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N° 2905

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mai 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

prorogeant létat durgence sanitaire et complétant ses dispositions ( 2902)

PAR Mme Marie GUÉVENOUX

Députée

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Voir les numéros :

  Sénat : 414, 416, 417, 415 et T.A. 85 (2019-2020).

Assemblée nationale : 2902.

 


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SOMMAIRE

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Pages

avant-propos........................................................ 5

1. Le projet de loi.................................................... 6

2. Les modifications apportées par le Sénat............................... 7

3. Les modifications apportées par la commission des Lois................... 8

1. Le projet de loi

2. Les modifications apportées par le Sénat

3. Les modifications apportées par la commission des Lois

Examen des articles

Chapitre Ier Dispositions prorogeant létat durgence sanitaire et modifiant certaines dispositions relatives à son régime

Article 1er (art. 1213 du code pénal et art. 161 [nouveau] de lordonnance n° 2020303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020290 du 23 mars 2020 durgence pour faire face à lépidémie de covid19) Prorogation de létat durgence sanitaire

1. Létat durgence sanitaire, un régime juridique nouveau

2. Une première déclaration de létat durgence sanitaire par la loi du 23 mars 2020

3. Une nécessaire prorogation

4. Les modifications apportées par le Sénat

5. La position de la Commission

Article 1er bis (art. L.313114 du code de la santé publique) Conditions de cessation anticipée de létat durgence sanitaire

Article 2 (art. L.3131–15 du code de la santé publique) Modifications des mesures pouvant être ordonnées par le Premier ministre

1. Létat du droit

2. Le projet de loi initial

3. Les modifications apportées par le Sénat

4. La position de la Commission

Article 2 bis (art. L. 313116 du code de la santé publique) Coordination

Article 3 (art. L. 313117 du code de la santé publique) Régimes juridiques de la quarantaine et de lisolement

1. Létat du droit

a. Un cadre conventionnel de lutte contre les épidémies internationales transcrit en droit interne

b. Le régime des soins psychiatriques sans consentement, un cadre juridique voisin

2. Le dispositif du projet de loi

3. Des dispositions modifiées par le Sénat

a. Des modifications significatives apportées en commission des Lois

b. Des modifications de moindre ampleur adoptées en séance publique

4. La position de la Commission

Article 3 bis (art. L. 122691 [nouveau], L. 33145 et L. 33246 du code du travail) Garanties dont bénéficient les personnes placées en quarantaine au regard du droit du travail

1. Létat du droit

2. Des dispositions introduites par le Sénat

3. La position de la Commission

Article 4  (art. L. 3131–18 du code de la santé publique) Compétence du juge des libertés et de la détention sur le contentieux relatif à la mise en quarantaine et au placement à lisolement

Article 4 bis (art. L. 31151 et L. 3131–1 du code de la santé publique) Harmonisation des procédures relatives à la quarantaine et au placement à lisolement

Article 5 (art. L. 31361 du code de la santé publique) Catégories dagents habilités à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de létat durgence sanitaire

1. Létat du droit

2. Le dispositif du projet de loi

a. Les agents de police judiciaire adjoints

b. Les agents des transports publics

c. Les personnels habilités à procéder à des enquêtes en matière de concurrence

3. Des dispositions limitées par le Sénat

4. La position de la Commission

Article 5 bis Ouverture au public des plages et des forêts

Article 5 ter Ordre de priorité dans le dépistage du Covid19

Chapitre II Dispositions relatives à la création dun système dinformation aux seules fins de lutter contre lépidémie de covid-19

Article 6 Création dun système dinformation de lutte contre lépidémie de covid-19

Article 6 bis Critères délaboration de la carte de classification des départements selon leur état sanitaire

Article 6 ter Exonération de frais bancaires des personnes fragiles pendant la durée de létat durgence sanitaire

Chapitre III Dispositions relatives à loutremer

Article 7 (art. L. 382111, L. 38412 et L. 38413 du code de la santé publique) Application outre-mer

1. Létat du droit

a. La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie

b. Les îles Wallis et Futuna

2. Les dispositions de la proposition de loi

3. Des dispositions peu modifiées par le Sénat

4. La position de la Commission

COMPTE-RENDU DES DÉBATS

1. Première réunion du mercredi 6 mai 2020

2. Deuxième réunion du mercredi 6 mai 2020

Chapitre premier Dispositions prorogeant l’état d’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions relatives à son régime

3. Troisième réunion du mercredi 6 mai 2020

 


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MESDAMES, MESSIEURS,

L’épidémie dite du Coronavirus, qui a débuté en Chine à la fin de l’année dernière, a pris l’ampleur d’une pandémie mondiale. Plus de 200 000 victimes sont aujourd’hui recensées à travers la planète. C’est dans ce contexte épidémiologique dramatique qu’a été décrété, le 17 mars 2020, le confinement de la population française, pour contenir la progression de la maladie dans notre pays.

Depuis, la loi dite d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 a doté les pouvoirs publics des instruments juridiques dont ils avaient besoin. Elle a créé un régime d’« état d’urgence sanitaire » pouvant être mis en œuvre en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population, et permettant au Premier ministre, au ministre de la santé et aux préfets de prendre les mesures nécessaires ; a déclaré cet état d’urgence sur l’ensemble du territoire national pour une durée de deux mois ; a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures nécessaires à la gestion de la crise et qui sont normalement du domaine de la loi ; a organisé le report du second tour des élections municipales.

Le Parlement, pour sa part, s’est mis en situation de répondre aux défis posés par la situation sanitaire, d’abord en adoptant trois projets de loi majeurs – le projet de loi d’urgence précité et deux projets de loi de finances rectificative – dans des délais extrêmement contraints.

Les deux assemblées ont également exercé leurs missions constitutionnelles en assurant un suivi étroit de l’action des pouvoirs publics dans ce contexte épidémiologique. À l’Assemblée nationale, dès le 17 mars, la Conférence des Présidents a institué une mission d’information sur « la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19 ».

Présidée par le Président Richard Ferrand, qui assure également la fonction de rapporteur général aux côtés des huit présidents de commission permanente qui en sont les co-rapporteurs, la Mission est composée de trente-et-un membres et des huit présidents de groupe politique ou de leurs représentants. Elle a entamé sans tarder la première phase de ses travaux : en plus des auditions des membres du Gouvernement et des responsables de la communauté scientifique sur la gestion opérationnelle de la crise sanitaire, elle effectue un travail de suivi approfondi des actes réglementaires et des arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Les commissions permanentes ont elles aussi adapté leur fonctionnement pour exercer, en complément de la mission d’information, un rôle actif et utile durant cette période. La commission des Lois a ainsi tenu six réunions entre le 8 et le 30 avril et procédé à quatorze auditions organisées autour de quatre séquences – l’utilisation des données numériques pour lutter contre l’épidémie, les risques en milieu carcéral, les enjeux de la sécurité et le rôle des collectivités territoriales – qui ont fait l’objet d’un travail de restitution. Un dispositif de suivi des vingt ordonnances prises en application de la loi du 23 mars, relevant de sa compétence, a également été mis en place.

*

*     *

Le confinement a été un instrument efficace pour lutter contre le virus, éviter la saturation des capacités hospitalières et, ce faisant, protéger la santé des Français. Près de 25 000 personnes sont malheureusement décédées dans notre pays du fait du Covid-19 mais un nombre de décès bien supérieur encore a ainsi été évité.

La lutte contre l’épidémie va désormais entrer dans une nouvelle phase. Le confinement prendra fin, en principe, le 11 mai, dans des conditions qui ont été précisées par le Premier ministre à la tribune de l’Assemblée nationale le 28 avril. Car le pays doit vivre. Car les Français doivent pouvoir aller et venir. Car notre économie doit redémarrer. Et car il faut éviter, à tout prix, une recrudescence du virus, dont le niveau de circulation reste élevé.

Pour cela, les pouvoirs publics doivent encore disposer d’instruments juridiques supplémentaires. Le déconfinement est en effet un exercice délicat qui appelle, au cas par cas, des mesures circonstanciées car, malgré le recul de l’épidémie, la situation sanitaire demeure fragile dans les territoires les plus exposés.

Tel est donc l’objet du projet de loi « prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » qui a été délibéré en Conseil des ministres le samedi 2 mai. Adopté par le Sénat le 5 mai, ce texte a été renvoyé à la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République et sera soumis sans délai au vote de l’Assemblée nationale.

1.   Le projet de loi

Comme son titre l’indique, le projet de loi a d’abord pour objet de proroger l’application des dispositions du code de la santé publique relatives à l’état d’urgence sanitaire qui arriveront à échéance, à défaut d’une intervention du législateur, le 23 mai à minuit. L’article 1er procède à cette prorogation pour une durée de deux mois.

Ce dispositif, qui a démontré son utilité pour faire face à la propagation de l’épidémie, doit en outre évoluer afin de répondre aux défis posés par le déconfinement progressif vers lequel notre pays se dirige. Le projet de loi apporte donc des ajustements au cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire.

Plusieurs mesures sont ainsi proposées, pour compléter la réglementation des déplacements et des transports ainsi que les règles d’ouverture des établissements et des lieux recevant du public ; préciser les régimes en vigueur de mise en quarantaine et de placement à l’isolement et prévoir des règles particulières s’agissant des personnes entrant sur le territoire national ; étendre les catégories de personnes habilitées à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire ; mettre en œuvre un système d’information pour lutter contre la propagation de l’épidémie et adapter les systèmes existants.

2.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a examiné le projet de loi les 4 et 5 mai 2020.

À l’article 1er, les sénateurs ont notamment réduit la durée de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire en fixant son terme au 10 juillet 2020, soit deux semaines de moins que ce que sollicitait le Gouvernement. Ils ont également ajouté deux dispositifs spécifiques visant, pour l’un, à modifier le régime de la responsabilité pénale pour les délits non-intentionnels et, pour l’autre, à borner au 24 mai 2020 les prorogations de plein droit des détentions provisoires décidées sur le fondement de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.

Le Sénat a modifié le régime des mesures administratives prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire. Il a écarté la perspective d’une réglementation par le Premier ministre de l’accès aux lieux de regroupement des personnes, la jugeant excessive. Il a revu le régime de la quarantaine et de l’isolement en reprenant un grand nombre des suggestions figurant dans l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi (articles 2 et 3).

À l’article 5, les sénateurs ont réduit l’extension des catégories de personnes habilités à sanctionner la violation des mesures de l’état d’urgence sanitaire en se concentrant sur les seuls manquements susceptibles de se produire dans le secteur des transports et en matière économique.

Concernant l’article 6, plusieurs modifications ont été apportées pour encadrer davantage les dispositions relatives à l’adaptation des systèmes d’information en vue d’assurer l’identification et le suivi des personnes atteintes par la maladie ou présentant un risque de contamination. La durée de mise en œuvre de ces systèmes a été réduite à celle de l’état d’urgence sanitaire ; le champ des garanties des personnes concernées, des données pouvant être partagées et des personnes pouvant y accéder a été clarifié ; un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 a été introduit pour permettre l’évaluation régulière du dispositif ; l’habilitation du Gouvernement à préciser ou compléter les dispositions de l’article a été supprimée.

Enfin, le Sénat a adopté divers amendements portant article additionnel sur les garanties dont bénéficient les personnes placées en quarantaine au regard du droit du travail (article 3 bis), sur la possibilité d’une pratique sportive sur les plages et en forêt dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (article 5 bis) ou encore sur l’exonération de frais bancaires des personnes précaires dans cette même période (article 6 ter).

3.   Les modifications apportées par la commission des Lois

La commission des Lois a examiné le projet de loi modifié par le Sénat au cours de ses trois réunions du mercredi 6 mai. Elle a apporté au texte des modifications significatives.

À l’article 1er, la Commission a adopté deux amendements visant à modifier des dispositions introduites par le Sénat portant, respectivement :

– sur les modalités du retour progressif au droit commun de la détention provisoire ;

– sur la responsabilité pénale des décideurs publics et privés.

S’agissant de ce dernier sujet, le régime de la responsabilité pénale des décideurs publics et privés a été précisé de manière à ce que les conditions exceptionnelles dans lesquelles la prise de décision est exercée soient bien prises en compte par le juge pour apprécier la responsabilité des personnes concernées. L’article 121–3 du code pénal est complété en conséquence afin de prévoir qu’il est tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits.

À l’article 2, la Commission a adopté un amendement permettant l’application de dispositions protectrices pour les enfants victimes de violences lors des mesures de quarantaine et de placement à l’isolement.

En outre, par deux amendements, elle a précisé le contenu du décret encadrant les modalités de mise en quarantaine et de placement à l’isolement et a indiqué que ce décret devrait être pris en Conseil d’État.

À l’article 3, la Commission a précisé la procédure applicable à la mise en quarantaine et au placement en isolement :

– en prévoyant la mention des voies de recours ouvertes dans l’arrêté préfectoral ordonnant ces mesures ;

– en soulignant le caractère immédiatement exécutoire des décisions du juge des libertés et de la détention ;

– en veillant à l’information régulière des personnes ainsi confinées.

À l’article 5, les gardes particuliers assermentés ont été ajoutés à la liste des agents habilités à constater les contraventions aux mesures d’urgence sanitaire.

À l’article 6, plusieurs amendements visant à clarifier certains aspects du dispositif et à renforcer le contrôle parlementaire ont été adoptés : la collecte de données par les professionnels de santé pour alimenter les systèmes d’information ne pourra pas donner lieu à rémunération ; les données issues de l’imagerie médicale pourront également être collectées si elles sont probantes pour le diagnostic clinique ; le recours aux données d’identification a été davantage encadré et les modalités de contrôle de la réforme par le Parlement ont été renforcées.

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   Examen des articles

Chapitre Ier
Dispositions prorogeant létat durgence sanitaire
et modifiant certaines dispositions relatives à son régime

Article 1er
(art. 1213 du code pénal et art. 161 [nouveau] de lordonnance n° 2020303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020290 du 23 mars 2020 durgence pour faire face à lépidémie de covid19)
Prorogation de létat durgence sanitaire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de proroger l’état d’urgence sanitaire, déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 23 juillet inclus.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le régime de l’état d’urgence sanitaire a été créé, à titre provisoire pour une durée d’un an, par l’article 2 de la loi n° 2020-290 précitée.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a apporté, en commission, trois modifications à cet article. Il a d’abord avancé au 10 juillet la fin de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Il a ensuite modifié une habilitation du Gouvernement à prendre des mesures législatives par ordonnance concernant la détention provisoire. Il a enfin adopté un amendement modifiant le régime de responsabilité pénale pour les faits commis durant létat durgence sanitaire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements visant à modifier des dispositions introduites par le Sénat portant respectivement sur la responsabilité pénale des décideurs publics et privés et sur les modalités du retour progressif au droit commun de la détention provisoire.

1.   L’état d’urgence sanitaire, un régime juridique nouveau

● Une première réponse réglementaire indispensable

La situation sanitaire que connaît notre pays a conduit dans un premier temps le Gouvernement à prendre des mesures contraignantes en se fondant sur la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles et sur l’article L. 3131‑1 du code de la santé publique, qui vise l’hypothèse de menace d’épidémie.

Plusieurs textes réglementaires successifs ont ainsi mis en œuvre des mesures fortes visant à organiser progressivement le confinement de la population, seule manière de ralentir la propagation de l’épidémie et, ainsi, de limiter l’engorgement des services sanitaires.

Ces textes ont d’abord uniquement concerné les personnes ayant séjourné dans les zones atteintes par l’épidémie, c’est-à-dire à Wuhan, en Chine ([1]).

La logique du confinement individuel n’ayant pas suffi à enrayer l’arrivée du virus sur le territoire, les textes réglementaires ont ensuite privilégié des mesures plus générales, et non plus seulement individuelles. Considérant que les rassemblements publics favorisent la transmission rapide du virus, la liberté de réunion a été restreinte ([2]). L’épidémie ayant continué à progresser, un arrêté et un décret ont encadré les rassemblements de façon plus contraignante encore ([3]).

 Un cadre législatif dédié à la lutte contre les catastrophes sanitaires

Il est apparu nécessaire d’apporter une meilleure sécurité juridique aux actes réglementaires, tels que le confinement de l’ensemble de la population, en élaborant un cadre juridique ad hoc, dotant les pouvoirs publics des outils nécessaires à la lutte contre l’épidémie.

L’article 2 de la loi du 23 mars 2020 a donc créé un nouveau régime d’urgence, celui de l’urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 85-187 du 25 janvier 1985 sur l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, a considéré qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur d’opérer la conciliation entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public, et que l’existence de régimes de crise dans la Constitution ne fait pas obstacle à ce qu’il en crée de nouveaux ([4]).

L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire national en cas de catastrophe sanitaire, notamment d’épidémie mettant en jeu, par sa nature et sa gravité, la santé de la population (article L. 3131–12 du code de la santé publique).

Cette déclaration intervient par décret en Conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Le décret, motivé, détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques (article L. 3131–13).

L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire. Les assemblées peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.

La prorogation de l’état d’urgence au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi (article L. 3131–21). Cette prorogation est précédée d’un avis du comité de scientifiques.

En même temps que cesse l’état d’urgence sanitaire cessent également les effets des mesures prises pour son application. En outre, il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en Conseil des ministres avant l’expiration du délai fixé par la loi (article L. 3131–14).

En cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, un comité de scientifiques ([5]) est réuni sans délai. Il rend public périodiquement son avis sur les mesures prises par le Premier ministre, le ministre de la santé et les préfets le cas échéant (article L. 3131–19).

La déclaration de l’état d’urgence sanitaire permet au Premier ministre, au ministre de la santé et, s’ils y sont habilités, aux préfets, de prendre un certain nombre de mesures telles que la restriction ou l’interdiction de la circulation des personnes et des véhicules, la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées ou la mise à l’isolement des personnes, la fermeture provisoire de catégories d’établissements recevant du public ou encore la réquisition des biens et des services (articles L. 3131–15, L. 3131–16 et L. 3131–17).

Ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.

 Un cadre juridique expérimental

Eu égard aux circonstances très particulières de l’examen du projet de loi créant l’état d’urgence sanitaire, en termes de délais notamment, il a été décidé, au cours de la navette parlementaire, de donner à ce dispositif un caractère expérimental, pour une durée d’un an. Le rapporteur du projet de loi au Sénat, Philippe Bas, avait fait valoir qu’on « ne saurait complètement se satisfaire de la définition dun tel régime dans lurgence, qui nécessiterait un travail de consultation plus approfondi par le Parlement. » ([6])

L’article 7 de la loi du 23 mars 2020 prévoit donc que le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire est applicable jusqu’au 1er avril 2021.

Cela doit permettre, une fois passée la crise sanitaire que connait actuellement notre pays, d’évaluer les dispositions de l’état d’urgence sanitaire dans des conditions d’examen plus apaisées.

2.   Une première déclaration de l’état d’urgence sanitaire par la loi du 23 mars 2020

L’article 4 de la loi du 23 mars 2020 a déclaré, directement, létat durgence sanitaire à compter de lentrée en vigueur de la loi, pour une période de deux mois. Au regard de la situation sanitaire et des mesures réglementaires d’ores et déjà prises par le Gouvernement pour gérer l’épidémie, il apparaissait en effet inutilement complexe de revenir devant le Parlement avant le délai maximal d’un mois, alors même que les conditions de sa convocation sont difficiles dans un tel contexte.

Pris sur le fondement de l’article 4, le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid‑19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire comprend un ensemble de prescriptions visant à lutter contre l’épidémie. Au 27 avril 2020, ce décret a été modifié à 14 reprises, par autant de décrets modificatifs, afin de compléter ses dispositions en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.

Exemples de mesures prévues par le décret du 23 mars 2020

L’article 3, interdit les déplacements hors du domicile, sous réserve de certaines exceptions nécessitant de se munir d’une attestation lors du déplacement.

L’article 5 interdit le transport aérien de passagers entre le territoire hexagonal et les territoires ultramarins et entre ceux-ci, avec certaines exceptions : motif impérieux d’ordre personnel ou familial, motif de santé relevant de l’urgence, motif professionnel ne pouvant être différé.

L’article 5-1 autorise le représentant de l’État territorialement compétent à prescrire des mesures de quarantaine pour les personnes arrivées sur le territoire d’une collectivité d’outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie en application des motifs de dérogation prévus par l’article 5.

L’article 7 interdit tout rassemblement de plus de 100 personnes, en permettant le maintien à titre dérogatoire de ceux indispensables à la continuité de la vie de la Nation par décision du représentant de l’État dans le département. Ce dernier peut également interdire ou restreindre les rassemblements, réunions ou activités autorisés lorsque les circonstances locales l’exigent.

L’article 8 interdit à plusieurs catégories d’établissements de recevoir du public, sauf pour certaines activités définies en annexe du décret. Il interdit la tenue des marchés, sauf dérogation du représentant de l’État pour les marchés alimentaires qui répondent à un besoin de la population. Il restreint les rassemblements dans les lieux de culte, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes.

L’article 9 suspend l’accueil d’usagers dans les structures d’accueil de la petite enfance, les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur, en maintenant l’accueil des enfants de moins de seize ans des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire. Il suspend les concours et examens professionnels sauf ceux pouvant se dérouler à distance.

L’article 11 fixe des maxima au prix des gels et solutions hydro-alcooliques à la vente et donne compétence au ministre chargé de l’économie pour les modifier par arrêté en vue de tenir compte de l’évolution de la situation du marché.

L’article 12 porte réquisition des stocks de masques de protection respiratoire et anti-projection et de leur production, sur le territoire national et des masques importés.

L’article 12-4 permet, pour pallier les difficultés d’approvisionnement de certains médicaments à usage humain, l’utilisation de médicaments à usage vétérinaire à même visée thérapeutique, bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché.

L’article 12-4-1 permet à l’État ou à l’Agence nationale de santé publique d’acheter certains médicaments identifiés afin de garantir leur disponibilité, en se substituant aux établissements de santé pour les contrats d’achats.

L’article 12-5 interdit les soins de conservation mortuaires, et impose la mise en bière immédiate et l’interdiction de la toilette mortuaire pour les personnes victimes ou supposées victimes du covid-19.

Ces dispositions ont été complétées par un arrêté du ministre de la santé pris sur le fondement de l’article L. 3131‑16 du code de la santé publique et modifié à 11 reprises, qui adapte le fonctionnement et l’organisation du dispositif de santé aux nécessités de gestion de l’épidémie.

Au 27 avril 2020, 4 825 mesures prises par les préfets sont en cours d’application, qui se répartissent de la manière suivante :

– 80,6 % des mesures autorisent l’ouverture de marchés alimentaires ;

– 5,8 % des mesures interdisent ou restreignent les déplacements dans certains lieux ou pour certains motifs, dont 39 mesures de couvre-feu ;

– 5,1 % des mesures interdisent ou restreignent l’accès à des établissements recevant du public, des enfants, scolaires et universitaires ;

– 7,6 %, des mesures concernent des réquisitions.

L’état d’urgence sanitaire doit donc prendre fin, sauf prolongation par la loi, le 23 mai à minuit. En effet, le 24 mai sera le premier jour du troisième mois suivant le 24 mars, date d’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2020 déclarant l’état d’urgence pour deux mois. Celle-ci a été publiée au Journal officiel du 24 mars avec une clause d’entrée en vigueur immédiate, comme le permet le deuxième alinéa de l’article 1er du code civil, aux termes duquel : « en cas durgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit (...) ».

3.   Une nécessaire prorogation

Si la situation sanitaire s’améliore en particulier grâce aux effets positifs du confinement, elle reste néanmoins très préoccupante.

Au 1er mai, 25 887 personnes sont hospitalisées pour infection au covid-19, pour un total cumulé de 92 087 hospitalisations depuis le début de l’épidémie. Parmi les hospitalisations en cours, 3 879 cas graves nécessitent des soins lourds de réanimation. 24 594 décès ont été constatés, dont 15 369 en établissement hospitalier et 9 225 en établissement social ou médico-social.

Comme l’indique l’étude d’impact : « Si lévolution de ces données depuis plusieurs jours témoigne dun ralentissement de la progression de lépidémie, le niveau de circulation du virus reste élevé et les risques de reprise épidémique sont avérés en cas dinterruption soudaine des mesures en cours. Une levée de létat durgence le 23 mai serait donc prématurée ». ([7])

Lors de son adresse aux Français en date du 13 avril 2020, le Président de la République a donc annoncé une stratégie de sortie progressive du confinement : « Lespoir renaît, mais rien nest acquis. Dans le Grand Est comme en Ile de France, les services hospitaliers sont saturés. Partout, en Hexagone comme dans les outre-mer, le système est sous tension et lépidémie nest pas encore maîtrisée. Nous devons poursuivre nos efforts et continuer dappliquer les règles (...). Le 11 mai prochain sera donc le début dune nouvelle étape. Elle sera progressive, les règles pourront être adaptées en fonction de nos résultats car lobjectif premier demeure la santé de tous les Français (...). Nous aurons à partir du 11 mai une organisation nouvelle pour réussir cette étape (...). Nous finirons par lemporter mais nous aurons plusieurs mois à vivre avec le virus. »

Le Premier ministre a présenté à l’Assemblée nationale cette stratégie de sortie progressive du confinement qui repose sur trois principes : protéger, tester, isoler.

L’article 1er du présent projet de loi prolonge en conséquence l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée jusqu’au 23 juillet 2020 inclus.

L’avis du comité scientifique sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, prévu par le troisième alinéa de l’article L. 3131–13, a été rendu le 28 avril. Il a rappelé l’efficacité des mesures de confinement sur la dynamique de l’épidémie, ainsi que la nécessité d’une sortie progressive et contrôlée du confinement. À l’unanimité, le comité a considéré que l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de covid-19, incluant ceux prévus par la loi sur létat durgence sanitaire, restent nécessaires dans la situation sanitaire actuelle.

Le Conseil d’État, dans son avis du 1er mai 2020 ([8]), a considéré que la prorogation de l’état d’urgence était justifiée par la gravité de la menace que la catastrophe sanitaire continue de faire peser sur la santé de la population, au sens de l’article L. 3131-12 du code. Il a estimé que la durée, fixée à deux mois, de la prorogation et l’application de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national sont adaptées et proportionnées à la situation présente.

Votre rapporteure approuve cette prorogation qui parait tout à la fois nécessaire et proportionnée. En prolongeant la mise en œuvre de certaines mesures réglementaires et individuelles prises par les autorités administratives depuis le 23 mars 2020, qui restent pleinement nécessaires, le présent projet de loi donne au Gouvernement les moyens de définir les modalités d’une sortie organisée du confinement, en cohérence avec l’évolution de la situation sanitaire.

4.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté plusieurs amendements présentés par son rapporteur M. Philippe Bas.

Le premier amendement vise à réduire la durée de la prorogation de létat durgence sanitaire proposée en anticipant sa date de fin au 10 juillet, au lieu du 23 juillet dans le projet de loi déposé. Il n’appelle pas de remarque particulière de la part de votre rapporteure.

Le deuxième amendement est d’une portée plus complexe. Il modifie lhabilitation à légiférer par ordonnance conférée au Gouvernement par la loi du 23 mars 2020 en matière de détention provisoire.

Les articles 15 et suivants de l’ordonnance n° 2020–303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale, prise sur le fondement de cette habilitation, dérogent aux règles de droit commun en permettant lextension de la durée maximale des détentions provisoires en cours durant létat durgence sanitaire et leur prorogation de plein droit, cest-à-dire sans débat contradictoire et sans décision expresse dune juridiction.

Larticle 2 de cette ordonnance dispose que ces dispositions sont applicables jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020.

La présidente de la commission des Lois, dans un courrier daté du 20 avril adressé à la Garde des Sceaux, a attiré son attention, dans le prolongement de plusieurs auditions consacrées à la détention, sur « les critiques convergentes qui ont été formuléesà propos de lallongement de plein droit des délais de détention provisoire prévu par lordonnance du 25 mars 2020 et par sa circulaire dapplication. Sil reste possible aux détenus de déposer une demande de mise en liberté, beaucoup ont jugé anormale la prorogation par la loi des détentions provisoires, en labsence de décision du juge expressément fondée sur les circonstances de lespèce. »

Votre rapporteure entend donc la préoccupation du Sénat. Pour autant, la procédure choisie, cest-à-dire la modification dune habilitation du Gouvernement à prendre des mesures législatives par ordonnance alors même que cette ordonnance a déjà été régulièrement publiée, apparaît inédite et ses effets incertains.

Enfin, la commission des Lois du Sénat a adopté, à linitiative du rapporteur, un troisième amendement relatif à la responsabilité pénale pour des faits commis pendant létat durgence sanitaire.

Ce dispositif prévoit que nul ne pourrait voir sa responsabilité pénale engagée du fait davoir, pendant la durée de létat durgence sanitaire, soit exposé autrui à un risque de contamination par le coronavirus SARS-CoV-2, soit causé ou contribué à causer une telle contamination, à moins que les faits naient été commis :

 intentionnellement ;

 par imprudence ou négligence dans lexercice des pouvoirs de police administrative spéciale attribués aux autorités de lÉtat au titre de létat durgence sanitaire ;

 en violation manifestement délibérée dune mesure de police administrative prise à ce titre ou dune obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Lobjectif poursuivi est dencadrer, dans le cadre de lapplication de la stratégie de déconfinement et de la reprise de lactivité économique et sociale, « [les risques] de condamnation pénale [pesant] sur les élus, gestionnaires, chefs dentreprise qui agiraient en conséquence tout en se pliant strictement aux mesures de police qui resteront en vigueur ainsi quaux règles particulières de prudence ou de sécurité, par exemple celles relatives à la santé au travail. » ([9])

Si votre rapporteure peut comprendre cet objectif au regard des circonstances actuelles et de la complexité des décisions à prendre pour les acteurs publics comme privés, ces dispositions posent néanmoins des difficultés juridiques qui ont été soulignées par la Garde des sceaux en séance publique :

 en premier lieu, la rédaction retenue pourrait conduire à appliquer un régime de responsabilité distinct pour les acteurs chargés de prendre des mesures de police administrative dans le cadre de létat durgence, en particulier les préfets, qui ne semble pas justifié. Leur responsabilité serait engagée en cas dimprudence ou de négligence, quand celle des autres acteurs ne le serait quen cas de violation manifestement délibérée dune mesure de police administrative. La responsabilité des acteurs ne serait plus engagée en fonction des manquements constatés et de leurs effets, mais du niveau de responsabilité de la personne concernée ;

 en deuxième lieu, la faute caractérisée ne constituerait plus un motif de responsabilité pénale en cas de dommage non intentionnel causé indirectement ;

 enfin, le champ de ce régime de responsabilité pénale ne couvrirait que les faits commis pendant la durée de létat durgence sanitaire et ne remplirait donc quimparfaitement lobjectif recherché de prise en compte des effets de lépidémie, laquelle pourrait persister au-delà de cette période.

La responsabilité des acteurs publics et privés en cas dinfraction non intentionnelle

Larticle L. 121-3 du code pénal dispose quil ny a pas de crime et délit sans intention de le commettre.

Toutefois, il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute dimprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, sil est établi que lauteur des faits na pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans ce cas, les personnes physiques qui nont pas causé directement le dommage, mais qui y ont contribué ou qui nont pas pris les mesures permettant de léviter, sont responsables pénalement sil est établi quelles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque dune particulière gravité quelles ne pouvaient ignorer.

Par conséquent, pour les infractions non intentionnelles, si le lien de causalité des faits reprochés avec le dommage est indirect, alors la faute doit donc être dune particulière intensité.

Par ailleurs, le code général des collectivités territoriales comprend plusieurs articles relatifs à la protection fonctionnelle des élus, indispensable à lexercice de leur mandat au regard des responsabilités qui leur sont confiées. En cas de poursuites judiciaires, leur responsabilité ne peut être engagée pour des faits non intentionnels commis dans lexercice de leurs fonctions que si les élus concernés nont pas accompli les diligences normales compte tenu des compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie.

5.   La position de la Commission

La Commission a adopté trois amendements.

● La responsabilité pénale des décideurs publics et privés

Les deux premiers amendements, identiques, présentés par Mme Laurence Vichnievsky et M. Florent Boudié, ont reçu un avis favorable de la rapporteure. Résultant d’un travail concerté mené dans l’urgence ils sont de nature à répondre aux préoccupations des décideurs publics et privés.

L’objectif est de faire en sorte que les conditions exceptionnelles dans lesquelles la prise de décision est exercée soient bien prises en compte par le juge pour apprécier la responsabilité des personnes concernées. L’article 121–3 du code pénal est modifié en conséquence afin de prévoir qu’il est tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits.

Il ne s’agit ni d’atténuer, ni d’exonérer la responsabilité, ce que nos concitoyens ne comprendraient pas, mais bien, dans le respect de l’état de droit, de préciser les circonstances que le juge peut être amené à prendre en compte pour apprécier in concreto la responsabilité des décideurs publics et privés.

 Le retour progressif au droit commun de la détention provisoire

La Commission a adopté, avec l’avis favorable de votre rapporteure, un amendement présenté par Mme Laëtitia Avia et les membres du groupe La République en marche, fixant le principe et les modalités nécessaires d’un retour progressif au droit commun de la détention provisoire dès la date de reprise de l’activité des juridictions.

À compter du 11 mai 2020, la prolongation des délais de détention provisoire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique prévue par l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020, prise en application de la loi du 23 mars 2020, requerra une décision de la juridiction compétente après débat contradictoire.

Il apparaît nécessaire que les règles applicables en matière de détention provisoire reviennent aussi rapidement que possible au droit commun, dès la reprise progressive de l’activité des juridictions à compter du 11 mai et ainsi que la ministre de la Justice s’y était engagée. La Commission a cependant estimé devoir accompagner ce retour à la normale d’une période transitoire permettant aux juridictions de statuer sur les prolongations de détention provisoire dans des conditions satisfaisantes garantissant la sécurité juridique des procédures en cours.

Pour ce faire, l’amendement a précisé que :

– pour les titres de détention en cours qui arrivent à échéance dans un délai d’un mois à compter du 11 mai, la juridiction disposera de quinze jours à compter de l’échéance pour se prononcer sur une prolongation, sans qu’il en résulte la mise en liberté de la personne détenue ;

– en matière de détention provisoire au cours de l’instruction, la durée totale de détention possible pour permettre l’information demeurera celle du droit commun, sauf dans le cas où la prolongation de plein droit portait sur la dernière échéance possible ;

– pendant un mois à partir du 11 mai, le juge pourra à titre exceptionnel prolonger la détention pour des durées de 2, 3 ou 6 mois dans le seul cas où la détention arrive à sa dernière échéance. En matière d’audiencement, la prolongation pourra également être décidée pour des durées de 2, 3 ou 6 mois.

Concernant les prolongations de six mois intervenues de plein droit au cours de l’instruction, en application de l’ordonnance du 25 mars 2020, il est apparu indispensable qu’elles soient expressément confirmées par le juge au moins trois mois avant leur terme, à défaut de quoi la personne devra être libérée.

En retenant la date du 11 mai et non celle du 25 mai, en inscrivant directement dans la loi, de façon précise, les règles applicables et en prévoyant, pour une courte durée, un dispositif transitoire nécessaire pour éviter la mise en liberté immédiate de personnes sans que les juridictions n’aient eu le temps de se prononcer, cet amendement permet, dans le respect des exigences constitutionnelles, de revenir au droit commun dans les meilleures conditions.

Dans les meilleurs délais, il appartiendra au juge d’apprécier, au cas par cas, au regard de la situation de la personne et des nécessités de l’information ou des capacités d’audiencement des juridictions, si la détention doit ou non être prolongée.

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Article 1er bis
(art. L.313114 du code de la santé publique)
Conditions de cessation anticipée de létat durgence sanitaire

Adopté par la Commission sans modification

Lors de l’examen du projet de loi en commission, le Sénat a adopté un amendement portant article additionnel de M. Gilbert–Luc Devinaz et des membres du groupe Socialiste et républicain, soumettant le décret de levée anticipée de l’état d’urgence sanitaire à un avis consultatif du comité scientifique Covid-19.

Aux termes de l’article L. 3131‑14, si la prorogation de l’état d’urgence sanitaire est autorisée par une loi, après avis du comité scientifique Covid-19, une levée plus précoce est possible par un décret pris en conseil des ministres. Le présent article encadre cette décision, en prévoyant également qu’elle est prise après avis du comité de scientifique.

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification lors de son examen par la Commission.

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Article 2
(art. L.3131–15 du code de la santé publique)
Modifications des mesures pouvant être ordonnées par le Premier ministre

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article apporte plusieurs modifications à l’article L. 3131–15 du code de la santé publique relatif aux mesures pouvant être prises par le Premier ministre lors de l’état d’urgence sanitaire. Ces modifications portent, en particulier, sur la règlementation des déplacements, des transports, de l’ouverture d’établissements et les mesures de quarantaine et de mise à l’isolement.

        Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 3131–15, qui participe du régime de l’état d’urgence sanitaire, a été créé par l’article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

        Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a réécrit cet article afin de préciser le régime des mesures de quarantaine et de placement et maintien à l’isolement. En outre, il a supprimé la notion de réglementation des « lieu de regroupement de personnes ».

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trois amendements visant à prévoir des dispositions protectrices pour les enfants victimes de violences, à préciser le contenu du décret encadrant les modalités de placement en quarantaine et en placement à lisolement et à indiquer quil devra être pris en Conseil dÉtat.

1.   L’état du droit

Lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ont été précisées, à l’article L. 3131–15, le champ des mesures susceptibles d’être prescrites par le Premier ministre lorsque l’état d’urgence sanitaire est déclaré. Il s’agit de :

– restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ;

– interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;

– ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées ;

– ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté des personnes affectées ;

– ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;

– limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;

– ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens ;

– prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché, le Conseil national de la consommation étant informé des mesures prises en ce sens ;

– en tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ;

– en tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire.

2.   Le projet de loi initial

● La réglementation de laccès aux moyens de transport et de louverture des magasins

Le 1° du présent article modifie le 1° de l’article L. 3131–15 afin de préciser que le Premier ministre peut « réglementer » – et non plus seulement « restreindre », comme le prévoit le droit en vigueur – ou interdire la circulation des personnes et des véhicules.

Il prévoit en outre que le Premier ministre peut réglementer ou interdire l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage. Cela permettrait en particulier d’imposer le port du masque.

Le 2° du présent article modifie le 2° de l’article 3131–15 afin de préciser que le Premier ministre peut règlementer l’ouverture – et non plus seulement ordonner la fermeture provisoire –, y compris les conditions d’accès et de présence, de catégories d’établissement recevant du public, ainsi que de tout autre lieu de regroupement de personnes.

Cette dernière notion diffère de celle qui figure dans la loi du n° 55–385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, laquelle fait référence aux « lieux de réunions ».

Il est toutefois prévu, comme dans le droit actuel, que l’accès aux biens et services de première nécessité doit être préservé.

 La réquisition des personnes nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire

Le 3° du présent article modifie le 7° de l’article L. 3131–15 afin de prévoir une légère extension des dispositions actuelles pour permettre la réquisition des personnes nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire, indépendamment de la réquisition de biens ou services.

L’indemnisation de ces réquisitions reste régie par le code de la défense.

 Les mesures de quarantaine et de placement en isolement

Les dispositions actuelles des 3° et 4° de l’article L. 3131–15 prévoient que le Premier ministre peut ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées par une épidémie. Un placement et un maintien en isolement est rendu possible pour des personnes affectées, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté.

Associé à la mise en œuvre du Règlement sanitaire international élaboré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en droit interne, cet article, en l’état du droit, se limite au cas de franchissement des frontières et ne constitue pas une base légale appropriée pour des mesures internes, y compris pour une épidémie ayant une origine étrangère.

Pour autant, en l’état, ces dispositions ne définissent pas avec un niveau de précision suffisant les conditions encadrant leur mise en œuvre alors même qu’elles affectent des droits et libertés constitutionnellement garantis. Le 4° du présent article vient compléter cet article L. 3131–15 sur ces deux points, afin d’apporter plusieurs précisions et garanties.

Il est d’abord prévu que ces mesures peuvent intervenir :

– lors de l’entrée sur le territoire national de personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l’infection ;

– lors de l’arrivée dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution ([10]) ou en Corse de personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l’infection ;

– lors de l’arrivée sur le territoire métropolitain de personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l’infection en provenance de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution ou de Corse.

La liste des zones de circulation de l’infection fait l’objet d’une information publique.

Ensuite, la durée de ces mesures, les lieux dans lesquels elles peuvent se dérouler, les conditions dans lesquelles sont assurées la poursuite de la vie familiale et la prise en compte la situation des mineurs ainsi que le suivi médical susceptible d’être assuré sont déterminés en fonction de la nature et des modes de propagation de l’infection, après avis du comité de scientifiques.

Enfin, les conditions particulières de l’exécution de ces mesures, concernant notamment les déplacements que les personnes qui en font l’objet peuvent le cas échéant effectuer ou, à défaut, les moyens par lesquels un accès aux biens et services de première nécessité leur est garanti sont déterminées dans les mêmes conditions.

Cette rédaction est issue de l’avis du Conseil d’État sur le présent texte.

 Modification rédactionnelle

Le 5° du présent article apporte une modification rédactionnelle.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté plusieurs amendements réécrivant l’article 2.

Un premier amendement du rapporteur est revenu sur l’extension, proposée par le Gouvernement, de la compétence attribuée au Premier ministre de prescrire la fermeture de certaines catégories de lieux ou la réglementation de leur ouverture à « tout lieu de regroupement de personnes ». Une telle extension est apparue disproportionnée au Sénat. Elle est en effet susceptible de concerner, sans garantie particulière, tous lieux, publics comme privés, dans lesquels seraient susceptibles de survenir des regroupements de personnes, que ceux-ci soient volontaires ou fortuits.

Ce même amendement a procédé à une clarification rédactionnelle, afin d’exclure la possibilité d’une interdiction totale d’accès aux moyens de transport, qui serait disproportionnée.

Un deuxième amendement a proposé une nouvelle rédaction des dispositions relatives à la mise en œuvre des mesures de quarantaine ainsi que de placement et de maintien à lisolement.

Le périmètre dapplication, a été précisé en prévoyant que ces mesures ne pourront être appliquées aux personnes arrivant en France continentale en provenance de la Corse. En effet, s’il est apparu légitime au Sénat, au regard de son caractère insulaire, que des dispositions spécifiques soient prises pour préserver la Corse d’un risque de propagation du virus venant de l’extérieur, rien ne paraît en revanche justifier que les personnes en provenant soient soumises à un dispositif plus contraignant que n’importe quelle personne circulant entre deux autres départements hexagonaux.

Ensuite, il a été prévu que la liste des zones de circulation de linfection soit définie par un arrêté du ministre de la santé. Il importait, en effet, qu’une réglementation claire soit établie pour faciliter l’identification des zones considérées comme affectées et garantir une application homogène, par les préfets, des mesures de quarantaine et d’isolement sur l’ensemble du territoire national.

En outre, une obligation de transmission, par les entreprises de transport ferroviaire, aérienne et maritime, des données de réservation correspondant aux passagers susceptibles de faire l’objet d’une mesure de quarantaine ou d’isolement à leur arrivée, a été instaurée, afin de faciliter la mise en œuvre pratique de ces mesures et de garantir aux personnes concernées une parfaite information avant leur déplacement.

L’amendement a déterminé les obligations qui peuvent être faites aux personnes concernées :

– ne pas sortir de leur domicile ou du lieu d’hébergement où elles exécutent la mesure, sous réserve des déplacements spécifiquement autorisés par l’autorité administrative. Dans le cas où un isolement complet de la personne est prononcé, il lui est garanti un accès aux biens et services de première nécessité ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique ou électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur ;

– ne pas fréquenter certains lieux ou catégories de lieux.

Enfin, l’amendement fixe un certain nombre de garanties pour les personnes concernées par une mesure de quarantaine ou d’isolement, dont la définition est renvoyée, dans le texte déposé, au pouvoir réglementaire :

– principe du libre choix laissé à la personne concernée d’effectuer sa quarantaine ou son isolement dans son domicile ou dans un autre lieu d’hébergement mis à disposition par l’autorité publique ;

– durée initiale maximale de la mesure de quarantaine ou d’isolement fixée à 14 jours, soit la période maximale d’incubation du virus, et renouvellement dans la limite d’une durée maximale d’un mois ;

– accès aux biens et aux services de première nécessité garanti.

La commission des Lois du Sénat a également adopté un amendement de Mme Véronique Guillotin et de plusieurs de ses collègues visant à préciser que les montants des prix des produits faisant l’objet d’un contrôle sont rendus publics et notifiés aux professionnels concernés.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de :

– Mme Maryse Carrère et plusieurs de ses collègues, avec l’avis défavorable du Gouvernement, supprimant le placement en quarantaine ou à l’isolement des Français arrivant sur le territoire métropolitain en provenance des collectivités et territoires d’outre-mer ([11]) ;

– M. Jean–Pierre Sueur et des membres du groupe Socialiste et républicain, avec l’avis favorable de la Commission et du Gouvernement, visant à s’assurer que si la mise en quarantaine et à l’isolement ne s’effectue pas au domicile, elle s’effectuera dans des lieux d’hébergement adapté ;

– Mme Laurence Rossignol et des membres du groupe Socialiste et républicain, avec l’avis favorable de la Commission et du Gouvernement, prévoyant qu’une victime de violences conjugales ne peut être placée et maintenue en isolement avec l’auteur des violences, y compris en cas de violences présumées. Si l’éviction du conjoint violent ne peut être prononcée, un lieu d’hébergement permettant le respect de la vie privée et familiale est attribué ;

– M. Claude Raynal et des membres du groupe Socialiste et républicain, avec un avis de sagesse de la Commission et du Gouvernement, visant à prévoir un accès aux communications téléphonique et électronique.

A en outre été adopté un amendement rédactionnel du rapporteur M. Philippe Bas, avec l’avis favorable du Gouvernement.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté trois amendements à cet article :

– un amendement de M. Éric Coquerel et des membres du groupe La France insoumise, sous-amendé par votre rapporteure, visant à protéger les enfants victimes de violence en précisant que des mesures de quarantaine ou de placement à l’isolement ne peuvent les contraindre à cohabiter avec l’auteur des violences alléguées ;

– un amendement de M. Stéphane Peu et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine prévoyant que le décret initialement prévu par le projet de loi pour définir les modalités relatives aux mesures de quarantaine ou de placement à l’isolement devra être pris en Conseil d’État ;

– un amendement de Mme Élodie Jacquier‑Laforge (Modem) visant à améliorer l’information des personnes placées en quarantaine ou à l’isolement.

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Article 2 bis
(art. L. 313116 du code de la santé publique)
Coordination

Adopté par la Commission sans modification

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement portant additionnel présenté par le rapporteur M. Philippe Bas, avec l’avis favorable du Gouvernement, procédant à une coordination au sein de l’article L. 3131–16 du code de la santé publique (afin de prendre en compte l’ajout d’un « I » à l’article L. 3131–15).

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification lors de son examen par votre Commission.

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Article 3
(art. L. 313117 du code de la santé publique)
Régimes juridiques de la quarantaine et de lisolement

Adopté par la Commission avec modifications

        Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 du projet de loi définit le régime juridique de l’isolement et de la quarantaine prévus à l’article 2.

Ses dispositions instituent un contrôle de ces mesures par le juge des libertés et de la détention ; elles précisent également les droits et garanties dont disposent les personnes concernées.

        Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 a autorisé, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Premier ministre à ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées par l’épidémie ainsi que le placement et le maintien en isolement des personnes touchées. Ces dispositions sont désormais codifiées aux 3° et 4° de l’article L. 3131‑15 du code de la santé publique.

        Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois a adopté deux amendements présentés, pour le premier, par le rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales et, pour le second, par le rapporteur de la commission des Lois. Elle a notamment interdit au Premier ministre de déléguer aux préfets la définition du cadre réglementaire de l’isolement et de la quarantaine, unifié le contentieux en instituant un bloc de compétence au bénéfice du juge judiciaire, et précisé diverses modalités relatives aux procédures correspondantes.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté quatre amendements visant à prévoir des dispositions ordonnant la mention des voies de recours dans les arrêtés de mise en quarantaine et de placement à lisolement, affirmant le caractère immédiatement exécutoire dune décision de fin disolement ou de quarantaine prise par le juge des libertés et de la détention, précisant les conditions d’information régulière de la personne qui fait l’objet de ces mesures et améliorant la rédaction de l’article 3.

1.   L’état du droit

a.   Un cadre conventionnel de lutte contre les épidémies internationales transcrit en droit interne

Le cadre en vigueur en matière de lutte contre les épidémies internationales est issu des prescriptions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

L’une des principales responsabilités de l’OMS consiste, en effet, à administrer le régime mondial de lutte contre la propagation internationale des maladies. Aux termes de ses articles 21 a) et 22, la Constitution de l’OMS confère à l’Assemblée mondiale de la Santé autorité pour adopter des Règlements destinés « à empêcher la propagation des maladies dun pays à lautre ». Ces textes entrent en vigueur à l’égard de tous les États membres de l’OMS qui ne les ont pas expressément refusés dans les délais prescrits.

Révisé pour la dernière fois le 23 mai 2005, le Règlement sanitaire international (RSI 2005) est le seul instrument international juridiquement contraignant en matière de sécurité sanitaire. Régulièrement publié en France ([12]), le RSI 2005 comporte notamment des stipulations :

– portant définition de l’isolement ([13]) et de la quarantaine ([14]) (article 1er.1) ;

– relatives aux « mesures sanitaires liées à lentrée des voyageurs » (article 31.1), qui permettent aux « États Parties dexiger un examen médical (…) lorsque cela est nécessaire pour déterminer sil existe un risque pour la santé publique » préalablement à l’entrée d’un voyageur sur le territoire ;

– permettant à un État de refuser lentrée d’un voyageur sur son territoire ou de le contraindre à « se soumettre à des mesures sanitaires établies supplémentaires qui permettent de prévenir ou dendiguer la propagation de la maladie, y compris lisolement, la quarantaine ou le placement en observation à des fins de santé publique » (article 31.2).

Les stipulations du RSI 2005 ont été insérées au chapitre V du titre Ier du livre Ier du code de la santé publique, relatif à la « Lutte contre les épidémies et certaines maladies transmissibles » ([15]). L’article L. 3115‑10 autorise ainsi le représentant de l’État dans le département à « prendre, par arrêté motivé, toute mesure individuelle permettant de lutter contre la propagation internationale des maladies, notamment lisolement ou la mise en quarantaine de personnes atteintes dune infection contagieuse ou susceptibles dêtre atteintes dune telle infection, sur proposition du directeur général de lagence régionale de santé. Il en informe sans délai le procureur de la République. » L’isolement peut être ordonné en établissement de santé ou dans tout autre lieu adapté ; la quarantaine peut être imposée au domicile ou en tout autre lieu d’hébergement adapté ([16]). La décision est susceptible de viser toute personne sans considération de sa nationalité.

Ce cadre juridique, quoique directement inspiré d’une stipulation internationale, apparaît très strict dans la mesure où il n’offre pour garantie de la liberté des personnes que l’information du procureur de la République de la décision préfectorale. Il ne semble avoir jamais été contesté devant le juge administratif ou le juge constitutionnel ([17]).

b.   Le régime des soins psychiatriques sans consentement, un cadre juridique voisin

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion, en revanche, de se prononcer sur le régime des soins psychiatriques sans consentement, qui repose sur un cadre juridique assez proche. Comme le placement en isolement ou en quarantaine, il suppose une privation de liberté individuelle au nom de la protection de la collectivité contre la menace que fait peser une personne non seulement sur elle, mais aussi sur les autres ([18]).

Les principes qu’applique le Conseil constitutionnel sont les suivants :

– « lhospitalisation sans son consentement dune personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de larticle 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; [il] incombe au législateur dassurer la conciliation entre, dune part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à lordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, dautre part, lexercice des libertés constitutionnellement garanties ; quau nombre de celles-ci figurent la liberté daller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont larticle 66 de la Constitution confie la protection à lautorité judiciaire » ([19]) ;

– « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible (…), lhospitalisation sans consentement (…) maintenue au-delà de quinze jours sans intervention dune juridiction de lordre judiciaire [méconnaît] les exigences de larticle 66 de la Constitution » ([20]) ;

– en l’absence d’un réexamen à bref délai de la situation de la personne hospitalisée permettant d’assurer que son hospitalisation est nécessaire dès lors qu’un certificat médical ne confirme pas que l’intéressé doit en faire l’objet, « les dispositions contestées nassurent pas que lhospitalisation doffice est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à létat du malade ainsi quà la sûreté des personnes ou la préservation de lordre public » ([21]).

Le législateur s’est conformé aux exigences du juge constitutionnel. Le titre Ier du livre II du code de la santé publique, relatif aux modalités de soins psychiatriques, exige désormais ces garanties dans la procédure de soins sans consentement sur décision du représentant de l’État, lequel se fonde sur des avis médicaux successifs ([22]) :

– les restrictions à l’exercice des libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état mental de la personne et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée. L’admission donne lieu à l’information de la personne sur sa situation juridique, ses droits et les voies de recours à sa disposition ([23]) ;

– toute décision d’admission ou de mainlevée est accompagnée d’un avis au procureur de la République, au maire et à la famille de l’intéressé ([24]) ;

– la personne a le droit de communiquer avec les autorités administratives et judiciaires, avec le contrôleur général des lieux de privation de liberté, avec tout médecin ou avocat de son choix. Elle peut aussi librement correspondre, voter et prier ([25]) ;

– le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment aux fins d’ordonner la mainlevée de la mesure par l’intéressé, un parent, le procureur de la République ou d’office. La mesure ne peut se poursuivre au-delà d’un délai généralement fixé à douze jours sans l’accord de ce même juge ([26]) ;

– la décision du juge des libertés et de la détention, rendue publiquement après débat contradictoire, est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel ([27]).

2.   Le dispositif du projet de loi

L’article 3 du projet de loi établit, en lien avec l’article 2, le régime juridique des mesures individuelles de quarantaine et d’isolement décidées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Ces dispositions sont insérées à l’article L. 3131‑17 du code de la santé publique et relèvent de la compétence du représentant de l’État dans le département sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé. L’étude d’impact jointe au projet de loi justifie ce choix au motif que l’article L. 3115‑10 du même code, qui détermine le régime de droit commun de lutte contre la propagation internationale des épidémies, « se limite au cas de franchissement des frontières et ne constitue pas une base légale appropriée pour des mesures purement internes, y compris pour une épidémie ayant une origine étrangère » ([28]).

Le représentant de l’État dans le département fait application des règles générales déterminées par le Premier ministre conformément à l’article L. 3131‑15 du code de la santé publique.

Le régime juridique proposé par le Gouvernement est relativement semblable à celui des soins sans consentement :

– le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l’infection de la personne concernée. Ils sont prononcés par le représentant de l’État dans le département au vu d’un avis médical, de sorte que la décision administrative apparaît découler du certificat médical (alinéa 5([29]). Cette précaution ne peut être répliquée pour le placement en quarantaine qui vise les personnes simplement suspectées d’être infectées ;

– en cas de confinement total de l’intéressé, l’administration lui assure des moyens de communication téléphonique ou électronique (alinéa 6) ;

– le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment, le cas échéant d’office. Il statue dans les 72 heures de la saisine (alinéa 7) ;

– la mesure d’isolement ou de quarantaine ne peut excéder un mois et, après quatorze jours, sa poursuite nécessite laccord du juge des libertés et de la détention sur saisine du représentant de l’État dans le département – sauf si la personne concernée consent à la mesure (alinéa 8).

Ce régime juridique sera précisé par décret en Conseil d’État (alinéa 9). Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 2 du projet de loi, la poursuite de la vie familiale est assurée, la situation des mineurs prise en compte, le suivi médical garanti, un accès aux biens et services de première nécessité ménagé, et la possibilité de déplacements autorisée en fonction des circonstances de l’espèce.

Le Conseil d’État a considéré « que ces dispositions satisfont aux exigences de larticle 66 de la Constitution qui impose que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de lautorité judiciaire, sans imposer que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté. Il estime que les modalités de lintervention du juge des libertés et de la détention, la possibilité reconnue par la loi de la dispense de cette intervention si la personne y consent, sont adaptées à la nature du motif de la mesure privative de liberté et à la finalité de celle-ci. » Le Conseil d’État est également à l’origine de la limitation à un mois des mesures de quarantaine et d’isolement, de la possibilité pour le juge des libertés et de la détention de se saisir d’office, et de la garantie des moyens de communication des personnes confinées ([30]).

3.   Des dispositions modifiées par le Sénat

a.   Des modifications significatives apportées en commission des Lois

La commission des Lois du Sénat a adopté deux amendements à l’article 3.

À l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales, la Commission a précisé les modalités de transmission au préfet du certificat médical permettant à ce dernier d’ordonner une quarantaine ou un isolement. Elle a estimé que les règles applicables aux maladies à déclaration obligatoire, qui garantissent la stricte confidentialité des données, devaient être imposées ([31]).

Par ailleurs, un amendement du rapporteur, M. Philippe Bas, a apporté plusieurs modifications au dispositif proposé :

– en excluant toute possibilité de délégations aux préfets de la définition du cadre réglementaire des mesures de quarantaine et d’isolement, de sorte que le Premier ministre demeure seul responsable de la mise en œuvre unifiée de ces dispositions sur le territoire national ;

– en conditionnant le prolongement des mesures d’isolement et de quarantaine au-delà des quatorze jours initiaux à la constatation de la nécessité d’une extension par un avis médical à même d’éclairer le juge des libertés et de la détention, de sorte que celui-ci puisse statuer dans les meilleurs délais ;

– en permettant au procureur de la République d’exercer un recours contre la décision préfectorale de placement en isolement ou en quarantaine, en sus des saisines d’office et par l’intéressé prévues par le projet de loi initial ;

– en unifiant le contentieux de la quarantaine et de l’isolement au bénéfice de la juridiction judiciaire et, plus précisément du juge des libertés et de la détention. Comme l’indique le rapporteur du Sénat, « cette unité des voies de recours, qui existe dores et déjà pour les mesures de soins sans consentement, est une garantie de lisibilité pour les personnes concernées » ([32]). Cette mesure de simplification, qui met en cause la compétence de principe de la juridiction administrative pour connaître des actes de l’administration, est admise par une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel ([33]).

b.   Des modifications de moindre ampleur adoptées en séance publique

Lors de l’examen du projet de loi en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de coordination du rapporteur. Il a également adopté, contre lavis du Gouvernement, un amendement de Mme Maryse Carrère précisant que les décisions prises par le juge des libertés et de la détention font l’objet d’une motivation.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté quatre amendements avec l’avis favorable de la rapporteure :

– un amendement de Mme Cécile Untermaier (Soc) exigeant que les arrêtés de mise en quarantaine ou de placement en isolement portent la mention des voies de recours ouvertes pour la contestation de la décision préfectorale ;

– deux amendements de Mme Laurence Vichnievsky (Modem), l’un améliorant la rédaction de l’article 3, l’autre précisant le caractère immédiatement exécutoire d’une décision du juge des libertés et de la détention mettant fin à une quarantaine ou à un isolement, de sorte que l’appel ne puisse être assorti d’un effet suspensif ;

– un amendement de Mme Élodie Jacquier-Laforge (Modem) indiquant que le décret d’application prévu par l’article 3 détermine les modalités d’information régulière de la personne mise en quarantaine ou placée en isolement.

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*     *

Article 3 bis
(art. L. 122691 [nouveau], L. 33145 et L. 33246 du code du travail)
Garanties dont bénéficient les personnes placées en quarantaine
au regard du droit du travail

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement du rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales adopté par la commission des Lois du Sénat, l’article 3 bis du projet de loi précise la situation de la personne placée en quarantaine dans sa relation avec son employeur, en interdisant la suspension du contrat de travail et en maintenant les droits à la participation et à l’intéressement.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2020‑322 du 25 mars 2020, adaptant temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation, a déterminé les garanties dont bénéficient le salarié visé par une mesure d’isolement prophylactique.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

La crise sanitaire a conduit le Gouvernement à apporter des garanties au salarié en cas disolement prophylactique. L’ordonnance n° 2020‑322 du 25 mars 2020 ([34]) prévoit le versement par l’employeur de l’indemnité complémentaire à l’indemnité journalière d’arrêt maladie, sans condition d’ancienneté, aux salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail « en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment dépidémie » ([35]).

Ces dispositions constituent une avancée. Toutefois, contrairement au placement à l’isolement, la quarantaine vise seulement les personnes potentiellement exposées au virus, et non effectivement infectées ([36]). Il n’est donc pas acquis que les personnes placées en quarantaine bénéficient de toutes les dispositions destinées à soutenir les personnes empêchées de remplir les obligations de leur contrat de travail pour des raisons de santé.

2.   Des dispositions introduites par le Sénat

L’article 3 bis, issu d’un amendement du rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales, apporte une protection supplémentaire aux salariés mis en quarantaine :

– le  leur accorde le bénéfice des dispositions relatives à la suspension du contrat de travail en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, un contrat suspendu ne pouvant être rompu par l’employeur que dans les seuls cas de faute grave de l’intéressé ou d’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. La durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels, et elle ne peut entraîner pour l’intéressé aucun retard de promotion ou d’avancement ;

– les et  maintiennent, respectivement, leur droit à lintéressement ([37]) et à la participation ([38]).

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de coordination du rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté l’article 3 bis sans modification.

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Article 4
(art. L. 3131–18 du code de la santé publique)
Compétence du juge des libertés et de la détention sur le contentieux relatif à la mise en quarantaine et au placement à lisolement

Adopté par la Commission sans modification

        Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie l’article L. 3131-18 du code de la santé publique afin d’exclure du bloc de compétence du juge administratif en matière de recours contre l’état d’urgence sanitaire les mesures de mise en quarantaine et de placement à l’isolement, au profit du juge des libertés et de la détention, en application de l’article 3 du présent projet de loi.

        Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 3131–18 a été créé, dans le cadre du régime de l’état d’urgence sanitaire, par l’article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

        Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a adopté qu’un amendement de cohérence avec les modifications apportées à l’article 3.

       Modifications apportées par la Commission

Cet article na fait lobjet daucune modification lors de son examen en commission.

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En l’état du droit, l’article L. 3131-18 du code de la santé publique définit un bloc de compétence de la juridiction administrative pour les recours à l’encontre des mesures liées à l’état d’urgence sanitaire.

L’article 3 du présent projet de loi ayant confié au juge des libertés et de la détention le contentieux relatif aux mesures de mise en quarantaine et de placement et de maintien à l’isolement, le présent article prévoit, par voie de conséquence, que le juge administratif n’est plus compétent en la matière.

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de cohérence avec les modifications apportées à l’article 3.

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Article 4 bis
(art. L. 31151 et L. 3131–1 du code de la santé publique)
Harmonisation des procédures
relatives à la quarantaine et au placement à lisolement

Adopté par la Commission sans modification

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement, présenté par son rapporteur M. Philippe Bas, visant à étendre les garanties entourant le prononcé des mesures de quarantaine et d’isolement prévues par les articles 2 et 3 du projet de loi pour le régime de l’état d’urgence sanitaire aux autres situations dans lesquelles de telles mesures peuvent être prises dans le cadre :

– de la lutte contre la propagation internationale des maladies (article L. 3115-10 du code de la santé publique) ;

– des prérogatives attribuées au ministre chargé de la santé en cas de menace sanitaire grave (article L. 3131-1 du même code).

En effet, ainsi que l’a prévu la loi du 23 mars 2020 précitée, les dispositions prévues par l’article L. 3131-1 du code de la santé publique pourront être mises en œuvre « après la fin de létat durgence sanitaire, (...) afin dassurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire ».

Le Sénat a jugé important d’assurer un niveau de garanties identique à celui du régime de l’état d’urgence sanitaire pour les mesures de quarantaine et d’isolement qui pourraient se révéler nécessaires après la fin de ce régime d’exception.

Cette disposition n’a fait l’objet d’aucun amendement au cours de l’examen du projet de loi en séance publique.

Cet article na fait lobjet daucune modification lors de son examen en commission.

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Article 5
(art. L. 31361 du code de la santé publique)
Catégories dagents habilités à constater la violation des dispositions prises
sur le fondement de létat durgence sanitaire

Adopté par la Commission avec modifications

        Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 du projet de loi élargit les catégories d’agents habilités à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire. Cette extension concerne notamment les personnels en charge des contrôles dans les transports publics et, en matière économique, les agents déjà habilités à procéder à des enquêtes dans le domaine de la concurrence.

        Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 a créé un régime pénal pour la sanction des violations des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Les agents de police municipale, les gardes champêtres et les personnes de police de Paris (relevant de la ville ou de la préfecture de police) sont habilités à constater par procès-verbal les contraventions commises.

        Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois a adopté deux amendements du rapporteur limitant l’extension de compétence prévue à l’article 5 aux seuls personnels en charge des contrôles dans les transports publics et aux agents déjà habilités à procéder à des enquêtes dans le domaine de la concurrence. En séance publique, un amendement du Gouvernement a étendu cette prérogative aux capitaines de navire.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement de M. Jean-Michel Fauvergue (LaREM) permettant aux gardes particuliers assermentés de constater également les contraventions aux mesures de létat durgence sanitaire.

1.   L’état du droit

Créé par la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19, larticle L. 3136-1 du code de la santé publique définit les sanctions pénales applicables en cas de violation d’une mesure prise dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ([39]).

Les deux premiers alinéas répriment de six mois d’emprisonnement et de dix mille euros d’amende la violation des ordres de réquisition.

Les alinéas 3 et 4 instaurent une sanction progressive des manquements aux autres interdictions ou obligations édictées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, notamment les restrictions de circulation et l’exigence de confinement des personnes à leur domicile :

– l’infraction est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, soit 750 € au plus ([40]), avec extinction de l’action publique en cas de paiement d’une amende forfaitaire de 135 € ([41]) ;

– une nouvelle violation, dans les quinze jours qui suivent la première, est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1 500 € au plus ([42]), avec extinction de l’action publique en cas de paiement d’une amende forfaitaire de 200 € ([43]) ;

– en cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, l’infraction devient un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ([44]).

La constatation des infractions par procès-verbal est normalement réservée aux officiers de police judiciaire ([45]) et aux agents de police judiciaire ([46]). L’alinéa 5 a élargi cette compétence, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et dès lors qu’aucun acte d’enquête particulier n’est nécessaire, à certains agents de police judiciaire adjoints ([47]) :

– les agents de police municipale sur le territoire communal ([48]) ;

– les gardes-champêtres sur le territoire pour lequel ils sont assermentés ([49]) ;

– les agents de la ville de Paris chargés d’un service de police ainsi que les contrôleurs de la préfecture de police et agents de surveillance de Paris sur le territoire de la capitale ([50]).

2.   Le dispositif du projet de loi

L’article 5 du projet de loi élargit les catégories d’agents habilités à constater par procès-verbal la violation de certaines dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire. Cette faculté est ouverte uniquement pour la sanction des contraventions, c’est-à-dire des premières infractions, et non pour la répression d’une récidive délictuelle qui requiert toujours l’intervention d’un officier ou d’un agent de police judiciaire.

Le Conseil d’État a estimé que ces dispositions n’appelaient pas d’observation de sa part ([51]).

a.   Les agents de police judiciaire adjoints

Le vise à conférer cette compétence à l’ensemble des agents de police judiciaire adjoints et non, comme s’y était limitée la loi du 23 mars 2020 précitée, à certains d’entre eux seulement. Sont concernés :

– les fonctionnaires des services actifs de police nationale n’ayant pas la qualité d’agent ou d’officier de police judiciaire ;

– les militaires volontaires de la gendarmerie nationale ainsi que les réservistes opérationnels de cette arme et les membres de la réserve civile de la police nationale n’ayant pas eu au cours de fonctions antérieures la qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire ;

– les adjoints de sécurité ([52]).

b.   Les agents des transports publics

Le droit français prévoit un dispositif de police spécifique aux transports publics depuis la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, dont les dispositions ont été codifiées aux articles L. 2241-1 à L. 2242-8 du code des transports.

Les agents de surveillance des sociétés de transports publics disposent déjà de la possibilité de constater par procès-verbaux les infractions prévues par le code des transports – notamment la fraude – mais aussi l’outrage sexiste prévu à l’article 621-1 du code pénal ainsi que les contraventions prévues par les règlements relatifs à la police ou à la sûreté du transport et à la sécurité de l’exploitation des systèmes de transport ferroviaire ou guidé. Leur compétence est ainsi élargie à la répression des manquements à la réglementation de la circulation des personnes et des conditions d’usage des moyens de transport dans le cadre de l’état d’urgence ([53]), lorsque ces manquements sont commis dans les véhicules et emprises immobilières des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes.

Les personnels concernés sont les agents assermentés de l’exploitant d’un service de transport ou d’une entreprise de transport agissant pour le compte de l’exploitant, les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), et les agents assermentés de la filiale SNCF Gares & Connexions.

Le projet de loi précise que sont applicables les articles L. 2241‑2, L. 2241‑6 et L. 2241‑7 du code des transports, qui prévoient respectivement la possibilité de relever l’identité d’un contrevenant et de le maintenir à disposition, la faculté d’interdire l’accès aux véhicules et aux emprises de tout contrevenant même si celui-ci dispose d’un titre de transport valide, ainsi que la présomption de véracité dont bénéficient les procès-verbaux établis par des personnels assermentés jusqu’à preuve du contraire.

c.   Les personnels habilités à procéder à des enquêtes en matière de concurrence

L’article 450‑1 du code de commerce énumère la liste des personnels autorisés à procéder à des enquêtes en matière de concurrence sur l’ensemble du territoire national. Il s’agit des agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence désignés par le rapporteur général et des fonctionnaires habilités par le ministre chargé de l’économie.

Le dernier alinéa de l’article 5 donne compétence à ces personnels pour constater par procès-verbaux les contraventions résultant de la violation des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence en matière économique – contrôle des prix ([54]) ou limitation de la liberté d’entreprendre ([55]).

3.   Des dispositions limitées par le Sénat

Deux amendements du rapporteur adoptés en commission ont limité lextension de la capacité à constater la violation des mesures permises par létat durgence sanitaire aux seuls personnels en charge des contrôles dans les transports publics et aux agents déjà habilités à procéder à des enquêtes dans le domaine de la concurrence. En effet, la Commission a estimé :

– qu’au regard des difficultés constatées sur le terrain dans l’appréciation des mesures de l’état d’urgence sanitaire, il n’était pas souhaitable d’élargir les prérogatives de constat d’infractions à des catégories d’agents qui disposent d’une qualification judiciaire moindre ou qui, comme les réservistes, ne les exercent que de manière ponctuelle ;

– que les agents de la filiale Gares & Connexions de la SNCF ne bénéficiant pas du pouvoir de relever l’identité des personnes, ils ne pourraient dresser procès-verbal qu’au prix d’une difficulté excessive. Par ailleurs, le Sénat a noté qu’aucun de ces agents n’avait encore exercé ces compétences judiciaires dont ils ne disposent que depuis le 1er janvier dernier, faute de définition par le pouvoir réglementaire des modalités de leur assermentation.

Au cours de l’examen du projet de loi en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de coordination du rapporteur ainsi qu’un amendement du Gouvernement permettant le constat des infractions aux mesures de l’état d’urgence sanitaire par les capitaines de navire ([56]).

En revanche, les sénateurs ont repoussé, sur les instances du rapporteur, deux amendements du Gouvernement tendant au rétablissement des dispositions supprimées par la commission des Lois.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté, malgré l’opposition de la rapporteure, un amendement de M. Jean-Michel Fauvergue permettant aux gardes particuliers assermentés de constater les contraventions aux mesures de létat durgence sanitaire lorsqu’elles sont commises sur le territoire pour lequel ils sont assermentés.

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Article 5 bis
Ouverture au public des plages et des forêts

Adopté par la Commission sans modification

Issu d’un amendement de Mme Annick Billon adopté par le Sénat en séance publique avec un avis favorable de la Commission mais contre celui du Gouvernement, l’article 5 bis confie à un décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les plages et les forêts sont ouvertes au public pour la pratique d’une activité sportive pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.

Cet article na fait lobjet daucune modification lors de son examen en commission.

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Article 5 ter
Ordre de priorité dans le dépistage du Covid19

Supprimé par la Commission

Issu d’un amendement de Mme Jocelyne Guidez adopté par le Sénat en séance publique en dépit d’avis défavorables de la Commission et du Gouvernement, l’article 5 ter édicte un ordre de priorité dans la conduite des examens de dépistage du Covid‑19.

Les échantillons prélevés sur des personnes présentant des symptômes d’infection seraient ainsi examinés en premier lieu, puis ceux des personnels soignants ayant été en contact avec des personnes infectées, et enfin ceux des personnes ayant, au cours des dix jours précédents, assisté des personnes infectées au domicile de ces dernières.

Cet article a été supprimé à l’initiative de M. Jean-François Eliaou (LaREM) au motif que l’organisation des campagnes de dépistage doit demeurer de la responsabilité des autorités sanitaires et des professionnels de santé compétents.

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Chapitre II
Dispositions relatives à la création dun système dinformation aux seules fins de lutter contre lépidémie de covid-19

Article 6
Création dun système dinformation de lutte contre lépidémie de covid-19

Adopté par la commission avec modifications

        Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de renforcer les moyens disponibles pour identifier les personnes atteintes du virus et les personnes dites à risque afin de prévenir le plus efficacement possible une éventuelle reprise de l’épidémie.

À cette fin, il autorise le partage des données personnelles relatives, notamment, à lidentité et à létat de santé de ces personnes entre les personnels de santé et les autorités sanitaires compétentes, pour une durée strictement nécessaire à la lutte contre l’épidémie et dans la limite d’un an à compter de la publication de la loi.

Ce partage de données reposerait sur deux outils :

 un service intégré de dépistage et de prévention (SIDEP) permettant de centraliser, au niveau national, les informations relatives aux tests de dépistage et de les partager, sous certaines conditions, avec les acteurs sanitaires participant à la lutte contre l’épidémie. Ce service serait créé par décret en Conseil d’État ;

– une adaptation des systèmes dinformation existants pour permettre, à partir des résultats des tests répertoriés dans le SIDEP, le suivi des personnes contaminées et de celles avec lesquelles elles ont été en contact (contact tracing), la surveillance épidémiologique et la recherche sur le virus.

        Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a apporté plusieurs modifications au présent dispositif :

– la durée au cours de laquelle peuvent être mis en œuvre les systèmes d’information a été limitée à celle de l’état d’urgence ;

– la nature des données de santé pouvant être collectées a été précisée ;

– la liste des personnes pouvant consulter les données a été élargie ;

– les dispositions relatives au décret en conseil d’État ont été précisées de manière à prévoir explicitement qu’il lui reviendrait de déterminer les garanties apportées aux personnes concernées ;

– le recours à cet article pour mettre en œuvre le projet d’application StopCovid a été expressément écarté ;

– l’habilitation du Gouvernement à préciser le dispositif par ordonnance a été supprimée ;

– un comité de contrôle et de liaison Covid-19 a été introduit afin d’évaluer la nécessité des traitements de données personnelles et le respect des garanties prévues par la loi ;

– les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés dans le cadre de la lutte contre l’épidémie ont été autorisés à recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de leur mission ;

– le décret en Conseil d’État portant sur les conditions d’application de la réforme devra être pris sur avis conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

  Les modifications apportées par la Commission

Outre des amendements de précision rédactionnelle, la Commission a adopté plusieurs amendements visant à clarifier certains aspects du dispositif et à renforcer le contrôle parlementaire :

– à l’initiative de M. Sacha Houlié, il a été prévu que la collecte de données par les professionnels de santé pour alimenter les systèmes d’information ne pourra pas donner lieu à rémunération. Par ailleurs, le Parlement devra être informé de tous les actes pris en application des dispositions prévues par le présent article et sera destinataire d’un rapport du Gouvernement sur leur mise en œuvre tous les trois mois à compter de la promulgation de la loi ;

– à l’initiative de M. Jean-François Éliaou, les données issues de l’imagerie médicale pourront également être collectées si elles participent aux éléments probants de diagnostic clinique susceptibles de caractériser l’infection ;

– à l’initiative de M. Thomas Mesnier, le dispositif précise expressément que les données utilisées pour la recherche sur le virus et la surveillance épidémiologique devront être préalablement anonymisées et que les données d’identification des personnes infectées ne pourront être communiquées à des tiers, y compris aux personnes ayant été en contact avec elles, sauf accord exprès de la personne.

1.   La nécessité de renforcer les outils d’identification et de suivi des personnes contaminées ou à risque dans le cadre du déconfinement

 La mobilisation des personnels de santé pour retracer les contacts des personnes atteintes par le virus et briser les chaînes de contamination

La lutte contre l’épidémie de Covid-19 repose, depuis le début de sa propagation sur le territoire national, sur lidentification des personnes contaminées et de celles avec lesquelles elles ont été en contact. À cette fin, des agents de Santé publique France (SPF) ([57]) recueillent, auprès des patients atteints par la maladie, l’identité de ces « cas contact » qui peuvent présenter un risque de transmission du virus et informent ces derniers. Des équipes de professionnels de santé sont alors chargées d’assurer leur suivi médical au cours des quatorze jours suivants le dernier contact avec le patient contaminé (soit la durée maximale présumée d’incubation de la maladie).

Toutefois, l’outillage numérique actuel des autorités sanitaires ne permet pas de disposer d’un dispositif complet assurant le suivi effectif de l’ensemble des personnes atteintes par la maladie ou considérées à risque. Par ailleurs, le règlement général sur la protection des données (RGPD) du 23 mai 2018 (2016/679) ([58]) et le droit national encadrent strictement le traitement des données personnelles collectées par les personnels de santé, protégées notamment par le secret médical.

De manière à prévenir une éventuelle reprise de l’épidémie, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre, à compter du 11 mai prochain, de la stratégie de déconfinement, le présent article vise à doter les personnels de santé et les autorités sanitaires compétentes de systèmes d’information plus adaptés.

● Le renforcement des systèmes dinformation pour permettre un suivi effectif de lépidémie

Le présent article a pour objet d’autoriser le partage, sous certaines conditions, des données personnelles des personnes atteintes du Covid-19 et de celles avec lesquelles elles ont été en contact, le cas échéant sans leur consentement et par dérogation aux règles encadrant le secret médical ([59]), pour une durée strictement nécessaire à l’objectif de lutte contre la propagation de l’épidémie et dans la limite d’un an à compter de la publication de la loi.

Les acteurs pouvant accéder à ces données, dans la mesure où elles sont nécessaires à leur intervention, seraient les services du ministère de la santé, Santé publique France, l’Assurance-maladie, les agences régionales de santé, mais également le service de santé des armées, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, maisons de santé, centres de santé et médecins prenant en charge les personnes concernées ainsi que les laboratoires autorisés à réaliser les examens de dépistage.

Ce partage reposerait sur deux outils :

– un système d’information, le SIDEP, créé par décret en Conseil d’État, mis à la disposition de l’ensemble des laboratoires et structures autorisées à réaliser des tests de dépistage.

Ce système permettrait à la fois d’informer le patient et le professionnel de santé prescripteur sur les résultats du test et de regrouper l’ensemble des résultats obtenus pour les mettre à la disposition des autorités et personnels participant à la lutte contre l’épidémie (données individuelles) ou chargées du suivi épidémiologique et de la recherche sur le virus (données agrégées).

La direction générale de la santé serait responsable des traitements des données et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP) en assurerait la sous-traitance ;

– ladaptation des systèmes dinformation existants pour permettre le suivi des personnes contaminées et des cas contacts. À cette fin, un téléservice dénommé « Contact covid », élaboré par l’Assurance Maladie et accessible via le portail ameli.pro, serait mis à la disposition des professionnels de santé pour leur permettre de renseigner les informations nécessaires au suivi des patients et des cas contacts, pendant et après la contamination.

Les traitements des données collectées ne pourraient poursuivre que quatre finalités ainsi définies :

– l’identification des personnes infectées par le dépistage et la collecte des résultats des tests ;

– l’identification des personnes présentant un risque d’infection, par la collecte des informations relatives aux contacts des personnes contaminées et, le cas échéant, par la réalisation d’enquêtes sanitaires, en présence notamment de cas groupés de contamination ;

– l’orientation de ces personnes, en fonction de leur situation, vers des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, ainsi que leur suivi médical et leur accompagnement pendant et après la fin de ces mesures ;

– la surveillance épidémiologique, aux niveaux national et local, ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation.

Définition des cas contacts

Selon l’Assurance maladie ([60]), il convient de distinguer deux catégories de cas contacts :

– les personnes résidant au même domicile que le patient atteint par le virus ;

– les personnes ayant eu un contact avec le patient dans les 48 heures précédant l’apparition des premiers symptômes dans les conditions suivantes : échanges d’une durée d’au moins 15 minutes sans masques avec un éloignement de moins d’un mètre.

Il résulte de l’étude d’impact du présent article et des informations rendues publiques par l’Assurance maladie ([61]) que trois niveaux dinformation et dintervention seraient ainsi mis en œuvre :

– le niveau 1 serait assuré par les professionnels de santé prescripteurs du test de dépistage auxquels il reviendrait d’enregistrer l’ensemble des informations concernant leur patient et les éventuels cas contacts recensés (soit les nom, prénom, NIR, date de naissance, adresse, coordonnées téléphoniques et adresse mail) ([62]). Ce recueil devra être achevé dans les 24 heures suivant le résultat positif du test pour permettre une mise en relation rapide avec les personnes concernées par les plateformes départementales ;

– le niveau 2 serait mis en œuvre par les plateformes de l’Assurance maladie ([63]) chargée de finaliser le recueil des cas contacts, de les joindre dans les 24 heures pour les inviter à rester confinés, à réaliser un test de dépistage en fonction de la date de leur dernier contact avec le patient contaminé et, le cas échéant, leur délivrer un arrêt maladie et prendre les éventuelles mesures d’accompagnement social nécessaires pour leur permettre de s’isoler. L’enregistrement de la personne dans « Contact Covid » vaudrait prescription d’un test de dépistage et du port de masques sans besoin de consulter de nouveau un professionnel de santé ;

– le niveau 3 serait assuré par les agences régionales de santé et Santé publique France qui utiliseraient l’outil « Contact Covid » pour traiter les chaînes de contamination complexes (patients positifs résidant en foyers ou dans un établissement médico-social, clusters, etc.).

Les modalités d’application de ces dispositions seraient fixées par décret en Conseil d’État, après avis public de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Ce décret préciserait notamment, pour chaque autorité ou organisme ayant accès aux données collectées, les services ou personnels dont les interventions sont nécessaires et les catégories de données auxquelles ils ont accès, ainsi que les organismes auxquels ils peuvent faire appel, pour leur compte et sous leur responsabilité, pour en assurer le traitement, si cela est justifié.

Le Gouvernement disposerait, par ailleurs, de trois mois à compter de la promulgation de la loi pour prendre, par ordonnances, les dispositions nécessaires pour préciser ou compléter la réforme.

Un projet de loi de ratification devrait être déposé dans un délai de deux mois suivant la publication de cette ordonnance.

Un dispositif distinct du projet dapplication « StopCovid »

Le projet d’application « StopCovid », en cours de développement, ne relève pas des dispositions du présent article, même s’il peut constituer un outil complémentaire dans le traçage des contacts des patients atteints par la maladie.

Évoqué par le Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances et du ministre de l’Action et des Comptes publics, chargé du Numérique, lors de son audition par la commission des Lois le 9 avril dernier, et par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale le 28 avril, ce projet d’application vise à en effet à permettre le traçage des contacts, entre des personnes l’ayant volontairement téléchargée sur leur smartphone, via la technologie Bluethooth. Son utilisation reposerait donc sur le consentement des personnes concernées. Par ailleurs, l’ensemble des données collectées seraient anonymisées grâce à l’utilisation de QR codes.

En cas de résultat positif à un test de dépistage renseigné dans le système d’information SIDEP, une alerte serait envoyée sur l’application « StopCovid » sans possibilité pour les personnes informées de connaître l’identité de la personne atteinte de la maladie.

Le fonctionnement de l’application, le consentement des personnes concernées et l’anonymisation des données ainsi que la nature des objectifs poursuivis (alerte préventive), en font un outil différent de SIDEP et Contact Covid qui constituent, quant à eux, des outils d’identification, de suivi médical des personnes et de surveillance épidémiologique.

 

 

 


—  1 

Présentation de la réforme

Source : commission des Lois.

 


—  1 

 Une vigilance sur les modalités dapplication de la réforme pour garantir la proportionnalité et la nécessité du dispositif, ainsi que lexistence de garanties suffisantes pour les personnes concernées

Le Conseil d’État considère, dans son avis sur le présent projet de loi ([64]), que les dispositions du présent article ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et ne méconnaissent pas les dispositions du RGPD. En effet, la lutte contre la propagation de l’épidémie constitue un objectif d’intérêt général suffisant pour déroger, par une mesure législative, aux règles de droit commun en matière de traitements des données de santé ([65]).

Toutefois, plusieurs points de vigilance ont été soulignés, dans son avis, par le Conseil d’État :

– si la mise en œuvre des systèmes d’information prévue par le présent article est bien nécessaire à la lutte contre l’épidémie au regard des informations transmises par le Gouvernement et des avis scientifiques recueillis, comme l’ont confirmé les auditions réalisées par votre rapporteure, il conviendra que « cette nécessité soit réévaluée périodiquement au vu de lévolution de létat de lépidémie ». À ce titre, la réforme permettra en elle-même dassurer un suivi épidémiologique plus fin qui devra faire lobjet dune communication transparente, comme le Gouvernement s’y emploie depuis le début de la crise ;

– l’absence de consentement au traitement des données médicales collectées, notamment par des professionnels pour certains non médicaux, « est justifiée par limpossibilité pour les seuls professionnels médicaux de réaliser lensemble des enquêtes nécessaires au dépistage et à lidentification des chaînes de transmission et cas groupés, qui implique la mobilisation de moyens humains très importants ». Il en va de même pour l’accès des laboratoires à ces données, ces derniers étant appelés à réaliser des tests sur une très large échelle. Votre rapporteure souligne que, dans ce contexte, la sécurisation des données collectées, de leur accès et de leur stockage devra être absolument garantie ;

– l’absence de consentement au traitement de leurs données par les personnes ayant été en contact avec les patients atteints du Covid-19 est également rendu nécessaire, en dépit de l’atteinte ainsi portée à leur vie privée, en vue de limiter les contaminations. Toutefois, le Conseil d’État appelle « lattention du Gouvernement sur la nécessité, dans les textes qui assureront la mise en œuvre de ces dispositions, de garantir par des mesures particulièrement rigoureuses le respect de la vie privée et la restriction de ces accès aux plus strictes nécessités de la sécurité sanitaire ». À ce titre, votre rapporteure sera particulièrement vigilante au suivi de l’application du présent article ;

– la possibilité de recourir à la sous-traitance sera encadrée à la fois par le décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, qui doit en définir le cadre légal, et les règles fixées en la matière par le RGPD. Votre rapporteure souligne, à ce titre, que les organismes recourant à cette pratique demeureront pleinement responsables du respect de ces règles ([66]) ;

– enfin, le Conseil d’État a souligné qu’« il appartiendra au décret en Conseil dÉtat auquel renvoie le projet de loi décarter tout risque dutilisation des données contenues dans les traitements de données existants à dautres fins que les strictes nécessités médicales en lien avec la lutte contre le Covid-19 et de limiter au strict nécessaire la durée de laccès à ces informations. »

Votre rapporteure constate, par conséquent, que si le Conseil d’État a validé le principe de la réforme proposée par le Gouvernement visant à autoriser, par une mesure législative, un traitement dérogatoire des données personnelles pour répondre à une situation sanitaire exceptionnelle, les conditions dapplication de cette réforme feront lobjet dun examen particulièrement approfondi pour garantir sa proportionnalité et sa nécessité dans le cadre de la lutte contre lépidémie.

La consultation de la CNIL

Comme la rappelé le Conseil dÉtat, la CNIL na pas été consultée sur le présent projet de loi au motif que le régime dérogatoire de traitement des données personnelles, ainsi autorisé, ne traite pas des « caractéristiques essentielles » de la création ou de la mise en œuvre de ce traitement qui sont renvoyées à un décret en Conseil dÉtat.

Ce dernier lui sera transmis pour avis en application du paragraphe 4 de l’article 36 du RGPD selon lequel : « les États membres consultent lautorité de contrôle dans le cadre de lélaboration dune proposition de mesure législative devant être adoptée par un parlement national, ou dune mesure réglementaire fondée sur une telle mesure législative, qui se rapporte au traitement » et à l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui dispose que la CNIL est consultée sur « tout projet de loi ou de décret ou tout disposition de projet de loi ou de décret relatifs à la protection des données à caractères personnel ou au traitement de telles données ».

La CNIL suit d’ailleurs avec attention l’utilisation qui peut être faite des données de santé en cette période de crise sanitaire. Elle s’est, à ce titre, prononcée, le 20 avril dernier, sur un projet d’arrêté relatif à l’organisation et au fonctionnement du système de santé dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et plus particulièrement sur la constitution d’un entrepôt de données non nominatives au sein de la plateforme des données de santé. ([67])

2.   Les modifications introduites par le Sénat

Le Sénat a apporté à cet article des modifications visant à davantage encadrer les dispositions prévues par le présent article. Si la plupart de ces apports sont bienvenus, certains semblent atténuer fortement l’efficacité du dispositif et appellent à ce titre des réserves.

À l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales, trois dispositions ont ainsi été adoptées :

– les données de santé pouvant être collectées et partagées devront être strictement limitées au statut virologique ou sérologique de la personne ainsi qu’à des éléments probants du diagnostic clinique. Ces dernières seraient précisées par un arrêté du ministre de la santé après avis du Haut Conseil de la santé publique ;

– l’identification des personnes atteintes par la maladie pourrait également être assurée par la transmission des éléments probants de diagnostic clinique ;

– la liste des personnes pouvant accéder aux données a été élargie aux agents des services de santé au travail, des établissements sociaux et médico-sociaux et aux équipes de soins primaires constituées autour des médecins généralistes de premier recours.

À l’initiative du rapporteur de la commission des Lois, outre des modifications rédactionnelles ou de précision, cinq dispositions ont été adoptées :

– la durée de la dérogation au secret médical nécessaire à l’alimentation des systèmes d’information SIDEP et Contact Covid a été limitée à celle de l’état d’urgence sanitaire. Or, le suivi de l’épidémie et le recensement des cas de contamination pourra être nécessaire au-delà de cette période ;

– le décret en Conseil d’État devra garantir et préciser les modalités d’exercice des droits d’information, d’opposition et de rectification des personnes dont les données sont collectées ;

– il est précisé, par souci de clarté, que les finalités du dispositif ne pourront servir au développement ou au déploiement de l’application StopCovid ;

– l’habilitation du Gouvernement à préciser ou compléter les dispositions de l’article a été supprimée au motif qu’elle serait « trop large » ;

– enfin, un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 est créé pour associer la société civile et le Parlement au contrôle des dispositions prévues par le présent article par des audits réguliers.

En séance publique, plusieurs précisions ont également été apportées :

– à l’initiative du Gouvernement, tous les résultats des tests de dépistage, même négatifs, devront être renseignés dans le SIDEP. Par ailleurs, la transmission aux organismes compétents de données nécessaires à l’accompagnement social des personnes vulnérables, dans le cadre des mesures prises pour lutter contre l’épidémie du covid-19, sera autorisée ;

– enfin, à l’initiative de Mme Marie-Pierre de La Gontrie et de M. Philippe Bonnecarrère, le décret en Conseil d’État mettant en œuvre le système d’information prévu à l’article 6 du projet de loi devra recueillir l’avis conforme de la CNIL.

3.   Les modifications introduites par la Commission

La Commission a, dans l’ensemble, salué les modifications apportées à cet article par le Sénat, à l’exception de celle tenant à la réduction de la durée de mise en œuvre des systèmes d’information. La rapporteure a souhaité que cet aspect puisse faire l’objet de nouveaux échanges en vue de la séance.

Outre des amendements de précision rédactionnelle, la Commission a par ailleurs adopté plusieurs amendements visant à clarifier certains aspects du dispositif et à renforcer le contrôle parlementaire :

– à l’initiative de M. Sacha Houlié, il a été prévu que la collecte de données par les professionnels de santé pour alimenter les systèmes d’information ne pourra pas donner lieu à rémunération au motif que le dispositif ne doit pas conduire des praticiens à renseigner un maximum d’information sur des cas contact sans s’assurer suffisamment de leur véracité. Par ailleurs, à l’initiative du même auteur, les modalités de contrôle du Parlement de la mise en œuvre de cette réforme ont été renforcées : les assemblées devront être informées de tous les actes pris en application des dispositions prévues par le présent article, pourront demander des compléments d’information et seront destinataires, à ce titre, d’un rapport du Gouvernement tous les trois mois à compter de la promulgation de la loi ;

– à l’initiative de M. Jean-François Éliaou, les données issues de l’imagerie médicale pourront également être collectées si elles participent aux éléments probants de diagnostic clinique susceptibles de caractériser l’infection ;

– à l’initiative de M. Thomas Mesnier, deux précisions ont été apportées : les données utilisées pour la recherche sur le virus et la surveillance épidémiologique devront être préalablement anonymisées et les données d’identification des personnes infectées ne pourront être communiquées à des tiers, y compris aux personnes ayant été en contact avec elles, sauf accord exprès de la personne.

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Article 6 bis
Critères délaboration de la carte de classification des départements
selon leur état sanitaire

Adopté par la Commission sans modification

Issu d’un amendement de M. Patrice Joly adopté par le Sénat en séance publique en dépit de l’opposition du Gouvernement et d’un avis de sagesse de la Commission, l’article 6 bis dispose que l’élaboration d’une carte de classification des départements selon leur état sanitaire doit être fondée sur des critères relatifs au taux de circulation du virus, aux capacités hospitalières en réanimation et à la capacité locale de tests de détection des porteurs du virus.

La conception de cette carte devra également donner lieu à la tenue d’un dialogue entre l’État, ses services déconcentrés, les élus locaux et les représentants des différentes professions à l’échelon départemental.

Cet article n’a pas fait l’objet de modification lors de son examen en commission.

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Article 6 ter
Exonération de frais bancaires des personnes fragiles pendant la durée de létat durgence sanitaire

Adopté par la Commission sans modification

Issu d’un amendement de Mme Laurence Rossignol adopté par le Sénat en séance publique en dépit d’avis défavorables de la Commission et du Gouvernement, l’article 6 ter prévoit que les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ([68]) et les personnes en situation de fragilité financière ([69]) sont exonérées de frais bancaires et de commissions perçues par un établissement de crédit pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.

Cet article n’a pas fait l’objet de modification lors de son examen par la Commission.

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Chapitre III
Dispositions relatives à loutremer

Article 7
(art. L. 382111, L. 38412 et L. 38413 du code de la santé publique)
Application outre-mer

Adopté par la Commission sans modification

        Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 du projet de loi prévoit l’application aux territoires ultramarins dotés de l’autonomie des modifications apportées au régime de l’état d’urgence sanitaire.

        Dernières modifications législatives intervenues

L’application du droit commun dans les territoires ultramarins a été précisée par l’ordonnance n° 2020‑463 du 22 avril 2020 adaptant l’état d’urgence sanitaire à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.

        Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté trois amendements de coordination du rapporteur, le premier en commission des Lois et les deux autres en séance publique.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’article 73 de la Constitution indique que « dans les départements et les régions doutre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit » ([70]). Les dispositions votées par le Parlement peuvent prévoir des adaptations aux spécificités de ces territoires, mais aucune mention spécifique n’est nécessaire à leur entrée en vigueur dans les conditions du droit commun.

L’article 74 de la Constitution prévoit, en revanche, que le statut des collectivités qu’il régit détermine « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Ces collectivités sont soumises au principe dit de « spécialité législative » en vertu duquel les lois et règlements n’y sont applicables que sur mention expresse. Il en va ainsi de la Polynésie française ([71]), de Saint‑Barthélemy et Saint‑Martin ([72]), de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ([73]) et des îles Wallis et Futuna. Le principe de spécialité législative s’applique également à la Nouvelle-Calédonie, mais sur le fondement de l’article 77 de la Constitution précisé par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999.

Les statuts de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon prévoient toutefois que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit en dérogation au principe de spécialité. On parle de « régime de l’Atlantique » ou de régime du « tout est applicable sauf... » ([74]). Il n’y a alors pas lieu, pour les textes concernés, de prévoir une mention particulière d’applicabilité.

a.   La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie

La large autonomie dont dispose la Polynésie française, en vertu du statut de 2004 qui régit ce territoire, laisse subsister la compétence de l’État en matière de garantie des libertés publiques ([75]). L’article 7 dudit statut précise que, dans ces domaines, « sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin », à l’exception notamment des éléments relevant de l’état et de la capacité des personnes qui se trouvent applicables de plein droit.

Le droit applicable à la Nouvelle-Calédonie est très similaire : il confère expressément à l’État la responsabilité d’édicter les règles relatives à la garantie des libertés publiques ([76]) sous réserve d’en prévoir l’application par une mention expresse ([77]).

Toutefois, il convient de souligner les limites que rencontre laction de lÉtat dans ces territoires où la lutte contre l’épidémie de Covid‑19 relève en premier lieu des autorités locales :

– la loi organique donne explicitement compétence à la Nouvelle-Calédonie pour l’hygiène publique et la santé ainsi que le contrôle sanitaire aux frontières ([78]) ;

– si la loi organique statutaire de la Polynésie française n’énumère explicitement que les compétences de l’État, il résulte de son économie générale que la santé publique n’en fait pas partie. Selon le Conseil d’État, juge de la répartition des compétences aux termes de la loi organique, « il appartient aux autorités de la Polynésie française dassurer la protection sanitaire de la population établie sur son territoire, en particulier en matière de lutte contre les épidémies et certaines maladies transmissibles (...). Les autorités de cette collectivité doutre-mer peuvent encore décider de rendre obligatoire des vaccinations sans pour autant empiéter sur la compétence réservée à lÉtat dans le domaine du droit civil ou en matière de garantie des libertés publiques (...), dès lors quil sagit de mesures de police sanitaire (...). La compétence ainsi reconnue aux autorités de la Polynésie française pour prendre les mesures particulières mentionnées ci-dessus sexerce dans le respect des engagements internationaux de la France qui ont été souscrits dans les domaines considérés, spécialement dans celui de la lutte contre les épidémies et certaines maladies transmissibles ; les impératifs de protection de la santé publique reconnus comme principes de valeur constitutionnelle simposent, en outre, à ces autorités dans lexercice de cette compétence » ([79]).

Le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire prévu par la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 n’a pas été immédiatement rendu applicable à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française. Cette adaptation a été réalisée par l’ordonnance n° 2020463 du 22 avril 2020 adaptant létat durgence sanitaire à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna. Elle prévoit que les mesures générales ou individuelles relatives à l’état d’urgence sanitaire sont prises par le haut-commissaire :

– uniquement lorsqu’elles relèvent de la compétence de l’État ;

– après consultation du gouvernement de la collectivité ;

– sans que soient applicables les sanctions pénales de droit commun, qui doivent être édictées par délibération des assemblées locales.

Le respect de la répartition des compétences fait lobjet dune attention particulière dans les territoires concernés, dont les assemblées ont été consultées sur le projet d’ordonnance d’adaptation ([80]) :

– dans son avis du 21 avril 2020, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a souligné que « les mesures qui peuvent être prises au titre des articles L. 313115 et L. 313116 [du code de la santé publique] relèvent, pour la plupart, de la compétence de la Nouvelle-Calédonie », et que la pratique des arrêtés conjoints du haut-commissaire et du président du gouvernement devait être développée pour répondre au mieux à la question de la répartition des compétences ([81]) ;

– dans son avis du 22 avril 2020, l’assemblée de la Polynésie française a pareillement souhaité « veiller à la stricte répartition des compétences concernant les dispositions que pourrait prendre le haut-commissaire de la République relatives plus particulièrement (…) aux mesures de placement et de maintien en isolement à leur domicile ou tout autre lieu dhébergement adapté, des personnes affectées (…) qui relèvent des compétences du Pays » ([82]).

b.   Les îles Wallis et Futuna

La loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer, dispose, en son article 4, que « le territoire des îles Wallis et Futuna est désormais régi (…) par les lois de la République et par les décrets applicables, en raison de leur objet, à lensemble du territoire national et, dès leur promulgation dans le territoire, par les lois, décrets et arrêtés ministériels déclarés expressément applicables aux territoires doutre-mer ou au territoire des îles Wallis et Futuna ». Ce statut, ancien, ne confère que peu de compétences aux autorités locales, au contraire des textes élaborés au cours des vingt dernières années. Les prescriptions dispensées de mention expresse pour leur application sont les lois nécessairement destinées à régir l’ensemble du territoire de la République ([83]), des approbations et des ratifications de traités et accords internationaux, des ratifications d’ordonnances ([84]) et des textes destinés à ne s’appliquer que dans une ou plusieurs collectivités d’outre-mer ([85]). La création d’un dispositif tel que l’état d’urgence sanitaire n’entre pas dans ce cadre.

Contrairement à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna ont vu l’état d’urgence sanitaire appliqué dès la loi du 23 mars 2020 précitée ([86]). Le « compteur » de l’article L. 3821‑11 du code de la santé publique, qui prévoit l’extension au territoire des dispositions du droit commun en matière de menaces et crises sanitaires graves, avait été relevé en ce sens.

Le Gouvernement a procédé à des modifications ultérieures par l’ordonnance n° 2020‑463 du 22 avril 2020 adaptant l’état d’urgence sanitaire à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna. L’application des dispositions permettant la constatation des violations des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire par la police municipale et les gardes champêtres a notamment été écartée, faute d’institution communale sur le territoire.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 7 prévoit expressément l’application des modifications apportées au régime de l’état d’urgence sanitaire :

– à Wallis et Futuna (I), en modifiant le « compteur » de l’article L. 3821‑11 du code de la santé publique () et en procédant aux coordinations rendues nécessaires par les évolutions apportées par les articles 3 et 5 du présent projet de loi ( et ) ;

– en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (II), en créant ou en actualisant des « compteurs » (et a) du 3°) et en procédant aux mêmes coordinations que celles décrites au paragraphe précédent (et b) du 3°).

Le Conseil d’État a estimé que ces dispositions n’appelaient pas d’observation de sa part ([87]).

3.   Des dispositions peu modifiées par le Sénat

La commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur portant coordination avec les modifications apportées par les sénateurs à l’article 3 du projet de loi.

Deux autres amendements de coordination du rapporteur ont été adoptés en séance publique.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté l’article 7 sans modification.

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—  1 

   COMPTE-RENDU DES DÉBATS

Lors de ses trois réunions du mercredi 6 mai 2020, la Commission examine le projet de loi prorogeant létat durgence sanitaire et complétant ses dispositions (n° 2902) (Mme Marie Guévenoux, rapporteure).

1. Première réunion du mercredi 6 mai 2020

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9015106_5eb289821b566.commission-des-lois--projet-de-loi-prorogeant-l-etat-d-urgence-sanitaire-et-completant-ses-disposit-6-mai-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, le Sénat ayant achevé l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire plus tard que prévu, au milieu de la nuit, j’ai été contrainte d’annuler l’audition du ministre de la santé qui était envisagée hier à 21 heures. J’ai fixé le délai de dépôt des amendements aujourd’hui à midi afin que vous puissiez, même dans un délai très court, amender le texte. Nous interromprons nos travaux après la discussion générale et les reprendrons à 14 heures.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Notre Commission se trouve à nouveau réunie, près d’un mois et demi après l’adoption de la loi du 23 mars 2020, pour proroger l’état d’urgence sanitaire et en compléter les dispositions.

Il y a six semaines, la France était confrontée à la plus grande épidémie de son histoire récente. Afin de répondre à ce contexte exceptionnel, la loi du 23 mars a créé un nouveau régime défini aux articles L. 3131‑12 à L. 3131‑20 du code de la santé publique. Cet état d’urgence sanitaire a été déclaré par le Parlement pour une première durée de deux mois ; il prendra donc fin le 23 mai à minuit.

Si la situation s’est heureusement améliorée ces derniers jours, en particulier grâce aux effets positifs du confinement de la population qui a permis d’enrayer la propagation du virus et de prévenir une saturation de nos hôpitaux, elle reste préoccupante – vous connaissez les chiffres. Dans ces conditions, il nous revient de prendre nos responsabilités et de faire en sorte que les efforts consentis après cinquante jours de confinement ne soient pas gâchés par une seconde vague.

Le Parlement, lors de l’examen de la loi du 23 mars, avait prévu l’avis du Conseil scientifique si une prorogation de l’état d’urgence sanitaire était envisagée. Le Conseil a rendu son avis le 28 avril. Il a rappelé l’efficacité des mesures prises ainsi que la nécessité d’une sortie progressive et contrôlée du confinement. À l’unanimité, il a considéré qu’au vu de la situation, l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de Covid-19 restait nécessaire, dont ceux prévus par la loi du 23 mars.

Le déconfinement doit être organisé et accompagné par un certain nombre de mesures de régulation dont les fermetures imposées par le confinement nous dispensaient jusqu’à présent : ainsi la réglementation de l’accès aux transports publics – Air France vient d’ailleurs d’imposer le port du masque sur tous ses vols, dès le lundi 11 mai.

L’article 1er du projet de loi prévoyait initialement une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 23 juillet. Le Sénat a avancé cette date au 10 juillet. Les deux options me conviennent et je vous proposerai donc d’agréer celle retenue par les sénateurs.

L’article 2 précise les dispositions de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique relatives aux mesures générales relevant du Premier ministre. Ces ajustements permettent la réglementation des déplacements et des transports ainsi que l’ouverture des écoles et magasins. Nous sortons de la logique binaire interdiction-autorisation d’ouverture qui prévalait jusqu’à présent ; cela paraît pertinent.

La loi n’entre pas dans le détail de ces réglementations. On doit envisager, en effet, de mettre en œuvre des mesures différenciées selon les départements et les territoires, pour l’accès aux transports publics comme pour le port du masque. Le déconfinement progressera plus ou moins rapidement selon l’exposition de chaque territoire au virus. Nous donnons les moyens au Gouvernement de déterminer finement cette progression, non seulement par territoire, mais aussi selon le degré de danger qui prévaut dans les différents secteurs d’activité.

La quarantaine et l’isolement relèveront de la responsabilité de chacun, en dehors de la situation particulière des voyageurs entrant sur le territoire ou se rendant en Corse ou en outre-mer, pour qui des sanctions demeurent prévues afin d’éviter les contaminations importées. Les territoires d’outre-mer sont globalement parvenus à se préserver de l’épidémie jusqu’à présent : il ne faut pas remettre en cause ce succès.

L’édiction de ces mesures réglementaires relève du Premier ministre, celle des mesures individuelles du préfet.

Le Sénat a beaucoup modifié ces dispositions. Il a refusé d’assujettir les voyageurs venus de Corse et d’outre-mer sur le territoire métropolitain à un dispositif plus strict que celui applicable à ceux venus d’Europe, puisque le Président de la République a indiqué que l’espace Schengen demeurerait un espace de liberté.

Il a également prévu une mesure utile, évitant que les victimes de violences conjugales puissent être mises en quarantaine ou placées en isolement dans le même domicile que l’auteur de ces violences.

D’un point de vue juridictionnel, le Sénat a créé un bloc de compétence judiciaire pour le contentieux de l’isolement et de la quarantaine. C’est un gage de simplicité pour le justiciable et de bonne administration de la justice ; je serai d’avis, là encore, de préserver cette évolution.

L’article 6 du projet de loi porte sur le renforcement des systèmes d’information pour un suivi effectif de l’épidémie. La lutte contre le Covid-19 repose, depuis le début de sa propagation sur le territoire national, sur l’identification des personnes contaminées et de celles avec lesquelles elles ont été en contact. Les personnels de santé et les brigades sanitaires se chargent actuellement de ce suivi. Toutefois, l’outillage numérique actuel des autorités sanitaires ne permet pas de disposer d’un dispositif complètement effectif.

Par conséquent, l’article prévoit, en premier lieu, la possibilité de déroger au secret médical pour permettre aux personnels de santé et aux autorités sanitaires de partager les données de santé de ces personnes, pour une durée strictement nécessaire à la lutte contre l’épidémie et dans la limite d’un an à compter de la publication de la loi.

Ce partage de données reposerait, d’une part, sur le service intégré de dépistage et de prévention (SIDEP), qui doit permettre de centraliser au niveau national les informations relatives aux tests de dépistage et, d’autre part, sur l’adaptation des systèmes d’information existants pour permettre, via le portail Contact Covid, le suivi des personnes contaminées et des cas contacts, la surveillance épidémiologique et la recherche du virus.

Je salue le travail du Sénat. Il a apporté des précisions utiles quant aux garanties concernant les personnes, au champ des données collectées et au contrôle de la nécessité et de la proportionnalité du dispositif, notamment par l’introduction d’un comité de suivi sociétal auquel le Parlement est associé.

Je vous proposerai toutefois de revenir sur certaines modifications problématiques, comme la durée de mise en œuvre du dispositif.

Je ne peux conclure sans évoquer deux initiatives prises par le Sénat en matière pénale et qui sont au cœur des préoccupations de la commission des Lois.

En premier lieu, le Sénat a souhaité modifier le régime de responsabilité pénale des décideurs publics et privés dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire.

Je rappelle brièvement le droit en vigueur. En l’absence d’intentionnalité, si le lien entre le manquement constaté et le dommage est direct, la responsabilité pénale de son auteur n’est engagée qu’en cas de négligence, d’imprudence ou d’absence de mise en œuvre des diligences normales au regard des moyens dont il est disposé et dans le contexte donné. Si le lien est indirect entre le manquement et le dommage, alors la responsabilité ne peut être recherchée qu’en cas de violation manifeste d’une obligation de prudence ou de sécurité, ou en cas de faute caractérisée.

Ce régime gradué de responsabilité est déjà très protecteur, comme l’ont rappelé le Premier ministre et la garde des Sceaux au Sénat. Toutefois, les sénateurs ont souhaité répondre à l’inquiétude légitime de certains décideurs, publics ou privés, de se voir reprocher dans l’avenir les décisions prises, notamment dans le cadre du déconfinement.

Cette initiative répond à un besoin de clarification. Toutefois, le dispositif retenu par le Sénat pose plusieurs problèmes de rédaction auxquels il conviendra de remédier. C’est la raison pour laquelle la majorité a travaillé à un dispositif à même de résoudre ces difficultés, tout en assurant la prise en considération par le juge des conditions exceptionnelles dans lesquelles il faut agir depuis le début de l’épidémie de Covid-19.

En second lieu, le Sénat a décidé que, dès le 24 mai, les règles dérogatoires de prorogation des détentions provisoires, prévues par ordonnance, n’auront plus cours. Il l’a fait dans une forme juridique sur laquelle mieux vaudrait sans doute revenir : il est peu courant de modifier une habilitation dont l’ordonnance a déjà été régulièrement publiée. Quoi qu’il en soit, je crois pouvoir dire que la commission des Lois approuve cette initiative sur le fond : nos travaux de suivi de l’action du Gouvernement ont montré toutes les réticences inspirées par une prolongation de plein droit et sans débat contradictoire. Tout au plus faudra-t-il gérer une période transitoire qui me semble nécessiter quelques précisions ; un amendement vous sera proposé en ce sens.

M. Florent Boudié. J’ai également plaisir à vous retrouver : la représentation nationale est totalement mobilisée, dans les territoires comme à l’Assemblée nationale. Je remercie notre présidente d’avoir su animer notre Commission et organiser de nombreuses auditions dans des conditions difficiles.

Le projet de loi qui prolonge l’état d’urgence doit donner au Gouvernement des moyens concernant le déconfinement à venir, dès la semaine prochaine. C’est pourquoi il devra être publié au Journal officiel au plus tard lundi prochain. Cela explique nos conditions de travail extrêmement contraignantes.

Je voudrais dissiper un malentendu : il ne s’agit pas d’un projet de loi sur le déconfinement, pas plus qu’il ne s’agit d’un projet de loi qui viserait à mettre en œuvre les déclarations du Premier ministre devant l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce texte est tout à la fois plus réduit et plus ciblé.

Il s’agit de déterminer des mesures de restriction et de quarantaine. Sujet délicat : comment protéger la santé de tous sans que cela empiète sur la liberté des gens ?

Il s’agit aussi de mesures touchant au système d’information. En la matière, ce qui compte, c’est la finalité : l’objectif pour le Gouvernement est de remonter la chaîne de contamination. Nous aurions certes préféré que la collecte d’informations puisse être réalisée par les seuls médecins. Mais c’est matériellement impossible parce qu’il n’y a tout simplement pas assez de médecins en France pour le faire, pas plus que dans n’importe quel autre pays d’ailleurs. Le Premier ministre et le ministre de la santé annoncent jusqu’à 700 000 tests de dépistage : une telle masse justifie en soi le recours à un système d’information. Nous n’avons pas de goût particulier pour la collecte et les fichiers de données personnelles, mais il s’agit d’une nécessité. Tout comme le Sénat, nous serons vigilants sur les garanties apportées car l’efficacité ne doit pas s’obtenir au détriment de l’État de droit et des libertés fondamentales. C’est le sens des propositions du Gouvernement et des nôtres.

Le confinement s’appliquait à tous, ou presque ; le déconfinement, c’est beaucoup plus compliqué. Il doit être progressif et différent selon les catégories d’activités, les catégories de services – publics ou privés –, les territoires. Pour le mettre en œuvre, il faut un Gouvernement et un Parlement ; il faut aussi des agents de service public, des chefs d’entreprise, des élus locaux. C’est pourquoi la question de leur responsabilité se pose. Les membres du groupe La République en Marche veilleront attentivement à ce que les réponses apportées puissent les protéger en évitant tout ce qui pourrait ressembler, de près ou de loin, à une forme d’irresponsabilité. Nous ne voulons pas que le déconfinement se traduise pour les élus locaux qui le mettent en œuvre par une mise en danger sur le plan pénal. J’ajoute que si nous voulons un déconfinement dans de bonnes conditions, il faut que ces élus aient confiance dans les dispositions que nous adoptons.

M. Raphaël Schellenberger. En adoptant le texte instaurant l’état d’urgence sanitaire, nous avons conféré au Gouvernement de très larges pouvoirs de restriction des libertés des Français. Ce texte, nous l’avions adopté en cinq jours, dans des conditions de travail particulièrement dégradées, que nous avions acceptées au vu de l’urgence de la situation. Un mois et demi plus tard, il est beaucoup plus désagréable de se retrouver une nouvelle fois dans ces conditions, en découvrant ce projet de loi la veille seulement de son examen, dans une urgence que le contexte ne justifie plus.

Dès lors qu’il s’agit de restreindre la liberté des Français, il faut prendre le temps d’un travail convenable. Nous ne devrions pas être acculés à une date butoir artificiellement déterminée par l’effet d’annonce auquel s’est livré, il y a quelques semaines, le Président de la République, sur un déconfinement qui n’en sera au bout du compte pas vraiment un. Pour lundi, on nous demande d’entériner, dans la précipitation, la création d’outils juridiques nouveaux dont nous n’avons pas saisi tout à fait l’usage. C’est un premier biais qui nous dérange grandement.

Vient ensuite la constitution d’un énorme fichier de traçage des Français et de leur état de santé, sans information ni débat préalables sur la technologie retenue, qui pose des questions considérables sur la sauvegarde des libertés individuelles et collectives, ainsi que sur ce qui reste la pierre angulaire de notre système de santé : le secret médical. Toutes ces questions, nous allons devoir les balayer en très peu de temps alors même que nous aurions pu en débattre au cours des semaines écoulées. L’ébauche des discussions que nous avons eues au sein de la Commission portait sur une application qui n’est plus, aujourd’hui, le sujet : chacun aura bien compris que, techniquement, le Gouvernement n’avait pas été en mesure d’avancer. En conséquence, on nous propose une solution bien pire. Vous avez choisi d’aborder la question à travers le prisme de l’outil au détriment de l’usage qui en sera fait. C’est une mauvaise logique : en tant que parlementaires, notre devoir devrait être de veiller moins à la technique qu’à l’usage qui aboutit à restreindre la liberté des Français.

Autre point inquiétant : la durée de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Lors de nos débats précédents, nous avions acté le principe d’une instauration pour deux mois à compter du vote de la loi du 23 mars. Il avait également été convenu – ce qui ne figure pas dans la loi, mais on le retrouve dans les débats – qu’au terme de ces deux mois, toute prorogation serait envisagée mois après mois et ferait l’objet d’une discussion au Parlement. Or, le projet de loi prévoit une prolongation de deux mois. Nous nous y opposons. Le Sénat propose un compromis au 10 juillet ; nous maintenons qu’il faut discuter de la durée de cette reconduction.

La question de la responsabilité des décideurs publics est évidemment essentielle. Il n’est pas question pour nous d’accepter la moindre déresponsabilisation. En revanche, il faut débattre du cas des élus locaux amenés à appliquer nombre de décisions dont ils ne sont pas à l’origine. Les maires, auxquels on demande de rouvrir les écoles et à qui on va imposer certaines obligations dans l’organisation des services publics locaux, ne peuvent pas être tenus responsables de choix qui leur sont imposés, pas plus que de certaines modalités de leur mise en œuvre puisque l’État ne leur en donne pas toujours les moyens. Rappeler l’état de la jurisprudence, comme l’a fait le Sénat, nous semble éventuellement une belle solution.

Enfin, nous insistons sur la nécessité de revoir certains délais instaurés dans le cadre de l’état d’urgence, concernant notamment les centres de rétention administrative et les enquêtes publiques en matière d’urbanisme.

Mme Laurence Vichnievsky. Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de proroger l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020, à compter du 24 mai et pour une durée de deux mois – du moins dans sa rédaction initiale puisque le Sénat a limité cette prorogation au 10 juillet. Je ne vois pas bien l’intérêt d’une telle réduction ; la durée prévue à l’origine par le Gouvernement me paraissait mesurée. Cette prorogation intervient alors que la période de confinement général aura cessé depuis le 11 mai et elle fixe un cadre législatif pour la reprise de l’activité.

Outre la prorogation, le projet de loi complète le dispositif de l’état d’urgence. Il faut évoquer ici une initiative de nos collègues du Sénat, qui se sont montrés préoccupés par la question de la responsabilité pénale des responsables publics et privés, dans le cadre ou à l’occasion de la mise en œuvre des politiques publiques de lutte contre l’épidémie de Covid‑19. Le Sénat a adopté un amendement à l’article 1er qui traite de cette question. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés y est hostile pour deux raisons.

Il n’est pas souhaitable d’instaurer un régime de responsabilité pénale applicable à la seule lutte contre le Covid-19. La rapporteure a rappelé que la loi du 10 juillet de 2000 est équilibrée puisqu’elle protège tout en préservant le principe de responsabilité pénale. Nous partageons les réserves exprimées par le Premier ministre devant le Sénat à ce sujet.

Le Sénat reprend, sous une forme certes élégante et pédagogique, les dispositions de l’article L. 121‑3 du code pénal sans y apporter de particulier : cela ne justifie pas l’adoption d’un texte nouveau. Nous proposons plutôt d’insérer dans la rédaction en vigueur du code pénal un alinéa très court, précisant seulement qu’il est tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits. Nous sommes heureux d’avoir été, sur ce sujet, à l’origine d’une rédaction commune au sein de la majorité.

L’article 2 détermine les conditions dans lesquelles des personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l’infection peuvent être placées en quarantaine à leur entrée sur le territoire national. Il me semble que les choses doivent être précisées : une personne ayant séjourné à Bergame ou dans la région de Milan présente-t-elle moins de risques qu’une autre ayant résidé à Mulhouse ?

L’article 6 prévoit la création d’un système d’information ayant pour objet le traitement et le partage des données à caractère personnel concernant la santé des personnes atteintes par le virus. La durée de vie de ce système fait débat ; le groupe MODEM estime qu’une durée de six mois à compter de la promulgation de la présente loi serait raisonnable.

Le consentement des personnes au traitement et au partage de leurs données médicales est un autre sujet de débat. Le problème dépasse la question de la compatibilité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) d’un système qui négligerait ce consentement ou celle de l’obstacle technique que représenterait, pour la bonne marche du système, la sollicitation de ce consentement. Le problème est de savoir jusqu’où une société est capable de remettre en cause les valeurs de liberté, de respect de la vie privée et d’affirmation de l’individu pour limiter la contagion d’une maladie capable de provoquer des dizaines de milliers de morts. Si le consentement préalable et explicite des intéressés peut paraître difficile à exiger, notre groupe souhaite que leur acceptation, même si elle n’est que tacite – mais libre –, soit requise pour la mise en œuvre de ce système d’information.

M. Pascal Brindeau. Chacun peut comprendre que nous ayons dû renoncer à auditionner le ministre de la santé hier soir, mais je regrette qu’il ne soit pas présent ce matin. J’aurais aimé entendre la position du Gouvernement, notamment sur la responsabilité pénale, dans la mesure où il s’est opposé hier à la rédaction adoptée par le Sénat.

La prolongation de l’état d’urgence pose quelques questions. On peut craindre, comme c’est arrivé au lendemain des attentats terroristes de 2015, qu’à force de prolonger mécaniquement l’état d’urgence, certaines dispositions restreignant les libertés publiques ne finissent par entrer dans le droit commun. Ce n’est pas notre conception philosophique du droit.

Il serait également bon d’évaluer l’efficience de mesures dont on s’apprête à voter la prorogation, comme y a du reste invité le Conseil d’État dans son avis, qui demande au Gouvernement et au Parlement d’auditer chacune des dispositions pour voir celles qui méritent d’être prolongées, et pour combien de temps.

S’agissant de la responsabilité pénale des élus locaux et des chefs d’entreprise, la majorité dit avoir des propositions à faire. Mais le Gouvernement a défendu hier un amendement tendant à supprimer la rédaction des sénateurs… Nous souhaitons protéger les élus locaux dans leurs fonctions, les employeurs et les agents publics qui exécutent des décisions. En revanche, nous ne voulons pas l’amnistie générale et a priori de tous les responsables publics qui ont pris des décisions relatives à la lutte contre le Covid-19. La rédaction actuelle du texte, qui couvre une période antérieure au déconfinement, ne nous satisfait pas. Nous ferons des propositions pour l’améliorer.

Nous nous interrogeons enfin sur l’opportunité de créer un fichier central contenant des données personnelles d’ordre médical et partagé par quelques milliers de personnes : cela pose des questions relatives à la protection des libertés publiques et de la vie privée. Il faudra un équilibre entre la nécessité de disposer de données pour limiter la propagation du virus et la protection de la vie privée de nos concitoyens.

Mme Cécile Untermaier. La lutte contre le Covid-19 nous impose de prendre des mesures d’urgence afin de préserver la santé de nos concitoyens, sans pour autant tourner le dos à l’État de droit qui fonde notre démocratie. Il faut un équilibre, comme nous avons essayé de le faire en 2015 avec l’état d’urgence, en essuyant les mêmes critiques.

Le Sénat a décidé de limiter la prolongation de l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet, ce qui convient au groupe Socialistes et apparentés.

Le projet de loi ne modifie que l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 : de portée limitée, il ne prend pas en compte les questions sociales et les conséquences graves de certaines ordonnances sur notre démocratie. La justice, qui en est l’un des piliers, doit absolument redémarrer. À cet égard, nous saluons la décision du Sénat d’abroger les dispositions prises par ordonnance relatives à l’allongement automatique de la détention provisoire, qui sont profondément choquantes. Nous pensons d’ailleurs que cette disposition devrait entrer en vigueur immédiatement, sans attendre le 24 mai.

Sur le fond, toutes les mesures de l’état d’urgence ont pour objet de déroger au droit normalement applicable pour parer aux conséquences de la pandémie. Elles disparaîtront donc à la fin de la crise. Elles trouvent pourtant leur place dans le code de la santé publique, dans un nouveau chapitre consacré à l’état d’urgence sanitaire, qui perdurera jusqu’au 1er avril 2021. Cela introduit une certaine confusion, puisqu’on ne sait pas toujours si les mesures dont nous discutons ont une valeur générale, rattachée à un état d’urgence sanitaire qui pourrait être à nouveau mobilisé, ou si elles n’ont qu’une valeur ponctuelle. Pour clarifier les choses, nous rappellerons régulièrement que les mesures dont nous débattons se rapportent exclusivement au Covid-19.

Quelques points retiennent particulièrement l’attention de notre groupe. S’agissant de la responsabilité des acteurs publics et privés, nous rejoignons les observations faites tant par la rapporteure que par Mme Laurence Vichnievsky : le droit positif et la jurisprudence protègent déjà les élus et, du même coup, les citoyens. Je suis convaincue que le juge prend en compte les circonstances exceptionnelles d’une décision. Nous vous soumettrons toutefois une proposition pragmatique : une validation par le préfet dès lors qu’un maire souhaitera prendre des précautions.

Notre deuxième interrogation concerne l’évaluation et le contrôle des mesures prises pendant l’état d’urgence. Le Sénat a amélioré les choses, mais nous devrions reprendre les modes de contrôle instaurés en 2015. Les parlementaires et les citoyens ont le droit de connaître précisément l’impact du Covid-19 puisque c’est ce qui justifie le présent texte – en particulier le nombre exact de personnes décédées chez elles à cause du virus, que les médecins Sentinelle parviennent pourtant à comptabiliser dans le cadre d’une épidémie ordinaire. Les citoyens ne sont pas des enfants : ils doivent avoir accès à l’intégralité des chiffres relatifs à cette pandémie.

Il faut, plus encore que ne l’a fait le Sénat, faciliter les recours juridiques pour les personnes qui se verraient imposer une mesure de quarantaine ou d’isolement.

Nous sommes étonnés, enfin, que les masques et les tests, qui sont des outils essentiels de la lutte contre le Covid-19, n’aient pas leur place dans ce projet de loi. L’accès aux masques importe plus que les contraventions que commettront ceux qui n’en porteront pas, notamment dans les transports publics.

L’article 6 a pour objet de lever le secret médical. Ce n’est pas rien. Le fichier que vous voulez créer sera accessible à 30 000 personnes, dont un certain nombre ne sont pas des professionnels de santé et n’ont pas la culture du secret médical. Si l’on ne peut faire autrement, il faudra les y sensibiliser.

Nous défendrons avec force et d’une manière constructive les libertés publiques et le respect de la vie privée.

M. Paul Molac. Le confinement était nécessaire ; le déconfinement risque de poser des difficultés parce que nos faiblesses structurelles perdurent – manque de masques, de tests, de places dans les hôpitaux. La prorogation de l’état d’urgence sanitaire me semble donc nécessaire, même si je n’ai aucun goût pour les situations ou les juridictions d’exception.

Le Sénat a introduit quelques dispositions bienvenues, par exemple sur l’encadrement du prix des masques et sur la verbalisation. L’article 6 pose effectivement problème dans la mesure où il remet en cause le secret médical. Le Gouvernement nous a donné un certain nombre de garanties qu’il devra réitérer en séance publique. Il semble important de recueillir le consentement des personnes concernées et il faut que le système soit déclaratif : chacun doit être libre d’indiquer quelles sont les personnes avec qui il a été en contact. Il importe aussi de ne pas croiser ce fichier avec d’autres. Il sera intéressant de connaître l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). D’après ce que j’ai compris, le Gouvernement n’a pas totalement renoncé à créer une application de « tracing », ce qui m’inquiète beaucoup plus.

Plusieurs questions restent en suspens. Certaines ont été posées au Sénat : le cas de la Corse, par exemple, qui accueille 8 millions de touristes par an pour une population de 340 000 habitants. Il faut absolument veiller à ce que la maladie ne se répande pas dans cette île : ce serait dramatique, à la fois pour la population locale comme pour l’activité touristique qui représente 30 % de son PIB. Je pense aussi au littoral atlantique : on y autorise les activités nautiques mais on interdit l’accès aux plages : il faudra expliquer comment procéder. On ne peut pas traiter de la même manière le littoral atlantique, qui compte des centaines de kilomètres de plages, et la côte méditerranéenne. Il faut différencier les territoires. La question de la quarantaine pour les personnes venant de l’étranger pose également question : on veut l’imposer à des pays qui ont des liens forts avec la France, par exemple le Maroc, mais on ne l’imposera pas aux personnes venant d’Espagne…

S’agissant de la responsabilité des maires, quand j’ai vu la note de soixante-trois pages relative à la scolarisation des enfants dans les écoles maternelles, je me suis dit que le ministère de l’éducation nationale cherchait à se protéger et à mettre les maires en première ligne. On ne peut pas empêcher des enfants de se toucher. Le virus continuera à se répandre en maternelle, c’est inévitable, et on essaie de se défausser sur les maires !

M. Éric Coquerel. Ce projet de loi est triplement problématique.

Premièrement, pourquoi nous demander de proroger l’état d’urgence dès aujourd’hui, et non le 23 mai ? Le risque, c’est que les dispositions d’urgence entrent dans le droit commun. Rappelons-nous ce qui est arrivé avec la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) ! Ce projet de loi prévoit la prorogation de toutes les ordonnances, y compris des pires, contre l’avis du Conseil d’État qui appelait au réexamen systématique de chaque disposition et à une évaluation au cas par cas. Ce n’est pas parce que le Gouvernement a été incapable de planifier le confinement, puis le déconfinement, qu’il doit maintenant confiner les libertés !

Deuxièmement, le déconfinement n’a pas été planifié et rien, dans ce projet de loi, ne permet de corriger le tir : on n’y trouve ni réquisition d’entreprises, ni nationalisation, ni planification sanitaire. Il nous semblerait normal de fournir des masques gratuitement au moins aux personnes particulièrement exposées dans leur travail ; on en est toujours à 50 000 tests par jour à une semaine du déconfinement, loin des 100 000 tests préconisés par le conseil scientifique. Et que dire des volte-face sur la question de l’école et des transports ! L’État reporte les difficultés sur les collectivités territoriales et les entreprises en leur demandant de se débrouiller, faute d’avoir organisé les choses.

Troisièmement, nous sommes confrontés à une crise mondiale et globale, environnementale, sanitaire, alimentaire et sociale, qui ignore les frontières. Or, rien n’est fait pour résoudre les difficultés des Français. Aucune mesure d’aide alimentaire, pas de blocage des prix, alors que dans le département de Seine-Saint-Denis, 15 000 à 20 000 personnes sont, aux dires du préfet, en situation de malnutrition ! Aucune aide sociale pour le logement ! Le 23 mars, nous avions proposé la gratuité des obsèques, une mesure qui aurait dû être votée par tout le monde. Vous ne demandez aucune contrepartie aux entreprises qui licencient ou qui continuent de distribuer des dividendes – 36 milliards pour les entreprises du CAC 40 en juin. Vous n’imposez pas de taxe exceptionnelle aux entreprises qui profitent de la crise, et il y en a !

Aucune mesure n’est prise en faveur des plus fragiles alors qu’il faudrait fermer les centres de rétention administrative, régulariser les sans-papiers et réquisitionner des logements pour reloger les victimes de violences conjugales. Vous ne prenez aucune des mesures économiques qu’il faudrait prendre pour faire face à la crise : nationalisation d’Air France, fin de l’ouverture à la concurrence de la SNCF au profit d’un pôle public de transport, création d’un pôle public du médicament.

Cette loi est dangereuse pour les libertés avec la création de ce fichier et les mesures relatives à la verbalisation. Surtout, l’idée qu’un malade serait déjà un coupable nous inquiète. Nous sommes favorables à l’amendement du Sénat relatif à la responsabilité des élus locaux. Il faut les protéger. Mais nous ne voulons pas que cette disposition permette l’amnistie de tous ceux qui ont pris des décisions dans ce pays depuis plusieurs mois, et même davantage. Rien, dans ce texte, ne témoigne d’une volonté de rompre avec les erreurs passées. Nous voterons donc contre ce projet de loi, à moins que nos amendements ne soient pris en compte.

M. Stéphane Peu. Lorsque nous avons discuté et voté le projet de loi instituant l’état d’urgence, le 23 mars, le pays était dans un état de sidération. Deux mois plus tard, nous avons un peu plus de recul et nous pensons qu’il aurait été important de faire un bilan de l’état d’urgence avant de le proroger.

Les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont la conviction que l’état d’urgence, qui a consisté à concentrer les pouvoirs dans les mains de l’exécutif et à mettre la démocratie sous cloche, a été contre-productif. Il n’est pas surprenant que la France soit le pays d’Europe où le peuple a le moins confiance dans ses dirigeants pour mener la lutte contre le Covid-19. Le professeur Jean-François Delfraissy et la communauté médicale ont bien montré que la lutte contre le Covid-19, pour être efficace, nécessite l’adhésion et la confiance de la population. On peut se demander si l’état d’urgence, et toutes les décisions autoritaires et antidémocratiques qui l’accompagnent, n’est pas pour une part responsable de cette défiance.

Au moment où l’on nous demande de prolonger l’état d’urgence de deux mois, nous entrons dans une période de déconfinement qui se traduit par une déresponsabilisation du pouvoir exécutif, qui se décharge sur les chefs d’entreprise, les maires et les directeurs d’école. C’est paradoxal ! On demande la concentration des pouvoirs dans les mains du Gouvernement au moment même où celui-ci reporte ses responsabilités vers une multitude d’autorités économiques et politiques à travers le pays.

Madame la rapporteure, il n’y a pas d’équivalence entre confinement et état d’urgence. Le confinement a été instauré le 15 mars : cela prouve bien que nous n’avions pas besoin de l’état d’urgence pour en décider. Je remarque que dans son discours annonçant le confinement, le Président de la République a fait référence à la solidarité nationale, au civisme et à la responsabilité de tous les Français. Après le 23 mars, il a prononcé un discours martial et il a parlé d’une guerre : cela a changé la philosophie de la lutte contre le Covid-19 ! Le président allemand, M. Frank-Walter Steinmeier, a répondu à Emmanuel Macron que la lutte contre le Covid-19 nétait pas une guerre, mais un test dhumanité. Ces différences expliquent peut-être les résultats différents obtenus par nos deux pays dans la lutte contre la pandémie, et létat de confiance de leurs populations !

La Représentation nationale aurait été en droit de demander un bilan de ces deux mois. Pour retrouver la confiance des Français, pour lutter contre la pandémie, ce nest pas de létat durgence dont nous avons besoin, mais de plus de démocratie. Il faut restaurer le débat et la décision partagée, qui sont le propre de la démocratie.

Pour conclure, je citerai le général de Gaulle, ce qui fera plaisir à certains dentre vous  Ah ! » parmi les députés du groupe Les Républicains). Dans ses Mémoires de guerre, il se félicitait que l’Assemblée nationale ait pu, tout au long de la guerre de 1914-18, contrôler et évaluer l’action du Gouvernement. Il concluait que cela n’avait pas pesé pour rien dans la victoire de la France. La démocratie n’est pas l’ennemie de l’efficacité. Confiner la démocratie, c’est perdre la confiance des Français. Et sans leur confiance, nous ne gagnerons pas contre le Covid-19.

M. Sacha Houlié. Alors que nous sommes une trentaine de députés réunis en Commission, nous ne pouvons pas nous émouvoir de la dégradation du fonctionnement du Parlement. Les Français travaillent, eux aussi, dans des conditions très particulières. Par ailleurs, le plan de déconfinement ne doit pas être confondu avec l’état d’urgence sanitaire, qui a succédé au confinement et survivra au déconfinement. Le Premier ministre a déjà répondu, en séance publique, la semaine dernière, aux questions que pose M. Coquerel.

Si le Sénat a amélioré certains aspects du texte, d’autres restent à l’être à l’article 6. Certains ajouts devront être regardés de près, notamment la définition du champ d’application des systèmes d’information. Il conviendra de préciser que les fichiers déployés sont analogues à ceux qui existent ; d’interdire la rémunération proposée par le directeur de l’Assurance maladie ; d’étendre le secret professionnel et d’encadrer le recours à la sous‑traitance ; de faire en sorte que le Parlement puisse exercer un contrôle, comme il l’a fait dans le cadre de l’état d’urgence fondé sur la loi de 1955.

M. Arnaud Viala. Pourquoi proroger l’état d’urgence de deux mois et non pas d’un, par parallélisme avec l’état d’urgence proclamé sous la précédente législature pour lutter contre le terrorisme, que nous avons reconduit à maintes reprises ? Le Parlement est en mesure de se réunir. Il n’y a aucune raison de le priver de son droit de se prononcer à intervalles réguliers. Une fréquence mensuelle me paraît tout à fait raisonnable.

Où en sommes-nous dans le déploiement du système d’information dans les territoires ? Hier, lors d’une réunion avec le préfet de mon département, les directeurs de l’agence régionale de santé et de la caisse primaire d’assurance-maladie nous ont appris que le travail était déjà bien avancé : le fichier doit fonctionner dès la semaine prochaine alors même que le Parlement n’a pas encore voté la loi.

Les améliorations apportées par le Sénat sont autant de garde-fous, en matière de confidentialité, de droit à l’oubli et d’effacement des données.

M. Philippe Gosselin. La date du 10 juillet fait l’effet d’une cote mal taillée : une prorogation d’un mois me semblait préférable en offrant un rendez-vous supplémentaire au Parlement, gardien des libertés individuelles et publiques.

Le Sénat a limité l’ampleur de l’article 6, lequel permet non seulement de créer un nouveau système d’information, mais aussi d’adapter tous ceux qui existent. Parallèlement se développe une plateforme des données de santé sur laquelle la CNIL s’est prononcée il y a quelques semaines. Hier, le secrétaire d’État chargé du numérique nous apprenait que l’application StopCovid pourrait se déployer à partir du 2 juin. Ne balayons pas d’un revers de main la technologie, qui peut nous aider à lutter contre l’épidémie, mais c’est aller un peu loin ! Il faudra également clarifier des questions essentielles qui relèvent du secret médical et professionnel, étant donné le grand nombre d’intervenants qui auront accès aux données.

M. Erwan Balanant. Nous pouvons nous réjouir du déconfinement progressif de l’Assemblée nationale. Nous approuvons les dispositions adoptées par le Sénat pour renforcer le contrôle du juge des libertés et de la détention sur les mesures sanitaires. Elles garantissent l’équilibre entre le respect des libertés et l’efficacité en matière de santé publique.

M. Éric Diard. Le Sénat a réduit, à raison, la durée de prorogation de l’état d’urgence sanitaire en ramenant la date au 10 juillet. Mais choisir le 1er juillet aurait été plus approprié dans la mesure où nous serions restés dans le cadre de la session ordinaire.

Si j’entends qu’il faille protéger les élus locaux et ceux qui travaillent à leurs côtés de certains risques pénaux, je suis clairement défavorable à une amnistie générale.

Enfin, s’agissant de l’article 6, quelles sont les garanties de protection des données ? Quel sera le mode d’action ? Dans la mesure où les médecins ne suffiront pas – pour un malade dépisté, ce sont vingt contacts à retrouver –, il faudrait que les membres des brigades de traçage soient choisis parmi des personnels soumis au secret médical.

M. Bruno Questel. Concernant la question des responsabilités, avec des collègues du MODEM, nous déposons un amendement qui fera entrer les cas concernés dans le droit commun.

Mme Marietta Karamanli. Le projet de loi a vu le nombre de ses articles augmenter après son passage au Sénat, ce qui prouve qu’il avait besoin d’être précisé. Il en a encore besoin. Certains articles, par exemple, n’apparaissaient pas limités dans le temps. Il faut aller à l’essentiel en matière de libertés individuelles et publiques : toute limitation doit être interprétée strictement, notamment pour ce qui touche à la quarantaine et aux outils informatiques.

Le Sénat a rétabli de façon claire certaines garanties, notamment dans le domaine de la procédure pénale. Mais les juridictions administratives, judiciaires et constitutionnelle doivent retrouver un fonctionnement normal. Ceci suppose le plein rétablissement des garanties d’un procès équitable, la levée des mesures prises en matière de détention provisoire et d’assistance éducative. Enfin, le fait que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire ait été décidée sur l’avis du conseil scientifique, dont l’indépendance n’est pas garantie, pose problème.

Mme Coralie Dubost. L’enjeu du débat n’est assurément pas d’opposer liberté et sûreté. Montesquieu a montré que la liberté politique résidait dans la capacité de l’État à garantir la sûreté de ses citoyens. L’état d’urgence sanitaire impose d’articuler les sûretés sanitaires apportées par le Gouvernement avec les libertés. À cette fin, des innovations sont nécessaires. La liberté que nous allons restituer à nos concitoyens ne sera pas une liberté aveugle ; ce sera celle qui lui permettra de vivre, en étant garanti dans son intégrité physique et morale.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La discussion générale est close.

Je rappelle que le port des masques est désormais obligatoire en Commission. Je vous remercie d’en prendre note pour la prochaine réunion prévue à 14 heures, à l’occasion de laquelle nous entamerons l’examen des articles du projet de loi.

2. Deuxième réunion du mercredi 6 mai 2020

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9016371_5eb2a7984eff8.commission-des-lois--projet-de-loi-prorogeant-l-etat-d-urgence-sanitaire-et-completant-ses-disposit-6-mai-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La Commission ayant achevé ce matin la discussion générale sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire nous allons aborder l’examen des articles et des amendements.

Chapitre premier
Dispositions prorogeant l’état d’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions relatives à son régime

Article 1er (art. L. 121-3 du code pénal et art. 16-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020) : Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

La Commission examine les amendements identiques CL79 de Mme Danièle Obono et CL252 de M. Pascal Brindeau.

M. Éric Coquerel. Le 11 mars, Édouard Philippe disait qu’il fallait protéger, tester, isoler. Mais il semblerait qu’il préfère contrôler, pister, réprimer. L’état d’urgence sanitaire nous pose à cet égard de nombreux problèmes. Il ne nous semble pas normal de le proroger automatiquement, avant même le 23 mai, alors que la situation a changé et sans que le moindre bilan en soit tiré. Plus de cent quarante mois de prison ferme ont été prononcés pour violations multiples de l’obligation de confinement depuis le 17 mars. Des ordonnances continuent de s’appliquer, notamment celle qui prolonge automatiquement la détention provisoire, ce qui est proprement scandaleux. C’est pourquoi il ne nous semble pas souhaitable de proroger l’état d’urgence sanitaire ni de voter une loi qui laisse de côté tout l’aspect social de la crise. D’où notre amendement de suppression CL79.

M. Pascal Brindeau. L’amendement CL252 vise à questionner le principe de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, pour vérifier que les mesures de limitation des libertés publiques ne puissent être prises dans le cadre du droit commun. Certaines mesures sont prolongées, voire renforcées, alors qu’elles ne semblent pas justifiées au regard de leur efficacité.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je ne peux qu’être défavorable à ces amendements de suppression, car je pense au contraire qu’il est nécessaire de proroger l’état d’urgence sanitaire. La situation reste très préoccupante : il suffit de lire l’avis du conseil scientifique du 28 avril pour s’en convaincre. L’efficacité des mesures de confinement sur la dynamique de l’épidémie a été démontrée – 62 000 vies auraient été épargnées le premier mois –, tout comme la nécessité d’une sortie progressive et contrôlée du confinement. À l’unanimité, le conseil a considéré que l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de Covid-19, incluant ceux prévus par la loi sur l’état d’urgence sanitaire, restaient nécessaires dans la situation sanitaire actuelle. Le régime de l’état d’urgence sanitaire est encadré juridiquement et il délimite précisément les pouvoirs du Premier ministre. En outre, cette prorogation est limitée dans le temps, jusqu’au 10 juillet.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement CL190 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous proposons de supprimer les alinéas 1 à 6. La durée de l’état d’urgence n’est pas définie dans l’alinéa 1er. L’histoire nous a appris à nous méfier : l’état d’urgence engagé en 2015 sur le fondement de la loi de 1955 a été prorogé à de nombreuses reprises, sans que cela soit justifié. Des délais de deux mois nous paraissent dangereux, et plus dangereuse encore l’absence de date butoir. Quant aux alinéas 2 à 6, nous ne sommes pas d’accord avec les amendements du Sénat visant à exonérer de responsabilité pénale les acteurs de la lutte contre la crise, qu’ils soient membres du Gouvernement, chefs d’entreprise ou maires.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. J’ai déjà répondu sur les aspects liés à la prorogation.

S’agissant de la responsabilité pénale, la rédaction du Sénat n’est pas totalement satisfaisante, même si nous en partageons l’intention : les décideurs publics et privés attendent de nous que nous les accompagnions dans la mise en œuvre du déconfinement. Mais nous devons le faire avec prudence. C’est la raison pour laquelle les deux groupes de la majorité ont proposé une rédaction commune qui me semble plus satisfaisante et qui permettra au juge de prendre en considération les circonstances actuelles, sans pour autant exonérer les personnes concernées de leurs responsabilités.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL178 de M. Marc Le Fur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL250 de M. Pascal Brindeau et CL179 de M. Marc Le Fur, les amendements identiques CL118 de M. Raphaël Schellenberger, CL120 de M. Éric Ciotti et CL174 de M. Marc Le Fur, ainsi que les amendements CL153 de M. Éric Diard et CL374 de M. Arnaud Viala.

M. Pascal Brindeau. L’état d’urgence est déconnecté de la procédure de déconfinement et du retour à une vie économique et sociale plus normale : c’est un état de restriction des libertés publiques et des droits du Parlement. Le délai de prorogation doit être limité à vingt-huit jours, ce que propose l’amendement CL250.

M. Arnaud Viala. L’amendement CL179 est défendu.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement CL118 vise à fixer au 23 juin la fin de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Les restrictions sont si fortes qu’il faut pouvoir discuter chaque mois de la prorogation, conformément à la logique retenue dans le cadre de l’état d’urgence contre le terrorisme : apprendre à vivre avec la menace pour sortir progressivement de l’état d’exception et retrouver progressivement l’état de droit traditionnel. Nous devons, de la même manière, nous donner les moyens de sortir de l’état d’urgence sanitaire.

M. Éric Ciotti. L’amendement CL120 vise à limiter la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au 23 juin. Cela semble suffisant, d’autant que le Parlement retrouve progressivement ses moyens de fonctionner. Il me semble anormal de rester dans une situation où nos libertés sont érodées et où l’exécutif s’arroge des prérogatives exorbitantes du droit commun, que rien ne justifie. Dans un article du journal Le Monde, l’ancien président de Médecins sans frontières, Rony Brauman, rappelait que la gestion d’une épidémie dépendait d’un outil immatériel essentiel, la confiance, et qu’en l’absence de confiance, l’autorité s’exerçait par la dureté. Or j’ai le sentiment que le pouvoir veut pallier ses erreurs et son manque d’anticipation par une dureté d’autant plus forte qu’il a failli. Je refuse de lui donner un blanc-seing.

M. Arnaud Viala. L’amendement CL174 est défendu.

M. Éric Diard. L’amendement CL153 propose de fixer la fin de l’état d’urgence sanitaire au 1er juillet, autrement dit à la fin de la session ordinaire. Ce sera une garantie pour le Parlement d’exercer pleinement ses pouvoirs de contrôle. Il sera assuré de se réunir au moins une fois pour dresser un bilan de quatre mois de crise au lieu d’attendre le 10 juillet et une éventuelle convocation en session extraordinaire.

M. Arnaud Viala. J’ai par avance défendu mon amendement CL374 lors de la discussion générale. Limiter la prorogation à un mois permettrait tout à la fois d’apprécier l’évolution de la situation sanitaire et de garantir au Parlement son rôle de contrôle des décisions de l’exécutif.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Devant vos propositions multiples, je pourrais dire, comme Philippe Bas : « Cent fleurs se sont épanouies ». Avec la date du 10 juillet, le Sénat a trouvé un équilibre entre l’avis du conseil scientifique et les contraintes et les restrictions induites par le confinement et le déconfinement. C’est un bon compromis. Avis défavorable sur tous ces amendements.

M. Éric Coquerel. Le Premier ministre a indiqué lui-même que la première phase de déconfinement irait jusqu’au 4 juin, date à laquelle les mesures pourraient être revues. Tout concourt donc à choisir le mois de juin.

M. Raphaël Schellenberger. Madame la rapporteure, pourquoi parler de compromis ? Il faut distinguer confinement, déconfinement et état d’urgence. Notre débat porte sur les moyens d’exception, qui ne sauraient être confiés à un Gouvernement pendant une trop longue période. Il n’y a pas de compromis possible ; ne tombons pas dans des discussions de marchands de tapis et retenons le principe d’une durée de deux mois pour l’état d’urgence et d’un renouvellement possible de mois en mois.

M. Pascal Brindeau. Les conditions de reprise des activités économiques et sociales, selon des règles qui peuvent être adaptées par les préfets en liaison avec les maires, sont une chose, l’état d’urgence en est une autre. On ne saurait laisser trop longtemps à l’exécutif la liberté de prendre des décisions sans avoir à en rendre compte a priori devant le Parlement : d’autres démocraties ont choisi de faire face à cette crise sanitaire sans recourir à ces pouvoirs exorbitants.

M. Sacha Houlié. Aucune date n’est vraiment satisfaisante mais je vous propose de nous aligner sur la cote, que certains jugent mal taillée, retenue par le Sénat après de longues discussions. Elle nous permettra de trouver un compromis conforme à l’union nationale que nous appelons tous de nos vœux.

M. Philippe Gosselin. Un renouvellement de mois en mois correspond au précédent de la prorogation de l’état d’urgence dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il permettrait de donner du temps sans trop prolonger la durée de cet état d’exception qui autorise la suspension de nombreuses libertés fondamentales et la mise à l’écart de pans entiers de notre droit.

En outre, cette solution met au centre du dispositif le Parlement et son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, conformément à l’article 24 de la Constitution. Autre avantage, le débat interviendrait avant la fin de la session ordinaire, ce qui nous éviterait de dépendre, une fois de plus, d’une décision de l’exécutif de convoquer ou non le Parlement en session extraordinaire.

M. Florent Boudié. Rappelons que l’exécutif ne s’est pas arrogé des pouvoirs exceptionnels : c’est nous qui les lui avons confiés compte tenu du caractère exceptionnel de la crise. Le choix d’une date ne saurait réduire l’incertitude face à l’évolution de la situation sanitaire. Au reste, le fait que vous proposiez chacun des dates différentes montre qu’aucune n’est totalement satisfaisante. Le Gouvernement a retenu le 23 juillet en se fondant sur la date d’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, le 23 mars. Le Sénat considère pour sa part que le délai de deux mois devrait courir à partir de la date du dé confinement ; c’est une bonne idée, et c’est la solution que nous reprenons dans un esprit de dialogue : il est parfois difficile d’assumer, parce que nous sommes majoritaires, la responsabilité du pays dans des circonstances aussi difficiles.

M. Aurélien Pradié. Comme l’ont rappelé Stéphane Peu et Éric Ciotti, en période de crise, l’essentiel, c’est la confiance. Sans elle, aucun gouvernement ne peut, fût-il doté de pouvoirs exceptionnels, mener à bien une politique d’urgence sanitaire. Or cette confiance des citoyens dans l’exécutif n’est plus là. Celui-ci doit donc passer, pour la maintenir, par le Parlement, auquel l’organisation de notre République donne un rôle d’intermédiaire. Il s’agit, non pas de retenir une date confortable pour le Gouvernement, mais de retenir les délais les plus courts possibles pour que le mode de fonctionnement habituel du Parlement ne soit plus court-circuité.

Historiquement, à chaque fois qu’un exécutif a dû faire face à une crise majeure, il a d’abord disposé d’une période de deux mois pour prendre des mesures exceptionnelles soumises ensuite à un renouvellement de mois en mois. Faire courir le délai à partir de la date de déconfinement est une erreur puisque les pouvoirs exorbitants ont été donnés bien avant. Le Sénat ne détient pas la vérité : vous ne retenez de lui que les solutions qui vous arrangent – vous serez bien moins enclins à le suivre s’agissant de la responsabilité des élus, semble-t-il.

M. Guillaume Vuilletet. Personne ne peut s’arroger le monopole de la confiance, ni le pouvoir de décider dans quelles conditions et par quel intermédiaire elle doit s’établir. La confiance, c’est aussi le consensus. Force est de constater qu’un tel consensus ne règne pas au sein du groupe Les Républicains. Il n’est qu’à voir la différence d’argumentation entre M. Ciotti et M. Gosselin. Pour notre part, le consensus, nous sommes en train de le bâtir avec le Sénat.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra les amendements demandant une prorogation mois par mois. Cela paraît d’autant plus justifié que le projet de loi ne prévoit aucun dispositif satisfaisant de contrôle par le Parlement. La date du 10 juillet apporte de la confusion en liant état d’urgence et déconfinement, alors que cela n’a rien à voir : c’est bien au vu de données objectives de santé publique que l’état d’urgence sanitaire a été décidé.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL325 de Mme Laurence Vichnievsky et CL373 de M. Florent Boudié, les amendements CL254 de M. Pascal Brindeau, CL214 de M. Patrick Hetzel, CL 251 de M. Jean-Christophe Lagarde, CL71 de Mme Emmanuelle Ménard, CL275 et CL303 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Laurence Vichnievsky. Le groupe MODEM est fier d’avoir déposé cet amendement CL325 qui a pu servir de base à un travail collectif au sein de la majorité.

Nous ne sommes pas favorables à la solution du Sénat de mettre en place un régime spécifique à la crise du Covid-19 afin de répondre aux préoccupations légitimes des décideurs, publics ou privés. Pour éviter que ces derniers se sentent en permanence menacés par d’éventuelles poursuites, nous avons proposé de préciser, par une disposition générale que l’appréciation d’une supposée faute des élus, ou des responsables publics ou privés, doit être effectuée in concreto, en prenant en considération les circonstances particulières de la situation, notamment l’état des connaissances scientifiques sur la catastrophe sanitaire au moment des faits. Cette précision s’ajoutera à la nécessité de prendre en compte les moyens techniques et juridiques dont ils disposaient au moment des faits, conformément au troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal. C’est une réponse équilibrée qui ne saurait être interprétée par l’opinion publique comme une possibilité qui leur serait offerte de se dérober à leurs responsabilités.

M. Bruno Questel. Mme Vichnievsky a parfaitement fixé le cadre juridique de notre démarche : nous ne voulons pas légiférer par rapport à des circonstances spécifiques mais inscrire dans notre droit pénal commun des dispositions susceptibles de répondre à d’autres aléas. Par ailleurs la rédaction retenue ne doit pas pouvoir être soupçonnée de servir d’autres fins que l’intérêt général : l’amendement CL373 ne s’apparente en rien à une auto-amnistie pour les élus.

M. Pascal Brindeau. L’amendement CL254 repose sur une démarche différente puisqu’il précise que les personnes en charge de la mise en œuvre des mesures d’état d’urgence sanitaire et de déconfinement décidées par l’État dans le cadre de la crise du coronavirus ne pourraient voir leur responsabilité pénale engagée à moins que les faits aient été commis intentionnellement, par imprudence ou par négligence.

Nous avons retenu le 11 mai comme date d’entrée en vigueur, car il est hors de question d’exonérer de leurs responsabilités politiques, civiles ou pénales les personnes qui auraient failli à leurs missions jusqu’au début du déconfinement. Nous avons tous en tête des exemples précis de dysfonctionnements, à commencer par les masques que nous portons aujourd’hui.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement CL214 tend à préciser que lorsqu’un élu local, notamment un maire, agit en qualité de représentant de l’État, il ne peut être tenu pour responsable des décisions qu’il se contente d’exécuter. Les amendements de la majorité reviennent à minimiser les responsabilités de l’ensemble du Gouvernement dans la gestion de la crise. C’est proprement scandaleux alors que nous venons d’apprendre que dès le mois de décembre, le plus haut personnage de l’État a été informé de la dangerosité du coronavirus. C’est tout simplement inacceptable !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie de bien vouloir garder un ton égal.

M. Pascal Brindeau. L’amendement CL251 vise à éviter toute amnistie pour les hauts responsables puisqu’il exclut les personnes relevant de la Cour de justice de la République du dispositif retenu par le Sénat.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL71 précise que l’imprudence ou la négligence s’apprécie, conformément à la jurisprudence, in concreto, en tenant compte de la situation.

Les maires sont placés en première ligne pour assurer la protection sanitaire de leurs administrés et certains s’inquiètent de voir leur responsabilité engagée de manière abusive. Le couple maire-préfet est sans cesse mis en avant et le rôle exceptionnel des maires et des élus locaux salué à longueur de déclarations dans les médias, mais, dans les faits, on ne cesse de leur mettre des bâtons dans les roues. Le maire de Béziers a ainsi proposé aux personnels des crèches et des écoles de passer des tests de dépistage avant le 11 mai, s’ils le voulaient, mais cela lui a été refusé ce matin par le préfet et l’agence régionale de santé sous prétexte qu’ils ne faisaient pas partie du public prioritaire. On croit rêver ! Nous sommes à nouveau confrontés à une contradiction profonde qui montre que nous ne sommes pas près de voir la confiance rétablie entre la population et les représentants de l’État.

Quant aux amendements CL275 et CL303 que Mme Lorho m’a demandé de défendre, ils entendent encadrer les conditions dans lesquelles la responsabilité des élus peut être mise en cause.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Les amendements identiques CL325 et CL373, fruit d’un travail commun mené dans l’urgence, répondent aux attentes exprimées par les décideurs publics et privés. Le but est de faire en sorte que les conditions exceptionnelles dans lesquelles les décisions se prennent soient bien prises en compte par le juge pour apprécier la responsabilité des personnes concernées. Il ne s’agit ni d’atténuer leur responsabilité ni de les en exonérer, ce que nos concitoyens ne comprendraient pas, mais bien, dans le respect de l’état de droit, de préciser les circonstances que le juge peut être amené à prendre en considération pour apprécier in concreto la responsabilité des décideurs publics et privés.

Les autres amendements posent les mêmes problèmes que la rédaction du Sénat. Pour commencer, ils risquent de créer une rupture d’égalité en limitant la portée du dispositif aux actes pris pendant l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, le maire d’une commune d’Alsace qui aurait pris des dispositions avant la déclaration de l’état d’urgence ne serait pas concerné, alors que le maire d’une commune de Bretagne pourrait l’être. Ensuite, ils modifient l’architecture de la responsabilité pénale en l’attachant, non plus aux effets des actes commis, mais au niveau de la décision et à la personne qui l’a prise. Enfin, le motif de la faute caractérisée est supprimé. Or cela me semble dangereux car, si l’auteur ne pouvait ignorer qu’il exposait autrui à un risque d’une particulière gravité, il est normal de pouvoir engager sa responsabilité. C’est pourquoi je demande le retrait des amendements CL254, CL214, CL251, CL71, CL275 et CL303.

M. Didier Paris. Bien entendu, je soutiens les amendements CL325 et CL373 : il ne fait aucun doute que la disposition adoptée par le Sénat pourrait aboutir à une amnistie, ce qu’aucun d’entre nous ne souhaite. Par ailleurs, ces amendements respectent le principe d’égalité, qui s’applique à tous : élus ou non, forts ou faibles… Enfin, ils s’inscrivent clairement dans la logique de la loi dite Fauchon qui dispose, par souci de réalisme, qu’il convient, avant d’apprécier la responsabilité de quiconque, de tenir compte de ses compétences et des moyens dont il dispose. Il me semble donc que ces amendements devraient faire consensus au sein de notre commission.

Toutefois, il me semble que leur rédaction pourrait être améliorée d’ici à la séance publique : elle laisse en effet entendre que tout le monde serait correctement informé de l’état des connaissances scientifiques en France, ce qui ne me paraît pas exact. Dès lors qu’en droit pénal, la responsabilité est individuelle, il faut apprécier le niveau de compétence de chacune des personnes dont la responsabilité pourrait être mise en jeu. Il me paraît ainsi préférable de faire référence à la connaissance de la situation sanitaire ou scientifique que l’auteur pouvait raisonnablement avoir au moment des faits.

M. Aurélien Pradié. Il y a encore cinquante ans, l’honneur de la politique résidait dans le fait que ceux qui s’y engageaient assumaient leurs responsabilités. Il y a trente ans, les choses ont un peu changé : on pouvait être responsable, mais pas coupable. Aujourd’hui, il faudrait qu’un acteur politique ne soit ni responsable ni coupable… Je le dis comme je le pense : ce débat n’a pas lieu d’être. Il n’y a pas d’engagement politique sans responsabilité. Et celle-ci est totale ou elle est nulle : il n’y a pas lieu d’invoquer des contextes qui permettraient de l’atténuer. Sinon, on ne fait pas de politique.

À cet égard, toutes les rédactions qui nous sont proposées sont absurdes, d’abord parce qu’elles tuent ce qui fait l’essence même de la politique, ensuite parce qu’elles conditionnent la responsabilité aux connaissances scientifiques. Or, il se trouve qu’actuellement, seuls les membres de l’exécutif détiennent les bonnes informations scientifiques : les maires n’ont pas accès au conseil scientifique Covid-19, contrairement au Président de la République et à ses ministres.

Enfin, l’ensemble de ces amendements aurait pour conséquence une amnistie générale. De fait, ils permettraient d’exonérer de ses responsabilités un ministre, le Président de la République ou un maire. Or, je suis navré de vous le dire, faire de la politique, c’est avoir le sens des responsabilités et non celui de la déresponsabilisation, quelle que soit la mission que l’on remplit au nom et au service de nos concitoyens.

M. Arnaud Viala. Ce débat est né de deux constats. Tout d’abord, la situation est suffisamment exceptionnelle pour n’avoir pas été déjà vécue par ceux qui exercent des responsabilités dans le champ public ou privé. Ensuite, les décisions prises par le Gouvernement doivent être mises en œuvre par des décideurs locaux, publics et privés, dans des champs de compétence qui ne sont pas traditionnellement les leurs, mais qui sont disposés à le faire parce qu’ils en comprennent les enjeux pour le pays.

Certes, dès lors que l’on sollicite les suffrages de ses concitoyens, c’est vouloir assumer des responsabilités. Mais il est de notre devoir de garantir à tous les décideurs que les circonstances dans lesquelles ils ont été amenés à intervenir dans des champs ne relevant pas de leurs compétences seront prises en compte au cas où ils seraient mis en cause. Il me semble que les amendements proposés offrent cette garantie.

M. Philippe Gosselin. Si nous avons ce débat, intéressant du reste, c’est parce qu’un certain nombre de maires ont le sentiment désagréable que l’État risque de se défausser de ses responsabilités sur eux et cherche à leur repasser « la patate chaude ». Que nous cherchions une formule qui, non pas atténue, mais place la responsabilité au bon endroit me paraît donc opportun.

Toutefois, je m’interroge sur la rédaction des amendements de la majorité. Comment définir l’état des connaissances scientifiques ? Les scientifiques eux-mêmes sont en désaccord sur nombre de points, si bien qu’il est difficile d’établir un consensus. En outre, nous ne sommes pas tous égaux face à ces connaissances – moi-même, je ne suis pas certain de détenir toutes les clés. Enfin, je ne vois pas comment les ministres et, plus largement, ceux qui relèvent de la Cour de justice de la République pourraient bénéficier du dispositif proposé par nos collègues de la majorité.

M. Florent Boudié. La loi du 10 juillet 2000 est l’aboutissement de deux années de travail et de plusieurs lectures, au Sénat et à l’Assemblée. Il faut donc être humble, attentif et exigeant lorsqu’on envisage de toucher à la responsabilité pénale.

S’il est un amendement qui pose véritablement la question de l’amnistie, ce n’est pas le nôtre, mais bien celui adopté par le Sénat, qui va jusqu’à définir différentes catégories d’individus, certains étant plus responsables que d’autres. Du reste, le deuxième alinéa de l’article 1er adopté par le Sénat commence par les mots : « Nul ne peut voir sa responsabilité pénale engagée… ».

C’est pourquoi nous avons souhaité modifier cette disposition, en tenant compte des inquiétudes, profondes, exprimées dans nos territoires, notamment par les maires. La loi dite Fauchon règle pratiquement tous les problèmes, mais quelques cas subsistent dans lesquels la responsabilité des élus locaux est mise en cause, notamment sous l’aspect de la faute caractérisée. C’est cet aspect que nous souhaitons clarifier, en précisant que celle-ci doit s’apprécier en fonction des circonstances, notamment en cas de catastrophe sanitaire. À aucun moment, il n’est question d’amnistie ! Notre intention est, au contraire, de corriger le dispositif adopté par le Sénat pour dissiper le sentiment qu’il a pu faire naître à ce sujet.

Mme Laurence Vichnievsky. Après avoir entendu mes excellents collègues Pradié et Schellenberger, je me dis que j’ai dû très mal m’exprimer. Je vais donc devoir citer le texte de notre amendement CL325 :

« II.- Après le quatrième alinéa de l’article L.121-3 du code pénal, » – c’est-à-dire le dispositif de la loi Fauchon, qui s’applique en cas de délit non intentionnel – « il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application des troisième et quatrième alinéas, » – et cela vise les décideurs publics et privés qui, directement ou indirectement, ont provoqué la situation dommageable – « il est tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits. »

J’ai la faiblesse de croire que le juge en aurait tenu compte d’office. Mais peut-être est-il judicieux d’apporter cette précision, en raison des inquiétudes exprimées non seulement par les élus mais aussi par les employeurs. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de modifier le dispositif de la loi de juillet 2000 : il serait irresponsable, imprudent et présomptueux de toucher à l’équilibre auquel elle est parvenue entre la protection des décideurs et le fait que chacun doit être responsable de ses actes. Nous ne créons donc pas un régime spécifique, ce qu’ont souhaité faire nos collègues sénateurs – du reste, contrairement à ce que certains d’entre vous ont indiqué, je ne crois pas qu’ils aient déresponsabilisé les décideurs : ils ont maintenu la loi Fauchon, en l’habillant élégamment, à la mode Covid-19. Notre approche me paraît plus adaptée.

Enfin, j’ai été très sensible à ce que plusieurs d’entre vous ont dit à propos de la formule : « l’état des connaissances scientifiques ». À titre personnel, j’aurais préféré que l’on fasse référence à l’état des connaissances de l’intéressé : je pensais aux maires des communes rurales de mon département du Puy-de-Dôme. Certains sont très savants en la matière, d’autres moins, Mais sans doute pouvons-nous encore discuter de ce point.

M. Paul Molac. La mention des connaissances scientifiques me fait sourire, et pour cause : fin janvier, le professeur Salomon déclarait que le port du masque était important avant d’affirmer, quinze jours plus tard, qu’il ne l’était plus ; le professeur Mattei, quant à lui, a reconnu que si le port du masque n’avait pas été recommandé, c’est parce que les masques n’étaient pas en nombre suffisant ; les enfants retourneront à l’école dès le 11 mai, alors que le conseil scientifique juge préférable que la rentrée n’intervienne qu’au mois de septembre ; et je ne parle pas de l’hydroxychloroquine… Qui croire ? Je souhaite bien du courage au juge !

En tout état de cause, on ne peut pas exonérer les politiques de leurs responsabilités. Lorsqu’un maire est chargé d’appliquer un certain nombre de règles, il se trouve, de fait, en position d’exécuter la volonté du Gouvernement. Dans ce cas, il me semble que c’est ce dernier, et non le maire, qui est responsable pénalement.

M. Erwan Balanant. Nous sommes tous d’accord avec Aurélien Pradié : lorsqu’on est élu, on prend des responsabilités, et on les assume. Il serait donc extrêmement dangereux pour l’équilibre de notre société de laisser accroire qu’un maire, un chef d’entreprise ou un président d’association pourrait en être exonéré.

Nous estimons, pour notre part, que le texte du Sénat est mal rédigé car il touche à l’équilibre établi par la loi adoptée en 2000, que tout le monde juge satisfaisant. C’est pourquoi nous avons déposé l’amendement CL325. Celui-ci n’est pas absurde, monsieur Pradié. Il est bien écrit, même si sa rédaction pourrait être améliorée en prenant en compte les réflexions de M. Paris. Ce dispositif n’exonère personne de ses responsabilités, tout en protégeant les élus dans le type de crise que nous connaissons actuellement et qui pourrait survenir à nouveau à l’avenir.

M. Éric Coquerel. À cette heure, dix-neuf de nos quarante et un amendements ont été déclarés irrecevables, de sorte que nous ne pourrons pas débattre de la suspension des loyers du CROUS…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce n’est pas le sujet. Je vous ai donné la parole pour que vous vous exprimiez sur les amendements en discussion.

M. Éric Coquerel. J’ai le droit d’utiliser mon temps de parole comme je l’entends.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pas pour évoquer la recevabilité des amendements.

M. Éric Coquerel. Nous ne pourrons pas non plus évoquer un sujet qui me paraît pourtant important, à savoir la gratuité des masques…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous n’êtes pas familier de notre commission…

M. Éric Coquerel. Mais je le suis d’autres commissions, où ma parole est libre.

Sur le vote des amendements en discussion, nous nous abstiendrons, car nous souhaitons les examiner plus attentivement d’ici à la séance publique. Cependant, ils me semblent soit marquer une défiance vis-à-vis des juges, dont le métier est précisément de statuer en fonction des circonstances, soit relever d’une opération de communication qui traduirait une crainte de l’opinion. Quoi qu’il en soit, la Cour de justice de la République est compétente pour juger les membres du Gouvernement. Ceux qui ont pris certaines décisions relatives à l’épidémie alors qu’ils détenaient peut-être des informations qui auraient dû les conduire à appliquer le principe de précaution le plus élémentaire doivent pouvoir être poursuivis si c’est nécessaire. Nous examinerons donc ces amendements attentivement, mais il ne me semble pas nécessaire de modifier la loi actuelle.

M. Éric Diard. Le diable se cache dans les détails. Autant j’apprécie le texte du Sénat, autant je suis en désaccord avec celui-ci sur ce point précis. D’une part, tout le monde souhaite protéger les élus locaux et le personnel qui travaille avec eux ; d’autre part, tout le monde s’accorde à considérer que la loi Fauchon les protège suffisamment et que la jurisprudence, constante en cette matière, est satisfaisante. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi nous nous entêtons à modifier la loi, donnant ainsi le sentiment de vouloir amnistier certaines personnes.

Par ailleurs, je partage l’avis de MM. Molac et Gosselin : il suffit de regarder les débats scientifiques à la télévision pour constater que les divergences qui s’y expriment sont aussi grandes, voire davantage, que dans le débat politique…

En résumé, ma position est la suivante : la loi Fauchon, rien que la loi Fauchon !

M. Stéphane Mazars. Ce texte a vocation à s’appliquer à tous ceux qui sont amenés à engager leur responsabilité pénale dans les décisions qu’ils prennent, c’est-à-dire non seulement les élus, mais aussi les chefs d’entreprise ou les responsables d’association, mais pour des faits involontaires. Dans cette période si inquiétante pour eux, il est utile de rappeler au juge qu’il devra, le cas échéant, apprécier leur responsabilité en fonction des connaissances qui étaient les leurs au moment des faits. Or c’est toujours un traumatisme.

J’ai une pensée pour ceux qui, depuis le début de la crise sanitaire, prennent quotidiennement des décisions dans un climat incertain, dont témoignent les désaccords de la communauté scientifique elle-même, censée éclairer la prise de décision politique. Et pourtant, les décisions sont prises. Il est donc normal que le Parlement fasse en sorte que la pratique de ceux qui assurent la marche de notre pays, qu’ils exercent des responsabilités publiques ou privées, soit un peu plus confortable. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une amnistie, ni d’un blanc-seing donné aux décideurs. J’ajoute que, si une victime subit un préjudice, elle pourra toujours obtenir réparation au civil, quand bien même la responsabilité pénale du décideur ne serait pas engagée.

M. Antoine Savignat. L’article qui nous a été transmis est bien construit : il s’inscrit dans la logique du régime de la responsabilité pénale qui prévaut en France. En effet, on serait exonéré de responsabilité pénale pour tout ce qui est fait de manière involontaire pendant cette période ; en revanche, on verrait sa responsabilité engagée pour tout ce qui est fait intentionnellement ou en violation de la loi. C’est parfaitement logique !

Par ailleurs, Laurence Vichnievsky a raison : ce qui importe, c’est, non pas les connaissances scientifiques des tiers, mais celles de l’auteur. Si je crois mettre du cyanure dans votre assiette alors que ce n’est que du sucre en poudre, peu importe : l’intention est là, le délit est commis. Et force est de constater qu’il n’existe pas une autorité scientifique suprême à laquelle le juge pourrait se référer. Qui du conseil scientifique Covid-19 ou du professeur Raoult a raison ? Seule l’histoire nous le dira…

Faire référence à l’état des connaissances scientifiques risque donc, faute de disposer d’un mètre étalon, de créer davantage de confusion et d’incertitude juridique.

M. Éric Ciotti. Une remarque de forme avant d’aborder la question juridique : ce débat, qui nous occupe longuement, doit paraître irréel à nombre de nos compatriotes ; personnellement, je le trouve même profondément choquant. Alors qu’il y a eu plus de 25 000 morts dans notre pays, que 25 000 personnes sont encore hospitalisées et que notre économie, à l’arrêt, connaît la pire dépression depuis la Seconde Guerre mondiale, on se préoccupe d’exonérer de leurs éventuelles responsabilités les uns ou les autres – pour l’essentiel, d’ailleurs, les membres de l’exécutif, car tel est l’objet des deux amendements de la majorité. (Exclamations.) Nous avons mieux à faire : il faut apporter des réponses concrètes à nos concitoyens.

Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que le Gouvernement a fait preuve d’imprécision et a laissé le soin aux maires de prendre des décisions. À cet égard, le débat qui s’est engagé au Sénat est légitime : les maires se sont vus confier des responsabilités, notamment s’agissant de la réouverture les écoles, qui ne relèvent pas de leur décision.

Inscrire à l’article 1er qu’il faut tenir compte de « l’état des connaissances scientifiques » revient à exonérer très largement tous ceux dont la responsabilité pourrait être mise en cause. Le journal Libération a publié, la semaine dernière, un article très fouillé sur la réalité des commandes de masques, faisant état notamment, en 2018 et 2019, de notes très précises adressées au ministère de la santé, qui alertaient sur l’état dérisoire du stock, tombé à 100 millions d’unités après être monté jusqu’à près de 2 milliards sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Sur ce point très précis, se fondera-t-on sur l’état des connaissances scientifiques en 2020, ou bien en 2018 ? Quoi qu’il en soit, je le répète, ce débat ne me paraît pas avoir sa place dans la période tragique que vit notre pays.

Mme Cécile Untermaier. Il est clair que la disposition introduite par le Sénat a vécu : la modification de l’architecture des dispositions pénales est difficilement admissible. La loi Fauchon, dont nous avons tous vanté les mérites, pose clairement une obligation de moyens, non de résultats ; une jurisprudence constante confirme cette orientation. Or, dans l’obligation de moyens, il est bien évidemment tenu compte du contexte dans lequel la décision a été prise. L’arsenal offert par le code pénal suffit donc à trancher la question en ce qui concerne la catastrophe sanitaire. Par conséquent, la précision que la majorité entend apporter est inutile. Laurence Vichnievsky, que je soupçonne de partager au moins en partie mon avis, l’a d’ailleurs reconnu : le juge tient compte du contexte. J’ai vraiment du mal à imaginer qu’un juge pourrait ne pas examiner in concreto une question qui lui serait soumise.

Du reste, les interprétations auxquelles cette précision donnerait lieu, dont M. Ciotti – entre autres – s’est fait l’écho, seraient tout à fait recevables : le fait d’inscrire dans le texte une référence à l’état des connaissances scientifiques permettrait d’absoudre bien des autorités.

Par ailleurs, nos discussions démontrent à quel point il est problématique d’introduire, et qui plus est de manière pérenne, une telle disposition dans le code pénal à l’occasion de l’état d’urgence sanitaire. Au demeurant, les juges ont déjà eu à trancher des litiges s’inscrivant dans des situations de catastrophe : ils n’ont pas eu besoin de la précision que vous voulez introduire pour apprécier les connaissances scientifiques au moment des faits. En outre, la décision consistant à amorcer le déconfinement le 11 mai – que j’approuve, d’ailleurs – est d’ordre politique : elle ne repose pas sur un avis scientifique.

Je considère, en définitive, que ces amendements sont de circonstance, car le vide juridique n’est pas avéré. Selon moi, on en fait plus que les élus, l’ensemble des décideurs publics et les chefs d’entreprise n’en attendent ; ils se sont tous mis au travail, sans se demander s’ils couraient un risque sur le plan pénal. Ce dont les élus ont besoin, en revanche, c’est d’être accompagnés, car ils ont peur de mal faire. Nous devons faire acte de pédagogie et les rassurer en leur expliquant que le droit existant les protège déjà, car il s’applique aussi aux décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

M. Guillaume Vuilletet. J’ai une pensée pour Raphaël Schellenberger, mon homologue du groupe LR, car je me suis parfois trouvé dans la même situation que lui : il peut être compliqué de trouver de la cohérence là où il n’y en a pas. En l’espèce, les différences au sein du groupe LR sont telles qu’il s’agit de véritables béances, de fractures considérables. Il y a la ligne Viala-Gosselin, dont je me sens évidemment le plus proche – en dépit des nombreux désaccords que j’ai avec eux – et la ligne Pradié, sans parler de Valérie Boyer, qui, par tweets, cautionne des propos quasiment complotistes, selon lesquels on se livrerait à des manœuvres visant à exonérer les uns et les autres de leurs responsabilités, ce qui confine au délire.

Disons-le clairement : les chefs d’entreprise et les élus locaux veulent tout simplement que les choses soient précisées, et la jurisprudence consolidée par son inscription dans la loi. Le président Philippe Bas voulait certainement prendre en compte cette préoccupation. La rédaction que propose la majorité vise tout simplement à faire en sorte que personne ne soit exonéré mais que chacun soit concerné. Certes, il y aura des discussions pour savoir quelles étaient les certitudes scientifiques au moment où la décision a été prise, car, par définition, il est difficile de le déterminer, mais ce n’est pas autant qu’il ne faut pas en tenir compte dans le jugement.

M. Sacha Houlié. Ce débat vient du fait que, dans une situation de crise, même si chacun doit prendre ses responsabilités – y compris au niveau local ; tout le monde, d’ailleurs, en appelle à plus de décentralisation –, chacun veut aussi sa part de couverture, d’assurance, de protection. Le président de la commission des Lois du Sénat a voulu répondre à cette demande : d’où la rédaction proposée pour l’article 1er.

Mais ce débat est compliqué car, même si le groupe majoritaire au Sénat et le principal groupe d’opposition à l’Assemblée nationale appartiennent au même parti, il y a trois positions différentes en leur sein.

M. Raphaël Schellenberger. Pourriez-vous me rappeler dans quel sens a voté votre groupe au Sénat ?

M. Sacha Houlié. La première consiste à approuver la rédaction du Sénat, la deuxième à préférer qu’aucune nouvelle disposition ne figure dans la loi et la troisième à soutenir l’amendement que nous proposons. Cela montre à quel point la question est complexe.

Pourquoi l’amendement que nous proposons est-il le moins mauvais – à défaut d’être, nous l’avons tous reconnu, le meilleur possible ? D’abord, parce qu’il prévoit une protection pour tous ceux qui prennent des décisions, ce que nous souhaitons majoritairement, quelle que soit l’appartenance politique. Ensuite, parce qu’il vise à tenir compte du contexte : le juge devra s’appuyer sur l’état des connaissances scientifiques au moment où la décision a été prise. Certes, c’est déjà le cas, mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant : nous l’inscrivons donc dans la loi. Naturellement, le texte peut encore être amélioré d’ici à la séance, mais, en tout état de cause, la rédaction proposée est de nature à fonctionner convenablement.

Mme Naïma Moutchou. Ce débat est important, et il n’est pas uniquement dicté par les circonstances. Il me paraît tout à fait malhonnête d’utiliser les peurs des uns et la colère des autres pour faire croire que ce que propose la majorité vise à atténuer les responsabilités des décideurs voire, pis encore, à les en exonérer. Aucun maire – car c’est bien des maires que nous parlons ici – ne cherche à se défausser. En revanche, beaucoup d’entre eux ont exprimé de grandes inquiétudes. Dès lors qu’il y a des doutes sérieux quant à la manière dont leur responsabilité peut être engagée, nous nous devons de les lever.

À travers ces amendements, nous n’avons aucunement l’intention de détricoter la loi de juillet 2000 ; nous voulons clarifier la responsabilité, la déterminer de manière aussi juste que possible, ce que ne permet pas le dispositif adopté par le Sénat. Nous voulons faire en sorte que l’appréciation in concreto de la situation, en particulier en ce qui concerne les maires, tienne compte autant que possible de la réalité, en l’occurrence des circonstances exceptionnelles et complexes que nous connaissons. Toutefois, comme le disait Didier Paris, il faut définir plus clairement ce que l’on entend par « l’état des connaissances scientifiques » ; peut-être le ferons-nous en séance.

M. Éric Diard. Bon courage !

Mme Naïma Moutchou. Ainsi, le régime de responsabilité serait clair et le juge pourrait rendre une décision aussi juste que possible.

M. Raphaël Gauvain. Ce débat soulève la question de la faute caractérisée dans le cadre d’infractions non intentionnelles. On le voit sur le terrain, les maires sont inquiets.

La loi a apporté il y a vingt ans une réponse à cette fameuse question : que se passe-t-il pour le maire lorsque, dans une école, un panneau de basket mal accroché tombe et blesse un élève ? L’élu se retrouve-t-il devant le tribunal correctionnel ? La loi est équilibrée : elle oblige le juge à tenir compte du contexte pour établir l’existence d’une faute caractérisée. Toutefois, et même si la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation est claire, la loi est souvent mal appliquée au niveau des tribunaux correctionnels et des cours d’appel : d’où les craintes des maires. Il ne s’agit ici ni de proposer une loi d’amnistie ni de modifier l’équilibre de la loi Fauchon : nous inscrivons simplement dans la loi la jurisprudence de la chambre criminelle, de manière à ce que les juges de première instance, les tribunaux correctionnels, les cours d’appel aient bien conscience de la nécessité, pour établir la faute caractérisée dans le cadre d’infractions non intentionnelles, de faire une analyse in concreto et non pas in abstracto.

M. Pascal Brindeau. Pourquoi discutons-nous aussi longuement de la question de la responsabilité ? Parce que le Gouvernement a failli à susciter la confiance de nos concitoyens dans son appréciation de la situation et dans les mesures qu’il prenait. Si la confiance existait, on ne s’interrogerait ni sur la détermination des responsabilités politiques, voire pénales,…

Mme Naïma Moutchou. Cela arrive dans toutes les crises !

M. Pascal Brindeau.… ni sur l’opportunité de modifier la loi.

Aucune des rédactions proposées n’est satisfaisante. Les amendements de la majorité présentent deux écueils. D’une part, le dispositif est de portée générale, et prête donc le flanc, à tort ou à raison, à l’accusation selon laquelle on chercherait à exonérer la totalité des responsables publics de leurs responsabilités face à la crise sanitaire. D’autre part, comme l’a suggéré Laurence Vichnievsky elle-même, il aurait peut-être fallu se référer, plutôt qu’à « l’état des connaissances scientifiques », à celui des connaissances scientifiques des élus. Au mieux, ces amendements identiques sont bavards.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je précise de nouveau que la loi du 10 juillet 2000 repose sur un équilibre : un délit non intentionnel n’entraîne la responsabilité de la personne qu’en fonction de sa situation. Le juge apprécie les moyens dont elle disposait, ses pouvoirs et les difficultés qu’elle a rencontrées. En l’espèce, le juge tiendra compte de la différence entre les connaissances du directeur d’une ARS et celles du maire d’une commune rurale, par exemple. In fine, c’est bien lui qui se prononcera sur la responsabilité : nous introduisons seulement une précision commandée par les circonstances exceptionnelles que nous connaissons.

Certains des amendements en discussion commune visent à créer des catégories particulières. Or les ministres sont soumis aux mêmes règles de responsabilité que les citoyens – auxquelles s’ajoutent, bien sûr, les exigences associées à leurs fonctions, mais aussi, monsieur Pradié, à l’idée qu’ils se font de leur engagement public.

Raphaël Gauvain l’a très bien expliqué : notre intention est d’éclairer le juge. Nous considérons que cette précision, au vu du contexte, est utile pour rassurer les décideurs privés et publics. Telle était également l’intention du Sénat, mais la disposition qu’il a adoptée présente des problèmes de rédaction risquant notamment de soulever la question de l’immunité, comme l’ont fait, entre autres, M. Pradié et M. Ciotti. Libre à vous, bien entendu, de déposer des amendements de suppression pour résoudre le problème.

La Commission adopte les amendements CL325 et CL373.

En conséquence, les amendements CL254, CL214, CL251, CL71, CL275 et CL303 tombent.

La Commission examine l’amendement CL5 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des préoccupations que nous avons exprimées jusqu’à présent : c’est moins de responsabilité pénale que d’accompagnement que les élus locaux ont besoin. Aussi proposons-nous que, dans les départements classés en zone rouge, le maire demande au préfet de valider le protocole sanitaire mis en place en vue de la réouverture des écoles. Nous avons bien conscience que ce dispositif porte un coup à la décentralisation, mais il s’agit d’une mesure ponctuelle, prise au regard de la catastrophe sanitaire : dans ces circonstances, dont vous avez rappelé la gravité, il nous paraît important de privilégier la coconstruction, qui permettra de rassurer les élus quant aux orientations qu’ils ont choisies, et de briser leur sentiment de solitude – ce que, me semble-t-il, l’introduction d’une nouvelle disposition dans le code pénal ne suffira pas à faire.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Cet amendement évoque une question très importante : celle de l’ouverture des écoles.

La décision d’ouverture interviendra dans le cadre du décret du Premier ministre pris sur le fondement de la présente loi, et elle sera complétée, s’agissant des aspects sanitaires, par différents protocoles. Elle n’appartient donc pas aux maires.

La décision de fermeture des écoles pour des raisons sanitaires, quant à elle, ne peut être ordonnée que par deux autorités : le maire – sur le fondement du pouvoir de police générale qu’il tire du code général des collectivités territoriales – et le préfet. Dans les faits, eu égard à la jurisprudence du Conseil d’État à propos de la mairie de Sceaux, ce rôle incombera au préfet, sauf circonstances locales exceptionnelles.

Je suis donc défavorable à cet amendement. En revanche, il serait utile d’interroger le Gouvernement sur la façon dont préfets et maires discuteront de la question.

M. Stéphane Peu. Où est-ce écrit, madame la rapporteure ? Hier soir, comme nombre d’entre nous, je suppose, j’ai participé à une audioconférence avec le préfet et les maires de mon département concernant l’ouverture des écoles. Je précise que la Seine-Saint-Denis est située en zone rouge – c’est bien la première fois que je suis mécontent de la voir classée ainsi. (Sourires.)

Dans la vraie vie, les choses ne se passent pas comme vous les avez décrites : c’est bel et bien aux maires qu’est renvoyée la responsabilité de dire quelles sont les écoles qui vont ouvrir, et dans quelles conditions.

Je trouve l’amendement de Mme Untermaier très intéressant – nous en déposerons d’ailleurs un semblable en séance –, car il permet d’avoir quelque chose qui ressemble à de la codécision. Il ne s’agit pas seulement d’ouvrir « le parapluie » : la décision d’ouvrir les écoles – qui, du reste, n’est pas à la main des maires – et la détermination des conditions de cette ouverture doivent être le résultat de décisions partagées, que la validation émane du préfet ou à la limite du directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), peu importe.

M. Didier Paris. Comme Stéphane Peu, je fonderai mon argumentaire sur la vraie vie, mais pour en tirer une conclusion inverse. En réalité, il y a une seule autorité qui décide de l’ouverture d’une école : l’éducation nationale, en particulier le DASEN.

Il y a un débat autour de la réouverture des écoles, en zone verte comme en zone rouge : la différence tiendra pour l’essentiel au fait que, dans les premières, la pression exercée sur les maires sera plus forte, car ils auront sans doute moins de raisons objectives de s’opposer à la réouverture. Le Président de la République s’est exprimé à plusieurs reprises sur la question très difficile – aucun d’entre nous n’en doute – de la réouverture des écoles. Il faut un consensus local, dans une chaîne de commandement, si je puis me permettre cette expression, avec des responsabilités parfaitement claires.

Enfin, madame Untermaier, je suis assez surpris, je l’avoue, de voir revenir de manière détournée la tutelle, telle qu’elle existait il y a très longtemps. Je ne pensais pas qu’une élue du Parti socialiste proposerait un amendement de ce type… Mais tout arrive !

Mme Cécile Untermaier. J’ai bien conscience, je l’ai dit, de porter un coup à la décentralisation. Mais quand vous réfléchissez à une modification du code pénal, vous travaillez vous aussi sur la question de la responsabilité. Pour notre part, nous souhaitons, d’une manière pragmatique, ne pas renvoyer aux seuls maires la décision d’ouvrir les écoles – ou plutôt de s’opposer à leur ouverture – et de mettre en place le protocole sanitaire. Les maires sont en première ligne ; le détail du plan leur a été envoyé lundi, ils l’ont épluché et ils se posent des questions sur l’opportunité de la réouverture. C’est pour eux un problème majeur, et très médiatique ; ils ont en face d’eux les parents d’élèves, mais aussi les enseignants. Dans les zones vertes, il n’y aura peut-être pas de difficultés majeures, mais dans les zones rouges, il risque d’être difficile pour les maires d’aller expliquer aux parents qu’en l’état des connaissances scientifiques – puisque vous voulez introduire cette précision dans le code pénal –, ils ont décidé de ne pas s’opposer à l’ouverture de telle ou telle école. En raison de l’état d’urgence sanitaire, et pour la seule durée de celui-ci, il nous semble donc préférable de prévoir une codécision. Cela favoriserait la République de la confiance que vous appelez de vos vœux.

M. Raphaël Schellenberger. Le maire est évidemment un élu de la République ; à ce titre, il exerce des responsabilités politiques, qu’il doit assumer. Mais il est aussi, et c’est une particularité du système français, agent de l’État, officier d’état civil et de police judiciaire. À cet égard, il a pour responsabilité de mettre en œuvre des décisions qui sont celles de l’administration, et il en répond. C’est tout le problème avec l’ouverture des écoles : ce n’est pas la responsabilité politique de l’élu qui est en jeu, dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, mais bien sa responsabilité en tant qu’agent de l’État mettant en œuvre une décision qui n’est pas la sienne. Voilà pourquoi se pose la question de modifier la responsabilité du maire. Je trouve la proposition de Mme Untermaier intéressante sur le principe, même si je suis quelque peu heurté par sa formulation, qui installe une forme de hiérarchie entre le préfet et le maire, ce qui n’est pas de nature à régler le problème de casquettes que j’évoquais.

M. Aurélien Pradié. Le débat qu’ouvre notre collègue à travers son amendement est tout à fait important, mais j’émets trois réserves.

La première tient à la fragilité de l’expertise sanitaire sur laquelle l’autorité politique pense pouvoir se reposer. Les cartes en sont la démonstration. Ainsi, le département du Lot est passé du rouge au vert en l’espace de quelques heures – tout simplement parce que les autorités sanitaires nationales n’avaient pas passé un coup de fil aux autorités sanitaires locales pour savoir ce qu’il en était.

Deuxièmement, les décisions prises au niveau national ne sont pas claires. Au fond, le problème soulevé ici tient au fait que le protocole établi pour les écoles est assez impraticable dans la réalité. D’immenses zones d’ombre subsistent, ce qui laisse aux élus et aux familles la liberté de s’organiser comme ils le peuvent. Tant que le cadre national ne sera pas solide, il faudra bricoler au niveau local. L’amendement tente de résoudre le problème, sans totalement y parvenir.

Enfin, la crise révèle à quel point l’État est squelettique. En effet, quels sont les moyens à la disposition des préfets pour expertiser les règles sanitaires dans les écoles de la République ? Il n’y en a aucun. L’État est incapable de s’assurer que les règles édictées au niveau national sont mises en œuvre au niveau local ; c’est désespérant.

M. Éric Coquerel. Je soutiens cet amendement. On finit par tout mélanger en ce qui concerne les écoles. Le Gouvernement a pris une décision, et voudrait que la responsabilité revienne aux maires. Or je rappelle que leur compétence se borne aux bâtiments : les cours sont l’affaire de l’État, dans le cadre de l’éducation nationale. Ce n’est pas aux maires de décider à quel moment ils doivent reprendre ou non.

En réalité, les écoles vont servir de garderies pour les enfants des personnes appelées à aller travailler. L’objectif n’est pas pédagogique. Le chef de l’État a expliqué que les maires pourraient être amenés à repérer les enfants qui devraient aller à l’école dans la situation actuelle. Mais depuis quand est-ce aux maires de le faire ? On essaie de leur refiler « la patate chaude ».

M. Stéphane Peu. Didier Paris a regretté un acte qui entaillerait un peu la décentralisation tout en affirmant, d’une manière assez péremptoire, que la décision, s’agissant de l’école, appartient à la seule éducation nationale. Les choses ne se passent pas ainsi dans la vraie vie, : le préfet et l’éducation nationale peuvent décider d’ouvrir les écoles, mais ce n’est pas possible si les maires ne le veulent pas : ce sont eux qui ont les bâtiments, les personnels de service et les clefs. Restons au plus près de la réalité du terrain. Je suis d’accord avec la proposition d’une codécision, sans hiérarchiser. C’est une responsabilité commune.

M. Paul Molac. Je suis sensible à l’argumentation de Didier Paris. Un maire, à la lecture des soixante et quelques pages du protocole, peut très bien dire qu’il n’a pas les moyens nécessaires pour assurer la désinfection des locaux ou des objets et qu’il n’ouvrira pas telle classe de maternelle ou telle école. Si cet amendement était adopté, il faudrait que le préfet donne son aval. En l’état actuel, les maires pourront agir directement, et je sais que certains le feront. J’estime que cela fait partie de leurs responsabilités et de l’autonomie que doivent avoir les élus par rapport à des préfets qui sont nommés par le Gouvernement. La légitimité n’est pas la même. Le maire sera devant ses électeurs, qui lui demanderont des comptes, au moment des élections, mais également avant.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL1 de Mme Yolaine de Courson.

Mme Coralie Dubost. Contrairement à ce qui est indiqué, je ne souhaite pas être signataire de cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL370 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. L’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 a instauré une prolongation de plein droit des détentions provisoires pendant l’application de l’état d’urgence sanitaire. La commission des Lois du Sénat a souhaité, sur la proposition de Philippe Bas, abroger cette disposition à compter du 23 mai. Le groupe La République en Marche soutient pleinement cette initiative, ainsi, me semble-t-il, que des députés siégeant sur bien d’autres bancs. Nous avons rappelé, lors des auditions conduites au sein de notre commission, l’exigence d’un débat contradictoire devant le juge, avec un avocat, lorsqu’il est question d’une privation de liberté pour une personne présumée innocente.

Nous avons élaboré un dispositif complet avec le Gouvernement mais aussi avec les différents acteurs du monde judiciaire. L’amendement CL370 mettra fin aux prolongations de plein droit non pas au 23 mai, mais dès la fin du confinement, le 11 mai, en organisant et en accompagnant la reprise de l’activité judiciaire pendant une période transitoire d’un mois durant laquelle les audiences pourront être reportées de quinze jours au maximum, si nécessaire. Les décisions du juge auront toujours, dans ce cas, un effet rétroactif afin de ne pas léser les droits des prévenus. Pour les personnes prévenues en matière criminelle dont la détention provisoire a déjà été prolongée automatiquement de six mois sans audience, il y aura une sorte de clause de revoyure, c’est-à-dire un passage devant le juge des libertés et de la détention au bout de trois mois. L’amendement prévoit aussi – disposition chère à notre présidente – que les prolongations de plein droit qui ont déjà eu lieu n’auront pas pour effet d’allonger la durée maximale de la détention.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je voudrais d’abord saluer le travail important réalisé par la commission des Lois et plus particulièrement par les auteurs de cet amendement. Les auditions organisées sur ce sujet il y a quinze jours ont montré l’attention que nous portons tous aux libertés individuelles.

Je ne cache pas que j’ai un doute sur la recevabilité formelle de l’initiative prise par le Sénat – je m’en suis expliquée lors de la discussion générale – mais le texte est là et il est légitime que l’Assemblée nationale s’en saisisse.

Je suis favorable à cet amendement, qui évite la brutalité de la rédaction adoptée par le Sénat : il va de soi que les juridictions ne pourront apurer aussi rapidement le stock de dossiers accumulés tout au long du confinement. Le mécanisme proposé par les auteurs de l’amendement, qui conduit finalement à une audience devant un magistrat quinze jours avant la date limite, me semble de nature à concilier les droits des personnes et les exigences liées à la situation actuelle. Je proposerai quelques modifications rédactionnelles d’ici à la séance publique.

M. Éric Ciotti. Je ne suis pas hostile, sur le fond, à cet amendement. J’en comprends la logique : il n’est pas légitime que des personnes restent en détention provisoire au-delà de ce que permettent les textes habituels. La position adoptée par le Sénat me paraît plus opportune dans le contexte actuel, mais cela suppose dans les deux cas un préalable : le retour à un fonctionnement normal du service public de la justice.

Il y a eu un dysfonctionnement total dans ce domaine. Je ne mets pas en cause des personnes en particulier, mais le système, notamment le fait que les magistrats ne peuvent pas recourir au télétravail, pour des raisons totalement absurdes de compatibilité de logiciels qui ne relèvent pas d’un autre temps, mais d’un autre monde et qui montrent bien la paupérisation de notre système judiciaire.

Commençons par remettre en marche notre service public de la justice, faute de quoi il faudra en supporter les conséquences, qu’il s’agisse des libertés, mais également des libérations et du fonctionnement de notre justice pénale. Faute de quoi, même si personne ne les voit venir, des problèmes sécuritaires majeurs ne manqueront pas de survenir dans quelques semaines lorsque 20 000 personnes environ sortiront de nos prisons.

Mme Laurence Vichnievsky. Mme Avia et la rapporteure ont fait référence aux travaux de notre commission sur la question des détentions, et plus particulièrement des détentions provisoires. Un très large consensus s’est dégagé sur le fait que les ordonnances, en ce qui concerne l’allongement de plein droit des durées de détention provisoire, sont peut-être allées un peu au-delà de ce que nous avions en tête lorsque nous avions donné une habilitation au Gouvernement.

Notre collègue Éric Ciotti a rappelé les difficultés récurrentes de la justice, mais je pense que les choses doivent fonctionner dans l’autre sens : la durée de la détention provisoire ne doit pas être adaptée en fonction des difficultés de fonctionnement de la justice ; c’est, à l’inverse, à la justice de se conformer aux textes en vigueur s’agissant de la détention provisoire afin de ne pas porter atteinte à la liberté première de tous nos concitoyens. Même si nous savons les difficultés qui peuvent surgir, nous sommes favorables, sur le fond, à cet amendement.

Mme Naïma Moutchou. Je remercie Laetitia Avia et le groupe La République en Marche pour ce très bon amendement. Je veux bien admettre la nécessité de modifier le droit en période d’urgence, mais je ne crois pas que la crise doive l’emporter sur les principes, surtout quand on peut faire autrement. Il est primordial d’assurer en toutes circonstances la garantie des libertés individuelles et publiques. La distanciation sociale s’est imposée aussi aux tribunaux, qui ont dû s’adapter, mais cela n’explique pas pourquoi la détention provisoire, qui est une mesure privative de liberté pour des personnes présumées innocentes, devait être prolongée d’une manière automatique, sans examen par un juge ni intervention d’un avocat, alors qu’on pouvait envisager des procédés alternatifs, comme la dématérialisation et des échanges écrits. Je soutiens donc l’initiative, bienvenue, qui a été prise. La date retenue – le 11 mai – est plus proche que celle prévue par le Sénat, ce qui est une bonne chose. Le dispositif se mettra en place en même temps que le déconfinement de la justice, sur lequel la garde des sceaux est en train de travailler ; cela répond aux interrogations d’Éric Ciotti.

M. Pascal Brindeau. Je souscris à l’objectif de l’amendement. Comme le Conseil d’État l’a demandé au Gouvernement dans son avis, il s’agit de toiletter les ordonnances prises sur le fondement de la loi du 23 mars dernier. Il est certes primordial de rétablir la situation en ce qui concerne les privations de liberté, mais ce n’est pas le seul cas à examiner. D’autres ordonnances semblent ne plus correspondre à la situation sanitaire et aux besoins des pouvoirs publics.

Mme Cécile Untermaier. Mon groupe soutient cet amendement et remercie la majorité de réduire le délai en retenant la date du 11 mai, qui nous paraît tout à fait bienvenue. Vous nous avez devancés sur ce point.

Nous allons réfléchir à un dispositif transitoire plus court. La situation est en effet très compliquée : la détention provisoire de certaines personnes a été prolongée d’une manière automatique. Le mieux serait d’aller au plus vite.

Comme l’a dit Pascal Brindeau, le toilettage des ordonnances prises dans le domaine de la justice exigerait sans doute d’autres mesures. Nous allons aussi y réfléchir en vue de la séance publique.

M. Stéphane Mazars. Je me réjouis de cet amendement et des perspectives de sortie de ce temps très particulier que notre système judiciaire a connu avec la prolongation d’office des détentions provisoires, que nous avions du mal à admettre au sein de la majorité. C’est la limite des lois d’habilitation : on ne mesure pas toujours, en amont, les conséquences des ordonnances. Si un débat avait eu lieu sur ce sujet en séance publique dans un contexte normal, je pense qu’une telle mesure n’aurait pas été prise.

Mme Untermaier appelait à redébattre régulièrement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire afin que le Parlement puisse exercer sa fonction de contrôle de l’action du Gouvernement. Nous avons là un bon exemple de ce que peut être ce contrôle en temps de confinement : c’est à l’occasion des auditions que vous avez organisées, madame la présidente, que la réflexion a mûri au sein de la majorité, ce qui a conduit au dépôt de cet amendement.

M. Philippe Gosselin. La preuve est faite que des débats réguliers, tous les mois, permettraient d’examiner des amendements de ce type, qui ont l’air de rassembler une large majorité.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je voudrais ajouter ma voix aux félicitations collectives. Je pense que nous avons fait du beau travail parlementaire sur ce sujet. Nous avons rapidement organisé des auditions et nous avons contacté la chancellerie pour lui dire que l’ensemble de la commission des Lois, ou presque, s’étonnait des dispositions prises, notamment celles prévues par circulaire. La Garde des Sceaux a été très réactive : elle m’a répondu dès le lendemain qu’elle comptait modifier son point de vue, notamment sur le délai maximum. Je note aussi que le Sénat est sur la même longueur d’ondes : le président Bas s’est exprimé dans ce sens. Je remercie enfin Laetitia Avia pour le travail qu’elle a mené, avec d’autres collègues.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL253 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Mon amendement vise à permettre au Parlement d’évaluer l’ensemble des mesures prises pendant la période de l’état d’urgence sanitaire par dérogation au droit commun, en renforçant ses capacités de suivi : le Gouvernement et les autorités administratives auraient l’obligation de transmettre sans délai copie de tous les actes reposant sur ce fondement. C’est une reprise des dispositions prévues par l’article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure, qui a été créé par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Nous avons eu ce débat lors de l’examen du projet de loi instaurant l’état d’urgence sanitaire. Le contrôle des actes, évidemment nécessaire, est déjà assuré par la mission d’information menée par le président Richard Ferrand. Une note publique du 27 avril dernier, diffusée sur le site de l’Assemblée nationale et très bien documentée, traite des mesures d’ordre public – au nombre de 444 au 20 avril – et des arrêtés de réquisition qui ont été pris. Avis défavorable.

M. Stéphane Peu. Je n’ai pas envie d’ouvrir un débat dans le débat sur les vertus et les mérites de la mission d’information, mais je vais vous dire ce que je pense, comme beaucoup de députés de mon groupe, et pas uniquement : cette affaire devient de plus en plus une farce. On ne peut intervenir qu’une minute et les ministres mentent en toute connaissance de cause – j’ai des exemples très précis. Cela ne permet absolument pas de mener un contrôle de l’action de l’exécutif. Le minimum est que le Parlement ait connaissance des actes de l’exécutif au titre de l’état d’urgence pour exercer une forme de contrôle distancié – même si cela reste très loin du contrôle parlementaire au sens classique du terme.

Mme Marietta Karamanli. C’est plutôt d’une commission d’enquête que nous avons besoin. Le temps de parole au sein de la mission d’information est de plus en plus limité, à une ou deux minutes. On observe un recul croissant du Parlement : à chaque fois qu’un débat est organisé, le vote n’est plus qu’indicatif. Notre action va finir par se résumer à des rapports et à des discours, au détriment de notre rôle premier qui est de légiférer, dans de bonnes conditions, et de contrôler l’exécutif. Nous devons tous nous mobiliser, quelle que soit notre couleur politique, pour faire en sorte que le Parlement et la démocratie s’expriment. On ne peut admettre un tel fonctionnement dans une démocratie moderne, même en situation de crise sanitaire et d’urgence. Il faut utiliser tous les moyens possibles pour mieux fonctionner et arriver à exercer notre fonction de débat et de contrôle.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement très intéressant nous permet de revenir sur un débat que nous avons déjà eu à propos du rôle de notre commission et du Parlement dans l’évaluation et le contrôle des politiques publiques, en particulier dans cette période bien singulière.

Un professeur de droit public, Serge Slama, a recensé avec ses étudiants environ 1 200 arrêtés préfectoraux – je suppose que les services de l’Assemblée, ou d’autres, pourraient faire de même ; il a constaté que certains préfets avaient l’arrêté plus rapide que d’autres, quantitativement et qualitativement, et relevé que, d’un point à un autre du territoire, les textes donnaient lieu à des interprétations très, très personnelles au point de nuire à l’égalité. J’entends bien que nous sommes dans un état d’exception, mais on pourrait attendre des proconsuls qu’ils appliquent certaines règles avec un peu plus de discernement. On ne voit pas tout à fait les choses de la même façon Outre-Couesnon ou de l’autre côté de la Seine dans des situations pourtant identiques.

Je soutiens cet amendement qui permettrait de pointer tout cela et de tirer quelques vrais enseignements.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je rappelle que les modalités de ce contrôle ont été fixées par la loi et par la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale. La mission d’information a défini ses règles de fonctionnement d’une façon collégiale. Le contrôle est également exercé par toutes les commissions, dont la nôtre. Chacune de nos séquences d’auditions fait l’objet d’une synthèse qui est transmise à la mission d’information. J’entends qu’il faut plus de contrôle, mais ne dites pas qu’il n’est pas effectué.

M. Philippe Gosselin. Le sens de mon propos n’était pas de faire des reproches. L’amendement ne dit pas que le contrôle en cours n’est pas bon : il permettrait de l’élargir à d’autres actes, notamment les arrêtés préfectoraux sur lesquels le professeur Serge Slama a travaillé, et qui n’entrent pas nécessairement dans le cadre de notre contrôle.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. On m’indique que les arrêtés préfectoraux sont dans le champ de notre contrôle, qu’ils nous sont transmis et qu’ils sont analysés.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL191 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Compte tenu des pouvoirs exorbitants que cet état d’urgence donne à la fois au Premier ministre, au ministre de la santé, au directeur général de la santé et aux représentants de l’État dans les territoires, nous proposons d’instaurer un comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire qui se réunirait deux fois par semaine, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité de scientifiques, d’un représentant par formation politique représentée au Parlement et d’un représentant par association nationale d’élus locaux, de façon à introduire un peu de collégialité.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi instituant l’état d’urgence sanitaire. Je vous avais alors expliqué que la mesure que vous proposiez me paraissait excessive, et je n’ai pas changé d’avis. Mais j’ai bien compris que je ne parviendrai pas à vous convaincre.

M. Alexis Corbière. Cet amendement me paraît tout à fait pertinent, et permettrait une plus grande efficacité dans les dispositifs de contrôle en vigueur et même de décision. Je ne vois pas où la collégialité pose problème alors que le Gouvernement laisse entendre que beaucoup de gens auraient été prévenus, consultés, ce qui n’est pas le cas. La collégialité est la bonne solution si l’on recherche l’efficacité, le consensus ou du moins un travail de conviction et d’information, et des accords politiques. Je vois dans ce refus la volonté de poursuivre ce qui a été fait au début de la crise, avec l’efficacité que l’on sait…

Mme Cécile Untermaier. Nous avons déposé un amendement CL12 très similaire à celui de M. Brindeau, mais qui arrive après l’article 1er bis.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Votre amendement fait le choix d’introduire un article additionnel mais je vous propose de le présenter maintenant ; nous le mettrons aux voix au moment où il arrivera en discussion.

Mme Cécile Untermaier. L’essentiel a été dit par Mme Karamanli : nous souhaitons que le Parlement évalue et contrôle, et nous ne comprenons pas pourquoi ce que prévoit la loi de 1955 modifiée en 2015 puis celle de 2017 ne peut pas s’appliquer à l’état d’urgence sanitaire. Nous proposons que les autorités administratives concernées transmettent sans délai copie des actes qu’elles prennent dans ce cadre juridique exorbitant du droit commun. Au moins le Parlement pourra-t-il pleinement jouer son rôle en matière de contrôle du Gouvernement et d’évaluation de ses politiques.

La mission d’information mise en place par la Conférence des Présidents, c’est une chose, les mesures que votent les députés en commission des Lois et dans l’hémicycle, c’est tout à fait autre chose. Le contrôle parlementaire que vous effectuez dans le cadre de la loi SILT est sans doute fastidieux, mais il a au moins une utilité : les autorités savent que vous avez ces actes et que vous pouvez les relancer. C’est la raison pour laquelle, il nous semble important que la commission des Lois s’arroge ce pouvoir de contrôle qui lui revient dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

La Commission rejette l’amendement CL191.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CL3 de Mme Danielle Brulebois et CL189 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Sacha Houlié. Je défends l’amendement CL3, même si je ne suis pas favorable à la mesure qu’il propose.

M. Arnaud Viala. L’amendement CL189 est défendu.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement CL3. Avis défavorable à l’amendement CL189.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL72 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement rejoint la discussion que nous avons eue à l’article 1er. Il serait bon que, d’ici à la séance, les amendements portant sur la question de la responsabilité soient au même endroit.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mais comme vos amendements proposent d’introduire des articles additionnels, alors que la question de la responsabilité est abordée à l’article 1er, cela ne facilite pas la tâche.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL279 et CL280 de M. Sébastien Huyghe.

M. Philippe Gosselin. L’amendement CL279 vise à rendre obligatoire le port du masque dans tous les lieux recevant du public pendant une période maximum d’un an et en tant que de besoin.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Défavorable. L’article L. 3131-15 du code de la santé publique permet au Premier ministre de procéder, le cas échéant, à ce type de réglementation en fonction des territoires ou des lieux.

M. Philippe Gosselin. L’amendement CL280 permet au maire, cellule de base de la République, de rendre obligatoire par arrêté préfectoral le port du masque dans tout espace public ou dans les lieux recevant du public. Cela permettra une meilleure adéquation avec les besoins locaux.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL281 de M. Sébastien Huyghe.

La Commission étudie l’amendement CL90 de Mme Danièle Obono.

M. Alexis Corbière. Nous proposons que soit délivrée de plein droit une carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » à toute personne étrangère qui justifie d’une activité professionnelle exercée sur le territoire français depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

Vous l’aurez compris, nous demandons la régularisation de l’ensemble des gens qui travaillent sur le territoire national et qui sont sans papiers. Depuis le début du confinement, ceux-ci ont souvent joué un rôle dans l’agriculture, l’agroalimentaire, la logistique, la propreté et sans doute parfois dans le nettoyage des services hospitaliers. Il nous semble important, comme cela a été fait au Portugal, que tous ces gens qui ont travaillé dans la dignité puissent bénéficier d’une protection et trouvent toute leur place dans la société en égalité de droits avec l’ensemble de nos concitoyens.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Vous ne proposez pas une simple régularisation, mais l’octroi de plein droit d’une carte de résident. Vos arguments ne justifient en rien une telle évolution. Défavorable.

M. Alexis Corbière. Oui, je demande une carte de résident, autrement dit une régularisation. Je ne comprends pas la sécheresse de votre réponse dans la mesure où certains pays l’ont fait. Parmi tous ces héros qui ont été applaudis à vingt heures, il y avait notamment ces gens en situation dite irrégulière qui ont joué un rôle important.

Il est regrettable que vous ne nous expliquiez pas plus pourquoi on les applaudit parfois mais qu’on ne souhaite pas les régulariser.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL89 de M. Éric Coquerel.

M. Alexis Corbière. Nous souhaitons que les centres et les locaux de rétention administrative soient fermés à compter de la publication de la présente loi et jusqu’à l’extinction de l’épidémie, car les personnes qui y sont retenues devraient être libérées.

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté à visité les centres de rétention administrative de Paris-Vincennes et du Mesnil-Amelot et a saisi le ministre de l’intérieur en ces termes : « Le risque sanitaire qui pèse sur les personnes retenues et sur les fonctionnaires qui assurent leur prise en charge est significatif ; le fondement légal des mesures de rétention a disparu, en particulier car les perspectives d’éloignement sont compromises à court et moyen terme ; les garanties entourant les droits de la défense ne sont plus apportées. » Il nous semblerait donc logique que les centres de rétention administrative, qui sont souvent des clusters, des lieux dans lesquels la dignité n’est plus respectée, soient fermés au moins provisoirement pendant l’épidémie.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je comprends votre préoccupation. Certains centres de rétention administrative ont été fermés. Il est vrai qu’il est difficile d’éloigner les étrangers sans titre. Il y a pourtant une activité résiduelle pour les anciens condamnés sortis de prison.

Le ministre de l’intérieur a indiqué qu’on parvient à en reconduire quelques-uns, même si c’est rare. Cela vaut mieux que de les laisser se disperser sur le territoire à condition qu’ils disposent, dans ces centres de rétention, de chambres individuelles et aient droit à des conditions de sécurité sanitaire correctes. Naturellement, il appartient aux autorités administratives indépendantes compétentes en matière de défense des droits de l’homme de bien s’en assurer. Défavorable.

M. Florent Boudié. Je ne voterai pas votre amendement, mais je comprends votre question, qui est légitime.

L’Espagne a renoncé à la rétention pour la période du confinement, et d’autres pays ont fait des choix équivalents. La France a fait un choix, peut-être moins clair, mais concrètement très efficace : en réalité, il y a peu de personnes en rétention – 256 sur un total de 7 900 places. Dans 80 % des cas, il s’agit d’individus sortis de prison et qui posent en réalité des problèmes de menace à l’ordre public. À l’issue de plusieurs interventions, le ministre de l’intérieur a pris très tôt la décision d’apporter des mesures protectrices pour les agents, pour les directeurs de centre de rétention et bien sûr pour les personnes retenues.

M. Stéphane Peu. J’entends ce que dit la rapporteure, mais ce n’est pas toujours la réalité. Le chiffre qu’a donné Florent Boudié est exact, à ceci près que bon nombre de centres ont été fermés, au point de mettre en danger, dans ceux qui restent ouverts, les personnels comme les personnes retenues. Les organismes caritatifs ou de défense des droits de l’homme dont parle la rapporteure, la CIMADE et d’autres, se sont tellement préoccupés de la situation qu’ils se sont retirés pour protester contre les conditions de rétention – je pense au centre du Mesnil-Amelot.

Soyons cohérents : les personnes enfermées dans un centre de rétention sont en attente d’une reconduite à la frontière. Dès lors qu’il n’y a plus de reconduites, il n’y a plus de rétention. C’est le choix qu’ont fait d’autres pays européens, que nous devrions imiter.

M. Alexis Corbière. Il reste 256 personnes retenues, ce qui fait une forte concentration de population dans les centres qui demeurent ouverts.

Mme la rapporteure indique qu’il vaut mieux qu’ils restent dans un centre à condition de disposer de chambres individuelles J’affirme ici, au vu des visites qui ont été faites par certaines parlementaires, que ce n’est pas le cas. Je vous invite, mes chers collègues, à visiter ces centres, car nous pouvons le faire. Je suis sûr qu’il y aura encore des témoignages très concrets, parfois relayés par les fonctionnaires qui y travaillent, montrant que les conditions sanitaires de rétention dignes, conformes à la loi, ne sont pas respectées et que ces gens n’ont pas de chambre individuelle. J’ai bien compris que je ne parviendrai pas à vous convaincre, mais pourquoi ne pourrions-nous pas faire comme certains pays ? Pour quelle raison nous obstinerions-nous à donner une image bien souvent assez dégradante de ces centres de rétention où l’on enferme des gens dans l’attente d’expulsions qui n’ont pas lieu ? Prendre cette mesure nous permettrait de sortir un peu grandis.

M. Éric Ciotti. Il ne vous étonnera pas si je vous dis que je ne souhaite pas que ces centres de rétention soient fermés, mais qu’ils soient tous rouverts le plus rapidement possible pour une question de sécurité majeure dans notre pays.

M. Boudié a fait du « en même temps » en indiquant qu’ils n’étaient pas fermés mais presque : les chiffres qu’il a cités montrent qu’ils sont quasiment à l’arrêt – celui qui dépend des plateformes aéroportuaires de Paris est sans doute l’un des seuls encore ouverts – dans bon nombre de départements, ce qui est très dangereux, parce qu’on y place souvent les détenus étrangers qui ont purgé leur peine et qui doivent être expulsés. Ce sont souvent les profils les plus dangereux : rappelons-nous l’attentat qui a coûté la vie à deux jeunes filles sur l’esplanade de la gare Saint-Charles à Marseille, parce que l’auteur des faits n’avait pas été placé en rétention. Depuis, une politique plus rigoureuse a été instaurée. Ne pas mettre en rétention des profils dangereux menace la sécurité publique.

Cet amendement est totalement irresponsable, comme l’est l’attitude de l’exécutif qui a quasiment fermé ces centres de rétention.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je sais que la contrôleure générale des lieux de privation des libertés continue à faire ses visites – elle est allée au centre de rétention de Vincennes. Je n’ai pas pour habitude de raconter mes conversations avec l’exécutif, mais j’ai alerté le ministre de l’intérieur qui m’a assuré que les conditions de rétention étaient les plus dignes possible. Effectivement, nous ne pouvons pas fermer intégralement les centres, parce que des personnes sortent de prison. Toutefois, il convient de remédier aux manquements des règles sanitaires. Ce « en même temps » me paraît équilibré.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er bis (art. L. 3131-14 du code de la santé publique) : Conditions de cessation anticipée de l’état d’urgence sanitaire

La Commission examine l’amendement CL237 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. Je propose de supprimer l’article 1er bis introduit par le Sénat. Cette disposition est déjà satisfaite par l’article L. 3131-19 du code de la santé publique. Qui plus est, l’éclairage scientifique du comité des scientifiques précédera toujours le décret de suppression d’état d’urgence sanitaire. Il n’y a donc pas lieu d’inclure dans la loi une mesure qui risquerait d’être redondante et inutile.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Pour être franche, je suis un peu ennuyée, car dans le cadre de l’examen du précédent projet de loi, nous avons eu un débat assez long pour intégrer l’avis du comité de scientifiques au moment de proroger l’état d’urgence. Au fond, il ne me paraît pas illogique, pour une raison de parallélisme des formes, de prendre l’avis du comité en cas de fin anticipée de l’état d’urgence sanitaire. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Jean-François Eliaou. La décision du Gouvernement de raccourcir la durée de l’état d’urgence sanitaire ne sera pas prise à la légère. En tout cas, elle sera entourée de toutes les conditions, y compris scientifiques, de ce comité. Il est important de donner un poids politique et de ne pas systématiquement mettre en avant la décision du comité de scientifiques. D’autres éléments, plus généraux, doivent être pris en compte, comme on l’a vu récemment. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

Mme Cécile Untermaier. Mon groupe s’opposera à la suppression de l’article 1er bis dans un souci de parallélisme. Il nous paraît important, dans une situation de crise sanitaire, d’être éclairé par un avis du comité de scientifiques, que ce soit pour proroger ou pour lever un état d’urgence sanitaire. Cela ne veut pas dire que le pouvoir politique doit suivre son avis, mais que cet avis doit être rendu, et public.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en présentation commune, les amendements CL34 de Mme Marie-France Lorho et CL233 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL34 prévoit que l’avis du comité de scientifiques doit être déterminant et pris à l’unanimité, ce qui permettrait de s’assurer du bien-fondé sanitaire de la sortie de la crise. Cet octroi serait un signe envoyé aux Français quant aux priorités du Gouvernement dans le traitement de la crise.

Mon amendement CL233, un peu différent, propose que l’avis soit rendu public dans les plus brefs délais. Au vu de l’importance que le Gouvernement accorde aux avis du comité de scientifiques, il me semble judicieux, dans un souci de transparence totale vis-à-vis des Français, de publier dans les plus brefs délais les avis de cet organe destiné à conseiller le Gouvernement dans la gestion sanitaire de la crise.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement CL34. Outre le fait qu’il n’est jamais exigé que les autres avis du comité de scientifiques soient unanimes, l’avis dont il est ici question ne constitue qu’un élément supplémentaire pour l’appréciation de l’opportunité de lever l’état d’urgence sanitaire : il me paraît exagéré d’exiger un avis unanime alors qu’il a simplement pour rôle d’éclairer une décision à caractère politique.

Quant à l’amendement CL233, il est satisfait par l’article L. 3131-19 du code de la santé publique relatif au comité de scientifiques, qui prévoit que ces avis sont rendus publics sans délai. J’y suis donc également défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je vais retirer l’amendement CL233, puisqu’il est satisfait.

Pour ce qui est de l’amendement CL34, il ne faut pas perdre de vue que la décision de sortir de l’état d’urgence sanitaire est extrêmement importante, ce qui justifie à mon sens que l’avis du comité soit rendu à l’unanimité. Je vois mal le Gouvernement expliquer aux Français que l’on va sortir de l’état d’urgence sanitaire alors que les scientifiques du comité ne sont pas tous d’accord sur ce point…

L’amendement CL233 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CL34.

Puis elle adopte l’article 1er bis sans modification.

Après l’article 1er bis

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL12 de Mme Cécile Untermaier.

Article 2 (art. L.3131–15 du code de la santé publique) : Modifications des mesures pouvant être ordonnées par le Premier ministre

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CL283 de Mme Mireille Clapot, CL255 de M. Jean-Christophe Lagarde, CL224 de Mme Emmanuelle Ménard, CL35 de Mme Marie-France Lorho et CL50 de Mme Emmanuelle Ménard. 

M. Florent Boudié. L’amendement CL283 est défendu.

M. Pascal Brindeau. À partir du 11 mai prochain, au-delà de 100 kilomètres du domicile, seuls seront possibles les déplacements effectués pour des raisons professionnelles ou des motifs familiaux impérieux. Ainsi, à l’intérieur d’un département classé vert, certains ne pourront pas parcourir plus de 100 kilomètres ; d’autres pourront traverser intégralement un département rouge et rejoindre un département vert du moment que leur trajet ne dépasse pas 100 kilomètres. Cela heurte le bon sens ; cela brouille le message de prudence que nous souhaitons adresser. C’est pourquoi, afin que l’interdiction de circuler ne s’applique pas uniformément sur l’ensemble du territoire, l’amendement d’appel CL255 vise à supprimer, à l’alinéa 4 de l’article 2, les mots : « réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules ».

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL224 propose, à l’alinéa 4, de remplacer les mots « réglementer ou interdire » par le mot « organiser ». L’amendement CL35 propose de remplacer le mot « interdire » par les mots « restreindre ou, dans les seuls cas où une telle disposition s’imposerait de manière impérieuse, interdire ». Enfin, l’amendement CL50 vise à limiter l’interdiction et la réglementation aux cas où cela est strictement nécessaire ».

Un régime d’interdiction à caractère général ne saurait perdurer, a fortiori quand le Gouvernement affirme qu’il va falloir vivre avec le Covid-19 jusqu’à ce qu’un vaccin efficace soit disponible, ce qui peut prendre de longs mois. En dépit de la situation exceptionnelle que nous traversons, il est des urgences et des exceptions qui rendent l’interdiction de circulation extrêmement délicate. C’est pourquoi il est proposé de privilégier la restriction ou l’organisation des déplacements plutôt que l’interdiction pure et simple de circuler.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, il faut laisser au Premier ministre la capacité de prendre des mesures générales de réglementation ou d’interdiction de la circulation. On sait à quel point le confinement, qui s’appuie sur l’interdiction de circulation, s’est révélé efficace. Il est évident que nous allons avoir besoin d’une réglementation dans le cadre d’un déconfinement progressif. Je reconnais que les conditions d’application soulèvent certaines questions, que je vous invite à poser au ministre en séance publique. Pour ma part, je suis défavorable à ces cinq amendements.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CL256 de M. Pascal Brindeau. 

M. Pascal Brindeau. Mme la rapporteure nous dit que le Gouvernement doit pouvoir prendre des mesures générales de réglementation ou d’interdiction de la circulation. Certes, mais nous abordons une nouvelle étape, celle du déconfinement et de la reprise progressive de la vie économique et sociale. Dans ce contexte, on ne peut d’un côté demander aux élèves de retourner en cours – indépendamment de la couleur du département où ils se trouvent – et, de l’autre, expliquer à nos concitoyens qu’ils ne peuvent effectuer un voyage de plus de 100 kilomètres entre deux départements verts, si ce n’est pour des raisons professionnelles ou des motifs familiaux impérieux.

C’est le bon sens territorial qui doit prévaloir dans cette situation. À défaut, certains de nos concitoyens seront tentés d’enfreindre les interdictions, et nous entrerons dans une logique de contrôle et de verbalisation. Ce serait tout le contraire de la société de confiance qui doit s’instaurer pour lutter efficacement contre le virus.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Votre préoccupation est satisfaite dans la mesure où le Premier ministre habilite les préfets à prendre, en fonction des territoires dont ils ont la responsabilité, des mesures plus ou moins contraignantes. Ces dispositions figurent à l’article L. 3131-17 du code de la santé publique, dont l’alinéa 2 précise : « Lorsque les mesures prévues aux 1° à 9° de l’article L. 3131-15 et à l’article L. 3131-16 doivent s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, les autorités mentionnées aux mêmes articles L. 3131-15 et L. 3131-16 peuvent habiliter le représentant de l’État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. »

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL341 de M. Yannick Favennec Becot. 

M. Paul Molac. L’amendement permet d’éviter que des personnes passent d’un territoire identifié en rouge à un territoire identifié en vert situé à moins de 100 km de chez elles, et inversement. En effet, comme l’a dit le ministre de la santé le 29 avril dernier : « Si vous habitez dans une zone de circulation active du virus, vous n’avez pas vocation à vous déplacer dans des zones dans lesquelles le virus ne circule pas puisque, par définition, c’est là que vous prenez le risque de faire diffuser le virus plus largement. »

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Pour les raisons évoquées précédemment, je souhaite le retrait de cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL332 de M. Michel Castellani. 

M. Paul Molac. Dans le cadre du processus de déconfinement en œuvre à partir du 11 mai prochain, le Gouvernement a annoncé la restriction des déplacements individuels dépassant les 100 kilomètres, hors motifs d’impérieuse nécessité. Au regard de leurs caractéristiques géographiques, la Corse et les collectivités d’outre-mer risquent d’être confrontées à de sérieuses difficultés, d’autant que certaines de ces collectivités ont déjà pris des mesures spécifiques. C’est le cas du territoire de Wallis-et-Futuna, qui a instauré une quatorzaine pour tout habitant qui viendrait de l’extérieur – des Fidji, de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française. Ce territoire est exempt de cas de Covid‑19, mais également dépourvu des moyens sanitaires qui permettraient de soigner d’éventuels malades.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Une modification apportée au texte par le Sénat protège déjà l’insularité des territoires d’outre-mer en prévoyant une quarantaine obligatoire à l’arrivée dans les collectivités concernées. Ce n’est pas le cas, je le précise, à l’occasion d’un retour en métropole.

M. Paul Molac. Selon les informations dont je dispose, la rédaction du Sénat n’est pas satisfaisante. J’ai prévu d’évoquer cette question avec un sénateur de la collectivité avant la séance publique et, dans l’immédiat, je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL108 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. L’amendement CL108 a pour objet d’empêcher les amendes pour non-port du masque dans les transports publics tant que le nécessaire n’est pas distribué gratuitement. Je rappelle que le Gouvernement prévoit des amendes d’un montant de 135 euros en cas de manquement.

Selon une étude de l’UFC-Que Choisir, les dépenses liées à l’acquisition de masques peuvent représenter un budget compris entre 85 euros et 200 euros. C’est loin d’être insignifiant pour les familles modestes. Il est anormal qu’un dispositif nécessaire reste à la charge des particuliers et que, dans le même temps, son port soit obligatoire à peine de 135 euros d’amende.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. En l’état actuel, la loi prévoit simplement la possibilité pour le Premier ministre de réglementer l’accès aux transports, ce qui peut comprendre d’autres mesures que le port du masque. Il ne me paraît donc pas opportun d’exclure la possibilité d’une sanction.

M. Paul Molac. Je ne sais pas si cela pourra rassurer M. Corbière, mais certaines collectivités locales ont prévu de distribuer gratuitement des masques lavables à la population – c’est par exemple le cas dans le Morbihan – en s’appuyant pour cela sur la solidarité.

Mme Cécile Untermaier. Plutôt que de parler de contraventions, il vaut mieux prévoir des distributions de masques. Tout à l’heure, lorsque nous sommes arrivés à l’Assemblée nationale, on nous a équipés. En tant que parlementaires, nous devons nous soucier des difficultés auxquelles vont être confrontés nos concitoyens, qui risquent de se trouver dépourvus de masques au moment d’emprunter un transport public. À mon sens, cela relève de la responsabilité des autorités de les mettre à disposition des voyageurs, gratuits ou non. Nous devons penser à la prévention avant la répression.

M. Stéphane Peu. Fort heureusement, la débrouillardise, la solidarité et les bonnes volontés ont permis dans de nombreux territoires de pallier la pénurie, pour ne pas dire l’incurie. Cela dit, n’oublions pas que les transports en Île-de-France représentent 5 millions de personnes qui voyagent chaque jour dans la promiscuité. Le port du masque est indispensable – et, si nous voulons être certains que cette obligation sera respectée, il faut prévoir des distributions à titre gratuit. La sanction implique la gratuité pour ne pas pénaliser les plus modestes.

M. Alexis Corbière. Effectivement, la sanction n’est envisageable que si elle va de pair avec la gratuité. Bien sûr, la débrouille et la solidarité peuvent jouer partout et elles ne font évidemment pas défaut en Seine-Saint-Denis. Mais je trouve tout de même triste qu’en certains points du territoire, rien n’ait été fait pour nos concitoyens, alors que les habitants de certains départements ont reçu des masques sous enveloppe à leur domicile et qu’ailleurs ils ont été distribués massivement. De même, alors qu’on est censé pouvoir trouver des masques à la vente dans les supermarchés, je vous assure que ce n’est pas le cas dans ma ville.

Quand on sait qu’il faut changer de masque plusieurs fois dans la journée, j’ai bien peur que ce soit la panique le 11 mai ! En Italie, quand la police découvre une personne sans masque, elle est chargée de lui en donner un et pas de verbaliser : pourquoi ne pourrions-nous pas faire la même chose ?

S’il me paraît justifié de sanctionner une personne irresponsable qui refuse de porter un masque alors qu’on lui en a mis à disposition, je trouve anormal d’instaurer des sanctions d’un montant très élevé – 135 euros, c’est quasiment 10 % du revenu d’une personne percevant le SMIC –en ne prévoyant rien pour assurer une distribution gratuite : cette méthode est illogique et choquante.

M. Philippe Gosselin. Ce débat aurait pu être évité si une règle avait été clairement posée sur le port du masque. Au-delà des difficultés d’approvisionnement, il est évident que la sanction n’est concevable que si chacun est en mesure de se le procurer facilement et qu’il existe des règles précisant les conditions dans lesquelles le porter.

Je suis sûr que, même dans cette salle, personne n’est en mesure d’expliquer précisément dans quelles situations il est obligatoire de porter un masque. Je viens d’enlever le mien et je le remettrai tout à l’heure – je n’aurais d’ailleurs peut-être pas dû l’enlever –, mais l’Assemblée a des règles qui lui sont propres. Il en va autrement dans l’espace public, où on ne sait jamais si le masque doit être porté ou non quand on marche sur un trottoir, quand on se trouve dans un supermarché ou dans un petit magasin. Tout ce qu’on sait avec certitude, c’est qu’il faut porter un masque dans les transports.

Peut-être certains d’entre vous estiment-ils que les choses sont simples. Je peux vous assurer que, de bonne foi, de nombreuses personnes sont perdues ! Si l’on avait dit que le port du masque était obligatoire partout dans l’espace public, la règle serait plus compréhensible : c’est la question de la clarté et de l’intelligibilité de la loi qui se pose ici.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements CL257 et CL262 de M. Jean-Christophe Lagarde. 

M. Pascal Brindeau. Ces deux amendements ont le même objet puisqu’ils visent tous deux à inscrire dans la loi la distinction annoncée par le Premier ministre entre départements classés en rouge et départements classés en vert dans le cadre du plan de déconfinement. Ils fixent pour chaque catégorie des critères objectifs – taux de saturation des hôpitaux, état de circulation du virus et signalements par la médecine de ville des cas de Covid‑19.

En mettant en œuvre une application territorialisée des mesures prises, celles-ci seront mieux comprises et acceptées par nos concitoyens. Ils seront moins tentés de contrevenir aux règles. À défaut, ces règles risquent d’être perçues comme trop contraignantes, ce qui serait contreproductif dans la lutte contre la propagation du virus.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Ces amendements, qui relèvent plutôt du niveau réglementaire, consistent à figer la définition du statut des départements. Or, la situation peut évoluer. Ce qui paraît pertinent aujourd’hui ne le sera peut-être plus dans quelques mois. Je vous invite à retirer ces amendements et j’émettrai à défaut un avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CL285 de Mme Mireille Clapot. 

Suite à l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL288 de Mme Mireille Clapot, qu’elle rejette sur l’avis défavorable de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CL112 de Mme Delphine Batho.

M. Stéphane Peu. Je souhaite autoriser les sorties liées à la pratique individuelle d’activités de pleine nature dans un périmètre géographique proche du domicile, dans le respect des règles de distanciation et des prescriptions fixées par décret. Une pétition signée par plus de 150 000 personnes comprenant des personnalités diverses – philosophes, psychiatres et psychologues, sportifs – a demandé que les plages, la montagne, la campagne, les forêts redeviennent accessibles à nos concitoyens. Le bien-fondé de cet amendement semble évident dès lors que l’on met en balance, d’un côté, les effets d’un confinement prolongé sur les addictions, les dépressions et autres difficultés psychologiques, et de l’autre, les bienfaits incontestables d’une promenade dans la nature.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Nous avons déjà évoqué ce sujet tout à l’heure. Il faut distinguer les mesures générales prévues par le code de la santé publique dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, qui correspondent aux mesures prescrites par le Premier ministre, de notre situation actuelle – l’entrée dans un état d’urgence sanitaire allégé. Votre amendement est satisfait dans la mesure où l’article L. 3131-15 du code de la santé publique édicte la totalité des mesures qui peuvent être prises, à charge pour le Gouvernement de proportionner son action à la situation. Il est donc parfaitement possible d’autoriser les activités de pleine nature.

Les déplacements liés aux besoins familiaux et de santé sont garantis par des dispositions constitutionnelles et conventionnelles ; il ne fallait donc pas que la loi puisse y porter atteinte. Tel n’est pas le cas de l’activité physique.

Dans ces conditions, je vous invite à retirer l’amendement.

M. Erwan Balanant. Il est incompréhensible et illogique que les plages et les forêts restent fermées, le 11 mai, alors que les jardins et parcs urbains rouvriront. Je conçois certaines appréhensions du Gouvernement mais, en Bretagne, des personnes influentes appellent à désobéir et à se rendre sur les plages dès lundi.

Un dispositif progressif doit être instauré. Faisons confiance aux maires des communes du littoral, qui connaissent bien leurs plages, afin de remédier progressivement à cette grande frustration !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL258 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi semble donner la capacité au Gouvernement d’interdire toute réunion, dans quelque lieu que ce soit. Plus restrictif que la loi du 23 mars 2020, il paraît disproportionné. L’amendement limite cette faculté aux lieux ouverts au public.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Mon avis est défavorable. Les termes sont ceux de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. La loi du 23 mars 2020 mentionne également les lieux de réunion à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.

Il importe qu’un large éventail de mesures figure dans le dispositif de l’état d’urgence sanitaire afin que le Premier ministre puisse les prendre, ou non, en fonction de la situation. Ces mesures doivent être strictement proportionnées au risque sanitaire et appropriées aux circonstances. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Le dispositif est précisément encadré.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL48 de Mme Marie-France Lorho, CL73 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements identiques CL181 de M. Marc Le Fur et CL185 de M. Xavier Breton ainsi que les amendements CL74 de Mme Emmanuelle Ménard et CL162 de M. Philippe Gosselin.

Mme Emmanuelle Ménard. Mes amendements visent à permettre la reprise des cultes. La République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. Or, le Gouvernement a décidé de proroger l’interdiction de cérémonies religieuses après le 11 mai.

La liberté de croire en une religion et le droit de la pratiquer sont deux principes structurants de notre société que protègent la Constitution, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Pourtant, à la différence des marchés et des écoles, prochainement rouverts, et des supermarchés qui n’ont jamais été fermés, les lieux de culte ne pourront accueillir les fidèles avant le 2 juin. Tout récemment, le Premier ministre a indiqué qu’il envisageait un geste en avançant cette date au 29 mai.

Un référé liberté a été déposé hier matin auprès du Conseil d’État pour contester la décision arbitraire du Gouvernement de prolonger l’interdiction des cérémonies religieuses à l’issue du déconfinement du 11 mai. Rappelons que la dernière interdiction des cérémonies cultuelles remonte à 1793, au régime de la Terreur.

M. Alexis Corbière. C’est faux ! Les lieux de culte n’ont pas été fermés en 1793.

M. Éric Ciotti. L’amendement CL181 est défendu.

M. Raphaël Schellenberger. Si nous pouvons accepter que certaines règles s’appliquent à la fréquentation des lieux publics, nous devons avoir le retour à la normale pour objectif. L’amendement CL185 a pour objet de rouvrir les lieux de culte. Il s’y s’exprime une des libertés fondamentales garanties par la République. Le fonctionnement de certains d’entre eux pourra être encadré par des règles sanitaires.

M. Philippe Gosselin. Aucun représentant des différentes religions présentes en France n’a demandé d’exception durant le confinement. Il est toutefois difficilement compréhensible de voir les lieux de culte interdits pour les cérémonies au-delà du 11 mai, au moment où la plupart des magasins rouvrent et où les supermarchés verront des centaines d’acheteurs se bousculer dans leurs allées.

La liberté de culte est un droit fondamental, reconnu par la Constitution. La situation actuelle entre aussi en contradiction avec l’article 1er de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. C’est pourquoi, sans attendre le 2 juin, le 29 mai ou la fin du ramadan, l’amendement CL162 demande la réouverture des lieux de culte, avec toutes les règles de distanciation nécessaires. Les représentants de différentes religions ont fait des propositions raisonnables.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Il faut différencier l’accès individuel aux lieux de culte, qu’il n’a jamais été question d’interdire même au plus fort du confinement, et la tenue de cérémonies religieuses limitée pour des raisons que chacun comprend – 20 personnes, par exemple, pour des funérailles.

Le ministre de l’intérieur et des cultes est en relation constante avec les représentants des cultes pour concilier au mieux cette liberté religieuse et les impératifs de la santé publique. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Arnaud Viala. Madame la rapporteure, pouvez-vous nous confirmer la date de réouverture des lieux de culte ?

M. Alexis Corbière. La liberté de conscience est indispensable. Il serait toutefois difficile à comprendre que la réouverture de lieux de culte conduise à des rassemblements pour des raisons spirituelles alors que ce n’est pas possible ailleurs, notamment dans un lieu de spectacles.

La liberté de conscience comprend également celle de se réunir pour discuter d’idées politiques. Si nous défendons les libertés religieuses, nous maintenons qu’elles ne peuvent être supérieures à d’autres. C’est toute la difficulté de l’exercice.

S’agissant de votre rappel historique, madame Ménard, les églises n’ont été fermées que dans certaines villes en 1793. Mais la Convention voulait leur réouverture. Sans doute avez-vous oublié que c’est sous le régime de Vichy que des lieux de culte, à savoir les synagogues, ont été fermés avec une grande cruauté. Cessez donc vos rappels biaisés à la Révolution française qui, elle, a garanti la liberté de conscience !

Mme Emmanuelle Ménard. Il ne faut quand même pas exagérer !

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement l’amendement CL219 de Mme Aurore Bergé, et les amendements CL259 et CL260 de M. Pascal Brindeau.

La Commission est saisie de l’amendement CL308 de M. Hervé Saulignac.

Mme Cécile Untermaier. Nous souhaitons supprimer la possibilité de réquisition, par acte réglementaire, de « toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ». Il ouvre la voie à la réquisition de professions ou de zones géographiques entières. Faire travailler des concitoyens contre leur gré n’est pas souhaitable – cela pourrait même être dangereux. Outre d’un manque légitime de volontarisme, ils pourraient se livrer à des protestations contre la réquisition ou trouver un moyen de s’y soustraire.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable. Il est nécessaire d’élargir les possibilités de réquisition que la loi du 23 mars a ouvertes à l’autorité administrative dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. L’objectif consiste à ne plus subordonner la réquisition de personnes à celle de biens ou de services. Dans la pratique, cette exigence légale semble avoir contraint l’autorité administrative à des acrobaties juridiques, obligeant par exemple à réquisitionner une agence régionale de santé pour disposer de ses personnels. La réquisition des personnes doit toutefois être justifiée et proportionnée.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL261 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. La rédaction est tellement ouverte qu’elle permet de réquisitionner toute personne pour tout type d’action administrative. L’amendement limite cette faculté à ceux dont l’activité professionnelle est strictement liée aux services nécessaires à la lutte contre l’épidémie.

À défaut, une réquisition générale serait possible, ce qui semble attentatoire aux libertés et disproportionné.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La réquisition est déjà encadrée puisque la personne, ainsi que les biens et services, doivent être « nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL200 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement de précision renforce les capacités de l’État à agir contre la pandémie, notamment en réquisitionnant les entreprises nécessaires – par exemple Luxfer, la dernière manufacture française de matériel d’oxygénothérapie portatif. Cette société, en voie de fermeture, pourrait être réquisitionnée : son appareil productif et son personnel compétent sont toujours mobilisables.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La rédaction actuelle semble suffisante.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL7 et CL6 de Mme Cécile Untermaier, et l’amendement CL295 de Mme Barbara Bessot Ballot.

La Commission examine l’amendement CL51 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le Conseil national de la consommation doit veiller à empêcher l’inflation des biens de première nécessité. Le confinement a placé de nombreux Français dans la précarité. Il faut éviter l’inflation pour de tels produits.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. L’alinéa 8 de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique prévoit déjà que le Conseil national de la consommation est informé des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendus nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits.

Les compétences du Conseil sont délimitées par décret, puisqu’il s’agit d’un organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la consommation. Il a pour objet de permettre le débat et la concertation entre les pouvoirs publics, les représentants des associations et la défense des consommateurs, ainsi que les représentants des organisations professionnelles et des entreprises assurant des missions de service public.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL201 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’amendement invite la majorité à amender son dogme : il plafonne le prix des masques de type chirurgical et des gels hydro-alcooliques pour tout type de distribution – y compris en ligne. Les prix de référence sont ceux du 1er décembre 2019. Il n’est pas admissible que des phénomènes spéculatifs apparaissent sur des produits de première nécessité pour lutter contre la pandémie. L’amendement vise aussi à encadrer les prix des masques réutilisables en tissu, car il n’existe pas de prix de référence pour ces produits.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le pouvoir réglementaire peut déjà prendre une telle mesure. À l’article 11 du décret du 23 mars 2020, le Premier ministre a d’ailleurs fixé les tarifs des masques chirurgicaux pour la vente au détail et en gros.

M. Stéphane Peu. Je fais une grande différence entre ce qu’il est possible de faire et ce qui doit être fait. La rédaction que je propose permet de faire, sans « peut-être ».

M. Aurélien Pradié. Je soutiens l’amendement. Aujourd’hui, seuls les prix des masques chirurgicaux sont réglementés. Ceux des masques réutilisables ne le sont pas. Vous avez manifestement une information erronée sur ce sujet. Le Gouvernement a lui-même indiqué récemment être incapable de sécuriser les prix de ces produits car leur composition est très variée.

La question du prix des masques sera essentielle dans les jours et les mois à venir. Il n’est pas exclu que les prix ne baissent que très peu pour certains types de masques alors qu’ils exploseront pour d’autres. Si nous disposions demain d’équipements différents selon le pouvoir d’achat – des masques pour les pauvres et d’autres pour les riches –, nous serions confrontés à un véritable problème pour contenir la crise sanitaire.

Il faut obtenir du Gouvernement qu’il sécurise les masques à la fois qualitativement et quantitativement, en termes de prix. Sur cette question stratégique, ses réponses n’ont pas été à la hauteur jusque-là. On peut contrôler les prix des produits sans créer de pénurie pour autant. L’exemple d’autres produits, notamment les masques chirurgicaux ou les préservatifs, le montre.

Mme Marietta Karamanli. Hier, j’ai interrogé le Gouvernement sur le coût des masques, chirurgicaux ou en tissu, qui est élevé pour une famille et dont il faut garantir la qualité. La réponse de Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances traduisait une ouverture. Plusieurs propositions que nous avions faites par écrit ont d’ailleurs été reprises.

Ce sujet est fondamental pour les populations de tous les territoires. En particulier, nos concitoyens nous ont fait part de leur inquiétude à voir les matériels de protection manquer dans les écoles. Le Gouvernement a fait des promesses hier.

Je souhaiterais, madame la rapporteure, que vous puissiez revoir votre position.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL203 de M. Sacha Houlié qui fait l’objet du sous-amendement CL392 de M. Guillaume Chiche.

M. Sacha Houlié. Il s’agit d’étendre les prérogatives du Premier ministre en lien avec la stratégie « protéger, tester, isoler » pour tirer des leçons du fait que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont été des foyers de contamination dans notre pays. Dans mon département, 20 des 33 décès dus au Covid19 sont intervenus dans un tel établissement.

L’amendement vise à tester toute personne qui doit être admise en EHPAD afin de l’isoler, le cas échéant, et d’éviter de nouvelles infections. Le sous-amendement étend ces tests systématiques aux centres pénitentiaires ou à d’autres établissements recevant du public.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. L’amendement semble tristement satisfait puisque les personnes âgées dépendantes ont très peu de contacts avec l’extérieur, et vivent déjà dans une forme de quarantaine. Les EHPAD ont été très durement touchés par l’épidémie, mais le virus s’y est probablement propagé du fait d’un visiteur infecté, plutôt que d’un nouveau résident admis alors qu’il était déjà malade.

Sans être hostile à ce que les établissements pratiquent des tests à l’entrée, d’autant qu’ils disposent du personnel médical nécessaire, j’estime toutefois excessif que le Premier ministre l’impose sans discussion sur tout le territoire.

M. Éric Ciotti. Je m’étonne que cet amendement soit discuté alors qu’une de mes propositions visant à dépister de manière systématique tous les résidents et personnels des EHPAD a été jugée irrecevable. Certes, la portée de celui-ci est moindre puisqu’il ne concerne que les personnes susceptibles d’intégrer un EHPAD.

À ce titre, le dépistage systématique dans ces établissements, que le ministre des solidarités et de la santé avait annoncé le 4 avril, n’est toujours pas en vigueur. Le journal Le Monde s’en est fait l’écho hier, dans une étude très poussée, qui soulignait les difficultés de nombreux départements. Pourtant, plus on teste, plus on prend de précautions. L’exigence de tests systématiques doit s’imposer plus vite. Dans mon département, à Mougins, un EHPAD où il avait fallu attendre plusieurs semaines un dépistage a enregistré 37 décès parmi les 80 résidents. L’Agence régionale de santé (ARS) est allée jusqu’à refuser la fermeture de l’établissement, que le président du conseil départemental avait demandée.

Il est nécessaire de mieux réaliser les tests dans les EHPAD. Ce sont tous les résidents et personnels présents qui doivent être immédiatement testés.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Ciotti, l’irrecevabilité de votre amendement a été prononcée au titre de l’article 40 de la Constitution, au motif qu’il crée une charge. Ce n’est donc pas moi qu’il faut suspecter de partialité. (Sourires).

M. Raphaël Schellenberger. Bien que je ne sois pas opposé à la multiplication des tests, la rédaction très maladroite de l’amendement me heurte fondamentalement. Elle revient à refuser d’admettre dans les EHPAD ou dans les établissements recevant des personnes en situation de handicap celles testées positives au Covid-19. C’est inacceptable. On ne peut subordonner l’accueil des plus fragiles au résultat d’un test !

Mme Isabelle Florennes. La rédaction laisse en effet penser que l’on opère une sélection sur la base de ces tests, qui font d’ailleurs défaut aux établissements concernés. En outre, ils semblent extrêmement douloureux pour les personnes âgées et difficiles à pratiquer par les équipes soignantes.

M. Jean-François Eliaou. L’amendement me pose également problème : il faut bien différencier les tests massifs au sein des EHPAD, sur des soignants ou sur des pensionnaires, de ceux qui conditionneraient l’admission à un statut virologique ou sérologique.

Le consentement préalable de la personne concernée doit en outre être recueilli, ce que l’amendement ne prévoit pas. Je ne suis donc pas très favorable, à titre personnel, à cette rédaction.

M. Ludovic Mendes. Dans le Grand Est, notamment en Alsace et en Moselle, 10 000 personnes, personnels soignants ou résidents, ont été touchées au sein des EHPAD. Il faudrait garantir un suivi temporaire à domicile des personnes testées avant l’admission.

Si l’amendement est mal rédigé, il faut une réponse s’agissant des nouveaux entrants dans les EHPAD. Beaucoup de gestionnaires cherchent actuellement à en limiter le nombre afin d’éviter la propagation du virus.

Mme Émilie Chalas. Lorsqu’un cas de coronavirus est déclaré dans un EHPAD, tous ses occupants sont testés. Conditionner l’admission à un dépistage négatif reviendrait à opérer une forme de sélection qui me gêne profondément et que d’autres institutions publiques ou privées pourraient pratiquer sur des publics différents. Il faut plutôt s’employer à renforcer les moyens alloués à la prévention et aux situations de confinement. Je ne voterai pas l’amendement.

M. Sacha Houlié. J’avais également, cher collègue Ciotti, déposé un amendement prévoyant de systématiser les dépistages lors de toute admission en EHPAD, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

La rédaction de l’amendement CL203, que j’assume, a été inspirée par une remontée du terrain : dans le département de la Vienne, sur trente-trois décès, vingt sont survenus dans un EHPAD de la commune de La Puye. C’est une situation particulière dont j’ai discuté avec la préfète.

Le nombre des victimes de l’épidémie dans les EHPAD ne peut nous laisser indifférents. Il revient au pouvoir exécutif de prêter une attention particulière aux nouveaux résidents susceptibles de faire courir un risque à tous les autres. Vous pouvez vous offusquer d’un tel dispositif : je l’estime quant à moi nécessaire.

La Commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, de l’amendement CL121 de M. Éric Ciotti, des amendements identiques CL163 de M. Philippe Gosselin et CL183 de M. Marc Le Fur, ainsi que de l’amendement CL375 de M. Arnaud Viala.

M. Éric Ciotti. L’amendement CL121 permet aux cafés et restaurants d’accueillir du public à partir du 23 mai 2020 dès lors que la sécurité sanitaire peut être assurée, c’est-à-dire à une date plus proche que celle prévue par le Gouvernement. Personne ne comprend le traitement dont ils font l’objet par rapport aux autres commerces, et même par rapport à des restaurants d’entreprises ou administratifs qui, eux, pourront rouvrir dès lundi. Les cafetiers et les restaurateurs peuvent sécuriser leurs établissements et y faire respecter tant les gestes barrières que la distanciation sociale.

Le secteur a enregistré une perte d’activité de 91 %, soit la plus forte de notre économie : elle s’élève à 220 millions d’euros par jour. Bien que lissé par le chômage partiel, son impact sur l’emploi risque de conduire demain à une très forte augmentation du chômage, puisque des dizaines de milliers d’établissements seront menacés de disparition si l’on ne fait pas un geste en leur faveur.

M. Philippe Gosselin. L’amendement CL163 vise également les bars et les hôtels, c’est-à-dire l’ensemble du secteur touristique dont les professionnels ont formulé nombre de propositions de renforcement de la sécurité sanitaire permettant une réouverture rapide. Alors qu’il se trouve complètement sinistré, il sera l’un des derniers à rouvrir ! Le pire, c’est pour le monde de la nuit – les cabarets, théâtres et discothèques…

M. Arnaud Viala. L’amendement CL375 tend, au-delà de la date du 23 mai, à assurer aux professionnels concernés une certaine visibilité leur permettant, dans des zones touristiques notamment, d’embaucher du personnel, de prévoir leur approvisionnement et de prendre des réservations. Faute de cela, les très lourdes pertes enregistrées connaîtront une aggravation.

La territorialisation des mesures relatives à la réouverture des écoles, qui impliquent en particulier les maires, doit inspirer celles à appliquer aux cafés, bars et restaurants dont la typologie diffère d’un bout à l’autre du territoire. Ils pourraient rouvrir de façon expérimentale pour satisfaire une clientèle locale d’entrepreneurs, notamment du secteur des travaux publics, qui rencontrent aujourd’hui d’énormes difficultés pour faire déjeuner leurs salariés. Cela permettrait d’évaluer la mise en œuvre des mesures de protection sanitaire et ses conséquences.

Par ailleurs, si l’on ne se penche pas sur la question du monde de la nuit, des formes concurrentielles de rencontres, tout aussi dangereuses sur le plan sanitaire, vont se développer.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Si nous sommes tous préoccupés par la difficile situation des cafetiers, restaurateurs et hôteliers, la décision d’interdire l’ouverture de leurs établissements a été prise par décret et relève donc du pouvoir réglementaire. Imposer par la loi leur réouverture à une date précise supposerait que nous disposions des informations scientifiques et médicales nécessaires, ce qui n’est pas le cas. Il faudra en revanche que le Gouvernement nous indique fin mai, ou avant, ce qu’il compte faire : parlons-en donc demain en séance avec le ministre !

M. Stéphane Mazars. Les amendements abordent un sujet important. Du fait du confinement et de l’interdiction qui lui est faite d’exercer ses activités, ce secteur des cafés, hôtels, restaurants et discothèques (CHRD) se trouve en effet en grave danger sur le plan économique et social, malgré l’action du Gouvernement et malgré les mesures d’accompagnement spécifiques, dont certaines pourraient perdurer jusqu’au début de 2021.

Ce secteur aux modèles économiques très différenciés a besoin de visibilité. Si, dans les zones touristiques, certains établissements appréhendent ainsi une réouverture trop précoce en raison d’une viabilité incertaine, la reprise d’une activité à peu près normale peut s’envisager plus rapidement dans les départements ruraux.

Mme Émilie Chalas. Les très petites entreprises concernées subissent de plein fouet cette interdiction d’ouverture, comme je le constate dans ma circonscription. Si j’entends leur appel, notre responsabilité rend hélas difficile, au-delà de la procédure rappelée par la rapporteure, de privilégier telle activité plutôt que telle autre, fût-ce au nom de la sauvegarde économique.

Le geste accompli ces derniers jours en matière d’accompagnement des très petites entreprises va cependant les rassurer à court et à moyen termes. Sur le fond, l’enjeu est de ne pas multiplier les lieux de rassemblement au sein des chaînes de déplacement, car cela favoriserait la transmission du virus.

M. Antoine Savignat. Madame la rapporteure, on ne peut indéfiniment se réfugier derrière des avis scientifiques, d’autant qu’ils ont pu être contradictoires. Ils justifieraient aujourd’hui de surseoir à la réouverture de ces établissements. Ce n’est pas raisonnable ! Agissons en responsabilité comme les cafetiers et les restaurateurs se trouvent prêts à le faire s’ils s’estiment en mesure de garantir la sécurité sanitaire de leurs clients. Eux seront libres de s’y rendre ou non.

Nous sommes en train de tuer ce pan de notre économie, essentiel en outre pour permettre aux chauffeurs routiers de conserver une hygiène à la fois sanitaire et alimentaire.

M. Arnaud Viala. Si j’ai bien compris l’enjeu tenant à la limitation des lieux de vie sociale, il ne faut pas se voiler la face : si l’on ne répond pas notamment à l’interrogation du monde de la nuit, des lieux de rencontre alternatifs vont se créer.

Madame la rapporteure, vous ne pouvez pas vous borner à répondre que cela relève du règlement. Nous n’interrogeons le Premier ministre qu’une seule fois par semaine lors des questions au Gouvernement ! De grâce, faites savoir à Matignon que l’on ne peut attendre la fin du mois de mai. On ne peut imaginer que la Représentation nationale ne se fasse l’écho des préoccupations des professionnels concernés. Ils ont besoin d’une date, fût-elle décalée, pour se préparer. Il n’est ni acceptable ni honnête de les laisser dans l’expectative jusqu’à la fin du mois.

Mme Cécile Untermaier. Si le groupe Socialistes et apparentés n’a pas déposé d’amendement de ce type, il ne faut pas en conclure que nous sommes insensibles à cette question : nous sommes tous intervenus auprès du Gouvernement pour que des aides substantielles soient accordées aux commerces, bars, restaurants et théâtres. Il est nécessaire que leur réouverture intervienne au plus tôt dans le respect des conditions sanitaires, pour le personnel et les clients.

M. Philippe Gosselin. Nous devons nous habituer à vivre avec le danger que représente le Covid-19. Il ne disparaîtra pas avec la fin du confinement, ce qui induit une difficulté tant humaine qu’économique. On demande à l’ensemble de la filière touristique d’attendre sans perspective. Or, rien n’est pire que le doute. Non : il faut rapidement donner des dates afin qu’elle s’organise et sache si elle se prépare à courir un 100 mètres ou un marathon.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL123 de M. Éric Ciotti, CL161 de M. Philippe Gosselin et CL184 de M. Marc Le Fur.

M. Éric Ciotti. Un courrier d’une centaine de collègues de la majorité réclame la réouverture des plages. Vous soutiendrez donc probablement l’amendement CL123. Aucune raison sanitaire ne justifie d’interdire ces grands espaces où la distanciation peut s’appliquer. On entasserait des gens dans les transports en commun tout en les empêchant de se retrouver en plein air sans grand risque ? Ce n’est pas logique. Les plages n’ont jamais été fermées en Espagne ou en Grande-Bretagne. Le déconfinement qui s’annonce le 11 mai doit aboutir à la réouverture de ces espaces naturels.

M. Philippe Gosselin. Les côtes de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord accueillent les plus grandes marées d’Europe. Les amplitudes sont exceptionnelles : à marée basse, le domaine public maritime s’étend à perte de vue. Les plages ne sont pas celles de la Côte d’Azur, où la densité de population est plus forte, puisque les jours de forte affluence – le 14 juillet ou le 15 août par exemple – on ne compte pas plus de trois personnes au kilomètre carré ! À marée basse, tant en Normandie qu’en Bretagne, la baie du Mont-Saint-Michel représente deux cent cinquante kilomètres carrés. Et vous voudriez nous faire croire que la réouverture des plages serait plus compliquée à gérer que celle des supermarchés ou d’autres magasins ? Cela ne tient pas la route !

Il faut les rouvrir et autoriser la pratique d’activités sous contrôle. Qui mieux que les maires pourraient le faire ? Ils connaissent leur commune et peuvent fixer des critères. Il y a vraiment urgence après huit semaines de confinement : les Français doivent pouvoir se réoxygéner et redécouvrir la nature, à plus forte raison si les vacances sont compromises. Permettez à ceux qui ne partiront pas d’accéder à cet espace maritime qui est notre patrimoine commun.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je suis défavorable à vos amendements. La réouverture des plages est une prérogative du Premier ministre, en application des pouvoirs que lui confère l’article L. 3131-15 du code de la santé publique. En outre, fixer une date dans la loi obligerait à repasser par le Parlement pour la modifier en cas de nouvelles circonstances.

Enfin, il ne faudrait pas créer un appel d’air vers ces zones littorales. Nous en débattrons à nouveau à l’article 5 bis, réintroduit par le Sénat.

M. Erwan Balanant. Ouvrir les plages et autoriser les activités nautiques pourrait nécessiter de mobiliser les secours. Ce week-end, au large d’Audierne, la société nationale de sauvetage en mer (SNSM) a dû secourir deux surfeurs avec une vedette.

Nous devons être prudents, et desserrer très progressivement les interdictions en partenariat avec les maires – M. Gosselin a raison –, les préfets et les associations qui gèrent le littoral. Ils connaissent très bien ces zones.

M. Aurélien Pradié. Je ne suis pas député d’une circonscription littorale. Nos collègues ne relaient pas un caprice sectoriel. La réouverture des plages répond à plusieurs enjeux, à commencer par celui de la respiration sociale puisque le Premier ministre lui-même a souligné que les conséquences du confinement pourraient être aussi terribles que celles de l’épidémie. Nous allons bientôt constater l’hécatombe psychologique de ces deux mois. Ce matin, M. Jean Castex, auditionné au Sénat, n’a pas avancé d’argument rationnel contre cette réouverture. Pourquoi parlez-vous d’appel d’air ? Les Français ne pourront pas se déplacer à plus de cent kilomètres de leur domicile. Seuls les locaux les fréquenteront donc. En outre, ces espaces sont vastes. Les parcs vont rouvrir dans les villes. On ne peut pas être plus enfermé sur le littoral qu’en zone urbaine !

Enfin, pensons à l’économie. Les écoles de surf emploient des salariés à l’année et sont essentielles pour beaucoup de plages. Les surfeurs peuvent tout à fait gérer la distanciation physique. Si nous ne rouvrons pas les plages, l’économie de nos littoraux va s’effondrer. Cette réouverture n’a pas un objectif touristique ou de confort ; elle est stratégique.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL124 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Il s’agit d’un amendement de repli. Dans l’hypothèse où les plages resteraient fermées, il autorise l’ouverture des bases nautiques afin de pratiquer des activités sportives sans risque sanitaire. Peu de gens comprennent que l’on ne puisse pas accéder à la mer, qui n’est pas le lieu privilégié de la propagation du virus.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Pour les raisons précédemment évoquées, j’y serai défavorable. Le littoral, les plages, les forêts, les cafés, les hôtels, les restaurants, nous avons tous de bonnes raisons de nous inquiéter de la situation particulière de lieux ou de catégories de la population. Mais le projet de loi n’est pas la traduction législative du plan de déconfinement.

Mme Emmanuelle Ménard. Devant l’Assemblée nationale, le 28 avril dernier, le Premier ministre a déclaré que la vie sociale allait reprendre progressivement et que les beaux jours permettraient de pratiquer une activité individuelle en plein air, en dépassant la barrière actuelle du kilomètre, tout en respectant les règles de distanciation physique.

Les activités proposées sur les bases nautiques répondent à ces critères. Je m’associe à l’appel lancé par des parlementaires de toutes les régions – notamment ceux de l’Hérault. Ceux d’entre eux qui sont présents ici voteront sans doute l’amendement.

M. Philippe Gosselin. Nous vivons dans un état exorbitant du droit commun et même l’accès aux plages est d’une complexité sans nom ! Vous nous répondez que cela relève du Premier ministre. Mais c’est habituellement, pour l’essentiel, de la responsabilité des maires : ils sont donc dépossédés d’une partie de leurs pouvoirs. C’est pourquoi la prolongation de l’état d’urgence ne doit pas être trop longue. Un rendez-vous mensuel serait une bonne idée !

M. Alexis Corbière. Je partage le constat de M. Gosselin. Comment justifier que les parcs ouvrent en ville et que, sur le littoral, les plages restent fermées ? Ce n’est pas rationnel. C’est même politiquement préoccupant : cela révèle un arbitraire qui devrait nous interpeller.

M. Rémy Rebeyrotte. Nous sommes au cœur d’une crise grave et sans précédent – plus de 25 000 morts, une récession économique majeure, des conséquences sociales terribles même si des mesures ont été prises pour en limiter les conséquences. Et nous débattons pour savoir si le déconfinement sera progressif ou accéléré…

Je fais confiance au Gouvernement : le Premier ministre ne se lève pas le matin en se demandant ce qu’il va interdire ! Il a pris toute la dimension de la crise et il essaie de faire en sorte de sortir progressivement du confinement. Vous avez raison, ce dernier a été et reste extrêmement difficile à vivre pour tous les Français.

Le Premier ministre écoute les conseils et il gère au mieux. Certains estiment que le 11 mai est une date trop précoce, d’autres pensent qu’il faudrait tout rouvrir à cette date. Certains plaident pour un reconfinement, d’autres pour une accélération du déconfinement. Les contradictions sont légion ! Nous pourrions discuter pendant des heures, des semaines, voire des années, mais la responsabilité est celle de l’exécutif. Je tenais à le rappeler car j’ai parfois l’impression d’être au café du commerce ! (Protestations)

M. Florent Boudié. Je suis élu en Gironde et, par conséquent, député d’un département dont le littoral est extrêmement vaste. En outre, je suis le responsable du groupe majoritaire sur ce projet de loi. Certes, nous avons des positions contrastées sur le sujet, mais le projet de loi n’est pas la traduction législative du plan de déconfinement. Il n’a pas vocation à décider à la place du Gouvernement de ses modalités puisque nous avons donné au Gouvernement le pouvoir de gérer la crise. De même la loi du 23 mars dernier ne prévoyait pas la fermeture des plages, le présent projet de loi ne doit pas ordonner leur réouverture.

Les autorités sanitaires sont d’accord : sur ce sujet, comme sur d’autres, la plus grande précaution et la plus grande prudence s’imposent. Certains maires de Gironde souhaitent une réouverture rapide des plages aux activités dynamiques et nautiques. D’autres ont une position inverse par crainte de l’afflux de personnes qui mobiliserait entièrement les gendarmes et les policiers municipaux. Je n’ai pas de réponse ; je ne sais quelle est la bonne solution. L’un d’entre nous le sait-il d’ailleurs ? Si la commission desLois devait collectivement décider d’un déconfinement accéléré, à titre personnel, je ne sais pas si je prendrais cette responsabilité…

M. Éric Ciotti. Certes, le projet de loi n’est pas la traduction législative du plan de déconfinement. Mais nous n’avons pas non plus été associés à la préparation de ce dernier. La mission d’information de l’Assemblée nationale s’apparente davantage à une conférence de presse hebdomadaire des ministres qu’au contrôle du Gouvernement. Il faut que le Parlement retrouve sa place et que le législateur occupe la sienne.

Certains points du débat peuvent paraître accessoires mais les hôtels, les restaurants, les cafés, les plages sont au cœur de notre activité économique. Ils sont fragilisés. Pour conclure, je citerai un haut fonctionnaire qui me disait récemment que nous oscillons entre une totale désorganisation et une administration soviétique. C’est un bon résumé de la situation.

La Commission rejette l’amendement.

Elle passe ensuite à l’amendement CL122 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. J’en viens à un autre sujet important : l’école. Là aussi, l’aberration et la désorganisation sont totales. Plus personne ne comprend rien. L’ouverture sera facultative et non systématique à la fois pour les enfants, les maires et les enseignants. La situation est ubuesque : 70 % des Français jugent la réouverture dès la semaine prochaine inopportune ; les deux tiers des parents concernés ne renverront pas leur enfant à l’école.

Vous prétendez lutter contre le décrochage scolaire – objectif louable et légitime – mais la réalité sera l’exact opposé, accentuant les inégalités. L’amendement propose un décalage de la réouverture des écoles au 2 juin, dans des conditions de sécurité optimales, et l’obligation pour tous et partout d’y retourner.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je le répète, le projet de loi n’est pas la traduction législative du plan de déconfinement. Nous n’allons pas débattre de toutes les dispositions prises par le Gouvernement, fussent-elles préoccupantes pour les écoles, les cafés-restaurants ou les plages.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en présentation commune, les amendements CL125 et CL126 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. L’amendement CL125 rend le port du masque obligatoire sur la voie publique. Le nombre catastrophique de victimes dans notre pays, en comparaison des autres grandes démocraties, est notamment lié au manque cruel de ces équipements. Lorsque le président Nicolas Sarkozy a quitté l’Élysée, la France disposait d’un stock considérable : 1,7 milliard de masques. Il y en avait à peine 100 millions au début de la crise en janvier 2020.

Ce sont ensuite le gouvernement socialiste – dont M. Emmanuel Macron était un éminent membre – et les décisions prises dans le présent quinquennat qui ont fragilisé nos réserves. Je rappelle que le ministère de la santé a décidé de ne pas suivre les recommandations scientifiques en 2018 et en 2019, et de ne pas renouveler ces stocks. En conséquence, nous étions dépourvus début janvier, alors que notre ambassadeur en Chine avait prévenu dès le moins de décembre de la propagation du coronavirus selon une révélation du Canard Enchaîné. Ce manque cruel d’anticipation est au cœur de la propagation du virus.

Les pays qui ont un meilleur bilan que le nôtre ont testé et isolé leurs malades. Leurs citoyens ont tous porté un masque. Pour réussir le déconfinement, ce doit être obligatoire. Des maires courageux ont pris des arrêtés, juridiquement fragiles comme le soulignent certaines décisions des juridictions administratives. Il faut les consolider !

L’amendement CL126, de repli, obligerait uniquement les personnes en contact avec le public à porter un masque. Mais avec le bon sens qui caractérise cette majorité, je suis sûr que nous adopterons la rédaction la plus ambitieuse !

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. L’amendement CL125 est satisfait. Si le Premier ministre peut réglementer la circulation et le déplacement des personnes, selon les termes de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, il pourra imposer le port du masque si nécessaire. Il pourra aussi déléguer ce pouvoir au préfet. Dans ce cas, toute personne dépourvu de cet équipement obligatoire serait sanctionnée.

Je suis défavorable à l’amendement CL126 car la protection des salariés incombe à l’employeur. En outre, le Premier ministre pourra conditionner la réouverture d’établissements recevant du public au port du masque si la situation l’exige.

M. Alexis Corbière. Comment peut-on soutenir une telle exigence sans plaider également pour la gratuité des masques ? Comment infliger une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros – un mois de salaire pour beaucoup de nos concitoyens – sans que la puissance publique ne les distribue à tous ?

Sur les lieux de travail, vous souhaitez que l’employeur les fournisse – vous avez raison. Mais si le port du masque est obligatoire partout, il faut les réquisitionner et les distribuer massivement aux Français. Pourtant, ils seront vendus par la grande distribution dix fois plus cher qu’il y a quelques mois !

M. Éric Ciotti. Cette remarque est pertinente. Nous compléterons l’amendement en séance publique. Il serait logique que l’obligation soit assortie d’une distribution par l’État ; c’est d’ailleurs le cas dans tous les grands pays qui ont fait face avec efficacité à la crise.

Madame la rapporteure, mon amendement n’est pas satisfait et vous le savez puisque nous manquons cruellement de masques. Il est extrêmement choquant que certains d’entre eux soient vendus à des prix très élevés alors qu’une majorité de la population en est dépourvue. C’est pourtant le cœur de la réussite ou de l’échec du déconfinement. Le Gouvernement doit faire face à ses responsabilités : il n’a pas anticipé, pas assez commandé, pas constitué de stocks suffisants. J’invite notre collègue Erwan Balanant à lire les articles très pertinents du Monde : la comparaison avec les gestions de la grippe aviaire sous la présidence de Jacques Chirac et de la grippe A (H1N1) sous celle de Nicolas Sarkozy est édifiante.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en présentation commune, les amendements CL173, CL175 et CL176 de M. Paul-André Colombani. 

M. Paul Molac. Ces trois amendements permettraient à la Corse d’exercer un contrôle sur les flux venus du Continent. Huit millions de personnes passent chaque année dans cette grande région touristique qui ne compte que 340 000 habitants. En outre, 30 % de la population locale a plus de soixante ans, ce qui constitue un facteur de risque alors que cinquante lits seulement sont disponibles en réanimation. Il faudrait donc, en fonction de l’évolution de la maladie, limiter les arrivées en Corse et contrôler la population entrante, afin de vérifier qu’elle n’est pas malade et d’éviter qu’elle vienne contaminer l’île. Les amendements confient les décisions en la matière soit au président de la collectivité de Corse, soit au représentant de l’État, soit à ces deux personnages de manière conjointe. Étant données les particularités à la fois démographiques et géographiques, il est important de donner à l’autorité située sur place les moyens de prendre les décisions qui s’imposent pour protéger la population.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. C’est un avis défavorable pour ces trois amendements. Vous constatez, à l’alinéa 10 de l’article 2 du projet de loi, que l’insularité de la Corse – mais aussi des collectivités d’outre-mer – a bien été prise en compte, puisque le régime de la quarantaine et de l’isolement sera différent dans ces territoires.

L’architecture institutionnelle retenue dans le régime de l’état d’urgence sanitaire me semble satisfaisante dans le droit commun. Des mesures d’ordre général sont prises par le Premier ministre et le ministre de la santé, tandis que le préfet est chargé de leur déclinaison territoriale, plus ou moins contraignante en fonction des circonstances locales.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Elle en vient à l’amendement CL39 de M. Pieyre-Alexandre Anglade. 

M. Didier Paris. La loi prévoit que toute personne ayant résidé pendant une certaine période dans une zone géographique où circule l’infection fasse l’objet d’une mise en quarantaine ou d’un placement à l’isolement. Ce sont des mesures assez violentes, mais elles sont sans doute rendues nécessaires par la situation de pandémie.

Cependant, la logique européenne nous paraît en la circonstance assez fortement méconnue. Il existe à cette échelle une tentative de coordination de la réponse sanitaire. Nous devons envoyer des signes à nos voisins européens, d’autant que de nombreux Français résident – sans être pour autant des frontaliers – dans les pays limitrophes. Je pense en particulier à nos concitoyens établis au Benelux et qui sont représentés par Pieyre-Alexandre Anglade, premier signataire de cet amendement. Ils risquent de devenir des Français de seconde zone car soumis à des règles sévères et particulières lorsqu’ils voudront revenir sur le territoire national – ce qui est susceptible d’arriver régulièrement.

Cet amendement propose donc que les États membres de l’Union européenne, les États de la zone Schengen et le Royaume-Uni – en dépit du Brexit – ne soient pas visés par cette contrainte particulière. Nous prenons la précaution de préciser que, dans l’hypothèse où la situation sanitaire d’un de ces pays l’exigerait, celui-ci pourrait être réintégré dans la liste publiée par le Gouvernement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le projet de loi prévoit que la mise en quarantaine et le placement en isolement peuvent être imposés uniquement à une personne venue de l’étranger. Le principe qui guide sa rédaction consiste à prendre une mesure générale maximaliste avant que le Gouvernement, par décret, ne décide quels territoires viser. Je comprends l’intention de votre amendement d’autant qu’il recoupe en partie des annonces de l’exécutif. Mais je suis défavorable au fait d’inscrire ces dispositions dans la loi.

M. Raphaël Schellenberger. Je m’oppose à cet amendement, notamment au nom de notre collègue David Lorion qui nous a alertés sur sa mauvaise rédaction. Il ferait de nos compatriotes d’outre-mer des nationaux avec moins de droits : résidant sur le territoire national, ils seraient pourtant de facto mis en quarantaine s’ils se rendaient en Europe. Cela me semble particulièrement malvenu. La République peut être fière de ses territoires ultramarins. On ne doit pas prendre prétexte de la situation pour les traiter d’une façon particulière.

M. Stéphane Peu. Cet amendement remet en cause l’avancée obtenue par le Sénat, qui veut que nos compatriotes d’outre-mer ne soient pas soumis à l’obligation de quarantaine. L’argument des frontaliers n’est pas pertinent : ceux-ci bénéficient d’un statut particulier et il va de soi qu’ils peuvent aller et venir pour travailler sans être mis à chaque fois en quarantaine. En revanche, rien ne justifie que l’obligation de quarantaine soit plus souple pour les pays de l’espace Schengen que pour les autres, surtout si l’on considère que l’Europe est le continent le plus touché par la pandémie.

M. Philippe Gosselin. Je souhaite également m’élever avec force contre ce qui constitue une forme de discrimination envers nos compatriotes ultramarins et une rupture d’égalité avec ceux qui vivent sur le territoire métropolitain. La rédaction initiale de l’article 2, qui mettait quasiment en œuvre une assignation à résidence, était exécrable ; le texte dont nous discutons est un peu plus présentable. Mais si une telle disposition était adoptée, nos collègues ultramarins ne pourraient même plus venir à l’Assemblée nationale exercer leurs fonctions !

Il pourrait éventuellement être possible que, pour des raisons sanitaires précises, tel ou tel département ou territoire d’outre-mer fasse temporairement exception, de manière très encadrée – dans la situation actuelle, ce pourrait être le cas de Mayotte qui se trouve en zone rouge. Mais il n’est pas acceptable de mettre en œuvre ces dispositions de manière généralisée, tel que le propose le texte, car cela reviendrait à pointer et stigmatiser les ultramarins. Je ne vois pas pourquoi il y aurait deux poids et deux mesures entre des citoyens français, selon qu’ils habitent la France continentale ou en outre-mer.

M. Didier Paris. Je ne vois pas en quoi l’amendement tel qu’il est rédigé viendrait péjorer la situation des ultramarins. Ce n’était en aucune façon l’objectif recherché. Il faudrait peut-être l’écrire différemment mais, m’appuyant sur les nombreuses déclarations du Gouvernement sur le sujet, je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement CL304 de Mme Sabine Thillaye. 

Puis elle examine l’amendement CL228 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Dans le texte tel qu’il est actuellement rédigé, la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection, entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution. L’amendement ajoute à ces dispositions les personnes présentant des signes évidents de contamination au Covid‑19, mais ne provenant pas d’une zone où l’infection est connue pour circuler. Il serait incohérent et dangereux de ne pas le faire.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Votre amendement vise à ce que la quarantaine concerne aussi l’ensemble des personnes présentant des signes évidents de contamination. Je ne vois pas comment il serait possible d’apprécier cela, sachant qu’il existe des porteurs asymptomatiques. L’amendement aurait en outre pour effet de maintenir le régime d’isolement et de quarantaine sous contrainte pour des personnes n’ayant pas voyagé ; c’est contraire aux engagements pris par le Gouvernement et aux principes exprimés par le Sénat, qui ont réaffirmé l’importance de la responsabilité individuelle. J’émets donc un avis défavorable, à la fois pour des raisons opérationnelles – nous ne sommes pas capables de savoir avec certitude si une personne est atteinte – et pour respecter ces engagements.

Mme Emmanuelle Ménard. Cela signifie-t-il qu’une personne arrivant en France en provenance d’une zone où l’infection n’a pas circulé, mais qui présente des signes évidents de contamination, échappera à toute quarantaine ? Le conseil scientifique ne cesse de répéter qu’une toux, une fièvre, des douleurs, une perte du goût ou de l’odorat constituent des signes évidents d’alerte. Nous devons les prendre en considération.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL238 de Mme Emmanuelle Ménard, CL129 de M. Éric Ciotti et CL36 Mme Marie-France Lorho.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous avons assisté à un chassé-croisé de déclarations contradictoires de la part de l’exécutif. La France n’imposera aucune quarantaine à toute personne, quelle que soit sa nationalité, en provenance de l’Union européenne, de la zone Schengen ou du Royaume-Uni, a annoncé le Président de la République dimanche. La veille, le ministre de la santé affirmait que les mesures de quarantaine prévues dans le projet de loi s’appliqueraient aux personnes entrant sur le territoire national ou arrivant dans un territoire d’outre-mer. Je ne comprends pas pourquoi les résidents de l’Union européenne, de la zone Schengen ou du Royaume‑Uni seraient moins contagieux que les autres, alors même que le Royaume-Uni est le deuxième pays le plus touché en Europe. L’infection circule de manière évidente dans certains de ces pays. Il convient, par respect du principe de précaution, d’appliquer les dispositions de quarantaine et d’isolement aux personnes qui en viennent.

M. Éric Ciotti. Cet amendement met en place un dispositif analogue pour tous les individus, résidents ou non d’un pays membre de l’espace Schengen. L’approche dichotomique est totalement inappropriée ; parmi les pays qui ont subi une forte propagation du virus, beaucoup se trouvent en Europe. Le bilan au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne dépasse les 25 000 morts. Il est aberrant que l’on limite la circulation sur un rayon de cent kilomètres à l’intérieur du territoire tout en ouvrant à nouveau nos frontières. Je l’ai dit ici même le 25 février, alors que les premiers signes épidémiques apparaissaient en Italie et que la fermeture de la frontière franco-italienne, que j’avais demandée dans une question au Gouvernement, avait été catégoriquement refusée.

Dans son intervention du 12 mars, le Président de la République a pointé le danger de la résurgence des nationalismes pour s’opposer à toute restriction à la frontière. Alors que le principe de précaution aurait dû être appliqué, cette attitude idéologique a eu des conséquences dramatiques. Je ne comprends pas pourquoi on limite la circulation à l’intérieur de notre pays tout en laissant ouverte la frontière franco-italienne à Menton, où les flux de circulation se sont multipliés en de semaine dernière. Dans une réunion hier, le préfet des Alpes-Maritimes a demandé des forces de police supplémentaires pour maîtriser ces échanges que je considère totalement inconséquents par rapport à la gravité de la situation. Tous les pays présentant une menace – y compris dans l’espace Schengen – doivent être traités de la même manière.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le projet de loi permet de prendre sans restriction particulière des mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement pour des personnes revenant de l’étranger, selon une approche maximaliste. Ce sera ensuite au Gouvernement de décider si un périmètre plus précis doit être défini, et lequel. Si nous les inscrivions dans la loi, ces dispositions nous lieraient les mains et priveraient le Gouvernement de l’adaptabilité dont il a besoin pour mettre en œuvre le déconfinement de manière progressive.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL130 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Le présent amendement prévoit que, lorsque le comportement d’un étranger en situation irrégulière crée un risque grave de contamination, son placement à l’isolement est prononcé, sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé, par décision individuelle motivée du préfet. La décision est subordonnée à la constatation médicale de l’infection. Le procureur de la République en est immédiatement informé.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. J’émets un avis fondamentalement défavorable. La virulence du virus et le danger qu’il fait courir à la population n’ont aucun lien avec la situation administrative des uns et des autres ; il n’y a pas lieu d’isoler ou non en fonction du passeport des personnes.

M. Éric Ciotti. Par définition, cette situation n’est pas classifiable. Puisqu’elle concerne un public spécifique, je propose qu’elle fasse l’objet d’un traitement spécifique.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Tel qu’il est rédigé, votre amendement n’implique pas le franchissement d’une frontière. Je confirme mon avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CL230 de M. M’jid El Guerrab. 

M. Paul Molac. Cet amendement vise à renforcer la légitimité des mesures de mise en quarantaine et en isolement. Leur prononcé doit être fondé sur des données scientifiques et rationnelles que seuls des experts sont habilités à examiner.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le comité scientifique est régulièrement sollicité pour évaluer la situation sanitaire, ce qui permet au pouvoir politique de décider ensuite. Je comprends la tentation de soumettre toute décision politique à une consultation préalable. Cependant, comme nous l’avions dit à l’occasion du débat sur la loi du 23 mars, si le pouvoir politique doit effectivement être périodiquement éclairé – et il l’est – en tenant compte d’avis publiés dans les plus brefs délais, c’est bien à lui que revient la responsabilité de ce type de décisions.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL227 de M. M’jid El Guerrab. 

M. Paul Molac. Cet amendement propose que soit confié à Santé publique France le soin d’établir la liste des zones de circulation de l’infection sur laquelle fonder les mesures de quarantaine.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL67 de M. Éric Coquerel. 

M. Alexis Corbière. Cet amendement précise que les mesures de quarantaine et d’isolement ne pourront être prises que sur la base du volontariat. Il s’agit d’abord de contrer les stratégies d’évitement de certaines personnes qui, pensant qu’un maintien en isolement pourrait leur être imposé, chercheraient à se soustraire aux tests. S’il était question de contraindre des gens contre leur volonté, il faudrait pour les accueillir des dispositifs d’une toute autre nature ; il s’agirait alors de prisons ou de lieux de rétention – ce dont nous ne disposons pas. Mais j’espère que personne n’envisage l’enfermement des malades dans un dispositif de type pénitentiaire. Il faudrait donc proposer aux personnes contaminées un hébergement – par exemple des chambres d’hôtel réquisitionnées – pour quatorze jours, qu’elles auraient le loisir de refuser en choisissant un autre lieu d’isolement, éventuellement leur domicile. Sans caractère volontaire, la stratégie de tests s’effondrerait ; tous les médecins vous le diront.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Toute la stratégie de lutte contre la propagation du virus doit en effet reposer sur la responsabilité individuelle, la bonne volonté et la liberté de chacun. Que celui qui présente des symptômes aille faire un test, et que quiconque recensé comme un contact avec une personne contaminée se fasse également tester, avant de se placer de son propre chef en quarantaine, voire à l’isolement !

C’est bien le cadre global du projet de loi qui nous est soumis. Il contient une disposition – dont nous venons de parler – qui contraint les individus revenant de l’étranger. Celle-ci est très réduite ; cependant, elle a du sens dans certains cas particuliers, par exemple pour l’outre-mer ou la Corse. Elle permet de faire en sorte que les individus qui franchissent notre frontière, de métropole ou d’outre-mer, se voient contraints à une quarantaine ou – dans le cas où ils seraient malades – à un isolement. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL335 de M. Michel Castellani. 

M. Paul Molac. Les mesures de quarantaine et d’isolement ne s’appliqueraient pas aux personnes entrant sur le territoire corse sous condition de présentation d’un justificatif attestant de l’absence d’infection, par test sérologique ou test RT-PCR réalisé dans un délai maximum de sept jours avant le transport.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je comprends bien les impératifs, notamment touristiques, qui ont présidé à la rédaction de cet amendement. Il me semble toutefois inutile. Il faut faire confiance au représentant de l’État à qui il revient de prendre, sur le terrain, des mesures individuelles, dans le cas où une personne serait testée positive. Et si vous ne croyez pas à la rationalité de l’administration déconcentrée, dites-vous que les articles 2 et 3 du projet de loi prévoient expressément ces dispositions !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine successivement les amendements CL235, CL246, CL248, CL269, CL270, CL271, CL272, CL274, CL276, CL277, CL278, CL284, CL289, CL290, CL291 et CL292 de M. M’Jid El Guerrab.              

M. Paul Molac. Un pays de l’espace Schengen peut être davantage touché par l’épidémie qu’un pays africain. M. El Guerrab, député des Français de l’étranger, propose qu’il soit tenu compte de la situation sanitaire locale et que les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement ne soient pas opposées aux personnes en provenance d’Afrique du Nord ou d’Afrique de l’Ouest.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je me suis déjà exprimée sur ce sujet.

La Commission rejette successivement les seize amendements.

Puis elle examine l’amendement CL330 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Paul Molac. Nous proposons d’expérimenter en Corse la mise en place d’une autorisation de voyager attestant de la non-infection au coronavirus.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL92 de Mme Danièle Obono. 

M. Alexis Corbière. Nous ne comprenons pas que le Gouvernement refuse d’autoriser les préfets à réquisitionner les chambres d’hôtel pour placer les personnes positives à l’isolement, si elles en sont d’accord.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La personne positive peut exercer sa quarantaine à son domicile ou, à son convenance, dans un lieu identifié par le préfet.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL213 de M. Patrick Hetzel.

M. Raphaël Schellenberger. Les mesures de quarantaine et d’isolement doivent être accompagnées de la mise en place d’un protocole de soins.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. C’est ce qui est prévu à l’alinéa 18 de l’article 2.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL97 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL52 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Pour mettre fin à une quarantaine avant son terme, il faut soumettre la personne à un test.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Il est précisé au même alinéa que la mainlevée de la mesure est conditionnée à l’état de santé de la personne concernée. C’est au médecin de le déterminer.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL93 de M. Éric Coquerel, qui fait l’objet d’un sous-amendement CL395 de la rapporteure.

M. Alexis Corbière. Depuis le 17 mars, les appels d’urgence ont augmenté de 20 % et les appels considérés comme urgents de 60 %. Nous souhaitons une protection supplémentaire pour les enfants victimes de violences familiales. Si l’éviction de l’auteur ne peut être exécutée, que les autres membres de la famille soient hébergés dans le cadre de mesures de quarantaine ou d’isolement, au besoin dans des chambres d’hôtel réquisitionnées !

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Les sénateurs ont adopté une disposition similaire concernant les victimes de violences conjugales. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de supprimer l’énumération des articles du code pénal. Le dispositif de l’article 2 n’étant pas de nature pénale, viser des « violences » apparaît à la fois suffisant et de nature à couvrir l’ensemble des actes susceptibles de recevoir cette qualification, sans préjudice du texte pénal.

M. Alexis Corbière. Le sous-amendement élargit donc le dispositif. Il me convient tout à fait !

La Commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement CL215 de M. Guillaume Chiche est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL331 de M. François-Michel Lambert.

M. Paul Molac. Les victimes de violences conjugales, bien souvent sous emprise, ont besoin d’un suivi psychologique pour se défaire d’une relation toxique. Il convient d’assurer, lors de leur placement en quarantaine dans un lieu d’hébergement, un accompagnement sanitaire, médical et social adapté.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Ainsi que le prévoit l’article 3, l’accompagnement médical est décidé au cas par cas. L’accompagnement dédié aux victimes de violences conjugales dépasse le cadre de ce projet de loi. Je vous demande de retirer cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL37 de Mme Marie-France Lorho.

La Commission examine l’amendement CL131 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Pour les étudiants français de retour sur le territoire national, les quarantaines sont par principe réalisées au domicile, sauf lorsque cela s’avère impossible.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable : on ne saurait créer de catégories parmi les personnes revenant de l’étranger. L’alinéa 12 prévoit que les mesures de quarantaine et d’isolement peuvent se dérouler, si les personnes en font le choix, à leur domicile.

La Commission rejette l’amendement.

La rapporteure ayant émis un avis de sagesse, la Commission adopte l’amendement CL202 de M. Stéphane Peu.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Il est vingt heures. Saluons les soignants, les pompiers, les policiers, les personnels de ménage, les éboueurs !

Les députés se lèvent et applaudissent.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CL243 de Mme Élodie Jacquier-Laforge. 

Mme Isabelle Florennes. Il est primordial que les personnes en quarantaine aient en leur possession toutes les précisions et informations nécessaires.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL30 de M. Christophe Arend. 

M. Rémy Rebeyrotte. Il faut permettre aux autorités locales de prendre des décisions permettant de réduire au maximum les difficultés rencontrées par les habitants des régions transfrontalières et de conclure, par exemple, des accords de réciprocité.

 Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avec la loi du 23 mars 2020, le législateur a conféré au Gouvernement la possibilité d’habiliter les autorités préfectorales à prendre des mesures d’adaptation des prescriptions nationales ou à agir en lieu et place du Gouvernement lorsque les mesures sont exclusivement locales. Ces dispositions figurent à l’article L. 3131-17 du code de la santé publique.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL229 de M. M’Jid El Guerrab.

Elle examine ensuite successivement les amendements CL25 et CL26 de M. Adrien Morenas. 

M. Stéphane Mazars. La pêche professionnelle étant autorisée, le premier amendement autorise la vente de prestations dans le cadre de l’activité de moniteur-guide de pêche. L’amendement CL26 autorise la pêche de loisir, toujours dans le respect des normes et des protocoles sanitaires.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat concernant les plages, les cafés, les restaurants et les hôtels. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte alors l’article 2 modifié.

3. Troisième réunion du mercredi 6 mai 2020

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9019497_5eb30f8b672fe.commission-des-lois--projet-de-loi-prorogeant-l-etat-d-urgence-sanitaire-et-completant-ses-disposit-6-mai-2020

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9019855_5eb329b69907a.commission-des-lois--projet-de-loi-prorogeant-l-etat-d-urgence-sanitaire-et-completant-ses-disposit-6-mai-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous reprenons nos travaux, nous en étions après l’article 2. Les interventions seront désormais limitées à une minute afin de pouvoir achever l’examen du texte ce soir.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL65 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. L’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 rabote les délais relatifs à la consultation du comité social et économique et au déroulement des expertises réalisées à sa demande. Il porte ainsi atteinte aux droits des travailleurs alors qu’il faudrait, au contraire, que ces derniers puissent se réunir sur leur lieu de travail pour déterminer les conditions sanitaires nécessaires à un retour en toute sécurité dans leur entreprise.

Les règles de sécurité n’étaient déjà pas respectées dans certains secteurs, y compris ceux dits non essentiels, durant le confinement, et nous craignons que ces manquements ne se multiplient avec le déconfinement. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation de ces dispositions.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avec le déconfinement le retour au droit commun du travail est une aspiration légitime, mais l’urgence dans laquelle nous examinons ce texte ne nous a pas permis d’évaluer les effets d’une telle abrogation.

Je vous invite donc à retirer votre amendement et à le déposer en séance demain pour interroger le ministre.

Mme Danièle Obono. Ma préoccupation est, non pas d’avoir l’avis du ministre, mais de garantir la sécurité sanitaire des travailleurs. Il est de notre responsabilité en tant que parlementaires d’agir dès maintenant à cette fin, car des millions de personnes s’apprêtent à retourner sur leur lieu de travail et ont besoin des outils pour assurer leur sécurité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL28 de Mme Pascale Fontenel-Personne.

M. Jean-Michel Mis. Afin que la réouverture des cafés, hôtels, restaurants et discothèques se déploie dans un cadre concerté et progressif, il est proposé de créer par décret, dans un délai de quinze jours suivant la publication de la loi, des îlots tests pour définir les mesures sanitaires indispensables à la reprise des activités du secteur.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. L’attention que vous portez à ce secteur est légitime mais vous aurez compris lors du débat de cet après-midi que j’étais défavorable à de telles mesures. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL334 de M. Michel Castellani.

M. Paul Molac. La Corse est un territoire aux nombreuses spécificités : son économie est fortement dépendante de l’activité touristique ; elle dispose d’un petit nombre de places en réanimation et 30 % de sa population est âgée de plus de 60 ans.

L’amendement vise à ce que la collectivité de Corse élabore, en lien avec le représentant de l’État et l’agence régionale de santé (ARS), un plan de déconfinement qui lui soit adapté.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. L’amendement inverse la répartition des compétences : ordonner un confinement ou un déconfinement n’est pas du ressort des collectivités territoriales puisque la garantie des libertés publiques est une prérogative essentielle de l’État, qui l’exerce en lien avec les élus locaux et les forces vives du territoire.

La disposition vaudrait décentralisation de ces compétences au bénéfice de la collectivité de Corse. L’avis est donc défavorable.

M. Paul Molac. Il faudrait tout de même se départir de ce dogme de la centralisation absolue et tenir compte des spécificités de chaque territoire. Dans les pays où la prise de décision est décentralisée, les choses fonctionnent beaucoup mieux. Comme je l’indiquais tout à l’heure, la règle des 100 kilomètres est inapplicable en Corse !

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL333 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Paul Molac. Ainsi que l’autorise l’article 37-1 de la Constitution, une stratégie spécifique concertée de sortie progressive du confinement, accompagnée de mesures économiques et sociales fortes, est nécessaire pour la Corse, et ce, dans le cadre général défini par le Gouvernement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Article 2 bis (art. L. 3131‑16 du code de la santé publique) : Coordination

La Commission adopte l’article 2 bis sans modification.

Article 3 (art. L. 3131‑17 du code de la santé publique) : Régimes juridiques de la quarantaine et de l’isolement

La Commission examine l’amendement CL205 de M. Sacha Houlié.

M. Sacha Houlié. Suivant le considérant 14 de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, l’amendement vise à élargir les garanties prévues à l’article L. 3131-17 du code de la santé publique à l’ensemble des mesures individuelles prises dans le cadre de l’état d’urgence. Il s’agit de la capacité de saisir pour toute mesure d’ordre individuel le juge des libertés et de la détention, lequel peut également se saisir à tout moment ; le procureur doit en être avisé.

Bien qu’il soit justifié par l’objectif d’intérêt général poursuivi, l’état d’urgence porte gravement atteinte aux libertés fondamentales. Il est donc essentiel que le droit d’accès au juge soit garanti, et que le contrôle judiciaire s’ajoute au contrôle parlementaire.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le projet de loi modifié par le Sénat prévoit déjà la compétence du juge des libertés et de la détention pour toutes les mesures de quarantaine et d’isolement, c’est-à-dire pour toutes les mesures de l’état d’urgence sanitaire attentatoires à la liberté individuelle.

Je ne trouve pas, à l’article L. 3131-15, d’autres mesures individuelles de privation ou de restriction de liberté que celles-ci, à moins d’interpréter la restriction de circulation comme une série de mesures individuelles et non comme une seule mesure collective.

Il me semble que la ligne retenue par le Sénat est satisfaisante : les mesures qui impliquent un enfermement, même partiel, sont du ressort du juge judiciaire, les autres – sur les biens, les prix, les transports, les réunions – relèvent du juge administratif, tout à fait compétent et rapide à statuer lorsqu’il est saisi par référé-liberté. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Sacha Houlié. Je vais retirer mon amendement, car il a été rédigé avant l’examen du texte par le Sénat ; il est en effet satisfait par l’alinéa 5 de l’article 3 tel que modifié sur l’initiative du sénateur Philippe Bas.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL349 de M. M’Jid El Guerrab.

M. Paul Molac. Il ne paraît pas souhaitable de permettre au préfet d’ordonner des mesures aussi attentatoires aux libertés fondamentales. On en revient toujours à la même opposition entre ceux qui défendent une justice administrative et ceux qui préfèrent s’appuyer sur la justice judiciaire. Je reprendrai à mon compte la comparaison d’un autre : la justice administrative est à la justice ce que la musique militaire est à la musique.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le préfet peut déjà adresser à la population toutes les recommandations qu’il juge utile. Nous n’inscrivons dans la loi que ce qui régit les décisions, c’est-à-dire les actes susceptibles de faire naître une contrainte sur la vie des personnes. L’avis est défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL337 de M. Charles de Courson.

Elle est saisie de l’amendement CL13 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il nous semble nécessaire de préciser que la décision du préfet doit faire mention des voies et délais de recours ainsi que des modalités de saisine du juge des libertés et de la détention.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Votre préoccupation me paraît déjà satisfaite par le droit en vigueur, mais accepter votre proposition ne peut pas faire de mal : il suffira à l’administration d’ajouter une ligne à son modèle de formulaire. L’avis est favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL104 de M. Jean-François Mbaye.

Elle examine l’amendement CL14 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Marietta Karamanli. Afin de renforcer les garanties encadrant les mesures d’isolement et de quarantaine, nous souhaitons que celles-ci soient prises sur le fondement d’un test virologique et que les personnes concernées aient la possibilité de solliciter une contre-expertise.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Inscrire dans le texte l’expression « au minimum un test virologique » me paraît aventureux, car la façon dont le Covid-19 peut être diagnostiqué dépasse la compétence de la plupart d’entre nous.

Je propose de faire confiance aux médecins : si l’un d’eux atteste qu’une personne est infectée, il est très probable que ce soit le cas, quelle que soit la méthode employée pour parvenir à ce diagnostic. L’isolement, je le rappelle, est bien subordonné à un avis médical. L’avis est défavorable.

Mme Marietta Karamanli. Ce qui nous importe avant tout, c’est qu’un test soit effectué. Nous pouvons donc modifier l’amendement en ce sens. Sur tous les bancs, d’ailleurs, il est demandé qu’il y ait plus de tests.

M. Jean-François Eliaou. L’amendement me paraît satisfait par l’alinéa 6, où il est précisé que le placement et le maintien en isolement sont prononcés au vu d’un certificat médical. Or celui-ci, établi par un médecin, s’appuiera nécessairement sur des tests cliniques mais également sérologiques ou virologiques.

Mme Cécile Untermaier. La précision n’apparaît pas dans le texte : le diagnostic n’exige pas de test. La constatation médicale doit être davantage encadrée par le législateur dès lors qu’elle appuie une décision de mise en quarantaine ou à l’isolement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je vous renvoie également à l’alinéa 6 de l’article 3 : « Le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l’infection de la personne concernée. »

Ce que vous demandez risque de poser des problèmes, et un simple test est moins valable qu’une constatation médicale. Prenons l’exemple d’une personne de retour de l’étranger et ayant été en contact avec un passager infecté : elle sera placée en quarantaine sur la base de cette information, bien que n’étant pas nécessairement atteinte par le Covid-19.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL66 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Le juge des libertés et de la détention doit pouvoir intervenir systématiquement et statuer en quarante-huit heures sur la mise en quarantaine et sa prolongation au lieu des soixante-douze heures prévues.

Comme l’a souligné le Défenseur des droits, le maintien dans le texte de l’obligation de mise en quarantaine pour les personnes entrant sur le territoire national ou arrivant dans un territoire d’outre-mer « constitue une importante atteinte à la liberté d’aller et venir ». Il estime donc nécessaire d’introduire le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention dans les quarante-huit heures de la mise en quarantaine, totale ou partielle. À tout le moins, celui-ci devrait automatiquement être saisi pour toute prolongation.

Les garde-fous introduits par le Sénat nous paraissent à cet égard insuffisants.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je suis très défavorable : l’examen systématique dans un délai de quarante-huit heures risque de multiplier à l’infini les dossiers soumis au juge, ce qui nuirait aux justiciables eux-mêmes. L’isolement médical n’équivaut pas à une mise en détention ou à un placement en rétention : on peut supposer que, contrairement aux personnes détenues, la personne infectée n’aura pas pour objectif de sortir au plus vite ou de faire juger son dossier.

Le dispositif retenu me paraît équilibré : l’accès au juge est ouvert sans délai à ceux qui le souhaitent, et le jugement doit être rendu dans un délai restreint de soixante-douze heures, ce qui laisse le temps de recueillir un avis médical.

Mme Danièle Obono. Nous proposons simplement de raccourcir le délai d’examen, et non pas de rendre celui-ci systématique. Au vu des restrictions apportées aux libertés fondamentales par ce régime d’exception, ce serait un minimum. L’argument de l’encombrement du système judiciaire ne me paraît donc pas recevable. Il faudra de toute façon que le juge statue si ces décisions venaient à se multiplier. Quant au manque de magistrats, c’est un autre argument, et il ne me paraît pas plus acceptable d’adapter la législation à la pénurie de juges.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Il est bien écrit dans l’amendement qu’il s’agit d’un contrôle systématique, madame Obono ; je n’invente rien !

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL15 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Nous demandons que le contrôle du juge des libertés et de la détention soit automatique pour chaque décision d’isolement ou de quarantaine, conformément à l’avis du Défenseur des droits.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CL16 de Mme Cécile Untermaier et CL75 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Comme je l’ai expliqué précédemment, je ne suis pas favorable à une réduction de soixante-douze à quarante-huit heures du délai dans lequel le juge statue sur les mesures de quarantaine et d’isolement.

Mme Danièle Obono. Pour en revenir à l’amendement précédent, le caractère systématique du contrôle des décisions de mise en quarantaine ou en isolement découle de ce que celles-ci valent obligation.

En outre, je constate que vous n’avez pas réfuté adapter votre stratégie à la pénurie de juges pour éviter l’encombrement des tribunaux. De notre point de vue, les moyens humains alloués à la justice sont largement insuffisants pour répondre aux besoins.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL316 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Nous nous réjouissons que les amendements adoptés par nos collègues sénateurs aient renforcé le contrôle du juge des libertés et de la détention, mais il convient que la décision de ce dernier soit immédiatement exécutoire, nonobstant appel, notamment lorsqu’il met fin à la mesure de quarantaine ou d’isolement. Cette mention dans le corps de la loi coupe court à toute discussion sur un éventuel effet suspensif de l’appel.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL38 de Mme Marie-France Lorho.

La Commission est saisie de l’amendement CL318 de M. M’jid El Guerrab.

M. Paul Molac. Les personnes visées par une prolongation des mesures d’isolement doivent pouvoir saisir une seconde fois le juge des libertés et de la détention

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je vous propose de nous en tenir au droit commun selon lequel les personnes concernées peuvent faire appel de la décision du juge devant le premier président de la Cour d’appel.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL326 de M. M’jid El Guerrab.

M. Paul Molac. Aucune prolongation des mesures de placement en quarantaine ou à l’isolement ne peut avoir lieu au-delà d’un délai de vingt-huit jours.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Cet amendement est satisfait, la seule prolongation possible étant fixée au quatorzième jour. Je vous invite à retirer votre amendement, sinon, avis défavorable.

M. Paul Molac. Je le retire et nous verrons ce qu’il en sera lors de la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL76 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 9 pour fonder juridiquement et médicalement la reconduction de la mise en isolement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le juge demandera forcément un avis médical avant de prononcer sa décision. Demande de retrait ou avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL239 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. Il s’agit de limiter la durée de prolongation de mise en quarantaine ou de maintien en isolement à un mois, quelles que soient les conditions, et pas seulement lorsque la personne ne peut pas sortir de chez elle.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Votre première préoccupation est satisfaite, l’article 2 du projet de loi limitant la durée de la quarantaine à un mois, mais votre amendement aurait également pour effet de soustraire au contrôle du juge la prolongation des quarantaines, ce qui n’est pas une bonne idée. Si vous ne pouvez pas sortir de chez vous, hormis pour faire les courses, votre liberté est obérée et il est donc légitime que le juge en soit saisi.

M. Jean-François Eliaou. Sauf erreur de ma part, le texte vise les seules personnes qui ne peuvent pas sortir de chez elles, et je propose que la limitation de la durée de prolongation les vise toutes. L’interdiction de sortir de chez soi ne doit pas être seule déterminante pour recourir au juge des libertés et de la détention.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement et que nous en reparlions en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL264 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Il s’agit de respecter le parallélisme des formes avec l’alinéa 6 en ce qui concerne la « constatation médicale » de l’infection et la prise de décision du représentant de l’État « au vu d’un certificat médical ». Puisqu’à l’alinéa 8, la prolongation s’effectue « après avis médical », l’alinéa 9 doit prévoir qu’un certificat médical est fourni à l’appui de la demande du préfet, ce qui permettra au juge des libertés et de la détention d’apprécier la situation médicale réelle de la personne.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je comprends votre intention mais elle n’aurait pas l’effet escompté.

La préfecture soumet au juge la demande de prolongation de la quarantaine. C’est à elle d’apporter des éléments à l’appui de sa demande. Le juge, quant à lui, n’ordonnera pas de prolongation sans un avis médical. Il est donc cohérent d’exiger un certificat médical pour la décision préfectorale de placement, qui ne fait pas l’objet d’un débat contradictoire – comme le prévoit le projet de loi –, mais il n’est pas utile de l’imposer par la loi pour la prolongation, car le juge n’y manquera pas. Demande de retrait.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL317 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Il s’agit de remplacer les mots « statué sur » par le mot « autorisé ».

À l’issue de la période de quatorze jours, la prolongation de la détention, initialement décidée par le préfet, n’est pas seulement contrôlée par le juge de l’ordre judiciaire mais autorisée par celui-ci, et ce pour une bonne pratique de la séparation des pouvoirs.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL244 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Isabelle Florennes. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de celui que j’ai défendu à l’article 2.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

La Commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL2 de Mme Danielle Brulebois.

Article 3 bis (art. L.1226–9–1 [nouveau], L.3314–5 et L.3324–6 du code du travail) : Garanties dont bénéficient les personnes placées en quarantaine au regard du droit du travail

La Commission adopte l’article 3 bis sans modification.

Article 4 (art. L.3131–18 du code de la santé publique) : Compétence du juge des libertés et de la détention dans le contentieux relatif à la mise en quarantaine et au placement à l’isolement

La Commission examine les amendements de suppression CL53 de Mme Emmanuelle Ménard et CL265 de M. Pascal Brindeau.

Mme Emmanuelle Ménard. Le II de l’article L. 3131-17 mentionne l’article L. 3131-1 du code de la santé publique qui dispose dans son alinéa 3 que : « Le représentant de l’État dans le département et les personnes placées sous son autorité sont tenus de préserver la confidentialité des données recueillies à l’égard des tiers ».

Si la confidentialité des données a été violée, des recours doivent pouvoir être portés devant le juge administratif.

M. Pascal Brindeau. Cet amendement vise à supprimer l’article 4, qui empêche l’accès au juge administratif pour contester les mesures de quarantaine et d’isolement.

Si le juge des libertés et de la détention apprécie la décision du préfet, cela ne justifie pas de supprimer le juge administratif, qui peut statuer plus vite, en quarante-huit heures pour les référés, et pas sur les mêmes questions de droit.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable.

L’article 4 ne vise pas à supprimer le droit au recours au juge administratif mais à ouvrir celui au juge des libertés et de la détention s’agissant des mesures de quarantaine et d’isolement.

En l’état du droit, l’article L. 3131-18 du code de la santé publique définit un bloc de compétence de la juridiction administrative pour les recours à l’encontre des mesures liées à l’état d’urgence sanitaire.

L’article 3 du présent projet de loi ayant confié au juge des libertés et de la détention le contentieux relatif aux mesures de mise en quarantaine et de placement, et de maintien à l’isolement, cet article prévoit, par voie de conséquence, que le juge administratif n’est plus compétent en la matière.

M. Pascal Brindeau. Mme la rapporteure vient de démontrer que cet article exclut la possibilité de saisir le juge administratif. Or c’est précisément ce que nous contestons.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 4 sans modification.

Après l’article 4

La Commission examine l’amendement CL19 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à assurer la gratuité des masques adaptés contre la propagation du virus Covid-19. Toutefois, afin de garantir sa recevabilité financière, il instaure cette gratuité à travers la création d’un crédit d’impôt égal à 100 % des dépenses effectués par les Français pour leur achat.

Dans son avis du 20 avril portant sur la sortie progressive de confinement, le conseil scientifique a établi un certain nombre de prérequis et de mesures phares, soulignant la nécessité de disposer de stocks de protections matérielles pour l’ensemble de la population, jugeant par ailleurs que l’efficacité des masques alternatifs n’est pour le moment pas démontrée.

Plus loin, le conseil considère que les personnels soignants doivent disposer de gels hydroalcooliques et de masques.

Le port du masque n’exonère certes pas la population de la poursuite du respect des gestes barrière, la distanciation étant le moyen le plus efficace pour endiguer la contagiosité du virus, mais il importe que chacun puisse en avoir gratuitement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Vous soulevez un vrai problème, en particulier pour les familles les moins aisées.

Je rappelle que la TVA sur les masques a diminué de 15 points, que les prix ont été baissés afin de s’assurer que les répercussions soient effectives pour le consommateur, qu’ils ont été garantis pour les masques au détail et en gros – peut-être un décret pourrait-il être pris afin qu’il en aille de même pour les masques réutilisables –, et que le Gouvernement a annoncé que les commandes des collectivités territoriales passées à partir du 13 avril seraient remboursées à hauteur de 50 %.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marietta Karamanli. Vous semblez en effet sensible à cette question et peut-être pourriez-vous aller un peu plus loin. En tant que parlementaires, nous pouvons aussi donner la possibilité au Gouvernement de se positionner en ce sens en séance publique.

Mme Danièle Obono. Nous avons, quant à nous, déposé une proposition de loi visant à assurer la gratuité des masques.

La réponse de la rapporteure montre combien il est nécessaire de prendre des mesures plus fortes que celles du Gouvernement. Les masques sont dix fois plus chers qu’en janvier, ce qui pénalise non seulement les familles dont la situation est précaire, mais aussi la classe moyenne. Ce scandale est d’autant plus grave qu’il concerne la sécurité sanitaire.

Vous créez des obligations sans donner aux gens les moyens d’y satisfaire. Le Gouvernement et la majorité devront accepter des formes de gratuité sans quoi nous ne parviendrons pas à réduire la contamination.

La Commission rejette l’amendement.

Article 4 bis (art. L.3115–1 et L.3131–1 du code de la santé publique) : Harmonisation des procédures relatives à la quarantaine et au placement à l’isolement

La Commission adopte l’article 4 bis sans modification.

Après l’article 4 bis

La Commission examine l’amendement CL294 de M. Patrick Hetzel.

M. Raphaël Schellenberger. Infirmières et infirmiers doivent pouvoir déclencher et effectuer des tests et des prélèvements afin d’augmenter massivement le nombre de ces derniers.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Demande de retrait puisque les infirmiers sont partie prenante de la stratégie globale de dépistage et peuvent effectuer le prélèvement naso-pharyngé.

La prescription, quant à elle, doit rester médicale, car elle s’inscrit dans l’ensemble du dispositif de contact-tracing dont nous parlerons à l’article 6.

M. Raphaël Schellenberger. Précisément, ce dispositif permettra un accès très large à la base de données, notamment à des personnels administratifs qui ne sont pas soumis au secret médical, alors que les infirmiers en sont exclus. Cet amendement me semble donc particulièrement pertinent.

La Commission rejette l’amendement.

Article 5 (art. L. 3136 1 du code de la santé publique) : Catégories d’agents habilités à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire

La Commission examine l’amendement de suppression CL64 de M. Alexis Corbière.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons témoigner de notre opposition à l’élargissement des personnes habilitées à constater les infractions de non-respect des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Le ministre de l’intérieur s’est récemment félicité du nombre de verbalisations. Des mesures particulières ont été prises pour certains territoires sans qu’on trouve à les justifier. Des verbalisations ont été considérées comme abusives et ont engendré des tensions.

Les agents habilités connaissent déjà des difficultés de discernement ; étendre la possibilité de faire des contrôles à des personnes qui n’ont pas la formation de ces derniers nous semble problématique, qui plus est dans un contexte de pénurie de masques.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je comprends votre opposition de principe aux sanctions, mais j’ai aussi une opposition de principe à votre amendement. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Il ne s’agit pas d’une opposition de principe aux sanctions. Encore faut-il pouvoir discuter de leur nature et, surtout, de leur efficacité. Depuis plusieurs années, le bilan en matière de sanctions pénales témoigne que ce n’est pas nécessairement la meilleure façon de faire.

De surcroît, des contrôles disproportionnés et discriminatoires dans des territoires où les populations sont économiquement et socialement désavantagées sont encore plus contradictoires avec une sanction censée permettre aux personnes concernées d’adopter de meilleures façons de faire.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL62 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. À l’heure où il conviendrait plutôt de mettre un terme à la surpopulation carcérale, des dizaines de condamnations ont débouché sur des peines de prison ferme, sur le fondement du délit de non-respect du confinement. Cela va à l’encontre des objectifs d’éradication du virus puisque les conditions de détention ne permettent pas de garantir la protection des détenus et des fonctionnaires.

De notre point de vue, les sanctions envisagées sont disproportionnées. Le dispositif que vous proposez semble, en effet, méconnaître le droit à un recours effectif, les droits de la défense, le principe de légalité des délits et des peines ainsi que le principe de nécessité et de proportionnalité des peines.

Nous proposons donc la suppression de l’alinéa 4 de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL343 de M. François Michel-Lambert.

M. Paul Molac. En tant qu’agents chargés de certaines fonctions de police judicaire exerçant des missions de service public et œuvrant pour la protection de diverses propriétés, les gardes particuliers assermentés représentent une ressource humaine essentielle et non négligeable dans la stratégie sécuritaire de notre pays. Leur réquisition, dans certains départements, dans le cadre des missions de contrôle du respect du confinement en vigueur en milieu naturel et rural illustre leur valeur ajoutée et démontre qu’ils peuvent apporter une aide précieuse dans pareilles circonstances. Visiblement, il s’agit de leur permettre de verbaliser !

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Demande de retrait. Si un garde aperçoit un rassemblement sur la propriété qu’il surveille, soit il s’agit d’intrus – il constatera alors une violation de propriété –, soit il s’agit d’invités et il lui appartiendrait donc de verbaliser son propre employeur !

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CL166 de M. Stéphane Peu et CL372 de M. M’Jid El Guerrab.

M. Stéphane Peu. Il s’agit de supprimer l’alinéa 2, qui étend les pouvoirs de police aux agents des transports publics. Ceux-ci sont loin d’être demandeurs, et cette attribution ne nous semble pas relever de leurs responsabilités.

M. Paul Molac. La SNCF et la RATP doivent rester dans leur rôle et ne pas se transformer en autorités de police.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable. Le déconfinement réussira si chaque Français adhère au respect des gestes barrière. Les transports publics représenteront à cet égard un enjeu considérable – peut-être le principal en Île-de-France. Le non-respect des consignes de prudence pourrait avoir des conséquences considérables.

Les agents de contrôle des transports publics ont déjà des compétences judiciaires. Ils ont un pouvoir d’éviction des passagers qui troublent l’ordre public, même si ceux-ci ont payé leur billet et n’ont commis aucun délit. Qu’ils puissent constater les manquements aux obligations posées par l’état d’urgence sanitaire, qui mettent en danger les autres passagers, est tout à fait cohérent.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL266 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Il s’agit de supprimer, à l’alinéa 2, la référence à l’article L. 2241-6 du code des transports, qui autorise les fouilles de bagage et les palpations. Outre, que cela prête à confusion sur les prérogatives des agents, il ne serait pas cohérent d’autoriser ce type de pratiques dans un contexte de distanciation sociale.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La référence à l’article L. 2241-6 est destinée à permettre l’éviction du contrevenant, et non à autoriser la fouille des bagages et les palpations. Demande de retrait.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL59 de M. Alexis Corbière.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons interdire l’utilisation de drones pour contrôler le respect des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, ainsi que la verbalisation des individus. Depuis le début du confinement, police et gendarmerie utilisent les drones – de manière exagérée, selon nous et d’autres – dans un très grand nombre de communes pour surveiller massivement la population, diffuser les consignes par haut-parleurs, filmer les personnes, repérer les contrevenants ainsi que pour guider les agents et les agentes.

Il n’existe aucun encadrement légal de l’utilisation des drones, la préfecture de police de Paris l’a reconnu. L’urgence sanitaire, à laquelle le Gouvernement n’a apporté qu’une réponse sécuritaire, risque de servir de laboratoire de police technologique. Nous le rejetons, à l’instar d’associations de défense des droits et libertés.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je suis circonspecte à l’idée de nous priver de la possibilité de recourir à certaines techniques par ailleurs déjà utilisées pour relever d’autres infractions que celles liées à l’état d’urgence sanitaire. De surcroît, le moyen tiré de l’absence de cadre juridique n’a pas été retenu par la justice. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Circonspects, nous devrions tous et toutes l’être, et avoir un débat politique, idéologique et philosophique sur le recours à ces outils, qui se développe hors du contrôle des pouvoirs publics. Une fois ce fonctionnement intégré, il sera très difficile de l’arrêter. Nous ne devrions pas céder à cette technophilie sans garde-fous qui est employée à des fins essentiellement sécuritaires et répressives. En tant que législateurs, garants des droits et libertés, nous devrions voter cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL321 de M. Jean-Michel Fauvergue.

M. Jean-Michel Mis. Cet amendement est proposé par Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot dans le cadre de leurs travaux sur le continuum de sécurité. Il s’inscrit dans la logique de sécurité globale à laquelle chaque maillon professionnel, public ou privé, prend sa part.

Le projet de loi prévoit d’associer à cette mission, outre les réservistes de la gendarmerie et de la police nationale, des agents de la surveillance générale (SUGE) de la SNCF et du groupement de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) de la RATP. Nous souhaitons combler une zone grise.

Certaines propriétés de grande taille sont protégées par des gardes particuliers, assermentés, dont la mission est définie à l’article 29 du code de procédure pénale. Notre amendement a pour objet de les inclure dans les catégories de personnes habilitées à constater par procès-verbal la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire, sur les propriétés dont ils ont la garde.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. J’ai déjà exprimé mon avis, à propos d’un amendement précédent. Demande de retrait.

M. Jean-Michel Mis. Considérez-le comme un amendement d’appel en faveur d’une évolution du continuum de sécurité et de l’association plus durable de la sécurité publique et privée. La mesure proposée ne diffère pas beaucoup de celles définissant les missions de sécurité intérieure, s’agissant, par exemple, du contrôle des passagers dans les aéroports.

M. Stéphane Mazars. Madame la rapporteure, vous avez indiqué qu’on pourrait sanctionner l’intrusion dans une propriété privée sur le fondement des dispositions réprimant la violation de domicile ou l’atteinte à la propriété privée. L’argument ne me paraît pas très opérant, car un même fait peut recevoir différentes qualifications pénales. L’irrespect des mesures imposées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire pourrait parfaitement être sanctionné par des gardes particuliers, dans le cadre d’un continuum de sécurité associant le public et le privé.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL60 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons nous opposer au détournement d’un fichier de police relatif aux infractions routières aux fins de sanctionner la « réitération, à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, de la violation des interdictions ou obligations édictées dans une circonscription territoriale où l’état d’urgence sanitaire est déclaré ». Nous rappelons ainsi notre attachement au principe de non-rétroactivité de la loi pénale.

Le fichier Accès aux dossiers des contraventions (ADOC) n’est pas conçu pour les contraventions de quatrième catégorie. Son utilisation détournée a conduit la justice à annuler une procédure, à Rennes, et toutes les condamnations prononcées sur la même base, depuis l’adoption de la loi du 23 mars, pourraient également être frappées de nullité. Le ministère de l’intérieur s’est empressé de corriger le tir par un arrêté du 16 avril, prévoyant que les données recueillies au moyen de l’appareil de verbalisation électronique peuvent être enregistrées dans le fichier ADOC. Toutefois, cette erreur fait courir des risques de divergences d’interprétation de l’arrêté par les magistrats. Nous souhaitons l’arrêt de ce type de pratiques, ce qui implique l’abrogation de l’arrêté.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable. Au début de l’état d’urgence, le fichier ADOC a été contesté. Ce n’est plus le cas depuis qu’un acte réglementaire a explicité cette pratique. Il n’y a aucune raison de considérer que ce fichier – pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? – ne devrait pas être employé pour sanctionner les violations réitérées des règles liées à l’état d’urgence, comme l’a souhaité le Parlement dans la loi du 23 mars.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL61 de M. Alexis Corbière.

Mme Danièle Obono. Par cet amendement, nous contestons une disposition d’exception très problématique. Le ministère de l’intérieur se targue que des millions de contrôles et des centaines de milliers de verbalisations ont été effectués depuis l’instauration du confinement. Pour notre part, nous souhaitons que soient supprimées les mentions au casier judiciaire des contraventions et délits de non-respect des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, de même que celles de délit de mise en danger de la vie d’autrui, lorsque les faits sont intervenus avant la promulgation de la loi du 23 mars 2020, alors même que l’infraction n’était pas caractérisée et que le non-respect du confinement, à l’origine de gardes à vue irrégulières, ne tombait sous le coup d’aucun texte pénal.

Face à l’incertitude entourant de nombreux contrôles, dans une période où la police a fait la loi en décidant de la régularité ou non des déplacements de personnes, et compte tenu du caractère potentiellement inconstitutionnel du délit de non-respect du confinement, nous ne pouvons accepter que les contraventions de cinquième classe et ce délit restent inscrits au casier judiciaire de ces personnes.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La non-inscription au casier judiciaire et l’effacement des mentions qu’il comporte peuvent déjà être demandés au juge. Rien ne justifie que les condamnations pour violation de l’état d’urgence sanitaire soient exclues du droit commun. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL63 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à renforcer le contrôle des actes discriminants commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique. Le ministre de l’intérieur s’est vanté qu’en Seine-Saint-Denis, le nombre de contrôles et de verbalisations sont, respectivement, deux et trois fois plus élevés qu’ailleurs, alors que les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale assuraient que le confinement était respecté de la même manière sur l’ensemble du territoire. La liste des violences et discriminations est longue, des verbalisations pour non-présentation de ticket de caisse à l’application de décharges de Taser sur une jeune femme devant son petit frère après avoir fait ses courses. Il nous semble plus urgent que jamais d’adopter des mesures afin d’éviter que ces actes disproportionnés, pratiqués sans discernement, ne se reproduisent.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Prévoir l’interdiction explicite pour la police de se lancer à la poursuite de personnes ayant commis des actes contraires à la loi reviendrait à permettre aux personnes interpellées de se mettre à courir pour ne pas avoir à se justifier. C’est évidemment inenvisageable.

Par ailleurs, la mise en œuvre de l’action publique en matière de discrimination est déjà facilitée par rapport à la procédure pénale classique. Je propose que nous nous en tenions là. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission examine l’amendement CL33 de Mme Liliana Tanguy, qui fait l’objet des sous-amendements CL393 et CL394 de M. Joël Giraud.

Mme Coralie Dubost. Nous arrivons au moment clé du texte et à une disposition qu’attendent nombre de nos concitoyens ! Les signataires de l’amendement sont principalement des élus de territoires littoraux, particulièrement sensibles au souhait des habitants de retrouver, dans le cadre des activités de pleine nature, un accès aux plages, à la mer.

Cet accès ne pourrait se faire sous sa forme traditionnelle : nous avons entendu les mises en garde du Gouvernement et avons tenu le plus grand compte des principes de précaution et de protection qu’il nous a invités à respecter. Il s’agit d’éviter les déplacements intrarégionaux, les rassemblements et les mouvements de foule. Nous avons travaillé avec les élus locaux afin de proposer des solutions alternatives qui garantiraient un cadre protecteur. Ainsi en serait-il de la plage dynamique ou « mobile », concept inventé récemment et désignant une plage située près de son domicile, où l’on viendrait marcher, courir, éventuellement se baigner, mais où l’on ne saurait s’allonger sur le sable, demeurer statique au côté d’autres personnes. Cette faculté pourrait être encadrée par les préfets.

Après de longs débats, les sénateurs ont choisi de conférer au maire le pouvoir de décider de la réouverture des plages. Pour notre part, nous proposons de confier cette prérogative au binôme constitué du maire et du préfet, l’échelon préfectoral nous paraissant le bon niveau de décision. « La mer est un espace de rigueur et de liberté », disait Victor Hugo ; nous souhaitons retrouver de la liberté sur nos plages tout en respectant la rigueur que le cadre sanitaire nous impose.

Les sous-amendements ont pour objet d’accorder le même accès aux espaces d’activités de pleine nature sur les rivages des lacs.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le projet de loi n’est pas la transcription législative du plan de déconfinement et ne saurait dresser la liste des sites qui pourraient rouvrir. Le Premier ministre déterminera des règles générales par décret, que les représentants de l’État pourront adapter à un territoire donné, en fonction du niveau de circulation du virus. J’ajoute que les députés des circonscriptions concernées ne sont pas les seuls à apprécier les côtes françaises : c’est le cas aussi, par exemple, des élus d’Île-de-France, dont je fais partie. Je vous demande de retirer l’amendement. Si vous souhaitiez le redéposer, il faudrait viser l’article 5 bis, introduit par le Sénat.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement souffre d’un vice de forme, puisqu’il vise à introduire dans le code général des collectivités territoriales des dispositions transitoires. Je doute de la pertinence de cette stratégie légistique.

Surtout, la mesure irait à l’encontre de l’exigence de clarté du discours public. Si on peut être seul sur la plage sans faire courir de risques à d’autres, il n’y a pas de raison d’en interdire la simple présence. Cet amendement l’autorise, à condition qu’on se livre à des activités physiques ; il exclut qu’on se retrouve avec soi-même, qu’on profite du cadre naturel. Cette proposition, qui est mauvaise sur la forme et incohérente quant au fond, est particulièrement contre-productive. Il aurait mieux valu adopter nos propositions.

M. Philippe Gosselin. Cette proposition semble aller dans le bon sens mais elle est, en réalité, extrêmement réductrice. L’activité physique et sportive individuelle n’est pas définie précisément. Par ailleurs, la mesure ne permettrait pas d’atteindre l’objectif que nous visons, à savoir la possibilité de se rendre plus largement sur le domaine public maritime. La définition et la validation conjointe d’un protocole par le maire et le préfet risquent d’allonger les délais, alors que nous appelons de nos vœux des mesures rapides. N’oublions pas que le couple maire-préfet peut fonctionner sur le mode aussi bien du duo que du duel. Laissons les maires décider en fonction des circonstances locales, s’agissant du bord de mer comme des plans d’eau intérieurs, sans faire intervenir les préfets. L’adoption de cette disposition serait un pis-aller.

M. Stéphane Peu. Vous exagérez ! Les amendements déposés par les groupes d’opposition étaient mieux rédigés et comportaient moins de failles juridiques que celui-ci : ils ont été rejetés. Et vous nous proposez un amendement « footing » beaucoup plus restrictif ! Celui de Delphine Batho que j’ai présenté tout à l’heure visait à autoriser l’accès, dans le respect des gestes barrière, aux espaces naturels – campagne, montagne, forêts, plages, littoral : il a été rejeté, alors que son champ d’application était beaucoup plus large.

M. Pascal Brindeau. Cet amendement, effectivement moins bien rédigé que les précédents, a au moins le mérite de montrer que le groupe LaRem est conscient de l’incohérence du plan du Gouvernement, qui autorise la réouverture des écoles sur tout le territoire, y compris dans les départements classés en rouge, tout en continuant d’interdire l’accès aux plages. Je ne dis pas qu’on ne doit pas réfléchir aux activités qui peuvent y être pratiquées, auxquelles, en tout état de cause, on doit s’adonner dans le respect des règles de distanciation sociale. Mais ce que vous proposez, c’est un protocole sanitaire qui s’apparente à celui retenu pour la réouverture des écoles, à valider par le maire et le préfet. Je ne vois pas comment on pourrait l’appliquer à plusieurs centaines de kilomètres de plages, à des zones de montagne sans délimitations précises.

M. Paul Molac. Je voterai cet amendement, qui vise à instaurer un protocole comparable à celui applicable aux marchés : proposé par le maire et validé par le préfet. Les activités prévues sont sans doute plus limitées que ce que certains souhaiteraient, mais l’amendement de M. Falorni est quasiment identique. Cette proposition va dans le bon sens : vous avez relevé une incohérence dans le plan du Gouvernement, vous proposez d’y remédier.

M. Erwan Balanant. J’ai soutenu l’amendement de Mme Batho et m’inscris dans la même logique. L’amendement proposé me paraît bancal. Sur les plages, les sentiers côtiers, les plans d’eau, dans les forêts et les territoires ruraux, il faut desserrer l’interdiction. Les maires connaissent leurs territoires, les sentiers côtiers, les chemins de randonnée ; ils doivent se voir reconnaître la faculté d’autoriser les accès progressivement.

Cela étant, je comprends les craintes du Gouvernement. Je voterai cet amendement, même si ceux que nous avons examinés sur le même sujet étaient plus cohérents.

Mme Coralie Dubost. J’ai pris bonne note des observations de la rapporteure et de tous les groupes politiques. Après en avoir informé les cosignataires, je retire cet amendement, que nous réécrirons en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission, rejette l’amendement CL17 de Mme Cécile Untermaier.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL312 de M. Hervé Saulignac, CL342 de Mme Stella Dupont et CL351 de Mme Jeanine Dubié.

M. Paul Molac. La loi du 23 mars 2020 a prolongé pour quatre-vingt-dix puis cent quatre-vingts jours divers documents de séjour expirant entre le 16 mars et le 15 mai 2020. Les préfectures devront traiter en urgence la situation de nombreuses personnes non concernées par ces mesures : celles dont le titre a expiré avant le 16 mars ou expirera après le 15 mai, ou sans aucun document. L’amendement CL351 a pour objet de leur permettre d’obtenir ces documents.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Les ordonnances autorisées par la loi du 23 mars 2020 ont d’ores et déjà pris en compte les difficultés que pouvaient rencontrer les étrangers présents en France pour assurer la régularité de leur séjour. Ces amendements poursuivent cet objectif avec une portée maximaliste et une durée excessive. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL340 de Mme Stella Dupont et CL352 de Mme Jeanine Dubié.

M. Florent Boudié. Nous retirons l’amendement CL340, qui vise à prolonger la trêve hivernale jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Nous allons le réécrire en vue de son examen en séance.

L’amendement CL340 est retiré.

M. Paul Molac. Nous proposons, par l’amendement CL352, de prolonger la trêve hivernale jusqu’à la fin du mois d’octobre 2020.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL346 de Mme Stella Dupont.

Elle est saisie de l’amendement CL368 de M. Olivier Falorni.

M. Paul Molac. Je défendrai en même temps l’amendement CL353 de M. Falorni à l’article 5 bis. Il est bien dommage que Mme Dubost ait retiré son amendement, car nous aurions pu l’améliorer s’il avait été voté. Les amendements de M. Falorni sont dans la même veine : je vous les conseille !

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Article 5 bis : Ouverture au public des plages et des forêts

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL225 de Mme Emmanuelle Ménard et CL353 de M. Olivier Falorni.

Mme Emmanuelle Ménard. À l’alinéa premier de l’article 5 bis, je souhaite remplacer : « un décret définit » par : « les représentants de l’État, en lien avec les maires, définissent ». La gestion de l’ouverture des plages et des forêts au public pour la pratique d’une activité sportive individuelle doit pouvoir être décidée localement, au cas par cas, par les maires et les préfets. Il y va de la liberté des collectivités locales et d’une définition pragmatique de ces activités.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette également l’amendement CL164 de Mme Delphine Batho.

Elle adopte l’article 5 bis sans modification.

Article 5 ter : Ordre de priorité dans le dépistage du Covid-19

La Commission examine l’amendement de suppression CL236 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. L’article 5 ter créé par le Sénat imposerait une hiérarchie dans la priorité des examens de biologie médicale de diagnostic du Covid-19. L’ordre des priorités ne peut être fixé par le législateur, mais uniquement par les autorités sanitaires et les professionnels de santé compétents. Cet article est d’autant plus dangereux qu’il ne prend pas en compte l’évolution de l’épidémie et des personnes à tester. L’amendement propose en conséquence sa suppression.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, car cette priorisation relève, non pas du domaine de la loi, mais de la bonne organisation des campagnes de dépistage.

Mme Cécile Untermaier. Mon groupe soutiendra cet amendement bienvenu, car ce dispositif nous rend également perplexes. Nous souhaitons introduire le caractère massif des tests, et certainement pas un ordre de priorité : que deviendrait la personne ayant été en contact avec une personne contaminée qui se verrait refuser un test parce qu’elle ne serait pas considérée comme prioritaire par le législateur ?

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 5 ter est supprimé et les amendements CL313, CL226, CL216 et CL218 n’ont plus d’objet.

Après l’article 5 ter

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission, rejette successivement les amendements CL150 de M. Patrick Hetzel, CL282 de M. Sébastien Huyghe, CL199 de M. Damien Pichereau et CL344 de Mme Stella Dupont.

La réunion, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.

Article 6 : Création d’un système d’information visant à lutter contre l’épidémie de covid-19

La Commission examine les amendements de suppression CL49 de Mme Marie-France Lorho, CL58 de M. Éric Coquerel, CL143 de M. Éric Ciotti et CL365 de M. Paul Molac.

Mme Danièle Obono. L’article 6 prévoit la création d’un fichier contenant des données de santé et d’identification pour déterminer les personnes susceptibles d’avoir été infectées et les cas contacts, orienter leur suivi médical et assurer la surveillance épidémiologique au niveau national et local. Nombre de juristes et de professionnels de santé y voient un risque d’atteinte au secret médical. Le ministère de la santé, l’Agence nationale de santé publique, les organismes d’assurance maladie pourront aux mêmes fins adapter les systèmes d’information existants et prévoir le partage des mêmes données. Par ailleurs, bien que le Gouvernement assure qu’il n’y a pas de lien avec l’application StopCovid, nous en doutons fortement, raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.

M. Éric Ciotti. Le dispositif créé par l’article 6 présente des risques pour la confidentialité des données médicales et pour les libertés publiques. Il est sans doute prématuré au regard des failles globales qui ont marqué notre stratégie de lutte contre le virus : absence cruelle de masques et de tests, pas de stratégie d’isolement. On nous annonce 700 000 tests par semaine ; je crois malheureusement que nous en sommes très loin et que beaucoup de régions connaissent un déficit important. Créer un dispositif fortement attentatoire aux libertés individuelles dans ce contexte me paraît dangereux.

M. Paul Molac. Cet article, en prévoyant une dérogation au secret médical, pose de nombreux problèmes quant au respect de la vie privée. Un nouveau dispositif de plus permettra de collecter des données sur les Français et de les suivre, sans compter l’application StopCovid que, d’après la presse, le Gouvernement n’aurait pas renoncé à mettre en œuvre à compter du 2 juin. Je trouve inquiétant pour nos libertés de développer autant de fichiers qui peuvent recouper la vie des Français. C’est pourquoi j’ai proposé cet amendement de suppression.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer l’article 6 principalement au motif qu’il présenterait un risque pour le respect de la vie privée et pour la protection des données.

Cet article a pour objet de permettre de déroger au secret médical pour que les personnels de santé puissent assurer le mieux possible l’identification et le suivi des personnes atteintes de la maladie du Covid-19. La seule finalité poursuivie est la lutte contre l’épidémie par des moyens ciblés plutôt que par un confinement généralisé, qui produit d’autres dommages collatéraux. La présidente de la CNIL et le Conseil d’État dans son avis sur le présent article ont été très clairs : le dispositif final, qui relève en grande partie d’un décret à venir, devra être rigoureusement nécessaire et proportionnel. C’est la raison pour laquelle des garanties supplémentaires ont été introduites par le Sénat, qui a fait un très bon travail sur cet article, à quelques réserves près.

Le fichier SIDEP (service intégré de dépistage et de prévention) recensera les résultats des tests, tandis que le portail Contact Covid permettra de suivre les patients ainsi que leurs cas contacts. Ces systèmes d’information ne seront accessibles que par des personnes habilitées, et ce pour des interventions et des durées précises. La CNIL nous a indiqué qu’elle serait extrêmement vigilante au respect des règles encadrant l’accès et le traitement de ces données lors de la phase de déploiement de ces systèmes d’information, pendant leur phase opérationnelle et au terme de leur utilisation. Le juge pénal pourra également être saisis en cas de manquement à ces règles. Enfin, le Sénat a introduit un comité de contrôle et de liaison Covid-19, qui évaluera la nécessité des traitements des données personnelles au regard de l’évolution de la situation épidémiologique et le respect des garanties prévues par la loi.

Cet article est utile ; les garanties et protections prévues à ce stade sont suffisantes et seront détaillées par un décret. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Marietta Karamanli. L’article 6 est très important, car il introduit deux fichiers : l’un qui rassemblera toutes les informations en provenance des laboratoires de biologie médicale lorsqu’un patient aura été positif, et le fichier Contact Covid contenant les coordonnées des personnes à contacter. En dépit des améliorations apportées par le Sénat, l’inquiétude demeure concernant, d’une part, la conformité à la réglementation de la protection des données à caractère personnel et, d’autre part, la multiplication de systèmes gérant des données à caractère médical et des utilisateurs qui y auront accès.

M. Arnaud Viala. Certains de vos amendements encadrent le dispositif dans sa durée d’existence ; en revanche, je n’ai pas vu de précision concernant l’effacement des données. Quand on constitue un fichier informatique, il en reste une trace : combien de temps les données seront-elles conservées et à quel moment leur effacement total sera-t-il garanti aux Français ?

M. Stéphane Peu. Notre groupe soutiendra ces amendements de suppression. On inversera durablement la courbe de la pandémie quand la courbe de la confiance des Français dans le Gouvernement cessera de baisser. Ce n’est pas avec des mesures de ce type que la confiance reviendra, surtout avec la rupture du secret médical, pilier de la République. Vous pouvez imaginer les conséquences en cascade que cela aura dans les territoires, avec le déploiement de « brigades sanitaires » – terme aussi peu heureux et opportun que tout le langage guerrier qu’on associe à la lutte contre le Covid-19. Tout cela me paraît extrêmement dangereux.

M. Philippe Gosselin. Il serait plus cohérent d’examiner l’article 6 en ayant connaissance de l’avis de la CNIL, donc d’attendre vendredi après-midi.

Si le Sénat a nettement amélioré l’article 6, il faut avoir en tête que, au-delà du système d’information ainsi créé, tous les systèmes d’information existants peuvent être adaptés pour les mêmes finalités. Avec la mise à disposition, le 2 juin, de l’application StopCovid, on crée un système très impressionnant, avec des brigades sanitaires composées de plusieurs dizaines de milliers de personnes, qui interviendront de façon assez intrusive.

M. Sacha Houlié. Cet article doit faire l’objet de modifications supplémentaires, pour s’assurer que les fichiers créés sont bien analogues aux fichiers existants et n’incluent pas le développement de StopCovid, qui doit faire l’objet d’un débat – si tant est que l’application puisse voir le jour, ce dont je doute à titre personnel. La rémunération au nombre de contacts renseignés doit également être interdite ; l’obligation du secret professionnel doit être étendue à toutes les personnes qui auront accès à ce fichier ; la sous-traitance doit être autrement plus encadrée qu’elle ne l’est aujourd’hui ; le contrôle parlementaire doit être accru. Sous ces conditions, nous pourrions voter l’article 6 du projet de loi.

M. Aurélien Pradié. On ne peut pas contingenter les grands principes auxquels la République est attachée, ni les aménager en période de crise – c’est leur force. Si, à chaque crise aussi brutale que celle que nous connaissons aujourd’hui, le législateur et les exécutifs successifs avaient aménagé les principes, il n’en resterait plus rien !

Jamais la République n’a organisé des fichiers de traçage, de traque de nos concitoyens de cette manière. Quant au secret médical, notre commission en a débattu il y a quelques mois, à propos des violences conjugales : nous nous sommes montrés si vigilants sur le sujet que nous avons décidé de ne pas le lever, considérant que même dans le cas où une femme était en danger de mort, on ne pouvait pas déroger à ce principe. Je n’imagine pas qu’on puisse le faire aujourd’hui pour des questions de crise sanitaire.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La présidente de la CNIL nous a rappelé, lors de son audition, que celle-ci exercera la plus grande vigilance sur tous les dispositifs relatifs aux données de santé. Son avis sur le décret sera donc déterminant. Le décret précisera la durée de conservation des différentes données, en fonction de leur sensibilité et de la nécessité de les conserver, et la CNIL vérifiera que la destruction totale a bien été effectuée.

La Commission rejette les amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL29 de M. Jean-Louis Touraine.

Elle examine l’amendement CL8 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Nous considérons que l’on ne peut déroger au secret médical dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire. Nous proposons donc de remplacer les mots « par dérogation » par les mots « dans le respect des principes énoncés », car la sphère médicale est tout à fait en capacité de travailler sur les chaînes de transmission du Covid-19. Nous devons privilégier la voie médicale plutôt que de recourir à des personnes, sans doute compétentes, mais qui n’ont pas l’intelligence du secret médical.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le maintien des obligations liées au secret médical ne fonctionne pas dès lors que pourront accéder aux systèmes d’information créés des professionnels de santé et des personnels non médicaux qui ne sont pas directement chargés du suivi des personnes concernées.

Toutefois, les personnels non médicaux sont soumis au secret professionnel, et des sanctions pénales sont prévues en cas d’atteinte aux droits de la personne résultant de l’usage de ses données personnelles. L’article 226-16 du code pénal dispose ainsi que le fait de procéder à des traitements sans respecter les garanties prévues par la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Il en va de même pour la conservation des données au-delà de la durée autorisée et du détournement des finalités prévues par la loi.

Par conséquent, toutes les personnes qui auront accès à ces données devront se conformer au cadre légal très strict que nous établissons, qui sera soumis à l’avis puis au contrôle de la CNIL, ou s’exposer, dans le cas contraire, à des sanctions pénales. Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement.

Mme Cécile Untermaier. Je ne vous fais pas de procès d’intention, madame la rapporteure. Je sais que vous avez travaillé sur ce dossier avec beaucoup d’honnêteté et que vous avez consulté la CNIL. Le rôle de la CNIL est de donner un avis, et celui du législateur est de prendre des décisions.

Ma conviction, c’est que le secret médical ne se négocie pas. Pour que nous acceptions de déroger à ce principe essentiel, il faudrait que vous nous donniez la preuve que ces brigades sont absolument nécessaires pour identifier les chaînes de transmission du virus. Or je n’en suis pas convaincue : il me semble que les médecins de ville, les infirmiers et la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), qui ont le secret médical chevillé au corps, pourraient obtenir les mêmes résultats sans avoir besoin d’un fichier aussi problématique.

M. Stéphane Peu. Il est extrêmement dangereux de toucher au secret médical. Imaginons qu’un malade du Covid-19 souffrant d’une forme grave de diabète soit signalé par un agent appartenant à l’une de ces brigades, et que le conjoint ou la conjointe de cet agent dirige une agence bancaire : si la personne atteinte du Covid-19 négocie un prêt auprès de cette banque, on le lui refusera. Vous êtes en train de toucher à un pilier du pacte républicain !

M. Éric Diard. Madame la rapporteure, je pensais qu’un décret allait assujettir tous les membres des brigades au secret médical. Est-ce bien prévu ?

M. Philippe Gosselin. Il faut effectivement clarifier ce point. L’article 6 risque de battre en brèche le secret médical, puisque des milliers de personnes extérieures au monde de la santé – par exemple, des personnels communaux et des membres des centres communaux d’action sociale (CCAS) – vont avoir accès à des données médicales personnelles. Non seulement elles ne sont pas soumises au secret médical, mais toutes ne le sont pas non plus au secret professionnel.

M. Aurélien Pradié. Je souscris aux propos de Stéphane Peu et j’espère que chacun d’entre vous est conscient que nous sommes sur le point de mettre un grand coup de canif – le premier ! – dans le secret médical. Au cours des dernières décennies, on a souvent tenté de le mettre à mal, dans des circonstances parfois plus graves que celles que nous connaissons aujourd’hui, mais le législateur ne l’a jamais fait. Et ce soir, nous allons le faire –avec une certaine facilité, je trouve ! Cette décision aura des conséquences considérables et irréversibles. Le plus désolant, c’est que si nous en arrivons aujourd’hui à créer des brigades qui bafouent le secret médical, c’est parce que l’État a été incapable d’organiser la sécurité sanitaire en fournissant des masques et des tests aux Français.

M. Jean-François Eliaou. Il existe déjà des bases de données et des systèmes d’information qui sont construits et consultés par des personnels non médicaux, comme le registre du diabète ou celui des pathologies de longue durée, par exemple. Ces personnels ne sont pas soumis au secret médical, mais au secret professionnel.

Certaines maladies à déclaration obligatoire, comme la tuberculose, la rougeole ou la rubéole, font déjà l’objet d’enquêtes épidémiologiques réalisées par des personnels non médicaux, qui connaissent le nom des personnes malades et de leur entourage. L’article L. 1110-4 du code de la santé publique dispose que ces cas de dérogation au secret médical doivent être « expressément prévus par la loi ». Tel est l’objet de l’article 6.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL397 de la rapporteure et CL323 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. L’amendement CL397 tend à rétablir la rédaction initiale de l’article, en autorisant le partage de données personnelles aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie, pour une durée strictement nécessaire à cet objectif et dans la limite d’un an à compter de la publication de la loi. Le suivi de l’épidémie et le recensement des cas de contamination pourraient être nécessaires au-delà de la période couverte par l’état d’urgence sanitaire, si l’épidémie perdurait dans certaines régions.

Mme Laurence Vichnievsky. La collecte et le partage des données sensibles telles que les données personnelles constituent des actes particulièrement intrusifs au regard de la vie privée. En se fondant sur les données du ministère des solidarités et de la santé relatives aux délais d’incubation, de contagion et de guérison ainsi que sur l’avis de la CNIL selon lequel la durée de conservation des données devra être strictement proportionnelle aux objectifs poursuivis, notre groupe propose de limiter à six mois le délai de conservation de ces données, quitte à le prolonger dans un second temps si cela était nécessaire.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement de la rapporteure est incohérent au regard du texte. Depuis le début, nous nous attachons, dans nos débats, à distinguer entre confinement, déconfinement et état d’urgence, qui sont trois réalités autonomes, même si leurs temporalités peuvent se chevaucher, et qui répondent à des logiques juridiques distinctes. Ce projet de loi concerne l’état d’urgence, or l’amendement propose de prolonger un dispositif qui le dépasserait. Le principe d’un fichage massif des Français est déjà difficilement acceptable, mais s’il est déconnecté de l’état d’urgence et peut durer au-delà de celui-ci, cela devient très préoccupant.

M. Sacha Houlié. Je suis, moi aussi, un peu gêné par cet amendement. Je préférerais que le dispositif introduit par l’article 6 soit limité à la durée de l’état d’urgence. Si nous décidons de ne pas proroger l’état d’urgence au-delà du 10 juillet, nous devrons nous interroger en même temps sur l’opportunité de prolonger l’existence de ce fichier. Je crains qu’en allongeant la durée de vie du fichier, on n’ait plus une approche « proportionnée » des moyens nécessaires à la lutte contre l’épidémie.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement introduit effectivement un biais puisque, l’air de rien, il prolonge de fait l’état d’urgence sanitaire, en donnant une durée de vie d’un an au système d’information introduit par l’article 6. Je rappelle, en outre, que ce même article permet d’« adapter les systèmes d’information existants » et de « prévoir le partage des mêmes données dans les mêmes conditions ». Avec cet amendement, on ratisse très large !

M. Florent Boudié. Où voyez-vous un biais ? La pandémie n’a pas besoin, pour perdurer, d’une autorisation du Parlement. Si elle doit se poursuivre, elle se poursuivra, et nul ne sait pour combien de temps. L’état d’urgence donne au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels pour une durée qui est parfaitement bornée par le texte. La pandémie, elle, n’est pas bornée et il se peut que dans six, sept ou huit mois, nous ayons besoin de ce système d’information pour faire face à une nouvelle vague. Il ne s’agit pas de prolonger indirectement l’état d’urgence, mais d’avoir des données solides pour lutter contre la pandémie si elle ressurgit violemment dans quelques mois.

M. Aurélien Pradié. L’amendement de la rapporteure me stupéfie. Il y a quelques minutes, nous avons fait sauter le verrou du secret médical – rien de moins ! Et à présent, on nous demande de prolonger cette disposition au-delà de l’état d’urgence sanitaire. C’est invraisemblable ! Ce projet de loi a vocation à définir des mesures hors normes, des mesures extraordinaires, dans le cadre strict de l’état d’urgence sanitaire. Et vous voulez transformer ce qui devrait rester extraordinaire en quelque chose de tout à fait banal.

L’état d’urgence est strictement borné dans le temps et vous, vous voulez étendre ce dispositif jusqu’à la « fin de l’épidémie », mais cette expression n’a aucun sens. Les dispositions dont nous parlons soulèvent des questions d’une extrême gravité : la moindre des choses est de les circonscrire à la période de l’état d’urgence sanitaire.

M. Jean-François Eliaou. L’état d’urgence sanitaire est une chose et la possibilité de mener des enquêtes épidémiologiques en est une autre : pourquoi lier les deux questions ? Nous menons un grand nombre d’enquêtes épidémiologiques en France, sur les césariennes, les appendicectomies, le diabète, pour n’en citer que quelques-unes, et elles sont d’une grande utilité pour améliorer nos services de santé. Or, pour mener de telles enquêtes, nous avons besoin de collecter des données dans des systèmes d’information.

Mme Laetitia Avia. Ce système d’information a d’autres finalités que l’identification des personnes infectées et le traçage des personnes contact. Il permettra aussi d’assurer une surveillance épidémiologique, au niveau national et local, et il sera utile à la recherche sur le virus et sur les moyens de lutter contre sa propagation. Grâce à ce nouveau système d’information, nous disposerons de données solides pour lutter contre le virus à long terme. Pourquoi se priver de ces données à partir du mois de juillet, alors qu’elles pourraient nous permettre de trouver un vaccin ?

M. Pascal Brindeau. Le virus n’a certes pas besoin d’une autorisation du Parlement pour continuer à circuler ou pour reparaître, mais j’avais cru comprendre que l’outil créé par l’article 6 avait précisément pour but de lutter contre sa propagation et même de le faire disparaître. Si le virus continue de circuler ou s’il reparaît, ce sera la preuve que ce système d’information n’est pas efficace. Il est tellement attentatoire aux libertés publiques et au secret médical que nous devons impérativement le borner dans le temps.

Mme Laurence Vichnievsky. Je conçois la nécessité de distinguer l’état d’urgence sanitaire de la durée de conservation des données recueillies en vue de réaliser des enquêtes épidémiologiques. Je suis favorable à ce que les données puissent être conservées au-delà du 10 juillet, toutefois pour une durée strictement limitée : six mois me semblent être un bon compromis. Au-delà, le Parlement doit pouvoir exercer son contrôle, examiner la situation et, le cas échéant, autoriser la prolongation de la conservation de ces données.

M. Stéphane Peu. La manière dont notre débat évolue ne me rassure absolument pas. J’avais compris, en écoutant les « sachants », que ce système d’information visait exclusivement à tester, isoler et casser les chaînes de transmission. S’il s’agit à présent de faire des enquêtes épidémiologiques, voire de constituer une base de données en vue d’un futur vaccin, c’est une dérive absolue !

M. Raphaël Gauvain. La théorie des circonstances exceptionnelles permet, pour faire face à un risque grave, de prendre des mesures dérogatoires : l’aménagement du secret médical introduit par l’article 6 est justifié par ces circonstances exceptionnelles. Mais ces dernières ne se confondent pas nécessairement avec l’état d’urgence, comme notre collègue Florent Boudié l’a bien rappelé.

Mme Danièle Obono. Les réponses qui nous sont faites ne font qu’apporter de l’eau à notre moulin. La majorité nous dit que cet outil a vocation à être pérennisé et qu’il sera utile en tout temps et en tout lieu, pour faire face à d’autres pandémies. Nous sommes en train de glisser vers la normalisation de mesures qui devraient rester exceptionnelles. Votre projet apparaît clairement désormais, et il est plus que problématique pour les droits et les libertés de nos concitoyens.

M. Philippe Gosselin. Nous avons besoin de clarté : ce dispositif vise-t-il à lutter contre la propagation du virus, comme on nous l’avait indiqué, et est-ce sa seule finalité ? S’il en a d’autres – la recherche, par exemple –, il faut les inscrire dans la loi, sans quoi elles seront illégales.

Nous avons bien conscience que la pandémie peut se prolonger après la fin de l’état d’urgence, mais nous demandons une clause de revoyure. Il faut que le Parlement soit consulté au sujet de la conservation de ces données, comme il l’est sur la prorogation de l’état d’urgence.

M. Arnaud Viala. Si la lutte contre l’épidémie peut justifier la création d’un tel fichier, en revanche, on ne peut pas cautionner le principe d’une utilisation tous azimuts et sans limite dans le temps.

Trois dates sont importantes : celle de la prolongation de l’état d’urgence, qui a été validée, celle de la création du fichier et celle de la conservation des données. Madame la rapporteure, vous avez dit que cette dernière date serait fixée par décret, mais j’aimerais connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.

M. Florent Boudié. S’il y a une résurgence violente du virus au mois de janvier prochain, par exemple, il sera très difficile de justifier auprès des Français notre incapacité à suivre les chaînes de contamination, pour n’avoir pas prolongé la durée d’utilisation des systèmes d’information. Mais j’entends bien vos remarques. C’est pourquoi je vous suggère de travailler, en vue de la séance, à deux objectifs : adapter la durée du dispositif et fixer une clause de revoyure, de sorte que le Parlement puisse se prononcer.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je suis navrée de ne pas avoir réussi à vous convaincre, chers collègues ! L’épidémie risquant de se prolonger au‑delà du 10 juillet, il n’est pas souhaitable de conditionner la continuité du système d’information à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Le bornage d’un an que je vous propose est celui prévu par le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi informatique et libertés pour tous les régimes dérogatoires que le législateur pourrait être amené à prendre pour répondre à des circonstances exceptionnelles, ce qui me semble plus adapté que les six mois que vous suggérez, madame Vichnievsky. Attentive, toutefois, à l’expression de l’ensemble des sensibilités, je retravaillerai mon amendement pour la séance publique.

S’agissant des finalités de recherche et de suivi, les personnes concernées pourront s’opposer au traitement de leurs données. Il n’y a pas de finalité cachée ou de manipulation quelconque des données. En outre, leur destruction sera effective au terme de la durée prévue pour leur conservation, sous contrôle de la CNIL, et leur utilité conditionnée à leur stricte nécessité.

Les amendements sont successivement retirés.

La Commission examine l’amendement CL296 de Mme Christine Hennion.

M. Jean-Michel Mis. Pour que nos concitoyens aient confiance dans ce système, il doit être le plus transparent, clair et sûr possible. L’amendement CL296, qui vise à préciser qu’il s’agit de données de santé à caractère personnel et non de données à caractère personnel concernant la santé, n’a rien d’une coquetterie rédactionnelle. Aussi souhaitons‑nous que l’hébergement de cette catégorie particulière de données soit conditionné par l’article L.1111‑8 du code de la santé publique, qui impose notamment la certification des hébergeurs.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je vous suggère de retirer cet amendement, ainsi que le CL297 à venir. Je souhaiterais que nous puissions en rediscuter avec le ministre en séance. La rédaction choisie par le Gouvernement, à laquelle a souscrit le Sénat, permet bien, à mon sens, de viser des données de santé qui bénéficieront, en tant que telles, de garanties spécifiques, notamment en termes d’hébergement.

M. Jean-Michel Mis. Les mots ont un sens, et les deux expressions diffèrent. Il me semble essentiel, dans cette matière, que les hébergeurs soient clairement certifiés. Je ne retirerai mes amendements que si vous clarifiez votre engagement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je m’engage à regarder précisément la différence entre les deux définitions avant la séance, mais non à vous donner raison.

L’amendement est retiré, de même que l’amendement CL297 de Mme Christine Hennion.

La Commission est saisie de l’amendement CL187 de M. Cyrille IsaacSibille.

M. Erwan Balanant. Il s’agit de retenir le code postal du lieu de résidence de la personne diagnostiquée positive au Covid‑19 parmi les données d’identification recensées dans le futur système d’information. Anonymisée, cette information pourrait être communiquée par les ARS aux maires des communes concernées, lesquels pourront agir en conséquence.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Cette précision ne me semble pas relever du domaine de la loi. Il est d’ailleurs prévu par l’assurance maladie qu’au niveau 1 de la collecte d’informations, le professionnel de santé renseigne les nom, prénom, numéro d’inscription au répertoire (NIR), date de naissance, adresse et coordonnées du patient. Par ailleurs, votre formulation me semble trop imprécise. Les maires n’ont pas de missions d’identification ni de suivi sanitaire des personnes concernées. Par conséquent, il faudrait prévoir une nouvelle finalité pour le traitement des données, dont les débats précédents ont suffisamment montré le caractère non prioritaire. Je vous suggère de retirer cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL54 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à garantir l’anonymisation des données. Les Français n’ayant pas le choix de participer ou non au fichier, il faut leur laisser la liberté de garder l’anonymat. Des informations inquiétantes circulent dans la presse. Selon des agences de cybersécurité américaines et britanniques, des pirates sont déjà à l’œuvre pour attaquer des entreprises et des instituts de recherche travaillant sur le Covid‑19.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable. Les personnes sont suivies par leur médecin généraliste, un professionnel de santé ou les brigades sanitaires pendant et après leur contamination. Il est donc nécessaire de pouvoir disposer de leur identité et de leurs coordonnées.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL268 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Il s’agit de circonscrire le nombre de personnes ayant accès aux données de santé.

Nous souhaitons nous assurer que ces données ne pourront circuler que parmi les organismes et personnels habilités. En outre, il faut éviter que des informations ne soient révélées aux cas contacts des personnes infectées, qui ne doivent pas savoir qui les a potentiellement contaminées.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Demande de retrait. Le décret en Conseil d’État, qui permettra le partage des données par le biais des fichiers SIDEP et Contact Covid, sera soumis à l’avis de la CNIL. Votre intention est satisfaite. Quant au caractère contraignant de l’avis, il ne me semble pas indispensable de le prévoir, puisque sa publicité impose implicitement au Gouvernement de le respecter.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL155 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Beaucoup de questions restent en suspens. Comment les données seront‑elles protégées ? Quelles sont les garanties ? Un assuré peut‑il consulter les données le concernant ?

L’amendement vise à conditionner l’utilisation des données personnelles à l’avis conforme de la CNIL, afin de nous prémunir contre tout abus.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je me réfère à mon argumentation précédente pour demander le retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL168 de M. Stéphane Peu, CL77 de Mme Emmanuelle Ménard, CL354 de M. Paul Molac et CL40 de Mme MarieFrance Lorho.

M. Stéphane Peu. Le dispositif proposé est particulièrement invasif en matière de prélèvement des données médicales et personnelles. Nous estimons qu’une telle collecte de données ne peut être réalisée sans consentement, d’où l’amendement CL168.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous comprenons la volonté du Gouvernement de créer un système d’information pour lutter contre l’épidémie. Mais ce fichier pose beaucoup de questions en matière de droits et de libertés fondamentaux. Envisager que des données soient collectées sans le consentement des personnes me semble particulièrement dangereux au regard du respect de la vie privée, de la liberté d’aller et venir et de celle de réunion, garanties par la Constitution. L’amendement CL77 tend à garantir ce consentement.

M. Paul Molac. Madame la rapporteure, lors du débat sur votre amendement CL397, vous nous avez dit que les personnes pourront donner leur consentement. Or la rédaction issue du Sénat mentionne très clairement l’absence de consentement des personnes intéressées ! C’est inadmissible, et c’est ce qui motive l’amendement CL354. Ce point conditionnera d’ailleurs mon vote sur le texte.

Mme Emmanuelle Ménard. Il semble particulièrement intrusif de s’immiscer dans la vie des personnes et de consulter leurs données personnelles, sans qu’elles en soient averties. L’amendement CL40 vise à susciter l’adhésion des personnes, au lieu de les astreindre à voir leurs données exploitées sans leur consentement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable. Vous souhaitez revenir sur l’absence de consentement des personnes concernées, alors que c’est le fondement même du dispositif.

M. Paul Molac. C’est choquant ! Si je suis atteint du Covid‑19, je n’aurai rencontré personne…

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CL247 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que, faute d’être sollicitées pour leur consentement, les personnes doivent au moins être informées.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Demande de retrait. Une première garantie a été apportée par le Sénat : une application tout à fait différente, comme StopCovid, ne pourra être mise en œuvre sur le fondement de cet article. Par ailleurs, SIDEP constituera un fichier central assez simple dans son architecture, si j’ai bien compris la présentation qui nous en a été faite mardi matin en audition, et Contact Covid sera accessible depuis le site ameli.pro de l’assurance maladie. Enfin, ces systèmes d’information seront prévus par décret en Conseil d’État, après avis de la CNIL, et par conséquent toute utilisation détournée me semble improbable à ce stade.

Mme Emmanuelle Ménard. Madame la rapporteure, il me semble que votre réponse ne concernait pas mon amendement de repli.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Au temps pour moi, madame Ménard ! Ma demande de retrait demeure néanmoins pertinente, puisque, à l’alinéa 5 de l’article, il est prévu de garantir et de préciser les modalités d’exercice du droit d’information notamment.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL206 de M. Sacha Houlié.

M. Sacha Houlié. La rapporteure vient de répondre à mon amendement, qui vise à préciser que le nouveau système d’information sera analogue à ceux utilisés par les organismes d’assurance maladie.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL32 de M. Denis Masséglia.

Mme Laetitia Avia. L’ouverture du fichier à un très grand nombre de personnes interroge sur sa sécurisation et celle des données qu’il contiendra. L’amendement vise à préciser que son accès sera sécurisé et que les risques de détournement seront limités.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Demande de retrait. Il me semble que votre amendement est satisfait par le décret en conseil d’État, pris après avis de la CNIL, qui devra déterminer, pour chaque organisme ou autorité, les personnes ou les services qui pourront accéder aux données collectées ; la durée de cet accès ; les conditions dans lesquelles il sera possible de recourir à des sous-traitants. Par ailleurs, le décret devra également prévoir, comme nous l’a indiqué la présidente de la CNIL, les conditions de conservation et de destruction des données, ainsi que de sécurisation de l’accès à ces dernières.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL207 de M. Sacha Houlié.

M. Sacha Houlié. L’amendement CL207 vise à interdire le complément de rémunération pour la collecte d’informations par les personnels soignants – 2 euros pour un nom et 4 euros si les coordonnées sont précisées. Cela ne me semble pas très éthique, et imposerait une course aux noms contreproductive. L’amendement CL208 à venir, de repli, vise à interdire la rémunération au rendement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Je comprends votre préoccupation, monsieur Houlié, même si j’ai, pour ma part, été convaincue par les réponses du directeur de la CNAM, qui a justifié ce double mode de rémunération par le temps que prendra le suivi en plusieurs étapes et l’impossibilité de prévoir un forfait, quand certaines personnes auront eu très peu de contacts et d’autres plusieurs dizaines. Par ailleurs, cette rémunération est justifiée par la recherche d’exhaustivité du médecin qui permettra de faire gagner du temps aux brigades sanitaires. Demande de retrait.

M. Sacha Houlié. Pour un malade du Covid‑19 en EHPAD, le médecin n’aura pas beaucoup de cas à recenser. En revanche, celui qui verra Sacha Houlié, qui s’est promené dans toute sa circonscription, aura beaucoup de travail… Le forfait de 55 euros assure, à mon sens, une manière de péréquation entre ces deux extrêmes. La rémunération au contact supplémentaire ne me satisfait pas.

M. Philippe Gosselin. Chaque patient contaminé ayant été en contact avec entre vingt et vingt‑cinq personnes, qui auront été en contact chacune avec tout autant de personnes, il y aura rapidement des centaines de milliers de personnes à contacter, à diagnostiquer et à tester. Au‑delà des réserves de principe, les réserves sont aussi pratiques, puisque nous risquons d’emboliser les cabinets de médecine de ville, malgré le travail des brigades. On constate déjà qu’un certain nombre d’AVC ne sont pas traités comme il le faudrait, tout comme des problèmes cardiaques. Le temps passé au traçage ne se fera‑t‑il pas au détriment du reste ? On ne mourra pas du Covid‑19, mais de beaucoup d’autres choses…

La Commission adopte l’amendement CL207.

En conséquence, l’amendement CL208 de M. Sacha Houlié tombe.

La Commission examine l’amendement CL267 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Cet amendement vise à s’assurer que les données recueillies dans le système d’information sont strictement nécessaires à la lutte contre la pandémie. En vertu du principe de minimisation posé par le RGPD, elles doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées. 

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Comme l’a indiqué la présidente de la CNIL lors de son audition, le respect de ce principe s’impose au législateur sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la loi puisqu’il est prévu par le règlement européen de protection des données. Demande de retrait.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL156 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. L’article 6 a introduit une dérogation à l’article L.1110-4 mais il importe de préciser que les personnes susceptibles de traiter et de consulter les données personnelles utilisées par le système d’information ne peuvent être que celles qui sont soumises au secret médical, afin de limiter les risques de divulgation d’informations personnelles.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Le Conseil d’État, dans son avis sur le présent article, a souligné « l’impossibilité pour les seuls professionnels médicaux de réaliser l’ensemble des enquêtes nécessaires au dépistage et à l’identification des chaînes de transmission et cas groupés, qui implique la mobilisation de moyens humains très importants. ».

La commission des affaires sociales du Sénat a étendu la liste initialement proposée par le Gouvernement aux agents des services de santé au travail, des établissements sociaux et médico-sociaux et aux équipes de soins primaires constituées autour des médecins généralistes de premier recours.

Enfin, toutes les personnes qui pourront accéder aux données seront soumises au secret professionnel et aux articles 226-13 et 226-16 du code pénal. Avis défavorable.

M. Éric Diard. Parmi les personnes assujetties au respect du secret médical, il y a aussi les infirmiers et les personnels de l’assurance maladie. J’accepte cependant de retirer mon amendement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Il ne faut pas confondre secret médical et secret professionnel. La différence est importante.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL41 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Emmanuelle Ménard. L’immixtion d’organismes extérieurs dans les dossiers médicaux et la maîtrise des données médicales soulève la question de la préservation du secret médical. Cet amendement conditionne la collecte des données à l’accord du médecin.

Sur l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL68 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Si le ministre, l’Agence nationale de santé publique, un organisme d’assurance maladie ou les agences régionales de santé peuvent être autorisés à adapter le fonctionnement de ce fichier, il convient que ce soit après un avis contraignant et conforme de la CNIL. Notre intention est toujours la même : protéger les données des Français et leurs libertés.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Votre amendement est satisfait : aux termes de l’article 36 du RGPD, les États membres doivent consulter l’autorité de contrôle dans le cadre de l’élaboration d’une proposition de mesure législative ou réglementaire portant sur la protection des données personnelles. Demande de retrait.

M. Philippe Gosselin. Oui, mais notre collègue évoque un avis conforme et non une simple consultation.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La nécessité d’un avis conforme de la CNIL a été introduite par le Sénat, à l’alinéa 13, même si, selon moi, la publicité de cet avis est suffisante pour assurer son respect par le Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. L’alinéa 13 prévoit un avis conforme pour le premier système d’information, mais des ambiguïtés subsistent au sujet des données visées à l’alinéa 2.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Cela relève du même décret mais je comprends vos interrogations.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL355 de M. Yannick Favennec Becot.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL78 de Mme Emmanuelle Ménard et CL356 de M. Paul Molac.

Mme Emmanuelle Ménard. Par la destruction des données dans un délai de quarante jours après leur collecte, l’intention de l’amendement CL78 est d’assurer la protection maximale des données médicales personnelles tout en permettant de conserver les informations essentielles pour continuer à lutter efficacement contre le Covid-19.

M. Paul Molac. Selon une recommandation de la présidente de la CNIL, certaines données correspondant à des enquêtes sanitaires achevées devraient être supprimées dans un délai assez bref, et bien avant la fin de l’épidémie. Par l’amendement CL356, nous proposons que leur conservation ne puisse excéder un mois à l’issue de l’enquête sanitaire spécifique aux personnes atteintes par le virus et à celles ayant été en contact avec elles, et a fortiori qu’elle ne soit plus possible une fois le système d’information rendu inopérant.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable. Ces éléments relèvent du décret en Conseil d’État et devront faire l’objet d’un avis de la CNIL.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL359 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Toujours selon les recommandations de la présidente de la CNIL, le système d’information ne devrait contenir, sous réserve du recueil du consentement du patient, que des données relatives à son identification et des données strictement limitées à son statut virologique ou sérologique au titre du Covid-19 ainsi qu’à des éléments probants de diagnostic clinique. En vertu de ce principe de minimisation, aucune autre donnée relevant par exemple de la vie sociale de l’individu ou du reste de son dossier médical n’a à figurer dans le système d’information.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL357 de M. Philippe Vigier.

M. Paul Molac. Les médecins sont légitimement attachés au secret médical. Même si des dérogations sont déjà prévues dans la loi, l’Ordre des médecins préconise de sécuriser leur participation au dispositif d’intérêt public, en explicitant dans la loi les modalités des échanges de données à caractère personnel concernant la santé et en indiquant les catégories d’informations qui pourraient être communiquées sans le consentement des personnes intéressées. Nous proposons une limitation aux coordonnées de la personne et à la positivité du test de dépistage.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement

Elle est saisie de l’amendement CL234 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. Cet amendement vise à ajouter l’imagerie médicale aux éléments de santé collectés dans le système d’information.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. On voit que vous avez été médecin dans une autre vie : avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL42 et CL43 de Mme Marie-France Lorho.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL152 de M. Thomas Rudigoz et CL324 de Mme Laurence Vichnievsky.

M. Thomas Rudigoz. Le code de santé publique prévoit déjà que les personnes concernées peuvent avoir accès aux données dont elles font l’objet. L’amendement CL152 tend à préciser qu’elles ont aussi droit de les rectifier, le cas échéant.

Mme Laurence Vichnievsky. Quand bien même le consentement n’aurait pas à être recueilli, il nous semble utile que, pour les personnes atteintes par le virus, le décret en Conseil d’État précise les modalités du recueil du consentement « libre, spécifique, éclairé, univoque », au sens du RGPD. Cela favoriserait leur acceptation de participer au dispositif de traçage des personnes contacts, pour lesquelles le Sénat a apporté des garanties.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Monsieur Rudigoz, votre amendement est en partie satisfait par l’ajout du Sénat qui renvoie ces garanties au décret en Conseil d’État, comme l’a également souligné la présidente de la CNIL lors de son audition par notre commission.

Madame Vichnievsky, ce que vous proposez va à l’encontre de la logique même du dispositif. Demande de retrait.

Mme Laurence Vichnievsky. Je n’ai pas voulu toucher à l’alinéa 1er mais j’estime utile d’introduire cette précision dans le décret en Conseil d’État pour faire en sorte que la personne atteinte participe en connaissance de cause au traçage. Je maintiendrai donc mon amendement.

M. Raphaël Schellenberger. De l’analyse des dispositifs de traçage étrangers est ressorti que nous devrions reprendre certaines de leurs caractéristiques, comme la décentralisation du stockage des données, condition sine qua non de l’acceptabilité du système. Et que constate-t-on ? Ce projet de loi crée un système spécifique, reposant sur un fichier centralisé qui met à mal des notions structurantes de notre droit, telle la liberté du contrôle de ses propres données. Un choix technique donne ainsi lieu à des justifications politiques qui reviennent sur toute l’histoire de notre droit. Ce dont nous discutons aujourd’hui est l’exact inverse de ce que nous avions prévu de faire. Cela me déçoit.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL298 de Mme Christine Hennion. 

M. Jean-Michel Mis. Le décret prévu en Conseil d’État doit pouvoir préciser les modalités d’accès aux données. Il s’agit d’assurer la transparence du système, préalable essentiel aux droits d’opposition et de rectification des personnes concernées.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL69 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il convient de prévoir les conditions dans lesquelles des recours juridictionnels pourront être exercés.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. La précision est inutile, le recours juridictionnel étant de droit. Demande de retrait.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL390 de Mme Barbara Bessot Ballot. 

Elle est saisie de l’amendement CL169 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Vous pouvez considérer cet amendement comme défendu au même titre que mes amendements à venir, madame la présidente.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL240 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. Amendement de coordination avec mon amendement précédent relatif à l’imagerie médicale.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CL113 de M. Guillaume Chiche et CL44 de Mme Marie-France Lorho.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL361 de M. Yannick Favennec Becot, CL360 de M. Philippe Vigier et CL157 de M. Éric Diard.

M. Paul Molac. L’amendement CL361 précise qu’un suivi médical peut être proposé aux personnes qui le souhaitent après la période d’isolement.

Quant à l’amendement CL360, suivant une préconisation de l’Ordre des médecins, il retire le suivi médical des finalités du système d’information. Les systèmes d’information ont pour objet de lutter contre la pandémie en général, pas d’accompagner chaque malade.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement CL157 est proche du CL360. Il s’agit d’éviter tout biais dans le traitement médical personnalisé.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable, car l’action même des brigades sanitaires pourrait être remise en question.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement l’amendement CL158 de M. Éric Diard, les amendements CL45 de Mme Marie-France Lorho et CL159 de M. Éric Diard ainsi que l’amendement CL46 de Mme Marie-France Lorho.

La Commission est saisie de l’amendement CL371 de M. Thomas Mesnier.

Mme Laetitia Avia. Lorsque les données recueillies par le système d’information sont agrégées dans le cadre d’enquêtes épidémiologiques, à une échelle nationale comme locale, nous estimons qu’elles doivent faire l’objet d’une anonymisation afin de protéger les personnes concernées. Cet amendement du groupe La République en marche fait suite aux recommandations de la présidente de la CNIL lors de son audition.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL305 de Mme Sabine Thillaye. 

La Commission est saisie de l’amendement CL369 de M. Thomas Mesnier.

Mme Laetitia Avia. Il s’agit d’ajouter une nécessaire précision : « Les données d’identification des personnes infectées ne peuvent être communiquées à tout tiers, y compris aux personnes ayant été en contact avec elles, sauf accord exprès de la personne. »

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Ajout pertinent au regard des recommandations de la présidente de la CNIL.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL242 de M. Jean-François Eliaou.

 M. Jean-François Eliaou. Nous souhaitons supprimer l’alinéa 11 introduit par le Sénat, qui précise que le développement de l’application StopCovid est exclu des finalités des systèmes d’information. Cela est source de confusion : il n’en a jamais été question.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Il me semble que votre amendement irait à l’inverse du but que vous recherchez.

M. Sacha Houlié. La précision introduite par le Sénat est tout à fait salutaire. Elle permet de distinguer les systèmes d’information de l’application StopCovid, qui fera peut-être l’objet d’un débat au Parlement.

M. Jean-François Eliaou. La mention de cette application vient comme « un cheveu sur la soupe ». En aucun cas, les informations collectées ne pourraient être utiles à StopCovid.

M. Raphaël Schellenberger. « Cousu deux fois, ça tient mieux » a-t-on coutume de dire en Alsace. Spécifier que ce texte ne concerne pas StopCovid, application autour de laquelle tournent toutes les discussions, ça ne fait pas de mal. Rappelons que nous avons discuté pendant des semaines de ce projet de recueil décentralisé des données pour aboutir à un fichage général centralisé.

M. Jean-François Eliaou. Introduire dans la loi des mentions destinées à apaiser les angoisses des uns et des autres m’avait simplement paru inutile. Je retire mon amendement.

L’amendement CL242 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL47 de Mme Marie-France Lorho, CL10 de Mme Cécile Untermaier et CL170 de M. Stéphane Peu.

Elle examine l’amendement CL245 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. Par cohérence avec les dispositions adoptées plus tôt, nous proposons de remplacer, à l’alinéa 12, le mot : « dépistage » par les mots : « cohérents et les services d’imagerie médicale ».

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Nous faisons une loi bavarde ! Certes, il ne faut oublier aucune des techniques de dépistage, mais si l’on est amené à en dresser la liste, c’est probablement que le texte d’origine est mal écrit. De fait, nous ne pouvons pas exclure que soit découverte, demain, une autre technique de dépistage du Covid-19 que celles qui sont mentionnées à cet article.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL9 de Mme Cécile Untermaier.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL209 de M. Sacha Houlié et CL160 de M. Éric Diard.

M. Sacha Houlié. La violation du secret médical par les professionnels de santé est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende par l’article 226-13 du code pénal. Il ne serait pas compréhensible que les personnes habilitées exceptionnellement à accéder aux données médicales – je pense aux personnels de l’assurance maladie qui auront accès au fichier ou aux membres des brigades – puissent échapper à une telle sanction, applicable aux médecins libéraux susceptibles de collecter des données dans le cadre de la constitution du fichier. Il est donc proposé d’imposer le secret professionnel aux personnes habilitées par le présent projet de loi à avoir accès à ces données et de les assujettir aux mêmes sanctions que les professionnels de santé en cas de violation de celui-ci. Ainsi nous pourrons dissuader les personnes malveillantes de communiquer lesdites données.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Il est proposé, à l’article 6, de déroger au secret médical, mais d’autres garanties lui sont substituées. Le secret professionnel devra être respecté et les sanctions pénales que vous mentionnez s’appliqueront. Par ailleurs, les traitements ne pourront poursuivre d’autres finalités que celles prévues par le présent article et, en cas de manquement, les personnes concernées s’exposeront à des sanctions pénales : cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende. Demande de retrait.

M. Sacha Houlié. Je vais maintenir l’amendement, car je ne vois pas à quelle disposition de l’article 6 vous faites référence.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Ces sanctions sont prévues par le droit en vigueur ; il n’est pas besoin de les inscrire dans le texte.

La Commission rejette successivement les amendements.

L’amendement CL70 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL299 de Mme Christine Hennion.

M. Jean-Michel Mis. La question de la sous-traitance mériterait d’être examinée, mais nous retirons l’amendement, car sa rédaction doit être améliorée d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CL300 de Mme Christine Hennion.

M. Jean-Michel Mis. Il s’agit de décorréler la durée du système d’information de la durée de conservation des données, laquelle doit être déterminée en fonction des objectifs de la collecte. Il appartiendra au Conseil d’État de définir plus précisément ces règles de conservation.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Vous souhaitez préciser que le décret devra traiter notamment des modalités de conservation des données. Or cela va sans dire. Qui plus est, vous proposez, ce faisant, de supprimer la mention de la durée de l’accès aux données, qui est également un élément très important de l’encadrement de cet accès, comme l’a rappelé la présidente de la CNIL. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL210 de M. Sacha Houlié.

M. Sacha Houlié. Je vais retirer l’amendement CL210, qui vise à interdire purement et simplement la sous-traitance, au profit du CL211 à venir, qui tend à soumettre les sous-traitants aux obligations de protection des données et aux sanctions prévues en cas de violation desdites obligations.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. J’en demanderai le retrait. Comme l’a indiqué la présidente de la CNIL, les obligations liées à la protection des données et les sanctions prévues en cas de violation de ces obligations seront applicables aux sous-traitants ; c’est en effet la logique même du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Demande de retrait.

L’amendement CL210 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL362 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement reprend une recommandation de la présidente de la CNIL, qui préconise que les sous-traitants soient soumis aux mêmes obligations que les organismes mandataires. Il me semble préférable de prévoir ceinture et bretelles…

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Même avis que sur l’amendement CL210.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL263 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Par cet amendement, nous proposons que le décret précise les modalités des enquêtes sanitaires ainsi que les critères retenus pour estimer qu’une personne est un « cas-contact » afin, d’une part, que le protocole soit connu et, d’autre part qu’il soit uniforme sur le territoire.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Il n’est pas besoin d’inscrire cette précision dans la loi, puisque ces aspects opérationnels découlent des finalités présentées au présent article et feront l’objet d’un décret en Conseil d’Etat. Demande de retrait.

La Commission rejette l’amendement.

Sur la demande de la rapporteure, l’amendement CL211 de M. Sacha Houlié est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL287 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 15 prévoit l’instauration d’un comité de contrôle et de liaison associant la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre l’épidémie. Si ce dernier représente le peuple français et tire sa légitimité d’une élection, la « société civile » est un concept bien trop général et bien trop flou, et la légitimité de tel ou tel de ses représentants sera malheureusement sujette à discussion.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avis défavorable. Supprimer la mention de la société civile priverait ce comité de son intérêt, puisque le Parlement contrôle et évalue déjà l’action du Gouvernement.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL301 de Mme Christine Hennion.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL171 de M. Stéphane Peu et CL302 de Mme Christine Hennion.

M. Jean-Michel Mis. Il s’agit de renvoyer à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités de mise en œuvre des missions ainsi que la composition du comité de contrôle.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Favorable à l’amendement CL302.

La Commission rejette l’amendement CL171 puis adopte l’amendement CL302.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL364 de M. Yannick Favennec Becot.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL212 de M. Sacha Houlié et CL11 de Mme Cécile Untermaier.

M. Sacha Houlié. Je ne suis pas étonné que Mme Untermaier ait déposé un amendement analogue au mien, puisque je me suis inspiré du dispositif élaboré par Olivier Dussopt dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT).

Il s’agit en effet de renforcer le contrôle du Parlement sur la question spécifique du traitement des données à caractère personnel, en proposant que celui-ci soit informé sans délai des mesures prises par les autorités compétentes, qu’il ait la possibilité de demander communication de toute information utile. Surtout, nous proposons que le Gouvernement adresse au Parlement, chaque trimestre – puisque la durée du système d’information serait d’un an –, un rapport sur l’utilisation de ce système. Qu’une partie du Parlement soit informée dans le cadre du comité de contrôle, c’est bien ; qu’il puisse l’être dans son ensemble, y compris la commission des Lois, qui veille à la protection des libertés fondamentales, c’est mieux.

Mme Cécile Untermaier. Le CL11 a le même objet. La rapporteure pourrait donner un avis favorable à nos deux amendements. Ainsi, nous pourrions proposer un dispositif commun en séance publique.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Demande de retrait. Non seulement le Sénat a introduit dans le texte un comité de contrôle et de liaison, mais une mission de suivi a été créée à l’Assemblée nationale et au Sénat, et la CNIL exerce un contrôle de son côté. Il me semble que cela est suffisant.

M. Sacha Houlié. Je vais maintenir mon amendement. Le périmètre de la mission d’information n’est pas le même que celui de la commission des Lois, qui est spécifiquement compétente en matière de protection des libertés.

M. Raphaël Schellenberger. Je m’inquiète un peu, car plusieurs des amendements de M. Houlié me paraissent intéressants… Celui-là l’est d’autant plus que nous venons d’adopter l’amendement CL302, qui déstabilise la composition du comité de contrôle puisqu’il renvoie la fixation de sa composition au Conseil d’État en se contentant de préciser qu’il doit comprendre au moins deux députés et deux sénateurs. Ainsi, les parlementaires pourraient se trouver en minorité au sein de ce comité qui, dès lors, ne permettrait pas un véritable contrôle parlementaire. Organiser des rendez-vous entre le Gouvernement et le Parlement, qui est tout de même le garant de la protection des libertés, me semble indispensable.

La Commission adopte l’amendement CL212.

En conséquence, l’amendement CL11 tombe

La Commission adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL328 et CL329 de M. François Pupponi, l’amendement CL366 de M. Jean-Michel Clément, et les amendements CL241 et CL273 de M. François Pupponi.

Article 6 bis : Critères d’élaboration de la carte de classification des départements selon leur état sanitaire

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL327 de M. Yannick Favennec Becot.

Elle adopte l’article 6 bis sans modification.

Article 6 ter : Exonération de frais bancaires des personnes fragiles pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL322 de M. Aurélien Taché.

Elle adopte l’article 6 ter sans modification.

Chapitre III
Dispositions relatives à l’outre-mer

Article 7 (art. L. 3821-11, L. 3841-2 et L. 3841-3 du code de la santé publique) : Application outre-mer

La Commission est saisie de l’amendement de suppression CL56 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Danièle Obono. Il s’agit d’un amendement d’appel. L’épidémie a aggravé la situation sociale et sanitaire de certains territoires d’outre-mer, au point que les conditions d’accès à l’eau et au logement deviennent préoccupantes. Ces territoires sont, en outre, exposés au risque de voir se développer d’autres épidémies, telles que celle de la dengue, ou au cycle saisonnier d’invasion des sargasses. Or cette situation n’est pas suffisamment prise en compte par le Gouvernement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Adopter votre amendement reviendrait à abandonner l’outre-mer face à l’épidémie. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL27 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Danièle Obono. Par cet amendement, nous réitérons notre proposition d’autoriser le préfet à prendre sans attendre des mesures exceptionnelles pour une durée maximale de quarante-huit heures, le Gouvernement devant se prononcer sur l’opportunité des mesures prises avant l’expiration de ce délai. Nous estimons que les réponses locales pourront ainsi être plus adaptées qu’elles ne le sont actuellement.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Mon avis n’a pas changé depuis nos débats sur la loi du 23 mars dernier : il ne faut pas faire des préfets ultramarins des superpréfets nantis de pouvoirs gouvernementaux. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL376 de Mme Ericka Bareigts.

Elle adopte l’article 7 sans modification.

Après l’article 7

La Commission examine l’amendement CL88 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Il faudrait envisager de larges réquisitions de logements pour prévenir et faire cesser les violences intrafamiliales, qui ont considérablement augmenté depuis le début du confinement. Cela permettrait aux victimes d’avoir des lieux où elles seraient mises hors de danger.

Mme Marie Guévenoux, rapporteur. Votre amendement demande la remise d’un rapport au Parlement dans un délai de deux semaines, ce qui est extrêmement court. Par ailleurs, vous savez que la commission des Lois a une jurisprudence hostile aux demandes de rapport. J’émettrai donc un avis défavorable à cet amendement et à tous les autres de même nature.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL117 de M. Patrick Hetzel.

M. Raphaël Schellenberger. Afin de tirer les conclusions de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire sur les travaux parlementaires, nous proposons de prolonger jusqu’au 30 novembre prochain le délai dont disposent les commissions d’enquête en cours pour déposer leur rapport. Ce serait de bon aloi pour la qualité du contrôle parlementaire, qui est suspendu d’une façon assez invraisemblable pendant l’état d’urgence.

Mme Marie Guévenoux, rapporteur. Je vous suggère de retirer votre amendement. L’interruption du travail des commissions d’enquête a été prise en compte lorsque nous avons adopté la loi du 23 mars dernier. Son article 22 prolonge les délais de huit mois, au maximum jusqu’au 30 septembre prochain. Cela me paraît suffisant, le déconfinement étant en train d’être engagé au Parlement. Nous verrons au mois de juillet si une seconde prolongation de l’état d’urgence sanitaire est nécessaire et s’il faut aller plus loin en matière de délai.

M. Raphaël Schellenberger. Une vraie question se pose : malgré le déconfinement des assemblées, que nous souhaitons ardemment, le travail parlementaire sera ralenti pendant encore de longues semaines et il faudra rattraper du temps, notamment en ce qui concerne le contrôle de l’action du Gouvernement. J’espère bien que nous n’aurons pas à adopter une nouvelle prolongation de l’état d’urgence en juillet : par conséquent, nous n’aurons pas nécessairement à notre disposition le vecteur législatif que vous avez évoqué.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL23 de M. Vincent Ledoux.

Elle examine en discussion commune les amendements CL144 et CL145 de M. Éric Ciotti et CL198 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Philippe Gosselin. Ces amendements demandent la remise au Parlement d’un rapport sur la gestion du stock et l’acquisition de masques avant le 31 décembre prochain.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL95 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. La gratuité des masques est un enjeu sanitaire mais aussi de justice sociale – des élus et des associations de professionnels de santé l’ont souligné. Il y a une pénurie de masques dits grand public : lorsqu’ils arrivent dans la grande distribution, ils sont aussitôt vendus, dans des circonstances assez problématiques, et on se heurte à un problème d’accessibilité économique pour un certain nombre de concitoyens et concitoyennes. Après l’échec de l’encadrement des prix, sous un plafond dix fois supérieur à ce qu’ils étaient avant la crise, la gratuité serait la solution la plus simple et la plus juste d’un point de vue sanitaire et social.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette également l’amendement CL116 de M. Julien Dive.

Elle est saisie de l’amendement CL146 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement demande qu’un rapport soit remis au Parlement avant la fin de l’année sur le nombre de soignants contaminés et sur le nombre d’entre eux qui ont fait l’objet d’un test, afin d’avoir des éléments précis et fiables en la matière.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL96 de M. Alexis Corbière.

Mme Danièle Obono. Cette demande de rapport porte sur la mise à disposition à titre gratuit de tests virologiques ou sérologiques aux personnes qui le souhaiteraient, notamment celles qui poursuivent leur activité professionnelle en « première ligne ». Il y a, en effet, un coût pour celles et ceux qui ne disposent pas d’une mutuelle ou ne sont pas couverts par la sécurité sociale. La gratuité constitue un enjeu sanitaire – il s’agit d’éviter des stratégies de contournement qui pourraient exister si les tests ont un coût pour les personnes – mais aussi de justice sociale.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL86 de M. Alexis Corbière.

Mme Danièle Obono. Nous continuons à proposer, comme nous l’avons déjà fait lors de débats précédents, la prise en charge totale par l’État des frais d’obsèques des personnes décédées du fait du Covid-19. C’est une nécessité malheureusement urgente pour certaines familles. Outre la douleur causée par les décès, les obsèques peuvent représenter des charges financières insupportables. Si cet amendement était rejeté, nous aimerions avoir une justification, et nous le représenterions en séance publique.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL82 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Un encadrement des prix agricoles et alimentaires est nécessaire. Alors que nous sommes une des premières puissances mondiales, de plus en plus de gens qui arrivaient jusque-là à s’en sortir malgré leurs revenus modestes sont en passe de basculer dans la pauvreté et se tournent vers des distributions alimentaires. C’est la conséquence directe de l’augmentation des prix, le Gouvernement se refusant à les encadrer suffisamment. Nous ne comprenons pas pourquoi, alors qu’il existe une urgence sociale évidente, le Gouvernement ne veut pas utiliser des leviers qui sont nécessaires.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL105 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. Cet amendement concerne la réquisition du secteur textile, qui serait un moyen de répondre, en partie, aux pénuries actuelles, notamment en matière de masques. Nous trouvons que cet outil n’est pas suffisamment utilisé, et nous n’avons toujours pas obtenu d’explications sur ce point. L’État est à l’origine d’un certain nombre de manquements en ce qui concerne les approvisionnements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL106 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Cette nouvelle demande de rapport est relative à la nationalisation de plusieurs entreprises essentielles pour répondre aux nécessités actuelles en matière d’équipement sanitaire – Luxfer, qui fabrique des bouteilles d’oxygène, Famar, qui produit des médicaments, et Peters Surgical, qui construit des respirateurs. Il n’y a eu aucune explication du refus de nationaliser ces entreprises, alors que c’est nécessaire et que les salariés, qui ont un savoir-faire important, sont prêts à se mettre au travail.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL110 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous redéposerons nos amendements, car ces questions mériteraient des réponses du Gouvernement. Ce dernier souhaite que nous lui octroyions des pouvoirs exorbitants mais il n’explique pas, malgré son bilan assez catastrophique jusqu’à présent, pourquoi il n’adopte pas des mesures qui permettraient de répondre à la situation d’urgence que nous vivons.

L’amendement CL110 porte sur la question de la gratuité des transports pour les personnes dont les déplacements entre leur domicile et le lieu d’exercice de leur activité professionnelle sont indispensables pour des activités ne pouvant être organisées sous forme de télétravail. Des inégalités sont apparues dans ce domaine : ce sont essentiellement les catégories B et C et les travailleurs et travailleuses manuels qui sont concernés.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL147 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Gosselin. Comme Mme Obono, nous ne nous laissons pas décourager par la jurisprudence de la commission des Lois au sujet des demandes de rapport. Nous souhaitons en avoir un, avant le 31 décembre, sur la gestion des centres de rétention administrative.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CL311 de M. Hervé Saulignac, CL154 de M. Éric Diard et CL336 de M. François Pupponi.

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République vous demande dadopter le projet de loi prorogeant létat durgence sanitaire et complétant ses dispositions dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (n° 2905).

 


([1]) Arrêté du 30 janvier 2020 relatif à la situation des personnes ayant séjourné dans une zone atteinte par l’épidémie et arrivant sur le territoire français et arrêté du 20 février 2020 relatif à la situation des personnes ayant séjourné dans une zone atteinte par l’épidémie : mise en quarantaine pour une durée de 14 jours dans plusieurs centres d’hébergement des personnes ayant résidé à Wuhan.

([2]) Arrêté du 4 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus (interdiction de tout rassemblement mettant en présence de manière simultanée plus de 5 000 personnes en milieu clos) ; arrêté du 9 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus (interdiction de tout rassemblement mettant en présence de manière simultanée plus de 1 000 personnes) ; arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus (interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert).

([3]) L’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 a en particulier prévu la fermeture au public des salles de spectacles, des centres commerciaux, des restaurants et débits de boisson, des bibliothèques et des musées, interdit les réunions de plus de 100 personnes et suspendu l’accueil au sein des crèches, écoles, collèges, lycées et universités. Le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile à quelques exceptions près, par ailleurs encadrées.

([4]) Considérant 4.

([5]) Sa composition est en partie fixée par la loi puisque son président est désigné par décret du Président de la République et qu’il comprend deux personnalités nommées respectivement par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. En revanche, la loi renvoie au décret la nomination d’un certain nombre de personnalités qualifiées.

([6]) Exposé sommaire de l’amendement COM–32 de M. Philippe Bas.

([7]) Étude d’impact sur le présent projet de loi, p. 4.

([8]) Conseil d’État, avis n° 400104 sur le présent projet de loi.

([9]) Rapport n° 416 (2019-2020) de M. Philippe Bas sur le présent projet de loi.

([10]) Ces collectivités sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

([11]) La Commission a demandé l’avis du Gouvernement.

([12]) Décret n° 2007-1073 du 4 juillet 2007 portant publication du règlement sanitaire international (2005) adopté par la cinquante-huitième Assemblée mondiale de la santé le 23 mai 2005.

([13]) L’isolement « sentend de la mise à lécart de malades ou personnes contaminées ou de bagages, conteneurs, moyens de transport, marchandises ou colis postaux affectés de façon à prévenir la propagation de linfection ou de la contamination ».

([14]) La quarantaine « sentend de la restriction des activités et/ou de la mise à lécart des personnes suspectes qui ne sont pas malades ou des bagages, conteneurs, moyens de transport ou marchandises suspects, de façon à prévenir la propagation éventuelle de linfection ou de la contamination ».

([15]) Ordonnance n° 2017‑44 du 19 janvier 2017 relative à la mise en œuvre du Règlement sanitaire international de 2005.

([16]) Article R. 3115‑3‑1 du code de la santé publique.

([17]) Il semble également avoir été peu employé, même au cours de la crise sanitaire actuelle. Les arrêtés du ministre de la santé du 30 janvier (NOR : SSAP2003065A) et du 20 février 2020 (NOR : SSAP2005388A) relatifs à la situation des personnes ayant séjourné dans une zone atteinte par l’épidémie de virus Covid-19 ne visent pas l’article L. 3115‑10 du code de la santé publique, mais l’article L. 3131‑1 du même code qui permet la prescription de toute mesure proportionnée en cas de menace sanitaire grave. Ces textes ordonnaient pourtant le placement en quarantaine de personnes en provenance de Wuhan dans des centres réquisitionnés à cette fin dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Calvados.

([18]) La quarantaine et l’isolement n’impliquent cependant pas une obligation de médication contre le gré de l’intéressé, contrairement aux soins sans consentement. Elles sont donc moins intrusives et pourraient, en conséquence, s’accompagner de moindres garanties des droits et libertés.

([19]) Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S., cons. n° 16.

([20]) Ibid., cons. n° 25.

([21]) Décision n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, M. Abdellatif B. et autre, cons. n° 10.

([22]) Article L. 3213‑1 du code de la santé publique.

([23]) Article L. 3211‑3 du code de la santé publique.

([24]) Article L. 3211‑9 du code de la santé publique.

([25]) Article L. 3211‑3 du code de la santé publique.

([26]) Article L. 3211‑12 et L. 3211‑12‑1 du code de la santé publique. Le Conseil constitutionnel considère, en effet, que si « larticle 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de lautorité judiciaire, il nimpose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté » (décision n° 2010-71 QPC précitée, cons. n° 20).

([27]) Article L. 3211‑12‑4 du code de la santé publique.

([28]) Cette justification apparaît obsolète dès lors que l’article 2 vise désormais expressément les personnes provenant de l’étranger, d’outre-mer ou de Corse, ou se rendant dans une collectivité d’outre-mer ou en Corse.

([29]) Ajoutée au projet de loi sur la recommandation du Conseil d’État, cette précision s’inspire directement du régime des soins sans consentement. « À linstar de ce qui est prévu par exemple en matière dadmission en soins psychiatriques sur décision du représentant de lÉtat (article L.3213-1), [le Conseil dÉtat considère] que la transmission de ce certificat médical est nécessaire pour permettre au préfet dexercer sa compétence dans le respect des libertés auxquelles la mesure de placement et de maintien en isolement est par elle-même susceptible de porter atteinte, dès lors quelle est subordonnée à la constatation médicale de linfection de la personne concernée » (avis n° 400104 du 1er mai 2020, point n° 12).

([30]) Conseil d’État, avis n° 400104 du 1er mai 2020, point n° 13.

([31]) Ces modalités figurent à l’article L. 3113‑1 du code de la santé publique. Les procédures de transmission proprement dites sont précisées aux articles R. 3113‑1 à R. 3113‑5 du même code.

([32]) Rapport n° 416 sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (2019‑2020) de M. Philippe Bas au nom de la commission des Lois du Sénat, 4 mai 2020.

([33]) Conseil constitutionnel, décision n° 86‑224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, cons. n° 16 : « lorsque lapplication dune législation ou dune réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans lintérêt dune bonne administration de la justice, dunifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de lordre juridictionnel principalement intéressé. »

([34]) Ordonnance n° 2020‑322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation.

([35]) Article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale.

([36]) Voir, dans le commentaire des dispositions de l’article 3, la définition donnée par l’Organisation mondiale de la santé des notions d’isolement et de quarantaine.

([37]) L’intéressement est un dispositif d’épargne salariale lié aux résultats ou aux performances de l’entreprise. Toutes les entreprises peuvent le mettre en place, par voie d’accord avec les salariés. Le bénéficiaire de l’intéressement perçoit une prime dont le montant et les conditions de versement sont fixés par l’accord d’entreprise. Les sommes sont immédiatement disponibles, mais le salarié peut choisir de les placer sur un plan d’épargne salariale ou un compte épargne-temps.

([38]) La participation est un mécanisme de redistribution des bénéfices de l’entreprise aux salariés. Elle est obligatoire dans les entreprises dont l’effectif est de 50 salariés ou plus. Le salarié bénéficiaire reçoit une prime dont le montant est fixé par l’accord de participation. Il peut demander le versement immédiat des sommes ou leur placement en épargne. Dans ce cas, les sommes sont indisponibles pendant 5 ans. L’accord de participation précise comment les sommes sont placées.

([39]) Ces mesures sont énumérées aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du même code. Elles sont décrites dans le commentaire des articles 1er et 2 du présent projet de loi.

([40]) Article 131‑13 du code pénal.

([41]) Article R. 49 du code pénal.

([42]) Article 131‑13 du code pénal.

([43]) Décret n° 2020‑357 du 28 mars 2020 relatif à la forfaitisation de la contravention de la 5e classe réprimant la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

([44]) La loi prévoit également, en répression de ce délit, les peines complémentaires de travail d’intérêt général et de suspension pour trois ans du permis de conduire.

([45]) Article 17 du code de procédure pénale : « Les officiers de police judiciaire exercent les pouvoirs définis à l’article 14 » parmi lesquels « constater les infractions à la loi pénale ».

([46]) Article 20 du code de procédure pénale : « Les agents de police judiciaire ont pour mission (…) de constater les crimes, délits ou contraventions et den dresser procès-verbal. »

([47]) Les agents de police judiciaires adjoints sont définis à l’article 21 du code de procédure pénale, dont l’avant-dernier alinéa leur permet uniquement de constater par procès-verbal certaines contraventions aux dispositions du code de la route ainsi que l’outrage sexiste prévu à l’article 621-1 du code pénal.

([48]) Article L. 511‑1 du code de la sécurité intérieure.

([49]) Article L. 521‑1 du code de la sécurité intérieure.

([50]) Article L. 531‑1 et L. 541‑1 du code de la sécurité intérieure.

([51]) Conseil d’État, avis n° 400104 du 1er mai 2020, point n° 15.

([52]) Les adjoints de sécurité sont des agents contractuels de la police nationale recrutés pour trois ans renouvelables une fois. Ils bénéficient d’une formation aux métiers de la sécurité au contact des fonctionnaires des services actifs.

([53]) Conformément au 1° de l’article L. 3131‑15 dans sa rédaction résultant de l’article 2 du projet de loi.

([54]) 8° de l’article L. 3131‑15 du code de la santé publique.

([55]) 10° de l’article L. 3131‑15 du code de la santé publique.

([56]) Le capitaine de navire est officier de police judiciaire, habilité à constater les infractions commises à son bord.

([57]) « Santé publique France », qui correspond à l’agence nationale de santé publique, est un établissement public administratif sous tutelle du ministre chargé de la santé, créé en 2016, dont la mission est d’améliorer et de protéger la santé des populations. Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, l’agence est chargée de surveiller l’évolution de l’épidémie, d’anticiper les différentes mesures à mettre en œuvre et d’agir pour prévenir et limiter la transmission du virus.

([58]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([59]) L’article L. 1110-4 du code de la santé publique rappelle en effet que toute personne prise en charge pour des motifs de santé « a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant. »

([60]) « Les médecins au cœur du circuit de « contact tracing » des patients Covid-19, Ameli, 2 mai 2020.

([61]) Ibid.

([62]) Les professionnels de santé bénéficieraient d’une rémunération spécifique pour la réalisation des consultations au titre du Covid-19 et le renseignement des informations de niveau 1 (relatives aux personnes résidant dans le même domicile). Si les professionnels approfondissent le contact tracing, cette rémunération serait majorée par contact supplémentaire et niveau de précision des informations saisies.

([63]) Ces plateformes seraient composées de personnels médicaux et administratifs relevant des caisses primaires et de l’échelon local du service médical. Elles pourraient être complétées, dans les semaines à venir, par des structures extérieures volontaires composées de professionnels de santé de ville.

([64]) Avis n° 400104 du 1er mai 2020.

([65]) Le Conseil d’État souligne ainsi que « le recours à une loi est nécessaire dès lors que les systèmes dinformation dont le législateur autorise la création ou ladaptation permettront dorganiser le traitement de données en matière de santé sans que les responsables du traitement aient à recueillir au préalable, dans tous les cas, le consentement des personnes intéressées. »

([66]) À ce titre, la CNIL a énoncé plusieurs recommandations encadrant le recours à la sous-traitance dans sa délibération n° 2020-044 du 20 avril 2020 portant avis sur un projet d’arrêté complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([67]) Délibération précitée. Cette plateforme a été créée par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et s’est substituée à l’Institut national des données de santé.

([68]) Article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles.

([69]) Article L. 312-1-3 du code monétaire et financier.

([70]) Les départements et régions d’outre-mer sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion.

([71]) Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([72]) Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

([73]) Loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([74]) Régis Fraisse, « Les collectivités territoriales régies par l’article 74 », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 35, avril 2012.

([75]) 2° de l’article 14 de la loi organique du 27 février 2004 précitée.

([76]) 1° du I de l’article 21 du statut du 19 mars 1999 précité.

([77]) Article 6‑2 du statut du 19 mars 1999 précité.

([78]) 4° de l’article 22 du statut du 19 mars 1999 précité.

([79]) Conseil d’État, avis du 14 mai 2003 n° 368.861.

([80]) L’alinéa 6 de l’article 74 de la Constitution impose la consultation préalable des institutions locales « sur les projets et propositions de loi et les projets dordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité ».

([81]) https://www.congres.nc/etat-durgence-sanitaire-en-nouvelle-caledonie-la-complementarite-du-national-et-du-local/

([82]) Rapport n° 20‑2020 de Mmes Bruant et Sanquer relatif à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française sur le projet d’ordonnance portant adaptation de l’état d’urgence sanitaire aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie, présenté au nom de la commission de la santé, de la solidarité, du travail et de l’emploi, 15 avril 2020.

([83]) Conseil constitutionnel, décision n° 2004‑490 DC du 12 février 2004, Loi organique portant statut dautonomie de la Polynésie française, considérant n° 18. Le législateur organique a formulé la même réserve à l’article 8 de la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française. Les contours de cette catégorie de normes, dite des « lois de souveraineté », sont définis restrictivement par la jurisprudence.

([84]) Conseil d’État, 17 mai 2002, M. Hoffer, n° 232359.

([85]) L’applicabilité résulte alors du texte même.

([86]) Article 5 de ladite loi.

([87]) Conseil d’État, avis n° 400104 du 1er mai 2020, point n° 20.