N° 3011

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 16
 

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT et MOBILITÉ durables :

 

PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ

 

PRÉVENTION DES RISQUES

 

EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE

 

CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES

 

Rapporteur spécial : M. Éric COQUEREL

 

Député

____


 

 


SOMMAIRE

Pages

Synthèse

RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE :  une exécution budgétaire malthusienne

1. De la LFI pour 2018 à la LFI pour 2019

2. Des réductions de crédits non négligeables en cours de discussion budgétaire

3. Les annulations de crédits en loi de finances rectificative

4. L’exécution des crédits des programmes 113,159 et 181

5. Régression des effectifs et déqualification des emplois

SECONDE PARTIE : LES OPÉRATEURS DE L’ÉCOLOGIE ET DE LA PRÉVENTION DES RISQUES FACE À LA CRISE SANITAIRE DE 2020

1. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

2. L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS)

3. L’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

4. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

5. Météo France

6. L’Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)

7. Les agences de l’eau, de l’Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux

8. Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

SOURCES UTILISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL


— 1 —

 

   Synthèse

Les crédits et les effectifs mis au service de la politique écologique du pays au sens le plus strict (préservation de la biodiversité, de l’eau, des paysages, lutte contre les pollutions, prévention des risques naturels et technologiques, analyse du changement climatique et de ses effets, conversion énergétique) connaissent en 2019 une nouvelle érosion significative.

À la baisse constatée en loi de finance initiale par rapport à 2018 s’ajoute une sous-exécution toujours significative des crédits, accompagnée de gels et d’annulations en cours d’exercice.

Les grands opérateurs de l’écologie et de la prévention des risques subissent la même dégradation, au détriment de l’accomplissement de leurs missions.

Face à la crise sanitaire, ils ont mis en place des plans de continuité de l’activité et de protection des salariés avec la plus grande rigueur possible nonobstant les carences de l’État et les injonctions parfois contradictoires du Gouvernement.

Plusieurs d’entre eux sont directement impliqués dans l’application des mesures d’urgence sanitaire et dans les recherches sur le virus et sur la prévention ou le traitement de la maladie.

Sur le plan budgétaire, il est évident que les ressources propres de la plupart des opérateurs, ou le cas échéant la fiscalité qui leur est affectée, connaîtront une baisse substantielle. Certains opérateurs estiment d’ores et déjà qu’ils seront dans l’incapacité d’équilibrer leur budget 2020.

 


— 1 —

 

 

   RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial recommande :

 

– qu’un passage en revue et une réévaluation de toutes les politiques de prévention des risques soit opérés, à la lumière des défaillances constatées dans la prévention et la gestion du risque sanitaire lors de la pandémie de covid-19 ;

 

– que le Gouvernement compense intégralement les pertes de ressources propres et de fiscalité affectée subies par les opérateurs de l’écologie du fait de la pandémie de covid-19 ;

 

– que le Gouvernement fasse reporter intégralement sur les années ultérieures les crédits d’investissement qui n’auront pu être consommés en 2020 du fait de la crise ;

 

– que la tutelle cesse de faire pression sur les opérateurs pour qu’ils accroissent la part des ressources propres dans leur budget et développent à cet effet des activités de nature commerciale ;

 

– que soit réduit le champ des activités ouvertes à la concurrence en matière d’écologie et de prévention des risques ;

 

– que soit établi un moratoire sur les baisses de crédits et d’effectifs touchant les politiques de l’écologie, tant au niveau de l’administration centrale et des services déconcentrés qu’à celui des opérateurs ;

 

– que la mission Écologie, développement et mobilités durables soit scindée en trois missions distinctes, la première consacrée à l’écologie proprement dite, la deuxième aux transports et la troisième à l’énergie ;

 

– que la masse salariale du ministère de la cohésion des territoires ne soit plus portée par le programme 217 et fasse l’objet d’un programme spécifique au sein de la mission Cohésion des territoires ;

 

– que les crédits de l’économie sociale et solidaire soient dissociés du programme 159 et intégrés à la mission Économie


— 1 —

 

 

   INTRODUCTION

Les programmes compris dans le périmètre du présent rapport spécial ([1]) concernent la politique écologique du pays au sens le plus strict : la préservation de la biodiversité, de l’eau, des paysages, la lutte contre les pollutions, la prévention des risques naturels et technologiques, l’analyse du changement climatique et de ses effets, la conversion énergétique.

En première ligne de cette politique, on trouve de très grands opérateurs comme l’OFB ([2]), les agences de l’eau, l’ADEME ([3]), Météo France, l’ASN ([4]), l’INERIS ([5]), le CEREMA ([6]), l’IGN ([7]).

Un tel dispositif devrait être le moteur d’une grande politique. Les compétences existent, elles ne demandent qu’à se déployer et à disposer des moyens nécessaires aux missions qu’on leur assigne.

Or force est de constater que cette partie essentielle de la mission Écologie, développement et mobilités durables est par bien des aspects le parent pauvre de la mission. Alors que des sommes considérables sont déboursées pour l’aide à l’achat de véhicules dits « propres » mais toujours à essence, alors que la loi d’orientation des mobilités adoptée l’année dernière maintien des projets comme le Lyon-Turin, d’un coût exorbitant pour un bénéficie écologique non démontré, alors que le lobby autoroutier envisage l’avenir sereinement puisqu’il continuera de percevoir ses rentes pendant des dizaines d’années, les vrais acteurs de l’écologie sont à la peine et les missions du service public de l’écologie voient leurs moyens matériels et humains réduits année après année.

Dans ce domaine essentiel, l’objectif premier du Gouvernement reste la baisse des crédits et des effectifs.

 

 

La crise sanitaire du premier semestre 2020 jette une lumière très crue sur cette situation. Car c’est également à coups de baisses de crédits et d’effectifs que l’on a géré notre système de soins depuis près de vingt ans. Et lorsqu’arrive la catastrophe à laquelle ce système doit nous permettre de faire face – c’est sa finalité même –, des carences proprement effrayantes se font jour et les morts s’accumulent.

Le présent rapport comporte deux parties. La première retrace brièvement l’exécution malthusienne des crédits de l’écologie en 2019, la seconde traite des effets potentiellement redoutables de la crise sanitaire sur l’activité et les budgets des opérateurs de l’écologie.

Cette mise en regard est lourde de sens.

Au moment où le Gouvernement vole au secours des grands groupes en omettant d’exiger de véritables contreparties écologiques, les opérateurs de l’écologie pourraient se voir confirmer leur rôle de variable d’ajustement budgétaire. Il s’agirait alors d’une folie politique. Comment ne pas voir que l’accident pandémique actuel est la préfiguration d’accidents climatiques et technologiques autrement plus dévastateurs, que nous devrions tout faire pour prévenir ?


— 1 —

 

   PREMIÈRE PARTIE :
une exécution budgétaire malthusienne

Le constat ne varie pas au fil des ans : les crédits de l’écologie sont presque systématiquement sous-exécutés et sont une cible privilégiée, en cours d’exercice, pour les procédures d’annulation.

1.   De la LFI pour 2018 à la LFI pour 2019

Si la mission Écologie, développement et mobilités durables a connu une hausse de ses crédits entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2018 et la LFI pour 2019, c’est essentiellement en raison du changement de périmètre du programme 174 Énergie, climat et après-mine (transfert du compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres) et de l’augmentation des montants alloués aux programmes 203 Infrastructures et services de transport et 345 Service public de l’énergie, qui représentent à eux seuls 60 % des crédits de la mission ([8]).

Les programmes 159 Expertise, information géographique et météorologie (– 0,38 % en crédits de paiement), 181 Prévention des risques (– 0,75 %) et 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables (– 0,99 %) connaissent une nouvelle érosion.

Il faut ajouter les effets de l’inflation qui s’est élevée à 1,1 % en 2019, après 1,8 % en 2018. Dans des domaines où l’investissement dans des outils sophistiqués de calcul, d’expérimentation et d’observation est primordial, il s’agit d’un élément qui ne saurait être passé sous silence.

Seul le programme 113 Paysages, eau et biodiversité a connu une hausse (+ 8,17 % en crédits de paiement), malheureusement fortement réduite par des annulations en gestion (– 5,1 %).

Le tableau ci-après retrace l’évolution des crédits de la mission à périmètre courant et à périmètre constant d’une LFI à l’autre.

évolution des crédits de la mission de la LFI 2018 à la LFI 2019
à périmètre courant et à périmètre constant

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagements

Crédits de paiement

(en M€)

LFI
2019

LFI
2018

Évolution

LFI
2019

LFI
2018

Évolution

Périmètre courant

Périmètre constant

Périmètre courant

Périmètre constant

P 113

164,10

147,81

11,02 %

11,02 %

159,90

147,81

8,17 %

8,17 %

P 159

513,00

516,14

– 0,61 %

– 0,57 %

513,00

515,13

– 0,41 %

– 0,38 %

P 174

996,16

426,52

133,54 %

– 6,19 %

996,13

426,52

133,54 %

– 6,19 %

P 181

838,33

849,35

– 1,29 %

– 1,29 %

832,80

839,12

– 0,75 %

– 0,75 %

dont HT2

791,88

803,47

 1,44 %

 1,44 %

786,36

793,24

 0,86 %

 0,86 %

dont T2

46,45

45,89

1,22 %

1,22 %

46,45

45,89

1,22 %

1,22 %

P 203

3 365,60

3 209,09

4,87 %

5,37 %

3 193,64

3 141,52

1,66 %

2,16 %

P 205

163,06 %

158,12 %

3,12 %

3,88 %

157,34

158,12

– 0,49 %

0,2 %

P 217

2 955,85

2 994,05

– 1,27 %

– 0,82 %

2 993,35

2 037,03

– 1,44 %

– 0,99 %

dont HT2

189,96

205,63

 7,62 %

 0,99 %

227,46

248,62

 8,51 %

 3,03 %

dont T2

2 765,90

2 788,42

 0,80 %

 0,80 %

2 765,90

2 788,42

 0,80 %

 0,80 %

P 345

3 297,50

3 043,92

8,33 %

8,33 %

3 319,36

3 043,92

9,04 %

9,04 %

Total
Mission

12 293,57

11 345,00

8,36 %

3,30 %

12 165,52

11 309,18

7,57 %

2,49 %

dont HT2

9 481,23

8 510,69

11,40 %

4,66 %

9 353,18

8 474,87

10,36 %

3,59 %

dont T2

2 812,34

2 834,30

 0,77 %

 0,77 %

2 812,34

2 834,30

 0,77 %

 0,77 %

Source : Cour des comptes.

2.   Des réductions de crédits non négligeables en cours de discussion budgétaire

Comme à l’accoutumée, les crédits de l’écologie proposés dans le projet de loi de finances ont été la cible d’amendements gouvernementaux présentés en seconde délibération. Le tableau ci-dessous récapitule ces mouvements. Pour le programme 113, le coup de rabot représente 1,8 % des crédits de paiement.

Écart entre les crédits proposés en PLF pour 2019 et les crédits votés

(en millions d’euros)

Programmes

PLF 2019
(M€)

Amendement
AN-II-3
«Rabot 1erlecture»

 

Amendement
AN-II-3
«RV salarial»*

Amendement
AN-II-1390
«Décentralisation »

Amendement
AN-NL-2de délibération n°2

PLF 2019
(M€)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

113

167,01

162,81

– 2,99

– 2,99

0,11

0,11

– 0,03

– 0,03

 

 

164,10

159,90

159

513,96

513,96

– 0,96

– 0,96

 

 

 

 

 

 

513,00

513,00

181 T2

46,45

46,45

 

 

 

 

 

 

 

 

46,45

46,45

181 HT2

794,62

789,09

9,99

9,99

0,25

0,25

 

 

7,00

7,00

791,88

786,36

217 T2

2 766,03

2 766,03

 

 

 

 

– 0,14

– 0,14

 

 

2 765,90

2 765,90

217 HT2

197,40

234,90

– 0,72

– 0,72

0,28

0,28

0,00

0,00

– 7,00

– 7,00

189,96

227,46

* Rendez-vous salarial : revalorisation des indemnités kilométriques et des barèmes des frais de nuitée dont la décision avait été annoncée lors du rendez-vous salarial du 18 juin 2018.

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

3.   Les annulations de crédits en loi de finances rectificative

Les annulations en cours d’exercice, validées en loi de finance rectificative ([9]) , ont été globalement un peu moins élevées que les années précédentes. Elles ont cependant été importantes pour les programmes 113 et 181, ainsi qu’on le constate dans le tableau ci-dessous.

Annulations et ouvertures en LFR par programme

(en millions d’euros)

 

Annulation ou ouverture (HT2)

Taux d'annulation ou d’ouverture/LFI (HT2)

Taux d'annulation ou d’ouverture/crédits disponibles (HT2)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P113

– 4,91

– 9,09

– 3,0 %

– 5 ,7 %

– 2,7 %

– 5,1 %

P159

65,69

– 5,94

– 1,1 %

– 1,2 %

– 1,1 %

– 1,2 %

P174

83,71

132,01

8,4 %

13,3 %

7,1 %

10,7 %

P181

– 35,49

– 19,28

– 4,5 %

– 2,5 %

– 4,5 %

– 2,4 %

P203

– 182,93

100,78

– 5,4 %

– 3,2 %

– 3,0 %

– 1,9 %

P205

– 3,63

– 4,30

– 2,2 %

– 2,7 %

– 2,1 %

– 2,7 %

P217

0,00

– 7,00

0,0 %

– 3,1 %

0,0 %

– 3,0 %

P345

70,54

– 66,08

2,1 %

– 2,0 %

1,8 %

– 2,0 %

Total 2019

 78,41

 80,46

 0,8 %

 0,9 %

 0,6 %

 0,7 %

Dont annulations en LFR

 

 

– 232,65

– 212,47

– 2,5 %

– 2,3 %

– 1,8 %

– 1,8 %

Source : Cour des comptes.

 


4.   L’exécution des crédits des programmes 113,159 et 181

On trouvera dans les tableaux ci-après le détail de l’exécution des crédits de chacun des trois premiers programmes couverts par le présent rapport. L’écart entre prévision et réalisation est, pour certaines actions, considérable. Sont ainsi mises au jour les insuffisances du Gouvernement en matière de conduite de la politique de l’écologie et de la prévention des risques.

exécution des crédits du Programme 113 paysages, eau et biodiversité (et action miroir du programme 217)

(en millions d’euros, hors fonds de concours)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

Réalisation

Écart (en %)

LFI 2019

Réalisation

Écart (en %)

Action 01 – Sites, paysages, publicité

6,59

5,31

– 19,42

6,61

4,94

– 25,15

Action 02 – Logistique, formation et contentieux

5,65

7,14

26,60

5,65

7,24

28,37

Action 07 – Gestion des milieux et biodiversité

151,87

145,57

– 4,15

147,65

135,51

– 8,22

titre 2 (P217, A 13)

265,32

278,35 

4,9 

265,32 

278,35 

4,9 

Total (hors titre 2)

164,10

158,02

– 3,71

159,89

147,69

– 7,63

Total y. c. titre 2

429,42

436,37

1,6

429,42

436,37

1,6

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

exécution des crédits du Programme 159 expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie (et action miroir du programme 217)

(en euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

Exécution 2019

Écart
(en %)

LFI 2019

Exécution 2019

Écart
(en %)

Action 10 – Gouvernance, évaluation, études et prospective en matière de développement durable

14 246 860

14 423 999,90

+ 1,24

14 246 860

14 643 463,84

+ 2,78

Action 11 – Étude et expertise en matière de développement durable

201 281 114

199 516 482

– 0,88

201 281 114

199 516 482

– 0,88

Action 12 – Information géographique et cartographie

90 308 261

89 293 348,70

– 1,12

90 308 261

89 281 378

– 1,14

Action 13 – Météorologie

188 771 452

187 039 849

– 0,92

188 771 452

187 039 849

– 0,92

Action 14 – Économie sociale et solidaire

18 394 587

17 706 940,46

– 3,74

18 394 587

17 460 616,44

– 5,08

titre 2 (P217, A 28)

51 070 264

47 067 751

– 7,83

51 070 264

47 067 751

– 7,83

Total (hors titre 2)

513 002 274

507 980 620

– 0,98

513 002 274

507 941 789

– 0,99

Total y. c. titre 2

564 072 538

555 048 371

– 1,60

564 072 538

555 048 371

– 1,60

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

exécution des crédits du Programme 181 prévention des risques

(en euros)

Action

Autorisation d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

Exécution 2019

Ecart (en %)

LFI 2019

Exécution 2019

Ecart (en %)

Action 01 – Prévention des risques technologiques et des pollutions

101 043 634

78 246 002

– 22,56

90 981 845

94 136 340

3,47

Action 09 – Contrôle de la sûreté nucléaire

58 974 289

58 575 255

– 0,68

63 974 289

58 806 025

– 8,08

Dont titre 2

46 446 540

30 168 291

– 15,67

46 446 540

39 168 291

– 15,67

Action 10 –Prévention des risques naturelles et hydrauliques

44 699 826

44 228 790

– 1,05

44 235 183

41 905 801

– 5,27

Action 11- gestion de l’après-mine et travaux de sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites

38 277 130

35 140 127

– 8,20

38 277 130

32 868 319

– 14,13

Action 12 – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

595 333 800

583 827 829

– 1,93

595 333 800

583 827 829

– 1,93

Titre 2 (P217, A 16)

 

 

 

 

 

 

Total (hors titre 2)

791 882 139

760 849 712

 3,92

786 355 707

772 376 023

 1,78

Total y. c. titre 2

838 328 679

800 018 003

 4,57

832 802 247

811 544 314

 2,55

Action 16 « Personnels œuvrant pour les politiques du programme "Prévention des risques" » du programme 217 :

Action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

Exécution 2019

Écart (en %)

LFI 2019

Exécution 2019

Écart (en %)

16 – Personnels œuvrant pour les politiques du programme « Prévention des risques »

239 861 029

235 992 774

– 2

239 861 029

235 992 774

– 2

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

5.   Régression des effectifs et déqualification des emplois

Le programme 217 porte la masse salariale de deux ministères, celui de la transition écologique et solidaire et celui de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ce qui le rend particulièrement illisible. Même si, comme le Gouvernement le fait valoir, certaines fonctions sont mutualisées, cela ne doit pas faire obstacle au suivi de politiques publique qui sont, elles, bien distinctes.

Ainsi, le ministère de la transition écologique et solidaire n’est à même de transmettre qu’une cartographie globale de la baisse des effectifs, qui est, en tout état de cause, considérable : – 2,5 % entre 2018 et 2019 et – 16,2 % entre 2014 et 2019, ainsi que le retrace le tableau ci-après.


Effectifs sous plafond des ministères des ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales entre 2014 et 2019*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Les effectifs des services déconcentrés comprennent les services régionaux dont les effectifs sont en DREAL, DEAL, DIR, DIRM, DM, DR IDF (DRIEA, DRIEE, DRIHL), et les services départementaux composés des effectifs des DDT, DDT(M), autres DDI et des préfectures.

Les effectifs « autres » comprennent notamment les effectifs des écoles, des autorités administratives indépendantes, des services en collectivités d'outre-mer, des services particuliers. Sont également pris en compte dans cette catégorie les agents mis à disposition « sortants » (notamment auprès des collectivités territoriales), les effectifs correspondant aux transferts en gestion entrants, ainsi que les effectifs des services à compétence nationale et structures particulières.

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

Au-delà de cette difficulté à entrer dans le détail des moyens humains consacrés à telle ou telle politique, la Cour ces comptes constate une nouvelle fois « la poursuite préoccupante de déqualification des emplois » du ministère de la transition écologique et solidaire malgré une très légère inflexion en 2019.

Comme le montre le tableau ci-après, entre 2014 et 2019, par rapport aux schémas d’emplois initiaux qui prévoyaient une remontée des emplois de catégorie A et une forte baisse des emplois de catégorie C, le ministère a « détruit » 492 emplois de catégorie A au-delà des cibles, tandis qu’il « créait » 898 emplois de catégorie C. Tout laisse donc à penser qu’il aura de plus en plus de mal à assurer ses missions d’expertise, d’ingénierie et d’inspection.


Déqualification de la structure des emplois du ministère de la transition écologique et solidaire (2014-2019)

(en équivalents temps plein)

Catégories

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total
2014-2019

A

– 200

– 20

– 30

– 127

– 144

29

– 492

B

– 128

– 108

– 25

– 37

71

– 59

– 286

C

312

125

155

163

118

25

898

Source : Cour des comptes, d’après ministère. Note de lecture : les nombres mentionnés correspondent à l’écart entre la cible de schéma d’emploi initial et le schéma d’emploi réalisé par catégorie.

 

 


— 1 —

 

   SECONDE PARTIE : LES OPÉRATEURS DE L’ÉCOLOGIE ET DE LA PRÉVENTION DES RISQUES FACE À LA CRISE SANITAIRE DE 2020

La commission des finances a souhaité, à l’occasion du Printemps de l’évaluation 2020, faire un premier état des lieux des conséquences présentes et à venir de la crise sanitaire sur le budget de l’État.

Pour apporter sa contribution à ce travail, le rapporteur a adressé au mois de mars un questionnaire à tous les opérateurs relevant du périmètre de son rapport spécial, ainsi qu’à l’IRSN ([10]), bras armé de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ([11]) en matière de sûreté nucléaire. Les réponses, parvenues au cours des mois d’avril et de mai, sont déjà riches d’enseignements, même si beaucoup de points restent incertains et si des évaluations chiffrées sont difficiles à établir.

En premier lieu, il apparaît que les plans de continuité de l’activité et de protection des salariés ont été mis en place avec la plus grande rigueur possible nonobstant les carences de l’État et les injonctions parfois contradictoires du Gouvernement.

Plusieurs opérateurs sont directement impliqués dans l’application des mesures d’urgence sanitaire et dans les recherches sur le virus et sur la prévention ou le traitement de la maladie.

Pour autant, l’activité a généralement dû être considérablement réduite. Les missions de surveillance et d’inspection nécessitant des déplacements sur place ont été interrompues et remplacées, autant que faire se peut, par des contrôles à distance. Beaucoup de projets et de chantiers sont d’ores et déjà suspendus ou différés. Des organismes comme l’IRSN ou l’INERIS ont été contraints d’interrompre leurs activités expérimentales. Certaines de ces activités, notamment les recherches sur des organismes végétaux ou animaux, devront être reprises à nouveaux frais.

Un des premiers sujets à avoir été posés est celui de la sûreté des sites industriels classés et des installations nucléaires. La plupart des sites industriels fonctionnent actuellement en mode dégradé (industries de recyclage notamment), même s’ils ont mis en œuvre des plans de continuation d’activité. Si l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a suspendu les délais de réalisation des contrôles et travaux permettant de se conformer à des obligations administratives, le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 précise que cette suspension ne s’applique pas aux installations à risque.

 

Sur le plan budgétaire, si les premiers versements des subventions pour charges de service public ont eu lieu selon les échéances et pour les montants prévus, des incertitudes graves pèsent sur les autres ressources. Il est évident que les ressources propres de la plupart des opérateurs, ou le cas échéant la fiscalité qui leur est affectée, connaîtront une baisse substantielle. Certains opérateurs estiment d’ores et déjà qu’ils seront dans l’incapacité d’équilibrer leur budget 2020.

Sans une action résolue du Gouvernement, ce sont à la fois la politique de protection et de surveillance de l’environnement et la politique de prévention des risques qui se trouveront mises en péril. Alors que, jusqu’à présent, le ministère de la transition écologique et solidaire s’en est tenu à son attentisme traditionnel, il est impératif :

– que le Gouvernement s’engage à compenser intégralement les pertes de ressources propres et de fiscalité affectée subies par les opérateurs de l’écologie du fait de la pandémie de covid-19 et de ses conséquences ;

– que le Gouvernement s’engage à reporter intégralement sur les années ultérieures les crédits d’investissement qui n’auront pu être consommés en 2020 du fait de la crise ;

– que la tutelle cesse de faire pression sur les opérateurs pour qu’ils accroissent la part des ressources propres dans leur budget et développent à cet effet des activités de nature commerciale ;

– que soit réduit le champ des activités ouvertes à la concurrence en matière d’écologie et de prévention des risques.

On le sait, la plupart des opérateurs se voient enjoindre depuis des décennies d’accroître leurs ressources propres, de réduire leurs dépenses et de tailler dans leurs effectifs, l’objectif de la tutelle étant de « faire des économies » sur les crédits budgétaires. Comme en matière de santé publique, cela pourrait se payer très cher, et à brève échéance.

Au total, le risque de « suraccident » venant s’ajouter à la pandémie est tel qu’il rend urgents un passage en revue et une réévaluation de toutes les politiques de prévention des risques, à la lumière des défaillances constatées dans la prévention et la gestion du risque sanitaire lors de la pandémie de covid-19.


1.   L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Faute de réserve nationale suffisante, l’Autorité de sûreté nucléaire s’est trouvée privée de masques pendant de longues semaines. Les contrôles à distance ont permis de conserver la maîtrise de la situation avant que les visites sur place ne puissent reprendre. Selon l’ASN, « pour une durée limitée, hormis pour les épreuves hydrauliques sur site, le contrôle à distance convient pour une très grande majorité des opérations de contrôle de l’ASN ». Il conviendra cependant de s’interroger sur les risques encourus en cas de confinement prolongé et sur les dispositifs à mettre en place pour assurer un contrôle dans des conditions extrêmes sur une longue période

L’ASN est également investie de missions d’inspections du travail. À ce titre, elle a été amenée, « à alerter EDF sur la situation de salariés d’entreprises prestataires, en lui demandant de définir clairement quelles sont les activités de maintenance ou de logistique pour lesquelles une continuité est indispensable afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté pour ces entreprises et leurs salariés, et de veiller à ce que les conditions de santé et sécurité soient communiquées et mises correctement en place sur les sites pour tous les salariés » ([12]). Il n’est pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre que ces conditions n’ont pas été respectées.

Par ailleurs, l'ASN a reçu des demandes d'autorisation spécifiques en lien avec la gestion de la crise, notamment pour l'utilisation à des fins de diagnostic du covid-19 des scanners de radiothérapie, de médecine nucléaire et de bloc opératoire. Ces demandes ont été traitées de façon prioritaire et l'ASN a donné son accord après s'être assurée que les précautions nécessaires étaient prises.

Elle a également mené avec les sociétés savantes (radiothérapie, médecine nucléaire, physique médicale), les constructeurs et fournisseurs d'équipements de dispositifs médicaux, des réflexions afin d'évaluer les conséquences, sur le plan de la radioprotection, de la gestion de l'épidémie. Ces réflexions visent à anticiper l'absence éventuelle de nombreux professionnels simultanément, y compris dans les prochains mois de l'année 2020, les difficultés de réalisation des contrôles de qualité et de la maintenance des dispositifs médicaux.

L’IRSN, pour sa part, a mis en œuvre son plan de continuité d’activité pour le maintien des activités vitales (appui technique, sécurité, crise).

L’Institut indique avoir « apporté une attention toute particulière à la mise en place des dispositions permettant de traiter les demandes des exploitants nucléaires et des responsables d’activité qui seraient nécessitées par le maintien de la sûreté, de la sécurité et de la radioprotection des installations et activités essentielles à la nation. En revanche, en liaison avec les autorités, les contributions apportées sur site aux inspections sont suspendues, la préparation de ces inspections pouvant être effectuée à distance et poursuivie. Toutefois, en cas de nécessité, des dispositions pourraient être prises pour accompagner les autorités. »

Si l’activité de recherche ne s’est pas interrompue, le confinement a toutefois impliqué l’arrêt quasi total de l’activité expérimentale (en particulier celle mobilisant les plateformes de recherche).

Depuis le début de la crise, l’IRSN a mis à la disposition des agences sanitaires ses compétences en matière d’évaluation de la performance de la filtration des particules et d’aérodispersion des contaminants. Il a ainsi procédé à une évaluation de l’efficacité de filtration des médias composant les masques FFP2 après différents traitements (irradiation, UV, chaleur, stérilisation chimique etc.) pour rendre réutilisables ces masques de protection normalement à usage unique.

Par ailleurs, le Haut Conseil de la santé publique mobilise les compétences de l’IRSN en matière de remobilisation des polluants en vue de publier un avis sur la notion de dispersion en champs proche.

Étant principalement issues du budget de l’État, les ressources de l’ASN et de l’IRSN ne devraient pas être sensiblement affectées par la crise. Cependant l’IRSN prévoit une perte de 7 millions d’euros sur ses prestations commerciales (dosimétrie, expertise, enseignement notamment).

2.   L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS)

Avec un siège implanté à Verneuil-en-Halatte, à proximité immédiate du foyer de covid-19 de l’Oise, l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) a été dès le 2 mars concerné par les contraintes liées au confinement de certains de ses salariés et par la nécessité de renforcer la sécurité sanitaire sur son site.

Les mesures de lutte contre la pandémie ont eu un impact direct et fort sur les activités de l’opérateur pour deux raisons :

– les activités expérimentales ont été mises à l’arrêt ou très ralenties, ce qui handicape les activités de recherche et d’appui technique aux pouvoirs publics et impacte environ 30 % des recettes variables (chiffre d’affaires, subventions variables) ;

– la part des activités nécessitant des déplacements (missions sur sites, dans les installations de clients, missions internationales) est également fortement en baisse. Cela concerne les activités de recherche et d’appui et impacte également environ 30 % des recettes variables.

Dans la réponse au questionnaire adressé par le rapporteur, l’INERIS indique notamment : « Indépendamment de la levée des mesures de confinement, il est probable que la reprise d’activité sera très progressive du fait de l’adaptation aux nouveaux protocoles de sécurité sanitaire et, s’agissant des recettes variables, de la diminution de la demande liée à la sortie de crise de nos clients (dont étrangers). Ces derniers seront en effet très certainement focalisés sur une problématique de restauration rapide de l’équilibre financier et non sur une amélioration de la maîtrise des risques, et ce, d’autant plus que le confinement durera longtemps. »

Par ailleurs, l’INERIS a été sollicité par les pouvoirs publics dans le cadre de la gestion de crise :

– par la direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique et solidaire pour l’évolution de la réglementation concernant la production de solution hydroalcoolique ;

– par la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique et solidaire sur l’évaluation du risque environnemental pour les milieux aquatiques lorsque du mobilier urbain ou des voiries sont désinfectés ;

– par le centre européen pour la prévision météorologique à moyen termes (ECMWF) et dans le cadre du programme européen COPERNICUS, pour contribuer à l’évaluation des effets du confinement sur la qualité de l’air au sein de l’Union Européenne. L’INERIS a par ailleurs mené des travaux spécifiques à la France.

Le budget 2020 de l’INERIS est d’environ 73 millions d’euros. La structure des recettes prévisionnelles se présente comme suit :

– 37 millions d’euros de subventions pour charge de service public, dont 27 millions liés au programme 181 ;

– 20 millions d’euros de chiffre d’affaires auprès des entreprises ainsi que des agences et ministères ;

– 6 millions d’euros de subventions variables (ANR, ADEME, OFB, Union européenne…).

– le solde, environ 10 millions d’euros, est composé de facturation de prestations aux entreprises hébergées par l’INERIS, de mise à disposition de personnel et de recettes non encaissables.

L’hypothèse retenue par l’opérateur est que le montant des subventions pour charges de service public restera stable et que l’impact des mesures de confinement portera sur le chiffre d’affaires et les subventions variables, les deux étant partiellement conditionnés par des activités expérimentales ou des déplacements.

Dans le scénario de reprise de l’activité « normale » en juillet, l’impact sur le chiffre d’affaires et sur la subvention variable serait respectivement de l’ordre de – 4 millions d’euros et – 1 million d’euros.

Dans le scénario de reprise de l’activité en septembre, l’impact sur le chiffre d’affaires et sur la subvention variable serait respectivement de l’ordre de – 6,7 millions d’euros et – 1,6 million d’euros, soit une perte de plus de 8 millions d’euros, représentant 11 à 12 % du budget de l’Institut.

En outre, l’administration fiscale réclame à l’opérateur des arriérés de taxe sur les salaires assortis de pénalités, pour un montant qui pourrait atteindre 11 millions d’euros. Si cette procédure aboutit, l’établissement se trouvera en rupture de trésorerie

3.   L’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

En 2018, les ressources de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, récemment rebaptisée « Agence de la transition écologique ») ont été très largement rebudgétisées, alors qu’elles reposaient auparavant sur une part du produit de la taxe générale sur les activités polluantes. Il y a donc lieu d’espérer que l’agence échappera à une baisse brutale de ses recettes.

Le budget 2020 prévoyait 603 millions d’euros de recettes, dont 573 millions de subvention pour charges de service public et 29 millions issus de subventions contractualisées avec l’Union européenne, l’État ou les collectivités territoriales, et de recettes propres (programmes européens, formations, programme d’investissement d’avenir, etc.)

Dans le contexte du confinement, l’ADEME a maintenu certaines activités prioritaires comme le suivi et la sécurisation des sites pollués dont le traitement lui avait été confié. Les retards pris dans les différents secteurs d’intervention de l’agence, notamment en matière de rénovation énergétique, devront être quantifiés.

4.   Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

Durant la période de confinement, tous les sites du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) ont été fermés.

Sur les 2 700 agents de l’opérateur, 2 300 ont été placés en télétravail et 250 collaborateurs dont les activités ne permettaient pas cette disposition – notamment des opérateurs d’essais en laboratoire – ont été placés en autorisation spéciale d’absence. Des expertises sur site ont toutefois pu être menées sur des questions de risques naturels.

L’activité s’est trouvée réduite d’environ un quart et le portefeuille d’affaires en cours a diminué, du fait de la difficulté d’établir tous les contacts utiles avec les bénéficiaires et partenaires.

En 2019, les recettes totales du CEREMA inscrites au compte financier se sont élevées à 236,6 millions d’euros. Sur ce montant, la subvention pour charges de service public représente 199,5 millions d’euros (84 %) et les ressources propres suivies dans le cadre du plan d’affaires à 31,1 millions d’euros de ressources propres (13 %). Depuis 2016, ces ressources propres ont augmenté de 6 % par an en moyenne.

Le CEREMA estimait, dans le courant du mois de mai, que la crise sanitaire impacterait à près de 40 % les recettes propres initialement prévues, soit – 13,2 millions d’euros.

 

En outre, la crise aura des conséquences sur les financements en provenance des administrations centrales. En effet, l’orientation a été prise d’assurer par la subvention pour charges de service public le financement des seules activités socles, tandis que s’opère une montée en charge des actions partenariales financées par un conventionnement cadre avec chaque administration centrale. L’impossibilité pour le CEREMA de mener une partie de ces actions partenariales dans le contexte actuel aurait un impact sur ces financements, estimé à – 2,3 millions d’euros en 2020.

En retenant l’hypothèse basse d’un manque à gagner de 12 millions d’euros, le niveau de trésorerie s’établirait à moins de millions d’euros, obérant très fortement la situation financière de l’opérateur.

Hors impact de la crise, le niveau de trésorerie de l’établissement représente moins d’un mois de salaire et le niveau du fonds de roulement moins d’un mois de dépenses d’exploitation. Dès lors, le CEREMA n’est à l’évidence pas en capacité d’absorber le choc de la crise sanitaire.

Par ailleurs, un rapport d’expertise remis le 24 avril 2020 ([13])  souligne le très graves risques psychosociaux auxquels sont exposés les agents du fait des restructurations permanentes de l’opérateur – dont la dernière en date, « Cerem’Avenir » – depuis sa création en 2014.

Le rapport indique notamment que « ces restructurations permanentes couplées à la baisse des moyens dégradent les conditions de travail et la santé de l’ensemble des agents. Sous cet angle, le CEREMA apparaît comme une sorte de cas d’école d’exposition à des risques majeurs d’atteinte à la santé. Nous n’avons pas connaissance, parmi nos nombreuses interventions concernant les plans de sauvegarde de l’emploi dans le secteur privé, d’un exemple d’entreprise soumise à une telle rigueur, sur une telle durée. »

Il met en évidence des « situations de travail dégradées par tout à la fois : la fuite des compétences, le manque de moyens, le bricolage, l’envahissement du temps de production par les tâches de reporting et de contrôle, la démotivation, et qui finissent par conduire à l’impossibilité de “faire son travail” et de le faire “bien”.  Ce travail empêché, théorisé par Yves Clot, constitue un facteur majeur d’atteinte à la santé (…). »

Au vu des échanges qu’il a eu avec le personnel et la direction du CEREMA, notamment lors de sa visite au Brest-Plouzané en septembre 2019, le rapporteur confirme que l’opérateur se trouve dans une situation que la pandémie rend plus critique encore, et que l’absence de soutien budgétaire de la tutelle et les ambiguïtés qu’elle laisse planer quant à l’avenir même de l’établissement doivent être vivement dénoncées. C’est pourquoi il souscrit pleinement aux conclusions de l’expertise, laquelle indique notamment :

« L’analyse nous conduit à remettre en cause la pertinence de la rationalisation des organisations prévue par Cerem’Avenir au regard de la prévention des risques professionnels, et cela pour au moins deux raisons : une raison contextuelle (aucune évaluation de la charge de travail ne les a précédées) et une raison générique : ces évolutions qui accompagnent toutes les restructurations où il faut faire “plus avec moins” ont des effets contreproductifs à long terme qui sont connus. »

5.   Météo France

Conformément à son plan de continuité d'activité, Météo France a maintenu la production météorologique sans interruption pour l’ensemble des domaines prioritaires ou vitaux, notamment la sécurité météorologique des personnes et des biens. Cette production a été, le cas échéant, adaptée en fonction de l’évolution des besoins des clients et partenaires concernés. Par exemple, la production aéronautique a été ajustée à la baisse du trafic aérien, et adaptée à la demande pour la protection des vols consacrés aux secours, aux évacuations sanitaires ou aux rapatriements.

Météo France a été sollicité par Santé publique France pour étudier, dans le cadre de travaux collaboratifs, la relation entre la propagation du coronavirus covid-19 et les conditions météorologiques.

En matière d’activité et d’investissement, la crise sanitaire conduira au décalage de la mise en service du nouveau supercalculateur et à des retards dans le programme d’investissements d’observation, en particulier s’agissant des radars. Le déploiement des bouées dérivantes afin de caractériser les échanges océan‑atmosphère a été interrompu pendant la crise et sa reprise reste progressive.

En 2019, les recettes totales de Météo France se sont élevées à 400,4 millions d’euros, dont 182 millions d’euros (45,5 %) de subvention pour charges de service public issus du programme 159. Les ressources propres ont représenté 126,8 millions d’euros (31,7 %), parmi lesquels 85,6 millions d’euros de redevances aériennes et 31,6 millions d’euros de produits commerciaux

S’agissant des redevances aériennes, Météo France a indiqué au rapporteur que l’établissement « ne dispose d'aucune information pouvant remettre en cause les hypothèses prises en compte lors de l'élaboration du budget initial. Des discussions ont été engagées avec la DGAC ([14]) sur un éventuel ajustement du calendrier de versement des redevances aériennes mais elles ne concernent pas leur montant. »

Au-delà de cette incertitude, la principale inquiétude concerne les recettes commerciales, pour lesquelles une baisse de l'ordre de 20 % est attendue en 2020 par rapport à l'objectif inscrit dans le budget de l’établissement.

Cette baisse serait principalement due à la chute des recettes publicitaires (– 50% par rapport à l’objectif 2020 initial de 8,79 millions d’euros).

L’hypothèse que retenait l’opérateur en mai est donc une prévision de recettes commerciales réajustée à 30 millions d’euros (– 4 millions d’euros par rapport au budget initial). Compte tenu du cadencement d’encaissement des recettes commerciales au cours des exercices budgétaires, la baisse estimée pour 2020 devrait également être visible sur les crédits encaissés en 2021.

6.   L’Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)

Le plan de continuité de l’activité de l’IGN (Institut national de l'information géographique et forestière) a fixé, au début de la crise, la liste des missions prioritaires de l’opérateur :

– assurer en permanence la diffusion de toute information géographique stratégique au travers de l’infrastructure du Géoportail et des géoservices permettant leur exploitation, notamment les données et services utiles aux acteurs chargés de la gestion de crise ou aux activités vitales maintenues par d’autres acteurs publics ;

– assurer le maintien en conditions opérationnelles de l’infrastructure de positionnement précis en fournissant le repère de référence Galileo et le réseau GNSS (Global Navigation Satellite System) permanent ;

– exécuter les travaux prioritaires pouvant être demandés par le ministère des armées ;

– exécuter les travaux spécifiques pouvant être demandés dans le cadre de la gestion de crise (acquisition, traitement, diffusion de données géographiques...).

Selon l’opérateur, la crise aura principalement provoqué des retards en matière d’acquisitions aériennes (couverture du territoire par des prises de vues aériennes) et d’inventaire forestier.

En ce qui concerne plus particulièrement les programmes de recherche de l’IGN, l’essentiel de l’activité s’est poursuivi presque normalement en télétravail pendant le temps de confinement. La nature principalement numérique des recherches autour de l’information géographique et de la géomatique s’y prêtait relativement bien. Seuls les travaux nécessitant l’accès aux puissances de calcul intra-muros ou les travaux nécessitant des équipements spécifiques non transportables ont été significativement freinés.

En matière de lutte contre la pandémie, des contacts ont été établis entre l’IGN et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) concernant l’application « Stop Covid ». Mais le recours aux technologies de géolocalisation précise ayant été écarté pour favoriser l’acceptabilité de l’application, l’IGN n’a pas été impliqué dans la conception.

 

Toutefois, ces contacts ont conduit à identifier un autre axe de collaboration à plus long terme. L’INRIA cherche en effet à développer une simulation réaliste de la propagation de l’épidémie dans divers milieux tels qu’une ville. L’expertise de l’IGN est sollicitée pour générer le cadre géographique du modèle de propagation (description numérique précise de villes réelles avec ses lieux de rassemblement tels que commerces, industries, lieux de promenade, etc.). L’IGN devrait donc prendre part à ces travaux de recherche qui s’inscrivent dans la définition d’outils pour la gestion de la pandémie dans la durée. Dans l’immédiat, l’IGN financera sa contribution au titre de sa subvention pour charges de service public qui couvre ses activités de recherche. Dans l’éventualité où les expérimentations démontreraient la pertinence d’une industrialisation, l’IGN et l’INRIA se tourneront vers les autorités chargées de la santé pour étudier les modalités de financement possibles.

En 2019, les recettes totales de l’IGN se sont élevées à 161,76 millions d’euros, réparties entre la subvention pour charges de service public, qui représente 54,93 % du financement de l’établissement, et les ressources propres qui représentent quant à elles 45,07 %, soit 72,9 millions d’euros.

Les ressources propres de l’établissement sont bien entendu fortement impactées par la crise sanitaire. Les hypothèses retenues, au mois de mai, par l’IGN sont établies sur la base d’une activité de production ralentie (et à l’arrêt pour celle de terrain) pendant deux mois. En outre, l’incidence de la crise sur les partenaires financeurs de l’établissement n’est pas connue. Certains projets antérieurs à la crise pourraient être réorientés vers d’autres priorités.

Dans ce cadre, il est d’ores et déjà prévu :

– une diminution du chiffre d’affaires « Grand Public » en raison de la fermeture de la plupart des points de vente de l’IGN pendant la crise. Cette baisse est évaluée à environ 3 millions d’euros par rapport au budget initial 2020 (il est fait l’hypothèse d’une réouverture des activités de plein air cet été) ;

– une baisse d’environ 1,5 million d’euros sur les autres secteurs d’activité (subventions et chiffre d’affaires professionnel).

En revanche, les recettes liées à l’activité avec le ministère des Armées ne devraient être impactées que très modérément.

7.   Les agences de l’eau, de l’Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux

Face à la menace virale, les agences de l’eau ont dû déployer des moyens spécifiques pour l’hygiénisation des boues d’épuration. Comme les autres opérateurs, elles ont déployé des plans de continuité de l’activité centrés sur les missions essentielles.

 

L’OFB a pour sa part établi une liste des interventions territoriales d’urgence exceptionnellement autorisées en situation de confinement :

– pollutions ayant un impact potentiel important sur les milieux et/ou la faune, la flore et/ou la ressource en eau potable ;

– accidents graves de chasse ;

– saisies d’espèces protégées nécessitant une remise dans le milieu naturel (ex. civelles) par les autres services de police ;

– surveillance et police sanitaires des maladies réglementées (influenza, PPA…) ;

– constats de dommage, suivi des populations et récupération de cadavres de grands prédateurs ;

– autres demandes des autorités administratives ou judiciaires.

Sur le plan budgétaire, les agences de l’eau constatent un retard dans l’encaissement des redevances qui leur étaient dues au 31 mars et anticipent des retards jusqu’en 2021. Aucune donnée chiffrée n’a cependant été transmise au rapporteur.

Pour rappel, les agences de l’eau financent l’Office français pour la biodiversité et les Parcs nationaux. Si leurs ressources s’avèrent insuffisantes en 2020, il est à craindre que des arbitrages interviennent pour réduire les crédits de ces opérateurs.

Les parcs nationaux prévoient des pertes significatives sur leurs produits et redevances (exemples : fermeture des refuges, perte de taxe sur les passagers maritimes) qui risquent de mettre en péril un équilibre financier déjà fragile.

8.   Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres

Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres tire l’essentiel de ses ressources du droit annuel de francisation et de navigation des navires de plaisance. Le rendement annuel de cette taxe est de l’ordre 38 millions d’euros, soit environ 75 % des recettes de l’opérateur (51,4 millions d’euros en 2019).

À ce jour, le rendement du droit de francisation au cours des premiers mois de 2020 n’a pas été communiqué par le ministère de l’action et des comptes publics. Mais tout porte à croire qu’il sera en forte baisse, mettant en péril l’équilibre financier de l’opérateur.

 


— 1 —

 

   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 15 heures, le mercredi 3 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Éric Coquerel, rapporteur spécial des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques.

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) *

– M. Jean-Christophe Niel, directeur général,

– M. Louis-Michel Guillaume, directeur général adjoint.

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

 M. Bernard Doroszczuk, président, M. Olivier Gupta, directeur général,

– M. Daniel Delalande, directeur général adjoint.

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


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   SOURCES UTILISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

– Rapport annuel de performances (mission Écologie, développement et mobilité durables) annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2019 ;

– Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de la cohésion des territoires et de relations avec les collectivités territoriales, relatif à l’exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle de l’année 2019 ;

– Réponses au questionnaire adressé par le rapporteur spécial à la ministre de la transition écologique et solidaire sur l’exécution budgétaire 2019.

– Réponses aux questionnaires adressés par le rapporteur spécial aux opérateurs de l’écologie et de la prévention des risques sur l’exécution budgétaire 2019 et sur les conséquences de la crise sanitaire et économique provoquée par le covid-19

– Cour des comptes : Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 (mission Écologie, développement et mobilité durables) ;

– Cabinet Degest : Expertise pour risque grave suite aux annonces de Cerem’Avenir, rapport d’expertise, 24 avril 2019.


([1]) Programme 113 Paysages, eau et biodiversité ; Programme 159 Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie ; Programme 181 Prévention des risques ; Programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables.

([2]) Office français de la biodiversité.

([3]) Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

([4]) Autorité de sûreté nucléaire.

([5])  Institut national de l'environnement industriel et des risques.

([6]) Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.

([7]) Institut national de l'information géographique et forestière.

([8])  À cet égard, le rapporteur estime que la mission Écologie, développement et mobilités durables devrait être scindée en trois missions distinctes, la première consacrée à l’écologie proprement dite, la deuxième aux transports et la troisième à l’énergie.

([9]) Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

([10]) Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

([11]) Autorité de sûreté nucléaire.

([12]) Note d’information du 26 mars 2020.

([13]) Cabinet Degest, Expertise pour risque grave suite aux annonces de Cerem’Avenir.

([14]) Direction générale de l’aviation civile.