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N° 2613

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 janvier 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel
et dans les agences de l’État ( 1803 rectifié)

PAR M. Thierry BENOIT

Député

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Voir le numéro : 1803 rect.


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS...................................................... 5

I. Des situations opaques exigeant des règles claires et une transparence accrue

A. des rémunérations incontrÔLÉes et un régime de cumul dérogatoire

B. La nécessité d’une transparence réelle et d’un cadre juridique cohérent

II. la proposition de loi : une première étape vers un encadrement des rémunérations et de leur cumul éventuel avec une pension de retraite

A. Une ambition mesurée

B. Un champ d’application strictement délimité

Commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er (art. L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite,  art. L. 161-22 du code de la sécurité sociale) Suppression de la dérogation par laquelle les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État peuvent bénéficier d’un cumul intégral de leur rémunération et de leur pension de retraite

a. Un cumul intégral autorisé à titre dérogatoire

b. La prise en compte du cumul au sein des autorités administratives et publiques indépendantes par la voie réglementaire

2. Le dispositif proposé

3. La position de la Commission

Article 2 Encadrement de la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

Article 3 Information du Parlement sur les rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

a. Les informations contenues dans les documents annexés au projet de loi de finances

b. Le rapport prévu par l’article 95 de la loi du 6 août 2019

Compte rendu des débats

PersonneS entendueS


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Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi, déposée le 27 mars 2019 et co-signée par plus de 160 députés membres de l’ensemble des groupes politiques, s’inscrit dans une logique volontairement transpartisane. Le sujet qu’elle soulève dépasse les clivages politiques habituels.

Notre pays traverse, depuis plusieurs années, des tensions politiques et sociales aux origines multiples et profondes. Ces tensions posent notamment la question des relations qu’entretiennent nos concitoyens avec ce qu’il est convenu d’appeler, de façon hélas schématique, « les élites ». Un climat de défiance s’est progressivement installé à l’encontre des institutions, favorisant un sentiment d’injustice d’autant plus insupportable que l’exigence – légitime – d’exemplarité et de transparence est de plus en plus forte. Des polémiques régulières viennent ainsi alimenter l’actualité médiatique, qu’il s’agisse du cumul intégral entre les pensions de retraite et la rémunération de certains dirigeants publics, ou du niveau même de leur rémunération, dont les montants atteignent parfois des sommes très élevées.

Bien sûr, il n’y a pas lieu de stigmatiser les personnes elles-mêmes sinon de réfléchir à la pertinence et au bien-fondé du cadre juridique qui autorise aujourd’hui, en toute légalité, l’existence de tels régimes d’exception.

Ces régimes d’exception sont le produit de trois phénomènes.

Le premier résulte de règles dérogatoires au droit commun, ce qui aboutit à octroyer des privilèges, à l’image des règles relatives au cumul intégral entre la rémunération et la pension de retraite, au seul bénéfice de quelques personnes dont la situation matérielle ne saurait pourtant justifier de telles exceptions.

Le deuxième est révélateur d’une époque, de « cet ancien monde » auquel les élections de 2017 étaient censées avoir mis un terme. Il s’agit de l’opacité qui règne autour de ces questions, comme si l’entre-soi était préférable à la transparence, afin de ne pas ébruiter et encore moins expliquer les raisons de ces règles dérogatoires ou de rémunérations dont les montants sont fixés discrétionnairement par le pouvoir réglementaire, à l’abri du débat démocratique.

Le troisième et dernier phénomène découle naturellement du précédent : il correspond à une absence de contrôle parlementaire, alors même que le législateur, en tant que représentant de la nation, est non seulement compétent pour contrôler l’action menée par le Gouvernement mais aussi pour déterminer, par la loi, le cadre juridique qui s’impose.

Face à l’étendue de ces enjeux, il n’est pas proposé de révolutionner l’ensemble des règles applicables au cumul emploi-retraite et aux rémunérations dans le secteur public, bien que ces questions demeurent plus que jamais d’actualité. Cette proposition de loi poursuit une ambition plus modeste, à travers un double objet.

D’une part, l’article 1er vise à assujettir les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes au droit commun régissant le cumul rémunération-pension de retraite, en supprimant la dérogation dont ils bénéficient actuellement, et par laquelle ils peuvent cumuler intégralement et sans aucune condition leur rémunération et leur pension de retraite.

D’autre part, l’article 2 vise à plafonner le montant des rémunérations des présidents et membres de ces autorités à hauteur de la rémunération du Président de la République.

L’article 3, relatif à la transparence des rémunérations versées aux membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et indépendantes ainsi que des agences de l’État, a quant à lui été satisfait par l’article 95 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, adopté par l’Assemblée nationale contre l’avis du Gouvernement.

Cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement de plusieurs rapports publiés au cours de la dernière décennie ayant mis en lumière l’insuffisance du contrôle opéré sur le fonctionnement des autorités administratives et publiques indépendantes, au risque d’aboutir à de véritables zones d’ombre. C’est le rôle du législateur que de contrôler et d’encadrer, par la loi, l’organisation de ces autorités dont les dépenses engagent les finances publiques. Pourtant, on ne peut que constater l’opacité ainsi que le caractère discrétionnaire, et donc aléatoire, des règles qui leur sont applicables.

Il convient donc, aujourd’hui, de remédier concrètement à ce constat d’échec. Face à la crise de confiance qui affaiblit notre démocratie, il appartient au Parlement de se saisir de ces enjeux, sans démagogie, mais sans faiblesse.


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I.   Des situations opaques exigeant des règles claires et une transparence accrue

A.   des rémunérations incontrÔLÉes et un régime de cumul dérogatoire

Depuis 2010, plusieurs rapports parlementaires ([1]) ont mis en exergue les difficultés entourant le contrôle de l’activité et du fonctionnement des autorités administratives et publiques indépendantes, en raison, précisément, de l’indépendance dont elles bénéficient par rapport au pouvoir exécutif. Le titre du rapport de la commission d’enquête sénatoriale rendu en octobre 2015 résume à lui seul l’influence croissante de ces autorités dans notre paysage institutionnel : « Un État dans l'État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler ».

En décembre 2017, la Cour des comptes a souligné l’absence de cadre clair et transversal définissant les politiques de rémunération des membres et présidents des 25 autorités administratives et publiques indépendantes. Leur rémunération ne répond en effet à aucune règle précise : elle peut varier du simple au décuple, atteignant ainsi, pour huit présidents d’autorités, un montant mensuel brut supérieur à la rémunération du Président de la République, soit entre 15 300 et 20 000 euros par mois. Déterminés par des textes réglementaires, les montants de ces rémunérations « attractives » ([2]) ne sont donc soumis à aucun contrôle, grâce à la modulation totalement discrétionnaire de la part indemnitaire décidée par arrêté ministériel.

Face à la nécessité de réguler les rémunérations perçues par les hauts fonctionnaires et dirigeants du secteur public, certains États européens ont introduit un plafonnement prenant pour référence la rémunération des membres du Gouvernement ([3]). Depuis le 1er janvier 2013, les Pays-Bas ont par exemple mis en place un dispositif ([4]) limitant les rémunérations à hauteur de 15 000 euros bruts mensuels en 2017.

En outre, les membres et présidents des autorités administratives et publiques indépendantes et du Conseil constitutionnel bénéficient d’un régime dérogatoire au droit commun leur permettant de cumuler intégralement, sans aucune condition, leur rémunération et les éventuelles pensions de retraite dont ils sont bénéficiaires. Quel que soit le régime de retraite auquel ils appartiennent, l’autorisation d’un cumul intégral se fonde sur le 3° du I de l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite et le 3° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale. Ces dispositions mentionnent les « activités juridictionnelles ou assimilées » comme figurant parmi les exceptions aux règles de droit commun qui encadrent le cumul entre la rémunération et la pension de retraite.

Cependant, des progrès ont récemment été accomplis, notamment en matière de transparence des rémunérations. C’est à la lumière de ces évolutions qu’une réforme du cadre juridique doit désormais être engagé.

B.   La nécessité d’une transparence réelle et d’un cadre juridique cohérent

L’article 23 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes énonce que le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport sur la gestion des autorités administratives et publiques indépendantes. Ce « jaune budgétaire » récapitule, pour chaque autorité, le montant des rémunérations et avantages du président et des membres de celle-ci. Dans la même logique, l’article 95 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique étend cette obligation de transparence aux rémunérations perçues par les membres du Conseil constitutionnel et des agences de l’État.

Si la transparence des rémunérations constitue un moyen indispensable afin de garantir un contrôle efficace du fonctionnement des autorités administratives et publiques indépendantes, elle ne saurait être suffisante. Le rapport rendu par la Cour des comptes en décembre 2017 se prononce ainsi en faveur d’un encadrement plus strict de leur gestion administrative et financière : « les autorités indépendantes sont dotées d’un côté, d’une indépendance fonctionnelle, pour l’exercice des missions qui leur sont confiées, qui doit naturellement être respectée ; et de l’autre, d’une autonomie de gestion en matière administrative et financière qui peut en revanche être encadrée. » ([5])

Dans cette perspective, l’article 38 de la loi du 6 août 2019 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer à compter du 1er janvier 2020 les modalités de rémunération et les conditions dans lesquelles le cumul entre la rémunération et l’éventuelle pension de retraite des membres des autorités administratives et publiques indépendantes doit être encadrée.

À la date du 27 janvier 2020, ce décret n’a pas été publié. Son contenu n’a pas été communiqué, entretenant ainsi le flou sur les contours du dispositif envisagé. La volonté du législateur n’a pas été respectée, ce qui contredit les engagements pris par le Gouvernement devant la représentation nationale lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique. Ce retard dommageable illustre la nécessité de fixer, au niveau législatif, des principes fondamentaux. Face aux risques avérés d’inertie et de statu quo, il est urgent de réaffirmer la capacité d’action des parlementaires sur ces questions qui engagent les finances publiques, dans le cadre d’un débat démocratique ouvert et sans faux-semblant.

II.   la proposition de loi : une première étape vers un encadrement des rémunérations et de leur cumul éventuel avec une pension de retraite

A.   Une ambition mesurée

L’article 1er de la proposition de loi a pour but de supprimer le régime dérogatoire dont bénéficient les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes. Celui-ci leur permet, en l’état du droit actuel, de cumuler intégralement leur rémunération et les éventuelles pensions de retraite qu’ils perçoivent, à raison de l’exercice « d’activités juridictionnelles ou assimilées ». Ainsi, les articles L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite et L. 161-22 du code de la sécurité sociale sont modifiés afin d’assujettir les présidents et membres de ces autorités au droit commun, lequel prévoit une limitation du montant des rémunérations susceptibles de s’ajouter au montant des pensions de retraite simultanément perçues.

Il ne s’agit donc pas d’interdire toute possibilité de cumul, ce qui aurait abouti à créer un nouveau régime dérogatoire plus sévère, mais bien d’étendre l’application des règles de droit commun aux présidents et membres retraités des autorités administratives et publiques indépendantes.

L’article 2 introduit une limite à la rémunération ([6]) versée aux présidents et membres de ces autorités dont le niveau est fixé à hauteur du montant de la rémunération du Président de la République, soit environ 15 300 euros bruts mensuels. Ce plafonnement vise à limiter les écarts de rémunération actuellement constatés entre les 25 autorités, variant aujourd’hui du simple au décuple. Il aboutirait à diminuer la rémunération actuelle de huit présidents d’autorités, générant a minima une économie d’environ 200 000 euros annuels. L’objectif poursuivi ne revêt pas une dimension budgétaire : il consiste à établir un premier encadrement législatif, dans un souci d’équité et de cohérence. La nécessité de mettre en place un référentiel de rémunération commun applicable aux présidents et membres de l’ensemble des autorités demeure d’actualité, ce qui justifie la publication du décret prévu à l’article 8-1 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017.

Enfin, l’article 3 relatif à l’information du Parlement sur les rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État a été satisfait par l’article 95 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019.

B.   Un champ d’application strictement délimité

Initialement, le champ d’application de la proposition de loi comprenait, outre les autorités administratives et publiques indépendantes, le Conseil constitutionnel et les agences de l’État.

Il est apparu nécessaire de modifier ce périmètre. En ce qui concerne le cumul des rémunérations et des pensions de retraite perçues par les membres du Conseil constitutionnel, l’article 4 du projet de loi organique de réforme des retraites déposé le 24 janvier 2020 à l’Assemblée nationale prévoit la mise en place d’un écrêtement de la part indemnitaire de la rémunération, à due concurrence du montant de la pension de retraite perçue. Si cette disposition constitue une première étape vers un encadrement du cumul, elle demeurerait partielle dans la mesure où elle ne s’appliquerait qu’à la seule part indemnitaire et non au montant du traitement versé aux membres du Conseil constitutionnel. Cependant, la modulation de la rémunération de ces derniers selon la liquidation éventuelle de leurs pensions de retraite relevant du niveau organique, il convient de ne pas inclure le Conseil constitutionnel dans le périmètre de la présente proposition de loi.

S’agissant des agences de l’État, il semble également opportun de les exclure du champ d’application.

En effet, l'absence de catégorie juridique unique à laquelle se rattacheraient l'ensemble de ces agences ne permet pas de délimiter précisément leur périmètre, à l’inverse des 25 autorités administratives et publiques indépendantes dont la liste est limitativement énumérée dans la loi du 20 janvier 2017.

Contrairement à celles-ci, les agences restent placées sous la tutelle des administrations de l’État, ce qui impliquerait, par cohérence, de modifier les règles de rémunération dans l’ensemble de la fonction publique. Il s’agit là d’un enjeu qui dépasse l’objectif de la présente proposition de loi, dont les dispositions visent à établir des principes d’ordre général applicables aux seuls présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes.

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   Commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er
(art. L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite,
art. L. 161-22 du code de la sécurité sociale)
Suppression de la dérogation par laquelle les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État peuvent bénéficier d’un cumul intégral de leur rémunération et de leur pension de retraite

Rejeté par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit de supprimer la dérogation au titre de laquelle les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État peuvent bénéficier d’un cumul intégral de leur rémunération et de leur pension de retraite.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 8-1 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes a été créé par l’article 38 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Sa seconde phrase prévoit qu’un décret en Conseil d’État déterminera les conditions dans lesquelles le montant des pensions de retraite perçues par les membres retraités dont la nomination est prononcée à compter du 1er janvier 2020 est déduit de la rémunération qui leur est versée.

  Position de la Commission

Le présent article a été rejeté par la Commission.

1.   L’état du droit

a.   Un cumul intégral autorisé à titre dérogatoire

Les règles applicables au cumul emploi-retraite prévues aux articles L. 84 à L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires (CPCM) concernant les personnes bénéficiant d’un régime de retraite de la fonction publique se sont rapprochées de celles prévues aux articles L. 161-22 et suivants du code de la sécurité sociale (CSS) relatives aux salariés du secteur privé.

Dans ce sens, la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a modifié l’article L. 84 du CPCM qui prévoit, depuis, que l’assuré dont la première pension prend effet à compter du 1er janvier 2015 ne peut, quel que soit le régime auquel il a appartenu, bénéficier d’une pension que s’il a rompu tout lien professionnel avec son précédent employeur, conformément au principe résultant du premier alinéa de l’article L. 161-22 du CSS ([7]) applicable aux retraités du régime général.

Le cumul d’une pension et d’un revenu d’activité fait l’objet d’un encadrement prenant la forme d’un écrêtement. S’agissant des retraités de la fonction publique, l’article L. 85 du CPCM prévoit que le montant brut des revenus d’activités perçus ne peut excéder, par année civile, le tiers du montant brut de la pension pour l’année considérée auquel s’ajoute un montant forfaitaire égal à la moitié du minimum garanti.

Exemple de cumul partiel applicable à un fonctionnaire civil retraité

Le montant annuel brut de la pension de retraite de base est égal à 15 000 . Le fonctionnaire civil retraité peut cumuler sa pension avec des revenus d'activités dès lors que ceux-ci ne dépassent pas la somme suivante : 15 000  / 3 + 7 046,01 (montant correspondant à la moitié du minimum garanti) soit un total de 12 046,01  bruts par an.

Si les revenus d’activités excèdent 12 046,01 € bruts par an, l’excédent est déduit de la pension pendant toute la période d’activité. Si l’excédent est supérieur au montant de la pension, celle-ci est suspendue.

S’agissant des retraités du secteur privé, le deuxième alinéa de l’article L. 161-22 du CSS prévoit un écrêtement équivalent à 160 % du salaire minimum de croissance ou au dernier salaire d’activité perçu avant la liquidation des pensions. Ces règles d’écrêtement rendent donc possible un cumul partiel.

Deux dérogations ouvrent cependant la possibilité d’un cumul intégral.

Premièrement, quels que soient l’activité exercée et le régime de pension concerné, le cumul d’une pension et d’un revenu d’activité est intégral sous réserve de satisfaire deux conditions cumulatives :

-         l’assuré a liquidé l’ensemble de ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé ([8]) ;

-         l’assuré rempli les conditions d’âge ou de durée d’assurance requises pour bénéficier d’une retraite de base à taux plein ([9]).

Deuxièmement, le cumul intégral est autorisé à raison de la nature de l’activité exercée par la personne retraitée, quel que soit le régime de pension auquel elle est assujettie. À ce titre, les revenus tirés de la participation à des activités juridictionnelles ou assimilées, ou à des instances consultatives ou délibératives ([10]) réunies en vertu d’un texte législatif ou réglementaire se cumulent intégralement avec les pensions de retraite ([11]).

Les membres du Conseil constitutionnel et des autorités administratives et publiques indépendantes bénéficient ainsi de ce régime dérogatoire ([12]). Dans son rapport publié en décembre 2017, la Cour des comptes constate que la situation du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel entre 2013 et 2019, admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 28 février 2016, relève de ce régime dérogatoire ([13]).

b.   La prise en compte du cumul au sein des autorités administratives et publiques indépendantes par la voie réglementaire

Face à la possibilité offerte par le cadre législatif actuel aux présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes de bénéficier d’un cumul intégral de leurs revenus d’activité et de leurs éventuelles pensions de retraite, les textes réglementaires régissant l’activité de plusieurs autorités ont récemment fait l’objet de modifications.

L’objectif poursuivi vise à réduire le montant des indemnités susceptibles de leur être allouées dans l’hypothèse où ils perçoivent une pension de retraite. À titre d’exemple, l’arrêté du 17 janvier 2017 a modifié l’article 1er de l’arrêté du 21 septembre 2004 fixant le montant de l’indemnité de sujétion spéciale allouée au président et aux membres du collège de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE). Le montant annuel brut de l'indemnité de sujétion spéciale allouée au président de la CRE est ainsi fixé à 110 431 euros ou, s'il est titulaire d'une pension de retraite relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, à 37 003 euros.

En application de l’arrêté du 15 mai 2019, le montant de l’indemnité de fonction perçu par le président de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores et aéroportuaires (ACNUSA) dépend également de la liquidation de sa pension de retraite. Le cas échéant, le montant de l’indemnité s’élève à 3 390 euros, contre 57 120 euros prévus initialement.

La Cour des comptes observe également que le montant de 9 500 euros annuels équivalant à l’indemnité de fonction attribuée au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) présente un caractère réduit en raison de la prise en compte de sa pension de retraite de magistrat.

Dans cette optique, la Cour préconise une réforme d’ensemble des rémunérations versées aux présidents des autorités administratives et publiques indépendantes « compte tenu du niveau des revenus d’activité susceptibles d’être cumulés de plein droit avec la pension civile de fonctionnaire. » ([14])

Pour autant, le décret prévu par la seconde phrase de l’article 8-1 de la loi du 20 janvier 2017 pour les membres retraités dont la nomination est prononcée à compter du 1er janvier 2020 n’a pas été pris, bien que sa publication soit annoncée pour décembre 2019 sur le site Légifrance.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article supprime la dérogation par laquelle les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État peuvent bénéficier, à raison de leur participation à une activité juridictionnelle ou assimilée, d’un cumul intégral de leur rémunération et de leur pension de retraite.

Le niveau généralement élevé des sommes concernées, qu’il s’agisse du montant des pensions liquidées ou des rémunérations perçues, justifie pleinement de limiter le cumul susceptible d’être opéré entre celles-ci. Il convient ainsi de modifier les articles L. 86 du CPCM et L. 161-22 du CSS afin d’assujettir les personnes précitées aux règles applicables telles que résultant du droit commun.

Votre rapporteur souligne la nécessité d’un encadrement du cumul des rémunérations et de pensions de retraite au niveau législatif. Revêtant une portée générale, cette disposition présente l’avantage d’uniformiser les règles applicables à l’ensemble des présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes, sans recourir à une modulation actuellement effectuée au cas par cas et de façon discrétionnaire du montant des indemnités de fonction dont ils bénéficient.

3.   La position de la Commission

Le rapporteur a proposé de recentrer le champ d'application du dispositif sur les seuls présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes. L'absence de catégorie juridique unique à laquelle se rattacheraient l'ensemble des agences de l’État et les relations que celles-ci entretiennent avec les administrations sous la tutelle desquelles elles sont placées illustrent les différences qui les séparent des autorités administratives et publiques indépendantes, dont le cadre juridique et la composition ont été précisément définis par la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017. En outre, ce nouveau périmètre n'inclurait pas les membres du Conseil constitutionnel dont la situation a vocation à être encadrée par les dispositions du projet de loi organique de réforme des retraites déposé à l'Assemblée nationale le 24 janvier 2020.

D’autre part, le rapporteur a souhaité clarifier la rédaction de l'article 1er afin d'assujettir les présidents et membres de ces autorités aux règles de droit commun applicables au cumul d'une rémunération et d'une pension de retraite telles que déterminées par le code des pensions civiles et militaires de retraite et le code de la sécurité sociale. Il s’agissait de ne pas créer un nouveau régime dérogatoire interdisant aux seuls présidents et membres toute possibilité de cumul, mais simplement de supprimer les dérogations actuelles par lesquelles ils bénéficient d'un cumul intégral sans condition.

La Commission a toutefois rejeté l’amendement de rédaction globale présentée par le rapporteur dans ce double objectif. Elle a ensuite rejeté l’article 1er de la proposition de loi.

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Article 2
Encadrement de la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

Rejeté par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à plafonner le montant des rémunérations des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État à hauteur de celle perçue par le Président de la République.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 8-1 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes a été créé par l’article 38 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Sa première phrase prévoit qu’un décret en Conseil d’État déterminera les modalités de rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes.

  Position de la Commission

Le présent article a été rejeté par la Commission

1.   L’état du droit

a.   Une politique de rémunération floue et hétéroclite en l’absence d’encadrement législatif

La loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 fixe un statut général des autorités administratives et publiques indépendantes. Elle détermine ainsi les principes fondamentaux de leur organisation et de leur fonctionnement s’agissant notamment des règles déontologiques auxquelles sont soumis les membres de leurs collèges et leur président. Si son article 23 prévoit qu’un jaune budgétaire relatif à leur gestion précise les rémunérations et avantages du président et de leurs membres, aucune disposition n’encadre la détermination de leur montant.

Lors de l’examen de la proposition de loi dont est issue la loi du 20 janvier 2017, le Sénat avait adopté un amendement de M. Alain Richard visant à établir une échelle de rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes. L’objectif, déjà préconisé par un rapport de nos anciens collègues René Dosière et Christian Vanneste en 2010 ([15]), consiste à établir un référentiel afin d’harmoniser les règles applicables, dans un souci d’équité et de transparence.

Cette disposition n’a pas été conservée lors de l’examen à l’Assemblée nationale, le Gouvernement estimant préférable de maintenir une latitude dans la fixation de la rémunération de certains profils hautement qualifiés et spécialisés.

En l’absence de règles communes, les politiques de rémunération menées au sein des autorités administratives relèvent du niveau réglementaire, dans le cadre des décrets et arrêtés ministériels applicables à chacune des autorités. Le rapport de la commission d’enquête du Sénat rendu en 2015 ([16]) sur les autorités administratives indépendantes observe de fortes disparités en la matière, eu égard à l’étendue de la charge de travail qui incombe à leurs membres : « Les obligations des présidents et des membres des autorités administratives indépendantes sont très diverses : certaines se réunissent sur une base hebdomadaire, d’autres une fois par an, voire épisodiquement. La charge de travail en résultant, la disponibilité nécessaire s’avèrent extrêmement variables, tout comme la rémunération ou l’indemnité versée au président et/ou aux membres ». 

L’exercice à temps plein ou non ([17]) de l’activité du président et des membres influe sur la rémunération qui leur est versée. Dès lors que l’activité est exercée à temps plein, celle-ci se subdivise en deux parts distinctes : le traitement et l’indemnité ([18]). Le traitement est généralement déterminé par décret, par référence à la grille indiciaire de la fonction publique. En l’espèce, son calcul se fonde sur la base de celui afférent aux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle. La rémunération comprend également une indemnité de fonction librement déterminée par arrêté ministériel, ce qui laisse au pouvoir réglementaire une latitude illimitée afin d’en fixer le montant.

D’importantes disparités relatives au montant des indemnités perçues par les présidents et les membres des autorités sont ainsi constatées. Suivant une logique discrétionnaire, les sommes versées au titre du régime indemnitaire ne répondent à aucune justification clairement énoncée, ce qui favorise une forte amplitude selon les cas.

Des indemnités dont les montants peuvent varier de 1 à 12 : l’exemple de la Haute autorité de santé et de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

L’arrêté du 22 avril 2005 prévoit que l'indemnité de fonction du président du collège de la Haute autorité de santé (HAS), prévue au premier alinéa de l’article R. 161-81 du code de la sécurité sociale, est fixée à 118 100 euros par an.

Déterminée par l’arrêté du 3 octobre 2014, l’indemnité de fonction du président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est fixée à 9 500 euros par an. Selon le rapport publié par la Cour des comptes en décembre 2017, le niveau de cette indemnité correspondrait à la prise en compte de la retraite de magistrat perçue par le président de l’autorité ([19]).

En l’absence d’encadrement législatif du montant maximal des rémunérations, certaines situations sont problématiques. Dans son rapport précité, la Cour des comptes mentionne l’exemple de la rémunération du président de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores et aéroportuaires (ACNUSA) : « La rémunération du président, comparable à celle des fonctions administratives les plus élevées, paraît sans commune mesure avec le budget de l’autorité (1,2 million d’euros) et le nombre de personnels encadrés (12). Elle consomme en moyenne plus de 11 % du budget total de l’autorité au cours de la période sous revue. » ([20])

Dans sa note publiée en janvier 2019, la fondation IFRAP souligne que les « autorités qui disposent des budgets les plus importants ne sont pas nécessairement celles où les dirigeants sont les mieux rémunérés proportionnellement » ([21]). Les variations de rémunérations apparaissent ainsi difficilement explicables, révélant une absence de réel pilotage et de contrôle de la politique de rémunération au sein des autorités administratives et publiques indépendantes.

En outre, d’autres cas particuliers illustrent la disparité des règles et l’absence d’encadrement des rémunérations. En application du cinquième alinéa de l’article 5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) peuvent continuer de percevoir leur traitement pendant une durée maximale d'un an, sous réserve de ne pas exercer d’activité rémunérée ni de percevoir une pension de retraite. En 2019, un montant total de 256 835 euros a ainsi été versé au titre du maintien de la rémunération de deux conseillers ayant quitté le CSA au début de l’année.

La situation des agences de l’État présente une double différence avec celle des autorités administratives et publiques indépendantes. Premièrement, ces établissements demeurent sous la tutelle des administrations dont elles dépendent, contrairement à l’entière autonomie dont disposent, par définition, les autorités administratives et publiques indépendantes. Deuxièmement, les agences de l’État recouvrent des catégories multiformes (établissement public administratif, service à compétence nationale, groupement d’intérêt public…) et ne peuvent donc être circonscrites à un statut unique, à la différence des 25 autorités administratives et publiques indépendantes énumérées en annexe de la loi du 20 janvier 2017.

Deux rapports publiés en 2012 par l’Inspection générale des finances et le Conseil d’État ont souligné la nécessité de renforcer la transparence des rémunérations versées aux personnels et dirigeants des agences de l’État, caractérisées par des montants substantiellement plus élevés que ceux constatés au sein des administrations centrales sous la tutelle desquelles elles sont placées.

L’Inspection générale des finances observe ainsi que le rythme d’augmentation de la masse salariale par agent de l’État s’avère beaucoup plus rapide au sein des agences que dans les services centraux ([22]), en raison de la souplesse qui caractérise leur gestion financière et les facultés de recrutement contractuel dont elles bénéficient.

Dans un souci de transparence propre à assurer l’équité du cadre de gestion des ressources humaines dans la fonction publique, la proposition n° 15 de l’étude du Conseil d’État propose de « publier nominativement l’ensemble des éléments de rémunération des cadres dirigeants des agences et des directeurs d’administration centrale et prévoir, pour les échelons inférieurs, une publication des rémunérations moyennes, par groupes cohérents de responsabilités, par genre, avec les déciles supérieurs et inférieurs ». ([23])

Cette préconisation n’a pas été suivie d’effet. À ce jour, la seule information disponible provient de la publication de la somme des dix plus hautes rémunérations au sein de chaque agence, dans le cadre du jaune budgétaire relatif aux opérateurs de l’État.

b.   Des situations contrastées selon les autorités

Le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2020 fait état de rémunérations annuelles ([24]) dont le montant varie du simple (Agence française de lutte contre le dopage) au décuple (Autorité des marchés financiers), ce qui souligne l’existence de très fortes disparités entre les différentes autorités.

Montant des rémunérations perçues par les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes
 

AAI - API

Montant annuel en euros de la rémunération brute et des avantages du Président

Montant annuel en euros de la rémunération brute et des avantages de chacun des membres

Fondement juridique

Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)

23 940

1 932
(22 membres)

Arrêté du 27 mars 2012

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

153 850

5 667
(9 membres)

Décret n° 2019-456 et arrêté du 15 mai 2019

Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)

191 833

131 328
(6 membres)

Décret n° 2002-1302 et arrêté du 25 octobre 2002

Autorité de la concurrence (AdC)

194 980

7 600
(15 membres)

Décret n° 2003-518 du 16 juin 2003 et arrêté du 7 septembre 2004 ([25]), décret n° 88-262 et arrêté du 18 mars 1988 ([26])

Autorité de régulation des transports (ART)

154 339

128 372
(4 membres) ([27])

Arrêté du 20 octobre 2010

Autorité nationale des jeux (ANJ)

195 294 ([28])

1 560
(25 membres)

Arrêté du 20 juin 2011

Autorité des marchés financiers (AMF)

241 908

25 365
(27 membres) ([29])

Article R. 621-12 du code monétaire et financier

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

220 000

127 500
(4 membres)

Décret n° 2007-727 et arrêté du 7 mai 2007 ([30])

Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN)

32 796

2 500
(7 membres)

Décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 et arrêté du 22 septembre 2014

Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)

40 800

50 euros / séance ([31])
(18 membres)

Arrêté du 17 janvier 2018

Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

48 000

13 716
(2 membres)

Arrêté du 21 juin 2010

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL)

149 308

-

Décret n° 2008-246 du 12 mars 2008 et arrêté du 25 juillet 2018

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

86 185

32 282
(8 membres)

Décret n° 2018-412 et arrêté du 30 mai 2018

Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)

170 894

65 193
(4 membres) ([32])

Décret n° 2015-1186 et arrêté du 29 septembre 2015

Commission nationale du débat public (CNDP)

176 518

93 382
(2 vice-présidents)

1 500
(20 membres)

Article R. 121-13 du code de l’environnement et arrêté du 29 juillet 2019

Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)

160 891

10 000
(22 membres)

Décret n° 99-487 et arrêté du 11 juin 1999

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

200 201

129 823
(4 membres) ([33])

Articles R. 133-5 et 133-10 du code de l’énergie, article D. 133-11 du code de l’énergie et arrêté du 21 septembre 2004

Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)

189 168

131 340
(6 membres)

Décret n° 2002-1377 et arrêté du 26 novembre 2002

Défenseur des droits

160 000

909
(22 membres)

Décret n° 2011-905 du 29 juillet 2011 et arrêté du 17 octobre 2011

Haute autorité de santé (HAS)

210 197

115 464
(7 membres)

Article R. 161-81 du code de la sécurité sociale

Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES)

157 000

1 050
(30 membres)

Décrets n° 2015-1142 et n° 2015-1143 et arrêté du 15 septembre 2015

Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C)

60 360 ([34])

39 600
(10 membres)

Article R. 821-10 du code de commerce et arrêté du 29 juillet 2016

Commission de protection des données personnelles (CDP)

175 045

9 286
(14 membres)

Décret n° 2018-405 et arrêté du 29 mai 2018, décret n° 2009-1773 du 29 décembre 2009 et arrêté du 22 juin 2011

Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

96 450

5 313
(8 membres)

Décret n° 2013-1204 du 23 décembre 2013, arrêtés du 14 mars et du 3 octobre 2014

Médiateur national de l’énergie (MNE)

50 000

-

Décret n° 2007-1504 du 19 octobre 2007 et arrêté du 18 mars 2009

La rémunération brute annuelle moyenne versée au président s’élève à environ 139 361 euros bruts annuels (soit 11 613 bruts mensuels), la rémunération médiane à 160 000 euros. Outre les fortes disparités qu’ils révèlent, ces chiffres montrent qu’un tiers des présidents d’autorités administratives et publiques indépendantes perçoivent une rémunération supérieure à celle du Président de la République ([35]), soit environ 183 600 euros bruts annuels (15 300 euros bruts mensuels).

S’agissant des agences de l’État, les données figurant dans le jaune budgétaire « opérateurs de l’État » ne présentent pas les rémunérations versées à leurs dirigeants. Seule la somme des dix plus hautes rémunérations est publiée, ce qui ne permet pas de cerner avec acuité le montant des traitements et indemnités dont ils bénéficient.

c.   Un futur encadrement renvoyé à un décret

L’article 38 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a modifié la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes afin de préciser que les modalités de rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes seront fixées par décret en Conseil d’État à compter du 1er janvier 2020. Lors de l’examen du projet de loi en Commission, le Gouvernement a esquissé le contenu de ce futur décret : « pour ce qui est du décret, les notions d’encadrement et de référentiel auquel il se réfère permettent le maintien du principe d’indépendance. » ([36])

La notice explicative que contient le jaune budgétaire relatif aux autorités administratives et publiques indépendantes associé au projet de loi de finances pour 2020 évoque la publication de ce décret en vue d’une entrée en vigueur au 1er janvier 2020, conformément à ce que prévoit l’article 38 de la loi du 6 août 2019. Il n’est cependant pas fait état de « l’encadrement » ni du « référentiel » mentionnés par le Gouvernement lors des débats du projet de loi : « Les notices individuelles des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes présentent les modalités actuelles de rémunération des membres de ces entités. En application de l’article 38 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, un décret en Conseil d’État, pris avant la fin de l’année [2019], regroupera dans un texte unique toutes ces modalités. » ([37])

Outre le non-respect du calendrier constaté à ce jour, le « regroupement des modalités de rémunération » auquel procédera le décret entretient l’opacité qui caractérise la situation actuelle, en l’absence de véritable référentiel ou de plafonnement clairement établis. La formulation retenue laisse à penser que le décret maintiendra une forme de statu quo, ce qui va à l’encontre de la nécessité d’encadrer les rémunérations versées aux présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes, conformément à l’engagement initial exprimé par le Gouvernement.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit d’encadrer la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État à hauteur de la rémunération actuellement perçue par le Président de la République. Il s’agit de fixer un plafond à environ 15 300 euros bruts mensuels. Ce montant résulte des modalités de calcul de la rémunération du chef de l’État telles que prévues par le décret n° 2012-983 du 23 août 2012.

La non-publication du décret prévu par l’article 38 de la loi du 6 août 2019, toujours annoncé pour le mois de décembre 2019 sur le site Légifrance, justifie l’intervention du législateur afin de fixer un premier cadre applicable à l’ensemble des autorités administratives et publiques indépendantes.

Décret n° 2012-983 du 23 août 2012 relatif au traitement du Président de la République et des membres du Gouvernement

Article 1er

Le Président de la République et les membres du Gouvernement reçoivent un traitement brut mensuel calculé par référence au traitement des fonctionnaires occupant les emplois de l'État classés dans la catégorie dite « hors échelle ». Il est au plus égal au double de la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé de cette catégorie.
Ce traitement est complété par une indemnité de résidence égale à 3 % de son montant et par une indemnité de fonction égale à 25 % de la somme du traitement brut et de l'indemnité de résidence.

Article 3

Le traitement brut mensuel, l'indemnité de résidence et l'indemnité de fonction du Président de la République et du Premier ministre sont égaux aux montants les plus élevés définis à l'article 1er ci-dessus majorés de 5 %.

Article 4

Le présent décret s’applique aux autorités investies à compter du 15 mai 2012, à partir de leur prise de fonctions.

Cette mesure pose le principe d’une simple limite en dessous de laquelle doivent être fixés les montants des rémunérations que perçoivent les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes, incluant donc l’ensemble des traitements et des indemnités dont ils bénéficient au titre de leur activité. Si la mise en place d’un référentiel commun de rémunération au sein de ces autorités demeure nécessaire, cet article constitue une première étape. L’évolution proposée n’est pas disproportionnée eu égard au montant du plafond envisagé. Celui-ci offre en effet suffisamment de latitude afin de fixer des rémunérations à la hauteur des compétences des personnes occupant ces fonctions.

Son application aboutirait à diminuer le montant de la rémunération de huit présidents d’autorités administratives et publiques indépendantes, qui perçoivent aujourd’hui des traitements et indemnités supérieurs à 15 300 euros bruts mensuels. Leur assujettissement à ce montant générerait une économie annuelle de près de 200 000 euros.

La dimension budgétaire de cette réforme ne saurait constituer sa motivation première. Le présent article a pour objet de renforcer le contrôle des rémunérations versées aux présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes, conformément aux nombreux rapports ayant récemment préconisé un encadrement plus strict en la matière, dans un souci de cohérence et d’équité.

3.   La position de la  Commission

La Commission a rejeté un amendement de rédaction globale présenté par le rapporteur qui proposait, d’une part, de restreindre le champ d’application du dispositif aux seuls présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes, et, d’autre part, de modifier, par coordination, l’article 8-1 de la loi du 20 janvier 2017.

La Commission a rejeté l’article 2 de la proposition de loi.

*

*     *

Article 3
Information du Parlement sur les rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit l’information du Parlement sur les rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 95 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique précise que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport faisant état du montant des rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État.

  Position de la Commission

À l’initiative d’un amendement du rapporteur, la Commission a supprimé le présent article.

1.   L’état du droit

a.   Les informations contenues dans les documents annexés au projet de loi de finances

Deux jaunes budgétaires fournissent des renseignements quant à la rémunération que perçoivent les membres des autorités administratives et publiques indépendantes et des opérateurs de l’État.

D’une part, l’article 23 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes prévoit que le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport sur la gestion des autorités administratives et publiques indépendantes. Ce jaune budgétaire récapitule, pour chaque autorité, le montant des rémunérations et avantages du président et des membres de celle-ci.

D’autre part, conformément à l’article 14 de la loi n° 2006-888 du 19 juillet 2006 portant règlement définitif du budget de 2005, un jaune budgétaire expose l’ensemble des données relatives aux opérateurs de l’État. La loi de programmation des finances publiques 2014-2019 a créé une nouvelle exigence d’information relative à la somme des dix plus hautes rémunérations brutes totales ([38]) de chaque opérateur et organisme public contrôlé par l’État. Les données actuellement disponibles ne font donc pas état du montant précis des rémunérations individuellement perçues par les dirigeants de ces opérateurs et des personnes travaillant en leur sein.

b.   Le rapport prévu par l’article 95 de la loi du 6 août 2019

Issu d’un amendement de votre rapporteur adopté en séance publique malgré un avis défavorable du Gouvernement et de la Commission, l’article 95 de la loi du 6 août 2019 prévoit la remise au Parlement d’un rapport annuel du Gouvernement relatif au montant des rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel ([39]), des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État.

L’édition 2019 du rapport annuel sur l’état de la fonction publique mentionne le rapport prévu par l’article 95 sans toutefois présenter l’ensemble des données afférentes aux rémunérations précitées ([40]). Si un renvoi est opéré vers le jaune budgétaire s’agissant des indemnités perçues par les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes, votre rapporteur déplore l’absence d’éléments chiffrés quant à la rémunération des personnes nommées au sein des agences de l’État. Il est ainsi particulièrement regrettable de constater que l’information « n’est pas encore disponible » ([41]), en dépit de la publication depuis 2006 d’un jaune budgétaire « Opérateurs de l’État » faisant état de la masse salariale des dix plus hautes rémunérations au sein des opérateurs publics.

En outre, les informations concernant la rémunération des membres du Conseil constitutionnel souffrent d’une certaine opacité qui ne permet pas d’établir précisément le montant de l’indemnité qu’ils perçoivent. Les documents budgétaires relatifs à la mission « Pouvoirs publics » du projet de loi de finances pour 2020 indiquent une dotation globale à hauteur de 1,848 million d’euros ([42]), ce qui correspondrait aux dépenses liées à la rémunération des membres ([43]) selon une réponse ministérielle à la question écrite posée par notre collègue Laurianne Rossi le 26 février 2019 ([44]). En dépit des dispositions prévues par l’article 95, aucune information ne permet donc à ce jour de disposer du montant exact de la rémunération que perçoivent les membres du Conseil constitutionnel.

Près de six mois après la promulgation de la loi de transformation de la fonction publique, votre rapporteur rappelle la nécessité de garantir la transparence des rémunérations versées aux personnes nommées au sein des grands organismes publics, conformément à la volonté exprimée par le législateur.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, qui prévoit l’information du Parlement sur les rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État, est satisfait par les dispositions de l’article 95 de la loi du 6 août 2019.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer cet article.


—  1  —

   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 22 janvier 2020 la Commission examine la proposition de loi visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État (n° 1803 rectifié) (M. Thierry Benoit, rapporteur).

Lien vidéo :
http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8630164_5e28063ff17cc.commission-des-lois--propositions-de-lois-diverses--creation-d-une-mission-d-information-sur-le-re-22-janvier-2020
 

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous sommes saisis de la proposition de loi visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État. Cette proposition de loi a été déposée par le groupe UDI dans le cadre de son ordre du jour réservé et est rapportée par M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Merci à vous, Madame la présidente, et aux membres de la commission des Lois, de m’accueillir afin d’examiner cette proposition de loi qui est relative, dans sa version initiale, à l’interdiction du cumul des pensions de retraite et des indemnités d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel, dans les autorités administratives et publiques indépendantes et dans les agences de l’État.

Je me suis penché sur cette question pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est que j’en suis à mon troisième mandat de député. L’expérience aidant, j’ai découvert, au fil des ans, des pratiques dont, il y a treize ans, lorsque je suis arrivé à l’Assemblée nationale, j’ignorais l’existence. Je veux parler d’un certain nombre d’exceptions qui méritent d’être corrigées.

L’élément déclencheur de ce texte est survenu au moment du grand débat national, voulu par le Président de la République et auquel ont participé, outre le Président de la République lui-même, les membres du Gouvernement et les députés. À maintes reprises, nos concitoyens ont pointé ce qu’ils considéraient comme des anomalies, un manque de transparence et de clarté dans certaines pratiques ayant cours au plus haut sommet de l’État. Pour ma part, j’ai toujours été très sensible à tout ce qui militait pour plus de transparence, d’équité, de justice et d’exemplarité s’agissant aussi bien du comportement des élus que de ce qui touche à la sphère publique et à la gestion des deniers publics – car, avec cette proposition de loi, naturellement, on parle de la bonne utilisation de l’argent public. C’est pour cette raison qu’il y a un an j’ai rédigé, avec la collaboratrice de mon groupe, que je remercie de son aide précieuse, et avec mon collaborateur personnel, une proposition de loi ordinaire et une proposition de loi organique que nous avons ensuite soumises à la signature des autres députés. Plus de cent soixante collègues, issus de tous les bancs, ont cosigné le texte que nous examinons aujourd’hui.

Initialement, ma proposition de loi visait à supprimer la dérogation permettant aux personnalités nommées au Conseil constitutionnel, dans les autorités administratives et publiques indépendantes et dans les agences de l’État de cumuler allègrement des sommes pouvant se chiffrer en dizaines de milliers d’euros. Dans mes travaux, je me suis appuyé notamment sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux autorités administratives indépendantes (AAI) et aux autorités publiques indépendantes (API). Je me suis fondé également sur les travaux de la commission d’enquête sénatoriale de 2015, dont le rapporteur était M. Jacques Mézard, lequel, depuis lors, a participé au gouvernement d’Édouard Philippe et siège désormais au Conseil constitutionnel. Son rapport est riche d’enseignements. Je me suis aussi servi d’éléments de réflexion qui m’ont été remis, à ma demande, par la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP). Enfin, je me suis fondé sur les travaux de l’Observatoire de l’éthique publique, présidé par M. René Dosière, député honoraire.

Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas de régler des comptes avec qui que ce soit : je n’ai aucun problème avec la fonction publique, encore moins avec les fonctionnaires eux-mêmes. Notre proposition de loi ne vise pas à réviser la grille de rémunération des fonctionnaires ; il s’agit de mettre fin à des règles dérogatoires au droit commun, à des exceptions qui permettent à certaines personnalités de cumuler intégralement leur rémunération et leur pension de retraite, mais également à l’« opacité » et à l’« entre-soi » qu’évoquait le rapport de la Cour des comptes. La Cour, de même que la commission d’enquête sénatoriale, pointait aussi le fait que certaines pratiques manquaient de contrôle. Or qui doit exercer ce contrôle ? Selon moi, c’est aux parlementaires, plus précisément aux députés, qu’il revient de le faire.

Au fil de mes travaux, il m’est apparu essentiel de limiter, dans un premier temps, la proposition de loi aux autorités administratives indépendantes et aux autorités publiques indépendantes : je fais le choix de mettre de côté, à dessein, les neuf membres du Conseil constitutionnel, afin de faire un pas en direction du Gouvernement. Il n’aura échappé à personne que, lorsqu’il prépare un projet de loi, le Gouvernement a derrière lui toute une administration pour travailler sur le texte, tandis que, quand un député dépose une proposition de loi, il n’a pour l’aider qu’un seul administrateur de l’Assemblée nationale – dont je me permets de saluer la très grande qualité. De ce fait, une proposition de loi a nécessairement, par nature, des ambitions modestes par rapport à un projet de loi. Je ne prétends pas tout révolutionner. De toute façon, vouloir tout changer du jour au lendemain, c’est la meilleure manière pour que rien ne change… C’est pour cela que je propose d’être pragmatique, très mesuré et de finalement nous concentrer sur un objet particulier, en l’occurrence les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes.

Étant, par leur nature même, indépendantes, les AAI et les API ne sont pas rattachées directement à un ministère. Je ne trouve rien à redire à leur fonctionnement en lui-même. On compte vingt-cinq autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, qui regroupent à peu près 3 000 agents, pour un budget global de 600 millions d’euros. Les 3 000 fonctionnaires employés par ces autorités ne sont pas concernés par les dispositions du texte, lesquelles visent uniquement les personnalités nommées.

L’article 1er met fin à la dérogation qui permet à ces dernières de cumuler intégralement pension de retraite et indemnité d’activité.

L’article 2, quant à lui, vise à plafonner la rémunération des membres de ces autorités, notamment celle de leurs présidents, qui ne pourront plus percevoir une rémunération supérieure à celle du Président de la République. Même s’il ne s’agit pas ici d’attaquer des personnes, disons les choses, d’autant que le fait en question est de notoriété publique : au moment du grand débat national voulu par le Président de la République, il a été révélé que la présidente de la Commission nationale du débat public touchait une rémunération relativement élevée, qui pouvait interpeller nos concitoyens, voire les choquer – à tel point que cette commission n’a pas été en mesure d’animer le grand débat, ce qui pose question.

L’article 3 visait à renforcer la transparence en prévoyant de communiquer au Parlement les rémunérations des membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État. Or il a été satisfait par l’adoption d’un amendement que j’avais déposé, au nom du groupe UDI, dans le cadre de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, il y a quelques mois. Cette disposition, qui a été adoptée par des députés de tous les groupes politiques, puis confirmée au Sénat, est devenue l’article 95 de la loi de transformation de la fonction publique. Je proposerai donc la suppression de l’article 3.

J’invite celles et ceux qui en auront le loisir entre nos travaux en commission et l’examen du texte dans l’hémicycle dans une semaine, le jeudi 30 janvier, à lire le rapport de la Cour des comptes que j’évoquais. Celui-ci distingue l’indépendance fonctionnelle des AAI et des API, qui doit être respectée, et l’autonomie de gestion en matière administrative et financière, qui doit être encadrée : certaines de ces autorités indépendantes sont qualifiées d’OVNI juridiques : de fait, il y a matière à questionnement et à contrôle.

Le Gouvernement, par la voix du ministre chargé de la fonction publique, m’a fait savoir que le problème du cumul entre la pension de retraite et les indemnités perçues allait être réglé car il allait très prochainement, dans les heures ou les jours à venir, publier un décret. Mais je conteste cette proposition : le décret, par nature, dépend du bon vouloir de la haute administration et des ministres ; ce n’est pas le Parlement – notamment les députés – qui va fixer les conditions. Le décret pourra par ailleurs retenir des règles dérogatoires du droit commun. Ma proposition de loi, que vous avez été 160 à cosigner, vise quant à elle à soumettre tous les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes au droit commun. Or celui-ci permet tout à fait de cumuler, dans une certaine mesure, retraite et rémunération. En effet, l’article L. 85 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que le montant brut des revenus d’activité perçus « ne peut, par année civile, excéder le tiers du montant brut de la pension pour l’année considérée », auquel s’ajoute un montant forfaitaire égal à la moitié du minimum garanti. Il existe donc un cadre bien précis, notamment pour les retraités des fonctions publiques, qui leur permet de cumuler retraite et indemnités. Ce cadre doit s’appliquer à tous les fonctionnaires, quelle que soit leur catégorie, y compris aux hauts fonctionnaires.

Ma proposition de loi, enfin, correspond tout à fait aux objectifs affichés par le Président de la République, le Gouvernement et la majorité présidentielle, à savoir l’équité, la transparence et la justice. Je salue notamment la décision du Président de la République de ne pas faire valoir ses droits à retraite spécifiques à la fin de son mandat – soit parce qu’il n’en solliciterait pas un nouveau, soit parce qu’il ne serait plus président en 2022. J’indique également que plusieurs d’entre nous ont demandé que le régime de retraite des députés soit aligné sur le régime général, ce qui relève d’une décision du bureau de l’Assemblée nationale. Pour ma part, j’avais écrit dès 2010 un courrier en ce sens au président de l’Assemblée nationale de l’époque, Bernard Accoyer. Ce courrier, que je tiens à votre disposition, cosigné par Charles de Courson et Philippe Vigier, s’est vu opposer une fin de non-recevoir. J’ai écrit une nouvelle fois, au cours de mon deuxième mandat, au président Claude Bartolone pour lui demander l’alignement du régime de retraite des députés sur le régime général.

Mme Cécile Untermaier. Ce que nous avons fait.

M. Thierry Benoit, rapporteur. La proposition que je défends devant vous aujourd’hui, en espérant vivement qu’elle deviendra nôtre, s’inscrit dans le droit fil de cette démarche.

M. Guillaume Vuilletet. Mon intervention sera quelque peu paradoxale, car je vais dire beaucoup de bien du travail du rapporteur, tout en indiquant que nous voterons contre sa proposition à la fin.

M. Philippe Gomès. Nous en avons l’habitude ! (Sourires.)

M. Guillaume Vuilletet. Il ne faut pas dire des choses pareilles…

Force est de vous reconnaître, monsieur le rapporteur, le bénéfice de l’antériorité, mais également l’opiniâtreté dont vous faites preuve sur ces questions. Je vous remercie, par ailleurs, des mots aimables que vous avez eus à l’égard du Président de la République et de la majorité. Le Président, qui sera un jour, c’est certain, un ancien président, s’est effectivement engagé à renoncer aux avantages traditionnellement réservés aux anciens locataires de l’Élysée en matière de retraite. La majorité, quant à elle, en début de législature, a voté, dans le cadre de la loi pour la confiance dans la vie politique, un certain nombre de dispositions visant à nous rapprocher d’abord du statut général des fonctionnaires en matière de retraites, puis, demain, du droit commun.

Comme vous l’avez signalé, vous avez déposé cette proposition de loi il y a plus d’un an. Or, entre-temps, du fait notamment de son existence et de votre effort de conviction, un certain nombre de choses ont beaucoup avancé, en particulier durant l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique.

J’évoquerai d’abord les articles 1er et 3, et garderai le meilleur pour la fin, à savoir l’article 2, qui constitue le cœur de nos discussions.

En ce qui concerne l’article 1er, vous l’avez dit, un décret est en préparation, dont le contenu doit je crois nous être communiqué avant la séance du 30 janvier – j’ai cru comprendre que le ministre s’y était engagé –, ce qui doit nous permettre de débattre sur ce texte. Un décret n’est pas un acte administratif anodin : attendons de connaître le contenu de celui-ci avant de conclure s’il revient à la représentation nationale de se prononcer elle-même pour remédier au problème que pose, de l’avis unanime, le cumul excessif entre pensions de retraite et rémunérations.

L’article 3, vous l’avez signalé, a d’ores et déjà trouvé satisfaction dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique. L’un de vos amendements vise à le supprimer. Mais, encore une fois, force est de reconnaître votre antériorité et votre opiniâtreté, puisque c’est à votre initiative que la disposition en question – en l’occurrence, la remise d’un rapport – a été votée.

L’article 2 vise à limiter la rémunération des membres des AAI et des API, en particulier celle de leurs présidents, qui ne saurait dépasser celle du Président de la République. Toutefois, l’exemple que vous avez cité est un peu contre-intuitif par rapport à votre démarche. Il se trouve que je suis membre de la Commission nationale du débat public ‑ non indemnisé, je tiens à le préciser.

Ce n’est pas en raison de la rémunération de sa présidente que la Commission nationale du débat public n’a pas souhaité assumer le grand débat : la décision est liée à d’autres considérations, notamment aux faibles moyens de fonctionnement dont elle dispose, auxquelles est venu s’ajouter une discussion assez baroque en interne sur la question de savoir si le fait d’animer ce débat respectait l’indépendance de cette commission – j’avais d’ailleurs, sur cette question précise, un avis différent de celui d’un certain nombre de membres, dont la présidente. Quoi qu’il en soit, il me semble que la rémunération de sa présidente, qui a été révélée à cette occasion, est, sauf erreur de ma part, inférieure à celle du chef de l’État. À supposer que cette rémunération soit excessive au regard de la fonction exercée, votre proposition de loi n’y changerait rien.

Ce qui pose problème, dans l’article 2, c’est le fait même de placer le curseur à un niveau précis – qui correspond, en l’occurrence, à la rémunération du chef de l’État. Sur le plan symbolique, l’idée peut s’entendre : on peut considérer que le chef de l’État doit être le mieux payé au sein de la puissance publique. Toutefois, l’enjeu, avec les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes, est de permettre à des personnes qui sont expertes dans leur domaine, reconnues, inattaquables, incontestables, d’éclairer la décision publique, d’y participer et de la contrôler. Or, même si l’on peut trouver cela choquant ou bizarre, dans le secteur privé, les rémunérations de personnes travaillant dans un certain nombre de domaines scientifiques ou artistiques sont très supérieures à celles qui ont cours dans la fonction publique et, incidemment, à celle du chef de l’État. Les personnes en question sont généralement en fin de carrière car elles doivent jouir d’une certaine expérience pour pouvoir légitimer les prérogatives auxquelles elles prétendent. Je vous le dis avec sincérité : demander à des personnes en fin de carrière de diviser par deux ou par trois leur rémunération pour satisfaire à une obligation d’intérêt général, ce n’est pas raisonnable. Il faut donc garder de la souplesse : je crois vraiment qu’il n’est pas souhaitable d’introduire une telle rigidité. Je remarque par ailleurs, et même s’il est vrai que l’État n’est pas en avance, qu’un décret viendra bientôt encadrer la rémunération des membres des AAI et des API, toujours dans le cadre des dispositions de la loi de transformation de la fonction publique. Le débat dans l’hémicycle sur la proposition de loi sera l’occasion de rappeler au Gouvernement qu’il serait bien qu’il avance un peu et que le décret en question soit publié.

Pour toutes ces raisons, nous allons voter contre les articles de la proposition de loi. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés au principe d’un encadrement et d’une plus grande transparence de la rémunération des présidents et des membres des AAI et des API, mais il faut continuer à travailler d’ici à la séance et avoir un débat avec le Gouvernement. J’ajoute que le rapport dont la remise a été votée n’est pas anodin : c’est aussi là une forme de contrôle et d’exigence de transparence. C’est parce que nous saurons quelles sont les rémunérations des présidents et des membres des API et des AAI que nous serons en mesure d’exercer une influence, de définir une nouvelle trajectoire, si nécessaire, pour chacune d’entre elles. Encore une fois, conservons une forme de souplesse, soyons pragmatiques et raisonnables dans la fixation de ces rémunérations.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, merci pour la présentation que vous avez faite et pour votre travail. Je fais partie des 160 députés qui ont cosigné votre proposition de loi car je partage votre point de vue : il faut plus de clarté s’agissant de la rémunération d’un certain nombre de responsables et de personnes investies de fonctions dans la sphère publique. À cet égard, le mouvement des gilets jaunes, aussi bien que la contestation actuelle contre la réforme des retraites – y compris la radicalisation que nous avons observée ces derniers jours, et que nous déplorons –, sont sous-tendus par une défiance très forte vis-à-vis de l’ensemble du personnel politique et des personnes engagées dans la sphère publique. Défiance au demeurant puissamment alimentée par des informations – ou de la désinformation – sur les rémunérations.

Cela dit, mon intervention, comme celle de notre collègue de La République en marche, sera un peu paradoxale, puisque je m’exprime au nom du groupe Les Républicains et que celui-ci est partagé : certains de mes collègues ont, comme moi, cosigné la proposition de loi, d’autres n’y sont pas favorables, et d’autres encore considèrent qu’elle n’est pas directement opérante, notamment en raison du fait que, depuis que vous y avez travaillé, un certain nombre d’éléments nouveaux sont intervenus, qui viennent éclairer un peu différemment vos propositions. En effet, comme vous l’avez rappelé, vous avez élaboré ce texte il y a quasiment un an. En janvier 2019, une polémique avait éclaté sur le cumul de rémunérations du Défenseur des droits.

Votre proposition vise, pour l’essentiel, à interdire le cumul entre salaire et pension de retraite pour les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État – tel est l’objet de l’article 1er.

L’article 2 prévoit que ces membres ne puissent plus gagner davantage que le Président de la République.

L’article 3 demande un rapport sur la rémunération de ces personnalités. Or la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a déjà prévu un certain nombre de dispositions pour les hauts fonctionnaires. Son article 38 plafonne la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes ; il renvoie à un décret en Conseil d’État – que nous attendons encore à ce jour – le soin d’en déterminer les modalités. Le décret précisera également les conditions dans lesquelles le montant des pensions de retraite perçues par les membres retraités est déduit de la rémunération qui leur est versée. L’article 39 de la même loi instaure une limite d’âge à 69 ans au moment de la nomination ou du renouvellement des présidents des autorités administratives et publiques indépendantes. L’article 95 satisfait l’article 3 de votre proposition de loi : un rapport indiquera le montant des rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État. Enfin, l’article 4 du futur projet de loi portant réforme des retraites prévoit que le président et les membres du Conseil constitutionnel perçoivent une rémunération égale au traitement afférent au premier groupe supérieur des emplois de l’État classés hors échelle, complétée par une indemnité de fonction dont le montant est fixé par arrêté du Premier ministre et du ministre chargé du budget.

Votre proposition de loi pose en outre un problème d’applicabilité, puisque tout ce qui concerne la rémunération des membres du Conseil constitutionnel relève d’une loi organique ; il en va de même pour le Défenseur des droits. Dès lors, même si les dispositions de l’article 2 les concernent, elles ne pourront pas être appliquées. Si notre groupe comprend et partage complètement les objectifs de votre proposition de loi, il s’inquiète donc de son manque de caractère opérant dans sa rédaction actuelle et préférerait que nous attendions le décret en Conseil d’État – qui, certes, tarde à venir, mais est censé déterminer toutes ces modalités de rémunération – avant de légiférer à nouveau si, une fois le décret publié, il apparaissait que nous ayons encore besoin de le faire.

Mme Laurence Vichnievsky. Je voudrais d’abord vous remercier, monsieur le rapporteur, pour votre engagement, qui ne date pas de cette proposition de loi, et pour la constance avec laquelle vous avez défendu vos positions. Notre groupe, vous le savez, a toujours été particulièrement sensible à la défense des objectifs poursuivis par ce texte, et s’est d’ailleurs exprimé à ce propos à l’occasion d’amendements qu’il avait déposés, que ce soit au moment de l’examen du projet de loi pour la confiance dans la vie politique ou du projet de loi de transformation de la fonction publique.

Toutefois, votre texte vient ou trop tôt, ou trop tard. S’il a été déposé à l’Assemblée nationale en mars 2019, c’est seulement aujourd’hui que nous l’examinons. Or entre-temps, nous avons adopté le projet de loi de transformation de la fonction publique. J’observe d’ailleurs qu’une majorité des membres de votre groupe s’est abstenue de voter ce texte, qui comportait pourtant des avancées que les orateurs précédents ont déjà évoquées, notamment la remise d’un rapport, adoptée à votre initiative et qui fait l’objet de l’article 3 de la proposition de loi. Je n’y reviendrai pas : ce serait redondant, et je ne veux pas vous lasser.

En ce qui concerne l’article 1er, il y a l’article 38 de la loi de transformation de la fonction publique, que nous avons tous évoqué ; il ne se contente pas de renvoyer à un décret en Conseil d’État, puisqu’il pose en fait le principe du plafonnement du cumul des pensions perçues par les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes avec les indemnités qui leur sont versées au titre de leur activité. J’ai été sensible à vos propos lorsque vous avez dit que c’est au législateur qu’il appartient de s’occuper de cette matière. J’en suis bien d’accord, mais c’est précisément ce que nous avons fait, puisque nous avons fixé le principe ; restent les modalités, lesquelles doivent être déterminées par un décret en Conseil d’État. Il est vrai que ce décret tarde un peu à arriver, car sa publication était prévue en décembre dernier pour qu’il puisse s’appliquer dès janvier. Nous savons qu’il devrait être prêt sous peu – je pense que nous en connaîtrons le contenu lors de notre discussion dans l’hémicycle. Il est sage d’attendre de connaître le contenu de ce décret. Notre discussion sur l’article 1er sera alors plus utile qu’elle ne l’est aujourd’hui.

S’agissant de l’article 2 de la proposition de loi, seule une loi organique peut traiter les cas du Défenseur des droits et des membres du Conseil constitutionnel. Le projet de loi organique sur la réforme des retraites, que nous allons bientôt examiner, prévoit dans un de ses articles de préciser les modalités de rémunération des membres du Conseil constitutionnel, et de définir un écrêtement limitant la possibilité de cumuler indemnités d’activité et pension de retraite.

Reste le cas des membres des AAI et des API. À cet égard, je nuancerais les propos de M. Vuilletet, car je ne suis pas certaine qu’il ne soit pas souhaitable de prévoir une référence. Ces autorités travaillent pour l’intérêt général et public ; dès lors, il ne nous paraît pas choquant qu’une référence soit prévue. Doit-elle être fixée à hauteur de l’indemnité perçue par le Président de la République ? Cela mérite aussi discussion, et l’hémicycle sera le lieu propice pour ce faire.

Compte tenu des réserves formulées, et même si nous sommes d’accord sur les principes et les objectifs de cette proposition de loi, nous allons pour l’heure nous abstenir ; nous souhaitons disposer du décret prévu par la loi de transformation de la fonction publique et connaître son contenu avant de discuter plus avant.

Mme Cécile Untermaier. Cette proposition de loi doit toutes et tous nous rassembler autour d’une préoccupation commune : restaurer un climat de confiance par le versement de rémunérations raisonnables aux personnes qui se voient confier des missions de service public.

Ce texte intervient opportunément, au moment où nous nous apprêtons à discuter de la réforme des retraites. S’agissant des fonctionnaires, la question du cumul a été en partie réglée par la loi de 2014 garantissant l’avenir et la justice du système des retraites, mais elle mérite d’être réexaminée à la lumière du projet de loi instaurant un système universel de retraite. En tant que députés, nous sommes d’autant plus à l’aise sur ce sujet que nous avons fait notre travail en alignant notre régime de retraite sur le régime général de droit commun ; nous attendons désormais que le Sénat en fasse autant.

Quelques-uns d’entre nous sont membres de l’observatoire de l’éthique publique – préoccupation majeure qui doit accompagner toutes les réformes démocratiques que nous menons. Avec cette proposition de loi, vous avez le mérite de rappeler l’exigence de transparence qui doit nous guider, et qui n’est toujours pas au rendez-vous. Peut-être le décret le permettra-t-il – mais est-il besoin de l’attendre ? Quoi qu’il en soit, il est pour l’heure très difficile de connaître les rémunérations des membres des AAI et des API. Votre rapport a en tout cas le mérite de mettre ce sujet en lumière.

La Cour des comptes elle-même nous invite à réfléchir à cette question de la liquidation de la pension de retraite dans la fonction publique. 30 % des présidents d’AAI ou d’API sont d’anciens conseillers d’État, de la Cour des comptes ou de la Cour de cassation ; quelle que soit l’excellence du travail mené par ces personnalités, nous devons nous interroger sur l’évolution de leur rémunération une fois leur retraite liquidée. Nous ne pouvons pas engager la réforme des retraites sans nous préoccuper de cette question, en allant au-delà de ce qui a été fait dans la loi de transformation de la fonction publique publiée au Journal officiel en août 2019.

Vous ne cherchez évidemment pas dans cette proposition de loi à remettre en cause l’utilité des AAI et des API ni la qualité des personnalités qui les dirigent, indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie. Il pourrait d’ailleurs être souhaitable de lancer une réflexion sur la constitutionnalisation de certaines d’entre elles : je pense notamment à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, à l’image du Défenseur des droits.

Dans un souci – qui est tout à votre honneur – de conciliation avec l’administration, vous avez retiré le Conseil constitutionnel du champ d’application de la proposition de loi. Je voudrais rappeler à ce sujet que nous n’avons pour le moment pas pu obtenir du Conseil constitutionnel que ses membres transmettent une déclaration d’intérêts et de patrimoine, alors que les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont tenus de le faire, et qu’une telle déclaration devrait être obligatoire. Une proposition de loi organique relative aux obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil constitutionnel a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en février 2017, et transmise au Sénat. Et dans le cas d’une autorité amenée à prendre des décisions susceptibles de servir à trancher des litiges en cas de recours, nous devons nous assurer qu’elle le fait sans conflit d’intérêts, ce qui dépasse largement la question du cumul d’indemnités d’activité et de pensions de retraite.

Enfin, si nous voulons aller plus loin dans le sens de la transparence et de la déontologie, nous devons aussi nous interroger sur le cumul d’indemnités et d’activités par les élus ; c’est ce que nous avons commencé à faire dans le cadre des lois de septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Les rémunérations associées à un ou plusieurs mandats importants exercés par un élu doivent être encadrées.

Il est vrai qu’un décret en Conseil d’État, prévu par l’article 38 de la loi du 6 août 2019 sur la transformation de la fonction publique, doit bientôt venir traiter la question. Reste que les parlementaires se doivent de faire en sorte que ces décrets soient publiés dans un délai raisonnable, et de se donner la possibilité de travailler sur la question plutôt que de devoir se prononcer sur un amendement présenté au tout dernier moment, le jour de la séance. Je redoute que les hauts fonctionnaires en charge de la rédaction du décret prennent tout leur temps pour le faire paraître ; il serait de bonne pratique législative d’accompagner cette proposition de loi et de l’adopter. Nous pourrions alors, d’ici à la séance, nous assurer de la conformité du décret une fois celui-ci publié, tout en respectant les exigences de transparence sur lesquelles notre présidente avait beaucoup travaillé dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique, mais dont nous ne voyons pour l’heure aucune concrétisation… Emparons-nous de ce sujet, soutenons cette proposition de loi afin de mettre le Gouvernement, en séance, en situation de nous convaincre du caractère inopportun ou inadapté du texte proposé.

À ce stade, au regard de ces préconisations essentielles à nos yeux, le groupe Socialistes et apparentés votera pour ce texte.

M. Michel Zumkeller. Le groupe UDI, Agir et Indépendants soutient bien évidemment ce texte, qu’il a été très heureux d’inscrire à l’ordre du jour à la demande de notre collègue Thierry Benoit. C’est un sujet très important, sur lequel beaucoup de choses ont été dites. Tout le monde trouve que ce texte est très bien, même si les trois quarts expliquent qu’ils ne le voteront pas… Mais ce n’est pas grave : le seul fait qu’il ait été déposé constitue déjà en soi une avancée.

Le problème est parfois pris à l’envers : ce texte n’est pas fait pour dénigrer les hauts fonctionnaires. C’est tout le contraire ; c’est peut-être même la meilleure manière de les réhabiliter, car un fonctionnement qui devient transparent n’est plus contestable. Nous avons besoin d’institutions qui contrôlent la haute fonction publique : c’est lorsque le doute s’installe, quand les choses ne sont pas très claires, que les gens finissent par se poser des questions sur son utilité.

Ce texte parle d’égalité : ce que l’on exige des citoyens, pourquoi ne le demanderait-on pas aux hauts fonctionnaires ? Il parle aussi de transparence : il me semble que par les temps qui courent, nos concitoyens en ont vraiment besoin, tout comme nos institutions, car c’est ainsi qu’elles seront réhabilitées.

On nous dit de ne pas nous inquiéter, qu’un décret sera bientôt publié, en application du texte précédent. Reste qu’un décret est élaboré par des hauts fonctionnaires… Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de pays dans lesquels on confie aux hauts fonctionnaires le soin de fixer les règles qui leur seront applicables… Demandons-le plutôt aux parlementaires… Il serait bon de réhabiliter la fonction du Parlement en confiant à ceux qui sont l’émanation du peuple le soin d’en décider. Personne n’aurait à y perdre ; au contraire, cela permettrait de montrer que les députés servent encore à quelque chose, à fixer des règles, à garantir et à nous assurer le concours de hauts fonctionnaires efficaces et sérieux, ce dont nous ne doutons pas.

Un argument m’étonne enfin : si l’on ne rémunère pas suffisamment ces gens, ils ne viendront pas. Mais alors, pourquoi viennent-ils ? Pour l’intérêt général ou pour la rémunération ? On est en droit de se poser la question. Je ne pense pas qu’ils viennent pour la rémunération, mais tout de même ! Certaines responsabilités, au sein d’une autorité administrative, méritent-elles une rémunération supérieure à celle du Président de la République ? Personnellement, je ne le pense pas. Notre collègue de la République en marche demande pourquoi il faudrait fixer un plafond de rémunération…

M. Guillaume Vuilletet. Je n’ai pas dit cela !

M. Michel Zumkeller. Les rémunérations des élus sont plafonnées, et c’est une très bonne chose. Pourquoi n’en irait-il pas de même pour les hauts fonctionnaires et leurs retraites ? Je pense que ce texte a vraiment du sens, et que nous en avons besoin pour réhabiliter nos institutions. Il faut cesser de cautionner certaines pratiques : certes, notre haute fonction publique et nos agences administratives sont utiles, mais il faut en finir avec certaines rémunérations exorbitantes. En effet, nos concitoyens, avec un salaire médian s’élevant à 1 700 euros par mois, ne peuvent pas comprendre ces chiffres qui circulent. En autorisant cela, nous allons à l’encontre de ce que nous voulons, c’est-à-dire un pays dans lequel les élus, l’organisation administrative et les citoyens avancent tous ensemble.

Nous sommes donc bien évidemment très heureux d’avoir déposé cette proposition de loi, que nous soutenons ardemment. J’espère que le décret sera publié avant le 30 janvier, mais nous pouvons en douter – ce sera plus probablement le 31 janvier ou au début du mois de février. Nous félicitons Thierry Benoit pour cet excellent travail, qui porte sur un sujet essentiel. Si 160 parlementaires l’ont soutenu, c’est qu’eux aussi y ont vu un sujet important.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je rappelle que le Gouvernement – nous l’avions relevé dans notre rapport sur l’activité de la commission des Lois – est exemplaire pour ce qui est de la publication des décrets : jusqu’à présent, plus de 95 % des décrets ont été publiés dans les temps ; je ne doute pas que celui-ci le sera également, je l’espère en tout cas comme vous.

M. Paul Molac. Je comprends bien la préoccupation de notre collègue M. Benoit. La sociologie de ma circonscription, en Bretagne, est comparable à celle de la sienne : des gens durs à la tâche, qui travaillent parfois dans des conditions difficiles, marquées par des travaux pénibles. Ils finiront par se retrouver avec des retraites modestes, autour de 800 euros par mois ; ils s’estimeront heureux s’ils parviennent à 1 000 euros. Ces gens ont une réelle utilité sociale. Quand ils observent les rémunérations qui ont cours dans la haute fonction publique, et qui peuvent paraître très confortables – au-dessus de 15 000 euros mensuels –, ils s’interrogent. La lutte contre les inégalités sociales et de revenu est un enjeu que nous ne devons pas perdre de vue ; c’est en effet quelque chose qui mine notre société. Les gens dont je parle sont souvent très polis, ce qui fait qu’ils ne nous le disent pas. Les plus vindicatifs diront que les élites se gavent. Vous l’avez certainement entendu dans vos campagnes, et c’est peut-être pour cela que vous avez voulu faire une loi sur la moralisation de la vie publique. Des réponses ont déjà été apportées à cette question ; je crois que cette proposition de loi en est une de plus. Elle est bienvenue, car il s’agit d’argent public, qui vient des impôts – de tout le monde, donc, puisque tout le monde paie des impôts, ne serait-ce qu’à travers la TVA. Il me paraît tout à fait légitime de se poser ce genre de questions, tant certaines rémunérations peuvent paraître choquantes à des personnes dont les revenus sont très faibles.

Adam Smith, le père du libéralisme économique, disait qu’il était immoral qu’un patron gagne plus de douze fois ce que gagnent ses ouvriers. Que dire du degré d’immoralité atteint par les grands patrons aujourd’hui ! Ce n’est pas douze fois, mais cent fois ! Comment peut-on justifier que quelqu’un soit payé un million d’euros par mois en expliquant qu’il travaille beaucoup mieux que les autres ? Je dois avouer que je n’y crois pas un seul instant. Certes, nous n’en sommes pas là, mais la lutte contre les inégalités est quelque chose qui me paraît important.

C’est pour cela que nous soutenons la proposition de notre collègue M. Benoit. Un certain nombre de députés du groupe Libertés et Territoires ont formulé des propositions qui vont dans le même sens, et nous pensons que cela peut contribuer à la paix sociale et à la sérénité du pays.

M. Stéphane Peu. Notre groupe est signataire de cette proposition de loi ; il va donc sans dire que nous la soutiendrons. Je ne sais si l’opiniâtreté de notre rapporteur est liée à ses origines bretonnes ou à sa seule personnalité ; reste qu’il a le mérite de la constance et c’est une vertu, surtout sur ce type de sujets. Au-delà des efforts déjà réalisés – souvent sous la contrainte, souvent sous la pression, pour ne pas dire à reculons –, il serait bon d’anticiper une aspiration irréversible afin de faire en sorte que la vertu républicaine et le sens de l’intérêt général soient rétablis dans notre pays. C’est le prix à payer si l’on veut restaurer la confiance des Français envers l’action publique. Ces derniers mois, la révélation du cumul emploi-retraite du Défenseur des droits a par exemple beaucoup choqué ; puis, lorsque le Président de la République a lancé le grand débat national et qu’il a été question que la présidente de la commission nationale du débat public, Mme Jouanno, en assure l’organisation, sa seule rémunération, qui ne s’ajoutait pourtant pas à une pension de retraite, est apparue si scandaleuse à l’opinion publique, dans le contexte des « gilets jaunes », qu’elle a dû renoncer – même si d’autres raisons y ont contribué.

Il y a donc là un sujet essentiel. Je ne comprends pas l’argument développé par M. Vuilletet à propos du secteur privé : ce n’est pas parce que des dérives existent dans le secteur privé que l’on doit mettre le secteur public au diapason de celles-ci. Au contraire, il doit montrer un exemple vertueux. Rappelons, sans remonter jusqu’à Adam Smith, qu’au moment de la négociation des accords de Grenelle en 1968, le Conseil national du patronat français (CNPF), ancêtre du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), considérait comme acceptable que l’échelle des salaires en France aille de 1 à 20. Aujourd’hui, elle va de 1 à 2 000, voire davantage… Il y a bien eu une dérive dans le creusement des inégalités ; si nous n’y mettons pas fin et si le secteur public ne montre pas l’exemple de ce que doivent être l’intérêt général, l’intérêt public, la probité et le sens de la mesure, personne ne le fera à sa place.

Une partie du problème va être traitée par le projet de loi organique sur la réforme des retraites. S’agissant des membres du Conseil constitutionnel, j’observe qu’ils se verront appliquer la clause du grand-père, dans la mesure où les futures dispositions ne s’appliqueront qu’aux nouveaux arrivants. Heureux membres du Conseil constitutionnel, qui se voient reconnaître une clause dont d’autres, bien plus modestes, auraient aimé bénéficier !

Cette proposition de loi constitue un premier pas ; il en faudra bien d’autres. Mon groupe politique a lui-même déposé une proposition de loi visant à renforcer l’intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale, et qui porte notamment sur le Conseil constitutionnel. Le cumul emploi retraite est inacceptable et le niveau des rémunérations doit être encadré, mais nous avons aussi intégré d’autres sujets dans notre proposition – je pense notamment à l’obligation de présenter un casier judiciaire vierge pour candidater à une élection : ce sujet avait été évoqué au moment de l’audition de M. Juppé. Et cette condition exigée de tout fonctionnaire devrait l’être aussi pour les responsables publics, quelles que soient leur histoire ou leur fonction.

M. Alexis Corbière. Au sein du groupe de La France Insoumise, nous sommes attachés à ce que l’éthique soit scrupuleusement respectée par l’ensemble de la représentation politique, à l’échelle tant locale que nationale. Les élections municipales seront d’ailleurs, nous l’espérons, l’occasion de travailler, dans certaines communes, à des avancées significatives pour mettre en œuvre un contrôle citoyen réel et actif en dehors des périodes électorales. Il s’agit de faire en sorte que le citoyen ne soit pas dépossédé de son pouvoir et dispose d’outils efficaces pour faire respecter cette éthique. Je pense notamment à l’instauration d’une possibilité – encadrée – de révoquer des élus au cours de leur mandat. Les citoyens pourraient ainsi continuer à être actifs entre deux élections, et exercer un contrôle sur les élus qui ne respecteraient pas les règles d’éthique. Cette mesure, comme d’autres que nous proposons, vise à rendre un pouvoir pérenne aux citoyens sur celles et ceux qui ont l’honneur de les représenter. Nous sommes des mandataires du peuple et nous ne devons jamais en être détachés ; le peuple doit garder un pouvoir de rappel et de révocation, comme cela avait déjà été dit durant la Révolution française.

De grands progrès restent à accomplir pour faire régner cette éthique et mettre fin aux abus, quels qu’ils soient, qui décrédibilisent la représentation politique aux yeux de nos concitoyens. Tout ce qui transige avec l’éthique produit non seulement du déshonneur, mais aussi de la désertion dans les urnes. La question de la rémunération perçue par le personnel politique est essentielle.

À l’échelle locale, certaines indemnités perçues par les maires ou d’autres élus apparaissent bien souvent comme déconnectées de la situation financière moyenne de leurs administrés. Cela provoque de la méfiance et du mépris, et contribue à créer un fossé entre les citoyens et leurs représentants.

À l’échelle nationale, certaines situations sont peut-être encore plus déraisonnables. Le cumul d’indemnités pour des mandats ou des fonctions en cours avec des pensions de retraite aboutit parfois à des revenus mensuels exorbitants. Je ne citerai pas de cas individuels – il y en a beaucoup – car le problème n’est pas celui de telle ou telle personne, qu’il serait aisé de pointer du doigt ; il est celui d’un système qui permet une addition, sans fin, de traitements, de salaires, d’indemnités, de pensions, et parfois même d’avantages matériels mis à disposition par l’État.

Je me réjouis donc que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui propose de poser certaines limites à ce système défaillant ou, en tout cas, insuffisamment ambitieux lorsqu’il s’agit de préserver l’éthique.

J’insiste sur la situation des élus car ils se doivent à mon avis d’être exemplaires. Mais un encadrement du cumul des revenus doit – vous avez raison de le souligner – s’appliquer également à celles et ceux qui sont amenés à exercer les hautes fonctions de la République.

Votre proposition, qui consiste à instaurer un plafonnement des rémunérations à hauteur des indemnités allouées au Président de la République, ne nous paraît cependant pas suffisamment ambitieuse. En effet, le Président de la République peut lui-même fixer sa rémunération par décret, et donc moduler son montant pour modifier le plafonnement dont il est ici question. Qui plus est, cela revient à mettre en place un système pyramidal dans lequel le Président se trouverait au sommet, sans que rien ne puisse le dépasser. Cette conception nous paraît tout à fait arbitraire et non conforme à notre histoire républicaine. Pourquoi ne pas imaginer que tous les élus, députés, ministres et Président, aient la même rémunération ? Après tout, notre emploi du temps est au moins aussi chargé que celui d’un ministre ou du Président de la République. Cette conception patronale, dans laquelle personne ne doit gagner autant que le patron, ne correspond de mon point de vue à aucune éthique républicaine. La République doit garantir notre indépendance matérielle et notre capacité à travailler, mais je ne vois pas ce qui justifie que le Président de la République gagne plus qu’un ministre. C’est idéologiquement contestable, à moins que l’on considère qu’il travaille plus que les autres. La France n’est pas une entreprise, ce n’est pas une start-up, et Emmanuel Macron n’est pas le patron de la France. Il est un élu parmi d’autres, un élu national, et il serait plus juste de donner à tous la même indemnité.

Afin d’éviter cet écueil, il nous semblerait pertinent d’inscrire dans la loi un mode de calcul de la rémunération du Président de la République, qui pourrait par exemple s’élever à un certain nombre de fois le salaire médian des Français, ou un certain nombre de fois le SMIC. Serait ainsi mise en place une corrélation directe entre certains hauts revenus du secteur politique ou public, et ceux de la majorité de nos concitoyens.

Mais les plus grands abus qui existent en matière de rémunération, de retraites et d’accumulation de richesses, ne sont pas le fait de ceux qui exercent un mandat électoral ou public. C’est évidemment dans le secteur privé que l’éthique est le plus mise à mal, et que la situation choque le plus nos concitoyens. C’est l’illustration de la célèbre phrase de Jaurès : « la République a rendu les Français rois dans la cité, et les a laissés serfs dans l’entreprise. » Pourquoi fixons-nous des règles dans la vie publique que nous ne voulons pas appliquer dans l’entreprise ? Les deux sont liés, comme l’a évoqué mon collègue et ami Stéphane Peu. Dans certains groupes du CAC 40, les plus hauts revenus sont parfois mille fois supérieurs aux plus bas salaires de l’entreprise, et Carlos Ghosn poursuit Renault aux prud’hommes pour obtenir coûte que coûte sa retraite-chapeau, estimée à 770 000 euros annuels !

Cette proposition de loi allant dans le bon sens, nous la soutiendrons en dépit de ses limites.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je voudrais remercier l’ensemble des porte-parole des groupes et je me réjouis, indépendamment des votes attendus en commission ou plus tard dans l’hémicycle, que nos vues sur le sujet soient globalement convergentes.

Je rappelle à M. Arnaud Viala que seule la question de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel nécessitait l’élaboration d’une loi organique. Nous l’avons d’ailleurs rédigée, et les 160 députés cosignataires de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui l’ont également cosignée. Cependant, comme je l’ai dit dans mon propos introductif, j’ai, au fil de mes travaux, modifié le périmètre d’application du texte pour le circonscrire aux seules AAI et aux API.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre les autorités concernées, qui sont au nombre de vingt-cinq, avec les agences de l’État. Lorsque notre collègue Guillaume Vuilletet nous indique que certaines personnes nommées à ces postes auraient du mal à accepter de voir leur rémunération divisée par deux ou trois, il se trompe. Ils ne seront pas si malheureux qu’il le dit…

Sur les vingt-cinq présidents d’AAI et d’API, seuls huit ont une rémunération supérieure à celle du Président de la République. Rappelons, pour mémoire, que le traitement du Président de la République s’élève à 182 400 euros annuels. Les huit autorités concernées sont l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) – son président perçoit 191 833 euros annuels ; l’Autorité de la concurrence – 194 980 euros ; l’Autorité nationale des jeux (ANJ) – 195 294 euros ; l’Autorité des marchés financiers (AMF) – 241 908 euros ; l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – 220 000 euros ; la Haute autorité de santé (HAS) – 210 197 euros ; la Commission de régulation de l’énergie (CRE) – 200 201 euros ; le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – 189 168 euros. Voilà les huit fonctions concernées par l’article 2 de la proposition de loi, qui vise à ramener les rémunérations dans un cadre plus raisonnable, autrement dit à environ 180 000 euros.

Sans doute est-ce mon côté loyaliste et légitimiste qui m’a fait prendre comme repère la rémunération du Président de la République, cher Alexis Corbière. Dans la circonscription dans laquelle je vis, située dans les Marches de Bretagne, nous sommes loyalistes et légitimistes ; on connaît la valeur travail mais on respecte les élus, on respecte le patron, et on se respecte les uns les autres.

Cependant, lorsque nous avons rédigé l’article 2 en décidant de plafonner le montant des rémunérations à hauteur de celle du Président de la République, nous avons fixé un volume financier – 182 400 euros annuels. Or je concède qu’il faut, pour donner du crédit et de la solidité à la proposition, notamment sur le plan juridique, que cet article 2 soit adossé à la grille indiciaire de rémunération de la fonction publique. Nous allons y travailler d’ici à la séance afin de fixer un cadre juridique précis.

Notre texte se concentre donc uniquement sur les autorités administratives. S’agissant des agences de l’État, comme la compagnie nationale du Rhône (CNR) – nous avons auditionné il y a quelques mois la personne qui était pressentie pour être nommée à sa tête par le Président de la République –, leurs membres touchent des rémunérations qui n’ont rien à voir avec les sommes que je viens d’évoquer. Mais le moment venu, je vous assure qu’il faudra également s’en occuper, comme il faudra s’occuper du Conseil constitutionnel.

Chacun votera naturellement en conscience, mais je le dis pour celles et ceux qui ne sont pas convaincus : ce sujet ne vous lâchera pas. Depuis dix ans, j’ai vu cette question se concentrer uniquement sur les parlementaires, souvent jetés en pâture à l’opinion publique. Ils avaient, disait-on, une enveloppe pour payer leur personnel, la réserve parlementaire, l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), ils se promenaient avec des valises d’argent liquide ; quand cela les arrangeait, ils s’en servaient pour payer leurs collaborateurs parlementaires ; à d’autres moments, ils le destinaient aux maires ou aux associations de leur circonscription. Tout cela a été dit, redit, répété à l’envi dans les médias, télévision, radio ou presse écrite. Et cela s’est terminé comme on sait.

Pour ma part, je n’ai jamais eu aucun problème à cet égard : depuis que je suis devenu député, en 2007, j’ai toujours rendu transparent l’usage de ma réserve parlementaire, et j’ai moi-même écrêté ma propre rémunération. Rappelons au passage, pour ceux qui nous regardent, que la rémunération des parlementaires, et singulièrement des députés, est fixée dans un cadre réglementaire, et qu’elle se trouve plafonnée à une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire.

Ce qui est problèmatique avec le décret, c’est son caractère discrétionnaire. Le Président Emmanuel Macron a fait la campagne des élections présidentielles dans le contexte particulier de « l’affaire Fillon » – celui-ci a payé pour une époque et pour des pratiques qui n’étaient certes pas généralisées, mais plus ou moins admises ; il régnait en tout cas une forme d’opacité quant à l’utilisation et la gestion des enveloppes parlementaires. Or je suis profondément déçu qu’Emmanuel Macron ait fait subsister cette opacité dans la gestion des autorités administratives dites indépendantes, et ce d’abord au stade de la nomination. Vous nous dites qu’il sera difficile de trouver des candidats, mais ce n’est pas vrai. Ce peut être le cas pour les agences de l’État, car les candidats potentiels se trouvent dans des champs fortement concurrentiels, par exemple quand il s’agit de la gestion des barrages du Rhône ou du réseau de transport d’électricité. Mais ce sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ou des établissements publics à caractère administratif, alors que ma proposition de loi se cantonne aux autorités administratives indépendantes, c’est-à-dire à celles que nous créons en tant que législateurs, ou que le Gouvernement crée – la première d’entre elles a été la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), instituée dès 1978. Il faut mettre fin à ce caractère discrétionnaire, à cette opacité qui nourrit, comme l’a dit Paul Molac, une défiance terrible.

Ma proposition de loi est de portée modeste. Mais c’est une première pierre à un édifice qui, j’en suis certain, en comprendra d’autres. Il faudra sans doute un jour aller bien au-delà. C’est ce que le Président de la République et nous-mêmes avons entendu lors du grand débat national.

Mme Cécile Untermaier a insisté sur le caractère d’exemplarité et rappelé, comme l’indique le rapport de la Cour des comptes et celui de la commission d’enquête dont le rapporteur était M. Jacques Mézard, que 30 % des personnes nommées dans ces autorités sont issues de la Cour des comptes, de la Cour de cassation ou du conseil d’État. Cela ne me gêne pas, mais je veux que leur rémunération soit clairement définie, non par la voie d’un décret discrétionnaire, au gré du gouvernement ou du ministre en place.

S’agissant du cumul entre la pension de retraite, la rémunération et l’indemnité, je considère qu’on ne doit pas procéder par un écrêtement spécifique. Pourquoi ces hauts fonctionnaires, qui ont le sens de l’État, qui exercent les plus hautes responsabilités au cours de leur carrière, bénéficieraient-ils d’une dérogation lorsqu’ils feraient valoir leurs droits à la retraite, tandis qu’un fonctionnaire de catégorie C, B, A, autrement dit un fonctionnaire lambda ne peut pas déroger au droit ? Ces anciens fonctionnaires ont eu de belles rémunérations, tant mieux pour eux ; pourquoi devraient-ils pouvoir cumuler plus que les autres ? J’ai entendu sur une radio il y a peu un haut fonctionnaire, dont la rémunération a oscillé pendant quarante ans entre 9 000 euros et 16 000 euros par mois, expliquer à la journaliste qui l’interrogeait que sa retraite de base ne sera que de 5 000 euros, et se demander ce qu’il allait bien pouvoir transmettre à ses enfants avec une pareille retraite… J’ai honte d’entendre de tels propos ! Si vous le voulez, je pourrai vous donner en privé le nom de ce haut fonctionnaire qui a été ministre sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et celui de François Hollande.

M. Rémy Rebeyrotte. Qui donc est cet anonyme ? (Sourires.)

M. Guillaume Vuilletet. Avec tous ces indices, on devrait trouver…

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je le dis à celles et ceux qui s’opposent à ce texte : cette question ne vous lâchera pas !

Monsieur Viala, le texte est clair : il porte uniquement sur les AAI et les API.

L’article 1er vise à assujettir les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes au droit commun régissant le cumul rémunération-pension de retraite en supprimant la dérogation dont ils bénéficient.

L’article 2 prévoit que la rémunération des présidents et des membres des AAI et des API ne pourra plus excéder 182 000 euros. Nous trouverons, d’ici à l’examen du texte en séance publique, un adossement juridique précis.

Nos concitoyens observent depuis quelques dizaines d’années que les élus locaux, les élus territoriaux et les représentants de la nation que sont les députés sont dépourvus de moyens, ce qui révèle une forme d’impuissance publique. C’est la raison pour laquelle ils sont allés sur les ronds-points s’adresser directement au Président de la République. J’ai le plus profond respect pour le Président de la République, mais vous savez comme moi, chers collègues de la majorité, qu’il a commis une erreur au début de son mandat en affichant une forme de mépris à l’égard des élus municipaux et en ayant tendance à minorer le rôle des acteurs locaux et territoriaux. Depuis, il a corrigé cette attitude, et c’est très bien.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous vous concentrer sur votre proposition de loi ?

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je suis totalement concentré sur ma proposition de loi, madame la présidente, car elle est la conséquence de ce que j’ai entendu pendant le grand débat national. C’est au pouvoir législatif, c’est à nous, députés, de fixer le cadre de rémunération des fonctionnaires, et notamment des hauts fonctionnaires nommés dans ces hautes autorités administratives indépendantes et qui, par nature, comme le rappellent la commission d’enquête et la Cour des comptes, font l’objet de très peu de contrôles. Ces AAI et API échappent au contrôle budgétaire de droit commun, leurs pratiques de gestion relevant de fait largement de l’autocontrôle. L’autocontrôle doit cesser et le contrôle doit être effectué par les parlementaires, notamment par les députés.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite, art. L. 161-22 du code de la sécurité sociale) : Suppression de la dérogation par laquelle les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État peuvent bénéficier d’un cumul intégral de leur rémunération et de leur pension de retraite

La Commission examine l’amendement CL4 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cet amendement vise à recentrer la proposition de loi sur les AAI et les API.

M. Guillaume Vuilletet. Mon explication de vote sur cet amendement vaudra aussi pour l’ensemble du texte.

Je précise que lorsque je parlais de rémunérations divisées par deux ou trois, je faisais référence aux rémunérations potentielles d’origine des personnes et non aux rémunérations d’ores et déjà pratiquées dans les AAI et les API.

Je veux bien qu’on nous accuse de beaucoup de choses, y compris d’être trop jeunes dans la fonction parce que nous ne sommes pas là depuis longtemps. Mais je ferai remarquer à nos collègues qui sont là depuis plus longtemps que c’est ce Gouvernement et cette majorité qui ont fait le plus des choses en matière de transparence et de limitation des avantages.

Mme Cécile Untermaier. Vous oubliez la Haute autorité pour la transparence de la vie publique !

M. Stéphane Peu. Faites attention à l’autosatisfaction !

M. Guillaume Vuilletet. Entre la loi pour la confiance dans la vie politique, l’alignement des retraites…

M. Stéphane Peu. Vous êtes persuadés qu’avant vous rien n’a été fait, et c’est cela le problème !

M. Philippe Gomès. Incroyable !

Mme Cécile Untermaier. Quelle honte !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Madame Untermaier, monsieur Peu, monsieur Zumkeller, laissez M. Vuilletet poursuivre son propos. Vous pourrez prendre la parole ensuite si vous le souhaitez.

M. Guillaume Vuilletet. D’autres avaient eu l’occasion de le faire sur la retraite des députés, sur la transparence et sur les frais de mandat !

Mme George Pau-Langevin. La moralisation de la vie publique avait commencé avant vous !

M. Guillaume Vuilletet. Peut-être, mais il serait bon de se souvenir que des choses fondamentales ont été faites par cette majorité.

Mme Cécile Untermaier. La vertu, c’est de reconnaître le travail de ses prédécesseurs !

Mme George Pau-Langevin. La moralisation de la vie publique avait commencé avant vous !

M. Michel Zumkeller. C’est scandaleux d’entendre cela !

M. Guillaume Vuilletet. Monsieur Zumkeller, moi, je ne suis pas là depuis 2002 et je n’ai pas participé à différentes majorités !

Personne ne dit qu’il ne faut pas d’encadrement, qu’il ne faut pas réguler tout cela. Il y a sans aucun doute encore du travail à faire d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Je remarque que notre préoccupation traverse les différents bancs, ce qui est une très bonne chose.

Nous voterons contre tous les amendements et les articles, mais nous poursuivrons le débat jusqu’à l’examen du texte en séance publique.

Mme Cécile Untermaier. Madame la présidente, si j’ai bondi c’est parce que je ne peux pas admettre les propos que vient de tenir M. Vuilletet. La première des vertus, c’est de reconnaître le travail de ses prédécesseurs. J’ai toujours veillé à ce que l’héritage de ceux qui avaient travaillé avant moi soit reconnu.

S’agissant de la moralisation de la vie publique, vous faites votre chemin et nous sommes les premiers à le reconnaître. Mais convenez aussi que dans des situations compliquées nous avons, nous aussi, fait notre travail. C’est nous qui avons mis en place le non-cumul des mandats, et cela n’a pas été facile. Et nous vous attendons toujours pour ce qui est de la constitutionnalisation de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. C’est grâce à des dispositifs que nous avons mis en place comme la déclaration d’intérêts et la déclaration de patrimoine que des déviances ont pu être évitées, telles que celles que nous avons connues lors de la réforme des retraites avec M. Delevoye. C’est grâce à ces dispositifs de transparence que nous avons pu jouer notre rôle et que vous pouvez jouer le vôtre. Il n’y a pas d’un côté les vertueux et de l’autre les sans-grade. Nous travaillons tous sur ce dossier. La moralisation de la vie publique n’est pas l’apanage d’un seul groupe ; elle appartient à tous.

Mme George Pau-Langevin. Absolument !

M. Stéphane Peu. Madame la présidente, moi aussi j’ai bondi en entendant les propos de notre collègue.

Il est assez fréquent chez les députés de la majorité de considérer que 2017 est l’an zéro de la vie politique alors que des choses, des bonnes et des moins bonnes, ont été faites avant qu’ils arrivent aux responsabilités. J’ajoute que c’est ce Gouvernement qui, en deux ans et demi, a battu tous les records en ce qui concerne le nombre de ministres contraints de démissionner pour des questions de probité et de mise en examen.

Mme Naïma Moutchou. Que faites-vous de la présomption d’innocence ?

M. Stéphane Peu. Huit ministres ont dû quitter le Gouvernement pour des raisons, soit de mise en examen, soit de conflit d’intérêts. Vous savez ce qu’on dit : quand on monte à l’arbre…

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Encadrement de la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

La Commission examine l’amendement CL5 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cet amendement prévoit que l’article 2 ne s’applique qu’aux membres et aux présidents des autorités administratives indépendantes de l’État.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Information du Parlement sur les rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

La Commission examine l’amendement CL6 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Comme l’a dit Mme Laurence Vichnievsky, l’article 3 a été satisfait par l’amendement qui a été voté par des députés de tous les groupes lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, contre l’avis du Gouvernement, ce dont je les remercie. Je propose donc de supprimer cet article.

M. Guillaume Vuilletet. Pour le coup, nous voterons cet amendement !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise que lors de l’examen de la loi de transformation de la fonction publique, nous avons voté, à votre initiative et à la mienne – une fois n’est pas coutume –, plusieurs dispositions prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les rémunérations de la haute fonction publique et des autorités.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Titre

La Commission est saisie de l’amendement CL3 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cet amendement visait à rédiger le titre de la proposition de loi de la façon suivante : « Proposition de loi visant à encadrer la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes ainsi que son cumul avec une pension de retraite ». Il s’agissait de tirer les conséquences du recentrage du texte sur les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes.

La Commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission des Lois. L’Assemblée nationale sera donc saisie, lors de la séance publique du jeudi 30 janvier, du texte initial de la proposition de loi déposée par M. Thierry Benoit et plusieurs collègues.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je remercie mes collègues.

Les questions de transparence, d’équité, de justice et d’exemplarité font partie des préoccupations des députés depuis trois législatures. J’ai noté le changement entre le mandat de Nicolas Sarkozy et le mandat d’Emmanuel Macron, en passant par celui de François Hollande.

Je veux dire aux députés de la majorité que les Français ont fait confiance au Président de la République pour mettre de l’ordre dans certaines pratiques. Nous, députés, avons commencé à mettre de l’ordre dans notre maison lors de la législature précédente, entreprise que cette majorité a poursuivie. J’espère que d’ici à l’examen du texte en séance publique, nous trouverons, avec les députés de la majorité, des voies de convergence pour faire aboutir cette proposition de loi. Cela renforcerait l’image de l’Assemblée : je préfère que ce soit nous qui mettions de l’ordre et portions le regard sur les AAI et les API plutôt que le Sénat qui a déjà fait une commission d’enquête dont le rapporteur était M. Jacques Mézard. C’est à nous de nous saisir, au nom de nos concitoyens, de ces problématiques.

M. Rémy Rebeyrotte. Que le Sénat vous entende !

Mme Cécile Untermaier. Je suis d’accord avec vous !

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État (n° 1803 rectifié).

 

 


—  1  —

 

PersonneS entendueS

   M. René Dosière, président de l’Observatoire de l’éthique publique, membre honoraire du Parlement.

 

La Fondation pour la recherche sur l’administration et les politiques publiques (IFRAP) a transmis une contribution écrite.


([1]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 2925 du 28 octobre 2010 présenté par MM. Christian Vanneste et René Dosière sur les autorités administratives indépendantes ; Sénat, rapport n° 126 du 28 octobre 2015 de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes présenté par M. Jacques Mézard.

([2]) Rapport de la Cour des comptes, décembre 2017, « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) », p. 8.

([3]) Contribution écrite transmise par la fondation IFRAP.

([4]) « The Standard of Remuneration Act ».

([5])  Rapport de la Cour des comptes, décembre 2017, « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) », p. 94.

([6]) Entendue au sens large, c’est-à-dire incluant le traitement, la part indemnitaire et les avantages dont bénéficient les présidents et les membres.

([7]) De plus, les cotisations vieillesse versées au titre des revenus tirés de la nouvelle activité ne sont pas créatrices de droits nouveaux à la retraite.

([8]) Alinéa 4 de l’article L. 161-22 du CSS et alinéa 3 de l’article L. 84 du CPCM.

([9]) Alinéas 5 et 6 de l’article L. 161-22 du CSS et alinéa 4 de l’article L. 84 du CPCM.

([10]) Le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2020 relatif aux commissions consultatives ou instances délibératives énumère une liste de 394 organismes.

([11]) Alinéas 8 à 15 de l’article L. 161-22 du CSS et alinéas 1er à 4 de l’article L. 86 du CPCM.

([12]) Il en est de même pour les revenus perçus au titre d’activités culturelles et artistiques.

([13]) Rapport de la Cour des comptes, décembre 2017, « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) », p. 64.

([14]) Rapport de la Cour des comptes, décembre 2017, « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) », pp. 60 et 64.

([15]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 2925 du 28 octobre 2010 de MM. Christian Vanneste et René Dosière sur les autorités administratives indépendantes, proposition n° 19.

([16]) Sénat, rapport n° 126 du 28 octobre de 2015 de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes de M. Jacques Mézard, p. 61.

([17]) L’exercice à temps plein de l’activité de président ou de membre est notamment précisé pour certaines autorités par la loi du 20 janvier 2017.

([18]) En cas d’activité à temps non-complet, seule l’indemnité de fonction forfaitaire leur est versée.

([19]) Rapport de la Cour des comptes, décembre 2017, « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) », pp. 60 et 64.

([20]) Rapport de la Cour des comptes, décembre 2017, « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) », p. 62.

([21]) https://www.ifrap.org/fonction-publique-et-administration/comites-theodule-et-autorites-administratives-poursuivre-les-fusions

([22]) Rapport de l’Inspection générale des finances « L’État et ses agences », mars 2012.

([23]) Étude du Conseil d’État « Les agences : une nouvelle gestion publique », septembre 2012, p. 156.

([24]) Les montants correspondent aux prévisions pour l’année 2020. La rémunération brute correspond au traitement brut ainsi que l’indemnité de résidence (IR), le supplément familial de traitement (SFT), la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et l’ensemble des primes ou indemnités de toute nature.

([25]) Textes régissant la rémunération du président et des vice-présidents.

([26]) Textes régissant la rémunération des membres non permanents.

([27]) Ces membres exercent les fonctions de vice-présidents. En outre, trois membres non permanents de l’ART bénéficient chacun d’une rémunération brute annuelle d’environ 16 667 euros. La loi n° 2019-428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités prévoit que les membres non permanents siégeant actuellement au sein du collège de l’ART ne seront pas remplacés à l’expiration de leur mandat en 2022.

([28]) Il s’agit de la rémunération perçue en 2019 par le président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

([29]) 15 membres du collège et 12 membres de la commission des sanctions.

([30]) Texte régissant le régime indemnitaire du président et des membres.

([31]) Dans la limite d’un plafond annuel de 1 150 euros.

([32]) Il s’agit des quatre membres rémunérés au titre de leurs fonctions, les quatre autres membres parlementaires ne percevant aucune rémunération de la CNCTR.

([33]) La CRE rémunère également les huit membres siégeant au sein de son instance de règlement des conflits (CoRDiS) pour un montant total brut annuel s’élevant à 114 358 euros, soit 14 295 euros par membre (prévision 2020).

([34]) Le président perçoit également son traitement de magistrat versé par la Cour de cassation à hauteur de 106 723 euros bruts annuels en 2018.

([35]) Il s’agit des présidents des huit autorités suivantes : l’ARCEP, l’AdC, l’ANJ, l’AMF, l’ASN, la CRE, le CSA et la HAS.

([36]) Compte rendu de la première réunion de la commission des Lois du vendredi 3 mai 2019.

([37]) Jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2020 sur les autorités administratives et publiques indépendantes, p. 3.

([38]) Incluant le montant des indemnités et des parts variables.

([39]) L’article 6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel précise que « le président et les membres du Conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle. »

([40]) Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2019, pp. 166 à 168, encadré n° 3. Il est indiqué que cet encadré constitue une première version des rapports prévus par les articles 37 et 95 de la loi de transformation de la fonction publique qui seront « améliorés » lors des prochaines éditions du rapport annuel.

([41]) Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2019, p. 167.

([42]) Ce montant correspond à l’action 01 « Contrôles des normes ». Une dotation de 513 620,60 euros est également affectée à l’action 03 « Relations extérieures », ce qui porte le budget prévisionnel total consacré aux membres du Conseil constitutionnel à 2 362 180 euros pour l’année 2020.

([43]) Incluant les charges sociales afférentes.

([44]) Réponse à la question écrite n° 147306 de Mme Laurianne Rossi publiée le 26 mars 2019.