N° 3011

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent Saint-Martin,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 12
 

 

CULTURE :

 

PATRIMOINES

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Gilles CARREZ

 

Député

____

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Principales observations, donnÉes clÉs et recommandations du rapporteur spécial

Introduction

Première partie : Lexécution 2019 illustre les progrÈs et les fragilitÉs du budget du patrimoine

1. Une priorité budgétaire réaffirmée dans lépreuve

a. Lincidence modérée des mesures de périmètres

b. Le rattachement du produit de la souscription nationale pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

c. Le rétablissement des crédits mis en réserve

2. La programmation difficile du financement de lentretien et de la restauration des monuments historiques

a. Les facteurs de sous-consommation des crédits déconcentrés

b. Lenvolée des restes à payer liés aux grands chantiers patrimoniaux

3. Des redéploiements de crédits à mieux prendre en compte dans les prochaines lois de finances

4. Des dispositifs fiscaux indispensables quil convient de conforter

a. Des mesures fiscales justifiées par les charges liées aux monuments historiques

b. Mener à son terme lélargissement du champ dapplication du label « Fondation du patrimoine »

c. Moderniser la notion fiscale douverture au public pour les propriétaires privés de monuments

d. Le « nouveau Malraux » doit être préservé et pourrait être étendu

5. Une mesure de la performance budgétaire adaptée mais perfectible

Deuxième partie : Le choc budgÉtaire de la crise sanitaire appelle une relance durable  du secteur du patrimoine

1. La chute de fréquentation des grands établissements patrimoniaux diminue dangereusement leurs niveaux de ressources propres

a. Leffondrement des ressources propres des établissements les plus attractifs

b. La baisse dactivité noccasionne par déconomies de fonctionnement significatives

c. La diminution des fonds de roulement des opérateurs patrimoniaux

2. Les conséquences économiques de la crise sanitaire accentuent les risques de sous-investissement dans les monuments historiques

3. Sécuriser les investissements patrimoniaux, faire des monuments historiques un facteur de relance sur lensemble du territoire

a. Financer linvestissement des grands établissements disposant de niveaux élevés de ressources propres par des prêts du Fonds dépargne de la Caisse des dépôts et consignations

b. Inclure lentretien et la restauration des monuments historiques dans les plans de relance sectoriels

Travaux de la commission

Annexe : Liste des personnes auditionnÉes


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Principales observations, donnÉes clÉs et recommandations du rapporteur spécial

L’exécution des crédits en 2019

 La consommation des crédits du programme Patrimoines a atteint 946 millions d’euros, en hausse de + 5 %. À l’initiative du rapporteur spécial, le programme a bénéficié, en loi de finances rectificative, du rétablissement de 17 millions d’euros de crédits issus de la réserve de précaution, permettant de compenser la fiscalité des jeux appliquée au loto du Patrimoine et d’abonder les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques.

 Le rattachement de la souscription nationale pour la reconstruction et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, a permis de ne pas faire peser sur le programme une dépense qui aurait été insoutenable : 31 millions d’euros ont été consommés à ce titre jusqu’à l’installation, le 1er décembre 2019, de l’établissement public qui sera destinataire du solde des 830 millions d’euros de promesses de dons, dont 189 millions d’euros de crédits effectivement encaissés au 31 mars 2020.

 Si les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques atteignent 317 millions d’euros, en hausse pour la troisième année consécutive, cette dynamique provient des échéanciers des grands projets (Château de Villers-Cotterêts, Hôtel de la Marine) alors que la consommation des crédits hors grands projets diminue légèrement en raison des difficultés des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour gérer la chaîne des dépenses des subventions des plus petits projets.

Alors qu’ils avaient légèrement diminué en 2018, les restes-à-payer du programme atteignent désormais 752 millions d’euros en hausse de 116 millions d’euros (+ 18 %), ce qui expose le ministère à un risque d’emballement de la sollicitation de crédits pour lesquels il manque d’une programmation budgétaire précise par tranches fonctionnelles.

 Les dépenses fiscales rattachées au programme sont des dispositifs utiles qui incitent à la protection des monuments historiques et à la restauration d’immeubles en sites patrimoniaux remarquables. Leur champ d’application gagnerait à être élargi et leur mise en œuvre simplifiée.

crédits de paiement du programme 175

Source : commission des finances, d’après les données des rapports annuels de performances de la mission Culture.

RÉpartition par actions des crÉdits consommÉs en 2019

Source : commission des finances, d’après les données du rapport annuel de performances de la mission Culture.

Les effets de la crise sanitaire sur le financement du patrimoine

 Les grands opérateurs muséaux et patrimoniaux sont confrontés à l’effondrement de leurs ressources propres qui dépendent de leurs fréquentations et particulièrement du tourisme international. Sur la seule année 2020, le total des pertes devrait dépasser 300 millions deuros, dont 80 millions d’euros pour le musée du Louvre, 60 pour le centre des monuments nationaux, 40 pour Versailles, 20 pour le Musée d’Orsay et 20 pour le centre Georges Pompidou. Les effets se prolongeront en 2021, remettant en cause l’ensemble des programmations budgétaires.

 Ayant dû assumer la quasi-totalité de leurs charges, tous les établissements puisent dans leurs fonds de roulement, ce qui obère le financement de leurs investissements. Le programme 175 ne dispose pas de crédits suffisants pour compenser ces pertes et tout redéploiement de crédits se ferait aux détriments des monuments historiques.

 Afin de sauvegarder les programmes dinvestissement des grands opérateurs du patrimoine, le rapporteur spécial propose de les autoriser à accéder, de façon encadrée, à des emprunts à maturité longue du Fonds dépargne de la Caisse des dépôts et consignations. Une partie de l’épargne nationale du Livret A financerait ainsi des investissements d’intérêt général adossés à des ressources commerciales durables.

 Absent des plans sectoriels de soutien à la culture ou au tourisme présentés par le Gouvernement, le soutien aux monuments historiques peut puissamment contribuer à la relance de l’activité sur l’ensemble du territoire. Les crédits budgétaires sous-consommés en raison de l’interruption des chantiers et du retard dans la mise en place des exécutifs communaux peuvent permettre le démarrage rapide de centaines de projets, en majorant les subventions de l’État, en priorisant les travaux les plus aisés à mettre en place et en mobilisant les services déconcentrés du ministère. 


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   Introduction

Au sein de la mission Culture, le programme 175 Patrimoines finance les politiques publiques destinées à préserver, enrichir, mettre en valeur et rendre accessible au public le plus large le patrimoine dans toutes ses composantes : les 44 000 immeubles protégés au titre des monuments historiques que compte notre pays, les collections nationales conservées notamment dans les musées de France, l’architecture et l’archéologie.

En 2019, avec 947 millions deuros en crédits de paiement (CP), les dépenses du programme 175 ont représenté 32,1 % des crédits de la mission Culture (2,95 milliards d’euros) en hausse de 1,3 point.

Ce programme présente la particularité de concentrer la majeure partie de l’investissement de la mission : dans les monuments historiques ou les équipements muséaux dont l’État est propriétaires, mais également par le biais de crédits d’intervention qui subventionnent les opérations menées à ce titre, sur l’ensemble du territoire, par les collectivités territoriales ou les propriétaires privés. Il s’agit donc d’un atout pour la politique patrimoniale, mais également d’une fragilité au plan budgétaire car ces crédits dits « manœuvrables » subissent, plus que d’autres, des annulations ou des redéploiements, ce qui expose le programme 175 au risque d’être la variable d’ajustement de la mission Culture.

En outre, plus de la moitié des crédits est versée à quelques grands opérateurs de l’État sous forme de subventions de fonctionnement ou d’investissements, dont les principaux sont les grands musées nationaux, comme le Louvre, Orsay ou le centre Georges Pompidou, le Centre des monuments nationaux, les châteaux de Versailles ou de Fontainebleau, la Réunion des musées nationaux-Grand Palais ou l’Institut national de recherches archéologiques préventives. C’est un enjeu de pilotage important pour le ministère.

Afin de conférer aux crédits budgétaires du programme 175 le plus grand effet de levier sur le financement de l’ensemble des acteurs du patrimoine, la direction générale des Patrimoines du ministère doit donc pouvoir s’appuyer à la fois sur ses services déconcentrés dans les directions régionales d’action culturelle (DRAC) et sur ces grands opérateurs, que leur capacité à mobiliser des ressources propres a rendus de plus en plus autonomes.

À l’occasion l’examen du projet de loi de règlement 2019, et en raison de la crise sanitaire liée au covid-19 qui frappe le pays, le rapporteur spécial a consacré les travaux menés dans le cadre du Printemps de l’évaluation 2020 de la commission des finances à une estimation des principaux enjeux de la crise sanitaire pour le déploiement des politiques publiques et la mobilisation des crédits budgétaires dans le périmètre du programme Patrimoines.

*

*     *

.


—  1  —

   Première partie : L’exécution 2019 illustre les progrÈs et les fragilitÉs du budget du patrimoine

La loi de finances pour 2019 prévoyait, pour le programme Patrimoines, 1 046,3 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), en hausse de + 10,9 %, et 909,6 millions d’euros en CP, quasi stable par rapport à 2018.

Cependant, les crédits exécutés en 2019 sélèvent à 1 063 millions deuros en AE et 946,62 millions deuros en CP, respectivement en hausse de + 18,1 % et de + 5,4 % par rapport à 2018.

1.   Une priorité budgétaire réaffirmée dans l’épreuve

La consommation des CP du programme Patrimoines a augmenté de 48,4 millions d’euros entre 2018 et 2019, et s’établit à un niveau supérieur de 37 millions deuros aux crédits ouverts en loi de finances initiale, avec un taux de consommation global de 104 %.

Programmation et exécution des crédits du programme 175

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale

1 046,3

909,6

Reports

+ 70,1

+ 15,7

Fonds de concours et attribution de produits

+ 85,8

+ 87

Annulations (loi de finances rectificative)

– 4,2

– 4,2

Total des mouvements de crédits

+ 151,8

+ 98,6

Crédits ouverts

1 198,1

    1 008,2

Crédits consommés

1 063,1

946,7

Crédits consommés / crédits ouverts

         88,7 %

        93,9 %

Crédits consommés  / crédits inscrits en LFI

101,6 %

       104,1 %

Source : commission des finances, daprès les données du rapport annuel de performances de la mission Culture pour 2019.

a.    L’incidence modérée des mesures de périmètres

L’écart de consommation entre 2018 et 2019 provient, pour 7,9 millions deuros, de mesures de périmètre de la loi de finances initiale.

348 emplois en équivalent temps plein (ETP) du Centre des monuments nationaux (CMN), jusqu’alors rémunérés par le ministère sur le programme 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, sont désormais rémunérés par l’opérateur : il en a résulté le transfert de crédits de titre 2 du programme 224 vers des crédits de titre 3 de l’action 1 du programme 175 qui porte la subvention pour charges de service public du CMN.

Le transfert effectif sest élevé à 13,5 millions deuros résultant de l’ouverture de 17,4 millions d’euros ([1]), minorés par la loi de finances rectificative de 3,9 millions d’euros en raison du report de ce transfert du 1er avril au 1er juin 2019. La loi de finances pour 2020 a prolongé et étendu ce transfert aux personnels correspondants des établissements publics du Château de Versailles et des Musées d’Orsay et de l’Orangerie.

Inversement, les crédits ont été diminués de - 3,2 millions deuros en raison du transfert de laction Patrimoine linguistique, vers le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, sous la dénomination nouvelle de Langue française et langues de France, et de - 2,4 millions deuros vers le programme 167 Lien entre la Nation et son armée de la mission Défense, suite au transfert de la responsabilité de linstallation des tribunes des célébrations de la fête nationale du 14 juillet.

b.   Le rattachement du produit de la souscription nationale pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Ainsi que le montre le tableau suivant, la hausse entre 2018 et 2019 de 48,4 millions deuros du total des CP du programme provient principalement de laugmentation de 57,9 millions deuros (+ 17,7 %) des crédits de laction 1 Monuments historiques et patrimoine monumental.

Évolution par actions des crÉdits du programme Patrimoines en 2018 et 2019

Y compris fonds de concours et attributions de produits (en millions d’euros)

 

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Exécution 2018

PLF 2019

Exécution 2019

Évolution

2018-2019

Exécution 2018

PLF 2019

Exécution 2019

Évolution

2018-2019

01 Monuments historiques et patrimoine monumental

341,1

490

489,9

+ 148,8

+ 43,6 %

327,5

363,1

385,4

+ 57,9

+ 17,7 %

02 Architecture et espaces protégés

32,2

32,2

32,7

+ 0,5

+ 1,6 %

30,9

32,3

33,7

+ 2,8

+ 9,1 %

03 Patrimoine des musées de France

342,7

346,9

346,6

+ 3,9

+ 1,1 %

350,4

337,5

336,6

- 13,8

- 3,9 %

04 Patrimoine archivistique et célébrations nationales

31,6

30,3

30,1

- 1,5

- 4,7 %

37,6

30

35,7

- 1,9

- 5,1 %

07 Patrimoine linguistique

3,1

 

 

 

 

3,1

 

 

 

 

08 Acquisition et enrichissement des collections publiques 

10,2

9,8

8,7

- 1,5

- 14,7 %

10,2

9,8

8,8

- 1,4

- 13,7 %

09 Patrimoine archéologique

138,8

136,9

154,9

+ 16,1

+ 11,6 %

138,5

136,9

146,4

+ 7,9

+ 5,7 %

TOTAL

899,8

1 046,3

1 063

+ 163,2

+ 18,1 %

898,2

909,6

946,6

+ 48,4

+ 5,4 %

Source : commission des finances, daprès les données du rapport annuel de performances de la mission Culture pour 2019

Les crédits de cette action ont en effet été considérablement abondés à la suite de lincendie, survenu le 15 avril 2020, sur le chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Lélan de générosité publique exceptionnel a permis de procéder, dès le 16 avril, au rattachement par voie de fonds de concours de recettes provenant des dons ([2]), dans un cadre juridique sécurisé par la loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

Tout au long de lexercice 2019 78,5 millions deuros en AE et en CP issus de la souscription nationale ont pu être rattachés au programme 175.

Sur l’action 1 du programme 175, la loi de finances initiale comportait seulement 2,7 millions deuros en AE et 2,2 millions deuros en CP au titre du chantier initial de restauration conduit par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Île-de-France ([3]). Sur cette enveloppe, préalablement au sinistre et dans les quelques jours qui suivirent, 1,07 million d’euros en CP ont été consommés, puis la souscription nationale a permis de consommer 29,5 millions deuros supplémentaires en CP, et 52 millions d’euros en AE, pour engager les premières interventions durgence, sous maîtrise douvrage de la DRAC.

Au 1er décembre 2019, la maîtrise douvrage a été transférée à létablissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, créé par l’article 9 de la loi du 29 juillet 2019, et opérationnel à compter du 1er décembre 2019 ([4]).

Comme le montre le schéma page suivante, cet établissement est destinataire des sommes récoltées dans le cadre de la souscription nationale. À cette fin, la Fondation du patrimoine, la Fondation Notre-Dame, la Fondation de France et le CMN, habilités à ce titre par l’article 3 de la loi du 29 juillet 2019, ont reçu plus de 830 millions deuros de promesses de dons, dont 189 millions d’euros de crédits effectivement encaissés au 31 mars 2020. 

La souscription nationale évite donc, sur la durée, de faire peser le poids considérable de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris sur les crédits du programme Patrimoines.

Circuit de financement de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

c.   Le rétablissement des crédits mis en réserve

Le niveau élevé de consommation des crédits de l’action 1 résulte enfin des mesures prises, à deux reprises, fin 2018 et fin 2019, pour compenser les effets de la fiscalité sur le loto du Patrimoine. La fiscalité minore en effet d’environ 14 millions d’euros les produits du loto affectés à la Fondation du patrimoine (22 millions d’euros en 2019) destinés aux travaux de restauration des monuments inscrits sur la liste de la mission du patrimoine en péril, initiée par Stéphane Bern.

À cette fin le Gouvernement avait procédé, fin 2018, au dégel de 14 millions deuros de la réserve de précaution, attribués au CMN puis délégués aux DRAC en début de gestion 2019, afin quelles accroissent le subventionnement des projets financés par ailleurs par la mission Bern.

Une opération identique a pu être menée fin 2019 grâce au maintien, à l’initiative du rapporteur spécial suivi par les rapporteurs généraux de l’Assemblée nationale et du Sénat, de 21,3 millions deuros de crédits de la réserve de précaution que le projet de loi de finances rectificative présenté par le Gouvernement envisageait d’annuler.

Inscrite sur l’action 1 du programme, la dotation en fonds propres du CMN a ainsi été abondée, fin 2019, non seulement des 14 millions d’euros, correspondant à la fiscalité sur le loto du Patrimoine, que l’opérateur a délégués aux DRAC en début d’exercice suivant, mais également de 7,3 millions deuros fléchés vers dautres opérations patrimoniales urgentes :

– 4 millions d’euros pour une tranche fonctionnelle de la restauration du château de Villers-Cotterêts ;

– 2,3 millions d’euros pour des interventions sur le château de Carrouges dans l’Orne, le château de Bouges dans l’Indre, le château de Bussy-Rabutin ainsi que les remparts d’Aigues-Mortes ;

– 1 million d’euros pour des travaux urgents sur une des tours des remparts de La Rochelle.

2.   La programmation difficile du financement de l’entretien et de la restauration des monuments historiques

Hors financement des travaux liés à la cathédrale Notre-Dame de Paris, les crédits dentretien et de restauration des monuments historiques passent de 306,9 millions d’euros en 2018 à 317,4 millions d’euros en 2019, en hausse de 10,5 millions deuros en une année (+ 3,4 %) et en hausse de 41,4 millions d’euros depuis le début de la législature (+ 15 %).

Alors que ces crédits ne s’établissaient qu’à 269 millions d’euros en 2016 et 276 millions d’euros en 2017, lorsque le programme 175 avait supporté de fortes annulations de crédits de la mission Culture, ces financements dépassent 300 millions deuros en CP pour la deuxième année consécutive.

Ceci est conforme à l’objectif de début de législature mais correspond seulement au strict nécessaire pour éviter une dégradation accélérée du patrimoine national, sur l’ensemble du territoire.

Cependant, ainsi que le montre le tableau ci-dessous, la consommation des crédits hors grands projets diminue légèrement avec 266 millions deuros consommés contre 274,7 millions d’euros en 2018, en baisse de 7,7 millions deuros (- 2,8 %).

Évolution des crÉdits d’entretien et de restauration
des monuments historiques (action 1 du programme 175)

Millions d’euros, en CP

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

LFI 2020

Crédits MH hors grands projets

245,6

292,8

274,7

93,8 %

296,8

266

89,6 %

299,8

Crédits MH grands projets

30,84

25,6

32,2

125,8 %

34,5

51,4

149 %

38,3

TOTAL hors cathédrale Notre-Dame de Paris

276,44

318,4

306,9

96,4 %

331,3

317,4

95,8 %

338,1

Cathédrale Notre-Dame de Paris

31,1

Total

348,5

Source : commission des finances, d’après les données du rapport annuel de performances de la mission Culture pour 2019

Cet infléchissement paraît dautant plus inquiétant que les montants consommés, bien que supérieur de 20,4 millions d’euros à 2017 (+ 8,3 %), sont inférieurs de 30 millions deuros à la fois aux montants de la loi de finances initiale pour 2019 et de la loi de finances initiale pour 2020.

La sous-consommation affecte principalement les crédits dentretien, consommés seulement aux deux tiers (32 millions d’euros consommés pour 49,5 millions d’euros inscrits), et surtout les dépenses dintervention pour lentretien et la restauration des monuments nappartenant pas à lÉtat, consommés aux trois quarts.

Le total des subventions versées à ce titre aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés est ramené à 125,3 millions deuros, contre 168,7 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale.

Laugmentation densemble provient donc dune poignée de grands projets, avec 51,4 millions deuros de CP consommés, contre 32,2 millions d’euros en 2018 (+ 60 %) et 34,5 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale, soit un taux de consommation de 149 % contre seulement 89,6 % pour les autres monuments historiques.

Le CMN a ainsi bénéficié, en cours d’exercice, du redéploiement de 50 millions d’euros en AE et 17 millions d’euros en CP non prévus par la loi de finances initiale, pour la restauration et l’aménagement du château royal de Villers-Cotterêts, projet présidentiel destiné à accueillir, d’ici 2022, la Cité internationale de la langue française.

a.   Les facteurs de sous-consommation des crédits déconcentrés

Les objectifs d’augmentation de la contribution de l’État à l’entretien et à la restauration des monuments historiques sur l’ensemble du territoire butent sur les difficultés que rencontrent les DRAC pour gérer la chaîne des dépenses de subventions des plus petits projets.

Les DRAC ne se seraient en effet pas toutes également adaptées au nouveau régime de maîtrise d’ouvrage (MOA) sur monuments historiques, pourtant en vigueur depuis le 1er janvier 2008 ([5]), qui ne permet plus à l’État ni de conduire les travaux en se substituant au propriétaire public ou privé d’un monument classé, ni d’en avancer les financements avec récupération ultérieure de la contribution du propriétaire par voie de fonds de concours.

Dès lors, la consommation des crédits est tributaire de l’aptitude du tiers propriétaire, public ou privé, à lancer et conduire les travaux, avec, le cas échéant, une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA) des DRAC, mais qui reste très hétérogène sur le territoire.

Faute de maîtriser les dates de démarrage des travaux, les services déconcentrés du ministère auraient des difficultés à programmer au plus fin la consommation des crédits.

Le ministère fait également valoir que le subventionnement par l’État des travaux sur monuments historiques des petites communes ou des propriétaires privés a pu être fragilisé par le désengagement des départements, partenaires traditionnels de l’État en la matière, dont certains ont cessé de subventionner les travaux sur monuments historiques propriétés privées.

Ces difficultés sont cependant atténuées par le fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des petites communes (FIP), lancé en 2018, avec 15,8 millions d’euros en AE et 6,9 millions d’euros en CP consommés en 2019, supérieurs respectivement de 0,8 et 1,9 million d’euros aux montants inscrits dans la loi de finances initiale.

Ce fonds, a permis à l’État de majorer fortement le taux de ses subventionnements à la restauration de 156 immeubles protégés, dans des communes de moins de 10 000 habitants, et vise à faire des régions, incitées à être contributrices aux « tours de tables », de nouveaux partenaires des communes en matière de protection du patrimoine.

b.   L’envolée des restes à payer liés aux grands chantiers patrimoniaux

Les objectifs de hausse durable des crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques sont en outre fragilisés par la très forte augmentation des restes à payer du programme, c’est-à-dire du solde des autorisations d’engagements consommées mais non couvertes par des consommations de crédits de paiements, et qui pèse donc sur la disponibilité des CP des années suivantes.

En légère diminution en 2018, bien que déjà d’un niveau élevé, les restes à payer atteignent 752 millions deuros fin 2019, en hausse de 116 millions deuros (+ 18 %).

Cette hausse n’est due au circuit de financement de la restauration de la Cathédrale Notre-Dame-de-Paris que pour une vingtaine de millions d’euros de CP, appelés à être consommés en 2020 par l’établissement public dédié à partir d’AE consommées en 2019 sous maîtrise d’ouvrage de la DRAC.

La hausse provient principalement de la relance de grands projets patrimoniaux, comme le château de Villers-Cotterêts, le schéma directeur de rénovation de Fontainebleau, le schéma directeur immobilier de Versailles, et la restauration du Grand-Palais.

Ce nouveau cycle d’investissement s’est traduit, dans la loi de finances initiale pour 2019, par un écart de 127 millions d’euros entre les AE et les CP de l’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental du programme 175, qui pèsera sur les exercices suivants.

Restes à Payer du programme 175 en fin d’exercice (en millions deuros)

Source : commission des finances, d’après les données des rapports annuels de performances de la mission Culture.

De tels écarts sont pleinement justifiés en début de cycle d’investissement mais l’enjeu est d’en tirer toutes les conséquences dans la programmation pluriannuelle des crédits, en accroissant la part des CP destinée à couvrir des AE anciennes.

Or, comme le relève la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019, les documents budgétaires joints au projet de loi de finances pour 2020 font état d’un « taux d’ouverture de CP sur AE nouvelles » de 77 %, supérieur de 10 points au taux présenté au budget 2019, alors qu’un objectif de réduction des restes à payer nécessiterait au contraire de réduire ce taux.

La Cour des comptes invite en conséquence le responsable de programme à « procéder à une revue systématique des autorisations d’engagement des années antérieures et documenter plus précisément les prévisions de consommation de crédits de paiement par des échéanciers de tranches fonctionnelles consolidés sur l’ensemble des travaux de chaque programme ».

Le rapporteur spécial fait siennes ces recommandations et relève que le projet de loi de règlement du budget 2019 annule, sur le programme 175, 15,2 millions d’euros en AE non consommées et non reportées. D’après les réponses apportées par les services du ministère, il s’agirait, pour 11 millions d’euros, de retraits d’engagements sur des exercices antérieurs à 2019 et, pour 4 millions d’euros, d’AE ouvertes en 2019 pour des opérations sur monuments historiques durablement décalées.

3.   Des redéploiements de crédits à mieux prendre en compte dans les prochaines lois de finances

Les difficultés de programmation des crédits de l’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental trouvent leur pendant dans des écarts importants à l’exécution constatés principalement sur les actions 4 et 9 dont certains besoins, sous-évalués par le projet de loi de finances, ont été couverts en ponctionnant les crédits prévus pour les monuments historiques.

DÉpense par actions des crÉdits du programme Patrimoines en 2019

Y compris fonds de concours et attributions de produits (en millions d’euros)

 

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

LFI 2019

Consommation

Taux de consommation

LFI 2019

Consommation

Taux de consommation

01 Monuments historiques et patrimoine monumental

490

489,9

100 %

363,1

385,4

106,1 %

02 Architecture et espaces protégés

32,2

32,7

101,6 %

32,3

33,7

104,3 %

03 Patrimoine des musées de France

346,9

346,6

99,9 %

337,5

336,6

99,7 %

04 Patrimoine archivistique et célébrations nationales

30,3

30,1

99,3 %

30

35,7

119 %

08 Acquisition et enrichissement des collections publiques 

9,8

8,7

88,8 %

9,8

8,8

89,8 %

09 Patrimoine archéologique

136,9

154,9

113,1 %

136,9

146,4

106,9 %

TOTAL

1 046,3

1 063

101,6 %

909,6

946,6

104,1 %

Source : commission des finances, daprès les données du rapport annuel de performances de la mission Culture pour 2019

Sur l’action 4 Patrimoine archivistique et célébrations nationales, pour la seconde année consécutive, l’écart à l’exécution résulte de subventions aux collectivités pour rénover les bâtiments darchives départementales dépassant les montants inscrits en loi de finances initiale, avec un écart, en 2019, de 4 millions d’euros (+ 72 %) par rapport aux 5,5 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale, montants reconduits par ailleurs en loi de finances pour 2020.

Sur l’action 9 Patrimoine archéologique, le total des crédits consommés est supérieur aux montants inscrits à hauteur de 18 millions d’euros en AE (+ 13 %) et 9,5 millions d’euros en CP (+ 7 %) Des crédits redéployés de l’action 1 ont bénéficié aux dépenses de fonctionnement des services régionaux d’archéologie (études, inventaires, analyses, ouvrages, équipements, entretien des dépôts et des mobiliers archéologiques).

Il convient de souligner que ni le projet annuel de performance joint au projet de loi de finances pour 2019, ni celui joint au projet de loi de finances pour 2020 ne comportent de dépenses dinvestissement sur cette action, alors que l’on constate la consommation, en 2019, de 19,6 millions d’euros en AE et 11,5 millions d’euros en CP de crédits de titre 5 pour la construction dun second navire de recherches archéologiques sous-marine et subaquatique ([6]), ou encore la création d’un centre de conservation et d’étude pour la partie Est de la région Bourgogne-Franche-Comté.

Les services du ministère ont indiqué au rapporteur spécial que le financement de la construction du sous-marin, présenté comme un « aléa de gestion », se poursuit en 2020 pour près de 7 millions d’euros de CP.

Comme en 2019, une partie du financement proviendrait en outre du redéploiement de crédits internes à l’action 9, au titre du fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP), destiné à verser des subventions permettant aux aménageurs de se conformer aux prescriptions de fouille d’archéologie préventive.

Il paraît d’autant plus nécessaire de parvenir à une juste budgétisation des crédits dintervention ou dinvestissement en matière archéologique que près de 60 % des crédits de l’action 9 sont destinés à la subvention pour charges de service public de l’Institut national d’archéologie préventive (INRAP). Or le total de 81,8 millions d’euros versés à ce titre, reconduit en 2020, paraît insuffisant pour éviter à l’opérateur un déficit de près de 10 millions d’euros sur ses activités de service public en matière de diagnostics, non couvert par les bénéfices liés par ailleurs à ses activités concurrentielles en matière de fouilles.

La surconsommation des crédits de l’action 2 Architecture et espaces protégés provient pour partie de l’attribution à la Cité de l’architecture et du patrimoine d’une dotation de 2 millions d’euros pour financer la relocalisation de ses réserves, et pour partie du très bon niveau de mise en œuvre des opérations détudes relatives aux secteurs protégés conduites par les DRAC, conformément à la stratégie d’appui aux « villes patrimoniales » ([7])

Si les crédits de l’action 3 Patrimoine des musées de France sont pleinement conformes à la prévision, leur inertie vient du fait que 284 millions d’euros (84 %) correspondent aux subventions de fonctionnement et aux dotations en fonds propres des grands opérateurs muséaux : le Louvre, Guimet, Orsay, Fontainebleau, le musée Picasso, le centre Georges Pompidou, les Arts décoratifs, le Palais de la Porte dorée ou le MuCEM.

Sur cette action, le rapporteur spécial salue en particulier la préservation des 22 millions d’euros de crédits dintervention des DRAC en appui à la rénovation des musées territoriaux, comme, en 2019, le musée des Beaux-Arts de Dijon ou le musée Ingres-Bourdelle de Montauban.

Enfin, on constate une sous-consommation de 1 million d’euros des crédits de l’action 9 Acquisition et enrichissement des collections publiques qui finance les achats dœuvres dart opérés soit par la Réunion des musées nationaux pour le compte de l’État, soit par des musées nationaux ou territoriaux sollicitant des subventions ponctuelles du fonds du patrimoine.

Il convient de rester vigilant sur la bonne tenue de ces crédits, qui étaient deux fois plus élevés avant la loi de finances pour 2013. Si certains grands opérateurs muséaux disposent, en propre, d’importants crédits d’acquisition provenant de parts dédiés de leurs recettes des droits d’entrée, la mobilisation de crédits du ministère peut être décisive pour éviter que des œuvres n’échappent aux collections nationales.


4.   Des dispositifs fiscaux indispensables qu’il convient de conforter

Parmi les vingt-deux dépenses fiscales rattachées à la mission Culture, quatorze le sont au programme Patrimoines, pour un coût estimé à 198 millions deuros en 2019, en hausse de 24 millions d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances pour 2019 et de 16 millions d’euros par rapport au chiffrage joint à la loi de règlement pour 2018.

Évolution des dÉpenses fiscales rattachÉes au programme 175

Source : commission des finances, d’après les données des rapports annuels de performances de la mission Culture.

Seul le dispositif de réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de trésors nationaux (article 238 bis-0 A du code général des impôts (CGI)) ne fait pas l’objet d’un chiffrage prospectif en loi de finances : le projet de loi de règlement ne fait que constater les coûts effectivement exposés qui connaissent d’importantes variations annuelles, compte tenu de la rareté des œuvres concernées et du taux de la réduction d’impôt (90 %). Son coût a atteint 7 millions d’euros en 2019, comme en 2018, contre 86 millions d’euros en 2016 ([8]).

Les quatre autres principaux dispositifs sont :

– la suppression du prélèvement de 20 % sur les capitaux décès lorsque le bénéficiaire est exonéré de droit de mutation à titre gratuit, en cas de dons aux associations culturelles (article 795 du CGI), pour 50 millions d’euros ;

– le nouveau dispositif Malraux de réduction dimpôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration dimmeubles bâtis situés dans les sites patrimoniaux remarquables, les quartiers anciens dégradés et les quartiers du nouveau programme national de renouvellement urbain (199 tervicies du CGI), pour 26 millions d’euros ;

– pour les propriétaires de monuments historiques ou labellisés par la Fondation du patrimoine, limputation sur le revenu global, sans limitation de montant, des déficits fonciers supportés (articles 156-I-3° et 156 bis du CGI) pour 62 millions d’euros, ou bien la déduction des charges foncières lorsque la gestion du monument ne procure pas de revenus (art. 156-II-1 ter du CGI) pour 40 millions d’euros.

a.   Des mesures fiscales justifiées par les charges liées aux monuments historiques

Ces deux dernières mesures constituent le fondement du régime fiscal des monuments historiques et labellisés qui sont la juste contrepartie, dans lintérêt de la conservation du patrimoine national, de charges supplémentaires réellement supportées par les propriétaires privés qui possèdent au moins 43 % des monuments que l’État a classés monuments historiques ([9]).

Une récente mission conjointe des inspections générale des finances (IGF) et des affaires culturelles (IGAC) a cherché à évaluer l’ensemble des dépenses induites par la possession d’un monument historique en totalisant les montants dont la déduction est autorisée au titre de ces deux dispositifs fiscaux ([10]).

La mission estime qu’en 2017 les montants de charges et travaux payés à ce titre ont atteint au moins 535 millions deuros. Pour la même année, la dépense fiscale était évaluée à 82 millions d’euros, soit un sixième (16 %) de leffort des propriétaires. Par ailleurs, l’État attribue chaque année entre 30 et 35 millions d’euros de subventions aux monuments historiques propriétés privées.

L’effort du propriétaire privé représente donc entre 75 et 80 % des dépenses annuelles pour l’entretien et la restauration des monuments historiques concernés, avec un reste à charge annuel d’au moins 420 millions d’euros. Le dispositif fiscal permet donc à lÉtat de contribuer à la conservation du patrimoine privé pour un coût très inférieur à celui du patrimoine public.

Ce levier risque cependant de ne plus suffire compte tenu des charges élevées occasionnées par la détention de monuments qui avaient le plus souvent été construit pour des personnes dotées de revenus importants procurés par leurs propriétés foncières, alors que ces monuments ne procurent aujourd’hui, dans la plupart des cas, que des recettes d’exploitation insuffisantes.

De nombreux bâtiments ayant fait l’objet d’importants travaux de clos et de couvert au début du XXe siècle nécessiteront en outre, durant la décennie à venir, de lourds travaux de restauration, alors même que les coûts de l’industrie du bâtiment augmentent.

Même en cas de phasage sur plusieurs années et de hausse du subventionnement par les DRAC, ces opérations laisseront des sommes considérables à la charge des propriétaires.

Ceci paraît attesté par la réévaluation de 19 millions deuros (+ 44 %) du coût de la déduction du déficit foncier, portée à 62 millions deuros en 2019, contre 43 millions deuros dans les lois de règlements des deux années précédentes ([11]). Selon les informations fournies au rapporteur spécial, cette augmentation ne proviendrait pas d’une hausse du nombre de bénéficiaires mais bien d’un fort accroissement des déficits fonciers déclarés.

En outre, ainsi que le rapporteur spécial l’avait souligné lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, les monuments historiques peuvent se voir appliquer des évaluations fiscales de leur valeur vénale bien trop élevées qui entraînent l’application de montants excessifs d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) (article 964 du CGI). La spécificité des monuments historiques n’est pas suffisamment prise en compte, et seuls les propriétaires en très grande difficulté peuvent bénéficier du dispositif de droit commun de plafonnement de l’IFI en cas de déficit foncier ponctuel particulièrement lourd au regard des revenus (article 979 du CGI).

Alors que ces monuments ne sont que très rarement le support d’activités commerciales suffisamment conséquentes pour bénéficier de l’exonération d’IFI de droit commun pour les biens professionnels, le rapporteur spécial invite de nouveau à instaurer des abattements spécifiques ([12]).

b.   Mener à son terme l’élargissement du champ d’application du label « Fondation du patrimoine »

Les propriétaires d’immeubles non protégés ayant reçu le label de la Fondation du patrimoine défini à l’article L. 143-2 du code du patrimoine sont éligibles aux dispositifs fiscaux pour travaux sur monuments historiques ([13]).

Le label est attribué pour des travaux de restauration extérieurs (toiture, façade, huisseries, etc.) sur un immeuble visible de la voie publique. L’attribution est conditionnée à un avis favorable de l’architecte des bâtiments de France (ABF) sur le programme de travaux envisagé.

Alors que la loi était silencieuse sur le champ géographique du label, une instruction fiscale de 2005 encadrant ses conditions de délivrance en a restreint la portée à trois catégories de biens :

– les biens patrimoniaux les plus caractéristiques du milieu rural (fermettes, granges, maisons de village, petits manoirs ruraux, etc.), principalement dans les communes de moins de 2 000 habitants ;

– les immeubles non habitables constituant le « petit patrimoine de proximité », tels des pigeonniers, des lavoirs, des fours à pain, des chapelles ou des moulins, situés aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale ;

– les immeubles habitables ou non habitables situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable (article L. 631-1 du code du patrimoine).

Bien que la Fondation du patrimoine ait accordé 1 150 labels en moyenne annuelle entre 2013 et 2017, ce périmètre d’application, prévu par une simple instruction fiscale, est progressivement apparu excessivement réducteur, et suscite de fortes disparités régionales.

Adoptée en première lecture, fin 2019 par le Sénat puis le 30 janvier 2020 par l’Assemblée nationale ([14]) la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine permet, dans son article 1er, de donner un fondement législatif au périmètre d’application de ce label et de lélargir à lensemble des communes de moins de 20 000 habitants, ainsi qu’aux parcs et jardins qui en sont aujourd’hui exclus.

Cette évolution rejoint les recommandations du rapporteur spécial tendant à faire du patrimoine un levier de revitalisation de lensemble des territoires à dominante rurale ainsi que des centres-villes et centres-bourgs.

Il relève par exemple que 49 villes sélectionnées dans le cadre du plan « Action cœur de ville », dont les immeubles ne sont pas aujourd’hui éligibles au label, en l’absence de site patrimonial remarquable, entreraient ainsi dans le périmètre du label.

Selon le rapport établi lors de l’examen de la proposition de loi en première lecture au Sénat, cette extension occasionnerait une hausse modérée de la dépense fiscale : en cas de doublement du nombre de labels attribués d’ici 2023, « la dépense fiscale s’élèverait à 11 millions d’euros en 2023, avec un montant de travaux soutenus de 111 millions d’euros, soit un surcoût pour les finances publiques d’environ 5,5 millions d’euros » ([15]).

 

Le rapporteur spécial souligne enfin que cette évolution est encadrée par deux garde-fous :

– la Fondation du patrimoine devra cofinancer les travaux à hauteur de 2 % de leur montant, ce qui constituera une garantie supplémentaire de qualité du label ;  

– au moins la moitié des projets labellisés devra appartenir au patrimoine rural ce qui permettra d’éviter que la réforme ne conduise la Fondation à se concentrer sur la rénovation urbaine au détriment du petit patrimoine, dont elle est seule à se charger et pour lequel les plus petites communes, qui ne disposent pas de l’ingénierie suffisante, ont le plus besoin de son appui.

Le rapporteur spécial souhaite donc le Parlement puisse rapidement mener à son terme l’adoption de cette proposition de loi.

Dernier alinéa de larticle L. 143-2 du code du patrimoine, dans sa rédaction issue de larticle 1er de la proposition de loi, modifiée par lAssemblée nationale, visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine

« (La Fondation du patrimoine) peut attribuer un label aux immeubles non protégés au titre des monuments historiques, bâtis ou non bâtis, situés dans les zones rurales, bourgs et petites villes de moins de 20 000 habitants, dans les sites patrimoniaux remarquables et dans les sites classés au titre du code de l’environnement. Les immeubles non habitables caractéristiques du patrimoine rural ne sont pas soumis à ces restrictions géographiques.

Les travaux réalisés sur les immeubles visibles de la voie publique ou que le propriétaire s’engage à rendre accessibles au public ayant reçu le label mentionné à la première phrase du présent alinéa sont déductibles de l’impôt sur le revenu, dans les conditions prévues aux articles 156 et 156 bis du code général des impôts, sous réserve que la “Fondation du patrimoine” octroie une subvention pour leur réalisation, dont le montant ne peut être inférieur, à 2 % de leur coût. Une majorité des immeubles labellisés chaque année appartient au patrimoine rural. »

c.   Moderniser la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés de monuments

Louverture au public des propriétés privées conditionne largement les dispositifs fiscaux applicables. Elle permet ainsi de déduire du revenu global la totalité des charges foncières ou du déficit foncier, contre seulement la moitié si le monument n’est pas visité (articles 41-E et 41-F de l’annexe III du CGI).

Elle conditionne également l’éligibilité au régime du mécénat des dons pour travaux sur monuments historiques ou labellisés ([16]).

L’article 41 I de l’annexe III au CGI a renvoyé à un arrêté le soin de déterminer « les conditions auxquelles il doit être satisfait pour que l’immeuble soit considéré comme ouvert au public ».

Cet arrêté, codifié aux articles 17 ter à 17 quinquies A de l’annexe IV au CGI, précise le nombre et type de jours, les périodes d’ouverture ou les réductions possibles du nombre de jours exigés en cas d’organisation de certaines activités. L’article 17 quater prévoit que le propriétaire est tenu de déclarer, avant le 1er février de chaque année, les conditions de l’ouverture de son immeuble au délégué régional du tourisme, et d’en assurer l’information auprès du public.

Le tableau suivant, qui récapitule les principales règles applicables, permet de constater qu’elles sont concentrées sur la période estivale, alors que les pratiques touristiques évoluent vers des séjours plus courts, répartis tout au long de l’année, et variables selon les territoires.

RÉgime d’ouverture au public des monuments historiques conditionnant l’éligibilité aux dispositifs fiscaux de l’impôt sur le revenu ou du mécÉnat

Période d’ouverture

Nombre de jours exigés

Inclusion des dimanches et jours fériés

Réduction optionnelle du nombre de jours d’ouverture

Nombre d’années d’ouverture exigée

Option 1 :

du 1er avril au 30 septembre

50 jours / an

25 dimanches et jours fériés obligatoires sur les 50 jours imposés

Visite de groupes scolaires

 

Un jour par visite dans la limite de dix jours par an

Un an (déclaration d’ouverture annuelle) pour l’impôt sur le revenu

 

Dix ans à compter de la fin des travaux pour le mécénat

Option 2 :

du 1er juillet au 30 septembre

40 jours / an

Dimanches et jours fériés non obligatoires

Source : Mission IGF-IGAC, op. cit. p. 28

On constate également que ces règles prennent insuffisamment en compte les visites scolaires et pas du tout le développement de nouvelles activités, comme l’accueil de manifestations professionnelles ou événementielles, ainsi que le temps de préparation qu’ils exigent.

Le fait qu’une majorité des 1 500 monuments historiques privés ouverts à la visite ne déclarent que la durée d’ouverture réglementaire, ou à peine plus, permet d’établir que la condition d’ouverture joue un rôle incitatif, ce qui invite à la maintenir pour bénéficier du dispositif fiscal. Cependant, il convient d’en moderniser les règles, afin qu’il soit mieux tenu compte de l’ensemble du potentiel d’attractivité d’un monument ouvert sur son territoire.

Ainsi que le relève la mission IGF-IGAC déjà mentionnée, « la visite traditionnelle est considérée comme étant nécessairement « à guichet ouvert », ce qui conduit à exclure du décompte des jours d’ouverture les visites sur réservation, effectuées notamment en ligne, qui correspondent pourtant aux pratiques d’une partie importante du public et qui ne peuvent être programmées lors de la déclaration d’ouverture effectuée en janvier » ([17]).

La mission propose ainsi de prévoir une obligation douverture annuelle globale, tout en fixant un nombre minimal de jours douverture en été, et dont le propriétaire pourrait sacquitter au moyen de différentes options, afin de mieux prendre en compte les diverses activités proposées : visite sur réservation, individuelle et de groupe, activités éducatives, culturelles, évènementielles et commerciales.

La mission propose par ailleurs :

– de revoir et de simplifier la déclaration annuelle d’ouverture, en mettant en place un dispositif dématérialisé qui sécurise les déclarations, tout en élargissant les perspectives d’information du public et de traitement des informations recueillies ;

– de simplifier les formalités liées au recrutement des personnels en ouvrant la possibilité de recruter des collaborateurs sous le régime du chèque emploi service universel (CESU) pour l’organisation des visites ;

– d’étendre aux monuments ouverts gratuitement la possibilité de déduire les charges directement liées à la visite.

d.   Le « nouveau Malraux » doit être préservé et pourrait être étendu

Enfin le rapporteur spécial renouvelle son appui au dispositif Malraux qui joue un rôle essentiel pour préserver le patrimoine non protégé dans les sites patrimoniaux remarquables (SPR). Il permet d’accorder une réduction d’impôt sur le revenu, exclue du plafonnement des avantages fiscaux, en cas de restauration complète dun immeuble, sous réserve d’engagement à le louer pendant au moins neuf ans, dans la limite de 400 000 euros de dépenses et pour des travaux pouvant durer jusqu’à 4 ans.

Ce dispositif procure ainsi un total annuel de 30 millions deuros de réductions dimpôts à 8 000 foyers bénéficiaires, pour 130 millions deuros de travaux engagés. Le caractère incitatif nest pas contesté alors que les travaux concernés sont renchéris de plus de 40 % à 50 % par les contraintes architecturales.

800 communes seraient aujourd’hui éligibles à l’aide mais la dépense fiscale est concentrée sur une trentaine d’entre-elles Des améliorations sont donc possibles, conformément aux recommandations d’une mission d’expertise interministérielle de décembre 2018 ([18]).

Le taux de la réduction d’impôt dépend aujourd’hui de la nature du document de protection qui couvre le SPR : il est de 22 % en présence d’un plan de valorisation du patrimoine et de l’architecture (PVAP), mais il est porté à 30 % en cas de plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ainsi que, jusque fin 2022, dans un quartier du plan national de rénovation des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) ou dans un quartier figurant dans la liste de l’arrêté interministériel relatif au nouveau plan national de rénovation urbaine (NPNRU)

Afin d’adapter la fiscalité « Malraux » aux enjeux de revitalisation des centres anciens, en particulier des petites villes et des villes moyennes, l’application d’un taux unique à 30 % pourrait être envisagée.

Le dispositif, aujourd’hui limité aux SPR, pourrait utilement être élargi à certains centres-villes concernés par les opérations de revitalisation du territoire (ORT) (article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation) ([19]).

Enfin, le logement locatif, qui a justifié la création de l’avantage fiscal en 1977, constitue un usage possible, mais ne devrait pas être le seul. La contribution du Malraux à l’accroissement de l’offre locative est d’ailleurs négligeable, alors qu’elle est significative en termes de conservation, les édifices éligibles contribuant à améliorer l’image de la ville et son attractivité pour les populations installées en périphérie.

Dès lors, il devrait être tenu compte du fait que les centres-villes concernés ont autant besoin d’activités commerciales ou de services que de logements, par exemple en libérant les usages du locatif nu après restauration.

5.   Une mesure de la performance budgétaire adaptée mais perfectible

Le dispositif de mesure de la performance du programme Patrimoines s’organise autour de trois objectifs (améliorer la connaissance et la conservation des patrimoines ; accroître l’accès du public au patrimoine national ; élargir les sources d’enrichissement des patrimoines publics), déclinés en huit indicateurs principaux, portés à treize en incluant les sous-indicateurs.

Ainsi que le relève la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire, le programme 175 présente « un bon taux de suivi des crédits par des indicateurs de performance ». En effet, 85,1 % des crédits du programme contribuent à l’atteinte des indicateurs du programme dont la Cour relève qu’ils « rendent compte de façon équilibrée des trois grands objectifs du programme ». Certains indicateurs paraissent cependant devoir être réexaminés ou enrichis.

Associé à lobjectif daméliorer la connaissance et la conservation des patrimoines lindicateur 1.1 fixe une cible de 15 % à la « part des crédits de conservation préventive par rapport aux crédits de restauration des monuments ». Cette cible est issue des recommandations anciennes dun bref rapport de mission daudit de modernisation sur « la modernisation et la rationalisation de la maîtrise douvrage et de la maîtrise dœuvre sur les monuments historiques » ([20]) qui la présentait comme une garantie dutilisation optimale des financements publics, une part minimale de crédits de conservation en amont étant censée permettre de contenir les lourds travaux de restauration ultérieurs.

Avec des taux de 17,88 % en 2019, quasi identique à 2015, bien qu’en recul de près d’un point par rapport à 2018, la cible est systématiquement dépassée depuis plusieurs années, sans que les éléments fournis ne permettent de tirer des conséquences des évolutions annuelles. Surtout, l’atteinte de la cible pourrait laisser penser que les niveaux actuels de travaux d’entretien des monuments historiques seraient suffisants, ce qui est loin d’être le cas.

La distinction entre crédits de restauration et crédits de conservation peut avoir un caractère artificiel et, en tout état de cause, l’amélioration d’un ratio peut provenir de la diminution des crédits de restauration (dénominateur) sans que ne progressent les crédits de conservation (numérateur). Si cet indicateur devait être conservé, la cible devrait donc être réévaluée et ses sous-jacents explicités.

Surtout, un suivi plus fin de lobjectif de sauvegarde de nos monuments pourrait provenir dindicateurs alternatifs fondés sur létat sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques, comme par exemple la part de ces monuments en état de péril, par catégories de propriétaires.

Associés à lobjectif daccroître laccès du public au patrimoine national, les indicateurs relatifs à satisfaction des publics des musées ou des monuments nationaux paraissent pertinents et leurs mode d’élaboration est amplement documenté.

Cependant, un indicateur 2.1 agrège lévolution de la fréquentation physique payante gratuite des institutions patrimoniales et architecturales. Le rapporteur spécial suggère de distinguer la fréquentation gratuite de la fréquentation payante, cette dernière ayant des conséquences très directes sur les niveaux de ressources propres des établissements publics alors que la fréquentation gratuite peut être plus utilement mise en relation avec les sous-indicateurs relatifs à la part des moins de 18 ans ou celle des 18-25 ans résidents de l’Union européenne.

Enfin, associé à l’objectif délargir les sources denrichissement des patrimoines publics, un indicateur 3.1 présente « leffet de levier de la participation financière de lÉtat dans les travaux de restauration des monuments historiques qui ne lui appartiennent pas » indiquant que pour un euro engagé par l’État en 2019, ses partenaires ont engagé 2 euros, un objectif de 2,20 euro étant fixé pour 2020.

À nouveau, faute de données complémentaires suffisantes, un tel ratio ne permet, par lui-même, ni dapprécier ce qui tient aux variations des contributions de lÉtat ou de ses partenaires, ni de prendre la mesure des volumes dopérations concernées.


—  1  —

   Deuxième partie : Le choc budgÉtaire de la crise sanitaire appelle une relance durable
du secteur du patrimoine

La crise sanitaire de l’épidémie de covid-19 a conduit, dès la mi-mars 2020, à la fermeture à la visite de lensemble des musées et monuments historiques ainsi quà larrêt des chantiers patrimoniaux.

Les conséquences budgétaires sont considérables pour les grands musées et monuments nationaux, très dépendants des ressources tarifaires liées à la fréquentation, et particulièrement des visiteurs étrangers.

Ce choc budgétaire expose le programme 175 au risque de redéploiements de crédits vers ces grands établissements aux détriments de l’entretien et de la restauration des monuments historiques sur tout le territoire.

Afin d’aider les établissements moteurs de l’attractivité culturelle de la France tout en garantissant la soutenabilité et la sincérité budgétaires du programme 175, le rapporteur spécial propose d’autoriser, de façon encadrée, les grands établissements patrimoniaux disposant de niveaux suffisants de ressources propres pérennes, à financer leurs programmes dinvestissements par emprunts auprès du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations, à partir des fonds du Livret A.

Le redémarrage des chantiers suspendus durant la crise sanitaire pourra dès lors s’accompagner d’un déblocage rapide des crédits dentretien et de restauration des monuments historiques du programme 175, afin de faire du patrimoine une composante des plans de relance de lactivité économique sur lensemble du territoire.

1.   La chute de fréquentation des grands établissements patrimoniaux diminue dangereusement leurs niveaux de ressources propres

Ainsi que le montre le tableau ci-après, les dépenses exécutées, en 2019, par les opérateurs du programme 175 atteignent 1 074 millions deuros pour les grands musées nationaux et le Centre des monuments nationaux, et 1 234 millions d’euros en incluant l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

Ce total dépasse de près de 700 millions deuros les montants de 551 millions deuros de subventions accordées par lÉtat, qui proviennent à 94 % du programme 175, sous la forme de subventions pour charges de service public, couvrant certaines dépenses de fonctionnement, ou de dotations en fonds propres destinées à leurs investissements.

DÉpenses des opÉrateurs du programme 175 en 2019

(CP, en millions d’euros)

 

Dépenses exécutées en 2019

Ensemble des subventions de lÉtat

Dont, subventions du programme 175

Part des subventions de lÉtat

 Cité de larchitecture et du patrimoine

23,7

20,4

20,3

86 %

Centre des monuments nationaux (CMN)

167,4

87,4

85,9

52 %

Centre national dart et de culture Georges Pompidou

119,2

78

76,9

65 %

Établissement public du musée du quai Branly

55,2

45,7

22,9

83 %

Établissement public du musée et du domaine national de Versailles

106,7

12,3

11

11 %

Établissement public du château de Fontainebleau

20,9

13,6

13,4

65 %

Musée des Arts décoratifs

43,2

16,3

16

38 %

Musée des civilisations de lEurope et de la Méditerranée

23,6

18,8

18,7

80 %

Musée dOrsay et musée de lOrangerie

53

7,9

7,8

15 %

Musée du Louvre

254,7

97,8

96,7

38 %

Musée Guimet

9

5

4,9

55 %

Musée Henner-Moreau

1,5

0,8

0,8

53 %

Musée Picasso

12,8

3,7

3,6

29 %

Réunion des Musées nationaux– Grand Palais

183,6

36,8

34,7

20 %

Établissement public du Palais de la porte Dorée

12

10,2

5,1

85 %

TOTAL

Établissement musées nationaux et CMN

1 074,5

444,9

413,1

41 %

Institut national de recherches archéologiques préventives

159,7

106,4

105,9

67 %

TOTAL opérateurs patrimoniaux

1 234,3

551,3

519

45 %

Source : commission des finances, d’après les données des rapports annuels de performances de la mission Culture.

En outre, jusqu’en 2020, certains grands opérateurs bénéficiaient d’emplois directement rémunérés par le ministère de la culture et non pris en compte dans les montants de subventions indiqués dans le tableau ci-dessus. Cependant, la loi de finances pour 2020 a parachevé le transfert en gestion de ces emplois en accroissant à due concurrence les dotations de fonctionnement de ces établissements, ce qui permet désormais d’établir avec exactitude la part de leurs ressources propres dans l’ensemble des moyens à leur disposition.

On constate ainsi que les plus grands établissements patrimoniaux, moteurs de notre attractivité internationale, se distinguent par des taux de ressources propres très élevés qui atteignent 72 % pour le château de Versailles, 62 % pour le musée du Louvre, 59 % pour les musées dOrsay et de lOrangerie et 45 % pour le Centre des monuments nationaux.

a.   L’effondrement des ressources propres des établissements les plus attractifs

La crise sanitaire affecte très directement les ressources propres de ces établissements en raison des mois de fermeture au public, des contraintes de distanciation physique limitant considérablement la fréquentation après réouverture et, au moins jusqu’en 2021, de la crise du tourisme international.

Aux moindres recettes directes de billetterie s’ajoutent les moindres recettes de valorisation des sites (boutiques, redevances d’occupation par des concessionnaires, privatisation de locaux) ainsi que les pertes de recettes liées à l’itinérance dexpositions et aux partenariats internationaux.

Le tableau ci-dessous présente l’évaluation des pertes de recettes pour l’année 2020 dans les réponses apportées par les responsables de cinq de ces grands établissements aux questions du rapporteur spécial.

Estimation des pertes de ressources en 2020 pour cinq Établissements patrimoniaux du programme 175

Montants en millions deuros

Billetterie

Concessions Valorisation des sites

Itinérance dexpositions / partenariats internationaux

Total

Musée du Louvre

- 81

- 4,6

- 85,6

Centre des monuments nationaux (CMN)

- 45

- 15

- 60

Établissement public du musée et du domaine national de Versailles

- 48,6

- 2,2

- 50,8

Musée dOrsay et musée de lOrangerie

- 22

- 2,3

-2,4

- 26,7

Centre national dart et de culture Georges Pompidou

- 10,6

- 10,4

- 21

TOTAL

- 207,2

- 36,9

- 244,1

Sources : Commission des finances, réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Établies sur la base de scénarios prudents de reprise d’activité à compter de l’été 2020, ces estimations correspondent à des montants minima de pertes de ressources propres d’au moins 85 millions d’euros pour le Louvre, 60 millions d’euros pour le centre des monuments nationaux, 50 millions d’euros pour le château de Versailles, 26 millions d’euros pour les Musée d’Orsay et de l’Orangerie et 21 millions d’euros pour le Centre Pompidou.

En tenant compte des effets de la crise sur la Réunion des musées nationaux –Grand Palais ou sur d’autres établissements très fréquentés comme les Arts décoratifs, le Musée Picasso ou le Domaine national de Chambord, les pertes dépasseront 300 millions deuros, provenant, aux trois quarts, de moindres recettes de billetterie et pour un quart, de moindres recettes diverses.

Même en cas d’amélioration rapide de la situation sanitaire en France, leffet se prolongera en 2021 en raison de la forte baisse de la fréquentation étrangère, qui représente 81 % des visiteurs de Versailles, 75 % des visiteurs du Louvre, deux tiers des visiteurs dOrsay et de lOrangerie. Provenant en majorité de pays tiers à l’Union européenne, cette fréquentation est en outre moins bénéficiaire des mesures de gratuité, concentrées sur les publics français ou sur les jeunes de moins de 25 ans ressortissants de l’Union européenne.

De même les pertes de recettes pour concessions seront accrues, en 2021, par la baisse des redevances indexées sur les chiffres d’affaires constatés en 2020, ce qui devrait par exemple doubler les pertes au titre de la trentaine de concessionnaires actifs sur le domaine du château de Versailles.

Par ailleurs, ces grands établissements ont déjà procédé, ces dernières années, à des augmentations tarifaires, soit de façon directe, en révisant les barèmes applicables, soit en proposant des services payants de réservation en ligne facilitant l’accès dans les périodes de forte affluence. Ces évolutions les placent aujourd’hui dans la moyenne haute des tarifs appliqués par leurs homologues étrangers, ce qui les prive, à brève échéance, de ce levier pour maintenir leurs niveaux de ressources propres.

Une sensibilité des ressources à lévolution de la fréquentation bien identifiée par le dispositif de performance du programme 175

La forte sensibilité de lautofinancement des opérateurs à l’évolution de la fréquentation est bien documentée par le dispositif de performance du programme, comme le montre le schéma suivant, établi à partir des résultats de deux des indicateurs joints au projet de loi de règlement.

FrÉquentation et taux de ressources propres des institutions patrimoniales

Source : commission des finances, d’après les données des rapports annuels de performances de la mission Culture.

En 2019, on constate qu’un léger fléchissement de la fréquentation globale des établissements patrimoniaux entraîne une baisse importante de neuf points du taux global de ressources propres. Si un tiers de cette baisse provient d’une nouvelle méthode de calcul, en comptabilité budgétaire, tenant mieux compte des investissements sur financements publics, les deux tiers proviennent de pertes d’exploitations liées à des fermetures imprévues dans les établissements concentrant le plus de visiteurs payants.

C’est la conséquence, sur les recettes de ces établissements, des manifestations liées aux « Gilets jaunes » début 2019, puis, aux grèves dans les transports publics et dans certains établissements dans le contexte de la réforme des retraites, fin 2019. Il en a résulté des pertes de recettes importantes pour le Centre Georges Pompidou, pour le Musée du Louvre ou encore pour le Centre des monuments nationaux au titre à la fois d’une baisse de fréquentation de l’Arc de Triomphe et de la fermeture à la visite des Tours de Notre-Dame.

b.   La baisse d’activité n’occasionne par d’économies de fonctionnement significatives

Ni la période de confinement, ni la diminution du niveau de fréquentation depuis la réouverture à la visite ne permettent aux établissements de réduire leurs charges à due concurrence.

Ces opérateurs de l’État assument la quasi-totalité de leurs charges de rémunérations, y compris pour leurs agents contractuels, soit parce que, en tant qu’établissements publics administratifs, ils n’ont pas été éligibles au régime de l’activité partielle, soit parce que la tutelle a demandé au petit nombre des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) de ne pas le solliciter.([21])

Ceux de leurs personnels qui n’ont pas poursuivi leurs activités en télétravail dans le cadre des différents plans de continuation d’activité ont ainsi bénéficié d’autorisations spéciales d’absence, avec maintien de l’essentiel de la rémunération, hors primes spécifiques liées aux jours fériés habituellement travaillés.

Les économies de masse salariale résultent donc essentiellement de décalages dans les recrutements, ayant un effet sur les schémas d’emplois, et du moindre recours à des vacataires ou aux heures supplémentaires, pour un total estimé par exemple à 2,5 millions d’euros pour Orsay, 2 millions d’euros pour le Louvre, 0,7 million d’euros pour le Centre Georges Pompidou ou 2,7 millions d’euros pour Versailles.

Au titre des mesures de soutien à léconomie, une ordonnance du 25 mars 2020 ([22]) relative à la commande et aux contrats publics a conduit ces établissements non seulement à suspendre la facturation des concessions pour occupation du domaine public mais également à verser toutes les parts forfaitaires, mensuelles ou trimestrielles, des marchés en cours, même en labsence de service fait.

La levée de la clause de service fait a conduit les opérateurs publics à payer des prestations non réalisées et à jouer pleinement un rôle d’amortisseur économique et social. Cela correspond à des avances à léconomie, dont une grande partie pourra ne pas être recouvrée, de 2 millions deuros pour le Centre Georges Pompidou, 4 millions deuros pour le musée dOrsay et un montant, non précisé, pour le musée du Louvre, susceptible d’être deux fois plus élevé.

Les moindres dépenses de fonctionnement courant liées à la fermeture à la visite varient en fonction des particularités de chacun des grands musées ou des différents sites du Centre des monuments nationaux.

Certaines moindres dépenses courantes se sont limitées à la stricte période de fermeture, avec la réduction de la consommation de fluides ou la baisse des déplacements. D’autres proviennent de reports de dépenses liées à la reprise de l’activité, notamment en matière de programmation culturelle.

Dans le même temps, les établissements font face à des dépenses nouvelles pour préparer la réouverture et assurer la sécurité sanitaire des personnels.

Pour le Centre Georges Pompidou par exemple, alors que les pertes de recettes atteignent 21 millions d’euros, les moindres dépenses sont estimées à 3,4 millions d’euros en 2020, résultant de 0,7 million d’euros d’économies sur les recrutements de vacataires et de 4,7 millions d’euros de décalages dans la programmation d’activités et d’expositions, mais contrebalancées par 2 millions d’euros de dépenses supplémentaires liées aux équipements de prévention ou à l’indemnisation de prestataires. Il en résulte donc une perte nette sur le budget de fonctionnement à 17,6 millions deuros.

Les mesures d’économies constatées ou décidées par le Musée dOrsay conduisent à réduire, dès 2020, de 7 % l’ensemble des dépenses de fonctionnement. Ceci correspond à un effort déconomie de 13 % des dépenses de fonctionnement non rigides, c’est-à-dire hors marchés engagés et hors dépenses autofinancées par du mécénat ou des partenariats, dont une économie d’un million d’euros en raison du décalage de 2020 à 2021 des expositions Modernités suisses et Soutine / De Kooning.

Pour le musée d’Orsay, l’économie totale en 2020 s’élève ainsi à 6,4 millions, ce qui ramène limpact budgétaire net sur le fonctionnement à 21,5 millions deuros, dont les effets prolongés les deux années suivantes représentent au total une perte nette de 31,8 millions d’euros, comme l’indique le tableau suivant.

Impact budgétaire de la crise sanitaire sur le triennal 2020-2022 pour le musée d’Orsay

 

Budget initial

Variation 2020

%

2021

2022

TOTAL

Recettes propres

46

- 27,9

- 61 %

- 9,5

- 4,8

- 42,2

Dépenses de fonctionnement

85,9

- 6,4

- 7 %

-3,4 

- 0,6

- 10,4

Impact COVID

- 21,5

 

- 6,1

- 4,2

-31,8

Source : Musée d’Orsay, réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Pour le Musée du Louvre, comme le détaille dans l’encadré suivant, les moindres dépenses pourraient atteindre 10 millions deuros, contrebalancées à hauteur de moitié par le coût des mesures de soutien aux prestataires, ce qui permet d’établir la perte nette pour létablissement à environ 80 millions deuros en 2020.

Les économies procurées au Musée du Louvre par la réduction de son activité

Pour le musée du Louvre, le total de 10 millions deuros de moindres dépenses de fonctionnement en 2020 se décompose en :

– 2 millions deuros de dépenses de masse salariale ;

– 0,5 million deuros liés à la suspension de formations.

– 0,7 million deuros de charges bâtimentaires grâce à une légère baisse de consommation des fluides et une moindre sollicitation des parts non forfaitaires des marchés de maintenance ;

– 2,4 millions deuros de dépenses liées à la programmation culturelle et la médiation avec le décalage de 6 mois de la programmation des expositions (1,4 million d’euros) et l’annulation de certains évènements et de prestations de médiation (1 million d’euros) ;

– 2,9 millions deuros par la diminution de son activité scientifique par le décalage des décaissements de plus d’un trimestre sur les opérations de restaurations, les chantiers des collections, les opérations de numérisation ou d’édition ;

– 1,5 million deuros de dépenses de communication évitées compte tenu des projets annulés ou reportés.

Au total, pour la seule année 2020, le coût budgétaire pour les grands établissements patrimoniaux du programme 175 devrait dépasser 300 millions deuros, dont 80 millions d’euros pour le musée du Louvre, 60 millions d’euros pour le centre des monuments nationaux, 40 millions d’euros pour Versailles, 20 millions d’euros pour le Musée d’Orsay et 20 millions d’euros pour le Centre Georges Pompidou

c.   La diminution des fonds de roulement des opérateurs patrimoniaux

Ces pertes nettes se traduisent immédiatement dans la diminution des niveaux de trésorerie et de fonds de roulement, ce qui a conduit, à titre préventif, le ministère de la Culture à avancer au mois de mars le versement du premier tiers des subventions pour charges de service public afin de limiter les tensions de trésorerie durant la période de fermeture au public.

Ainsi que le montre le tableau page suivante, présentant l’évolution des fonds de roulement durant l’année 2019, la plupart des opérateurs du programme 175 disposent de réserves adaptées à des niveaux normaux dactivité.

Dans certains cas, des montants de réserves plus élevés sont liés à la programmation pluriannuelle d’investissements vers lesquels une partie des fonds de roulement peut être fléchée, comme pour le CMN, la RMN-Grand Palais ou le musée du Louvre, ce qui rend compte de la hausse globale de 10 % de ces réserves en 2019. Une part élevée des fonds de roulement peut également être liée à des dons, legs ou du mécénat dont l’établissement ne peut pas disposer librement, comme c’est particulièrement le cas pour l’établissement public du château du musée et du domaine national de Versailles

Fonds de roulement de douze opérateurs du programme 175

(en millions d’euros)

 

Loi de règlement 2018

Loi de règlement 2019

Évolutions 2018-2019

Cité de larchitecture et du patrimoine

3,2

4,7

+ 1,5

+ 46,9 %

Centre des monuments nationaux

96

144,5

+ 48,5

+ 50,5 %

Centre national dart et de culture Georges Pompidou

37,5

38,2

+ 0,7

+ 1,9 %

Établissement public du musée du quai Branly

29,5

31,3

+ 1,8

+ 6,2 %

Établissement public du musée et du domaine national de Versailles

75,2

67,9

– 7,3

– 9,7 %

Établissement public du château de Fontainebleau

14,6

13,6

– 1

– 6,8 %

Musée des civilisations de lEurope et de la Méditerranée

8,8

8,8

-

-

Musée dOrsay et musée de lOrangerie

22,8

23,3

+ 0,5

+ 2,2 %

Musée du Louvre

163,9

167,7

+ 3,8

+ 2,3 %

RMN – Grand Palais

58,9

65

+ 6,1

+ 10,4 %

Établissement public du Palais de la porte Dorée

10,9

11

+ 0,1

+ 0,9 %

TOTAL  Établissement musées nationaux et CMN

521,3

576

+ 54,7

+ 10,5 %

Institut national de recherches archéologiques préventives

84,1

90,7

+ 6,6

+ 7,8 %

TOTAL opérateurs patrimoniaux

605,4

666,7

+ 61,3

+ 10,1 %

Source : commission des finances, d’après les données des rapports annuels de performances de la mission Culture

Pour certains opérateurs, les niveaux de réserves sont tout juste suffisants pour assumer les dépenses inéluctables jusquà la fin de lannée 2020. Le niveau de fonds de roulement du Centre Georges Pompidou sera ainsi ramené, fin 2020, à 10,2 millions d’euros et la trésorerie à 4,7 millions d’euros.

Cependant, certains établissements ne disposent pas de niveaux de réserves suffisants pour surmonter la crise sanitaire.

Sous l’effet du choc budgétaire du Covid-19, létablissement public des Musées dOrsay et de lOrangerie est particulièrement fragilisé. Il disposait en effet de 23,3 millions d’euros de fonds de roulement en début d’année, qui seraient ramenée à un fonds de roulement négatif de – 5 millions deuros en fin dexercice, lexposant à un risque de cessation de paiement. Cette fragilité financière est la conséquence inattendue des efforts remarquables menés par l’établissement pour atteindre des niveaux élevés de ressources propres et pour autofinancer l’entretien de ses bâtiments et la modernisation de ses espaces.

De même, sur les 46 millions d’euros de trésorerie et 53 millions d’euros de fonds de roulement inscrits au budget initial 2020 de létablissement public du château du musée et du domaine national de Versailles, 22 et 33,6 millions d’euros respectivement sont destinés à l’investissement. Lexploitation courante ne serait donc pas couverte par les fonds disponibles, ce qui expose l’établissement à des soldes de – 20,7 millions d’euros en fonds de roulement et – 15,8 millions d’euros de trésorerie.

En tout état de cause, le versement anticipé des soldes de subventions pour charges de service public du programme 175 paraît indispensable pour éviter toute défaillance de trésorerie à la rentrée 2020.

La crise remet directement en cause les mesures de crédits de la loi de finances initiale pour 2020 concernant la subvention publique au musée du Louvre

La crise sanitaire rend caduque la principale mesure de crédits de la loi de finances initiale pour 2020 concernant le programme 175 qui consistait à diminuer de 9,7 millions d’euros la subvention pour charges de service public du Musée du Louvre, portée de 93 à 83 millions d’euros, en contrepartie des hausses des recettes de billetterie qu’aurait dû permettre, à compter de mi-2020, une extension des horaires d’ouverture au public accompagnée d’une nouvelle hausse du tarif justifiée par l’amélioration des conditions d’accueil.

La baisse de la subvention publique intervient donc à contretemps dans le contexte actuel de réduction massive des ressources propres de l’établissement. Compte tenu des perspectives de fréquentation pour les deux prochaines années, l’extension des horaires d’ouverture à la nuit ne paraît plus d’actualité à court terme, d’autant qu’elle appelait d’importantes négociations sociales avec les personnels. 

Le rapporteur spécial invite cependant à préparer cette adaptation de l’offre afin que le Musée du Louvre puisse en bénéficier quand la situation et le contexte de fréquentation seront redevenus favorables, à l’échéance de 2022.

2.   Les conséquences économiques de la crise sanitaire accentuent les risques de sous-investissement dans les monuments historiques

La crise sanitaire a conduit à l’arrêt temporaire de lensemble des chantiers patrimoniaux, menés par les DRAC, les grands établissements nationaux, les collectivités territoriales ou les propriétaires privés.

Au Louvre par exemple, onze chantiers de rénovation du monument historique et de réaménagement des salles et jardins, pour un montant de programmation de près de 70 millions d’euros, ont été interrompus durant deux mois, de même que les différents chantiers conduits par le Centre des monuments nationaux, dans la centaine de monuments dont il a la charge.

Les projets dinvestissements dans les monuments historiques sont exposés à des difficultés nouvelles depuis la reprise de lactivité. Pour les chantiers en cours les plus importants, à la période d’arrêt devraient s’ajouter 3 à 6 mois de retards supplémentaires, parce que les conditions sanitaires rendent plus complexe l’organisation de la « coactivité » d’intervenants différents et exposent les maîtres d’œuvre à des surcoûts, susceptibles d’être répercutés sur les maîtres d’ouvrage.

Sans être spécifiques aux monuments historiques, les surcoûts pour un chantier dentretien ou de restauration peuvent désormais sélever à 15 ou 20 %, en ajoutant aux coûts d’immobilisation du matériel pendant la période d’ajournement, les frais liés à l’augmentation des capacités d’accueil et à la réorganisation des « bases vies » nécessaire pour appliquer les mesures barrières dans les vestiaires et les réfectoires, les dépenses d’équipements de protection individuelle, ainsi que les surcoûts liés à la perte de productivité.

Dans le domaine de l’archéologie préventive, l’arrêt des activités opérationnelles et l’abandon prévisible d’opérations d’aménagement obèrent lourdement les activités concurrentielles de fouilles, tant pour les opérateurs privés agréés que pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Dès lors, l’opérateur public ne pourra plus compenser par les recettes d’activités concurrentielles le déficit de financement de ses missions de service public en matière de diagnostic, qui passerait de 24 à 39 millions deuros.

Leffondrement des ressources propres des grands opérateurs publics est le révélateur plus large de difficultés de lensemble des donneurs dordres du domaine du patrimoine, sur lesquelles le ministère doit encore procéder à un bilan densemble.

Pour les collectivités territoriales, propriétaires de près de la moitié des monuments classés ou inscrits, l’effondrement des recettes fiscales consécutif à la crise économique s’ajoute aux ralentissements habituels des investissements en année électorale, accentué cette fois par le report, de trois ou de quatre mois, de l’installation des nouveaux exécutifs municipaux.

Pour les monuments historiques propriétés privées, outre les difficultés permanentes auxquelles sont confrontés les propriétaires des monuments les plus modestes, les sociétés civiles immobilières (SCI) propriétaires de monuments tels Chenonceau ou Vaux le Vicomte, largement financés par les revenus provenant de l’ouverture à la visite, ont également été fragilisés par des baisses de recettes de grande ampleur, alors même que leur éligibilité au prêt garanti par l’État (PGE) a été retardée, comme détaillé dans l’encadré suivant.

Léligibilité au PGE des SCI propriétaires de monuments historiques

Créé l’article 6 de loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 ([23]), le PGE n’a pas été attribué à des SCI propriétaires de monuments historiques pendant les six premières semaines de sa distribution par les réseaux banques.

Leur éligibilité au PGE n’a pu être acquise qu’à la suite d’alertes répétées des parlementaires, notamment lors de l’examen, à l’Assemblée nationale, le 18 avril 2020, du deuxième projet de loi de finances rectificatif pour 2020, le Gouvernement prenant alors l’engagement de modifier les dispositions réglementaires qui y faisaient obstacle jusqu’alors ([24]).

Alors qu’un arrêté du 23 mars 2020 d’application de l’article 6 de la première loi de finances ([25]) faisait figurer la qualité de « société civile immobilière » parmi les critères d’exclusion au PGE, un arrêté modificatif du 4 mai 2020 a prévu une exception pour « les sociétés civiles immobilières dont le patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques classés ou inscrits au sens de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et qui collectent des recettes liées à l’accueil du public » ([26]).

Le ministère de la culture n’a pas pu indiquer au rapporteur spécial le nombre de SCI propriétaires de monuments historiques ayant effectivement eu recours à un PGE depuis lors.

L’ensemble du secteur du patrimoine est par ailleurs susceptible de subir une baisse des ressources financières provenant du mécénat, ce qui rendra au demeurant difficilement lisibles les effets de lencadrement équilibré de lavantage fiscal du mécénat des entreprises établi par larticle 134 de la loi de finances initiale pour 2020 ([27]) .

Ces difficultés multiformes constituent autant de freins à linvestissement dans lentretien et la restauration des monuments historiques, dans un secteur où les projets bénéficient le plus souvent de cofinancements, avec un apport significatif de crédits dintervention du programme 175.

Les retards sur les chantiers de monuments historiques en cours, ou la fragilisation de projets en raison des évolutions de leurs coûts ou du désengagement de certains cofinanceurs risquent donc de complexifier l’utilisation des crédits d’intervention liés aux monuments historiques. Faute de pouvoir être rapidement utilisés, ces crédits pourraient constituer une variable dajustement pour le ministère de la Culture, confronté aux demandes de subventions exceptionnelles de certains grands musées nationaux, ou à la nécessité de corriger le sous-dimensionnement de la subvention pour charges de service public de l’INRAP.

Le risque est donc considérable que le Gouvernement en soit réduit à la facilité consistant à redéployer à cette fin des crédits destinés initialement aux subventions pour les monuments historiques des collectivités territoriales (145 millions d’euros inscrits dans la loi de finances pour 2020) ou des propriétaires privés (25 millions d’euros) ou encore qu’il ne réduise linvestissement dans lentretien des monuments historiques appartenant à lÉtat ou au Centre des monuments nationaux (125 millions d’euros).

Ce serait aller à rebours des engagements pris en début de législature, et dont la mise en œuvre est en cours malgré les difficultés relevées par le rapporteur spécial dans ses observations sur l’exécution du budget 2019.

Le redémarrage du chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Le chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, à l’arrêt depuis le 16 mars, a repris le 27 avril 2020, sous la maîtrise d’ouvrage de l’établissement public dédié installé le 1er décembre 2019.

Le budget initial de l’établissement public prévoyait, pour 2020, une consommation de 41,3 millions d’euros en AE et 62 millions d’euros en CP, montants appelés à être significativement réévalués dans un budget rectificatif.

Au 16 mai 2020, l’établissement public avait consommé 24,7 millions d’euros en AE et 18,9 millions d’euros en CP. Un budget rectificatif en cours d’adoption devrait permettre de porter ces enveloppes à environ 92 millions deuros en AE et en CP, ce qui devrait permettre de prendre en compte l’ensemble des surcoûts liés à la crise sanitaire et de terminer d’ici la fin de l’année les travaux, censés initialement s’achever à l’été, de sécurisation et de consolidation, comprenant notamment le démontage des 40 000 pièces de l’échafaudage endommagé lors du sinistre.

3.   Sécuriser les investissements patrimoniaux, faire des monuments historiques un facteur de relance sur l’ensemble du territoire

La crise sanitaire expose les monuments historiques à un double risque :

– le désengagement des grands établissements nationaux que la baisse de leurs fonds de roulement contraindrait à remettre en cause les investissements que ces réserves devaient financer ;

– une sous-consommation aggravée des crédits du programme 175 pour la restauration et lentretien de lensemble des monuments historiques, sur tout le territoire, dans le but de financer, par redéploiement de crédits, diverses mesures de soutien d’urgence, y compris aux grands établissements.

a.   Financer l’investissement des grands établissements disposant de niveaux élevés de ressources propres par des prêts du Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations

Il est essentiel que l’effondrement des ressources propres de fonctionnement des grands établissements muséaux et patrimoniaux nationaux ne les conduise ni à solliciter les crédits du programme 175 destinés aux autres monuments historiques, ni à sacrifier leurs propres programmes d’investissements.

Dans ce but, le rapporteur spécial propose de permettre à ces établissements d’absorber le choc budgétaire de la crise sanitaire en les autorisant à financer leurs investissements par des emprunts à longues maturités.

Pour les établissements qui autofinancent, sur la durée, leurs investissements grâce à leurs ressources propres, la crise du Covid-19 revient en effet à réduire la capacité dautofinancement de linvestissement, soit en contraignant les établissements à puiser dans des fonds de roulement en partie fléchés vers des programmes d’investissement, soit en fragilisant des plans de financement assis sur des recettes dynamiques.

Lattractivité durable de ces établissements nécessite en effet de maintenir leurs programmes dinvestissement, non seulement pour les opérations dont le report serait rapidement préjudiciable à la protection de leurs monuments historiques, comme les différents schémas directeurs techniques ou le traitement des désordres bâtimentaires, mais également des programmes plus faciles à différer mais importants sur la durée, comme les réaménagements muséaux ou l’amélioration des conditions d’accueil du public.

Or, en application de l’article 12 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques ([28]), les grands établissements patrimoniaux, comme tous les opérateurs de l’État ne peuvent contracter d’emprunt supérieur à douze mois.

Article 12 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation
des finances publiques pour les années 2011 à 2014

I. Nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables, ne peuvent contracter auprès d’un établissement de crédit ou d’une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée les organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux en vigueur, autres que l’État, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la Caisse de la dette publique, le fonds de garantie des dépôts et de résolution et la Société de prises de participation de l’État. Un arrêté du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s’applique cette interdiction. (…)

III.- Le présent article ne s’applique pas aux emprunts contractés auprès de la Banque européenne d’investissement ([29]).

Cette mesure destinée à renforcer lencadrement de la dépense publique de lÉtat et de ses opérateurs, nouvre que la possibilité de recourir par exemple à des avances de l’Agence France Trésor qui ne constituent pas une source adaptée aux investissements de long terme. L’emploi des avances du trésor, borné à l’année civile, peut au demeurant être annulé en cas de décalage calendaire de l’engagement d’une dépense.

Cependant, linterdiction prévue par loi de programmation de 2010 est assortie dexceptions. La liste des établissements auxquels elle s’applique est en effet établie par un arrêté du ministre chargé du budget.

Si le premier arrêté d’application, du 28 septembre 2011, faisait figurer, dans cette liste, l’ensemble des opérateurs muséaux et patrimoniaux ([30]), un arrêté modificatif du 6 septembre 2012 en a retiré létablissement public de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais puis un arrêté modificatif du 27 juillet 2016 a retiré le Centre des monuments nationaux, létablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, létablissement public du musée dOrsay et du musée de lOrangerie, ou encore le Domaine national de Chambord.

L’arrêté du 4 septembre 2018, actuellement en vigueur, fait cependant figurer dans la liste des établissements ayant interdiction de contracter auprès d’un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, létablissement public du musée du Louvre ainsi que le Fonds de dotation du Musée du Louvre, le Centre national darts et de culture Georges Pompidou, l’établissement public du château de Fontainebleau ; l’établissement public du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, l’établissement public du musée du quai Branly ou encore l’établissement public du musée national Picasso.

De fait, ces dernières années, des grands établissements muséaux et patrimoniaux ont pu recourir à lemprunt à deux reprises afin de financer des grands projets dinvestissement :  

–la Réunion des musées nationaux – Grand Palais à hauteur de 150 millions deuros pour compléter le financement du schéma directeur de restauration et daménagement du Grand Palais ([31]), en complément de près de 320 millions d’euros d’autres financements publics ou du mécénat ;

– le Centre des monuments nationaux pour un prêt de 80 millions deuros ([32]) correspondant à 70 % du plan de financement de la restauration de lHôtel de la Marine, remboursés par le produit de locations commerciales.

Ces précédents indiquent que les investissements des opérateurs patrimoniaux peuvent bien être financés par lemprunt à la condition dêtre gagés par des niveaux de ressources propres significatifs, ce qui justifierait de faire en sorte qu’Orsay, Versailles ou le Louvre empruntent effectivement sur des durées suffisamment longues pour absorber le choc budgétaire de la crise sanitaire.

Le rapporteur spécial propose donc dautoriser ces établissements à accéder, de façon encadrée, aux financements issus du Livret A, par des prêts du Fonds dépargne de la Caisse des dépôts et consignations.

Le report de plusieurs mois de louverture de lHôtel de la Marine

L’Hôtel de la Marine devait être inauguré à la mi-juillet 2020. Il était attendu 350 000 visiteurs sur le second semestre 2020, pour 6 millions d’euros de recettes. À l’instar des autres chantiers du CMN, le chantier de l’Hôtel de la Marine a été suspendu en mars 2020.

Les travaux ont repris progressivement depuis la mi-avril mais le calendrier d’exécution n’était pas encore recalé au moment de la rédaction du présent rapport. Les responsables du Centre des monuments historiques indiquent que, selon toute vraisemblance, l’Hôtel de la Marine ouvrira au printemps 2021.

L’équilibre du financement de la restauration des nouveaux espaces muséaux repose sur la valorisation d’espaces de bureau et de restaurants loués à des utilisateurs privés.

Au moment de l’arrêt des travaux, les démarches de commercialisation des espaces professionnels étaient achevées : le 14 février 2020, 6 000 m² de bureaux avaient été attribués par convention d’occupation précaire du domaine public à la société Morning Coworking pour 12 ans, renouvelable une fois pour 10 ans. Le salon de thé avait été attribué au groupe Ducasse. Le restaurant et le café avaient été attribués au groupe MOMA.

Le report de l’inauguration ne remet pas en cause le modèle de financement, l’emprunt souscrit en 2016 étant assorti d’un différé d’amortissement important, mais il expose le Centre des monuments nationaux à des moindres recettes à ce titre, réduisant sa capacité à consacrer plus de ressources à d’autres monuments de son réseau.

Il s’agirait de compléter les règles d’emploi du fonds d’épargne, que l’article L. 221-7 du code monétaire et financier destine aujourd’hui prioritairement au logement social.

Il convient en effet de définir de nouveaux emplois dintérêt général, sûrs et rémunérateurs pour les encours considérables de l’épargne réglementée, qui dépassent désormais 420 milliards d’euros et ont été accrus par l’épargne contrainte accumulée par les Français durant le confinement.

Pour les grands établissements culturels disposant, sur la durée, de niveaux de ressources propres importants, un plan de financement de 300 ou 400 millions deuros ne représenterait quun millième des encours de lépargne réglementée.

Le financement par l’emprunt d’un plan de sortie de la crise du Covid-19 des grands établissements patrimoniaux permettra en outre de sélectionner les investissements éligibles au regard dobjectifs daugmentation pérenne de leur fréquentation, afin par exemple d’améliorer l’accessibilité au public tout en préservant les établissements des risques de saturation, ou encore d’objectifs damélioration de la conservation préventive et de la restauration de leurs monuments historiques.

La qualité du dialogue de gestion entre ces établissements, le ministère de la culture, le ministère des finances et la Caisse des dépôts et consignations apporterait en outre de nouvelles garanties de respect de la programmation des opérations financées.

b.   Inclure l’entretien et la restauration des monuments historiques dans les plans de relance sectoriels

L’arrêt des chantiers patrimoniaux pendant le confinement n’a pas empêché les services du Patrimoine des DRAC ou les équipes du Centre des monuments nationaux, grâce au télétravail notamment, d’ajuster et de finaliser les procédures, notamment les appels d’offres, applicables à des projets en cours ou susceptibles de démarrer sur l’ensemble du territoire.

Les crédits dentretien et de restauration des monuments historiques du programme 175 doivent donc pouvoir être mobilisés pour des chantiers susceptibles dêtre relancés sans effet retard. Le Président du CMN a indiqué au rapporteur spécial que son établissement serait en mesure de démarrer rapidement pour plus de 160 millions d’euros de travaux.

Le mode le plus simple pour accélérer le rythme de consommation des crédits et de débloquer rapidement les projets liés aux monuments historiques dont l’État est propriétaire et pour lesquels il exerce directement la maîtrise d’ouvrage, soit en régie, comme pour les cathédrales, soit par l’intermédiaire de ses grands, opérateurs nationaux.

Cependant, il pourrait être également envisagé de relever les taux de participation de l’État aux projets de restauration des collectivités territoriales ou de propriétaires privés, soit directement, soit dans le cadre d’une nouvelle édition, renforcée, du loto du Patrimoine et de la mission Patrimoine en péril mise en œuvre par la Fondation du patrimoine, en tenant compte néanmoins des effets retard liés à la conclusion de « tours de table ».

Le rapporteur spécial invite donc le ministère à veiller au déblocage rapide des crédits disponibles et non consommés à ce jour, par exemple en accroissant les enveloppes de subvention au niveau déconcentré, conformément aux orientations initiées lors des deux précédents budgets.

En tout état de cause, il conviendrait de prévoir un volet lié au Patrimoine dans les plans de relance sectoriels, et en premier lieu dans les mesures relatives au secteur du tourisme, alors même que le patrimoine participe au dynamisme économique et touristique de l’ensemble des territoires.

Le rapporteur spécial souligne que dans un courrier adressé le 8 mai 2020 au ministre de la culture, les responsables des associations de propriétaires de monuments historiques (La Demeure historique et Veilles maisons françaises), ainsi que le groupement des entreprises de travaux sur monuments historiques (GMH) et les Ateliers d’Art de France, ont présenté plusieurs jalons dun plan de relance pour le patrimoine suggérant également de mobiliser les agents des DRAC pour traiter rapidement les demandes d’autorisation de travaux et de subvention dans des délais réduits.

Ils proposent également de prioriser les subventions pour les travaux d’entretien plus aisés à mettre en place et de verser plus rapidement les acomptes afin de faciliter la reprise des chantiers.

Ils suggèrent enfin de déplafonner les heures supplémentaires au bénéfice des entreprises de restauration qui doivent rattraper les retards de chantiers, et de les assortir d’allègements de cotisations et contributions sociales.

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   Travaux de la commission

Lors de sa réunion de 21 heures, le mercredi 3 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission dévaluation des politiques publiques, a entendu M. Gilles Carrez, rapporteur spécial des crédits du Patrimoine.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte-rendu est également lisible sur le site.

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   Annexe :
Liste des personnes auditionnÉes

 

● MM. Guy Amsellem, et Serge Kancel, membres de la mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles, sur la modernisation de la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés de monuments.

● Déplacement au Musée d’Orsay : Mme Laurence des Cars, présidente de l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie, M. Arnaud Oseredczuk, secrétaire général

● M. Frank Riester, ministre de la culture et de la communication.

● en audio-conférence :

– M. Philippe Bélaval, Président du Centre des monuments nationaux

– Mme Catherine Pégard, Présidente de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

– M. Philippe Barbat, directeur général des Patrimoines au ministère de la culture et de la communication

 

Questionnaires adressés par le rapporteur spécial

● Direction générale des Patrimoines du Ministère de la culture et de la communication

● Centre des monuments nationaux

● Établissement public du Musée du Louvre

● Établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie

● Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

● Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

● Institut national de recherche et d’archéologie préventive


([1]) Amendement n° II-624 présenté par le Gouvernement en première lecture du projet de loi de finances pour 2019, http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/1255C/AN/624.pdf

([2]) Décret n° 2019-327 du 16 avril 2019 autorisant le rattachement par voie de fonds de concours des recettes provenant des dons versés au titre du financement des travaux de restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il s’agit des fonds de concours 1-2-00579 « Rebâtir Notre Dame de Paris - Dons nationaux » et 1-3-00580 « Rebâtir Notre Dame de Paris - Dons internationaux »

([3]) Ces travaux devaient comprendre la restauration de la flèche, des arcs-boutants, de la culée n° 10, de la chapelle Saint-Germain et de la sacristie, ainsi que la confortation du beffroi et des travaux de première urgence sur le grand comble

([4]) Décret n° 2019-1250 du 28 novembre 2019 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

([5]) Article L. 621-29-2 du code du patrimoine, introduit par l’ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés.

([6]) L’équipement est destiné au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines de Marseille (DRASSM), service à compétence nationale du ministère de la Culture qui inventorie, étudie, protège, conserve et met en valeur le patrimoine archéologique immergé de l’ensemble des eaux marines sous juridiction française.

([7]) Yves Dauge, Rapport au Premier ministre, Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés, septembre 2016. 50 p.

([8]) La dépense fiscale avait été accrue à hauteur de 80 millions d’euros suite à l’acquisition du Portrait d’Oopjen Coppit en costume à la Française, peint par Rembrandt en 1634

([9]) Le nombre de monuments attribués à un propriétaire privé n’est pas homogène selon les bases de données ministérielles et varie entre 17 542 selon le bilan 2018 de la conservation des monuments historiques publié et 20 149 selon la base Mérimée.

([10]) IGF –IGAC, François-Xavier Deniau, Guy Amsellem, Serge Kancel, Modernisation de la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés de monuments, février 2020. p. 21.

([11]) Le rapport annuel de performance joint au présent projet de loi de règlement procède rétroactivement à la même réévaluation pour l’année 2018.

([12]) Le rapporteur spécial avait présenté dans ce but un amendement I-2862 au projet de loi de finances pour 2020, adopté par la commission des finances mais rejeté lors de son examen en séance publique, sur avis défavorable du Gouvernement.

([13]) Article 16 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997.

([14]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/DLR5L15N37846

([15]) Rapport n° 75 (2019-2020) de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 17 octobre 2019, p. 19

([16]) Article 10 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

([17]) IGF –IGAC, op. cit, p. 30

([18]) Inspection générale des finances, Conseil général de l’environnement et du développement durable et Inspection générale des affaires culturelles, Évaluation et adaptation du dispositif « Malraux » aux enjeux des petites villes et des villes moyennes, décembre 2018.

([19]) Les ORT ont été créés par l’article 157 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

([20]) Bruno Suzzarelli, François Goven, François Cailleteau, Mission d’audition et de modernisation de l’inspection générale de l’administration des affaires culturelles, l’inspection générale de l’architecture et du patrimoine et l’inspection générale des finances. Rapport sur la modernisation et la rationalisation de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre sur les monuments historiques. Avril 2006, 27 p.

([21]) L’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle en restreint l’éligibilité, pour le secteur public, aux salariés de droits privé des établissements publics industriels et commerciaux.

([22]) Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19

([23]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

([24]) Assemblée nationale, compte rendu intégral, 3e séance du vendredi 18 avril 2020, p. 2890 et 2891.

([25]) Article 3 de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

([26]) Article 4 de l’arrêté du 6 mai 2020 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020

([27]) Loi n° 2018-1479du 28 décembre 2019 de finances pour 2020

([28]) Article 12 de la loi n° 2010 -1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques (LPFP), maintenu en vigueur par l’article 22 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 modifiée par l'article 25 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([29]) Exception introduite par l’article 8 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

([30]) Arrêté du 28 septembre 2011 fixant la liste des organismes divers d’administration centrale ayant interdiction de contracter auprès d’un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois ou d’émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée

([31]) Contrat de prêt signé le 10 avril 2018 auprès de la Caisse d’épargne

([32]) Contre de prêt signé le 29 novembre 2016 après du Crédit Agricole Ile de France