N° 3011

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 39
 

 

SÉCURITÉS

 

POLICE, GENDARMERIE, SÉCURITÉ ROUTIÈRE

 

CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS

 

 

Rapporteurs spéciaux : Mme Nadia HAI et M. Romain GRAU

 

Députés

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SOMMAIRE

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SYNTHÈSE, CHIFFRES-clés ET RECOMMANDATIONS

PREMIÈRE PARTIE : EXÉCUTION des crÉdits demandÉs

I. Les forces de sécurité intérieure

A. l’exécution budgétaire pour 2019 des forces de sécurité intérieure est marquée par l’intensité de l’activité opérationnelle et l’importance des mesures de soutien

1. La croissance des dépenses de personnel prévue en loi de finances a permis le financement du plan de recrutement et de mesures catégorielles et indemnitaires

a. La hausse des dépenses de personnel prévue en LFI vise la poursuite du déploiement du plan de recrutement

b. Les crédits ouverts ont permis la poursuite de la montée en puissance des accords de 2016

2. La surconsommation des dépenses de personnel, couverte par des mouvements de crédits massifs, s’explique dans sa majeure partie par l’intensité de l’activité opérationnelle et par la mise en œuvre de nouvelles mesures de soutien aux forces de l’ordre

a. La surconsommation reflète l’ampleur des mesures de soutien et l’importance et la continuité de l’investissement des forces de l’ordre, mais appelle également un effort sur la qualité de la budgétisation

b. Seules des mesures de régulation en cours de gestion et d’importants mouvements de crédits ont permis de couvrir les besoins en dépenses de rémunération

3. Une dégradation des indicateurs de performance qui doit appeler au maintien de la vigilance

B. Les dépenses du programme 176 – POlice nationale sont marquées par l’intensité de l’activité opérationnelle

1. Les crédits ont fait l’objet d’un rééquilibrage en cours de gestion, témoignant des spécificités de l’intensité opérationnelle

2. L’intensité opérationnelle a tiré les dépenses de fonctionnement à la hausse, au détriment des dépenses d’investissement

a. Les dépenses de fonctionnement ont fait l’objet d’une sur-exécution

b. Les dépenses d’investissement ont fait l’objet d’une sous-exécution

3. Un point d’attention : l’indemnisation des heures supplémentaires

4. L’exécution budgétaire des opérateurs du programme n’a pas soulevé de difficulté particulière

C. L’exécution du programme 152 – Gendarmerie nationale a fait l’objet d’importants ajustements en cours de gestion

1. Le rééquilibrage entre actions en cours de gestion témoigne de l’actualité

2. L’intensité de l’activité et des facteurs exogènes tels que le prix des carburants ont conduit à une sur exécution des dépenses de fonctionnement

a. Les dépenses de fonctionnement ont dépassé la prévision

b. Les dépenses d’investissement ont été moins importantes que prévu

II. La SÉcuritÉ routiÈre

A. Si les crédits du programme 207 n’ont pas été intégralement CONSOMMÉs, la qualité de ses résultats ne s’en trouve pas diminuée

1. Les bons résultats de la sécurité routière se confirment, bien qu’une attention particulière doive être accordée à l’outre-mer

2. Si l’exécution pour 2019 est marquée par la sous-consommation des crédits, les dépenses du programme ont pu être honorées sans difficulté et ont permis de maintenir un haut niveau d’exigence sur les priorités de la politique de sécurité routière

a. L’accès au permis de conduire reste une priorité de la politique de sécurité routière

b. Si des raisons techniques expliquent une certaine sous-consommation, aucun des axes de la politique de sécurité routière n’a été négligé

B. la structure des recettes CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers A été perturbée par rapport à la prévision, entraÎnant une modification des dépenses

1. Une complexité persistante

2. L’année 2019 est marquée par une diminution inédite des recettes de radars, causée par les nombreuses dégradations du parc, entraînant une modification de la structure des dépenses

a. Malgré une diminution sans précédent des recettes issues des contrôles automatisés, les recettes du CAS augmentent au global

b. Les conséquences sur les dépenses sont significatives

SECONDE PARTIE : LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE LIÉE AU COVID-19

I. sÉcuritÉ intÉrieure

A. l’adaptation de la police nationale à la crise sanitaire a entraîné des dépenses supplémentaires, toutefois être limitées concernant les dépenses de personnel

1. Des dépenses de fonctionnement en augmentation et des recettes en baisse entraînent un effet de ciseau sur le budget de la police

2. La crise semble à ce stade tirer à la baisse les dépenses de personnels, à l’exception de la prime versée à tous les fonctionnaires mobilisés

3. L’organisation retenue par la DGPN a permis d’assurer la continuité du service public

B. Si l’organisation adaptÉe de la gendarmerie a permis d’assurer la continuitÉ du service, des surcoûts de fonctiOnnement sont À signaler

1. La crise sanitaire contribue à augmenter les dépenses de fonctionnement et d’équipement de la gendarmerie

2. L'organisation de l’activité a permis de limiter la charge opérationnelle pour les gendarmes et de maintenir le lien avec la population

a. L'organisation retenue a permis d'assurer l'information et la protection de la population

b. Une mobilisation de la réserve limitée durant le confinement

II. sÉcurité routiÈre

A. Une baisse de la mortalitÉ routiÈre qui ne doit pas conduire à relÂcher l’attention

B. Des effets budgétaires massifs quant aux recettes du CAS Radars, mais plus limitÉes À long terme sur le reste de la politique de sÉcuritÉ routiÈre

1. Le CAS radars : une diminution des recettes mais dont les résultats finaux dépendront des comportements post confinement

2. L’ANTAI a fortement été mise à contribution durant la crise sanitaire

3. Les dépenses du programme 207 ne devraient être que peu touchées par la crise sanitaire et ses conséquences

EXAMEN EN COMMISSION

ÉCHANGES PAR VOIE DE QUESTIONNAIRES AVEC LES RAPPORTEURS Spéciaux

SOURCES UTILISÉES


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   SYNTHÈSE, CHIFFRES-clés ET RECOMMANDATIONS

 L’exécution pour 2019

● Malgré une augmentation des crédits alloués aux forces de sécurité en loi de finances par rapport à la loi de finances pour 2018 (+1,30 % en CP), une sur-exécution importante est observée en 2019. Elle s’élève à 1,48 % en CP pour chacune des deux forces. Ainsi, les crédits exécutés au titre du programme 176 Police nationale atteignent 10,9 milliards d’euros, et ceux exécutés au titre du programme 152 Gendarmerie nationale atteignent 8,98 milliards d’euros.

 ● La majeure partie de l’augmentation des dépenses et de leur sur – exécution s’explique par les dépenses de personnel des deux forces. Elles augmentent de 3,65 % pour la police et de 3,88 % pour la gendarmerie. Leur croissance a permis le financement de la poursuite du plan quinquennal de recrutement ainsi que de mesures catégorielles et indemnitaires massives, résultant des accords de 2015 et de 2016, et plus récemment de l’accord du 19 décembre 2018, dont la signature s’inscrit dans le contexte de la crise des « Gilets jaunes ». En outre, le maintien de l’activité opérationnelle à un niveau durablement élevé a fortement contribué à la sur-exécution des dépenses de personnel.

 Les rapporteurs spéciaux saluent l’indemnisation inédite en 2019 de 3,5 millions d’heures supplémentaires, sur un stock total accumulé de 23 millions d’heures au 31 décembre 2018. Une opération semblable devant se reproduire en 2020, ils recommandent la création d’un indicateur de performance permettant la suivant des heures supplémentaires restantes.

● La politique de sécurité routière a confirmé ses bons résultats en 2019, malgré la dégradation importante du parc de radars, entraînant une baisse des recettes issues du contrôle automatisé. Les rapporteurs spéciaux soulignent toutefois la nécessité d’un suivi particulier concernant l’outre-mer, dont les statistiques de mortalité routière se dégradent.

La complexité croissante du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers doit inciter à une réflexion sur sa réorganisation, et à tout le moins à la fusion des programmes 751 et 753.

Les conséquences budgétaires de la crise sanitaire liée au Covid-19

 Les rapporteurs spéciaux saluent l’adaptabilité et la réactivité de la DGPN et de la DGGN, ainsi que de leurs fonctionnaires et militaires, qui ont su assurer à la fois la continuité des missions essentielles des forces de sécurité intérieure et le contrôle du respect des règles du confinement.  

● Tant la police que la gendarmerie nationale font face à un effet de ciseau causé par la crise sanitaire : la hausse des dépenses de fonctionnement, nécessaire notamment au financement du matériel de protection, est concomitante à la baisse des recettes, principalement causée par l’annulation des événements comportant un service d’ordre indemnisé.

● À l’exception de la prime décidée par le Gouvernement et destinée à tous les fonctionnaires ayant subi un surcroît d’activité durant la crise, les dépenses de personnels des deux forces ne devraient pas subir de conséquences majeures de la crise.

● Si la période de confinement a conduit à une baisse importante de la mortalité sur les routes, la période de déconfinement est identifiée comme une période à risque. Une campagne de communication spécifique est déployée par la délégation à la sécurité routière.


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   PREMIÈRE PARTIE : EXÉCUTION des crÉdits demandÉs

I.   Les forces de sécurité intérieure

Si l’exécution pour 2019 des budgets de la police et de la gendarmerie nationale n’a pas été exempte de tensions, elle a permis le financement de nombreux recrutements, de mesures catégorielles et indemnitaires massives, malgré une activité exceptionnellement intense entraînant des besoins en équipements croissants.

A.   l’exécution budgétaire pour 2019 des forces de sécurité intérieure est marquée par l’intensité de l’activité opérationnelle et l’importance des mesures de soutien

En loi de finances pour 2019, les crédits ouverts au titre de la mission Sécurités ont été supérieurs de 1,7 % en AE et de 1,6 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2018, atteignant 21,02 milliards d’euros en AE et 20,19 milliards d’euros en CP. La majeure partie de cette augmentation s’explique par les mesures nouvelles portant sur les dépenses de rémunération des forces de sécurité intérieure, dont les crédits sont portés par les programmes 176 Police nationale et 152 Gendarmerie nationale.

Ainsi, 93,3 % des crédits de paiement supplémentaires budgétisés par rapport à 2018 sont le fait des forces de sécurité intérieure, et 87 % de la hausse prévue est liée aux dépenses de personnel.

L’exécution des crédits de la mission a dépassé la prévision de 0,78 % en AE et de 1,36 % en CP, atteignant, en CP, 20,47 milliards d’euros. 97 % des crédits exécutés étant le fait des forces de sécurité intérieure, la sur-consommation des crédits de la mission résulte très majoritairement de la police et de la gendarmerie nationales.

prévision et exécution en 2019 des crédits des forces de sécurité intérieure

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits demandés

Crédits exécutés

Écart en valeur absolue

Écart en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Police nationale

10 958,86

10 743,91

11 073,78

10 902,96

114,93

159,05

1,05 %

1,48 %

Gendarmerie nationale

9 536,85

8 846,63

9 618,26

8 977,38

81,41

130,75

0,85 %

1,48 %

Total forces de sécurité intérieure

20 495,71

19 590,55

20 692,04

19 880,34

196,33

289,80

0,96 %

1,48 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Exécution des crédits entre 2017 et 2019 des forces de sécurité intérieure

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits exécutés en 2017

Crédits exécutés en 2018

Crédits exécutés en 2019

Évolution 2017-2018

Évolution 2018-2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Police nationale

10 397,93

10 311,20

10 808,82

10 595,74

11 073,78

10 902,96

3,95 %

2,76 %

2,45 %

2,90 %

Gendarmerie nationale

8 844,22

8 653,63

8 916,24

8 734,98

9 618,26

8 977,38

0,81 %

0,94 %

7,87 %

2,7 8%

Total forces de sécurité intérieure

19 242,15

18 964,83

19 725,06

19 330,73

20 692,04

19 880,34

2,51 %

1,93 %

4,90 %

2,84 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaire.

1.   La croissance des dépenses de personnel prévue en loi de finances a permis le financement du plan de recrutement et de mesures catégorielles et indemnitaires

La LFI pour 2019 prévoyait une augmentation importante des dépenses de personnel des forces de sécurité intérieure, nécessaire au financement du plan de recrutement quinquennal et des mesures de soutien visant à compenser l’intensité de l’activité opérationnelle. Les crédits ouverts au titre des dépenses de personnel atteignaient 9,61 milliards d’euros pour la police et 7,49 milliards d’euros pour la gendarmerie, en hausse respectivement de 2,54 % et de 2,91 % par rapport à 2018. Ainsi, la croissance attendue des dépenses de personnel expliquait la majeure partie de la croissance des crédits alloués en loi de finances aux forces de sécurité intérieure.

a.   La hausse des dépenses de personnel prévue en LFI vise la poursuite du déploiement du plan de recrutement

L’augmentation des crédits ouverts au titre des dépenses de personnel s’inscrit tout d’abord dans la dynamique pluriannuelle du plan de recrutement quinquennal, prévoyant le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes sur la période 2018-2022. Pour financer ces emplois et les coûts associés, les crédits de titres 2 exécutés ont progressé de 588,8 millions d’euros par rapport à 2018.

Les schémas d’emploi de la police et de la gendarmerie nationales ont été respectés : après transferts d’ETP vers d’autres programmes en cours de gestion, en application des transferts budgétaires votés en LFI pour 2019 ([1]), 636 emplois ont été créés dans la gendarmerie et 1 707 emplois ont été créés dans la police (après prise en compte d’une sur-exécution de 28 ETP au titre du schéma d’emploi pour 2018).

Contrairement à l’année 2018, la réalisation des schémas d’emploi n’a pas suscité de difficulté : alors que la période de formation avait été réduite en 2016 et 2017 afin de faire face aux besoins de recrutement, l’année 2019 a vu le retour de cycles de formation plus longs.

En outre, le plan de substitution, qui consiste à remplacer des personnels actifs occupant des fonctions non opérationnelles par des personnels administratifs et techniques (PAT), s’est poursuivi en 2019. Les crédits du programme 176 ont été diminués de 5 millions hors CAS à ce titre en 2019, traduisant 500 substitutions. Toutefois, cet objectif n’a pas été atteint : 368 substitutions seulement ont été réalisées en 2019, pour une économie évaluée à 1,48 million d’euros sur 2019 et à 3,57 millions d’euros en année pleine. Les substitutions non réalisées en 2019 seront compensées les années suivantes.

Un écart significatif, de – 2 691 ETPT dans la police et de – 1 405 ETPT dans la gendarmerie, est observé concernant la réalisation du plafond d’emploi. Cette sous-réalisation est en partie imputable aux décalages des incorporations, nécessaires pour faire face aux tensions sur l’exécution des dépenses de personnel (voir infra). Si la différence entre le plafond d’emploi et sa réalisation est un phénomène structurel, en partie dû à des choix de gestion, elle ne constitue pas moins un élément de nature à brouiller le sens de l’autorisation budgétaire.

Pour cette raison, une application plus rigoureuse de l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022, prévoyant la mise en œuvre de mesures d’ajustement pour rapprocher le plafond d’emplois voté en loi de finances de celui effectivement susceptible d’être exécuté́ par la mission, serait souhaitable. Si la gendarmerie nationale a tiré les conséquences de cet article, en réduisant de 277 ETPT son plafond d’emploi, la démarche équivalente n’a pu être menée dans la police pour des raisons techniques.

Les rapporteurs spéciaux recommandent par conséquent que la loi de finances pour 2020 puisse donner lieu à cet effort concernant le programme 176 Police nationale.

b.   Les crédits ouverts ont permis la poursuite de la montée en puissance des accords de 2016

L’importance des mesures de revalorisation salariales découlant du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) de 2015, des protocoles d’avril 2016 ([2]) ont également contribué à la croissance de la prévision des dépenses de personnel.

En sus de la transposition à la police et à la gendarmerie du PPCR de 2015, les protocoles de 2016 spécifiques aux forces de sécurité intérieure reposent sur des mesures indiciaires, indemnitaires et de carrière au bénéfice des gendarmes et policiers. Le coût supplémentaire annuel des protocoles de 2016 est de 112 millions d’euros en 2019, dont 51,3 millions pour la gendarmerie et 60,6 pour la police.

En outre, concernant la police, le coût du protocole de 2016 a été dû être réévalué à la hausse en cours d’année, à hauteur de 0,4 million d’euros, en raison d’une réévaluation des effectifs bénéficiaires.

L’ensemble de ces mesures catégorielles devrait représenter un coût annuel cumulé de plus de 470 millions d’euros en 2022 (hors contribution au CAS Pensions([3]).

2.   La surconsommation des dépenses de personnel, couverte par des mouvements de crédits massifs, s’explique dans sa majeure partie par l’intensité de l’activité opérationnelle et par la mise en œuvre de nouvelles mesures de soutien aux forces de l’ordre

Les dépenses de personnel sont en progression par rapport à 2018, de 3,65 % pour la police et de 3,88 % pour la gendarmerie, atteignant respectivement 9,74 milliards d’euros et 7,63 milliards d’euros. Elles dépassent en outre la prévision, de 136 millions d’euros pour la police et de 143,6 millions d’euros dans la gendarmerie.

a.   La surconsommation reflète l’ampleur des mesures de soutien et l’importance et la continuité de l’investissement des forces de l’ordre, mais appelle également un effort sur la qualité de la budgétisation

Malgré l’ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances, le dynamisme des dépenses de personnel a dépassé la prévision de la LFI pour 2019, entraînant une surconsommation des dépenses de personnel par rapport à la prévision initiale.

Prévision et consommation des dépenses de personnel en 2019 pour les programmeS 176 – Police nationale et 152 – Gendarmerie nationale

(en millions d’euros et en pourcentage)

Prévision Consommation

AE

Surconsommation en AE

 

CP

Surconsommation en CP

176 - Police nationale

10 958,86

114,93

 

10 743,91

159,05

11 073,78

1,05 %

 

10 902,96

1,48 %

dont dépenses de personnel

9 607,93

136,01

 

9 607,93

136,01

9 743,94

1,42 %

 

9 743,94

1,42 %

152 - Gendarmerie nationale

9 536,85

81,41

 

8 846,64

130,75

9 618,26

0,85 %

 

8 977,38

1,48 %

dont dépenses de personnel

7 489,87

143,60

 

7 489,87

143,60

7 633,47

1,92 %

 

7 633,47

1,92 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Ainsi, les dépenses de personnel de la police ont dépassé la prévision de 1,42 % (+ 136 millions d’euros), et celles de la gendarmerie ont dépassé la prévision de 1,92 % (+ 143,60 millions d’euros).

Par conséquent, si une augmentation des dépenses de personnel était prévue, leur dynamisme n’a été que partiellement anticipé et budgétisé. Concernant la gendarmerie, l’insuffisance des crédits de personnel a été évaluée à 80,7 millions d’euros lors du second compte rendu de gestion. Pour la police, en septembre, le besoin non couvert était estimé à 110,6 millions d’euros.

Plusieurs raisons expliquent ce dépassement :

● L’accord du 19 décembre 2018 n’a pu être budgétisé dans le projet de loi de finances, en raison du calendrier de son adoption. Par conséquent, les crédits nécessaires à sa mise en œuvre ont été ouverts par amendement, dans des proportions toutefois insuffisantes.

Le protocole du 19 décembre 2018

Le protocole signé le 19 décembre 2018 s’inscrit dans le contexte de l’activité très importante observée par les forces de l’ordre lors des manifestations des « Gilets jaunes ». Ce protocole porte de nouvelles mesures de revalorisation et des indemnités en faveur de la police, et par extension de la gendarmerie nationale.

Son entrée en vigueur s’est faite en deux temps : une première revalorisation applicable au 1er  janvier 2019 a été mise en œuvre, et une deuxième revalorisation, conditionnée à l’aboutissement des négociations sur l’organisation du temps de travail, les heures supplémentaires et la fidélisation des policiers, a été effective au 1er  juillet 2019. Au printemps 2020, les deux tranches ont donc été appliquées. 

Concernant la gendarmerie nationale, 15 millions d’euros ont été ouverts par amendement pour le financement du protocole, un montant qui s’est révélé insuffisant. Par conséquent, 40,4 millions d’euros ont dû être ouverts à ce titre en LFR. Au total, le protocole 2018 représente 55,4 millions des 56,2 millions de dépenses catégorielles non prévues de la gendarmerie. Concernant la police, alors que le coût final est de 84 millions d’euros ([4]) , seuls 17 millions d’euros ont été ouverts par amendement, entraînant un surcoût non financé de 67 millions d’euros enregistré en début de gestion 2019. Au global, le protocole du 19 décembre 2018 a représenté un coût de 138 millions d’euros en 2019.

Une troisième et dernière revalorisation est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Si ses conséquences budgétaires sont rattachées à l’exercice 2020, et ne seront donc pas examinées en détail, il est possible de dire que le coût annuel cumulé en 2021 sera de 238,5 millions d’euros, hors contribution au CAS Pensions ([5]).

 Dans une moindre mesure, la sous-estimation du coût des mesures catégorielles a également contribué au dépassement : pour la gendarmerie, elle résulte notamment de la mise à jour des montants des mesures du protocole du 11 avril 2016. Au total, les mesures catégorielles expliquent 106,2 millions d’euros de la croissance des dépenses de personnel par rapport à 2019 pour le programme 152 (soit 58 % de l’augmentation totale, et contre une prévision de 50 millions d’euros) et 147,1 millions pour le programme 176 (soit 53 % de l’augmentation totale).

 L’impact des mesures annoncées lors du rendez-vous salarial de juillet 2018 en faveur du compte épargne temps (CET, « mesures Dussopt ») a entraîné un coût de 23,4 millions d’euros hors CAS Pensions pour le programme 176.

● L’intensité de l’activité opérationnelle à la fin de l’année 2018 a conduit à des reports de charges de 2018 sur 2019 pour la gendarmerie nationale : 27,1 millions d’euros ont ainsi grevé, dès le début de l’exercice, le budget 2019. Ces reports sont principalement constitués de paiements supplémentaires sur les dépenses d’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) et de la rémunération différée de la réserve opérationnelle.

● L’importance de l’activité opérationnelle au cours de l’année 2019, marquée par de nombreux évènements dont les manifestations du mouvement des « Gilets jaunes », contre la réforme des retraites, ou encore la présence de ZAD à Bure ou à Saint-Victor de Melvieux, a également fortement contribué au dépassement de l’autorisation budgétaire : pour la police, le surcroît de dépenses porte sur les heures supplémentaires versées aux CRS (+ 7,6 millions d’euros) et aux dépenses d’IJAT( + 10 millions). Concernant la gendarmerie, un dépassement de 16,3 millions est dû à l’intensité de l’activité et notamment à la sollicitation des forces mobiles, qui s’est maintenue à un niveau important (son taux d’emploi quotidien est passé de 65 escadrons de gendarmerie mobile par jour en 2018 à 69 escadrons de gendarmerie mobile par jour en 2019), entraînant un dépassement de 12,1 millions d’euros de l’enveloppe d’IJAT.

Les dépenses engagées au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie augmentent également : elles ont été de 55,5 millions d’euros en 2018 et de 89,3 millions d’euros en 2019. L’exonération des indemnités versées aux réservistes liées s’est élevée à 77 millions d’euros. Concernant la police, les dépenses engagées au titre de la réserve civile se sont élevées à 26,2 millions d’euros en 2019.

● Enfin, la campagne d’indemnisation des heures supplémentaires (voir infra) a représenté un coût final a été de 44 ,3 millions d’euros. La loi de finances rectificative pour 2019 ([6]) a ouvert 50 millions d’euros à ce titre.

En somme, la majeure partie de la surconsommation s’explique par des mesures nouvelles, reflétant la volonté de soutien du Gouvernement aux forces de l’ordre, et par l’intensité opérationnelle, deux éléments qui ne pouvaient être anticipés en loi de finances et qui ont nécessité une adaptation importante en gestion. Le protocole du 18 décembre 2018 représente la plus importante source de dépassement : 60 % des crédits ouverts en LFR le sont à ce titre.

Toutefois, dans le contexte d’une activité qui semble désormais durablement intense, la précision de la budgétisation sur les mesures prévisibles gagnerait à être affinée. La qualité de la prévision semble en effet perfectible.

● La Cour des comptes relève que la qualité de la budgétisation de la gendarmerie nationale reste marquée par des insuffisances, dont le coût est estimé à 44,8 millions d’euros. Ainsi, l’impact du GVT négatif a été surestimé, et le coût du schéma d’emploi 2018 en année pleine a été sous-estimé. Si ces insuffisances sont moindres qu’en 2018, elles restent importantes et appellent à un travail de la gendarmerie nationale pour une prévision plus fiable.

● La prise en compte de certains risques semble insuffisante : dans la police par exemple, l’entrée en vigueur de la seconde phase conditionnelle du protocole ne semble pas avoir totalement été anticipée, ni certains effets de l’arrêté portant sur l’organisation relative au temps de travail. En outre, pour les deux programmes, la faisabilité des économies proposées semblait limitée.

En raison de ces éléments, la programmation initiale était déséquilibrée : les crédits de personnel ouverts en loi de finance étaient inférieurs aux prévisions de dépenses de rémunération de la police et de la gendarmerie nationales telles que présentées dans le document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel (DPGECP), de 67,7 millions d’euros dans la police et de 28,1 millions d’euros dans la gendarmerie. Les rapporteurs spéciaux soutiennent la recommandation de la Cour des comptes d’établir une programmation plus réaliste.

Des mises à disposition gratuites de personnel perdurent

En 2019, 5 163 fonctionnaires et militaires de la mission Sécurités étaient mis à disposition d’organismes tiers. Parmi eux, 171 l’étaient à titre gratuit, un nombre en augmentation de 37 ETP par rapport à 2018. Si certaines mises à disposition gratuites sont autorisées, une partie d’entre elle se déroule en opposition aux textes.

Cette pratique perdure, alors même que la DGGN avait indiqué sa volonté en 2018, de soumettre les missions à disposition de personnel à des conventions payantes.

b.   Seules des mesures de régulation en cours de gestion et d’importants mouvements de crédits ont permis de couvrir les besoins en dépenses de rémunération

Afin de faire face aux tensions sur l’exécution des dépenses de personnel, plusieurs adaptations et mouvements de crédits ont été nécessaires en cours de gestion.

Des mesures de régulation ont été mises en œuvre. Dans la gendarmerie, les limites de la programmation ont contraint à mettre en œuvre des mesures de régulation sur les effectifs et la réserve opérationnelle. Les principaux leviers à disposition du responsable de programme sont la régulation des dates d’entrée en école (décalage de 2 mois du mois moyen d’incorporation des SOG en école pour une économie de 30,6 millions d’euros) et l’ajustement des enveloppes destinées à la réserve opérationnelle (économie de 38 millions d’euros) et à la RPE.

Dans la police, les enveloppes de prime de résultats exceptionnels (PRE) et de réserve civile avaient été mises sous contrainte dès le début de gestion afin de limiter le dépassement de la LFI 2019, soit respectivement – 8,6 millions d’euros et – 13,1 millions d’euros par rapport aux crédits ouverts en LFI à ce titre.

Outre des reports de crédits importants de 2018 sur 2019 (ils représentent 0,8 % des autorisations d’engagements disponibles et sont principalement au profit de la police), les deux programmes ont fait l’objet d’un dégel intégral de la réserve de précaution placée sur le titre 2, afin de pouvoir couvrir les besoins en crédits de rémunérations. À ce titre, ce sont 37,5 millions d’euros qui ont été dégelés pour la gendarmerie nationale et 48 millions pour la police la nationale.

Concernant la réserve de précaution placée sur les crédits hors titre 2, seule la police a bénéficié d’un dégel partiel de la réserve, à hauteur de 17,6 millions d’euros, afin de couvrir les dépenses liées à l’intensité opérationnelle et au coût de l’organisation du G7 de Biarritz. Le reste de la réserve placée sur les crédits hors dépenses de personnel a été annulé, ou dégelé au profit d’autres programmes.

Un progrès dans la réserve de précaution

La réserve de précaution s’élève à 0,5 % sur les dépenses de personnels, et à 3 % sur les crédits hors dépenses de personnel.

Les rapporteurs spéciaux saluent la mise en œuvre de l’une de recommandations de la Cour des comptes : la réserve hors titre 2 est désormais placée exclusivement sur un périmètre excluant les dépenses obligatoires et inéluctables. Elle est donc répartie sur les dépenses d’investissement et de fonctionnement courant. Si cette pratique traduit la solidarité gouvernementale entre les missions et répond à l’objectif de disposer d’une marge de manœuvre pour faire face aux aléas en gestion, son impact reste important. Dans la gendarmerie par exemple, elle aboutit à une contraction des budgets de fonctionnement à hauteur de 8 %.

Toutefois, en raison de tensions persistantes sur les dépenses de personnels, des crédits ont été massivement ouverts en LFR pour 2019, à hauteur de 154,7 millions d’euros pour la police et 56,7 millions pour la gendarmerie, dont 40,4 millions d’euros au titre des mesures « Gilets jaunes » (hors CAS Pensions). Ces besoins ont exclusivement permis de combler les besoins en dépenses de rémunération et, pour la police, de procéder à la campagne d’indemnisation des heures supplémentaires.

Par conséquent, alors que les seules annulations portent sur des crédits dédiés au crédits hors titre 2, des ouvertures massives de crédits ont été nécessaires pour faire face aux besoins en dépenses de rémunération. Cet arbitrage, rendu nécessaire par les circonstances, ne saurait toutefois être durable au regard des besoins massifs en dépenses d’équipement et d’investissement.

3.   Une dégradation des indicateurs de performance qui doit appeler au maintien de la vigilance

Le taux d’engagement des effectifs sur le terrain, qui renseigne sur la part des activités réalisées hors locaux par les forces de l’ordre présente notamment une dégradation durable. Alors qu’en 2011 les gendarmes passaient 68,8 % de leur temps sur la voie publique et que les policiers passaient 39,3 % de leur temps sur la voie publique, ils n’y passent plus respectivement que 59,3 % et 36,4 % de leur temps.

La dégradation de cet indicateur s’explique en partie par la diminution des renforts de gendarmerie mobile, plus souvent engagés en mission de maintien de l’ordre. En outre, la crise des « Gilets jaunes » a favorisé des retards dans la rédaction des procédures et l’octroi différé de périodes de temps libre.

Une autre explication réside dans la nouvelle augmentation du taux de mission périphérique de la police, causée par le nombre d’heures consacrées aux activités relatives aux élections européennes de 2019. Les services de la sécurité publique (DCSP) ont ainsi consacré 13 978 heures supplémentaires (+ 2057,66 %) à l’activité des procurations électorales et 12 840 heures supplémentaires (+ 373,96 %) pour des services d'ordre en lien avec les élections. L’importance de ces chiffres appelle une réflexion pour une réorganisation de ces activités, qui doivent être moins chronophages pour les forces actives.

De manière générale, les rapporteurs spéciaux soulignent l’importance de la réduction des tâches annexes, sujet central pour les forces de l’ordre. Si l’instauration de la police de sécurité du quotidien (PSQ) va dans ce sens, ainsi que le déploiement de moyens comme les tablettes numériques Neopol et Neogend, la dégradation des indicateurs de performance doit appeler une vigilance accrue.

D’autres indicateurs, portant sur le contexte sécuritaire, attirent également l’attention des rapporteurs. Concernant la gendarmerie, les atteintes volontaires à l’intégrité physiques en hausse de 10,7 %, avec notamment une hausse des menaces et chantages (+10,4 %). En outre, parmi les atteintes volontaires à l'intégrité physique, 39,6 % sont des violences intrafamiliale (qui sont hausse de 16,6 %). Ces données traduisent une inquiétante banalisation de la violence et traduisent également l’intensification de l’activité des forces de l’ordre.


B.   Les dépenses du programme 176 – POlice nationale sont marquées par l’intensité de l’activité opérationnelle

Les crédits ouverts en loi de finance au bénéfice du programme 176 – Police nationale sont plus importants de 1,53 % par rapport à la LFI 2018, atteignant 10 743,91 millions d’euros. En gestion, ils ont dépassé la prévision de 2,90 %, pour atteindre 10 902,96 millions d’euros.

1.   Les crédits ont fait l’objet d’un rééquilibrage en cours de gestion, témoignant des spécificités de l’intensité opérationnelle

Prévision et exécution des crédits de la police nationale par action

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

AE

CP

Prévision

Réalisation

2019

Écart entre la prévision et la réalisation en 2019

Variation de la prévision et de la consommation entre 2018 et 2019

2019

Écart entre la prévision et la réalisation en 2019

Variation de la prévision et de la consommation entre 2018 et 2019

1.Ordre public et protection de la souveraineté

1 235,40

– 158,38

– 2,76 %

1 235,40

– 158,38

– 2,76 %

1 393,78

5,30 %

1 393,78

5,30 %

2. Sécurité et paix publiques

3 135,75

58,56

7,31 %

3 135,75

58,56

7,31  %

3 077,19

2,45 %

3 077,19

2,45 %

3.Sécurité routière

474,36

42,24

4,58 %

474,36

42,24

4,58 %

432,12

3,71 %

432,12

3,71 %

4.Police des étrangers et sureté des transports internationaux

914,99

23,37

1,15 %

914,99

23,37

1,15 %

891,62

2,29 %

891,62

2,29 %

5.Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 882,19

– 120,71

3,57 %

2 882,19

– 120,71

3,57 %

3 002,90

4,87 %

3 002,90

4,87 %

6. Commandement, ressources humaines et logistiques

2 316,15

39,99

– 8,63 %

2 101,21

– 4,13

– 6,57 %

2 276,16

 2,30 %

2 105,34

 0,53 %

TOTAL

10 958,86

 114,93

0,83 %

10 743,91

 159,05

1,53 %

11 073,78

2,45 %

10 902, 96

2,90 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Les dépenses de l’action 1 – Ordre public et protection de la souveraineté augmentent fortement par rapport à 2018, de 5,30 %, et dépassent de 13 % la prévision. Elles avaient déjà dépassé la prévision en 2018. Ces données illustrent deux phénomènes : d’une part, le recrutement d’effectifs au sein des services de renseignement, et d’autre part l’exceptionnelle mobilisation des forces mobiles dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes (+ 7,4 millions d’euros de dépenses supplémentaires par rapport à 2018 à ce titre).

Les dépenses liées aux missions de police judiciaire et de concours à la justice augmentent fortement et font également l’objet d’une sur exécution importante (120,7 millions d’euros), tout comme pour l’exercice 2018. De nombreux postes ont été créés dans des services liés à la police judicaire, qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme, les trafics de stupéfiants ou la cybercriminalité. Parallèlement, sur l’année 2019, l’activité de la DCSP a connu une intensification des procédures à caractère judiciaire traitées au service

A contrario, et illustrant la nécessaire réorientation des moyens vers les activités rendues prioritaires par l’actualité, les dépenses liées aux missions de sécurité et paix publique, sécurité routière et police des étrangers font l’objet d’une sous-exécution.  

Reflétant la sollicitation des forces de police, les dépenses de l’intégralité des actions augmentent par rapport à 2018 à l’exception des dépenses de commandement, de logistique et de ressources humaines. Ces dernières ont toutefois été sur-exécutées par rapport à la prévision, en raison notamment de dépenses de formation supplémentaires.

La pénurie d’officiers de police judiciare (OPJ) reste un enjeu majeur pour certains départements

En 2019, 17 000 agents ont bénéficié de la prime OPJ, qui rémunère les missions de police judiciaire. Si ce nombre est stable par rapport à 2018, Paris et la Seine-Saint-Denis enregistrent un déficit important d’OPJ, ainsi que, dans une moindre mesures, les départements de grande couronne francilienne, les départements du Nord, des Bouches-du-Rhône, du Rhône, de Seine-Maritime et des Alpes-Maritimes.

Afin de remédier à ces difficultés, la préfecture de police (PP) s’est vue réserver en septembre 2019, 33 % des places de formations d’OPJ. Pour septembre 2020, la PP bénéficie de 297 postes, soit 4 % des places de formation disponibles, permettant de satisfaire 80 % de ses besoins. La PP pâtit cependant de difficultés de fidélisation.

Un effort particulier a également été mené en direction de la Seine-Saint-Denis : un nombre de places en formation a été réservé aux candidats affectés dans ce département. Ainsi, la formation de février 2020 a accueilli 89 policiers issus de la Seine-Saint-Denis, dont 44 stagiaires supplémentaires issus des rangs de la préfecture de police, afin de répondre à la demande du ministre de l’intérieur qui s’est engagée à renforcer à hauteur de 100 OPJ le département de Seine-Saint-Denis.

Si des mesures d’attractivité ont été mises en place avec notamment un module de formation spécifique à destination des élèves policiers, les rapporteurs spéciaux notent que la pénurie d’OPJ reste un point sensible. Le transfert d’un département en déficit à un autre département en déficit ne semble pas pouvoir constituer une réponse durable.

 


—  1  —

 

2.   L’intensité opérationnelle a tiré les dépenses de fonctionnement à la hausse, au détriment des dépenses d’investissement

Les dépenses de fonctionnement ont dépassé la prévision en loi de finances, de 72,40 millions d’euros pour la police, atteignant 894, 63 millions d’euros. Les dépenses d’investissement ont quant à elles été sous-exécutées à hauteur de 53,81 millions d’euros.

a.   Les dépenses de fonctionnement ont fait l’objet d’une sur-exécution

Les dépenses de fonctionnement ont fait l’objet d’une sur-exécution, répartie comme suit : 21,7 millions d’euros pour le fonctionnement courant, de 4,4 millions d’euros pour les moyens mobiles et de 10,9 millions d’euros pour l’équipement.

Une part importante de la surconsommation des crédits de fonctionnement s’explique par l’intensité de l’activité opérationnelle : 14,3 millions d’euros de dépenses exceptionnelles ont été causées par l’organisation du G7 de Biarritz, notamment au titre de dépenses d’hébergement et d’alimentation (les dépenses de réservations d’hôtel ont augmenté de presque 20 % par rapport à 2018), et 13,5 millions de dépenses sont liées au mouvement des « Gilets jaunes », principalement en raison de la reconstitution de stock de munitions et des moyens de protection et d’autre part au renforcement des moyens de protection de la sécurité publique.

Les frais de fonctionnement des CRS ont augmenté de 8 % entre 2018 et 2019, atteignant 44,4 millions d’euros, et les dépenses d’équipement des fonctionnaires de police ont augmenté de 7,3 millions d’euros par rapport à 2018.

Tant pour la police que la gendarmerie, la croissance des moyens de protection est une tendance de long terme : ces dépenses ont été multipliées par 14 entre 2012 et 2019, de 2,2 millions d’euros à 34,7 millions d’euros en 2019, soit la plus forte hausse de toutes les catégories de dépenses de fonctionnement et d’équipement.

En outre, les rapporteurs spéciaux saluent le maintien d’un effort importance sur les dépenses de fonctionnement liées aux véhicules. En hausse de 30 millions d’euros par rapport à 2018, elles ont permis depuis 2017 un renforcement du parc, qui passe de 29 730 à 31 139 véhicules entre 2017 et 2019 et une stabilisation de l’âge moyen en 2019, ainsi que du taux de disponibilité autour de 93 %.


b.   Les dépenses d’investissement ont fait l’objet d’une sous-exécution

L’exécution des dépenses d’investissement de la police nationale s’est améliorée par rapport à 2018, passant de 71, % en 2018 à 93,7 % en 2019 concernant les AE et de 60 % en 2018 à 80 % en 2019 concernant les CP.

La sous-exécution de 53,8 millions d’euros observée en 2019 s’inscrit dans une tendance structurelle, qui s’explique en partie par la ré-imputation systématique en titre 3 d’une partie des dépenses immobilières et informatiques budgétées en titre 5. En outre, l’écart entre la prévision et l’exécution 2019 en crédits de paiements s’explique par l’impact du changement de convention avec l’union des groupements d’achats publics (UGAP) sur l’acquisition de véhicules, qui prévoit le versement de 80 % des avances à la commande et 20 % à la livraison (contre 100 % à la commande auparavant). Cet écart sera mécaniquement rattrapé sur l’année N+1.

Des retards dans les livraisons de véhicules préjudiciables

En 2019, alors que 3 104 véhicules ont été commandés, seuls 2 508 étaient livrés au 31 décembre. Si une partie de ce retard est due à des commandes tardives (environ 5 %), des retards de livraison sont également observés, et s’expliquent par l’importance des commandes passées. Chaque année, le constructeur le plus sollicité éprouve des difficultés à livrer à temps les véhicules.

Afin de remédier à cette difficulté, plusieurs procédures sont mises en œuvre par la DGPN : outre des échanges plus fréquents avec les constructeurs, le catalogue de véhicules a été réduit. En outre, est actuellement à l’étude un avancement du calendrier de dialogue de gestion avec les services de police au mois de juillet, afin d’avancer la première tranche de commandes au mois de janvier.

Les dépenses liées à l’immobilier restent le premier poste de dépenses d’investissement (51 % des CP d’investissement). Plusieurs opérations immobilières ont été reportées à l’exercice 2020, dont le regroupement de la CRS 54 sur le site de la CRS 55, pour un montant de 16,7 millions d’euros, contribuant ainsi à la sous-exécution. Si les véhicules constituent le deuxième poste d’investissement (25 %), les données Chorus soulignent un ralentissement des acquisitions, en baisse de 17 % par rapport à 2018.

Les tensions enregistrées sur les dépenses de fonctionnement ont toutefois pesé sur les dépenses d’investissement, qui ne représentent que 2,3 % des crédits de la mission Sécurités.

Les rapporteurs portent une attention particulière à la qualité des conditions de travail des forces de sécurité intérieure. En ce sens, ils appellent au maintien d’une attention forte quant à la dégradation du ratio entre les dépenses d’équipement et les dépenses totales des programmes 176 et 152, en légère diminution entre 2018 et 2019. À long terme, ils appellent de leurs vœux une stabilisation progressive de leur poids dans les dépenses totales des deux programmes.

3.   Un point d’attention : l’indemnisation des heures supplémentaires

Le protocole du 19 décembre 2018 subordonnait l’entrée en vigueur des tranches conditionnelles du protocole, à savoir une deuxième et une troisième revalorisation de l’allocation de maîtrise de 30 millions d’euros au 1er juillet 2019 et au 1er janvier 2020, à un accord sur le temps de travail et le traitement des heures supplémentaires, tant en flux qu’en stock.

Dans cette optique, a été décidée l’indemnisation d’une partie du stock des heures supplémentaires accumulées par la police nationale. Ce stock s’élevait à 23 millions d’heures au 31 décembre 2018. Au coût horaire de 12,47 euros bruts et en prenant en compte le fait que ces heures sont souvent rattrapées sous la forme de repos compensateurs, de congés de longue durée ou de départs anticipés en retraite (indemnisé donc au coût d’une heure de travail normal), la charge financière potentielle pour l’État de ce stock était estimée à 909 millions d’euros environ.

50 millions d’euros sur les 128,2 millions d’euros ouverts en LFR pour 2019 sont destinés au financement de cette campagne d’indemnisation, dont bénéficient les membres du corps d’encadrement et d’application (CEA) et les agents de police technique et scientifique (PTS) de catégorie C et B. Seules les heures constatées en stock au 30 septembre 2019 supérieures à 160 heures ont été indemnisées, en application des dispositions de l’arrêté du 5 septembre 2019 portant organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale (APORTT).

À l’issue de cette campagne, plus de 3,5 millions d’heures supplémentaires ont été indemnisées au profit de 30 648 agents, pour un montant total de 43,8 millions d’euros. Par conséquent, au 31 décembre 2019, ce stock s’élevait à 17,55 millions d’heures, soit une baisse de 2,87 millions d’heures.

Si des résultats encourageants ont pu être atteints, la Cour des comptes souligne dans sa note d’exécution budgétaire pour 2019 des difficultés. Elle considère que l’indemnisation s’est faite dans des conditions insatisfaisante, notamment en raison de l’impossibilité de distinguer une heure supplémentaire réalisée d’une heure de repos octroyée en compensation d’une heure supplémentaire. Par conséquent, le ministère a indemnisé indistinctement ces deux types d’éléments.

Ainsi, alors qu’une nouvelle campagne d’indemnisation est prévue en 2020 et que des crédits ont été prévus en LFI pour 2020 à cet effet, la Cour des comptes craint que le ministère ne soit pas en mesure de procéder à une campagne sur des bases juridiques solides et dans des conditions identiques à celles de 2019.

Afin d’assurer un suivi rigoureux de cette problématique centrale pour les forces de l’ordre, les rapporteurs spéciaux recommandent la création d’un indicateur de performance portant sur le nombre d’heures supplémentaires restant à indemniser et la vitesse de reconstitution, ou au contraire d’attrition, du stock. Ils suivront avec attention le déroulé de la seconde campagne d’indemnisation.

Enfin, cette campagne d’indemnisation est complétée par l’ouverture en LFI pour 2020 de 26,5 millions d’euros visant à indemniser non plus le stock, mais le flux d’heures supplémentaires.

4.   L’exécution budgétaire des opérateurs du programme n’a pas soulevé de difficulté particulière

Deux opérateurs sont rattachés au programme 176 :

● L’école nationale supérieure de police (ENSP) est chargée de la formation initiale et continue des officiers et des commissaires de police. L’année 2019 est marquée par le début de la montée en charge de la croissance des promotions d’officiers, qui vont passer entre 2019 et 2022 de 70 à 400 élèves.

La subvention augmente par rapport à 2018 (+ 0,8 million d’euros) : 24,05 millions d’euros de subventions pour charge de service public ont été versés à l’ENSP, un montant légèrement inférieur à la prévision. 0,68 million d’euros de dotations exceptionnelles y ont toutefois été ajoutés en cours de gestion afin de financer des opérations immobilières sur le site de Cannes-Écluse, afin de prendre en compte la hausse du nombre d’élèves-officiers.

Les charges de l’ENSP sont inférieures de 296 000 euros à la prévision, en raison de charges de personnels moins importantes que prévu. Des vacances de poste ont en effet été enregistrées sur le site de Cannes-Écluse, entraînant une sous-réalisation du plafond d’emploi de 21 ETPT.

● L’institut national de la police scientifique (INPS) regroupe cinq laboratoires de police scientifiques, à Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse. La subvention pour charge de service public a été relevée en cours de gestion de 180 000 euros, afin de financer le remboursement du loyer annuel des locaux de la direction des laboratoires, relogée à Vaise. Ainsi, 8,47 millions d’euros de subventions pour charges de service public ont été attribués à l’INPS, un montant toutefois inférieur de 0,1 million d’euros à la prévision. Il convient également de noter que les encaissements de recette du ministère de la justice ont augmenté de 2,52 % par rapport à 2018, pour atteindre 5,26 millions d’euros.

Les dépenses de fonctionnement atteignent 14,74 millions d’euros dépassant très légèrement la prévision. Les dépenses d’investissement n’ont été exécutées qu’à hauteur de 73,64 % en CP, ce qui s’explique par le report deux opérations d’extension des laboratoires de police de Lille et de Lyon. Les crédits ont été reportés sur l’exercice 2020, à hauteur de 2 190 934 euros en AE et CP.

Par conséquent, alors qu’un solde déficitaire de – 125 028 euros était initialement envisagé, le solde budgétaire présente un excédent de 4,497 millions d’euros.

C.   L’exécution du programme 152 – Gendarmerie nationale a fait l’objet d’importants ajustements en cours de gestion

Les crédits ouverts au titre de la gendarmerie nationale en LFI pour 2019 dépassaient ceux ouverts en LFI pour 2018 de 5,83 % en AE et de 1,03 % en CP. L’exécution s’est révélée supérieure à la prévision de 0,85 % en AE et de 1,48 % en CP.

1.   Le rééquilibrage entre actions en cours de gestion témoigne de l’actualité

prévision et exécution des crédits par action en 2019

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

AE

CP

Prévision Réalisation

Prévision et exécution pour 2019

Écart entre la prévision et la réalisation en 2019

Variation de la prévision et de la consommation entre 2018 et 2019

Prévision et exécution pour 2019

Écart entre la prévision et la réalisation en 2019

Variation de la prévision et de la consommation entre 2018 et 2019  

1. Ordre et sécurité publics

3 457, 09

– 109,14

2,67 %

3 457,09

– 109,14

2,67 %

3 566, 23

4,49 %

3 566,23

4,49 %

2.Sécurité routière

74,761

4,88

1,79 %

747,61

4,88

1,79 %

742,73

2,55 %

742,73

2,55 %

3.Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 085,55

71,3

2,68 %

2 085,55

– 71,93

2,68 %

2 157 48

3,74  %

2 157,48

3,74 %

4.Commandement, ressources humaines et logistique

3 110,29

110,97

13,28 %

2 420,07

61,63

– 2,81 %

2 999,32

17,51 %

2 358,44

 0,54 %

5.Exercice des missions militaires

136,32

– 16,18

2,33%

136,32

 

– 16,18

2,33 %

152, 50

3,82 %

152,50

3,82 %

TOTAL

9 536,85

– 81,41

5,83 %

8 846,66

– 130,75

1,03 %

9 618,26

7,87 %

8 977,38

2,78 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Poursuivant et amplifiant la tendance engagée en 2018, un important rééquilibrage entre les différentes actions du programme a été observé en cours de mission. Ainsi, en raison de l’intensité opérationnelle, les dépenses de l’action 1 Ordre et sécurités publics ont augmenté de 4,5 %, et ont dépassé la prévision de 109,14 millions d’euros.

Les crédits dédiés aux missions de police judicaire et au concours à la justice ont également passé la prévision de près de 72 millions d’euros, et ont cru par rapport à 2018 de 3,74 %.

A contrario, la réorientation des moyens imposée par l’activité a conduit à une sous-exécution des actions Sécurité routière et Commandement, ressources humaines et logistique.

Pour la deuxième année consécutive, les crédits affectés au financement des missions militaires ont dépassé la prévision. L’année 2019 a en effet été marquée par une importante activité à l’étranger, se traduit par la hausse significative du nombre de jours OPEX : 20 638 jours en 2019, en hausse de 14,7 % depuis 2018.

2.   L’intensité de l’activité et des facteurs exogènes tels que le prix des carburants ont conduit à une sur exécution des dépenses de fonctionnement

La tension sur les dépenses de fonctionnement, causée par l’intensité de l’activité opérationnelle, se traduit notamment par une sous-exécution des dépenses d’investissement.

a.   Les dépenses de fonctionnement ont dépassé la prévision

Les dépenses de fonctionnement se sont élevées à 1 183,12 millions d’euros, dépassant de près de 8 millions d’euros la prévision de la loi de finances pour 2019. Cette surconsommation s’explique en grande partie par l’intensité de l’activité opérationnelle ainsi que par la hausse du prix du carburant. Les dépenses de déplacement de la gendarmerie mobile enregistrent ainsi une augmentation de 8 % par rapport à 2018, et les dépenses de carburant de 7,7 %.

L’intensité opérationnelle est le premier facteur de sur exécution des dépenses de fonctionnement, et a eu des conséquences sur les dépenses suivantes :

DÉpenses supplÉmentaires de la gendarmerie liÉes à l’activitÉ opÉrationnelle (hors moyens de protection et d’intervention)

(en millions d’euros)

Poste de dépense

Dépenses supérieures à la prévision

Explications

Alimentation des forces mobiles

+ 1,67 en AE et CP

Activité de la gendarmerie mobile lors des manifestations de gilets jaunes de la tenue du G7 et du 75e anniversaire du débarquement

Dépenses d’entretien et de réparation des véhicules

+ 3,34 en AE et + 3,13  en CP

Mobilisation des escadrons de la gendarmerie mobile et de la gendarmerie départementale

Dépenses de carburant des véhicules

+ 3,90 en AE et + 4,07  en CP

Présence renforcée sur le terrain et de la hausse du coût du carburant.

Achats de munitions

+ 2,2 en AE et + 2,57 en CP

Intensité de l’activité opérationnelle

 

Achats, locations et entretien de matériels

+ 14,65 en AE et de 15,91 en CP

Achat des drones, du mobilier couchage, notamment dans le cadre du G7, et a pu couvrir les besoins de renouvellement des matériels de montagne et de franchissement.

Total des surcoûts de fonctionnement engendrés par l’intensité opérationnelle, hors moyens de protection et d’intervention

+ 25,76 en AE et 27,35 en CP

 

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGGN.

En outre, les dépenses portant sur les moyens de protection et d’intervention ont augmenté, atteignant 13,2 millions d’euros, permettant de faire face à l'obsolescence de certains matériels et de participer au renouvellement de matériels endommagés dans le cadre d'évènements (G7, « Gilets jaunes », 75ème anniversaire du débarquement).

Enfin, le responsable de programme a fait le choix d’anticiper l’achat d’armements, en raison du contexte de maintien de l’ordre intense : 5,4 millions d’euros ont été dépenses à ce titre, contre 200 000 euros prévus en AE.

b.   Les dépenses d’investissement ont été moins importantes que prévu

Les dépenses d’investissement de la gendarmerie nationale portent à 57,7 % sur des dépenses immobilières, suivi de dépenses de véhicules, à hauteur de 31,6 %. Le taux d’exécution des CP de 85,1 %. Les crédits engagés sont donc inférieurs à ceux ouverts en LFI, en raison notamment de reports d’opérations sur les exercices 2020 et 2021.

Les dépenses d’investissement immobilier ont été plus importantes que prévu, en raison du redéploiement de crédits servant au financement d’opérations dans le cadre du plan d’urgence du parc immobilier de la gendarmerie. Ce plan comporte une budgétisation de 105 millions d’euros en AE, dont 15 millions d’euros en AE pour la sécurité des casernes.

A contrario, les dépenses réalisées au titre des achats de véhicules ont été moins importantes que prévu, et diminuent de 9 millions d’euros par rapport à 2018. Cette sous-consommation s’explique par l’annulation de la réserve de précaution : seulement 2500 des 2800 véhicules prévus ont pu être acquis. Le différentiel est contenu, ralentit légèrement la dynamique de réduction de l’âge moyen du parc.

Toutefois, pour maintenir la qualité du parc, la gendarmerie adopte une posture constructive, centrée sur l’innovation : elle s’est engagée dans un cycle d’expérimentations et d’études en matière d’externalisation ou de transition énergétique. Par exemple, la garde républicaine n’assure plus en régie ses transports collectifs dans la petite couronne, mais s’appuie désormais sur un contrat passé avec la RAPT.

Les rapporteurs spéciaux saluent en outre l’acquisition de trois véhicules renforcés destinés au commandement de gendarmerie de Nouvelle Calédonie pour préparer le prochain référendum, et le financement de la reconstruction totale d’un véhicule blindé à roues de la gendarmerie (VBRG).

 

II.   La SÉcuritÉ routiÈre

Les crédits dédiés au financement de la politique de sécurité routière sont portés par plusieurs supports budgétaires. D’une part, le programme 207 – Sécurité et éducation routières de la mission Sécurités regroupe les crédits finançant les actions de recherche, de prévention, et de communication relatives à la sécurité routière, ainsi que les crédits finançant le permis de conduire. Dotés de 52,83 millions d’euros en AE et de 51,74 millions d’euros en CP, le programme 207 a finalement donné lieu à l’exécution de 40,94 millions d’euros AE en et de 40,50 millions d’euros en CP, soit une sous-exécution de 21,72 % en CP.

D’autre part, le CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers retrace les recettes issues des contrôles automatisés par radars et d’autres types d’amendes, et les dépenses financées par ces recettes. Les recettes ont atteint 1,35 milliard d’euros en 2019, supérieures de 3,86 % à la prévision, et les dépenses ont atteint 1,39 milliard d’euros en crédits de paiement, dépassant la prévision de 7 %.

A.   Si les crédits du programme 207 n’ont pas été intégralement CONSOMMÉs, la qualité de ses résultats ne s’en trouve pas diminuée

L’importante sous-consommation des crédits ouverts en loi de finances, de l’ordre de 22 % en CP, s’explique principalement par des raisons techniques et n’est donc pas de nature à dégrader les résultats de la politique de sécurité routière, dont les indicateurs restent orientés à la hausse.

1.   Les bons résultats de la sécurité routière se confirment, bien qu’une attention particulière doive être accordée à l’outre-mer

L’amélioration notable des résultats de la sécurité routière, initiée en 2018, se poursuit. En France métropolitaine, 3 239 personnes sont décédées sur les routes, soit 9 personnes de moins qu’en 2018, année où le nombre de morts était déjà historiquement bas. Si la métropole confirme la dynamique positive, les résultats en outre-mer sont eux en retrait, et appellent à une attention particulière pour les mois à venir. En effet, 254 personnes sont décédées sur les routes d’outre-mer en 2019. Ce chiffre est en augmentation de 5,8 % par rapport à 2018. À cet égard, les rapporteurs spéciaux recommandent qu’une une attention particulière soit portée à l’outre-mer dans le cadre de la politique de sécurité routière.

Au total, selon l’observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 3 493 personnes seraient décédées en 2019 sur les routes de France (métropolitaines et ultramarines) contre 3 488 en 2018.

La vitesse excessive reste la première cause d’accident et de mortalité. Dès lors, les effets positifs de la limitation à 80 km/h sur les routes à double sens sans séparateur central confirment l’importance du maintien d’une vitesse raisonnable sur les routes. Selon les informations fournies par la DSR, « 209 vies ont été épargnées lors de la première année de la mesure (juillet 2018-juin 2019) sur le réseau concerné et cette baisse s’est confirmée au cours du second semestre 2019 (127 vies épargnées par rapport à la moyenne des seconds semestres 2013 – 017) » ([7]). Ainsi malgré la dégradation du parc de radars automatiques (voir infra), cette mesure confirme ses effets positifs.

Les autres indicateurs de performance de la mission reflètent également cette attention.

Le délai moyen d’attente aux examens suit une dynamique positive de long terme : il est passé de 93 jours en 2013 à 67 jours en décembre 2019. Le délai médian est quant à lui passé de 73 à 42 jours sur la même période. Toutefois, la situation reste disparate selon les départements, et les données pour 2019 indiquent une légère augmentation du délai d’attention moyen par rapport à 2018. Il convient toutefois de noter que le délai d’attente après un échec dépend en partie des candidats, certains attendant plusieurs mois avant de repasser l’épreuve du permis de conduire, faisant baisser la moyenne.

Le nombre de permis délivrés augmente de 1,2 % par rapport à 2018, et le taux de réussite passe de 57,71 % en janvier 2018 à 58,3 % en janvier 2019.

 

 


2.   Si l’exécution pour 2019 est marquée par la sous-consommation des crédits, les dépenses du programme ont pu être honorées sans difficulté et ont permis de maintenir un haut niveau d’exigence sur les priorités de la politique de sécurité routière

prÉvision et exÉcution de dÉpenses du programme 2017 en 2018 et 2019

(en millions d’euros et en pourcentage)

Prévision Réalisation

2018

Écart entre la prévision et la réalisation en 2018

2019

Écart entre la prévision et la réalisation en 2019

Variation de la prévision et de la consommation entre 2018 et 2019

2018

Écart entre la prévision et la réalisation en 2018

2019

Écart entre la prévision et la réalisation en 2019

Variation de la prévision entre 2018 et 2019 et de la consommation entre 2018 et 2019

1.– Observation, prospective, réglementation et soutien au programme

2,88

0,60

3,22

 

12,17 %

2,87

0,54

3,22

0,39

12,17 %

2,27

3,22

41,65 %

2,34

2,83

21,25 %

2.–Démarches interministérielles et communication

16,32

 2,59

26,34

7,17

61,38 %

16,32

-3,59

26,34

6,97

61,38 %

18,91

19,17

1,37 %

19,92

19,36

– 2,77 %

3.Éducation routière

20,68

3,58

23,27

4,71

12,50 %

20,68

4,30

22,17

3,87

7,20 %

17,10

18,55

8,52 %

16,38

18,30

11,7 1 %

TOTAL

39,88

1,60

52,83

11,89

32,48 %

39,88

1,24

51,74

11,23

29,73 %

38,28

40,94

6,96 %

38,64

40,50

4,82 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

a.   L’accès au permis de conduire reste une priorité de la politique de sécurité routière

L’année 2019 a vu la mise en œuvre de réformes visant à faciliter l’accès au permis de conduire. Pour ce faire, la formation sur simulateur et le recours aux nouvelles techniques de l’information ont été développés. Ainsi, 45 % des crédits du programme 207 sont consacrés à l’éducation routière. En outre les crédits exécutés au titre de l’action 3 Éducation routière augmentent de 11,71 % par rapport à 2018, atteignant ainsi 18,30 millions d’euros en CP.

La sous-consommation du programme n’est pas nature à remettre en question la tenue de ses objectifs. Cette sous-consommation est principalement liée au dispositif du permis à un euro par jour, prévu en LFI à hauteur de 5,5 millions d’euros et exécuté à hauteur de 1,96 million d’euros. Cet écart est dû à la variation du taux d’intérêt de référence pour le calcul de la rémunération des organismes bancaires partenaires qui s’est révélé particulièrement bas et moins élevé que prévu. Ainsi, les taux prévisionnels retenus lors du projet de loi de finances étaient en moyenne de + 0,50 %, tandis que le taux constaté en 2019 a atteint – 0,50 %.

b.   Si des raisons techniques expliquent une certaine sous-consommation, aucun des axes de la politique de sécurité routière n’a été négligé

En CP, les actions 1 et 2 cumulent une sous-exécution non négligeable, mais expliquée principalement par des raisons techniques. Cette sous-consommation a permis l’annulation de l’intégralité de la réserve de précaution en LFR, à hauteur de 1,28 million d’euros en AE et 1,25 million d’euros en CP.

Toutes les dépenses inéluctables et obligatoires du programme ont toutefois pu être honorées, dont le remboursement, par fonds de concours, des collectivités locales qui ont procédé à la modification de la signalisation routière dans le cadre de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central. Le montant des remboursements effectué en 2019 s’élève à 1 628 118 euros en AE et en CP. Ainsi, 82 départements ont bénéficié de remboursement, pour environ 8 400 panneaux.

En outre, la légère diminution des crédits dépensés au titre des démarches de communication s’explique par le niveau spécifiquement haut en 2018, année marquée par un effort de communication lié au passage à la limitation à 80 km/h.

Au final, alors que 10,05 millions d’euros d’ouvertures de fonds de concours et d’attribution de produits étaient prévus en LFI, les ouvertures ont été moindres. Ceci explique la majeure partie de la sous-exécution.

B.   la structure des recettes CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers A été perturbée par rapport à la prévision, entraÎnant une modification des dépenses

1.   Une complexité persistante

Le CAS a été créé en loi de finances pour 2006 dans le but de rendre plus lisible le montant et l’usage fait des recettes issues des amendes issues de la verbalisation par radars. Il intègre également depuis la loi de finances pour 2011 une partie du produit des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de circulation et de stationnement routiers, quel que soit le mode de verbalisation (cette section inclut donc des amendes forfaitaires majorées issues du contrôle automatisé).

Les recettes issues des contrôles par radars composent la première section du CAS. L’intégralité de ces recettes n’est toutefois pas retracée dans cette section : une partie est attribuée en dehors du CAS à l’agence de financement des infrastructures de transport (AFITF), à hauteur de 500 millions d’euros, et au fonds de modernisation des établissements de santé́ publics et privés (FMESPP), à hauteur de 26 millions d’euros. En outre, une partie de ces recettes alimente la section 2 du CAS.

La seconde section a un objet moins défini. Ses recettes sont principalement issues des amendes forfaitaires majorées et des amendes forfaitaires issues de la verbalisation par procès-verbal électronique. Toutefois, l’intégralité de ces recettes n’est pas attribuée au CAS : 45 millions d’euros sont affectés au budget de l’État ex ante. Entre outre, cette section comprend également une partie des recettes issues des amendes radars.

La répartition des recettes issues des contrôles radars est donc complexe et peu lisible.

L’application de ces règles de répartition complexe tend à brouiller les informations : le CAS reçoit moins de 70 % des recettes des amendes de circulation et de stationnement ([8]).

Cette perte d’une partie du produit des amendes nuit à la lisibilité de la politique de sécurité routière et, comme le souligne la Cour des comptes dans sa NEB, accrédite l’idée erronée selon laquelle les recettes issues des amendes sont supérieures aux dépenses de sécurité routière.

Des évolutions législatives récentes contribuent à étendre le champ d’application de la verbalisation automatisée au-delà de la seule sécurité routière, contribuant ainsi à limiter encore la lisibilité du CAS

La dépénalisation du stationnement payant, portée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 modifiée de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), est entrée en vigueur au 1er janvier 2018. Les collectivités ont désormais la maitrise du stationnement payant. :  les recettes qui en sony issues ne transitent plus par le CAS. En outre, la loi « mobilités » ouvre la voie à un élargissement de l’usage des radars à la verbalisation d’infractions liées à la circulation en général, mais plus nécessairement dans un objectif de sécurité routière : sont ainsi concernées l’usage des voies réservées, le respect des zones à faible émission.

Outre ces adaptations dans l’attribution des recettes qui font perdre de sa pertinence au CAS, la mise en œuvre de ces nouvelles mesures a nécessité des mesures de transition en 2019, amplifiant encore davantage le manque de lisibilité du CAS. À ce titre, les mécanismes de compensation des pertes de recettes de la région île de France et d’Île de France mobilités liées à la réforme du stationnement payant ont justifié en 2019 un prélèvement sur les douzièmes de fiscalités des communes de plus de 10 000 habitants. Par conséquent, une partie des dépenses habituellement honorées par le programme 754 ont été financées hors CAS ces années, pour un montant significatif de 13,5 millions d’euros.

Les dépenses découlant des recettes de la section 1 alimentent le programme 751, dont l’objet est la mise en œuvre de la politique de contrôle automatisé, mais également le traitement du fichier des permis de conduire.

Les dépenses de la seconde section sont réparties entre trois programmes, dont la structure présente des limites.

Le programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers est consacré à la gestion du procès-verbal électronique : ce programme ne fait plus l’objet d’une estimation précise des dépenses, étant donné que la réforme qu’il devait financer, celle du procès-verbal électronique, est désormais mise en œuvre. Ses crédits sont donc reconduits d’année en année à hauteur de 26,2 millions d’euros. Cette reconduction automatique des crédits, sans estimation des besoins réels, est contraire au principe de la LOLF de justification des dépenses au premier euro et de ventilation des crédits selon les besoins.

Le programme 754 Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières porte le reversement d’une fraction des recettes tirées de la généralisation du procès-verbal électronique à destination des collectivités territoriales, afin de soutenir le financement d’équipements et d’investissements de sécurité routière.

Le programme 755 porte une contribution au désendettement de l’État. Sans lien avec la sécurité routière, mais représentant pourtant 35,6 % des dépenses du CAS (24 % en 2018).

Ces deux derniers programmes ne sont pas à proprement parler des programmes budgétaires au sens de la LOLF, reposant sur une justification au premier euro, mais fonctionnent plutôt comme des supports budgétaires servant au reversement de crédits.

les circuits financiers du cas contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Une image contenant capture d’écran

Description générée automatiquement

Source : projet annuel de performance du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, PLF 2019.

La Cour des comptes ainsi que les rapporteurs spéciaux soulignent depuis plusieurs années la complexité du CAS. Il ne contient pas l’intégralité des recettes issues des amendes de circulation et de stationnement routier, et l’ensemble des dépenses du CAS ne sont pas en rapport avec cet objet. Selon la Cour des comptes, « il n’est pas possible d’effectuer un lien entre les résultats de la politique de sécurité routière et les dépenses du CAS » ([9]).

Une première étape de simplification pourrait être le regroupement des programmes 751 et 753 : le programme 753 ne porte qu’une subvention à l’ANTAI, qui bénéficie également d’une subvention par le programme 751. Le responsable de programme de ces deux programmes, le DSR, est favorable à leur regroupement.

En parallèle, en application des recommandations de la mission d’information sur l’application de la LOLF, une revue approfondie de la pertinence du fonctionnement pourrait être menée. Sans préjuger de ses conclusions, elle pourrait conclure à une simplification du CAS ou, si cela était impossible et comme le propose la Cour des comptes, à sa suppression.

2.   L’année 2019 est marquée par une diminution inédite des recettes de radars, causée par les nombreuses dégradations du parc, entraînant une modification de la structure des dépenses

a.   Malgré une diminution sans précédent des recettes issues des contrôles automatisés, les recettes du CAS augmentent au global

PrÉvision et exÉcution des recettes du CAS

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Prévision de recettes

Exécution de recettes

Différence

en pourcentage

Section 1 : contrôle automatisé

339,950

282,95

– 57

– 16,77 %

01  Amendes perçues par la voie du système de contrôle-sanction automatisé

339,950

282,95

– 57

– 16,77 %

02  Recettes diverses ou accidentelles

0

0

0

0

Section 2 : circulation et stationnement routiers

956,70

1 063,73

107,03

11,19 %

03. – Amendes perçues par la voie du système de contrôle-sanction automatisé

170

20,60

– 149,40

– 87,88 %

04 – Amendes forfaitaires de la police de la circulation et amendes forfaitaires majorées issues des infractions constatées par la voie du système de contrôle-sanction automatisé et des infractions aux règles de la police de la circulation

786,70

1 043,13

256,43

32,60 %

05 – Recettes diverses ou accidentelles

0

0

0

0

Total

1 296,65

1 346,68

50,03

3,86 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Les recettes du CAS étaient estimées à 1 296,65 millions d’euros en LFI, pour une exécution supérieure de 3,9 %, s’élevant à 1 346,68 millions d’euros. Ce dynamisme des recettes masque toutefois des évolutions différenciées.

Les recettes de la section 1 issues des contrôles radars sont inférieures de 57 millions d’euros à la prévision. Plusieurs raisons expliquent cette sous – réalisation.

Le déploiement des radars a été moins efficace que prévu : pour une projection de 4 700 radars déployés en fin d’année, seuls 4 094 radars étaient installés en décembre 2019. Le retard pris dans le déploiement de l’externalisation de la conduite de voitures contenant des radars embarqués est une autre raison, l’extension du dispositif ayant été retardée.

Les dégradations massives de radars observées en fin d’année 2018 et en 2019 ont contribué à diminuer les recettes. Le maintien d’une anticipation du taux de disponibilité à hauteur de 93 % en 2019, déjà optimiste, n’a pu être réalisé. Il a été compris entre 67,82 % en mars 2019, et 82,27 % en décembre 2019. Si ces données démontrent une réelle remise en état tout au long de l’année, elles témoignent d’une importante dégradation du taux de disponibilité. L’état dégradé du parc se traduit également dans l’indicateur des lettres de retrait de points envoyés, en diminution de plus de 15 % entre 2018 et 219.

Au contraire, les recettes de la section 2 (outre un versement d’une part des amendes issues des contrôles radars, elles comprennent les amendes issues des procès-verbaux électroniques et de l’ensemble des amendes majorées) ont dépassé la prévision : elles atteignent 1,06 milliard d’euros, contre une prévision de 956,70 millions d’euros, en raison principalement de l’augmentation non prévue du produit des amendes forfaitaires majorées.

b.   Les conséquences sur les dépenses sont significatives

recettes et dÉpenses du cas

(en millions d’euros)

Prévision

Réalisation

Prévision de recettes

AE

CP

Solde

Différence en CP entre prévision et exécution

Section 1 : contrôle automatisé

339, 95

339, 95

339, 95

0

 

282,95

326,63

294,14

 11, 19

751 - Structures et dispositifs de sécurité routière

 

339, 95

339, 95

 

45,81

326,63

294,14

Section 2 : circulation et stationnement routiers

956,70

956,70

956,70

0

 

1 063,73

1 093,72

1 092,94

 29,21

754 - Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité́ et de la circulation routières

 

478,06

478,06

 

– 93,34

572,18

571,40

755 – Désendettement de l'État

 

452,43

452,43

 

– 42,90

495,34

495,34

753 – Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

 

26,20

26,20

 

0

26,20

26,20

Total

1 296,65

1 1 296,65

1 296, 65

0

 90,43

1 346,68

1 420,35

1 387,08

 40, 40

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Malgré des recettes plus importantes que prévu, le CAS présente un déficit de 40,40 millions d’euros, portant le solde cumulé du CAS depuis sa création à +1 012,68 millions d’euros. Le déficit observé repose sur le fonctionnement du programme 754, qui repose sur le versement de recettes de l’année N– 1 en année N.

La sous – exécution des recettes de la section 1 a perturbé la réalisation des dépenses liées. La répartition initiale de ces recettes, qui comprenait le versement de 500 millions d’euros à l’AFITF, solde qui était censé lui revenir après le versement des autres contributions (26 millions d’euros au FMSEPP, de 340 millions d’euros au programme 751 et de 170 millions d’euros à la section 2) était irréaliste. Afin de répartir le poids de cette sous exécution en recettes, la LFR pour 2019 a minoré les versements du CAS de 206 millions d’euros, dont 57 millions pour le programme 751 et 149 millions pour la seconde section.

 

Les dépenses du programme 751 sont en augmentation par rapport à 2018, et atteignent 294,14 millions d’euros en crédits de paiement. Toutefois, en raison des moindres recettes, cette augmentation est moins importante que prévu (les dépenses devaient atteindre 339,95 millions d’euros).

Dans le détail, les dépenses dédiées à la maintenance des radars ont été plus importantes que prévu en raison de leur dégradation (57,5 millions d’euros en AE contre 44,55 millions d’euros prévus), tandis que les crédits destinés au déploiement des radars ont diminué. Ainsi, à la fin de l’année, le parc de radars comptait 4 094 unités, soit 334 radars de moins qu’à la fin de l’année 2018. Au contraire, au regard du haut niveau de trésorerie de l’ANTAI, sa subvention portée par le programme 751 a été moindre que prévue.

Dans le même temps, le dynamisme des dépenses de la seconde section a conduit à ouvrir des crédits supplémentaires au profit des programmes 754 et 755 : par ouvertures de crédits en LFR, les dépenses du programme 755 ont été majorées de 42,9 millions d’euros, et celles du programme 754 de 89,2 millions d’euros.

Le programme 754 a également bénéficié d’importants reports de crédits, découlant du fonctionnement du programme.

 


—  1  —

 

   SECONDE PARTIE : LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE LIÉE AU COVID-19

La crise sanitaire a fortement pesé sur la politique de sécurité intérieure et sur la politique de sécurité routière, dans des directions toutefois opposées. Alors que les forces de l’ordre ont dû réorganiser leurs conditions de travail pour assurer à la fois la continuité des missions traditionnelles et le contrôle du respect des règles propres à la période confinement, les acteurs de la sécurité routière ont dû préparer « l’après-confinement », identifié comme une période à risque sur les routes.

I.   sÉcuritÉ intÉrieure

La crise sanitaire liée au Covid-19 et ses conséquences ont fortement sollicité les forces de sécurité intérieure. La mise en place de mesures de protection des fonctionnaires et des militaires, la réorganisation et la priorisation des activités, mais également la nécessité d’assurer la continuité du service public dans ses aspects les plus essentiels, ont représenté des défis de taille pour les forces de l’ordre. Ces objectifs sont accomplis, mais les conséquences budgétaires n’en seront pas neutres pour la police et la gendarmerie nationale.

A.   l’adaptation de la police nationale à la crise sanitaire a entraîné des dépenses supplémentaires, toutefois être limitées concernant les dépenses de personnel

La crise sanitaire a eu des conséquences importantes sur le programme 176 – Police nationale, tant en dépenses qu’en recettes.

1.   Des dépenses de fonctionnement en augmentation et des recettes en baisse entraînent un effet de ciseau sur le budget de la police

Un surcroît de dépenses de plus de 23 millions d’euros est d’ores et déjà constaté par la DGPN, principalement dédié à l’achat de masques et de gel hydro – alcoolique. Des dépenses de 38,4 millions supplémentaires sont anticipées, afin de poursuivre l’acquisition de matériels de protection et de pourvoir aux besoins de désinfection des services et de déploiement des outils nécessaires au télétravail. Ainsi, la DGPN considère que les dépenses de fonctionnement engendrées par la crise sanitaire atteindront 55 millions d’euros.

Dans le même temps, une diminution de recettes de 10,4 millions d’euros est anticipée, principalement en raison de l’annulation d’évènements sportifs et culturels bénéficiant habituellement d’un service d’ordre indemnisé (SOI).

Cette estimation pourrait être revue à la hausse en fonction de la programmation ou non de certains évènements (notamment le maintien ou non du tour de France, pour le moment reporté à la fin de l’été, qui représente environ 1,7 million d’euros au titre des SOI). D’autres recettes subissent les effets de la crise sanitaire, notamment les ventes au domaine et les prestations fournies par la police nationale (– 0,7 million d’euros).

Ces diminutions de recettes interviennent dans le contexte contraint de la diminution des recettes issues des fonds européens (– 2,7 millions d’euros), en raison de la suspension des paiements à la suite du contrôle de la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC).

L’effet de ciseau entraîné par la hausse des dépenses, concomitante à la baisse des recettes, semble plaider pour un dégel précoce de l’intégralité de la réserve ministérielle (10,9 millions d’euros en AE et 9,9 millions d’euros en CP), ainsi que de la réserve de précaution. Un tel dégel permettrait d’assurer la continuité de l’exercice budgétaire dans des bonnes conditions et d’éviter des reports trop importants sur l’exercice 2021.

2.   La crise semble à ce stade tirer à la baisse les dépenses de personnels, à l’exception de la prime versée à tous les fonctionnaires mobilisés

Les conséquences de la crise sur les dépenses de personnel sont à ce stade difficile à évaluer. Plusieurs éléments sont toutefois de nature à modifier les prévisions de dépenses :

Si, s’agissant de l’impact sur l’activité opérationnelle, la période de confinement a représenté une période très particulière pour les agents de police, confrontés à une situation inédite, il n’est pas établi à ce stade que le déploiement de patrouilles pour veiller au respect des règles durant la période de confinement ait généré un surcroît d’activité opérationnelle au niveau global.

En effet, l’activité de plusieurs services a été réduite en raison des mesures de confinement, entraînant par exemple une moindre mobilisation des personnels de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ou de la DCRFPN (Direction centrale du recrutement et de la formation de la Police nationale).

En outre, les heures supplémentaires des CRS devraient être moins coûteuses que la prévision initiale, sans qu’il soit possible à ce stade de déterminer l’ampleur de cette sous-exécution. Les heures supplémentaires réalisées par les personnels autres que CRS ne font pas l’objet d’une indemnisation mensuelle intégrale, mais sont indemnisées dans le cadre des campagnes d’indemnisation des heures supplémentaires, qui auront à lieu à l’été et à l’automne 2020. L’enveloppe de ces campagnes étant déjà définie (26,5 millions pour l’exercice de l’été), aucun surcout ne devrait être observé.

 

L’impact de la crise sanitaire sur les heures supplémentaires de la crise, ainsi que sur les astreintes, heures de nuit, dimanches et jours fériés n’est pas quantifiable à ce stade. Il conviendra d’attendre août 2020, le moment de la mise en paiement de ces rémunérations.

Par conséquent, les dépenses de personnel de la police nationale semblent être légèrement réduites en raison de la crise au titre des heures supplémentaires, de l’IJAT et des dépenses opérationnelles que constitue le règlement des astreintes, heures de nuit, dimanches et jours fériés.

Les agents de police bénéficieront néanmoins de la prime exceptionnelle versée aux personnels « pour lesquels l’exercice des fonctions a, en raison des sujétions exceptionnelles auxquelles ils ont été soumis pour assurer la continuité du fonctionnement des services, conduit à un surcroît significatif de travail, en présentiel ou en télétravail ou assimilé» ([10]) mobilisées durant la période de confinement, annoncée par le Gouvernent ([11]). Environ 15 % des personnels de la police nationale devraient en bénéficier, soit 21 930 agents, pour un coût de 15 millions d’euros hors CAS Pensions à financer en gestion. Des tensions budgétaires sont dès lors susceptibles d’apparaître sur le titre 2.

Le déroulement de la paie des mois de confinement a été perturbé par les conditions sanitaires : seuls les éléments permanents de la rémunération déjà enregistrés dans l'application PAY de la DGFIP ont ainsi été reconduits en paie de mars sur avril, sans inclure les mesures nouvelles (avancement, indemnités opérationnelles, ...), ni les rémunérations accessoires. La rémunération des réservistes notamment a été repoussée. La paie de mai s’est faite dans les mêmes conditions dégradées. Le retour à normal est attendu à compter de la paie de juin.

Dès lors, la tendance à la sous exécution constatée à la fin du moins d’avril (– 50,8 millions d’euros) devrait donc se confirmer en mai. Les paies de juin et juillet devraient toutefois permettre un effet de rattrapage.

En outre, des adaptations ont été décidées par la DGPN afin de permettre la réalisation du schéma d’emploi pour 2020 (+ 1398 ETP) : des réductions de la période de scolarité sont ainsi prévues, entre 0,57 et 2,1 mois pour les élèves gardiens de la paix, et de trois mois pour les cadets de la République. Le coût de ces deux mesures s’élève à 4,8 millions d’euros hors CAS. Ce coût est toutefois plus que compensé par la modification du calendrier d’incorporation, des adjoints de sécurité en formation, repoussée de plus de trois mois et permettant une économie de 5,6 millions d’euros hors CAS.

Coûts et économies des modifications des calendriers de formation
et d’intégration

Corps

Promotion

Effectif

Coût de la mesure en millions d’euros

TOTAL, en millions d’euros

Diminution des scolarités en 2020 : surcoût HCAS pour le titre 2 du programme 176

4,8

CEA

254

993

1,5

3,5

255

1051

1,8

256

321

0,1

Cadets de la République

15

342

1,3

1,3

Décalage de l’incorporation de la 126ème promotion d’ADS : économie pour le titre 2 du programme 176

– 5,6

ADS

126

734

– 5,6

– 5,6

Impact global sur 2020

 1,4

Source : réponse de la DGPN au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

3.   L’organisation retenue par la DGPN a permis d’assurer la continuité du service public

L’intégralité des directions de la police nationale a dû adapter son fonctionnement.

Le télétravail a été largement mis en œuvre, et une réserve opérationnelle a été constituée dans chaque service, permettant de limiter les risques de transmission sans pour autant mettre en péril la continuité de service et la capacité de réaction.

En outre, un travail de priorisation des missions a été mis en œuvre, prenant la forme d’un plan de continuité d’activité (PCA), décliné par chaque service afin d’adapter son fonctionnement à la période de crise. Ainsi, la garantie du respect des droits individuels, le maintien de la paix et de l’ordre public, les enquêtes judiciaires concernant les faits les plus graves ou liés à la crise, ainsi que la protection des personnes et des biens se sont poursuivies. L’organisation par alternance a notamment permis une mobilisation massive et rapide de la DIPJ de Lyon et de la DAT lors de l’attentat de Romans-sur-Isère le 4 avril 2020.

L’accueil du public et sa qualité sont toutefois restés des enjeux prioritaires, mais ont nécessité de nouvelles modalités de fonctionnement : la pré-plainte a été facilitée, l’usage de la plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes ainsi que l’usage des moyens numériques ont été renforcés, l’information par « tchat » a été déployée. Si les commissariats divisionnaires et subdivisionnaires n’ayant pas d’unité de police-secours dédiée ainsi que les commissariats de secteur ont été fermés au public à compter du 17 mars 2020, les 442 hôtels de police et les commissariats sièges de DDSP et de CSP ont été maintenus ouverts au public 24h/24.

 

Enfin, les opérateurs ont également revu leur fonctionnement. L’INPS a mis en œuvre un PCA reposant sur la réduction du nombre d’agents présents sur site à moins de 20 % de l’effectif normal. Les missions ont été priorisées autour des sujets présentant le plus haut degré d’urgence ou de sensibilité. La projection de l’unité nationale d’intervention lors de l’attentat de Roman-sur-Isère illustre d’ailleurs parfaitement le maintien de la pleine capacité opérationnelle de la police technique et scientifique (PTS) pour le traitement du haut du spectre infractionnel.

Enfin, les réservistes ont été beaucoup moins mobilisés que lors d’une période classique : 7 917 vacations ont été effectuées contre une moyenne mensuelle hors confinement de 19 473. Le taux d'emploi atteint donc 40,6 %. Cette faible mobilisation n’est toutefois pas de nature à modifier les prévisions de dépenses en IJR, le regain d’activité post-confinement devrait nécessiter une mobilisation des réservistes. En effet, une instruction du DGPN a été diffusée le 8avril incitant les services à employer les réservistes volontaires sous contrat le plus possible, afin de préparer les opérations de déconfinement.

Dans le même temps, les cadets de la République ont quitté leur structure de formation et ont été mis à disposition des services pour assurer la continuité de l’activité. Ce sont ainsi 420 cadets (356 en métropole et 64 en outre-mer) qui sont concernés. 2 857 élèves gardiens de la paix ont également été placés à la disposition des services.

B.   Si l’organisation adaptÉe de la gendarmerie a permis d’assurer la continuitÉ du service, des surcoûts de fonctiOnnement sont À signaler

La crise sanitaire a conduit à une augmentation significative des dépenses de la gendarmerie et à une baisse de ses recettes. Cet effet ciseau n’a toutefois pas eu de conséquences négatives sur la continuité de l’activité.

1.   La crise sanitaire contribue à augmenter les dépenses de fonctionnement et d’équipement de la gendarmerie

À l’instar de la DGPN, la DGGN estime les surcoûts de fonctionnement à 43 millions d’euros au 7 mai 2020. Ils portent principalement sur l’achat des moyens de protections, et notamment 3,4 millions de masques.

En outre, les recettes du programme 152 devraient diminuer de 5 millions d’euros, en raison de l’annulation d’événements comportant un service d’ordre indemnisé.

Les conséquences sur les dépenses hors titre 2 sont ainsi estimées à 48 millions d’euros. Si ce montant pourra être amené à évoluer dans les semaines à venir, sa couverture pourrait être assurée par plusieurs moyens.

 

 

Si la couverture des dépenses supplémentaires sans augmentation des crédits alloués au programme 152 est envisageable, elle se fera certainement au détriment d’autres dépenses, et notamment des dépenses de fonctionnement ou des dépenses d’investissement. Il peut être ainsi envisagé le dégel de la réserve de précaution à hauteur de 48 millions d’euros, sur les 51 millions d’euros gelés au titre du programme.

En outre, plusieurs mesures ont été mises en œuvre dans l’objectif de réaliser le schéma d’emploi voté en LFI : l’adaptation des épreuves des concours de recrutement des officiers devrait notamment permettre leur intégration sans conséquences budgétaires. La sélection des sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) du 18 mars 2020 a été reportée et fusionnée avec la prochaine sélection de septembre 2020. Enfin, concernant le recrutement des gendarmes adjoints volontaires, les épreuves ont repris en mai.

3 700 élèves des écoles et centres de formation ont été également été déployés sur le terrain, en 3 jours seulement. Une trentaine d’officiers est également venue en renfort des structures interministérielles de gestion de crise et du centre des opérations de la DGGN. Aucune compensation particulière n’est prévue.

À noter, les laboratoires de la police et de la gendarmerie ont été mobilisés dans le traitement des tests de dépistage au covid-19, mais sans surcoût (les tests ont été réalisés avec les crédits de l’AP-HP).

2.   L'organisation de l’activité a permis de limiter la charge opérationnelle pour les gendarmes et de maintenir le lien avec la population

La mobilisation de la gendarmerie a permis d’assurer la continuité des missions essentielles et le contrôle du respect des mesures du confinement, sans nécessiter de mobilisation spécifique de la réserve opérationnelle.

a.   L'organisation retenue a permis d'assurer l'information et la protection de la population

Le plan de continuité de l’organisation retenu favorise la souplesse des circuits décisionnels, leur rapidité et leur pragmatisme, qualités indispensables pour assurer la conduite des opérations en temps de crise. Un centre des opérations (CDO) a été créé au sein de la DGGN. Il sert à préparer, concevoir et diffuser les directives du DGGN. En son sein, un « groupe d’appui experts » (GAE) s’est plus particulièrement attaché à traiter les questions concrètes d’adaptation du service (ex : mise en œuvre des PCA, nettoyage des locaux, désinfection des véhicules, réalisation des auditions et des interventions) et de doctrine d’emploi des moyens de protection, et à conseiller les échelons de commandement.

 

Des mesures de protection ont été mises en œuvre pour limiter la contamination entre personnel : déploiement des mesures barrières, mise en place de packs sanitaires, diffusion des bonnes pratiques sur les équipements individuels de protection et sur l’adaptation des modes d’action à l’impératif de distanciation sociale (ex: accueil du public), décontamination, locaux et véhicules, mesures sanitaires dans les cercles mixtes, nettoyage des uniformes…

Dans le même temps, les missions ont été réorientées vers les plus enjeux les plus urgents :

– contrôle des obligations de confinement, puis le respect des restrictions de mobilité ;

– l’accompagnement de la population et l’aide aux plus vulnérables, avec l’opération #répondre présent ;

– la pérennisation des missions d’accueil, de sécurité et d’ordre public, de police administrative liée à la gestion de la crise, d’investigations judiciaires en lien avec la crise (atteintes au personnel soignant, VIF, cybermenaces…).

Ainsi, le contrôle du respect des règles du confinement n’a pas été la seule priorité : le besoin d’information des populations, la lutte contre délinquance et la contribution au bon déroulement des manœuvres sanitaires ont également été des sujets centraux.

La priorisation des mesures et les mesures d’adaptation du service ont permis de mobiliser chaque jour, sur le terrain, jusqu’à 70 % des effectifs opérationnels de la gendarmerie. Le taux des indisponibles pour confinement a atteint un maximum de 2,3 %. Si la priorisation des opérations a permis de réorienter l’activité vers le plus urgent, la crise sanitaire exige un niveau d’engagement des gendarmes très importantes : entre 60 000 et 65 000 gendarmes, dont 100 des 109 escadrons de gendarmerie mobile, ont été engagés en moyenne chaque jour depuis le début de la crise. Ces niveaux sont comparables à ceux observés lors des samedis les plus exigeants de la période de manifestations des « Gilets jaunes ». Aucune dégradation du service rendu à la population ni de la présence des gendarmes sur le terrain n’est donc à signaler.

Enfin, conformément aux annonces du Gouvernement, les personnels de la gendarmerie nationale pourront prétendre à une prime au même titre que les autres personnels de la fonction publique impliqués directement dans la gestion de cette crise.

 

L’opération #répondre présent

L’opération #répondre présent vise à offrir une offre globale de service, allant au-delà des seules missions de sécurité, sous l’autorité des préfets et pour le temps de la crise. Impulsée par l’échelon central, elle repose majoritairement sur les initiatives lancées au niveau local.

Plusieurs réalisations notables peuvent être saluées :

• Dans l’Ain : rencontre avec les habitants d’un quartier afin de désamorcer les tensions liées au confinement, distributions de masques aux EHPAD et aux communes ;

• En Corse : aide aux associations locales pour l’achat et la distribution de masques, médicaments et repas, aide aux personnes âgées qui ne peuvent se déplacer à la pharmacie ou encore hotline « gendassist » à destination des Maires pour répondre à leurs demandes dans différents domaines (aide à la population, soutien logistique…) ;

• Dans l’Hérault : transport de devoirs à destination des élèves confinés, messages de prévention aux VIF et aux cyber-menaces dans des supermarchés, camion de tests Covid à destination des soignants ;

• Dans la Sarthe : création d’une plateforme téléphonique à destination des séniors pour lutter contre l’isolement, armée par des militaires, et engagement des brigades de contact mobile (BCM) sur tous les marchés autorisés pour effectuer des actes de prévention en vue du déconfinement ;

• Dans les Yvelines : sensibilisation sur les modes de vie en famille pendant le confinement, unité de prévention contre virus informatique et sanitaire, lancement d’une Task Force GGD au profit des commerces, des collectivités et de l’éducation nationale pour effectuer du conseil en matière de désinfection ;

 En Martinique : mesures de soutien à la parentalité durant le confinement (diffusion d’infographies notamment) et contact avec les personnes vivant sur leur bateau.

b.   Une mobilisation de la réserve limitée durant le confinement

À ce stade de la gestion, il est prévu de consommer la totalité de l’enveloppe budgétaire dévolue à la réserve opérationnelle de la gendarmerie en LFI 2020, soit 70,7 millions d’euros en titre 2 hors CAS Pensions.

Durant le confinement, la gendarmerie n’a pas employé de réservistes de manière massive. Cette décision a été prise au regard des nécessités du confinement (limiter les déplacements), des impératifs opérationnels (conserver une réserve de manœuvre en cas de fort « taux d’attrition » des gendarmes d’active), de l’affectation anticipée en unités des élèves gendarmes et GAV (environ 3 700 militaires), et dans le but de préserver un taux élevé de disponibilité en vue de la phase de déconfinement.

Outre un renfort ponctuel d’unités, les réservistes ont notamment été employés dans l’opération « Zeno », destinée à assurer la sécurité des bureaux de La Poste lors du versement des prestations familiales, et à protéger les usagers. Environ 4 000 d’entre eux ont été employés à ces missions depuis leur mise en œuvre.

Pour l’heure, les convocations des réservistes dans le cadre de « Covid-19 » et de l’opération « Zeno » sont effectuées sous plafond de l’enveloppe budgétaire inscrite en LFI.

Durant la phase de déconfinement, les réservistes de la gendarmerie devraient être employés dans des volumes beaucoup plus importants, notamment pour des missions de renforts aux dispositifs estivaux de protection des populations (DEPP) et pour le soutien aux personnels d’active (reprise de missions traditionnelles et permanentes de police administrative et de police judiciaire).

II.   sÉcurité routiÈre

Si la politique de sécurité routière a été moins fortement touchée par la crise sanitaire, la baisse des recettes issues des amendes et la possible recrudescence de comportements à risque à la suite du déconfinement sont susceptibles d’avoir des effets de plus long terme.

A.   Une baisse de la mortalitÉ routiÈre qui ne doit pas conduire à relÂcher l’attention

L’un des principaux effets du confinement a été la diminution drastique de la circulation, dont l’effet mécanique est la baisse de la mortalité routière. Ainsi, avec 103 décès en métropole, avril 2020 a été le mois le moins meurtrier de l’histoire de sécurité routière. « Seules »7 personnes sont décédées dans les outre-mer. Cet effet est attendu, dans une moindre mesure, sur le mois de mai.

Toutefois, la DSR a des craintes quant à l’après confinement : une explosion des comportements à risques pourrait être observée en raison du sentiment de liberté retrouvée, à un désir de mobilité exacerbé, aux comportements festifs, à la perte d'habitude de la conduite chez les seniors, mais aussi à un important report sur les déplacements routiers de la part des habituels usagers des transports en commun, par crainte de la contagion, comme cela a été observé dans les premiers pays déconfinés.

B.   Des effets budgétaires massifs quant aux recettes du CAS Radars, mais plus limitÉes À long terme sur le reste de la politique de sÉcuritÉ routiÈre

Si l’ampleur de la baisse de recettes enregistrée par le CAS n’est pas connue de manière définitive à ce stade, l’activité de l’ANTAI a dû être adaptée à la situation de crise, entraînant quelques surcoûts de fonctionnement. Les crédits du programme 207 ne devraient quant à eux pas subir de conséquences majeures de la crise sanitaire.

1.   Le CAS radars : une diminution des recettes mais dont les résultats finaux dépendront des comportements post confinement

La première loi de finances prévoit une diminution des recettes des amendes de la police de la circulation et du stationnement. Cette estimation est cohérente avec les prévisions de la DSR. Pour 2020, s’agissant des recettes du contrôle automatisé, la prévision initiale d’amende forfaitaire pour 2020 était de 720 millions d’euros sur une base de 15,07 millions d’avis de contravention. Cette prévision est revue compte tenu de la baisse significative de la circulation routière liée à la crise sanitaire.

Sur la base d’une fin de confinement début mai, la prévision du volume d’avis de contraventions issues du contrôle automatisé est arrêtée à 13,4 millions, ce qui aurait pour résultat une recette d’amendes forfaitaires de 634,3 millions d’euros, soit 85,7 millions d’euros de moins que prévu initialement.

Cette prévision est susceptible d’évoluer en fonction des comportements post confinement. En effet, il est constaté une recrudescence des grands excès de vitesse malgré la baisse du trafic, si ce comportement perdurait post confinement la prévision sera réévaluée.

L’entretien et la maintenance du parc n’ont toutefois pas subi de conséquences négatives notables de la crise : l’ensemble des titulaires des marchés de maintenances des radars a repris son activité, après une courte suspension, le temps, pour chacun d’entre eux, de soumettre à la DSR un plan de reprise d'activité intégrant le respect des gestes barrières. Aussi, depuis la 1ère semaine d'avril 2020, les opérations de maintenances des radars ont repris sur l'ensemble du territoire et depuis début mai, les premiers travaux de génie civil préalables au déploiement de nouveaux radars sont à nouveau programmés. Aussi, à ce stade, sauf instructions contraires gouvernementales à venir, ni les activités de maintenance ni les déploiements de radars ne sont reportés.

2.   L’ANTAI a fortement été mise à contribution durant la crise sanitaire

l’ANTAI a assuré, dès le début de la crise sanitaire, l’intégration dans sa chaîne de traitement des nouvelles infractions aux règles du confinement. Par des évolutions apportées rapidement à l’application Pve, la capacité des forces de l’ordre à verbaliser dans des conditions respectant les normes sanitaires a été renforcée. Le maintien de la capacité de traitement de l’agence a permis la notification, d’abord par voie électronique, puis par voie postale, des premiers avis de contravention dès le 27 mars 2020. Fin avril, le nombre d’infractions aux règles du confinement traité par l’ANTAI depuis le 21 mars 2020, date des premières verbalisations, s’élevait à près d’un million.

 

 

Toutefois, la réorientation de l’activité a eu pour corollaire une suspension ou une réduction de l’activité sur certaines fonctions de la chaîne de traitement non prioritaire dans la période. Les résultats de l’activité sur les mois de mars et d’avril 2020 traduisent cette réorientation de l’outil de production :

– sur le contrôle automatisé, la baisse d’activité a été de – 41,4 % en mars et aucun avis de contravention n’a été envoyé en avril ;

– s’agissant du procès-verbal électronique, la baisse d’activité a été de – 42,9 % en mars mais de seulement – 8,1 % en avril. La grande majorité des avis de contravention envoyés en avril (1 030 711) se rapporte à des infractions liées au non-respect des mesures de confinement (86 % en moyenne) ;

– s’agissant du forfait de post-stationnement, la baisse d’activité a été de – 43,4 % en mars et aucun avis de paiement n’a été envoyé en avril. Les messages FPS émis pendant la période du confinement continuent à être intégrés mais ils sont en nombre très réduits, la plupart des collectivités ayant interrompu l’activité de stationnement payant.

Depuis la fin du mois d’avril, les activités suspendues font l’objet d’un redémarrage progressif, dont le rythme est conditionné par celui du retour sur site des effectifs du prestataire en charge de l’activité industrielle, non réalisable en télétravail, et celui des opérations techniques nécessaires au rétablissement des flux.

Au plan financier, ces nouvelles prévisions se traduisent par une baisse de 6 millions d’euros des dépenses de fonctionnement en matière d’éditique et d’affranchissement. Des dépenses supplémentaires d’investissement (500 000 euros) ont en revanche été réalisées pour assurer les développements informatiques permettant l’intégration des nouvelles infractions liées au non-respect des mesures de confinement.

3.   Les dépenses du programme 207 ne devraient être que peu touchées par la crise sanitaire et ses conséquences

Certaines des activités du programme 207 ont été suspendues durant la période de confinement : la passation des épreuves théoriques et pratique du permis de conduire ainsi que les actions de prévention qui se déroulent habituellement en présentiel.

La DSR n’estime pas de coût budgétaire lié au report. Toutefois, la reprise de ces activités à la fin du confinement nécessitera des mesures de protection ad hoc. Ainsi, les dépenses de fonctionnement du programme 207 connaîtront un surcoût en 2020 afin de prendre en charge les équipements de protection individuelle nécessaire à la reprise de l’activité, notamment pour les inspecteurs du permis de conduire (masques, lingettes, gel hydro alcoolique).

Ces dépenses supplémentaires sont néanmoins compensées par les moindres dépenses liées à la crise sanitaire (absence de déplacements des inspecteurs du permis de conduire, annulation d’évènements publics de prévention…).

Des campagnes de communication n’ont pu se dérouler : trois d’entre elles, représentant un coût total de 563 000 euros, sont annulées, tandis qu’une quatrième sera probablement reportée à 2021, pour un coût de 250 000 euros.

Toutefois, la DSR redoutant une forte hausse de l’accidentalité routière à la fin du confinement, une importante campagne de communication a été lancée à la mi-mai sur ce sujet, pour un coût de 2,3 millions d'euros.

Par ailleurs, l’ONISR a initié une étude auprès du grand public afin de déterminer l'influence du confinement sur le comportement routier, pour un coût de 61 000 euros.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 15 heures, le mercredi 3 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Nadia Hai et M. Romain Grau, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Sécurités, Police, Gendarmerie, Sécurité routière, Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

 

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ÉCHANGES PAR VOIE DE QUESTIONNAIRES AVEC LES RAPPORTEURS Spéciaux

– Direction générale de la police nationale (DGPN)

– Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)

– Délégation à la sécurité routière (DSR)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   SOURCES UTILISÉES

– Rapports annuels de performance annexés à la loi de règlement pour 2019 sur la mission Sécurités et sur le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ;

– Projets annuels de performance annexés à la loi de finances pour 2019 sur la mission Sécurités et sur le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ;

– Notes d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2019 sur la mission Sécurités et sur le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ;

 Cour des comptes, « La préfecture de police de Paris », décembre 2019.


([1])  9 ETP pour la gendarmerie.

([2]) Le protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale du 11 avril 2016, et le protocole pour la valorisation des carrières des compétences et des métiers de la gendarmerie nationale du 11 avril 2016.

([3]) Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2019.  

([4])  4,8 millions d’euros au titre de la revalorisation de l’indemnité́ de sujétion spéciale de police et de 69,2 millions d’euros pour la revalorisation de l’allocation de maîtrise.

([5]) Note d’exécution budgétaire de la Cour de comptes pour 2019.

([6]) Loi n°2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.  

([7]) Réponses de la délégation à la sécurité routière au questionnaire des rapporteurs spéciaux.  

([8]) les recettes des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de circulation et de stationnement étaient estimées à 1 867 millions d’euros en LFI, mais les recettes du CAS ne sont que de 1 296 millions d’euros , soit 69,4 % du total.

([9]) Note d’exécution budgétaire.

([10]) Décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d'une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

([11]) Article 11 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 et décret °2020-570 du 14 mai 2020.