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N° 3011

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 44
 

 

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE LÉTAT

 

PARTICIPATION DE LA France AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

 

AVANCES À DIVERS SERVICES DE LÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Valérie RABAULT

 

Députée

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— 1 —

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES ANALYSES DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2019

A. LE CAS PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE LÉTAT

1. En dépenses

a. Les dépenses relevant du périmètre de lAgence des participations de lÉtat

b. Les dépenses ne relevant pas du périmètre de lAPE

c. La contribution au désendettement

2. En recettes

a. La privatisation de La Française des jeux

b. Les recettes en provenance dopérations réalisées en qualité dactionnaire

B. LE CAS PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

C. LE CCF AVANCES À DIVERS SERVICES DE LÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

SECONDE PARTIE : LES COMPTES SPÉCIAUX MOBILISÉS  POUR LUTTER CONTRE LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES  DE L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19

A. 20 milliards deuros de crédits supplémentaires sur le cas PFE

1. Le nouvel équilibre du CAS Participations financières de lÉtat

2. Le commentaire de votre rapporteure spéciale

a. Le report de la privatisation du groupe Aéroports de Paris

b. Louverture de 20 milliards de crédits de recapitalisation

B. LE CCF AVANCES SP PALLIE LA CHUTE DES RECETTES DU TRAFIC AÉRIEN

1. Le nouvel équilibre du CCF Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics

2. Le commentaire de la rapporteure spéciale

EXAMEN EN COMMISSION


— 1 —

PRINCIPALES ANALYSES DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
 

Pour l’exécution 2019, s’agissant du CAS Participations financières de lÉtat, la rapporteure spéciale fait les constats suivants.

● Le solde reporté du compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat a fortement augmenté (+ 1,6 milliard d’euros) en raison de recettes (2,8 milliards d’euros) nettement supérieures aux dépenses (1,1 milliard d’euros). Cela se justifie par une incertitude sur l’affectation ou non du produit de la privatisation de La Française des jeux au Fonds pour l’innovation et pour l’industrie (FII). La rapporteure rappelle que le fonctionnement obscur de ce Fonds et son alimentation par le produit de cessions de titres détenus par lÉtat, qui pourrait être mieux affecté, relèvent de choix dont la pertinence est critiquable.

● La construction du budget initial sur ce compte, avec des prévisions conventionnelles de 10 milliards d’euros en recettes et dépenses pour ne pas donner d’indication aux marchés, se traduit cette année par un rapport de 1 à 10 entre les dépenses prévues et les dépenses exécutées. La rapporteure spéciale regrette ce décalage, qui se fait au détriment de la qualité du débat parlementaire de la loi de finances initiale.

● De façon plus générale, lassociation du Parlement à la politique de lÉtat actionnaire est insuffisante : le Parlement ne peut participer à la définition de la stratégie actionnariale, le Gouvernement la décidant seul ; le Parlement n’est pas appelé à voter les mouvements financiers ; le Parlement n’a aucun impact sur l’affectation des dividendes versés par les participations détenues par l’État, les dividendes étant systématiquement versés au budget de l’État.

exécution du CAS Participations financières de lÉtat

(en millions d’euros, arrondis à l’unité la plus proche)

Solde cumulé du compte au 31 décembre 2018

Recettes

2019

Dépenses

2019

Solde du compte

au 31 décembre 2019

1 544

2 815

1 122

3 237

Source : rapport annuel de performances 2019.

prévisions de dépenses et exécution par programme

(en millions d’euros, arrondis à l’unité la plus proche)

Programme

Prévision LFI

Exécution

Programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de lÉtat

8 000

1 122

Programme 732 Désendettement de lÉtat et détablissements publics de lÉtat

2 000

0

Total

10 000

1 122

Source : rapport annuel de performances 2019.

Concernant la crise du Covid-19, les principales analyses de la rapporteure spéciale sont les suivantes :

1)     S’agissant du CAS Participations financières de l’État

● La première loi de finances rectificative pour 2020 (LFR 1) a acté le report de la privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP), en supprimant les recettes prévisionnelles de l’opération, soit environ 7 milliards d’euros. La rapporteure se félicite de cette décision : sa position contre le choix de cette privatisation demeure inchangée. Elle rappelle d’ailleurs que le report de l’opération découle d’abord de la procédure, encore en cours, de référendum d’initiative partagée.

● La LFR 2 a autorisé l’ouverture de 20 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour protéger les entreprises stratégiques françaises, sous forme d’interventions en capital. L’importance du soutien public signale la détermination de l’État à protéger les entreprises stratégiques mises en difficulté par la crise, y compris par le biais de nationalisations.

● En revanche, les débats parlementaires nont pas permis de connaître les modalités concrètes de ce soutien public. Les seules informations disponibles reposent sur l’expression du ministre de l’économie et des finances pendant la discussion générale de la LFR 2. Le périmètre ne porterait que sur des entreprises cotées. Les critères d’éligibilité seraient au nombre de trois : lindépendance nationale, linvestissement technologique et lemploi. Une liste d’une vingtaine d’entreprises, qui n’a pas été mise à la disposition du Parlement, a été dressée à partir de ces critères. La rapporteure déplore donc que cette enveloppe de crédits de 20 milliards d’euros ne soit qu’une forme de « facilité dinvestissement » offerte au Gouvernement, sans contrôle parlementaire a priori.

● En outre, certaines entreprises pourraient légitimement bénéficier d’un soutien en fonds propres du Gouvernement, voire d’une nationalisation, mais les critères avancés par le ministre pourraient conduire à les en exclure.

2)     S’agissant du CCF Avances à divers services de létat ou organismes gérant des services publics

● Les deux LFR ont consenti 1,2 milliard deuros davances à la direction générale de l’aviation civile, qui gère le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA), pour combler une partie des pertes de recettes entraînées par la mise à l’arrêt du trafic aérien.

● Le montant important de cette avance, a toutefois pour effet d’aggraver fortement la situation d’endettement du BACEA. Cette dette nouvelle représente, en volume, deux fois plus que le stock de dette existante qu’il reste au BACEA à rembourser. La rapporteure s’interroge donc sur les conséquences de cet endettement sur les marges de manœuvre de la DGAC, qui hérite dune situation dont elle nest pas responsable


— 1 —

   INTRODUCTION

Le présent rapport porte sur trois comptes spéciaux dont deux comptes d’affectation spéciale (CAS) et un compte de concours financiers (CCF).

Parmi les trois comptes spéciaux qui entrent dans le champ de ce rapport, le CAS Participations financières de lÉtat (ci-après CAS PFE) est, de loin, celui dont l’enjeu stratégique et patrimonial est le plus important. Il permet de mesurer le rôle et la place de l’État actionnaire dans notre économie.

Le CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce (ci‑après CAS Grèce) constitue le véhicule budgétaire permettant de transférer à l’État grec les revenus perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient, conformément au plan de désendettement de la Grèce adopté le 21 juillet 2011.

Enfin, le compte de concours financiers (CCF) Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics (ci-après CCF Avances SP) retrace les avances accordées par l’État à diverses entités publiques.

La première partie de ce rapport analyse brièvement l’exécution budgétaire de ces trois comptes spéciaux (I).

La seconde partie indique de premiers éléments d’exécution de ces comptes en 2020 dans le contexte de la crise économique du Covid-19 (II).

Rappel sur la notion de solde des comptes daffectation spéciale (CAS) et des comptes de concours financiers (CCF)

Le solde annuel des comptes d’affectation spéciale (CAS) et de concours financiers (CCF) ne doit pas être confondu avec le solde reporté ou cumulé.

Le solde reporté ou cumulé correspond au solde du compte spécial depuis sa création, sous déduction des montants non reportés par les lois de règlement. Contrairement à un CCF, le solde reporté d’un CAS ne peut jamais être négatif en application du II de l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Le report du solde ne signifie pas que la trésorerie est disponible. Juridiquement, le report vise seulement à permettre que les autorisations budgétaires de dépenses accordées aux différents comptes en lois de finances puissent excéder les recettes desdits comptes à hauteur dudit report.

Le solde annuel correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de lannée. Il fait varier le solde reporté de l’année précédente et impacte le montant du solde budgétaire de l’année en cours. Le solde annuel d’un CAS peut être déficitaire dès lors que le solde reporté demeure positif. Le solde d’un CCF peut être négatif.

 

   PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2019

A.   LE CAS PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE LÉTAT

Le CAS PFE est l’un des rares comptes d’affectation spéciale dont l’existence est expressément prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (extrait)

« Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de lÉtat, à lexclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte daffectation spéciale. »

Les recettes issues des produits de cession de participations sont ainsi affectées prioritairement aux dépenses nécessitées par les investissements en capital dans diverses sociétés et organismes. Le CAS PFE peut également être alimenté par des versements du budget général et participer au désendettement de l’État ou d’établissements publics.

Exécution du CAS PFE depuis sa création

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

Produits de cession et autres

Versement du budget général

Total

Opérations en capital

Désendettement

Total

2006

17 180,3

0

17 180,3

17 170,1

0

17 170,1

210,5

2007

7 725,3

0

7 725,3

512,4

3 526,3

4 038,7

3 686,5

2008

2 080,0

0

2 080,0

1 623,7

141,0

1 764,7

315,3

2009

514,2

2 940,0

3 454,2

1 796,8

0

1 796,8

1 657,4

2010

534,1

2 449,2

2 983,3

6 710,4

0

6 710,4

– 3 727,1

2011

634,6

0

634,7

716,2

0

716,2

– 81,6

2012

620,8

9 108,4

9 729,2

10 223,2

0

10 223,2

– 494,0

2013

2 751,2

8 340,5

11 091,7

9 871,8

0

9 871,8

1 219,8

2014

1 856,9

5 010,7

6 867,7

5 785,7

1 500,0

7 285,7

– 418,0

2015

2 645,6

804,3

3 449,8

2 619,4

800,0

3 419,4

30,4

2016

2 741,9

2 538,7

5 280,6

4 004,9

0

4 004,9

1 275,7

2017

6 410,8

1 500,8

7 911,6

8 562,9

100,0

8 662,9

– 751,2

2018

1 850,9

760,8

2 611,7

3 891,9

100,0

3 991,9

– 1 380,2

2019

2 452,3

362,8

2 815,1

1 122,1

0

1 122,1

1 693

2006-2019

49 998,90

33 816,20

83 815,20

74 611,50

6 167,30

80 778,80

3 236,6*

* dont 200,3 millions au titre du report de lancien compte daffectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés

Source : d’après les lois de règlement.

Le solde reporté du compte au 31 décembre 2018 était de 1,5 milliard d’euros.

Le solde annuel au titre de l’exercice 2019 est excédentaire de 1,7 milliard d’euros à raison de recettes de 2,8 milliards d’euros et de dépenses de 1,1 milliard d’euros.

Le III de l’article 6 du projet de loi de règlement arrête en conséquence le solde reporté du compte à 3,2 milliards d’euros au 31 décembre 2019.

CAS Participations financières de lÉtat

(en millions d’euros, arrondis à l’unité la plus proche)

Solde cumulé du compte au 31 décembre 2018

Recettes

2019

Dépenses

2019

Solde du compte

au 31 décembre 2019

1 544

2 815

1 122

3 237

Source : rapport annuel de performances 2019.

La comparaison de l’exécution avec les prévisions de la loi de finances initiale présente un intérêt limité car les prévisions ont été fixées de façon conventionnelle à 10 milliards d’euros en recettes et en dépenses. En théorie, cette présentation permet d’éviter de donner des informations au marché sur le programme de cession envisagé, mais elle prive le Parlement des données nécessaires pour apprécier les niveaux de dépenses et de recettes prévisionnels, notamment dans un contexte de privatisations importantes.

De façon inédite, en 2019, la différence entre la prévision est l’exécution atteint un rapport de 1 à 10 : seul un dixième des crédits ouvert a finalement été consommé. Comme le montre le tableau ci-dessous, ce rapport ne dépasse pourtant que rarement le 1 à 2. La rapporteure spéciale regrette que le budget en recettes et dépenses du compte spécial ne soit pas plus sincère au moment du vote de la loi de finances initiale.

Comparaison des prévisions et de l’exécution des recettes
et des dépenses du CAS PFE

(en millions d’euros)

 

Dépenses votées

Recettes votées

Dépenses exécutées

Recettes exécutées

2007

5 000

5 000

4 039

7 725

2008

5 000

5 000

1 765

2 080

2009

5 000

5 000

1 797

3 455

2010

5 000

5 000

6 710

2 983

2011

5 000

5 000

716

635

2012

5 000

5 000

10 223

9 729

2013

13 140

13 140

9 872

11 092

2014

10 012

10 012

7 286

6 868

2015

5 000

5 000

3 419

3 450

2016

4 679

4 679

4 005

5 281

2017

6 500

5 000

8 663

7 912

2018

5 000

5 000

3 992

2 612

2019

10 000

10 000

1 122

2 815

2020

12 180

12 180

 

 

Source : d’après les lois de finances initiales et les lois de règlement.

1.   En dépenses

Le CAS PFE comprend deux programmes, l’un consacré à l’investissement et l’autre au désendettement. Ainsi :

– le programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de lÉtat porte les crédits afférents aux opérations d’investissement de l’État relatives à ses participations financières ; ces dépenses budgétaires ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale sauf lorsque l’opération n’aurait pas pu être effectuée par un investisseur avisé. En effet, la perte de ressources budgétaires de l’État est compensée par l’acquisition d’un actif ;

– le programme 732 Désendettement de lÉtat et détablissements publics de lÉtat porte des crédits destinés à la Caisse de la dette publique ou au désendettement d’établissements publics ; là encore, ces dépenses budgétaires ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale puisqu’elles éteignent un passif.

Ces dépenses ont été évaluées, de façon conventionnelle, à 10 milliards d’euros en loi de finances initiale (8 milliards au titre des investissements et 2 milliards au titre du désendettement). Elles n’ont finalement représenté que 1,1 milliard d’euros et ont porté exclusivement sur des opérations en capital.

Crédits par programme en 2019

(en millions d’euros)

Programme

Prévision LFI

Exécution

Programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de lÉtat

8 000

1 122

Programme 732 Désendettement de lÉtat et détablissements publics de lÉtat

2 000

 

0

Total

10 000

1 122

Source : rapport annuel de performances 2019.

Les dépenses relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État (APE) se sont élevées à 578,8 millions deuros.

Les dépenses ne relevant pas du périmètre de l’APE ont atteint 543,4 millions deuros.

Enfin, la contribution au désendettement a été nulle.

a.   Les dépenses relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État

L’APE exerce la mission de l’État actionnaire dans les entreprises et organismes qui figurent sur la liste annexée au décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004.

Les principales opérations de 2019 ont été les suivantes :

– un achat d’actions du groupe EDF auprès de Bpifrance, à hauteur de 120,9 millions d’euros : cette somme correspond au montant des dividendes de l’année 2019 des 390 millions d’actions EDF détenues par Bpifrance et au 0,2 million d’euros dû au titre de la taxe sur les transactions financières. Cette opération se justifie car les dividendes du groupe sont versés sous forme de titres et l’État s’est engagé à permettre à Bpifrance de bénéficier de ces sommes en numéraire ;

– une avance d’actionnaire au bénéfice du Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies (LFB), à hauteur de 116,1 millions d’euros ;

– une souscription à l’augmentation de capital de l’Imprimerie nationale à hauteur de 114 millions d’euros ;

– plusieurs libérations de l’augmentation de capital souscrite en 2015 dans la Société pour le logement intermédiaire (SLI), à hauteur de 91,1 millions d’euros ;

– la souscription à des actions « OCEANE » du groupe Air France KLM à hauteur de 71,5 millions d’euros ;

– le versement de commissions dues au titre de la cession des actions du groupe la Française des jeux, à hauteur de 14,8 millions d’euros.

Trois opérations de moindre importance (seconde libération de l’augmentation de capital de Radio France, prêt d’actionnaire à la société Nickel SLN, souscription à l’augmentation de capital de l’Aéroport de Strasbourg) représentent un montant de 50,5 millions d’euros.

b.   Les dépenses ne relevant pas du périmètre de l’APE

i.   Versements au titre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3)

Le PIA 3 relève de la mission Investissements davenir, créé en loi de finances pour 2017 avec 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE). Le CAS PFE joue le rôle d’un canal budgétaire : il porte en dépenses les crédits du PIA 3 qui ont vocation à donner lieu à des prises de participations et est alimenté en recettes, pour le même montant, par la mission Investissements davenir.

En 2019, 350 millions d’euros ont été transférés à deux opérateurs, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et le groupe Bpifrance, en charge des prises de participations, via les opérations suivantes :

– 200 millions d’euros ont été transférés au groupe Bpifrance au titre de l’action Multi Cap Croissance n° 2. Il s’agit d’un fonds d’investissement dans le capital-risque et le capital-développement ;

– 100 millions d’euros ont été versés à l’action Démonstrateurs et territoires dinnovation de grande ambition, gérée par la CDC ;

– 50 millions d’euros ont bénéficié à l’action Sociétés universitaires et de recherche, également gérée par la CDC.

ii.   Autres interventions

En 2019, 10 millions d’euros ont été versés au bénéfice du fonds Definvest. Ce fonds intervient à hauteur de 50 millions d’euros dans des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire du secteur de la défense, par des opérations d’investissements en fonds propres. Les 10 millions d’euros versés en 2019 constituent la deuxième libération du capital de ce fonds, après 10 millions d’euros versés en 2018.

En outre, le renforcement de fonds propres au bénéfice de banques multilatérales de développement s’est élevé à 175,7 millions d’euros, essentiellement au profit de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB) (121,9 millions d’euros).

En outre, cinq opérations de moindre importance (souscription au capital de la société Pass Culture, recapitalisation de la Société immobilière de Guyane, souscription à l’augmentation de capital de l’institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, avance d’actionnaire souscription au capital d’Instex et souscription au capital de la coopérative Aptic) représentent un montant de 7,7 millions d’euros.

c.   La contribution au désendettement

La contribution au désendettement a été nulle en 2019. Elle s’était limitée à 100 millions d’euros en 2018 tout comme en 2017, sous la forme d’une dotation au CEA dans le cadre du dispositif de désendettement vis-à-vis d’AREVA.

La Caisse de la dette publique (CDP) n’a donc pas bénéficié de versements en provenance du CAS PFE. Pour rappel, la LFI prévoyait une contribution au désendettement de 2 milliards d’euros.

Selon le rapport annuel de performances, l’absence de contribution au désendettement se justifie par le report de l’opération de privatisation du groupe Aéroports de Paris, qui n’a pu avoir lieu en 2019 en raison du lancement d’une procédure de référendum d’initiative partagée.

 

2.   En recettes

Les recettes étaient prévues conventionnellement à 10 milliards d’euros pour 2019 par la loi de finances initiale au titre des produits de cession. Elles se limitent en exécution à 2,8 milliards deuros.

Une fraction des recettes constitue en réalité un simple transfert de crédits en provenance de programmes du budget général pour le financement d’opérations spécifiques au premier rang desquels les actions du PIA 3 (350 millions d’euros sur les 362,8 millions deuros abondés par le budget général).

Les recettes en provenance d’opérations en capital de l’État se sont élevées à un peu plus de 2,4 milliards d’euros dont les quatre-cinquièmes provient d’une seule opération, la cession de la majorité des actions détenues par l’État dans le groupe La Française des jeux, dans le cadre de sa privatisation, représentant un bénéfice de 1,9 milliard deuros.

a.   La privatisation de La Française des jeux

La privatisation du groupe La Française des jeux a été autorisée par le III de l’article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE. Un décret décidant le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la FDJ a ensuite été publié le 30 octobre 2019.

Un maximum de 99 320 000 actions a été proposé à la vente via à une offre à prix ouvert auprès du public, avec une décote de 2 %, et une offre réservée aux salariés du groupe (3,2 millions de titres). Ce maximum a été calculé pour maintenir l’État à au moins 20 % du capital social du groupe. Le prix de l’action proposée au public a été fixé à 19,50 euros.

Selon l’APE, auditionnée par la mission chargée d’évaluer l’application de la loi PACTE ([1]), « la privatisation de FDJ est un succès (…). Sur un placement d’un peu moins de 2 milliards d’euros, les épargnants particuliers français ont demandé 1,5 milliard d’euros sur plus de 500 000 ordres au total. Les institutionnels ont, quant à eux, demandé plus de 10 milliards d’euros. Ce succès a permis à l’État de déterminer un prix dans le haut de la fourchette de l’opération, tout en assurant la bonne évolution du titre dans l’après-marché. Cette opération aura ainsi permis de dégager plus de 1,8 milliard d’euros de ressources liées à la cession, auxquels s’ajoutent 380 millions d’euros de contrepartie financière versée par l’entreprise suite à la mise en place du nouveau cadre de régulation ».

 

 

Répartition de l’actionnariat de la française des jeux (191 M actions)

Actionnariat au 17/12/2019
sur la base des données publiques :
Engagement de conservation et Déclaration AMF

1 Incluant l’Union des Blessés de la Face et de la Tête, la Fédération Maginot, et les autres partenaires de pacte

2 Incluant les ordres des salariés dans le cadre de l’ORS dont la livraison est prévue le 19 décembre

Source : Française des Jeux

Les données du RAP permettent de préciser le fruit de cette opération : 1 888 millions d’euros ont été récoltés à la suite de la vente de 95,7 millions d’actions :

– 1 114 millions d’euros récoltés par la cession de titres auprès d’investisseurs institutionnels, dont 226 millions d’euros au titre de l’option de surallocation prévue dès lors que la cession s’est déroulée dans le cadre d’une introduction en Bourse ;

– 712 millions d’euros ont été récoltés par la vente de 36,5 millions d’actions au public ;

– 62 millions d’euros proviennent de la cession de 3,2 millions d’actions aux salariés du groupe FDJ.

La question de l’affectation du produit de cette privatisation reste indéterminée. L’exercice 2018 avait été marqué par le versement d’une dotation en numéraire de 1,6 milliard d’euros au profit du fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) auprès de Bpifrance. L’année 2019 poursuit cette politique d’affectation : le produit de la cession du groupe La Française des jeux, soit 1,9 milliard d’euros, devait abonder le FII.

Toutefois, selon le rapport annuel de performances, « le versement effectif au FII dépendra des besoins nouveaux d’intervention en fonds propres et quasi-fonds propres via le CAS PFE pour soutenir les entreprises en temps de crise sanitaire liée au coronavirus ». Selon toute vraisemblance, la gestion de la crise pourrait donc conduire à affecter le produit de cette privatisation au soutien en fonds propres aux entreprises françaises en difficulté.

Fonctionnement et ressources du fonds pour l’innovation et l’industrie

Le fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) a été constitué au sein de l’établissement public Bpifrance et consiste en un ensemble d’actifs de 10 milliards d’euros, dont :

– 1,6 milliard d’euros apportés en numéraire en septembre 2018 ;

– et environ 8,4 milliards d’euros apportés au premier semestre en titres de participations publiques, soit l’ensemble de la participation de l’État dans Thales (25,76 % du capital) et 12,93 % du capital d’EDF sur les 83,66 % que détient l’État ; ces titres sont logés provisoirement au sein du FII et ont vocation à être progressivement remplacés par les produits des cessions de participations publiques à venir.

L’ensemble des actifs du FII, qui constituent une dotation n’ayant pas vocation à être consommée, généreront un rendement annuel estimé entre 200 et 300 millions d’euros et destiné à soutenir le développement d’innovations de rupture.

b.   Les recettes en provenance d’opérations réalisées en qualité d’actionnaire

Les principales opérations de cession suivantes ont permis de dégager 481,9 millions d’euros de recettes supplémentaires :

– 350 millions d’euros ont été obtenus par la réduction du capital de la SOGEPA ;

– 94,5 millions d’euros ont été récoltés après la cession de 7,7 millions d’actions du groupe EDF à ses salariés dans le cadre d’une offre réservée ;

– 37,4 millions d’euros ont été obtenus par la cession par l’Agence française de développement d’actions de sociétés immobilières d’outre-mer (SIDOM).

En outre, cinq opérations de moindre importance (bonis de liquidation des sociétés Charbonnages de France et SFEF, recouvrement d’une créance auprès de la Banque interaméricaine de développement, retours sur investissements de fonds de capital-risque, ajustement de la contribution de la France au Mécanisme européen de stabilité) représentent des recettes diverses d’un montant total de 82,5 millions d’euros.

 

 

B.   LE CAS PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

Le CAS Grèce enregistre en recettes le produit de la contribution spéciale de la Banque de France correspondant aux intérêts grecs que celle-ci reverse à l’État français, et, en dépenses, le versement par la France de ces intérêts à l’État grec.

Le compte a enregistré 117 millions d’euros de recettes, un produit proche des prévisions de la LFI, fixées à 118 millions d’euros.

La consommation de crédits a repris en 2019 – 211,9 millions d’euros versés à la Grèce –, après avoir été nulle entre 2015 et 2018. En effet, les rétrocessions à la Grèce ont été suspendues en l’absence de conclusion de la 5e revue du second programme d’assistance financière depuis juillet 2014.

CAS Participation de la France au désendettement de la grèce

(en millions d’euros, arrondis à l’unité la plus proche)

Solde du compte

au 31 décembre 2018

Recettes

2019

Dépenses

2019

Solde du compte

au 31 décembre 2019

1 178

117

212

1 083

Source : rapport annuel de performances 2019.

La rapporteure spéciale regrette que les intérêts relatifs aux années 2015 et 2016 ne soient pas reversés à la Grèce en dépit de la réactivation, cette année, du dispositif de rétrocession.

C.   LE CCF AVANCES À DIVERS SERVICES DE LÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Les recettes et les dépenses du CCF Avances SP sont de l’ordre de 15 milliards d’euros.

CCF avances à divers services de létat ou organismes gérant des services publics

Solde du compte au 31 décembre 2018

Recettes
2019

Dépenses
2019

Solde du compte au 31 décembre 2019

– 1 896

11 416

11 344

– 1 801

Source : rapport annuel de performances 2019.

Elles sont constituées principalement par le préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) dans l’attente de leur remboursement par l’Union européenne. Les crédits sont les avances aux agriculteurs par l’intermédiaire de l’Agence de services et de paiement et les recettes sont les remboursements de l’Union européenne. En 2019, ces recettes et ces dépenses s’équilibrent à 8,1 milliards d’euros.

Hors préfinancement de la PAC, les dépenses du compte se sont limitées à 64,9 millions d’euros et les recettes à 298,8 millions d’euros.

Cette différence entre les dépenses et les recettes s’explique par les opérations concernant le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA), dont le stock d’avances, accumulé pendant plusieurs années via le présent CCF, poursuit sa résorption en 2019 : le BACEA a remboursé 137 millions d’euros et n’a pas consommé l’avance ouverte en LFI 2019, à hauteur de 59,7 millions d’euros. Au 31 décembre 2019, le stock d’avances restant à rembourser par le BACEA est de 674,1 millions d’euros.


— 1 —

   SECONDE PARTIE : LES COMPTES SPÉCIAUX MOBILISÉS
POUR LUTTER CONTRE LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
DE L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19

La crise du Covid-19 constitue un défi sans précédent pour l’action publique. Certaines des mesures de soutien économique prévues par le Gouvernement ont nécessité des dispositions de nature législative : il s’agit, en particulier, de l’ouverture de crédits supplémentaires sur les comptes spéciaux.

Deux lois de finances rectificatives (LFR), adoptées le 23 mars 2020 et le 25 avril 2020, ont conduit à modifier, de façon significative, l’équilibre de deux des comptes spéciaux entrant dans le périmètre du présent rapport spécial.

La LFR 1 a autorisé les mouvements de crédits suivants :

– sur le CAS Participations financières de lÉtat : annulation de 6 980 millions d’euros de crédits, afin de tirer les conséquences du report de la privatisation du groupe ADP ;

– sur le CCF Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics : ouverture de 500 millions d’euros de crédits, pour financer une avance au BACEA.

La LFR 2 a autorisé les mouvements de crédits suivants :

– sur le CAS Participations financières de lÉtat : ouverture de 20 milliards d’euros de crédits, pour permettre le soutien en fonds propres aux entreprises mises en difficulté par la crise économique ;

– sur le CCF Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics : ouverture de 700 millions d’euros de crédits, pour financer une nouvelle avance au BACEA.

Les développements suivants vont permettre de commenter la destination de ces crédits nouveaux et d’interroger la politique du Gouvernement quant à leur bon usage.


A.   20 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur le cas PFE

1.   Le nouvel équilibre du CAS Participations financières de lÉtat

La LFR 1 a prévu une baisse des recettes issues des privatisations à hauteur de 8 980 millions d’euros en 2020. En effet, la privatisation du groupe Aéroports de Paris n’est plus apparue opportune au Gouvernement dans le contexte de la crise économique. En particulier, la valorisation boursière du groupe ne permet plus de réaliser une bonne opération pour les finances publiques

Le report de cette opération se traduit donc par de moindres recettes attendues sur le CAS PFE. En contrepartie, des crédits ouverts pour équilibrer le compte en dépenses ([2]) ont été annulés à hauteur de 6 980 millions d’euros.

Au total, le montant des recettes qui ne seront pas perçues (9 milliards d’euros) est supérieur au montant des crédits annulés (7 milliards d’euros), ce qui crée un déséquilibre du CAS PFE de 2 milliards d’euros.

Équilibre intermédiaire du CAS PFE pour 2020 (LFR 1)

(en millions d’euros)

Produit des cessions, par l’État, de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement

12 180

 

P731 – Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

10 180

Annulation de crédits sur le P731

 4 980

Ajustement du montant des recettes

 8 980

P732 – Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

2 000

Annulation de crédits sur le P732

 2 000

Total des recettes

3 200

Total des dépenses

5 200

 

 

 

Solde

 2 000

Source : première loi de finances rectificative pour 2020.

Ce solde négatif constitue une anticipation de la nécessité d’utiliser les crédits disponibles sur la ligne des opérations intéressant les participations financières de l’État, qui permet de financer des acquisitions de titres, en particulier d’entreprises en difficulté, ayant besoin d’être recapitalisées.

Précisément, la LFR 2 a permis l’ouverture de 20 milliards d’euros sur le programme 731. La politique de l’État actionnaire prend donc le contre-pied de la précédente, et évolue vers de possibles prises de participation massives, dans des entreprises « présentant un caractère stratégique » ([3]) et dont la recapitalisation serait nécessaire.

nouvel Équilibre du CAS PFE pour 2020 (LFR 2)

(en millions d’euros)

Produit des cessions, par l’État, de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement

3 200

 

P731 – Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

5 200

Ouverture de crédits (PLFR)

+ 20 000

Abondement du budget général

+ 20 000

P732 – Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

0

Total des recettes

23 200

Total des dépenses

25 200

 

 

 

Solde

 2 000

Source : deuxième loi de finances rectificative pour 2020.

Cette ouverture de crédits est réalisée en miroir de la création du programme 358 Renforcement exceptionnel des participations financières de lÉtat dans le cadre de la crise sanitaire, doté de 20 milliards d’euros de crédits. Ces crédits permettent un abondement du budget général vers le CAS PFE, retracé dans les recettes de ce CAS. Ces dernières financent ainsi les crédits ouverts sur le CAS PFE, également de 20 milliards d’euros, qui seront utilisés pour des prises de participation.

Ce circuit est rendu nécessaire par l’application de l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que les prises de participation financières doivent être retracées dans le CAS PFE, et non via le budget général.

2.   Le commentaire de votre rapporteure spéciale

a.   Le report de la privatisation du groupe Aéroports de Paris

La LFR 1 a acté le report de la privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP), en supprimant les recettes prévisionnelles de l’opération, soit environ 7 milliards d’euros. La justification de ce report repose sur la crise financière actuelle, qui pèse sur la valorisation du groupe et qui induit une volatilité des cours peu propice au déroulement serein du transfert au secteur privé de la majorité des parts du groupe.

La rapporteure se félicite de cette décision : sa position contre le choix de cette privatisation demeure inchangée. Elle rappelle d’ailleurs que le report de l’opération découle d’abord de la procédure, encore en cours, de référendum d’initiative partagée.

Historique de la procédure de référendum dinitiative partagée (RIP)
contre la privatisation dADP

Le 10 avril 2019, 248 députés ont cosigné une proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris, ce qui aurait pour effet de rendre impossible la détention majoritaire du capital social du groupe ADP par des entités ne relevant pas du secteur public.

En effet, le neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « tout bien, toute entreprise, dont lexploitation a ou acquiert les caractères dun service public national ou dun monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

De jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel considère que le législateur peut ériger certaines activités en service public national (par exemple : décision n° 86‑207 DC du 26 juin 1986 ; décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006).

La société qui exerce une activité qualifiée de service public national doit être détenue majoritaire par l’État ou par d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public (décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006).

La rapporteure a considéré qu’il est vain d’opposer sur un sujet de cette importance démocratie représentative et démocratie directe. C’est la raison pour laquelle elle a soutenu le déclenchement de la procédure pouvant conduire à un référendum d’initiative partagé (RIP) sur cette proposition de loi. Issu de la révision constitutionnelle de 2008, le RIP peut être organisé « à linitiative dun cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales » (article 11 de la Constitution).

Par décision n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019, le Conseil constitutionnel a jugé que la proposition de loi était conforme aux conditions fixées par l’article 11 de la Constitution, permettant l’ouverture de la période de recueil des soutiens des électeurs. Le nombre de soutiens d’électeurs inscrits sur les listes électorales à recueillir a été fixé à 4 717 396 par le Conseil constitutionnel.

Au 4 mars 2020, 1 116 000 soutiens ont été enregistrés sur le site internet du ministère de l’intérieur dédié à cette procédure.

Comme le précise le rapport d’application de la loi PACTE, précité, la publication de cinq décrets d’application permettant d’organiser les opérations de privatisation sont reportés à une date indéterminée. L’Agence des participations de l’État (APE), auditionnée par les rapporteurs de la mission d’application, indique que « le Gouvernement ne prendra aucune décision relative à la privatisation dADP avant lissue de la phase de collecte des signatures préalables au lancement dun référendum ».

b.   L’ouverture de 20 milliards de crédits de recapitalisation

La crise du Covid-19 réclame une intervention publique massive : à ce titre, le volume du soutien passant par le CAS PFE n’est pas en question. L’ouverture de 20 milliards d’euros de crédits signale la détermination de l’État à protéger les entreprises stratégiques mises en difficulté par la crise, y compris par le biais de nationalisations.

En revanche, les débats parlementaires n’ont pas permis, malgré les demandes répétées de députés en provenance de plusieurs groupes minoritaires et d’opposition, de connaître les modalités concrètes du soutien public, le volume potentiel des opérations envisagées, le degré de conditionnalité qui accompagnera les recapitalisations ou les soutiens en fonds propres.

Le ministre de l’économie et des finances, pendant la discussion générale du deuxième projet de loi de finances rectificative ([4]), a apporté quelques précisions, cependant insuffisantes à éclairer correctement le Parlement.

S’agissant du périmètre, « il sagira dentreprises cotées, privées ou publiques, donc nécessairement des entreprises de taille importante, qui ne répondent pas aux critères déligibilité aux prêts garantis par lÉtat ou au soutien par le fonds de développement économique et social ».

S’agissant des secteurs concernés, trois critères sont avancés, « que [le ministre a] retenu pour dresser une liste comprenant une vingtaine dentreprises ». Toutefois, seuls les groupes Air France et Renault ont été cité par le ministre, et cette liste n’a pas été mise à disposition du Parlement.

Le premier critère est « lindépendance nationale ». Il s’agit donc des entreprises de secteurs stratégiques comme la défense, la santé, les télécommunications ou l’énergie.

Le deuxième critère porte sur les technologies d’avenir. « Il sagit dentreprises dans lesquelles nous avons investi des sommes considérables au cours des années passées – notamment grâce au crédit dimpôt recherche – pour quelles figurent parmi les leaders technologiques mondiaux. Les laisser se faire racheter signifierait vendre pour rien des technologies dans lesquelles les Français ont investi des milliards deuros depuis des décennies. Il faut donc les protéger ».

Enfin, le troisième est « lemploi », en particulier lorsqu’une importante filière de sous-traitance peut subir, par ricochet, l’effet de la défaillance d’une grande entreprise automobile ou aéronautique.

Le cumul du périmètre des entreprises et des critères d’éligibilité ne permet pas de dessiner une carte précise des entreprises susceptibles d’être soutenues, ce qui fait de l’enveloppe de crédits de 20 milliards d’euros une forme de « facilité d’investissement » offerte au Gouvernement, sans contrôle parlementaire a priori ([5]).

 

En outre, certaines entreprises pourraient légitimement bénéficier d’un soutien en fonds propres du Gouvernement, voire d’une nationalisation, mais les critères avancés par le ministre, notamment en matière de taille, pourraient conduire à les en exclure.

Le groupe socialiste a déposé une proposition de loi de nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation ([6]), plus particulièrement les entreprises Famar et Luxfer, spécialisées respectivement dans la production de bouteilles d’oxygène et de production pharmaceutique. Malheureusement, la taille modeste de ces entreprises semble, au vu des maigres informations disponibles, les exclure du bénéfice d’une intervention de l’Agence des participations de l’État.

B.   LE CCF AVANCES SP PALLIE LA CHUTE DES RECETTES DU TRAFIC AÉRIEN

1.   Le nouvel équilibre du CCF Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics

La LFR 1 a permis l’ouverture de 500 millions d’euros de crédits sur le programme 824 Avances à des services de lÉtat. L’unique ligne de ce programme porte sur les avances au budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA). Comme indiqué précédemment, cette ligne a longtemps constitué une facilité d’endettement pour le budget annexe, lequel était, depuis 2016, en voie de « désendettement » (les avances remboursées étaient supérieures aux avances octroyées).

STOCK DES AVANCES AU BACEA AU 31 DÉCEMBRE DEPUIS 2007

(en millions d’euros)

Année

Stock au 31 décembre

2007

408,2

2008

487,2

2009

733,5

2010

902,6

2011

1 010,3

2012

1 138,2

2013

1 217,1

2014

1 281,5

2015

1 224,2

2016

1 100,9

2017

977,9

2018

805,1

2019

674,1

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

Dans le contexte de la chute drastique du trafic aérien, les recettes du BACEA (principalement les redevances aériennes et la taxe daviation civile) ont été estimées en diminution de plusieurs centaines de millions deuros. Par conséquent, lavance au BACEA a été augmentée de 50 à 550 millions deuros pour 2020 par la LFR 1.

Équilibre intermédiaire du CCF Avances pour 2020 (LFR 1)

(en millions d’euros)

Remboursement des avances du P821

10 000

 

P821 – Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

10 000

Remboursement des avances du P823

109,5

P823 – Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

320

Remboursement des avances du P825

15

P825 – Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

15

Remboursement des avances du P824

122

P824 – Avances à des services de l’État

50

 

 

Ouverture de crédits sur le P824

+ 500

Total des recettes

10 246,5

Total des dépenses

10 885

 

 

 

Solde

 638,5

Source : première loi de finances rectificative pour 2020.

Cette estimation de perte de recettes a cependant été encore revue à la hausse en LFR 2, de 900 millions d’euros supplémentaires. Les ouvertures de crédits sur la CCF Avances SP correspondent, dans ce contexte, au même besoin que les ouvertures votées en LFR 1 : le financement du budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA), à hauteur de 700 millions d’euros supplémentaires, couvrant une partie seulement de ses nouvelles pertes de recettes, le reste étant supporté par la capacité d’endettement du budget annexe.

nouvel Équilibre du CCF Avances pour 2020 (LFR 2)

(en millions d’euros)

Remboursement des avances du P821

10 000

 

P821 – Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

10 000

Remboursement des avances du P823

109,5

P823 – Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

320

Remboursement des avances du P825

15

P825 – Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

15

Remboursement des avances du P824

122

P824 – Avances à des services de l’État

50

 

 

Ouverture de crédits sur le P824

+ 700

Total des recettes

10 246,5

Total des dépenses

11 585

 

 

 

Solde

 1 338,5

Source : deuxième loi de finances rectificative pour 2020.

2.   Le commentaire de la rapporteure spéciale

La perte de recettes de la direction générale de l’aviation civile, qui gère le BACEA, est la conséquence d’une situation purement exogène : la mise à l’arrêt du trafic aérien. La gestion du BACEA n’est donc pas en cause, et il est légitime que le compte de concours financier compense cette perte de recettes par une avance.

Le montant important de cette avance, soit 1,2 milliard d’euros, a toutefois pour effet d’aggraver fortement la situation d’endettement du BACEA, qui était en bonne voie de résorption. Cette dette nouvelle représente, en volume, deux fois plus que le stock de dette existante qu’il reste au BACEA à rembourser. La rapporteure s’interroge donc sur les conséquences de cet endettement sur les marges de manœuvre de la DGAC, qui hérite d’une situation dont elle n’est pas responsable.

 

 


— 1 —

   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 2 juin 2020 à 21 h 30, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale sur les crédits des comptes d’affectation spéciale et de concours financiers Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

 

*

*     *

 


([1])  Daniel Fasquelle, Roland Lescure, rapport n° 2619 sur la mise en application de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, 23 janvier 2020.

([2]) Ces crédits n’avaient pas pour objet d’être intégralement dépensés : la nature du CAS PFE est de fournir une évaluation de l’ordre de grandeur des acquisitions de participations financières dans certaines sociétés (côté dépenses) ou des cessions de participations (côté recettes). Cette présentation évaluative permet d’éviter de donner des informations au marché sur le programme de cession ou d’acquisition envisagé.

([3])  Exposé des motifs de la LFR 2 pour la création du programme 358 Renforcement exceptionnel des participations financières de lÉtat dans le cadre de la crise sanitaire, au sein de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire.

([4]) Assemblée nationale, session ordinaire de 2019-2020, première séance du vendredi 17 avril 2020.

([5]) L’article 22 de la LFR 2 prévoit seulement que, du 25 avril au 31 décembre 2020, le ministre chargé de l’économie et des finances « informe avant de l’autoriser les présidents et les rapporteurs généraux des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances de toute opération d’investissement [financée par cette enveloppe] dont le montant excède un milliard d’euros ».

([6]) Christine Pires Beaune et les membres du groupe socialiste, proposition de loi n° 2855 de nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation, déposée le 28 avril 2020.