N° 3049

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI

visant à annuler, le temps de l’état d’urgence sanitaire, les charges sociales et fiscales des entreprises ayant accès au fonds de solidarité
créé par l’ordonnance n° 2020317 du 25 mars 2020,

(n° 3002 rect.)

PAR M. Daniel FASQUELLE

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 3002 rect


SOMMAIRE

___

Introduction

I. Le choc économique constitué par la crise sanitaire

II. Des mesures d’accompagnement importantes ont permis de maintenir les entreprises à flot

A. des subventions BUDGÉTAIRES PUISSANTES

1. Le fonds de solidarité en faveur des petites entreprises

2. Le dispositif d’indemnisation du chômage partiel

B. Des avances de trésorerie

1. Le prêt garanti par l’État

2. Le report des charges fiscales et sociales

3. Les annonces du gouvernement sur de futures exonérations

III. Ne pas rater la reprise pour garantir une relance réussie

travaux de la commission

Discussion générale

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er Annulation de cotisations sociales et d’impôts directs pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité

Article 2 Exonération de la contribution à l’audiovisuel public pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité

Article 3 Gage

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 


— 1 —

   Introduction

La présente proposition de loi vise à protéger les entreprises les plus touchées par cette crise sanitaire, devenue crise économique.

L’ampleur de la crise a conduit à une intervention massive de la puissance publique, dans tous les secteurs. Alors que des sommes déjà considérables ont été investies pour sauver nos entreprises, la reprise progressive de l’activité ne doit pas se traduire par un désinvestissement de l’État.

Cette proposition de loi constitue une partie des solutions proposées par le groupe Les Républicains pour avoir un plan de relance à la hauteur de la catastrophe qui frappe notre pays.

Cette mesure s’ajoute à la baisse de TVA proposée pour le secteur de l’hôtellerie-restauration pour lui permettre de reconstituer ses marges, et à la transformation progressive de l’indemnité au titre du chômage partiel en baisse de cotisations patronales. Le groupe Les Républicains propose également la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et des mesures de baisse de cotisations patronales destinées à favoriser l’embauche des jeunes.

 


— 1 —

I.   Le choc économique constitué par la crise sanitaire

La France est entrée en confinement le 17 mars 2020, jusqu’au 11 mai. Le pays a été à l’arrêt pendant huit semaines, comme la plupart des entreprises. Les déplacements de la population ont été limités aux déplacements essentiels, tous les rassemblements ont été interdits et les établissements scolaires ont été fermés.

Le gouvernement, par décret du 23 mars ([1]), a défini la liste des établissements frappés d’une interdiction d’accueillir du public. Étaient concernés, entre autres, les salles de spectacles, les magasins de vente, les restaurants et débits de boissons, les bibliothèques, les musées…

L’ampleur de ce choc économique représenté par ces huit semaines d’arrêt n’est pas encore complètement mesurable. Néanmoins, les premiers chiffres illustrent à quel point ce choc est et sera violent. Ainsi, l’investissement devrait connaître une baisse de 19 % sur l’année, et la consommation de 10 % ([2]). Même si l’économie redémarre, la reprise est lente : selon l’INSEE ([3]), « la perte d’activité liée à la crise sanitaire ne serait désormais plus que de l’ordre de – 21 %, contre – 32 % estimé début mai ».

Selon l’enquête de conjoncture menée par l’INSEE ([4]) auprès des ménages, ce choc est également un choc de confiance : ses résultats font état « d’un pessimisme marqué sur la situation économique générale, qu’il s’agisse des perspectives d’évolution du chômage ou du niveau de vie. »

C’est également un choc pour les finances publiques : les prévisions du gouvernement pour le déficit public sont désormais de 11,4 % du PIB à la fin de l’année, contre 9 % annoncé lors de la présentation du second projet de loi de finances rectificative pour 2020, à la mi-avril. Le Gouvernement anticipe une chute des recettes fiscales à hauteur de 101 milliards d’euros, soit une perte supplémentaire de 27 milliards d’euros par rapport au dernier projet de loi de finances rectificative.

Tous les partenaires privilégiés de la France connaissent une récession : le PIB de la zone euro devrait reculer de 8,7 % en 2020. Enfin, au niveau mondial, au mois d’avril 2020, le PIB aurait chuté de 19 % et le commerce mondial aurait connu une diminution de 25 % ([5]).

La France est, cependant, particulièrement touchée. En raison de la sévérité de ses mesures de confinement, mais aussi de la structure de son économie, particulièrement exposée au tourisme, il est estimé que la chute de sa valeur ajoutée s’est établie à plus de 30 points, ce qui la place au même niveau que l’Espagne et l’Italie. Les secteurs les plus touchés en termes de pertes d’activité sont les suivants : – 80 % pour l’hébergement-restauration, – 43 % pour le commerce, – 35 % pour les matériels de transport et – 28 % pour le transport ([6]) .

Confronté à cette crise, le Gouvernement a pris une série de mesures pour accompagner les entreprises et limiter le nombre de faillites.

II.   Des mesures d’accompagnement importantes ont permis de maintenir les entreprises à flot

Parmi les diverses mesures prises par le Gouvernement, il convient de présenter les quatre principaux dispositifs. Le Gouvernement a fait le choix de panacher son soutien entre subventions budgétaires directes (fonds de solidarité, chômage partiel) et mesures de trésorerie (prêt garanti par l’État et report de charges).  

A.   des subventions BUDGÉTAIRES PUISSANTES

1.   Le fonds de solidarité en faveur des petites entreprises

La loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 a créé un programme, « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire », doté initialement de 750 millions d’euros, les régions devant également abonder ce fonds à hauteur de 250 millions d’euros. La seconde loi de finances rectificative pour 2020 ([7]) a ajouté à cette dotation initiale 5,5 milliards d’euros supplémentaires. La dotation globale du fonds devrait ainsi atteindre 7 milliards d’euros, car le soutien des collectivités territoriales au fonds est porté à 500 millions d’euros et celui de la Fédération française de l’assurance (FFA) à 400 millions d’euros.

● Un dispositif qui a connu des évolutions

Par ordonnance du 25 mars ([8]), le fonds de solidarité a été institué pour une durée de trois mois. Les entreprises éligibles au fond sont celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à un million d’euros, et dont le bénéfice imposable est inférieur à 60 000 euros. Les micro-entreprises, les indépendants et les professions libérales sont tous potentiellement éligibles.

Pour bénéficier du fonds, ces entreprises doivent soit avoir subi une fermeture administrative, soit avoir connu une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % au mois de mars, en comparaison avec le chiffre d’affaires du mois de mars 2019. Pour les mois d’avril et de mai, la perte du chiffre d’affaires peut être calculée par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen de 2019.

Ce seuil de perte de chiffre d’affaires avait été initialement fixé à 70 % du chiffre d’affaires, seuil perçu comme trop élevé par certains, dont les parlementaires du groupe Les Républicains. Le gouvernement a fait évoluer ce seuil début avril.

Initialement, le fonds pouvait distribuer une aide de 1 500 euros, pouvant être complétée par une aide de 2 000 euros. Là encore, des modifications ont été apportées. L’aide complémentaire peut maintenant atteindre 5 000 euros.

Pour bénéficier de l’aide complémentaire, il faut respecter trois conditions :

– être bénéficiaire de la première aide ;

– avoir au moins un salarié ;

– s’être vu refuser un prêt bancaire.

Ces conditions étaient trop restrictives, comme l’a souligné le groupe de travail de la commission des affaires économiques([9]). Par décret ([10]), le Gouvernement a ainsi élargi l’accès au second volet aux entreprises sans salariés ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public entre le 1er mars 2020 et le 11 mai 2020.

Enfin, le Gouvernement a fait évoluer certaines conditions pour être éligibles : les entreprises en difficulté, en procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire peuvent en bénéficier. Le bénéfice du fonds a aussi été élargi aux agriculteurs membres d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) et aux artistes-auteurs.

● Un dispositif qui a bien fonctionné

Ainsi, au 12 mai 2020, 1 389 100 entreprises avaient pu bénéficier du fonds de solidarité, pour un montant versé de 3 milliards d’euros. Le montant moyen versé était de 2 164 euros. Parmi ces entreprises, 501 800 avaient bénéficié du fonds car elles avaient subi une interdiction d’accueil du public, soit 36 % des entreprises bénéficiaires.

Les cinq secteurs d’activité ayant le plus bénéficié du fonds de solidarité au 12 mai sont présentés dans le tableau ci-après ([11]) :

 

 

Nombre d'entreprises

Montant versé
(en millions d’euros)

Commerce, réparation d'automobiles et de motocycles

230 000

510,5

Hébergement et restauration

146 300

370,5

Construction

166 700

353,3

Autres activités de service

152 700

338,2

Santé humaine et action sociale

136 000

277,8

Au 4 juin, plus de 4 milliards d’euros avaient été distribués par le fonds de solidarité. Le rapporteur salue la mise en place rapide de ce dispositif et les différents ajustements qui y ont été apportés au fur et à mesure.

Une incertitude demeure quant à la traduction des engagements pris par le Gouvernement en faveur des secteurs de la restauration, des cafés, de l’hôtellerie, du tourisme, de l’évènementiel, du sport et de la culture.

En effet, le 24 avril, le ministre de l’économie et des finances avait annoncé que, pour ces secteurs, l’accès au fonds de solidarité serait élargi sur deux aspects.

D’abord, les entreprises de moins de 20 salariés, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros, pourraient bénéficier des aides du fonds. Le deuxième élargissement portait sur le montant de l’aide : l’aide complémentaire pourrait atteindre 10 000 euros.

 Ces mesures sont les bienvenues pour soutenir des secteurs qui ont particulièrement souffert de l’arrêt économique et de la fermeture des frontières. Elles n’ont néanmoins pas, à ce jour, fait l’objet d’une traduction réglementaire.

Le rapporteur déplore le délai important entre l’annonce de la nouvelle mesure et sa traduction réglementaire. Il plaide par ailleurs pour un élargissement du fonds de solidarité aux entreprises de moins de 20 salariés, faisant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, quel que soit leur secteur d’activité.

2.   Le dispositif d’indemnisation du chômage partiel

La première loi de finances rectificative pour 2020 du 23 mars 2020 a instauré un nouveau programme, « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire », doté de 5,5 milliards d’euros de crédits. La seconde loi de finances rectificative pour 2020 a abondé ce programme à hauteur de 11,7 milliards d’euros supplémentaires.

Les personnes placées en chômage partiel (ou activité partielle) doivent être rémunérées à hauteur de 100 % du salaire net pour les personnes au SMIC et de 84 % du salaire net (soit 70 % du salaire brut) pour celles percevant un salaire supérieur au SMIC et n’excédant pas 4,5 SMIC. Cette rémunération est versée par l’employeur, mais elle fait l’objet d’une indemnisation, dont la prise en charge est partagée entre l’État (à hauteur des deux tiers) et l’Unédic (à hauteur d’un tiers).

Au 1er juin, 1 366 000 demandes d’autorisation préalable d’activité partielle avaient été déposées ([12]) : cela concerne plus d’un million d’entreprises et 13,1 millions de salariés. Trois secteurs concentrent la moitié des demandes : le commerce, la construction et les activités de services spécialisés, scientifiques et techniques et services administratifs de soutien. Le coût total du dispositif pourrait s’établir à 30 milliards d’euros ([13]).

À partir du 1er juin, l’indemnisation qui est versée aux employeurs est moindre, à hauteur de 60 % du salaire brut, ce qui se traduit par un reste à charge pour l’employeur proche de 15 % du salaire net du salarié. Cette diminution de la prise en charge ne concerne pas les entreprises toujours fermées administrativement.

La confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a souligné le risque attaché à ce coup de rabot : son président, François Asselin, anticipe que « les entreprises qui n’ont pas l’activité suffisante et de visibilité quant au retour à l’emploi de leurs salariés actuellement au chômage partiel n’auront d’autre choix que d’enclencher les licenciements économiques » ([14]).

Le rapporteur alerte sur un désengagement trop rapide de l’État et soutient la mesure mise en avant dans la proposition de loi portée par le président Éric Woerth consistant à transformer progressivement l’indemnisation du chômage partiel en allègement de charges.

B.   Des avances de trésorerie

1.   Le prêt garanti par l’État

L’article 6 de la première loi de finances rectificative pour 2020 a créé un mécanisme de garantie par l’État des prêts de trésorerie accordés par les banques aux entreprises. Bpifrance Financement SA, filiale de Bpifrance, opère le suivi de ce prêt.

La garantie pourra être accordée pour les prêts contractés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020. L’encours total de la garantie pouvant être mobilisée s’élève à 300 milliards d’euros.

Comme le soulignait le rapporteur général, M. Laurent Saint-Martin, dans son rapport sur la première loi de finances rectificative pour 2020, ce prêt est « une arme de protection massive de nos entreprises », qui peuvent être confrontées « à court terme, à des problèmes de trésorerie ou, à moyen terme, à des difficultés d’accès au crédit ».

Début juin, 93 milliards d’euros de prêts garantis ont été accordés à 490 000 entreprises ([15]). Ce chiffre place la France en tête des pays européens ayant mis en place ce dispositif de prêt garanti.

Si la mise en place de ce dispositif est à saluer, ces prêts ont vocation à être remboursés à terme. Il garantit de la trésorerie aux entreprises mais cela ne pourra pas éviter un nombre important de faillites dans quelques mois, au moment du remboursement des échéances.

2.   Le report des charges fiscales et sociales

Le Gouvernement a rapidement reporté le paiement des charges dues au mois de mars et a reconduit le dispositif pour les mois d’avril et de mai.

● Les échéances fiscales

Les échéances fiscales des mois de mars ([16]), avril ([17]) et mai ([18]) ont été reportées de trois mois pour les impôts directs que sont l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur les salaires, la contribution sociale sur les bénéfices, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la contribution foncière des entreprises (CFE) ainsi que pour la contribution à l’audiovisuel public des professionnels de l’hôtellerie qui doit être acquittée en avril.

Pour le mois de juin, le paiement des acomptes d’IS et de CVAE est reporté au 30 juin.

Au 28 mai 2020, 2,429 milliards d’euros de charges fiscales avaient fait l’objet de reports ([19]). Considérant qu’au 9 avril 2020, les micro-entreprises représentaient 9,1 % du montant des charges fiscales reportées ([20]), au 28 mai 2020, le report de charges fiscales pour les micro-entreprises s’établirait autour de 221 millions d’euros.

● Les échéances sociales

De même que pour les échéances fiscales, les cotisants du régime général et du régime agricole, employeurs comme travailleurs indépendants, ont pu demander à bénéficier d’un report du paiement de leurs cotisations et contributions sociales pour les mois de mars, avril et mai. Ce report concerne aussi bien les cotisations patronales que les cotisations salariales dues au titre des régimes de sécurité sociales, des organismes de retraitement complémentaire ou de l’assurance-chômage. Les contributions patronales dues au titre du Fonds national d’aide au logement (FNAL), du versement transport (VT) et de la contribution solidarité autonomie (CSA) sont également incluses dans ce report.

Pour le mois de juin, le report des cotisations sociales est désormais conditionné à une demande préalable aux Urssaf.

L’évolution du report a été la suivante([21]) :

 

Échéances de paiement

Nombre d'établissements ayant fait l’objet d’un report
(en milliers)

Part d'établissements avec report

Cotisations dues (en milliards d’euros)

Montants des reports (en milliards d’euros)

Part de cotisations reportées

15-mars-20

551

37,70 %

9,45

3,57

37,70 %

05-avr-20

91

44 %

12,24

3,61

29,50 %

15-avr-20

723

47,20 %

9,33

4,04

43,30 %

À ces chiffres s’ajoutent 300 millions d’euros reportés pour 460 000 travailleurs indépendants, au titre de l’échéance du 20 mars ([22]).

Au 15 mai 2020, 22,16 milliards d’euros de cotisations sociales avaient été repors depuis le 15 mars, soit 35 % environ de l’ensemble des cotisations dues ([23]).

3.   Les annonces du gouvernement sur de futures exonérations

Lors de la présentation du plan de relance pour le secteur touristique, le Président de la République a annoncé des exonérations ciblées sur les entreprises les plus touchées par l’arrêt de la saison touristique.

Le ministre de l’action et des comptes publics a confirmé ces exonérations et présenté un élargissement des entreprises concernées le 1er juin dernier, lors d’une audition par les commissions des affaires sociales et des finances de l’Assemblée nationale. 500 000 entreprises seraient concernées.

Pour tous les secteurs très touchés par la crise, qui ont été dans l’impossibilité de fonctionner, par décision administrative ou conséquence d’une décision administrative – hôtellerie, restauration, sport, culture, tourisme, arts et spectacles – toutes les entreprises de moins de 250 salariés dans ces champs seront exonérées de cotisations patronales, sur les mois de mars à juin, qu’elles aient ou non demandé un report de charges. Les cotisations salariales feront pour leur part l’objet d’un « crédit d’impôt de cotisations » : elles ne seront pas annulées, car elles ouvrent des droits, mais le chef d’entreprise obtiendra à ce titre un crédit lui permettant de s’acquitter de tout type de cotisations futures. Les sociétés qui dépendent de ces secteurs et dont le chiffre d’affaires a diminué de 80 % pourront aussi bénéficier de cette exonération de charges patronales et de ce crédit de cotisation ([24]).

Seront aussi concernées par les exonérations les entreprises de moins de dix salariés ayant été frappées d’une interdiction administrative.

Enfin, la troisième catégorie d’entreprises mentionnée par le ministre correspond aux entreprises dont le « chiffre d’affaires n’a pas été formidable ». Le ministre de l’action et des comptes publics n’a pas précisé le seuil de chiffre d’affaires, mais la presse a fait référence au seuil de 50 % de perte de chiffre d’affaires ([25]). Les décisions d’annulation des charges patronales seront partielles et seront prises au cas par cas, par les URSSAF, sans condition de nombre de salariés ou de type d’entreprise.

Le montant annoncé de ces exonérations est de 3 milliards d’euros. Ces dispositions sont prévues à l’article 18 du projet de loi de finances rectificative pour 2020 présenté le 10 juin en Conseil des ministres.

Pour les entreprises non concernées par ces exonérations, le paiement des cotisations reportées et dues débutera en septembre et pourra s’étaler sur 36 mois. Le Gouvernement s’attend à de nombreux reports : il table sur un montant de 5,7 milliards d’euros de cotisations sociales reportées.

III.   Ne pas rater la reprise pour garantir une relance réussie

Le Gouvernement a annoncé une série de plans sectoriels, dont le montant est estimé aujourd’hui à 40 milliards d’euros, dont 13 milliards de dépenses budgétaires concrètes ([26]).

Le plan de soutien au secteur touristique prévoit un certain nombre de mesures, dont la prolongation du fonds de solidarité et la mise en place d’un prêt garanti par l’État « saison », avec des conditions plus favorables que l’actuel PGE. Ce plan est estimé à 18 milliards d’euros.

Le secteur de l’automobile bénéficiera d’un plan à hauteur de 8 milliards d’euros : ce montant inclut le prêt garanti de 5 milliards d’euros accordé à Renault. Des mesures de soutien à la demande, comme la hausse des bonus, des primes à la conversion et pour l’achat de véhicules électriques ont été également annoncées.

Enfin, un plan de soutien pour la filière de l’aéronautique doit être présenté prochainement. Le rapporteur souligne l’importance de cette filière pour la France au vu du nombre d’emplois concernés : plus de 200 000 personnes en France.

Au-delà de ces plans sectoriels, le Gouvernement a annoncé une série de mesures. Il souhaite faciliter l’emploi des jeunes en favorisant l’apprentissage : le projet de loi de finances rectificative pour 2020 prévoit l’octroi d’une prime à l’employeur pour l’embauche d’un apprenti. Cependant, cette prime ne concerne pas les étudiants en master qui entreraient en apprentissage.  Alors que l’insertion de l’ensemble des jeunes sur le marché de l’emploi est devenue compliquée, cette exclusion est très regrettable. 

La ministre du travail est par ailleurs chargée de mener une concertation sur l’assurance-chômage, l’entrée en vigueur de la réforme qui devait intervenir ce printemps ayant été reportée. Des négociations plus larges devraient être lancées sur l’emploi des jeunes.

Une concertation est également en cours concernant le chômage partiel. La ministre du travail prépare l’élaboration d’un dispositif de droit commun, et doit encore préciser les contours d’un dispositif d’activité réduite pour le maintien de l’emploi.

Pour les PME-TPE, un plan de 500 millions d’euros a été annoncé pour accompagner leur transition écologique. Ce plan se déclinerait en deux nouveaux types de prêts. Le premier, qualifié de « prêt vert », serait garanti et bonifié par l’Ademe et devrait financer des mesures destinées à réduire leur impact environnemental. Le deuxième mécanisme serait un prêt pour accompagner le financement d’équipements destinés à améliorer l’efficacité énergétique des entreprises ([27]).

Si le rapporteur se félicite de ces différentes mesures, il alerte sur la nécessité d’aider les entreprises à reconstituer leurs fonds propres au préalable. En effet, comme déjà indiqué supra, la majorité des mesures de soutien aux entreprises sont des prêts ou des reports, et non des subventions : cela ne fait que retarder les échéances. Or, c’est un moment crucial pour nos petites entreprises : ne pas les soutenir aujourd’hui, c’est risquer que les sommes investies grâce aux dispositifs d’urgence l’aient été en vain.

Dans le même temps, l’Allemagne a présenté un plan de relance de 130 milliards d’euros le 5 juin dernier ([28]), qui prévoit une baisse provisoire de la TVA, pour un coût total estimé à 20 milliards, et une baisse de la taxe en soutien aux énergies renouvelables, qui pèse sur le prix de l’électricité, pour un montant de 11 milliards d’euros. Des aides directes aux ménages ont également été annoncées.

Il est urgent de trouver un plan à la mesure de l’ampleur des difficultés rencontrées par nos plus petites entreprises, et la proposition de loi s’inscrit précisément dans cette perspective : consolider les fonds propres des entreprises, afin qu’elles puissent se relancer sur des bases saines.

Annuler les charges sociales et les impôts directs est un geste en faveur des entreprises, qui leur évite d’être confrontées à de multiples échéances de remboursement dans quelques mois. Notre priorité doit être d’assurer la survie de ces entreprises, et pas le maintien de nos recettes fiscales à tout prix.

 


— 1 —

   travaux de la commission

Discussion générale

Au cours de sa deuxième séance du 3 juin 2020, la commission a examiné la proposition de loi.

 

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Depuis le début de la crise sanitaire, des bouleversements majeurs frappent durement les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et les TPE. Chacun connaît, dans son territoire, des commerçants, des artisans, des hôteliers qui ont été touchés.

À mon tour, je salue les mesures d’accompagnement des entreprises prises dans l’urgence par le Gouvernement : prêt garanti par l’État (PGE), financement du chômage partiel, report des échéances sociales et fiscales, fonds de solidarité. Semaine après semaine, les dispositifs ont été modifiés pour mieux répondre aux attentes du tissu économique. Au 15 mai, les reports de cotisations sociales depuis le 15 mars atteignaient 22,2 milliards d’euros, ceux des charges fiscales, au 20 mai, 2,3 milliards d’euros. L’effort est là, le nier serait de la mauvaise foi.

Le 24 mai dernier, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé une exonération de charges pour 500 000 entreprises – celles de moins de 10 salariés ayant fait l’objet d’un arrêté de fermeture administrative et celles de moins de 250 salariés travaillant dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la culture, du sport et de l’événementiel. Tous les acteurs économiques que j’ai auditionnés reconnaissent que le geste est significatif, mais ils le jugent encore insuffisant.

Le Gouvernement en a lui-même tellement conscience qu’hier, devant les commissions des finances et des affaires sociales, Gérald Darmanin a présenté une extension du périmètre des exonérations en distinguant trois catégories.

Toutes les entreprises de moins de 250 salariés dans les secteurs très touchés par la crise, qui ont été dans l’impossibilité de fonctionner par décision administrative ou par conséquence d’une décision administrative – hôtellerie, restauration, sports, culture, tourisme, arts et spectacles – seront exonérées de cotisations patronales pour les mois de mars à juin, qu’elles aient ou non demandé un report de charges, et bénéficieront d’un crédit d’impôt de cotisations pour les cotisations salariales – celles-ci ne seront pas annulées, car elles ouvrent des droits, mais le chef d’entreprise pourra les utiliser pour payer des cotisations futures.

Bénéficieront aussi de la mesure les entreprises de moins de 10 salariés ayant été frappées par une fermeture administrative.

La dernière catégorie est constituée des entreprises dont le ministre a dit que « le chiffre d’affaires n’a pas été formidable » – reste à préciser ce qu’est un tel chiffre d’affaires. Pour celles-ci, « Les décisions d’annulation des charges patronales seront prises au cas par cas […] par les URSSAF, sans condition de nombre de salariés ou de type d’entreprise ».

Le montant annoncé des exonérations est de 3,5 milliards d’euros, ces nouvelles dispositions devant être introduites dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Je vous propose de gagner du temps en adoptant la présente proposition de loi.

Cette extension est la bienvenue. Les annonces précédentes, en n’incluant pas un critère de baisse de chiffre d’affaires et en ne ciblant que les entreprises ayant subi une fermeture administrative, laissaient de côté trop d’entreprises très fragilisées par la crise, dont le chiffre d’affaires a considérablement chuté : des professionnels libéraux qui n’ont pas pu exercer leur activité pendant des semaines sans pour autant avoir fait l’objet d’une décision de fermeture administrative, des petites entreprises qui, travaillant avec celles qui ont été fermées, ont vu disparaître leurs principaux débouchés. C’est le cas des prothésistes dentaires, mais je pourrais vous citer beaucoup d’autres exemples. Toutefois, le spectre des entreprises concernées par l’exonération n’est pas suffisamment précis, le ministre n’ayant pas indiqué la baisse de chiffre d’affaires subie pour en bénéficier.

Au regard des annonces d’hier, la proposition de loi que je présente ici est donc tout à fait pertinente. Je me félicite d’avoir devancé les désirs du ministre et de pouvoir les traduire avec vous dans le cadre de cette proposition de loi qui, je n’en doute pas, sera adoptée par notre commission.

Ce texte tend à annuler les charges sociales et fiscales qui ont fait l’objet de reports du 15 mars au 15 juillet pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité. Il propose aussi d’annuler la contribution à l’audiovisuel public pour ces mêmes entreprises, car elles n’ont pas pu utiliser le matériel visé par cette redevance.

Par amendement, je proposerai également d’aller plus loin que la proposition du Gouvernement, en adoptant une exonération de charges sociales, mais aussi fiscales, pour les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs déjà cités – tourisme, événementiel, hôtellerie, restauration, sports et culture.

L’article 1er cible les entreprises éligibles au fonds de solidarité. Au 12 mai dernier près de 1,4 million en avaient bénéficié. Pour être certain de n’en oublier aucune, j’ai préféré viser les entreprises éligibles plutôt que bénéficiaires, un critère qui permet de toucher les entreprises de moins de 10 salariés ayant connu une baisse de chiffre d’affaires d’au moins 50 %.

Une exonération qui s’appliquerait à ces entreprises serait déjà satisfaisante. Je souhaiterais cependant que les critères pour bénéficier du fonds de solidarité puissent être élargis aux entreprises de moins de 20 salariés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros. Cette disposition ne figure pas dans la proposition de loi, mais je pense que le Gouvernement devrait avancer sur ce point. La barre des 10 salariés et du million d’euros de chiffre d’affaires est trop basse : elle a été relevée pour certains secteurs, mais elle devrait l’être pour leur ensemble si l’on veut vraiment que le fonds de solidarité soit efficace et accompagne les petites entreprises dans cette période particulièrement difficile pour elles.

Le critère d’éligibilité au fonds de solidarité a le mérite de la clarté et l’avantage de sélectionner les entreprises les plus fragiles. L’ensemble des cotisations sociales, salariales comme patronales, et les impôts directs reportés
– impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – sont concernés par l’exonération proposée.

Enfin, l’amendement proposé reprend les annonces de Gérald Darmanin, en ajoutant une exonération d’impôts directs pour les entreprises de moins de 250 salariés dans les secteurs déjà cités.

Pourquoi ces exonérations ?

En cette deuxième étape de la crise, il faut à tout prix accompagner les entreprises qui sont dans un état de fragilité extrême. On aurait dépensé beaucoup d’argent pour rien à les sauver pendant le confinement pour les laisser disparaître lors du déconfinement. La reprise est une période particulièrement difficile pour certaines de ces entreprises, dont le chiffre d’affaires baisse du fait des dépenses supplémentaires liées aux contraintes sanitaires qu’on leur impose. Par ailleurs, elles vont devoir rembourser les loyers qui ont été reportés ainsi que les prêts qu’elles auront contractés. Si à cela s’ajoute le paiement des cotisations sociales et fiscales, elles vont se retrouver face à un mur : beaucoup mettront la clé sous la porte et de nombreux emplois seront perdus.

Le sens de cette proposition de loi est donc de tout faire pour accompagner ces entreprises dans la période de reprise, en attendant la relance, et de faire en sorte que celles qui ont été sauvées pendant le confinement ne disparaissent pas au cours du déconfinement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre proposition de loi nous permet de prolonger des débats absolument nécessaires sur la façon dont la puissance publique doit continuer à accompagner les entreprises touchées par la crise, et notamment les plus petites d’entre elles.

La bonne question, vous l’avez posée à la fin de votre intervention : que faire lorsque, dans l’étape du déconfinement, l’État doit se retirer par endroits, rester très présent dans d’autres, tout en préparant la relance ? La séquence qui débute est très risquée. Sachant que certains secteurs vont connaître des pertes d’emplois, il va falloir installer autant que faire se peut des amortisseurs, tout en préparant la suite en investissant dans les bons endroits et en actionnant les leviers publics pour aider les filières à redémarrer demain avec de nouvelles stratégies.

L’idée d’annuler les charges sociales, et dans certains cas les charges fiscales, n’est pas mauvaise, mais il faut la cibler. Les entreprises qui ont utilisé le report de charges proposé par le Gouvernement dès le début pour tout le monde, qui ont pu faire payer une partie importante des salaires de leurs employés par l’État et qui ont bénéficié du fonds de solidarité, ont « bien » traversé la crise. En général, ce sont celles qui ont pu réduire leurs charges facilement, qui avaient une réserve de trésorerie et qui ont utilisé l’activité partielle. Pour ces entreprises-là, compte tenu de la responsabilité du législateur de veiller aux comptes publics, il n’est pas nécessaire d’annuler les charges.

Vous ciblez les entreprises éligibles au fonds de solidarité. Or ce ne sont pas nécessairement celles qui sont les plus fragilisées. Certaines, très petites, ont pu connaître une forte baisse de chiffre d’affaires entre mars 2019 et mars 2020, par exemple, mais absorber largement leurs charges simplement grâce au fonds de solidarité. En revanche, dans les secteurs où la fermeture administrative a été totale et a trop duré, par exemple dans l’hôtellerie-restauration, il est nécessaire de faire un geste supplémentaire et d’annuler des charges, ce qu’a proposé le Gouvernement. Pour ces secteurs-là, vous proposez d’aller plus loin en exonérant de charges sociales et fiscales toutes les entreprises de moins de 250 salariés.

Il faut faire attention à cibler les bons secteurs. À cet égard, votre critère d’éligibilité au fonds de solidarité m’interpelle. Certes, il a le mérite d’être objectif et binaire ; en revanche, les modalités d’obtention ont beaucoup varié dans le temps, notamment grâce au travail parlementaire ; les critères d’éligibilité ont été – heureusement – élargis, et les régions s’y sont également impliquées : cela justifie que votre proposition soit précisée.

Quoi qu’il en soit, vous excluez de fait toutes les entreprises qui ne sont pas éligibles au fonds de solidarité, c’est-à-dire toutes les PME. Or j’ai l’intuition – je peux me tromper – que ce sont les petites PME, et non les grosses TPE, qui sont les plus fragilisées, et il me semble que, si annulation il y a, cela devrait surtout concerner les entreprises d’une quinzaine ou d’une vingtaine de salariés, qui ont certes bénéficié de reports de charges mais n’ont pas bénéficié du fonds.

Comme je l’ai dit précédemment à Brigitte Kuster, je ne me permettrais pas de dire que les annonces du Gouvernement sont, par définition, bonnes et que vos propositions sont mauvaises ; ce n’est d’ailleurs pas ce que je pense. Permettez-moi, en revanche, de rappeler toutes les mesures mises en place dans les secteurs les plus fragilisés, dans le cadre notamment du plan de relance pour l’hôtellerie, la restauration et le tourisme : au-delà des exonérations de cotisations sociales que vous avez mentionnées, il y a le crédit de cotisation égal à 20 % des salaires versés depuis février, l’étalement du paiement des charges sur trois ans pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), l’allègement de la contribution foncière des entreprises (CFE) et de la taxe de séjour, la prolongation et le renforcement significatif du fonds de solidarité autant que de besoin, ou encore l’adaptation du prêt garanti par l’État avec le PGE saisonnier.

En définitive, l’exonération totale de charges pour les entreprises bénéficiaires du fonds de solidarité laisse les PME hors du dispositif mais, lorsque vous proposez d’élargir ce dernier par amendement aux PME de moins de 250 salariés, il devient redondant par rapport à tout ce qui a déjà été fait, sans être plus efficace. Cela étant, un certain nombre de vos propositions vont dans le bon sens.

M. le président Éric Woerth. C’est une problématique qui ne date pas d’hier. Lors de l’examen du premier collectif budgétaire, nous vous disions déjà que le report des charges et des échéances impliquerait des annulations, et nous avions également déposé des amendements en ce sens au deuxième collectif budgétaire.

Les acteurs économiques ont besoin de visibilité, et on ne peut exiger d’un entrepreneur qu’il paie à la fois les charges qu’il doit pour le présent et celles pour lesquelles il a obtenu un report par le passé.

Je suis en tout cas d’accord avec le fait que c’est la perte de chiffre d’affaires et non la fermeture administrative qui doit justifier les aides.

Mme Cendra Motin. Comme vous, monsieur Fasquelle, nous souhaitons sauver les entreprises que nous avons aidées depuis le mois de mars. Plus de 50 % des entreprises ayant bénéficié du fonds de solidarité ont entre zéro et deux salariés, ce qui signifie que les charges sont pour elles assez réduites – elles ont par ailleurs pu bénéficier du dispositif d’activité partielle. Ce que le Gouvernement envisage donc, en étalant le remboursement de ces charges sur une durée exceptionnelle de trente-six mois, c’est en quelque sorte d’offrir aux entreprises un prêt de trésorerie.

En ce qui concerne la contribution à l’audiovisuel public, la crise n’a pas épargné l’audiovisuel, public comme privé, chacun ayant vu ses recettes publicitaires s’effondrer. Dans ces conditions, priver l’audiovisuel public des recettes de la redevance reviendrait à déshabiller Paul pour habiller Pierre, et annuler cette taxe mettrait en difficulté un secteur qui n’en a pas besoin.

M. le président Éric Woerth. La publicité est un problème pour les groupes privés ; les difficultés des groupes publics sont liées au budget.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’état d’urgence sanitaire a signifié l’arrêt complet de l’activité pour des pans entiers de l’économie. On a évoqué les bars, les restaurants et les hôtels, mais il faudrait également penser aux grossistes qui travaillent en amont et n’ont réalisé aucun chiffre d’affaires pendant la période – 22 milliards d’euros de reports de charges sociales montrent bien que les pertes subies n’ont rien d’anecdotique.

Vous dites vouloir mettre en œuvre un plan de relance ambitieux : cette proposition s’inscrit totalement dans cette ambition, avec un unique objectif : sauver le maximum d’emplois pour éviter un désastre social. Cibler les entreprises ayant bénéficié du fonds de solidarité est une bonne initiative, car, même si elles n’ont qu’un ou deux salariés, elles ont d’autres charges, notamment des loyers à acquitter.

Enfin, je voudrais exhorter la majorité à ne pas rejeter ce dispositif aujourd’hui pour mieux l’adopter dans quinze jours, lorsqu’il émanera du Gouvernement. Il a au moins le mérite de l’anticipation.

M. Bruno Duvergé. Le fonds de solidarité, comme d’autres dispositifs, au nombre desquels le prêt garanti par l’État, est une des réussites de la réponse gouvernementale au covid‑19. Il a permis d’aider de nombreux indépendants, libéraux, micro-entrepreneurs, associations et TPE, à hauteur de 1 500 euros mensuels ; un second volet de ce fonds de solidarité ouvre droit à une aide gérée par les régions et pouvant aller jusqu’à 5 000 euros.

De plus, le dispositif a évolué au cours de la crise sanitaire. Il a été étendu aux agriculteurs, membres d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), aux artistes-auteurs, ainsi qu’aux entreprises nouvellement créées. En trois mois, ces entreprises et associations ont ainsi bénéficié de plus de 3,4 milliards d’euros.

Ce fonds de solidarité est un si bon outil que nous allons le prolonger jusqu’à fin 2020 pour les entreprises du secteur de l’hôtellerie-restauration, de l’événementiel, de la culture et du sport, pour lesquelles la reprise pourrait être plus lente. Les conditions pour en bénéficier seront également élargies : les entreprises employant jusqu’à 20 salariés ou réalisant 2 millions d’euros de chiffre d’affaires pourront recevoir jusqu’à 10 000 euros d’aide.

Le Gouvernement a annoncé vouloir une annulation des charges sociales pour les TPE ayant fermé administrativement en mars, avril et mai, ce qui recoupe très largement le champ de la présente proposition.

Pour les entreprises du secteur du tourisme, de l’hôtellerie-restauration et de l’événementiel, ainsi que pour les secteurs liés, comme la blanchisserie, cette annulation des charges sociales patronales pourrait être applicable sur quatre mois. Dans ces secteurs, les exonérations de charges bénéficieront aux entreprises employant jusqu’à 250 salariés ; elles seront en outre accompagnées, en juillet, d’un crédit de cotisations pour aider à la reprise. Enfin, les URSSAF seront autorisées à reporter jusqu’à trente-six mois, voire à annuler les charges sociales patronales pour les entreprises le nécessitant.

Dans ce contexte, nous considérons que voter cette exonération aujourd’hui est prématuré. De plus, par bien des aspects, la présente proposition est trop large : l’état d’urgence sanitaire n’est pas fini, même si l’activité reprend, et l’annulation des charges directes pourrait peser de manière injustifiée sur les recettes publiques. Peut-être serait-il préférable d’adopter une approche beaucoup plus individualisée. C’est la raison pour laquelle le groupe MODEM ne soutiendra pas cette proposition, même si nous en comprenons les objectifs. Nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau, lors de l’examen, dans les semaines à venir, du projet de loi de finances rectificative.

M. Michel Castellani. La proposition de nos collègues va dans le bon sens. Le groupe Libertés et Territoires avait d’ailleurs demandé que les reports de charges aboutissent à des annulations dans les secteurs les plus touchés, tant il est nécessaire de soulager autant que possible les entreprises. C’est la raison pour laquelle nous la soutiendrons, même si nous regrettons qu’elle ne concerne que les entreprises ayant bénéficié du fonds de solidarité, alors que d’autres ont tout autant souffert de la crise.

Dans le prolongement des efforts massifs qu’a consentis l’État en faveur des entreprises, nous sommes désormais dans une logique qui consiste à soutenir la reprise et qui exige de nouveaux efforts, à moyen terme : couper les réacteurs aboutirait à un désastre.

J’attire également votre attention sur la situation spécifique des entreprises de Corse. Il ne s’agit pas de quémander, mais nous souhaitons que soient notamment pris en compte les surcoûts objectifs qu’elles assument par rapport à leurs homologues – qui sont aussi souvent des concurrentes – du continent.

Mme Émilie Cariou. Nous suivrons la position du groupe majoritaire sur cette proposition de loi, bien qu’elle corresponde à la réalité économique du moment.

Beaucoup d’aides ont été versées ou sont en cours ; un nouveau PLFR doit prochainement être examiné, et le ministre a d’ores et déjà annoncé plusieurs mesures.

Je ne suis, par ailleurs, pas nécessairement favorable à un traitement trop global des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises, qui, individuellement, peuvent se rapprocher de la DGFiP pour ce qui regarde leur situation spécifique.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il est essentiel qu’une partie des charges et cotisations reportées soient annulées, car, même si le remboursement en est échelonné sur plusieurs années, la crise et le confinement vont produire leurs effets pendant longtemps encore.

Si les critères retenus pour le fonds de solidarité avaient le mérite d’être simples et de répondre rapidement à l’urgence, pour autant, ils laissaient en dehors du dispositif, un certain nombre d’entreprises ; puisque le remboursement des charges et cotisations ne doit s’opérer qu’à partir de 2021, il serait bon de revoir les critères d’éligibilité pour que les petites entreprises qui n’y avaient pas droit puissent en bénéficier.

Il convient également de subordonner les annulations de charges à certaines conditions, comme le maintien de l’emploi et des contrats de travail dans l’entreprise – ce qui ne signifie pas que l’entreprise ne puisse bénéficier du dispositif d’activité partielle.

Cela étant, en ciblant les entreprises qui ont été le plus durement touchées par la crise, à savoir les petites entreprises, cette proposition va dans le bon sens et devrait contribuer à amortir le choc du confinement.

Quant à la remarque de Cendra Motin sur l’audiovisuel public, je me permets de lui faire remarquer que la majorité n’aurait pas dû intégrer dans le projet de loi de finances une baisse démagogique de un euro de la redevance : elle ne peut déplorer ensuite un manque de moyens auquel elle a largement contribué.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Monsieur le rapporteur général, comment pouvez-vous mettre en doute la pertinence de ce que je propose, alors que le ministre a reconnu lui-même, hier, que les mesures mises en place jusqu’à présent n’étaient pas suffisantes et que les entreprises les plus fragiles risquaient de disparaître si l’on ne les aidait pas davantage ? Ce n’est pas uniquement une question de ciblage. Au Touquet Paris-Plage, par exemple, il y a 400 commerçants, hôteliers et restaurateurs : ils ne pourront pas, tout à la fois, rembourser le PGE, payer les loyers et acquitter les charges sociales et fiscales !

Gérald Darmanin en est tellement conscient qu’il a fait, hier soir, des annonces fortes qui ne font que conforter cette proposition de loi. Il a également reconnu que le périmètre retenu – à savoir celui des entreprises ayant fait l’objet d’une fermeture administrative – n’était pas le bon. C’est un point d’accord que j’ai avec lui, car il faut également cibler les entreprises qui n’ont pas nécessairement fermé mais travaillaient pour des entreprises ayant fermé, ce qui nous ramène au fonds de solidarité.

En ce qui concerne ensuite les PME, Gérald Darmanin a certes mentionné les entreprises de moins de 250 salariés mais, de façon plus générale, il a évoqué l’ensemble des entreprises dont le chiffre d’affaires n’avait pas été « formidable », pour lesquelles il y aurait un traitement au cas par cas. Vous conviendrez que c’est assez flou, et je vous propose donc de préciser les choses, voire de les amender d’ici à la séance. Puisque nous sommes tous d’accord sur la direction à emprunter, pourquoi ne pas travailler sur ce texte au lieu d’attendre une loi future ? Les acteurs économiques sont inquiets et il leur faut des réponses rapides ; ne prenons pas de retard.

J’entends ensuite ce que vous dites au sujet de l’audiovisuel public, mais si nous n’aidons pas les entreprises par tous les moyens qui sont à notre disposition et, si demain les hôtels ne peuvent pas rouvrir, le problème sera réglé : il n’y aura plus de contribution versée à l’audiovisuel public.

J’en termine par la méthode : ne vous obstinez pas à avoir toujours un coup de retard ! Nous vous avions demandé de revoir l’éligibilité au fonds de solidarité des entreprises n’ayant pas de salarié : il vous a fallu trois semaines pour vous décider, de même qu’il vous a fallu du temps pour admettre que les entreprises ne devaient pas nécessairement s’être vu refuser un PGE pour avoir accès au deuxième étage du fonds.

Nous n’avons pas manqué de saluer le travail que vous aviez fait ; montrons donc que nous sommes capables de travailler ensemble pour élaborer un texte intelligent.

La commission passe à l’examen des articles de la proposition de loi.

 

 

 


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EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Annulation de cotisations sociales et d’impôts directs pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le fonds de solidarité a été créé dès le début de la crise et doté d’une enveloppe finalement portée à 7 milliards d’euros. Les entreprises éligibles au fonds de solidarité sont les très petites entreprises (TPE), les indépendants, les micro-entrepreneurs et professions libérales qui ont 10 salariés au plus, qui font moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires, ainsi qu’un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 euros et qui ont :

– soit subi une interdiction d’accueil du public ;

– soit subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % en mars 2020 par rapport à mars 2019.

Les entreprises qui en ont fait la demande ont pu obtenir le report de leurs échéances fiscales et sociales à compter de celles du 15 mars, comme indiqué précédemment.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 1er de la proposition de loi propose l’annulation des charges sociales et des impôts directs pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité.

1.   La période concernée

La proposition de loi proposait initialement que les annulations portent sur la période du 1er mars à la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 10 juillet 2020.

Le rapporteur a proposé d’amender l’article 1er en commission, pour préciser la période concernée : les impôts directs et les charges sociales concernés seraient ceux dus du 15 mars au 15 juillet 2020, ce qui permettrait de retenir ainsi une date plus cohérente au vu des différentes échéances fiscales et sociales.

2.   Le champ des impôts directs concernés

Les charges fiscales ayant fait l’objet d’un report sont les suivantes :

 l’impôt sur les sociétés (IS) : le report de paiement du premier acompte d’IS dû au 15 mars a été sollicité par 27 000 entreprises, pour un montant de 1,2 milliard d’euros ([29]) ;

 la taxe sur les salaires due le 15 de chaque mois pour les salaires versés au titre du deuxième mois qui précède ;

 la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : le solde 2019 doit être versé au 5 mai et le premier acompte pour 2020 est dû au 15 juin. Cette taxe est répartie entre les collectivités territoriales (communes, EPCI, départements et régions) et représente un cinquième de la fiscalité locale, soit 17,7 milliards d’euros en 2018 ([30]) ;

 la contribution foncière des entreprises (CFE) : un acompte, équivalent à 50 % du montant de la CFE pour l’année précédente, est dû au 15 juin. Le 5 juin, le Gouvernement a proposé un nouveau dispositif d’allègement du paiement de la CFE. Pour les entreprises appartenant aux secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme et de l’évènementiel, le paiement de l’acompte de CFE dû au 15 juin est reporté au 15 décembre. Une mesure dans le prochain projet de loi de finances rectificative devrait permettre au Gouvernement de soutenir financièrement les collectivités locales qui accorderont un dégrèvement de 2/3 du montant de la CFE à ces mêmes entreprises.

Le dispositif proposé par l’article 1er de la proposition de loi permettrait que l’ensemble de ces impositions dues au titre des mois de mars à juillet 2020 et aujourd’hui reportées fassent l’objet, pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité, d’une exonération définitive. Ce faisant, il ne s’agirait pas d’une exonération de l’ensemble des sommes dues au titre de l’IS, de la CVAE et de la CFE pour l’année 2020 mais seulement d’une exonération pour une fraction de ces sommes.

Les entreprises ont également pu demander un remboursement accéléré des crédits d’impôt sur les sociétés, et de crédit de TVA. Cependant, les acomptes de TVA ne peuvent faire l’objet de reports. Par conséquent, la TVA ne serait pas concernée par le dispositif.

3.   Le champ des charges sociales concernées

Les reports de cotisations sociales concernent les employeurs de personnel salarié, le secteur agricole, et les travailleurs indépendants.

Pour les entreprises de moins de 50 salariés, dont la date d’échéance pour le paiement des cotisations sociales est le 15 du mois suivant celui de paiement des salaires, l’échéance du 15 mars a été repoussée, ainsi que les échéances des mois d’avril et de mai. Pour les entreprises de plus de 50 salariés (date d’échéance au 5 du mois suivant celui de paiement des salaires), le report n’est intervenu qu’à compter de l’échéance d’avril, ainsi que pour l’échéance de mai, et le report peut être intégral ou partiel. Pour les travailleurs indépendants, les échéances mensuelles (5 et 20 de chaque mois) n’ont pas été prélevées à compter du 20 mars. Il est prévu de lisser le montant de ces échéances sur les échéances à venir.

Les charges sociales ayant fait l’objet d’un report sont les suivantes :

– les cotisations et contributions salariales et patronales dues au titre de la sécurité sociale ([31]), de la retraite complémentaire ou de l’assurance chômage ;

– les contributions patronales dues au titre du Fonds national d’aide au logement, du versement transport, et de la contribution solidarité autonomie ;

– l’ensemble des cotisations et contributions recouvrées par les Urssaf et caisses de MSA dans le cadre des guichets uniques et titres simplifiés (agriculteurs, travailleurs indépendants…).

Les employeurs publics sont exclus du dispositif. Certains prélèvements obligatoires finançant les régimes sociaux, comme la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), les contributions dues au titre de la formation professionnelle, de l’apprentissage, de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés et de la participation de l’employeur à l’effort de construction ne sont pas concernés par le dispositif.

Le dispositif proposé par l’article 1er de la proposition de loi permettrait que l’ensemble de ces cotisations salariales et patronales et contributions sociales qui ont fait l’objet d’un report pour les sommes devant être acquittées au titre des mois de mars à juillet 2020 fassent l’objet, pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité, d’une exonération définitive.

Par ailleurs, il convient de préciser que cette exonération ne devrait pas avoir pour effet de faire perdre aux salariés des entreprises concernées les droits sociaux qui sont attachés à leur rémunération par l’entreprise.

La question du risque de rupture d’égalité devant les charges publiques pourrait se poser. Cependant, le Gouvernement aurait estimé que la fermeture administrative et la différence de taille des entreprises concernées par les annulations pourraient justifier une différence de traitement qui ne méconnaîtrait pas le principe d’égalité devant les charges publiques ([32]).

Le même raisonnement pourrait être appliqué à des annulations de charges étendues seulement aux entreprises bénéficiaires du fonds de solidarité, qui sont à la fois de taille réduite et qui ont subi un choc très significatif en termes de chiffre d’affaires.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CF3 du rapporteur.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Cet amendement apporte une précision rédactionnelle : les impôts et cotisations concernés sont ceux dus du 15 mars au 15 juillet, et non jusqu’au 10 juillet.

La commission rejette l’amendement CF3.

Elle rejette l’article 1er.

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*     *

Article 2
Exonération de la contribution à l’audiovisuel public pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité

L’article 2 de la proposition de loi prévoit d’exonérer de la contribution à l’audiovisuel public les entreprises éligibles au fonds de solidarité.

I.   Droit existant

La contribution à l’audiovisuel public (CAP) est une taxe instituée au profit des organismes publics de télévision et de radiodiffusion. Elle est due par les particuliers, mais également par les professionnels qui détiennent des matériels entrant dans le champ de la contribution (appareils récepteurs de la télévision et dispositifs assimilés). Pour les professionnels qui en sont redevables, elle est due chaque année, pour chaque appareil détenu au 1er janvier de l’année.

La CAP est due par les professionnels au titre de chaque appareil entrant dans le champ de l’imposition. Une majoration du tarif est applicable aux matériels situés dans des débits de boisson, tandis qu’un abattement de 30 % est applicable du troisième au trentième appareil puis de 35 % pour chaque appareil à partir du trente et unième. Les hôtels de tourisme dont la période d’activité annuelle n’excède pas neuf mois bénéficient d’une minoration de 25 % du montant total de la CAP due.

Chaque année, la CAP due par les professionnels doit être acquittée au 15 avril. Le 6 avril, le ministre de l’action et des comptes publics a annoncé le report du paiement de la contribution à l’audiovisuel public pour trois mois.

II.   Dispositif proposé

L’article 2 propose d’exonérer les entreprises éligibles au fonds de solidarité de tout paiement de la contribution à l’audiovisuel public pour l’année 2020.

Lors de la discussion en commission, il a pu être objecté qu’une telle exonération serait une perte d’une fraction des ressources consacrées à l’audiovisuel public, alors que la crise a pu également mettre à rude épreuve ce secteur.

Le rapporteur entend les remarques sur le récipiendaire de cette contribution. Il souligne cependant que cette exonération temporaire a pour objectif de sauver les personnes qui contribueront demain au financement de l’audiovisuel public.

Par ailleurs, l’état actuel du droit prend déjà en considération le fait qu’un professionnel doit acquitter une contribution proportionnée à l’utilisation effective qui a pu être faite des appareils récepteurs par les clients, puisqu’il est prévu que les hôtels fermés au moins un quart de l’année bénéficient d’un abattement de 25 % de la contribution qui serait due si l’hôtel avait été ouvert toute l’année.

De ce point de vue, l’année 2020 aura été une année pendant laquelle les appareils récepteurs n’auront pas été utilisés pendant une période significative, le plus souvent supérieure à un trimestre. Faire payer pour un service qui n’aura pas été utilisé pendant plusieurs mois n’est pas sans poser problème.

*

*     *

M. Marc Le Fur. Les bars, les cafés et surtout les hôtels étaient censés acquitter la redevance audiovisuelle en avril. Le Gouvernement a bien réagi et a reporté ce paiement en septembre. Mais septembre, c’est demain, et certains établissements vont être obligés de payer une somme qui, pour un hôtel de taille moyenne, s’élève à 5 000 euros. Or, la redevance étant la contrepartie d’un service et ce service n’ayant pu être dispensé puisque les chambres d’hôtel étaient vides, il serait logique de la supprimer ou, à tout le moins, de diminuer son montant. Sans cela, les hôteliers vont se révolter, et ils auront raison !

M. le président Éric Woerth. La redevance sera de toute façon supprimée, maintenant ou plus tard.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous remercie pour ce plaidoyer contre l’affectation de la fiscalité et en faveur de l’universalité budgétaire, qui rejoint mes convictions. En effet, le problème, lorsque vous supprimez une ressource comme la redevance, c’est que, derrière, il y a l’audiovisuel public français, qui en dépend… même si je n’ignore pas qu’on peut toujours colmater les brèches par des mesures budgétaires.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Je partage les propos de Marc Le Fur, qui valent également pour certains bars qui proposent à leur clientèle des retransmissions sportives.

On peut en effet amender cet article en proposant une mesure prorata temporis, si vous le jugez utile.

La commission rejette l’article 2.

Après l’article 2

La commission examine l’amendement CF1 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il s’agit de conditionner l’annulation des charges au fait qu’aucun contrat de travail ne soit rompu à l’initiative de l’employeur dans la période du 25 mars au 31 décembre 2020.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Cet amendement part d’un bon sentiment mais je n’y suis pas favorable, car les entreprises sont extrêmement fragiles et devront peut-être, malheureusement, se séparer d’une partie de leurs collaborateurs tout en ayant besoin du soutien de l’État pour survivre. Mieux vaut une entreprise qui parvient à surmonter la crise au prix de quelques licenciements, plutôt qu’une entreprise qui met la clé sous la porte et licencie l’ensemble de son personnel. On souhaite évidemment qu’il y ait le moins de licenciements possible, mais il faut laisser cette souplesse à certaines entreprises qui ne pourront pas faire autrement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous devons avoir un débat clair sur la conditionnalité des aides par rapport au maintien de l’emploi – nous en aurons sûrement l’occasion lors de la discussion du prochain collectif budgétaire. Je ne partage pas l’opinion de Jean-Paul Dufrègne, mais l’important est que les positions de chacun soient claires.

Subordonner les aides à l’emploi signifie, en d’autres termes, qu’une entreprise, pour obtenir une aide publique, doit maintenir un certain niveau d’emploi, quels que soient son chiffre d’affaires et sa rentabilité. Je pense, à titre personnel, que c’est contreproductif. Tout ce que nous avons mis en œuvre depuis le début de la législature – et qui a produit des résultats – visait à donner aux entreprises une plus grande flexibilité en la matière. Vous vous y opposez, mais cette flexibilité leur permettra également, si elles ont dû licencier du fait de la baisse de conjoncture, de réembaucher plus vite demain, pour redémarrer leur activité.

M. le président Éric Woerth. Je suis, moi aussi, totalement opposé à un tel amendement. Maintenir artificiellement de l’emploi, au détriment de l’entreprise, n’a jamais marché… sauf pour augmenter le chômage !

M. Jean-Paul Dufrègne. Je n’ai pas dit que les aides devaient être conditionnées au maintien de l’emploi mais simplement précisé qu’il ne devait pas y avoir de rupture de contrat de travail entre le 25 mars et le 31 décembre 2020. Et si je n’ai pas parlé de maintien de l’emploi, c’est parce que le dispositif du chômage partiel permet aujourd’hui aux entreprises de moduler l’emploi en fonction de leur niveau d’activité. Je suis donc d’accord avec le rapporteur et le président pour ce qui concerne cette proposition de loi. En revanche, pour certains autres dispositifs, il me semble qu’il y aurait matière à discuter.

La commission rejette l’amendement CF1.

Elle examine l’amendement CF2 du rapporteur.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Cet amendement fait suite aux annonces de Gérald Darmanin, le 1er juin, et propose d’exonérer de toutes cotisations salariales et de toutes charges fiscales les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, des arts et spectacles, du sport, de l’événementiel et de la culture, sur la période du 15 mars au 15 juillet.

Puisqu’il s’agit de traduire dans la loi les desiderata du ministre, je suis certain que la majorité votera cet amendement avec enthousiasme.

M. le président Éric Woerth. Il faudrait m’aider à décrypter le ministre : je ne comprends pas la pertinence du crédit d’impôt, qui ressortit plutôt à une logique de soutien au pouvoir d’achat.

Mme Cendra Motin. C’est un nouveau dispositif assez exceptionnel qui s’apparente à une sorte de crédit d’impôt pour les charges sociales. Il permet à l’entrepreneur soit d’alléger le poids des charges sociales sur les salaires, soit d’alléger ses propres charges, en particulier lorsqu’il n’emploie aucun salarié. Ce dispositif innovant destiné à donner de la souplesse aux entreprises va au-delà de ce que propose M. Fasquelle, même si nous nous accordons sur le fait que nous devons trouver les moyens d’accompagner la reprise économique.

Gérald Darmanin comme Agnès Pannier-Runacher plaident pour une approche pragmatique de ce dossier : la reprise sera sans doute lente, et l’accompagnement pourrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année. Il me semble donc préférable de ne pas établir de dates fixes.

M. Charles de Courson. J’aimerais appeler votre attention sur le nouveau concept de crédit d’impôt sur les cotisations sociales salariales, qui doit être traité avec prudence.

Même si de beaux esprits confondent cotisations sociales patronales et cotisations sociales salariales, et que la distinction n’est pas évidente économiquement, ces deux catégories n’obéissent pas au même régime juridique. En particulier, un employeur qui ne reverse pas les cotisations salariales aux organismes concernés est passible de sanctions pénales, car cela revient à voler le salarié desdites cotisations.

Il faudra examiner avec attention le dispositif proposé avant le débat du 10 juin, car le Conseil constitutionnel pourrait décider de censurer cette disposition au motif qu’elle s’apparente à une expropriation.

M. le président Éric Woerth. La mise au chômage partiel permet déjà de ne pas payer de cotisations. Consentir un crédit d’impôt sur des charges salariales revient à considérer qu’il ne fallait pas les payer. Cela n’a rien de novateur. Si votre objectif est de préserver la trésorerie des entreprises, laissez à celles-ci la possibilité de conserver la part de TVA qu’elles sont censées verser.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le rapporteur présente son amendement comme étant le reflet des propos du ministre, ce qui n’est pas tout à fait exact.

Tout d’abord, plusieurs orateurs ont renvoyé aux propos tenus par le ministre de l’action et des comptes publics lors de son audition par notre commission hier, mais l’annulation de charges sociales a été annoncée dès le 14 mai ; ce n’est donc pas une découverte.

Ensuite, concernant les aspects techniques, je n’ai pas encore vu l’article du prochain projet de loi de finances rectificative y afférent, mais je crois avoir compris que le dispositif s’appuierait sur une décomposition par codes de la nomenclature d’activités française (NAF), dont l’intérêt est de bien circonscrire les secteurs visés, mais dont le risque serait d’exclure certaines activités. J’ai, par exemple, dans ma circonscription une blanchisserie : cette entreprise dont l’activité n’est pas rattachée au secteur de l’hôtellerie et de la restauration en est cependant largement tributaire. Nous aurons donc un travail de précision à effectuer avant l’examen en séance.

Quant aux termes de charges fiscales, il importe de les préciser, car ils renvoient à plusieurs codes différents – impôts, sécurité sociale, douanes.

Enfin, sur le fond, je m’interroge sur la pertinence d’exonérer de charges fiscales un secteur dont les entreprises ont cessé temporairement leur activité. Par définition, et dans l’idéal, car il y a malheureusement des impôts mal ciblés, la fiscalité porte sur les bénéfices. Qu’une réflexion soit engagée sur les moyens de mieux équilibrer le poids des impôts dans le compte de résultat, je m’y associerai volontiers. En revanche, exonérer de charges fiscales des entreprises à l’arrêt ne me paraît pas approprié. Sur ce périmètre, mieux vaut s’en tenir à l’exonération de charges sociales.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Sans doute n’ai-je pas été assez clair : l’objet de ma proposition de loi, déposée bien avant l’audition d’hier, était de réviser le périmètre initialement retenu par le Gouvernement pour l’exonération de charges, à savoir les entreprises ayant subi une fermeture administrative. Le ministre ayant affirmé son souhait de rectifier le tir, nous allons bien dans la même direction.

Concernant les charges fiscales, certaines entreprises ont poursuivi leur activité mais dans des conditions très dégradées. Elles seront demain face au mur que j’évoquais et doivent être accompagnées. Toutes ces charges ne sont malheureusement pas liées au bénéfice. Les exonérations ne seront pas suffisantes à elles seules : c’est bien l’addition de toutes les mesures proposées qui permettront aux entreprises de passer ce cap difficile.

La commission rejette l’amendement CF2.

 

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Article 3
Gage

L’article 3 vise à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au regard des dispositions de l’article 40 de la Constitution.

 

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La commission rejette l’article 3.

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L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, le texte est considéré comme rejeté.

 

 

 


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   Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

– M. Alain Griset, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P)

– M. Patrick Martin, président-délégué du MEDEF

– M. François Asselin, président de la Confédération des PME


([1]) Décret n° 2020 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([2]) « Le déficit public flambe, Bercy défend son plan de relance face aux choix allemands », Les Échos, 4 juin 2020.

([3]) Point de conjoncture du 27 mai 2020 – Institut national de la statistique et des études économiques.

([4]) Idem.

([5]) Évaluation de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement sur l’économie mondiale en avril 2020, département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

([6]) Évaluation de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement sur l’économie mondiale en avril 2020, département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

([7]) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020

([8]) Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.   

([9]) Note de suivi du groupe de travail sur les entreprises du 4 mai 2020, commission des affaires économiques

([10]) Décret n°2020-552 du 12 mai 2020 modifiant le décret n°2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et de mesures prises pour limiter cette propagation  

([11]) Données du comité de suivi de la mise en œuvre et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19.

([12]) Situation sur le marché du travail au 2 juin 2020 – Tableau de bord hebdomadaire publié par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, 3 juin 2020.

([13]) « Le déficit public flambe, Bercy défend son plan de relance face aux choix allemands », Les Échos, 4 juin 2020.

([14]) « Chômage partiel : l’État se désengage en douceur », Les Échos, 25 mai 2020.

([15]) « La France, championne européenne des prêts garantis par l’État », Les Échos, 5 juin 2020.

([16]) Communiqué de presse du ministère de l’Action et des comptes publics (MACP), « Les réseaux des Urssaf et des services des impôts des entreprises prennent des mesures exceptionnelles pour accompagner les entreprises » – 13 mars 2020.

([17]) Communiqué de presse du MACP, « Prolongement des possibilités de report des cotisations sociales et impôts directs des entreprises pour le mois d’avril » - 3 avril 2020.

([18]) Communiqué de presse du MACP, « Reconduction des possibilités de report des cotisations et contributions sociales au mois de mai pour les entreprises confrontées à des difficultés » - 4 mai 2020.

([19]) Tableau de bord interactif  sur les reports d’échéances fiscales – portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics.

([20]) Documents du comité de suivi de la mise en œuvre et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19.

([21]) Mesures exceptionnelles Covid-19 : reports de cotisations Urssaf employeurs, portail « Open Urssaf ».

([22]) Communiqué du MACP – Prolongement des possibilités de report des cotisations sociales et impôts directs des entreprises pour tout le mois d’avril – 6 avril 2020.

([23]) Documents du comité de suivi de la mise en œuvre et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19.

([24]) « Le détail des 3 milliards d’euros de charges annulées cette année », Le Figaro, 5 juin 2020.

([25]) Idem.

([26])  « Le déficit flambe, Bercy défend son plan de relance face aux choix allemands », Les Échos, 5 juin 2020.

([27]) « Transition écologique : le plan de l’exécutif pour les TPE-PME », Les Échos, 5 juin 2020.

([28]) « La coalition allemande s’accorde sur un plan de relance de 130 milliards d’euros », Les Échos, 5 juin 2020.

([29]) Note de conjoncture et de suivi du plan d’urgence face à la crise sanitaire du covid 19 relevant du champ de compétences de la commission des finances, Sénat, 3 avril 2020 , p. 43.  

([30]) Bulletin d’information statistique de la Direction générale des collectivités locales – La fiscalité directe locale en 2018.  

([31]) Cela correspond aux cotisations d’assurance vieillesse de base salariales et patronales, aux cotisations d’assurance maladie, d’allocations familiales et d’accidents du travail patronales, au forfait social, aux cotisations d’assurance chômage ainsi qu’à la CSG et à la CRDS.  

([32]) Note de conjoncture et de suivi du plan d’urgence face à la crise sanitaire du covid 19 relevant du champ de compétences de la commission des finances, Sénat – 4 mai 2020.