N° 3011

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 33
 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR :

 

RECHERCHE

 

 

Rapporteur spécial : M. Francis CHOUAT

 

Député

____

 

 


 


SOMMAIRE

___

Pages

Synthèse et chiffres-clés

RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION 2019, CONFORME À LA PRÉVISION, COMPTE PEU DE POINTS DE FRICTIONS

A. Le caractère interministériel de la mission Recherche et enseignement supérieur : un atout à renforcer

B. Les points d’attention de l’exécution 2019 des programmes Recherche de la MIRES

1. Le programme 172, principal financeur des opérateurs de recherche

2. Le programme 193, qui finance la politique spatiale française, est marqué par des choix de gestion discutables

3. Le programme 190 : des engagements lourds au titre de la recherche nucléaire

4. Le programme 192 : des aides à l’innovation sous tension

5. La recherche et l’enseignement supérieur agricoles du programme 142

C. Les dépenses fiscales de la MIRES constituent l’essentiel du soutien de l’État à l’innovation

SECONDE PARTIE : FACE À LA CRISE SANITAIRE, LA RECHERCHE FRANÇAISE A TENU SON RANG

A. En réponse à la crise, la recherche française mobilisée

1. Le plan de réponse de 50 millions d’euros du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

a. Une mobilisation rapide au niveau national

b. La démarche partenariale engagée avec les régions doit être encouragée

2. L’INSERM, opérateur-pivot de la recherche scientifique de la France

a. L’implication de l’INSERM dans le recherche sur le virus

b. Les tensions sur le budget 2020 de l’Institut resteraient limitées

3. Au niveau européen, des engagements qu’il reste à concrétiser

B. LA loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, levier de sortie de la crise sanitaire

1. L’importance de la recherche partenariale au moment de réinvestir massivement dans la recherche publique

2. La recherche, levier de mobilisation des territoires

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

SOURCES UTILISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL


—  1  —

   Synthèse et chiffres-clés

La cancérologie pédiatrique voit ses moyens renforcés avec la consolidation de la dotation supplémentaire de 5 millions d’euros.

Néanmoins, les moyens budgétaires alloués chaque année à la recherche sur les cancers pédiatriques doivent être clarifiés. Une comptabilité analytique de l’ensemble des moyens consacrés par la France à la recherche sur ce sujet doit être développée.

Prévoir une budgétisation suffisante des contributions de la France aux organisations scientifiques internationales, afin d’éviter que celles-ci ne soient honorées par des redéploiements de fin de gestion, illisibles pour le parlementaire et peu justifiables au niveau international.

La sécurisation des aides à l’innovation de Bpifrance en 2020 permettra d’augmenter le niveau des aides effectivement versées.

 

La réponse à la crise sanitaire accentue le besoin d’une ambition forte pour la recherche française, qui doit se traduire dans la loi de programmation pour la recherche.

 

Les outils d’initiative partagée entre État et collectivités territoriales, mis en place en réponse à la crise sanitaire, doivent être encouragés.

 

L’évaluation des dispositifs de valorisation de la recherche publique doit être renforcée, afin de concentrer l’investissement public sur les dispositifs les plus performants.

 

Dans le cadre de la LPPR, le développement des outils conjoints de financement de la recherche entre État, collectivités régionales et universités doit être encouragé.

 


   RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

– Renforcer le caractère interministériel de la MIRES, en particulier via l’organisation de conférences de budgétisation communes.

– Élargir le périmètre de la MIRES aux actions de recherche en matière de santé qui ne s’y trouvent pas.

– Débloquer à brève échéance les financements du ministère en charge de la santé à destination de l’INSERM au titre des plans santé qui lui sont confiés.

– Faire parvenir aux parlementaires un bilan chiffré des actions financées en 2019 et 2020 grâce à la dotation complémentaire en soutien à la cancérologie pédiatrique.

– Compléter les documents budgétaires avec une comptabilité analytique précise du coût de la recherche sur les cancers pédiatriques.

– En budget 2021, prévoir un montant suffisant au titre de la participation française aux organisations scientifiques internationales. 

– Sécuriser la dotation des aides à l’innovation versées par Bpifrance sur le programme 192.

– Maintenir le ratio d’encadrement au sein des établissements d’enseignement supérieur agricole.

– Accentuer l’évaluation des dispositifs de valorisation de la recherche en privilégiant l’investissement dans ceux qui présentent les meilleurs résultats.

– Encourager le développement d’outils de financement de la recherche conjoint entre État et collectivités régionales.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION 2019, CONFORME À LA PRÉVISION, COMPTE PEU DE POINTS DE FRICTIONS

La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) est composée de neuf programmes relevant de six ministères différents.

Mission Recherche et enseignement supérieur

Rapports spéciaux

Programmes

Exécution 2019 (CP, M€)

Rapport spécial Enseignement supérieur

150

Formations supérieures et recherche universitaire

13 518

231

Vie étudiante

2 666

Rapport spécial Recherche

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

6 852

193

Recherche spatiale

1 811

190

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 708

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

837

191

Recherche duale

122

186

Recherche culturelle et culture scientifique

109

142

Enseignement supérieur et recherche agricoles

342

Total

27 965

La mission présente donc une forte dimension interministérielle : en plus des responsables de programmes dépendant de six ministères différents, par l’intermédiaire des co-tutelles d’organismes de recherche, elle associe également les ministères chargés de la santé, du travail et des affaires étrangères.

A.   Le caractère interministériel de la mission Recherche et enseignement supérieur : un atout à renforcer

Le choix a été fait, avec la MIRES, de regrouper les crédits finançant la recherche publique sur une même mission, plutôt que de suivre les périmètres administratifs des différents ministères. En effet, aux termes de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances, « une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ». Au regard de cette logique, la volonté de regrouper les programmes finançant la politique d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation sur une même mission budgétaire est à saluer.

Néanmoins, le rapporteur spécial a eu l’occasion d’évoquer, dans son rapport portant sur le budget 2020 de la recherche, certaines critiques sur ce périmètre budgétaire et sur la réalité de son pilotage interministériel, dans la mesure ou les programmes dépendant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) représentent à eux seuls 90 % des crédits de la mission.

Ce constat avait conduit la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances ([1]) à préconiser le recentrage du périmètre de la MIRES « sur les quatre programmes gérés par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et de redistribuer les autres programmes dans le champ de compétence ministériel auquel ils appartiennent ».

La Cour des comptes s’est penchée sur cette question à l’occasion de son examen de l’exécution 2019 de la MIRES ([2]) et souligne que la quasi-totalité des acteurs consultés lors de son instruction (MESRI, direction du budget, responsables de programmes, responsables de la fonction financière ministérielle et CBCM des différents ministères) ne voit pas d’avantages en termes de gestion, mis à part pour le MESRI, ou de cohérence à appliquer la proposition de la MILOLF. Seule exception notable, la direction générale des entreprises envisagerait de rattacher le programme 192 à la mission Économie, conformément aux propositions de la mission. La Cour souligne par ailleurs que « renforcer le caractère interministériel de la MIRES semble opportun dans un contexte général où les acteurs académiques et économiques tendent à se rapprocher ».

Le rapporteur spécial, pour sa part, considère que le ministère de la recherche a vocation à conserver son rôle d’impulsion et de coordination de l’effort français de recherche, mais qu’il faut, pour cela, lui donner les moyens de pilotage nécessaires à l’exercice de ces responsabilités. À la suite de la Cour des comptes, il propose donc de renforcer le rôle d’impulsion politique et administrative du MESRI au sein de la mission budgétaire.

Dans cette optique, des conférences communes de budgétisation pourraient être organisées entre les différents ministères de la partie Recherche de la MIRES, à l’image de ce qui existe pour les deux programmes de la mission Aide publique au développement, autre mission à fort caractère interministériel, qui dépendent du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’économie et des finances. Cette démarche pourrait être particulièrement intéressante pour le budget de l’innovation, qui relève de plusieurs programmes et missions budgétaires ainsi que de différents canaux, dont certains extrabudgétaires. 

Recommandation : Renforcer le caractère interministériel de la MIRES, en particulier via l’organisation de conférences de budgétisation communes.

Le rapporteur spécial remarque également que la cohérence externe de la mission doit être renforcée : en effet, un certain nombre de dispositifs finançant la politique de recherche et d’innovation ne se situent pas dans le périmètre de la MIRES.

En particulier, les financements du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) continuent de relever du ministère des solidarités et de la santé (MSS). Par ailleurs, les crédits alloués aux deux « grands défis » relevant du MSS, financés à hauteur de 30 millions d’euros chacun par le Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I), à savoir « Comment améliorer les diagnostics médicaux par l’intelligence artificielle ? » et « Comment produire biologiquement et à coût réduit des protéines à forte valeur ajoutée ? », pourraient également être rattachés à la MIRES, au regard de l’importance de la recherche en matière de santé dans le total des crédits de la mission.

Recommandation : Élargir le périmètre de la MIRES aux actions de recherche en matière de santé qui ne s’y trouvent pas.

B.   Les points d’attention de l’exécution 2019 des programmes Recherche de la MIRES

Le présent rapport spécial porte sur les sept programmes indiqués dans le tableau ci-dessus.

Exécution 2019 des programmes Recherche de la MIRES

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

P172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

6 842

6 753

89,1

(– 1,3 %)

+ 103

6 942

6 852

90,2

(– 1,3 %)

+ 155

P193 Recherche spatiale

1 820

1 811

9,2

(– 0,5 %)

+ 213

1 820

1 811

9,2

(– 0,5 %)

+ 213

P190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 763

1 747

16,7

(– 0,9 %)

+ 599

1 723

1 708

14,9

(– 0,9 %)

+ 587

P192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

760

760

0,5

(– 0,1 %)

– 34

816

837

– 21

(2,6 %)

– 49

P191 Recherche duale (civile et militaire)

180

122

58

(– 32,3 %)

– 53

180

122

58

(– 32,3 %)

– 53

P186 Recherche culturelle et culture scientifique

112

109

2,7

(– 2,4%)

– 1

111

109

2,2

(– 2,0%)

– 2

P142 Enseignement supérieur et recherche agricoles

352

342

10,4

– 3,0 %

+2

353

342

10,5

(– 3,0 %)

+2

Total

11 830

11 643

186,6

( 1,6 %)

+830

11 945

11 781

164

( 1,4 %)

854

Source : Rapport annuel de performances 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

L’exécution 2019 de ces programmes, avec 11,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 11,8 milliards d’euros de crédits de paiement (CP), est proche de la prévision, de 11,8 milliards d’AE et 11,9 milliards de CP.

Depuis 2017, les crédits ont progressé de 711 millions d’AE et de 357 million de CP, ce qui témoigne d’un investissement constant dans la recherche française.

Progression des crédits des programmes du rapport spécial

(en millions d’euros)

 

Écart AE 2017-2019

Écart CP 2017-2019

P172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

+ 216

+ 256

P193 Recherche spatiale

+ 357

+ 357

P190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

+ 176

– 195

P192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

– 8

– 26

P191 Recherche duale (civile et militaire)

– 40

– 45

P186 Recherche culturelle et culture scientifique

– 2

– 4

P142 Enseignement supérieur et recherche agricoles

+ 11

+ 13

Total

+ 711

+ 356

Source : Rapports annuels de performances 2017 et 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

 

1.   Le programme 172, principal financeur des opérateurs de recherche

Avec 6,9 milliards de crédits de paiement exécutés en 2019, le programme 172 représente à lui seul plus de la moitié des crédits Recherche de la MIRES.

On constate un écart de 88,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 89,2 millions en crédits de paiement (CP) par rapport à la prévision. En fin d’année, la loi de finances rectificatives pour 2019 a annulé 91 millions d’AE (1,3 % de la prévision) et 94 millions de CP (1,4 % de la prévision). 

 

 


—  1  —

Exécution 2019 du programme 172

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

01 Pilotage et animation

205,4

215,9

– 10,5

(+ 5,1 %)

+ 31

207,2

222,3

-15,1

(7,3 %)

+ 35

02  Agence nationale de la recherche

768,8

713,7

55,1

(– 7,2 %)

+ 9

859,5

797,1

62,4

(– 7,3 %)

+ 54

11 Recherches interdisciplinaires et transversales

62,7

62,7

– 

– 

62,7

62,7

-

– 

12 Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

149,0

149,0

– 

– 

149,0

149,0

-

– 

13 Grandes infrastructures de recherche

264,1

255,8

8,4

(– 3,2 %)

+ 5

264,1

255,8

8,4

(– 3,2 %)

+ 5

14 Moyens généraux et d’appui à la recherche

917,1

889,7

27,4

(– 3,0 %)

+ 22

917,1

892,7

24,4

(– 2,7 %)

+ 28

15 Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé

1 219,4

1 212,5

7

(– 0,6 %)

+ 3

1 221,0

1 212,5

8,6

(– 0,7 %)

+ 3

16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information

982,6

982,6

0,1

(0,0 %)

– 

982,6

982,6

-

– 

17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie

743,8

743,2

0,6

(– 0,1 %)

 

749,7

749,2

0,4

(– 0,1 %)

+ 28

18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement

1 122,9

1 123,0

– 

+ 2

1 122,9

1 123,0

 

 +2

19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales

405,1

405,0

– 

– 

405,1

405,0

 

0

Total

6 841,2

6 753,0

88,1

( 1,3 %)

+ 103

6 941,1

6 851,9

89,2

( 1,3 %)

+ 155

Source : rapport annuel de performances 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur.


—  1  —

 La dotation du Centre national de la recherche scientifique

L’année 2019 a marqué le 80ème anniversaire de la création du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), opérateur majeur de la recherche scientifique française et institution scientifique reconnue au niveau mondial. Selon le classement SIR (Scimago Institutions Ranking), il occupe la deuxième position au niveau mondial en matière d’influence scientifique ([3]), derrière l’Académie des sciences chinoise qui l’a dépassé en 2017.

Le CNRS bénéficie en 2019 d’un budget total comprenant 3,56 milliards d’euros de recettes et 3,44 milliards d’euros de dépenses, soit un solde excédentaire de 119 millions d’euros La subvention versée depuis le programme 172 représente, avec 2,7 milliards d’AE et de CP, près de 80 % des ressources du Centre. Celle-ci est exécutée à un niveau proche de la prévision.

Les recettes totales du CNRS sont complétées par des ressources propres, dont 793 millions d’euros de recettes contractuelles et de soutiens finalisés à l’activité de recherche, 46 millions d’euros de produits issus de l’activité de recherche et de prestations de service et 92 millions d’euros d’autres subventions et produits divers. La masse salariale représente 73 % des dépenses totales.

● La dotation de l’Agence nationale de la recherche, en augmentation, permet de faire remonter le taux de sélection

La dotation allouée à l’Agence nationale de la recherche (ANR) atteint 797 millions d’euros en crédits de paiement, en augmentation de 54 millions par rapport à 2018 (+ 7,2 %). Cette hausse importante s’inscrit dans une trajectoire pluriannuelle de consolidation des moyens de l’Agence qui, en 2015, avaient atteint un point bas, avec 527 millions d’euros.

Le rapporteur constate néanmoins un écart important à la prévision pour la dotation de l’Agence, de plus de 7 % en AE et en CP, qui s’explique par une mise en réserve initiale plus importante que prévue en loi de finances. Comme il l’indiquait au moment de l’examen du budget 2020 de la MIRES, à l’automne 2019, la subvention versée à l’ANR n’a pas bénéficié tout de suite de la baisse de 8 à 3 % du taux de mise en réserve hors crédits de personnel prévu en loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2018-2022. Le budget pour 2020 a néanmoins acté l’application d’un taux de mise en réserve conforme aux dispositions de la LPFP.

L’effort continu en faveur des crédits de l’ANR a permis de faire remonter le taux de sélection des projets qui lui sont soumis. L’appel à projet générique (AAPG), principal programme de financement de l’Agence, sélectionne ainsi 16 % des projets qui lui sont soumis, soit 0,9 % de plus qu’en 2018.

Le montant moyen alloué par projet est stable, à environ 350 000 euros, entre 2017 et 2019, mais reste significativement inférieur au niveau atteint en 2009 (487 366 euros), alors même que le taux de sélection était plus élevé cette année-là (22,10 %). L’effort de renforcement des moyens de l’Agence doit donc être poursuivi. À terme, il est estimé que l’ANR doit bénéficier d’un milliard d’euros de subvention de l’État afin de rejoindre les standards de taux de sélection des autres agences européennes et mondiales.

 La dotation à l’Institut national de recherche agronomique

L’Institut national de recherche agronomique (INRA) a reçu une subvention de 709,3 millions d’euros de crédits de paiement en 2019. Le total de ses recettes atteint près de 900 millions d’euros, dont 176 millions de ressources propres.

Au 1er janvier 2020, l’INRA a fusionné avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), créant un nouvel Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Le MESRI a appuyé ce rapprochement par une dotation complémentaire de 3,1 millions d’euros en 2019. 

 La dotation à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a été financé à hauteur de 631 millions d’euros d’AE et de CP par le programme 172, soit l’essentiel de la dotation de l’État (636 millions d’euros) – le reste venant pour l’essentiel du ministère de la santé. Ces recettes sont complétées par 325 millions d’euros de ressources propres.

Le rapporteur spécial renouvelle les inquiétudes qu’il a déjà eu l’occasion d’exprimer concernant les compensations budgétaires des différents plans santé confiés à l’Institut : plan maladie neurodégénératives, plan France médecine génomique 2025, plan antibiorésistance, plan cancer. 

À cet égard, l’INSERM a alerté à plusieurs reprises le rapporteur sur « la grande difficulté qu’il a pour bénéficier des moyens de la part du ministère de la santé, son ministère de tutelle, afin de financer des activités de recherche dans le cadre des plans de Santé décidées par le gouvernement » ([4]). Cette situation est source de lourdeur administrative et rend difficile la réactivité budgétaire, ce qui peut poser problème dans un contexte de crise sanitaire. L’INSERM plaide ainsi pour la création d’un fonds national dédié pouvant financer des activités de recherche en santé humaine réalisées par les laboratoires.

 

 

Le rapporteur spécial est sensible aux difficultés posées par cette complexité administrative, et appelle à y apporter une solution rapide. Aujourd’hui, la complexité est telle que l’INSERM est parfois obligé de contractualiser avec certains CHU afin de bénéficier des financements prévus, ce qui ne constitue pas une solution viable à terme.

Recommandation : Débloquer à brève échéance les financements du ministère en charge de la santé à destination de l’INSERM au titre des plans santé qui lui sont confiés.

 Le soutien budgétaire à la cancérologie pédiatrique

L’Assemblée nationale a obtenu, pour l’année 2019, une dotation complémentaire de cinq millions d’euros à la recherche sur les cancers pédiatriques. Cette subvention a été effectivement versée à l’Institut national du cancer, et reconduite en 2020.

Plusieurs actions se sont concrétisées en 2020, dont deux appels à projets lancés au mois de mai. En raison de la crise sanitaire, un colloque international prévu en septembre 2020 a finalement été reporté en juin 2021.

La ministre de la recherche a sollicité du professeur Ifrah, directeur de l’Institut national du cancer, qui pilote le groupe de travail dédiée à la cancérologie pédiatrique, un bilan chiffré des actions financées sur la dotation complémentaire en 2019 et 2020. Le rapporteur spécial a demandé à être destinataire de ce document et s’assurera qu’il parvienne à tous les parlementaires intéressés par le sujet.

Recommandation : Faire parvenir aux parlementaires un bilan chiffré des actions financées en 2019 et 2020 grâce à la dotation complémentaire en soutien à la cancérologie pédiatrique.

La question de l’information des parlementaires reste posée. À l’occasion de son commentaire du budget 2020 de la MIRES proposé au vote du Parlement, le rapporteur spécial avait ainsi souligné l’importance d’améliorer l’information concernant le budget alloué à la recherche sur les cancers pédiatriques, à partir d’une comptabilité analytique regroupant les coûts de personnel, de fonctionnement et d’investissement. Le rapporteur spécial renouvelle cette recommandation, afin que les parlementaires puissent être informés de l’état de la recherche française portant sur les cancers pédiatriques en amont de la discussion budgétaire.

Recommandation : Compléter les documents budgétaires avec une comptabilité analytique précise du coût de la recherche sur les cancers pédiatriques.


—  1  —

 Les contributions aux organisations scientifiques internationales

Les crédits nécessaires au versement des contributions 2019 de la France aux organisations scientifiques internationales (OSI) ont pu être mobilisés grâce à des redéploiements de crédits opérés en fin de gestion. Face à un besoin de 13 millions d’euros pour financer cette contribution, la réserve de précaution a été annulée à un niveau moins élevé que prévu.

La Cour des comptes critique le principe d’appliquer une réserve de précaution à des dépenses présentant un caractère obligatoire et non soumis à aléas, dans la mesure où elles résultent d’un engagement de nature politique, et plaide pour exclure de l’assiette de la mise en réserve les contributions aux OSI. Le rapporteur s’associe à ces critiques et plaide pour qu’une budgétisation appropriée soit prévue dès la loi de finances initiale.

Recommandation : En budget 2021, prévoir un montant suffisant au titre de la participation française aux organisations scientifiques internationales. 

2.   Le programme 193, qui finance la politique spatiale française, est marqué par des choix de gestion discutables

L’exécution du programme 193, relatif à la politique spatiale de la France, est exécuté à un niveau proche de la prévision, malgré d’importantes annulations de crédits en fin de gestion.

Exécution 2019 du pogramme 193 Recherche spatiale

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

01 Développement de la technologie spatiale au service de la science

231

226

5

(– 2,2 %)

+ 28

231

226

5

(– 2,2 %)

+ 23

02 Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la terre

327

315

12

(– 3,6 %)

+ 29

327

315

12

(– 3,6 %)

+ 17

03 Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication

156

154

2

(– 1,3 %)

+ 23

156

154

2

(– 1,3 %)

+ 21

04 Maîtrise de l’accès à l’espace

674

665

9

(– 1,4 %)

+ 95

674

665

9

(– 1,4 %)

+ 85

05  Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique

268

308

– 40

(14,9 %)

+ 27

268

308

– 40

(14,9 %)

+ 67

06 Moyens généraux et d’appui à la recherche

87

68

18

(– 21,2 %)

+ 23

87

68

18

(– 21,2 %)

+ 5

07 Développement des satellites de météorologie

78

76

3

(– 3,5 %)

– 2

78

76

3

(– 3,5 %)

– 5

Total

1 820

1 811

9

( 0,5 %)

+ 222

1 820

1 811

9

( 0,5 %)

+ 213

Source : rapport annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur.

 Le financement de l’engagement de la France auprès de l’Agence spatiale européenne

Le dégel partiel de 42,85 millions d’euros de la réserve de précaution, sur un total de 52 millions, a notamment permis de financer le reste (34,85 millions d’euros) de la contribution française à l’Agence spatiale européenne pour 2019. La loi de finances rectificatives de fin d’année a annulé 9,15 millions d’AE et de CP, soit une part limitée des crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI).

Cette contribution est amenée à augmenter dans les prochains budgets. En effet, le conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne (ASE) de novembre 2019 à Séville a acté l’augmentation des contributions des États membres à 14,4 milliards d’euros sur la période 2020-2024, soit 4 milliards d’euros de plus que sur la période précédente. La France doit verser un total de 2,65 milliards d’euros.

Le Gouvernement s’est engagé à apurer la dette française vis-à-vis de l’ASE, qui s’élevait à 412,3 millions d’euros fin 2018. Le budget voté pour 2020 doit permettre de verser l’ensemble des sommes dues, ce à quoi le rapporteur spécial sera particulièrement attentif.

 Des annulations sur la subvention du CNES sur les programme 193 et 191 compensées par une subvention exceptionnelle

La subvention versée au CNES a été diminuée de 54,4 millions d’euros par la loi de finances rectificatives de fin 2019 sur le programme 193, en plus d’une annulation de 50 millions d’euros sur le programme 191.

Les crédits du programme 191 sont de ce fait marqués par une forte sous-exécution, dans la mesure où 121,5 millions d’AE et de CP ont été consommés, contre une prévision de 179,5 millions. Cet écart se retrouve sur l’action n° 3 Recherche dans le domaine aérospatial, qui finance une subvention au CNES, sur laquelle 96 millions d’AE et de CP ont été consommés, sur une prévision de 150,2 millions, en raison d’une annulation de 55 millions d’euros par la loi de finances rectificative de fin 2019.

Cette annulation a été compensée en partie par l’ouverture d’une subvention non prévue en LFI de 80 millions d’AE et de CP sur le programme 146 Équipement des forces, qui relève du ministère des Armées. Néanmoins, comme le souligne la Cour des comptes, ce versement complémentaire n’a pas été couvert par une ouverture de crédits en loi de finances rectificative sur le programme 146. Cette subvention exceptionnelle de 80 millions d’euros résulte d’un arbitrage interministériel de fin de gestion qui conduit à diminuer à due concurrence le budget du ministère des Armées.

 

 

Pour le CNES, ces choix de fin de gestion ont conduit à une baisse de subventions de 10 millions d’euros, qui doit être financée par mobilisation de la trésorerie de l’établissement. À titre de comparaison, le solde budgétaire du Centre serait excédentaire de 70,4 millions d’euros en 2019, ce qui constitue une situation favorable et permettra de ne pas fragiliser l’établissement.

Le caractère exceptionnel de cette subvention fait cependant craindre une non- reconduction sur les prochains exercices, si des choix similaires de fin de gestion devaient conduire à des annulations similaires sur les programmes finançant le CNES. Aussi, le rapporteur spécial sera attentif aux choix de gestion qui seront faits fin 2020. 

3.   Le programme 190 : des engagements lourds au titre de la recherche nucléaire

Le programme 190, placé sous la responsabilité du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) est marqué par le poids des engagements au titre de la recherche nucléaire, qui mobilise 68 % des crédits du programme.

Exécution 2019 du programme 190

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

Prévision

Exécution

Écart à la prévision

Évolution 2018/2019

11 Recherche dans le domaine des risques

177,1

174,4

2,8

(– 1,6%)

+ 0,4

177,1

174,4

2,8

(– 1,6 %)

+ 0,4

12 Recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l’aménagement

101,8

99,5

2,3

(– 2,3%)

– 0,6

101,8

99,5

2,3

(– 2,3 %)

– 0,7

13 Recherche partenariale dans le développement et l’aménagement durable

1,6

– 0,3

1,9

– 

– 1,7

3,6

2,7

0,8

(– 23,6 %)

– 1,1

14  Recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile

135,0

134,3

0,7

(– 0,5 %)

+ 2,7

92,7

92,7

-

– 10,0

15 Charges nucléaires de long terme des installations du CEA

740,0

740,0

-

-

740,0

740,0

-

-

16 Recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire

431,4

423,2

8,2

(– 1,9 %)

– 45,2

431,4

423,2

8,2

(– 1,9 %)

– 45,2

17 Recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie

176,3

175,5

0,8

(– 0,4 %)

+ 47,2

176,3

175,5

0,8

(– 0,4 %)

+ 47,2

Total

1 763,3

1 746,6

16,7

(– 0,9 %)

+ 2,7

1 722,9

1 708,0

14,9

(– 0,9 %)

 9,5

Source : rapport annuel de performances 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur.


 La dotation au Commissariat à l’énergie atomique (CEA)

Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a reçu un financement de l’État de 2 milliards d’euros d’AE et de CP en 2019 au titre de ses activités civiles. Le programme 190 verse la plus grande part de cette subvention, avec 1,2 milliard, suivi par le programme 172 avec 685 millions, le programme 192, avec 52 millions et le programme 191 avec 26 millions d’euros.

Le budget total du CEA est excédentaire, avec 5,67 milliards d’euros de ressources et 5,65 milliards d’euros de dépenses.

Les versements réalisés via l’action n° 15 Charges nucléaires de long terme des installations du CEA permettent de financer la constitution d’une provision visant à honorer un engagement hors-bilan de l’État, aux termes de la convention-cadre passée avec le CEA en octobre 2010, qui doit permettre de couvrir les coûts de démantèlement des installations et de gestion des déchets radioactifs. Or, la Cour des comptes souligne que le versement annuel de 740 millions d’euros au titre de cette provision devra être réévalué à partir de 2023, et s’inquiète dès lors que les autres actions du programme, notamment celles finançant la recherche en matière de transition énergétique, soient mobilisées ([5]). Le rapporteur spécial veillera à approfondir le sujet lors de la préparation de l’examen du budget 2021 du programme.

 La dotation à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a reçu une dotation de 168 millions d’euros depuis le programme 190, inférieure de deux millions d’euros à la prévision. Le rapporteur spécial note que l’augmentation d’un million d’euros de la dotation entre 2018 et 2019 a été en grande partie annulée en loi de finances rectificative (0,85 million). Cet écart est en partie compensée par une surexécution de 100 000 euros du complément de dotation versé à l’IRSN depuis le programme 212 Soutien de la politique de défense, dépendant du ministère des Armées. L’Institut bénéficie par ailleurs du produit de la taxe due par les exploitants des installations nucléaires de base (INB), plafonnée à 62,5 millions d’euros.

Le résultat de l’IRSN serait néanmoins déficitaire sur 2019, en l’état des données publiées, avec un déficit de l’ordre de 13 millions d’euros.

 

 

 


4.   Le programme 192 : des aides à l’innovation sous tension

Le programme 192 finance en particulier les aides à l’innovation versées par Bpifrance. Cette ligne budgétaire est confrontée à un problème récurrent, liée au dynamisme d’autres dépenses qui contraignent le responsable de programme a des redéploiements de crédits.

 Les aides à l’innovation, toujours affectées par le dynamisme des dépenses JEI

Le rapporteur spécial a déjà déploré la tendance au redéploiement des aides à l’innovation au profit d’autres dépenses. En effet, l’exécution de ces aides atteint 84,96 millions d’euros en 2019, contre une prévision initiale de 110,8 millions d’euros.

Cette situation s’explique par la surexécution récurrente d’autres dépenses du programme 192. Étant donné la relative rigidité des actions financées sur le programme, le redéploiement auquel le responsable de programme est contraint affecte souvent le montant des aides à l’innovation effectivement versées.

Ainsi, en 2019, la compensation à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au titre du dispositif « jeunes entreprises innovantes » est surexécutée : alors que la loi de finances initiale prévoyait un besoin de 196,4 millions d’euros d’AE et de CP, 210,6 millions ont été exécutés, soit un écart de 14,21 millions d’euros.

La sous-exécution des aides à l’innovation s’explique également par une mise en réserve de 8,1 millions d’euros, soit près de 7 % de l’enveloppe initiale. Le responsable de programme a en effet décidé une mise en réserve complémentaire, au-delà du taux de 3 % normalement applicable. Enfin, la loi de finances rectificative de fin d’année a annulé 3,5 millions d’euros d’AE et ce CP

Cette situation illustre le fait que les aides à l’innovation de Bpifrance versées par le programme 192 constituent une véritable variable d’ajustement pour faire face aux aléas de gestion du programme, en premier lieu la dotation du dispositif JEI. Face à cette situation, le Parlement a adopté, pour l’année 2020, un mécanisme de plafonnement de la compensation versée à l’ACOSS, qui devrait permettre de sécuriser le montant des aides à l’innovation. Le rapporteur sera attentif à l’effectivité de ce plafonnement décidé à partir de 2020.

Recommandation : Sécuriser la dotation des aides à l’innovation versées par Bpifrance sur le programme 192.

 

 

● La surexécution de l’action 3 Soutien à la recherche industrielle stratégique, tant en AE (119,4 millions exécutés contre 100,5 millions prévus) qu’en CP (196,2 millions exécutés contre 155,9 millions prévus) s’explique par d’importants mouvements de crédits en cours de gestion et par des ouvertures de fonds de concours sur le programme.

L’exécution du programme 192 est également marquée par le transfert de 50 millions d’euros d’AE et de 40 millions de CP au titre du dispositif dit « Régime d’appui à l’innovation duale » (RAPID) opéré par le ministère des Armées et son Agence de l’innovation de défense (AID).

 Le financement des plans Nano

En 2019, le financement des plans Nano 2017 et Nano 2022 a entraîné des modifications dans la répartition initiale des crédits. Ces plans bénéficient en particulier des ressources dégagées par le Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I) :

– le plan 2017 est financé par des crédits issus du PIA et du F2I à hauteur de 45,8 millions d’euros d’AE et de CP.

– le plan 2022 est financé par l’ouverture d’un fonds de concours de 50 millions d’AE et de CP en provenance de crédits du F2I et par le transfert de 4,8 millions d’euros d’AE et de 3,7 millions de CP depuis le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense.

5.   La recherche et l’enseignement supérieur agricoles du programme 142

Les crédits du programme 142, avec 342 millions d’AE et de CP consommés, connaissent une sous-exécution de l’ordre de 10 millions d’euros, ce qui va au-delà de la réserve de précaution, de 4,2 millions d’AE et de 4,3 millions de CP. Cet écart se retrouve pour l’essentiel sur l’action n° 1 Enseignement supérieur, dont les crédits consommés sont inférieurs de 7,9 millions d’euros à la prévision en AE et CP.

Cette situation est préjudiciable au moment où le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a demandé à ses établissements d’enseignement supérieur d’augmenter les promotions au sein des établissements d’enseignement supérieur agricole de 1 700 étudiants en cinq ans. La Cour des comptes s’inquiète en particulier du fait que la loi de finances initiale pour 2020 ne prévoit la création d’aucun emploi statutaire pour absorber ce surcroît d’activité ([6]).

 

Le rapporteur spécial s’associe à cette préoccupation et appelle à préserver le ratio d’encadrement au sein de ces établissements. En effet, en matière vétérinaire par exemple, la dégradation du ratio d’encadrement peut entraîner la perte de l’accréditation délivrée par l’Association européenne des établissement d’enseignement vétérinaire, ce qui nuirait à l’attractivité de ces établissements.

Recommandation : Maintenir le ratio d’encadrement au sein des établissements d’enseignement supérieur agricole.

C.   Les dépenses fiscales de la MIRES constituent l’essentiel du soutien de l’État à l’innovation

Les crédits budgétaires de la mission sont complétés par d’importantes dépenses fiscales.

Ainsi, treize dépenses fiscales financent la politique de recherche et d’innovation et sont, à ce titre, rattachées aux programmes Recherche de la MIRES. Leur montant atteint 7,47 milliards d’euros, en progression de 466 millions d’euros par rapport à 2018, soit + 6,7 %.

Cette progression s’explique en particulier par le dynamisme du crédit d’impôt recherche, dont le coût progresse de 300 millions d’euros entre 2018 et 2019 pour atteindre 6,5 milliards d’euros, et de la taxation à taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets, dont le chiffrage pour 2019, avec 566 millions d’euros, progresse de 179 millions d’euros.

Le crédit d’impôts recherche, évolutions et évaluations

Dans les dernières décennies, le crédit d’impôt recherche (CIR), créé en 1983, a connu d’importantes évolutions. Ainsi, en 2004, l’introduction d’une part en volume dans le calcul du crédit d’impôt a entraîné une très forte augmentation des entreprises déclarantes et du montant de la créance. La réforme de 2008, a instauré un dispositif uniquement en volume, sans plafond et avec un taux de 30 % pour la plupart des entreprises. Aujourd’hui, le taux est de 30 % pour la fraction des dépenses éligibles au crédit d’impôt inférieures à 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction au-delà.

Le débat est réccurent sur l’efficacité et l’efficience du CIR, qui doit permettre d’augmenter les dépenses privées de recherches et développement (DIRDE). Ces dernières années, de nouvelles études ont été commandées afin de disposer d’éléments chiffrés et objectifs sur ce sujet. En particulier, le MESRI a sollicité les chercheurs B. Mulkay et J. Mairesse afin qu’ils actualisent leur étude de 2011 sur l’impact du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises.

En 2019, la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) a publié une synthèse de quatre études réalisées à son initiative, concluant que la réforme du CIR de 2008 avait atteint sa première cible, à savoir la croissance des dépenses de R&D de ses bénéficiaires dans une période pourtant marquée par la crise économique et la poursuite du mouvement de désindustrialisation de l’économie française. Le CNEPI relève néanmoins que ces études ne tiennent pas compte des effets indirects du CIR (diffusion du savoir, autres interactions macroéconomiques, y compris en termes de recettes fiscales induites) et a donc lancé une seconde phase d’évaluation, notamment en commanditant une série d’études ciblées sur ces questions complémentaires.

En loi de finances pour 2020, des évolutions sont intervenues afin de restreindre l’assiette du crédit d’impôt, avec la baisse du taux de majoration forfaitaire calculé sur les dépenses de personnel, ramené de 50 à 43 %, et le durcissement des conditions relatives à la sous-traitance.

Source : Cour des comptes, NEB 2019 de la MIRES.

 


—  1  —

   SECONDE PARTIE : FACE À LA CRISE SANITAIRE,
LA RECHERCHE FRANÇAISE A TENU SON RANG

La réponse à la crise sanitaire a beaucoup impliqué la communauté scientifique française. Sa réactivité et sa capacité d’adaptation sont à saluer, alors que les mesures de confinement ont beaucoup restreint la capacité à mobiliser des équipes. Les scientifiques ont d’ailleurs été largement associés aux décisions prises au niveau du Gouvernement.

A.   En réponse à la crise, la recherche française mobilisée

La réponse scientifique, essentielle pour faire face à la crise sanitaire, a pu être financée par un déblocage rapide de crédits complémentaires.

1.   Le plan de réponse de 50 millions d’euros du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le ministère de la recherche a répondu au déclenchement de la crise sanitaire par la mobilisation de 50 millions d’euros issus de la réserve de précaution du programme 172.

a.   Une mobilisation rapide au niveau national

Le MESRI a pu débloquer des fonds supplémentaires pour financer un plan d’urgence en faveur de la recherche sur le virus.

● Le plan d’urgence a permis de financer, dès le mois de mars, 20 projets de recherche sur le virus, pour un engagement de 11 millions d’euros, dont un peu moins de la moitié avaient été engagés au 31 mai 2020. Le consortium REACTing a également pu être doté de 1,75 million d’euros supplémentaires.

Les décisions de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et du ministre des solidarités et de la santé se sont appuyées sur le Comité analyse, recherche et expertise (CARE), mis en place par le Président de la République. Présidé par Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine, ce comité composé de douze chercheurs et médecins est chargé d’apporter une expertise scientifique rapide aux sollicitations des ministres. Ce comité a par ailleurs bénéficié de 4 millions d’euros pour soutenir des projets d’innovation de court terme.

La recherche vaccinale bénéficie également de 10 millions d’euros supplémentaires, pour le développement de projets de vaccins et la mise en place d’une plateforme d’essais vaccinaux.

Enfin, 4 millions d’euros au profit des organismes de recherche sont prévus afin de financer une prime exceptionnelle liée à la mobilisation de leurs agents durant la crise sanitaire.

Au total, sur les 50 millions d’euros débloqués, 31,2 millions ont été engagés, au 31 mai 2020, sur divers projets de recherche liée à l’épidémie.

● L’Agence nationale de la recherche (ANR) a mobilisé 14,5 millions d’euros pour financer un appel à projet « flash », qui a connu un certain succès, avec 270 projets déposés pour un total de demandes de 40 millions d’euros. Ce financement permet un taux de sélection favorable de plus de 36 %. Le plan d’urgence du MESRI contribue, avec 8 millions d’euros, à plus de la moitié du financement de l’appel à projet de l’ANR.

Les laboratoires de l’INSERM ont reçu une part importante de ce montant, 42 unités ayant été sélectionnées et dotées de 7,31 millions d’euros, avec des dotations unitaires comprises entre 59 000 et 200 000 euros.

● Le Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) du ministère des solidarités et de la santé (MSS) a permis de financer une partie des trois projets Discovery, French Covid et CovContact pour un montant global de 6,3 millions d’euros.

● En partenariat avec l’Agence française de développement (AFD), l’INSERM a mobilisé 1,5 million d’euros afin d’améliorer la veille sanitaire et la prise en charge des infections par le virus dans cinq pays africains : Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Gabon, Mali et Sénégal.

b.   La démarche partenariale engagée avec les régions doit être encouragée

Le ministère de la recherche a également entrepris une démarche partenariale avec les collectivités régionales, par la mise en place d’appels à projet cofinancés par l’État et la région, à hauteur d’un million d’euros chacun. Ces appels à projet sont conçus autour d’une réflexion sur le « rebond » du territoire concerné après la crise sanitaire et doivent permettre de résoudre des problématiques locales spécifiques. La sélection de ces projets est assurée par les comités scientifiques de l’ANR.

Les trois régions Grand Est, Haut-de-France et Île-de-France avaient, à la date d’écriture du présent rapport, engagé une telle démarche – ce qui représente un engagement de l’État de 3 millions d’euros, financés par le plan d’urgence du MESRI. L’appel à projet d'initiative partagée « Résilience Grand Est »

Cet appel à projets a pour objectif d'évaluer l'impact territorial dans le Grand Est de la pandémie Covid-19 sur l'économie, la société et l'environnement, afin de faire évoluer les systèmes de développement du territoire, et d’encourager les collaborations entre les communautés et les laboratoires de la région.

L'appel à projets s'adresse aux organismes et établissements de recherche publics du Grand Est ainsi qu'aux consortiums constitués d'acteurs académiques et privés. Il concerne les thématiques suivantes :

– le développement de nouveaux modèles économiques pour un territoire plus résilient et performant, notamment grâce à la bioéconomie (bioressources, circuits courts, économie circulaire, souveraineté économique, définition de filières prioritaires, parcours d'accompagnement dans la durée...) ;

– le développement de nouvelles méthodes d'organisation du travail (la digitalisation des procédures, la gestion de données, les méthodes de management adaptées, une plus grande réactivité des organisations...) ;

– le renforcement des capacités de recherche en matière de santé principalement pour les enjeux « non cliniques » (chimie du végétal, nouveaux matériaux, dispositifs médicaux, utilisation de l'intelligence artificielle) et l'organisation du système de soins (développement de la télémédecine, téléconsultation, suivi de maladies chroniques, essais accélérés...) ;

– l'évolution de l'aménagement des espaces (urbains, ruraux, périurbains...) en lien avec les impératifs de transition (numérique, écologique, énergétique...) ;

– l'agriculture et l'alimentation de demain.

Source : MESRI, communiqué de presse du 6 mai 2020.

Le rapporteur spécial considère que cette initiative est extrêmement positive et doit être durablement encouragée. La loi de programmation pour la recherche sera l’occasion d’inventer et d’inciter à la création de tels outils d’initiative partagée entre l’État et les collectivités régionales.


—  1  —

2.   L’INSERM, opérateur-pivot de la recherche scientifique de la France

Alors que l’Institut est mobilisé sur l’ensemble des axes de recherche sur l’épidémie, les tensions sur son budget resteraient limitées en 2020.

a.   L’implication de l’INSERM dans le recherche sur le virus

● Le consortium REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases([7]), coordonné par l’INSERM, a constitué la force de réaction rapide de la recherche française face au déclenchement de l’épidémie. Créé en 2013 après l’épidémie de chikungunya, son rôle est de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes. Le conseil scientifique du consortium est à l’origine de la sélection des 20 projets de recherche évoqués supra.

Le consortium s’est notamment mobilisé par l’octroi de financements d’urgence de 500 000 euros et par la constitution de groupes de travail (task force([8]) réunissant certains membres du comité CARE chargés d’identifier les projets jugés prioritaires. Cette enveloppe a permis de financer une partie de l’essai clinique européen Discovery, dont la partie française est dirigée par le professeur Florence Ader et de l’étude French Covid, menée par France Mentré, avec une dotation de 200 000 euros.

Des réunions ont également été organisées afin de permettre à certaines entreprises de présenter leurs produits à des chercheurs, dans l’optique d’accélérer la recherche sur les traitements par la mise en place de collaborations entre secteur public et privé.

Enfin, REACTing a proposé un appui au renforcement des capacités en Afrique avec le projet APHRO-CoV en partenariat avec la Société africaine de pathologie infectieuse (SAPI).

● Au niveau de l’INSERM, une soixantaine de projets liées à l’épidémie mobilisent environ 700 de ses effectifs de chercheurs. Les principaux projets sont les suivants :

– l’essai européen Discovery, qui intègre, pour sa partie française, 750 patients hospitalisés en raison du virus, afin de tester de façon aléatoire cinq modalités de traitement ;

– l’étude Corimuno-19, dont l’objectif est de tester plusieurs traitements pour déterminer lesquels présentent le rapport risque-bénéfice le plus favorable chez les patients adultes ;

– l’essai Coviplasm, qui vise à évaluer l’utilisation de plasma de patients guéris comme traitement pour les patients infectés ;

– l’étude Epicov, menée auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 200 000 personnes, destiné à établir une cartographie du statut immunitaire de la population, de la santé, des conditions de vie et des inégalités sociales ainsi qu’un suivi de la dynamique de l’épidémie.

Le rapporteur tient également à saluer l’implication de l’INSERM dans la diffusion de connaissances scientifiques fiables destinées à lutter contre les fausses nouvelles.

 La conception d’un vaccin représente une priorité absolue. Dès le départ, le MESRI a retenu la piste vaccinale dans son plan d’urgence de 50 millions d’euros, comme évoqué supra. Actuellement, deux à quatre pistes prometteuses pourraient être retenues afin d’obtenir un financement.

L’Institut Pasteur porte pour sa part trois projets de vaccins : un vaccin d’ADN, entré dans sa phase de recherche, un vaccin avec vecteur antiviral, encore dans une phase très amont et la réutilisation du vaccin de la rougeole, le plus avancé, en lien avec une PME autrichienne du secteur des biotechnologies (Themis), récemment rachetée par un grand groupe américain (Merck & Co) en vue d’une industrialisation. La phase 1 de tests cliniques sur le vaccin de la rougeole devrait commencer au mois de juillet, avec une prévision d’autorisation et d’industrialisation début 2021.

b.   Les tensions sur le budget 2020 de l’Institut resteraient limitées

Interrogé par le rapporteur spécial, l’INSEM a identifié de nouvelles dépenses liées à la crise non prévues dans le budget initial :

– la prolongation des contrats de recherche, qui pourrait représenter un surcoût de l’ordre de 10 millions d’euros ;

– la reprise ou la reproduction des expériences en cours lors de la fermeture des laboratoires, estimées à six millions d’euros ;

– le financement des projets liés à l’épidémie : 900 000 euros au titre du projet Discovery et 9,4 millions d’euros pour le projet EPICOV ;

– des besoins supplémentaires de deux millions d’euros pour le fonctionnement du consortium REACTing ;

– le versement d’une prime de 1 000 euros aux agents de l’Institut particulièrement mobilisés, qui représenterait un coût non prévu de 2,8 millions d’euros.

L’ensemble de ces mesures permettent d’identifier un besoin complémentaire, à la date d’écriture du présent rapport, de 31,3 millions d’euros. L’INSERM a indiqué au rapporteur spécial qu’une sollicitation de financements complémentaires à hauteur de 20 millions d’euros avait été adressée au MESRI. Les autres ressources de l’Institut devraient également diminuer, du fait du ralentissement de leurs contrats de recherches, de l’ordre de 30 millions d’euros.

Cet enjeu budgétaire doit être pris en compte, alors que les conférences de budgétisation qui préparent le budget de l’année 2021 se déroulent actuellement entre la direction du budget et les ministères dépensiers. Le rapporteur spécial y sera attentif au moment de l’examen du budget pour 2021. 

3.   Au niveau européen, des engagements qu’il reste à concrétiser

● En réponse à la crise sanitaire, la Commission européenne a mobilisé 47,5 millions d’euros par redéploiement des fonds du programme Horizon 2020 et 45 millions d’euros dans le cadre de l’« Initiative médicaments innovants » (IMI), partenariat entre la Commission et l’industrie pharmaceutique. Dans ce cadre, cette dernière doit mobiliser une somme comparable, portant le total des financements à 90 millions d’euros.

 L’essai Discovery devait être l’occasion d’une mobilisation scientifique européenne forte. Annoncé fin mars 2022, il prévoyait d’inclure 3 200 patients européens, dont au moins 800 en France. Six pays, en plus de la France, ont alors annoncé leur participation (Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni). La partie française de l’essai est financée pour l’essentiel par l’attribution de 4 millions d’euros du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) du MSS.

Cet essai n’a pas produit la coopération espérée. À la date de rédaction du présent rapport, en dehors de la France, un seul patient luxembourgeois avait été inclus à l’étude. Le rapporteur regrette que cet essai n’ait pas été l’occasion d’une coopération européenne accrue, coopération pourtant déterminante afin d’assurer la souveraineté scientifique de l’Union européenne.

 


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B.   LA loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, levier de sortie de la crise sanitaire

La France a été au rendez-vous de la réponse scientifique à la crise sanitaire ; elle a maintenant le devoir d’accélérer. En effet, au moment de sortir de cette crise, la question de l’investissement dans la recherche est plus que jamais d’actualité.

Lors de sa visite de l’Institut Pasteur de Paris le 19 mars 2020, le Président de la République a annoncé que, d’ici 2030, 5 milliards d'euros supplémentaires seraient consacrés chaque année à la recherche publique française. Cette annonce inclut en particulier une augmentation annuelle d’un milliard d’euros de la recherche autour des grands enjeux de la santé globale et du vivant.

Ces moyens supplémentaires doivent être déclinés au sein de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR). Les trois axes prioritaires déjà identifiés en préparation de cette loi restent plus que jamais pertinents, à savoir le renforcement des capacités de financement de la recherche, l’adaptation des politiques de ressources humaines et le développement de la recherche partenariale.

1.   L’importance de la recherche partenariale au moment de réinvestir massivement dans la recherche publique

Face à de grandes puissances comme les États-Unis ou la Chine, la recherche et l’innovation publique, privée et partenariale sont une clé du redressement de notre pays et un enjeu national et européen de souveraineté. Dans ce contexte, le rapporteur tient à insister sur l’importance de la recherche partenariale, axe qu’il a pu approfondir en tant que co-rapporteur du groupe de travail portant sur la recherche partenariale et l’innovation, constitué en préparation de la LPPR.

Les conclusions de ces travaux ont en particulier souligné trois urgences :

– celle de créer des leaders mondiaux d’origine française fondés sur des découvertes issues de la recherche publique, qui pourront créer les ruptures de marché de demain ;

– celle d’augmenter significativement l’ampleur, la profondeur et la continuité des interactions public-privé, public-public et public-société civile ;

– à court terme, celle de gagner significativement en simplicité, agilité et vitesse et de responsabiliser les acteurs de l’innovation.

 

En effet, comme le soulignait le rapporteur général de la commission des finances lors de l’examen en commission d’évaluation des politiques publiques de la mission Recherche et enseignement supérieur ([9]), la LPPR doit être l’occasion de concrétiser l’ambition déjà ancienne « d’insérer la recherche publique dans les rails de la recherche privée, et inversement ». Dans cette optique, il émettait d’ailleurs le souhait qu’un certain nombre de dispositif de valorisation de la recherche publique soient remis à plat, en particulier les sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT) dans une perspective de simplification et de plus grande efficience de la dépense publique.

Le rapporteur spécial partage ces préoccupations. Le groupe de travail mentionné supra soulignait d’ailleurs que « aujourd’hui, force est de constater que l’organisation des activités de transfert et de valorisation est au milieu du gué avec une concurrence et des doublons des différentes entités de transfert, avec pour conséquence un manque d’agilité et de rapidité et une sous-exploitation du potentiel d’innovation des laboratoires, alors même que la concurrence mondiale croît très rapidement ».

Aussi, la discussion de la LPPR doit être l’occasion d’une remise à plat des dispositifs de valorisation de la recherche publique, en renforçant les exigences d’évaluation de leurs résultats. L’investissement public doit ainsi se concentrer sur ceux qui présentent les meilleurs résultats (thèses CIFRE, chaires industrielles de l’ANR, LabCom, Instituts Carnot, plateformes technologiques publiques, IRT et ITE), conformément aux conclusions du groupe de travail sur la recherche partenariale et l’innovation.

Recommandation : Accentuer l’évaluation des dispositifs de valorisation de la recherche en privilégiant l’investissement dans ceux qui présentent les meilleurs résultats.

Cette loi de programmation sera également l’occasion de revaloriser les carrières des chercheurs et d’ouvrir leurs possibilités de mobilité.

Concrètement, dès 2021, la ministre de la recherche s’est engagée à ce que tout chargé de recherche et tout maître de conférence soit recruté à un salaire égal à deux fois minimum le niveau du SMIC ([10]), contre seulement 1,3 à 1,4 aujourd’hui. Une revalorisation indemnitaire est également prévue afin de garantir que les jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs recrutés au cours des dernières années ne seront pas perdants.

En cohérence avec les dispositions adoptées au sein de la loi PACTE, les chercheurs publics pourront également passer plus de temps en entreprise, afin de valoriser leur activité de recherche.

2.   La recherche, levier de mobilisation des territoires

Les collectivités territoriales doivent être pleinement associées à l’effort d’investissement dans la recherche française. En 2014, la Commission nationale d’évaluation des politiques d’évaluation (CNEPI) estimait que celles-ci avaient consacré plus de 800 millions d’euros aux politiques d’innovation, soit 15,4 % du soutien direct. Dans ce total, les régions ont mobilisé à elles seules 500 millions d’euros.

Le rapporteur plaide pour que l’émergence des régions, véritable lame de fond dans notre organisation institutionnelle, soit pleinement prise en compte au sein de la LPPR. Cela implique de renforcer les dispositifs réunissant État, collectivités et universités, afin d’adapter les politiques de recherche aux besoins des territoires. Ainsi qu’il a déjà été souligné, la mise en place d’appels à projet conjoint État-région en réponse à la crise sanitaire est un signal très positif, qu’il conviendra d’encourager sur la durée.

Recommandation : Encourager le développement d’outils conjoints de financement de la recherche entre État et collectivités régionales.

Notre pays a l’opportunité historique de se doter d’une très grande ambition pour sa recherche. La loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui devrait être examinée et votée avant la fin de l’année 2020, permettra de donner une trajectoire et des objectifs et d’ancrer dans le réel les moyens de les atteindre, comme l’a rappelé le Président de la République.

L’ambition est de porter l’effort de recherche publique à 1 % du PIB, ce qui implique d’augmenter les moyens annuels de la recherche de cinq milliards d’euros d’ici 2030. Complétant l’investissement public, l’effort privé doit permettre d’atteindre les 3 % du revenu national consacré à la recherche, en particulier grâce au crédit d’impôt recherche (CIR), qu’il faudra probablement rendre plus transparent. Renforcer l’incitation à innover pour les entreprises est primordial au moment où, à la faveur de la crise économique, les dépenses d’innovation ne sont plus prioritaires.

Le rapporteur considère que la crise actuelle ne doit pas faire abandonner l’ambition initiale, ni aboutir à une concentration des efforts sur les risques épidémiques. Les risques sont multiples, et la compétition scientifique féroce, ce qui doit inciter le Gouvernement et le Parlement à maintenir un même niveau d’ambition budgétaire, afin de remettre la recherche au cœur du village français et européen. La LPPR est l’occasion pour la France de consolider et parfois de reconstruire sa souveraineté scientifique pour les décennies à venir, en lien avec le budget européen.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 2 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Francis Chouat, rapporteur spécial des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur : Recherche.

 

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

 


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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation :

– M. Lloyd Cerqueira, conseiller parlementaire au cabinet de la ministre

 

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) :

– M. Gilles Bloch, président-directeur général

 


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   SOURCES UTILISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Recherche et enseignement supérieur, avril 2020.

 

 


([1])  MM. Woerth et Saint-Martin, rapport d’information relatif à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 septembre 2019.

([2])  Cour des comptes, note d’exécution budgétaire (NEB) 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur, avril 2020.

([3])  Cette influence est mesurée par le nombre de citations dans des revues scientifiques.

([4]) Réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.  

([5]) Cour des comptes, op. cit.

([6]) Cour des comptes, note d’analyse budgétaire de l’exécution 2019 de la mission Recherche et enseignement supérieur.

([7]) Ce consortium a été créé par l’Aviesan, alliance scientifique composée du CEA, du CNRS, de l’INRAE, de l’INRIA, de l’INSERM, de l’Institut Pasteur, de l’IRD, de la Conférence des présidents d’universités et de la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires.  

([8])  Ces groupes ont porté sur les sujets suivants : nouvelles approches thérapeutiqeus, vaccins, modèle animal, modélisation, numérique, action française à l’international sur la recherche Covid-19.

([9])  Commission des finances de l’Assemblée nationale, séance du 2 juin 2020 à 21h30.

([10]) Lors de la cérémonie des vœux à la communauté de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation le 23 janvier 2020.