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N° 3047

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à mettre en place pendant deux ans un dispositif « zéro charge » pour lembauche de jeunes de moins de 25 ans,

 

 

 

Par MGuillaume PELTIER,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2989.

 

 


 

 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

commentaire dES articles

Articles 1er et 2 Exonération de cotisations sociales pour les jeunes de moins de 25 ans

COMPTE RENDU DES TRAVAUX


–  1  –

   avant-propos

● La France fait face à une crise économique quasiment sans précédent :

– sans précédent quantitatif dans la période récente, puisque la prévision associée à la dernière loi de finances rectificative pour 2020 du 25 avril 2020 est celle d’une récession à – 8 %, prévision probablement inférieure à ce que sera la réalité de l’économie de notre pays cette année ([1]) ; même en restant de cet ordre de grandeur, la crise serait ainsi pire que celle de 2009 (– 2,9 %), pire que la grande dépression de 1873 (– 7,0 %), pire que les récessions « de guerre »
de 1870 (– 7,6 %) ou 1914 (– 7,1 %), pire que la récession de 1932 ; seuls les pires moments des deux grands conflits mondiaux du XXe siècle auraient atteint des niveaux supérieurs (– 15,5 % pour 1944 ([2])) ;

– sans précédent dans la forme qu’elle a pu prendre, en frappant des secteurs économiques entiers privés totalement d’activité pendant deux, trois, quatre mois, laissant craindre de nombreuses faillites et de nombreux licenciement ; l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime ainsi que 1,8 million de salariés ont été directement concernés par les mesures de confinement et de fermeture administrative (600 000 dans la restauration, 500 000 dans le commerce de détail...) ([3]).

Cette catégorie de crise a pour caractéristique de créer très rapidement un chômage massif : le nombre de chômeurs a augmenté de 7,1 % en mars, mois pourtant seulement partiellement concerné par le confinement, et beaucoup d’économistes s’accordent à considérer que ce ne serait qu’un début, le taux de chômage pouvant remonter à 10 % de la population active d’ici l’automne, notamment à travers la fin des contrats courts ([4]).

La situation en avril serait encore plus alarmante d’après les derniers chiffres publiés par Pôle Emploi : le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A ([5]) a en effet augmenté de 22,6 %, soit 843 000 chômeurs supplémentaires par rapport à mars. Le nombre de demandeurs d’emploi serait ainsi « à son plus haut depuis le début de la série en 1996 (4 575 500) » ([6]). La hausse la plus forte toucherait les moins de 25 ans (+ 149 800, soit + 29,4 %).

● Au regard de ces difficultés, ce sont près de deux millions de nouveaux actifs devant entrer sur le marché du travail ces trois prochaines années (environ 700 000 personnes terminent leurs études chaque année ([7])) qui risquent de se retrouver confrontés au « mur » du chômage de masse.

La jeunesse de notre pays est d’autant plus vulnérable qu’elle était encore très exposée au chômage avant la crise, avec un taux de chômage des 15-24 ans de 19,6 % contre 8,4 % pour l’ensemble de la population en 2019 ([8]).

On sait que les jeunes sont surreprésentés dans les emplois les plus courts, plus fragiles en temps de crise que les emplois plus stables, et qu’ils souffrent aussi du manque de qualification ou d’expérience.

Le risque est donc que la crise les tienne éloignés de l’emploi à court mais aussi à moyen termes, le chômage alimentant à son tour une perte de qualification ou d’expérience, qui risque de défavoriser durablement ces jeunes actifs sur le marché de l’emploi.

Dit autrement, notre jeunesse pourrait en l’absence d’action concrète, rapide et importante être la première victime de la crise et si rien n’était fait, elle aurait probablement raison de nous accuser collectivement de « non-assistance à jeunesse en danger ».

● Aussi, le rapporteur estime que la reprise ne peut se concevoir qu’en valorisant le travail, qui demeure le principal levier de la reprise. Or, en France, celui-ci a un coût qui reste relativement élevé, notamment lorsqu’on s’éloigne du SMIC, à raison des charges sociales salariales comme patronales qui pèsent sur les rémunérations.

Du point de vue de l’entreprise, frappée de plein fouet par la crise et sans visibilité pour les deux années qui viennent, le coût de ces jeunes qui restent bien souvent à former et à intégrer à l’entreprise risque de sembler bien élevé et de jouer contre eux en termes d’embauches.

● Il est donc nécessaire de mettre en place une mesure forte, compréhensible, valorisant l’envie de travailler de ces jeunes et la décision d’embauche de l’entreprise.

C’est le sens de cette proposition de loi qui entend exonérer de cotisations les rémunérations touchées par les jeunes de moins de 25 ans embauchés dans les deux années qui viennent.

L’idée n’est pas nouvelle et avait été expérimentée avec succès en 2008‑2010 puis en 2012, dans ce même contexte de crise économique. Il s’agit ici d’en reprendre l’esprit en ciblant ces jeunes entrant ou entrés depuis peu sur le marché du travail, en encourageant très fortement les employeurs pour emporter leur décision d’embauche. Il s’agit d’engager un cercle vertueux à travers une mesure bonne pour l’emploi, bonne pour l’activité de notre pays mais aussi bonne à moyen et long termes pour nos comptes publics.

L’exonération concernera ainsi l’ensemble des rémunérations touchées du 15 juin 2020 au 15 juin 2022, incitant ainsi à des embauches rapides et permettant à l’entreprise qui recourrait à ce dispositif de se projeter sur plusieurs mois.

Afin de tenir compte des exonérations significatives qui existent déjà au niveau du SMIC, la mesure sera étendue aux rémunérations jusqu’à 4,5 SMIC.

Cette question d’un plafond à 4,5 SMIC a fait l’objet de débats importants en commission. Elle a pourtant été conçue par parallélisme avec le dispositif d’activité partielle prévu par le Gouvernement, qui prévoit d’accompagner nos compatriotes jusqu’à ces niveaux de rémunération, dont le rapporteur ne conteste certainement pas qu’ils sont élevés.

Loin de rechercher à aider des jeunes ayant des salaires d’embauche très élevés, ce plafond avait pour principal objet d’éviter l’écueil très français des effets de seuil. On dénonce trop souvent le caractère arbitraire de ces plafonds et de ces seuils, qui tendent par ailleurs à « figer » certaines rémunérations. Or, en l’espèce, il s’agissait d’intégrer l’ensemble des jeunes quasiment sans exclusive, tout en évitant quelques situations aberrantes dans les secteurs du sport, de la culture ou de la finance.  

Ce choix d’une limite élevée était donc délibéré. Néanmoins, le rapporteur ne souhaite pas se focaliser sur ce point, si une évolution peut permettre l’adoption de la proposition de loi, si nécessaire pour répondre à la crise en cours. 

Simple, claire, puissante, cette proposition entend être à la hauteur de notre jeunesse, qui espère que les pouvoirs publics n’en feront pas la « génération sacrifiée » à cette nouvelle crise, et qui pourrait, si nous nous en donnons les moyens, bâtir par son travail la France de l’après-crise.

 

 


–  1  –

   commentaire dES articles

Articles 1er et 2
Exonération de cotisations sociales pour les jeunes de moins de 25 ans

Faisant le constat de l’insuffisance des dispositifs existants face à l’ampleur des besoins engendrés par la crise, l’article 1er propose d’exonérer de cotisations sociales les rémunérations touchées par les salariés de moins de 25 ans embauchés du 15 juin 2020 au 15 juin 2022, dans la limite de 4,5 fois le montant du salaire minimum de croissance.

I.   Les exonÉrations de cotisations en direction de la jeunesse : des dispositifs limitÉs aujourd’hui malgrÉ une efficacitÉ prouvÉe et ÉprouvÉe

Parmi les nombreux dispositifs d’exonérations, de réductions ou d’exemptions de cotisations sociales existants ([9]), certains sont d’ores et déjà susceptibles de concerner les jeunes travailleurs. Les développements infra recensent ainsi les plus importants.

Cependant, parce qu’ils sont très généraux ou, au contraire, très ciblés, aucun de ces dispositifs ne permet de répondre à la problématique d’une « génération » entière qui risque d’être « sacrifiée » sur le terrain de l’emploi, en raison de la crise.

A.   Les dispositifs d’exonÉrations applicables aux jeunes : des dispositifs bienvenus mais insuffisants au regard de la crise

1.   Les « allégements généraux » ciblent les rémunérations au niveau du SMIC

Parmi ces dispositifs d’exonérations susceptibles de concerner la jeunesse, on compte bien évidemment les « allégements généraux » qui constituent, en compilant l’ensemble de ses composantes, le volume financier le plus important (52 milliards d’euros sur les 66,4 milliards d’euros en 2019, d’après la Cour des comptes ([10])).

On peut rappeler toutefois que ces dispositifs sont essentiellement consacrés à réduire les cotisations sur les bas salaires :

– avec l’allégement général dégressif (dit parfois « allégement Fillon ») qui permet désormais d’annuler la quasi-totalité des cotisations patronales au niveau du SMIC (19,6 milliards d’euros en 2019) ;

– la réduction de 6 points de cotisations « maladie » entre 1 et 2,5 SMIC, dite « bandeau maladie » (22,2 milliards d’euros en 2019) ;

– la réduction de 1,8 point de cotisations « famille » entre 1 et 3,5 SMIC, dit « bandeau famille » (7,8 milliards d’euros en 2019).

Le tableau suivant, présenté dans l’annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, combine ces trois effets pour les allégements généraux jusqu’à 3,5 SMIC.

Source : annexe 5 au PLFSS 2020.

Le niveau de cotisations patronales au niveau du SMIC est donc quasiment nul puisque l’ensemble des cotisations dues sont « absorbées » par la combinaison des allégements « Fillon » et des deux « bandeaux », puis le niveau de cotisations augmente progressivement jusqu’à 1,6 SMIC (effet de la dégressivité), avant de remonter, par paliers, à 2,5 SMIC (annulation du « bandeau maladie ») puis à nouveau au-delà de 3,5 SMIC (annulation du « bandeau famille »).

Seules les rémunérations supérieures à 3,5 SMIC sont donc soumises au barème « normal » de cotisations (39,92 points), sous réserve qu’elles ne fassent pas l’objet d’exonérations spécifiques.

En revanche, l’exonération totale de cotisations sociales ne concerne que les rémunérations au niveau du SMIC, et n’est pas totalement complète puisqu’un taux de cotisations « modulable » au titre des accidents du travail est toujours dû à hauteur de 1,52 %.

taux applicables pour chaque type de cotisation

Taux applicables en % de la rémunération

Cotisations et contributions dans le champ de l’allégement général

Taux applicables aux employeurs soumis à une contribution FNAL de 0,5 %

Taux applicables aux employeurs soumis à une contribution FNAL de 0,1 %

Application des allégements généraux

Cotisation maladie

7

7

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Augmente de 6 points à partir de 2,5 SMIC

Cotisation famille

3,45

3,45

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Augmente de 1,8 point à partir de 3,5 SMIC

Cotisation vieillesse plafonnée

8,55

8,55

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Cotisation vieillesse déplafonnée

1,9

1,9

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Cotisation « socle » AT-MP*

0,69

0,69

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Contribution FNAL

0,5

0,1

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

CSA

0,3

0,3

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Cotisation chômage

4,05

4,05

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Cotisation tranche 1 AGIRC-ARRCO**

4,72

4,72

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

Contribution d’équilibre général AGIRC-ARRCO (CEG)

1,29

1,29

Intégré au barème de l’allégement dégressif jusqu’à 1,6 SMIC

TOTAL INTÉGRÉ AU BARÈME DE L’ALLÉGEMENT DÉGRESSIF

32,45

32,05

 

Cotisation « modulable » AT-MP***

1,52

1,52

Exclue du champ de lallégement dégressif

* Hypothèse d’une entreprise qui aurait un taux de sinistralité nul.

** Hypothèse d’un salaire inférieur au plafond de la sécurité sociale (PASS).

*** Sur la base d’un taux moyen de cotisation AT-MP de 2,2 %. Ce taux est en réalité variable en fonction de différents critères.

2.   Les exonérations liées à l’apprentissage et au stage ne permettent pas d’inciter à des embauches pérennes

● Des exonérations spécifiques concernent les contrats d’apprentissage, nécessairement signés par des travailleurs de 16 à 29 ans :

– l’exonération de cotisations patronales pour les apprentis du secteur public (article L. 6227-8-1 du code du travail). Depuis le 1er janvier 2019, le dispositif similaire pour le secteur privé a été remplacé par les allégements généraux, globalement plus avantageux ;

– l’exonération de cotisations salariales (mais aussi de contribution sociale généralisée – CSG – et de contribution au remboursement de la dette sociale – CRDS) (article L. 6243-2 du code du travail).

D’après l’annexe 5 précitée, 454 069 personnes étaient ainsi exonérées en 2018, pour un coût total de 984 millions d’euros.

● Par ailleurs, les stagiaires, quelle que soit la structure d’accueil, bénéficient d’une franchise d’assiette (exemption) à l’exception de la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), à condition que la gratification ne dépasse pas 3,75 euros de l’heure ([11]) (article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale).

D’après les données du ministère de l’éducation nationale citées par l’annexe 5, le dispositif concernait 420 000 stagiaires en 2016-2017. Le coût total était de 114 millions d’euros en 2018.

Dans un cas comme dans l’autre, le rapporteur ne peut qu’observer que si ces dispositifs bienvenus visent majoritairement des jeunes, ils ne sont pas de nature à constituer une réponse adéquate à la crise que vont subir sur le marché de l’emploi, car ils s’attachent à des formes d’emploi par nature provisoires.

B.   Les exonÉrations ciblant l’embauche des jeunes ont fait leurs preuves

Des dispositifs de réduction des cotisations en direction de la jeunesse ou des moins qualifiés ont déjà été expérimentés avec succès.

 Cétait notamment le cas du dispositif « zéro charges » mis en place entre le 4 décembre 2008 et le 30 juin 2010 dans les très petites entreprises (TPE) pour lensemble des salariés embauchés à un salaire inférieur à 1,6 fois le SMIC puis rétabli entre le 18 janvier et le 17 juillet 2012 ([12]) en faveur des jeunes de moins de 26 ans.

Étaient considérés comme des embauches au regard de ce dispositif :

– la conclusion d’un contrat à durée indéterminée ;

– le renouvellement d’un contrat à durée déterminée ;

– la transformation d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Le dispositif prenait alors la forme d’une aide financière versée par Pôle emploi, cumulable avec les allégements « Fillon », et qui couvrait ainsi les cotisations patronales résiduelles au niveau du SMIC.

● Une étude empirique menée par Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo pour le compte de l’Institut Montaigne ([13]) avait permis d’établir un effet particulièrement bénéfique du dispositif mis en place entre 2008 et 2010 en utilisant la taille des entreprises pour réaliser une comparaison. Concernées par le dispositif, les entreprises de six à neuf salariés ont embauché proportionnellement beaucoup plus dans la période d’application du dispositif que des entreprises relativement comparables de dix à treize salariés, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Taux de croissance de l’emploi dans les entreprises et impact du dispositif « zÉro charges »

L’étude permettait de conclure à une hausse de 0,08 % de l’emploi pour une baisse de 0,04 % du coût du travail, avec un effet très rapide (impact significatif dès mars 2009 pour un dispositif introduit en décembre 2008). Mieux, elle concluait à un coût par embauche de zéro, en intégrant les moindres transferts sociaux qu’impliquent les créations d’emploi.

● On peut rappeler que les partenaires sociaux avaient mis en place dans leur accord du 14 mai 2014 ([14]) une exonération de la cotisation patronale d’assurance chômage pour les salariés de moins de 26 ans, finalement supprimée par l’accord du 28 mars 2017 ([15]), dans un contexte d’économies et de rétablissement de l’emploi.

● L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » issue de la loi du 29 février 2016 ([16]) est également un excellent « aiguillon » dans les politiques de lutte contre le chômage, que le rapporteur souhaite intégrer dans les exemples d’initiatives réussies.

Pour rappel, cette expérimentation territoriale permet la création d’entreprises à but d’emploi (EBE) qui offrent un contrat à durée indéterminée à des personnes privées d’emploi. Le financement est assuré par les « dépenses évitées » pour un chômeur de longue durée, et permet même des économies pour les finances publiques à hauteur de 5 000 euros par personne (2 600 euros d’économies en prestations chômage et 2 400 euros de recettes supplémentaires en impôt et taxes) ([17]).

Bien qu’elle procède selon des modalités différentes des expérimentations précitées, cette expérimentation valide une logique plus générale : réinvestir les moyens des transferts sociaux vers la création d’emploi via des politiques de l’emploi « actives » et non « passives » fonctionne et cette piste doit être poursuivie, notamment en temps de crise.

II.   l’article 1Er propose une exonÉration complÈte de cotisations sociales pour les jeunes embauchÉs dans les deux annÉes À venir

A.   un dispositif massif

● Le dispositif proposé entend renforcer massivement les allégements en faveur des jeunes.

L’exonération portera d’abord sur l’ensemble des cotisations sociales, légales et conventionnelles, soit l’ensemble des cotisations de sécurité sociale patronales, y compris celles versées aux régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO) et d’assurance chômage (Unédic) mais aussi la contribution au Fonds national d’aide au logement (FNAL) ainsi que la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA), sur le même champ que les allégements généraux.

Pour le rapporteur, si la priorité doit être mise sur l’embauche et donc sur le volet patronal, une véritable réflexion sur le volet salarial doit être conduite. En effet, revaloriser le travail, c’est à la fois inciter les entreprises à créer de l’emploi mais c’est aussi faire en sorte qu’il paye. C’est pourquoi il présente dans les développements qui suivent les effets possibles d’une exonération « jumelle » sur les cotisations salariales, sur le même périmètre.

La mesure aura donc vocation à se substituer pour les jeunes concernés aux allégements généraux, de la manière suivante :

– au niveau du SMIC, l’exonération sera véritablement totale :

 entre 1 et 4,5 SMIC, lexonération permettra une diminution très importante des cotisations puisquelle annulera les importantes cotisations résiduelles à ces niveaux de rémunération.

● Le tableau et le graphique suivants permettent d’identifier les gains pour les entreprises et pour les salariés.

gains issus de l’exonÉration pour l’employeur et le salariÉ (tableau)

(en euros)

Niveau de rémunération

Montant mensuel brut en 2020

Gain employeur

Gain salarié

1 SMIC

1 539,45

25,85

174,07

1,5 SMIC

2 309,175

693,22

261,17

2 SMIC

3 078,9

1 033,93

348,24

2,5 SMIC

3 848,625

1 531,34

430,36

3 SMIC

4 618,35

1 836,57

508,18

3,5 SMIC

5 388,075

2 239,52

586,16

4 SMIC

6 157,8

2 558,57

663,9

4,5 SMIC

6 927,525

2 878,21

741,9

Source : commission des affaires sociales à partir du simulateur urssaf.fr.

gains en euros issus de l’exonÉration pour l’employeur et le salariÉ (histogramme)

 

Source : commission des affaires sociales, à partir du simulateur disponible sur urssaf.fr.

Les gains en euros sont croissants en raison d’un double effet :

– d’une part, les cotisations étant par nature proportionnelles, plus la rémunération concernée est importante, plus l’exonération proposée a des effets importants ;

– d’autre part, l’effet des allégements précités fait varier l’effet en fonction du niveau de rémunération : moins la rémunération bénéficiait actuellement d’allégements, plus l’exonération proposée crée un gain important ; l’effet est ainsi nécessairement modéré à 1 SMIC, car il n’y avait quasiment aucune cotisation patronale à ce niveau de rémunération, puis monte des paliers à 2,5 puis 3,5 SMIC.

Ces effets sont d’autant plus visibles si on observe le gain en proportion de la rémunération brute concernée, comme dans le graphique suivant.

gains en points de cotisations issus de l’exonÉration pour l’employeur et le salariÉ (histogramme)

Source : commission des affaires sociales.

Le gain est proportionnel pour les salariés puisqu’il s’agit d’annuler les cotisations d’assurance vieillesse de base et complémentaire qui sont une fonction quasiment linéaire du revenu ([18]).

Le gain est en revanche marginalement croissant pour les employeurs en raison de la structure actuelle des allégements, qui favorise énormément les rémunérations très proches du SMIC. Par contraste, toute mécanique d’exonération supplémentaire tend à créer des gains progressivement croissants au-delà du SMIC jusqu’à une « stabilisation » du gain autour de 3,5 SMIC (au-delà, l’exonération « efface » alors le barème de droit commun des cotisations qui prévoit environ 40 % de cotisations).

● Afin d’optimiser les effets de la mesure, en favorisant des emplois de qualité, la notion d’embauche s’entendra :

– de la conclusion d’un contrat à durée indéterminée ;

– du passage d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée, à l’instar de ce qui s’était fait en 2012 ;

– de la conclusion d’un contrat à durée déterminée, suffisamment long pour être significatif en termes d’engagement de l’entreprise et d’expérience pour le jeune concerné, soit une durée minimale de six mois.

● La proposition de loi n’a délibérément pas visé d’employeurs en particulier, contrairement aux allègements généraux, afin que le champ soit le plus large possible. Le dispositif s’applique donc bien aux associations, en tant qu’employeurs privés, mais aussi aux administrations, et notamment aux collectivités territoriales, qui recourent à des contractuels en CDI ou en CDD d’au moins six mois.

● Le coût « brut » de la mesure pourrait sembler a priori important mais il est doublement à relativiser :

– d’abord, au regard du ciblage (moins de 25 ans, salaires inférieurs à 4,5 SMIC, deux années d’application, cfinfra) ; en effet, 75 % des jeunes concernés touchent moins de 18 000 euros nets par an, soit 1 500 euros nets par mois et 1 923 euros bruts par an (1,2 SMIC en 2020) ([19]) ; c’est donc davantage un signal incitatif très fort pour tous les jeunes qui ne bénéficieraient pas aujourd’hui des allégements généraux et pour les entreprises qu’un bouleversement complet de notre système de prélèvements sociaux, qui prévoit déjà certaines réductions de cotisations ;

– ensuite, au regard des coûts évités en termes de transferts sociaux (prestations chômage ou de solidarité – comme les aides personnelles au logement ([20])) et des recettes supplémentaires d’impôt sur le revenu, de CSG, de CRDS et plus généralement de richesse nationale que pourraient apporter ces embauches supplémentaires ;

– enfin, s’agissant d’une mesure de politique de l’emploi ciblée, elle pourrait et devrait faire l’objet d’une compensation financière par l’État à la Sécurité Sociale afin de ne pas grever le budget de cette dernière, conformément au principe de la loi « Veil » de 1994 ([21]).

En reprenant l’hypothèse d’un salaire moyen d’embauche situé autour du quatrième quartile des rémunérations pour cette classe d’âge (il y aura en effet peut-être davantage d’embauches à des niveaux de qualification plus élevés qu’à des niveaux plus faibles), soit 1 500 euros nets par mois, le coût mensuel du dispositif par salarié (cotisations salariales incluses) serait de :

– 574 euros par mois ;

– 6 893 euros par an ;

– si 50 000 emplois ([22]) étaient créés de manière pérenne ces deux prochaines années, soit 2 % du stock des emplois occupés par les 15-24 ans ([23]), dans les deux années qui viennent, cela représenterait un coût de 344 millions d’euros pour une année complète.

Le coût serait évidemment encore moindre s’il était ciblé sur les cotisations patronales (214 millions d’euros, avec les mêmes hypothèses).

En tout état de cause, il serait doublement gagé :

– sur le succès de la mesure ; en effet, si elle devient plus coûteuse, c’est qu’elle aura été plus efficace en termes de création d’emploi ;

– sur les « coûts évités » en matière de prestations, notamment de chômage ou d’assistance.

B.   un dispositif ciblÉ

● Comme les dispositifs mis en œuvre par l’État en 2012 ou par l’Unédic en 2014, il est choisi de privilégier les salariés ayant un âge inférieur à 25 ans. Cette borne permet de cibler les jeunes les plus fragiles, à savoir les moins qualifiés mais aussi les premières entrées sur le marché du travail des jeunes diplômés.

● Particulièrement généreux en vue de créer de fortes incitations dans un contexte de crise inédite, le dispositif serait néanmoins borné dans le temps puisqu’il ne pourrait s’appliquer qu’aux rémunérations versées entre le 15 juin 2020 et le 15 juin 2022. Les employeurs auraient donc deux ans pour entrer dans le dispositif. Plus tard l’embauche aurait lieu, moins son bénéfice serait long, ce qui est conforme avec l’objet de la loi d’inciter à une reprise aussi rapide que possible des embauches.

● Afin d’éviter des effets d’aubaine sur des rémunérations très élevées, l’exonération ne s’appliquerait pas aux rémunérations supérieures à 4,5 SMIC, et ce dès le premier euro. Ce niveau est évidemment aligné sur le plafond d’indemnisation de l’activité partielle retenu par le Gouvernement.

● En revanche, l’exonération n’est pas limitée à une taille d’entreprise en particulier comme cela avait pu être le cas en 2008-2010 ou en 2012.

La crise ayant percuté l’ensemble du tissu productif français, des petits commerçants et artisans aux fleurons de notre industrie, il convient en effet d’apporter une réponse harmonisée pour l’ensemble de ces entreprises. Ce seraient toutefois vraisemblablement les plus petites qui seraient les plus réactives, comme l’ont montré les expériences précitées.

Si le rapporteur est naturellement convaincu que le calibrage retenu est le bon, il est naturellement ouvert à ce que la discussion avec le Gouvernement et ses collègues parlementaires puissent conduire à des ajustements de ce ciblage en vue de permettre l’adoption de cette mesure forte pour notre jeunesse.

III.   l’article 2 propose un « gage » permettant d’assurer la recevabilitÉ de la proposition de loi

Afin d’être recevable au regard de l’article 40 de la Constitution, la proposition de loi présente un gage « tabacs » à son article 2.

Le rapporteur souhaite préciser qu’il n’est évidemment aucunement dans son intention d’augmenter les contributions sur les tabacs, et espère que ce « gage » pourra être levé au cours de la discussion de la proposition de loi.

Il insiste sur le coût mesuré de sa proposition au regard des effets bénéfiques qu’elle pourrait avoir sur l’emploi, mais aussi des gisements d’économies qui existent notamment dans la lutte contre les fraudes fiscales et sociales, qui se chiffrent en milliards d’euros ([24]). La mission d’information conduite par nos collègues Patrick Hetzel et Pascal Brindeau nous permettra probablement d’identifier de puissants leviers pour mieux lutter contre cette fraude qui permettraient de financer, entre autres, cette proposition de loi.

Le rapporteur a lui-même fait des propositions législatives sur ces sujets et déplore le manque de volonté de la majorité sur ce sujet.

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   COMPTE RENDU DES TRAVAUX

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9122002_5ed750fe57704.commission-des-affaires-sociales--examen-de-diverses-propositions-de-loi-3-juin-2020

Au cours de sa séance du 3 juin 2020, la commission procède à lexamen de la proposition de loi de M. Guillaume Peltier visant à mettre en place pendant deux ans un dispositif « zéro charge » pour lembauche de jeunes de moins de 25 ans (n° 2989) (M. Guillaume Peltier, rapporteur).

M. Guillaume Peltier, rapporteur. Merci de m’accueillir au sein de votre commission. Cette proposition de loi entre particulièrement dans le champ des compétences de la commission des affaires sociales en matière de travail, d’emploi et de cotisations.

Nous sommes confrontés à une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent et nous découvrons chaque jour des chiffres terribles. Nous sommes en pleine récession : 8 points de la richesse nationale perdus, soit pire qu’en 1870 et en 1914 ! En 1944, seulement ce fut plus tragique, avec 15 points de moins.

Au mois d’avril, le chômage a ainsi augmenté de 23 %, soit 843 000 Français de plus laissés au bord du chemin. Chez les jeunes, la hausse a été de 29 %, touchant 150 000 d’entre eux, évolution d’autant plus terrible qu’ils étaient déjà très touchés par ce phénomène, avec un taux de chômage avant la crise de 20 %, contre environ 8,5 % pour l’ensemble de la population active, et que près de 2 millions supplémentaires vont arriver sur le marché du travail au cours des trois prochaines années.

Une génération de 700 000 jeunes, tous diplômes confondus, dont près de 200 000 issus des lycées professionnels, s’interroge sur son premier emploi, sur son entrée dans la vie active.

Nous, députés de la nation, sommes donc incontestablement face à une génération qui, si nous ne faisons rien, sera sacrifiée. Au-delà des chiffres, nous rencontrons chaque jour dans nos permanences des visages, des parcours et des détresses. Je pense à en cet instant à Kevin, l’étudiant, à Farida, la programmatrice en alternance, à Cédric, qui finit son certificat d’aptitude professionnelle de conducteur d’engins, à Charlotte, l’apprentie qui, comme tous les jeunes Français que Salomé Berlioux et Erkki Maillard ont particulièrement bien dépeints dans l’excellent livre Les Invisibles de la République, s’inquiètent. Près de 60 % des moins de 25 ans vivent non pas dans des métropoles mais dans les territoires oubliés, au sein de la France rurale et périurbaine, où ils sont trop souvent assignés à résidence.

Au-delà des tendances politiques et du fait que cette proposition de loi est présentée par le groupe Les Républicains, nous devons donc avoir l’audace d’agir vite, sans quoi nous nous exposerions à trois risques majeurs, d’ordre économique, social et politique.

Risque économique tout d’abord : les entreprises pourraient demain ne pas avoir les moyens d’embaucher les jeunes talents dont elles ont pourtant besoin pour se développer.

Risque social ensuite : la France pourrait gâcher tous les moyens investis collectivement dans l’éducation de notre jeunesse, accroître les inégalités entre surqualifiés et non diplômés et rompre ainsi le contrat tacite entre les jeunes et la société.

Risque politique enfin : ne faisons pas en sorte d’être accusés, après-demain, de non-assistance à jeunesse en danger. La défiance ne cesse en effet de grandir dans notre pays à l’égard de l’action publique et des responsables politiques. Or notre jeunesse, éprise d’idéal, attend des actes forts, simples et concrets. Sur cette question centrale, moins encore que sur d’autres, nous n’avons le droit de nous payer de mots.

La proposition de loi vise donc à exonérer de cotisations toute embauche d’un jeune de moins de 25 ans au sein d’une entreprise, d’une association, d’une collectivité entre le 15 juin 2020 et le15 juin 2022. Elle se veut ambitieuse et juste. Il ne s’agit pas en effet d’un contrat au rabais puisque l’exonération en question serait conditionnée à la conclusion d’un contrat à durée indéterminée (CDI), à la transformation d’un CDD en CDI ou à la conclusion CDD d’une durée minimale de six mois. À rebours des dispositifs mis en place ces dix dernières années, la condition d’une embauche pérenne nous semble indispensable pour incarner l’idéal de justice sociale auxquels nous sommes très attachés.

La proposition de loi est crédible : depuis douze ans, d’abord à la suite de la crise financière de 2008, puis à nouveau en 2012, et enfin dans de nombreux territoires grâce au dispositif « zéro chômeur de longue durée », les politiques de l’emploi actives ont en effet montré leur supériorité sur les politiques passives.

Je renvoie ceux qui en douteraient à la très intéressante étude Alléger le coût du travail pour augmenter lemploi : les clefs de la réussite, publiée par les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, qui montre qu’une baisse de 1 % du coût du travail peut entraîner un accroissement de 2 % de l’emploi.

Notre objectif, compte tenu des succès obtenus en 2008, 2010 et 2012, est de permettre à un grand nombre de jeunes – entre 50 000 et 100 000 – de trouver un emploi, pour un coût de 200 à 400 millions d’euros. Prenons le cas d’un jeune Français embauché à 1 500 euros nets, soit 1,2 SMIC – 75% des jeunes de moins de 25 ans percevant, au maximum, cette rémunération à l’embauche, ce qui est, notons-le, très insuffisant. À ce niveau de salaire, le coût cumulé des cotisations patronales et salariales atteint le chiffre substantiel de 7 000 euros. À 1 800 euros nets, soit 1,5 SMIC, le gain direct pour l’employeur serait de 693 euros par mois, soit 8 500 euros par an, et, si l’on accomplissait également un effort en direction des cotisations salariales, le jeune percevrait 261 euros nets mensuels supplémentaires. De fait, contrairement à ce qu’on entend souvent, les cotisations sociales ne sont pas nulles à 1,2 ou 1,5 SMIC. Pour avoir été chef d’entreprise pendant huit ans, je peux vous assurer que 8 500 euros représentent une somme substantielle, surtout dans une période de tension sur les trésoreries.

Cette proposition de loi ne prétend pas résoudre toutes les difficultés liées à l’emploi, ni être la réponse absolue, unique et ultime à la désespérance de notre jeunesse. Elle est perfectible. Toutefois, elle offre une réponse extrêmement claire, lisible, simple et forte, d’application immédiate – puisqu’elle prendrait effet au 15 juin – pour les 700 000 jeunes qui sont en train d’achever leur période de qualification et qui vont entrer sur le marché du travail, ainsi que pour les entrepreneurs. On sait que 50 000 apprentis devraient être licenciés d’ici au 1er septembre, compte tenu des immenses inquiétudes des entrepreneurs, des artisans et des commerçants. Il y a urgence à agir ; n’attendons pas septembre. Nous devons, au-delà de nos sensibilités partisanes, adresser, au nom de l’Assemblée nationale tout entière, un message très fort et une réponse très concrète à notre jeunesse. Oui, nous sommes du côté de l’emploi et du travail, nous avons entendu l’inquiétude et la souffrance des jeunes, et nous leur apportons une réponse d’ampleur, qui a déjà fait ses preuves il y a douze ans, lors de la crise bancaire.

Si les primes, les allocations, les contrats au rabais, évoqués par certains, peuvent parfois se révéler légitimes, ne cultivons pas pour autant l’esprit de défaite. Qui peut prétendre qu’on grandit sans travail, sans effort, sans abnégation ? Qui peut grandir aujourd’hui en France avec, pour seul horizon, les minima sociaux, le revenu de solidarité active et les allocations chômage ? Nous devons arborer un esprit de conquête. La jeunesse, dans les principes de notre patrie, n’est pas un prolongement indéfini de l’enfance, mais la conquête de l’autonomie, de la dignité, dans l’égalité des chances. Les jeunes doivent pouvoir réaliser leurs rêves d’ascension sociale. Notre responsabilité, ce n’est pas de leur permettre de rester jeunes le plus longtemps possible, mais de leur offrir la possibilité de devenir des adultes pour, un jour, accomplir leurs rêves d’enfant.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Les jeunes, quel que soit leur niveau de formation, sont les premiers affectés lorsque survient une crise économique. De fait, la rentrée de septembre sera difficile pour les 700 000 jeunes diplômés. Les jeunes peu ou pas qualifiés, déjà confrontés aux difficultés d’insertion professionnelle et au chômage, affronteront une situation encore plus ardue. Les petites et moyennes entreprises, davantage centrées sur leur survie que sur le renouvellement des compétences, seront également à la peine.

Votre proposition reprend un dispositif de soutien appliqué après la crise de 2008 aux très petites entreprises, qu’elle étend non seulement à toutes les entreprises, mais aussi à tous les jeunes diplômés de moins de 25 ans. Cette mesure risque de ne pas avoir l’efficacité attendue, du fait des politiques de baisse du coût du travail appliquées depuis 2014, qui ont permis de réduire considérablement les charges sur les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC et, en particulier, sur celles en deçà de 1,6 SMIC. L’exonération que vous proposez sera vraisemblablement plus coûteuse, tant du point de vue de la dépense globale que du coût par emploi créé. Par ailleurs, elle profiterait aux plus diplômés, qui rencontrent souvent moins de difficultés. Votre proposition pourrait aussi engendrer un effet d’aubaine notable pour les employeurs qui embauchent des jeunes salariés qualifiés.

Comme vous, le Gouvernement et la majorité font de l’emploi des jeunes la priorité nationale. L’exécutif annoncera dans les prochains jours des mesures de soutien à l’apprentissage. Après une année 2019 record, 2020 aurait dû être une année exceptionnelle, grâce à une nouvelle augmentation du nombre d’apprentis et à l’ouverture de centres de formation d’apprentis dans les entreprises. Une concertation préalable à l’élaboration d’un plan de soutien à l’emploi sera lancée ce mois-ci avec les partenaires sociaux. Des propositions alternatives concrètes sont à l’étude, comme une aide forfaitaire à l’embauche, ciblée sur des jeunes peu diplômés – jusqu’à bac + 2 –, et pour les entreprises de moins de 250 salariés, qui ont les difficultés de trésorerie les plus prononcées. Nous faisons le choix d’une politique plus générale d’accompagnement des jeunes. Je suivrai personnellement la question du chômage des jeunes en ma qualité de vice-présidente de l’Union nationale des missions locales et d’élue en charge de la jeunesse depuis dix ans. Nous faisons confiance au dialogue social et souhaitons donc que les mesures prises en faveur de l’embauche soient discutées avec les partenaires sociaux.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera contre la proposition de loi.

M. Bernard Perrut. D’ici à la fin de l’année, la France devra affronter la vague destructrice du chômage et des faillites. La rentrée de septembre sera d’une gravité inédite sur le plan du chômage, en particulier pour les jeunes. Il faut éviter qu’une génération soit sacrifiée, en prenant des mesures incitatives et spécifiques ; on sait que 700 000 jeunes, qui terminent cette année leur formation initiale, risquent de se trouver sans emploi, compte tenu de l’augmentation des défaillances d’entreprises et du gel des embauches. Cette proposition de loi est donc essentielle, qui vise à instituer un dispositif tremplin pour tous les jeunes qui terminent leurs études et entrent sur le marché du travail. Elle prévoit en effet une exonération totale de cotisations sociales patronales pour les entreprises qui s’engagent à conclure un CDI ou un CDD d’une durée minimale de six mois.

Notre groupe soutient ce texte volontariste. Je vous rappelle qu’un dispositif de même nature, appliqué en 2008, avait été couronné de succès. Pourriez-vous nous indiquer en quoi votre proposition diffère de ce dernier ?

Il pourrait être envisagé que les cotisations salariales des jeunes diplômés embauchés en entreprise soient prises en charge, au cours des six premiers mois, par l’État.

Compte tenu de l’importance de l’apprentissage pour l’emploi et le pouvoir d’achat des jeunes, que pensez-vous de la proposition d’extension du « zéro charge » aux entreprises qui embauchent des apprentis ? Par ailleurs, estimez-vous souhaitable d’inciter les entreprises à ouvrir leurs propres écoles de formation par le versement direct d’aides de l’État ? Enfin, pensez-vous que la régionalisation de l’apprentissage – débat récurrent qui mérite d’être poursuivi – serait favorable à l’essor de ce dernier et à l’insertion des jeunes dans le monde du travail ?

Mme Nathalie Elimas. Nous examinons cette proposition de loi dans un contexte de forte tension sur le marché du travail. Depuis avril, le nombre de demandeurs d’emploi a connu la hausse la plus forte jamais enregistrée. Si elle touche toutes les tranches d’âge, cette évolution frappe d’abord les moins de 25 ans : au sein de cette catégorie, le nombre de chômeurs s’accroît de près de 30 %. Ces chiffres très inquiétants ne sont pas dus à une vague de licenciements mais à un blocage des embauches et des renouvellements de contrats courts, consécutif à la contraction massive de l’activité économique.

Pour y répondre, le texte nous propose d’instaurer un mécanisme d’exonération de charges patronales, afin d’inciter les entreprises à embaucher les jeunes. Si, de prime abord, cette initiative semble pertinente, elle comporte toutefois de nombreux biais. En premier lieu, une étude d’impact aurait permis de rapporter les coûts aux bénéfices de la mesure ; n’en disposant pas, il nous est difficile de nous prononcer. En deuxième lieu, le périmètre de l’exonération – qui s’étend jusqu’à 4,5 SMIC – nous semble dénué de sens. En effet, quel jeune de moins de 25 ans signe aujourd’hui un contrat à plus de 5 000 euros par mois ? Nous serions ravis que cela se pratique mais, en tout état de cause, il ne nous paraîtrait pas pertinent d’exonérer de charges une entreprise capable de verser une telle rémunération. En troisième lieu, si le recours à ce type d’exonérations a constitué le principal outil pour répondre à la crise de 2009, celle que nous connaissons aujourd’hui ne présente pas du tout les mêmes caractéristiques et n’appelle donc pas l’application des mêmes recettes.

Afin de répondre aux préoccupations soulevées par le texte, le Président de la République doit présenter demain un plan d’envergure visant à pérenniser les excellents résultats obtenus depuis deux ans en matière d’apprentissage. Dans le même temps, une série de concertations avec les partenaires sociaux doit s’engager pour définir les moyens les plus adaptés à la relance de la dynamique des embauches.

Si nous saluons l’objectif poursuivi, il nous semble opportun d’attendre les annonces et de laisser le temps à ces processus d’aboutir.

M. Boris Vallaud. Chacun a conscience de la situation particulière des jeunes Français se présentant sur le marché du travail. Il y a un peu plus d’un an a été supprimé le dispositif d’aide à la recherche du premier emploi (ARPE), qui assurait un soutien financier pendant une durée maximale de quatre mois. De manière symétrique à l’accès au marché du travail se pose la question du financement de la protection sociale. Une partie de la dette, qui aurait dû rester à la charge de l’État, a été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), ce qui a réduit d’autant les marges de manœuvre de la protection sociale. Or, des financements supplémentaires vont se révéler nécessaires, en particulier pour l’hôpital et la prise en charge de la perte d’autonomie. L’exonération de cotisations proposée ne paraît donc pas la meilleure réponse pour inciter à l’embauche des jeunes. De surcroît, la mesure est soumise à un plafond de 4,5 SMIC et ne cible pas de secteurs ou de publics spécifiques. Il est donc difficile de la soutenir.

M. Philippe Vigier. Nous avons tous conscience de notre responsabilité en matière de chômage des jeunes. Le chiffre de 850 000 chômeurs supplémentaires au mois d’avril, dans un contexte marqué par de nombreux freins à l’embauche, donne le vertige. On ne peut que déplorer la casse sociale considérable qui va survenir dans les prochaines semaines. Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que les jeunes n’ont pas bénéficié de la très forte baisse du chômage que connaît la France depuis trois ans.

Si la proposition de loi a le mérite de mettre les problèmes sur la table, son application pourrait se traduire par plusieurs effets d’aubaine. Premièrement, le plafond de 4,5 SMIC paraît excessif. Deuxièmement, je préférerais que la condition de durée du CDD soit supérieure à six mois. La discussion pourrait nous permettre d’avancer sur ce point. Enfin, les organisations patronales nous ont alertés sur le drame qui va frapper le secteur de l’apprentissage et de l’alternance. Quand on s’occupe d’une mission locale, on sait ce que cela signifie. Il faut donc instituer un dispositif puissant en faveur de l’emploi des jeunes, comme on l’a fait, dans d’autres domaines, depuis le début de la crise. On ne peut se contenter de mesures édulcorées d’accompagnement. Il faut frapper très fort. Les signes de confiance qu’une société adresse à sa jeunesse sont en effet essentiels. Un jeune de 23 ou 24 ans qui s’engage sur le chemin difficile de la recherche d’emploi est aussi en quête de dignité.

La proposition de loi mérite d’être considérée, sous réserve des problèmes que j’ai mentionnés. On a connu les emplois jeunes et les emplois francs, qui étaient soutenus par des majorités différentes. Nous devons tous apporter une réponse circonstanciée à ces difficultés. Nous avons une responsabilité à assumer face à la casse sévère qui nous attend.

Mme Caroline Fiat. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de nous permettre de débattre de la situation plus que préoccupante des jeunes, qui n’ont d’autre aide que les revenus du travail. Toutefois, la solution que vous proposez ne me plaît guère. Gérald Darmanin rappelait hier que le déficit de la sécurité sociale allait atteindre 52 milliards. Faut-il vider encore plus les caisses en réduisant les cotisations – et non, comme on le dit à tort, les charges – sociales ? On peut d’autant moins accepter votre proposition qu’elle s’appliquerait jusqu’à 4,5 SMIC. En revanche, nous nous accordons sur le fait qu’il faut trouver des solutions pour permettre aux jeunes de trouver un emploi.

M. Guillaume Chiche. Monsieur le rapporteur, vous mettez en lumière le sujet essentiel de la lutte contre le chômage des jeunes de moins de 25 ans. L’exonération des charges sur les bas revenus existe déjà : le dispositif « zéro cotisation URSSAF » réduit significativement les cotisations patronales jusqu’à 2,5 SMIC. Les très petites entreprises, petites et moyennes entreprises et les entreprises des secteurs à bas salaires en bénéficient au premier chef. Votre proposition, qui vise à exonérer de cotisations patronales jusqu’à 4,5 SMIC, soit 6 939 euros bruts par mois, nous éloigne de l’expérience vécue par les jeunes de moins de 25 ans exposés au chômage. Vous évoquiez les territoires ruraux. Dans la première circonscription des Deux-Sèvres, où j’ai été élu, bien rares sont les jeunes, notamment les apprentis, à être recrutés à ce niveau de salaire – peut-être cela existe-t-il ailleurs... Il est essentiel que les employeurs financent, par leurs cotisations, la sécurité sociale des salariés. Nous sortons d’une crise sanitaire qui a mis en exergue la nécessité d’un grand plan d’investissement pour nos hôpitaux, la revalorisation des personnels de santé, avant d’éventuelles réformes d’ampleur concernant la dépendance, le sort de nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Nous avons besoin de financements robustes reposant sur les cotisations des entreprises au profit de la sécurité sociale. Alors que nous allons débattre de l’imputation des dettes dues au coronavirus à la CADES, il serait dangereux pour notre système de sécurité sociale d’adopter votre proposition de loi, à laquelle nous nous opposerons.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le chômage des jeunes, qui paient le plus lourd tribut aux crises, est un problème récurrent. Nous devons lui apporter des solutions, étant rappelé que 700 000 jeunes arriveront sur le marché du travail en septembre. Votre proposition de loi apporte une réponse partielle. La question est de savoir s’il faut accompagner toutes les entreprises. Nous sommes assez unanimes pour estimer que le plafond de 4,5 SMIC n’est pas raisonnable. On mesure, à l’examen d’une proposition comme la vôtre, l’intérêt de l’étude d’impact. Par ailleurs, l’avantage que vous proposez pourrait être conditionné à l’embauche en CDI. En effet, il faut accompagner les jeunes vers l’embauche ou le retour à l’emploi sans créer d’effet d’aubaine. Si nous nous accordons sur l’objectif, nous attendons des avancées avant de pouvoir envisager un vote favorable.

M. Pierre Dharréville. La situation des jeunes, notamment de ceux qui cherchent un premier emploi, suscitait déjà, avant la crise, une vive inquiétude. C’est un sujet sur lequel nous avons tous envie d’agir. Cela étant, la proposition qui nous est présentée pose un certain nombre de problèmes. D’abord, nous ne sommes pas favorables à l’idée de manier à tour de bras le levier de l’exonération de cotisations, comme cela a beaucoup été fait ces derniers temps – d’autant plus que, l’année dernière, une partie des pertes de recettes n’a pas été compensée. Ensuite se pose le problème de l’ouverture des droits : lorsqu’on entre dans l’emploi, on doit pouvoir bénéficier de tous les droits attachés au travail salarié. Par ailleurs – c’est l’argument principal –, cette mesure entraînerait l’assèchement des recettes de la sécurité sociale, alors qu’on a un besoin criant de ressources pour garantir l’exercice des droits, notamment le droit à la santé. Enfin, les effets d’aubaine potentiels sautent aux yeux, même si leur ampleur serait limitée par l’abaissement considérable des cotisations déjà intervenu. On ne peut pas encourager des acteurs à profiter d’aides publiques sans répondre réellement au problème posé.

Il faut inscrire l’action en faveur de l’emploi des jeunes dans le cadre d’une politique globale de l’emploi. Il convient de revenir sur la suppression de l’ARPE. Par ailleurs, il faut remédier à la précarisation galopante de notre jeunesse, qui ne doit pas subir ce mal plus encore que la génération précédente. Il faut répondre aux nouveaux besoins qui s’expriment en matière d’emploi et élaborer, avec les organisations de jeunesse, des réponses qui correspondent aux aspirations.

Enfin, il a été fait état de l’intervention du Président de la République. J’ai l’impression que, sur tous les sujets, le Président livre la feuille de route, fait des annonces que nous n’aurions qu’à suivre. C’est une conception des institutions assez problématique.

Pour toutes les raisons indiquées, nous ne soutiendrons pas la proposition de loi.

Mme Fiona Lazaar. Si nous ne faisons rien, la jeunesse risque de faire partie des premières victimes du cataclysme économique et social. Nous devons donc élaborer des mesures fortes, en nous assignant comme priorité l’emploi car 700 000 jeunes arriveront en effet sur le marché du travail en septembre. Si cette proposition de loi soulève de vraies difficultés, elle constitue aussi, en quelque sorte, le copier-coller d’un mécanisme créé sous Nicolas Sarkozy, dans le contexte très différent de la crise de 2008. Depuis lors, le coût du travail a largement baissé grâce, notamment, à l’action que la majorité a engagée, depuis 2017, pour soutenir l’activité. Il faudra certainement actionner le levier fiscal, mais il devra être accompagné de mesures de lutte contre le décrochage scolaire, d’actions – qui seront prochainement appliquées – en faveur de la formation et de l’apprentissage, et de dispositifs de protection des jeunes les plus vulnérables. Il faut faire preuve de réalisme, sans aucun esprit de défaite. La défaite consisterait à se contenter de belles recettes éprouvées, de slogans. La réalité est que 26 % des jeunes de moins de 30 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Il va falloir miser sur ces jeunes exclus et leur assurer l’accès à l’autonomie que vous évoquiez, monsieur le rapporteur. Il faudra prendre des mesures allant au-delà de la simple baisse du coût du travail. C’est l’objet du plan de relance qui doit être élaboré et présenté d’ici à la rentrée, après consultation des partenaires sociaux.

M. Dominique Da Silva. L’objectif de réduction du chômage des jeunes, que nous partageons, monsieur le rapporteur, ne doit pas être poursuivi au détriment de l’emploi d’autres classes d’âge. Les seniors – c’est-à-dire, les personnes âgées de 50 ans et plus –, doivent bien souvent venir en aide à leurs enfants avant qu’ils occupent leur premier emploi. Or, parmi les chômeurs inscrits à Pôle emploi, en avril, en catégorie A – autrement dit, ceux n’ayant aucune activité –, on compte deux fois plus de personnes âgées de 50 ans et plus que de jeunes de moins de 25 ans. L’exonération que vous proposez jusqu’à 4,5 SMIC, c’est-à-dire plus de 5 000 euros nets, conduirait les employeurs à ne plus embaucher de seniors hautement qualifiés, voire à les licencier. Cette proposition me semble donc contreproductive.

M. le rapporteur. La proposition de loi est évidemment perfectible. Je suis tout à fait ouvert à un abaissement du plafond de la rémunération. J’ai choisi le niveau de 4,5 SMIC en hommage, pour ainsi dire, à la majorité parlementaire, puisque le Gouvernement avait retenu ce plafond pour l’octroi du chômage partiel. Il est cocasse de voir que vous refusez, au sujet de l’emploi des jeunes, ce que vous approuvez au titre du chômage partiel.

Bien sûr, la jeunesse est en difficulté. Nous savons tous que 75 % de nos jeunes gagnent moins de 1 500 euros. Dans un premier temps, nous avons voulu ouvrir le débat en reprenant votre idée d’un seuil à 4,5 fois le SMIC, sans établir de différence au sein de notre jeunesse.

Si vous en êtes d’accord, et afin d’adopter cette proposition de loi, je suis disposé à déposer un amendement en séance visant à abaisser ce seuil. Encore faut-il que nous débattions afin d’en déterminer un nouveau. Si nous choisissons 1,5 ou 2 fois le SMIC, que répondrons-nous à ceux qui gagnent 1,6 ou 2,1 fois le SMIC ? Je suis ouvert à la discussion, mais le plus raisonnable serait un seuil de 2 fois le SMIC.

Je partage la philosophie qu’a exprimée Philippe Vigier s’agissant à la fois des seuils et des contreparties. Nous devons absolument éviter les effets d’aubaine, et tout faire pour aboutir à un CDI. La proposition de loi évoque d’ailleurs l’idée qu’un CDD transformé en CDI ouvre droit au dispositif.

Compte tenu de la violence de la crise, nous avons voulu élargir le dispositif à la conclusion d’un CDD d’au moins six mois, soit six fois plus que le dispositif antérieur. Dans cette période de grande difficulté, un CDD de six mois est préférable à pas de travail du tout. Je reste toutefois ouvert à l’idée de réserver le dispositif aux seuls CDI.

Pour ce qui concerne les études d’impact, j’aurais souhaité pouvoir étudier les incidences d’une telle proposition de loi en quelques heures ou quelques jours mais, contrairement au Premier ministre, je ne dispose pas d’une administration à mon service.

En revanche, vous l’avez dit, nous nous sommes appuyés sur des dispositifs antérieurs similaires, qui ont fait leurs preuves. Entre 2008 et 2010, la crise n’était certes pas de même nature, mais la jeunesse a également été confrontée à des difficultés d’embauche et d’emploi. La proposition qu’a défendue le Gouvernement en 2008 présentait deux différences avec le dispositif proposé, puisqu’elle ne concernait que les petites entreprises et considérait comme une embauche la conclusion d’un CDD d’au moins un mois. Nous n’avons pas voulu établir de distinction entre les entreprises. Quant au CDD, nous l’avons porté à au moins six mois.

Plus largement, nous sommes très ouverts à un élargissement du dispositif aux apprentis – si l’on en croit les chiffres parus cette semaine, 50 000 d’entre eux risquent d’être licenciés d’ici à septembre. Nous sommes favorables aux écoles de formation ainsi qu’à une rerégionalisation de l’apprentissage. La nationalisation de l’apprentissage avait entraîné de nombreux débats. Les bons chiffres obtenus dans ce domaine sont essentiellement dus aux travaux remarquables des territoires et des collectivités au cours des dernières années.

À ce titre, nous attendons avec beaucoup d’impatience le discours qu’Emmanuel Macron tiendra demain. Nous restons cependant vigilants car le Président de la République nous a habitués à de bons discours, oubliant qu’un discours ne fait pas une réforme. La parole publique a besoin d’actes concrets. Depuis trois ans, nous entendons de nombreuses propositions qui, hélas, ne voient pas le jour.

La présente proposition de loi ne suffira certes pas à répondre à l’ensemble des problèmes que soulève la situation actuelle. Elle a toutefois l’avantage d’être concrète, simple, immédiatement applicable. Parce qu’elle a fait ses preuves dans le passé, elle est une réponse forte à tous les entrepreneurs, les artisans et les commerçants, qui nous interrogent sur le poids des charges.

À cet égard, contrairement à certains, je considère que, pour un salaire de 1,2 SMIC, 7 000 euros de cotisations ne sont pas négligeables. Leur exonération donnerait à nombre de nos entrepreneurs une volonté supplémentaire d’embaucher. Pour un salaire mensuel de 1,5 SMIC, les cotisations patronales sont de 693 euros, et les cotisations salariales de 261 euros. Une exonération ferait une grande différence pour un entrepreneur, un artisan, un commerçant. 700 euros par mois – 8 500 euros par an –, cela n’est pas rien. De même, pour un jeune salarié, toucher 260 euros nets chaque mois est très significatif.

Même si des efforts ont été faits, ne disons pas qu’aucune cotisation ne pèse sur les salaires entre 1,2 et 1,5 SMIC. Cela n’est pas vrai car les montants cités sont élevés.

Quant au sujet crucial du financement de la sécurité sociale, nous avons en effet besoin de financer le modèle social français, qui sera pérennisé si davantage de jeunes sont au travail qu’au chômage. L’exonération de cotisations vaut donc la peine, d’abord parce que la collectivité souffre moins si la jeunesse travaille.

Ensuite, comme le prévoit une autre proposition de loi, nous avons un immense combat à mener contre les fraudes fiscale et sociale. Il est anormal que, chaque année, près de 100 milliards d’euros échappent à nos compatriotes, à nos finances publiques et à l’équilibre de nos comptes sociaux car, tout en haut ou tout en bas de l’échelle, certains abusent. Outre les fraudes fiscales qui s’élèvent à environ 60 milliards par an, selon Pascal Brindeau, rapporteur de la commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, le montant annuel de ces fraudes aux allocations atteint 15 à 45 milliards.

Plutôt que de faire peser le financement de notre modèle social sur les salariés français, qui n’en peuvent plus de percevoir des salaires aussi misérables, ainsi que sur nos entrepreneurs, nos artisans et nos commerçants, asphyxiés de charges, de taxes et d’impôts, finançons-le demain en étant plus fermes et intraitables à l’égard de ceux qui, tout en haut et tout en bas, abusent et contournent les règles du système. Nous ferions collectivement œuvre utile.

Cet argument n’est donc pas recevable. Nous devons adresser un message fort à nos apprentis, à nos alternants, à nos étudiants, à notre jeunesse par une proposition concrète, ici et maintenant, non à l’automne.

La commission en vient à lexamen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Exonération de cotisations sociales pour les jeunes de moins de 25 ans

La commission rejette larticle 1er.

Article 2 : Gage financier

La commission rejette larticle 2.

Lensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

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La commission a rejeté la proposition de loi visant à mettre en place pendant deux ans un dispositif « zéro charge » pour lembauche de jeunes de moins de 25 ans.

En conséquence, aux termes de larticle 42, alinéa 1, de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi, que la commission demande à l’Assemblée nationale de rejeter.


([1])  Le gouverneur de la Banque de France, M. François Villeroy de Galhau, estimait la semaine dernière que la France avait perdu « 6 points de PIB annuel » et que le déconfinement « pourrait coûter en supplément au moins la moitié ».

([2]) Chiffres publiés par la Deutsche Bank, sur une série remontant à 1832.

([3]) OFCE, « Évaluation au 6 mai 2020 de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement sur le marché du travail en France », Policy Brief 67, 6 mai 2020.

([4]) Ibid.

([5]) Les chômeurs de catégorie A sont ceux qui n’ont eu aucune activité pendant la période considérée.

([6])  Note publiée par Pôle Emploi et la DARES : « Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire  -Focus sur les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi en avril 2020 ». On pourra retrouver la note via un lien sur cette page : https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication.

([7]) Ces chiffres issus d’études du ministère de l’éducation nationale sur la période 2008-2011 (https://www.education.gouv.fr/sortants-sans-diplome-et-sortants-precoces-10754) sont régulièrement repris depuis.

([8]) INSEE, Enquête emploi. https://www.insee.fr/fr/statistiques/2489498.

([9]) L’annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 en comptabilisait 97 en 2019.

([10]) Cour des comptes, Rapport sur lapplication des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2019.

([11]) Au-delà, les gratifications sont assujetties dans les conditions de droit commun.

([12]) Décret n° 2012-184 du 7 février 2012 instituant une aide à l’embauche de jeunes de moins de vingt-six ans pour les très petites entreprises.

([13]) Institut Montaigne, « Alléger le coût du travail pour augmenter l’emploi : les clefs de la réussite », étude de Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, mars 2014.

https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/Zero%20charges.pdf

([14]) Article 4 de la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage.

https://www.unedic.org/sites/default/files/regulations/CnvACh14.pdf

([15]) Article 2 du protocole d’accord du 28 mars 2017 relatif à l’assurance chômage.

https://www.unedic.org/sites/default/files/regulations/TXT-ACC-Prt28032017AC.pdf

([16])  Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée

([17]) Évaluation réalisée par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport d’octobre 2019. Rapport disponible ici : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-050R.pdf

([18]) Certes, la cotisation « vieillesse » de sécurité sociale est en partie plafonnée à un plafond annuel de la sécurité sociale (soit entre 2 et 2,5 SMIC), mais elle est quasiment compensée par l’effet de la tranche 2 pour le régime complémentaire, si bien que le taux global de cotisation est à peu près le même sur l’ensemble des niveaux de rémunération autour de 11 %.

([19]) INSEE, 2015.

([20]) Le revenu social d’activité (RSA) n’est en revanche pas ouvert en principe avant 25 ans.

([21]) Codifié à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. L’exonération est alors en principe compensée par des crédits budgétaires. En l’occurrence, il pourrait s’agir des missions Travail et emploi ou Plan durgence face à la crise sanitaire, cette dernière finançant par exemple le soutien à l’activité partielle.

([22]) Chiffre qui était visé dans l’expérimentation conduite en 2012 par exemple.

([23]) D’après l’INSEE, 2,28 millions de jeunes de 15 à 24 ans occupaient un emploi en 2019.

https://www.insee.fr/fr/statistiques/2490449#tableau-figure1_radio1.

([24]) La Cour des comptes a ainsi évalué la fraude à la TVA à 15 milliards d’euros (https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-11/20191202-synthese-fraude-aux-prelevements-obligatoires.pdf), la fraude aux prélèvements sociaux à 8,5 milliards d’euros.