart de production s’est refermé en 2019 (voir supra).

Enfin, les économies ou les surcoûts liés à la charge de la dette sont volatils et incertains. Si la baisse des taux est structurelle selon la plupart des économistes, elle nest pas permanente. On ne peut pas exclure que les taux d’intérêt augmentent dans les années qui viennent ou qu’ils deviennent à nouveau supérieurs au taux de croissance. Comme l’a fait remarquer M. Jean‑Luc Tavernier, directeur général de l’INSEE lors de la table ronde déjà évoquée ([53]), la faiblesse remarquable des taux d’intérêt peut être, par exemple, le signe d’une anticipation de la faiblesse à venir de la croissance du PIB, ce qui contraindrait mécaniquement les comptes publics.

Compte tenu du niveau de l’endettement public, une remontée des taux d’intérêt se traduirait rapidement par une dégradation du déficit public porteuse d’un risque pour la soutenabilité de la dette. Un choc de taux de 1 % sur la charge de la dette négociable de l’État aurait un effet de près de 5 milliards d’euros à horizon 2022 et de 20 milliards d’euros à horizon 2028 ([54]).

Ainsi que l’a rappelé la Cour des comptes ([55]), l’histoire montre que le passage d’un régime de taux d’intérêt très bas à un régime de taux élevé est possible et peut être rapide.

*

*     *

 

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 6 :
LE PLF 2020 DANS SON CONTEXTE EUROPÉEN

Résumé de la fiche

La normalisation de la politique budgétaire française se poursuit en 2019, un an après la clôture de la procédure pour déficit excessif ouverte à son encontre en 2009 et après sa sortie de la catégorie des « déséquilibres excessifs » en matière macroéconomique.

L’année 2019 conforte donc la France quant au respect de ses engagements européens. Le Rapporteur général a pu constater, lors des conférences interparlementaires européennes auxquelles il a participé, en dernière date à Helsinki en octobre 2019, que la crédibilité de la France en était renforcée.

La France doit désormais mettre en œuvre les règles du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance, lesquelles prévoient, notamment, la réalisation d’un ajustement structurel minimal de plus de 0,5 point de produit intérieur brut (PIB) par an tant que l’objectif à moyen terme d’équilibre structurel des comptes publics n’est pas atteint. À ce titre, selon le présent PLF, le déficit public structurel de la France ne diminuera pas entre 2019 et 2020 (– 2,2 % du PIB). La France a effectué un ajustement structurel de 0,1 point de PIB en 2018, de 0,1 point en 2019 et prévoit de réaliser un ajustement structurel nul entre 2019 et 2020.

La Commission européenne doit formuler son avis sur le projet de budget de la France avant le 30 novembre 2019.

Chaque projet de loi de finances doit être replacé dans un contexte européen structuré par plusieurs dispositifs de surveillance multilatérale des finances publiques et des politiques macroéconomiques de chaque État membre.

Les finances publiques nationales sont soumises à des normes qui résultent des engagements européens pris par la France dans le cadre de l’intégration économique et monétaire de l’Union européenne (I).

Les politiques économiques font également l’objet d’une surveillance afin de prévenir les déséquilibres macroéconomiques qui pourraient avoir un effet sur la stabilité de l’Union européenne (II).

Le cycle annuel budgétaire de 2019, qui se décompose en un semestre européen et un semestre national, a été marqué, pour la France, par le respect de ses engagements européens en matière de déficit et de dette (III).

I.   LA SURVEILLANCE EUROPÉENNE DES FINANCES PUBLIQUES

A.   LES NORMES DE FINANCES PUBLIQUES À RESPECTER

La stratégie française en matière de finances publiques s’inscrit dans un cadre européen. Trois grandes catégories de normes s’imposent aux États membres : la norme relative au déficit excessif, la norme relative à l’équilibre des comptes publics et la norme relative à l’ajustement structurel minimal.

En premier lieu, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit les déviations budgétaires excessives, évaluées suivant deux critères cumulatifs : le déficit public et la dette publique. Le déficit public est excessif lorsqu’il dépasse 3 % du PIB. La dette publique est excessive lorsqu’elle dépasse 60 % du PIB. À défaut de respecter ces deux critères, l’État membre s’expose à l’ouverture d’une procédure de déficit excessif (PDE) ([56]).

Le critère de dette est considéré comme respecté si celle-ci diminue suffisamment, c’est-à-dire d’au moins un vingtième par an, en moyenne sur les trois dernières années, de la fraction qui excède 60 % du PIB ([57]).

Le « six-pack » (cinq règlements et une directive) de novembre 2011 prévoit toutefois une règle transitoire pour les PDE qui étaient en cours à la date de son adoption, ce qui était le cas de la France. En vertu de cette règle transitoire, durant les trois années suivant le retour sous les 3 %, le respect du critère de dette est considéré comme respecté si la progression du solde structurel est positive.

En deuxième lieu, la norme relative à l’équilibre des comptes publics est prévue par l’article 3 du TSCG, qui érige en principe l’équilibre ou l’excédent des budgets des administrations publiques. L’équilibre est réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres.

Le solde structurel des administrations publiques

Le solde public effectif peut se décomposer en deux parties : une partie conjoncturelle, qui représente les effets du cycle économique sur les dépenses et les recettes publiques, et une partie structurelle, correspondant au niveau du solde effectif si la production de l’économie se situait à son niveau potentiel (c’est-à-dire le volume maximal de biens et de services que l’économie produit lorsqu’elle utilise toutes ses capacités).

Le solde structurel s’établit donc en corrigeant le solde public effectif des effets de la conjoncture économique, ainsi que des situations ou mesures exceptionnelles (mesures « one-off » selon la terminologie de la Commission européenne) ou temporaires, qui n’ont pas d’impact durable sur le solde. L’intérêt de cet outil d’analyse est d’identifier les mesures liées directement à une décision discrétionnaire de politique économique.

Toutes les dépenses sont supposées structurelles, c’est-à-dire indépendantes de la conjoncture économique, à l’exception des dépenses liées à l’indemnisation du chômage, qui sont intégrées au calcul du solde conjoncturel car leur évolution est cyclique.

Parmi les recettes, seules les recettes non fiscales, comme les dividendes, sont considérées comme structurelles. Tous les prélèvements obligatoires sont supposés varier en fonction de la conjoncture.

Source : Annexe méthodologique du programme de stabilité 2019-2022.

En dernier lieu, la norme relative à l’ajustement structurel minimal est une norme dynamique. Pour respecter les règles du Pacte de stabilité et de croissance, les États membres doivent déterminer un objectif à moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent ([58]), et définir une trajectoire d’ajustement en vue de l’atteindre.

Le solde structurel doit alors converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

Cette règle d’ajustement structurel est également encadrée par une règle en dépenses et en recettes. L’évolution des dépenses publiques est définie en fonction de la croissance potentielle estimée par la Commission européenne. Enfin, les États n’ayant pas encore atteint leur OMT doivent compenser les réductions de recettes discrétionnaires par des réductions de dépenses équivalentes ([59]). La Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne peuvent cependant estimer que l’effort d’ajustement peut être plus limité en période de conjoncture économique défavorable ([60]).

Enfin, une déviation de la trajectoire d’ajustement est autorisée, à hauteur de 0,5 point de PIB sur une année, ou cumulée sur deux ans (soit 0,25 point par an en moyenne).

Depuis 2018, la France est sortie de la procédure pour déficit excessif prévue par le TFUE. La supervision européenne de ses finances publiques relève donc désormais du volet préventif du Pacte de stabilité. Comme la France détient un déficit structurel supérieur à son objectif de moyen terme (– 0,4 point de PIB) et qu’elle possède un niveau de dette supérieur à 60 % du PIB, les règles européennes prévoient que la réduction du déficit structurel doit être strictement supérieure à 0,5 point de PIB par an (soit au moins 0,6 point de PIB).

La France a effectué un ajustement structurel de 0,1 point de PIB en 2018 : elle a donc utilisé l’ensemble de la marge prévue par les règles européennes en une année, ce qui impose, pour garantir leur strict respect, que la France doive effectuer un ajustement structurel d’au moins 0,6 point de PIB en 2019.

Or, l’ajustement structurel ne serait que de 0,1 point en 2019 et serait nul en 2020. La France s’expose donc à l’ouverture d’une procédure à son encontre par la Commission européenne.

Normes de finances publiques applicables aux États membres
dont la dette publique excède 60 % du PIB

Normes

Modalités de surveillance et de sanction

Traité source

Application à la France en 2019

Limite du déficit structurel

à 0,5 % du PIB

Volet préventif
du PSC

TSCG

Non-respect

Trajectoire d’ajustement structurel supérieure

à 0,5 point de PIB par an

TSCG

 

TFUE

Non-respect

Limitation de l’augmentation annuelle des dépenses au taux de croissance potentielle sauf compensation par des mesures discrétionnaires en matière de recettes

Respect

Compensation des réductions de recettes par des réductions de dépenses (règle applicable aux États n’ayant pas encore atteint leur objectif budgétaire de moyen terme)

Non-respect

Réduction de la dette publique qui excède 60 % du PIB d’au moins un vingtième par an en moyenne sur trois ans

Volet correctif

du PSC

« Procédure pour déficit excessif »

Respect (période transitoire de trois ans)

Limite du déficit nominal

à 3 % du PIB

TFUE

Respect

(hors mesures exceptionnelles)

Source : commission des finances.

B.   LE CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE DES FINANCES PUBLIQUES

Le PSC constitue l’armature juridique de la surveillance des finances publiques. Il comporte un volet préventif et un volet correctif, tous deux assortis d’un régime de sanctions.

1.   Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance

Le volet préventif s’articule autour du programme de stabilité (États de la zone euro) ou de convergence (États hors zone euro) que les États membres doivent transmettre à la Commission avant le 30 avril. Ces programmes font l’objet d’une évaluation et d’un suivi par les instances européennes.

a.   L’obligation d’élaborer un programme de stabilité ou de convergence

Les États membres déterminent, dans leur programme de stabilité ou de convergence, un OMT et une trajectoire d’ajustement, ainsi que les moyens mis en œuvre pour atteindre ces différents objectifs. Ces programmes doivent reposer sur un scénario macroéconomique plausible.

Contenu obligatoire d’un programme de stabilitÉ ou de convergence

Objectif de moyen terme (OMT)

Solde structurel compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent

Trajectoire dajustement

− Au moins 0,5 point de PIB par an

− Supérieure à 0,5 point de PIB par an lorsque la dette publique est supérieure à 60 % du PIB

Moyens mis en œuvre

− Cadrage économique comprenant les principales hypothèses concernant l’évolution prévisible de l’économie et les variables économiques importantes

− Description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique qui sont mises en œuvre et/ou envisagées pour réaliser les objectifs du programme

− Analyse de l’incidence que tout changement des principales hypothèses économiques aurait sur la situation budgétaire et la dette

Source : commission des finances.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([61]) a fixé, pour la France, un OMT de – 0,4 point de PIB mais pas la date de réalisation. Il en est de même du programme de stabilité d’avril 2019.

En France, contrairement à d’autres États de l’Union européenne, le programme de stabilité ne fait pas l’objet d’un vote obligatoire par le Parlement. Lors de la présentation des neuf programmes de stabilité de la France, de 2011 à 2019, le Gouvernement a procédé à cinq déclarations, suivies d’un débat et d’un vote en séance publique. Ce fut notamment le cas en 2018 et en 2019.

La mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances a préconisé, en septembre 2019, que « soit inscrite au niveau organique la possibilité dorganiser un débat annuel sur le programme de stabilité avant sa transmission à la Commission européenne » ([62]), afin de renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement. Ce débat en séance publique, qui serait suivi d’un vote, pourrait se substituer au débat d’orientation des finances publiques (DOFP).

b.   L’évaluation et le suivi des programmes de stabilité ou de convergence

La conformité de la trajectoire de chaque État membre au regard des recommandations européennes est évaluée dans les trois mois par la Commission européenne. L’État membre peut être invité à modifier son programme si le Conseil de l’Union européenne, agissant sur recommandation de la Commission, adopte une recommandation en ce sens ([63]).

Par ailleurs, durant la phase d’exécution, la Commission peut adresser aux États membres un avertissement en cas d’écart important par rapport à la trajectoire d’ajustement. Le Conseil peut alors adopter des recommandations, lesquelles peuvent donner lieu, en l’absence d’actions suivies d’effet de la part de l’État membre, à des sanctions ([64]) consistant en un dépôt portant intérêts de 0,2 % du PIB.

2.   Le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance

L’ouverture d’une PDE est décidée par le Conseil de l’Union européenne sur recommandation de la Commission. L’État membre doit prendre des actions suivies d’effet et en rendre compte régulièrement à la Commission. En l’absence d’actions suivies d’effet, l’État membre peut être mis en demeure par le Conseil de corriger son déficit excessif et d’améliorer chaque année son solde structurel d’au moins 0,5 % du PIB ([65]). À l’issue de la procédure et en l’absence d’actions suivies d’effet, l’État membre s’expose à des sanctions pouvant aller de 0,2 % à 0,5 % du PIB ([66]).

La surveillance des finances publiques dans le cadre du PSC

Volet préventif

Orientations du Conseil

Le Conseil adopte ses orientations généralement en février sur la base de l’examen annuel de la croissance élaboré par la Commission

Programme de stabilité ou programme de convergence

Ces programmes sont transmis par les États membres à la Commission avant le 30 avril

Évaluation et suivi

− Les programmes sont évalués dans les trois mois de leur transmission

− Un avertissement et des recommandations peuvent être adoptés en cas d’écart important avec la trajectoire d’ajustement

Volet correctif

Ouverture de la procédure pour déficit excessif

Sur décision du Conseil, agissant sur recommandations de la Commission, le Conseil adopte des recommandations en vue de la correction du déficit excessif

Actions suivies d’effet

− L’État membre remet un rapport sur les actions suivies d’effet qu’il a entreprises en vue de remédier au déficit excessif

− La Commission évalue les actions suivies d’effet

Mise en demeure

En l’absence d’actions suivies d’effet, le Conseil peut, sur recommandation de la Commission, adresser une mise en demeure

Sanctions

Sanction du volet préventif

Dépôt portant intérêts de 0,2 % du PIB

Sanctions du volet correctif

Dépôt ne portant pas intérêts de 0,2 % du PIB, voire amendes de 0,2 % du PIB à 0,5 % du PIB si l’État membre enfreint à plusieurs reprises les règles du volet correctif

Source : commission des finances.

La France faisait l’objet d’une procédure de déficit excessif depuis le 27 avril 2009. Le Conseil de l’Union européenne avait alors accordé un délai à la France jusqu’en 2012 pour corriger son déficit. Le 2 décembre 2009, le Conseil a accordé un nouveau délai à la France jusqu’en 2013. Le 21 juin 2013, ce délai a été reporté à 2015. Enfin, le 10 mars 2015, ce délai a été porté à 2017.

Le Conseil a clôturé la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet lors de sa réunion du 22 juin 2018.

En juin 2019, la Commission a recommandé la clôture de la procédure pour déficit excessif pour l’Espagne. Depuis lors, plus aucun État membre ne relève du volet correctif du PSC.

II.   LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

Depuis 2011, les politiques économiques des États membres sont surveillées, au même titre que l’évolution de leurs finances publiques, selon une procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM). L’objet de cette surveillance est d’éviter le retour de profondes divergences économiques (en matière de compétitivité, de réaction aux chocs exogènes, de santé financière) ayant contribué à déséquilibrer fortement l’union économique et monétaire dans le contexte qui a suivi la crise de 2008.

A.   L’OBJET DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

La surveillance macroéconomique a pour but de sortir du prisme exclusif des finances publiques qui limitait auparavant l’intelligence du dialogue économique entre les instances européennes et les États membres.

Son but est de détecter et de corriger à un stade précoce les déséquilibres macroéconomiques, en prêtant une attention particulière à ceux qui pourraient avoir des retombées sur d’autres États membres.

Le déséquilibre est défini assez largement comme « toute tendance donnant essor à des développements macroéconomiques ayant un effet préjudiciable ou susceptibles davoir un effet préjudiciable sur le bon fonctionnement de léconomie dun État membre, de lUnion économique et monétaire ou de lUnion dans son ensemble » ([67]).

Le déséquilibre est considéré comme excessif lorsqu’il est « grave », notamment lorsqu’il compromet ou est susceptible « de compromettre, le bon fonctionnement de lUnion économique et monétaire » ([68]).

En d’autres termes, la surveillance macroéconomique doit inciter à une meilleure coordination des politiques économiques des États membres au bénéfice de l’ensemble de l’Union européenne, et en particulier de la zone euro.

Tout comme le pacte de stabilité et de croissance, la prévention des déséquilibres macroéconomiques comporte un volet préventif et un volet correctif. Seul le volet correctif peut déboucher sur des sanctions. Sa finalité est moins normative que la surveillance des finances publiques : le volet préventif ne peut faire l’objet de sanctions et les sanctions du volet correctif sont moins fortes. Elles sont d’ailleurs restées, à ce jour, théoriques.

B.   LE CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

La surveillance multilatérale de l’Union européenne au titre des déséquilibres macroéconomiques est régie par deux règlements :

– le règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ;

– le règlement (UE) n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro.

Le programme national de réforme et le programme de stabilité font partie des documents que les instances européennes examinent pour déterminer les éventuelles mesures préventives à mettre œuvre ou pour décider de l’ouverture d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs.

Le volet préventif de la prévention des déséquilibres macroéconomiques (PDM) peut aboutir à l’adoption de mesures sous forme de recommandations du Conseil lorsqu’un État membre est jugé en situation de déséquilibre macroéconomique au terme d’un bilan approfondi de la Commission européenne.

Le volet correctif n’a encore jamais été activé. Il débute par l’ouverture d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs et par l’adoption d’un plan de mesures correctives qui fait l’objet d’un suivi. Les sanctions théoriques sont limitées à 0,1 % du PIB.

LA SURVEILLANCE DES DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES

Prévention

Mécanisme d’alerte

Tableaux de bord

Le rapport sur le mécanisme d’alerte (RMA) est un rapport annuel de la Commission qui désigne les États membres dont elle considère qu’ils peuvent être touchés par un déséquilibre. Le rapport est généralement publié en novembre en même temps que l’examen annuel de la croissance

Bilan approfondi

La Commission procède à un bilan approfondi (en février) pour chaque État membre exposé à un déséquilibre macroéconomique

Mesures préventives

Sur recommandations de la Commission (en mai), le Conseil adresse ses recommandations (en juillet) à l’État membre en situation de déséquilibre macroéconomique

Correction

Ouverture de la procédure concernant les déséquilibres excessifs

Sur recommandations de la Commission, le Conseil adresse ses recommandations à l’État membre en situation de déséquilibre excessif

Plan de mesures correctives

L’État membre doit alors adresser un plan de mesures correctives dans le délai imparti par le Conseil

Suivi des mesures correctives

L’État membre soumet des rapports d’avancement qui sont évalués par la Commission

Clôture de la procédure concernant les déséquilibres excessifs

Le Conseil, sur recommandation de la Commission, abroge les recommandations émises dès qu’il estime que l’État membre concerné ne présente plus de déséquilibres excessifs

Sanction

Dépôt portant intérêt

Un dépôt de 0,1 % du PIB portant intérêt est imposé par décision du Conseil, statuant sur recommandation de la Commission, si le Conseil conclut que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures correctives recommandées.

Amende annuelle

Une amende annuelle de 0,1 % du PIB est imposée par décision du Conseil, statuant sur recommandation de la Commission lorsque deux recommandations successives sont prises constatant l’insuffisance du plan de mesures correctives ou lorsque deux recommandations successives sont prises constatant que les mesures correctrices n’ont pas été prises.

Source : commission des finances

 

III.   LE CYCLE ANNUEL BUDGÉTAIRE

La surveillance des finances publiques se déroule dans le cadre du cycle annuel budgétaire qui se décompose en un semestre européen et un semestre national.

L’entrée en vigueur des deux règlements du « two-pack » (voir ci-dessous), a conduit à transformer le semestre européen en un cycle budgétaire annuel, ce qui a permis l’approfondissement et la continuité de l’échange d’informations et de la coordination entre les États membres et les institutions européennes.

C’est dans ce cadre que la France transmet son programme de stabilité en avril pour préparer le semestre européen qui débute en novembre.

A.   LE SEMESTRE EUROPÉEN

1.   Le cadre juridique du semestre européen

Le semestre européen, instauré en 2011, est une période d’environ six mois qui permet un dialogue économique entre les instances européennes et les États membres. Son objet est de coordonner et de surveiller les politiques économiques et budgétaires des États membres ainsi que leurs réformes structurelles. À ce titre, le semestre européen regroupe trois types de procédures de coordination.

Les trois axes de la coordination des politiques des États membres
durant le semestre europÉEN

Objet de la coordination

Cadre juridique de la coordination

réformes structurelles

stratégie « Europe 2020 »

politiques budgétaires – finances publiques

pacte de stabilité et de croissance (PSC)

politiques économiques

prévention des déséquilibres macroéconomiques (PDM)

Source : commission des finances.

Le semestre européen comprend ainsi ([69]) :

– la formulation, et la surveillance de la mise en œuvre, des grandes orientations des politiques économiques (GOPÉ) dans l’examen annuel de la croissance auquel procède la Commission européenne ;

– la formulation, et l’examen de la mise en œuvre, des lignes directrices pour l’emploi par la Commission européenne ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de stabilité ou de convergence des États membres ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de réforme nationaux des États membres ;

– la surveillance pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques.

L’institution d’un semestre européen a indéniablement amélioré la coopération entre les États membres et les institutions européennes, tout en renforçant le caractère multilatéral du processus.

2.   Le calendrier du semestre européen

a.   Novembre de l’année N-1

Le semestre européen est lancé par la Commission européenne avec la publication d’une série de documents (le « paquet » de novembre) qui sert de base à la discussion.

Le document le plus important est l’« examen annuel de la croissance » qui expose les grandes orientations des politiques économiques. Il est soumis à l’examen des autres institutions et alimente les discussions préalables au Conseil européen de printemps.

b.   Mars de l’année N

Les priorités de l’examen annuel de la croissance sont approuvées par le Conseil européen.

La Commission publie, ensuite, une série de rapports par pays analysant les politiques économiques des États membres.

Sur ces différentes bases, le Conseil européen définit les lignes directrices de l’Union européenne dont les États membres doivent tenir compte. Il peut également transmettre des orientations à certains membres.

c.   Avril de l’année N

Les États membres de la zone euro transmettent ensuite, avant la fin avril, aux autorités européennes leur programme de stabilité (ou programme de convergence pour les autres États membres), ainsi que leur programme national de réforme.

le rÔle des États membres durant le semestre europÉEN

Document transmis par les États membres

Objet de la coordination

Programme de stabilité ou de convergence

Politiques budgétaires

Programme national de réforme

Politiques économiques et réformes structurelles

Source : commission des finances.

d.   Mai de l’année N

La Commission publie ses recommandations stratégiques par pays en se fondant sur son évaluation des situations économiques et des programmes nationaux.

e.   Juin et juillet de l’année N

Enfin, le Conseil adopte ses recommandations par pays en juin ou juillet, lesquels constituent l’aboutissement du semestre européen.

f.   Septembre de l’année N

L’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) prévoit l’organisation d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des parlements nationaux, afin de débattre des politiques budgétaires.

Les conférences de larticle 13

La conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance dans l’Union, communément désignée sous l’appellation « Conférence de larticle 13 », constitue un cadre de discussion et d’échange d’informations en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions du TSCG, en vue de renforcer la coopération entre les parlements nationaux et le Parlement européen. L’objectif est de contribuer au renforcement de la légitimité démocratique de la gouvernance économique et de la politique budgétaire européennes.

Elle a remplacé l’ancienne rencontre des présidents des commissions budgétaires et des finances des parlements nationaux, qui était organisée par le parlement du pays assurant la présidence du Conseil de l’Union européenne.

La conférence se tient deux fois par an, une première fois à Bruxelles au cours du premier semestre de chaque année civile dans le cadre de la semaine parlementaire européenne, et une seconde fois au cours du second semestre, dans l’État membre assurant la présidence du Conseil de l’UE.

Le Rapporteur général a participé à toutes les conférences de l’article 13 qui se sont tenues depuis le début de la législature, successivement à Tallinn, à Bruxelles, à Vienne et à Helsinki. Même si elles ne sont pas juridiquement intégrées au cycle annuel budgétaire, elles permettent à la France d’exprimer son point de vue et d’expliquer ses choix budgétaires dans un cadre différent.

Le Rapporteur général a pu constater que la position de la France était mieux comprise et acceptée par les partenaires européens depuis qu’elle s’était résolument engagée dans le respect des engagements pris en matière de finances publiques. La voix de la France a gagné en crédibilité et ses prises de position sont désormais au cœur du débat sur l’avenir de l’Europe.

B.   LE SEMESTRE NATIONAL

1.   Le cadre juridique du semestre national

À l’issue du semestre européen, les États membres doivent élaborer leur budget, selon leurs règles propres, en tenant compte des orientations de l’Union européenne.

Le semestre national est, du point de vue des procédures européennes, régi par le « two-pack », c’est-à-dire un ensemble de deux règlements du 21 mai 2013 qui ont été adoptés en vue de renforcer la surveillance budgétaire de la zone euro :

– le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 472/2013 du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière, qui a organisé une surveillance renforcée des États membres qui sollicitent une aide multilatérale ;

– le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 473/2013 du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro, qui a prévu l’obligation de se doter d’un organisme indépendant pour évaluer les hypothèses macroéconomiques des stratégies budgétaires.

2.   Le calendrier du semestre national

Les États membres doivent envoyer leur « plan budgétaire » pour l’année suivante avant le 15 octobre. Les États membres faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif doivent également présenter un « programme de partenariat économique », conformément au TSCG. Ce programme décrit les mesures et les réformes structurelles engagées pour assurer une correction durable des déficits excessifs.

La Commission donne son avis avant le 30 novembre et demande, le cas échéant, des modifications.

Pour ce qui est des États membres faisant l’objet d’une procédure de déficit excessif, l’avis de la Commission évalue si la correction du déficit est conforme aux recommandations du Conseil de l’Union européenne.

Cette évaluation se fait également sur la base d’un rapport sur l’action engagée en réponse à la recommandation issue de la procédure de déficit excessif, transmis par le pays concerné.

L’Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances des États membres de la zone euro, examine, ensuite, les avis sur les projets de plans budgétaires ainsi que la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble, sur la base d’une évaluation réalisée par la Commission, afin de disposer d’une vision agrégée du contexte budgétaire de la zone.

L’État membre transmet, enfin, sa loi de finances à la Commission avant la fin de l’année.

C.   LE CYCLE BUDGÉTAIRE ANNUEL DE LA FRANCE EN 2019

1.   Dans le cadre du semestre européen

Le 21 novembre 2018, la Commission européenne a adopté son « paquet d’automne » du semestre européen.

Ce paquet contient notamment l’examen annuel de la croissance dans l’Union européenne, le rapport 2019 sur le mécanisme d’alerte (déséquilibres macroéconomiques) et les avis sur les projets de plans budgétaires des États membres de la zone euro. Jusqu’à présent, la France a choisi de communiquer à la Commission européenne le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, lequel fait office tout à la fois de plan budgétaire et de programme de partenariat économique.

Dans le rapport de la commission sur le mécanisme d’alerte ([70]), la France est mentionnée parmi les 13 États membres qui feront l’objet d’un bilan approfondi, avec la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie, l’Espagne et la Suède. 11 de ces pays, dont la France, étaient déjà concernés par ce bilan approfondi en 2017.

Le rapport sur le mécanisme d’alerte (RMA) 2019 a conclu à la nécessité d’entreprendre un nouveau bilan approfondi pour la France afin d’évaluer la persistance ou la correction des déséquilibres macroéconomiques relevés en 2018, liés en particulier, selon la Commission, à un endettement public élevé et à un dynamisme insuffisant de la compétitivité dans un contexte de faible croissance de la productivité.

Novembre 2018 : le « triangle vertueux » prôné par la Commission européenne

En 2018, la Commission européenne a publié son « examen annuel de la croissance 2018 » (1).

Ce document présente peu de nouveautés par rapport aux constats formulés les années précédentes. La Commission européenne a, de nouveau, invité les États membres à fonder leurs politiques économiques autour de trois priorités qu’elle qualifie de « triangle vertueux » : la stimulation coordonnée de l’investissement, l’attachement renouvelé aux réformes structurelles et la poursuite de politiques budgétaires responsables.

La Commission européenne constate que l’économie de la zone euro comme celle de l’ensemble de l’UE ont connu une nouvelle expansion en 2019, pour leur sixième année de croissance ininterrompue. En outre, signe d’une meilleure intégration, les « écarts de taux de croissance dans la zone euro sont les plus faibles de lhistoire de lUnion économique et monétaire ».

L’emploi progresse, le nombre de personnes ayant un travail a atteint le chiffre record de 239 millions. La croissance solide et la faiblesse des taux d’intérêt ont favorisé une baisse continue des déficits publics nationaux, qui sont, dans la plupart des cas, revenus à leurs niveaux d’avant la crise. Le déficit d’investissement dû à la crise est désormais pratiquement résorbé.

La Commission appelle les États membres à prôner les « bienfaits du multilatéralisme et de l’intégration économique », dans un contexte de tensions internationales renouvelées. En particulier, pour la Commission, l’euro demeure un « facteur de stabilité » et un « bouclier » face aux risques croissants qui pèsent sur les perspectives économiques mondiales.

(1) Commission européenne, Examen annuel de la croissance 2019, 21 novembre 2018.

Le 27 février 2019 ([71]), sur la base des bilans approfondis réalisés, la Commission a conclu que 10 États membres connaissent des déséquilibres au titre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, dont la France. Toutefois, seuls trois États membres connaissent des déséquilibres excessifs (Chypre, la Grèce et l’Italie).

À ce jour, la France relève donc uniquement du volet préventif de la surveillance macroéconomique, comme l’ensemble des autres États membres en situation de déséquilibre.

Depuis 2012, soit depuis la création de ce mécanisme de surveillance, la Commission a toutefois systématiquement désigné, dans ses rapports sur le mécanisme d’alerte, la France comme étant touchée par des déséquilibres macroéconomiques. En février 2015, la Commission a considéré que la France était en situation de déséquilibre excessif. La Commission avait renouvelé ce constat jusqu’en 2017. En 2018, la France est toutefois sortie de la catégorie « déséquilibres excessifs » de la procédure pour déséquilibres économiques grâce, entre autres, à l’amélioration de ses finances publiques.

Le rapport 2019 pour la France a également été publié le 27 février 2019 ([72]). Il évalue les progrès accomplis et les suites données aux recommandations précédentes. Il contient le bilan approfondi effectué en application du rapport sur le mécanisme d’alerte.

Dans ce rapport, la Commission mentionne que « la France a enregistré certains progrès dans la mise en œuvre des recommandations par pays de 2018 ». Il s’agit notamment de la modération de l’évolution du salaire minimum, de la simplification du système fiscal et de la réduction des formalités administratives.

En revanche, la Commission note qu’ « aucun progrès na été accompli en ce qui concerne le développement et la mise en œuvre dune revue des dépenses publiques dans le cadre du programme Action publique 2022 », d’où le renouvellement de cette recommandation.

Les priorités de l’examen annuel de la croissance ont été approuvées par le Conseil européen le 21 mars 2019. Dans la foulée, le Conseil a adopté une décision donnant un caractère formel à l’accord politique intervenu le 21 mars 2019 sur la prorogation du délai de sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Concernant la surveillance exercée au titre du pacte de stabilité et de croissance, le Gouvernement a transmis le programme de stabilité de la France fin avril par le Gouvernement, après une déclaration devant l’Assemblée nationale et un vote sur cette déclaration le 30 avril 2019.

Le 5 juin 2019, Sur la base de l’évaluation du programme de stabilité 2019-2022, la Commission a adopté un rapport permettant de considérer les critères du déficit et de la dette de la France comme « actuellement respectés » ([73]). La Commission européenne a proposé au Conseil d’adresser un certain nombre de recommandations à la France :

– sur le plan budgétaire, d’utiliser « les recettes exceptionnelles pour accélérer la réduction du ratio de la dette publique » et de mieux maîtriser les dépenses publiques en veillant « à ce que le taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires nettes ne dépasse pas 1,2 % en 2020, ce qui correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB » ;

– sur le plan économique, d’axer « les investissements sur la recherche et linnovation (), sur les énergies renouvelables, lefficacité énergétique et les interconnexions avec le reste de lUnion » et de favoriser « lintégration de tous les demandeurs demploi sur le marché du travail » ;

– sur le plan social, de « réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite », dans la perspective de « renforcer léquité et la soutenabilité de ces régimes ».

Le Conseil européen du 9 juillet 2019 a ainsi approuvé formellement les recommandations de la Commission européenne adressées à la France, ce qui a permis de clôturer le semestre européen 2019.

Recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme
de la France pour 2019 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2019 (extraits)

« RECOMMANDE que la France sattache, en 2019 et 2020 :

1 – à veiller à ce que le taux de croissance nominale des dépenses primaires nettes ne dépasse pas 1,2 % en 2020, ce qui correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB ; à utiliser les recettes exceptionnelles pour accélérer la réduction du ratio de la dette publique ; à réduire les dépenses et à réaliser des gains defficacité dans tous les sous-secteurs des administrations publiques, notamment en précisant pleinement les mesures concrètes nécessaires dans le contexte du programme Action publique 2022 et en surveillant étroitement la mise en œuvre de ces mesures ; à réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite, en vue de renforcer léquité et la soutenabilité de ces régimes ;

2 – à favoriser lintégration de tous les demandeurs demploi sur le marché du travail, à garantir légalité des chances, en mettant particulièrement laccent sur les groupes vulnérables, notamment les personnes issues de limmigration, et à remédier aux pénuries et aux inadéquations de compétences ;

3 – à axer la politique économique en matière dinvestissements sur la recherche et linnovation (tout en améliorant lefficacité des dispositifs daide publique, dont les systèmes de transfert de connaissances), sur les énergies renouvelables, lefficacité énergétique et les interconnexions avec le reste de lUnion, ainsi que sur linfrastructure numérique, en tenant compte des disparités territoriales ;

4 – à poursuivre la simplification du système dimposition, notamment en limitant le recours aux dépenses fiscales, en continuant de supprimer les impôts inefficaces et en réduisant les impôts sur la production ; à réduire les restrictions réglementaires, notamment dans le secteur des services, et à mettre pleinement en œuvre les mesures visant à stimuler la croissance des entreprises. »

2.   Dans le cadre du semestre national

En 2018, la France avait communiqué à la Commission européenne comme plan budgétaire le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2019.

La Commission européenne avait estimé que ce plan budgétaire français présentait un « risque de non-conformité » avec les exigences du pacte de stabilité et de croissance en raison de l’existence d’ « un écart important par rapport à la trajectoire dajustement requise pour atteindre lOMT » et du « non-respect du critère de réduction de la dette en 2018 ».

Les données disponibles, mentionnées supra, permettent de considérer que la France a effectué un ajustement structurel insuffisant entre 2018 et 2019. En 2020, l’ajustement structurel serait nul. La France s’expose donc à un avertissement de la Commission européenne au titre d’un écart important entre la trajectoire d’ajustement transmise et la trajectoire exécutée, voire à l’ouverture d’une procédure à son encontre au titre du volet préventif du PSC.

*

*     *

 

 

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 7 :
Le volet fiscal du projet de loi de finances pour 2020

Résumé de la fiche

Le présent projet de loi de finances pour 2020 comporte un riche volet fiscal. Ce projet de loi de finances met en œuvre :

– la réduction de l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur de 5 milliards d’euros ;

– la réforme de la fiscalité locale et notamment la mise en œuvre de la dernière étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages ;

– la transformation sur deux ans du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime forfaitaire ;

– la poursuite du « verdissement » de la fiscalité avec notamment la modification du régime fiscal du gazole non routier et l’aménagement de plusieurs taxes pesant sur le secteur du transport routier et aérien ;

– la rationalisation de la fiscalité avec un important programme de suppression de petites taxes, de plafonnement de dépenses fiscales et de réduction de la fiscalité affectée ;

– une mise en conformité avec le droit de l’Union européenne avec plusieurs transpositions de directives ;

– la mise en œuvre d’un « paquet » relatif à la fiscalité du e-commerce ;

– la modernisation des modalités de déclaration, de paiement et de recouvrement de certains impôts.

Ces différentes mesures fiscales sont réparties au sein de 34 articles dont 19 articles en première partie et 15 articles en seconde partie.

La répartition des articles fiscaux entre les première et seconde parties obéit aux critères de l’article 34 de la LOLF ([74]) : les mesures affectant le solde budgétaire de l’État pour l’année 2020 relèvent de la première partie, tandis que les autres mesures (affectant le solde budgétaire de l’État à compter de 2021 ou affectant les ressources d’autres administrations publiques) relèvent de la seconde partie.

Les articles de la première partie sont commentés dans le tome 2 du présent rapport. Ceux de la seconde partie sont commentés dans le tome 3.

Les développements qui suivent procèdent à une synthèse du volet fiscal du présent projet de loi de finances.

Les mesures fiscales de la première partie du PLF 2020

Article

Intitulé

2

Baisse de l’impôt sur le revenu (IR) à compter des revenus de l’année 2020 et indexation du barème applicable aux revenus de l’année 2019

3

Domiciliation fiscale en France des dirigeants des grandes entreprises françaises

4

Mise sous condition de ressources du crédit d’impôt pour la transition énergétique avant son remplacement par une prime pour les ménages modestes

5

Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et réforme du financement des collectivités territoriales

6

Suppression de taxes à faible rendement

7

Limitation dans le temps de dépenses fiscales afin d’en garantir l’évaluation et suppression de dépenses fiscales inefficientes

8

Baisse du taux de la TVA sur certains logements locatifs sociaux dans le cadre du pacte d’investissement pour le logement social

9

Clarification du régime de TVA des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

10

Transposition de la directive (UE) 2018/1910 du Conseil du 4 décembre 2018 en matière de TVA

11

Aménagement de la trajectoire de baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises

12

Mise en conformité avec le droit européen des retenues et prélèvements à la source applicables aux sociétés non-résidentes

13

Transposition de la directive (UE) 2017/952 du 29 mai 2017 relative à la lutte contre les dispositifs hybrides (ATAD 2) et suites de la transposition de directive (UE) 2016/1164 du 12 juillet 2016 (ATAD 1)

14

Régime fiscal des dotations versées par la société nationale SNCF à la société SNCF Réseau

15

Baisse de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie

16

Suppression progressive du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les carburants sous condition d’emploi

17

Rationalisation du régime fiscal du gaz naturel

18

Refonte des taxes sur les véhicules à moteur

19

Diminution du remboursement de TICPE applicable au secteur du transport routier de marchandises

20

Hausse de la taxe sur les billets d’avion au profit de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

Source : présent projet de loi de finances.

Les mesures fiscales de la seconde partie du PLF 2020

Article

Intitulé

47

Exonération de contribution économique territoriale et de taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur des activités commerciales situées dans des communes rurales isolées

48

Exonération de contribution économique territoriale et de taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur des entreprises commerciales ou artisanales situées dans des communes en opération de revitalisation de territoire

49

Modification des modalités du forfait des dépenses de fonctionnement pour le calcul du crédit d’impôt recherche et du crédit d’impôt innovation

50

Rationalisation de la réduction d’impôt en faveur du mécénat

51

Taxation des CDD d’usage

53

Transposition de la directive (UE) 2017/2455 du 5 décembre 2017 relative au régime de TVA du commerce électronique

54

Obligation d’information à la charge des exploitants d’entrepôts logistiques

55

Publication de la liste des plateformes qui ne coopèrent pas avec l’administration fiscale

57

Possibilité pour les administrations fiscale et douanière de collecter et d’exploiter les données rendues publiques sur les réseaux sociaux et les plateformes

58

Simplification des obligations déclaratives et des modalités d’établissement des impositions en matière d’impôt sur le revenu

59

Obligation de télédéclaration et de télépaiement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances et des contributions assimilées

60

Simplification du recouvrement de la TVA à l’importation auprès des entreprises

61

Unification des modalités de déclaration et de recouvrement de certaines impositions indirectes et amendes

62

Rééquilibrage des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée

63

Alignement progressif de la fiscalité du tabac en Corse à compter de 2023

Source : présent projet de loi de finances.

I.   Des mesures d’adaptation de la fiscalitÉ des entreprises

Comme l’année précédente, le présent projet de loi de finances comporte peu de mesures de « rendement », accroissant les ressources des administrations publiques.

L’article 11 prévoit l’ajustement de la trajectoire de réduction de l’impôt sur les sociétés (2,5 milliards d’euros), tout en baissant l’impôt dû par rapport à 2019 pour toutes les entreprises. En outre, le présent projet de loi prévoit un léger resserrement des conditions de mise en œuvre de certains dispositifs favorables aux entreprises.

A.   La rÉvision de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés

L’article 11 aménage de façon ponctuelle et ciblée la trajectoire de baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS) applicable aux exercices ouverts en 2020 et 2021 par les plus grandes entreprises, définies comme celles réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros. Le point d’arrivée de la trajectoire, à savoir la réduction du taux de l’IS à 25 % à la fin du quinquennat, est préservé.

L’article prévoit ainsi que, pour ces grandes entreprises, le taux normal applicable est :

– au titre des exercices ouverts en 2020, 31 % au lieu de 28 %, ce dernier taux demeurant néanmoins applicable à la fraction de bénéfice n’excédant pas 500 000 euros ;

– au titre des exercices ouverts en 2021, 27,5 % au lieu de 26,5 %.

Cette modification de la trajectoire de la baisse du taux normal de l’IS pour les plus grandes entreprises intervient dans le cadre de l’article 84 de la loi de finances pour 2018, qui fixe la diminution progressive du taux normal de l’IS jusqu’à 25 % au titre des exercices ouverts à compter de 2022.

L’article 11 devrait procurer à l’État un surcroît cumulé de recettes fiscales supérieur à 3 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros en 2020 et 0,9 milliard d’euros en 2021. Toutefois, l’effort fiscal du Gouvernement en faveur des entreprises, s’il est moindre par rapport à la trajectoire prévue dans le droit existant, demeure réel.

En d’autres termes, si l’aménagement de la trajectoire est, en soi, une mesure de rendement, le présent article porte une baisse de l’IS pesant sur les entreprises en 2020 par rapport à l’impôt dû en 2019.

B.   La réduction de deux dépenses fiscales importantes

1.   La défiscalisation des versements de mécénat des entreprises

L’article 50 prévoit de baisser de 60 % à 40 % le taux de la réduction d’impôt applicable aux dons des entreprises en direction des organismes d’intérêt général ou reconnus d’utilité publique, lorsque ces dons sont supérieurs à 2 millions d’euros.

La défiscalisation de ces versements demeure dans la limite, prévue par le droit existant, de 10 000 euros ou de 5 ‰ du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé.

Comme l’indique l’exposé des motifs de l’article 50, le rapport sur le soutien public au mécénat des entreprises de la Cour des comptes ([75]) a établi le caractère particulièrement dynamique et concentré de cette dépense fiscale, dont le coût s’est élevé en 2017 à 902 millions d’euros, principalement au bénéfice des plus grandes entreprises.

L’article 50 écarte de la réduction du taux de défiscalisation les dons consentis en direction des organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite de certains soins à des personnes en difficulté.

Enfin, le mécénat de compétence, qui consiste à mettre à disposition un salarié à titre gratuit et qui entre dans le périmètre de la réduction d’impôt, sera mieux encadré. L’article propose de restreindre l’assiette de la réduction d’impôt, pour chaque salarié mis à disposition par une entreprise, aux rémunérations versées et charges sociales afférentes dans la limite de trois fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), fixé en 2019 à 40 524 euros.

Au total, la rationalisation de la « niche mécénat » pourrait rapporter jusqu’à 100 millions d’euros à compter de 2021.

2.   Le resserrement des crédits d’impôt recherche et innovation

L’assiette du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt innovation (CII) inclut les dépenses de fonctionnement exposées par l’entreprise, calculées selon un système de forfait dont le taux varie en fonction des dépenses auxquelles il se rapporte : 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations, 50 % des dépenses de personnel hors « jeunes docteurs » et, pour le seul CIR, 200 % des dépenses de personnel afférentes aux « jeunes docteurs ».

Ces taux, inchangés depuis 2011 pour le CIR et depuis sa création en 2013 pour le CII, se révèlent plus généreux que les dépenses de fonctionnement réellement engagées par les entreprises, notamment s’agissant des dépenses de personnel.

L’article 49 procède à un ajustement du forfait des dépenses de fonctionnement, en ramenant le taux afférent aux dépenses de personnel de 50 % à 43 %. La mesure s’appliquerait aux dépenses engagées à compter de 2020, pour un gain budgétaire estimé à 230 millions d’euros par an à compter de 2021.

II.   Les principales mesures de baisse des impôts

Le principal marqueur du PLF 2020 est la poursuite de la baisse significative des impôts pesant sur les ménages et sur les entreprises.

Deux mesures du présent PLF permettent de réduire de 8,7 milliards d’euros la charge d’imposition pesant sur les ménages. L’article 2 diminue de 5 milliards d’euros l’impôt sur le revenu. L’article 5 achève la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages en 2020, et programme la dernière étape de suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés à compter de 2021.

Une mesure contribue à réduire le taux d’imposition applicable aux entreprises : la réduction du taux d’impôt sur les sociétés, qui entraîne un coût de 2,5 milliards d’euros en 2020 (article 11).

A.   Pour les mÉnages

1.   La baisse de l’impôt sur le revenu

L’article 2 prévoit une baisse de 5 milliards d’impôt sur le revenu, annoncée par le Président de la République lors des conclusions du Grand débat national, en avril 2019. Le barème de l’impôt sur le revenu comporte, depuis la loi de finances pour 2015 et la suppression de la tranche à 5,5 %, cinq tranches dont les taux n’ont, depuis, fait l’objet d’aucune modification.

Pour parvenir à la baisse d’impôt souhaitée, l’article 2 abaisse la deuxième tranche de 14 % à 11 %. Pour que la baisse soit concentrée sur les classes moyennes, les montants d’entrée dans les troisième et quatrième tranches sont abaissés, respectivement de 27 519 euros à 25 669 euros et de 73 779 euros à 73 369 euros.

BARÈME DE L’iMPÔT SUR LE REVENU 2020

(en euros et en %)

Tranche

Taux

Jusqu’à 10 064 €

0 %

De 10 064 € à 25 669 €

11 %

De 25 669 à 73 369 €

30 %

De 73 369  à 157 806 €

41 %

À partir de 157 806 €

45 %

Note : en souligné, les modifications par rapport au barème 2018.

Source : commission des finances

En conséquence, l’article 2 supprime, pour des motifs techniques, la réduction d’impôt de 20 %, qui se superpose actuellement à la décote et rend difficilement lisible les conditions d’entrée dans l’impôt en bas du barème. Le coefficient de décote est aménagé, eu égard à la baisse d’impôt mise en œuvre.

GAin moyen d’impÔt sur le revenu en fonction de la composition du foyer fiscal et des revenus (ARTICLE 2 plf 2020)

Célibataire

Revenus de 1 500 à 2 000 

Revenus de 2 000 

Revenus de 2 000 à 3 500 

Réduction progressive

de 33 à 549 €

Réduction maximale

549 €

Réduction dégressive

de 549 à 126 €

Couple sans enfant

Revenus de 3 000 à 4 000 

Revenus de 4 000 €

Revenus de 4 000 à 7 000 

Réduction progressive

de 33 à 549 €

Réduction maximale

549 €

Réduction dégressive de

549 à 252 €

Couple avec un enfant

Revenus de 3 500 à 5 100 

Revenus de 5 100 

Revenus de 5 100 à 7 000 

Réduction progressive

de 153 à 898 €

Réduction maximale

898 €

Réduction dégressive

de 898 à 252 €

Couple avec deux enfants

Revenus de 4 000 à 5 600 

Revenus de 5 600 

Revenus de 5 600 à 7 000 €

Réduction progressive

de 165 à 908 €

Réduction maximale

908 €

Réduction dégressive

de 908 à 252 €

Source : commission des finances

En définitive, 16,9 millions de foyers fiscaux verront leur montant d’IR baisser, pour un gain moyen de 300 euros par foyer fiscal. Les tableaux ci-dessous montrent les gains moyens par tranche de revenus et par composition du foyer fiscal, et permettent de constater la concentration de la baisse sur les classes moyennes

2.   La suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale

L’article 5 programme la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale supportée par les 20 % des ménages les plus aisés, qui seront les derniers, à compter de 2020, à en être redevables.

La suppression est opérée en trois phases : une exonération de 30 % en 2021, de 65 % en 2022 et de 100 % en 2023.

Pour rappel, la loi de finances pour 2018 contient la montée en charge progressive du dégrèvement de TH pour 80 % des ménages, à hauteur de 30 % en 2018, de 65 % en 2019 et de 100 % en 2020. Le coût total de cette mesure est de 10,2 milliards d’euros en 2020.

Au total, à horizon 2023, le coût de la suppression intégrale de la TH est d’environ près de 18 milliards d’euros. La suppression de la taxe d’habitation est un engagement pris par le Président de la République en faveur du pouvoir d’achat et pour mettre fin à des inégalités qui s’étaient cristallisées et amplifiées, en raison du défaut d’actualisation depuis les années 1970 des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation. Près de 29,4 millions de foyers en seront bénéficiaires, pour un gain moyen de 605 euros par foyer.

La taxe d’habitation sur les résidences secondaires et sur les locaux meublés non affectés à l’habitation principale, ainsi que la taxe sur les locaux vacants, sont maintenues.

B.   Pour les entreprises

L’article 11, présenté supra, modifie la trajectoire de baisse de l’IS pour les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 000 euros.

En 2020, par effet de cet article et du droit existant, qui prévoyait déjà une baisse d’IS pour les exercices ouverts en 2020, le taux normal applicable sera :

– maintenu à 31 % (au lieu de 28 % dans la trajectoire prévue par le droit existant) pour les grandes entreprises susmentionnées, et effectivement abaissé à 28 % pour la fraction de bénéfice n’excédant pas 500 000 euros ;

– abaissé à 28 % pour les autres entreprises.

En 2020, les entreprises verront l’impôt sur les sociétés baisser de 2,5 milliards d’euros par rapport à 2019.

III.   la réforme de la fiscalitÉ locale

La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, ressource essentielle du financement du bloc communal, entraîne la mise en œuvre d’une réforme d’ampleur du schéma de financement des collectivités territoriales.

L’article 5 prévoit cette refonte, dont l’objectif est une compensation à l’euro près en faveur des collectivités concernées.

Dans un premier temps, l’article 5 transfère des collectivités territoriales à l’État, à compter de 2021, le reliquat du produit de la TH sur les résidences principales.

Dans un deuxième temps, la réforme de la fiscalité locale est dépliée de la façon suivante :

– le transfert de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux communes. Globalement, ce transfert permet de compenser en grande partie pour les communes la suppression de la TH sur les résidences principales et de renforcer la spécialisation de la TFPB en supprimant un échelon de collectivité bénéficiaire. Chaque commune sera en tout état de cause compensée par la mise en place d’un dispositif correctif approprié destiné à neutraliser les écarts de compensation pour les communes, à la suite du transfert de la part départementale de la TFPB.

En outre, l’article 5 prévoit la mise en œuvre de mesures de compensation pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, les départements et les régions. Il est procédé à l’affectation, à compter de l’année 2021, d’une fraction de TVA en faveur des EPCI à fiscalité propre, des départements et de la Ville de Paris. Une dotation budgétaire de l’État permettra la compensation pour les régions de la perte des frais de gestion liés à la TH perçus par ces collectivités depuis 2014 ;

Enfin, l’article propose une adaptation des règles de lien et de plafonnement des taux des impositions directes locales. En cohérence avec le cœur de la réforme, l’imposition pivot ne sera plus la TH mais la TFPB.

IV.   Le verdissement de la fiscalité

À l’instar du PLF 2019, le présent PLF comporte une série de mesures dont l’objectif, parfois non exclusif, est d’ordre écologique. Il s’agit d’adapter un système fiscal dont certains des éléments ne sont plus compatibles avec l’ambition de transition écologique affichée par le Gouvernement.

A.   La mise sous condition de ressources du CITE et sa transformation en prime forfaitaire pour les ménages modestes

Conformément aux engagements de campagne pris par le Président de la République, l’article 4 initie la transformation du CITE en un système de prime immédiatement perceptible lors de l’engagement des dépenses concourant aux objectifs de rénovation énergétique des bâtiments et d’économies d’énergie.

Pour les ménages dont les revenus sont modestes et très modestes, l’article 4 crée une prime au titre des dépenses engagées à compter du 1er janvier 2020 au titre de la rénovation de leurs logements, versée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Il proroge, pour les ménages non éligibles à cette prime, le CITE pour une durée d’un an, soit jusqu’au 31 décembre 2020. En 2021, les ménages éligibles en 2020 au crédit d’impôt bénéficieront de la prime instaurée par le présent article.

En revanche, dès 2020, les ménages les plus aisés appartenant aux 9e et 10e déciles de revenu, seront exclus du bénéfice du crédit d’impôt. Le champ des dépenses éligibles au CITE est également modifié. Au total, une fois le CITE définitivement supprimé, le gain net pour l’État serait de 100 millions d’euros. L’effort public en faveur des ménages modestes et très modestes sera toutefois bien plus important qu’aujourd’hui via le CITE :

– le montant de la prime sera bonifié par rapport aux montants que le maintien du CITE aurait permis d’obtenir grâce au recentrage du dispositif, ce qui diminuera d’autant le taux d’effort des ménages bénéficiaires ;

– la prime est immédiatement perceptible par les ménages bénéficiaires, alors que le crédit d’impôt ne peut être obtenu qu’en année N+1. Cela permet d’éviter aux ménages modestes une importante avance de trésorerie qui peut, actuellement, se traduire par un renoncement aux travaux.

Il est au total attendu que le nombre des ménages modestes et très modestes concernés par la prime soit substantiellement plus élevé qu’aujourd’hui avec le crédit d’impôt, et ce, pour chacun d’entre eux, pour des montants plus élevés.

B.   La suppression des tarifs rÉduits de TICPE sur le gazole non routier

L’article 16 est destiné à supprimer progressivement les tarifs réduits de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) du gazole non routier (GNR).

Le GNR est utilisé pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas destinés à être utilisés sur route – les secteurs ferroviaire et agricole bénéficiant toutefois du GNR pour des usages plus larges, parfois routiers. Fiscalement, le recours au GNR est donc « sous conditions d’emploi ».

Le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le GNR est une dépense fiscale coûteuse et peu vertueuse sur le plan environnemental. En effet, l’application d’un taux réduit de TICPE entrave la couverture des externalités négatives liées aux émissions de CO2 et l’orientation des investissements productifs vers des équipements moins polluants.

Le présent article organise une sortie de ce dispositif en sifflet, qui accroît progressivement le tarif de TICPE sur le GNR pour le faire rejoindre, au 1er janvier 2022, le taux de TICPE qui touche le gazole routier.

Des mesures d’accompagnements spécifiques sont prévues : des suramortissements fiscaux sont créés afin de soutenir l’investissement de certains secteurs dans l’acquisition de matériels de substitution, tandis qu’un régime fiscal adapté est prévu pour les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale (transports ferroviaire et fluvial, industries extractives), ainsi que pour les agriculteurs.

Le gain budgétaire du présent article est estimé à 200 millions d’euros en 2020, 650 millions d’euros en 2021, 600 millions d’euros en 2022 et 870 millions d’euros à partir de 2023.

C.   La refonte de la taxation des véhicules à moteur

L’article 18 durcit, au 1er janvier 2020, le barème du malus automobile. Ce dispositif devrait conduire à un surcroît de recettes pour l’État de 141 millions d’euros et contribue à renforcer le volet incitatif de la fiscalité écologique.

En outre, à rendement constant, il rationalise, progressivement à l’horizon 2021, la fiscalité pesant sur les véhicules à moteur en unifiant le calcul des taxes « malus » qui leur sont applicables à partir d’un nouveau standard de mesure des émissions CO2 et donc d’un nouveau barème lié aux émissions de CO2.

Le présent article, dans son volet rationalisation, est coordonné avec l’article 6 du présent projet de loi relatif à la suppression de taxes à faible rendement (voir ci-après). Ce dernier supprime, à compter de 2021, cinq taxes sur les véhicules à moteur (trois des quatre « malus » automobiles, la taxe fixe sur les certificats d’immatriculation, et la taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation perçue au profit des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy).

D.   L’accroissement de la fiscalitÉ pesant sur les passagers du transport aÉrien

L’article 20 accroît les tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d’avions (TSBA) qui frappe les embarquements des passagers aériens sur le territoire français, à l’exception de certaines liaisons spécifiques.

L’augmentation du tarif de la taxe va de 1,50 euro à 3 euros pour les vols en classe économique et de 9 euros à 18 euros pour les vols en classe affaires. Cette hausse contribue, certes modestement, à modifier le signal-prix du recours au transport aérien, beaucoup plus émetteur de gaz à effet de serre par passager que les autres modes de transport collectif.

En outre, cette hausse de la fiscalité permet d’affecter une partie de son produit à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), dans la limite de 230 millions d’euros, sans remettre en cause l’affectation originelle au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dans la limite de 210 millions d’euros, qui avait motivé la création de la « taxe Chirac ».

E.   Autres mesures

Deux autres articles comportent des mesures entrant dans le champ de la fiscalité écologique, bien que l’effet du second sur le verdissement de la fiscalité soit marginal.

L’article 19 réduit légèrement l’amplitude du régime dérogatoire de taxation à la TICPE du gazole utilisé par certains transporteurs routiers de marchandises, qui a protégé ce secteur de la mise en place de la trajectoire carbone. En plus d’être en contrariété avec les engagements environnementaux de la France, ce mécanisme possède un coût budgétaire croissant : la dépense fiscale est supérieure à 1 milliard d’euros en 2018 et a plus que doublée depuis 2016.

Le tarif applicable à ce public de TICPE passerait de 43,19 centimes d’euro par litre à 45,19 centimes d’euro par litre, ce qui se traduirait par un gain de recettes de 140 millions d’euros par an. Le présent article affecte ce produit supplémentaire à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

L’article 17 simplifie le régime fiscal du gaz naturel : tous les usages du gaz naturel seraient désormais inclus dans le champ de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), à niveau de fiscalité inchangé. En outre, l’exonération de TICGN pour le biogaz serait forfaitisée, par souci de simplification.

V.   La rationalisation de la fiscalité

Le présent projet de loi de finances poursuit la rationalisation du système fiscal français. En loi de finances pour 2019, plusieurs mesures avaient entraîné la suppression de petites taxes et de dépenses fiscales inefficientes.

Le programme de suppression des petites taxes se poursuit, sans logique de rendement car les affectataires sont, d’après les engagements du Gouvernement, intégralement compensés.

La rationalisation des dépenses fiscales change d’échelle, en procédant à une forme de « renversement de la charge de la preuve » : le présent PLF propose de limiter dans le temps l’effet de certaines dépenses fiscales afin d’en garantir l’évaluation, ce qui peut in fine conduire à leur suppression faute de démontrer leur pertinence.

A.   La suppression de taxes à faible rendement

La suppression des taxes à faible rendement, entendues comme celles dont le rendement est inférieur à 150 millions d’euros, doit permettre d’améliorer la lisibilité et la bonne acceptation de la fiscalité, et de remédier aux complexités de gestion, tant pour les entreprises que pour les administrations collectrices.

Dans une circulaire du Premier ministre en date du 29 mars 2018, reprise par une circulaire commune de la directrice du budget et du directeur de la législation fiscale du 26 avril 2018, le Gouvernement s’est engagé sur un objectif de réduction des taxes à faible rendement.

Ce mouvement a été amorcé par l’article 26 de la loi de finances pour 2019, qui a supprimé 22 petites taxes ou ensemble de petites taxes pour un coût d’environ 311 millions d’euros.

taxes supprimées par l’article 26 de la LFI pour 2019

(en millions d’euros)

Intitulé de la taxe

Disposition législative

Coût de la suppression

Dispositions supprimées par le projet de loi initial

Contribution aux poinçonnages et essai de métaux précieux

Article 527 du CGI

– 1,57

Taxe sur les contrats d’échange sur défaut d’un État de l’Union européenne

Article 235 ter ZD ter du CGI

– 0,58

Taxe sur l’ajout de sucre à la vendange

Article 422 du CGI

– 1,13

Droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne

Article 1012 du CGI

0

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques – Fraction État

Article 1609 decies du CGI

– 3,55

Taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres

Article 1013 du CGI

0

Taxe sur les farines

Article 1618 septies du CGI

– 64

Prélèvement sur les numéros surtaxés pour les jeux et concours radiodiffusés et télévisés

Article L. 137-19 du code de la sécurité sociale

– 3

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques

Article 1609 decies du CGI

– 4,85

Taxe sur l’édition des ouvrages de librairie

Article 1609 undecies du CGI

– 4

Taxe sur les appareils de reproduction

Article 1609 undecies du CGI

– 25

Redevance pour la certification des bois et plants de vigne

Article 1606 du CGI

– 0,6

Taxe sur les céréales

Article 1619 du CGI

– 17,5

Taxe sur les produits de la pêche maritime

Article 75 de la loi de finances rectificative pour 2013

– 4

Droit d’immatriculation des opérateurs et agences de voyages

Article L. 141-23 du code de tourisme

– 0,2

Taxe affectée à la chambre nationale de la batellerie artisanale

Article L. 4432-3 du code des transports

– 1,2

Dispositions supprimées à la suite de la discussion parlementaire

Taxe sur les huiles végétales

Article 1609 vicies du CGI

– 130

Suppression de certains droits fixes d’enregistrement dus par les sociétés

Articles 810 bis, 810 ter, 811, 812, 814 C et 816 du CGI

NC

Suppression de la taxe sur la recherche de gîtes géothermiques

Article 1591 du CGI

– 0,04

Suppression du montant de la taxe due par la filière animale à l’ITERG

Article 4° du II du G de l’article 71 de la loi de finances rectificatives pour 2003 du 30 décembre 2003

– 0,01

Exclusion des véhicules utilisés par les cirques et les centres équestres de l’assiette de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers

Article 284 bis du code des douanes

NC

Taxe sur plus-values de cessions réalisées par les HLM

Article 130 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

NC

Suppression des taxes sur les messages publicitaires (en 2020)

Articles 302 bis KA, 302 bis KD et 302 bis KG du CGI

– 50

TOTAL

 

 310,97

Source : commission des finances.

L’article 6 du présent projet de loi de finances poursuit ce processus de rationalisation des taxes à faible rendement, conforté par la résolution « Pour une révision générale des taxes à faible rendement », adoptée le 20 juin 2018 par l’Assemblée nationale dans le cadre du Printemps de l’évaluation. Cet article vise la suppression de 18 taxes ou catégories de taxes.

Outre la suppression de petites taxes portant sur les véhicules à moteur objet de l’article 18, sont ainsi supprimées treize autres taxes et catégories de taxes, dont le rendement annuel global, selon les dernières données disponibles, se limite à 114,4 millions d’euros :

– la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière (TCDS) ;

– le droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou d’un label rouge ;

– la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux ;

– la contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires ;

– la taxe sur les déclarations et notifications du produit du vapotage ;

– les deux redevances – communale et régionale – sur la production d’électricité au moyen de la géothermie ;

– le droit de sécurité dû par les entreprises ferroviaires ;

– le droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAFER) ;

– la taxe sur certaines dépenses publicitaires ;

– la taxe sur les permis de conduire ;

– la cotisation de solidarité sur les céréales ;

– la taxe sur les voyageurs de commerce ;

– et certains droits et formalités d’enregistrement.

La suppression de ces taxes doit intervenir dès 2020 sauf pour les taxes sur les véhicules à moteur, la taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux, et le droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’ARAFER dont les suppressions sont prévues pour 2021.

B.   La rationalisation des dépenses fiscales

L’article 7 limite l’application dans le temps de quatre dispositifs :

– le volet du crédit d’impôt recherche applicable au secteur « textile‑habillement-cuir », le crédit d’impôt innovation et le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants d’entreprise, qui s’appliqueraient aux dépenses engagées jusqu’au 31 décembre 2022 ;

– le crédit d’impôt famille, qui s’appliquerait aux dépenses engagées jusqu’au 31 décembre 2021.

En outre, il propose la suppression de sept dépenses fiscales jugées inefficientes :

– une exonération d’impôt sur le revenu (IR) pour les revenus tirés de certaines cultures agréées réalisées sur des terrains auparavant non cultivés situés dans les départements d’outre-mer ;

– deux mécanismes d’étalement de l’imposition à l’IR de certains revenus ;

– une exonération d’impôt sur les sociétés (IS) de certaines opérations d’aménagements réalisées dans des zones dédiées ;

– une réduction d’impôt de 40 % au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national ;

– une exonération de TVA sur la mise en valeur de terres dans les DOM ;

– une exonération de droits d’enregistrement de certains actes intéressant les sociétés de bains-douches, les organismes de jardins familiaux, les sociétés coopératives artisanales ainsi que les groupements de ces mêmes coopératives, les mutuelles et les sociétés de secours des ouvriers et employés des mines.

L’impact budgétaire des suppressions proposées est difficilement chiffrable mais sera effectif dès 2020.

C.   L’amÉnagement de la fiscalitÉ affectÉe

L’article 15 modifie les ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI), au travers de la taxe pour frais de chambre de commerce et d’industrie (TCCI). La TCCI se décompose en une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA–CFE) et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA–CVAE)

Dans la continuité de la réforme du financement des CCI par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », le présent article prévoit que les taux de la TA–CFE actuellement fixés par chaque CCI régionale diminuent en convergeant vers un taux national unique de 0,8 % d’ici 2023.

Cette diminution entraînera à cet horizon un allégement de la pression fiscale sur les entreprises de 400 millions d’euros.

D.   L’alignement de la fiscalitÉ du tabac

En 2019, la loi de finances initiale ([76]) a augmenté le droit de licence composant, avec le droit de consommation, la fiscalité du tabac, pour un rendement de 36 millions d’euros pour 2019 et de 18 millions d’euros pour 2020. Cette recette est transférée des organismes de sécurité sociale à l’État dans le but de financer le fonds de transformation des buralistes, dont la création a été prévue par le protocole d’accord signé le 2 février 2018 entre l’État et la confédération des buralistes.

Dans le présent PLF, l’article 63 comporte une mesure de rendement relative à la fiscalité du tabac, toutefois décalée dans le temps. Cet article aligne la fiscalité du tabac applicable en Corse sur celle du continent, à compter de 2022, sur une période de cinq ans.

Les tarifs du tabac vendu au détail en Corse reflètent cette moindre fiscalité : les prix de vente au détail sont moins élevés que ceux applicables en France continentale, dans la limite d’un plancher (au moins égal à 75 % du prix applicable sur le continent pour les cigarettes, et à deux tiers de ce prix pour les tabacs à rouler).

En l’état actuel du droit proposé, ce dispositif a pour conséquence d’accroître les ressources de la collectivité territoriale de Corse, à laquelle est affecté le produit des droits de consommation du tabac vendu en Corse. Toutefois, il est d’ores et déjà envisagé que le surcroît de recettes issu de cette convergence fiscale soit en partie affectée à l’assurance maladie, comme l’ensemble des droits de consommation pesant sur le tabac.

Le montant prévisionnel des encaissements en 2019 du droit de consommation applicable en Corse s’élève à 107 millions d’euros. L’évaluation du présent article ne comporte aucune estimation pour la période concernée (2022-2016).

VI.   La mise en conformité du droit français avec le droit européen

Le présent projet de loi de finances comporte un volet de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne. Quatre articles ont pour principal objet de transposer des normes européennes ou de tenir compte de la jurisprudence européenne.

A.   La lutte contre l’Évasion fiscale

L’article 13 transpose la directive (UE) 2017/952 du 29 mai 2017 relative à la lutte contre les dispositifs hybrides (ATAD 2) et tire les conséquences de la transposition de la directive (UE) 2016/1164 du 12 juillet 2016 contre l’évasion fiscale (ATAD 1).

La directive « ATAD 2 » porte sur des « dispositifs hybrides », désignant les mécanismes exploitant les différences de qualification d’instruments ou d’entités entre les législations de plusieurs États afin de générer des asymétries fiscales se traduisant par une double non-imposition. Il peut s’agir de manœuvres d’évasion fiscale.

À travers trois nouveaux articles 205 B, 205 C et 205 D du CGI, le présent article définit les notions pertinentes en matière de dispositifs hybrides et détermine les différentes règles applicables en fonction de la nature de l’asymétrie fiscale et du positionnement de la France dans chaque montage.

De nombreux exemples de telles configurations peuvent être trouvés dans le commentaire de l’article 13 situé dans le tome II du rapport général.

B.   la mise en conformité en matière de TVA

L’article 9 modifie l’exonération de TVA dont bénéficient les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et certains autres organismes de placement collectif (OPC) au titre de leurs prestations de gestion. Désormais, l’exonération sera applicable à tous les OPC « présentant des caractéristiques similaires » aux OPCVM. Ceci découle de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui estime, au nom du principe de neutralité de la TVA, que les États membres ne pouvaient limiter le bénéfice de l’exonération à certains fonds.

L’article 10 transpose la directive 2018/1910 du Conseil du 4 décembre 2018 relative à l’harmonisation et la simplification de certaines règles dans le système de taxe sur la valeur ajoutée pour la taxation des échanges entre les États, soit les échanges transfrontières de biens entre entreprises.

Est ainsi créé un régime harmonisé de TVA applicable aux stocks sous contrat de dépôt. En outre, en cas de livraisons successives de biens, l’imputation de l’exonération prévue pour les livraisons intracommunautaires est désormais clairement définie. Enfin, la communication au fournisseur, par l’acquéreur, de son numéro d’identification à la TVA, devient une condition nécessaire aux fins de bénéficier de l’exonération associée aux livraisons intracommunautaires.

C.   La mise en conformiTÉ en matiÈre d’impÔt sur les sociÉtÉs

L’article 12 met en conformité avec le droit de l’Union européenne certaines retenues et prélèvements à la source applicables aux sociétés non‑résidentes.

Le présent article tire les conséquences de deux décisions de justice récentes de la Cour de justice de l’Union européenne (décision « Société Sofina » du 22 novembre 2018) et du Conseil d’État (décision « Cofinimmo » du 10 juillet 2019) afin de mettre en conformité avec le droit communautaire, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020 :

– l’exonération de retenue à la source pour les sociétés étrangères déficitaires et en liquidation, laquelle est élargie à l’ensemble des autres dispositifs de retenues et prélèvements à la source ;

– la restitution de la retenue ou du prélèvement à la source acquitté par les sociétés étrangères déficitaires, qui sera assortie d’une imposition en report ;

– l’obtention, par une société étrangère, de la restitution de la retenue à la source si elle démontre que les bénéfices de source française n’ont pas été désinvestis hors de France.

VII.   La mise en place d’un paquet e-commerce

Le PLF pour 2020 contient un ensemble d’articles permettant d’adapter notre fiscalité au développement du e-commerce, dont l’essor met à l’épreuve le fonctionnement traditionnel des mécanismes de déclaration et de recouvrement de l’impôt dû. Il s’agit également de lutter contre les fraudes qui prolifèrent grâce au décalage qui peut persister entre les règles fiscales et leur applicabilité à l’économie numérique.

Trois articles imposent des nouvelles obligations aux plateformes de vente en ligne : elles seront désormais redevables de la TVA pour certaines des transactions qu’elles facilitent ; elles devront mieux tracer les colis transitant par leurs entrepôts et l’administration pourra publier la liste des plateformes non coopératives sur le plan fiscal (« name and shame »).

A.   De nouvelles règles de tva applicable au commerce Électronique transnational

L’article 53 transpose la directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 relative au commerce électronique, dont les dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2021.

Le développement du commerce électronique a pour effet de différencier plus fréquemment le pays d’origine de la vente et le pays de destination du bien acheté, ce qui doit conduire à adapter les règles de TVA régissant le commerce transfrontalier de biens au profit des particuliers.

Le régime actuel, mis en place en 1993, prévoit une taxation différenciée en fonction du chiffre d’affaires. Les entreprises qui vendent et expédient des biens à destination de particuliers établis dans d’autres États membres :

– paient la TVA dans l’État membre de départ du transport des biens si le chiffre d’affaires des ventes à distance à destination du pays considéré est inférieur à un seuil (35 000 euros hors taxes en France).

– paient la TVA dans l’État membre de destination si ce seuil est dépassé.

Comme le révèle l’exposé des motifs de l’article 53, ce régime s’est avéré « difficile à mettre en œuvre pour les entreprises, complexe à vérifier par les administrations fiscales et propice à loptimisation fiscale compte tenu des différentiels de taux en vigueur entre les États membres ».

La directive du 5 décembre 2017, précitée, prévoit de fixer un seuil de chiffre d’affaires unique de 10 000 euros au niveau de l’ensemble des États membres. Au-delà de ce seuil, les ventes à distance intracommunautaires de biens sont taxées dans le pays du consommateur final.

En outre, afin d’améliorer la perception de la TVA sur les ventes à distance opérées via une plateforme de vente en ligne (par exemple par la mise à disposition d’une « market place »), la directive de 2017 prévoit que ces dernières seront redevables de la TVA :

– lorsqu’elles servent d’intermédiaire des ventes en ligne pour des biens de moins de 150 euros, importés depuis un État-membre ;

– lorsqu’elles proposent des services de livraison domestique ou d’intermédiation de ventes intracommunautaires de biens par un vendeur non établi dans l’Union européenne.

À des fins de contrôle, les plateformes de vente en ligne seront également astreintes à la tenue d’un registre qui devra être conservé 10 ans afin de permettre aux États membres concernés de vérifier que la TVA a été correctement acquittée.

B.   Les obligations dÉclaratives des exploitants d’entrepôts logistiques

L’article 54 a pour objet de lutter contre la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les ventes de biens réalisées par l’entremise de plateformes numériques. Lorsqu’un bien provenant d’un État situé hors de l’UE est vendu sur Internet à un client particulier en France par l’intermédiaire d’une plateforme, la TVA collectée due sur la vente de ce bien par le vendeur n’est pas systématiquement facturée. Selon l’exposé des motifs du présent article, ces manquements concernent « notamment des opérateurs établis hors de lUE qui pré-positionnent leurs stocks dans des centres logistiques situés en France afin de les rendre disponibles pour leurs clients très rapidement ».

Le présent article prévoit de concentrer le dispositif de lutte contre la fraude à la TVA sur ces centres logistiques, afin d’avoir une « main plus ferme » sur les vendeurs situés, eux, hors de l’UE. Il s’agit d’être en mesure d’identifier et d’intégrer dans le dispositif de recouvrement les redevables non établis en France et non immatriculés à la TVA. Pour ce faire, l’article 54 prévoit que les entrepôts présents sur le territoire national tiennent à la disposition de l’administration les informations indispensables pour identifier les propriétaires des biens vendus, ainsi que pour définir la nature, la provenance, la destination et le volume des flux des biens importés.

C.   Le « Name and shame » des plateformes numériques

Les opérateurs de plateformes de vente en ligne sont ainsi directement impliqués dans l’ajustement de notre corpus de règles fiscales, à la fois comme contribuables et comme tiers auxiliaires de l’administration fiscale.

Larticle 55 met en place une sanction ayant pour objet d’assurer la « pleine coopération des opérateurs de plateforme à cette démarche dadaptation de la fiscalité à la numérisation de léconomie », selon l’exposé des motifs de l’article. La sanction consiste en une publication, sur internet, de l’identité des opérateurs de plateforme ne respectant pas, de manière réitérée, les obligations auxquelles les astreint le droit fiscal français.

VIII.   La mise en œuvre d’un stimulus fiscal en faveur de certains territoires

Trois mesures ont pour objet de créer des incitations fiscales afin de réduire les inégalités économiques et territoriales. L’article 8 encourage favorise le secteur du logement social, entre autres et dans les quartiers prioritaires de la ville en jouant sur l’ajustement des taux de TVA, tandis que les articles 47 et 48 visent à faciliter la revitalisation commerciale des territoires ruraux et des centres-bourgs de villes moyennes grâce à des mesures de zonage.

L’article 8 fait suite au pacte d’investissement pour le logement social 2020-2022. Il renforce de façon ciblée l’application des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférents au secteur du logement social, afin d’améliorer les incitations à la rénovation urbaine.

À cette fin, le taux de TVA portant sur les livraisons et livraisons à soi-même de logements locatifs sociaux (LLS), s’ils sont financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) ou par un prêt locatif à usage social (PLUS), est abaissé de 10 % à 5,5 %. Ces logements sont destinés à héberger les foyers aux revenus les plus modestes.

De même, le taux de TVA est abaissé de 10 % à 5,5 % pour les opérations relatives aux logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) faisant l’objet d’une convention de rénovation. Certains travaux attachés à ces logements pourront également bénéficier de cette baisse de TVA.

Le coût du dispositif est estimé en cumulé à 375 millions d’euros sur la période 2020-2022.

L’article 47 crée une « zone de revitalisation des commerces en milieu rural », qui permet aux collectivités territoriales de mettre en place plusieurs exonérations en direction des très petites entreprises (moins de 11 salariés et de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel). Les exonérations pourront porter sur :

– la cotisation foncière des entreprises (CFE) ;

– la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

– la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Les exonérations seront partielles ou totales, jusqu’à l’extinction du dispositif en 2023. Les entreprises créées à compter du 1er janvier 2020 comme les entreprises existantes à cette date pourront en bénéficier, ce qui fait de ce zonage une mesure de soutien économique autant que d’attractivité.

L’article 48 fait écho au zonage de l’article précédent, cette fois en direction des centres-bourgs ou des centres-villes des villes moyennes. Face au constat, dans certains cas, de leur dévitalisation commerciale, la loi du 23 novembre 2018 dite « loi ELAN » a créé les opérations de revitalisation des territoires (ORT) ([77]). Le présent article constitue le pendant fiscal de cette réforme et crée les « zones de revitalisation des centres-villes ». Les communes ayant signé une convention « ORT » et dont le revenu médian par unité de consommation (UC) est inférieur à la médiane nationale seront autorisées à bénéficier de ce zonage et à exonérer, de façon partielle ou totale, les entreprises implantées sur leur territoire :

– de cotisation foncière des entreprises (CFE) ;

– de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

– de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Comme pour le zonage précédent, les exonérations sont pérennes jusqu’à l’extinction du dispositif en 2023. Les entreprises créées à compter du 1er janvier 2020 comme les entreprises existantes à cette date pourront en bénéficier.

IX.   La modernisation des modalités de déclaration, de paiement et de recouvrement de l’impôt

L’article 57 améliore les conditions de détection de la fraude et le ciblage des contrôles fiscaux, en proposant d’autoriser l’administration à collecter « en masse » et exploiter, au moyen de traitements informatisés n’utilisant aucun système de reconnaissance faciale, les données rendues publiques par les utilisateurs des réseaux sociaux et des plateformes d’intermédiation.

L’exposé des motifs du présent article précise : « compte tenu de limpact de cette mesure sur le droit au respect de la vie privée et de la possibilité de recueillir des données sensibles, les informations ainsi collectées seront détruites dans un délai de trente jours si elles ne sont pas de nature à concourir à la constatation des infractions recherchées, et au maximum dun an, si elles ne donnent pas lieu à louverture dune procédure pénale, fiscale ou douanière.

« Seuls les agents habilités des administrations fiscale et douanière pourront mettre en œuvre les traitements envisagés et le droit daccès aux informations collectées pourra sexercer auprès du service daffectation de ces agents.

« En outre, la mise en œuvre de ce dispositif expérimental sera encadrée par un décret en Conseil dÉtat, soumis à lavis de la Commission nationale de linformatique et des libertés. Enfin, un rapport sera remis au Parlement ainsi quà la Commission nationale de linformatique et des libertés six mois avant la fin de cette expérimentation afin, notamment, dévaluer si lamélioration de la détection des fraudes est proportionnée à latteinte portée au respect de la vie privée ».

L’article 58 a pour objet de créer une « déclaration tacite de revenus ». Plus précisément, il s’agit de permettre aux contribuables pour lesquels l’administration a la raisonnable assurance de disposer des informations nécessaires à l’établissement de leur impôt sur le revenu de remplir leurs obligations déclaratives par validation tacite de ces informations.

L’article 59 étend l’obligation de télédéclaration et de télépaiement à la taxe sur les conventions d’assurances et à certaines taxes assimilées. Cette disposition s’inscrit dans le cadre de la poursuite de la démarche de dématérialisation et de simplification des obligations déclaratives et de paiement des entreprises, conformément à l’objectif gouvernemental d’une administration totalement numérique à l’horizon 2022.

L’article 60 met en œuvre, pour la TVA, la simplification des obligations fiscales des entreprises issues du rapport du Comité action publique 2022 (CAP 2022) de juin 2018, qui vise à l’existence d’un guichet unique pour toutes les entreprises, qui pourront déclarer et déduire la TVA sur une même déclaration, limitant ainsi les décaissements croisés avec l’administration. Le présent article prévoit que la TVA due à l’importation par les entreprises sera gérée comme la TVA de droit commun, c’est-à-dire déclarée, acquittée et déduite auprès du service des impôts de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) dont relève l’entreprise redevable, comme le reste de la TVA.

L’article 61 s’inscrit également dans la mise en œuvre des préconisations du CAP 2022. Il a pour objet de renforcer l’efficience du système des organismes en charge du recouvrement, notamment dans la sphère fiscale, en confiant à la DGFiP le recouvrement des taxes actuellement prises en charge par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). L’article met en œuvre un échelonnement de l’unification de la déclaration et du recouvrement de certaines impositions indirectes sectorielles (dont la TVA à l’importation).

X.   Autres mesures

Deux mesures de ce projet de loi de finances ne se rattachent à aucun des volets précédemment décrits.

A.   La domiciliation fiscale des dirigeants de grandes sociÉTÉs françaises

L’article 3 complète, pour les dirigeants des grandes entreprises françaises, le critère d’ordre professionnel posé à l’article 4 B du CGI pour définir la notion de domicile fiscal. Il découle de cet article une obligation fiscale dite illimitée et, par conséquent, un assujettissement à l’impôt au titre de l’ensemble de leurs revenus.

Le cœur du dispositif prévoit que les dirigeants, quelles que soient leurs nationalités, des entreprises dont le siège social est situé en France et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, sont, par principe, considérés comme exerçant leur activité professionnelle principale en France. Ils seraient donc assujettis par défaut à l’impôt sur le revenu en France.

B.   Taxe sur les cdd d’usage

L’article 51 crée une taxe forfaitaire de 10 € par contrat à durée déterminée dits d’usage (CDDU) conclu par les employeurs, afin de désinciter ces entreprises à proposer ce type de contrat au bénéfice de contrats plus sécurisants pour les salariés. Certains CDDU peuvent, en effet, porter sur des durées d’un jour ou de quelques jours et favorisent le développement de la précarité de l’emploi. Le produit de cette taxe, estimé à 50 millions d’euros, serait affecté à l’Unédic, chargé de la gestion du régime d’assurance chômage.

Certains CDDU sont exclus de l’assiette de cette taxe :

– dans la mesure où des surtaxes existent déjà : il s’agit des contrats des salariés des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle ;

– quand la loi oblige le recours au CDDU, ce qui est le cas des ouvriers dockers occasionnels ;

– pour tenir compte de certaines situations où le recours au CDDU est vertueux : il s’agit des CDDU d’insertion proposés par les associations intermédiaires pour aider leur public à améliorer leur employabilité et à les orienter progressivement vers un emploi stable.

C.   Le traitement fiscal de la dette de SNCF RÉSEAU

Larticle 14 vise à rendre fiscalement neutre le versement de dotations indirectes par la SNCF à la société SNCF Réseau, en précisant qu’il s’agit d’aides à caractère commercial engagées dans l’intérêt de la SNCF.

En effet, l’ordonnance du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF remplace, à compter du 1er janvier 2020, le groupe public ferroviaire constitué des EPIC SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités par un groupe public unifié constitué par la société nationale SNCF et par ses filiales, dont la société SNCF Réseau.

Ce changement de structure conduit, en l’état du droit existant, à requalifier fiscalement certains flux financiers : en particulier, les dotations de la SNCF vers SNCF Réseau seraient considérées comme des dotations non déductibles de l’IS dû par le groupe. Le présent article neutralise cet effet.

*

*     *

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 8 :
Les recettes de l’état

Résumé de la fiche

Les recettes nettes du budget général de l’État sont estimées à 306,1 milliards d’euros en 2020. Elles sont composées essentiellement par des recettes fiscales nettes qui sont estimées à 291,8 milliards, en hausse de 13,7 milliards d’euros par rapport à 2019.

Il convient toutefois de réintégrer à ces montants les recettes affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux (7,6 milliards d’euros en 2020) ainsi que les dégrèvements et remboursements d’impôts locaux (23,1 milliards d’euros en 2020). Le montant effectif des recettes nettes de l’État serait donc de 336,9 milliards d’euros.

La progression en 2020 des recettes du budget général de l’État résulte de plusieurs mouvements : un meilleur rendement de l’impôt sur le revenu du fait de la mise en œuvre du prélèvement à la source ; l’effet du dynamisme de l’économie française sur le rendement de l’impôt sur les sociétés et sur les impôts pesant sur le capital (revenus des capitaux mobiliers, impôt sur la fortune immobilière, donations).

Les recettes d’impôt sur le revenu augmenteraient de 2,9 milliards d’euros, du fait de son évolution spontanée et du meilleur recouvrement constaté au titre de la mise en place du prélèvement à la source, compensés par la baisse du barème pour un montant de 5 milliards d’euros.

La baisse du taux d’IS se traduit par un moindre rendement de 2,5 milliards d’euros, mais le produit de l’IS en 2020 augmente au total de 16,4 milliards d’euros, principalement sous l’effet de son évolution spontanée et de l’augmentation du bénéfice imposable résultant de la suppression du CICE.

La part du produit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) revenant à l’État progressera de 1,3 milliard d’euros, sous l’effet d’un moindre transfert au compte d’affectation spéciale Transition énergétique : l’État achève de rembourser la dette à l’égard d’EDF issue des déficits passés de compensation de ses charges de service public.

Les recettes non fiscales s’élèveraient, en 2020, à 14,4 milliards d’euros, un montant quasiment stable par rapport à la prévision actualisée de ces recettes en 2019
(– 0,1 milliard).

Enfin, les dépenses fiscales pour 2020 sont estimées à 90 milliards d’euros en baisse de 9,4 milliards d’euros par rapport à 2019.

Les recettes nettes du budget général de l’État sont estimées à 306,1 milliards d’euros en 2020, au lieu de 292,7 milliards d’euros en 2019 et 309,3 milliards d’euros en 2018. L’année 2019 connaît une brusque chute du niveau de recettes du fait du cumul des effets du CICE et de la mise en place des allégements de cotisations sociales qui s’y substituent.

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État 2018-2020

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de lÉtat

Exécution

2018

Prévision révisée

2019

Prévision

2020

Total

309,3

292,7

306,1

impôt sur le revenu (IR)

73,0

72,6

75,5

impôt sur les sociétés (IS)

27,4

31,8

48,2

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

13,7

13,1

14,5

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

156,7

129,2

126,1

autres recettes fiscales

24,6

31,5

27,5

sous-total recettes fiscales nettes

295,4

278,1

291,8

recettes non fiscales

13,9

14,5

14,4

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Après prise en compte des prélèvements sur recettes – qui sont en réalité des dépenses au sens de la comptabilité nationale – il est prévu que les recettes nettes hors fonds de concours du budget général s’établissent à 243,9 milliards d’euros en 2020 au lieu de 230,8 milliards d’euros en 2019.

Recettes nettes du budget général de l’État 2018-2020

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général

Exécution

2018

Prévision révisée

2019

Prévision

2020

Recettes nettes du budget général de l’État (1)

309,3

292,7

306,1

Prélèvements sur recettes (Union européenne) (2)

20,6

21,2

21,3

Prélèvements sur recettes (collectivités territoriales) (3)

40,3

40,7

40,9

Recettes nettes de lÉtat hors fonds de concours

(1  2 – 3)

248,4

230,8

243,9

Source : commission des finances.

Cette approche présente, cependant, un risque de confusion entre les ressources du budget général de l’État et celles de l’État.

En particulier, les tableaux précédents éludent les recettes fiscales des budgets annexes et des comptes spéciaux et minorent la catégorie « autres recettes fiscales » des dégrèvements et remboursements d’impôts locaux.

Les développements qui suivent sur les recettes fiscales retiendront donc, parallèlement à la présentation habituelle, une autre présentation plus conforme à la réalité économique et budgétaire des impositions affectées à l’État (I).

Les principales données budgétaires relatives aux recettes non fiscales (II), aux prélèvements sur recettes (III) et aux dépenses fiscales (IV) seront ensuite présentées successivement.

I.   LES RECETTES FISCALES DE L’ÉTAT

L’analyse des recettes fiscales de l’État suppose au préalable d’indiquer les clés de passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes. Les recettes fiscales nettes sont ensuite présentées de façon générale puis par principaux impôts.

A.   PASSAGE DES RECETTES FISCALES BRUTES AUX RECETTES FISCALES NETTES

Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général ([78]).

Remboursements et dégrèvements

En 2020, le montant des recettes fiscales brutes du budget général est prévu à 432,8 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements devraient s’élever à 141,0 milliards deuros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 291,8 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop-versés lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements se décomposent ainsi en 2020 :

– 80,9 milliards deuros au titre de la mécanique de certains impôts, dont 58,6 milliards d’euros au titre des crédits de TVA et 12,4 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– 22,6 milliards deuros au titre de soutien à des politiques publiques via des remboursements ou des crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû ;

– 14,5 milliards deuros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

– et 23,1 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux dont 14,7 milliards d’euros au titre de la taxe d’habitation au lieu de 10,8 milliards d’euros prévus pour 2019, la hausse s’expliquant par la dernière étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages (– 3,7 milliards d’euros à dégrever en plus en 2020).

Les dégrèvements et remboursements d’impôts diminueraient de 5,8 milliards deuros en 2020 par rapport à 2019, ce qui augmente d’autant les recettes fiscales nettes de l’État. Si les dégrèvements de taxe d’habitation augmentent en 2020 du fait de l’achèvement de sa suppression pour 80 % des ménages, cet effet est plus que compensé par la forte baisse des remboursements et dégrèvements liés aux politiques publiques (– 9,3 milliards d’euros), notamment – 6,1 milliards d’euros s’expliquant par l’extinction du dispositif ponctuel du crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR), qui a permis le passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Les recettes fiscales nettes du seul budget général ne rendent pas compte du montant total des recettes fiscales nettes affectées à l’État. Certes, le montant de 291,8 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses et à l’article 37 du présent projet de loi de finances. Mais, sur un plan économique, cette présentation budgétaire est incomplète, le montant des recettes fiscales nettes perçues par l’État étant en réalité plus important.

Deux raisons expliquent cette différence entre la présentation retenue par les documents budgétaires et la réalité économique.

1.   La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux

En premier lieu, la présentation budgétaire habituelle déduit du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux. La Cour des comptes a critiqué cette présentation et recommandé que les remboursements et dégrèvements dimpôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de lÉtat ([79]). En effet, ceux-ci nont rien à voir avec la mécanique des impôts dÉtat et il nest donc pas pertinent de les en soustraire. Comme pour les prélèvements sur recettes, les dégrèvements et remboursements des impôts locaux devraient figurer en dépenses.

Cette observation de la Cour des comptes doit se doubler du constat que les dégrèvements des impôts locaux ont eu tendance à croître ces dernières années sous l’effet de plusieurs réformes. Cette tendance se poursuit avec la montée en puissance du dégrèvement sur la taxe d’habitation sur les résidences principales finançant in fine sa suppression en 2020 pour 80 % des ménages. Toutefois, à compter de 2021, le produit de la TH sera transféré à l’État. Son produit résiduel jusqu’en 2022 ne sera donc plus dégrevé au bénéfice des collectivités territoriales – elles bénéficieront alors d’une compensation ad hoc décrite par l’article 5 du présent projet de loi.

En 2020, les remboursements et dégrèvements dimpôts locaux pris en charge par lÉtat sont estimés à 23,1 milliards deuros au lieu de 19,3 milliards deuros en 2019. En réintégrant ce montant aux recettes de lÉtat, la ligne « autres recettes fiscales nettes » ressortirait à 50,6 milliards deuros au lieu de 27,5 milliards deuros.

2.   Les recettes fiscales de lÉtat hors budget général

En second lieu, cette présentation budgétaire ne tient pas compte des recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État. Cette fraction de la fiscalité est donc souvent omise dans l’analyse politique et économique des comptes de l’État, alors qu’elle n’est pas négligeable.

Pour 2020, le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État est estimé à 7,6 milliards d’euros, dont 6,3 milliards d’euros au titre d’une fraction de TICPE affectée au CAS Transition énergétique.

Impôts affectés à des budgets annexes et comptes spéciaux de l’état

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte daffectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2020

BA

Contrôle et exploitation aériens

Taxe de l’aviation civile

472

Taxe de solidarité

0

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

136

CAS

Financement des aides aux collectivités pour lélectrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution

377

CAS

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Contribution de solidarité territoriale

16

Taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires

226

Fraction de la taxe d’aménagement du territoire

71

CAS

Transition énergétique

Fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

6 277

Fraction de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes

32

Total

7 607

Source : Présent PLF, état A.

Au total, si l’on réintègre les recettes affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux (7,6 milliards d’euros) ainsi que les dégrèvements et remboursements d’impôts locaux (23,1 milliards d’euros), le montant effectif des recettes nettes de l’État ne serait donc pas de 306,1 milliards d’euros mais de 336,9 milliards d’euros.

Recettes nettes de l’État en 2020

(en milliards d’euros)

Recettes nettes de lÉtat

Prévision

2020

Total

336,9

impôt sur le revenu (IR)

75,5

impôt sur les sociétés (IS)

48,2

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

14,5

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

126,1

autres recettes fiscales

58,2

Dont dégrèvements d’impôts locaux

23,1

Dont fiscalité affectée aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

7,6

sous-total recettes fiscales nettes

322,5

recettes non fiscales

14,4

Source : commission des finances

Le montant consolidé des recettes fiscales affectées à l’État ne figure pourtant dans aucun document budgétaire. Il serait possible d’améliorer l’information du Parlement en l’indiquant plus explicitement.

La présentation budgétaire traditionnelle est retenue dans l’analyse qui suit pour plus de clarté et surtout pour garantir un lien avec les documents budgétaires du Gouvernement. Ponctuellement, et de manière explicite, cette présentation sera replacée dans le contexte économique du montant effectif des recettes fiscales nettes de l’État.

B.   PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont estimées :

– à 278,1 milliards d’euros en 2019, en baisse de 17,3 milliards d’euros par rapport à 2018 ;

– et à 291,8 milliards d’euros en 2020, en hausse de 13,7 milliards d’euros par rapport à 2019.

Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

Montant

 

Année

Montant

2009

214,3

2015

280,1

2010

237,0

2016

284,1

2011

255,0

2017

295,6

2012

268,4

2018

295,4

2013

284,0

2019 (prévision actualisée)

278,1

2014

274,3

2020 (prévision)

291,8

Source : commission des finances.

1.   Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

Les recettes fiscales sont évaluées à législation constante en fonction de la croissance du PIB. Ceci permet de déterminer leur « évolution spontanée ». Puis, cette évaluation est corrigée des mesures fiscales (nouvelles et antérieures) et des mesures de périmètre devant produire des effets durant l’année, faisant l’objet du projet de loi de finances.

a.   L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative l’affectant n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 5 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 105 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Pour calculer cette évaluation, une hypothèse d’élasticité de chaque impôt à la croissance est déterminée.

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB en valeur est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de – 0,5, l’évolution spontanée est de – 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

La structure de notre législation fiscale fait qu’en période de faible croissance, l’élasticité a tendance à être faible voire négative, tandis qu’en période de reprise l’élasticité est supérieure à l’unité. En effet, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique.

b.   Les mesures législatives

Les mesures législatives sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances.

Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures législatives ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures législatives permet de mesurer l’impact des réformes fiscales décidées par le Parlement.

c.   Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un surcroît de recettes de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de recettes de 5.

En 2019, la forte baisse des recettes fiscales nettes de l’État est principalement due à l’importance des mesures de transfert de TVA. Une fraction de 32,5 milliards d’euros a en effet été transférée à la sécurité sociale, pour compenser les allégements de cotisations sociales consenties dans le cadre de la suppression du CICE.

2.   Évolution générale de 2019 à 2020

En 2020, les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 291,8 milliards d’euros, en hausse de 13,7 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2019, et en baisse de 3,6 milliards d’euros par rapport à l’exécution constatée en 2018.

Cette évolution contrastée a pour explication principale la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, qui s’est traduite par une forte baisse des recettes en 2019, exercice sur lequel les deux mesures se sont cumulées.

L’exercice 2020 permet un gain de recettes qui s’explique donc par le contrecoup de la suppression du CICE, tandis que la hausse du rendement de l’impôt sur les sociétés permise par cette suppression (« l’effet retour » ([80]) positif du fait de l’augmentation de l’assiette imposable, à hauteur de 6 milliards d’euros) neutralise l’affectation d’une fraction supplémentaire de la TVA aux organismes de sécurité sociale au titre des allégements de cotisations sociale (– 6,5 milliards d’euros) se substituant au CICE.

Dans le détail, l’évolution des recettes nettes du budget général en 2020 s’explique ainsi :

– l’évolution spontanée des recettes fiscales devrait être de 4,0 %, soit une hausse de 11,2 milliards d’euros. Cette évaluation repose sur une hypothèse d’élasticité des recettes à la croissance de 1,2 ;

– deux mesures antérieures en trésorerie : il s’agit du contrecoup de la suppression du CICE, qui permet d’améliorer le rendement de l’IS de 10,3 milliards d’euros, et l’encaissement du 12e mois d’IR de 2019 en janvier 2020 (+ 5,1 milliards d’euros) ;

– trois mesures antérieures : « l’effet retour » de la bascule du CICE en allégements de cotisations sociales sur l’IS (plus marginalement sur l’IR) (+ 5,9 milliards d’euros) ; la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages (– 3,7 milliards d’euros) ; la baisse du taux normal de l’IS
(– 2,5 milliards d’euros) ;

– quatre mesures nouvelles principales : la baisse du barème de l’IR
(– 5 milliards d’euros) ; l’ajustement haussier de la trajectoire de baisse de l’IS (+ 2,2 milliards d’euros) ; la suppression de taux réduits de TICPE (+ 0,2 milliard d’euros) et l’élargissement du champ des opérations soumises à la TVA à 5,5 % dans le secteur du logement (– 0,1 milliard d’euros) ;

– deux mesures principales de périmètre : la hausse des transferts de TVA à la sécurité sociale du fait de la montée en charge, en année pleine, de l’allégement de cotisations sociales compensé par le budget général de l’État 
(– 6,5 milliards d’euros) ; la baisse de TICPE affectée au CAS Transition énergétique, du fait de l’extinction de la dette due à EDF (voir infra) (+ 1 milliard d’euros)

Des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2019
aux recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2020

(en milliards d’euros)

Recettes fiscales

nettes 2019

Évolution

spontanée

Mesures

Recettes fiscales

nettes 2020

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

278,1

11,2

 2,6

+ 10,2

– 5,1

291,8

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

C.   PRÉSENTATION PAR IMPÔT

Les impôts les plus importants sur le plan budgétaire sont étudiés ci-après. Ils représentent 90 % des recettes fiscales du budget général.

Principaux impÔts affectés À l’État en 2020

Impôt

Rendement

net

(en milliards deuros)

Part des recettes fiscales du budget général de lÉtat

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (part « État »)

126,1

43,2 %

Impôt sur le revenu (IR)

75,5

25,9 %

Impôt sur les sociétés (IS)

48,2

16,5 %

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)*

14,5

5,0 %

Total

264,3

90,6 %

* hors CAS Transition énergétique (6,3 milliards d’euros).

Source : commission des finances.

1.   La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

La TVA est un impôt dÉtat partagé avec la sécurité sociale. Elle joue à ce titre un rôle de variable dajustement dans les transferts financiers entre lÉtat et la sécurité sociale. Depuis 2018, les régions bénéficient également d’une fraction de la TVA ([81]).

répartition et produit de la TVA depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019*

Part État

127,3

131,9

133,4

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,5

129,2

Part sécurité sociale

8,5

10,1

10,6

9,2

12,7

11,8

11,7

11,5

10,2

43

Part Régions

4,2

4,3

Total

135,9

142,0

144,0

145,5

151,0

153,6

156,1

163,9

167,9

176,5

* Prévision actualisée

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens.

a.   En 2019

Le rendement de la part « État » de la TVA a significativement baissé entre 2018 et 2019, à hauteur de 27,5 milliards d’euros. Cela s’explique principalement par une importante mesure de transfert de ressource aux administrations de sécurité sociale (– 43 milliards d’euros), dont
– 24,5 milliards d’euros s’expliquent par la compensation de l’allégement de cotisations sociales qui se substitue au CICE.

L’évolution spontanée du rendement de la part « État » de la TVA en 2019, à hauteur de 5,1 milliards d’euros, compense en partie cette évolution de périmètre.

b.   En 2020

La part de TVA revenant à l’État pour 2020 est estimée à 126,1 milliards d’euros, soit une diminution de 3,1 milliards d’euros.

Cette baisse s’explique principalement par une mesure de périmètre : la montée en charge, en année pleine, des allégements de cotisations sociales supportée par les administrations de sécurité sociale est compensée par l’État par l’affectation d’une part supplémentaire de TVA, à hauteur de 6,5 milliards d’euros.

Les mesures nouvelles du présent PLF réduisent son rendement pour l’État de 0,1 milliard d’euros, du fait de l’élargissement du champ de la TVA à 5,5 % dans le secteur du logement (cf. commentaire de l’article 8 du présent PLF).

Au total, la sécurité sociale devrait percevoir 50 milliards d’euros de TVA en 2020, soit plus du quart de son rendement total.

Partage du produit de la TVA en 2020

(en milliards d’euros)

Part État

126,1

Part Sécurité sociale

50

Part Région

4,4

Total

180,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Le taux de l’évolution spontanée de la TVA en 2020 est estimé à + 2,9 %, soit un montant supplémentaire de 3,7 milliards d’euros. Elle permet de compenser en partie la mesure de périmètre présentée ci-dessus.

Des recettes nettes de TVA 2019 aux recettes nettes de tva 2020 (part État)

(en milliards d’euros)

TVA 2019

Évolution

spontanée

Mesures

TVA 2020

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

129,2

+ 3,7

– 0,1

– 0,2

– 6,5

126,1

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

2.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu (IR) est affecté intégralement au budget général de l’État. Il a progressé de plus de 20 milliards d’euros depuis 2009.

Rendement net de l’IR depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019*

Rendement net

55,1

55,1

58,5

59,5

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

72,6

* Prévision actualisée

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

a.   En 2019

Le rendement de l’IR était estimé, en LFI 2019, à 70,4 milliards d’euros. Toutefois, l’exécution prévisionnelle du présent PLF comprend un surcroît de recettes de 2,2 milliards d’euros en 2019, essentiellement dû (2 milliards d’euros) à la mise en place du prélèvement à la source (PAS).

En effet, selon le Gouvernement, lors de l’audition des ministres par la commission des finances le vendredi 27 septembre 2019, le PAS aurait permis l’amélioration du recouvrement de l’impôt, dont le taux passe de 97 % en 2018 à 98,5 % en 2020 (+ 1,0 milliard), et une meilleure prise en compte des revenus exceptionnels ([82]) (+ 2,2 milliards). En sens contraire, d’autres effets permettent de s’approcher du chiffre de 2,0 milliards, principalement la modulation des taux à la baisse, également permis par le PAS, qui induit une perte de recettes de
– 1,4 milliard d’euros.

Le rendement de l’impôt baisse toutefois entre 2018 et 2019, du fait du décalage comptable de la première année de mise en œuvre du PAS. En effet, les prélèvements opérés à la source sur les salaires du mois de décembre 2019 ne seront reversés à l’État par les employeurs qu’en janvier 2020. Ceci entraîne une moindre recette de 5,1 milliards d’euros dans la comptabilité budgétaire de 2019, qui se répercute en sens contraire en 2020.

b.   En 2020

Le rendement de l’IR est prévu pour 2020 à 75,5 milliards d’euros, en hausse de 2,9 milliards d’euros par rapport à 2019.

L’évolution spontanée du rendement de l’IR, à 3,3 % (soit + 2,4 milliards d’euros), combinée à l’effet positif du prélèvement à la source sur le recouvrement de l’IR (dont le taux passe de 97 % en 2018 à 99 % en 2020) qui améliore en 2020 la recette de + 0,6 milliard d’euros (après + 2,0 milliards d’euros en 2020), contribue à compenser la baisse de l’IR prévue par l’article 2 du présent PLF
(– 5 milliards d’euros).

En outre, un effet de trésorerie, lié au fait que seuls 11 mois d’IR ont été encaissés en 2019 (le mois de décembre 2019 est encaissé en janvier 2020), se traduit par un gain de + 5,1 milliards d’euros entre 2019 et 2020 – ceci n’a cependant pas d’effet en comptabilité nationale, donc sur le solde public.

Des recettes nettes d’IR 2019 aux recettes nettes d’IR 2020

(en milliards d’euros)

IR 2019

Évolution

spontanée

Mesures

IR 2020

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

72,6

+ 2,4

– 5,0

+ 5,5

0

75,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

3.   L’impôt sur les sociétés

Le rendement net de l’IS a été presque divisé par deux en dix ans. L’IS est affecté intégralement au budget général de l’État.

Rendement net de l’IS depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019*

Rendement net

55,1

51,4

53,0

41,3

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

31,8

* Prévision actualisée

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

a.   En 2019

Pour 2019, les recettes de l’IS sont estimées en hausse de 4,4 milliards d’euros par rapport à 2018, alors même que le taux normal de l’IS a baissé en 2019 (– 2,4 milliards d’euros). Cela s’explique par la réforme du 5e acompte d’IS, qui produit un effet temporaire de trésorerie (+ 1,5 milliard d’euros) et, surtout, par « l’effet retour » ([83]) de la transformation du CICE en allégement de cotisations sociales, qui augmente le rendement de l’IS (+ 2 milliards d’euros).

La baisse des cotisations sociales en remplacement du CICE entraînera en outre une hausse de l’assiette de l’IS et de son rendement (+ 2 milliards d’euros). Enfin, l’évolution spontanée de l’IS est dynamique (+ 5,8 %) et amortirait également la baisse du taux normal de l’IS, à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2019.

b.   En 2020

Pour 2020, le rendement de l’IS serait en forte hausse de 16,4 milliards d’euros, pour atteindre 48,2 milliards d’euros.

L’évolution spontanée serait de 12,2 %, pour 4,6 milliards d’euros. En outre, les effets des mesures antérieures ayant un effet en 2020 expliquent la hausse du rendement à hauteur de 9,6 milliards d’euros. Ce chiffre se compose notamment de la suppression du CICE, qui augmente les recettes de l’IS par rapport à 2019 (+ 9,6 milliards d’euros), de « l’effet retour » de la suppression du CICE sur les recettes d’IS (+ 5,6 milliards), par la mise en œuvre de la trajectoire de baisse de l’IS entre 2018 et 2022 (– 2,5 milliards d’euros) et par la mise œuvre des règles de calcul du 5e acompte par rapport à 2019
(– 1,5 milliard d’euros).

Enfin, l’aménagement de la trajectoire de baisse de l’IS pour l’année 2020 rapporte 2,2 milliards d’euros supplémentaires (cf. le commentaire de l’article 11 du présent PLF).

Des recettes d’IS 2019 aux recettes d’IS 2020

(en milliards d’euros)

IS 2019

Évolution

spontanée

Mesures

IS 2020

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

31,8

+ 4,6

+ 2,2

+ 9,6

0

48,2

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

4.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est partagée entre l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétence.

Affectation de la TICPE 2018-2020

(en milliards d’euros)

Année

2018

exécution

2019

Prévision dexécution

2020

Prévision

État budget général

13,7

13,1

14,5

État Cas Transition énergétique

6,6

7,2

6,3

Sous-total État

20,3

20,3

21,7

Collectivités territoriales

12,0

11,8

11,2

Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF)

1,0

1,2

1,6

Total

33,3

33,3

33,6

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

a.   En 2019

Le rendement net de la TICPE revenant au budget général de l’État est prévu à 13,1 milliards d’euros pour 2019 alors que son rendement global devrait s’élever à 33,3 milliards d’euros.

Outre les transferts aux collectivités territoriales (pour 11,8 milliards d’euros), ce faible rendement au bénéfice du budget général s’explique par le transfert d’une fraction importante, et en augmentation, au CAS Transition énergétique (7,2 milliards d’euros), afin de compenser les charges du service public de l’énergie (cf. le commentaire de l’article 32 du présent PLF).

b.   En 2020

Pour 2020, la part de TICPE du budget général de l’État est estimée à 14,5 milliards d’euros, en augmentation de 1,4 milliard sous la combinaison de deux effets principaux :

– deux mesures de périmètre : la fraction affectée au CAS Transition énergétique est en baisse de près d’1 milliard d’euros, du fait de l’achèvement « en sifflet » du remboursement à EDF de la dette de l’État contractée au titre de la compensation des charges de service public du groupe. Par ailleurs, l’Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF) sera affectataire d’une part de la TICPE en 2020 pour un montant augmenté de 0,4 milliard d’euros en 2020 ;

– une mesure nouvelle : le rendement de la TICPE est plus soutenu du fait de la réduction de certains taux réduits, notamment sur le gazole non routier (+ 0,2 milliard d’euros), prévus par le présent PLF (cf. le commentaire de l’article 16 du présent PLF).

L’évolution spontanée serait en revanche légèrement négative (– 0,1 %) du fait de la baisse de la consommation de certains types d’énergie.

Des recettes de TICPE 2019 aux recettes de tICPE 2020 (part État)

(en milliards deuros)

TICPE 2019

Évolution

spontanée

Mesures

TICPE 2020

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

13,2

– 0,1

+ 0,2

0

+ 1,3

14,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

II.   LES RECETTES NON FISCALES DU BUDGET GÉNÉRAL

En 2019, les recettes non fiscales augmenteraient de 650 millions d’euros par rapport à 2018, pour s’établir à 14,5 milliards d’euros, selon les prévisions d’exécution actualisées par le présent projet de loi de finances.

Elles font apparaître un gain de recettes supplémentaires par rapport à la LFI 2019 de l’ordre de 2 milliards d’euros. Ceci s’explique par :

– les intérêts et avances des PIA reversés au budget général (+ 0,4 milliard d’euros) ;

– le produit des amendes et condamnations pécuniaires, y compris en provenance des autorités administratives indépendantes (+ 0,5 milliard d’euros), grâce à la signature d’une convention judiciaire avec Google pour solder son contentieux fiscal ;

– les recettes d’enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre sur le marché européen, du fait de l’accroissement du prix du carbone (+ 0,4 milliard d’euros) ;

– le dynamisme de certaines recettes (revenus du domaine privé, dividendes, versement de la Banque de France) (+ 0,7 milliard d’euros).

En 2020, le produit des recettes non fiscales baisserait de 165 millions d’euros par rapport à 2019, pour s’établir à 14,4 milliards d’euros.

Selon l’état A annexé au projet de loi de finances, ces recettes non fiscales se décomposeraient, principalement, en :

– 6,1 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 1,4 milliard d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 1,8 milliard d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 1,2 milliard d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 1,5 milliard d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 2,3 milliards d’euros de produits divers.

La baisse de presque 0,2 milliard d’euros des recettes non fiscales par rapport à 2019 a pour origine le contrecoup (– 0,5 milliard) de la convention judiciaire signée en 2019 avec Google pour solder son contentieux fiscal, laquelle a rapporté ponctuellement 0,5 milliard d’euros dès 2019. En outre, serait constaté en 2020 le versement de 0,2 milliard d’euros par la Française des jeux au titre de la soulte due à l’État dans le cadre de la privatisation du groupe.

III.   LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

Il est prévu que les prélèvements sur recettes (PSR) augmentent de 0,3 milliard d’euros en 2020 par rapport à 2019, ce qui réduit d’autant le montant des ressources du budget général.

Évolution des prÉLÈvements sur recettes depuis 2018

(en milliards d’euros)

Bénéficiaire

2018

2019 (prévision actualisée)

2020 (prévision)

Variation 2020/2019

Union européenne

20,6

21,2

21,3

+ 0,1

Collectivités territoriales

40,3

40,7

40,9

+ 0,2

Total

60,9

61,9

62,2

+ 0,3

Source : présent projet de loi de finances.

Le PSR en faveur de l’Union européenne augmenterait de 0,1 milliard d’euros pour s’établir à 21,3 milliards d’euros, montant basé sur l’anticipation du respect par le Royaume-Uni de ses engagements financiers dans le cadre de sa sortie à venir de l’UE.

Les PSR en faveur des collectivités territoriales augmenteraient de 0,2 milliard en 2020, principalement du fait de l’évolution spontanée du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (en hausse de 350 millions d’euros), en lien avec le cycle électoral des dépenses d’investissement communales ([84]).

IV.   90 MILLIARDS D’EUROS DE DÉPENSES FISCALES POUR 2020

Le tome II de l’annexe relative aux Évaluations des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour lÉtat une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de lapplication de la norme, cest-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Le présent projet de loi de finances prévoit des dépenses fiscales de près de 90 milliards d’euros.

DÉpenses fiscales 2017-2020

(en milliards d’euros)

Année

2017

exécution

2018

exécution

2019

Prévision actualisée

2020

Prévision

Dépenses fiscales

93,4

99,0

99,4

90

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 2.

Le coût total des dépenses fiscales se stabiliserait en 2019, en hausse de 0,4 milliard d’euros par rapport à 2018, après une forte hausse en raison notamment du changement de taux du CICE en 2018. Le coût total des dépenses fiscales diminuerait en 2020 à hauteur de 9,4 milliards d’euros, essentiellement sous l’effet de la suppression du CICE.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 dispose que « le rapport entre, dune part, le montant annuel des dépenses fiscales et, dautre part, la somme des recettes fiscales du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements, et des dépenses fiscales ne peut excéder 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour lannée 2020, 26 % pour lannée 2021 et 25 % pour lannée 2022 » ([85]).

Les données annexées au présent projet de loi de finances permettent de confirmer que les plafonds de la LPFP sont respectés depuis 2018 et continueraient à l’être en 2020.

Taux de dÉpenses fiscales dans les recettes nettes de l’État

(en % et en milliards d’euros)

 

2018

2019

2020

Montant des recettes fiscales nettes (en milliards d’euros)

295,4

278,1

291,8

Montant des dépenses fiscales (en milliards d’euros)

99

99,4

90

Taux de dépenses fiscales plafond prévu par la LPFP (en %)

28

28

27

Taux de dépenses fiscales exécuté (2018) ou prévisionnel (2019 et 2020) (en %)

25,1

26,3(p)

23,6(p)

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluation des voies et moyens, tome II.

Bien qu’il en soit dénombré 468 dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, le coût des dépenses fiscales est en réalité concentré sur un faible nombre d’entre elles.

Les 15 dépenses fiscales les plus coûteuses représentent à elles seules plus de 50 % du montant total des dépenses fiscales. Le CICE, malgré sa suppression, continue d’avoir des effets du fait de créances passées. Il demeure la première dépense fiscale du budget général.

Les 15 dÉpenses fiscales les plus coûteuses en 2020

(en millions d’euros)

Dépenses fiscales

Montant

Crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi

9,0

Crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR)

6,5

Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile

5,2

Abattement de 10 % sur les pensions

4,5

Taux de TVA de 10 % pour certains travaux de rénovation

3,5

Taux de TVA de 10 % sur les ventes à consommer sur place

3,1

TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

2,2

Exonération des prestations familiales et autres allocations

1,9

Exonération d’IR pour les heures supplémentaires

1,9

Déduction d’IR pour des dépenses de réparations et d’amélioration

1,9

Exonération de TH pour les personnes âgées, handicapées ou de condition modeste

1,8

Exonérations de l’épargne versée au titre de l’intéressement ou de la participation

1,8

Taux réduit de TICPE sur le gazole routier

1,6

Exclusion de TICPE pour le carburant des départements d’outre-mer

1,5

Réduction d’impôt au titre des dons

1,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 2.

*

*     *

 

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 9 :
LES DÉPENSES DE L’ÉTAT

Résumé de la fiche

En 2020, les dépenses pilotables de l’État progresseraient au rythme modéré de 5,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, correspondant à une évolution de 0,9 % en volume et de 1,9 % en valeur ([86]). Cette croissance permet à la fois de financer les actions que le Gouvernement considère prioritaires et de contenir l’augmentation de la dépense publique.

Les dépenses totales de l’État – y compris les dépenses considérées par convention comme non‑pilotables – progresseraient faiblement, à hauteur de 3,3 milliards d’euros. Cette moindre augmentation par rapport aux dépenses pilotables s’explique principalement par la diminution de la charge d’intérêts de la dette de l’État de 3,5 milliards d’euros par rapport au montant prévu pour 2019 par la loi de finances pour 2019.

Malgré une réduction des effectifs moindre que prévue par la loi de programmation et la poursuite de la mise en œuvre de mesures catégorielles favorables, la masse salariale de l’État, hors contributions au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, progresserait au rythme contenu de 1,48 milliard d’euros (+ 1,7 %).

L’évolution des crédits du budget général traduit les priorités du Gouvernement, les crédits de certaines missions évoluant fortement (missions Défense, Solidarité, insertion et égalité des chances, Enseignement scolaire, Investissements d’avenir, Écologie, développement et mobilités rurales, Sécurités, Justice). À l’inverse, les crédits des missions Cohésion des territoires et Engagements financiers de l’État diminuent en raison respectivement de la réforme du mode de calcul des aides au logement et de la baisse de la charge de la dette de l’État.

Le taux de mise en réserve des crédits hors dépenses de personnel serait fixé à 3 % pour la troisième année consécutive, signe de la pérennisation de l’amélioration de la pratique budgétaire.

Enfin, l’information parlementaire s’enrichit progressivement d’une « budgétisation environnementale ». Dès le présent projet de loi de finances, le Gouvernement déposera une annexe sur le « Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de lenvironnement et du climat ». Elle sera complétée et enrichie dans le projet de loi de finances pour 2021, à la suite notamment d’une récente mission du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF) ([87]).

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([88]) (LPFP 2018‑2022) a prévu une faible évolution de la dépense de l’État sur les années 2018 à 2022. Les prévisions du présent projet de loi de finances se conforment à l’objectif de modération de la dépense de l’État, tout en diminuant la prévision du nombre de suppressions d’emplois et en augmentant fortement les crédits alloués aux politiques publiques considérées comme prioritaires.

Dans la logique qui a prévalu en 2018 et en 2019, l’évolution des crédits des ministères résulte de choix politiques forts. Elle prend aussi en compte les aspirations que les Français ont exprimées lors du Grand débat national.

I.   UNE ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’ÉTAT MAÎTRISÉE MALGRÉ L’ABAISSEMENT DE LA PRÉVISION DE RÉDUCTION DES EFFECTIFS

A.   LA POURSUITE DU RALENTISSEMENT DES DÉPENSES DE L’ÉTAT

1.   La progression modérée des dépenses pilotables de l’État en 2020

a.   L’évolution des normes de dépenses en 2020

En 2020, la norme de dépenses pilotables de l’État augmenterait de 5,1 milliards deuros à périmètre constant par rapport aux prévisions du PLF 2019 pour l’année 2019. Cette progression est plus faible que celle prévue entre la norme de dépenses pilotables exécutée en 2018 et celle prévue pour 2019 (+ 7,1 milliards d’euros). L’évolution contenue de la norme permet de financer les actions prioritaires que le Gouvernement propose d’engager (voir infra) tout en respectant la contrainte nécessaire de tendre vers l’équilibre des finances publiques.

L’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) rassemble, d’une part, les dépenses sous la norme de dépenses pilotables et, d’autre part, les dépenses dont l’évolution est considérée, selon les règles édictées par la LPFP 2018‑2022, ne pas être directement pilotables par le Gouvernement. Il augmenterait de 3,3 milliards deuros entre 2019 et 2020 seulement, après une augmentation de 8,4 milliards d’euros entre l’exécution 2017 et l’exécution 2018 et de 9,5 milliards d’euros entre l’exécution 2018 et la prévision 2019 établie par le projet de loi de finances pour 2019. Le ralentissement de la progression de l’ODETE en 2020 s’explique principalement par le niveau prévisionnel de la charge d’intérêts de la dette de l’État. Il serait en effet inférieur en 2020 de 3,5 milliards deuros au montant prévu pour 2019 par la loi de finances pour 2019.

La réduction du montant de ce poste budgétaire explique en outre que le niveau de la norme de dépenses pilotables évolue plus fortement que l’ODETE.

Norme de dépenses de l’État entre 2017 et 2020

(en milliards d’euros)

 

Exécution

2017

Exécution

2018

LFI 2019

PLF 2020

(constant)

Écart PLF 2020/

LFI 2019

Crédits des ministères

238,3

240,0

246,6

251,1

+ 4,6

Taxes affectées plafonnées

9,8

9,2

9,5

10,2

+ 0,8

Comptes spéciaux pilotables et budgets annexes*

12,2

12,4

12,7

12,5

– 0,2

Retraitements des flux internes au budget de l’État

– 5,8

– 5,8

– 5,8

-5,8

Norme de dépenses pilotables

254,5

255,8

262,9

268,0

+ 5,1

Transferts aux collectivités territoriales

46,5

47,2

47,4

48,1

+ 0,7

Dépenses du CAS Pensions*

55,8

56,7

57,3

58,0

+ 0,7

Autres dépenses des comptes spéciaux

1,3

1,6

2,0

1,2

– 0,8

Prélèvement sur recettes au profit de l’UE

16,4

20,6

21,4

21,3

– 0,1

Charge de la dette de l’État

41,7

41,5

42,1

38,6

– 3,5

Investissements d’avenir

-

1,1

1,0

2,2

+ 1,1

Objectif de dépenses totales de l’État

416,2

424,6

434,1

437,4

+ 3,3

* Hors pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

Source : présent projet de loi de finances.

b.   Les normes de dépenses de l’État sur la période triennale 2020‑2022

L’exposé général des motifs du projet de loi de finances expose également l’évolution de la norme de dépenses pilotables et de l’ODETE pour les années 2021 et 2022 à périmètre courant. La norme de dépenses pilotables augmenterait de 9,1 milliards d’euros entre 2020 et 2022, soit une augmentation annuelle moyenne de 4,5 milliards d’euros, légèrement inférieure à l’augmentation prévue pour 2020. Compte tenu de l’hypothèse de renforcement du taux d’inflation en 2021 et 2022, l’évolution de la dépense en volume devra ralentir pour que la norme soit respectée.

L’ODETE serait, en 2022, supérieur de 12,4 milliards d’euros à celui de 2020, l’écart avec l’évolution de la norme de dépenses résultant notamment :

– de l’évolution relativement dynamique des dépenses du compte d’affectation spécial (CAS) Pensions ;

– de l’évolution du prélèvement sur recettes (PSR) en faveur de l’Union européenne (UE), dont la prévision est fixée en fonction de l’estimation du besoin de financement de l’UE ([89]) ;

– de la prévision d’une faible évolution de la charge de la dette de l’État entre les années 2020 et 2022 (+ 0,3 milliard d’euros).

Norme de dépenses de l’État sur la période triennale 2020‑2022

(en milliards d’euros)

 

PLF 2020

format PLF 2020

Courant

2021

Courant

2022

Écart

2020/2022

Crédits des ministères

252,4

257,3

261,7

+ 9,3

Taxes affectées plafonnées

19,7

19,2

19,0

– 0,7

Comptes spéciaux pilotables et budgets annexes*

12,5

13,0

13,2

+ 0,7

Retraitements des flux internes au budget de l’État

– 5,8

– 5,8

– 5,9

– 0,1

Norme de dépenses pilotables

278,8

283,7

287,9

+ 9,1

Transferts aux collectivités territoriales

46,3

46,3

46,2

– 0,1

Dépenses du CAS Pensions*

58,0

59,1

60,3

+ 2,3

Autres dépenses des comptes spéciaux

1,2

0,1

0,1

– 1,1

Prélèvement sur recettes au profit de l’UE

21,3

24,0

23,2

+ 1,9

Charge de la dette

38,6

38,6

38,9

+ 0,3

Investissements d’avenir

2,2

1,9

2,1

– 0,1

Objectif de dépenses totales de l’État

446,3

453,7

458,7

+ 12,4

* Hors pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

Source : présent PLF.

2.   Une gestion plus saine des crédits et plus respectueuse de l’autorisation parlementaire

Les efforts du Gouvernement pour assainir la gestion budgétaire se poursuivent dans le présent projet de loi de finances.

Comme l’a constaté le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis sur le présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, la démarche visant à renforcer la portée du principe de sincérité budgétaire s’est poursuivie, avec la diminution de l’ampleur des sous‑budgétisations ([90]). Le Rapporteur général le relève avec satisfaction, sachant la difficulté de maintenir un tel effort qui na dintérêt que sil sinscrit dans la durée.

Pour rappel, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2017 ([91]), la Cour des comptes avait relevé plusieurs éléments d’insincérité budgétaire. Elle constatait en particulier que plusieurs postes de dépenses étaient manifestement sous-dotés en loi de finances, rendant nécessaire l’intervention de mesures réglementaires dérogatoires aux principes budgétaires ou d’autres mesures de gestion. Parallèlement, le Gouvernement pratiquait une mise en réserve des crédits de 8 % hors dépenses de personnel applicable également à des crédits finançant des dépenses de guichet sous-budgétées. Des dégels ou des ouvertures de crédits par voie réglementaire intervenaient systématiquement en gestion pour couvrir des surcoûts qui auraient dû être anticipés en loi de finances.

En 2017, le Gouvernement a entamé une démarche de « sincérisation » budgétaire, en tenant compte des observations de la Cour des comptes. Il a ainsi décidé d’abaisser le taux de mise en réserve des crédits hors titre 2 de 8 % à 3 %. Cette diminution l’a obligé à présenter au Parlement une programmation des dépenses plus sincères que les programmations précédentes. Cela l’a conduit à majorer les dotations de plusieurs programmes à l’occasion de la confection du projet de loi de finances pour 2018.

● L’expérience des ouvertures de crédits intervenue relativement tôt dans l’année malgré un taux de mise en réserve de 8 % hors dépenses de personnel pouvait laisser penser que le montant des ouvertures par voie réglementaire aurait augmenté après la baisse de ce taux à 3 % hors dépenses de personnel.

Or, pour la première fois depuis 1985, aucun décret d’avance n’a été pris lors de l’exercice 2018. Le Gouvernement n’a pas fait usage de cette procédure prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([92]) consistant à ouvrir des crédits en cours de gestion sur des programmes pour majorer leurs plafonds de crédits, afin que les gestionnaires de programme puissent couvrir leurs besoins en engageant des dépenses ou en procédant à leur règlement. Pour nécessaire que soit son existence, cette procédure porte fortement atteinte à la portée de l’autorisation parlementaire en ce que l’autorisation parlementaire de dépenser prend précisément la forme de plafonds de dépenses limitatifs par programme.

Le Rapporteur général note qu’à ce stade, aucun décret d’avance n’est intervenu en gestion en 2019. L’absence de décrets d’avance en 2018 et en 2019 montre que l’usage qui a été fait de cette dérogation par le passé était sans doute excessif.

lÉvolution des crÉDITS OUVERTS PAR DÉCRET DAVANCE

(en millions deuros pour l’échelle de gauche)

DA = décrets d’avance

Source : commission des finances, d’après les projets de loi de règlement et d’après le site Légifrance.

Malgré l’amélioration de la qualité de la gestion et de la sincérité du budget, des sous‑budgétisations demeurent. L’ampleur de certaines sous‑dotations était telle en 2017 que la « sincérisation » de ces postes budgétaires ne pouvait avoir lieu en un seul exercice. C’est en particulier le cas des crédits alloués aux opérations extérieures ou intérieures. Le Gouvernement a donc choisi d’augmenter progressivement la dotation des programmes concernés. La provision pour les opérations extérieures (OPEX) de la mission Défense s’élèverait ainsi à 1,1 milliard d’euros pour 2020, en augmentation d’environ 200 millions d’euros (voir infra).

B.   La masse salariale de l’État : une diminution des effectifs moins forte que prévue par la loi de programmation

En 2020, les dépenses de personnel du budget général de l’État s’élèveraient à 133,8 milliards deuros, dont 89,8 milliards deuros hors contributions au compte d’affectation spéciale « Pensions » (CAS « Pensions »). La masse salariale hors pensions augmenterait ainsi de 1,48 milliard deuros (+ 1,7 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2019. L’augmentation serait donc supérieure de 0,2 milliard d’euros à celle prévue par le projet de loi de finances pour 2019 entre 2018 et 2019 (+ 1,3 milliard d’euros).

La croissance de la masse salariale reste toutefois maîtrisée. À titre de comparaison, les dépenses de personnel hors CAS « Pensions » ont augmenté de 4,4 milliards d’euros en 2017 (+ 3,6 %).

1.   La moindre diminution des effectifs sur le champ de l’État et de ses opérateurs

a.   Le niveau stable de l’emploi de l’État et de ses opérateurs en 2020

En 2020, le schéma d’emplois présenté par le Gouvernement pour l’État et ses opérateurs s’établit à  47 ETP, marquant une stabilisation des effectifs après une baisse prévisionnelle de 4 164 ETP en 2019 et de 1 660 ETP en 2018.

Prévisions des schémas d’emplois pour les années 2018 à 2019
à champ constant

(en équivalents temps plein)

 

LFI 2018

LFI 2019

PLF 2020

Cumul 2018/2020

État

– 324

– 1 571

+ 192

– 1 703

Opérateurs de l’État

– 1 336

– 2 593

– 239

– 4 168

Ensemble État et opérateurs de l’État

 1 660

 4 164

 47

 5 871

Source : projets de loi de finances pour 2019 et pour 2020.

Selon les prévisions des lois de finances initiale pour 2018 et 2019 et selon le présent projet de loi de finances, le schéma d’emplois de l’État et de ses opérateurs serait de  5 871 ETP entre 2018 et 2019. Encore ce chiffre ne prend‑il en compte que les prévisions pour l’année 2018 et non la consommation effective d’ETP ([93]).

La distinction entre les ETP et les ETPT

Les équivalents temps plein (ETP) correspondent aux effectifs physiques, c’est-à-dire aux agents rémunérés, corrigés de la quotité de temps travaillé. Ils ne tiennent pas compte de la durée d’emploi sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 % (quotité de travail : 70 %) correspond à 0,7 ETP, qu’il ait travaillé 8 ou 12 mois dans l’année.

Les équivalents temps plein travaillés (ETPT) correspondent aux effectifs physiques pondérés par la quotité de travail des agents (temps plein, temps partiel, etc.) et la période d’activité sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 %, qui a travaillé du 1er juillet au 31 décembre correspond à 0,35 ETPT (1 × 0,7 × 6 mois/12 mois = 0,35 ETPT).

Les consommations d’emplois et les plafonds des autorisations d’emplois sont exprimés en ETPT. À l’inverse, les schémas d’emplois sont exprimés en ETP.

Ainsi, les schémas demplois traduisent les flux d’entrées et de sorties, tandis que les plafonds demplois illustrent le stock d’emplois.

N.B. : depuis lexercice 2015, les modalités de décompte des emplois sont homogènes entre lÉtat et ses opérateurs : la fixation dun plafond demplois en ETPT et une trajectoire de schémas demplois en ETP.

b.   Une prévision de réduction de 10 500 emplois environ sur le quinquennat

Le Gouvernement a abaissé sa prévision de réduction nette de 50 000 emplois sur le champ de l’État et de ses opérateurs sur le quinquennat. Cette prévision avait été traduite législativement à l’article 10 de la LPFP 2018‑2022 qui dispose que le nombre d’emplois en 2022 exprimé en équivalents temps plein travaillé (ETPT) doit être au moins inférieur de 50 000 au nombre d’ETPT ([94]) en 2018. Le Gouvernement prévoit désormais une diminution nette de 10 500 ETP sur la même période.

Lors de la présentation du projet de loi de finances devant la commission des finances de l’Assemblée le 27 septembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics a précisé que cette baisse nette se décomposait en une diminution brute d’environ 27 000 ETP et une création brute d’emplois d’environ 17 000 ETP. Environ 10 000 suppressions de postes brutes sont assumées par le seul ministère de l’action et des comptes publics.

L’abaissement de la prévision de réduction de postes tire les conséquences des conclusions du Grand débat national lors duquel s’est exprimée une demande forte pour renforcer certains services publics. Le prochain projet de loi de programmation des finances publiques, qui devrait être présenté au printemps prochain, devra prendre en compte ce changement.

Ainsi, à supposer que le schéma d’emplois s’établisse à – 5 871 ETP pour les années 2018-2020 sur le champ de l’État et des opérateurs (voir supra), l’atteinte de la prévision de – 10 500 ETP d’ici 2022 implique une diminution nette de 4 629 ETP sur les années 2021 et 2022, soit une baisse moyenne nette de 2 314 ETP par an.

c.   L’évolution des effectifs des ministères

Le présent projet de loi de finances prévoit une légère augmentation des effectifs de l’État hors opérateurs en 2020 à hauteur de 192 ETP, après la baisse de 1 571 ETP prévue pour 2019 par le projet de loi de finances pour 2019. Entre 2018 et 2020, le schéma d’emplois s’établirait à – 1 173 ETP, soit une moyenne annuelle de – 391. Cette stabilisation intervient après trois années d’augmentation sensible des effectifs de l’État : entre 2015 et 2017, le schéma d’emplois a atteint + 32 478, soit une moyenne annuelle de + 10 826.

Schéma d’emplois de l’État (hors opérateurs) depuis 2009

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir des projets de lois de règlement et du présent projet de loi de finances.

Bien que les effectifs de l’État ne diminuent pas globalement en 2020, le schéma d’emplois stable masque des évolutions contrastées entre les ministères, tenant compte de la volonté du Gouvernement de renforcer le domaine régalien de l’État et l’éducation nationale.

Plafond des autorisations d’emplois de l’État

(en équivalents temps plein travaillé, sauf pour le schéma d’emplois)

Ministère ou budget annexe

PLF 2020*
(champ courant)

Schéma d’emploi

(en ETP à champ constant)**

Action et comptes publics

122 029

– 1 653

Agriculture et alimentation

29 799

+ 130

Armées

271 125

+ 300

Cohésion des territoires

291

– 8

Culture

9 593

– 15

Économie et finances

12 294

– 282

Éducation nationale

1 022 849

Enseignement supérieur, recherche et innovation

6 992

Europe et affaires étrangères

13 524

– 81

Intérieur

292 469

+ 1 347

Justice

88 011

+ 1 520

Outre-mer

5 583

+ 35

Services du Premier ministre

9 759

+ 169

Solidarités et santé

7 436

+ 203

Sports

1 529

– 40

Transition écologique et solidaire

37 382

– 797

Travail

8 599

– 226

Budget général

1 939 264

+ 196

Contrôle et exploitation aériens

10 544

Publications officielles et information administrative

620

– 4

Budgets annexes

11 164

 4

Total général

1 950 428

+ 192

** Le schéma d’emplois, exprimé en ETP, ne correspond pas à l’écart d’une année sur l’autre du plafond d’emplois, exprimé en ETPT. Voir la différence entre ETP et ETPT dans l’encadré cidessus.

Source : loi de finances pour 2019 et présent projet loi de finances.

Les suppressions de postes les plus fortes interviendraient en 2020 principalement dans deux ministères :

– le ministère de l’action et des comptes publics (– 1 653 ETP) ;

– le ministère de la transition écologique et solidaire (– 797 ETP).

À l’inverse, le Gouvernement propose d’accroître de façon significative les plafonds d’emplois de deux ministères :

– le ministère de l’intérieur (+ 1 347 ETP) ;

– le ministère de la justice (+ 1 520 ETP).

La faible diminution des emplois des ministères en 2020 tient également au choix que propose le Gouvernement de ne pas diminuer les effectifs du ministère de l’éducation nationale, lequel représente 53 % des emplois de l’État (en ETPT).

La règle d’ajustement des plafonds des autorisations d’emplois introduite
en loi de programmation des finances publiques

L’article 11 de la LPFP 2018-2022 a prévu qu’à compter de l’exercice 2019, le plafond des autorisations d’emplois de l’État spécialisé par ministère (exprimé en ETPT) ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d’emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus.

Cette disposition vise à instaurer un ajustement mécanique des plafonds d’emplois par rapport à la consommation d’emplois. Ainsi, il ne pourrait plus y avoir de déconnexion substantielle entre un plafond d’emplois d’un ministère et le niveau de consommation de celui-ci. Cela a pour objet d’accroître la lisibilité et la portée des plafonds d’emplois votés par le Parlement. En effet, le Parlement avait pu voter au cours des années récentes des augmentations de plafonds d’emplois pour certains ministères, qui ne se traduisaient pas in fine par une augmentation des emplois consommés.

Le Gouvernement a apporté des précisions dans le projet de loi de règlement pour 2018 : l’écart entre les plafonds d’emplois votés en loi de finances pour 2018 et la consommation effective des emplois s’est établie à 1,3 % pour l’ensemble des ministères, soit 26 287 ETP.

d.   Le ralentissement de la baisse des effectifs au sein des opérateurs de l’État

Le solde négatif du schéma d’emplois de l’État et de ses opérateurs malgré la hausse des effectifs des ministères s’explique par la diminution de 239 ETP sur le champ des opérateurs de l’État. Cette baisse est moins importante que celle attendue en 2019 (– 2 593 ETP).

Schéma d’emplois des opérateurs depuis 2009
(en équivalents temps plein)

Source : projets de loi de finances.

Comme pour le périmètre de l’État, l’évolution nette globale des effectifs traduit des choix du Gouvernement.

Schéma d’emplois des opérateurs de l’État

(en équivalents temps plein)

Ministère ou budget annexe

LFI 2019

(format 2020)

PLF 2020

Action et comptes publics

– 336

– 13

Agriculture et alimentation

– 137

– 190

Armées

– 16

– 26

Cohésion des territoires

– 4

+ 31

Culture

– 110

– 35

Économie et finances

– 30

– 24

Éducation nationale

– 13

– 42

Enseignement supérieur, recherche et innovation

Europe et affaires étrangères

– 166

– 106

Intérieur

+ 125

+ 189

Justice

Outre-mer

Services du Premier ministre

– 12

Solidarités et santé

– 252

– 143

Sports

– 2

+ 20

Transition écologique et solidaire

– 267

– 276

Travail

– 1 385

+ 395

Budget général

– 2 593

– 232

Contrôle et exploitation aériens

– 7

Publications officielles et information administrative

Budgets annexes

– 7

Total général

– 2 593

– 239

Source : présent projet de loi de finances.

Les baisses d’effectifs les plus importantes concernent les opérateurs rattachés aux ministères suivants :

– le ministère de la transition écologique et solidaire (– 276 ETP) ;

– le ministère de l’agriculture et de l’alimentation (– 190 ETP), dont les effectifs du ministère hors opérateurs croissent par ailleurs (+ 130 ETP) ;

– le ministère de la solidarité et de la santé (– 143 ETP).

À l’inverse, les opérateurs rattachés aux ministères du travail (+ 395 ETP) et de l’intérieur (+ 189 ETP) devraient voir leurs effectifs progresser en 2019.

Les schémas d’emplois du projet de loi de finances, tant pour l’État que pour ses opérateurs, sont présentés à titre indicatif dans l’exposé général des motifs, dans le dossier de presse que fournit le Gouvernement à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances ou dans l’exposé des motifs des articles du projet de loi fixant les plafonds des emplois de l’État ou des opérateurs. En effet, seuls les plafonds d’emplois, exprimés en ETPT, sont fixés par le dispositif même du projet de loi de finances.

À la différence des plafonds d’emplois de l’État, présentés par ministère ([95]), les plafonds d’emplois des opérateurs de l’État sont présentés par mission. La règle de plafonnement des emplois des opérateurs n’a pas valeur organique. Le tableau ci‑dessous présente les plafonds proposés par l’article 43 du présent projet de loi.

Plafonds des emplois des opérateurs de l’État

(en équivalents temps plein travaillé)

Mission de rattachement

LFI 2019

PLF 2020

Action extérieure de l’État

6 530

6 324

Administration générale et territoriale de l’État

358

355

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14 003

13 882

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

1 317

1 278

Cohésion des territoires

281

639

Culture

14 461

15 483

Défense

6 564

6 937

Direction de l’action du Gouvernement

597

591

Écologie, développement et mobilité durables

19 578

19 292

Économie

2 563

2 496

Enseignement scolaire

3 276

3 233

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

1 195

1 106

Immigration, asile et intégration

1 984

2 173

Justice

617

625

Médias, livre et industries culturelles

3 004

3 102

Outre-mer

127

127

Recherche et enseignement supérieur

259 387

259 638

Régimes sociaux et de retraite

307

294

Santé

1 624

134

Sécurités

279

293

Solidarité, insertion et égalité des chances

8 198

8 041

Sport, jeunesse et vie associative

657

692

Travail et emploi

54 089

54 445

Contrôle et exploitation aériens

812

805

Contrôle de la circulation et du stationnement routier

41

47

Total

401 849

402 032

Source : loi de finances initiale pour 2019 et présent projet de loi de finances.

2.   L’évolution des rémunérations

a.   L’effet du glissement vieillesse technicité et des mesures catégorielles

Selon l’exposé général des motifs, la croissance des rémunérations d’activité de 1,48 milliard deuros en 2020 s’expliquerait essentiellement par :

– le solde du glissement vieillesse technicité (GVT), traduisant l’effet mécanique des progressions de carrière sur la masse salariale, à hauteur de 0,4 milliard deuros ;

– l’impact de mesures catégorielles en 2020 à hauteur de 0,9 milliard deuros et, en particulier, de la poursuite de la mise en œuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) pour 0,5 milliard d’euros.

L’évolution des rémunérations reste toutefois maîtrisée, notamment du fait du gel du point d’indice.

b.   Le gel du point d’indice en 2020

Pour les années 2018 et 2019, le Gouvernement a gelé la valeur du point d’indice de la fonction publique. Selon la Cour des comptes, une augmentation de 1 % de la valeur du point d’indice correspond à un surcoût annuel de 2,1 milliards deuros pour l’ensemble des administrations publiques, dont 880 millions pour l’État et ses opérateurs ([96]).

Ces deux gels successifs sont intervenus après deux augmentations réalisées le 1er juillet 2016 (+ 0,6 %) et le 1er février 2017 (+ 0,6 %) ([97]), qui rompaient avec une période prolongée de gel du point d’indice depuis 2010.

Le 2 juillet 2019, M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État chargé de la fonction publique, a annoncé le gel du point d’indice pour l’année 2020. Par convention, on considère que cette mesure engendre un niveau d’économies d’autant plus important que l’inflation est élevée. L’impact en 2019 et en 2020 du gel du point d’indice serait moins fort qu’en 2018 compte tenu de l’abaissement du taux d’inflation (indice des prix à la consommation y compris tabac) de 1,6 % à 1,2 % pour chacune des deux années suivantes.

ÉVOLUTION DE LINFLATION ET DU POINT DINDICE DE LA FONCTION PUBLIQUE

(en %)

Source : commission des finances.

À l’inverse, cette mesure a un impact défavorable sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui est d’autant plus fort que l’inflation est élevée. Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour remédier à cette situation. Il s’agit en particulier de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA) et du minimum de traitement.

La GIPA prend la forme d’une compensation versée aux agents dont le traitement augmente moins vite que l’inflation. Les paramètres de ce dispositif sont liés d’une part à l’évolution de la valeur du point d’indice et d’autre part à des facteurs extérieurs tels que l’inflation et la valeur du SMIC. La Cour des comptes relève que la GIPA a représenté un coût annuel pour l’État de 150 à 200 millions d’euros entre 2012 et 2015 ([98]).

II.   LE BUDGET DE L’ÉTAT REFLÈTE DES CHOIX FORTS PROPOSÉS PAR LE GOUVERNEMENT POUR 2020 ([99])

A.   L’AUGMENTATION GLOBALE DES PLAFONDS DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU BUDGET GÉNÉRAL

En 2020, les crédits du budget général de l’État augmenteraient de 4,3 milliards deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, soit une croissance de 1,3 % en valeur. Ils s’établiraient à 337 milliards d’euros.

Crédits de paiement du budget général

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2019

(constant)

PLF 2020

(constant)

Écart

Action et transformation publiques

312

435

+ 123

Action extérieure de l’État

2 873

2 875

+ 2

Administration générale et territoriale de l’État

3 373

3 977

+ 604

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 922

2 958

+ 36

Aide publique au développement

3 078

3 285

+ 206

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 302

2 160

– 142

Cohésion des territoires

16 390

15 157

– 1 234

Conseil et contrôle de l’État

681

705

+ 24

Crédits non répartis

177

150

– 27

Culture

2 930

2 959

+ 29

Défense

44 354

46 075

+ 1 721

Direction de l’action du Gouvernement

789

794

+ 5

Écologie, développement et mobilité durables

12 166

13 275

+ 1 109

Économie

1 940

2 325

+ 386

Engagements financiers de l’État (hors charge de la dette)

42 471

38 505

– 3 966

Enseignement scolaire

72 760

74 034

+ 1 274

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

10 442

10 457

+ 15

Immigration, asile et intégration

1 688

1 818

+ 130

Investissements d’avenir

1 050

2 175

+ 1 126

Justice

9 057

9 388

+ 331

Médias, livre et industries culturelles

579

591

+ 11

Outre-mer

2 576

2 409

– 166

Pouvoirs publics

991

994

+ 3

Recherche et enseignement supérieur

28 147

28 682

+ 534

Régimes sociaux et de retraite

6 284

6 228

– 57

Relations avec les collectivités territoriales

3 439

3 452

+ 13

Santé

1 421

1 144

– 278

Sécurités

20 135

20 492

+ 358

Solidarité, insertion et égalité des chances

23 899

25 492

+ 1 593

Sport, jeunesse et vie associative

990

1 228

+ 238

Travail et emploi

12 451

12 772

+ 321

Total

332 667

336 991

+ 4 323

Source : présent projet de loi de finances.

Sur les trente et une missions du budget général :

– vingt-quatre missions voient leurs crédits augmenter, dont douze de plus de 3,5 % ;

– sept missions voient leurs crédits diminuer pour un total de 5,8 milliards d’euros, dont 4,0 milliards d’euros (68 %) correspondent à une baisse des crédits de la mission Engagements financiers de l’État, finançant en particulier les intérêts de la dette de l’État.

Le détail de l’évolution des crédits de chaque mission est présenté en annexe au présent rapport par les rapporteurs spéciaux.

B.   LES AUGMENTATIONS DE CRÉDITS CIBLÉS SUR CERTAINES MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL

1.   La poursuite du renforcement du pôle régalien

● La mission Défense bénéficie d’un accroissement de ses crédits de 1,7 milliard d’euros (+ 3,9 %), en cohérence avec les prévisions de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM 2019-2025) ([100]). Cette hausse intervient après une augmentation du même montant en 2019. La trajectoire de la LPM est donc respectée à ce stade.

Évolution des crédits de la mission Défense
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

32,4

34,2

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

+ 1,8

+ 1,7

+ 1,7

+ 1,7

+ 1,7

+ 3,0

Note : l’écart pour les années 2019 et 2020 aux montants des plafonds de crédits de la mission Défense provient de l’exclusion des contributions au CAS Pensions.

Source : projets de loi de finances pour 2018 et 2019, présent projet de loi de finances et LPM 2019-2025.

Les crédits contribueront en priorité au renouvellement des équipements, à l’amélioration des conditions d’entraînement, au soutien des soldats et de leurs familles, à la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire et à l’amélioration des actions opérationnelles des armées.

La hausse des crédits en 2020 permet aussi de « sincériser » le financement opérations extérieures (OPEX) conformément aux dispositions de la LPM. La provision au titre des OPEX atteint ainsi 1,1 milliard d’euros, en augmentation de 200 millions d’euros, comme le Gouvernement s’y était engagé.

● Les crédits de la mission Sécurités sont accrus de 358 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019 (+ 1,8 %). La hausse des crédits résulte en particulier de la hausse de la masse salariale sous un double effet :

– l’effet volume correspondant à la poursuite de la mise en œuvre du plan de création de 10 000 emplois, avec une prévision de 2 000 recrutements supplémentaires dans les forces de sécurité en 2020 ;

– l’effet des mesures indemnitaires prévues par la mise en œuvre du protocole d’accord du 19 décembre 2018.

Le renforcement des moyens de la mission financera aussi la modernisation de l’équipement des forces de sécurité et des opérations de constructions et de rénovations de commissariats et de casernes de gendarmerie.

● Les crédits de la mission Justice augmenteraient de 331 millions d’euros (+ 3,7 %), suivant la tendance de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice ([101]). La prévision pour 2020 du présent projet de loi de finances est toutefois légèrement inférieure à celle de la loi de programmation. Les crédits de paiement hors CAS Pensions devaient augmenter de 0,3 milliard d’euros pour atteindre 7,7 milliards d’euros. Ils augmenteraient finalement de 0,21 milliard d’euros à champ constant pour atteindre 7,5 milliards d’euros et de 0,29 milliard d’euros à champ courant pour atteindre 7,58 milliards d’euros.

Le schéma d’emplois serait de + 1 520 ETP contre une programmation de + 1 620 ETP.

Évolution des crédits (hors CAS Pensions) et des créations d’emplois

au sein de la mission justice selon la loi de programmation 2018‑2022

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Crédits de paiement de la mission Justice

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

Augmentation annuelle des crédits de paiement

+ 0,3

+ 0,4

+ 0,3

+ 0,3

Créations nettes d’emplois au sein du ministère (en ETP)

+ 1 100

+ 1 300

+ 1 620

+ 1 260

+ 1 220

Source : loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L’augmentation des crédits permettra notamment de poursuivre l’effort de création de nouvelles places de prison, de financer le plan de transformation numérique du ministère et d’accroître les moyens de fonctionnement des juridictions.

2.   L’effort significatif en matière d’insertion et de solidarité

Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances s’accroîtraient de 1,6 milliard d’euros en 2020, soit une hausse de 6,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.

Elle correspond principalement :

– à la revalorisation de la prime d’activité et à la hausse de son taux de recours qui est désormais supérieur à 80 %. Le montant prévu dans le présent projet de loi de finances (9,5 milliards d’euros) est en progression de près 10 % par rapport à la loi de finances pour 2019 (8,8 milliards d’euros) ;

– aux revalorisations successives de l’allocation pour les adultes handicapés (AAH) pour porter le plafond de son montant à 900 euros par mois. Une première revalorisation exceptionnelle est intervenue en novembre 2018, portant le plafond à 860 euros par mois. Une seconde revalorisation interviendra en novembre 2019. L’impact budgétaire cumulé est estimé à plus de 1,2 milliard d’euros entre 2020 et 2022

3.   La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de l’enseignement scolaire, de l’enseignement supérieur et de la recherche et des investissements d’avenir

● Les crédits de la mission Enseignement scolaire croîtraient de 1,3 milliard deuros (+ 1,8 %) pour s’établir à 74,0 milliards d’euros. Il s’agit de la mission dont l’allocation de crédits est, de loin, la plus élevée.

L’accroissement prévu pour 2020 résulte notamment de la sanctuarisation des effectifs et des revalorisations indemnitaires liées à l’accord relatif à la fonction publique « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) pour un montant de 300 millions d’euros.

● La mission Recherche et enseignement supérieur bénéficierait d’une progression de ses crédits de 534 millions d’euros en 2020 (+ 1,9 %). Elle permettrait de financer le plan étudiants, la réforme des études de santé et la hausse de 225 millions d’euros de la contribution à l’Agence spatiale européenne.

● Les crédits de la mission Investissements d’avenir seraient doublés en 2020 par rapport à la loi de finances pour 2019. Ils augmenteraient en effet de 1,1 milliard deuros en 2020 pour s’établir à 2,2 milliards d’euros, correspondant à la montée en charge du programme d’investissements pour l’avenir (PIA 3). Ces crédits supplémentaires financeront les actions mises en œuvre par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), par l’Agence nationale de la recherche (ANR), par Bpifrance et par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

4.   La hausse des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

La mission Écologie, développement et mobilité durables verrait ses crédits augmenter de 1,1 milliard d’euros en 2020 (+ 9,1 %). Ces crédits permettront en particulier de financer la prime qui se substituera au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

Il y a lieu de rappeler que le soutien à la transition écologique ne se résume pas aux crédits de cette mission. Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi, par ailleurs, une forte augmentation des crédits alloués à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) par la voie de taxes affectées. Les dépenses opérationnelles de l’agence représenteront 3 milliards d’euros en 2020 contre 2,2 milliards d’euros en 2019, soit une hausse d’environ 800 millions d’euros.

C.   DES BAISSES DE CRÉDITS CONCENTRÉES SUR DEUX MISSIONS

Deux missions concentrent près de 90 % des baisses de crédits par rapport à la loi de finances pour 2019.

● À la différence des autres missions ([102]), deux des programmes les plus importants de la mission Engagements financiers de l’État portent des crédits évaluatifs : le montant des crédits adoptés par le Parlement sur ces programmes n’est pas un plafond ([103]). C’est notamment le cas du programme 117 finançant la charge de la dette et de la trésorerie de l’État.

Les hypothèses de taux du Gouvernement pour 2020 sont très favorables mais restent prudentes. Par rapport aux prévisions pour 2019 de la loi de finances pour 2019, les crédits de la mission seraient inférieurs de 4,0 milliards deuros en 2020 (– 9,3 %).

● Les crédits de la mission Cohésion des territoires diminueraient de 1,2 milliard deuros (– 7,5 %) sous l’effet en particulier de la prise en compte, à compter de janvier 2020, des ressources de l’année en cours pour le calcul et le versement des aides au logement. Les ressources des bénéficiaires seront actualisées tous les trimestres. Le Gouvernement estime que cette réforme devrait engendrer une économie en année pleine de l’ordre de 1,4 milliard d’euros.

D.   LES MESURES DE PÉRIMÈTRE

Le présent projet de loi de finances prévoit plusieurs mesures techniques de changement de périmètre par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, pour un montant de 8,9 milliards d’euros à la hausse sur le champ des dépenses de l’État.

Mesures de changement de périmètre

Mesures de périmètre

Projet de loi de finances pour 2020

Suppression, budgétisation de taxes et autres recettes affectées ou modifications de la répartition entre taxes et autres recettes affectées et crédits budgétaires - Autres ajustements liés à une évolution de la fiscalité

+ 704,4 millions d’euros

Rebudgétisation de la taxe affectée à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) à hauteur de son rendement. Assujettissement à la taxe sur les salaires à la suite de transferts d’ETP État vers deux opérateurs du ministère de la culture. Substitution de crédits budgétaires à deux ressources extrabudgétaires non plafonnées affectées au Conseil national des barreaux afin de contribuer au financement de l’aide juridictionnelle. Transformation du CITE en prime pour les ménages modestes. Compensation budgétaire au FNAL des effets de la loi PACTE.

Modification de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales ou compensation par le budget de l’État de la suppression ou de l’allégement d’impôts locaux

+ 8 095,2 millions d’euros

Rebudgétisation dans le cadre de la création d’une aide unique à l’apprentissage. Plafonnement des ressources affectées à France Compétences et suppression du CAS FNDMA. Recentralisation du RSA à La Réunion.

Clarification de la répartition des compétences entre l’État et des tiers (administrations de sécurité sociale et opérateurs, notamment)

+ 345 millions d’euros

Transfert de la gestion de deux opérateurs de l’État à la sécurité sociale (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et Agence nationale de santé publique). Reprise par l’État du financement de l’accompagnement des groupements hospitaliers de territoires (GHT) dans le cadre d’un programme PHARE de performance des achats hospitaliers. Suite du transfert du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l’incapacité vers les pôles sociaux des tribunaux judiciaires.

Paiement de loyers budgétaires

 89,9 millions d’euros

Suppression des loyers budgétaires pour les ministères civils

Mesures de périmètre relatives aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales ou en faveur de l’Union européenne

 173,6 millions d’euros

Impact sur les prélèvements sur recettes (PSR) de la recentralisation du RSA à La Réunion. Création d’un PSR dédié à la Polynésie française. Transformation du PSR Guyane en dotation budgétaire sur la mission Outre-mer

Incidence totale sur les dépenses de l’État

+ 8 881,1 millions d’euros

Source : exposé général des motifs du présent projet de loi de finances.

E.   LES PROJECTIONS TRIENNALES DES PLAFONDS DE CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL

Dans l’exposé général des motifs du présent projet de loi de finances, le Gouvernement présente l’évolution des crédits budgétaires et des taxes affectées pour la période 2020‑2022. Les projections triennales présentées dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances ne peuvent pas être comparées immédiatement à celles de la loi de programmation des finances publiques car elles intègrent dans leur champ les taxes affectées.

Il est prévu que les crédits budgétaires et taxes affectées augmentent de 8,5 milliards d’euros d’ici 2022.

CrÉdits budgÉtaires et taxes affectÉes rattachÉes aux missions

(en milliards d’euros)

Année

PLF 2020

2021

2022

Écart

2022/PLF2020*

Action et transformation publiques

0,4

0,6

0,6

+ 0,2

Action extérieure de l’État

2,7

2,7

2,7

Administration générale et territoriale de l’État

3,4

3,6

3,9

+ 0,5

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,7

2,6

2,6

– 0,1

Aide publique au développement

4,0

4,6

5,4

+ 1,4

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2,2

2,0

1,9

+ 0,3

Cohésion des territoires

16,6

16,8

17,0

+ 0,4

Conseil et contrôle de l’État

0,6

0,6

0,6

Crédits non répartis

0,2

0,0

0,3

+ 0,1

Culture

2,8

2,8

2,8

Défense

37,5

39,2

40,9

+ 3,4

Direction de l’action du Gouvernement

0,8

0,8

0,8

Écologie, développement et mobilité durables

17,8

17,3

17,1

– 0,3

Économie

3,3

3,5

3,2

– 0,1

Engagements financiers de l’État (hors charge de la dette)

0,4

0,4

0,4

Enseignement scolaire

53,3

54,1

54,9

+ 1,6

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

7,8

7,7

7,6

– 0,2

Immigration, asile et intégration

1,8

1,7

1,6

– 0,2

Investissements d’avenir

2,2

1,9

2,1

– 0,1

Justice

7,6

8,0

8,2

+ 0,6

Médias, livre et industries culturelles

0,6

0,6

0,6

Outre-mer

2,4

2,4

2,4

Pouvoirs publics

1,0

1,0

1,0

Recherche et enseignement supérieur

28,6

28,4

28,5

– 0,1

Régimes sociaux et de retraite

6,2

6,2

6,3

+ 0,1

Relations avec les collectivités territoriales

3,5

3,5

3,6

+ 0,1

Santé

1,1

1,2

1,2

Sécurités

13,8

13,8

13,9

+ 0,1

Solidarité, insertion et égalité des chances

25,3

25,7

26,1

+ 0,8

Sport, jeunesse et vie associative

1,3

1,4

1,4

+ 0,1

Travail et emploi

22,1

22,8

22,8

+ 0,7

Total

272,1

276,5

280,6

+ 8,5

* À l’arrondi près.

Source : exposé général des motifs du présent projet de loi de finances.

III.   VERS UNE APPROCHE INÉDITE DE L’ÉVALUATION DE L’IMPACT DES DÉPENSES SUR L’ENVIRONNEMENT

Les mouvements sociaux de la fin de l’année 2018 et les débats sur le financement par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) d’actions favorisant la transition énergétique ont mis en lumière la nécessité de rendre lisibles les financements publics affectés à la transition écologique et d’évaluer l’impact des dépenses publiques sur l’environnement.

● À l’initiative de Mme Bénédicte Peyrol ([104]) et conformément à l’article 206 de la loi de finances pour 2019, les annexes générales aux projets de loi de finances ont été enrichies à compter du présent projet de loi de finances d’un rapport intitulé Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de lenvironnement et du climat. Il comporte :

– un état de l’ensemble des financements publics en faveur de l’écologie, de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique ;

– un état évaluatif des moyens financiers publics et privés mis en œuvre pour financer la transition énergétique et leur adéquation avec les engagements européens de l’accord de Paris et de l’agenda 2030 du développement durable de l’Organisation des nations unies (ONU) ;

– un état détaillant la stratégie en matière de fiscalité écologique et énergétique permettant d’évaluer la part de cette fiscalité dans les prélèvements obligatoires, les mesures d’accompagnement et l’efficacité des dépenses fiscales en faveur de l’environnement. Il devra préciser, selon les termes de l’article 206 de la loi de finances pour 2019, l’impact de cette fiscalité sur le pouvoir d’achat des ménages et sur les coûts de production et les marges des entreprises ;

– un bilan des actions de maîtrise de la demande d’énergie, des mesures de promotion des énergies renouvelables et de l’évolution de l’impact sur l’environnement de la consommation d’énergie ;

– un scénario d’évolution de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ;

– une version intégrée de la manière dont les instruments fiscaux incitent les acteurs économiques à la prévention des atteintes portées à l’environnement.

Afin de rendre plus lisible l’information budgétaire à destination des parlementaires et des citoyens, la nouvelle annexe se substitue à trois annexes :

– l’annexe générale présentant l’ensemble des crédits inscrits dans le projet de loi de finances en faveur de la protection de la nature et de l’environnement ;

– l’annexe générale sur le financement de la transition énergétique ;

– le document de politique transversale sur la lutte contre le changement climatique.

● Parallèlement, une mission commune du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF) a récemment rendu sa proposition de méthode pour une budgétisation environnementale ou « green budgeting » ([105]). L’objectif de la budgétisation environnementale est d’évaluer la compatibilité des budgets nationaux avec les objectifs environnementaux. Cette approche recoupe donc celle de l’annexe mentionnée ci‑dessus. La mission a donc articulé ses travaux avec l’élaboration de cette annexe. Ils devront conduire à une budgétisation environnementale pérenne. Le ministre de l’action et des comptes publics a annoncé le 25 septembre dernier que la formule permanente de ce « budget vert » serait mise au point pour le projet de loi de finances pour 2021.

En attendant, les conclusions de la mission sont utiles pour appréhender les enjeux budgétaires et fiscaux en matière environnementale. Ils chiffrent ainsi à 52,9 milliards d’euros en 2017 la fiscalité environnementale française, soit 2,3 % du PIB et 5,0 % des prélèvements obligatoires. À titre de comparaison, la fiscalité environnementale représentait la même année 2,4 % du PIB et 5,9 % des prélèvements obligatoires des pays de la zone euro. Sur ce montant, seuls 33 milliards d’euros relèvent des finances de l’État et donc du projet de loi de finances.

La mission a proposé une méthode pour évaluer les dépenses (y compris les dépenses fiscales) ayant un impact sur l’environnement, par une cotation comprise entre ‑1 et 3, selon que la dépense est défavorable ou très favorable sur six objectifs environnementaux :

– la lutte contre le changement climatique ;

– l’adaptation au changement climatique et la prévention des risques naturels ;

– la gestion de la ressource en eau ;

– l’économie circulaire, la gestion des déchets et la prévention des risques technologiques ;

– la lutte contre les pollutions ;

– la biodiversité et la gestion durable des espaces naturels, agricoles et sylvicoles.

Elle a appliqué cette méthode aux dépenses de l’État telles que prévues par le projet de loi de finances pour 2019. D’après une première analyse transversale mais encore partielle et fragile par certains aspects :

– entre 33 et 36 milliards d’euros de dépenses auraient un impact favorable sur au moins l’un des six objectifs, dont 30 milliards d’euros n’auraient aucun impact défavorable sur un des autres objectifs ;

– environ 25 milliards d’euros de dépenses auraient un impact défavorable sur l’un au moins des objectifs, dont 19 à 21 milliards d’euros n’auraient aucun impact favorable sur un autre objectif.

Si l’évaluation doit être affinée, cette démarche pourra utilement éclairer la représentation nationale sur ces enjeux majeurs lors des examens du présent et des futurs projets de lois de finances.

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   AUDITION du MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES,
du MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS,
ET Du SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE
DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS

Lors de sa réunion du 27 septembre 2019, la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics et M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2020.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à messieurs Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, et Olivier Dussopt, respectivement ministre de l’économie et des finances, ministre de l’action et des comptes publics et secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Je tiens à remercier ceux qui ont pu se rendre disponibles ce vendredi pour cette audition qui marque le début de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020.

Avant de commencer, je souhaite au nom de l’ensemble de notre commission rendre un hommage affectueux à Jacques Chirac, qui nous a quittés hier.

En commission des finances, l’examen de la première partie du projet de loi de finances aura lieu le mardi 8 octobre à dix-sept heures quinze et à vingt et une heures ; il se poursuivra le mercredi 9 octobre. Le délai de dépôt des amendements est donc fixé au vendredi 4 octobre à dix-sept heures. En séance publique, la discussion de la première partie commencera le lundi 14 octobre et s’achèvera le lundi 21 octobre par le débat sur le prélèvement au profit de l’Union européenne. Le vote solennel sur la première partie aura lieu le mardi 22 octobre après les questions au Gouvernement.

En commission des finances, l’examen de la seconde partie commencera le mardi 22 octobre et durera jusqu’au vendredi 25 octobre. La commission se saisira ainsi successivement de toutes les missions qui, en séance publique, seront à l’ordre du jour à compter du lundi 28 octobre. Les articles non rattachés seront examinés les mercredi 6 et jeudi 7 novembre en commission, en vue d’un passage en séance publique à partir du jeudi 14 novembre.

Le vote solennel sur l’ensemble du PLF aura lieu le mardi 19 novembre après les questions au Gouvernement.

Sans plus attendre, je cède la parole au ministre de l’économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je voudrais tout d’abord m’associer à l’hommage du président Woerth à l’endroit du Président de la République Jacques Chirac, disparu hier. Je tiens également à tous vous remercier d’être présents aujourd’hui, car je sais qu’il est compliqué pour les parlementaires d’être un vendredi à l’Assemblée plutôt qu’en circonscription, et vous présente toutes nos excuses pour le décalage de cette séance.

Je suis très heureux de vous présenter, pour la troisième année consécutive, avec le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin et le secrétaire d’État Olivier Dussopt, les grandes orientations du projet de loi de finances.

Je rappellerai en introduction dans quel contexte international, économique et social les choix de ce projet de loi de finances ont été faits. Le contexte économique international se caractérise par un ralentissement marqué de la croissance mondiale et de la croissance européenne qui dure depuis plusieurs mois. D’abord, les tensions commerciales se sont intensifiées et la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis est devenue une réalité. Voilà un an, les États-Unis taxaient environ 50 milliards d’euros d’importations chinoises ; aujourd’hui, ils taxent 520 milliards d’euros, soit la quasi-totalité des biens en provenance de Chine, ce qui a un impact sur la croissance mondiale que nous estimons à 0,5 point de PIB pour 2020. Nous sommes également confrontés à des tensions géopolitiques au Moyen-Orient qui s’accompagnent d’une forte volatilité des cours du pétrole et qui doivent nous mener à accélérer la transition énergétique pour que nous soyons indépendants des cours du pétrole et du prix des énergies fossiles. Enfin, les incertitudes européennes ne se sont pas dissipées : le Brexit sans accord est désormais une possibilité effective.

Notre environnement économique est lui aussi singulier. À la faible croissance s’ajoutent des taux d’inflation faibles, inférieurs à la cible de la Banque centrale européenne (BCE), et des taux d’intérêt infimes, voire négatifs dans certains cas. Nous savons que ces taux resteront bas dans les prochains mois en raison des décisions qui ont été prises par le président de la Réserve fédérale (FED), Jerome Powell, et par le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Nous soutenons ces décisions parce qu’elles nous laissent un délai supplémentaire pour agir et que ce choix responsable nous permet d’éviter une dégradation supplémentaire de notre environnement économique, laquelle aurait pesé directement sur la croissance et sur les emplois. N’oublions pas que cette politique de taux bas nous a permis de renouer avec la croissance après la crise des dettes souveraines et nous permet d’alléger la charge de la dette.

Cela étant, il serait irresponsable de fonder notre politique économique sur le seul outil des taux bas. D’abord, parce qu’ils remonteront un jour ou l’autre ; ensuite, parce que la politique monétaire a montré les limites de son efficacité ; enfin, parce que nous estimons indispensable que la politique budgétaire prenne désormais le relais de la politique monétaire dans les États de la zone euro qui en ont la capacité. Pour le formuler clairement, les États dans la zone euro qui ont des réserves – je pense en particulier à l’Allemagne – doivent investir dès à présent pour soutenir la croissance. La France est en revanche dans une situation très différente : notre endettement a augmenté de 30 points au cours des dix dernières années et notre niveau d’endettement public approche les 100 % du PIB. Il ne serait donc pas responsable d’alourdir la dette française, et ce d’autant moins que nous sommes, je le rappelle, le premier émetteur d’obligations souveraines de la zone euro. La dette est un danger pour notre économie, et un piège pour l’effort de redressement des finances publiques que nous avons engagé depuis deux ans et qu’il faut impérativement poursuivre, ce que d’ailleurs nous faisons dans le présent budget.

Le budget que je présente aujourd’hui est, comme tout instrument budgétaire, le reflet de choix politiques. Je rappellerai donc les choix simples et clairs qui ont été faits pour 2020.

Le premier est la baisse des impôts. Attendue par nos compatriotes depuis des années, elle est indispensable pour maintenir la compétitivité-prix de nos entreprises. Celles-ci bénéficieront dès 2020 de 1 milliard d’euros de baisses d’impôts. L’intégralité des allégements de charges, quel que soit le niveau de salaire, sera maintenue, et il me paraît impératif de le faire, sous peine de dégrader la compétitivité-coût de nos entreprises, ce qui serait un très mauvais signal. Ces allégements seront d’ailleurs renforcés dès la semaine prochaine, puisque le niveau des allégements généraux sera renforcé de 4 points pour les plus bas salaires – entre 1 et 1,6 SMIC. La baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuivra et, dès 2020, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, verront leur impôt sur les sociétés baisser, avec une différenciation entre les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros et les autres. La pente est déjà bien amorcée pour que toutes les entreprises bénéficient en 2022 d’un taux d’impôt sur les sociétés de 25 % qui fera de la France un pays attractif et compétitif par rapport à ses grands voisins européens.

Au total, les impôts baisseront de 13 milliards d’euros pour nos entreprises sur la durée du quinquennat, et de 27 milliards d’euros pour les ménages, soit au total de 40 milliards d’euros. En proportion du PIB, nous serons proches de 1,3 point, au lieu de 1 point prévu, ce qui marque une vraie rupture par rapport à la politique de hausse systématique des taxes et des impôts menée avant 2017.

Le deuxième choix que nous avons fait, en cohérence avec les choix économiques opérés depuis deux ans, est de maintenir une politique d’innovation offensive et une politique de l’offre. Nous avons ainsi décidé de sanctuariser le crédit d’impôt recherche (CIR). Le débat sur ce dispositif est parfaitement légitime, mais les critiques de certains parlementaires ne me paraissent pas fondées. Tout d’abord, ce crédit d’impôt bénéficie principalement, aux deux tiers, aux entreprises de taille intermédiaire et aux PME, et non pas aux plus grandes entreprises. Il est en outre efficace pour soutenir la recherche et développement, car pour un euro public versé, un euro est dépensé dans les activités de recherche et développement privées. Enfin, Gérald Darmanin veille à ce qu’il n’y ait pas de détournement de ce crédit d’impôt par les entreprises, et nous estimons que les risques de fraude sont limités. Pour toutes ces raisons, les paramètres fondamentaux du crédit d’impôt recherche nous paraissent devoir rester inchangés, car ils garantissent à nos entreprises que la France demeure le territoire le plus attractif pour innover au sein de la zone euro. La seule correction nécessaire, comme l’a indiqué la Cour des comptes, porte sur le forfait des dépenses de fonctionnement : nous vous proposons de le baisser de 50 % à 43 % afin qu’il soit plus représentatif des dépenses réelles de fonctionnement liées au crédit d’impôt recherche.

Le troisième choix politique est une constante du quinquennat voulue par le Président de la République, le Premier ministre et la majorité : le travail doit payer, et doit payer mieux. La baisse massive de l’impôt des ménages, en particulier de l’impôt sur le revenu, que détaillera Gérald Darmanin, est un signal très clair dans cette direction. Tous ceux qui ont un salaire, une rémunération, des indemnisations doivent pouvoir vivre dignement de leurs revenus. Toute la politique que nous avons menée depuis deux ans – la suppression des cotisations d’assurance maladie et d’assurance chômage, la revalorisation de la prime d’activité, la suppression du forfait social de 20 % sur les dispositifs d’intéressement, la défiscalisation des heures supplémentaires – et, aujourd’hui, la baisse de l’impôt sur le revenu – ont une seule et même visée : tous ceux qui travaillent en France doivent pouvoir vivre dignement de leur travail. Le message des gilets jaunes a été entendu.

Pour financer ces baisses d’impôts, nous allons réduire un certain nombre de niches fiscales, dont certaines sont sensibles et ont légitimement fait l’objet d’échanges approfondis avec les organisations professionnelles concernées. L’avantage fiscal dont bénéficiait le gazole non routier (GNR) sera ainsi progressivement supprimé, en cohérence avec la politique de transition énergétique. Mais nous avons tenu à agir avec une attention accrue pour les professions concernées et selon un calendrier plus étalé. Les tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) seront ainsi supprimés non pas en un an mais en trois ans ; la première hausse interviendra non pas au 1er janvier 2020 mais au 1er juillet 2020, ce qui laissera six mois supplémentaires aux fédérations pour s’adapter. Ni les agriculteurs ni le transport ferroviaire ne seront touchés par cette suppression du tarif réduit, qui permettra de dégager à terme 900 millions d’euros. À cette suppression progressive seront évidemment associées des mesures de compensation dont nous avons discuté avec les professionnels concernés. Nous mettrons en place une clause générale de révision des prix, ainsi qu’un suramortissement pour l’acquisition d’un matériel moins polluant, notamment électrique. L’avance versée par l’État aux PME sera portée de 5 à 10 % dans le cadre des marchés publics passés avec les collectivités territoriales et les établissements publics les plus importants. Enfin, les travaux d’entretien des réseaux des collectivités territoriales seront, comme le demandent les fédérations professionnelles depuis très longtemps, éligibles au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Les autres dispositifs appelés à être réduits sont le mécénat d’entreprise – le taux de défiscalisation passera de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros, à l’exception des dons aux banques alimentaires et aux associations d’aide aux plus démunis – et l’avantage lié à la déduction forfaitaire spécifique, au sujet duquel Gérald Darmanin vous apportera quelques précisions.

Au total, la réduction des niches fiscales et les autres choix inscrits dans ce budget nous permettent de limiter le déficit public à 2,2 % en 2020, chiffre le plus bas depuis vingt ans. La dette sera stabilisée à 98,7 % du PIB et la baisse des prélèvements obligatoires sera de 1,3 point sur l’ensemble du quinquennat au lieu d’1 point prévu.

Ces mesures ayant été présentées, je tiens à rappeler qu’au regard du contexte économique de la zone euro et des incertitudes sur le contexte économique international, il est indispensable que les États membres de la zone euro qui ont les marges de manœuvre budgétaires nécessaires investissent davantage. La France a fait sa part du chemin pour répondre aux attentes de ces États membres et de ces pays amis : nous avons engagé depuis plus de deux ans des transformations structurelles de notre économie pour être plus compétitifs. Nous avons, grâce à vous, adopté un texte qui réforme en profondeur la fiscalité du capital, amélioré le fonctionnement du marché du travail, transformé les systèmes de formation et de qualification, réformé l’assurance chômage, et allons maintenant réformer le système de retraite.

Nous avons également fait notre part du chemin dans le rétablissement des finances publiques : nous avons pris des décisions courageuses pour réduire la dépense, que ce soit sur les contrats aidés, sur le logement social ou sur les chambres de commerce et d’industrie. Ces décisions courageuses nous ont permis de sortir de la procédure pour déficit excessif et d’atteindre 2,2 % de déficit public.

Nous avons ainsi tenu parole, respecté nos engagements tant sur les réformes structurelles que sur le redressement des finances publiques. J’aimerais par conséquent que les autres pays européens tiennent les leurs, et fassent preuve de solidarité européenne, en considérant qu’un investissement plus important aujourd’hui sera utile non seulement pour eux mais aussi pour l’ensemble de la zone euro. Nous souhaitons donc que l’Allemagne investisse, investisse maintenant, et permette à la zone euro d’avoir la croissance, la prospérité et les emplois que l’ensemble de nos concitoyens européens sont en droit d’attendre.

Tels sont les éléments que je voulais vous présenter avant de répondre à vos questions. Je laisse à présent la parole au ministre de l’action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Je suis heureux de vous retrouver pour vous présenter avec Bruno Le Maire et Olivier Dussopt ce troisième budget, que je résumerai en trois points. Premièrement, le budget pour 2020 prévoit la baisse massive et historique des impôts, à la fois pour les ménages et pour les entreprises : cette baisse représente 40 milliards d’euros pour l’ensemble du quinquennat, 27 milliards d’euros en faveur des ménages et 13 milliards en faveur des entreprises, ce qui est sans précédent. Deuxièmement, nous avons le niveau de déficit le plus bas depuis vingt ans. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, la Cour des comptes, dont vous avez auditionné le Premier président, prévoyait 3,4 % de déficit en 2017 ; entre 2019 et 2020, le déficit public a baissé de plus de 20 milliards d’euros. Par rapport aux 100 milliards d’euros de déficit de l’État prévus dans la loi de finances initiale pour 2019, nous sommes à 11 milliards de moins en exécution. Ce très bon résultat démontre que les chiffres que nous vous proposons sont sincères, et qu’il importe de tenir compte tout autant de l’exécution que des prévisions budgétaires. Troisièmement, les promesses faites par le Président de la République dans son programme et au lendemain du grand débat national sont tenues ; j’y reviendrai dans quelques instants.

J’aimerais me concentrer tout d’abord sur la baisse des impôts pour l’année 2020. À l’issue du vote de la première partie du PLF, qui contient les mesures de baisse de l’impôt sur le revenu, consigne sera donnée à la direction générale des finances publiques (DGFIP) d’appliquer les taux différenciés de prélèvement à la source dès le mois de janvier, au lieu d’attendre le mois d’octobre. Ce sont donc 95 % des personnes redevables à l’impôt sur le revenu, 17 millions de foyers fiscaux, qui seront concernés par cette baisse, et les 12 millions de foyers fiscaux qui relèvent de la première tranche du barème bénéficieront, grâce au passage du taux de 14 à 11 %, d’un gain de pouvoir d’achat de 350 euros en moyenne. La discussion de cette mesure sera un moment important de l’examen du projet de loi de finances.

La suppression programmée de la taxe d’habitation sera effective pour 80 % des contribuables dans le PLF pour 2020, et représente pour cette seule année 3,7 milliards d’euros. Rappelons que la taxe d’habitation représente pour le Gouvernement un effort fiscal de 18 milliards d’euros sur le quinquennat ; lorsqu’elle aura été totalement supprimée, le gain moyen de pouvoir d’achat sera de 723 euros par foyer.

Nous reconduisons dans le cadre du PLF et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 les dispositifs des heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées et de la prime exceptionnelle dite « prime Macron », ainsi que les baisses de cotisations consenties lors des deux premières années du quinquennat. Monsieur le ministre de l’économie et des finances ayant évoqué la baisse d’impôts pour les entreprises, je n’y reviendrai pas.

J’en viens aux chiffres macroéconomiques du budget pour 2020. La baisse de la dépense publique est une réalité : celle-ci est passée de 55 % du PIB à notre arrivée à 53,4 % du PIB, ce qui correspond à une baisse de 40 milliards d’euros, et sa trajectoire est désormais celle d’une baisse continue. Au cours des trois premières années du quinquennat, la dépense publique a évolué de 0,4 % en moyenne, contre 0,9 % lors du quinquennat précédent, et 1,3 % sur celui qui l’a précédé, marqué, il est vrai, par la crise économique. Autrement dit, toutes administrations publiques confondues, nous faisons respectivement deux fois et trois fois mieux…

Je l’ai déjà évoqué, le déficit public a baissé, passant de 3,4 à 2,2 % du PIB. La dette publique s’est quant à elle stabilisée et a même très légèrement baissé, de 0,1 %, en tenant compte de la dette de la SNCF et d’une baisse historique des prélèvements obligatoires.

La sincérité des documents budgétaires reste la marque de fabrique du Gouvernement : nous n’avons pour l’instant pris aucun décret d’avance sur les deux projets de loi de finances que nous avons présentés, ce qui marque notre respect de l’autorisation parlementaire – ce n’était pas arrivé depuis l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le taux de mise en réserve des crédits est toujours de 3 %. Là encore, notre exigence de sincérité nous a conduits à ne geler que les crédits qui pouvaient l’être, en particulier à exclure du gel la prime d’activité, jusqu’alors gelée chaque année.

Nous avons également poursuivi la simplification et fait droit aux demandes du Parlement en ce sens : d’une part, une quinzaine de petites taxes seront supprimées à la suite du vote de la résolution déposée par monsieur Laurent Saint-Martin, et, d’autre part, conformément à l’amendement de madame Bénédicte Peyrol, un « jaune » budgétaire regroupant toutes les dépenses ayant un impact sur l’environnement sera annexé au budget, en attendant le budget vert de 2021.

En ce qui concerne les dépenses, des hausses de crédits importantes ont été allouées au secteur régalien – singulièrement les ministères des armées, de la justice et de l’intérieur – au retour à l’emploi avec 4 milliards d’euros pour la revalorisation de la prime d’activité entre 2018 et la fin du quinquennat, à la formation, à l’urgence écologique – le budget du ministère de l’écologie est celui qui, proportionnellement, connaît la plus forte augmentation, de 3 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat dont 800 millions d’euros pour la seule année 2020 –, à l’éducation et à la recherche.

Pour finir, ce budget reflète nombre de transformations importantes. L’unification du recouvrement, qui passe notamment par un nouveau partage des tâches entre la DGFIP et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), sera un moment important de notre débat et devrait grandement simplifier la vie des entreprises comme les démarches des contribuables. La lutte contre la fraude fiscale est renforcée par une disposition très importante relative au paiement de la TVA par les plateformes électroniques et par la clarification des règles de domiciliation fiscale des dirigeants des grandes entreprises françaises, mesure annoncée par le Président de la République lors du grand débat national. Je dois évidemment mentionner également la réforme de la fiscalité locale, un point très important de notre budget que je laisserai à Olivier Dussopt le soin de développer.

La mise en œuvre, à compter de 2023, de la facturation électronique entre les entreprises pour lutter contre la fraude à la TVA, les transformations du ministère du logement, notamment la contemporanéisation des aides personnalisées au logement (APL), qui devrait entrer en vigueur dès le mois de janvier, la transformation en deux ans du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime, les économies et transformations en matière d’audiovisuel public, la baisse des crédits alloués à Bercy, notamment au ministère de l’action et des comptes publics à la suite de la modernisation que nous avons engagée, sont autant de mesures de nature à compléter utilement le budget que nous vous présentons aujourd’hui.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. J’ajouterai pour ma part quelques mots sur la réforme, importante, de la fiscalité locale. Son déploiement requiert un climat de confiance, confiance qui elle-même s’appuie sur le respect des engagements pris. C’est la raison pour laquelle vous constaterez que ce projet de loi de finances confirme la trajectoire prévue : le volume global des dotations aux collectivités locales est ainsi maintenu et les concours financiers aux collectivités augmentent de 600 millions d’euros par rapport à 2019 en s’établissant à 48,9 milliards d’euros. Sur ces 600 millions d’euros, une partie – 500 millions – est liée à la dynamique de la TVA, qui a fait progresser la fraction de TVA affectée aux régions ainsi que le FCTVA dans un contexte de reprise de l’investissement des collectivités.

La péréquation augmente au même rythme que les années précédentes, à hauteur de 220 millions d’euros, dont 90 millions pour chacune des deux principales dotations, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). Les crédits d’investissement en faveur des collectivités locales sont en outre maintenus, et représentent au total 9 milliards d’euros. Le soutien à l’investissement local, notamment au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), s’élève à 2 milliards d’euros, comme les années précédentes. Ce maintien est la contrepartie du respect par les collectivités territoriales de l’engagement de maîtrise des dépenses de fonctionnement.

Pour ce qui concerne la fiscalité locale, la réforme présentée respecte les engagements pris par le Président de la République devant le Congrès des maires : faire en sorte que la compensation prenne la forme d’une ressource à la fois juste, avec une compensation à l’euro près, dynamique et pérenne. Nous avons fait le choix de compenser la perte de recettes des intercommunalités par l’affectation d’une fraction de TVA et nous proposons que celle-ci soit calculée sur la base des valeurs locatives de 2020 à laquelle serait appliqué le taux de 2017, comme prévu dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Nous avons fait le choix de compenser la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements, qui sera désormais affectée aux communes, par une fraction de TVA calculée sur la base des valeurs locatives de 2020, mais en appliquant le taux de 2019, car les départements ne pouvaient pas anticiper lors du vote de la loi de programmation que le produit de cette taxe ne leur serait plus affecté. Enfin, les communes se verront affecter le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties que percevaient jusqu’alors les départements. Évidemment, même si le montant global au niveau national est à peu près le même, nous avons dû prévoir un système de coefficient correcteur pour que les communes soient toutes compensées à l’euro près, car le montant de la taxe foncière perçue par un département sur le territoire d’une commune n’est pas toujours équivalent à celui de la taxe d’habitation que celle-ci percevait.

Le modèle que nous vous proposons a plusieurs avantages.

Premièrement, il est évolutif dans la mesure où les compensations tiendront compte de l’évolution des bases et des taux.

Deuxièmement, il est porté uniquement par un dispositif fiscal en compte d’avances ; nous n’avons recours à aucun système de dotation de compensation. Nous savons que les compensations sous forme de dotation ou d’allocation ont généralement une fâcheuse tendance à s’effriter dans le temps ; à l’inverse, nous garantissons un système pérenne. Comme les compensations sous forme d’allocation existent depuis près de quarante ans, nous pouvons dresser la liste des allocations de compensation qui deviennent avec le temps de mauvaises allocations de compensation.

Troisièmement, il permet d’être dynamique en s’appuyant sur les valeurs locatives.

Nous avons voulu éviter un écueil, en tout cas la reproduction d’un système qui nous paraît peu efficace dans le temps : celui du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) qui, s’il a permis la compensation en début de période, ne tient pas compte de l’évolution de la richesse des territoires et des collectivités concernées. Nous avons également voulu un système simple avec une forme de prélèvement à la source sur les communes surcompensées pour financer la compensation aux communes sous-compensées. Je précise qu’à chaque fois qu’une commune aura une surcompensation, avec un montant de taxe foncière du département supérieur d’au plus 10 000 euros par rapport au montant de taxe d’habitation qu’elle percevait, nous n’appliquerons pas de coefficient correcteur : la commune conservera cette différence. Cela concerne 7 000 communes de moins de 1 000 habitants – dans ces petites collectivités, vous le savez, une recette fiscale supplémentaire de quelques milliers d’euros peut représenter une vraie modification substantielle pour leur budget et leur capacité à faire.

Le système est donc équilibré et durable. Nous avons prévu une clause de revoyure tous les trois ans, de manière à avoir le temps de reprendre un certain nombre de choses si nécessaire.

M. le président Éric Woerth. Messieurs les ministres, je vous remercie.

Nous ne sommes pas dans un jeu de rôle, mais dans une confrontation démocratique de nos visions des choses. Et pour ma part, je ferai une lecture un peu différente du texte que vous nous présentez.

J’ai rêvé que vous modifiiez le titre de votre document… Au lieu de « Baisser les impôts et préparer l’avenir », vous auriez dû l’appeler « Baisser la dépense, baisser les impôts, préparer l’avenir ». Nous aurions ainsi eu un sujet d’accord avec vous. Mais ce n’est pas ce que vous faites.

J’ai fait une lecture de ce budget en trois dimensions, en trois D : sur les déficits, sur la dette et sur la dépense.

Monsieur Darmanin, vous nous expliquez que ce sera le plus faible déficit depuis dix ou vingt ans. En réalité, ce sera la plus faible baisse du déficit depuis dix ans : si l’on regarde le déficit structurel, entre 2019 et 2020, la baisse est nulle ; et si l’on prend le déficit nominal, elle n’est que de 0,1 point. En dix ans, on n’aura connu qu’une seule fois une aussi faible baisse, à hauteur de 0,1 point ; elle a toujours été plus forte. Certes, vous me répondrez que l’on partait de plus haut. Sans doute. Mais nous conserverons un déficit plus de deux fois supérieur à la moyenne de la zone euro. Ce n’est donc pas un budget qui réduit les déficits. Il stabilise le déficit français alors que la plupart des autres pays ont bel et bien su réduire le leur.

En 2020, notre déficit budgétaire, pour ce qui relève du seul État, atteindra environ 93 milliards d’euros. Vous nous dites qu’il sera moins élevé qu’en 2019 et même moins élevé que les prévisions pour 2019 ; il n’en reste pas moins à des niveaux abyssaux. Lorsque vous avez pris les rênes du Gouvernement en 2017, le déficit de l’État était de 67,7 milliards ; autrement dit, il a augmenté de 25 milliards en trois ans. Vous vous défendez en expliquant que c’est parce qu’on a concentré absolument tout sur l’État, que la sécurité sociale et les collectivités locales vont mieux. Mais c’est vous qui avez fait ce choix de compenser ce que vous faisiez supporter à la sécurité sociale et aux collectivités locales.

Quant à la dette publique, elle se stabilise, certes, mais à un très haut niveau, alors que d’autres pays la réduisent et portent leur effort sur cette réduction. Entre la dette allemande et la dette française, l’écart est de quarante points de PIB : pour revenir au niveau de l’Allemagne – et ainsi respecter les critères de Maastricht –, il nous faudrait fournir un effort de 1 000 milliards d’euros, soit plus de trois fois la dette de l’Autriche. Je pense qu’à terme ces différences pèseront de façon considérable sur la compétitivité de notre pays.

Quant à la dépense publique, vous l’avez refroidie au fur et à mesure dans une période de croissance. Car s’il y a des menaces, des risques de crise économique, il n’y a pas de crise économique. Certes, il y a une crise sociale, que je ne mésestime pas et qui appelle des réponses, mais elle est sous-jacente en France depuis toujours. La dépense publique augmente un peu moins vite qu’auparavant mais elle continue de progresser. L’écart en termes de dépenses publiques est de 20 milliards d’euros entre 2019 et 2020.

Je trouverais normal, comme une grande partie de l’opposition, que le Gouvernement affiche clairement un plan de réduction de la dépense publique. Mais vous ne le faites pas.

Par ailleurs, vous basculez assez brutalement d’une politique de l’offre, que vous assumiez bien et qui était menée à juste titre, à une politique de la demande. Vous injectez du pouvoir d’achat financé par la dette, faute de pouvoir faire appel à d’autres types de financement. Vous recyclez ainsi les économies liées à la baisse des taux d’intérêt et à l’augmentation mécanique par la croissance de la fiscalité ; ce n’est pas une bonne chose. Il faut, au contraire, même dans des situations aussi difficiles socialement, continuer à croire à la compétitivité de nos entreprises qui elles seules distribuent le pouvoir d’achat.

En 2019, l’augmentation du pouvoir d’achat de 2,3 % est due essentiellement à la hausse des salaires et de la masse salariale, et non aux mesures budgétaires.

Enfin, si nous sommes à bout de souffle pour ce qui est de la politique budgétaire, nous le sommes tout autant en ce qui concerne la politique monétaire : il arrivera bien un jour où les banques centrales cesseront d’injecter de l’argent quasiment gratuit. Nos marges de manœuvre ne cessent de se réduire. Au fond, tout cela procède d’une vision à court terme.

Un mot sur l’impôt sur le revenu. J’ai l’impression qu’il y a un effet d’optique dans cette affaire, monsieur Darmanin. Vous dites baisser l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros ; j’étais favorable à une telle baisse, je ne peux qu’y souscrire ; à ceci près que le prélèvement à la source a un effet mécanique qui fait que les Français vont payer davantage d’impôts qu’auparavant, dans la mesure où ils sont désormais taxés sur un revenu contemporain. Certes, vous indexez le barème, mais sans compenser exactement. Par ailleurs, les revenus exceptionnels de l’année 2018 ont été taxés en 2019, en même temps que les revenus 2019. Tout cela vous rapporte sans doute près de 2,5 milliards. Autrement dit, vous reprenez au préalable quasiment la moitié de la baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros. C’est beaucoup.

S’agissant des finances locales, j’ai l’impression que vous cherchez à savoir qui va boucher le trou de la baisse de la taxe d’habitation. On compense pour la commune, puis pour le département en recourant à l’État. Et qu’y a-t-il derrière l’État ? Juste de la TVA, qu’il faudra bien compenser, à un moment donné, pour l’État lui-même.

La lecture que je fais du budget est exacte, mais inquiétante. C’est un budget de dépenses alors que nous aurions vraiment eu besoin d’un budget d’investissements.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de faire écho aux propos que vous avez tenus au début de notre réunion et de saluer à mon tour la mémoire de l’ancien Président de la République, Jacques Chirac. Il faut saluer avant tout un homme qui a eu le courage de reconnaître la responsabilité de la France dans l’Holocauste. Il s’agit d’histoire et de vérité, de quelque chose d’important pour toutes et tous.

Contrairement à ce que je viens d’entendre, et même si nous partagions tout à l’heure des interrogations communes sur la nécessité d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques, je trouve que le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui est porteur de bonnes nouvelles. Le déficit public baisse, tout comme les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires pour la troisième année consécutive, ce qui est inédit. Grâce notamment aux efforts déployés dans le budget de 2019 en matière de pouvoir d’achat, et qui se poursuivent d’ailleurs avec force en 2020, la croissance française résiste bien mieux que celle de nos partenaires à la dégradation du climat économique mondial : il suffit pour s’en convaincre de considérer les chiffres présentés tout à l’heure par le Haut Conseil des finances publiques sur la situation de nos voisins européens. Le cas de l’Allemagne ne laisse pas d’inquiéter : comme l’a dit tout à l’heure M. Bruno Le Maire, elle n’a pas pris à temps le virage de l’investissement.

Le plus spectaculaire, c’est que ce projet de budget continue de mettre en œuvre le programme présidentiel du début du quinquennat, par exemple la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime forfaitaire, ce dont je me félicite. Le cap reste fidèle aux engagements : j’en veux pour preuve la suppression de la taxe d’habitation qui nous a été présentée à l’instant, dans le cadre d’une refonte ambitieuse des finances locales. On peut toujours nous critiquer, mais une telle ambition n’est pas chose fréquente.

En outre, la réduction de l’impôt sur le revenu permet de rendre 5 milliards d’euros aux ménages, et grâce à la mise en place réussie du prélèvement à la source, – du reste, je ne comprends pas comment certains peuvent poursuivre un raisonnement aussi hostile sur le prélèvement à la source – les Français pourront constater cette baisse de leur impôt dès le début de l’année 2020 sur leur fiche de paie.

J’en viens à quelques questions.

Les soubassements macroéconomiques du projet de loi de finances pour 2020 sont considérés, suivant la sémantique du HCFP, comme « probables », « plausibles », « raisonnables », ce qui équivaut à un certain satisfecit. Cela étant, des incertitudes demeurent, liées aux événements internationaux récents ou à venir. Êtes-vous assurés de la solidité de vos hypothèses pour 2020, qu’il s’agisse du prix du Brent ou des exportations françaises ? Et pour ce qui est des potentielles répercussions d’un Brexit dur, le président du HCFP citait la Banque d’Angleterre et indiquait que son impact sur la croissance française pourrait être de 1 % plutôt que de 0,5 %… J’aimerais vous entendre sur ce sujet.

S’agissant des entreprises, l’impôt sur les sociétés va bel et bien baisser en 2020 pour toutes les entreprises : toutes les entreprises paieront moins d’impôts qu’en 2019. En agglomérant l’impact budgétaire de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et des autres mesures touchant les entreprises, à combien évaluez-vous l’impact global pour les entreprises en 2020 et à l’horizon 2022 ?

Pour ce qui est de la fiscalité énergétique, je vous remercie, Monsieur le ministre de l’économie et des finances, d’avoir détaillé de façon extrêmement précise tout ce qui relève du verdissement de la fiscalité et de l’action publique. Quelles mesures seront prises dans ce projet de loi en direction des secteurs qui nécessitent une certaine adaptabilité ? Je pense notamment au suramortissement proposé dans un certain nombre de branches qu’il me semble intéressant de connaître.

Pour ce qui est de la dépense publique, les indicateurs montrent qu’elle est maîtrisée en 2019, et qu’elle devrait l’être également en 2020, même si le schéma d’emplois proposé pour 2020 est neutre. Quelles sont les perspectives en matière d’emplois publics pour les années ultérieures, tant pour l’État que pour les collectivités territoriales ?

S’agissant des dispositions d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, je remarque que leur coût a été chiffré à 3 milliards d’euros en 2019 et à 3,8 milliards en 2020… J’aimerais comprendre la raison de cette augmentation.

Je me félicite évidemment de la poursuite du travail sur la suppression des taxes à faible rendement. Nous avons fait ce travail en commun dès le début de la législature. Je rappelle que le Parlement a adopté une résolution en ce sens. La loi de finances pour 2019 a supprimé vingt-six taxes, et le projet de loi pour 2020 propose d’en supprimer encore une vingtaine. C’est une simplification très opportune pour la fiscalité. Puisqu’il s’agit d’un allégement d’impôt pour les personnes concernées, pouvez-vous nous en présenter le montant pour 2019 et 2020 ? Pouvez-vous nous garantir que les affectataires de ces taxes qui seront supprimées en 2020 seront compensés par des dotations budgétaires équivalentes, ou à défaut nous indiquer ceux qui ne feront pas l’objet d’une compensation et pourquoi ?

Un article dédié aux dépenses fiscales prévoit d’en supprimer certaines et d’en borner d’autres dans le temps. Je ne peux que me réjouir de cette initiative qui fait écho à l’édition 2019 du rapport d’application de la loi fiscale (RALF) dans lequel j’ai consacré un développement à ce sujet. Il est prévu un programme pluriannuel d’évaluation des dépenses fiscales. Quelles seront les modalités d’association du Parlement à l’élaboration et l’exécution de ce programme ?

Tout à l’heure, j’ai lu avec Mme Émilie Cariou un curieux article sur le régime fiscal de la dotation SNCF à SNCF Réseau. Je souhaiterais avoir des explications sur la façon dont certaines choses seront contrôlées s’agissant du futur statut de la SNCF. Je suis encore traumatisé par une réunion à laquelle j’ai assisté hier, au cours de laquelle SNCF Réseau a indiqué que le Gouvernement pouvait lui demander ce qu’il voulait, mais que, de toute façon, c’était eux qui décidaient, y compris en matière de fermeture de lignes. Il y a pour le moins de quoi être surpris d’entendre un directeur régional de SNCF Réseau tenir de tels propos, au moment même où un préfet de région annonce une dotation supplémentaire de l’État de 10 millions d’euros pour sauver des lignes… Où en est-on ? Peut-on faire en sorte que cette entreprise se remette à écouter les pouvoirs publics – au sens large du terme s’entend, alors qu’elle semble ne plus écouter même le Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, le niveau des déficits doit s’apprécier au regard des progrès de notre richesse nationale et donc de notre croissance. Je reconnais bien volontiers que la dépense publique augmentera en volume de 0,7 % en 2019 et 2020 ; mais la croissance augmentera de 1,4 % en 2019 et nous avons prévu qu’elle augmenterait de 1,3 % en 2020. Tant et si bien que notre objectif de réduction du ratio dépense publique/richesse nationale devrait être de 2,7 points en 2022, autrement dit tout près de l’objectif de 3 points que nous avons fixé.

Faut-il aller plus loin sur la dépense publique ? Faut-il identifier, comme l’a proposé Émilie Cariou, de nouveaux secteurs de baisse de la dépense publique ? Ma réponse est oui, et je vous invite à faire cet exercice. Il est indispensable, dans les années qu’il nous reste avant la fin de ce quinquennat, que nous identifiions ensemble les nouveaux objets de baisse de la dépense publique afin d’être à même d’engager cette baisse de manière responsable et concertée, en travaillant avec les organismes publics, les établissements publics, les ministères ou les collectivités qui pourraient être concernés. C’est un exercice utile et même nécessaire. Ceux qui pensent que nous allons laisser de côté cette ambition sur la dépense publique se trompent. Au contraire, nous devons être capables de faire, à la fin du quinquennat, ce que nous avons été capables de faire au début de ce même quinquennat, c’est-à-dire des baisses structurelles de dépenses publiques de manière concertée et responsable. Par exemple, nous n’avons pas supprimé d’un coup la taxe affectée aux chambres de commerce et d’industrie (CCI), nous n’avons pas récupéré brutalement un demi-milliard d’euros ; nous avons engagé une transformation structurelle, notamment en modifiant le statut des personnels et en autorisant les CCI à percevoir des prestations rémunérées de la part des entreprises. C’est en identifiant les champs, en travaillant avec les acteurs et en faisant des réformes de structure que l’on parviendra à baisser la dépense publique. Je souhaite vraiment que nous fassions ensemble ce travail.

C’est ce qui nous permettra également d’aller plus loin sur la dette. Je n’ai pas changé de position sur la dette. J’entends bien tous ceux qui nous expliquent qu’avec des taux d’intérêt négatifs on pourrait faire exploser la dette à 105 %, 110 % ou 115 % de la richesse nationale : je ne partage pas cet avis. Je pense que la dette reste un piège et un poison. Elle a augmenté de trente points au cours des dix dernières années : voilà la réalité. Nous avons trouvé une dette à plus de 90 % ; nous la stabilisons à la baisse. Peut-on faire mieux ? Oui, certainement. Je rappelle que nous avons prévu d’affecter les recettes de cessions d’actifs publics au désendettement du pays. Tous ceux qui s’opposent à la cession des actifs publics s’opposent donc au désendettement. Et certains ne cessent de répéter qu’il faut désendetter, mais lorsque je leur propose d’affecter des cessions d’actifs publics au désendettement, ils votent contre ! Je demande seulement un peu de cohérence. Mais je partage l’avis selon lequel il y a nécessité de réduire la dette.

C’est vrai, l’Allemagne fait mieux que nous en termes de finances publiques, mais elle fait moins bien en termes de croissance. Au bout du compte, c’est à l’aune de la prospérité qu’elle apporte aux citoyens que l’on juge une politique publique : je préfère avoir une croissance de 1,4 % plutôt qu’être au bord de la récession. Notre politique économique doit être jugée au vu de ses résultats : une croissance solide, un investissement qui se tient, une confiance des ménages qui, pour la première fois, se redresse, certes timidement, une compétitivité des entreprises qui se rétablit. En revanche, il me paraît indispensable d’avoir une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone euro, notamment entre l’Allemagne et la France. Le prochain conseil des ministres franco-allemand, à la mi-octobre, doit être l’occasion de nous entendre, une bonne fois pour toutes, sur nos stratégies économiques respectives. Les deux principales économies de la zone euro doivent avoir des stratégies économiques beaucoup mieux coordonnées. Je me réjouis que mes deux homologues, le vice-chancelier, Olaf Scholz, et le ministre de l’économie, Peter Altmayer, aient accepté pour la première fois il y a une semaine, lors du Conseil économique franco-allemand, de parler de stratégie d’investissements, de stratégie de croissance, tant il est vrai que nous avons besoin d’une stratégie de croissance commune, franco-allemande, pour éviter la récession dans la zone euro et garantir un niveau de croissance plus élevé qu’aujourd’hui.

S’agissant de la politique de l’offre, vous vous faites l’écho de propos tenus par le MEDEF. Je crois sincèrement que ses critiques, et notamment sa dénonciation d’un prétendu abandon de la politique de l’offre sont dénuées de tout fondement. Ou alors il faudra expliquer aux Français pourquoi nous avons accepté de baisser l’impôt sur les sociétés en 2020, y compris pour les grandes entreprises, si ce n’est pour améliorer la compétitivité et l’offre française. Nous avons fait le choix, courageux, de ne pas toucher au crédit d’impôt recherche. Je sais bien que beaucoup proposent, arguments à l’appui, de récupérer 300, 400 ou 500 millions d’euros sur les plus de 6 milliards d’euros de crédit impôt recherche, estimant qu’il faut faire le calcul d’une manière différente de celle, retenue actuellement, au niveau du groupe. Nous avons refusé d’entrer dans cette logique-là, par souci de préserver la politique de l’offre et de garantir la compétitivité des entreprises. Nous avons mis en place un dispositif de suramortissement, un fonds pour l’innovation de rupture financé, lui aussi, par les cessions d’actifs, notamment celle de la Française des Jeux, qui aura lieu d’ici à la fin de l’année et qui vise à améliorer la compétitivité et l’offre française en nous permettant de financer des technologies de rupture. C’est la politique de l’offre.

Enfin, certains oublient un peu vite ce qui a été décidé dans la loi PACTE – le MEDEF a la mémoire courte sur ces sujets-là.

Nous avons accepté de modifier le calcul des seuils. Nous avons permis qu’un chercheur puisse désormais travailler 50 % de son temps dans une entreprise contre 20 % auparavant. Nous avons modifié certaines règles de calcul fiscal, nous avons développé l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié. Depuis deux ans, ce Gouvernement a développé une politique de l’offre, et il continuera à le faire.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. S’agissant de la suppression des taxes à faible rendement, nous avons prévu de budgétiser 23 millions d’euros dans le projet de budget pour 2020 afin de garantir leur compensation intégrale – on notera qu’une partie de ces petites taxes relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale – 93 millions en 2021 et 95 millions en 2022. Le débat parlementaire permettra peut-être de décider d’autres suppressions de taxes : c’est ce que nous avions fait l’année dernière en acceptant un certain nombre de propositions du Parlement, notamment faites par vous, monsieur le rapporteur général.

La question de la programmation des finances publiques s’est évidemment posée au Gouvernement. Nous présenterons un projet de loi de programmation des finances publiques au printemps, sans doute au mois de mars ou d’avril 2020 : il apparaît assez conforme à l’idée de la sincérité budgétaire d’attendre le printemps pour revoir la trajectoire des finances publiques, pour deux raisons essentielles. Premièrement, il nous faut connaître précisément l’influence du Brexit sur notre économie ; les chiffres évoqués par le HCFP, à supposer qu’ils soient avérés, ce que nous ne pensons pas, remettraient en cause une trajectoire si jamais nous avions à présenter notre programmation des finances publiques aujourd’hui. La deuxième raison concerne le débat à venir sur les retraites dont nous connaissons le montant important dans le fonctionnement de notre dépense publique : 340 milliards d’euros, 14 % du PIB, 28 % de la dépense publique. Si nous avions présenté maintenant un projet de loi de programmation des finances publiques, nous aurions sans doute eu un débat intéressant, mais il aurait dû être modifié dès le mois de novembre ou de décembre en raison du Brexit, puis de la réforme des retraites qui sera discutée l’année prochaine. En tout état de cause, il y aura bien une loi de programmation des finances publiques ; je crois savoir que le Premier ministre vous a écrit à ce propos, monsieur le rapporteur général, ainsi qu’à M. le président de la commission des finances.

S’agissant de votre question sur les heures supplémentaires, la différence relève du passage au prélèvement à la source. Les 3 milliards en 2019 se décomposent en 2 milliards d’exonérations sociales et 1 milliard d’exonérations fiscales. Les 3,8 milliards de 2020 se décomposent en 2 milliards d’exonérations sociales et 1,8 milliard d’exonérations fiscales. La différence d’exonération fiscale vient du prélèvement à la source qui permet d’anticiper le gain pour nos concitoyens. D’ailleurs, M. le président Woerth et une partie de ceux qui siègent à la droite de cette commission gagneraient à se féliciter de la réussite du prélèvement à la source et à avouer qu’ils ont eu tort de le décrire à maintes reprises comme une catastrophe absolue pour les Français. Les enquêtes des instituts de sondage comme les réactions des contribuables montrent combien ces derniers jugent le prélèvement à la source facile, efficace, cohérent et de nature à faire entrer notre pays dans la modernité, à l’instar de pratiquement tous les pays occidentaux : nous étions le seul, avec la Suisse – laquelle pratique une fiscalité différente – à ne pas l’avoir institué. Ce dispositif rend, à leurs dires, un grand service à nos concitoyens, puisque l’impôt s’adapte à leur vie. C’est une grande réussite de l’administration fiscale, et cela a conduit à une transformation du pays en tout point satisfaisante.

Si votre groupe politique a eu tort, me semble-t-il, M. le président, de s’opposer d’emblée à cette réforme avec tant de véhémence, vous auriez tort de chercher à vous rattraper ainsi… J’ai du mal à suivre votre raisonnement : si les revenus augmentent, c’est parce que la politique économique du Gouvernement fonctionne ; si les gens bénéficient d’une augmentation de revenus, il est logique que l’impôt sur le revenu s’accroisse. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que l’impôt sur le revenu, depuis sa création, est par principe proportionné au niveau des revenus, avec des barèmes, des tranches : plus vous gagnez d’argent, plus vous payez d’impôt. L’impôt étant devenu contemporain, l’effet d’une hausse des revenus est immédiat, et non plus décalé d’un an ; mais cela vaut aussi en cas de baisse de revenus : lorsque nos compatriotes perdent leur emploi, des demi-parts fiscales ou des revenus, par exemple lorsqu’ils prennent leur retraite – ils sont 400 000 à 500 000 dans ce cas chaque année –, nous leur évitons ainsi bien des ennuis fiscaux. Par ailleurs, le prélèvement à la source va permettre d’améliorer le recouvrement, en procurant à l’État 2 milliards de recettes supplémentaires : 1 milliard, à titre exceptionnel, correspondant à l’effacement de l’année « blanche » 2018, et 1 milliard consécutivement à l’amélioration du recouvrement, hors produit des contrôles fiscaux. Sans doute constatera-t-on l’année prochaine, dans la loi de règlement, que ce dernier chiffre excédera 1 milliard, grâce aux effets de ces contrôles. S’il y a bien une appréciation positive à faire des PLF 2018 et 2019, c’est la réussite du prélèvement à la source, qu’on doit notamment à l’administration fiscale, mais aussi aux parlementaires, qui ont bien voulu l’accompagner et l’améliorer – je pense notamment, mais pas seulement, à Mme Cendra Motin.

S’agissant du Brexit, M. le rapporteur général, il est difficile de prévoir l’avenir, de connaître exactement la nature des liens – juridiques, frontaliers – qui nous lieront à nos amis britanniques. Ce qui est certain, c’est que nous sommes prêts à accompagner les entreprises françaises. Je vous rappelle qu’elles ne sont que 100 000 – même si ce chiffre n’est pas négligeable – à importer ou exporter des produits avec la Grande-Bretagne. Demain, à défaut d’accord, nous aurons avec ce pays les mêmes rapports que ceux que nous entretenons avec l’Afrique du Sud, État avec lequel nous avons des échanges, mais pas de liens juridiques et douaniers particuliers. Nous aurons toujours un tunnel, des ports, singulièrement celui de Calais ; le problème essentiel créé par le Brexit – et la clé d’une transition réussie – consistera, pour les 100 000 entreprises françaises, à s’habituer à cette relation internationale. Cela étant, je rappelle que 80 % des containers et des camions qui arrivent en France par le tunnel ou par le port de Calais – qui est le port essentiel – ne sont pas français et transportent des marchandises produites par des PME non françaises. J’ai donc du mal à concevoir que le Brexit puisse avoir une incidence aussi forte que d’aucuns le disent sur l’économie française. Nous aurions évidemment tous préféré garder un lien juridique et douanier avec la Grande-Bretagne, ce qui aurait sans doute eu des effets plus favorables sur l’économie – à plus forte raison si un Brexit dur devait survenir. Toutefois, nous ne sommes pas à l’abri de surprises : chacun aura compris que les affaires politiques se passent parfois de façon originale chez nos amis britanniques… Nous observerons l’évolution de la situation avec attention.

M. le président Éric Woerth. Sans vouloir lancer le débat, je ne relaie les propos de personne, cher Bruno Le Maire, sur la politique de l’offre et de la demande : je vous ai simplement fait part de ma conviction. Cela étant, si le Gouvernement peut soumettre à la Commission et au Parlement un plan de réduction de la dépense ou une revue générale de la dépense publique, tant mieux. Nous le souhaiterions, nous pourrions y travailler, en confrontant nos opinions et nos options. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Je ne vois pas comment on éviterait un débat, à nouveau, sur la retraite ou les effectifs : on ne peut que s’étonner de constater une baisse de quarante-sept effectifs de l’État – on aura bientôt les noms des personnes concernées en annexe !

Enfin, nous n’avons pas remis en cause les aspects techniques du prélèvement à la source : voilà dix ans que l’administration le prépare. Ce n’est pas le sujet. En revanche, je voudrais que vous chiffriez l’effet d’assiette, car un revenu contemporain est plus élevé, par principe, et fait augmenter l’impôt payé par le contribuable par rapport à ce qu’il aurait acquitté dans l’ancien système – cela se vérifie également pour les revenus exceptionnels. C’est une réalité purement mécanique.

Mme Émilie Cariou. Messieurs les ministres, je vous remercie, au nom du groupe La République en marche, pour la présentation de ce projet de loi de finances. Notre majorité tient sa ligne originelle constituée par le programme présidentiel de 2017 : recréer de l’activité économique, développer l’emploi et, ainsi, consolider nos solidarités. Cette année, nous continuons à investir substantiellement au profit des ménages des classes moyennes, en redonnant plus de progressivité à la fiscalité directe via l’impôt sur le revenu. Nous l’allégeons de 5 milliards d’euros, après un grand débat national où la majorité aura apporté tout son soutien à cette mesure.

Monsieur le président, je ne comprends absolument pas votre réflexion sur l’impôt sur le revenu. À la fin, il y a quand même une régularisation : on déclare bien un revenu. On ne peut pas laisser croire que quelqu’un paye plus d’impôt sur le revenu qu’il ne le doit. Je ne partage donc pas votre analyse.

Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, vous avez précisé les critères de domiciliation fiscale des dirigeants des grandes entreprises pour tenir compte des annonces du Président de la République. Nous saluons cette mesure, qui se traduit par la modification de l’article 4 B du code général des impôts.

Nous n’oublions évidemment pas les entreprises. Depuis le début du quinquennat, nous soutenons une politique destinée à renforcer l’économie, en agissant tout autant sur des facteurs structurels, tels la législation du travail, la formation professionnelle ou la réglementation économique – comme l’illustre la loi PACTE – que sur les allégements de prélèvements, à l’image des baisses de charges pesant sur les salaires ou de la réduction du taux de l’impôt sur les sociétés. Comment faire en sorte que les entreprises mobilisent les allégements de charges et les avantages qui leur sont consentis au travers de ces diverses mesures – loi PACTE, outils fiscaux, prime annuelle – pour prendre part à l’effort en faveur des salaires, en augmentant, dans leurs différentes composantes, les rémunérations qu’elles versent, afin, notamment, que le salaire net des actifs progresse lui aussi ? Comment avoir enfin un engagement clair des entreprises en ce sens ?

Enfin, je tiens à saluer les transpositions de directives opérées par le PLF. Il s’agit de textes assez techniques mais très importants, comme la directive TVA, qui va assainir le règlement de la TVA par les plateformes, ou la directive ATAD (Anti Tax Avoidance Directive), qui porte notamment sur les structures hybrides. Ces dispositions n’étant pas chiffrées, pourriez-vous nous donner une estimation des effets attendus de ces mesures ? Ceux-ci seront-ils lissés ? La directive sur les structures hybrides produira-t-elle ses effets dès la première année ?

Mme Véronique Louwagie. Messieurs les ministres, si j’avais à qualifier le budget que vous venez de nous présenter, je dirais que c’est un budget de renoncement, pour plusieurs raisons. D’abord, vous faites le choix de la dette et du déficit pour financer la dépense publique. Vous avez parlé d’engagements, mais où sont passés ceux du début de 2018, lorsque vous annonciez un déficit de 0,9 % du PIB en 2020 ?

Aujourd’hui, ce ne sont plus 0,9 % mais bien 2,2 % que vous nous annoncez pour 2020. Vous avez affirmé, monsieur Le Maire, que la dette était un danger, un piège, un poison. Reste que, du début de l’année 2017 au 30 juin 2019 – date des derniers chiffres connus –, celle-ci aura augmenté de quasiment 200 milliards d’euros, soit de 9 %.

Ensuite, vous nous proposez une baisse de l’impôt sur le revenu qui s’apparente, pour l’essentiel, à un jeu de dupes. Si la baisse de l’impôt sur le revenu que nous avons longtemps réclamée, au sein du groupe Les Républicains, a enfin été prise en compte – ce qui, je le reconnais objectivement, est une bonne chose – le total de 9 milliards de réductions d’impôt que vous nous annoncez est illusoire. En effet, vous vous félicitez d’une baisse de la CSG pour les retraités modestes, alors qu’elle ne représente en fait qu’une petite compensation de la hausse massive que vous aviez décidée en 2018. De la même manière, la réindexation des petites retraites n’a rien d’un cadeau : elle ne permet même pas de compenser entièrement la désindexation brutale que vous avez appliquée au 1er janvier 2019. Par ailleurs, avec le prélèvement à la source, en 2020, les Français vont payer un impôt sur le revenu supérieur à ce qu’ils auraient acquitté s’il n’y avait pas eu de prélèvement à la source, par le simple fait, vous ne pouvez le nier, que les revenus de 2020 seront supérieurs à ceux de 2019. Sans parler des classes moyennes, qui ne profiteront pas des mesures de baisse des impôts citées précédemment : la suppression de la taxe d’habitation a été repoussée, pour ces catégories, à 2023. Plus inquiétant encore, elles ne seront plus éligibles au crédit d’impôt pour la transition énergétique.

Enfin, certains vont peut-être payer le prix fort de vos mesures – les chambres d’agriculture, par exemple. En tout cas, je suis très inquiète en découvrant des orientations et des décisions qui vous conduisent à quasiment abandonner les territoires ruraux : il n’est qu’à voir l’évolution des crédits budgétaires de la mission Agriculture, qui seront passés de 4,2 milliards en 2017 à 2,9 milliards en 2022 – alors que nos agriculteurs ont besoin des politiques publiques –, ou de ceux de l’importante mission Cohésion des territoires : 19,4 milliards en 2017, 17 milliards en 2022. Comment, messieurs les ministres, pouvez-vous prétendre soutenir les territoires ruraux, compte tenu de l’évolution budgétaire de ces missions ?

M. Jean-Paul Mattei. À mes yeux, ce projet de loi de finances va dans le bon sens. Il confirme les mesures adoptées en début de quinquennat, qui, globalement, fonctionnent, ainsi que celles décidées en fin d’année 2018 pour plus de solidarité – la prime d’activité notamment et les primes en général, ainsi que les heures supplémentaires. Le projet de loi engage également une baisse de l’impôt sur le revenu, ce qui devrait vous réjouir, monsieur le président, puisque vous aviez proposé cette mesure, me semble-t-il, dans le cadre d’une proposition de loi. On vous avait répondu l’époque qu’on espérait l’intégrer dans cette loi de finances : c’est chose faite. Cela va, là encore, dans le bon sens. Le texte confirme également la baisse de l’impôt sur les sociétés, qu’il faut également saluer. Nous sommes enfin rassurés quant à la compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour les collectivités territoriales. Alors que beaucoup a été dit à ce sujet – dont un certain nombre de chimères –, l’exonération de 80 % a été intégralement compensée, et même au-delà, du fait de l’augmentation des valeurs locatives. Ce projet de loi de finances confirme donc, à mes yeux, un certain nombre de mesures et renforce la solidarité entre les Français.

Cela étant, je relève quand même un petit oubli. Sans vouloir me focaliser sur les valeurs locatives, j’observe qu’un pan de l’économie – qui avait été dans une certaine mesure stigmatisé – est un peu laissé de côté : je veux parler de l’immobilier, frappé par l’impôt sur la fortune immobilière. Il faudrait réfléchir à une réforme globale de la fiscalité immobilière, sans se limiter aux problèmes de plus-values et de revenus fonciers. Car c’est une fiscalité qui lie les personnes aux territoires, qui renvoie au développement durable, à la solidarité entre les générations.

Émilie Cariou évoquait une disposition intéressante de votre texte, relative à la résidence fiscale des dirigeants de grandes entreprises. Dominique David, Éric Coquerel et moi-même avons rédigé un rapport sur l’impôt universel, dont il ressort que ce mécanisme est difficile à mettre en place dans notre système fiscal. Cela étant, nous envisageons de déposer des amendements sur la notion de résidence fiscale. Pourrait-on travailler sur ce concept, sur une forme de solidarité par l’impôt, telle qu’on peut la connaître dans d’autres pays ?

Enfin, nous remettrons sur le tapis – je l’assume – l’exit tax, qui ne me semble pas une bonne mesure, en ce qu’elle porte atteinte, en particulier, à la solidarité fiscale.

En tout état de cause, on peut se féliciter des réformes engagées. Le prélèvement à la source est une réussite. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous présenter les effets de cette réforme, notamment quant à l’immédiateté des gains de pouvoir d’achat ?

Mme Lise Magnier. Merci, messieurs les ministres, de cette présentation. À l’instar de mes collègues, je me félicite de la poursuite de la sincérisation du budget et des efforts de baisse des impôts pour les particuliers comme les entreprises.

Le président du Haut Conseil des finances publiques nous disait que le budget de l’État comportait encore quelques sous-budgétisations, notamment pour les opérations extérieures (OPEX) et les opérations intérieures (OPINT). Pouvez-vous nous donner le delta manquant ? Monsieur Didier Migaud a également appelé notre attention sur le niveau du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Il estime que ce prélèvement pourrait connaître une augmentation assez significative en 2020. J’aimerais avoir aussi votre avis sur ce sujet.

Comment avez-vous pris en compte, dans ce budget, la compensation pour les collectivités de la scolarisation des enfants dès trois ans ? Le décret d’application n’étant pas encore publié, les communes commencent à préparer leur budget 2020 sans savoir à quoi elles devront s’en tenir à partir de septembre, notamment s’agissant de la compensation pour la scolarisation des enfants dès trois ans dans les écoles privées.

M. Michel Castellani. Monsieur le ministre, nous prenons acte du choix gouvernemental de laisser filer l’endettement, avec la recherche d’une relance par la consommation des ménages. Cela se plaide, même si cela soulève le problème de la trajectoire, bien sûr, puisqu’un solde de 2,2 %, ce n’est pas la même chose qu’un solde de 1,6 % ; nous avons conscience de la fragilité des choses, de l’incertitude conjoncturelle quant au niveau de la croissance future – 1,3 %, ce n’est déjà pas terrible –, de l’évolution à attendre des taux d’intérêt, de la croissance mondiale, du coût des énergies fossiles, des effets du Brexit. Face à cette situation, sur un plan général, sans nous ériger en donneurs de leçons, nous pensons qu’il faut aller toujours plus vers l’investissement productif et donner la priorité à l’effet de levier – je pense notamment aux infrastructures et aux énergies renouvelables, qui ont les retours sur investissements les plus directs.

Je me permettrai trois remarques plus ponctuelles.

Premièrement, vous ne touchez pas à la taxe carbone, alors qu’il y a là une mesure efficace de diminution des gaz à effet de serre.

Deuxièmement, la transformation du CITE en prime et son recentrage vers les ménages les plus modestes va dans le bon sens, bien sûr, même s’il conviendrait d’investir toujours plus en faveur de la transition énergétique.

Troisièmement, se pose le problème de l’équilibre de la fiscalité locale, avec la suppression de la taxe d’habitation. Cet impôt local avait sa logique : il était normal que les personnes qui bénéficient de services en couvrent les coûts. On se heurte aujourd’hui à des difficultés, puisque la part de TVA qui fait l’objet d’une dévolution n’est dynamique que dans la mesure où elle est soutenue par la croissance économique. En toute hypothèse, nous voyons mal l’opportunité d’une telle réforme.

Niveau d’endettement proche de 100 %, niveau de prélèvements obligatoires élevé, difficultés extrêmes à baisser les dépenses : tout cela ressemble à une quadrature du cercle qui nécessitera pédagogie, courage politique et clairvoyance dans les choix fondamentaux.

M. Éric Coquerel. Messieurs les ministres, je pense, moi aussi, que vous faites dans l’inédit. Jamais, me semble-t-il, gouvernement de la Ve République n’aura autant accru les inégalités, affaibli la solidarité, fait faire une mauvaise affaire économique au pays.

D’abord, vous accroissez les inégalités. En effet, vous vous réjouissez de la baisse des impôts, mais j’observe qu’elle favorise surtout, toujours, les plus riches. Fin 2020, la disparition de l’ISF aura coûté 10 milliards, l’application de la flat tax 5 milliards, la baisse de l’impôt sur les sociétés 15,5 milliards. Au total, ce sont 30 milliards qui vont renforcer la dette : moins de recettes, c’est aussi plus de dette. En revanche, on observe que les niches fiscales ne seront quasiment pas touchées : elles diminueront de seulement 600 millions sur les 100 milliards qu’elles coûtent au pays – et je ne parle pas du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), dont le coût s’élève à 40 milliards. Vous allez aggraver ce problème en baissant le seul impôt redistributif – l’impôt sur le revenu –, sans toucher à la TVA ni aux impôts les plus injustes. Plus de la moitié des Français – 57 % – ne bénéficieront pas de la baisse d’impôts. Par ailleurs, vous supprimez la taxe d’habitation pour les 20 % les plus riches : vous leur faites ainsi un nouveau cadeau, tout en faisant souffrir les communes.

Pourquoi cela affaiblit-il la solidarité ? Vous vous vantez de baisser les dépenses publiques à hauteur de 40 milliards. En réalité, vous augmentez les dépenses régaliennes qui encadrent la société – vous parlez même, dans votre dossier de presse, de « réarmement régalien » de la société –, mais au détriment de tous les autres ministères et de toutes les dépenses qui financent la solidarité, la justice, l’égalité. Je ne prendrai qu’un exemple, totalement aberrant : le ministère de la transition écologique et solidaire va encore souffrir, puisque 1 073 équivalents temps plein y seront supprimés. Vous nous dites que ça n’a pas de rapport avec la politique écologique mais je vais vous citer un chiffre, en lien avec l’incendie de Lubrizol : savez-vous, chers collègues, que, depuis quinze ans, on dénombre moitié moins d’inspections de sites dans notre pays, du fait des baisses d’effectifs ? Or on va continuer à baisser, à hauteur de 0,5 %, les effectifs de la direction générale de la prévention des risques, qui est en charge des inspections, sans même parler des opérateurs publics. Cet exemple montre que votre politique n’a rien d’écologique. Vous diminuez encore l’aide personnalisée au logement (APL). Les plus défavorisés des Français constatent non seulement que la fiscalité est toujours plus injuste et que les solidarités sont toujours plus affaiblies mais ils perçoivent aussi, souvent, des prestations sociales moins élevées.

Il s’agit, enfin, d’une mauvaise affaire économique – ma collègue Sabine Rubin développera cette analyse. Mais vous ne pouvez pas soutenir, monsieur Bruno Le Maire, que c’est à cause de ses restrictions budgétaires que l’Allemagne n’a pas de croissance, sans en tirer les conséquences sur ce que nous faisons nous-mêmes. Vous avez beau jeu d’expliquer que notre cas serait très différent de celui de l’Allemagne : en réalité ces politiques macroéconomiques, qui sont toujours les mêmes, auront exactement les mêmes effets pour la France. Lorsqu’on a la chance d’avoir des taux d’intérêt négatifs, c’est l’occasion – à plus forte raison lorsque s’exprime l’exigence climatique – de se tourner vers des investissements en faveur de la transition énergétique. Emprunter dans ce contexte peut, paradoxalement, faire diminuer la dette.

Monsieur le président Éric Woerth, vous disiez tout à l’heure qu’il n’y a pas encore de crise économique, qu’il y a peut-être des signaux, des inquiétudes, mais qu’elle n’est pas là. Une crise économique – je pense que nous serons d’accord sur ce point – n’est pas un phénomène naturel : elle a une origine. Par conséquent, il serait peut-être temps de modifier la politique économique qui leur donne naissance. Je vous rappelle que la dernière crise s’est traduite par une explosion de la dette de l’État de quasiment 400 milliards, puisqu’il a fallu renflouer les banques sous Nicolas Sarkozy. Et c’est nous tous qui avons payé.

M. Jean-Paul Dufrègne. Messieurs les ministres, ce budget est, pour nous, celui des faux-semblants et « l’acte II » annoncé – pour faire moderne – s’apparente plutôt à un slogan publicitaire qu’à un véritable changement de cap. Si nous devions employer, à notre tour, un slogan, nous dirions : « budget des riches, acte III » – j’aurais pu dire « président des riches, acte III ».

D’abord, vous présentez la baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards comme une mesure de pouvoir d’achat qui profitera au plus grand nombre. Cela a été dit tout à l’heure, mais je tiens à le rappeler : 50 % des Français ne paient pas l’impôt sur le revenu. En clair, les classes populaires, les précaires, les pensionnés percevant de petites retraites, les jeunes, les travailleurs pauvres, pour ne citer qu’eux, ne seront pas concernés par cette mesure. Certes, une partie des classes moyennes en bénéficiera mais, quand on regarde les choses dans le détail, sur la base des données de LexImpact, on s’aperçoit que les effets de cette mesure vont bien au-delà. Par exemple, un célibataire percevant 6 500 euros nets par mois paiera moins d’impôts. Est-il juste de procéder à une telle baisse en l’absence de nouvelles mesures de financement ? Pourquoi, par exemple, ne pas augmenter le taux marginal de l’impôt sur le revenu à 46, 47 ou 48 %, ou ne pas instaurer de nouvelles tranches pour obtenir un véritable impôt progressif, plus juste ?

Comme je le disais, les mesures de financement sont absentes : je pense aux niches fiscales des entreprises, sur lesquelles vous jouez bien entendu « petit bras », quand bien même le Président de la République s’était engagé à les réduire à l’issue du grand débat. Seuls quelque 600 millions d’euros seront rabotés en 2020 sur 100 milliards de niches fiscales, soit 0,6 %. Les marges de manœuvre existent, mais exigent sans doute du courage politique, par exemple s’agissant du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou du crédit impôt recherche. Qu’on se le dise, votre boussole politique reste la même et est largement partagée ici, certains trouvant même que ça ne va pas assez loin et pas assez vite : baisse des impôts, baisse des dépenses publiques, avec un État rabougri et des politiques publiques sans moyens et donc sans ambition face aux immenses défis qui nous font face : social, climatique, agricole, territorial.

Je veux aussi souligner, cela a été dit tout à l’heure, la baisse des moyens consacrés à l’agriculture et à la cohésion des territoires, qui montre sans doute un désintérêt ou pour le moins une méconnaissance des territoires ruraux que l’on dit oubliés. Le crédit d’impôt transition énergétique l’illustre bien : pour le transformer en prime et en faire bénéficier les ménages modestes, il vous aura fallu deux ans, quand il a suffi de trois mois pour faire sauter l’ISF. Pire, le CITE est passé de 1,6 milliard à 800 millions, montant largement insuffisant pour engager la rénovation énergétique dans notre pays. Et, cerise sur le gâteau – cela a été dit aussi –, cela s’accompagne de la suppression de 1 000 emplois au ministère de la transition écologique et solidaire !

Vous entendez maintenir la baisse de l’impôt sur les sociétés. Son taux est trop élevé, pas assez compétitif, nous dites-vous. Or, vous le savez, l’assiette de cet impôt est largement percée par les niches fiscales. En conséquence, son rendement est l’un des plus faibles de l’OCDE. Contrairement à vos engagements, vous baissez le taux sans toucher à l’assiette, c’est donc le jackpot pour les grands groupes. In fine, la baisse de l’IS en 2020 représentera trois fois le montant du CITE.

La réforme des finances locales, quant à elle, s’annonce comme un big bang qui va distendre toujours plus le lien entre les citoyens et leurs élus et fragilisera l’autonomie des collectivités.

Au lieu de combattre ce qui mine nos sociétés, à savoir la compétition du tous contre tous, l’individualisme, la financiarisation et le repli sur soi, ce budget appuie sur l’accélérateur de nos maux. En conclusion, vous servez plus un système qu’un projet, et c’est regrettable.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je voudrais d’abord répondre aux questions du rapporteur général, dans le prolongement de la présentation du ministre de l’action et des comptes publics. Notre évaluation de l’effet du Brexit est de l’ordre de 0,2 point de PIB. Elle est donc moins catastrophique que certains calculs du FMI ou l’OCDE, qui l’estiment à 0,5 point de PIB. En tout état de cause, si le Royaume-Uni n’est pas le principal client des États européens, ceux-ci font partie de ses principaux clients… C’est donc bien le Royaume-Uni qui sera la première victime du Brexit.

S’agissant du pétrole, sujet majeur, le prix du baril a augmenté de 15 % le lundi 16 septembre, atteignant 69 dollars en clôture, avant de redescendre très rapidement à 62 dollars, ce qui demeure à peu près son prix actuel. Pour construire nos scénarios, nous gelons traditionnellement le cours du pétrole sur une période suffisamment longue, comme le font, par exemple, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en raison de la volatilité des prix. Néanmoins, il est évident que les troubles actuels en Arabie Saoudite et dans l’ensemble de la région du Golfe persique sont une véritable menace sur le prix du pétrole et des hydrocarbures, qui doit nous inciter à devenir plus rapidement indépendant des énergies fossiles.

S’agissant du suramortissement relatif au gazole non routier (GNR), je vous confirme que nous prévoyons ce dispositif pour tout type de véhicule électrique, notamment dans les zones de montagne, auxquelles je vous sais très attaché – conformément aux engagements que nous avons pris dans le cadre de la suppression de cette niche fiscale.

Monsieur le président, je vous redis que je suis prêt à ce que nous regardions ensemble quelles dépenses publiques nous sommes à même de réduire de manière structurelle, comme nous l’avons fait dans le passé, avec les compensations nécessaires, y compris juridiques. J’espère simplement que l’opposition, si elle participe à ce travail, aura le courage de voter les baisses de dépenses : nous nous sentons parfois bien seuls quand il faut passer du discours aux actes… Je tiens à la disposition de chacun les votes exprimés sur les mesures de réduction des dépenses publiques que nous avons prises depuis deux ans. Cela n’a rien d’un travail ponctuel, monsieur le président : les mesures concernant les chambres de commerce et d’industrie, les contrats aidés ou le logement social, pour ne citer que celles-ci, s’inscrivent dans le cadre de politiques structurelles de réduction des dépenses publiques. Encore une fois, cela paraît très facile lorsqu’on en parle en commission des finances ; c’est autrement plus difficile quand il s’agit de les présenter devant les professionnels ou les Français concernés.

Madame Cariou, je vous confirme que la prime exceptionnelle sera reconduite en 2020. Elle a très bien fonctionné : 2,2 milliards d’euros ont été versés, un salarié sur quatre en a bénéficié, à hauteur de 450 euros en moyenne. Mais je voudrais profiter de cette audition devant la commission des finances pour rappeler que cette prime ne pourra être reconduite par les entreprises qui souhaiteraient le faire que dans le cadre d’un accord d’intéressement. Le forfait social à 20 % sur l’intéressement n’existe plus et la rédaction des accords d’intéressement a été simplifiée. Il n’y a donc plus aucune raison de ne pas signer un accord de ce type ; j’espère que les entreprises, notamment les PME, suivront le mouvement et en signeront.

Madame Louwagie, je ne partage évidemment pas votre avis sur le budget et la manière dont vous l’avez qualifié. Je tiens à redire que nous tenons la dépense publique et que la dette est stabilisée à la baisse alors qu’elle avait fortement augmenté au cours des dernières années. Vous nous reprochez de ne pas dépenser suffisamment pour les territoires ruraux – vous connaissez mon attachement à leur égard ; nous sommes d’ailleurs élus dans des départements qui sont proches –, mais vous voyez bien la contradiction qu’il y a à tenir de tels propos tout en réclamant une baisse de la dépense publique.

Monsieur Mattei, vous avez fait un certain nombre de propositions concernant la résidence fiscale. Je suis prêt à ce que nous regardions vos travaux sur la question, bien entendu. Je rappelle néanmoins un principe fondamental : la résidence fiscale, comme son nom l’indique, dépend du lieu de résidence et non pas de la nationalité. Nous devons veiller à conserver ce principe. Quant à l’exit tax, nous l’avons déjà modifiée ; je ne crois pas qu’il soit bon pour l’attractivité du pays d’y revenir encore.

Monsieur Castellani, nous avons pris l’engagement de ne pas rétablir l’augmentation de la taxe carbone en 2020 ; nous ne le ferons donc pas. Il sera très intéressant de voir ce que nous diront les citoyens tirés au sort pour participer à la convention citoyenne sur le climat. Quoi qu’il en soit, j’ai une certitude : s’il y a une taxe carbone qu’il faut mettre en place le plus vite possible, c’est la taxe carbone aux frontières. Il me semble d’ailleurs que cela dépasse les clivages partisans. Quand on voit la manière dont la baisse des émissions de CO2 en France est – hélas ! – compensée par l’importation de produits étrangers, qui sont source de carbone émis, on se dit que la seule façon de lutter contre le phénomène et d’avoir un bilan carbone satisfaisant est de mettre en place une taxe carbone aux frontières ; j’espère que nous trouverons rapidement un accord sur cette question au niveau européen.

Monsieur Coquerel, je ne vous répondrai pas très longuement car je suis évidemment en désaccord complet avec votre appréciation – tout comme le sont les faits, d’ailleurs. En effet, s’il y a bien un pays, parmi tous les pays développés, qui réussit, grâce à son système de redistribution, à réduire les inégalités, c’est la France.

M. Éric Coquerel. De moins en moins !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Il vaudrait donc mieux être fier d’un pays capable de réduire les inégalités comme nous le faisons, par un système largement redistributif. Pour moi, le vrai problème de la France réside non pas dans la redistribution des richesses, mais dans le fait que nous ne créons plus assez de richesses. Quand on observe l’évolution au cours des dix dernières années, la chose est frappante : par rapport à d’autres pays, notamment l’Allemagne, nous créons en proportion moins de richesses pour nos concitoyens, et donc nous appauvrissons relativement le pays. Notre politique consiste justement à contribuer à recréer plus de richesses pour tous les citoyens, de façon à ce que chacun se porte mieux. Quant à la comparaison entre l’Allemagne et la France, je vous répondrai que l’Allemagne a fait des réformes structurelles, notamment avec le chancelier Schröder. Elle était l’homme malade de l’Europe ; elle est devenue la première économie de la zone euro, et même la première économie européenne. Nous étions devenus à notre tour l’homme malade de l’Europe ; nous sommes en train de réussir économiquement, et je pense que la France peut devenir la première économie de l’Europe, à échéance de quelques années, si nous poursuivons dans cette voie.

Monsieur Dufrègne, je veux simplement vous dire que notre seule boussole politique, c’est la justice ; mais la justice, c’est aussi de créer des richesses pour tous, et c’est bien là l’objectif de notre politique. Nous avons maintenu un certain nombre de politiques sociales et même augmenté des prestations – la prime d’activité, l’allocation aux adultes handicapés, le minimum vieillesse – mais, en même temps, nous voulons que le travail paie davantage. À cet égard, la baisse de l’impôt sur le revenu va profiter très largement aux classes moyennes, à des personnes dont les revenus ne sont absolument pas extravagants. Il nous semble que c’est une affaire de justice que de permettre à toutes les classes moyennes de vivre au mieux de leur travail.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. En ce qui concerne le ministère de l’agriculture et la cohésion des territoires, c’est étonnant : madame Louwagie arrive, dans la même phrase, à nous reprocher de ne pas baisser la dépense et à dénoncer des baisses de dépenses à ses yeux scandaleuses… Il n’est pas très simple de vous suivre, madame Louwagie ! En regardant plus précisément les budgets, vous vous apercevrez que vous vous êtes trompée par deux fois.

En matière d’agriculture, d’abord – puisque vous avez évoqué le monde rural –, s’il y a effectivement une baisse de un milliard, elle ne porte pas sur les moyens du ministère de l’agriculture : elle s’explique tout simplement par le fait que nous avons mieux géré les dossiers de la PAC. L’apurement des dossiers de la PAC représentait en effet presque un milliard d’euros, du fait d’une mauvaise distribution par le gouvernement précédent. Nous avons, à cet égard, réalisé un très important travail de sincérisation du budget. On ne peut donc pas dire qu’il y aura un milliard en moins pour les agriculteurs : il y aura un milliard en moins à rembourser à l’Union européenne, qui nous reprochait d’avoir mal distribué les subventions de la PAC. Il n’y a donc pas de problème particulier pour le ministère de l’agriculture et pour le monde rural. En revanche, la question qui se posera pour le ministère de l’agriculture dans le budget – mais il ne s’agit pas là d’économies budgétaires – concernera la restructuration du réseau ; j’imagine qu’il y aura un débat parlementaire important sur ce point. En effet, facialement, il y a une diminution de 45 millions d’euros dans le budget, mais la somme est compensée par la baisse de certains prélèvements obligatoires. Je vous serais donc reconnaissant de ne pas colporter l’idée selon laquelle le budget de l’agriculture subirait une coupe claire de un milliard – même si, par ailleurs, on a pu comprendre que vous souhaitiez une telle baisse de la dépense publique.

En matière de cohésion des territoires, ensuite, les crédits que vous évoquez se rapportent au ministère du logement. Il s’agit de poursuivre les transformations très importantes engagées lors de notre première année de mandat, notamment avec la réduction de loyer de solidarité (RLS) – réforme que vous n’avez d’ailleurs pas soutenue –, qui modifient profondément la manière dont on appréhende le logement, singulièrement le logement social.

À ce propos, je voudrais dire à monsieur Coquerel qu’il a proféré une contre-vérité absolue : il n’y a pas de baisse des APL. Leur contemporanéisation vise à s’adapter à la vie des gens : quand vous rencontrez des difficultés sociales, votre montant d’aides augmente ; si votre niveau de vie s’améliore, vous ne touchez plus les APL. C’est d’autant plus important que lorsqu’une famille modeste a besoin de financer la location d’un logement étudiant, par exemple, elle doit attendre plusieurs mois, parfois même une année, avant de toucher les APL, alors qu’elle n’en a pas forcément les moyens, tandis que des étudiants qui sortent de leur école et commencent à travailler, parfois même en touchant des rémunérations très élevées, continuent à bénéficier des APL pendant quelques mois, voire pendant un an. Ce n’est pas là ce qui s’appelle de la justice sociale, monsieur Coquerel.

Mme Bénédicte Peyrol. Absolument !

Mme Nadia Hai. Tout à fait !

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Ne dites donc pas qu’il y a une baisse des APL. Au contraire, c’est une belle réforme que le Gouvernement a menée et va mener.

En ce qui concerne la sincérisation des crédits des OPEX, il y a encore un peu de marge de progression, bien sûr, mais c’est justement ce que planifie la loi de programmation militaire. En outre, je vous rappelle que 1,1 milliard d’euros seront budgétisés en 2020, contre 450 millions d’euros en 2017. Autrement dit, les OPEX sont de moins en moins payées en interministériel. Certes, il reste encore quelques marges, effectivement, mais nous les réduisons de 200 à 300 millions d’euros chaque année.

Vous avez également soutenu, monsieur Coquerel, l’idée selon laquelle les baisses d’impôt prévues ne concerneraient que les plus riches. Je ne sais pas si, selon vous, une personne célibataire gagnant 1 600 euros par mois, et relevant donc de la première tranche de l’impôt sur le revenu, est un riche. Si c’est ce que vous pensez, nous n’avons pas, en effet, la même conception de la bourgeoisie et de la richesse. Ces personnes vont bénéficier d’une baisse d’impôts ; je pense que c’est une bonne chose.

En ce qui concerne la taxe d’habitation, je ne sais pas où vous avez vu que sa suppression pour les 20 % les plus riches avait lieu maintenant : dans le budget 2020, ce sont au contraire les 80 % de Français qui gagnent moins de 2 500 euros par mois qui bénéficient de la baisse, pour un montant total de 4 milliards – ce qui, du reste, correspond tout à fait à ce que nous souhaitions, c’est-à-dire apporter une réponse aux demandes des classes populaires et des classes moyennes. Cette réalité n’est pas tout à fait celle que vous décriviez dans votre démonstration.

Plusieurs autres sujets ont été évoqués, notamment les effets du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et son efficacité au regard d’autres politiques publiques. Nous pourrons bientôt la mesurer lorsqu’il sera question de la contemporanéisation des crédits d’impôt, notamment ceux qui sont destinés aux personnes âgées ou dépendantes, mais aussi des niveaux de ressources. Le prélèvement à la source va permettre également de mener le travail – important – sur le revenu universel d’activité (RUA) dont sont chargées mesdames Buzyn et Dubos. Nous aurons donc l’occasion de voir en quoi la contemporanéisation découlant du prélèvement à la source permettra de procéder à ces améliorations.

En ce qui concerne le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES), je ne peux pas laisser dire qu’il y aurait une destruction de ses emplois et que son budget baisserait. Pour commencer, le budget augmente de 800 millions. Si vous regardez bien les données, vous voyez qu’il y a une reconfiguration de l’affectation des agents publics dans les services de l’État. À cet égard, la grande réforme que nous menons consiste à placer les agents publics sous l’autorité du préfet, au lieu de les affecter dans telle ou telle administration ; cela répond, me semble-t-il, à une demande de tous les élus. De ce fait, le nombre d’emplois relevant du ministère de l’intérieur augmente et celui d’autres ministères diminue. À côté de cela se pose la question des opérateurs qui dépendent du MTES. Certains ont été fusionnés – c’est le cas de l’Agence française pour la biodiversité –, ce qui entraîne, évidemment, des économies d’échelle. Et puis, pour un opérateur tel que Météo France, par exemple, le fonctionnement n’est plus celui d’il y a quinze ou vingt ans : ainsi, l’achat du supercalculateur, outre le fait qu’il permet d’améliorer les prévisions, conduit à économiser un certain nombre d’emplois. Plus généralement, l’écologie, c’est de l’investissement, et assez peu des dépenses de fonctionnement, effectivement – en tout cas, on peut l’espérer.

Mme Magnier a évoqué la loi Blanquer, dont l’article 17 prévoit effectivement une compensation pour les communes. En 2021 – car le remboursement a lieu l’année suivante –, 100 millions d’euros seront inscrits, pour le public et le privé. On verra bien si cela suffit. Quoi qu’il en soit, ce chiffre est conforme à celui qui figurait dans l’étude d’impact. Au total, pour le ministère de l’éducation nationale, la compensation relative aux écoles s’élève à 1 milliard d’euros.

Je laisse à M. Dussopt le soin de répondre en ce qui concerne la fiscalité locale.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Je voudrais commencer par rappeler que le coût pour l’État de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers a été intégré dans la loi de programmation des finances publiques ; nous avions documenté les trajectoires et les économies à réaliser pour y parvenir – car nous n’avons ni créé d’impôt nouveau ni augmenté les impôts existants pour financer la mesure : tout au contraire, nous les baissons. La prochaine loi de programmation sera l’occasion notamment de détailler les économies que nous prévoyons pour financer la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de foyers qui continuent à la payer. Ces derniers la verront diminuer d’un tiers en 2021, des deux tiers en 2022, et la verront totalement disparaître en 2023.

À cet égard, plusieurs aspects méritent d’être soulignés. D’abord, les 20 % de foyers qui continuent à payer la taxe d’habitation ne sauraient être nécessairement considérés comme étant les plus riches. Nous parlons en effet, entre autres, de personnes célibataires dont le revenu fiscal de référence est de 27 000 euros par an, ce qui relativise grandement les choses. Ensuite, le mécanisme de compensation prévu pour les collectivités territoriales respecte le principe d’autonomie financière de ces dernières. Nous suivons à la lettre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère que les allocations de compensation, comme les dégrèvements, participent à l’autonomie financière des collectivités. Le fait d’affecter des recettes fiscales à la compensation, comme nous le prévoyons, est encore plus respectueux de ce principe.

Enfin, en réponse à Jean-Paul Mattei, qui, nous le savons, a des propositions à faire concernant la révision des valeurs locatives – il préférerait notamment que l’on prenne en compte les valeurs vénales –, j’ai eu l’occasion de dire hier devant le Comité des finances locales que la révision générale des valeurs locatives pour les locaux d’habitation ne débuterait pas avant la fin de la suppression définitive de la taxe d’habitation. D’une part, il s’agit là, sur le plan technique, d’un chantier extrêmement lourd ; or, en matière de réforme fiscale, nous en avons un autre à mener au préalable. D’autre part, nous ne voulons absolument pas que certains puissent nourrir une confusion quant à un lien éventuel entre la révision générale des valeurs locatives et le financement par l’État de la suppression de la taxe d’habitation, alors qu’il n’y en a aucun. Nous avons donc un peu de temps devant nous pour examiner toutes les propositions faites par monsieur Mattei.

M. le président Éric Woerth. La question du début du chantier est importante, mais celle de sa fin l’est tout autant…

Mme Stella Dupont. Messieurs les ministres, merci pour cette présentation. Premièrement, je tiens à souligner que les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, pour laquelle je suis rapporteure spéciale, augmentent très sensiblement – de 1,6 milliard d’euros – par rapport à ceux de 2019, à format comparable. C’est effectivement la concrétisation de notre volonté de donner plus de pouvoir d’achat aux Français. Je salue la continuité de l’effort. J’insiste également sur la nécessité d’évaluer et de piloter les principales dépenses fiscales de cette mission, qui représentent plus de 10 milliards d’euros. J’ai adressé des questionnaires budgétaires assez précis à cet égard ; j’espère que j’aurai le plus grand nombre d’éléments de réponse possible.

Deuxièmement, s’agissant de la réforme du financement des collectivités territoriales, vous avez insisté, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que l’autonomie de ces dernières était garantie. Je tiens à saluer également l’outil technique mis en œuvre : il permettra de faire en sorte que les recettes des collectivités soient dynamiques – les attentes en la matière étaient très fortes.

Troisièmement, et sans surprise, je voudrais vous interroger sur les chambres de commerce et d’industrie (CCI). La réforme de leur modèle se poursuit. Le projet de loi de finances pour 2020 entérine une nouvelle baisse de la taxe qui leur est affectée. Or, nous le savons tous, le réseau des CCI fait des efforts extrêmement importants, remarquables, hors norme même pour se réformer, et il me semble qu’elles ont besoin d’un soutien pour financer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Peut-être serait-il judicieux d’envisager de revoir le prélèvement dit France Télécom, qui tombe dans les caisses de l’État. Cela donnerait un peu d’air aux CCI et leur permettrait de continuer à se reformer.

Enfin, j’ai cru comprendre que le dispositif de l’aide aux créateurs et repreneurs d’entreprise (NACRE) évoluait. J’aurais donc souhaité savoir quelles sont les évolutions envisagées.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je rejoins complètement les propos de Véronique Louwagie sur votre manque de courage. En effet, il y a des recettes supplémentaires, les taux d’intérêt ont diminué et, d’après ce que dit le Haut Conseil des finances publiques, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pourrait être sous-évalué ; or, malgré cela, on constate une dérive de 20 milliards d’euros entre le solde public nominal prévu par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et celui qui figure dans le projet de loi de finances que vous nous présentez… Ce n’est pas totalement anodin.

Vous écrivez dans l’exposé général des motifs que l’évolution des recettes de l’État « traduit des baisses d’impôts massives ». J’ai bien noté, évidemment, la baisse de l’impôt sur le revenu pour les classes moyennes, dont vous évaluez le coût à 5 milliards d’euros ; à ceci près que le produit de l’impôt sur le revenu progresse de 3 milliards entre la prévision révisée pour 2019 et le projet de loi de finances pour 2020. Telle est la réalité – mais peut-être allez‑vous me dire que c’est lié aux 10 %… Quoi qu’il en soit, j’aimerais que, s’agissant de l’impôt sur le revenu, on ait le détail, à savoir les effets des mesures exceptionnelles et du prélèvement à la source, parce que la masse globale qui nous est donnée ne me semble pas vouloir dire grand-chose. Et puis, l’évolution à la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) entre 2019 et 2020 me pose elle aussi problème : elle est de près de 1,5 milliard. Ne revenons pas sur un sujet douloureux, n’ouvrons pas une nouvelle crise dans l’ensemble de nos territoires. La France ne peut pas se le permettre.

M. Marc Le Fur. Très bien !

Mme Anne-Laure Cattelot. Permettez-moi de saluer en toute honnêteté un budget qui, je crois, correspond parfaitement aux enjeux auxquels notre pays est confronté, à ce que vivent les Français dans leur quotidien. Ainsi, il permet une augmentation du pouvoir d’achat de ceux des Français qui en ont le plus besoin : vous l’avez démontré notamment à propos des retraités – ceux qui touchent de petites retraites bénéficieront de baisses importantes de l’impôt sur le revenu –, mais aussi pour les actifs, avec la revalorisation de la prime d’activité et l’exonération sociale et fiscale sur les heures supplémentaires. Ce sont des signaux importants pour les territoires fragiles ; or c’est bien la vocation de l’État que d’apporter un soutien aux populations et aux territoires les plus fragiles. En ce qui concerne d’ailleurs les territoires et le budget consacré à leur cohésion, madame Louwagie, les crédits des transports – pour lesquels je suis rapporteure spéciale – n’ont jamais autant augmenté, vous le savez aussi bien que moi. On rouvre même des canaux, ce qui est totalement inédit. La politique conduite en faveur des territoires est donc particulièrement ambitieuse, et ce pour l’ensemble des lignes budgétaires.

Par ailleurs, monsieur le ministre de l’économie, je voulais vous interroger sur l’industrie. La baisse de l’impôt sur les sociétés va bien sûr bénéficier à nos industries. L’an dernier, vous aviez lancé le suramortissement en faveur de la robotique ; je voulais savoir s’il était reconduit dans le projet de budget pour 2020 et si vous aviez d’ores et déjà pu évaluer son efficacité. Vous avez également décidé, sur la base de mes recommandations, d’octroyer un budget stable aux centres techniques industriels, ce dont je vous remercie ; vous envisagez aussi un déplafonnement de la taxe fiscale affectée, en fonction bien sûr de la capacité des structures à démontrer leurs performances. Enfin, vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, le Fonds pour l’innovation de rupture, censé être abondé par la cession de participations dans la Française des jeux et dans le groupe ADP. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cet abondement, sachant que nous n’aurons pas la partie venant d’ADP à court terme ?

M. François Pupponi. Je voudrais tout d’abord vous demander d’excuser l’absence de monsieur de Courson : il ne peut être présent pour la présentation du budget, ce qui est une première en vingt-cinq ans.

Pour le reste, je voudrais noter quelques motifs de satisfaction. Vous revenez notamment au taux de 5,5 % pour la TVA sur les logements sociaux ; c’est très bien. Nous avions annoncé, à l’époque, que le fait de le faire passer à 10 % aurait des conséquences dramatiques sur la construction de logements : nous y sommes, puisque 2019 sera une année des plus mauvaises dans ce domaine, et 2020 s’annonce elle aussi très mauvaise. L’économie en ressentira les conséquences.

En ce qui concerne la fiscalité locale, j’entends bien ce que vous dites, mais il va quand même falloir regarder avec beaucoup de précision ce qui est proposé, car le risque est que les communes les plus défavorisées, celles qui comptent le plus de logements sociaux, voient effectivement une baisse de la taxe d’habitation, mais sans bénéficier du transfert de la taxe sur le foncier bâti, car la quasi-totalité fait l’objet d’exonérations, d’abattements et de dégrèvements divers – c’est surtout vrai pour les communes ayant accueilli des projets de renouvellement urbain, puisqu’elles ont construit des logements neufs et que l’exonération dure vingt-cinq ans. Je comprends le mécanisme de compensation qui est envisagé, mais les communes en question ont été habituées depuis trop longtemps à ne pas bénéficier des compensations mises en œuvre. Je rappelle que, tous les ans, avec la baisse des variables d’ajustement, elles perdent des compensations, exonérations, abattements et dégrèvements divers sur les impôts locaux.

Je voudrais donc que l’on ait quelques garanties ; la meilleure manière de nous en donner serait de proposer des simulations. En effet, si l’article 5, consacré à la réforme de fiscalité locale, est très intéressant et remplit un certain nombre de pages – nous aurons besoin de quelques jours pour essayer de le décrypter –, les simulations sont préférables, car elles permettent de savoir exactement qui gagne, qui perd et comment on compense ; sans ces éléments, on va dans l’inconnu. Certes, nous disposons d’un an, puisque l’application de la réforme ne sera pas immédiate, mais il faut vraiment mettre en place un groupe de travail pour bien comprendre ce qui va être fait. Cela dit, on pourrait prendre une autre décision : pourquoi ne pas instiller un peu de péréquation dans le mécanisme de redistribution ? La compensation à l’euro près pour les collectivités locales en général, c’est très bien, mais quel intérêt y a-t-il à redonner de la fiscalité à des communes très riches ?

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Tout d’abord, je salue ce budget qui sera conforme à ce qui était attendu, à savoir un budget de baisse des impôts, un budget du pouvoir d’achat, qui reflète bien la politique budgétaire sérieuse que nous menons depuis le début du quinquennat. Pour autant, j’ai plusieurs interrogations, que je vous soumets.

La première concerne l’alignement sur trois ans de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR) sur celle qui s’applique au gazole. Sans revenir sur le dispositif, je me dois de dire que certaines PME de mon département, contrairement aux grands groupes du bâtiment, ne seront pas en mesure de reporter ces augmentations dans leurs contrats, ce qui fera peser sur elles jusqu’à 250 000 euros de taxes supplémentaires. Est-il donc envisagé un ciblage de cette réforme de la fiscalité sur le GNR afin d’en réduire la portée pour les PME modestes de nos territoires ? Par ailleurs, comptez-vous flécher une partie de la suppression de cette niche fiscale vers la transition écologique ?

Ma seconde interrogation concerne les CCI et les chambres d’agriculture. Je ne reviendrai pas sur les CCI ; Mme Dupont vous en a déjà parlé. En ce qui concerne les chambres d’agriculture, même s’il est vrai que certains efforts peuvent être faits, elles n’ont pas du tout la même souplesse que les CCI au regard de la restructuration qui est demandée. Afin de ne pas pénaliser les chambres d’agriculture vertueuses et de ne pas appliquer de manière systématique une baisse de 15 % du budget, alors même que nous leur demandons d’accompagner encore plus les agriculteurs dans la transition écologique, avez-vous envisagé une péréquation ?

Enfin, en ce qui concerne mon rapport spécial sur la mission Travail et emploi, dans la mesure où nous ne pouvons pas pénaliser l’insertion par l’activité économique, les missions locales et la garantie jeunes, Pôle emploi et sa nécessaire implication dans la réforme de l’assurance chômage, les entreprises adaptées et l’inclusion des personnes en situation de handicap, et les collectivités locales avec les contrats parcours emploi compétences (PEC), quelles solutions pourrions-nous trouver au niveau du budget de l’État pour compenser l’annonce de l’abandon de la suppression des exonérations pour les services à la personne ?

M. Damien Abad. Ce budget se caractérise à la fois par de fausses promesses et de vrais renoncements. « Nous promettons ce que nous savons tenir », déclarait le Président de la République lui-même ; il serait bon de suivre cet adage. Il y a quelques mois encore, messieurs les ministres, vous affirmiez dans un journal national que nous allions retrouver un excédent budgétaire en 2022. On voit bien que ce n’est pas le cas. Fausses promesses sur les déficits ; fausses promesses également sur la dette.

Un mot au sujet de la baisse des impôts : je ne remets pas en cause la baisse de l’impôt sur le revenu, mais chacun sait qu’une baisse d’impôt qui n’est pas financée par une maîtrise ou une réduction de la dépense publique conduit à une augmentation de la dette, et donc, par la suite, à de nouveaux impôts. Deuxièmement, comme cela a déjà été dit, il y aura aussi un effet de translation sur les impôts locaux. Troisièmement, les prélèvements obligatoires sur les entreprises augmentent. À cet égard, il faudra faire la part des choses : certains disent que les prélèvements baisseront de un milliard, quand d’autres estiment au contraire qu’ils augmenteront, du fait de la fin – au moins pour partie – de la déduction sur le gazole non routier, du ralentissement de la baisse de l’IS ou encore de la déduction forfaitaire spécifique. On le voit : la baisse des impôts sans la baisse de la dépense publique, c’est forcément une chimère.

En ce qui concerne les renoncements que j’évoquais, ils concernent justement la dépense publique, et ils sont dus non pas au mouvement des gilets jaunes, mais à un manque de courage politique. Dire ce n’est pas faire, fanfaronner ce n’est pas agir, et les chiffres montrent bien le gouffre qui existe, malheureusement, entre les paroles et les actes. C’est vrai en ce qui concerne la fonction publique – les 47 postes supprimés en sont un symbole – ; ce sera certainement vrai demain, malheureusement, à propos des retraites. Du fait de ce renoncement à faire des réformes structurelles, vous êtes contraints à des tours de passe-passe budgétaires.

Mais surtout, et ce sera l’objet de ma question, il y a une incohérence, que monsieur Migaud a soulignée ce matin, entre le projet de loi de finances présenté ici et la loi de programmation des finances publiques. Comment, dans ces conditions, redonner de la confiance aux investisseurs, sachant que les deux mamelles de la confiance sont la stabilité et la lisibilité des finances publiques ? On voit bien que ces conditions ne sont plus remplies par la trajectoire actuelle.

Mme Sabine Rubin. Comme l’a annoncé Éric Coquerel, je vais évoquer la question de la dette, plus spécifiquement celle de l’endettement public pour un investissement utile. Je vous ai bien entendu, monsieur Le Maire : deux fois, trois fois même, vous avez dit qu’il n’était pas possible pour la France d’emprunter, mais que c’était possible pour l’Allemagne. Je vous le dis en toute franchise : je ne comprends pas votre prise de position, et ce pour plusieurs raisons. Nous avons auditionné dernièrement M. Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique, qui a confirmé que le taux actuel, de – 0,21 % à 10 ans, au regard de la croissance prévue, permettait à la France de soutenir cette dette, et qu’il la ferait peut-être même diminuer à long terme. Il n’est pas le seul à tenir ce discours : Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, a indiqué que, selon lui, les taux resteraient bas pendant dix ans, voire plus ; il ajoute qu’il est donc crucial que les gouvernements ajustent leur politique budgétaire à ce nouveau contexte. Jean Pisani-Ferry, ancien commissaire général à la stratégie et à la prospective, qui fut également le directeur du pôle programme de monsieur Macron, dit la même chose. Monsieur Sarkozy lui-même a déclaré au Point : « je suis étonné de constater que les débats économiques aujourd’hui n’intègrent pas un événement majeur et inédit : la valeur de l’argent, qui est devenue négative ». Je sais que vous n’êtes pas d’accord, mais dites-nous pourquoi vous en restez à votre vision comptable.

Par ailleurs, à la suite de nos échanges, vous avez évoqué une taxe carbone aux frontières. Mais alors, pourquoi avoir fait ratifier le CETA ?

Ensuite, vous avez répondu à mon collègue et camarade Éric Coquerel que non, il n’y avait pas de problème en matière d’inégalités. Mais si : de nombreux chiffres montrent que les riches sont de plus en plus riches en France et que les inégalités augmentent. Une étude récente de l’INSEE montre même que le patrimoine global a doublé depuis trente ans mais que celui des 20 % les moins dotés a diminué. Comment expliquez-vous donc toutes ces données ? Quant aux APL, monsieur Darmanin, je réaffirme qu’une baisse de 1,2 milliard d’euros, cela représente moins d’aides pour le logement.

M. Daniel Labaronne. Dans ce budget, on constate que les impôts baissent mais qu’en même temps les recettes augmentent, puisque le déficit public, rapporté au PIB, diminue. Pouvez-vous nous expliquer cette situation en apparence paradoxale, mais qui ne l’est pas tant que cela ?

Par ailleurs, dans une démarche de sincérisation, depuis que nous sommes en responsabilité, nous avons abaissé à 3 % le taux de mise en réserve des crédits. Avez-vous un retour d’expérience concernant cette mesure ? A-t-elle amélioré le management des gestionnaires de programme, davantage responsabilisés ?

Pour finir, je rappellerai à madame Louwagie qu’il existe un plan national en faveur des territoires ruraux, qui a retenu 173 des 200 propositions que comptait le rapport « Ruralités : une ambition à partager », que j’ai eu le plaisir de rédiger.

M. Nicolas Forissier. Je souhaite revenir très rapidement sur la question de la dépense publique.

Madame Louwagie ne s’est pas contredite tout à l’heure : s’il faut baisser la dépense publique, c’est aussi pour abonder, dans une certaine mesure, des crédits d’interventions et d’actions.

Vous venez de faire état, cher Daniel Labaronne, de deux cents mesures pour les territoires ruraux. Mais hier soir, les responsables nationaux d’un grand syndicat agricole m’ont dit qu’ils n’ont pas vu grand-chose des 5 milliards du plan d’investissement visant à accompagner la transition de l’agriculture : 240 millions seulement auraient été engagés, me semble-t-il. Il y a d’un côté les mots, de l’autre la réalité. Et cela pose encore une fois la question de la baisse de la dépense publique, comme Éric Woerth l’a dit tout à l’heure.

Messieurs les ministres, je voudrais vous interroger sur deux grands sujets, en commençant par ces 47 suppressions nettes d’emplois de l’État et des opérateurs. Le Président de la République s’était engagé à supprimer 120 000 postes, dont 50 000 relevant du périmètre de l’État. Depuis deux exercices budgétaires, nous en sommes je crois à 4 000 suppressions, peut-être un peu plus – disons 9 000 en cumulant les années. Cette année, nous en ferons exactement 47… Nous sommes très loin du compte. Malgré tout ce que vous dites, et qui peut d’ailleurs tout à fait se justifier, pourquoi avez-vous abandonné cette partie du travail, qui est nécessaire et qui aurait ouvert des marges de manœuvre supplémentaires ?

Deuxième question, sur la réforme des retraites, tous les opérateurs, tous les analystes, tous les économistes disent, grossièrement, qu’un âge de départ à 64 ou 65 ans, comme dans d’autres pays, entraînerait une économie de 20 à 22 milliards pour les dépenses publiques – à quelques centaines de millions près. Il semble que le Gouvernement envisage plutôt un âge pivot de 64 ans ou un peu plus : irez-vous dans ce sens-là, cet âge pivot se transformera-t-il en âge de départ et, le cas échéant, irez-vous jusqu’à proposer 65 ans ?

M. le président Éric Woerth. Je crois que les ministres vont confirmer…

Mme Cendra Motin. L’année 2019 a été fondamentale dans la lutte contre la fraude fiscale et en faveur d’une juste imposition.

Ce fut la première année de l’application de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, dont les premiers résultats de règlements réels des contentieux sont très encourageants. Je citerai, entre autres, les accords avec Google avec un recouvrement de près de un milliard d’euros et avec L’Oréal pour un montant de 320 millions, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement d’aller au bout des procédures engagées et de faire toujours mieux respecter la loi, même par les puissants.

Ce fut également l’année de la création du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), nouveau bras armé de la lutte contre la fraude fiscale, qui donne de nouveaux moyens, sur le terrain, pour traquer les fraudeurs.

Ce fut aussi l’année de la création d’une taxe sur les services numériques, dite taxe GAFA, qui a permis d’ouvrir une discussion sur le plan européen, puis au niveau mondial, à l’occasion du G7, sur la nécessité d’avancer dans la taxation des nouvelles formes d’économie numérique.

Elle a également permis de renforcer la coopération internationale avec la signature, cet été, d’un accord d’échange de données fiscales avec le Panama, tristement célèbre depuis l’affaire des « Panama Papers », afin de lutter contre l’évasion fiscale.

Ce budget place 2020 dans la continuité de 2019. Il témoigne une nouvelle fois de la volonté de ce Gouvernement et de cette majorité de lutter contre toutes les formes de fraudes fiscales en s’attaquant à celle sur la TVA, qui est à l’origine du plus grand nombre de contentieux en France.

Du montage financier international complexe à la numérisation des factures des TPE et des PME, quels moyens votre ministère consacrera-t-il à cette lutte et comment envisagez-vous d’accompagner le monde économique dans cette entreprise ?

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre Le Maire, vous avez commencé votre propos en évoquant la nécessaire évolution de la politique budgétaire allemande, qui est en effet essentielle. Brillant germaniste et fin connaisseur des élites allemandes, vous êtes personnellement le mieux placé en la matière. Qu’en est-il donc de cette perspective ? Il fut un temps, dans l’histoire de France, où l’on avait dit : « L’Allemagne paiera ». Maintenant, nous disons : « L’Allemagne dépensera »… Le problème, c’est que l’Allemagne n’a jamais payé. Dépensera-t-elle donc ?

Vous dites, en outre, que vous abandonnez la taxe carbone. Je n’ai aucune raison d’en douter avec ce budget, mais cette décision sera-t-elle maintenue jusqu’au terme du mandat ? Je suis inquiet car certains discours – je pense à celui de la Cour des comptes – insistent sur l’intérêt de cette taxe. Autant d’arguments que vous pourrez réutiliser demain, ce qui est inquiétant.

Troisième question. Avec la crise, l’augmentation des prix de l’énergie touche les entreprises et les particuliers : qu’avez-vous en magasin pour réagir, pour atténuer le problème, pour éviter que nos concitoyens ne s’y heurtent comme il y a quelques mois ?

Quatrième question. Cela a été dit par notre collègue Pupponi : un vrai problème se posera dans le domaine de l’immobilier, de la construction. Interrogez les maires : le nombre de permis de construire diminue. Que peut-on faire ? Je suis très inquiet à l’idée de voir disparaître le prêt à taux zéro dans la plus grande partie du territoire alors qu’il conditionnait la plupart des primo-accessions à la propriété.

Cinquième question, à monsieur Darmanin. L’année blanche a suscité des recettes exceptionnelles compte tenu d’un certain nombre de revenus exceptionnels. Quel en est très précisément le montant ?

Sixième question. La taxe d’habitation est supprimée. Les propriétaires, qui sont majoritaires sur 80 % de notre territoire, craignent une répercussion sur le foncier. Pouvez-vous les rassurer ?

M. Fabrice Le Vigoureux. Monsieur Le Maire, vous témoignez avec une certaine constance, y compris dans votre propos introductif, de votre attachement à ce que le pays investisse et mise sur l’innovation, sur l’économie de la connaissance, sur l’enseignement supérieur et la recherche.

Or, depuis quelques années, les structures de financement des établissements d’enseignement supérieur et, en particulier, des grandes écoles ont été substantiellement modifiées, notamment avec la baisse de la taxe d’apprentissage ou l’effondrement des financements consulaires. Ils ont donc créé des chaires, des fondations, pour capter de nouveaux financements, en particulier pour favoriser leur ouverture sociale.

La réforme du mécénat laisse penser que les grandes entreprises concernées réduiront leurs dons de l’ordre de 20 %, dans l’hypothèse où elles souhaiteraient maintenir une dépense nette constante. Grossièrement, le coût net, pour une grande entreprise qui donne aujourd’hui 5 millions, s’élève à 2 millions ; demain, il suffira qu’elle en donne 4 pour qu’il se situe au même niveau.

Je ne vous le cacherai pas : je crains que ces grandes entreprises ne maintiennent leurs dons envers leurs propres fondations au détriment, peut-être, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pouvez-vous atténuer une telle crainte ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame Stella Dupont, j’ai parfaitement conscience de l’effort considérable réalisé par les CCI et de l’importance de la réforme à laquelle vous avez très largement contribué. Je suis ouvert pour que nous discutions de la solution que vous proposez, sur le prélèvement dit France Télécom, qui représente un peu moins de 30 millions par an. Un problème se pose toutefois : nous financerions une dépense ponctuelle par la suppression pérenne d’une taxe. Regardons néanmoins ensemble ce qu’il est possible de faire, je suis ouvert à la discussion.

S’agissant de l’Aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (NACRE), le ministre de l’action et des comptes publics vous répondra.

En ce qui concerne les recettes issues de la TICPE, madame Dalloz, faisons attention aux chiffres, parce qu’ils sont trompeurs. La hausse affichée dans le document vise les recettes affectées au budget général de l’État à la suite de la suppression du compte d’affectation spéciale Transition énergétique, mais elle ne correspond pas à une hausse de la fiscalité. La seule hausse, de ce point de vue-là, est celle de 2 centimes pour les poids lourds afin de financer les infrastructures de transport moins consommatrices d’énergie.

S’agissant de la TICPE flottante, si telle était votre idée, je répète mon opposition : son coût serait en effet considérable car la baisse de 3 centimes du prix d’un litre de carburant coûterait un milliard, ce qui rend le rapport coût-efficacité peu favorable.

Le suramortissement robot, madame Cattelot, s’appliquera pendant trois ans et sera encore ouvert en 2020. Il n’est pas possible pour l’heure d’en évaluer l’efficacité mais nous le ferons à terme. Les précédentes mesures de suramortissement avaient très bien fonctionné. Je profite de cette audition pour demander à toutes les entreprises d’en profiter : le retard en matière de robotisation peut entraîner la destruction d’emplois et de valeur.

S’agissant du gazole non routier (GNR), madame Verdier-Jouclas, nous sommes très attentifs aux PME et avons pris des mesures spécifiques pour celles qui travaillent dans le secteur frigorifique mais, aussi, pour les infrastructures portuaires et d’extraction. Nous avons veillé à protéger un certain nombre de secteurs et nous veillerons à ce que les PME soient le mieux possible accompagnées.

La confiance des investisseurs, monsieur Abad, est bien là. Deux éléments le prouvent : premièrement, nous sommes le pays le plus attractif pour les investissements étrangers – ce n’est pas nous qui le disons mais les instituts étrangers ; deuxièmement, nous avons émis pour la première fois une obligation avec un coupon à 0 %, ce qui prouve bien que la confiance des investisseurs est au rendez-vous et que nous parvenons à financer notre dette.

Mme Rubin me demande pourquoi nous ne nous endettons pas davantage. Pour une raison très simple : notre dette s’élève à 2 375 milliards et s’approche des 100 % du PIB. Je le répète : à mes yeux, il serait déraisonnable d’endetter davantage le pays. Notre politique vise à tenir compte des taux d’intérêt faibles ou négatifs en stabilisant la dette et en ralentissant le rythme de sa réduction. Nous ne parviendrons pas à la réduire de cinq points de PIB d’ici à 2022 mais la trajectoire doit demeurer à la baisse. Sinon, nous ferions reporter sur nos enfants le risque d’un relèvement des taux d’intérêt. Il serait absolument irresponsable de la part du ministre de l’économie et des finances de dire qu’il va augmenter la dette et que, lorsque les taux d’intérêt remonteront, lorsque la charge de la dette augmentera de 3, 4, 5 ou 6 milliards d’euros et que nous ne serons plus là pour payer, ce sont nos enfants qui devront s’en charger à notre place.

En revanche, d’autres pays qui, au cours des dernières années, ont réduit leur dette – c’est le cas de l’Allemagne – disposent aujourd’hui des réserves budgétaires nécessaires pour investir davantage.

La question de la réforme des retraites, monsieur Forissier, étant un peu loin du budget, je me permets exceptionnellement de ne pas y répondre. Je rappelle qu’un débat est en cours ; laissons-le aller jusqu’à son terme.

M. Nicolas Forissier. L’échéance du débat se situe tout de même en 2020…

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je vous remercie, cher Marc Le Fur pour les propos très aimables que vous avez tenus à mon endroit s’agissant de la relation franco-allemande. L’attachement qui est le mien à ce pays permet de parler avec beaucoup de franchise et je peux vous dire également avec la même franchise, car c’est ma conviction profonde, que les choses vont bouger en Allemagne. Olaf Scholz et Peter Altmaier, respectivement ministre des finances et ministre de l’économie, ont accepté pour la première fois de parler de stratégie d’investissements. Nous discutons, à tous les niveaux, de ce sujet ; le patronat allemand s’est prononcé pour une augmentation de la dépense publique le plus rapidement possible ; nous avons un rendez-vous important, mi-octobre, avec le conseil des ministres franco-allemand, entre la Chancelière allemande, le Président de la République et les ministres concernés. Je crois donc que les choses bougeront en Allemagne — même si je ne peux pas vous dire quand — car la prise de conscience de la nécessité d’investir davantage est bien là.

La taxe carbone, quant à elle, ne sera évidemment pas rétablie en 2020. Je souhaite, premièrement, que nous soyons capables d’instaurer une taxe carbone aux frontières le plus rapidement possible, deuxièmement, que la convention citoyenne pour le climat formule des propositions. J’ai une seule certitude : si nous voulons les faire payer pour le climat, les Français doivent bénéficier d’une compensation à l’euro près. En effet, ils n’accepteront pas une augmentation de taxes ou d’impôts qui ne serait pas intégralement compensée. Ils sont prêts à payer plus pour le climat, à ce que les comportements vertueux soient valorisés et à pénaliser ceux qui ne le sont pas ; mais à une condition : une compensation systématique. Certains pays, comme la Suède, y parviennent ; je ne vois pas pourquoi nous ne saurions pas faire preuve d’imagination.

M. Marc Le Fur. Une augmentation de la taxe carbone est donc possible en 2021 ou en 2022.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je vous répète que nous allons attendre les propositions de la convention citoyenne pour le climat et que nous agirons en fonction de celles-ci.

Enfin, monsieur Le Vigoureux, je suis profondément convaincu que le défi français est aujourd’hui éducatif, qu’il vise l’innovation et la recherche. La grande question est de savoir si, au XXIe siècle, nous voulons que la France reste dans le camp des pays vainqueurs, de ceux qui maîtrisent l’intelligence artificielle, le stockage des données et des énergies renouvelables, toutes les technologies nouvelles, ou si elle se retrouvera dans le camp des pays qui les achèteront à la Chine ou aux États-Unis.

Il faut donc investir plus encore car, contrairement à ce qu’il m’arrive de lire, nous avons pris du retard en matière d’innovation et nous sommes face à un certain nombre de défis : le volume de la recherche privée n’est pas suffisant parce que nos entreprises n’étaient pas suffisamment profitables. En rétablissant leur profitabilité, on doit rétablir leur capacité d’innovation.

Par ailleurs, nous sommes confrontés à un vrai problème, que nous comptons résoudre dans le cadre du pacte productif : les liens entre recherche et développement industriel sont insuffisamment étroits – en gros, on fait de la recherche, mais on ne s’intéresse pas au développement industriel qui suivra derrière. Ce lien doit donc être resserré.

S’agissant des dons, je rappelle que nous avons baissé et allons baisser l’impôt sur les sociétés : il s’établira à 25 % en 2022, ce qui compensera la réduction des exonérations applicables aux dons des entreprises.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. En ce qui concerne la fraude fiscale, Madame Motin, je me réjouis de la décision prise ce jour même par le Conseil constitutionnel, qui a validé, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, la loi que nous avons, si j’ose dire, soutenue ensemble – je salue d’ailleurs sa rapporteure, Émilie Cariou : le desserrage voire la suppression du verrou de Bercy a en effet été jugé conforme à la Constitution.

Je rappelle qu’au premier semestre, la hausse des dossiers transmis à la justice est de 85 % par rapport à l’année dernière. Les crédits consacrés au data naming ont augmenté, la direction générale des finances publiques bénéficiant dans ce budget de plus de 65 millions. C’est important puisque cela paiera sa dette numérique et améliorera les contrôles.

Je rappelle également l’augmentation des vérifications générales et particulières, la mise en place du partenariat fiscal et l’entrée en application de nombreuses dispositions concernant les réseaux sociaux, dont nous aurons sans doute l’occasion de reparler.

J’évoque la question avec plaisir : l’exécution budgétaire montrera que l’année 2019 est celle qui aura rapporté le plus, en termes de règlements de contentieux et de lutte contre la fraude fiscale, sous forme non pas de notifications mais bien de sommes recouvrées dans les caisses de l’État. Il faut y voir le résultat des actions menées par plusieurs gouvernements successifs. Nous attendons également pour la fin du mois de novembre le rapport de la Cour des comptes sur l’évaluation de la fraude ; nous avons déjà eu l’occasion d’échanger avec elle. Je crois, pour ma part, qu’il ne s’agit pas tant d’obtenir des moyens supplémentaires ou d’accroître le nombre de dispositifs législatifs que d’appliquer les nombreux outils dont nous disposons déjà.

Je souhaite maintenant répondre aux questions de mesdames Dalloz et Louwagie et de monsieur Le Fur sur l’impôt à la source.

De deux choses l’une : ou bien l’on considère qu’il faut à tout prix lui tordre le cou et que, faute d’y être parvenu techniquement, on cherche désormais à faire croire que les prélèvements ont augmenté – auquel cas on est dans un débat politique et rationnellement insoluble ; ou bien, comme l’a fait monsieur le Fur, on s’interroge légitimement sur les montants ainsi collectés.

Nous aurons l’occasion d’en reparler mais il faut d’ores et déjà être clair. L’augmentation de l’assiette, en raison de l’augmentation des revenus de ceux qui paient l’impôt, s’élève à un milliard, comme nous l’avions prévu. Le recouvrement s’est amélioré de un milliard, correspondant grosso modo au point et demi supplémentaire qui a fait passer le taux de recouvrement de 97 % à 98,5 %.

Les modulations des taux à la baisse, conséquence de la baisse de revenus de certains de nos compatriotes, représentent 1,4 milliard d’euros. Je tiens donc à tordre le cou à l’idée selon laquelle l’impôt aurait augmenté pour nos concitoyens, puisque le nombre de ceux qui paient moins d’impôts est supérieur à ceux qui en paient plus. Et c’est plus juste : ceux qui gagnent plus paient plus d’impôt, ceux qui gagnent moins en paient moins – et ce en temps réel et non après un an de décalage.

La prise en compte des changements de situation personnelle et de la demi-part fiscale, des décès, des naissances et des divorces, représente une diminution de 1,2 milliard et les revenus exceptionnels, dans le cadre du crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR), 2,2 milliards.

Au total, le gain est proche de 2 milliards, comme j’ai eu l’occasion de le dire dans les médias.

Si l’on se concentre sur la seule assiette, sans tenir compte des revenus exceptionnels et des changements de situation, ceux qui gagnent plus paient plus d’impôts – c’est le principe de l’impôt sur le revenu, en lien avec le montant des revenus – et ceux qui gagnent moins paient moins.

Bien entendu, le barème est revalorisé chaque année, nous en parlons depuis que les projets de loi de finances sont présentés devant le Parlement. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans l’hémicycle si vous le souhaitez.

La suppression ou, en tout cas, la non-augmentation de la taxe carbone n’est quant à elle pas remise en cause, mais madame Dalloz s’est interrogée sur la différence de recettes de plus de un milliard. Outre l’augmentation vraisemblable de la consommation, je rappelle la hausse du carburant de 2 centimes pour les poids lourds — laquelle n’est pas affectée au budget de l’État mais à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, la route payant la route, en accord avec la profession.

Monsieur le secrétaire d’État Jean-Baptiste Djebarri a rencontré les professionnels du secteur la semaine dernière et les a reçus cette semaine également. L’Inspection générale des finances mènera quant à elle une mission avec le ministère de la transition écologique et des transports pour étudier la contemporanéisation du remboursement de trésorerie.

Nous regardons s’il est possible de faire pour les routiers ce que nous avons fait pour les agriculteurs avec le GNR : pas de remboursement en décalage. Je rappelle à ceux qui ne comprendraient pas bien le mécanisme qu’il n’y a pas deux pompes, une pompe pour les professionnels de la route – taxis, chauffeurs routiers, agriculteurs – et une autre pour les autres citoyens : tout le monde se sert à la même pompe et ce n’est qu’ensuite qu’interviennent les mécanismes de remboursement de trésorerie. Les agriculteurs ont été longtemps pénalisés mais ce n’est plus le cas : ils bénéficient aujourd’hui de cartes spécifiques. Nous sommes donc parvenus à mettre en place, pour les agriculteurs, une avance de trésorerie qui s’appliquera au 1er janvier ; c’est un point très important. Pour les chauffeurs routiers, la contemporanéisation pose évidemment un problème de trésorerie pour l’État ; c’est un effort qu’il faudra faire. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

La question du gel de crédits a été évoquée par un de vos collègues. En deux ans, nous n’avons pas fait de décret d’avance, ce qui montre que nous avons réussi à tenir et à responsabiliser nos gestionnaires. D’ailleurs, nous avons tiré un certain nombre de conclusions des débats un peu bizarres, il faut bien l’avouer, qui se sont déroulés à la fin de l’examen budgétaire de l’année dernière, notamment sur ce rajout de 100 millions de crédits pour la mission Outre-mer – pour laquelle on constate finalement une sous-exécution de 150 millions d’euros, ce qui n’était sans doute pas très utile budgétairement. Nous devons en tirer les conséquences.

Monsieur Forissier, le Gouvernement s’était engagé, à la suite de la campagne du Président de la République, à supprimer 50 000 postes dans la fonction publique d’État. Il en supprimera 27 000.

M. Marc Le Fur. Mais seulement 47 cette année.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Je veux bien que vous mesuriez à partir du thermomètre qui vous est propre, monsieur Le Fur, mais le Président de la République s’est bel et bien engagé à supprimer 50 000 postes dans la fonction publique d’État et, par ailleurs, à en créer dans l’armée, dans la police. Au total, il y aura 27 000 suppressions et 17 000 créations d’emplois. Le solde sera donc d’environ 10 500 postes supprimés pour l’ensemble du quinquennat. Je précise que sur les 27 000, plus de 10 000 relèvent de mon ministère. Et je vous encourage à tenir, comme moi, le carnet du « petit rapporteur » : j’observe que les mêmes parlementaires qui me demandent de respecter la suppression de 50 000 postes sont les premiers à m’écrire pour que l’on ne touche pas aux trésoreries de leur département.

M. Nicolas Forissier. Pas moi !

Mme Véronique Louwagie. Ni moi !

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter très largement dans l’hémicycle. Ce n’est pas vous que je visais, madame la députée, mais peut-être certains députés bretons qui auraient tendance à s’opposer au prélèvement à la source ! (Sourires.) Mais l’amitié que je porte à Marc Le Fur m’impose d’écouter ses revendications de terrain. Reste qu’il faut parfois savoir connecter le discours tenu en circonscription et son langage national…

M. Marc Le Fur. J’accepte les réductions d’effectifs ! Ce n’est pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Puisque vous m’avez demandé ce qui s’est passé, monsieur le député Forissier : nous avons pris acte du Grand débat national – nous le ferons avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Nous avons lu l’avis du Haut Conseil des finances publiques, nous avons entendu le Premier président de la Cour des comptes : s’il n’y a effectivement pas de compatibilité constatée, notamment, entre l’ajustement structurel ou les effectifs et la LPFP, cette compatibilité est patente avec la crise sociale que la France a connue, avec le Grand débat et les mesures prises par le Président de la République. D’où la LPFP qui sera présentée au printemps prochain. C’est aussi comme cela que l’on fait de la politique, qu’elle soit saluée ou critiquée en fonction du bord auquel on appartient.

Une question a été posée sur les dépenses et les recettes. Le PIB augmente bien entendu plus rapidement que nos dépenses.

Monsieur Le Fur, nous avons maintenu l’intégralité du prêt à taux zéro dans les zones tendues et nous l’avons supprimé dans les zones non tendues pour arrêter l’artificialisation des sols.

M. Marc Le Fur. Sur l’essentiel du territoire.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Il importe également de noter, monsieur le député, que nous avons créé une nouvelle niche fiscale, le dispositif Denormandie, qui permet de rénover, notamment, l’habitat ancien ou dégradé.

M. Marc Le Fur. Pour les bailleurs.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Nous voulons également un budget écologique. Les documents que j’ai remis à l’ensemble de la représentation nationale montrent que 75 % des dépenses de l’État défavorables à l’écologie relèvent des niches fiscales – GNR, taxe carbone non-appliquée, parfois logement… Il faut donc adapter notre politique du logement aux objectifs écologiques, nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler.

Enfin, avant que M. Dussopt apporte un certain nombre de compléments sur les questions de fiscalité et de dotation locales, je précise que, s’agissant de l’ACRE, nous nous alignons sur la promesse du Président de la République afin d’éviter les abus : pas de taxe ni de charge pendant une année. Les autoentrepreneurs ont bénéficié d’un effet d’aubaine par rapport aux indépendants, lesquels protestaient beaucoup en voyant de nombreuses personnes se déclarer sous le statut d’autoentrepreneur alors qu’elles auraient dû se déclarer en tant qu’indépendants : le système a été en quelque sorte dévoyé. Il y aura donc toujours l’année blanche, mais nous en resterons là.

Enfin, madame Verdier-Jouclas, les 320 millions d’euros qui permettraient de compenser l’annonce de l’abandon de la suppression des exonérations pour les services à la personne représentent 2 % des 12,270 milliards de budget relevant du ministère de madame Pénicaud, qui comprend des politiques publiques importantes. En l’état, il est difficile de faire des coupes budgétaires qui ne seraient pas contraires à la politique que nous menons ; j’en ai parlé avec elle, mais nous avons souhaité maintenir dans le PLF la mesure qui, si j’ose dire, a été retirée au banc par le Premier ministre. Nous la supprimerons par le biais d’un amendement gouvernemental soit en commission, si vous le décidez, soit en séance publique – le Premier ministre ayant demandé à la ministre du travail de réfléchir aux économies possibles par ailleurs.

Je rappelle qu’il ne s’agit pas tout à fait de 320 millions d’euros toutes administrations publiques (APU) comprises puisque, tous effets de compensation et de retour aux exonérations de droit commun pris en compte, le solde est plutôt de 110 millions, ce qui est déjà beaucoup. Nous aurons l’occasion d’en reparler avec la ministre du travail.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame Dupont, Monsieur Le Fur et Monsieur Pupponi m’ont interrogé sur la fiscalité locale.

Monsieur Le Fur, vous avez évoqué la crainte des propriétaires. Celle-ci n’a pas lieu d’être, car le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties, à partir de 2021, des départements vers les communes ne se traduira pas par une explosion de son montant. De fait, ce transfert ne s’accompagne ni d’une modification des valeurs locatives, ni d’un changement des politiques de taux – sauf décision légitime de communes compétentes en la matière. Par ailleurs, nous garantissons, pour celles des communes qui pâtiraient d’une sous-compensation dans le cadre de cette mesure, le versement de recettes par l’État au titre du compte d’avances. Nous veillons ainsi à une compensation à l’euro près, de surcroît dynamique pour que les communes n’éprouvent pas le besoin d’user de leur pouvoir de taux. Néanmoins, encore une fois, des communes peuvent faire, légitimement, dans le cadre de leurs compétences, le choix d’une hausse ou d’une baisse de la taxe foncière – dont elles auront la maîtrise quasi-totale, puisque seules les intercommunalités en garderont par ailleurs une fraction. Elles sont libres de mener la politique fiscale de leur choix en la matière, même si l’on observe plutôt une tendance à la modération.

Monsieur Pupponi, la nature des bases des communes populaires comprenant de nombreux logements sociaux est neutralisée lors du calcul de la compensation, puisque le coefficient correcteur que nous proposons s’applique non pas aux bases mais au produit, de sorte qu’il permet de garantir à l’euro près une compensation du produit de la taxe d’habitation pour les communes concernées. Là où nous pouvons vous rejoindre – mais vous connaissez comme moi, voire mieux que moi, la complexité du sujet –, c’est que nous n’introduisons pas, en plus de cette compensation intégrale et dynamique, le mécanisme de péréquation que vous appelez de vos vœux. En effet, résoudre le problème de la compensation à l’euro près par un dispositif aussi simple que possible, pérenne et durable, est suffisamment compliqué pour que nous n’y ajoutions pas un système de péréquation. Le Président de la République comme le Premier ministre se sont dits ouverts à une réflexion sur la question des dotations. Certes, nous savons, pour l’avoir vu en 2016 et précédemment, que la réforme des critères de répartition de la DGF est une entreprise extrêmement complexe. Mais cela ne doit pas nous dissuader d’y réfléchir.

J’ajoute, en ce qui concerne la péréquation, que nous allons mettre à profit l’année 2020 pour travailler avec vous à un dispositif qui permette de neutraliser, soit par une modification des critères de calcul, soit par une neutralisation pure et simple, l’effet qu’aurait la modification des assiettes et du panier fiscal des collectivités sur le calcul du potentiel fiscal. Il s’agit d’éviter que ce transfert de recettes, juste et à l’euro près, ait des conséquences indirectes sur les modalités de calcul des dotations de péréquation à n + 2, comme nous avions pu le constater en 2018 lorsque le potentiel fiscal avait été affecté par le changement de périmètre des intercommunalités. Si nous parvenons à modifier les critères de calcul pour aboutir à un système plus juste, tant mieux ; si nous n’y parvenons pas, le PLF 2021 sera l’occasion de neutraliser cet effet de bord.

S’agissant des variables d’ajustement, la compensation par le compte d’avances en recettes fiscales est une véritable garantie, puisqu’il n’est pas intégré de recettes fiscales dans les variables d’ajustement telles qu’on les connaît aujourd’hui. En outre, nous pouvons constater, depuis maintenant quatre exercices budgétaires, un véritable progrès en la matière, puisque le montant des variables, qui était de 589 millions en 2017 – ce qui avait des conséquences très importantes sur la prévisibilité des dotations – a été ramené à un peu moins de 300 millions en 2018, puis à 160 millions l’année dernière. Cette année, le montant des mesures gagées s’élèvera à 120 millions, dont seulement 75 millions sont inscrits en variables d’ajustement. On peut considérer que c’est encore 75 millions de trop, mais c’est une bonne chose pour les collectivités que les variables d’ajustement soient aussi faibles dans le total des concours financiers de l’État.

Par ailleurs, le coefficient correcteur, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir au cours des débats, permet non seulement d’assurer une compensation dynamique mais aussi et surtout d’éviter les inconvénients du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), qui se traduisait par une inscription durable soit d’un bénéfice soit d’un coût pour la collectivité, sans tenir compte de l’évolution des valeurs locatives.

Enfin, je tiens à vous informer qu’à partir de la semaine prochaine, l’ensemble des directions départementales des finances publiques seront à la disposition des élus pour leur fournir, commune par commune, les simulations que vous appelez de vos vœux. Une précision de méthode toutefois : ces simulations seront effectuées sur la base des valeurs locatives actuelles alors que la compensation versée en 2021 sera calculée sur la base des valeurs locatives de 2020, qui ne peuvent, par définition, être dès à présent connues. Quoi qu’il en soit, chacun pourra ainsi y voir beaucoup plus clair.

M. le président Éric Woerth. Messieurs les ministres, je vous remercie. Nous aurons l’occasion de reparler de tous ces sujets d’ici au 20 décembre.


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   AUDITION du PRÉSIDENT
DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES

Lors de sa réunion du 27 septembre 2019, la commission a entendu M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur les avis du Haut Conseil relatifs aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, en ce début d’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, j’ai une pensée pour Jacques Chirac et sa famille – et je crois pouvoir m’exprimer au nom de l’ensemble de notre commission. Il peut paraître décalé de parler du budget à l’heure où les Français sont en deuil d’un président qu’ils aimaient, quelle que soit leur couleur politique, mais c’est ainsi… Et rappelons-nous que Jacques Chirac a lui-même été secrétaire d’État à l’économie et aux finances.

Je vous informe que nous avons reçu un projet de décret de virement de crédits, qui est à votre disposition.

Nous recevons ce matin M. Didier Migaud, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Je vous rappelle que nous entendrons à treize heures trente M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, et M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, qui viendront nous présenter le projet de loi de finances à l’issue du conseil des ministres.

Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, vous êtes ici pour présenter l’avis sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale que le Haut Conseil a adopté le 23 septembre. Je rappelle que, depuis 2012, le Haut Conseil émet des avis sur les prévisions macroéconomiques qui fondent les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que sur la cohérence entre l’article liminaire du PLF et du PLFSS et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées par la loi de programmation – en l’occurrence, celle de 2018.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. Vous avez évoqué le président Jacques Chirac et je n’oublie pas qu’il a commencé sa carrière professionnelle comme magistrat à la Cour des comptes.

Je suis accompagné aujourd’hui de MM. François Monier, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques, Vianney Bourquard et Vladimir Borgy, rapporteurs généraux adjoints, Cyprien Canivenc, rapporteur, et Richard Hughes, un ancien haut responsable du Trésor britannique qui contribue, pour quelque temps, aux travaux du Haut Conseil des finances publiques et de la Cour des comptes. Il est intéressant d’avoir son sentiment sur ce qui se passe aujourd’hui au Royaume-Uni.

L’exercice qui nous rassemble aujourd’hui est désormais bien rodé : c’est en effet la septième fois que notre Haut Conseil rend un avis sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, et la troisième fois sous cette législature.

Vous l’avez rappelé, la mission du Haut Conseil des finances publiques ne consiste pas à produire ses propres prévisions. Il doit se prononcer sur les prévisions macroéconomiques présentées par le Gouvernement à l’occasion du PLF et du PLFSS pour 2020, ainsi que sur la cohérence de ces projets avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.

Cette mission nous conduit à réaliser une analyse approfondie des textes qui nous sont soumis par le Gouvernement. Pour formuler notre avis, nous nous appuyons sur des prévisions issues d’un ensemble d’organismes, tels que la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous auditionnons également de nombreux experts et représentants d’institutions françaises et internationales, notamment, pour cet avis, la Banque de France, la Banque des règlements internationaux, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), le Centre de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises (Rexecode) et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Je crois que votre commission a elle-même auditionné un certain nombre d’économistes la semaine dernière.

Je tiens tout d’abord à revenir sur le contexte macroéconomique dans lequel s’inscrivent les deux textes qui ont été soumis au Haut Conseil. Je présenterai ensuite les appréciations que nous portons sur les prévisions macroéconomiques formulées par le Gouvernement et sur le scénario de finances publiques qui leur est associé.

S’agissant d’abord du contexte macroéconomique, l’économie mondiale connaît, depuis plusieurs trimestres, un ralentissement marqué qui touche principalement l’Union européenne, la Chine et certains autres pays émergents. Ce ralentissement a été particulièrement marqué dans l’industrie. Il a pesé sur les échanges commerciaux, affectés de surcroît par la mise en place de mesures protectionnistes. Depuis la fin de l’année 2018, on observe ainsi un coup de frein sur les échanges de marchandises, en légère baisse au premier semestre 2019. Les échanges de services, eux, ont en revanche continué de croître.

Dans ce contexte international, la zone euro connaît un fléchissement de sa croissance. Cette inflexion recouvre cependant des évolutions contrastées entre les pays : à la mi-2019, la croissance sur un an est quasi nulle en Allemagne et en Italie, elle est modérée en France et elle demeure encore soutenue en Espagne. Plusieurs facteurs ont contribué à atténuer le ralentissement de l’activité dans la zone euro : je pense à l’orientation budgétaire légèrement expansive en 2019, au maintien d’une politique monétaire accommodante et à la dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar depuis le début de l’année 2018.

J’en viens à la situation de la France. Notre économie n’a pas échappé au ralentissement général. Sa croissance demeure néanmoins un peu supérieure à la moyenne de ses partenaires européens depuis la mi-2018. La demande intérieure hors stocks a progressé au deuxième trimestre 2019, portée par les mesures favorisant le pouvoir d’achat et par une augmentation toujours soutenue de l’investissement des entreprises. Malgré l’évolution défavorable du commerce mondial, les exportations françaises ont progressé de 2,5 % entre la mi-2018 et la mi-2019, marquant ainsi une légère amélioration des parts de marché de la France. Après une forte dégradation en 2018, le climat des affaires tiré des enquêtes de conjoncture s’est légèrement redressé depuis le début de 2019, laissant prévoir le maintien d’une croissance modérée sur la fin de l’année.

La situation et les perspectives de croissance que je viens de vous exposer sont toutefois entachées de plusieurs risques majeurs, dont l’avis du Haut Conseil rend compte.

À court terme, le principal risque est celui d’une sortie sans accord du Royaume‑Uni de l’Union européenne. L’impact économique de cet événement sans précédent est particulièrement difficile à estimer. La première année, il serait, selon une étude récente de l’OCDE, de près de 2 points de PIB pour le Royaume-Uni, supérieur à 0,5 point pour l’Espagne et les Pays-Bas et proche de 0,5 point pour l’Allemagne, l’Italie, mais aussi la France. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoit un impact sur l’économie française de 0,6 point de PIB sur plusieurs trimestres. Quant à l’OFCE, il estime que cet impact pourrait être moindre, de l’ordre de 0,25 point. En tout cas, il est certain qu’une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’Union européenne ne serait pas neutre.

De nouvelles hausses des tarifs douaniers de la part des États-Unis, notamment à l’encontre de l’Union européenne, constituent un autre risque important pour la croissance. Le Haut Conseil estime que plusieurs autres facteurs sont également susceptibles d’affecter la trajectoire de croissance française : les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et leurs répercussions possibles sur le prix du pétrole, les vulnérabilités financières liées à la hausse de l’endettement mondial, ainsi que la conjoncture économique en Allemagne, où la diminution de la demande intérieure pourrait s’ajouter à la récession industrielle en cours depuis plusieurs trimestres. Au total, les perspectives de croissance de l’économie française sont entourées d’aléas extérieurs défavorables.

J’en viens à présent aux observations formulées par le Haut Conseil sur le scénario macroéconomique du Gouvernement.

S’agissant de la croissance pour 2019, le Gouvernement prévoit dans le PLF un rythme de 1,4 %, soit une prévision identique à celle formulée au printemps dernier dans le programme de stabilité. Compte tenu de l’acquis de croissance au deuxième trimestre et des prévisions récentes pour la croissance du troisième trimestre, le Haut Conseil juge atteignable la prévision de croissance du Gouvernement pour 2019. Cette prévision est d’ailleurs cohérente avec celles des organisations internationales et des instituts de conjoncture, qui la situent pour la plupart autour de 1,3 %.

S’agissant de 2020, le Gouvernement prévoit un léger fléchissement de la croissance du PIB à 1,3 %. La consommation des gains de pouvoir d’achat du début 2019 ayant été plus lente que prévu, la prévision du Gouvernement fait l’hypothèse qu’elle se prolongera en 2020. Le taux d’épargne marquerait ainsi un léger recul, après avoir augmenté de 0,6 point en 2019. Le Haut Conseil estime que la baisse modérée du taux d’épargne ainsi prévue est vraisemblable. Il considère également que les hypothèses retenues par le Gouvernement quant à l’évolution de l’investissement des entreprises sont plausibles. La prévision du Gouvernement d’une croissance de 1,3 % en 2020 s’inscrit dans la fourchette des prévisions disponibles, comprises entre 1,2 et 1,4 %. Le Haut Conseil considère donc cette prévision comme plausible. Il souligne toutefois qu’elle ne prend pas en compte l’éventualité d’un Brexit sans accord et ses conséquences sur la croissance française.

S’agissant des prix à la consommation, le Gouvernement anticipe dans le projet de loi de finances pour 2020 une hausse de 1,2 % en moyenne annuelle pour 2019 et pour 2020. La baisse de l’inflation prévue par le Gouvernement en 2019 et 2020 par rapport à 2018 s’explique essentiellement par la moindre contribution des produits pétroliers, qui est nulle en 2019, alors qu’elle représentait 0,6 point en 2018. La prévision d’inflation du PLF repose sur l’hypothèse conventionnelle de stabilité du prix du pétrole à son niveau du mois d’août, à savoir 59 dollars le baril. Compte tenu des risques qui pèsent actuellement sur le maintien opérationnel des capacités de production, le prix du pétrole pourrait être plus élevé que celui prévu par le Gouvernement. Par exemple, si le prix du baril se maintenait au niveau de 64 dollars constaté la semaine dernière, c’est-à-dire 5 dollars au-dessus de l’hypothèse du PLF, l’inflation serait accrue d’environ 0,15 point au bout d’un an et l’activité réduite d’un peu moins de 0,1 point par rapport au scénario de croissance du PLF pour 2020. J’observe que, ce matin, un baril de pétrole coûte 62,50 dollars.

L’inflation « sous-jacente », hors produits à prix volatils et tarifs administrés, augmenterait très légèrement, passant de 0,8 % en 2018 à 0,9 % en 2019 et 2020. Le Haut Conseil note que le Gouvernement a légèrement révisé à la baisse ses prévisions d’inflation pour 2019 et 2020. L’appréciation qu’avait portée le Haut Conseil dans son avis d’avril 2019 sur le programme de stabilité se trouve confirmée. Il avait alors estimé que « la hausse attendue de l’inflation sous-jacente […] pourrait être plus lente que prévu par le Gouvernement ». Les prévisions d’inflation pour 2019 et 2020 sont proches de la moyenne du consensus forecast de septembre – respectivement 1,2 % et 1,3 %. Le Haut Conseil considère que les prévisions d’inflation retenues par le Gouvernement pour 2019 et 2020 sont raisonnables.

S’agissant des prévisions d’emploi et de masse salariale, le Haut Conseil estime pour 2019 que celles-ci sont cohérentes avec les dernières statistiques disponibles, qui enregistrent pour le premier semestre 2019 des créations d’emplois supérieures à ce que le fléchissement de l’activité faisait attendre. Pour 2020, le Haut Conseil considère que les prévisions du Gouvernement sont raisonnables, le ralentissement attendu de la masse salariale traduisant celui de l’emploi.

J’en ai fini avec les observations formulées par le Haut Conseil sur le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement pour les années 2019 et 2020. J’en viens à présent aux observations relatives aux prévisions de finances publiques.

Je donnerai d’abord l’appréciation du Haut Conseil sur les prévisions de recettes et de dépenses formulées par le Gouvernement.

S’agissant des recettes, le Gouvernement retient notamment une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 1 en 2019 et en 2020. Cette élasticité unitaire résulterait d’une évolution plus dynamique que le PIB des impôts d’État, compensée par une progression des recettes des administrations de sécurité sociale légèrement inférieure à celle de l’activité. Au total, après avoir analysé les montants estimés des mesures nouvelles pour 2019 et pour 2020, le Haut Conseil considère que les prévisions de prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu.

S’agissant des dépenses, l’augmentation globale des dépenses présentée dans le PLF hors crédits d’impôts pour 2019 est de 2,0 % en valeur et de 0,7 % en volume, en retenant pour déflateur l’indice des prix du PIB. En 2020, les dépenses des administrations publiques croîtraient de 1,6 % en valeur et de 0,4 % en volume, en décélération par rapport à 2019. Ce ralentissement s’expliquerait pour l’essentiel par le profil de l’investissement local, qui serait en forte augmentation en 2019, puis se stabiliserait quasiment en 2020 – avec une prévision à - 0,1 %.

L’objectif de dépenses de l’État intègre pour 2019 un accroissement des crédits des ministères de 5,7 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2018. Cet objectif inclut des économies de 1,5 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019 – des économies qui restent à réaliser en exécution. Les crédits des ministères poursuivraient leur croissance entre 2019 et 2020, à hauteur de 6 milliards d’euros.

Le Haut Conseil constate que des efforts visant une budgétisation plus réaliste des dépenses de l’État ont été effectués depuis le PLF pour 2018, même si quelques poches de sous-budgétisation demeurent. Il relève également que des incertitudes entourent les prévisions de prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (PSR-UE) et de charge d’intérêts. Dans le PLF pour 2020, le Gouvernement prévoit un prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne en légère diminution – de 100 millions d’euros – par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, alors que la dernière année des cadres financiers pluriannuels (CFP) montre généralement une forte accélération des dépenses de l’Union européenne et du prélèvement sur recettes.

En sens inverse, la charge d’intérêts pourrait être un peu moins élevée que ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2020. Par exemple, si les taux d’intérêt restaient inchangés à leur valeur au 1er septembre 2019, c’est-à-dire à - 0,6 % pour le taux à trois mois et à - 0,2 % pour le taux à dix ans jusqu’à la fin de l’année 2020, l’économie supplémentaire en dépense serait de l’ordre de 1 milliard d’euros en 2020. Je note que, ce matin, le taux à dix ans est de - 0,3 %.

Une telle évolution accentuerait la baisse déjà inscrite dans la prévision du Gouvernement, selon laquelle la charge de la dette des administrations passerait de 40,3 milliards d’euros en 2018 à 35,9 milliards en 2019 et 33,7 milliards en 2020, soit une diminution de près de 0,3 point de PIB en deux ans, alors même que la dette globale ne ferait que se stabiliser à un niveau proche de 100 points de PIB. Après avoir progressé de plus de 30 points depuis la crise de 2008, le ratio dette sur PIB n’a effectivement pas amorcé sa diminution, à la différence de ce que l’on observe dans la zone euro depuis 2016.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale seraient en légère décélération en 2020 par rapport à 2019. Cette prévision nous paraît atteignable, sous réserve que les économies annoncées, notamment sur l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) et sur l’assurance chômage (Unédic) se réalisent pour les montants attendus.

Les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales (APUL) augmenteraient de 1,5 % en 2019 et de 0,7 % en 2020 dans le scénario du Gouvernement. Leur investissement augmenterait de 8,9 % en 2019, puis diminuerait de 0,1 % en 2020, en lien avec le cycle électoral. Les informations disponibles à ce jour indiquent que la dépense locale en 2019 pourrait être plus soutenue que celle prévue dans le PLF, notamment en matière d’investissement – les chiffres de la fin du mois d’août sont supérieurs à ceux annoncés par le Gouvernement. Il pourrait en aller de même en 2020, compte tenu notamment du niveau élevé de l’épargne des collectivités locales.

En résumé, le Haut Conseil estime que la prévision d’évolution des dépenses publiques pour 2019 et 2020 est plausible et qu’il en va de même des prévisions de déficit nominal, de - 3,1 points de PIB en 2019 et - 2,2 points en 2020, compte tenu de l’appréciation formulée plus haut sur les recettes.

J’en viens à présent à la cohérence des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale examinés par le Haut Conseil avec les orientations pluriannuelles de solde structurel. Cette cohérence s’apprécie au regard de la trajectoire de solde structurel formulée dans la loi de programmation en vigueur, celle du 18 janvier 2018.

Le solde public nominal, comme je l’ai dit, s’établirait à - 3,1 points de PIB en 2019, puis à - 2,2 points en 2020. Vous le savez, l’année 2019 est marquée par le cumul exceptionnel du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et de la baisse de cotisations, qui dégrade le solde nominal de 20 milliards d’euros – l’équivalent de 0,8 point de PIB – sans incidence sur le solde structurel. La composante conjoncturelle du déficit serait quasi-nulle pour les deux années, compte tenu de l’estimation retenue par le Gouvernement d’un écart de production lui-même très proche de zéro. Une fois corrigé des effets de la conjoncture et des événements exceptionnels, le solde structurel, tel qu’estimé par le Gouvernement, serait de - 2,2 points de PIB pour les deux années 2019 et 2020.

En 2019, ce solde structurel serait en amélioration de 0,1 point par rapport à 2018. D’après les chiffres présentés dans le projet de loi de finances pour 2020, l’écart avec la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques s’établirait à - 0,1 point de PIB en 2018 et à - 0,3 point en 2019. L’écart moyen sur deux années serait donc de 0,2 point par an en moyenne, soit un niveau très proche du seuil de 0,25 point par an prévu pour le déclenchement du mécanisme de correction, à l’article 23 de la loi organique de 2012. Le Haut Conseil note que l’hypothèse d’un déclenchement du mécanisme de correction lors de l’examen du projet de loi de règlement pour 2019 ne peut donc être écartée, compte tenu des incertitudes qui pèsent inévitablement tant sur les estimations du PIB que sur celles de solde public.

S’agissant de 2020, le solde structurel serait inchangé par rapport à 2019, soit ‑ 2,2 points de PIB. Cette prévision de déficit structurel prend notamment en compte les mesures annoncées fin avril, à la suite du grand débat national. Le solde structurel en 2020 s’écarterait sensiblement de l’objectif inscrit dans la loi de programmation de janvier 2018, qui prévoyait pour 2020 un déficit structurel de 1,6 point de PIB. Le Haut Conseil relève en conséquence que le Gouvernement présente un article liminaire du projet de loi de finances qui s’écarte fortement de la trajectoire de la loi de programmation en vigueur. Un tel choix pose un problème de cohérence entre le projet de loi de finances pour 2020 et la loi de programmation des finances publiques, et il affaiblit la portée de l’exercice de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques.

Le Haut Conseil souligne que les ajustements structurels – c’est-à-dire les variations du solde structurel – prévus pour 2019 et 2020 sont très faibles et en deçà de ceux prévus par la loi de programmation. Selon le projet de loi de finances, la variation de solde structurel entre 2018 et 2019 s’élèverait ainsi à 0,1 point de PIB et serait nulle entre 2019 et 2020, alors que la loi de programmation prévoyait un ajustement de 0,3 point les deux années. L’effort structurel, qui représente la partie de l’ajustement structurel directement liée à un effort en dépense ou à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires, s’élèverait à 0,1 point de PIB en 2019 comme en 2020, alors que la loi de programmation des finances publiques prévoyait 0,7 point en deux ans.

Sur la période 2018-2020, l’écart cumulé d’effort structurel entre le PLF et la loi de programmation de -0,6 point sur les deux années 2019 et 2020 correspond essentiellement à un moindre effort en dépense de -0,3 point de PIB, malgré la baisse des charges d’intérêts, et à une réduction supplémentaire des prélèvements à hauteur de ‑0,2 point de PIB.

Ces chiffres doivent en outre s’apprécier au regard des engagements européens que la France a pris. Le Haut Conseil souligne que les ajustements structurels prévus pour 2019 et 2020, qui seront soumis à l’appréciation de la Commission européenne, sont inférieurs au minimum prévu dans le volet préventif du pacte de stabilité, qui correspond à un ajustement de 0,5 point par an.

Je terminerai en soulignant que le déficit public de la France, nominal comme structurel, un peu supérieur à 2 points de PIB hors opérations exceptionnelles, demeure nettement plus élevé que la moyenne de la zone euro, qui se situe en 2019 autour de 0,9 point de PIB, en nominal et en structurel. Malgré une certaine amélioration, la situation de nos finances publiques reste fragile et laisserait peu de marge de manœuvre budgétaire dans l’hypothèse d’une accentuation du ralentissement économique.

Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, les quelques observations que je voulais faire, en ma qualité de président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le président, je vous remercie pour cette présentation. L’avis du Haut Conseil des finances publiques, qui est très dense, valide les prévisions du Gouvernement et les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent le projet de loi de finances pour 2020, qu’il s’agisse de l’emploi, de la masse salariale, de la croissance ou de l’inflation. Cette validation, favorisée par la manière dont nos finances publiques sont organisées depuis quelques années, est une bonne chose et la garantie d’un débat serein.

Cela étant, certains des points que vous avez soulevés me paraissent extrêmement inquiétants, et nous y reviendrons avec les ministres. Le solde structurel reste extrêmement élevé en valeur absolue. Dans la mesure où il n’y a presque plus de variable conjoncturelle, le solde structurel sera à peu près équivalent au solde nominal en 2020. Or le niveau de notre déficit, qui va stagner à 2,2 % en 2019 et 2020, est plus de deux fois supérieur à celui de nos partenaires de la zone euro. L’absence d’effort structurel est problématique en soi, mais elle pose aussi la question du sens des lois de programmation que nous votons : l’écart est grand entre ce que nous avons voté dans la loi de programmation des finances publiques et la réalité actuelle.

Au mois de juillet, le rapporteur général et moi-même avons écrit au Premier ministre pour lui faire part de notre inquiétude et l’inviter à réviser la loi de programmation des finances publiques dès cet automne, afin de prendre acte de la situation, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan politique. En effet, ces courbes ne sont pas comptables : elles résultent de choix politiques. Or le Premier ministre nous a répondu qu’il n’avait ni l’obligation, ni l’intention de réviser la loi de programmation au cours de l’automne. Il a renvoyé le débat au printemps et en a élargi le champ, au-delà de la loi de programmation. Vous notez à juste titre, monsieur le président, que, dans ces conditions, l’article liminaire du projet de loi de finances n’est pas cohérent avec la loi de programmation des finances publiques.

Vous avez expliqué que vous ne prenez pas en compte, et c’est bien naturel, les risques liés aux crises éventuelles que pourrait provoquer la sortie sans accord du Royaume‑Uni de l’Union européenne, ni les nuages qui continuent de s’amonceler sur le commerce international. Mais peut-être pourriez-vous nous aider à mieux évaluer le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, puisque vous dites qu’il y a des risques de ce point de vue. Ce prélèvement sur recettes est souvent synonyme de bonne nouvelle, mais vous semblez dire que nous pourrions au contraire avoir une mauvaise surprise : pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? Enfin, pouvez-vous nous en dire davantage sur les sous‑budgétisations que vous pointez ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Permettez-moi de m’associer à vos propos concernant le décès de l’ancien Président de la République, Jacques Chirac. Je me souviens d’une élection présidentielle, pour laquelle j’avais récupéré beaucoup de procurations pour m’assurer que le score des valeurs républicaines serait très supérieur à celui du candidat qui ne les représentait pas. La reconnaissance par le président Chirac de la responsabilité de la France dans l’Holocauste n’y était pas étrangère : c’était une preuve de courage.

Je tiens tout d’abord à souligner l’analyse positive du Haut Conseil : toutes les hypothèses gouvernementales structurant le PLF 2020 sont considérées comme raisonnables, atteignables, cohérentes, plausibles. Dans la sémantique du Haut Conseil, très proche de celle de la Cour des Comptes, cela signifie que nous avons fait preuve de clarté et de sincérité, ce qui nous convient particulièrement.

En revanche, la trajectoire que nous avons adoptée dans la loi de programmation des finances publiques est devenue obsolète : il faut en changer. Avec le président de la commission des finances, nous avons effectivement écrit en juillet au Gouvernement en ce sens. Il ne s’agit pas de remettre en cause la mise en œuvre de mesures ambitieuses pour le pouvoir d’achat des ménages, justifiée par l’urgence économique et sociale, mais de préserver la crédibilité de notre politique budgétaire : elle justifie que l’on ajuste nos objectifs de solde public pour la fin du quinquennat. J’ai bien entendu vos propos, monsieur le président du Haut Conseil, concernant le mécanisme de correction pouvant être enclenché à l’occasion de la loi de règlement : en l’absence d’une loi de programmation des finances publiques rectificative au printemps 2020, ce mécanisme de correction serait-il enclenché ?

Concernant l’incertitude liée au Brexit, et dans la mesure où vous comptez un expert – je n’ai pas dit un réfugié politique ! (sourires) – dans vos rangs, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur le coût envisagé de 0,5 point de PIB en 2020 et 2021 pour la France en cas de Brexit sans accord : les données et les informations économiques récentes confortent‑elles cette estimation ?

Mme Émilie Cariou. Selon l’avis du Haut Conseil des finances publiques, plusieurs feux sont au vert. Certes, nous reconnaissons qu’il y a un sujet comptable de modulation de notre trajectoire budgétaire par rapport à la loi de programmation initiale mais nous respectons bien les règles de sérieux budgétaire, alors que nous avons pris et continuons de prendre des mesures massives de redistribution vers les classes moyennes. Les prévisions vous semblent sincères : nous faisons preuve de réalisme comptable tout en prenant des décisions adaptées à l’état de notre pays.

Vous avez souligné que notre prévision de croissance nationale, qui contraste avec celle de la zone euro, ne tenait pas compte de l’éventualité d’un Brexit sans accord. Pouvez‑vous nous préciser la nature et les modalités de chiffrage des répercussions que vous évoquez ? Selon moi, les conséquences du Brexit sont difficilement chiffrables mais peut-être le Haut Conseil a-t-il déjà réalisé des estimations ?

Par ailleurs, comment le Haut Conseil intègre-t-il les possibles évolutions d’assiette favorables dans les prochains mois concernant l’impôt sur les sociétés ? La France défend de nombreuses solutions au G7, au G20 et à l’OCDE, dont celle d’une imposition minimale, et nous avons un réel espoir d’aboutir dans les années qui viennent. Les économistes qui font des chiffrages prévoient des impacts très bénéfiques pour la France : le Haut Conseil intègre-t-il ces perspectives de fiscalité internationale ?

Mme Véronique Louwagie. Votre présentation fait état de plusieurs inquiétudes. La première porte sur le niveau du déficit structurel, qui reste en 2020 identique à celui de 2019 et s’éloigne fortement du déficit prévu dans la loi de programmation des finances publiques, bien que la situation soit très favorable concernant la charge d’intérêts.

Le Haut Conseil des finances publiques relève un problème de cohérence entre le PLF et la loi de programmation des finances publiques, les choix opérés par le Gouvernement affaiblissant la portée de l’exercice de programmation pluriannuelle. J’irai un peu plus loin : les renoncements réguliers et récurrents du Gouvernement ne sont-ils pas de nature à remettre en cause la cohérence de l’ensemble de ses hypothèses ?

Par ailleurs, concernant la croissance de l’activité, vous indiquez que les aléas extérieurs ne sont pas pris en compte, notamment le prix du baril. Avez-vous une réelle inquiétude concernant l’évolution de ce dernier ?

Enfin, vous faites état d’une incertitude concernant l’évolution du comportement des ménages : avez-vous des éléments vous conduisant à avoir des doutes ? Ainsi, la réforme des retraites, source d’inquiétude chez les Français, peut-elle avoir des conséquences ?

M. Jean-Paul Mattei. L’avis du Haut Conseil est encourageant pour la sincérité du budget que nous examinerons dès la semaine prochaine. Si les prévisions de croissance restent positives en France, en dépit du coût de 0,5 point de PIB que pourrait entraîner le Brexit, il n’en demeure pas moins que l’endettement public a encore augmenté, passant de 98,4 % à 98,8 % sur une année : ces chiffres témoignent d’une tendance contraire à celle de la zone euro, qui a vu la charge de la dette publique diminuer depuis 2016. Si les taux d’intérêt, soutenus par une politique monétaire européenne favorable, semblent encore intéressants et diminuent la charge de la dette, ces perspectives pourraient-elles évoluer en cas de confirmation d’un Brexit dur dans les prochains mois ?

Un point a particulièrement retenu votre attention concernant le solde structurel : les ajustements en 2019 et 2020 se situent en deçà de ceux prévus par la loi de programmation. Vous estimez dans votre avis que la trajectoire de ce solde présenterait une difficulté au regard de la loi de programmation. L’amélioration des indicateurs de croissance économique, portée par le dynamisme des entreprises et renforcée par les mesures d’encouragement à l’investissement que nous avons adoptées depuis le début de cette législature, ne serait-elle pas susceptible de résoudre cette difficulté ?

Par ailleurs, avec la disparition progressive de la taxe d’habitation, pensez-vous que le taux de prélèvements obligatoires amorcera une baisse à l’horizon 2020 ? Quel bilan tirez-vous de la mise en place de cette mesure pour les finances publiques et celles des collectivités territoriales ?

Enfin, quelles perspectives d’évolution le Haut Conseil distingue-t-il concernant la contractualisation avec les collectivités territoriales, sujet que vous aviez abordé dans votre avis précédent ?

M. Michel Castellani. Nous prenons acte des choix du Gouvernement de laisser filer l’endettement et de procéder à une tentative de relance par la consommation des ménages à hauteur de 9 milliards. Même si nous souhaitons la réussite de cette politique, les prévisions de croissance sont fragiles et, de toute façon, à 1,3 %, il n’y a pas de marge d’amélioration structurelle du marché de l’emploi et des finances publiques. Il en va de même pour les taux d’intérêt, la croissance mondiale, qui peut aggraver son ralentissement, le coût des énergies fossiles ou le Brexit.

En toute hypothèse, nous ne sommes plus dans la trajectoire : le solde structurel s’établirait à - 2,2 % et non - 1,6 %. Ne pensez-vous pas qu’il serait utile que le Gouvernement établisse une nouvelle loi de programmation dans l’objectif d’une maîtrise des grands équilibres budgétaires, à travers une redéfinition de la politique budgétaire à moyen terme ?

M. Éric Coquerel. Vous remarquerez tous que, dans les tableaux « Climat des affaires en France et en zone euro » et « PIB en volume en France et en zone euro », la courbe française est meilleure que la courbe européenne. Cela me donne l’occasion de saluer les effets d’une politique obtenue grâce à la mobilisation des gilets jaunes, qui a permis une meilleure croissance que chez nos collègues européens.

Selon le Haut Conseil, la prévision de croissance du PLF est atteignable pour 2019 à 1,4 %, et plausible pour 2020 à 1,3 % : pourtant, le consensus forecast, qui compile toutes les prévisions des principaux organismes, prévoit plutôt 1,3 % de croissance en 2019 et 1,2 % en 2020 : pourquoi donc ne pas dire que la prévision de croissance du Gouvernement est légèrement surestimée ?

De plus, vous dites vous-même que cette prévision ne prend pas en compte l’éventualité d’un Brexit sans accord et ses conséquences sur la croissance française. Or l’impact serait, selon l’OCDE, de 0,5 point la première année. Doit-on en conclure que si un Brexit sans accord intervenait, le Gouvernement devrait procéder à des coupes encore plus importantes dans les dépenses pour atteindre ses objectifs européens ?

Par ailleurs, vous indiquez que l’objectif de déficit inclut des économies de 1,5 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, économies qui restent à réaliser en exécution. Cela signifie-t-il que le Gouvernement coupera dans les trois prochains mois les budgets de certains ministères pour un total de 1,5 milliard d’euros, sans que nous sachions lesquels seront visés ?

Enfin, le ralentissement de l’activité dans la zone euro a été atténué par une « orientation budgétaire légèrement expansive », pour reprendre vos termes. Ne devrait-on pas faire la même chose en France, ne serait-ce que pour atténuer les effets d’un ralentissement de la croissance que nous constatons tous ? De ce point de vue, la transition énergétique pourrait largement en bénéficier.

M. Jean-Paul Dufrègne. Même si vous ne le dites pas, votre avis montre très bien que si le déficit public ne diminue pas, ce n’est pas parce que l'État serait trop dépensier mais bien parce que le Gouvernement fait de l’idéologie en baissant sans véritables égards les prélèvements obligatoires, en particulier ceux des plus aisés et du secteur marchand : 28,2 milliards d’euros de baisses d’impôts supplémentaires en 2019 du fait d’un CICE doublé. Sur ces points, je renvoie mes collègues au tableau situé page 12, qui détaille l’effort structurel réalisé et met en lumière la boussole budgétaire de l’exécutif et de sa majorité : toujours moins d’impôts pour toujours moins de dépenses publiques – cela ne change pas.

En 2020, il y aura à nouveau des baisses d’impôts sans véritable financement, alors que des marges de manœuvre sur les recettes existent, notamment sur les niches fiscales, la progressivité de l’impôt sur le revenu ou encore la fiscalité du patrimoine. Sur ce point, disposez-vous d’éléments évaluant l’effet de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune sur l’investissement et la création d’emplois dans notre pays ?

Vous signalez par ailleurs dans votre avis l’existence de vulnérabilités financières liées à la hausse de l’endettement mondial : quelles sont ces vulnérabilités ? Menacent-elles la France et l’Europe ?

Enfin, vous anticipez un moindre recours à l’épargne en 2020 par rapport à 2019 : quels sont les éléments vous permettant de faire cette anticipation, alors que le niveau d’épargne est particulièrement important cette année ?

M. Daniel Labaronne. Vous avez mis l’accent sur la question du déficit structurel dans votre avis. Il y est indiqué que « l’identification des composantes conjoncturelle et structurelle du déficit public repose fondamentalement sur l’estimation du PIB potentiel ». Le problème est que le PIB potentiel fait l’objet d’un certain nombre d’incertitudes statistiques qui sont très fortes. Vous avez fait un effort sur le plan pédagogique, puisque vous tentez d’expliquer ce qu’est la croissance potentielle. Il serait peut-être intéressant d’aller jusqu’au bout de l’explication du mode de calcul de la croissance potentielle sur le plan économétrique – car nous sommes dans la main des économètres, il faut le reconnaître. Il y a des incertitudes statistiques. L’écart de production, c’est-à-dire la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel, est de - 0,3 point pour l’OCDE et de + 0,4 point selon la Commission européenne, ce qui ne représente que 15 milliards d’euros de différence…

Il y a beaucoup d’incertitudes sur le calcul de l’élasticité des prélèvements obligatoires et il existe un grand débat dans la littérature économique sur les hypothèses relatives à la fonction de production. S’agissant des résultats obtenus, vous aviez souligné en 2017 que des révisions très importantes peuvent se produire. En 2006, on avait estimé l’écart de production à ‑ 0,8 % dans un premier temps mais on a atteint + 2,3 % en définitive – excusez du peu !

Le Gouvernement estime la croissance du PIB potentiel à 1,25 % en 2020. Je rappelle qu’il s’agit du niveau de production que l’on pourrait obtenir en l’absence de tensions sur les facteurs de production – le capital et le travail. Nous rencontrons des chefs d’entreprise qui nous disent que les délais de livraison des machines outils ont considérablement augmenté parce qu’il existe une dynamique d’investissement très forte dans le pays et que les délais s’allongent. Les chefs d’entreprise nous disent aussi qu’ils rencontrent des difficultés en matière de main-d’œuvre, qu’il y a des goulets d’étranglement pour les recrutements. J’estime que le taux de 1,25 % est inférieur à ce que devrait être la croissance potentielle. Or cela change tout. Si la croissance potentielle est beaucoup plus importante, cela affecte le calcul du déficit structurel, qui sera beaucoup moins élevé que ce qui est annoncé. Il faudrait vraiment lancer un débat sur le calcul de la croissance potentielle et du déficit structurel.

Vous y verrez peut-être malice, mais je voudrais aussi revenir sur les débats qui ont eu lieu en séance le 14 octobre 2015. Le président de la commission des finances – c’était à l’époque Gilles Carrez – se disait « structuro-sceptique » : il avait déposé un amendement par lequel il dénonçait le caractère artificiel, voire arbitraire, des notions de croissance potentielle, d’écart de production et de solde structurel. J’invite à faire preuve de prudence à l’égard des chiffres retenus en la matière. Ne faudrait-il pas engager un débat entre économètres et économistes sur cette question ?

Mme Marie-Christine Dalloz. En ce qui concerne le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, un de vos graphiques pointe un écart de 1 milliard d’euros entre la prévision pour 2020 et le profil moyen de la dernière année des cadres financiers pluriannuels au cours des trois derniers exercices. Un tel écart est substantiel.

Selon la synthèse de votre avis, un Brexit sans accord aurait des conséquences évidentes sur la croissance française et donc sur les recettes potentielles. Ne faut-il pas aussi prévoir une augmentation du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne du fait de la sortie du Royaume-Uni ? Elle aura des implications multiples, y compris dans ce domaine.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. Merci pour toutes ces observations et ces questions.

S’agissant des hypothèses macroéconomiques, nous avons considéré que la prévision du Gouvernement est atteignable. Pour 2019, cela peut être une question d’arrondi, tout simplement. Pour atteindre un taux de 1,4 %, il faudrait 0,35 % aux troisième et quatrième trimestres. Ce n’est pas nécessairement impossible : l’estimation de la Banque de France est de 0,3 %, comme celle de l’INSEE. Comment arrondira-t-on ? Il est vraiment difficile de se prononcer aujourd’hui, mais l’objectif peut tout à fait être atteint. En ce qui concerne 2020, le Gouvernement a réduit de 0,1 % sa prévision, qui correspond à la moyenne de la fourchette des estimations. Cela peut aussi dépendre de l’acquis de croissance en 2019 et de la façon dont on arrondit. Par ailleurs, tout cela est sous réserve que l’INSEE, dont vous avez auditionné le directeur général la semaine dernière, ne révise pas ses estimations pour les différents trimestres, à la hausse ou à la baisse. Nous considérons – je l’ai dit – que les hypothèses macroéconomiques sont tout à fait plausibles.

Quant aux incertitudes sur la conjoncture internationale, aucun organisme ne prend en compte dans son scénario central l’hypothèse d’un Brexit sans accord. Il existe beaucoup d’incertitudes sur les conséquences qui auraient lieu dans ce cas. On le voit bien quand on regarde l’ampleur de la fourchette pour l’impact possible sur la croissance dans l’Union européenne – et en France. L’INSEE, je l’ai dit, a chiffré l’impact d’un Brexit sans accord à 0,6 point de PIB, sur plusieurs trimestres. L’OCDE considère qu’il peut y avoir un impact de 0,5 point en France, tandis que l’OFCE retient un chiffre inférieur, celui de 0,25 point. Tout le monde considère qu’un Brexit sans accord aurait des répercussions sur l’activité dans notre pays, tout simplement parce que cela implique à moyen terme des pertes économiques, principalement liées à la réduction des échanges commerciaux. Néanmoins, cela dépendra très fortement des conditions de la mise en œuvre du Brexit, en particulier de la mise en place ou non de droits de douane sur les produits importés au Royaume-Uni, de la préparation des entreprises – il n’est pas facile de mesurer si elles sont bien préparées – et des délais aux frontières pour les marchandises et les personnes.

La Banque d’Angleterre est beaucoup plus pessimiste que les instituts que je viens de citer en ce qui concerne l’impact sur le PIB au Royaume-Uni et les conséquences dans les États membres de l’Union européenne. Si vous le permettez, je vais laisser Richard Hughes vous en dire quelques mots.

M. Richard Hughes (Trésor britannique). D’après l’OCDE, un Brexit sans accord aurait un impact d’environ 2 % du PIB en 2020. Selon les dernières estimations de la Banque d’Angleterre, qui datent du 3 septembre dernier, l’impact sur le PIB s’élèverait en 2020 à 5,5 % du PIB au Royaume-Uni. Si l’on utilise le même ratio que l’OCDE entre l’économie britannique et l’économie française, l’impact serait alors d’environ 1 % en France.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. En ce qui concerne le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, nous constatons en effet un écart entre la prévision du Gouvernement pour 2020 et le profil moyen au cours des trois derniers exercices – cela représente à peu près 1 milliard d’euros.

Les évolutions, dans un sens et dans l’autre, peuvent s’équilibrer. Si les taux d’intérêt restent bas, cela redonnera des marges de manœuvre du côté de la charge liée à l’endettement. Nous n’avons pas d’inquiétude particulière sur l’équilibre prévu entre les dépenses et les recettes, sous réserve que tout soit conforme en exécution, bien sûr, notamment s’agissant des économies à réaliser.

De même que la Cour des comptes, nous notons un effort réel de sincérisation de la part de l’exécutif. Il peut exister encore quelques poches de sous-budgétisation, c’est exact – elles sont essentiellement liées aux OPEX et aux missions intérieures. Le phénomène se réduit de plus en plus, mais il y a toujours un risque, qui peut éventuellement être compensé par de bonnes nouvelles dans d’autres domaines. Compte tenu des informations qui sont les siennes, le Haut Conseil n’est pas en mesure de porter une appréciation plus détaillée sur l’ensemble des dépenses : nous n’avons pas connaissance de tout le projet de loi de finances au moment où nous rendons notre avis. La Cour des comptes pourra vous apporter des éléments complémentaires.

Les enquêtes dont nous avons connaissance font état d’un moral plutôt bon, et même en amélioration en septembre, en ce qui concerne les ménages français. On est plutôt au-dessus de la moyenne. Cela peut avoir des conséquences sur le niveau de consommation et rendre tout à fait possible une légère baisse du taux d’épargne en France, comme le prévoit le Gouvernement, d’une manière d’ailleurs prudente.

Sur le plan international, il peut aussi y avoir des évolutions positives avec des répercussions en France. Je pense, par exemple, à une baisse plus importante du taux d’épargne et à un niveau de consommation plus élevé. Il y a une forte incertitude sur la situation en Allemagne et sur le niveau du rebond qui pourrait avoir lieu dans ce pays – on a de fortes interrogations au sujet de l’industrie allemande et des répercussions de l’évolution du commerce mondial.

On a assisté à une baisse du taux de prélèvements obligatoires (PO) en 2019, du fait de la transformation du CICE. Il ne faut pas l’oublier, même si les objectifs du Gouvernement pour 2020 sont marqués par un moindre effort en matière de dépenses et par une augmentation des réductions d’impôts, ce qui pèsera naturellement sur les indicateurs. Les PO remonteront par rapport à cette année, avec le contrecoup de la transformation du CICE.

Je ne peux pas répondre à la question portant sur les collectivités territoriales. Dans son rapport sur les finances publiques locales, la Cour des comptes a constaté que les objectifs de la contractualisation paraissent tenus, même si l’on manque encore de recul pour apprécier les effets du dispositif. La Cour a formulé un certain nombre de propositions pour l’améliorer.

Il existe de nombreuses interrogations à propos des aspects structurels. Une réflexion est en cours au niveau européen sur le potentiel de croissance, l’écart de production et la définition du solde structurel. Cette approche est fragile, mais c’est encore la moins mauvaise si l’on veut corriger les effets de la conjoncture – et tout le monde convient qu’on doit le faire. Le solde structurel reste intéressant pour apprécier la réalité de la situation dans un contexte où la conjoncture peut bouger. Il n’y a pas d’autre méthode à l’heure actuelle. Une réflexion est engagée et il est souhaitable qu’elle aboutisse compte tenu des interrogations et des incertitudes qui existent : quand on regarde les estimations, on voit qu’il y a des différences au sujet de l’écart de production et des conséquences que l’on peut en tirer en matière de solde structurel.

Sur ce dernier plan, on constate que la France ne progresse pas beaucoup. L’ajustement structurel est faible par rapport aux objectifs inscrits dans la loi de programmation des finances publiques et à ce que prévoient les règles européennes dans le cadre du volet préventif pour les pays se trouvant en dessous de 3 % de déficit. Il n’appartient pas au Haut Conseil de recommander une modification de la loi de programmation mais il pourra peut-être constater, à un moment, qu’il existe un tel écart que cela nécessite le déclenchement du mécanisme de correction. Il est vrai que le projet de loi de finances prévoit, ex ante, un écart important avec la loi de programmation en vigueur. Le Gouvernement a été amené à modifier ses objectifs du fait des conséquences qu’il a tirées du mouvement des gilets jaunes et des décisions prises à la suite du grand débat national, mais la loi de programmation n’a pas été corrigée dans l’immédiat. L’écart entre le PLF pour 2020 et la loi de programmation de 2018 conduit naturellement à s’interroger sur le sens des lois de programmation et sur la programmation en tant que telle.

M. le président Éric Woerth. C’est un vrai sujet.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. Oui. Il vous concerne, comme l’ensemble des pouvoirs publics.

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*     *

 

 

 


([1]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2019.

([2]) OCDE, « Perspectives économiques », prévisions intermédiaires, septembre 2019.

([3]) Commission européenne, « Prévisions économiques de l’été », juillet 2019.

([4]) DG Trésor, « Effets des premières tensions commerciales apparues entre la Chine et les États-Unis », Trésor-Eco n° 244, septembre 2019.

([5]) INSEE, Point de conjoncture, octobre 2019.

([6]) INSEE, Point de conjoncture, octobre 2019.

([7]) Le taux de marge est égal au rapport entre l’excédent brut d’exploitation et la valeur ajoutée.

([8]) Un chômeur au sens du Bureau international du travail (BIT) est une personne en âge de travailler (c’est-à-dire ayant 15 ans ou plus) qui n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence, est disponible pour travailler dans les deux semaines et a entrepris des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent (ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois). 

([9]) INSEE, Point de conjoncture, octobre 2019.

([10]) INSEE, Point de conjoncture, octobre 2019.

([11]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([12]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([13]) Voir compte rendu, reproduit dans le présent rapport général, de l’audition par la commission des finances de M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, le 27 septembre 2019.

([14]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2019-3 du 23 septembre 2019 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2020.

([15]) En 2017, l’Allemagne est le premier partenaire commercial de la France (15,4 % de ses échanges commerciaux, importations et exportations).

([16]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([17]) Cette hausse, détaillée dans la fiche « Les recettes de l’État » du présent tome I, est également la conséquence de la révision à la hausse du dividende de la Banque de France, des recouvrements dynamiques des amendes ainsi que des recettes d’enchères des quotas carbone.

([18]) Les finances des collectivités locales en 2019, septembre 2019.

([19]) Cour des comptes, La situation financière des finances sociales, juin 2019.

([20]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([21]) Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

([22]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([23]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2019-3 du 23 septembre 2019.

([24]) M. Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019 (tome I, Exposé général), Assemblée nationale, XVe législature, n° 1302, 11 octobre 2018.

([25])  M. Joël Giraud, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169, juillet 2019.

([26]) Rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques, tome I, juillet 2017, p. 16.

([27]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([28])  Depuis septembre 2014, le système européen des comptes nationaux (SEC) enregistre les crédits d’impôts dits restituables comme un surplus de dépenses. Le montant enregistré en dépense est le montant intégral de la créance reconnue par l’administration fiscale et non pas seulement le montant budgétaire imputé ou restitué. Le Gouvernement fait généralement le choix d’une double présentation de la dépense publique dans les documents budgétaires. Pour neutraliser les effets de périmètre liés à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et à la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique en prime, le présent rapport expose la dépense publique hors crédits d’impôts.

([29]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, pp. 132 et suivantes.  

([30])  M. Laurent Saint‑Martin, rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (n° 2210), Assemblée nationale, XVe législature, p. 39‑40.

([31]) Ces données, en comptabilité budgétaire, ne peuvent pas être comparées à la croissance en volume des administrations publiques centrales, présentée en comptabilité nationale. Le lecteur trouvera des informations utiles sur ces types de comptabilité dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances pp. 222 et 223.

([32]) Voir la fiche sur les dépenses de l’État.

([33]) La révision à la hausse du taux de croissance de l’ONDAM pour 2019 tient à l’effet base de la sous‑exécution de 2018 qui serait plus forte que la sous‑exécution attendue pour 2019. Voir le rapport sur les comptes de la sécurité sociale, résultats 2019, prévisions 2019 et 2020, volume 1, septembre 2019, pp. 74 et suivantes.

([34]) Les recettes et dépenses de l’assurance chômage ne sont pas incluses dans le champ des comptes de la sécurité sociale au sens du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais elles sont incluses dans le champ des administrations de sécurité sociale au sens de la comptabilité nationale.

([35]) Article 57 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([36]) Article L. 5422–20 du code du travail.

([37]) Décret n° 2019‑796 du 26 juillet 2019 relatif aux nouveaux droits à indemnisation, à diverses mesures relatives aux travailleurs privés d’emploi et à l’expérimentation d’un journal de la recherche d’emploi, et décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.

([38]) À champ constant et hors dépenses imputables au plan d’investissement dans les compétences et écrêtement des dépenses des allocations individuelles de solidarité au-delà de 2 %.

([39]) Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, p. 121.

([40]) Cour des comptes, La situation financière des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2018, juin 2019, pp. 44 et suivantes.

([41]) Rapport économique, social et financier 2020, p. 91.

([42]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

([43]) Il faut distinguer, d’une part, la charge de la dette publique française qui, exprimée en comptabilité nationale est la charge d’intérêts de l’ensemble des administrations publiques et, d’autre part, la charge d’intérêts de la dette de l’État, qui est exprimée en comptabilité budgétaire et dont les crédits sont portés par le programme 117 du budget général.

([44]) Rapport annexé à la loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([45]) Remarquons que cet indicateur mêle une approche par « stock » (l’encours de dette) et une approche par « flux », le PIB étant assimilable à la richesse nationale d’une année.

([46]) Commission des finances de l’Assemblée nationale, réunion du mercredi 18 septembre 2019, audition de MM. Olivier Garnier, directeur général des statistiques, des études et de l’international de la Banque de France, Jean‑Luc Tavernier, directeur général de l’INSEE et Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique.

([47]) Selon les comptes nationaux de l’INSEE, base 2014, le programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 et le programme de stabilité pour les années 2019 à 2022.

([48]) Les flux de créances sont des opérations neutres sur le déficit en comptabilité nationale, mais qui ont un effet sur le niveau de la dette. Les principaux postes affectant les flux de créances sont les décalages entre le solde budgétaire et le solde de l’État en comptabilité nationale, comme la comptabilisation des crédits d’impôts reportables, les opérations financières, les corrections en droits constatés sur les dépenses et les recettes.

([49]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2020, page 133.

([50]) Commission des finances de l’Assemblée nationale, réunion du mercredi 18 septembre 2019, audition de MM. Olivier Garnier, directeur général des statistiques, des études et de l’international de la Banque de France, Jean‑Luc Tavernier, directeur général de l’INSEE et Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique.  

([51]) Le taux d’intérêt réel est égal au taux d’intérêt nominal auquel on soustrait le taux d’inflation.  

([52]) Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP – 2019 – 3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([53]) Commission des finances de l’Assemblée nationale, réunion du mercredi 18 septembre 2019, audition de MM. Olivier Garnier, directeur général des statistiques, des études et de l’international de la Banque de France, Jean‑Luc Tavernier, directeur général de l’INSEE et Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique.  

([54]) Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, p. 113.

([55]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2019, p. 118.

(1) Ces règles de dette et de déficit sont aujourd’hui codifiées à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et précisées par le protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs.

(2) Article 2 § 1 bis du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le b) du paragraphe 2 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011.

([58]) Le seuil de – 0,5 point de PIB défini par l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prime sur le seuil de – 1 point de PIB défini par l’article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

([59]) Article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 précité.

([60]) Idem

([61]) Article 2 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([62]) M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relatives aux lois de finances (MILOLF), XVe législature, 11 septembre 2019.

([63]) Article 5, paragraphe 2, du règlement précité.

([64]) Article 6 du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 9 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 précité.

([65]) Article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le paragraphe 6 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 précité.

([66]) Article 12 du règlement du 7 juillet 1997 précité, dans sa version modifiée par le paragraphe 11 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 précité.

([67]) Article 2 du règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques.

([68]) idem.

([69]) Article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 3 de l’article 1er du règlement n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

([70])  Commission européenne, « Rapport sur le mécanisme d’alerte », 21 novembre 2018.

([71]) Commission européenne, communication « Semestre européen 2019 : évaluation des progrès concernant les réformes structurelles, la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques, et résultats des bilans approfondis au titre du règlement (UE) nº 1176/2011 », 27 février 2019.

([72]) Commission européenne, « Rapport 2019 pour la France comprenant un bilan approfondi des mesures de prévention et de correction des déséquilibres macroéconomiques », 27 février 2019.

([73]) Commission européenne, « Recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2019 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2019 », 5 juin 2019.

([74]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([75]) Cour des comptes, Le soutien public au mécénat des entreprises, novembre 2018.

([76])  Article 207 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([77]) Article 4 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([78]) Pour la dernière loi de finances, voir Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, annexe 37 : Remboursements et dégrèvements, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1302, 11 octobre 2018.

([79]) Cour des comptes, Note danalyse de lexécution budgétaire 2018, mission Remboursements et dégrèvements, mai 2019. La recommandation n° 4, reconduite depuis 2018, préconise de « modifier la présentation du tableau d’équilibre des ressources et des dépenses dans les lois de finances en déduisant des recettes fiscales brutes de l’État les seuls remboursements et dégrèvements relatifs à des impôts d’État pour la détermination des recettes fiscales nettes ».

([80])  Le CICE réduisait l’assiette de l’IS et de l’IR. Ce n’est pas le cas des cotisations sociales dont l’allégement a été mis en place en substitution du CICE.

([81]) Article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([82]) Il s’agit du montant d’impôt dû en 2018 qui n’a pas été annulé par le crédit d’impôt de modernisation et de recouvrement (CIMR) car portant sur des revenus considérés comme exceptionnels. Le montant de ces revenus exceptionnels a été plus élevé que prévu, ce qui conduit à l’ajustement à la hausse de cette prévision.

([83]) Le CICE réduisait l’assiette de l’IS. Ce n’est pas le cas des cotisations sociales dont l’allégement a été mis en place en substitution du CICE.

([84]) Le fonds de compensation pour la TVA verse des dotations, à un taux forfaitaire, visant à compenser la charge de TVA que les collectivités et leurs groupements supportent sur leurs dépenses réelles d’investissement.

([85]) Article 20 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([86]) Le déflateur utilisé ici est l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac, utilisé par le Gouvernement.

([87])  Conseil général de l’environnement et du développement durable et Inspection générale des finances (IGF), Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale, septembre 2019.

([88]) Articles 9 et 15 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([89]) Pour davantage de précisions, le lecteur pourra se reporter au rapport spécial annexé au présent rapport relatif au prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne.

([90]) Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP20193 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([91]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017.

([92]) Article 13 de la loi n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.  

([93])  Il serait d’ailleurs souhaitable que l’exposé général des motifs du projet de loi de règlement de l’année N présente dans un tableau le schéma d’emplois de l’État et des opérateurs sur le modèle du tableau figurant pages 6 et 7 du dossier de presse accompagnant le présent projet de loi de finances afin de permettre une comparaison aisée entre les objectifs de la loi de finances pour l’année N et la consommation effective des ETP cette même année.

([94]) Par dérogation au principe selon lequel les variations d’emplois sont exprimées en ETP, l’article 10 de la LPFP a fixé un objectif exprimé en ETPT.

([95]) Conformément au III de l’article 7 et au 6° du I de l’article 34 de la loi organique n° 2011‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([96]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 152.

([97]) Décret n° 2016-670 du 25 mai 2016 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation.

([98]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 142.

([99]) En l’absence d’indication contraire, le montant des crédits est présenté y compris contributions au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions.

([100]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, article 3.

([101])  Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([102]) À l’exception de la mission Remboursements et dégrèvements.

([103]) Conformément à l’article 10 de la LOLF.  

([104]) Amendement n° II‑2407 (Rect) au PLF pour 2019 (n° 1255). Cette initiative a été inspirée des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle rapportés par Mme Bénédicte Peyrol et M. Christophe Bouillon dans le rapport d’information (n° 1626) sur les outils publics encourageant l’investissement privé dans la transition écologique, Assemblée nationale, XVe législature, janvier 2019.

([105]) Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des finances, Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale, septembre 2019.