N° 3011

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 20
 

 

Économie :

 

DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES ET RÉGULATIONS

 

PRÊTS ET AVANCE À DES PARTICULIERS
ET À DES ORGANISMES PRIVÉS

 

 

Rapporteurs spéciaux : Mme Olivia GRÉGOIRE et M. Xavier ROSEREN

 

Députés

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SOMMAIRE

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SYNTHÈSE et chiffres-clÉs

RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

PREMIÈRE PARTIE : Le soutien À lÉconomie en 2019 : des avancÉes qui se concrÉtisent, des interrogations qui perdurent

A. la cohÉrence budgÉtaire de la mission et des deux programmes du rapport spÉcial interroge

1. Des actions très disparates, un début de prise de conscience

2. De nombreux autres dispositifs présents sur dautres périmètres budgétaires

3. Limportance des financements accordés par des fonds sans personnalité juridiques complexifie la lisibilité budgétaire des politiques menées

a. Le fonds pour linnovation et lindustrie (F2I) : une performance en demi-teinte

b. Le fonds pour la société numérique (FSN) : des décaissements à clarifier au sein des documents budgétaires

4. Les dépenses fiscales constituent lessentiel de la politique de lÉtat en faveur des entreprises

B. Le programme 134 : une exÉcution maÎTRISÉe, des réformes qui se concrÉtisent

1. Lexécution 2019 est conforme à la prévision, avec peu de mouvements de crédits en cours de gestion

2. La direction générale des entreprises, une administration qui a subi des mutations profondes

a. Lévolution des missions de la DGE

b. La réforme du réseau déconcentré

C. Le dÉploiement du Plan France TrÈs haut dÉbit : des signaux encourageantS, un suivi budgÉtaire perfectible

1. Lexécution, bien inférieure à la prévision, souligne le manque de lisibilité budgétaire du financement du plan

2. La réouverture du guichet RIP, un signal positif

D. Le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés

SECONDE PARTIE : LE SOUTIEN AUX ENTREPRISES DANS LA CRISE SANITAIRE : UN RENOUVEAU DE LACTION ÉCONOMIQUE DE LÉTAT

I. Des administrations publiques qui ont fait face À la crise sanitaire

A. La direction gÉNÉrale des entreprises, chef dorchestre des mesures de soutien, sous forte tension

1. Ladministration centrale : un rôle de coordination et d’impulsion économique

a. La mobilisation des capacités de production industrielle de matériels sanitaires

b. Un important travail législatif afin dalléger les charges des entreprises

c. Les outils complémentaires à la garantie des prêts bancaires doivent être ciblés sur les entreprises stratégiques et viables

2. Les services déconcentrés de la DGE, premières lignes de laccompagnement des entreprises rapidement relayés par les réseaux consulaires

3. La mobilisation des équipes de la DGE, symbole d’une administration agile

4. La crise sanitaire, révélatrice dun besoin renforcé dintervention de lÉtat en matière économique qui devra se traduire dans le prochain budget

B. Bpifrance, opérateur-pivot de lÉtat en matiÈre Économique, potentiellement fragilisé

1. La mise en œuvre des prêts garantis par lÉtat, selon des conditions défavorables à lopérateur

2. Les actions en fonds propres ont été renforcées

3. Les fonds de garantie de Bpifrance, levier puissant pour la reprise de léconomie, doivent être abondés à un niveau suffisant par les prochains budgets

II. Les pistes des rapporteurs spÉciaux pour la relance de l’Économie

A. Les dÉlais de paiement, lendettement et la conditionnalitÉ des aides, enjeux-clÉs

1. Les délais de paiement : une première réponse à laggravation de la situation, une nouvelle impulsion à donner

2. La nécessaire consolidation de la structure financière des entreprises, au bénéfice dune relance économique réussie

a. Les interventions publiques en fonds propres permettront de pallier la hausse de l’endettement

b. La mise en place d’un PGE de reprise

3. La relance de l’économie est une opportunité pour renforcer la conditionnalité des aides publiques

B. Les territoires, partenaires essentiels pendant la crise et au moment de reprendre l’activité

1. Les mesures complémentaires mises en place par les collectivités territoriales pendant la crise

2. Les territoires, au cœur de la définition d’un nouveau modèle économique

EXAMEN EN COMMISSION

SOURCES UTILISÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX


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   SYNTHÈSE et chiffres-clÉs

Concernant l’exécution 2019, les rapporteurs spéciaux font trois constats.

L’architecture budgétaire de la politique économique de l’État reste à clarifier, en particulier concernant le financement de l’innovation et les financements accordés par les fonds sans personnalité juridique (Fonds pour l’innovation et l’industrie et Fonds pour la société numérique)

La performance du Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I) apparaît en demi-teinte, avec seulement 111 millions d’euros sur d’aides à l’innovation décaissées sur les deux derniers exercices, contre une prévision de 500 millions d’euros. Par ailleurs, la situation économique hypothèque la perception suffisante de dividendes en 2020 et le retard pris par la cession des participations de l’État repousse la sécurisation des financements annuels permis par le fonds.

Le bornage et l’évaluation de plusieurs dépenses fiscales rattachées au programme 134 est une démarche pertinente qu’il convient d’étendre.

L’impact de la crise sanitaire implique de réinventer les modalités de l’action économique de l’État.

Les effectifs de la direction générale des entreprises doivent être stabilisés à leur niveau de fin 2019 afin de leur permettre de faire face aux sollicitations accrues, notamment pour la mise en œuvre des nouveaux dispositifs de soutien aux entreprises.

Les fonds de garantie de Bpifrance devront être abondés afin de faire face aux besoins en matière de création, de transmission et d’investissement au moment de relancer l’économie française.

La lutte contre les délais de paiement, relancée pendant la crise, doit constituer une priorité.

Les nombreuses mesures de renforcement des fonds propres des entreprises fragilisées par la crise devront être renforcées, notamment au bénéfice des TEP-PME.

La relance de l’activité est l’occasion de donner plus de place à la conditionnalité des aides publiques au respect des critères Environnementaux et sociaux de gouvernance (ESG).

 

 

Évolution des crÉdits du programme 134

(en milliards de CP)

 

RÉpartition entre crÉdits budgÉtaires et dÉpenses fiscales

(en milliards de CP)

 

 

 

 

 

 

 


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   RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

– Mener à bien le travail de mise en cohérence du programme 134, à la fois au sein des actions qu’il finance et avec les dispositifs de soutien aux entreprises présents sur d’autres périmètres budgétaires.

– Faire en sorte que le F2I produise et décaisse 250 millions d’euros annuellement en soutien à l’innovation. En l’absence d’une telle solution, intégrer au budget général à brève échéance les aides qu’il finance.

– Compléter les documents budgétaires de la mission Économie en y intégrant les recettes et dépenses des fonds sans personnalité juridique qui participent à la politique publique de soutien aux entreprises (F2I et FSN).

– Harmoniser les modalités de prise en compte du montant des dépenses fiscales non chiffrées entre les différents documents budgétaires.

– Développer, sur le modèle de la démarche adoptée en loi de finances pour 2020, le bornage et l’évaluation des dépenses fiscales rattachées au programme 134.

– Sincériser le schéma d’emploi des administrations du programme, en particulier celui de la DGE, à l’aune de la surexécution observée sur les deux derniers exercices budgétaires.

– Clarifier le financement du Plan France Très Haut débit en indiquant, au sein des rapports annuels de performances, les recettes annuelles du Fonds pour la société numérique et les décaissements qu’il réalise.

– Cibler le dispositif d’avances remboursables et de prêts bonifiés sur les entreprises stratégiques et économiquement viables.

– Préparer une budgétisation 2021 compatible avec les nouvelles missions confiées à la DGE, avec, a minima, une stabilisation au niveau central et déconcentré de ses effectifs et un report des suppressions de postes décidées dans le cadre de la réforme des services déconcentrés.

– Faire aboutir d’ici à l’examen du projet de loi de finances pour 2021 les réflexions sur les nouveaux moyens à accorder à l’IFTH.

– Mener une réflexion sur la compensation éventuelle à Bpifrance des coûts de gestion liés à la mise en œuvre du programme PGE.

– Clarifier la position de l’État vis-à-vis des pôles de compétitivité, en élaborant un référentiel d’évaluation de leur performance, en détaillant les modalités de transferts du financement de la gouvernance des pôles aux régions et en débloquant les crédits dédiés aux PSPC.

– À l’occasion du troisième projet de loi de finances rectificatives pour 2020 ou du budget pour 2021, abonder de nouveau les fonds de garantie de Bpifrance, via le programme 134, en étudiant l’extension de l’éligibilité à ces fonds aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).

– Relancer la politique de réduction des délais de paiement, en révisant à la hausse le montant des sanctions encourues, en généralisant les sanctions à vocation réputationnelle et en réfléchissant à la création de nouveaux outils d’injonction au paiement des fournisseurs.

– Augmenter, dans le cadre du PLFR 3 ou du budget pour 2021, les moyens budgétaires des actions renforçant les fonds propres des TPME.

– Élaborer à brefs délais une doctrine d’intervention économique concernant le sauvetage des entreprises en difficulté, qui doit permettre de sélectionner les seules entreprises ayant des perspectives de rentabilité à court et moyen terme.

– Faire aboutir la réflexion sur la mise en place d’un PGE de reprise avec une rémunération plus élevée et des durées d’amortissement et de différé de remboursement plus longues.

– Renforcer la conditionnalité des aides aux critères ESG, en l’étendant en particulier aux TPE et PME.

 


— 1 —

   PREMIÈRE PARTIE :
Le soutien À lÉconomie en 2019 : des avancÉes qui se concrÉtisent, des interrogations qui perdurent

L’exécution 2019, conforme à la prévision, fournit l’occasion aux rapporteurs spéciaux de renouveler leurs critiques sur l’architecture budgétaire de la politique économique de l’État.

A.   la cohÉrence budgÉtaire de la mission et des deux programmes du rapport spÉcial interroge

Malgré certains progrès, la lisibilité budgétaire de l’action économique de l’État reste insuffisante.

1.   Des actions très disparates, un début de prise de conscience

L’examen de l’exécution 2019 de la mission Économie, et en particulier du programme 134 Développement des entreprises et régulations, est l’occasion pour les rapporteurs spéciaux de renouveler leurs remarques vis-à-vis de l’architecture budgétaire du soutien aux entreprises. Les mesures financées par le programme sont particulièrement foisonnantes, alors que l’action de plusieurs acteurs essentiels du soutien aux entreprises n’y est pas retracée.

À cet égard, ils se félicitent que Mme Amélie Verdier, directrice du budget, ait abordé spécifiquement le cas de la mission Économie et du programme 134 devant la commission des finances. Interrogée par la co-rapporteure spéciale, la directrice a ainsi indiqué : « Mme Grégoire, nous partageons votre préoccupation au sujet de la cohérence du programme 134. Ce programme pose un problème au regard de sa spécialité. Il finance en effet beaucoup de choses : des entreprises, le transport postal, certaines agences, ainsi que le serpent de mer du tourisme. Y sont associées des taxes affectées qui, en finançant le réseau consulaire, contribuent à cette politique publique. Nous avons bien noté les recommandations précises du Parlement, étant entendu que ce programme n’est pas satisfaisant du point de vue de la cohérence d’ensemble » ([1]).

Les rapporteurs avaient déjà salué les efforts de simplification et de lisibilité réalisés sur le programme au cours des derniers exercices budgétaires. Ils se réjouissent que leur préoccupation soit partagée par ladministration budgétaire, et appellent à continuer le travail engagé.


— 1 —

2.   De nombreux autres dispositifs présents sur d’autres périmètres budgétaires

Les remarques de la directrice du budget pourraient néanmoins être complétées par un autre problème de cohérence, au regard des actions de lÉtat en faveur des entreprises qui ne concernent pas le programme 134, ce que la Cour des comptes, dans son analyse de l’exécution budgétaire, qualifie de « cohérence externe » du programme ([2]).

Si, aux termes de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), « une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie », force est de constater que la mission Économie et le programme 134, ne retracent pas toutes les dépenses liées à la politique économique de l’État. La Cour souligne à cet égard que « la mission correspond davantage à une logique de périmètres administratifs, plutôt qu’une approche centrée sur une politique publique clairement définie » ([3]).

Trois missions budgétaires comportent des dépenses dont l’objectif se rattache à celui de la mission Économie et du programme 134 : la mission Recherche, à travers les aides à l’innovation financées sur le budget général et versées par Bpifrance, la mission Investissements davenir, qui comprend de nombreux dispositifs de soutien aux entreprises et à l’innovation, et la mission Cohésion des territoires, qui porte les crédits des initiatives de redynamisation économique des territoires.

L’architecture budgétaire de la mission Économie apparaît donc en contradiction tant avec la lettre quavec lesprit de la LOLF.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent donc que le travail de mise en cohérence budgétaire des dispositifs de financement des entreprises soit poursuivi.

En particulier, le financement de linnovation pourrait être regroupé sur le programme 134. C’est d’ailleurs une orientation envisagée par la direction générale des entreprises : « la DGE qui gère le programme 192 […] envisage de le rattacher à la mission Économie, en lien avec une refonte plus large qui porterait également sur le programme 134 » ([4]). La Cour souligne également que les actions des deux premiers Programmes d’investissements d’avenir (PIA) – qui ne font pas l’objet d’une mission budgétaire, contrairement au PIA 3 – susceptibles d’être rattachées à la mission Économie représenteraient une enveloppe d’environ 10 milliards deuros.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent que les réflexions menées au sein de la direction du budget et de la direction générale des entreprises aboutissent à une réelle mise en cohérence de laction de lÉtat en soutien des entreprises.

Recommandation : Mener à bien le travail de mise en cohérence du programme 134, à la fois au sein des actions qu’il finance et avec les dispositifs de soutien aux entreprises présents sur d’autres périmètres budgétaires.

3.   L’importance des financements accordés par des fonds sans personnalité juridiques complexifie la lisibilité budgétaire des politiques menées

Les rapporteurs constatent également que le suivi de la politique de l’État en faveur des entreprises est rendu plus difficile par la création de fonds sans personnalité juridique. La perte de contrôle parlementaire liée aux fonds sans personnalité juridique est un sujet qui pose question.

Cette question se pose à la fois sur les programmes 134 et 343.

a.   Le fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I) : une performance en demi-teinte

La Cour des comptes renouvelle cette année ses critiques du Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I), qui repose sur « une mécanique budgétaire complexe et accroît la dispersion des outils de soutien à l’innovation » ([5]). Les rapporteurs reconnaissent que la constitution de ce fonds a compliqué la lisibilité du soutien budgétaire à l’innovation. Ils souhaitent donc que les projets et rapports annuels de performances de la mission Économie soient clairement précisés, en retraçant les engagements et les décaissements du F2I.

Au-delà des questions de maquette, la performance du Fonds ne semble pas au rendez-vous, et ne paraît pas avoir permis la sanctuarisation recherchée : sur les deux derniers exercices, 110,6 millions d’euros ont effectivement été décaissés, soit 20 % de la prévision initiale de 500 millions d’euros.

ActivitÉ 2018 et 2019 du F2I

(en millions d’euros)

 

2018

2019

Engagements

Décaissements

Engagements

Décaissements

Deep tech – bourses French Tech Emergence

0

0

9

3

Deep tech – aide au développement

0

0

46

44,6

Deep tech – i-Lab

10

6,7

9

2,1

Deep Tech – i-Nov

5

3,6

6

0

Grands défis

7,4

0,4

0,2

0,2

Plan Nano 2022

25

25

25

25

Plan batteries

0

0

0

0

Total

47,4

35,7

95,2

74,9

Source : Conseil de l’innovation, fonds pour l’innovation et l’industrie, rapport 2018-2019.

Les aides à linnovation effectivement décaissées sur les programmes financés par le F2I apparaissent donc inférieures à la prévision.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent par ailleurs insister sur certaines difficultés liées l’impact de la crise sanitaire sur le F2I. En effet, le choix a été fait, dans l’attente des produits issus de cessions de participations de l’État, d’allouer certains dividendes de son portefeuille au financement du Fonds. Or, ce financement apparaît aujourd’hui dans une impasse : dans un contexte de crise sanitaire, ces dividendes devraient être fortement réduits, alors même que cette crise retarde les opérations de cessions de participations, qui permettrait de sécuriser le fonctionnement du F2I. Les conditions économiques vont en effet durablement retarder la vente des participations de l’État dans le groupe ADP.

Au regard des impacts économiques de la crise financière, il est donc à craindre des recettes significativement inférieures à la prévision de 250 millions deuros. Dans la perspective du prochain projet loi de finances, les rapporteurs s’interrogent donc sur les moyens budgétaires nécessaires au financement des programmes inscrits au F2I pour soutenir la croissance et l’émergence des PME innovantes (deep tech, intelligence artificielle).

Les rapporteurs spéciaux abordent ce problème avec pragmatisme, et souhaitent avant tout que lécosystème français de linnovation bénéficie du soutien budgétaire promis. Il leur semble dès lors que s’ouvre au Gouvernement une alternative :

– soit le F2I permet un soutien de l’innovation à la hauteur des espérances, c’est-à-dire qu’il produit et décaisse, chaque année, 250 millions d’euros, auquel cas sa mécanique n’est acceptable que si les documents budgétaires sont précisés, comme exposé plus haut.

– soit il ne le permet pas, et il ne faut dès lors pas s’interdire de réfléchir à la rebudgétisation des aides à l’innovation qu’il doit financer, si, par exemple, les cessions de participation anticipées ne peuvent être menées dans un délai raisonnable.

Recommandation : Faire en sorte que le F2I produise et décaisse 250 millions d’euros annuellement en soutien à l’innovation. En l’absence d’une telle solution, intégrer au budget général à brève échéance les aides qu’il finance.

b.   Le fonds pour la société numérique (FSN) : des décaissements à clarifier au sein des documents budgétaires

Le financement du plan France Très haut débit (PFTHD) repose sur un fonds sans personnalité juridique, le Fonds pour la société numérique (FSN), alimenté par le PIA et géré par la Caisse des dépôts, et complété par les crédits du programme 343, comme présenté plus loin dans le présent rapport.

Or, la présentation actuelle des documents budgétaires rend difficile le suivi des engagements et décaissements effectifs de l’ensemble des financements. Il conviendrait donc de compléter les PAP et RAP du programme 343 avec létat de consommation de lensemble des crédits dédiés au financement de la participation de lÉtat au Plan France Très Haut débit. Cette orientation est d’autant plus légitime que, comme le souligne la Cour des comptes, en gestion, les crédits du PFTHD sont suivis par les mêmes services, sans distinction de l’origine des financements.

Les rapporteurs spéciaux militent ainsi pour une plus grande lisibilité, au sein des documents budgétaires de la mission Économie, des recettes et décaissements du fonds pour linnovation et lindustrie et du Fonds pour la société numérique.

Recommandation : Compléter les documents budgétaires de la mission Économie en y intégrant les recettes et dépenses des fonds sans personnalité juridique qui participent à la politique publique de soutien aux entreprises (F2I et FSN).

4.   Les dépenses fiscales constituent l’essentiel de la politique de l’État en faveur des entreprises

En 2019, 74 dépenses fiscales étaient rattachées au programme 134, pour un montant total de 27 milliards d’euros. L’exercice 2018 comptait quant à lui 70 dépenses fiscales pour un montant total de 28,5 milliards d’euros.

 Le CICE produit encore ses pleins effets en 2019

Le montant du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi (CICE) se situe toujours, en 2019, à un niveau élevé (19,178 milliards d’euros) et similaire à celui de 2018 (19,414 milliards). La réforme du crédit d’impôt produira ses premiers effets en 2020, le chiffrage étant estimé sur cet exercice à 9,019 milliards d’euros.

Hors CICE, le montant total des dépenses fiscales atteint 7,877 milliards d’euros, en baisse de 993 millions d’euros par rapport au chiffrage 2018 (8,870 milliards).

 Le soutien à plusieurs secteurs économiques

Si le CICE représente encore un montant conséquent, d’autres dépenses fiscales apportent un soutien majeur à certains secteurs économiques. En particulier, 4,23 milliards deuros soutiennent le secteur touristique et de la restauration par le biais de six dépenses fiscales ([6]).

Le secteur industriel fortement consommateur délectricité bénéficie également de trois dépenses fiscales représentant un montant total de 1,3 milliard d’euros.

 Une évaluation lacunaire du montant et des effets des dépenses fiscales

Les rapporteurs spéciaux constatent néanmoins que 26 dépenses sont non chiffrées, soit quatre de plus qu’en 2018.

Le manque d’information concernant le chiffrage de ces dépenses fiscales est d’autant plus problématique que la Cour des comptes souligne des divergences au sein des documents budgétaires sur le coût total des dépenses fiscales non chiffrées. En effet, les projets annuels de performances calculent un coût total à partir des seules dépenses chiffrées pour l’année considérée, tandis que le montant prévisionnel par mission présentée dans le tome II du Voies et moyens tient compte du montant correspondant au dernier chiffrage connu. Ainsi, « dans le cas de la mission Économie, cela conduit à minorer de 820 millions d’euros le coût total des dépenses fiscales pour 2019 présenté dans le projet annuel de performances » ([7]).

Ces écarts de chiffrage interpellent les rapporteurs spéciaux, qui appellent ladministration à harmoniser sa doctrine de prise en compte des dépenses non chiffrées dans le tome II de l’annexe Voies et moyens et les projets et rapports annuels de performances, afin de parvenir à un calcul plus fiable du montant total des dépenses fiscales.

Recommandation : Harmoniser les modalités de prise en compte du montant des dépenses fiscales non chiffrées entre les différents documents budgétaires.

Lors de leur commentaire de l’exécution 2018, les rapporteurs spéciaux avaient insisté sur le modèle de l’évaluation du CICE, pour lequel un comité de suivi ad hoc avait été créé, afin d’évaluer son impact en matière de compétitivité, d’emploi et de croissance. Un tel modèle doit pouvoir être répliqué sur d’autres dépenses fiscales, à l’image des études menées actuellement par France Stratégie sur le crédit d’impôt recherche (CIR) ou à l’échelle d’un secteur économique, en particulier le secteur touristique.

À cet égard, ils tiennent à souligner lattention renforcée du législateur et de ladministration à l’égard de la question de lévaluation des dépenses fiscales, en particulier en matière économique. Une évaluation a ainsi débuté en 2019 sur le crédit d’impôt relatif aux jeux vidéo et la loi de finances pour 2020 a prévu la remise d’un rapport d’ici septembre 2022 sur l’efficience des exonérations des impatriés, notamment dans un contexte de « Brexit ».

La loi de finances pour 2020 a également élaboré un programme dévaluation de cinq dépenses fiscales entre 2020 et 2023, associé à un bornage dans le temps :

– en 2020, évaluation de la déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement des PME dans la robotique et la digitalisation industrielle (16 millions prévus en 2020), de l’imposition au taux réduit de 19 % des plus-values de cession sous réserve de transformation en locaux d’habitation (3 millions), du taux réduit d’imposition de certains revenus de capitaux mobiliser perçus par les caisses de retraite et de prévoyance (non chiffré) ;

– en 2022, évaluation du crédit d’impôt pour le rachat des entreprises par les salariés (un million) ;

– en 2023, évaluation de l’exonération partielle, sous certaines conditions, de droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission d’entreprises exploitées sous la forme individuelle ou détenues sous forme sociale (500 millions).

Les rapporteurs spéciaux considèrent que cette approche est la bonne et qu’il convient de la généraliser. La Cour des comptes salue d’ailleurs cette démarche, qui constitue selon elle « un progrès certain » ([8]). Elle pourrait par exemple être poursuivie en matière touristique.

Recommandation : Développer, sur le modèle de la démarche adoptée en loi de finances pour 2020, le bornage et l’évaluation des dépenses fiscales rattachées au programme 134.

B.   Le programme 134 : une exÉcution maÎTRISÉe, des réformes qui se concrÉtisent

L’exécution 2019, en ligne avec la prévision, s’inscrit dans un contexte de réformes menées sur plusieurs exercices.

1.   L’exécution 2019 est conforme à la prévision, avec peu de mouvements de crédits en cours de gestion

L’exécution 2019 des crédits du programme 134 est très proche de la prévision puisque 97 % des autorisations d’engagement et 99 % des crédits de paiement votés ont été exécutés, soit respectivement 873 et 902 millions d’euros.

ExÉcution 2019 du programme 134

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prévision

Exécution

% de la prévision

Évolution 2018/2019

Prévision

Exécution

% de la prévision

Évolution 2018/2019

04 Postes, télécoms et numérique

176,4

160

91 %

– 29 %

181,4

178,8

99 %

– 6 %

07 Développement international des entreprises

149,9

147,8

99 %

– 23 %

149,9

147,3

98 %

– 19 %

08 Expertise, conseil et inspection

18,8

17,3

92 %

– 1 %

18,8

17,3

92 %

– 1 %

13 Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

20,6

20

97 %

– 112 %

22,5

21,5

96 %

– 14 %

15 Autorité de la concurrence

21,4

20,6

96 %

0 %

22,5

21,8

97 %

– 1 %

22 Économie sociale et solidaire

0,07

 0,3

– 371 %

+ 231 %

0,02

0,02

77 %

– 

23 Industrie et services

278,8

272,8

98 %

– 1 %

286,5

283

99 %

+ 2%

24 Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur

232,2

234,3

101 %

– 1 %

230,6

232,7

101 %

– 2 %

Total

898,2

872,7

97 %

 12 %

912,3

902,3

99 %

 5 %

Source : RAP 2019 de la mission Économie.

Depuis 2017, les dépenses du programme 134 sont en baisse régulière, comme l’indique le graphique ci-dessous. Celui-ci est corrigé du pic de consommation des crédits en 2017, qui correspond au plan de recapitalisation d’AREVA (1,5 milliard d’euros). La prévision 2020 est également corrigée du dynamisme de la compensation carbone, qui résulte de paramètres exogènes et ne reflète pas des choix de budgétisation ou de gestion.


— 1 —

Évolution pluriannuelle du programme 134

Source : RAP 2019 de la mission Économie.

À la fin de l’exercice, les crédits non consommés ont été reportés sur 2020, pour un montant de 5,8 millions d’autorisations d’engagement (AE) et 10,3 millions de crédits de paiement (CP), dont 1,4 million et 2,7 millions d’euros respectivement au titre des fonds de concours.

 La suppression deffectifs est de nouveau supérieure à la prévision initiale

Les emplois ont été exécutés à 4 706 ETPT, soit 96 % du plafond voté en loi de finances initiale, et 98 % du plafond révisé en loi de finances rectificatives.

Le schéma demploi réalisé (– 226 ETP) est supérieur à la prévision (– 167 ETP) et cet écart de 59 ETP se décompose comme suit : – 47 sur les effectifs de la DGE, – 8 sur ceux de l’Autorité de la concurrence et – 4 au Conseil général de l’économie. De même qu’au cours de l’exercice 2018 ([9]), l’effort de suppression de postes en 2019 est significativement supérieur à la prévision. Cette situation traduit une forte pression à la baisse des effectifs, en particulier au sein de la DGE.

Si les rapporteurs sont conscients du profond mouvement de réforme des administrations économiques du programme 134, cette surexécution répétée du schéma d’emploi les interpelle. La sincérité de la budgétisation impliquerait, à l’inverse, de réviser à la hausse ce schéma d’emploi au moment de la loi de finances afin qu’il s’approche le plus possible de l’exécution qui en sera faite. Les parlementaires seraient ainsi mieux informés de leffort de réduction deffectifs que la DGE est amenée à réaliser en cours dannée.

Par ailleurs, les rapporteurs sinquiètent de la fragilisation potentielle de ces administrations par la surexécution récurrente de leur schéma demploi, notamment au sein des pôles économiques des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Direccte), dautant plus dans un contexte de crise sanitaire qui a fortement accru leur sollicitation, comme le détaille la seconde partie du présent rapport.

Recommandation : Sincériser le schéma d’emploi des administrations du programme, en particulier celui de la DGE, à l’aune de la surexécution observée sur les deux derniers exercices budgétaires.

L’exécution des principales actions indique peu de modifications par rapport à la prévision.

Des variations mineures par rapport à la répartition indiquée en loi de finances initiale ont eu lieu.

● La subvention versée à Business France, de 92,3 millions d’euros, est proche de la prévision (92,8 millions). À l’inverse, la rémunération effectivement versée à Bpifrance Assurance Export est significativement inférieure, avec 45,8 millions d’euros exécutés sur 52 millions d’euros prévus, soit 88 %.

● L’exécution de l’action 23 Industrie et services est marquée par plusieurs mouvements de crédits en cours de gestion, dont le rattachement de 4 millions d’euros pour le financement du Guichet entreprises, des transferts de crédits entrants afin de centraliser le financement des pôles de compétitivité (5,5 millions d’AE et 4,8 millions de CP), la centralisation des crédits dédiés au commissariat des communications électroniques de défense sur le programme (2,9 millions d’AE et de CP) ou encore l’indemnisation des commerçants à la suite du sommet du G7 à Biarritz (1,2 million d’AE et de CP, financés par un transfert depuis le programme 347 ([10])).

Alors que l’essentiel des centres techniques industriels (CTI) et comités professionnels de développement économique (CPDE) est aujourd’hui financé par taxe affectée, quatre de ces structures reçoivent encore aujourd’hui une dotation budgétaire versée par le programme. Celle-ci atteint 7,85 millions d’euros en 2019, contre 8,95 millions prévus en LFI, et est répartie comme suit : Institut français textile habillement (IFTH, 4,37 millions), Centre technique de la teinture et du nettoyage (CTTN, 0,23 million), Institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA, 0,85 million) et Institut français de la mode (2,4 millions).

Enfin, la consommation de la compensation carbone (102,1 millions d’euros en AE et CP), est inférieure de 4,6 millions d’euros à la prévision de LFI. Cette sous-exécution a permis de financer les versements des dommages et intérêts à la société SOPODIS, à la suite de la condamnation de l’État le 9 novembre 2019, dépense qui n’était pas prévue initialement (2,4 millions d’euros).

● L’action 22 Économie sociale et solidaire présente une exécution atypique, en raison de la régularisation d’une erreur de saisie en 2018 d’un montant de 285 000 euros par un ministère cofinanceur d’un « contrat à impact social » (CIS), ce qui explique la consommation négative en autorisations d’engagement.

2.   La direction générale des entreprises, une administration qui a subi des mutations profondes

La direction générale des entreprises est engagée, depuis 2017, une dans une importante réforme, à la faveur de la révision des modalités de l’intervention économique de l’État.

a.   L’évolution des missions de la DGE

La direction générale des entreprises (DGE) est inscrite dans un profond mouvement de réforme, sous le double effet de l’affirmation des collectivités régionales comme acteurs économiques de premier plan et de l’exigence renouvelée d’efficacité de la dépense publique, inscrite dans la démarche du programme « Action publique 2022 ».

L’administration centrale a ainsi été réorganisée autour du travail en « mode projet » et, après revue de ses missions, son intervention a été concentrée sur le numérique, l’industrie et l’innovation, 20 % des missions étant supprimées.

Dans le même temps, une revue des dépenses d’aide aux entreprises a été menée, qui a conduit en particulier au placement en gestion extinctive du FISAC (1,2 million d’AE et 6,62 millions de CP en 2019) et des « actions collectives » en faveur des filières industrielles. À cet égard, les rapporteurs sétonnent de la consommation dAE sur le FISAC, alors quaucune capacité nouvelle dengagement navait été votée en loi de finances initiale.

La compensation financière versée en contrepartie de l’aide au transport de presse est en baisse (103,8 millions d’euros, soit – 7,7 millions d’euros par rapport à 2018), conformément au contrat d’entreprise signé avec La Poste pour les exercices 2018-2022.

Les dépenses destinées à soutenir la gouvernance des pôles de compétitivité ont également été concentrées sur le programme, de même que les crédits dédiés au Commissariat aux communications électroniques de défense (CCED), comme exposé plus haut. Inversement, les études statistiques concernant les entreprises touristiques ont été transférées à l’INSEE et à la Banque de France.

Ces évolutions ont été accompagnées de baisses d’effectifs importantes, comme en témoigne la surexécution du schéma d’emploi en 2019, qui traduit un effort de réduction du nombre de postes supérieur à la prévision. Au niveau central, 33,5 ETP ont été effectivement supprimés, contre 10 prévus en LFI.

b.   La réforme du réseau déconcentré

En parallèle, les missions des services déconcentrés de la DGE ont été recentrées sur l’accompagnement des entreprises en difficulté, le développement des filières stratégiques et le soutien à l’innovation. Cette réforme des pôles entreprises, emploi et économie (« 3E ») des Direccte s’est accompagnée de la constitution des « services économiques de l’État en région » (SEER), placés auprès du préfet. 359 postes ont été supprimés et 134 postes ont été créés, soit un solde de 225 postes supprimés.

Parmi les agents dont le poste a été supprimé, 10 sont partis à la retraite et 114 ont été reclassés au sein des SEER. Fin 2019, cent agents étaient encore en attente de reclassement, dont 37 disposaient d’une solution de reconversion en 2020. 63 agents restaient donc, fin 2019, en attente de reclassement alors que leur poste devait être supprimé.

En 2019, le schéma d’emploi est également surexécuté au niveau déconcentré, puisqu’il atteint 120,6 ETP, contre une prévision à 110. Il convient enfin de noter que 13 ETP ont été supprimés à l’école des mines de Douai, en l’absence de recrutement d’une promotion d’élèves ingénieurs de l’industrie et des mines en 2019.

Les rapporteurs spéciaux ont déjà eu loccasion de saluer la réforme de ladministration centrale et déconcentrée de la direction générale des entreprises, réforme difficile mais exemplaire, conduite à la suite dune réflexion stratégique pertinente prenant en compte les évolutions institutionnelles récentes et les besoins des entreprises.

Les évolutions récentes liées à la crise sanitaire et économique incitent pourtant à repenser le rôle et les moyens de la DGE, comme lexpose la seconde partie du présent rapport.

 


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C.   Le dÉploiement du Plan France TrÈs haut dÉbit : des signaux encourageantS, un suivi budgÉtaire perfectible

Le programme 343 Plan France Très Haut débit permet de compléter le financement des projets de déploiement du très haut débit fixe.

Le financement du Plan France Très Haut débit (PFTHD)

Le PFTHD finance le déploiement du haut et du très haut débit sur lensemble du territoire : en juillet 2017, le Président de la République sest engagé sur lobjectif dune couverture intégrale du territoire en haut débit dici 2020 et en très haut débit dici 2022. Pour cela, lÉtat doit contribuer à hauteur de 3,3 milliards deuros entre 2015 et 2022. Ces financements ont pour objectif de combler les carences de linvestissement privé dans les zones les moins denses par le biais des « réseaux dinitiative publique » (RIP).

Deux canaux de financements sont prévus : 900 millions d’euros mobilisés par le premier programme d’investissement d’avenir (PIA 1) et 2,4 milliards d’euros financés par le programme 343. L’ensemble de ces crédits abonde le Fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et des consignations. Au 31 décembre 2019, les décaissements totaux du FSN s’élèvent à 626 millions d’euros.

Depuis 2016, de nouveaux projets ont été décidés, et rendus éligibles aux financements du FSN issus du PIA : programme « continuité territoriale numérique » et « cohésion numérique ».

Au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, le Gouvernement a par ailleurs annoncé l’ouverture de nouveaux appels à projets. 140 millions d’euros ont ainsi été reportés, issus d’économies de constatation sur les chantiers de déploiement du haut et très haut débit.

1.   L’exécution, bien inférieure à la prévision, souligne le manque de lisibilité budgétaire du financement du plan

La consommation des crédits de paiement du programme 343, avec 30 millions d’euros, est très limitée au regard des 163,4 millions d’euros prévus en loi de finance initiale.

Cet écart s’explique par une sous-consommation des crédits de l’enveloppe du PIA restante pour financer le FSN (250 millions d’euros), qui devait être intégralement consommée en 2019 et complétée par les crédits votés sur le programme 343. Or, en fin de gestion, 15 millions d’euros demeurent sur l’enveloppe PIA au sein du FSN, alors que 30 millions de crédits de paiement ont été versés sur le programme 343.

Ces fonds viennent dès lors augmenter la trésorerie du FSN, qui passe de 15 à 45 millions d’euros. Cette situation souligne le manque de lisibilité budgétaire du financement du Plan France très haut débit : en effet, un décaissement réalisé sur le programme 343 ne se traduit pas forcément par un décaissement équivalent du FSN.

Les rapporteurs considèrent que les deux canaux de financement du PFTHD complexifient le suivi des engagements et des décaissements réalisés. Ni le parlementaire ni le citoyen ne peuvent, à partir du rapport annuel de performances du programme 343, suivre l’évolution des crédits telle que décrite ci-dessus.

Les rapporteurs spéciaux plaident donc, à la suite de la Cour des comptes, pour que lensemble des recettesquelles proviennent des crédits du PIA ou du programme 343 – et des décaissements du FSN soient retracés au sein des rapports annuels de performance.

Recommandation : Clarifier le financement du Plan France Très Haut débit en indiquant, au sein des rapports annuels de performances, les recettes annuelles du Fonds pour la société numérique et les décaissements qu’il réalise.

Aucune autorisation d’engagement n’est consommée sur le programme, en raison d’économies constatées en gestion sur les dépenses relatives aux réseaux d’initiative publique (RIP). Cette absence de consommation en autorisations d’engagement s’explique notamment par des économies réalisées entre la phase d’accord préalable de principe et la phase de décision de financement, qui ont permis de réaliser de nouveaux engagements en 2019 par réallocation des crédits PIA du FSN, sans qu’il y ait besoin de recourir au programme 343 pour les compléter.

La ressource totale dAE reportée en 2020 sélève à 76,6 millions deuros, soit le cumul des reports de 2018 sur 2019 (71,6 millions d’euros) et des capacités d’engagements votées en 2019 (5 millions d’euros) mais non consommées.

Les crédits de paiement non consommés sur le programme (133,4 millions d’euros), sont également intégralement reportés sur l’exercice 2020.

Ces reports constituent un signal favorable, témoin de lengagement du Gouvernement à tenir ses objectifs en matière de déploiement de la fibre optique.

2.   La réouverture du guichet RIP, un signal positif

Le Gouvernement a décidé de « rouvrir » le guichet RIP, en publiant un nouvel appel à projet le 20 février 2020 afin d’accompagner les départements qui ne sont pas engagés dans la généralisation de la fibre optique. Cela constitue un signal très favorable, plusieurs élus locaux et parlementaires ayant souligné que les engagements prévus initialement n’étaient pas suffisants pour atteindre les objectifs de couverture du territoire. Un financement complémentaire en autorisations d’engagement est ainsi prévu à hauteur de 280 millions d’euros d’ici 2022.

Les rapporteurs spéciaux saluent la réouverture du « guichet RIP », qui permettra de financer de nouveaux chantiers de déploiement du haut et très haut débit.

D.   Le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés

Le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés est composé de trois sections relatives à des prêts et avances pour le logement des agents de l’État (section n° 1), à des prêts pour le développement économique et social (section n° 2) et à des prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle (section n° 3).

La section n° 2 est elle-même composée :

– du programme 862 Prêts pour le développement économique et social et de la ligne de recettes retraçant le versement et le remboursement de prêts consentis aux entreprises rencontrant des difficultés ponctuelles de financement ;

– du programme 868 Prêts et avances pour le développement du crédit-export vers lIran. Comme l’indique la directrice générale du Trésor, responsable du programme, celui-ci a été créé afin de financer un outil de financement souverain des échanges commerciaux avec l’Iran, opéré par Bpifrance, dans un contexte de sanctions internationales. Il ne sera finalement pas mis en place, les gouvernements français, britannique et allemand, rassemblés dans le format dit « E3 » ayant décidé de recourir à une structure ad hoc.

L’outil INSTEX

L’instrument INSTEX (« Instrument for Supporting Trade Exchanges » ou instrument pour soutenir les échanges commerciaux) a été créé par la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne afin de préserver l’ouverture des échanges avec l’Iran à la suite de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, approuvé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a permis de lever une partie des sanctions internationales.

Cet instrument doit permettre de créer une chambre de compensation permettant de réaliser des échanges commerciaux en évitant l’utilisation du dollar, donc les menaces de sanctions de la part des États-Unis, qui ont annoncé le 8 mai 2019 se retirer de l’accord de Vienne.

Une première transaction via ce mécanisme, portant sur du matériel médical, a été réalisée fin mars 2020.

Source : MEAE, Iran - INSTEX - Q&R - Extrait du point de presse du 31 mars 2020.

● Le programme 862 retrace les prêts accordés par le Fonds de développement économique et social (FDES). Ces prêts sont accordés aux entreprises considérées comme viables à terme mais confrontées à des difficultés importantes, et n’interviennent qu’en complément des créanciers privés et selon des conditions financières, de taux d’intérêt notamment, similaires.

 

En 2019, deux prêts FDES ont été accordés : au groupe ARC pour un montant de 16 millions d’euros et à British Steel Saint-Saulve afin d’accompagner la reprise de l’aciérie d’Ascoval à hauteur de 25 millions d’euros. Par ailleurs, la 4e tranche de 25 millions d’euros de prêts FDES accordés au bénéfice du secteur « presse et média » en 2018 a été décaissée en 2019, ce qui explique une consommation de CP plus importante (61 millions d’euros) que la prévision (50 millions d’euros).

● Le programme 869 Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et laéroport Charles-de-Gaulle, au sein de la section n° 3 du compte, est destiné à verser les crédits d’un emprunt pouvant aller jusqu’à 1,8 milliard d’euros, complétant un apport en fonds propres par les actionnaires de la société (SNCF Réseau, groupe Aéroport de Paris et Caisse des dépôts et des consignations) de 400 millions d’euros. La durée du prêt est de 40 ans à partir de 2019 et son taux est fixé à 3,2 %.

Le programme a été marqué par l’ouverture de 1,7 milliard d’euros d’autorisations d’engagement en 2018, correspondant au prêt versé à la société concessionnaire. En 2019, 251,2 millions d’euros de crédits de paiement ont été consommés, et donc versés à la société, contre une prévision de 275 millions.

Concernant ce projet, il convient de souligner que la mise en service initiale, prévue fin 2023, a été reportée au 1er décembre 2025. Le rapport annuel de performances pour 2019 du compte de concours financiers indique que, depuis la signature du contrat de concession en février 2019, les travaux ont progressé conformément au calendrier prévu.


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   SECONDE PARTIE :
LE SOUTIEN AUX ENTREPRISES DANS LA CRISE SANITAIRE : UN RENOUVEAU DE LACTION ÉCONOMIQUE DE LÉTAT

La crise sanitaire a fortement mobilisé les acteurs de l’intervention économique de l’État, qu’il s’agisse des administrations ou de la banque publique d’investissement. Des outils anciens connaissent une nouvelle actualité, alors que de nouvelles modalités de l’intervention publique en soutien aux entreprises ont dû être élaborées dans l’urgence.

I.   Des administrations publiques qui ont fait face À la crise sanitaire

L’administration, fortement sollicitée, a dû mettre en place de nombreuses mesures de soutien d’urgence.

A.   La direction gÉNÉrale des entreprises, chef d’orchestre des mesures de soutien, sous forte tension

La direction générale des entreprises s’est imposée comme le chef d’orchestre des mesures de soutien économique.

1.   Ladministration centrale : un rôle de coordination et d’impulsion économique

Les équipes de la direction générale des entreprises (DGE) ont été particulièrement mobilisées pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Au-delà du dispositif général de soutien aux entreprises que constitue le fonds de solidarité, financé par un programme ad hoc, la direction générale a été chargée d’assurer la continuité de lactivité économique et l’approvisionnement en matériels médicaux et para-médicaux.

a.   La mobilisation des capacités de production industrielle de matériels sanitaires

La DGE est à l’origine de la mobilisation de l’appareil industriel français pour la production d’équipements sanitaires, dont les gels et solutions hydro-alcooliques, les masques et les autres dispositifs médicaux (ventilateurs d’assistance respiratoire, dispositifs d’assainissement comme les gants, désinfectants et lingettes). Cette nouvelle mission a rendu nécessaire un suivi beaucoup plus fin qu’avant des capacités de production industrielles présentes sur le territoire.

 Concernant les gels hydroalcooliques, les entreprises du secteur chimie et cosmétique ont été mobilisées afin quelles adaptent leurs moyens de production, ce qui a permis un doublement de la capacité de produire ces gels sur le territoire français en quinze jours. Par ailleurs, une « place de marché » dédié aux grandes quantités a été constituée, afin dassurer lapprovisionnement des hôpitaux et des grandes entreprises.

 Les industriels produisant des masques homologués FFP ont été sollicités afin daugmenter leurs capacités de production à 40 millions de masques produits par semaine. Une opération spécifique de recensement et daugmentation des capacités de production de respirateurs a également été pilotée par les équipes de la DGE.

Comme la indiqué le directeur général des entreprises Thomas Courbe aux rapporteurs spéciaux, lenjeu est aujourdhui de consolider ces capacités nouvelles de la DGE et de mener une réflexion similaire dans dautres secteurs industriels dans une perspective de souveraineté et de résilience sanitaire.

 Des crédits supplémentaires ont par ailleurs été débloqués sur le programme 134, dédiés à lachat de masques, au soutien à linvestissement dans des capacités de production déquipements sanitaires et au soutien aux zoos, refuges et cirques.

Le Gouvernement a ainsi obtenu l’ouverture de 281 millions d’euros en AE et CP sur le programme 134 au cours de l’examen en séance du second projet de loi de finances rectificatives pour 2020, qui se répartissent entre :

– 222 millions d’euros pour l’achat de masques non sanitaires ;

– 40 millions d’euros au titre d’aides à l’investissement dans des machines de fabrication de masques. L’objectif est de permettre à la France de devenir indépendante dans la production de masques d’ici la fin de l’année 2020, conformément aux annonces du Président de la République. L’aide distribuée sous forme de subvention couvrirait jusqu’à 30 % des investissements nécessaires ;

– 19 millions d’euros en faveur des parcs zoologiques (17 millions) et des refuges et cirques (2 millions d’euros), afin de répondre aux difficultés de ces établissements à apporter la nourriture et les soins nécessaires à leurs animaux. Le dispositif d’aide est piloté par le ministère de la transition écologique et solidaire.

b.   Un important travail législatif afin d’alléger les charges des entreprises

Ladministration a également été sollicitée pour dimportantes mesures dordre législatif.

● L’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure permet aux professionnels de proposer un avoir valable dix-huit mois et une proposition de prestation identique ou équivalente, au lieu d’un remboursement sous quatorze jours.

L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement de loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19 :

– interdit l’interruption, la suspension ou la réduction de la fourniture d’électricité, de gaz et d’eau pour les très petites entreprises affectées par la propagation de l’épidémie, à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire ;

 permet à ces entreprises de demander, sans pénalités financières, le report ou léchelonnement du paiement des factures délectricité, de gaz et deau sur la période ;

 interdit lapplication de pénalités financières ou dintérêts de retard et des mesures ayant nature de sanction normalement applicable en raison du défaut de paiement de loyers ou charges locatives afférentes aux locaux professionnels et commerciaux dont léchéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et lexpiration dun délai de deux mois après la date de cessation de létat durgence sanitaire.

L’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation institue le fonds de solidarité pour trois mois et permet la prolongation de sa durée d’intervention par décret pour une durée de trois mois supplémentaires maximum.

L’ordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020, qui permet l’adaptation de quatre procédures administratives préalables à l’implantation ou à la modification d’une installation de communications électroniques afin de faciliter les interventions urgentes des opérateurs sur les réseaux et d’assurer la continuité des services de communications électroniques :

– obligation de déposer un dossier d’information aux maires ou aux présidents d’intercommunalité pour l’installation ou la modification d’une installation radioélectrique ;

– obligation de déposer une demande d’autorisation auprès de l’Agence nationale des fréquences pour l’implantation d’une station radioélectrique ;

– réduit à quarante-huit heures le délai d’instruction des demandes de permission de voirie relatives aux installations de communications électroniques implantées à titre temporaire ou dans le cadre d’interventions urgentes et de les soumettre à un régime de silence valant acceptation ;

– dispense d’autorisation d’urbanisme pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire les constructions, installations et aménagements nécessaires à la continuité des réseaux et services de communications électroniques ayant un caractère temporaire.

Enfin, la DGE a également été responsable du dispositif prévu à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19, qui prévoit d’imposer la transmission numérique des dossiers aux centres de formalités des entreprises (CFE), avec possibilité d’admettre la voie postale pour les CFE disposant des moyens de traiter ces transmissions.

Cette action normative est complétée par une intervention financière qui se précise.

c.   Les outils complémentaires à la garantie des prêts bancaires doivent être ciblés sur les entreprises stratégiques et viables

La mise en place des prêts garantis par l’État permet une distribution quasi-automatique d’un crédit bancaire aux entreprises, pour autant que celles-ci bénéficient d’une cotation financière suffisante.

C’est ce que Nicolas Dufourcq, PDG de Bpifrance, responsable de la gestion de cette garantie, a exposé devant la commission des finances de l’Assemblée : « Sont éligibles [au PGE] toutes les entreprises notées jusqu’à 5+ – une note assez faible qui correspondrait, pour l’éducation nationale, à 10/20. L’attribution du prêt à ces entreprises est quasi automatique. La discussion entre l’entrepreneur et le banquier porte sur le montant consenti – équivalant à un, deux ou trois mois de perte de chiffre d’affaires –, mais en aucun cas sur le taux, les conditions de la garantie ou la durée du prêt » ([11]).

La direction générale des entreprises a précisé aux rapporteurs que 87 % des entreprises bénéficiaient d’une cotation FIBEN comprise entre 3++ et 5+, c’est-à-dire la fourchette pour laquelle les banques se sont engagées à distribuer, sans analyse du risque de crédit et sur la seule base d’une analyse sommaire du besoin de trésorerie, un PGE.

Or, les entreprises déjà fragilisées avant la crise, dont la cotation était moins bonne, mais également les entreprises non notées, ne sont pas concernées par cet engagement, et connaissent des difficultés à mobiliser le PGE, pourtant lun des principaux outils de réponse de lÉtat à la crise sanitaire. C’est ce qu’indiquait également M. Dufourcq : « les entreprises notées 7, 8 ou 9 étaient déjà en difficulté et sont pour la plupart débanquarisées. Nous nous interrogeons sur les entreprises non notées – souvent des TPE – et les entreprises notées 5 ou 6. L’éventail est assez large et va des entreprises bien dirigées mais connaissant quelques faiblesses à des entreprises de mauvaise qualité. La plupart d’entre elles méritent d’être accompagnées jusqu’au rebond : cette crise, à l’inverse sans doute de la crise de 2008, n’est pas une crise darwinienne condamnant les plus faibles des entreprises, mais une crise épidémique qui les a forcées à fermer, nonobstant leur santé économique. »

Aussi, le Gouvernement a décidé de créer un outil ad hoc, au bénéfice des PME qui ont besoin d’une restructuration de leur bilan et de leurs opérations sans bénéficier du soutien de leurs financeurs privés, et dont la demande de PGE a été refusée.

Cet outil est issu d’un amendement gouvernemental ([12]) adopté lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificatives pour 2020 en séance à l’Assemblée nationale, créant une nouvelle section Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du coronavirus au sein du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

L’exposé sommaire de l’amendement précise que « la création de ce dispositif discrétionnaire d’avances remboursables et de prêts à taux bonifiés, vise principalement à répondre aux difficultés des entreprises industrielles de 50 à 250 salariés sur la base d’une doctrine dintervention adaptée aux entreprises fragilisées qui sont stratégiques pour l’industrie française ou sensibles socialement sur un territoire. » La loi de finances rectificatives prévoit un plafond limitatif de 500 millions d’euros.

La direction générale des entreprises (DGE) considère qu’il s’agit « d’un outil relativement ciblé [qui] permet aux services instructeurs (niveau central ou services déconcentrés sous le contrôle de la DGE) de participer au sauvetage d’une entreprise présentant un intérêt stratégique ou une sensibilité particulière, en raison notamment de son impact territorial ou de son positionnement industriel : importance sociale dans un bassin d’emploi, savoir-faire reconnu et à préserver, entreprise stratégique pour les intérêts de la Nation, position critique dans une chaîne de valeur » ([13]).

Aucune aide n’avait été octroyée à la réception du questionnaire envoyé par la DGE aux rapporteurs, mais les instructions devaient commencer au cours de la semaine du 11 mai.

Dispositif d’aide aux entREprises fragiles

Plafond de lavance remboursable ou du prêt à taux bonifié

Entreprises créées à compter du 1er janvier 2019

Masse salariale en France estimée sur les deux premières années dactivité

Entreprises créées avant le 1er janvier 2019

25 % du chiffre d’affaires hors taxes 2019 constaté ou, le cas échéant, de la dernière année disponible ; par exception, pour les entreprises innovantes, jusqu’à deux fois la masse salariale constatée en France en 2019 ou, le cas échéant, lors de la dernière année disponible, si ce critère leur est plus favorable

Caractéristiques de laide

Aide inférieure ou égale à 800 000 euros

Avance remboursable à taux nul

Peut couvrir des besoins en investissements et des besoins en fonds de roulement

Remboursement conditionné, chaque exercice, à la réalisation d’un excédent de trésorerie sur l’exercice précédent

Le montant du remboursement est fonction de l’excédent de trésorerie constaté (50 %) sur l’exercice précédent, dans la limite de 200 000 euros.

Aide supérieure à 800 000 euros,

ou qui vient compléter un autre financement public (notamment régional) pour un montant total supérieur à 800 000 euros

Prêt à taux bonifié

Peut couvrir des besoins en investissements et des besoins en fonds de roulement

Différé d’amortissement limité à un an, et durée d’amortissement supplémentaire à six ans

Prêts accordés à des taux d’intérêt réduits, au moins égaux au taux IBOR à un an ou équivalent publié par la Commission européenne applicable au 1er janvier 2020, auquel s’ajoutent les marges pour risque de crédit suivantes :

1ère année : 25 points de base ;

2ème et 3ème années : 50 points de base ;

4ème, 5ème et 6ème année : 100 points de base.

Source : réponses de la DGE au questionnaire des rapporteurs.

Aussi, par ce mécanisme, la DGE est dotée d’un outil puissant de soutien aux PME industrielles, dont le champ couvre également les besoins d’investissement. Les rapporteurs saluent la mise en place de ce dispositif, qui doit permettre de combler les failles des mesures de soutien aux entreprises, mais tiennent à ce quune doctrine précise dintervention soit déterminée, afin de faire en sorte que le dispositif évite les effets daubaine, comme précisé infra.

Recommandation : Cibler le dispositif d’avances remboursables et de prêts bonifiés sur les entreprises stratégiques et économiquement viables.

2.   Les services déconcentrés de la DGE, premières lignes de l’accompagnement des entreprises rapidement relayés par les réseaux consulaires

Le déclenchement de la crise sanitaire et la mise en place des premières mesures de soutien aux entreprises a fortement sollicité les effectifs de la direction générale des entreprises (DGE) déconcentrés au sein des pôles « 3E » des Direccte, que la réforme initiée en 2018 a regroupé au sein des services économiques de l’État en région (SEER).

La gestion de crise témoigne de l’agilité dont l’administration a pu faire preuve. À titre d’exemple, la Direccte Ile-de-France a su adapter la dimension de ces équipes, faisant passer sa « cellule de continuité économique » de trois personnes à un peu plus de soixante, ce qui lui a permis de répondre à plus de 10 000 sollicitations sur la période de crise. Cette capacité de réponse a été permise par la mobilisation des agents du « pôle C », dépendant de la DGCCRF, et de la mise à disposition, par la DGE, de certains effectifs exerçant normalement au niveau central.

À bien des égards, les équipes des SEER ont constitué la première ligne de la réponse de l’État aux besoins des entreprises. Ces services ont ainsi pu traiter plus de 100 000 demandes d’entreprises depuis le début de la crise. La direction générale reconnaît dailleurs que « la charge dactivité inhérente à la situation naurait pu être absorbée par les effectifs réduits des SEER depuis 2019, sans un dévouement exceptionnel des agents » et sans « la transversalité existante au sein des DIRECCTE » ([14]).

Par la suite, les réseaux des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres de métiers et d’artisanat (CMA) ont pu prendre le relais. En début de crise, le ministre de l’économie a ainsi confié aux réseaux consulaires, par une lettre du 17 mars, le rôle d’interlocuteur de premier niveau des entreprises dans la crise.

Après un délai de montée en puissance des équipes et des dispositifs de réponse, les réseaux consulaires ont effectivement rempli le rôle qui leur avait été confié. Les CCI ont ainsi pu traiter 860 000 contacts, dont 250 000 accompagnements personnalisés en sept semaines. Les CMA ont fourni un accompagnement similaire, avec 200 000 contacts téléphoniques et 800 000 échanges de mails. En Île-de-France, la CCI régionale a ainsi créé un centre de réponse téléphonique à partir de la mobilisation de ses moyens et de ceux de son réseau. Ainsi, rapidement, les acteurs économiques ont pu disposer d’un seul point de contact, les réseaux consulaires, qui pouvaient toujours interroger les DIRECCTE pour des questions plus techniques.

La mobilisation et la coordination des différents acteurs afin dinformer et de répondre aux interrogations des entreprises est à saluer, au vu de lagilité dont ont fait preuve les services de lÉtat en région et de la capacité des réseaux consulaires à relayer ces équipes.

Post-Covid : Renforcer les Commissaires au redressement

Dans la crise, les commissaires au redressement productif (CRP) continuent d’apporter une aide précieuse aux entreprises les plus en difficulté. L’accompagnement proposé est décisif pour la préservation de l’emploi et des compétences dans les secteurs stratégiques, en particulier lorsque ces entreprises représentent localement une ressource économique fondamentale. Compte tenu des effets d’hystérèse post-Covid19, il apparaît essentiel de consolider la place des CRP et de renforcer leur nombre.

Les rapporteurs ont aussi apprécié les travaux de Signaux faibles et la pérennisation de son action au sein de la DGE. En particulier, les nouvelles méthodes d’apprentissage non-supervisé permettront d’identifier les entreprises en difficulté plus précocément et de manière plus efficiente.

3.   La mobilisation des équipes de la DGE, symbole d’une administration agile

Face à la crise, les agents de la DGE ont su adapter leurs méthodes de travail pour répondre à des besoins nouveaux, pour organiser le travail à distance et faire face à l’afflux de demandes.

Par exemple, pour tenir les objectifs de relocalisation des productions, l’analyse des capacités de production de l’outil industriel français a nécessité des compétences nouvelles. Les équipes de la DGE sont passées d’une approche macroéconomique à une analyse microéconomique. Outre la compétence technique, cette nouvelle mobilisation a témoigné de la capacité d’adaptation des agents et de son importance pour les recrutements futurs. La crise a également accéléré la transformation digitale de l’administration pour tout ce qui concerne les outils de mobilité. Le besoin d’investissement s’est d’abord matérialisé dans l’achat du matériel informatique nécessaire au télétravail. Lors de son audition avec les rapporteurs, Thomas Courbe, directeur général des entreprises, a ainsi souligné que « l’adaptation au télétravail aura été particulièrement rapide, alors même que nous en avions sans doute une vision trop prudente ».

La digitalisation s’est même révélée précieuse pour faire face à l’afflux de demandes d’autorisations préalables à la mise en place de l’activité partielle. L’industrialisation des procédures et du traitement des demandes s’est avérée nécessaire et aura permis d’optimiser très fortement l’efficience des services.

Pour ce qui concerne la DIRECCTE Ile-de-France, cet investissement est de l’ordre de 100 000 euros, pour un budget de fonctionnement de 24 millions d’euros.

Les rapporteurs se réjouissent de la réactivité et de l’engagement des équipes mobilisées pendant la crise. Cette transformation à marche forcée aura apporté la démonstration de ce que l’administration peut être agile et rapide. La crise s’est révélée mobilisatrice et décisive dans la réflexion collective à porter sur l’administration de demain.

4.   La crise sanitaire, révélatrice d’un besoin renforcé d’intervention de l’État en matière économique qui devra se traduire dans le prochain budget

Les rapporteurs spéciaux tiennent à saluer la mobilisation exemplaire des équipes de la DGE, au niveau central et en régions, qui a permis la bonne mise en œuvre des mesures décidées par le Parlement et le Gouvernement.

En même temps qu’elle faisait face à un nombre considérable de sollicitations des entreprises, cette administration a dû élaborer en urgence de nouvelles modalités d’intervention de l’État en matière économique. La mobilisation de l’appareil industriel français en faveur de la production d’équipements sanitaires a par exemple nécessité une analyse beaucoup plus fine qu’avant des capacités de production des différentes filières.

Au regard de la forte pression exercée sur les effectifs de la direction générale et des besoins nouveaux d’intervention publique en matière économique, à la faveur de la gestion de la crise sanitaire mais également pour l’élaboration et l’application du plan de relance économique, les rapporteurs considèrent quune réflexion sur les moyens budgétaires et humains de la DGE doit être menée de toute urgence.

À titre dexemple, avant le déclenchement de la crise sanitaire, comme exposé en première partie du présent rapport, 63 agents concernés par les suppressions de postes au sein des Direccte navaient pas pu être réaffectés et ont donc été pleinement mobilisés afin de répondre aux besoins des entreprises. Ce hasard interroge au moment où les équipes de la DGE se voient confier de nouvelles missions.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent donc que les conférences de budgétisation, actuellement en cours, prennent la mesure de lampleur de la tâche confiée à la direction générale, et tirent les conclusions appropriées de la gestion de crise. En particulier, une stabilisation de son schéma demploi en 2021 constitue une base de négociation acceptable. Le report de la suppression des 63 effectifs non reclassés avant la crise sanitaire, afin de gérer lurgence, est également plus que souhaitable. Enfin, la direction générale doit pouvoir recruter les compétences dont elle ne dispose pas actuellement, éventuellement par des modalités demploi plus souples et mieux adaptées à son agilité (CDD, CDI).

Recommandation : Préparer une budgétisation 2021 compatible avec les nouvelles missions confiées à la DGE, avec, a minima, une stabilisation au niveau central et déconcentré de ses effectifs et un report des suppressions de postes décidées dans le cadre de la réforme des services déconcentrés.


Par ailleurs, les rapporteurs, attachés au modèle des centres techniques industriels (CTI), se félicitent de la collaboration entre la DGE et l’Institut français textile habillement (IFTH) pour la consolidation de la filière de masques grand public. L’Institut a mobilisé des moyens importants sur le sujet, ce qui nécessite de revoir le niveau de ses moyens. Les rapporteurs soutiennent cette orientation qui doit aboutir dici lexamen au Parlement du projet de loi de finances pour 2021.

Recommandation : Faire aboutir d’ici à l’examen du projet de loi de finances pour 2021 les réflexions sur les nouveaux moyens à accorder à l’IFTH.

B.   Bpifrance, opérateur-pivot de l’État en matiÈre Économique, potentiellement fragilisé

À l’occasion de la crise sanitaire, Bpifrance voit son rôle d’opérateur-pivot de la politique économique de l’État renforcé, que ce soit avec la gestion du programme de prêts garantis par l’État, par le soutien à l’innovation ou une intervention importante en fonds propres auprès des TPE et PME.

1.   La mise en œuvre des prêts garantis par l’État, selon des conditions défavorables à l’opérateur

Les rapporteurs spéciaux soulignent que lÉtat a confié la gestion du programme de PGE à Bpifrance et son réseau sans compensation financière.

En effet, aux termes de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificatives pour 2020, « L’établissement de crédit Bpifrance Financement SA est chargé par l’État, sous le contrôle, pour le compte et au nom de l’État, d’assurer, à titre gratuit, le suivi des encours des prêts garantis mentionnés au I, de percevoir et de reverser à lÉtat les commissions de garantie et de vérifier, en cas d’appel de la garantie, que les conditions définies dans le cahier des charges prévu au III sont remplies. Dans ce dernier cas, il procède au paiement des sommes dues en application du IV, remboursées par l’État dans des conditions fixées par une convention. » Seuls les versements effectués en cas d’appel de la garantie font donc l’objet d’un remboursement à Bpifrance.

Or, pour la banque publique, cette situation crée un « précédent dangereux », dans la mesure où « l’ampleur du dispositif PGE va induire un surcroît de travail très significatif pour les équipes de Bpifrance, comme le démontre la mise en regard de la volumétrie habituellement gérée par ces équipes avec le surcroît de travail attendu avec le PGE » ([15]). En effet, la volumétrie de l’activité « traditionnelle » de garantie représente entre 5 et 6 milliards d’euros annuellement, alors que, au 7 mai 2020, 66,5 milliards d’euros de PGE avaient été accordés.

Les rapporteurs considèrent quune réflexion doit être menée sur le sujet de la compensation potentielle à Bpifrance des surcoûts induits par la gestion du programme PGE. En ce sens, il importe que le Gouvernement se prononce sur la prise en charge par le budget général, en tout ou partie, de ce surcoût. Bpifrance estimait, pour sa part, le besoin à 10 millions deuros sur les exercices 2020 et suivants.

Recommandation : Mener une réflexion sur la compensation éventuelle à Bpifrance des coûts de gestion liés à la mise en œuvre du programme PGE.

Ce sujet doit s’appréhender alors même que l’État a multiplié les débudgétisations en confiant des dépenses nouvelles à Bpifrance sans compensation versée par le budget général ces dernières années.

Des débudgétisations notables liées aux actions confiées à Bpifrance

L’année 2019 est marquée par la suppression de la dotation de l’État à Bpifrance au titre de son activité de garantie.

Or, pour continuer à maintenir un volume similaire de prêts garantis (5 à 6 milliards d’euros de garanties octroyées chaque année, portant sur un total de prêts d’environ 17 milliards d’euros), Bpifrance procède au recyclage des dividendes normalement versés à l’État – ce que la Cour des comptes considère comme une débudgétisation qui nuit à la lisibilité et à l’efficacité du contrôle parlementaire – et à un redéploiement des crédits prévus au titre d’autres fonds de garantie. Bpifrance peut également être amené à augmenter la tarification de sa garantie, alors même que ses tarifs apparaissent déjà élevés.

Par ailleurs, ces dernières années, Bpifrance a repris les missions de soutien public à l’entreprenariat exercé par l’Agence France Entrepreneurs (4,2 millions d’euros) et de la Caisse des dépôts et consignations (20 millions), sans compensation budgétaire.

2.   Les actions en fonds propres ont été renforcées

Des instruments de fonds propres ont également été mis en place, qui mobilisent des sommes importantes.

 Des interventions en fonds propres en complément du PGE

 Le fonds de renforcement des PME (FRPME), doté de près de 94 millions d’euros a été lancé afin de consolider les fonds propres de 60 à 80 entreprises en difficulté en réalisant des investissements en quasi fonds propres, sous la forme d’obligations assorties de bons de souscription d’actions. Le montant unitaire de l’investissement serait compris entre 500 000 et 5 millions d’euros. L’objectif est d’assurer la pérennité des entreprises structurellement fragilisées via un financement du besoin de fonds de roulement ([16]) ou une restructuration du haut de bilan ([17]). Le fonds pourra notamment intervenir auprès d’entreprises faisant l’objet d’une procédure collective, que ce soit en phase amiable (mandat ad hoc, conciliation), ou dans le cadre de l’élaboration d’un plan de sauvegarde ou de continuation.

Un fonds de co-investissement direct simplifié a également été mis en place au sein de Bpifrance, destiné à intervenir selon les mêmes modalités que le FRPME mais selon des modalités simplifiées, et aux côtés d’autres investisseurs privés. Il doit permettre de soutenir une cinquantaine de PME pour un total de 106 millions d’euros.

– Le fonds « Lac dargent » a été récemment lancé, dans le but de réaliser des prises de participations stratégiques dans les grandes entreprises françaises fragilisées par la crise, pour un objectif total de 10 milliards d’euros.

Le fonds « Lac d’argent »

Ce fonds souverain doit permettre, sur le modèle du Fonds stratégique d’investissement (FSI), créé en 2009, et géré par la banque publique depuis 2013, de stabiliser le capital d’entreprises françaises cotées et de les protéger contre des rachats hostiles. Les prises de participations resteraient minoritaires, en ne dépassant pas 15 % du capital. L’objectif est de mobiliser une capacité d’investissement totale de 10 milliards d’euros.

Le fonds a vocation à être abondé par des fonds souverains du Golfe, d’Asie (Corée, Japon, Chine), les caisses de retraite canadiennes et les fonds de pension américains.

Bpifrance a officialisé, le 26 mai 2020, les premières prises de participation dans le fonds, représentant une capacité d’investissement de près de 4,2 milliards d’euros, dont plus de 3,2 milliards de souscriptions et 1 milliard de dette. Le fonds souverain émirati Mudabala participe pour un milliard d’euros, le reste étant apporté par Bpifrance (un milliard d’euros également) et par plusieurs assureurs français.

Le Lac d’argent compléterait l’action du Fonds stratégique de participations (FSP), créé en 2013 et relancé en novembre 2019 grâce à un apport des compagnies d’assurance, actionnaires de ce fonds. Pour Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et des consignations, actionnaire à 40 % de la société de gestion du FSP, « le “Lac d’argent” prolonge les actions stratégiques de bpifrance auprès des entreprises françaises, [alors que] le FSP est un investisseur de long terme orienté mid-caps. Ils ont, c’est vrai, la même ambition, défendre les intérêts stratégiques français. Mais ils sont complémentaires » ([18]).

– L’État pourra enfin intervenir auprès des grandes entreprises stratégiques fragilisées par la crise, en cas de risque de prédation ou de mise en faillite, par des prises de capital via le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. La deuxième loi de finances rectificative pour 2020 a ainsi ouvert 20 milliards d’AE et de CP sur le CAS PFE ([19]). La Caisse des dépôts pourrait également être mobilisée pour réaliser des prises de participation dans les PME et ETI.

 Les petites entreprises innovantes bénéficient dun plan de soutien dédié

La garantie de l’État est mobilisée au profit des PME innovantes par le biais du dispositif « Prêt garanti par l’État – Soutien Innovation ». Ces entreprises bénéficient d’un mode de calcul de la garantie plus favorable, puisqu’elle peut couvrir jusqu’à deux fois la masse salariale française de l’entreprise, si ce critère est plus intéressant que celui des 25 % de chiffre d’affaires annuel. Ce soutien, estimé à 2 milliards d’euros à l’origine, serait en réalité significativement plus important, avec un total de 3 milliards d’euros mis à la disposition de 5 000 PME innovantes, soit plus de la moitié du capital-risque investi dans l’écosystème français en 2019 ([20]).

Les PME innovantes sont également la cible, dans le cadre des mesures d’urgence, d’un programme spécifique dit « French Tech Bridge », qui mobilise une enveloppe de 80 millions d’euros issue des crédits des programmes d’investissement d’avenir afin de soutenir les PME innovantes de moins de 8 ans.

À travers ce programme, Bpifrance intervient en coinvestissement avec des fonds privés, qui doivent apporter au moins autant que la banque publique. Ces 80 millions doivent donc permettre de mobiliser 160 millions d’euros au total pour ces entreprises, en constituant un « pont » (bridge) de liquidité dans un contexte sanitaire où les levées de fonds sont difficiles.

Le ministre de l’économie et le secrétaire d’État au numérique ont annoncé le 5 juin un plan de soutien conjoncturel destiné aux entreprises technologiques, financé pour l’essentiel par le PIA.

Le fonds « French Tech Souveraineté », qui doit permettre d’investir 150 millions d’euros dans un premier temps et pourrait être porté à plus de 500 millions d’euros en 2021.

Des dispositifs de soutien au financement de ces entreprises sont également prévus, avec un abondement supplémentaire de 80 millions d’euros au programme French Tech Bridge et le lancement d’une offre de prêt pour un total de 100 millions distribués à des PME innovantes qui ne peuvent pas accéder au PGE. Le gouvernement annonce également le rechargement du fonds d’investissement PSIM pour 120 millions d’euros, afin d’accompagner de nouvelles entreprises lauréates du Concours mondial d’innovation.

Le soutien à l’émergence d’un nouveau vivier de PME innovantes pour près de 200 millions d’euros, via un renforcement des moyens des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), le lancement de nouveaux appels à projets spécialisés sur la deep tech et la création d’un fonds d’investissement French Tech Accélération n° 2 doté de 100 millions d’euros.

Les rapporteurs spéciaux saluent la mise en place de ce plan, qui vient renforcer les moyens déjà débloqués au bénéfice des PME innovantes (PGE, programme French Tech Bridge) afin de faire face aux besoins.

Au total, ce sont donc environ 31 milliards d’euros d’outils publics et privés de soutien aux fonds propres des entreprises qui ont été mobilisés depuis le début de la crise. Cette intervention est d’autant plus importante que la situation de l’endettement des entreprises française devrait se dégrader. À moyen et long termes, les outils de dette ne peuvent en effet constituer la seule solution de soutien et de relance de l’activité économique.

Les rapporteurs s’interrogent néanmoins sur le rôle des pôles de compétitivité pendant la crise. Ceux-ci connaissent un mouvement de réforme important, avec en particulier une baisse de la dotation versée par l’État et l’augmentation de l’enveloppe liée aux résultats. La question de l’évaluation de cette performance reste néanmoins en suspens.

En parallèle, ce financement doit être transféré aux régions, ce qui risque d’aboutir à un traitement différencié des pôles sur le territoire, selon l’implication de la collectivité.

Par ailleurs, comme l’avaient souligné les rapporteurs lors de l’examen au Parlement de la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018, les versements prévus au titre des projets structurants des pôles de compétitivité (PSPC), pris en charge par les crédits issus des programmes d’investissement d’avenir, ont connu des retards, ce qui a pu fragiliser les PME et laboratoires partenaires au sein des pôles.

Recommandation : Clarifier la position de l’État vis-à-vis des pôles de compétitivité, en élaborant un référentiel d’évaluation de leur performance, en détaillant les modalités de transferts du financement de la gouvernance des pôles aux régions et en débloquant les crédits dédiés aux PSPC.

3.   Les fonds de garantie de Bpifrance, levier puissant pour la reprise de l’économie, doivent être abondés à un niveau suffisant par les prochains budgets

La question du financement de la garantie « traditionnelle » de Bpifrance, sujet de débat récurrent au sein de la commission des finances, connaîtra une actualité budgétaire renouvelée, à l’occasion de la discussion des futurs projets de loi de finances rectificatives et du budget pour 2021, face à la dégradation de la conjoncture.

 

 

La rapporteure spéciale l’avait d’ailleurs indiqué lors de l’examen en séance publique des crédits de la mission Économie : « Cet amendement, que j’ai déjà défendu brièvement, vise à rétablir la ligne budgétaire pour un montant de 10 000 euros – montant que vous jugez dérisoire, ce qui n’est pas mon cas : j’ai déposé l’amendement, et je l’assume.

« Monsieur Jumel, vous le savez mieux que moi, vous qui avez de l’expérience, si un retournement de conjoncture devait survenir – M. Di Filippo nous demande, à Mme la secrétaire d’État et à moi-même, de garantir que cela ne surviendra pas, mais, je suis désolée, nous ne sommes pas Mme Irma –, j’ai cru comprendre, depuis deux ans et demi que je siège à la commission des finances, qu’il existait un projet de loi de finances rectificatives. En cas de retournement – ce que nous envisageons, car nous sommes des gens lucides –, ce qui compte, c’est de disposer de la ligne budgétaire qui pourra être abondée pour y faire face. » ([21]).

Or, la crise économique actuelle a fortement mobilisé les fonds de garantie internes à Bpifrance. Les travaux des rapporteurs spéciaux indiquent ainsi que le besoin, non couvert par l’État atteint aujourd’hui 650 millions deuros. À titre de comparaison, le coût total de la garantie pour Bpifrance atteignait environ 271 millions d’euros en 2019.

L’ampleur des besoins liés à la crise économique implique donc aujourd’hui de doter de nouveau la ligne « garantie » du programme 134. Le montant de cette compensation est en cours de discussion avec l’administration.

Par ailleurs, l’extension des garanties de Bpifrance aux ETI pourrait être étudiée, dans le cadre du plan de relance, à l’image de ce qui a été décidé en réponse à la crise de 2008-2009. La banque publique estime qu’une telle extension permettrait de couvrir un à deux milliards d’euros de besoins d’investissements des ETI, pour un coût budgétaire de 150 millions d’euros.

Les rapporteurs rappellent qu’une étude réalisée en 2019 par une équipe de chercheurs comprenant leur collègue Jean-Noël Barrot ([22]) a souligné les effets très positifs de la garantie mise en place en 2008 – 2009, avec en particulier :

– un impact significatif sur l’emploi (+ 31 000 emplois par an entre 2009 et 2015) pour une dotation initiale de 683 millions d’euros, soit une dotation immobilisée d’environ 3 200 € pour chaque emploi supplémentaire ;

– un coût pour les finances publiques qui devient négatif dès lors que l’on tient compte des économies pour l’assurance-chômage (économies d’environ 1,3 milliard d’euros sur la période), soit une économie d’environ 6 000 € par emploi supplémentaire.

Au regard des évaluations très positives réalisées sur la garantie mise en place à l’occasion de la crise de 2008-2009, les rapporteurs spéciaux insistent sur la nécessité de doter cette ligne du programme 134 à un niveau suffisant au regard des besoins.

Recommandation : À l’occasion du troisième projet de loi de finances rectificatives pour 2020 ou du budget pour 2021, abonder de nouveau les fonds de garantie de Bpifrance, via le programme 134, en étudiant l’extension de l’éligibilité à ces fonds aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Les rapporteurs constatent avec satisfaction que l’activité de soutien à l’économie de Bpifrance est restée constante pendant la crise. Lors de son audition par les rapporteurs, le directeur de la banque publique pour la région Grand Est a ainsi souligné que, malgré les restrictions de trésorerie, la demande d’aide aux projets d’investissement et d’export a pu continuer, signe de l’intérêt des entreprises pour les dispositifs opérés par la banque publique, y compris dans une conjoncture dégradée.

II.   Les pistes des rapporteurs spÉciaux pour la relance de l’Économie

Alors qu’un besoin de nouveaux outils d’intervention publique en matière économique apparaît, les administrations et collectivités doivent renouveler leurs approches de politiques industrielles autour de la relocation de l’activité et de la conditionnalité, notamment environnementale.

A.   Les dÉlais de paiement, l’endettement et la conditionnalitÉ des aides, enjeux-clÉs

Dans le contexte de crise économique, les entreprises, notamment les TPE et PME, sont fragilisées par l’aggravation des délais de paiement et l’augmentation de leur endettement.

1.   Les délais de paiement : une première réponse à l’aggravation de la situation, une nouvelle impulsion à donner

En réponse à l’aggravation de la situation économique, un comité de crise sur les délais de paiement a été constitué, composé des organisations socio-professionnelles (AFEP, CPME, MEDEF, U2P), avec l’appui des CCI et des CMA, et de la DGCCRF. Ce comité est animé par M. Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, et M. Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit.

Son objectif est « d’encourager les comportements solidaires des grandes entreprises dans le contexte de la crise en mettant fin aux situations d’allongement des délais de paiement et en valorisant les entreprises s’engageant volontairement à réduire leurs délais de paiement des fournisseurs » ([23]). Au 6 mai, le comité indique avoir traité une trentaine de cas signalés, représentant plusieurs centaines de milliards d’euros. Les trois quarts de ces entreprises auraient pris des engagements écrits visant à mettre fin aux comportements anormaux. Le comité a également dressé une liste de 14 « entreprises solidaires » ayant mis en place un paiement accéléré de leurs fournisseurs ([24]).

 Une situation dégradée

Dès le 16 avril 2020, le comité signalait une hausse considérable des incidents de paiement, dont le nombre a été multiplié par trois et le montant par quatre lors de la semaine du 30 mars par rapport à la même période en 2019. Depuis, les montants d’incidents ont baissé, mais restent supérieurs de 75 % en moyenne à ceux de l’année précédente.

Le nombre de sollicitations et de médiations adressées au Médiateur des entreprises a, pour sa part, été multiplié par dix, plus de la moitié concernant des situations de délais de paiement. Les trois secteurs du commerce, du BTP et de l’hôtellerie-restauration représenteraient plus de 10 % des saisines.

Le 6 mai, un nouveau communiqué souligne que « malgré son travail de fond en matière de délais de paiement, le comité de crise constate l’apparition de nouvelles pratiques anormales de la part de certaines entreprises ». Ces pratiques se traduisent notamment par des pressions très fortes exercées pour revoir à la baisse les prix ou tarifs pratiqués, l’absence de validation de la facture pour service fait, le retard dans l’émission des bons de commande, la demande de récupération par le client des décalages de charges obtenues par le fournisseur, la compensation entre sommes dues et sommes à recevoir et la hausse unilatérale des tarifs pour les fournisseurs en position de force.

Le comité souligne également l’augmentation des remontées de la part d’entreprises s’inquiétant de la dégradation des couvertures offertes par les entreprises d’assurance-crédit, alors même que celles-ci sont tenues de respecter des principes de transparence et de prévenance au titre d’une convention de 2013 qui les lie à la Banque de France. En cas de problème, la médiation du crédit aux entreprises peut être saisie.

 Une démarche préventive et partenariale à pérenniser

Les rapporteurs saluent la constitution de ce comité de crise, qui témoigne de limportance des enjeux liés au marché du crédit interentreprises, évalué à 700 milliards deuros par an, dans un contexte de crise. L’approche est résolument préventive et partenariale, le comité indiquant privilégier le dialogue avec les entreprises dont les mauvais comportements ont été signalés.

Il suffit de mesurer ces 700 milliards d’euros avec les 300 milliards de garanties PGE pour prendre la mesure de l’importance du sujet pour les TPME.

À ce titre, il est permis de sinterroger sur labsence de volet répressif et dissuasif du dispositif. Les délais de paiement constituaient un sujet d’attention pour le législateur avant même la crise sanitaire, comme l’indiquent les dispositions adoptées au sein de la loi PACTE qui prévoient la publication systématique des décisions de sanction infligées par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. Dix sanctions prises antérieurement à la crise sanitaire ont ainsi pu être publiées le 28 avril 2020, un nota bene précisant que les pratiques en cause ne sont pas liées à ce contexte de crise.

Or, les contrôles de la DGCCRF ne sont effectués qu’après la clôture de l’exercice comptable concerné : en d’autres termes, les dérives constatées au cours de la crise sanitaire ne pourront faire lobjet denquêtes quà partir de 2021. Les contrôles portent en effet sur des paiements qui ont déjà été effectués, et la direction générale ne peut sanctionner une entreprise n’ayant pas réglé ses fournisseurs en lui enjoignant de le faire.

D’ailleurs, la DGCCRF a signalé aux rapporteurs que « la notification de l’ensemble des suites données par la DGCCRF à ses contrôles, dont les sanctions pour retards de paiement, est actuellement suspendue. Les nouveaux contrôles ne seront menés qu’après la levée des mesures sanitaires ». Dans ce contexte, pourront alors être sanctionnées en priorité les grandes entreprises disposant de la trésorerie suffisante pour régler leurs fournisseurs dans les délais légaux mais ayant pris prétexte de la crise pour allonger leurs délais de paiement.

Cette approche, certes justifiée par la crise sanitaire, prive deffets le dispositif de sanction des pratiques abusives en matière de délais de paiement.

Les outils à la disposition de la DGCCRF peuvent par ailleurs apparaître inadaptés au traitement des situations urgentes. Aussi, laggravation de la situation des délais de paiement interentreprises, couplée à linadaptation du dispositif de sanction, qui ne permet pas de lutter efficacement contre les pratiques abusives, contribue à fragiliser plus encore les fournisseurs, en particulier les TPE et PME, à mesure que la crise sanitaire se prolonge.

Les rapporteurs spéciaux voient néanmoins un signal positif dans le fait que loctroi dun prêt garanti par lÉtat (PGE) soit conditionné à un engagement de respect du délai de paiement de ses fournisseurs. La DGCCRF a indiqué aux rapporteurs que, en cas de non-respect de ces engagements, ces entreprises pourraient faire lobjet denquêtes prioritaires.

 

 

 Une nouvelle impulsion à donner à la réduction des délais de paiement

La création du comité de crise sur les délais de paiement a permis de donner une nouvelle actualité à la problématique du crédit inter-entreprises et des délais de paiement, qui se pose avec une acuité particulière en France. Ce marché représente environ 700 milliards deuros par an, soit un enjeu financier plus de deux fois supérieur au montant maximum des prêts garantis par lÉtat (PGE). Les interlocuteurs des rapporteurs spéciaux ont souligné que ce marché serait deux fois plus important en France qu’en Allemagne, sans que des raisons objectives ne puissent justifier un tel écart.

La réduction des délais de paiement constitue, aujourdhui et au-delà des effets de la crise sanitaire, un objectif politique fondamental, au moment de relancer léconomie sur des bases stables. Les moyens à la disposition des autorités de contrôle apparaissent aujourd’hui inadaptés, et les sanctions trop peu dissuasives – pour les grands groupes en particulier –, en raison d’un montant d’amende trop faible et de la réticence de l’administration à s’attaquer à l’actif réputationnel des entreprises.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent donc que de nouvelles actions en faveur de la réduction des délais de paiement soient décidées, à loccasion des réflexions sur le plan de relance. Pour cela, les moyens de sanction de la DGCCRF pourraient être renforcés, les rapporteurs souhaitant en particulier que l’introduction d’une procédure de référé visant à enjoindre à une entreprise de procéder au paiement de ses fournisseurs soit étudiée.

Recommandation : Relancer la politique de réduction des délais de paiement, en révisant à la hausse le montant des sanctions encourues, en généralisant les sanctions à vocation réputationnelle et en réfléchissant à la création de nouveaux outils d’injonction au paiement des fournisseurs.

2.   La nécessaire consolidation de la structure financière des entreprises, au bénéfice d’une relance économique réussie

Alors que les interventions publiques en fonds propres doivent être renforcées, il importe de réfléchir dès aujourd’hui aux caractéristiques d’un « PGE de reprise »

a.   Les interventions publiques en fonds propres permettront de pallier la hausse de l’endettement

La dégradation des délais de paiement interentreprises pendant la crise entraîne plusieurs conséquences économiques profondément négatives, en particulier pour les TPE et PME. L’allongement des délais de paiement conduit à fragiliser leur trésorerie et les incite à se tourner vers le crédit bancaire, qui lui-même fragilise leur situation financière en augmentant un passif. À titre de comparaison, le crédit de trésorerie au bénéfice PME-TPE atteindrait, selon Frédéric Visnovsky, Médiateur national du crédit, environ 240 milliards deuros par an.

Cette tendance à l’endettement doit être prise en compte, dans un contexte où la principale mesure de soutien aux entreprises en montant est le PGE, qui lui aussi aggrave l’endettement des entreprises. Les 66,5 milliards deuros distribués au titre de ces prêts début mai entraînent en effet, mécaniquement, une augmentation équivalente de lendettement privé ([25]).

Devant cette situation, le plan de relance de l’économie est l’occasion de réfléchir aux moyens de consolider la structure financière des TPE et PME par un apport en fonds propres. Après un renforcement de trésorerie grâce aux prêts garantis, il semble nécessaire d’agir de façon plus structurelle, en calibrant des interventions en capital.

Comme exposé plus haut, de tels dispositifs ont commencé à être mis en place en loi de finances rectificatives, avec le dispositif d’avances remboursables évoqué supra, qui permet d’octroyer des avances jusqu’à 800 000 euros dont le remboursement est conditionné au succès du retournement de l’entreprise : cette conditionnalité au remboursement en fonction de la réussite du projet en fait un instrument de quasi-fonds propres.

Ces moyens, même complétés par les dispositifs opérés par Bpifrance (programme French Tech Bridge, fonds à destination des PME fragilisées), restent faibles au regard des montants déjà distribués au titre du PGE. Dans le cadre de la relance, les moyens de renforcer les fonds propres des TPME doivent être étudiés avec la plus grande attention.

Recommandation : Augmenter, dans le cadre du PLFR 3 ou du budget pour 2021, les moyens budgétaires des actions renforçant les fonds propres des TPME.

● Les rapporteurs spéciaux ont reçu des échos selon lesquels l’action des CODEFI, acteurs territoriaux destinés à traiter les difficultés des petites et moyennes entreprises et qui rassemblent leurs différents créanciers, a été pratiquement inexistante pendant la crise.

Ces comités sont pourtant appelés à un rôle essentiel dans l’attribution des aides complémentaires, décidées par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020. En effet, ils se trouvent au cœur du traitement des demandes d’aide : il leur est demandé d’organiser des réunions régulières, autant que nécessaire, afin de répondre à l’afflux de demandes, et d’élaborer une approche sélective afin de soutenir les entreprises avec de réelles perspectives de redressement. Les premières orientations doivent aujourdhui être données à ces comités, afin de ne pas ralentir la mise en œuvre des mesures de relance.

Les prêts du FDES, outil renouvelé de soutien aux entreprises en difficulté

La loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020 (LFR pour 2020) a prévu de relever le plafond du programme 862 de 925 millions d’euros, en plus des 75 millions d’euros prévus en loi de finances initiale, afin de porter à un milliard deuros le plafond 2020 des prêts du Fonds de développement économique et social (FDES).

Les annexes déposées au moment de l’examen au Parlement du second PLFR pour 2020 indiquent que ces prêts ont vocation à « accompagner, en appui d’investisseurs privés, la restructuration financière et commerciale des entreprises dont les perspectives de redressement sont avérées ».

Le rehaussement considérable du plafond des prêts du FDES s’inscrit dans le cadre de l’assouplissement des règles européennes relatives aux aides d’État, tel que précisé par la Commission européenne dans sa communication du 3 avril ([26]).

Les rapporteurs spéciaux sont attentifs au suivi de cet outil. Un amendement déposé par Xavier Roseren prévoyait ainsi la remise à trois mois d’un rapport au Parlement concernant l’utilisation des crédits du Fonds de développement économique et social (FDES). Cet amendement, modifié en séance à la demande du Gouvernement, qui a porté le délai de remise de rapport à six mois, a été adopté.

Le Sénat, à l’initiative de sa commission des finances, a considéré pour sa part que le suivi des crédits du FDES serait mieux assuré en confiant le suivi de la gestion du FDES au comité de suivi mis en place par la seconde LFR. L’Assemblée nationale s’est ralliée au nouveau dispositif, dont les dispositions sont inscrites à l’article 16 de la loi de finances rectificatives : « Le comité de suivi est chargé du suivi et de l'évaluation de la mise en œuvre des dispositifs suivants : […] Les prêts et les avances remboursables accordés sur le compte de concours financiers “Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés”, notamment les prêts accordés par le Fonds de développement économique et social. À cette fin, le comité dispose notamment d’une statistique hebdomadaire sur le montant des prêts accordés et le taux de refus ».

Dès lors, en plus du soutien aux entreprises les plus fragilisées, lÉtat doit calibrer un mécanisme de consolidation financière des entreprises qui en ont besoin, afin de créer les conditions dune relance réussie. Lenjeu est de construire un soutien « post-PGE » global et cohérent à léconomie.

La priorité, à ce sujet, est de constituer une doctrine trouvant un point déquilibre entre la relance de léconomie et la bonne utilisation des fonds publics, qui incite à naider que les entreprises ayant des perspectives de rentabilité à court et moyen terme.

Recommandation : Élaborer à brefs délais une doctrine d’intervention économique concernant le sauvetage des entreprises en difficulté, qui doit permettre de sélectionner les seules entreprises ayant des perspectives de rentabilité à court et moyen terme.

b.   La mise en place d’un PGE de reprise

À côté d’autres mesures, l’objectif principal du programme actuel de PGE permet de figer la situation des entreprises, afin d’éviter que les mesures de « fermeture administrative » de l’économie ne dégradent trop l’activité et la situation de l’emploi.

Néanmoins, ce dispositif ne sera pas suffisant pour assurer le succès de la reprise de l’économie. Pour favoriser cette reprise, à côté des outils de soutien en fonds propres, l’intervention en garantie reste pertinente, mais selon des caractéristiques différentes de celles retenues pour le PGE actuel.

À cet égard, si l’abondement des fonds de garantie de Bpifrance est un levier puissant de reprise de l’économie, comme exposé supra, la réflexion sur un « PGE de reprise » doit être menée. Celui-ci devrait en particulier bénéficier d’une rémunération plus élevée, afin d’intéresser les banques à sa distribution, ainsi que de durées d’amortissement et de différé de remboursement plus longues. Cette garantie pourrait ainsi soutenir les décisions d’investissement qui ne produiront de l’activité qu’à moyen terme.

Recommandation : Faire aboutir la réflexion sur la mise en place d’un PGE de reprise avec une rémunération plus élevée et des durées d’amortissement et de différé de remboursement plus longues.

3.   La relance de l’économie est une opportunité pour renforcer la conditionnalité des aides publiques

Le renouvellement des modalités de l’intervention publique en matière économique doit être l’occasion de renforcer la part de la conditionnalité des aides, en particulier au regard des critères « ESG » : environnement, social et gouvernance.

C’est d’ailleurs la démarche adoptée par le législateur : à l’occasion de la discussion du deuxième projet de loi de finances rectificative, l’Assemblée nationale a ainsi adopté, par voie d’amendement parlementaire, le dispositif consigné à l’article 22 de la loi.

Cet article prévoit que 20 milliards d’euros de crédits supplémentaires votés au titre des participations financières de l’État « concourent à soutenir l'économie en renforçant les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables. L'Agence des participations de l'État veille à ce que ces entreprises intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique. »

 

Le contrôle du respect de ces engagements est assuré par la publication, en avril 2021, d’un rapport « sur l'utilisation des ressources attribuées au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », détaillant le bon usage des ressources publiques ainsi que l'état de la mise en œuvre des objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans la stratégie des établissements et sociétés, cotées et non cotées, contrôlées par l'État, notamment en matière de lutte contre le changement climatique et de respect de l'Accord de Paris sur le climat. Ce rapport évalue ainsi la compatibilité de leurs stratégies avec la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone définie à l'article L. 222-1 B du code de l'environnement et les objectifs de l’article L. 100-4 du code de l'énergie et détaille les moyens associés pour atteindre ces objectifs. »

Par ailleurs, l’article prévoit que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sont informés par le ministre chargé de l’économie et des finances de toute opération d’investissement réalisée grâce aux crédits supplémentaires mentionnés qui excède un milliard d’euros.

Les rapporteurs se félicitent de la voie ainsi ouverte dans la réflexion sur la conditionnalité des aides publiques. L’État doit en particulier se doter des outils pertinents pour orienter l’allocation des aides reçues par les entreprises vers la décarbonation de leur activité, ce qui implique d’être capable de comparer le bilan carbone de la société avant et après l’octroi de ces aides. Cette démarche pourrait être étendue à l’ensemble des aides, en particulier celles au bénéfice des TPE et PME.

Recommandation : Renforcer la conditionnalité des aides aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), en l’étendant en particulier aux TPE et PME.

B.   Les territoires, partenaires essentiels pendant la crise et au moment de reprendre l’activité

Les collectivités territoriales ont fourni un appui précieux en complément des mesures décidées par l’État, dans la logique de la loi NOTRe de décentralisation de la compétence économique.

1.   Les mesures complémentaires mises en place par les collectivités territoriales pendant la crise

● Les régions participent tout d’abord au financement du fonds de solidarité, avec un engagement total de participation de 500 millions d’euros. Elles sont d’ailleurs en charge de l’instruction des dossiers pour les demandes d’aide du second niveau, qui permet aux entreprises les plus en difficulté de percevoir une aide complémentaire comprise entre 2 000 et 5 000 euros.

 

● Les collectivités ont également mis en place des dispositifs plus spécifiques, comme :

– la suspension, l’allongement ou le report du paiement des loyers pour les structures hébergées ou des remboursements des prêts régionaux (Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts de France, Occitanie) ;

– l’accélération des délais de paiements des subventions (Auvergne-Rhône-Alpes) ;

– la création de fonds régionaux, en lien avec la banque des territoires, par exemple dans le grand Est ;

– La mise en place de prêt rebonds en lien avec Bpifrance (Bourgogne – Franche-Comté, Centre Val-de-Loire, Nouvelle Aquitaine).

Le prêt « Rebond »

Le prêt « Rebond » est proposé par Bpifrance aux collectivités régionales, qui assurent son financement. Il s’agit d’un prêt sans garantie souscrit pour sept ans avec deux ans de différé de garantie.

Les régions Grand Est a été l’une des premières à financer ce dispositif, dès avant la crise, à hauteur de 75 millions d’euros. À fin mai 2020, 73 millions d’euros étaient souscrits, ce qui témoigne du succès du dispositif. La région souhaite réabonder le dispositif à hauteur de 25 millions d’euros supplémentaires, à l’aide de fonds européens

● L’initiative de la CPME et de Régions de France pour accompagner les entreprises en difficulté via le recours aux groupements de prévention agréés (GPA), mécanisme a déjà été expérimenté en Centre-Val-de-Loire, est à saluer. Le GPA a pour mission de détecter des acteurs en difficulté et de les accompagner pour leur éviter un enrôlement aux tribunaux de commerce. Les régions peuvent apporter leur soutien financier à ces groupements.

2.    Les territoires, au cœur de la définition d’un nouveau modèle économique

À l’occasion de leur évaluation des nouveaux outils de la politique industrielle ([27]), les rapporteurs spéciaux avaient souligné l’importance de mobiliser les collectivités territoriales sur ces enjeux.

La relance de l’économie et la définition d’un nouveau modèle industriel leur confère un rôle plus important encore. À court terme, la réindustrialisation et la relocalisation de la valeur et des chaînes de production sur les territoires constituent un enjeu essentiel, notamment pour les régions périurbaines et rurales. À plus long terme, il s’agira également d'inscrire la transition écologique dans la reconversion industrielle.

Pour cela, les collectivités territoriales doivent jouer pleinement leur rôle en matière de développement des entreprises, dans la logique de la loi NOTRe, en accompagnant les mutations industrielles afin de favoriser les implantations locales et la réindustrialisation, dans le respect des objectifs environnementaux.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 2 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Olivia Grégoire et M. Xavier Roseren, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Économie : Développement des entreprises et régulations ; prêts et avance à des particuliers et à des organismes privés.

 

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de lAssemblée nationale. Le compte rendu est lisible également en ligne.

 


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   SOURCES UTILISÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

– Barrot et al, Employment effects of alleviating financing frictions: worker-level evidence from a loan guarantee program, juillet 2019.

– Conseil de l’innovation, Fonds pour l’innovation et l’industrie, rapport 2018-2019.

– Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la mission Économie, avril 2020.

– Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur, avril 2020.


   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Direction générale des entreprises (DGE) : M. Thomas Courbe, directeur général ; M. Gaëtan Rudant, directeur de la DIRECCTE Ile-de-France, M. Benjamin Leperchey, directeur adjoint, chef du pôle économie, emploi, entreprises, M. Patrick Maddalone, directeur de la DIRECCTE Auvergne-Rhône‑Alpes

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale.

Banque de France : M. Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit, Mme Véronique Bensaïd-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur.

Bpifrance : M. Arnaud Caudoux, directeur général adjoint, M. Jean‑Baptiste Marin‑Lamellet, responsable des relations institutionnelles, M. Bernard Nicaise, directeur du réseau Est.

Des questionnaires écrits ont par ailleurs été reçus de CCI France, de la CMA France et de la CPME.

 

 


([1]) Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, compte rendu de l’audition de Mme Amélie Verdier, directrice du budget, mercredi 5 février 2020, séance de 9h30.

([2]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la mission Économie.

([3]) Ibid.

([4]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

([5])  Cour des comptes, Le budget de l’État en 2019, résultats et gestion, avril 2020.

([6])  Taux de TVA de 10 % applicable aux ventes à consommer sur place, à l’exception des ventes de boissons alcooliques (3 062 millions) ; taux de TVA de 10 % pour la fourniture de logements dans les hôtels (870 millions) ; taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les terrains de camping classés (219 millions d’euros) ; exonération de la contribution patronale et de la participation financière du comité d’entreprise et des organismes à caractère social au financement des chèques vacances (70 millions d’euros) ; crédit d’impôt en faveur des maîtres-restaurateurs (3 millions) ; réduction d’impôt sur le revenu au titre des travaux de réhabilitation effectués dans une résidence de tourisme classée (un million d’euros).

([7]) Cour des comptes, note d’analyse budgétaire de l’exécution 2019 de la mission Économie.

([8]) Ibid.

([9]) Le schéma réalisé dépassait de 13 ETP la prévision – celui de la DGE dépassant quant à lui sa prévision de 16 ETP.

([10]) Programme ad hoc créé pour financer des dépenses liées la présidence française du G7 en 2019 et intégré à la mission Action extérieure de lÉtat.

([11])  Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, – audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI France, et Mme Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française, mercredi 8 avril 2020, séance de 9 heures.

([12]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2820/AN/369

([13]) Réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([14]) Réponses au questionnaire des rapporteurs.

([15]) Réponses de Bpifrance au questionnaire envoyé par les rapporteurs.

([16]) Du point de vue comptable, il s’agit de l’écart entre les charges et les recettes de la société.  

([17])  Le haut de bilan désigne les éléments de long terme au bilan comptable d’une entreprise. Les opérations dites de haut de bilan sont notamment celles qui concernent le capital (augmentation de capital ou introduction en Bourse, le lancement d’un emprunt obligataire ou la structure des actifs immobilisés). Source : lafinancepourtous.com.

([18]) Cité par Les Échos, « Défense des sociétés cotées : les assureurs mettent 2 milliards d’euros de plus sur la table », 17 novembre 2019.

([19])  Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([20]) Le Monde, « L’État a massivement mis la main à la poche pour aider les start-up », 23 mai 2020.

([21])  Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2019-2020, compte rendu intégral de la première séance du jeudi 31 octobre 2019.

([22])  Barrot et al, juillet 2019, Employment effects of alleviating financing frictions : worker-level evidence from a loan guarantee program.

([23]) Réponses de la DGCCRF au questionnaire envoyé par les rapporteurs.

([24]) Action logement, Bouygues Télécom, Danone, EDF, ENEDIS, GRDF, GRT Gaz, ILIAD Free, Jouve, L’Oréal, Michelon, Orange, Sodexo et Système U.

([25]) Ministère de l’économie et des finances, « Prêt Garanti par l’État, situation au 7 mai 2020 ».

([26]) Commission européenne, communication modifiant l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 2020/C 112 I/01.

([27])  Olivia Gregoire et Xavier Roseren, annexe n° 20 au rapport de Joël Giraud, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018, n° 1947.