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N° 3067

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]) CHARGÉE DEXAMINER LE PROJET DE LOI relatif à la dette sociale et à lautonomie,

 

 

Par MThomas MESNIER,

Rapporteur

 

 

 

 

 

 

 

——

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3019.


La commission spéciale est composée de :

M. Jean-Paul Mattei, président ;

M. Belkhir Belhaddad, Mme Cendra Motin, M. Bernard Perrut, M. Boris Vallaud, vice-présidents ;

M. Julien Borowczyk, M. Pascal Brindeau, Mme Marianne Dubois, Mme Émilie Guerel, secrétaires ;

M. Paul Christophe, M. Thomas Mesnier, rapporteurs,

 

Mme Delphine Bagarry, M. Jean-Noël Barrot, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Francis Chouat, Mme Josiane Corneloup, Mme Dominique David, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Stella Dupont, Mme Caroline Fiat, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Jean-Carles Grelier, Mme Véronique Hammerer, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Daniel Labaronne, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Bruno Questel, M. Alain Ramadier, M. Laurent Saint-Martin, Mme Annie Vidal

 

 

 

 


– 1 –

 

 

SOMMAIRE

___

avant-propos

Article 1er Reprise de 136 milliards deuros de dette par la Caisse damortissement de la dette sociale

Article 1er bis Remise d’un rapport sur les emprunts à caractère social

Article 2 Affectation dune fraction de contribution sociale généralisée à la Caisse nationale de solidarité pour lautonomie

Article 3 Versement par le Fonds de réserve pour les retraites de la soulte du régime des industries électriques et gazières à la Caisse nationale dassurance vieillesse et de 1,45 milliard deuros à la Caisse damortissement de la dette sociale

Article 4 Rapport au Parlement sur la création dun cinquième risque ou dune cinquième branche en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : personnes auditionnÉEs par LES RAPPORTEURS


– 1 –

   avant-propos

La crise sanitaire et économique que nous traversons nous oblige à ce que Simone Veil avait appelé, lors de la présentation dun grand texte sur la sécurité sociale en 1994, lointain parent des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) mais aussi du texte ad hoc que nous examinons aujourdhui, un « devoir de lucidité ». Un devoir de lucidité qui est double aujourdhui.

● Le premier devoir de lucidité doit porter sur l’état des finances de la sécurité sociale. La situation est incontestablement difficile : l’effondrement des recettes, et dans une moindre mesure, la hausse des dépenses liées à la crise sanitaire, entraînent des besoins de financement jamais vus depuis la création de la sécurité sociale. Construite pour couvrir les besoins de trésorerie des branches qui peuvent varier au cours de l’année en fonction de certaines échéances, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pourrait prochainement se trouver en situation de porter près de 95 milliards d’euros d’endettement de court terme auprès des marchés financiers, des banques et de la Caisse des dépôts et consignations.

Quelle que soit la qualité du service rendu par l’Agence, et elle est très grande, le rapporteur ne peut que constater que cette situation ne peut perdurer sans dénaturer la mission qui lui est confiée et faire courir un certain nombre de risques de taux ou de liquidités en cas de forte détérioration de la conjoncture.

Pour mettre un terme à cette situation et « mettre à l’abri » cette dette à plus long terme, un nouveau transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) est apparu comme la solution la plus évidente : la Caisse est conçue pour reprendre et amortir la dette de la sécurité sociale et a assuré jusqu’ici cette mission avec succès. Aussi, c’est vers elle que doit être transféré un montant de 136 milliards d’euros de dette correspondant à 31 milliards de déficits déjà actés au titre des exercices 2019 et antérieurs, 13 milliards de reprise de dette auprès des établissements participant au service public hospitalier et 92 milliards de provisions pour anticiper les désormais inévitables déficits des exercices 2020 à 2023.

Outre le soulagement de la trésorerie de l’ACOSS, ce nouveau transfert acte la reconduction d’une doctrine exigeante et vertueuse en application de laquelle la dette sociale ne peut exister que de manière transitoire, sauf à tomber dans le piège d’un financement de prestations versées aujourd’hui par les cotisants et contribuables de demain. Nécessairement provisoire, la dette sociale a ainsi vocation à disparaître, même si l’horizon doit au regard des circonstances être repoussé.

Il y va du sérieux du financement de nos politiques de protection sociale, il y va aussi de l’intérêt des assurés eux-mêmes : les cotisations et contributions acquittées auprès de la sécurité sociale doivent autant que possible financer des prestations et des politiques ambitieuses et protectrices et non des intérêts versés à ses prêteurs. Le plan de financement inscrit dans ce projet de loi jusqu’en 2033, appuyé sur des ressources dynamiques – contribution sociale généralisée (CSG) et contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) – ainsi que sur les versements réguliers d’une institution aussi solide que le Fonds de réserve pour les retraites, garantit l’esprit de sérieux qui anime le législateur.

Le rapporteur est donc fermement opposé à toute logique consistant à minimiser ou nier les enjeux qui entourent l’existence même d’une dette sociale et, s’il comprend que des débats – en définitive, de nature technique – puissent exister entre le choix de l’État ou d’un organisme dédié, il constate que la solution d’un transfert à la CADES a le mérite de la clarté et d’avoir été éprouvée après la précédente crise.

● C’est ce même devoir de lucidité qui nous oblige à constater, comme l’ont fait déjà de nombreux travaux gouvernementaux et parlementaires, qu’avec le défi du « grand âge et de l’autonomie », notre pays aura à faire dans les années à venir à une épreuve sans précédent, tant du point de vue du nombre croissant d’assurés à protéger que de l’ingénierie sociale autour des solutions transversales à inventer ou consolider au-delà des « cloisons » entre domicile et établissements, logiques « sanitaires » et d’accompagnement, conseils départementaux et sécurité sociale.

C’est dans cet esprit que le projet de loi initial proposait, sans avoir jamais prétendu ni à l’exhaustivité, ni être une LFSS ou une loi « Grand âge », d’abord, d’engager en 2024, année de transition entre la fin du remboursement de la dette transférée en 2010 et le début du remboursement de la dette transférée à la suite de la crise qui nous frappe actuellement, une fraction de CSG correspondant à 2,3 milliards d’euros à cette échéance vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Il visait d’autre part, la remise d’un rapport d’ici l’automne pour examiner les implications de la création d’un cinquième risque ou d’une cinquième branche en LFSS pour 2021.

Tout en conservant ce même état d’esprit marqué par la modestie face à l’ampleur de la tâche et la conscience des échéances à venir, la commission spéciale, à l’initiative du rapporteur, mais aussi des groupes composant la majorité, a entendu aller au bout de ses responsabilités en prenant fermement position en faveur de la création d’une cinquième branche « autonomie », et partant, d’un cinquième risque.

L’amendement adopté par la commission spéciale constate ainsi l’existence de ce cinquième risque, dont il convient effectivement de rappeler qu’il est déjà pris en charge par la solidarité nationale à travers l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), mais crée aussi de manière plus inédite une cinquième branche du régime général, complétant ainsi les quatre branches « historiques » vieillesse, maladie, famille et accidents du travail-maladies professionnelles.

La commission spéciale, sans remettre en cause la nécessité d’une concertation et d’un rapport du Gouvernement à remettre au Parlement d’ici le 15 septembre 2020, a ainsi entendu donner une direction nette et précise aux travaux qui aboutiront dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Elle a pu le faire en s’appuyant sur près de vingt‑cinq ans de débats sur cette question, maintes fois remise sur le métier sans jamais aboutir jusqu’ici.

Pourquoi un nouveau risque ? Par son objet même, par le fait qu’il s’attache durablement aux personnes, parce qu’il fait appel au « soin » et au « prendre soin », ainsi qu’à des dispositifs divers, le soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées dépasse largement le champ de la maladie, auquel la question est objectivement réduite du point de vue du droit de la sécurité sociale aujourd’hui.

Pourquoi une nouvelle branche ? En se dotant d’une véritable unité de gestion du risque, à l’intérieur de la sécurité sociale, et non « un pied dedans, un pied dehors », la question du soutien à l’autonomie sera structurée autour d’un véritable outil de suivi, de transparence démocratique et de pilotage, qui lui manque aujourd’hui. Dotée d’un objectif de dépenses faisant l’objet d’un vote dédié, la nouvelle branche pourra faire l’objet d’un débat continu et clarifié sur ses moyens devant la représentation nationale. Elle bénéficiera de la vision pluriannuelle que permet la LFSS, et d’une autonomie en dépense vis-à-vis de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

Parce que cette nouvelle branche nécessitera des mesures techniques permettant de clarifier ses ressources, ses relations financières avec les autres branches ou encore son périmètre – qui pourrait très bien dans un premier temps s’appuyer sur le champ des dépenses aujourd’hui intégré dans les cinq sections financières de la CNSA – le rapport remis par le Gouvernement d’ici le 15 septembre 2020 permettra d’apporter des éclairages avant un débat approfondi dans le cadre de la prochaine loi de financement.

Aussi, l’affirmation de cette cinquième branche est pour le rapporteur le seul choix de gouvernance à la hauteur du défi que constitue le soutien à l’autonomie, à la fois ambitieux du point de vue de l’organisation de la sécurité sociale, et respectueux des spécificités de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap.

 

 


 

Article 1er
Reprise de 136 milliards deuros de dette par la Caisse damortissement de la dette sociale

L’article 1er vise à permettre la couverture par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) des déficits accumulés par les régimes de base de la sécurité sociale à hauteur de 136 milliards d’euros. Cette reprise comprend trois champs principaux :

– les déficits accumulés au 31 décembre 2019 par la branche maladie, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la branche vieillesse du régime des travailleurs agricoles non-salariés et le régime de retraite de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), à hauteur de 31 milliards d’euros ;

– les déficits prévisionnels de l’ensemble des branches du régime général, à l’exception de la branche « accidents du travail-maladies professionnelles », du FSV et de la la branche vieillesse du régime des travailleurs agricoles non-salariés, dans la limite d’un plafond lui-même prévisionnel de 92 milliards d’euros ;

– la couverture des emprunts contractés par les établissements publics de santé jusqu’au 31 décembre 2019, à hauteur de 13 milliards d’euros maximum.

I.   La caisse d’amortissement de la dette sociale : un outil d’apurement spécifique destiné à rembourser autant les intÉrÊts que le capital de la dette sociale

A.   La spécificité de la dette sociale par rapport à la dette de l’État

Il existe un certain nombre de spécificités relatives aux dépenses sociales qui ont justifié la création d’un mécanisme ad hoc pour en gérer la dette.

● En premier lieu, les dépenses sociales bénéficieraient communément avant tout aux personnes qui en sont directement contemporaines. Les allocations servies par les différentes branches, tout comme les prestations de remboursement des soins, ne seraient pas au bénéfice des générations futures. Vues comme des dépenses « de fonctionnement » et non comme un investissement, il est apparu inique de faire rembourser par les générations futures des dépenses qui ne serviraient par construction qu’aux générations actuelles.

Il est toutefois de plus en plus contestable aujourd’hui de considérer que les dépenses dans le domaine de la santé n’ont aucun impact sur les générations futures. À ce titre, l’investissement proposé par le Gouvernement en faveur des établissements publics de santé, qui prend la forme d’une reprise d’un tiers des dettes contractées par ces établissements, doit leur permettre d’investir dans la modernisation de leur équipement et leur capacité d’adaptation dont ils ont déjà su faire preuve face à l’épidémie de covid-19.

● Ensuite, les dépenses sociales diffèrent des dépenses de l’État en ceci qu’elles font l’objet, d’objectifs de dépenses et non de crédits limitatifs. Cette différence est majeure, compte tenu du champ que représente l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), à savoir 200,3 milliards d’euros en 2019 ([2]). Là-encore, cette crainte qui avait présidé aux débats entourant la création de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), est aujourd’hui amoindrie par le respect continu des objectifs de dépenses dans le champ de l’ONDAM depuis dix ans. La tendance récente a été au contraire une précision accrue dans l’estimation de l’objectif et de l’ensemble des sous-objectifs qui le composent, aboutissant à une diminution sensible du décalage entre les hypothèses initiales et l’exécution.

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Source : Annexe 7 du PLFSS 2019.

Il a néanmoins été institué un circuit spécifique d’amortissement de la dette sociale, destiné à rembourser à la fois les intérêts mais aussi le capital de cette dette, afin d’aboutir à son extinction. Habilité par le Parlement à définir, « sans empiéter sur le domaine exclusif de la loi de finances, les modalités de consolidation et dapurement de la dette accumulée au 31 décembre 1995 par le régime général de sécurité sociale et par le régime dassurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles » ([3]), le Gouvernement a établi, par voie d’ordonnance ([4]) :

– la création d’un établissement public chargé de l’amortissement de la dette sociale, la CADES, pour une durée prévue originellement de treize ans, soit jusqu’en 2009 ;

– le transfert des déficits accumulés au 31 décembre 1995 par le régime général, consolidés sous la forme d’une dette de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que du déficit prévisionnel pour 1996, pour un total de 137 milliards de francs, à la CADES ;

– le versement d’une somme de 12,5 milliards d’euros par an au titre de l’amortissement de la dette, vers le budget de l’État ;

– la création d’une contribution assise sur les revenus d’activité, les produits de placement, les revenus issus des jeux, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), instituée à un taux de 0,5 % (voir infra).

Cette création a mis en place un circuit spécifique de remboursement de la dette sociale, encore valable aujourd’hui.

B.   La Cades : un établissement public dédié

L’amortissement de la dette sociale se structure aujourd’hui autour de cet établissement public, selon le schéma suivant de couverture des déficits.

https://www.cades.fr/images/contenus/img_gestion-dette.gif

Source : CADES.

Ce schéma illustre avant tout la nécessité de transférer une ressource équivalente au transfert de dettes décidé en LFSS, ou au sein d’une loi ordinaire telle que le présent projet de loi. Les opérations de refinancement de la CADES auprès des marchés servent donc à verser à l’ACOSS les montants nécessaires pour couvrir les déficits accumulés dans chacune des branches.

Le truchement de l’ACOSS n’est toutefois qu’opérationnel, puisque les transferts se font directement en vue de la couverture des déficits inscrits dans les comptes des branches elles-mêmes.

C.   Des recettes propres pour assurer la couverture des déficits

Le remboursement de la dette sociale s’appuie aujourd’hui sur quatre recettes principales, d’importance inégale.

● La première d’entre elles, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), a été créée en même temps que le circuit spécifique d’amortissement de la dette sociale. Son assiette est semblable à celle de la contribution sociale généralisée (CSG), et comprend les revenus d’activité, les revenus de remplacement, les revenus du patrimoine, les revenus de placement et les revenus des jeux.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ([5]), l’assiette de cette contribution a été élargie à 98,25 % des revenus d’activité et des allocations chômage ([6]).

● La CADES bénéficie également d’une fraction de CSG, progressivement élargie au fur et à mesure des reprises successives de dettes :

– la loi de financement pour 2009 ([7]), pour compenser la reprise de 27 milliards d’euros, a affecté à la CADES une fraction de CSG à hauteur de 0,2 % ;

– cette part a été rehaussée en 2010 par la loi de financement pour 2011 ([8]) à 0,48 %, correspondant à une reprise massive de dette à hauteur de 62 milliards d’euros ;

– la loi de financement pour 2016 a enfin porté cette contribution à 0,6 %, visant une reprise de dette plus rapide que ce qui avait été initialement prévu en loi de financement pour 2011.

● Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a également été mobilisé pour contribuer au remboursement de la dette sociale, au titre du poids que la branche vieillesse du régime général représentait dans les déficits cumulés. Le législateur financier social a ainsi prévu, en 2011, un versement annuel de 2,1 milliards d’euros par an entre 2011 et 2024, soit une recette totale de 29,4 milliards d’euros, pour couvrir les déficits accumulés par la CNAVTS entre 2011 et 2018. Il était en effet prévu à cette date que la réforme des retraites de 2010 permettrait à la branche d’atteindre son équilibre.

Enfin, et toujours par le biais de la LFSS 2011, un prélèvement social sur le capital a été affecté à la CADES, à un taux de 1,3 %, relevé à 5,4 % en 2012, puis abaissé à 4,5 % en 2013, pour que la LFSS 2016 finisse par supprimer l’affectation de cette ressource à la CADES ([9]), remplacée par une augmentation équivalente de la fraction de CSG affectée.

Ces ressources pérennes ont été complétées par des ressources ad hoc d’une moindre importance, telles que :

– la vente du patrimoine privé à usage locatif des caisses du régime général, à l’exception des locaux à usage administratif, prévue par l’ordonnance de 1996. Cette opération, à la date du 31 décembre 2003, avait permis l’affectation d’un montant de 467,2 millions d’euros au remboursement de la dette sociale ;

– des contributions exceptionnelles portant sur le capital, prévues en LFSS 2011, comme le prélèvement sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance, la modification des règles d’imposition aux prélèvements sociaux de la part en euro des contrats d’assurance vie multisupports ou la taxe sur les contrats dits « responsables », pour un total légèrement supérieur à 3 milliards d’euros.

● Les ressources perçues par la CADES en 2019 se décomposent de la manière suivante :

– 7,6 milliards d’euros correspondant au rendement de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

– 8,6 milliards d’euros correspondant au rendement de 0,6 point de contribution sociale généralisée (CSG) ;

– 2,1 milliards d’euros versés par le Fonds de réserve pour les retraites.

Le graphique suivant résume la progressive montée en régime des recettes affectées à la CADES.

https://www.cades.fr/images/contenus/2020/LA_RESSOURCE_Evolution_des_ressources.jpg

Source : CADES.

En l’état, ces recettes pérennes devaient permettre l’extinction de la dette sociale courant 2024, selon le dernier rapport financier de la CADES à ce sujet. Cette date était le dernier terme après plusieurs reports successifs.

II.   Malgré un encadrement strict au niveau constitutionnel et organique, un amortissement plusieurs fois repoussé

A.   La date d’extinction de la dette sociale a été repoussée à mesure de l’accumulation des déficits sociaux

L’ordonnance de 1996 prévoyait un amortissement de la dette reprise en 2009, soit treize ans après la création de la CADES. Les déficits récurrents du régime général comme du régime agricole n’ont pas permis de maintenir cette date.

● Les principales reprises de dette ont été les suivantes :

– reprise en loi de financement de sécurité sociale de la dette cumulée par l’ACOSS depuis le 1er janvier 1996, à hauteur de 13,2 milliards d’euros, en comprenant le déficit prévisionnel de l’exercice 1998, pour une extinction de la dette sociale en 2014 ;

– reprise, aux termes de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ([10]), pour la couverture des déficits cumulés au 31 décembre 2003 et du déficit prévisionnel au titre de 2004, à hauteur de 25 milliards d’euros, ainsi qu’une couverture supplémentaire de 15 milliards d’euros au titre des exercices 2005 et 2006. Cette reprise d’un total de 40 milliards d’euros a conduit le législateur à supprimer la mention d’une date mais à estimer que l’extinction de la dette était repoussée de sept ans supplémentaires, pour une échéance en 2021 ;

– reprise, pour la couverture des déficits cumulés de la branche maladie pour 2009 à 2011, de la branche vieillesse pour 2009 et 2010 et de la branche famille pour 2009 à 2011, dans la limite de 68 milliards d’euros, ainsi que, pour la couverture des déficits des exercices 2011 à 2018 de la branche vieillesse, dans la limite de 62 milliards d’euros. Cette reprise s’est accompagnée d’un allongement d’un maximum de quatre années de la durée de vie de la CADES, pouvant être inscrit à titre dérogatoire dans la LFSS 2011 ([11]), soit 2025.

La frise ci-dessous résume l’ensemble des étapes au bout desquelles la date d’extinction de la dette sociale a été finalement estimée à 2024, compte tenu notamment de l’amélioration des conditions de financement de la CADES.

https://www.cades.fr/images/contenus/2019/historique.png

Source : CADES.

● La trajectoire d’amortissement de la dette aboutissait en effet à une situation où il était estimé, au 31 décembre 2019, que 171,4 milliards d’euros de dette sociale avaient été amortis, soit plus de 60 % de la dette accumulée depuis la naissance de la CADES. Sur les 260 milliards d’euros de reprise de dette votée, il restait 89,1 milliards d’euros à amortir, selon une trajectoire comparable à celle qui avait été suivie depuis la dernière reprise de dette en 2016.

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Source : Lettre dinformation n° 43 de la CADES, décembre 2018.

B.   Un allongement de la dette désormais sous l’empire de conditions très restrictives

Afin d’éviter la prolongation excessive de la dette sociale, le législateur organique a fixé des règles strictes structurant les reprises de dettes.

C’est ainsi que l’article 20 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a complété l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, lui-même élevé au rang organique par la décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet 2005. Le principe ainsi fixé était que « tout nouveau transfert de dette à la Caisse damortissement de la dette sociale est accompagné dune augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée damortissement de la dette sociale ».

Cette disposition s’est trouvée renforcée par la décision du Conseil constitutionnel, qui s’est estimé compétent pour vérifier que les ressources affectées à la CADES permettaient de ne pas dépasser le terme que le législateur s’était fixé ([12]). Il a par ailleurs appliqué le principe constitutionnel de l’équilibre financier de la sécurité sociale, dégagé pour la première fois dans une décision de 1997 ([13]), et estimé que, pour satisfaire aux obligations organiques, le législateur ne pouvait transférer à la CADES de nouvelles ressources affectées jusqu’alors aux régimes de sécurité sociale et aux organismes qui les financent, sans prévoir des compensations pour ces mêmes régimes et organismes. Il pourrait en être déduit, a contrario, qu’un abaissement excessif des recettes de la CADES entraînerait de facto une censure en raison du non-respect du terme fixé par le législateur organique.

● La dernière reprise de dette par la CADES s’est ainsi opérée sous l’empire de ces règles : le transfert prévu par l’article 27 de la LFSS 2019 ([14]) d’un montant de 15 milliards d’euros de déficits accumulés entre 2014 et 2018, d’ici 2024, s’était accompagné du transfert d’une recette supplémentaire, à savoir une fraction de CSG à hauteur de 1,5 milliard d’euros par an à compter de 2020. Cette dernière reprise de dette n’avait toutefois pas pu être assurée compte tenu de la dégradation des comptes sociaux, liée notamment à la mise en place des mesures d’urgence économique et sociale.

Cette dégradation a donc majoritairement été portée par l’ACOSS pendant ces dernières années, aboutissant à un cumul de dette porté par l’Agence de l’ordre de 30 milliards d’euros en 2019, comme le décrit le tableau ci-dessous. Cette évolution n’a toutefois pas empêché une diminution globale de la dette sociale constatée en fin d’année.

Évolution de la dette sociale

2015-2019

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Situation négative de la CADES

126,7

135,8

120,8

105,4

89,3

Cumul à lACOSS des déficits des branches maladie, vieillesse famille et FSV non repris par la CADES

29,7

15,4

21,6

23,5

30,0

Endettement financier net de lACOSS

31,2

20,9

27,2

21,5

 

Dette sociale totale en fin dannée*

156,4

151,2

142,4

128,9

119,3

(*) Hors déficits des régimes de retraite des exploitants agricoles (3,7 milliards d’euros) et au régime des mines (600 millions d’euros).

Source : Cour des comptes. Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2019.

III.   La situation exceptionnelle – et le portage des dépenses nouvelles par les finances sociales – justifient une reprise massive des déficits

A.    L’impact de la crise dU Covid-19 en recettes et en dépenses

● La crise sanitaire que notre pays traverse se caractérise par un impact historique sur l’ensemble des paramètres de notre économie. La contraction du PIB de l’ordre de 8 %, telle qu’elle ressort des dernières estimations de l’INSEE ([15]), dont une prévision de – 20 % pour le deuxième trimestre 2020, aura nécessairement un impact majeur sur les recettes sociales, appuyées, pour près de deux tiers d’entre elles (cotisations sociales, CSG, CRDS, taxes sur les salaires) sur les revenus d’activité.

L’audition du ministre de l’action et des comptes publics, le 2 juin 2020, par les commissions des finances et des affaires sociales a amplifié le montant de ces premières anticipations, à hauteur d’un déficit de 52,2 milliards d’euros pour une récession de 11 %.

● Cette diminution des recettes, de l’ordre de 30 milliards d’euros pour la période de confinement, s’accompagne d’une augmentation des dépenses dans le champ de la sécurité sociale, et notamment dans celui de l’ONDAM, via :

– l’augmentation du budget de l’agence Santé publique France, rattachée aux comptes sociaux depuis la LFSS 2020 ([16]), à hauteur de 4 milliards d’euros ([17]), aux fins de prévention et d’équipement du personnel et de nos établissements de santé ;

– le versement de primes au personnel des établissements publics de santé comme des EHPAD ;

– l’augmentation des indemnités journalières, étendues aux personnes contraintes par la garde de leurs enfants.

L’ensemble de ces dépenses supplémentaires, qui ne portent pour le moment que sur la période de confinement et de lutte contre la vague épidémique, en attendant les mesures prises à l’issue du « Ségur » de la santé lancé par le ministre en charge de la santé et des solidarités, ont été évaluées à 8 milliards d’euros pour l’exercice 2020.Ces mesures ont par ailleurs vocation à être complétées pour l’exercice 2021 par les conclusions du « Ségur » de la santé.

● Le solde issu tant de la chute de l’activité économique que des mesures prises par le Gouvernement pour assurer une reprise économique solide, telles que l’accès dérogatoire au dispositif d’activité partielle, serait de l’ordre d’un déficit de 52,2 milliards d’euros, cohérent avec le tableau suivant estimant l’impact de la crise sur les recettes de chacune des branches de la sécurité sociale.

 


IMPACT DES DEUX Mois de confinement sur les compteS sociaux

(en milliards d’euros)

Branches

Maladie

Vieillesse

Famille

AT-MP

Total

Montant du report du paiement des cotisations sociales, avec une hypothèse de report d’un tiers du paiement sur deux mois de confinement (1)

11,54

11,18

1,69

0,76

25,17

Montant du report de recettes fiscales pour deux mois de confinement (taxes sur les salaires)

0,23

1,07

0,83

0,00

2,13

Montant total du report des cotisations sociales et des ressources fiscales

11,77

12,25

2,52

0,76

27,30

Diminution du montant des cotisations sociales (2)

8,08

7,82

1,18

0,53

17,62

Diminution du montant de la CSG (2)

0,92

0,00

0,16

0,00

1,08

Montant de la perte de cotisations et contributions sociales

9,01

7,82

1,34

0,53

18,70

Montant net de diminution des recettes de taxe sur les salaires (2)

0,08

0,36

0,28

0,00

0,71

Montant net de diminution des recettes de TVA (3)

2,39

0,00

0,00

0,00

2,39

Diminution de l’imposition sur le capital

0,00

3,00

0,00

0,00

3,00

Montant des pertes sèches de recettes fiscales principales (TVA et taxe sur les salaires)

2,47

3,36

0,28

0,00

6,11

Perte sèche de recettes fiscales et sociales

11,48

11,18

1,62

0,53

24,81

Besoin de financement entre le 15 mars et le 15 mai 2020 (4)

23,25

23,43

4,14

1,29

52,11

 

(1) Hypothèse fondée sur les premières données recueillies concernant l’échéance de paiement des cotisations.

(2) Les indemnités d’activité partielle ne sont soumises ni aux cotisations sociales ni à la taxe sur les salaires et sont soumises à un taux de CSG de 6,6 %, contre 9,2 % pour les revenus d’activité.

(3) Hypothèse de diminution de 35 % des produits de la TVA, avec une élasticité de 1 par rapport à la consommation.

(4) Sans prise en compte du futur remboursement du report du paiement des cotisations sociales.

Source : Commission des affaires sociales, Suivi dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, Mmes Annie Vidal et Marine Brenier, référentes pour la thématique Sécurité sociale.

Les estimations ci-dessus sont soumises à de nombreuses incertitudes, concernant notamment les variations de la consommation ainsi que les choix qui seront faits s’agissant des modalités de remboursement des reports de cotisation. Toutefois, les hypothèses de la commission des affaires sociales, comme celles du Gouvernement, justifient une reprise de dette rapide, en ligne avec l’échéancier décrit infra.

B.   Les fortes contraintes qui pèsent sur l’ACOSS

Le premier établissement à faire face à l’augmentation rapide du besoin de financement des branches de la sécurité sociale a été l’ACOSS, qui, pour rappel, a pour mission d’assurer des prêts de court terme aux branches. L’ACOSS est notamment contrainte, pour son refinancement, de n’émettre que des titres dont l’échéance est infra-annuelle.

● Pour faire face au besoin de financement augmentant de manière exponentielle, le plafond d’endettement de l’ACOSS a été revu à plusieurs reprises. Pour rappel, ce plafond d’endettement avait été initialement fixé, en LFSS 2020, à hauteur de 39 milliards d’euros, ce qui correspondait déjà à une échelle haute dans l’histoire de l’Agence. Il a toutefois dû être augmenté à deux reprises :

– le 25 mars 2020, par décret pris en Conseil des ministres ([18]), pour un relèvement de 39 à 70 milliards d’euros, soit une augmentation de 31 milliards d’euros ;

– le 20 mai 2020, par un second décret pris en Conseil des ministres ([19]), pour un nouveau relèvement à hauteur de 95 milliards d’euros, soit une augmentation de 25 milliards d’euros supplémentaires.

Le plan de financement de l’ACOSS a impliqué la forte mobilisation de ses partenaires historiques, tels que la Caisse des dépôts et consignations, mais également une modification sensible de la composition de son encours en faveur des concours bancaires, selon la structure de financement décrite ci-dessous.

Source : étude d’impact.

La modification de la structure de financement de l’ACOSS fait donc apparaître, outre une réduction sensible du recours aux commercial papers pour les mois d’avril et surtout de mai 2020, une nouvelle forme de financement par prêt bancaire, à hauteur de 14 milliards d’euros pour le mois de mai 2020, ainsi que par le prêt exceptionnel de la CDC, pour près de 20 milliards d’euros.

● La solidité financière de l’Agence a été prouvée par sa capacité à contracter des prêts auprès des établissements bancaires et à lever auprès des marchés financiers des sommes sans commune mesure avec ses modalités habituelles de refinancement. Il demeure toutefois que le transfert massif proposé par le présent projet de loi permettra de :

– proposer aux investisseurs un plan crédible d’amortissement de la nouvelle dette publique contractée à l’occasion de la crise sanitaire et portée en grande partie par la sécurité sociale ;

– rétablir, d’ici la fin de l’année 2020, un profil de financement de l’ACOSS plus en rapport avec ses activités habituelles ;

– s’appuyer sur les conditions de financement particulièrement favorables, y compris pour la CADES, et s’assurer ainsi contre les risques de liquidité des titres à court terme comme contre les risques de hausse des taux.

C.   Des conditions de refinancement particulièrement favorables

La CADES bénéficie en effet actuellement des meilleures conditions d’émission de ses titres depuis sa création. Elle s’endettait en effet à la fin de l’année 2018 à un taux moyen négatif de – 0,556 %, pour une maturité moyenne de 177 jours.

Ces conditions lui permettent notamment de limiter drastiquement ses coûts de financement. Au total, le coût de l’endettement au 31 décembre 2018 était en baisse de 3 % par rapport au 31 décembre 2017, en lien notamment avec la baisse des intérêts sur emprunts obligataires et titres assimilés en euros ([20]).

Ainsi qu’il est ressorti de l’audition du président de la Cades par les rapporteurs des présents projets de loi, les conditions de financement de la Caisse, y compris dans un contexte incertain, demeurent particulièrement favorables, voire font des titres émis par la Caisse des valeurs « refuge ». L’un des derniers appels au marché, à hauteur de trois milliards de dollars, s’est en effet traduit par une proposition d’achat de titres plus de huit milliards.

Le maintien de cet endettement à taux minimal, inférieur aux hypothèses choisies dans l’étude d’impact, plaide donc pour le transfert rapide des déficits accumulés par les branches à la Caisse.

IV.   assurer la pérennité du financement de la sécurité sociale : un nécessaire prolongement de l’extinction de la dette sociale

Le présent article prévoit donc le transfert d’un total de 136 milliards d’euros, qui peuvent être décomposés de la façon suivante :

– le transfert des déficits passés, cumulés jusqu’au 31 décembre 2019, dont le montant est connu et dont la limite est fixée à 31 milliards d’euros ;

– le transfert d’un montant, représentant la couverture des déficits qui seront accumulés entre 2020 et 2023, dont la limite est fixée 92 milliards d’euros ;

– le versement par la CADES des sommes nécessaires à la couverture d’une partie des échéances des emprunts contractés par les établissements publics de santé. Là encore, plusieurs limites sont imposées :

A.   La reprise des déficits passés

● Le A du nouveau II septies de l’article 4 de l’ordonnance fixe à la fois le montant de la couverture, le champ des déficits couverts et un échéancier pour cette reprise.

● En premier lieu, la limite de 31 milliards d’euros s’entend en fonction des déficits accumulés jusqu’à présent par l’ACOSS. Ce transfert aurait donc dû s’établir dans les conditions prévues par la LFSS 2020 pour la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux. En l’occurrence, le Gouvernement fait le choix, au sein de ce projet de loi, de soulager l’ACOSS, qui était fortement sollicitée en amont de la crise sanitaire, de la couverture des déficits accumulés avant le 31 décembre 2019.

S’agissant du champ des déficits couverts, ceux-ci sont limitatifs par rapport à l’ensemble du champ de la sécurité sociale. La reprise concerne par ordre décroissant de volume de dette transférée l’assurance maladie, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles, ainsi que le déficit spécifique de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Ces déficits se portent respectivement à hauteur de :

– 16,2 milliards d’euros pour l’assurance maladie ;

– 9,9 milliards d’euros pour le FSV ;

– 3,5 milliards d’euros pour la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles ;

– 1,2 milliard d’euros pour la CNRACL.

● L’ensemble de ces déficits aboutit à un total de 30,8 milliards d’euros, intégralement repris par la CADES.

Enfin, cette reprise suit un calendrier particulier. La CADES devra en effet reprendre l’ensemble de ces déficits au plus tard le 30 juin 2021, en suivant un échéancier de versement dont le premier devra intervenir avant le 31 juillet 2020.

Le versement rapide d’un montant susceptible de couvrir une partie de la dette portée par l’ACOSS permet de poursuivre plusieurs objectifs :

– rétablir le rôle de l’Agence comme celui du financement des besoins de trésorerie infra-annuels des régimes de la sécurité sociale, tâche difficilement compatible avec la gestion de plus de 90 milliards d’euros de dette accumulée ;

– se prémunir contre le risque d’un retournement des conditions de financement. Si l’ACOSS se finance actuellement dans de très bonnes conditions, la substitution de titres de très court terme pas des titres de moyen à long terme émis par la CADES permet de sécuriser le financement de l’ensemble de la dette et de se garantir contre les risques de liquidité dans un marché financier soumis à de fortes tensions liées à la crise du covid-19 ;

– rassurer les investisseurs dans la dette sociale française, en garantissant un plan crédible de reprise de dette.

● Selon l’étude d’impact, les versements de la CADES à l’ACOSS se feront en trois temps :

– un premier versement rapide, avant la coupure estivale des marchés financiers, d’un montant situé dans une « fourchette » allant de 5 et 10 milliards d’euros ;

– un second versement interviendra avant la fin de l’année 2020, d’un montant de 15 milliards d’euros, afin de soulager la trésorerie de l’ACOSS d’un total de 20 à 25 milliards d’euros, soit près de la moitié du relèvement du plafond consenti pour l’année 2020 ;

– un dernier versement avant le 30 juin 2021 pour couvrir le montant restant de cette première reprise de dette, à savoir un total de 31 milliards d’euros.

B.   La couverture des déficits prévisionnels de la sécurité sociale pour les années 2000 à 2023

● Le B du nouveau II septies de l’article 4 de l’ordonnance diffère du A sur deux points :

– la couverture des déficits vaut pour l’avenir. L’établissement du plafond de cette dernière suppose donc également une disposition spécifique en cas de dépassement, à l’instar de ce qui avait déjà été prévu, notamment pour la couverture des déficits prévisionnels de la branche vieillesse entre 2011 et 2018 ([21]) ;

– la trajectoire financière étant à la fois soumise à de grandes incertitudes et susceptible d’être infléchie par les choix politiques qui seront assumés en faveur de notre système de santé, la couverture des déficits se fait pour l’ensemble des branches du régime général, à l’exception de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles. Cette dernière est en effet durablement excédentaire et représente, en tous les cas, des montants inférieurs à ceux des autres branches. La couverture offerte par la CADES s’étend également aux déficits du FSV et de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles.

En conséquence, le montant des versements prévus prend directement en compte l’impact de la crise du covid-19 sur les comptes sociaux. Le montant de 92 milliards d’euros comprend donc nécessairement :

– le déficit des régimes obligatoires de la sécurité sociale pour l’exercice 2020, qui a été estimé par le ministre de l’action et des comptes publics à hauteur de 52,2 milliards d’euros lors de son audition conjointe par les commissions des affaires sociales et des finances de l’Assemblée nationale ;

– les déficits des trois exercices suivants. Selon l’hypothèse retenue précédemment, ceux-ci seraient de l’ordre de 51 milliards d’euros, a maxima.

● L’absence de consensus des économistes sur les modalités de la reprise économique laisse toutefois émerger les conditions d’une croissance « de rattrapage » pour l’année 2021, à l’échelle de la zone euro. La Commission européenne, dans ses prévisions du mois de mai 2020, estime que la chute du PIB français de 8,2 % en 2020 sera suivie d’un « rebond » en 2021 de 7,4 %. L’écart avec la prévision initiale de croissance de 1,3 % de PIB, telle que prévue dans la loi de finances pour l’année 2020 et de 1,4 % pour l’année 2021, serait, au total, de 4,125 % de PIB. L’impact de cet écart, à prévision d’un taux de croissance constant pour les années 2022 et 2023, entraînerait les conséquences suivantes sur les comptes sociaux.
Impact de l’Écart de croissance avec les prévisions initiales
sur les recettes sociales

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

Total

Prévisions de croissance en loi de finances pour 2020 et programme de stabilité 2019

 

1,3

1,4

1,4

1,4

 

Évolution du PIB

100

101,3

102,72

104,16

105,61

 

Prévisions de croissance révisées par la Commission européenne et maintien des hypothèses de croissance initiales pour 2022 et 2023*

 

– 8,2

7,4

1,4

1,4

 

Évolution du PIB

100

91,8

98,59

99,97

101,37

 

Écart

0

9,5

4,12

4,18

4,24

 

Impact sur les recettes sociales (milliards deuros)**

0

38

16,5

16,73

16,97

88,2

* Les données sont issues des prévisions de la Commission européenne de mai 2020. Lhypothèse – théorique – est la poursuite dune trajectoire prévue de la croissance en 2022 et 2023.

** Lhypothèse retenue se fonde sur les estimations présentées à la Commission des comptes de la sécurité sociale de 2019. Limpact dune variation dun point de PIB étant de 2 milliards deuros sur les cotisations sociales assises sur les rémunérations, par extension, la variation des recettes issues de la CSG, de la taxe sur les salaires et de la TVA sont réputées évoluer dune manière comparable.

Source : Commission spéciale.

Le résultat, cohérent avec les prévisions de couverture des déficits par la CADES, est évidemment dépendant du rythme de rattrapage économique dans lequel s’engagera notre pays, tout comme des choix de dépenses dans lesquels le Gouvernement décidera de s’engager. Le respect des montants de dépense en faveur de l’autonomie des personnes vulnérables, issus de la concertation « Grand âge et autonomie » (voir le commentaire de l’article 4), soit une augmentation de 6,2 milliards d’euros par an à partir de 2024, entraînerait un dépassement du plafond de couverture et de nouveaux déficits qu’il reviendrait à l’ACOSS de prendre en charge.

Cette éventualité est couverte par le même B, puisqu’un ordre de répartition de l’affectation des transferts y est inscrit. Celui-ci, comparable aux modalités de prise en charge d’un dépassement des plafonds inscrites à l’article 4 de l’ordonnance, prévoit :

– la prise en charge prioritaire des déficits les plus anciens pour les exercices courants ;

– la prise en charge en priorité des déficits du régime général, puis du FSV et enfin de la branche vieillesse du régime agricole pour les non-salariés.

● Le C prévoit enfin la couverture d’une partie de la dette contractée par les établissements hospitaliers publics. Les versements effectués au profit de la branche maladie du régime général viseront uniquement les emprunts contractés avant le 31 décembre 2019.

La prise en charge d’un tiers de ces dettes, annoncée dans le cadre du plan d’urgence pour l’hôpital public le 20 novembre 2019, comprend à la fois le principal et les intérêts. Selon les informations fournies par le Gouvernement, le montant total des emprunts souscrits par les établissements s’élève à 30,2 milliards, auxquels s’ajoutent les frais financiers afférents à hauteur de 8,6 milliards d’euros. Si la clé de répartition entre les différents établissements doit encore être définie, via un cadre opérationnel de contractualisation entre les agences régionales de santé et les établissements, cette reprise ne dépassera pas 13 milliards d’euros. Ces versements devront débuter en 2021.

● Le projet de loi prévoit enfin, au D du présent article, outre les plafonds mentionnés ci-dessus, un plafond annuel qui comprend l’ensemble des versements effectués au titre des A, B et C du présent article. Les versements de la CADES ne pourront en effet excéder 40 milliards d’euros par an, dans une logique de bonne gestion budgétaire pluriannuelle. Couplé avec l’interdiction de prolonger la durée de vie de la CADES posée par le législateur organique, ce plafond annuel contraindra à une limitation des déficits afin d’éviter un transfert massif de ces derniers à la CADES, sur un seul exercice.

*

*     *

 


Article 1er bis
Remise d’un rapport sur les emprunts à caractère social

L’article 1er bis vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’émission de titres à impact social par la CADES, en vue de l’amortissement de la dette sociale.

La commission spéciale a adopté, à l’initiative de Mme Bénédicte Peyrol et de ses collègues du groupe La République en Marche le présent article additionnel, visant la remise d’un rapport du Gouvernement avant le 30 septembre 2020, faisant état :

– de l’intérêt que présenterait, pour la CADES, le recours à des emprunts dits « à impact social », ou social bonds ;

– le cas échéant, les modalités que pourrait suivre l’émission de tels emprunts, notamment en fonction de l’état des marchés et de l’intérêt des investisseurs.

I.   Des produits financiers innovants destinÉs au financement de projets sociaux positifs

À l’instar des produits financiers destinés à valoriser des projets écologiques, les titres sociaux sont consacrés à l’investissement dans des projets à fort impact social. Les critères d’investissement doivent respecter des conditions strictes, définies à l’échelle internationale par l’ICMA ([22]). Ces principes, qui sont de deux ordres, portent sur les moyens et les fins alloués à ces titres innovants.

Au titre des premiers, quatre critères doivent présider à l’émission de ces « titres sociaux » :

– l’information sur les projets financés par le biais de ces titres, qui doit être disponible sur la documentation financière à destination des potentiels emprunteurs ;

– une sélection stricte des projets, pour lesquels la transparence la plus totale peut être exigée de la part des investisseurs quant à la réalité des avancées sociales que ces fonds peuvent faciliter ;

– une information complémentaire, éventuellement vérifiée par une source externe, concernant les fonds qui, le cas échéant, dépasseraient la cible initiale. Ceux-ci doivent en effet être alloués à des projets correspondant aux mêmes critères que les cibles initiales ;

– la communication détaillée, projet par projet, de l’allocation de l’ensemble des fonds, avec l’utilisation, si cela s’avère pertinent, d’indicateurs sociaux.

Pour ce qui concerne les cibles éligibles à ce type de financement, l’ICMA ([23]) recommande un ciblage de populations particulièrement fragiles ou précaires, parmi lesquelles les personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les personnes en situation de handicap ou encore les demandeurs d’emploi.

II.   Un marchÉ obligataire en expansion

Le marché de ces titres est encore émergent, mais l’Europe est l’un des continents où il est le plus développé, concentrant 64 % des émissions mondiales ([24]). L’encours global à la fin de l’année 2017, de 8,8 milliards d’euros, était certes substantiellement moins important que celui des emprunts à caractère écologique, les green bonds, qui s’échangent à hauteur de 135 milliards d’euros. Ce type de produit a toutefois connu une augmentation conséquente au premier trimestre 2020, puisque 33 milliards d’euros d’obligations sociales ont été émises, contre 6,2 milliards d’euros au premier trimestre 2019.

Ce type de produit est pourtant déjà utilisé par un certain nombre d’acteurs français, publics et privés. La région d’Île-de-France a ainsi investi dans des sustainability bonds, comprenant, outre des critères environnementaux, une haute valeur sociale.

Plus récemment, le 15 mai 2020, dans le but de faire face aux dépenses supplémentaires que représente la mise en place d’un recours dérogatoire de l’activité partielle dont bénéficient actuellement plus de 8,3 millions de salariés français, l’Unédic a émis une obligation sociale à hauteur de 4 milliards d’euros, majoritairement dédiée à la prise en charge des conséquences de la crise épidémique. Cette émission a constitué l’un des plus grands succès de l’Unédic en la matière, puisqu’elle avait reçu, à la clôture des ordres, et pour un taux très bas de 0,1 %, 7,75 milliards d’euros d’ordres.

III.   Le rapport demandÉ par le prÉsent article vise À faciliTer la diversification de l’Émission de dette sociale dans un contexte de reprise historique

Les « obligations sociales » constituent un produit innovant particulièrement intéressant, tant en matière d’innovation financière que pour l’endettement des régimes de base de la sécurité sociale. Le présent projet de loi prévoit une reprise de 136 milliards d’euros par la CADES, qui s’ajoutent aux 89 milliards d’euros que la Caisse devait encore amortir à la fin de l’année 2019.

L’amortissement, jusqu’en 2033, de cette dette supplémentaire, pourrait utilement s’appuyer sur des produits attractifs destinés à soutenir la protection sociale. Ce recours pourrait en outre favoriser un investissement financier compatible avec la responsabilité sociale et environnementale des entreprises financières.

Le rapport du Gouvernement que prévoit le présent article vise donc à :

– évaluer la pertinence du recours à ce type de produits pour la CADES qui, comme les auditions du rapporteur l’ont prouvé, conduit aujourd’hui elle‑même des opérations de refinancement à des taux historiquement bas qui connaissent un fort engouement  ([25]) ;

– définir les modalités juridiques, puis matérielles – appui sur l’Agence France Trésor – pour permettre l’émission par la CADES de ces produits financiers innovants, qui connaissent actuellement une forte expansion.

*

*  *

 

 

Article 2
Affectation dune fraction de contribution sociale généralisée à la Caisse nationale de solidarité pour lautonomie

L’article 2 affecte une fraction de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG), correspondant à 2 milliards d’euros de recettes, de la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à compter du 1er janvier 2024.

Cette somme permettra d’alimenter le financement des besoins croissants en matière de dépendance, tout en ménageant un remboursement de la dette sociale à relativement brève échéance.

I.   Le financement de la dépendance des personnes âgées : des ressources diverses à l’épreuve de besoins importants À horizon 2024

A.   Le financement de la dépendance est assuré par plusieurs canaux, qui reflètent une gouvernance complexe

1.   La diversité des financeurs et des circuits de financement

● Cinq catégories de financeurs principaux participent au financement de la dépendance :

– l’État notamment au travers de différents crédits d’impôts et la prise en charge de prestations telles que l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ;

– la sécurité sociale, directement via l’assurance maladie, qui finance les soins, mais aussi indirectement en versant deux contributions à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), l’une au titre des établissements et services pour personnes âgées et l’autre au titre des établissements et services pour personnes handicapées ;

– la CNSA elle-même, indépendamment de ces contributions, reçoit un certain nombre de ressources fiscales propres (cf. infra), ce qui fait d’elles un financeur de la dépendance à part entière;

– les conseils départementaux assurent le cofinancement des dépenses de dépendance sur le terrain avec les crédits de la CNSA ventilés par les agences régionales de santé sur le territoire ; c’est également à l’échelon départemental qu’est financée en totalité certaines prestations comme l’aide sociale à l’hébergement (ASH) pour les personnes les plus précaires accueillies en établissements ;

– les personnes elles-mêmes ou via leurs organismes complémentaires, le reste à charge restant relativement important en matière de dépendance malgré la création de prestations dédiées à la prise en charge des prestations que sont respectivement l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).

● Le poids relatif de chacun de ces acteurs du financement a été retracé dans le schéma suivant réalisé dans le cadre du rapport issu de la concertation « Grand âge et autonomie », dit aussi rapport « Libault » ([26]) du nom du pilote de la concertation, s’agissant de la dépendance des personnes âgées, en repartant des comptes de la dépendance publiés par la DREES (ici, pour l’année 2014).

Ventilation des dépenses en matière de dépendance en fonction des postes de dépenses et des financeurs (2014)

Source : rapport « Libault » précité.

Cette multiplicité des acteurs, dont certains comme la CNSA jouent à la fois le rôle de financeur « en propre » et de financeur « pour le compte de l’assurance maladie » conduit à une grande complexité des circuits de financement nationaux (sécurité sociale, CNSA, dépense globale des conseils départementaux) et locaux (ARS et conseils départementaux). C’est un autre schéma issu du rapport « Libault » qui permet de l’illustrer, toujours sur le volet « personnes âgées » :

Circuits de financement en matière de dépendance des personnes âgées

Source : rapport « Libault » précité.

On y observera d’ailleurs que d’autres branches participent au financement de la dépendance, à travers leurs fonds dédiés à l’action sociale ou de prestations dédiées, comme les aides au logement.

● La situation n’est pas fondamentalement différente dans le champ du handicap, qui suit la même logique : si l’ensemble des financements nationaux sont fléchés vers la CNSA, les conseils départementaux jouent un rôle particulièrement important d’organisation et de cofinancement. L’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH), alimentée par une ressource spécifique directement liée à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, finance également une partie des dépenses. Enfin, l’État assure certaines dépenses de solidarité mais aussi des dispositifs fiscaux.

On retrouve donc, quoique dans des proportions différentes, l’ensemble de ces acteurs dans le financement des deux « champs » de la dépendance (uniquement publics, s’agissant des graphiques ci-dessous).

Contribution des financeurs publics À la compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (2017)

Source : CNSA

2.   La diversité des ressources

À cette diversité des financeurs s’ajoute une grande diversité des ressources, multiples pour chaque financeur, et issues d’une longue sédimentation. La complexité des schémas de financement empêche d’ailleurs de quantifier précisément ces ressources ; ainsi, il n’est pas possible aujourd’hui de savoir au sein de la branche maladie quelles recettes sont consacrées à la dépendance, l’ensemble des recettes finançant l’ensemble des dépenses. On peut toutefois s’essayer à les énumérer, par catégorie de financeur, en s’appuyant sur les documents budgétaires ([27]) :

– côté sécurité sociale, on trouve bien évidemment les recettes de l’assurance maladie affectées indistinctement aux différentes charges de la branche ; pour rappel, il s’agit principalement :

– côté CNSA, il existe trois ressources propres :

– côté État et conseils départementaux, il est encore plus difficile que pour l’assurance maladie d’identifier des ressources « fléchées », incompatibles avec le principe de non-affectation qui régit leurs comptabilités.

B.   La concertation « libault » a identifié des besoins de financement importants À horizon 2024

Le rapport issu de la concertation pilotée par Dominique Libault a permis d’identifier un premier chiffrage des enjeux financiers liés à la dépendance. Il importe néanmoins ici, en reprenant ces chiffres, de distinguer l’évolution « spontanée » des besoins, liée directement au vieillissement de la population et le chiffrage des « mesures nouvelles », issues des propositions du rapport « Libault ».

1.   Un besoin « démographique » en matière de compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées

Sur ce volet « démographique », le rapport « Libault » ([28]) s’est appuyé sur les tendanciels réalisés par la DREES à deux échéances :

– en 2024, la hausse des dépenses par rapport à 2018 devrait être de 2,1 milliards d’euros, dont 1,6 milliard pour les soins à domicile et 0,5 milliard pour la demande en établissement ;

– en 2030, cette hausse, toujours par rapport à 2018, serait de 4,3 milliards d’euros, dont 3,3 milliards d’euros pour les soins à domicile et 1 milliard en établissement.

En moyenne, cette hausse « spontanée » des dépenses impliquerait une croissance moyenne annuelle entre 2018 et 2024 de 1,2 à 1,3 % sur la période.

2.   Un besoin lié à une montée en qualité de la prise en charge

Le rapport « Libault » a également documenté un certain nombre de mesures nouvelles, en vue de faire évoluer qualitativement notre système de prise en charge (augmentation du taux d’encadrement en établissement, rénovation des établissements, soutien à la prise en charge à domicile, revalorisation des salaires, baisse du reste à charge, prévention...). Si le détail et l’opportunité des mesures proposées dépassent l’objet du présent commentaire, leur caractère relativement consensuel, d’une part, et le fait qu’elles aient été chiffrées précisément par le rapport, d’autre part, permettent de donner un ordre d’idée du coût d’une politique plus ambitieuse en la matière.

Ainsi, l’annexe précitée prévoirait pour le financement de l’ensemble de ses propositions :

– en 2024, un besoin de financement supplémentaire de 4,8 milliards d’euros, soit une hausse moyenne de 2,8 % par an sur la période 2018-2024 ;

– en 2030, un besoin de financement supplémentaire de 6,1 milliards d’euros, soit une hausse moyenne de 1,8 % par an sur la période 2018-2030.

Au total, en posant l’hypothèse d’une hausse linéaire de la mise en œuvre de ces dépenses nouvelles – hypothèse prudente, car certains besoins se feront jour bien avant 2024 – ce chiffrage suppose une évolution de l’ensemble dépenses de 4 % entre 2018 et 2024, et de 2 % entre 2024 et 2030. Ce sont des rythmes d’évolution soutenus quand :

– les objectifs globaux de dépenses médico-sociales évoluent plutôt autour de 2 à 3 % ces dernières années ;

– le rythme d’évolution des recettes précitées est plutôt de l’ordre de 2 à 3 % en temps normal, et bien moindre encore dans le contexte de la crise.

C’est donc un besoin de financement, au sens d’un besoin de ressources pour couvrir les dépenses, que dessinent ces trajectoires, par ailleurs probablement très prudentes.

II.   l’article 2 propose de relever la fraction de CSG affectée À la CNSA pour accompagner un grand plan « dépendance »

L’article 2 procède à un exercice de « tuyauterie » dans un sens inédit, du remboursement de la dette vers les dépenses, pour répondre à ce besoin de financement.

● Le principe de ce transfert repose sur la conjugaison :

– d’un besoin de financement évoqué supra ;

– d’un nouveau cadre à la fois juridique et financier que pose le nouvel épisode de transfert de dette à la CADES introduit par l’article 1er du présent projet de loi.

La coexistence de ces deux mouvements pose en effet deux questions de principe :

– laisser des dépenses qui vont, au moins pour une partie, inexorablement augmenter sans financement spécifique ne risque-t-il pas de récréer la dette que le transfert à la CADES est en train d’essayer d’éteindre ?

– si le remboursement de la dette sociale participe d’une logique vertueuse, à laquelle toutes les administrations publiques ne s’astreignent d’ailleurs pas, quel niveau de recettes « optimal » doit être affecté au remboursement de la dette, alors que la CADES dispose aujourd’hui de ressources à la fois solides – par leur assiette large – et dynamiques (la CSG et la contribution au remboursement de la dette sociale) ?

À ces questions complexes, l’article 2 apporte une réponse nuancée, en transférant une fraction limitée de CSG à l’effort de financement en faveur de l’autonomie (via la CNSA) à horizon 2024, dans un cadre organique modifié par l’article 1er du projet de loi organique.

● Le choix de la CSG comme outil de cette réaffectation est doublement opportun :

– côté CADES, il n’existe que trois ressources que sont la CSG, la CRDS et les versements du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) ([29]) ; or, par leurs objets respectifs, la CRDS est irrémédiablement attachée à la CADES et le FRR également, à raison de la couverture des déficits successifs de la branche vieillesse, à quoi s’ajoute, s’agissant de ce dernier, le caractère non pérenne de cette ressource ; utiliser la CSG pour opérer ce transfert constitue donc non seulement la meilleure solution, mais la seule, sauf à remettre en cause « l’identité » des autres ressources ;

– côté CNSA, le transfert d’une ressource fiscale comme la CSG n’aura rien d’inédit, puisque la Caisse est déjà affectataire d’une fraction de cette ressource ; par ailleurs, la nature des dépenses financées, à caractère plutôt universelles et de solidarité, justifie plutôt le choix d’une ressource fiscale comme la CSG ; enfin, « les CSG » qui frappent tous les revenus évoluent à long terme comme la croissance et permettent sur longue période de financer des dépenses dynamiques (cf. supra).

● Le transfert proposé fonctionne de la manière suivante :

– le du I diminue de 0,15 point les fractions de toutes les cédules de CSG affectées à la CADES, à l’exclusion de la CSG applicable aux gains réalisés dans le cadre de jeux (CSG « jeux ») ;

– ce même augmente à due concurrence la ressource CSG versée à la CNSA (0,15 point nouveau pour les CSG « remplacement » et un passage de 0,23 à 0,38 % de la CSG « activité ») ;

– le du I procède à une modification similaire avec les CSG « capital et patrimoine ».

Au total, la « ventilation » de la CSG serait la suivante :

clef de rÉpartition de la csg dans le droit existant

(en taux)

Source : étude d’impact, p. 25.

clef de rÉpartition dans le droit proposÉ

(en taux)

Source : étude d’impact, p. 28.

● Le II précise que ce transfert aura lieu à compter de l’exercice 2024, date qui correspond plus ou moins à l’extinction prévue de la CADES avant la crise, à partir des prévisions effectuées par la caisse. Le transfert se « superposerait » donc avec l’expiration de cette première phase d’amortissement de la dette.

● La CNSA se trouverait ainsi affectataire d’une ressource de CSG quasiment doublée, puisque ce nouvel apport correspondrait d’après l’étude d’impact du Gouvernement à 2,3 milliards d’euros à cet horizon. Cette somme serait fléchée vers le financement des dépenses relatives à la perte d’autonomie et à une CNSA qui pourrait entretemps devenir la « tête » d’une cinquième branche.

L’incidence du transfert sur les comptes publics

L’impact de la mesure proposée est variable selon les échelles et les hypothèses dans lesquelles on se place :

– sur un plan comptable, le transfert de 0,15 point de CSG en 2024 de la CADES vers la CNSA :

1° Est neutre pour les périmètres budgétaires des administrations publiques (APU) et pour les administrations de sécurité sociale (ASSO) – ces champs intégrant aussi bien la CADES que la CNSA, le transfert est « invisible » à cette échelle ;

2° Est neutre également pour la sécurité sociale, au sens strict (les régimes obligatoires de base, soit le champ des lois de financements), tant que la CNSA n’en fait pas partie, mais serait favorable à hauteur de 2,3 milliards d’euros si la CNSA devenait la « tête » de cette cinquième branche ;

3° N’est plus neutre si des dépenses « nouvelles » à due concurrence sont engagées par la CNSA, ce qui constitue l’hypothèse de travail à ce stade ; elle viendrait alors dégrader les comptes des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques ; le mécanisme sous-jacent est en effet que rembourser une dette n’est pas prendre en charge une dépense, mais serait plutôt assimilable en comptabilité de résultat à un « excédent forcé » ou encore à des recettes déjà engrangées ; en renonçant à son « excédent forcé » de 2,3 milliards d’euros autour de la CADES pour financer des dépenses, la France verrait alors ses comptes publics « mécaniquement » dégradés de 2,3 milliards d’euros ; cette difficulté n’est pas nouvelle et avait été identifiée par la Cour des comptes dans plusieurs rapports sur la question de l’extinction de la CADES : en renonçant aux « excédents forcés » soit par l’abandon des recettes de la Caisse soit par leur affectation à des dépenses nouvelles, les comptes publics se seraient dégradés d’environ 1 point de PIB après 2024.

– ce bilan « comptable » mérite toutefois une double mise en perspective :

1° L’impact négatif sur le solde de ce transfert de CSG en 2024 ne doit pas faire oublier que la question aurait dû se poser de toute façon à cette date en cas d’extinction de la Caisse et de manière beaucoup plus massive, puisque l’ensemble des ressources aurait dû être concerné ;

2° La dégradation correspond dans les prévisions à une dégradation de moins de 0,1 point de PIB, ce qui peut sembler raisonnable au regard des engagements européens de la France ; en un sens, la mesure proposée permettra de lisser le « choc » comptable qui se prépare à l’exctinction de la CADES, maintenant prévu en 2033 ;

3° Cette situation est le produit d’une contrainte très rigoureuse qui pèse sur la sécurité sociale, puisqu’elle « prête » 9 milliards d’euros de produits de CSG à la CADES pour accélérer le remboursement de la dette sociale ; l’allégement de cette contrainte, liée à la doctrine d’amortissement du « principal », n’est pas déraisonnable au regard des produits croissants de la CADES et du caractère en grande partie exogène de cette dette issue pour une part de la crise 2008-2009 et pour une autre part de celle du covid‑19, à compter de 2024 ;

4° La dégradation part du postulat que les dépenses « nouvelles » seraient la résultante directe de la réaffectation de CSG, mais comme l’ont montré les développements supra, il existe un besoin de financement de cette branche qui croîtra avec ou sans ce transfert de recettes.

*

*     *

 


 

Article 3
Versement par le Fonds de réserve pour les retraites de la soulte du régime des industries électriques et gazières à la Caisse nationale dassurance vieillesse et de 1,45 milliard deuros à la Caisse damortissement de la dette sociale

L’article 3 vise à soulager la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et à pérenniser une partie des recettes de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), via les ressources du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). En premier lieu, la contribution du FRR à l’amortissement de la dette sociale est prolongé après 2025, à hauteur de 1,45 milliard d’euros par an. Ensuite, la soulte issue de l’adossement du régime de retraite des industries électriques et gazières au régime général, gérée depuis 2005 par le FRR, est intégralement reversée à l’ACOSS avant le 31 juillet 2020.

I.   Le FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES est un financeur dédié À l’amortissement des déficits issus du risque de vieillesse

Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a été créé en 2001 ([30]) en vue d’accumuler, par le biais des excédents issus de la branche vieillesse du régime général, des réserves destinées à accompagner la même branche dans les moments de déséquilibre démographique. Le phénomène des « papy-boomers » devait être ainsi anticipé par une pratique de placement des actifs sur le marché financier, tout en encourageant la branche à maintenir son équilibre financier.

A.   Un rôle spécifique issu du poids de la branche vieillesse dans l’accumulation des déficits

1.   Les déficits réguliers de la branche vieillesse

Malgré les réformes successives des retraites, visant notamment la restauration de l’équilibre financier des branches « vieillesse » tant du régime général que du régime des exploitants agricoles, ces dernières n’ont pas suivi nécessairement les perspectives pluriannuelles tracées pour elles.

La LFSS 2011 a établi, en lien avec la reprise de dette exposée supra, une trajectoire pluriannuelle destinée à amener la branche vieillesse à l’équilibre en 2019, selon le tableau suivant :

 

Solde de la CNAV après la réforme des retraites de 2010

(en milliards d’euros 2008)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Solde CNAV après réforme et transferts

– 6,5

– 6,9

– 7,3

– 6,8

– 5,9

– 3,9

– 2,8

– 0,8

0,0

0,0

Source : Tome IV, assurance vieillesse, du rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n° 2854).

La trajectoire de la CNAV a permis à la branche de connaître effectivement des excédents lors des exercices 2016 à 2018. Cependant, selon l’annexe 1 au PLFSS 2020, le solde de la branche était déficitaire à nouveau en 2019, à hauteur de 2,1 milliards d’euros, pour atteindre un déficit de 5,1 milliards d’euros en 2023. Ces prévisions s’aggravent encore avec la prise en compte du FSV, puisqu’on atteint un déficit prévisionnel de 5,4 milliards d’euros en 2023.

Solde de la branche vieillesse du régime général

(en milliards d’euros)

Années

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Solde CNAV

0,9

1,8

0,2

– 2,1

– 2,7

– 3,9

– 4,8

– 5,1

Solde FSV

– 3,6

– 2,9

– 1,8

– 2,3

– 1,4

– 1

– 0,6

– 0,3

Solde total

– 2,7

– 1,1

– 1,6

– 4,4

– 4,1

– 4,9

– 5,4

– 5,4

Source : Annexe 1 du PLFSS pour 2020, programme de qualité et d’efficience « retraites ».

L’accumulation de déficits légitime donc parfaitement les choix qui ont été faits par le législateur en 2011, concernant le transfert des recettes du FRR à la CADES, ainsi que la contribution de ce dernier à l’amortissement de la dette sociale.

2.   Le rôle du FRR dans l’amortissement de la dette sociale

● Le FRR contribue de manière pérenne au financement de la CADES aux fins d’amortissement de la dette sociale, depuis la reprise de dette décidée en LFSS 2011 ([31]). Cette contribution, directement liée à la reprise de dette massive décidée au sein du même véhicule, décrite dans le commentaire de l’article 1er, s’élève à 2,1 milliards d’euros par an. Cette attribution se justifiait notamment par la part de la reprise de dette qui correspondait au cumul des déficits de la branche vieillesse, avant son retour à l’équilibre estimé alors en 2018. Le même raisonnement s’appliquait au FSV.

La contribution du FRR, qui s’élevait au total, en 2019, à 19 milliards d’euros, doit s’éteindre en 2024, aux termes de l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale. À cette échéance, pour autant que les réserves aient excédé la couverture des passifs qui lui incombe, il lui revient de contribuer à l’équilibre de la branche vieillesse ainsi que du FSV, via une affectation inscrite en loi de financement.

● Le second rôle, passif, qu’a joué le FRR dans l’amortissement de la dette sociale a été par le transfert de ses recettes affectées à la CADES. En effet, en cohérence avec les estimations d’un maintien du déficit de la branche vieillesse du régime général pour près d’une décennie supplémentaire, il a été mis fin, en LFSS pour 2011 ([32]), à l’abondement du FRR par ses recettes originelles, transférées à la CADES et au FSV.

3.   La gestion de la soulte des industries électriques et gazières

La réforme du statut des industries électriques et gazières a entraîné une réforme de l’assurance vieillesse propre à ces industries et son adossement au régime général

Adossement du régime des industries électriques et gazières (IEG)
au régime général

Le régime de protection sociale spécifique dont bénéficient les salariés des industries électriques et gazières est issu de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946. Aux termes de celle‑ci, le personnel des IEG, tant actif que pensionné, bénéficie d’un système spécifique pour la cotisation et le versement des droits à la retraite. Il s’agit d’un des régimes spéciaux de sécurité sociale, définis à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.

La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières a entraîné une modification de l’architecture de ce régime, qui s’est traduite par :

– la création d’une caisse spécifique, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), pour gérer les risques vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladie professionnelle, les autres risques étant gérés par le régime général ;

– l’adossement du régime aux régimes généraux de retraite pour ce qui est de la retraite de base (CNAV) et des retraites complémentaires (AGIRC, ARRCO).

Cet adossement était rendu indispensable par la transformation des entreprises EDF et Gaz de France en sociétés anonymes, pour lesquelles il aurait été sinon nécessaire de provisionner, dans les comptes, les engagements relatifs au régime de retraite des IEG, à savoir environ 100 milliards d’euros.

Cette opération a permis de préserver l’ensemble des droits détenus par les salariés des IEG, versés par le régime général, contre les cotisations auparavant versées dans les conditions fixées par la loi de 1946 (cotisation salariale de 7,85 % de la rémunération hors primes et contribution d’équilibre des employeurs de la branche pour financer les charges annuelles du régime).

 

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Source : CNIEG.

L’article 19 de la loi du 9 août 2004 prévoyait le principe de neutralité financière du dispositif d’adossement. Celui-ci ne devait donc pas dégrader le rapport de charges, entre les cotisations reçues et les prestations servies, du régime général. Celui-ci étant moins bénéfique pour les IEG que pour le régime général, l’égalisation des charges s’est faite par :

– un abattement sur les droits repris, en ce qui concerne les régimes complémentaires ;

– le paiement d’une « soulte » pour le régime de base, la CNAV.

Cette soulte a été calculée comme la somme actualisée sur vingt‑cinq ans du supplément constaté par rapport au niveau auquel l’adossement demeure neutre pour les perspectives financières de la CNAV.

Source : Commission spéciale.

Cette soulte a été distribuée selon une clé de répartition 60 %/40 % ([33]), respectivement pour :

– des versements réguliers de la CNIEG à la CNAV, pour une valeur initiale de 4,589 milliards d’euros ;

– un versement unique de la CNIEG au FRR, afin qu’il en assure la gestion pour le compte de la CNAV jusqu’en 2020, d’une valeur de 3,06 milliards d’euros.

● L’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale prévoit en effet cette rétrocession à compter de 2020. Celle-ci doit intervenir accompagnée des produits financiers créés à l’occasion de cette gestion, mais nette des frais financiers engagés dans ce cadre. La soulte actualisée de son rendement s’élèverait, selon l’étude d’impact, à 4,9 milliards d’euros au 30 avril 2020, ce qui demeure un montant inférieur à l’application de la performance actualisée des actifs du FRR, qui est de 3,4 % depuis 2004. Ce montant est également inférieur à celui qui était estimé au 31 décembre 2017, à savoir 5,1 milliards d’euros ([34]). Le portefeuille du FRR a en effet été frappé par une chute de sa performance annuelle nette de placement entre février et mars 2020 :

Évolution de la valeur de marché du portefeuille du FRR

(en milliards d’euros pour les valeurs monétaires)

 

 

Janvier 2020

Février 2020

Mars 2020

Valeur de marché du portefeuille (Md€ courants)

Valeur de l’actif hors soulte IEG

33,610

28,184

32,677

27,412

29,537

24,812

Valeur de la soulte IEG

5,426

5,265

4,725

Performance annuelle nette des placements (depuis le début de lannée en %)

– 0,20%

– 2,99%

– 12,32%

Source : étude d’impact.

La chute de la valeur de marché du portefeuille implique une politique prudente de cession d’actifs, qui doit donc se limiter autant que possible au versement de la soulte prévue par le présent projet de loi.

B.   La nécessaire prolongation du rôle du FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES dans l’amortissement de la dette sociale

1.   Les besoins nouveaux de l’ACOSS

Ainsi qu’il a été dit dans le commentaire de l’article 1er supra, les capacités financières de l’ACOSS n’ont jamais été autant sollicitées qu’au printemps 2020, aboutissant à un relèvement du plafond d’endettement à 95 milliards d’euros ([35]), soit 46 milliards de plus que le plafond prévu dans le cadre de la LFSS 2020 ([36]).

Le besoin de financement des branches que traduit le relèvement de ce plafond provient autant du manque à gagner en recettes, temporaire ou permanent, que de l’augmentation des dépenses dans le champ de la sécurité sociale pour faire face à l’urgence sanitaire. L’étude d’impact indique en effet que le besoin de financement de l’ACOSS atteindrait 85 milliards d’euros au premier semestre et 95 milliards, soit son plafond d’endettement, au second semestre.

● Dans ce contexte, un versement rapide de la soulte au régime général par le biais de la CNAV semble parfaitement cohérent avec l’échéancier de versements issu de l’article 1er.

2.   La vie prolongée de la CADES

● Le présent projet de loi, en lien avec le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, prévoit d’étendre la durée de vie de la CADES jusqu’en 2033, repoussant d’autant la fin du remboursement de la dette sociale. Cette prolongation se fait à recettes constantes, et même diminuées à partir de 2024 en ce qui concerne la fraction de CSG. Il est donc indispensable de prévoir le prolongement de l’affectation des ressources du FRR à la CADES.

Ce prolongement a un impact budgétaire certain. Compte tenu de l’estimation selon laquelle l’extinction de la dette sociale devait intervenir en 2024, le total des contributions restant dues était de 10,5 milliards d’euros ([37]). À l’inverse, une hypothèse de prolongation des versements jusqu’en 2033, à hauteur de 1,45 milliard d’euros par an, tel qu’il est établi dans le présent projet de loi, entraînerait un coût supplémentaire de 13,05 milliards, soit un coût total, pour les exercices 2020 à 2033, de 23,55 milliards d’euros. Ce coût demeure une estimation, puisque les réserves du FRR sont susceptibles de s’épuiser auparavant.

II.   L’article 2 propose de prolonger la contribution du FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES À l’amortissement de la dette sociale

A.   Accompagner la prolongation de la Cades

● Le 1° du I du présent article modifie l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale afin de donner une assise à la prolongation des versements effectués par le FRR à la CADES au-delà de la date actuellement inscrite de 2024. Ces versements sont destinés à apurer les déficits accumulés par la branche vieillesse du régime général au-delà de la date de 2018, date à laquelle la branche aurait dû être à l’équilibre selon les prévisions effectuées en LFSS pour 2011 ([38]).

La poursuite de ces versements se caractérise toutefois par :

– une diminution des versements effectués chaque année, à hauteur de 1,45 milliard d’euros ;

– une double limite, à savoir :

B.   SOULager la trésorerie de l’ACOSS

● Le II du présent article prévoit le versement du montant équivalent à la « soulte IEG », actualisée de ses rendements, à l’ACOSS, pour le compte de la CNAV. Ce versement, d’un montant qui doit encore être expertisé par des commissaires aux comptes, mais qui devrait être de l’ordre de 5 milliards d’euros, doit intervenir avant le 31 juillet 2020. L’urgence, en l’occurrence, s’apprécie en raison des tensions de trésorerie que subit actuellement l’ACOSS.

Ce versement aurait pu intervenir sous le régime précédent, étant donné la possibilité pour le FRR de rétrocéder, à compter de 2020, le montant de la « soulte IEG », à la CNAV. La précision apportée ici permet toutefois de garantir le versement unique de l’ensemble de la soulte, et non un paiement échelonné, comme il aurait sans doute été privilégié en l’absence de crise économique.

Le montant total sera comptabilisé, en application du même II, comme un produit de la branche vieillesse du régime général, et affecté par cinquième aux exercices 2020 à 2024. En cohérence avec les estimations mentionnées ci-dessus, les comptes de la branche devraient donc faire apparaître un produit de 1 milliard d’euros environ à chaque exercice.

L’étude d’impact précise en effet que le produit à venir issu de la rétrocession de la soulte par le FRR était inscrit à l’actif de la branche, sous la forme d’une créance d’un montant de 3,06 milliards d’euros. Cette créance était comptabilisée comme un « produit constaté d’avance » et non un produit, à la différence du versement annuel qu’elle perçoit au titre des 60 % de la soulte qui ne sont pas gérés par le FRR.

● Il n’en demeure pas moins que, si ce versement apparaît comme un produit, l’impact qu’il a dans la dégradation du bilan du FRR sera neutre à l’échelle des administrations de sécurité sociale.

En cohérence, le du I du présent article abroge le III du même article L. 135-6, qui n’a plus vocation à s’appliquer. Les modalités de versement de la soulte à l’ACOSS rendent en effet inopérant le dispositif précédent de versement à la branche vieillesse.

*

*     *

Article 4
Rapport au Parlement sur la création dun cinquième risque ou dune cinquième branche en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

L’article 4 prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement avant le 30 septembre 2020, relatif à la création d’un nouveau risque ou d’une nouvelle branche de la sécurité sociale relatifs à la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et à ses conséquences sur la loi de financement de la sécurité sociale.

I.   La dÉpendance fait l’objet d’une gouvernance complexe qui a jusqu’ici fait obstacle À la crÉation d’une branche dÉdiÉe

A.   Un paysage complexe

Le paysage de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées ou handicapées est marqué par deux « pôles » que sont la sécurité sociale, d’une part, et les conseils départementaux, d’autre part, exerçant des missions parfois distinctes, mais aussi conjointes. Cette coexistence a conduit le système à construire des mécanismes de coordination tant au niveau national que local, sans aller jusqu’au bout d’une nécessaire clarification.

1.   Le rôle de la sécurité sociale

● Le rôle de la sécurité sociale est à la fois ancien et toujours incomplet :

– ancien d’une part, car la sécurité sociale via sa branche maladie prend historiquement en charge les soins liés au handicap ou au grand âge, mais aussi à travers l’action sociale de ses branches famille et vieillesse ;

– incomplet d’autre part, car la dépendance des personnes âgées et handicapées n’a jamais été considérée comme un risque pris en charge par la sécurité sociale, consacré dans les ordonnances de 1945 puis à l’article L. 200-2 pour le régime général ; le risque n’a pas été davantage pris en charge par une politique étatique ni par un régime paritaire assuranciel de type assurance chômage ou retraite complémentaire.

● Le rôle de la sécurité sociale dans la gouvernance de la dépendance est par conséquent resté important sans être décisif.

Ainsi, c’est aux conseils départementaux qu’a été confiée la gestion des premières prestations en nature dans ce domaine, à savoir la prestation sociale dépendance (PSD) à sa création en 1997 puis l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) qui l’a remplacée en 2001, pour les personnes âgées et de la prestation de compensation du handicap (PCH) pour les personnes handicapées en 2006 (cfinfra).

Cantonnée au volet strictement sanitaire, la sécurité sociale assure néanmoins via l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et la CNSA une très large partie du financement de ces prestations.

Aussi, la situation peut être résumée de la manière suivante :

– la sécurité sociale a un rôle prépondérant sur le plan des soins apportés aux personnes âgées ou handicapées à l’hôpital, en ville ou à domicile, soins qui sont financés et pilotés globalement dans les mêmes conditions que les autres prises en charge médicales ; ce rôle est décliné par les agences régionales de santé (ARS), services déconcentrés de l’État, et les caisses de sécurité sociale au niveau local ;

– elle est un financeur important mais indirect des prestations en matière de dépendance, dont la gestion a été décentralisée auprès des conseils départementaux.

2.   Le rôle des conseils départementaux

« Chefs de file » sur la compétence de l’aide sociale bien avant la création de la PSD, de l’APA puis de la PCH ([40]), les conseils départementaux ont vu leur compétence en matière de dépendance consacrée, via le financement majoritaire de ces prestations autour desquelles sont bâties les politiques en la matière.

Ces conseils assurent essentiellement trois missions :

– la solvabilisation des personnes à travers le versement des prestations précitées mais aussi d’autres prestations d’aide sociale dont elles ont la charge exclusive, à l’instar de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), ouverte aux personnes les plus démunies ; si les contours de ces aides sont toujours définis à l’échelon national par le législateur ou le pouvoir réglementaire, les conseils départementaux disposent d’une certaine marge de manœuvre pour les adapter à leurs territoires en fonction de leurs priorités et de leurs moyens ;

– la planification de l’offre à travers des schémas départementaux et un régime d’autorisation de création des établissements et services médico-sociaux dans le champ de la dépendance. C’est aussi le conseil départemental qui fixe le tarif, permettant de faire fonctionner le service. Cette compétence est loin d’être exclusive : ainsi en matière de planification, les ARS sont chargées d’élaborer un schéma d’organisation médico-social depuis la loi « HPST » ([41]) , qui doit cependant tenir compte des schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale relatives aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie, schémas départementaux qui sont eux-mêmes élaborés après concertation avec l’ARS ; de même en matière d’autorisation et de tarification, la compétence est partagée avec l’ARS si l’établissement ou le service sont financés à la fois par le conseil départemental et l’assurance maladie ;

– enfin, le département assure les missions de coordination et d’information tant dans le champ du handicap que dans celui des personnes âgées ; c’est ainsi le président du conseil départemental qui préside les commissions des maisons des personnes handicapées (MDPH) mais aussi les dispositifs de centres locaux d’information et de coordination (CLIC), les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et les réseaux MAIA (méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie) pour les personnes âgées dépendantes.

3.   Une articulation dans le cadre de la CNSA et de la conférence des financeurs

Cette « cogestion » ([42]) a conduit à la création de deux organes assurant un rôle de coordination, l’un au niveau national, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et l’autre au niveau local, la conférence des financeurs.

● Créée par la loi du 30 juin 2004 ([43]), la CNSA exerce une double mission :

– elle distribue les crédits d’assurance maladie destinés aux établissements et services médico-sociaux pour leur activité de soin, et finance sur ses recettes propres ([44]) des concours financiers aux conseils départementaux pour financer une partie de l’APA et de la PCH ;

– elle assure un rôle de coordination et d’appui aux « démarches partenariales » entre les acteurs locaux de la dépendance des personnes âgées et handicapées.

Désormais « reconnue comme un acteur central par lensemble des acteurs médico-sociaux » ([45]), la CNSA n’est pas une caisse nationale au même titre que les caisses nationales qui dirigent les branches :

– tout d’abord, la CNSA est un organisme financé par la sécurité sociale mais qui n’en fait pas directement partie ;

– ensuite, elle n’assure pas de tutelle sur son réseau puisque les opérateurs locaux sont les ARS – qui ne sont pas son réseau « propre » mais une administration déconcentrée partagée – et les conseils départementaux, préservés dans leur autonomie par le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités.

Le fonctionnement de la CNSA repose donc sur une organisation « souple » et non strictement hiérarchique :

– la Caisse verse des dotations régionales limitatives pour financer des établissements et services mais doit surtout animer le « réseau » ARS en les poussant à échanger les bonnes pratiques ;

– avec les conseils départementaux, la Caisse noue des relations conventionnelles, via conventions pluriannuelles prévoyant les modalités de versement des concours financiers, dans le but de réduire les inégalités territoriales qu’implique l’organisation décentralisée ; dans le champ du handicap, elle anime plus particulièrement le réseau des MDPH depuis 2015, tandis que dans le champ des personnes âgées, les missions partagées avec les conseils départementaux ont considérablement crû, par exemple sur les aidants, les labels ou les outils internet.

● Au plan local dans le champ des personnes âgées, les conférences de financement doivent assurer depuis 2016 une coordination des différents acteurs tous réunis régulièrement pour partager des objectifs et des actions sur plusieurs thématiques (équipements, prévention, soutien aux aidants...).

Dans le même esprit, de nombreux acteurs participent à la gouvernance des MDPH, sous la houlette du président du conseil départemental.

Si chacun a su trouver sa place dans ce paysage complexe, la situation reste difficilement lisible au regard d’un pilotage global, sur lequel le Parlement n’a qu’un aperçu très partiel et la CNSA une responsabilité encore limitée, appelant ainsi une clarification.

B.   La nÉcessitÉ d’une clarification : les enjeux d’une cinquiÈme branche

1.   Un débat ancien lié à la question du vieillissement de la population

La création d’un cinquième risque ou d’une cinquième branche de la sécurité sociale est une piste apparue il y a longtemps, à laquelle des enjeux de financement de court terme ont souvent mis fin.

La prise de conscience d’un enjeu spécifique au grand âge remonte au rapport « Laroque » de 1962 puis à la reconnaissance d’un secteur médico-social spécifique par la grande loi de 1975 ([46]). La volonté de créer une allocation spécifique aux personnes âgées s’est ensuite accentuée dans les années 1990, poussée par les annonces du Président Jacques Chirac lors de sa campagne présidentielle de 1995, aboutissant à la création de la PSD puis de l’APA et enfin de la PCH.

Relancé en 2004 ([47]), le débat sur la gouvernance s’était structuré autour de deux pistes, consistant soit à créer une cinquième branche, soit à confier l’ensemble de cette politique au niveau départemental, moyennant une péréquation. La solution finalement retenue lors de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie fut en réalité une hybridation de ces deux solutions : en effet, si la CNSA assure de fait un rôle de péréquation, son rôle ne se réduit pas à cela – puisqu’elle dispose des crédits de l’assurance maladie via les sous-ONDAM « médico-sociaux » – et elle l’assure par ailleurs avec d’autres ressources, des ressources propres qu’elle ne prélève pas sur les conseils départementaux les mieux dotés.

Annoncé lors de la campagne présidentielle de 2007 par Nicolas Sarkozy, la création d’un cinquième risque a fait l’objet de différents travaux avant d’être finalement abandonnée. Il n’est toutefois pas inutile de se replonger dans les raisons identifiées à l’époque comme justifiant la nécessité d’aller vers un cinquième risque mieux circonscrit :

– l’illisibilité et l’incohérence des circuits de financement, qui conduit :

– une répartition des rôles manquant de clarté ;

– la recherche d’une meilleure coordination des différents acteurs, et notamment des volets sanitaire et médico-social, avec une impulsion renforcée ;

– la capacité à accorder un pouvoir réglementaire plus important à la CNSA, dont les compétences au regard du rôle de l’administration centrale n’étaient pas jugées assez claires ;

– la nécessaire simplification des mécanismes d’autorisation et de tarification, afin de donner davantage de souplesse à l’offre territoriale.

Peu de ces constats ont perdu aujourd’hui de leur actualité, comme en témoignent les travaux récents sur le sujet, et singulièrement le rapport issu de la concertation sur le grand âge et l’autonomie, conduite par Dominique Libault.

2.   Les pistes du rapport « Libault » : le risque sans la branche

● Conscient de la forte dimension politique de la notion de « cinquième risque », le rapport en donne tout d’abord une liste d’attendus :

– « lhomogénéité sur le territoire national des modalités dinformation sur les droits, dorientation et daide aux démarches en proximité de la personne » ;

– « des prestations publiques précisément définies au niveau national, couvrant très largement le risque avéré, et servies de manière uniforme sur le territoire national » ;

– « léquité de traitement des bénéficiaires sur tout le territoire » ;

– « la solidarité financière publique entre les personnes couvertes » ;

­ « la transparence et la régularité du processus de décision concernant le risque. ».

Partant de cette définition assez « volontariste » du risque de protection sociale, le rapport souligne que la perte d’autonomie des personnes âgées est « dores et déjà un risque de protection sociale dans le sens où il est largement pris en charge la sécurité sociale ».

Le rapport propose néanmoins de renforcer cette dimension par plusieurs propositions :

– une « offre de service homogène au niveau national » dont participeraient notamment les « Maisons des aînés et des aidants » ;

– une solidarité nationale « renforcée » à travers la prise en charge par l’assurance-maladie de la fusion des budgets « soin » et « dépendance » ainsi que la mise en place d’un « bouclier dépendance pris en charge par la solidarité nationale » ;

– « intégrer le risque perte dautonomie de la personne âgée dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale » à travers un débat annuel autour de l’ensemble des dépenses publiques en la matière et le vote d’un objectif de dépenses.

Le rapport écarte en revanche l’hypothèse consistant à « confier sa gestion à une branche de sécurité sociale, qui impliquerait leffacement du département et le transfert de la gestion des prestations à un des réseaux existants de caisses locales ». Auditionné par le rapporteur, M. Libault a précisé qu’il n’était pas opposé à cette nouvelle branche, à condition d’en reconnaître juridiquement les spécificités, notamment au regard de ses liens avec une politique en partie décentralisée.

II.   L’article 4 proposait initialement la remise d’un rapport au parlement sur la crÉation d’une cinquiÈme branche ou d’un cinquiÈme risque

A.   Le rapport initialement proposÉ

L’article 4 propose la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement d’ici le 30 septembre afin d’étudier « les conditions de création dun nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale » sur les champs du handicap et des personnes âgées. Le rapport doit notamment préciser les conséquences « pouvant et devant en être tirées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 », la rédaction ménageant la question spécifique de l’articulation avec la branche maladie à laquelle la dépendance était jusqu’ici fortement liée, ne serait-ce que sur un plan financier.

Sans prétendre faire l’exégèse mot à mot de chaque ligne de ce bref dispositif, il convient toutefois, au regard de l’importance de la question, d’en faire ressortir les principaux enjeux dans le présent commentaire.

1.   Risque ou branche : un choix d’organisation qui pourrait être tranché par la loi

Le premier enjeu du rapport proposé consiste à déterminer les conditions juridiques de création d’un nouveau risque ou d’une nouvelle branche, ces deux notions étant fortement distinctes.

Risque ou branche : deux notions aux inégales implications pour la réforme à venir

Le rapport présentant les deux solutions comme une alternative, il convient de préciser la définition de chacune de ces deux notions qui ne sont pas équivalentes :

– la notion de « risque social » renvoie à un aléa qui serait pris en charge de manière collective ; si la sécurité sociale stricto sensu en reconnaît quatre, énumérés à l’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale (vieillesse, maladie, famille et accidents du travail-maladies professionnelles), le système de protection sociale français en recouvre bien davantage, à travers des régimes assurantiels paritaires (chômage, retraite complémentaire) ou des dispositifs d’aide sociale étatiques ou décentralisés (pauvreté, logement) ; au regard de cette notion, la dépendance peut bien être identifiée comme un risque déjà pris en compte par un certain nombre de solidarités, ainsi que le remarquait le rapport « Libault » précité ; évoquer un « cinquième risque » relèverait donc moins de la création juridique à l’échelle de l’ensemble de la protection sociale que d’un appel à assurer un niveau de protection pour ce risque aussi élevé que pour les quatre autres risques couverts par la sécurité sociale ;

– la notion de « branche » est de nature plus institutionnelle ; chaque « branche » de la sécurité sociale couvre un risque au moyen de recettes et de prestations qui lui sont propres et lui confèrent ainsi une certaine autonomie ; la confrontation de ces recettes et de ces prestations dans un solde peut permettre de suivre la situation financière de cette entité relativement autonome, qui doit par ailleurs assurer son équilibre et apprécier ses besoins ; enfin, la branche est dotée d’une gouvernance qui lui est propre avec une caisse nationale et, le plus souvent, un réseau de caisses locales issu directement de l’après-guerre ; l’analogie avec le secteur de la dépendance supposerait ainsi la consécration d’un périmètre financier autonome et d’une organisation propre, jusqu’ici inconnue en raison de la fragmentation des financements notamment.

Le débat sur le « cinquième risque » (qu’il faudrait parfois plutôt appeler « cinquième branche ») est fortement inspiré de modèles étrangers (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Japon, Espagne) dans lesquels la sécurité sociale « classique » a identifié plus clairement la prise en charge de la perte d’autonomie. Ainsi en Allemagne, l’assurance dépendance créée en 1995 et confortée en 2008, fait figure de modèle d’une « cinquième branche » avec son financement assis sur une cotisation salarié/employeur et le versement d’une prestation sans condition de ressources, tant pour la prise en charge au domicile que pour celle en établissement. Aux Pays-Bas, une assurance publique pour soins lourds coexiste avec une prise en charge de l’accompagnement au quotidien par les communes.

Cinquième risque ou cinquième branche n’impliquent donc pas les mêmes évolutions, d’une part, et choisir l’un ou l’autre implique implique à son tour de choisir entre plusieurs options : reconnaître un cinquième risque suppose a minima une reconnaissance juridique et a maxima une prise en charge aussi complète que peut l’être l’assurance maladie ou l’assurance vieillesse ; créer une cinquième branche de la sécurité sociale peut supposer d’identifier des recettes, des dépenses et une caisse nationale susceptible de les intégrer dans ses comptes ou de répliquer un modèle de gestion hérité des branches actuelles de la sécurité sociale.

En tout état de cause, le choix d’un cinquième risque ou d’une cinquième branche pourrait être tranché par la voie législative. En effet, il n’existe aucune définition substantielle de la sécurité sociale dans la Constitution ou même dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) :

– la Constitution ne donne aucune définition de la sécurité sociale ni à l’article 34, ni à l’article 47-1 ; par ailleurs, d’après les analyses de M. Nicolas Polge, maître des requêtes au Conseil d’État ([49]), l’inscription d’un objectif de dépenses évaluatif en matière de dépendance intégrant les charges départementales ne serait pas contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ;

– cette analyse est reprise par le Conseil d’État dans son avis sur les projets de loi, estimant que « la création dun nouveau risque ou dune nouvelle branche de la sécurité sociale ne relève pas, par nature, du législateur organique » et qu’au regard de la LOLFSS, « les dispositions organiques applicables aux lois de financement de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que le législateur financier crée une nouvelle branche au sein du régime général pour rassembler des dépenses et des recettes qui entrent dores et déjà dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale » (§ 9 et 10).

Ainsi, c’est la loi ordinaire qui définit les quatre risques pris en charge (article L. 200-1 du code de la sécurité sociale) comme les quatre branches qui composent le régime général (article L. 200-2 du même code), loi ordinaire qui peut être modifiée par une autre loi ou une loi de financement de la sécurité sociale.

2.   Une articulation à arbitrer avec la branche « maladie »

Adossée aujourd’hui très largement à la branche « maladie » du régime général, à travers les sous-ONDAM « médico-sociaux » appliqué à la CNSA, la prise en charge financière de la dépendance dans une nouvelle branche supposerait de clarifier les relations entre les deux branches.

Une conception minimaliste de cette clarification peut consister à maintenir un « tuyau » de recettes de la branche maladie vers la branche dépendance, les ressources de la seconde étant alors des charges de la première. Ce « branchement » ne serait pas inédit dans son principe : les branches de la sécurité sociale assurent des versements importants les unes vers les autres (pour citer quelques exemples, le versement annuel de la branche AT-MP vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail, de la branche famille vers la branche vieillesse au titre des avantages familiaux, etc.). Il le serait en revanche dans son volume, puisque la « branche dépendance » aurait alors moins de ressources propres (les ressources propres actuelles de la CNSA pour environ 5 milliards d’euros) que de ressources transférées (21,7 milliards d’euros environ prévus par l’ONDAM pour 2020).

Il pourrait alors être privilégié une solution plus ambitieuse consistant à essayer de définir une ressource ou un « panier de ressources » appartenant en propre à la branche « dépendance » (cotisations, CSG, autres contributions). S’agissant des ressources fiscales, il s’agirait d’un simple transfert comme il y en a souvent en loi de financement. S’agissant des cotisations, il faudrait les réaffecter à la branche.

3.   Un calendrier potentiellement rapide qui pourrait conduire à un changement dès 2021

Le rapport serait remis au plus tard au Parlement le 30 septembre 2020, permettant ainsi d’intégrer la création de cette nouvelle branche dès la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2021, présentée début octobre.

B.   L’amendement adoptÉ par la commission spÉciale : une cinquiÈme branche de la sÉcurité sociale

À l’initiative du rapporteur ainsi que des groupes La République en Marche, Mouvement Démocrate et Agir ensemble, la commission spéciale a adopté un amendement de rédaction globale créant un nouveau risque couvert par le régime général ainsi qu’une nouvelle branche de ce même régime général consacré à l’« autonomie ».

● L’amendement :

– modifie l’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale, qui énumère les risques couverts par le régime général, en y ajoutant « la prise en charge de la perte dautonomie » ;

– crée une cinquième branche du régime général, « Autonomie », à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.

● Il maintient la remise d’un rapport remis par le Gouvernement au Parlement profondément modifié pour tenir compte de cette création. Le nouveau rapport porte sur la « mise en œuvre » de ce nouveau risque et de cette nouvelle branche, ainsi que sur les conséquences que cette dernière pourrait avoir « en termes darchitecture juridique et financière », et « en termes de pilotage, gouvernance et gestion de ce nouveau risque ».

La création d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche est donc actée dans son principe par l’article 4, tel qu’adopté par la commission spéciale, tandis que les modalités techniques et pratiques sont renvoyées à un rapport dont il pourra être tiré les conséquences avant la prochaine LFSS, d’autant que celui sera déposé au 15 septembre et non au 30, suite à l’adoption de deux sous‑amendements adoptés à l’initiative du groupe de la République en Marche et de M. Brindeau.

Le rapporteur souligne ainsi le souhait de la commission spéciale d’orienter plus nettement les travaux à conduire d’ici l’automne vers la mise en œuvre d’une branche du régime général, dotée d’une autonomie financière, et dont les comptes, pleinement intégrés à ceux de la sécurité sociale, pourront faire l’objet de débats approfondis au cours de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale.

Sans préempter les travaux du Gouvernement et la concertation en cours, le rapporteur souligne les solides fondements sur lesquels peut s’appuyer cette « naissance » historique, et qui peut sembler à première vue vertigineuse :

– sur le plan de l’ambition et des perspectives sur la prise en charge, les travaux issus notamment du rapport « Libault » ;

– sur le plan financier, l’objectif global des dépenses médico-sociales même si celui-ci n’était jusqu’ici pas un objectif de dépenses de branche ;

– sur le plan de la gouvernance, l’institution solide que constitue la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui a su d’ores et déjà faire la preuve à la fois de sa capacité d’impulsion à la fois auprès du réseau ARS/maladie et des conseils départementaux et de son rôle de garante de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de ses réunions du 8 juin 2020, la commission spéciale procède d’abord à l’audition de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Alors qu’il y a encore quelques mois, nous attendions le fameux retour à l’équilibre de nos comptes sociaux, la disparition de la fameuse dette de la sécurité sociale, que nous étions même sur le point de fermer la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) après vingt-huit ans d’existence, la crise marque un tournant et la reconstitution, au moins temporaire, de déficits importants. Comme vous, je le regrette. Il est encore proche le temps où, comme rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’avais œuvré à ce retour à l’équilibre.

Pourquoi une reprise de dette maintenant ? Parce qu’il est indispensable d’assurer le financement de la sécurité sociale. La trésorerie de la sécurité sociale est gérée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) avec une contrainte sur la maturité des emprunts qui ne peuvent excéder douze mois. Cette trésorerie, grevée par 30 milliards d’euros de déficit passé, a été soumise à de très fortes tensions du fait des mesures instaurées pendant la crise.

Pourquoi la CADES ? La question du cantonnement de la dette créée par la crise du covid-19 à la sécurité sociale est une vraie question dont les économistes débattent à juste titre et pour laquelle l’échelon approprié est probablement européen. Mais il faut agir vite, et à ce stade la solution défendue dans ce projet de loi est la meilleure qui soit. C’est aussi respecter les principes de 1996 selon lesquels la dette sociale est gérée vertueusement et apurée au principal. Dans ce contexte d’urgence, il n’est pas bon de revenir sur les principes, ce qui ne devra pas nous empêcher d’en faire le bilan.

Pourquoi 136 milliards d’euros ? Seul un transfert important peut permettre à la CADES des placements à horizon long, ceux qui sont les plus sécurisants. Seule cette reprise nous protégera contre le risque de devoir décaler un jour le paiement des prestations par manque de financement. Et ne perdons pas de vue que l’hôpital, mis à assez rude épreuve ces dernières semaines et ces derniers mois, trouvera dans cette reprise de dette de l’air, de la visibilité, sans préjuger des conclusions prochaines du « Ségur de la santé ». Enfin, même en cas de rebond de l’économie, les déficits à venir sont inéluctables. Ce que propose ce texte, c’est une opération de bonne gestion de la sécurité sociale dans une période difficile. Concrètement, cela veut dire que nous devons prolonger la durée pendant laquelle nous mobilisons des recettes pour rembourser la dette pour neuf années supplémentaires, de 2024 à 2033. C’est un acte de responsabilité pour ne pas laisser notre système social s’endetter sans limite, et en garantir la pérennité pour nos enfants. Mais à l’occasion de cet engagement, nous posons la première pierre d’une réforme très attendue et maintes fois annoncée par le passé : celui de la perte d’autonomie.

Le texte prépare la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale pour couvrir nos concitoyens contre le risque de perte d’autonomie, sachant qu’en 2040 près de 15 % des Français, soit 10,6 millions de personnes, auront 75 ans ou plus, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. La création d’une cinquième branche est probablement la plus belle chose que puisse annoncer un ministre des solidarités et de la santé.

Nous sommes tous attachés à la sécurité sociale parce que c’est un trésor national. Pendant cette crise épidémique, la sécurité sociale aura joué son rôle plein et entier d’amortisseur. Face aux incertitudes de l’avenir, la protection sociale est plus que jamais un cadre de référence et de stabilité. Il faut s’armer pour affronter le présent et l’avenir, sinon avec optimisme au moins avec confiance. Depuis trop longtemps, nous sommes un peu comme le funambule sur la corde raide à osciller entre d’un côté des contraintes budgétaires qui limitent nos marges de manœuvre et de l’autre des risques nouveaux qui apparaissent dans des proportions massives. Ce projet de loi porte l’ambition d’augmenter ces marges de manœuvre et de regarder en face la société française dans ce qu’elle est devenue, et dans ce qu’elle est tout court. Ce texte peut sembler technique, mais en réalité il est audacieux et responsable, c’est-à-dire réaliste dans les objectifs qu’il fixe et exigeant dans les enjeux immenses qu’il affronte.

M. Paul Christophe, rapporteur pour le projet de loi organique. Monsieur le ministre, vous proposez de repousser le plafond de l’extinction de la dette sociale à 2033, soit huit ans après la date prévue lors du dernier transfert de dettes. Ce nouveau report pourrait donner l’impression d’une dette sociale que l’on ne parviendrait jamais à rembourser. Je souhaite m’inscrire en faux contre cette idée. La gestion de la crise épidémique nous a placés dans une situation impossible et il est juste que les finances sociales prennent toute leur part dans la résilience de notre pays. Nous devrions d’ailleurs collectivement nous réjouir de la solidité tant de l’ACOSS que de la CADES qui ont permis au régime de base de la sécurité sociale de continuer à assurer leur service public de versement des prestations.

Dans la perspective d’un retour plus rapide qu’anticipé à l’équilibre des finances sociales dans les années qui viennent, pouvez-vous nous confirmer que la date de 2033 n’est bien qu’un plafond et que si les conditions financières de la sécurité sociale nous le permettent, nous pourrons anticiper l’extinction de la dette sociale, libérant ainsi plus tôt que prévu des ressources affectées à son amortissement ?

La consécration actuelle ou après la concertation en cours d’une cinquième branche au sens propre – création inédite depuis 1945 – pourra s’appuyer sur une nouvelle annexe retraçant l’effort de la nation en faveur de l’aide à l’autonomie sur les exercices passés, présents et futurs. Comment pensez-vous qu’il soit possible d’éclairer au mieux les parlementaires que nous sommes, et à travers nous les citoyens à ce sujet ? Pouvez-vous nous assurer que l’annexe sera transmise aux parlementaires dans un délai compatible avec l’examen du projet de loi ? Compte tenu de la complexité du financement dans le champ de l’autonomie, les dépenses consacrées aux personnes âgées dépendantes ou pour les personnes en situation de handicap devront être distinguées et précisément identifiées dans des sous-objectifs de la nouvelle branche.

S’agissant plus généralement du cadre organique que nous nous aménageons en vue de ce double enjeu de la dette et de l’autonomie, envisagez-vous que nous remettions l’ouvrage organique sur le métier bientôt ? Je pense notamment aux conséquences à tirer du rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), présidé par Dominique Libault, pour améliorer l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) intégrant le champ des dépenses des régimes complémentaires de retraite ou d’assurance chômage pour permettre une vue globale sur l’ensemble des dépenses.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour le projet de loi ordinaire. J’aborderai un certain nombre de points avec ma double « casquette » de rapporteur du projet de loi ordinaire et de rapporteur général de la commission des affaires sociales, mission que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

À hauteur de 136 milliards d’euros, le montant de la reprise de la dette est historique. La seule comparaison possible nous renvoie à la crise de 2008 qui s’était soldée par une reprise de 130 milliards d’euros. Elle se compose d’un montant de 31 milliards d’euros pour solde de tout compte, si j’ose dire, concernant les déficits portés par l’ACOSS jusqu’en 2019. De la même manière, la reprise du tiers de la dette des établissements assurant un service public hospitalier est évaluée à 13 milliards d’euros. La majeure partie de la dette est donc composée de 92 milliards d’euros pour la couverture des déficits prévisionnels jusqu’en 2023. Le ministre de l’action et des comptes publics a annoncé devant l’Assemblée nationale un déficit des comptes sociaux à hauteur de 52,2 milliards d’euros pour l’année 2020, en hausse de 10 milliards d’euros par rapport aux prévisions sur lesquelles se fonde le projet de loi. Ces 10 milliards supplémentaires peuvent-ils être de nature à modifier le montant des prévisions de couverture des déficits futurs jusqu’en 2023 ?

Vous menez les travaux du « Ségur de la santé » en vue d’améliorer les conditions de travail des soignants et la modernisation de l’équipement de nos hôpitaux publics. Les mesures qui seront prises à l’issue de cette concertation appelleront vraisemblablement un financement supplémentaire de la sécurité sociale. Ces mesures sont-elles intégrées au moins de manière conventionnelle dans l’hypothèse de solde que vous avez retenue pour la période 2020-2023 ? Serez-vous en mesure de nous en présenter le détail lors de l’examen du prochain PLFSS ?

Le plan d’urgence pour l’hôpital public prévoyait dès le mois de novembre une reprise d’un tiers de la dette des établissements publics hospitaliers. Cette reprise, inscrite ici à hauteur de 13 milliards d’euros, offrira un bol d’air aux finances de nos établissements. C’est un enjeu crucial pour leur modernisation et les futurs enjeux de santé publique. Quels doivent être les critères qui présideront à la répartition de cette reprise entre les hôpitaux eux-mêmes afin que celle-ci soit la plus juste possible ?

L’autre enjeu de ce texte, c’est bien sûr la question de la création d’une cinquième branche en faveur de la prise en charge de l’autonomie. Vous proposez la remise d’un rapport d’ici au mois de septembre, en lien avec une concertation avec les partenaires sociaux afin d’évaluer l’opportunité de la création d’une nouvelle branche ou d’un nouveau risque. La réflexion sur la création de cette branche doit-elle emporter une réflexion nouvelle sur le champ des recettes affectées à la prise en charge de l’autonomie ?

Le projet de loi augmente déjà significativement l’effort de nos finances publiques en faveur de l’autonomie, avec 2,3 milliards d’euros par an à partir de 2024. Cet investissement en direction de nos aînés et des personnes handicapées témoigne de l’attention du Gouvernement à ce sujet après la concertation « Grand âge et autonomie » menée par Dominique Libault. Nous sommes nombreux ici à être particulièrement attachés à une prise en charge adéquate des plus fragiles d’entre nous. Quels sont les postes de dépenses auxquels pourrait être prioritairement affectée la recette supplémentaire que vous proposez ?

Ce texte est porteur d’équilibres financiers délicats tant en ce qui concerne le montant de la dette qui est transféré que l’évolution des recettes affectées à son remboursement. En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’aurai à cœur de préserver ces équilibres afin de n’obérer ni notre capacité à investir aujourd’hui dans notre protection sociale, ni celle des générations futures.

Mme Stella Dupont. La crise sanitaire a mis notre système de sécurité sociale à rude épreuve, mais elle a également démontré sa forte capacité d’adaptation. Toutefois plusieurs failles ont été amplifiées en ce qui concerne les moyens matériels et humains. En effet, la sécurité sociale a été, aux côtés de l’État, en première ligne pour soigner et accompagner les Françaises et les Français touchés de plein fouet par cette crise. Je pense avant tout à la mobilisation générale des professionnels du soin et de l’accompagnement en établissement, en ville, à domicile, et à l’ensemble des organisations sanitaires, médico-sociales et sociales de notre pays. Je souhaite, en notre nom à tous, remercier toutes celles et tous ceux qui nous soignent et nous protègent au quotidien.

L’activité partielle pour plus de 10 millions de salariés et le report d’échéances de cotisations ont permis de limiter significativement les effets dommageables de la crise pour les Français et pour les entreprises. Mais moins de recettes et plus de dépenses conduisent mécaniquement à un creusement du déficit de la sécurité sociale porté, selon les estimations, à 52 milliards d’euros en 2020, donc à une aggravation de son niveau de dette. L’objectif d’équilibre de la sécurité sociale à moyen terme est un principe cardinal des finances publiques et son respect est garanti par la CADES dont l’extinction est à ce jour prévue au 31 décembre 2024.

Le transfert d’une dette supplémentaire d’un montant de 136 milliards d’euros à la CADES permettra de redonner à l’ACOSS des marges de manœuvre dans la gestion de la trésorerie de la sécurité sociale, La contrepartie de ce nouveau transfert est l’allongement de la durée jusqu’au 31 décembre 2033.

La crise sanitaire a également mis en exergue une problématique identifiée de longue date, celle des moyens dévolus aux politiques de santé du grand âge et de la perte d’autonomie. Elle doit être posée dès maintenant dans la perspective du « Ségur de la santé » et d’une réforme en profondeur du secteur du grand âge et de l’autonomie.

Nos aînés ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire en tant que public fragile. Ils ont souffert non seulement directement du virus, mais aussi de l’isolement qui leur a été imposé. Les personnes âgées demandent une pluralité d’accompagnement et de prise en charge pour leur permettre d’adapter leur choix de vie à leur perte d’autonomie.

Face à ce phénomène, les professionnels de ce secteur sont en souffrance. Ils sont en nombre insuffisant et ces métiers sont souvent mal payés avec des horaires très contraignants, difficiles tant physiquement que psychologiquement. Nous connaissons cette réalité par notre ancrage sur le terrain. Il n’est plus possible d’attendre. Nous devons collectivement trouver des solutions pour répondre à ce secteur dont la demande est légitime et urgente. Comment organiser au niveau de la solidarité nationale la prise en charge de la perte d’autonomie et la dépendance des personnes âgées ? Comment accorder un financement suffisant à cette priorité, aujourd’hui sous-financée ? Les deux projets de loi ont pour ambition de répondre à ces questions.

La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, explicitement dédiée à la perte d’autonomie et à la dépendance des personnes âgées, est une priorité et son esquisse dans les textes représente une avancée considérable, historique même, que je salue au nom du groupe La République en Marche et à titre personnel. Seule cette nouvelle branche permettra une lisibilité suffisante à une vraie politique en la matière. Il nous importe à ce titre d’acter dès maintenant dans la loi la création d’une cinquième branche. Cette cinquième branche n’apportera une réponse à la question de la dépendance que si elle est dotée de moyens suffisants. C’est pourquoi l’affectation d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) à cette branche prévue par le texte à partir de 2024 est nécessaire.

D’ici à 2024, et parce que le financement de cette politique publique prioritaire pour la majorité parlementaire ne peut plus attendre, les modalités de financement de cette cinquième branche seront au cœur des débats de l’automne budgétaire 2020. La majorité s’engage à y veiller fermement et demande d’ores et déjà au Gouvernement de préciser ses intentions en termes d’ambition politique, budgétaire et de calendrier.

Ces textes témoignent de la volonté du Gouvernement d’assurer la soutenabilité de notre système de sécurité sociale et de répondre à la question plus qu’urgente de la prise en charge de la perte d’autonomie et de la dépendance. Nous soutenons cette proposition avec engagement et exigence.

M. Bernard Perrut. Conçu en 1945, dans une période difficile, notre système de protection sociale a toujours su s’adapter aux réalités du temps et faire face aux exigences d’un financement qui n’a qu’un seul but : accompagner chacun dans les étapes de sa vie.

La crise sanitaire a un lourd impact sur les finances sociales, avec une forte détérioration de la masse salariale qui constitue la principale assiette des contributions sociales, et en raison des reports de paiement des cotisations sociales qui sont indispensables pour soutenir les entreprises en difficulté. Dans le même temps, la crise a conduit à une augmentation des dépenses de l’assurance maladie. L’ACOSS doit faire face à un financement supplémentaire important qui va s’accroître encore dans les années qui viennent, avec une augmentation de la dette des régimes obligatoires.

Vous proposez que la dette présente et à venir soit amortie par la CADES, dont la capacité à emprunter dans des bonnes conditions sur les marchés est connue. On peut toutefois s’interroger sur la sincérité budgétaire puisque la date de 2033 repose sur des hypothèses macroéconomiques fragiles dans un contexte bien incertain. Personne ne peut prédire quel sera, dans les années à venir, l’état du marché du travail et des cotisations. On peut aussi s’interroger, comme vous l’avez fait, monsieur le ministre, lorsque vous étiez rapporteur général, sur le manque de compensations dues par l’État à la sécurité sociale, celles du coût de la désocialisation des heures supplémentaires à laquelle nous sommes favorables comme des mesures d’urgence économique et sociale, dites mesures « gilets jaunes ». Alors que les branches de la sécurité sociale ont fait des efforts sans précédent pour redresser les comptes, le Gouvernement n’en tient pas compte et ne prend aucun engagement quant à des économies sur le budget de l’État. Il fait donc reposer une part massive de la dette sur la CADES.

La reprise de la dette des hôpitaux ne devrait-elle pas être assumée par l’État plutôt que financée par la CADES, donc par les contributions des Français ? Son transfert pourrait faire au moins l’objet d’un débat plus large sur une réforme globale du financement des établissements de santé. Comment ne pas craindre que les dettes d’autres structures puissent par la suite être mises sous le tapis de la même manière ?

Vous ne prévoyez le financement de la dépendance qu’en 2024, comme si les besoins n’étaient pas urgents. Il est basé sur une réduction de la part de CSG affectée à la CADES plutôt que sur une part accrue de CSG dédiée à ce sujet. Ne faut-il pas un financement beaucoup plus ambitieux ?

Pouvez-vous nous donner une vision claire de cette cinquième branche ? Vous prévoyez dans la loi organique l’adaptation des PLFSS pour suivre la dépendance, tandis qu’avec l’article 4 de la loi ordinaire vous renvoyez cela à un rapport ultérieur au Parlement. N’y a-t-il pas un problème de méthode ?

Vous proposez de discuter des financements de manière dispersée : maintenant, plus tard dans le PLFSS, puis dans la loi sur la dépendance. Nous voulons connaître et discuter d’un projet dépendance dont nous connaîtrions véritablement les objectifs, les moyens, le calendrier. Nous souhaitons que le financement de la dépendance débute dès 2021 sans attendre 2 024 et soit à la hauteur de l’enjeu, nous voulons que l’État assume la compensation des exonérations, des allégements de cotisations et/ou de la reprise de la dette des hôpitaux. À défaut, nous proposons que soit envisagé un remboursement de la dette sociale sur une durée plus longue, jusqu’à 2034, afin de pouvoir assurer de 2021 à 2024 le financement de la dépendance qui pèsera tôt ou tard sur les finances sociales. Si ces demandes ne sont pas prises en compte, les deux textes de loi ressembleront plus à un chèque en blanc fondé sur de la dette plutôt que sur un plan de financement sérieux, tant dans son calendrier que dans son ambition. Nous ne pourrions alors pas vous suivre, d’autant que la cinquième branche apparaît comme un choix sans que d’autres options soit discutées dans le cadre de cette loi organique. L’ajout d’une cinquième branche aux quatre branches de la sécurité sociale mérite le débat. On voit la distinction assez artificielle entre maladie et dépendance induite par la création d’un cinquième risque, et on sait que la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a permis d’extérioriser la gestion du risque sans problème majeur au niveau national.

Quant aux besoins de financement supplémentaire, ils s’élèvent à 4,5 milliards d’euros pour aller jusqu’à plus de 9 milliards d’euros en 2030, cela s’ajoutant aux 30 milliards que représente actuellement le financement de la dépendance – de l’autonomie devrais-je dire plus justement car cette période de la vie doit être considérée de manière positive. Le parcours de nos aînés mérite d’être valorisé dans le respect de chacun, tant à travers l’accueil en établissement que le maintien à domicile. Je suis convaincu que vous entendez les attentes des familles, notamment sur la question du reste à charge et celles des personnels. Toutes ces attentes doivent être prises en compte le plus rapidement possible. C’est un véritable défi que nous devons relever.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Les projets de loi organique et ordinaire traitent de sujets éminemment importants pour l’avenir à court, moyen et long termes de notre système de sécurité sociale. À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles, moyens financiers exceptionnels, dette exceptionnelle à financer.

Nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité de procéder au transfert de 136 milliards d’euros à la CADES et d’acter de fait la prolongation de sa durée jusqu’en 2033. Ces montants colossaux montrent à quel point la crise sanitaire a mis à mal les comptes de la nation, et plus particulièrement les comptes sociaux. Néanmoins, l’accroissement des dépenses qui engendre le creusement de la dette sociale est indispensable, et a permis de maintenir à flot notre système de santé et notre système social sollicités de manière inédite dans l’histoire de notre pays. Cette reprise de dette va nous permettre de couvrir les déficits passés et à venir de la sécurité sociale générés par la crise, mais aussi de concrétiser l’engagement du Gouvernement de prendre à sa charge une partie de la dette des établissements de santé. Nous nous félicitons que cette mesure figure dans le projet de loi ordinaire. Toutefois, les modalités d’utilisation des 13 milliards d’euros prévus, notamment en matière d’échéancier, doivent être précisées.

Si ces textes présentent un aspect très technique et financier, ils contiennent des mesures d’une grande humanité qui ouvrent la voie à une réforme que nous attendons tous sur l’accompagnement du grand âge et ils traduisent la volonté du Gouvernement de mener les travaux conduisant à la création d’un risque spécifique lié à la perte d’autonomie.

Le groupe du Mouvement Démocrate salue ainsi les mesures visant à renforcer l’information du Gouvernement sur les moyens alloués à la prise en charge de la perte d’autonomie via la création d’une annexe spécifique dans le PLFSS, d’affecter un financement dédié à la prise en charge de la perte d’autonomie dès 2024, d’anticiper les conséquences de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale pour les futurs PLFSS. Nous nous réjouissons de ces mesures, mais ne pourrait-on pas aller encore un peu plus loin ?

La crise a permis de révéler les faiblesses et les fragilités de notre société et de notre système. Nous avons tous constaté que ce sont les personnes âgées et l’ensemble des personnels et des structures qui sont à leur service qui ont été le plus touchés. L’épisode que nous traversons doit permettre à la représentation nationale de compléter ce qui n’a pu être fait par nos prédécesseurs en 1945. Il est vrai qu’à l’époque l’espérance de vie étant de 67 ans, la prise en charge du grand âge ne se posait pas. Nous le savons, il est toujours difficile de réformer en période calme. Cette crise donne le devoir à notre génération de créer cette cinquième branche. Je suis heureux qu’on puisse le faire aujourd’hui. Je formule le vœu que, comme cela fut le cas en 1945 avec le Conseil national de la Résistance, qui représentait l’ensemble des groupes, des communistes aux gaullistes, cette commission adopte à l’unanimité les amendements visant à prendre acte de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée exclusivement à la prise en charge de la perte d’autonomie. Nous devons adresser dès à présent un signal fort et accélérer ensuite son déploiement. Il ressort des auditions un consensus pour la mise en œuvre d’une branche spécifique, condition sine qua non pour l’organisation de l’environnement, la prévention d’autonomie et la prise en charge de la dépendance.

Pouvez-vous présenter la stratégie du Gouvernement, nous confirmer qu’un projet de loi spécifique est prévu et indiquer le calendrier de son examen ? Il est important de disposer d’une feuille de route claire et précise pour satisfaire l’ambition que nous partageons tous de mieux prévenir l’autonomie et accompagner la dépendance. Sachez que vous pourrez compter sur les parlementaires du groupe du MoDem qui se sont investis et souhaitent continuer à s’investir à vos côtés dans cette réforme qui ne peut plus être retardée.

M. Boris Vallaud. Nous engageons l’examen de ces textes dans un débat parlementaire qui n’en sera pas véritablement un, puisque votre décision est prise. Vous la qualifiez de « meilleure qui soit », en dépit des débats qui animent la communauté des économistes. Le résultat est connu d’avance : vous allez transférer 136 milliards d’euros à la CADES, mettant ainsi un terme prématuré au débat sur la façon de traiter la dette créée par la crise en cours, dont la nature particulière pouvait justifier un traitement spécifique.

Le Gouvernement a donc décidé de faire comme avant, en niant la spécificité de cette dette. Vous avez du moins l’avantage de la constance puisque, depuis le début du quinquennat, vous avez fait le choix de ne pas distinguer le périmètre du budget de l’État de celui de la sécurité sociale. Il y a peu, vous aviez d’ailleurs décidé de ne plus compenser les exonérations de cotisations sociales.

Cette dette n’est toutefois pas liée à un déséquilibre structurel du régime de sécurité sociale, mais à des décisions de l’État pour faire face à une crise conjoncturelle. Ce sont bien des décisions de l’État, que nous ne contestons pas sur le fond, mais qui ont eu des conséquences sur les dépenses comme sur les recettes de la sécurité sociale et de l’UNEDIC.

Comme le suggérait le HCFiPS, le Gouvernement aurait pu – et, à notre sens, aurait dû – décider de prendre à son compte le déficit exceptionnel créé par la crise. Cette solution présentait plusieurs avantages.

Le premier tient au fait que l’État emprunte à des conditions plus favorables que les agences sociales, avec un écart de taux qui varie entre 0,1 et 0,3 point. Il y a quelques jours, le Gouvernement semble avoir refusé un prêt de trésorerie à l’Association générale des institutions de retraite des cadres et à l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO), prêt que l’ACOSS aurait refinancé sur les marchés de court terme. Elles ont donc dû recourir aux banques, et payer un swap qu’elles auraient pu éviter si l’État avait pris ce prêt à son compte.

Le second avantage tient à la nature même des dettes et aux conséquences qu’elles emportent. Depuis 1996, la dette sociale fait l’objet d’un amortissement, donc d’un remboursement intégral, intérêts et capital, et doit tendre vers zéro. La dette de l’État, en revanche, est gérée à très long terme. L’État n’en supporte que les intérêts, et réemprunte indéfiniment le principal, ce qui revient à « faire rouler la dette ». Le débat porte en général sur le niveau de la dette, sur son caractère supportable ou excessif, non sur son extinction.

A contrario, votre choix nous fait craindre que vous hypothéquiez les dépenses sociales et réduisiez les marges de manœuvre, au moment même où s’ouvre le « Ségur de la santé » et où le Gouvernement annonce qu’il veut investir dans l’hôpital et le grand âge. Alors que le coût annuel de la dette liée au covid-19 supportée par l’État serait d’un peu moins de 1,5 milliard d’euros par an, correspondant aux intérêts, le transfert de cette dette à la CADES, qui devait s’éteindre en 2024, prive la politique sociale de la nation d’une dizaine de milliards d’euros par an de CSG, de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et de cotisations chômage, jusqu’en 2033.

La meilleure des preuves est l’impasse de votre projet, puisque vous n’accordez qu’une fraction de CSG à la CNSA. Ces 2,3 milliards d’euros sont bien insuffisants par rapport à ce qu’évaluait le rapport Libault, et le transfert, bien tardif.

Vous choisissez de rembourser la dette plutôt que de satisfaire les besoins sociaux, de vous priver de tout financement alternatif, qu’il soit de nature monétaire ou qu’il résulte d’une fiscalité dédiée, et de faire payer les Français proportionnellement à leurs revenus, sans prendre en compte leurs facultés contributives, puisque, contrairement à notre proposition, vous avez décidé de ne demander aucun effort supplémentaire aux plus riches, comme les circonstances le commandaient.

Comme nombre de caisses que nous avons consultées, de partenaires sociaux, de Françaises et de Français, d’économistes, nous pensons qu’en dépit de ce que vous affirmez, le choix que vous faites n’est pas le meilleur qui soit.

S’agissant de la création d’une cinquième branche, nous ne pouvons que nous réjouir que la perte d’autonomie soit enfin prise en compte, même si nous ne connaissons aujourd’hui ni ce que seront ses moyens ni la politique publique sur laquelle elle s’appuiera. Nous veillerons à ce que son ambition soit à la hauteur du choc anthropologique que nous avons vécu à l’occasion de cette crise. Pour l’heure, il ne s’agit que d’une annonce, comme vous aviez annoncé une grande loi sur la dépendance, pour décembre. L’idée qu’il n’est plus possible d’attendre pourra du moins nous rassembler.

M. Pascal Brindeau. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les deux projets de loi poursuivent un double objectif. Le premier vise à répondre en urgence à la crise exceptionnelle que nous connaissons, laquelle a fortement dégradé la situation financière de l’ACOSS, et remet en question le financement à terme de notre système de sécurité. Le second objectif réside dans la préfiguration d’une cinquième branche de la sécurité sociale, chargée de financer la problématique de la dépendance, dont vous indiquiez qu’il s’agit d’un choc démographique à venir voire d’un enjeu civilisationnel, car de nombreux pays y sont confrontés.

À la différence de la dette de l’État, la dette sociale ne peut être pérenne car les assurés sociaux ont besoin de confiance dans la viabilité du système de protection sociale. Le principe d’équilibre entre recettes et dépenses doit rester la norme.

Notre groupe accueille ces textes avec un a priori favorable, même si certaines interrogations subsistent, sur lesquelles nous aurons besoin d’éclaircissements.

Le projet de loi ordinaire prévoit de transférer 136 milliards d’euros à la CADES, un montant qui rassemble plusieurs types de déficits ne répondant pas tous aux mêmes logiques. Le transfert répond en premier lieu à la nécessité de soulager le financement de l’ACOSS, très sollicitée en raison de la crise. Le même mécanisme de transfert de dettes de l’ACOSS à la CADES avait d’ailleurs été mis en place après la crise de 2010, dans un délai plus long car l’ACOSS n’avait pas connu les mêmes tensions de financement. Le déficit de la sécurité sociale s’élevait à l’époque à 27 milliards d’euros.

Le montant à transférer nous interroge. L’étude d’impact estimait le déficit de la sécurité sociale pour 2020 à 41 milliards d’euros, un montant loin d’être stabilisé, qui a été réévalué la semaine dernière à 52 milliards d’euros. On peut donc craindre que le chiffre de 92 milliards d’euros repris par la CADES au titre des exercices 2020 à 2023 soit sous-évalué, si la situation de l’économie et de l’emploi ne se rétablissait pas prochainement, comme chacun le souhaite.

Quelle sera par ailleurs la capacité de la CADES à amortir ces 136 milliards dans le nouveau délai qui lui est imparti ? D’après l’étude d’impact, cette capacité se fonde sur des perspectives de croissance des recettes de CSG et de CRDS de près de 2 % par an, en moyenne, entre 2022 et 2033, ce qui reste hautement hypothétique.

Pour ce qui concerne la reprise d’un tiers de la dette des hôpitaux, qui représente 13 milliards d’euros, l’exposé des motifs précise qu’elle concerne les hôpitaux publics, alors que le texte évoque « les établissements de santé [...] relevant du service public hospitalier ». Pourriez-vous clarifier ce point, monsieur le ministre ?

L’étude d’impact précise par ailleurs explicitement que le dispositif est susceptible de constituer une aide d’État au sens du droit européen, ce qui pose des questions s’agissant de sa sécurité juridique. Mais faire porter la reprise de la dette hospitalière par la sécurité sociale revient aussi à lui faire porter une décision politique de l’État. Les entités qui forment la sécurité sociale, bonnes gestionnaires, respectent aujourd’hui le cadre financier qui leur est imparti ainsi que les lourdes mesures d’économie imposées, en particulier pour respecter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Replacer la dette hospitalière au sein de la CADES pénalise de nouveau les organismes de sécurité sociale, puisque ce sont autant de ressources qui ne pourront être consacrées à d’autres chantiers, y compris celui de la dépendance. Le financement de l’hôpital public doit faire l’objet de mesures propres, spécifiques et pérennes.

Les projets de loi organique et ordinaire posent également le principe de la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale prenant en charge la dépendance. Si on ne peut que se féliciter de ce pas en avant vers une meilleure prise en charge, les montants fléchés vers la CNSA – 2,3 milliards d’euros en 2024 – restent très en deçà des besoins, que le rapport Libault évalue à environ 10 milliards d’euros par an.

Il est essentiel de conserver la crédibilité financière de la signature de la France. En ce sens, accompagner tout transfert de dettes par un montant de ressources de même niveau et allonger la durée de vie de la CADES ne font pas débat. La CADES a d’ailleurs démontré son expertise en matière d’amortissement de la dette sociale depuis sa création.

Pour autant, le choix de transférer les déficits futurs de la sécurité sociale, soit 92 milliards d’euros, à la CADES, donc de retarder son extinction à 2033 limite grandement nos marges de manœuvre concernant le financement de la dépendance. À ce titre, nous pourrions faire le choix de flécher une partie des dépenses exceptionnelles liées à la crise du covid-19, par exemple les exonérations et reports de cotisations sociales, qui sont un choix politique de l’État, dans un fonds spécial, qui serait géré par l’Agence France Trésor.

Mme Jeanine Dubié. À de nombreux égards et pour longtemps, l’épidémie de covid-19 a profondément bouleversé notre pays, engendrant une triple crise sanitaire, économique et bientôt sociale. Au-delà des nombreuses victimes et des personnes durablement touchées par la maladie, notre système de santé a été mis à rude épreuve et les dépenses d’assurance maladie ont rapidement progressé en raison des achats de matériels de protection, des hospitalisations ou du financement des heures supplémentaires exercées par les personnels soignants.

L’arrêt total de notre économie que le confinement a imposé a conduit le Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles pour soutenir les entreprises et sauvegarder l’emploi. Le dispositif d’activité partielle ainsi que le report voire l’annulation des cotisations sociales pour les petites entreprises sont à saluer, même si, nous le savons, ces mesures auront un impact lourd et durable sur nos comptes sociaux.

Le déficit de la sécurité sociale devrait ainsi atteindre 52,2 milliards d’euros en 2020, un niveau que le ministre de l’action et des comptes publics juge très inquiétant. Le précédent record, atteint en 2010 pendant la crise financière, était de 28 milliards d’euros, soit un peu plus de la moitié.

Les présents projets de loi proposent de transférer la dette sociale liée à l’épidémie de covid-19 à la CADES, alors que celle-ci devrait être reprise par l’État. Le caractère exogène de la crise justifierait une telle décision. Il n’y a pas de raison que la dette générée par les mesures prises par le Gouvernement pour faire face à la crise pèse sur la sécurité sociale, de la même manière que les mesures d’urgence prises durant la crise des « gilets jaunes » auraient dû être compensées par l’État.

Par ailleurs, avant même la crise sanitaire, la nécessité de renforcer notre système de protection sociale exigeait des investissements élevés. Notre groupe pointait déjà les insuffisances du dernier PLFSS pour faire face à cette situation. Avec la crise, l’enjeu s’impose avec une urgence accrue, mais nos marges de manœuvre en termes de financement se sont considérablement réduites. Ainsi, la prolongation de la CADES est nécessaire, mais probablement à moins long terme que 2033.

Notre groupe avait plaidé pour repousser l’extinction de la caisse afin de dégager des financements et des investissements non seulement pour les hôpitaux, mais également pour prendre en charge la dépendance. À ce titre, nous avions soutenu la proposition de Dominique Libault.

Or il est évident que l’absence d’une loi sur la prise en charge de la dépendance, sans cesse repoussée, et l’insuffisance des moyens alloués à ce secteur ont eu une incidence sur le drame qui s’est déroulé dans nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le contexte actuel nous invite donc à légiférer en ce sens, de manière urgente.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement esquisse ici un premier pas vers la création d’une cinquième branche dédiée au financement du risque de la dépendance. Notre groupe y est plus que favorable, même s’il eût préféré la création d’un cinquième risque au sein de la branche maladie, qu’il a d’ailleurs proposé à de nombreuses reprises. Nous devons toutefois considérer qu’il s’agit là d’un premier pas.

Par ailleurs, l’avenir de l’article 4 du texte de loi interroge, puisqu’il semblerait que la décision soit déjà prise. Il ne s’agit donc plus d’étudier l’opportunité d’un risque ou d’une branche relatifs aux prestations contre la perte d’autonomie.

Nous considérons que la prise en charge de la dépendance pour retarder la perte d’autonomie doit passer par la solidarité nationale. Il est temps de concevoir la dépendance comme un véritable risque social, qui concerne aussi bien les personnes en situation de handicap que les personnes âgées.

Monsieur le ministre pouvez-vous confirmer que la nouvelle branche concernera non seulement les personnes âgées mais aussi les personnes en situation de handicap ? Pouvez-vous préciser quel en sera le périmètre ? Concernera-t-elle aussi bien les prestations comme l’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap, la réforme de la tarification des établissements ainsi que la réorganisation du champ médico-social et son décloisonnement avec le champ sanitaire.

Enfin, si nous saluons la décision d’affecter une fraction de la CSG à la CNSA, celle-ci ne représentera que 2,3 milliards d’euros à partir de 2024, alors que le rapport Libault estime le besoin de financement à 7 milliards d’euros dès 2024 puis à 10 milliards d’euros en 2030. Il semble urgent de trouver des financements supplémentaires. Notre groupe fera des propositions en ce sens.

Mme Caroline Fiat. À l’occasion de la crise de la covid-19, de nombreuses recettes de la sécurité sociale ont été coupées du fait de la baisse d’activité et des reports des cotisations. Dans le même temps, les dépenses sociales se sont accrues. Notre sécurité sociale est fébrile et nécessite des mesures fortes car les enjeux sont colossaux. C’est l’objet même de notre discussion aujourd’hui.

Pour combler la dette sociale, vous pourriez mettre fin aux exonérations de cotisations que vous aviez votées lors des derniers PLFSS et qui ne sont pas intégralement compensées par l’État. Vous pourriez rétablir un impôt de solidarité sur la fortune ou annuler une partie de la dette sociale, totalement illégitime. Vous pourriez lutter efficacement contre le chômage en réduisant le temps de travail. Or vous faites tout l’inverse, en promouvant les heures supplémentaires, que votre majorité a défiscalisées.

Dans ce projet de loi, vous faites le choix de poursuivre tête baissée dans l’absurde et d’endetter la sécurité sociale via la CADES, à hauteur de 136 milliards d’euros. Chose inédite : vous vous endettez pour des dettes qui n’existent pas encore. Vous entérinez ainsi votre renoncement à remettre sur pied la sécurité sociale. Cette politique d’endettement justifiera des coupes drastiques, alors même que notre assurance chômage et notre système de santé ont démontré leur importance cruciale pour la société.

Une fois de plus, ce sont les moins aisés qui paieront. Le remboursement de la dette sociale ne sera pas financé par des cotisations sociales mais par deux impôts très peu progressifs, la CRDS et la CSG. Vous faites donc peser la crise de la covid-19 sur tout le corps social, au lieu de mener une politique de redistribution des richesses, comme nos grands-parents ont su le faire après-guerre.

Une fois encore, la dette accumulée profitera aux spéculateurs. La Caisse des dépôts et consignations pourrait faire un prêt à l’ACOSS le temps que la dette sociale se résorbe. Mais non, vous faites le choix des marchés financiers.

Dans un rapport de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC) du 16 septembre 2017, nous apprenons que la CADES « émet des papiers commerciaux sans aucun contrôle, notamment à la City de Londres et au Luxembourg ». À cette date, la CADES avait remboursé depuis sa création 140 milliards d’euros de dettes sociales, essentiellement grâce aux impôts. Dans le même temps, elle avait versé 52 milliards d’euros d’intérêts aux créanciers. Une partie importante des recettes fiscales destinées à rembourser la dette sociale est ainsi utilisée pour payer des intérêts et des commissions aux banques privées qui spéculent dessus – une honte ! Un audit citoyen sur la dette sociale pour faire la lumière sur cette spéculation est un impératif de justice sociale.

Cette politique antisociale est injustifiable après le mouvement des « gilets jaunes » et la crise de la covid-19. Nos services publics et notre sécurité sociale doivent être renforcés, et ne doivent souffrir d’aucune coupe budgétaire supplémentaire.

Comble d’absurdité, pour faire passer la pilule de ce projet de loi, vous communiquez sur la création d’une cinquième branche pour la perte d’autonomie. Mais si une cinquième branche voit le jour, elle doit être financée par les cotisations sociales, non par le CSG ; elle doit recevoir des fonds à la hauteur des enjeux. Dans notre rapport sur les EHPAD, nous chiffrions les besoins pour le financement d’une cinquième branche à 20 milliards d’euros, au minimum, soit 1 point du produit intérieur brut (PIB), dès maintenant.

Ne pas financer cette politique du grand âge, c’est acter le fait que les familles devront s’endetter pour s’occuper de leurs aînés, ce qui est inacceptable.

Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, non seulement vous poursuivez la casse de la sécurité sociale mais en plus, vous mettez en place de nouveaux mécanismes qui creuseront son endettement et justifieront des mesures d’austérité dans le futur, le tout, sous couvert de la création d’une cinquième branche, pur élément de communication pour le moment.

Mme Delphine Bagarry. Les projets de loi prévoient de transférer la dette due à l’épidémie de covid-19 à la CADES et esquissent la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale. Le Gouvernement semble opérer un arbitrage entre la temporalité du remboursement de la dette sociale, qu’il alourdit, et la réforme de la dépendance.

Alors que la reprise rapide et programmée d’une partie de la dette de l’ACOSS est nécessaire pour rassurer les marchés et permettre à l’Agence de continuer à trouver les liquidités dont elle a besoin pour se financer, ces conditions ne peuvent qu’interroger. En transférant la dette à la CADES, il maintient presque 10 milliards d’euros de prélèvements sur les revenus d’activité par an, jusqu’en 2033, pour la liquider. La somme aurait pu être allouée dès 2024 à de nouvelles prestations, notamment relatives à la dépendance, ou à des dépenses d’investissement pour l’hôpital.

Reprise par l’État, cette dette aurait pu être gérée comme une dette exceptionnelle, appuyée sur la politique monétaire non conventionnelle de la Banque centrale européenne, d’autant que la nature même du transfert de la dette pose des questions sur sa pertinence. La dette sociale est en effet composée en partie d’une reprise de dette des établissements publics de santé. Or le Premier ministre avait déclaré en novembre que l’État reprendrait cette partie.

Les moyens consacrés à la création d’une cinquième branche, comme le prévoit l’article 2 du projet de loi ordinaire, semblent aujourd’hui limités. En prolongeant de neuf ans la cotisation consacrée au remboursement de la dette sociale, le législateur se prive de moyens supplémentaires pour financer la dépendance. Il en va de même pour la fraction de CSG ou le prolongement du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont la soulte aurait pu être consacrée à d’autres priorités.

Le projet de loi ordinaire ne résout pas cette contradiction. Il prévoit seulement de transférer une fraction de CSG, soit 2,3 milliards d’euros, à la CNSA via la CADES en 2024. Autrement dit, dans sa globalité, le texte prévoit de faire plus à moyens constants, alors que les demandes en matière de dépendance vont croissant. Le rapport Libault les a évalués à 6 milliards d’euros à compter de 2024 et 9 milliards d’euros à partir de 2030. En l’état des choses, faute d’une montée en charge de la solidarité nationale, un nombre croissant de foyers pourrait intervenir de plus en plus dans la prise en charge de leurs aînés.

Enfin, la création d’une cinquième branche paraît précipitée. Bien qu’attendue par le monde médico-social, ses modalités comme son financement semblent mal définis. Surtout, les partenaires sociaux et le monde associatif semblent bien peu impliqués dans sa coconstruction alors qu’il s’agit d’un sujet de société majeur.

En conclusion, si le Premier ministre estimait en novembre 2019 que l’État devait reprendre la dette des hôpitaux, pourquoi la CADES la reprendrait-elle aujourd’hui ? Je m’inquiète aussi de ces 10 milliards d’euros de prélèvements obligatoires sur les revenus d’activité jusqu’en 2033, qui pourront limiter les investissements dans les dépenses de santé, notamment pour l’hôpital. A-t-on évalué les marges de manœuvre pour l’ACOSS à moyen terme ? À ce jour, les conséquences de la récession sur l’équilibre des comptes de la sécurité sociale ne sont pas encore connues.

M. Pierre Dharréville. Ces textes ne sont pas rien : ils ouvrent et appellent à un vaste débat pour définir comment nous absorbons le choc que nous venons de subir et, éventuellement, ce que nous changeons.

Dans une sorte de confusion, il est proposé de faire porter le fardeau financier de la crise sanitaire à la sécurité sociale – M. le ministre a évoqué le « cantonnement de la dette ». Les raisons données manquent d’étayage. Il s’agit de transférer 136 milliards d’euros de dettes existantes et futures à la CADES.

Vous expliquez que charger la barque serait une garantie. Je ne comprends pas bien en quoi. La CADES est chargée d’amortir les déficits accumulés par différentes branches de la sécurité sociale. Sa dette devait être amortie entièrement à compter de 2024, libérant 17 milliards d’euros de recettes, issues de la CRDS et d’une fraction de la CSG.

Nous le savons, la sécurité sociale a besoin de ressources. Son assèchement a constitué un problème majeur, qui nous a placés dans une situation de dénuement face à cette crise.

J’en profite pour signaler que certains des amendements que j’avais déposés au nom de mon groupe, afin de déterminer des ressources supplémentaires, ont été jugés irrecevables car sans lien avec le texte. Je le mentionne car il ne s’agit pas aujourd’hui de se contenter d’être pour ou contre la proposition du Gouvernement.

Le confinement a entraîné une forte contraction de la masse salariale sur laquelle les cotisations sociales sont assises, du fait de l’arrêt de nombreuses activités économiques. Les recettes se rétractent également en raison des mesures de soutien aux entreprises. Dans le même temps, le Gouvernement a dépensé davantage pour faire face à la crise sanitaire, engageant 8 milliards d’euros supplémentaires pour l’achat de matériels hospitaliers, les primes des soignants et la prise en charge des arrêts maladie.

C’est en quelque sorte le retour du « trou de la sécu », une mise en scène qui peut servir à l’avenir à justifier des plans d’économies futures et des compressions dans la sphère sociale, sous couvert d’impératifs budgétaires. Cette option de transfert de dette permet au Gouvernement de maintenir sous pression les dépenses pour de longues années, avec une dette élevée.

Le Gouvernement aurait pu choisir de faire porter cette dette par l’État, considérant qu’il s’agit d’une dette exceptionnelle qui résulte non pas d’une mauvaise gestion dans les différentes branches de la sécurité sociale, mais de décisions prises par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire, d’autant qu’elles ont été très peu discutées avec les partenaires sociaux. L’arrêt administratif de plusieurs activités économiques à la suite du confinement en est un exemple. Le transfert de la dette à la CADES prive la sécurité sociale de recettes supplémentaires.

En mélangeant la question de la dette sociale avec celle de la perte d’autonomie, ce projet de loi vient préempter la nécessité d’une réflexion plus large sur l’élargissement du financement de la sécurité sociale – j’en profite pour regretter qu’il soit examiné en procédure accélérée, ce qui devient une habitude –, élargissement dont la période que nous venons de traverser a montré combien il était nécessaire, pour couvrir les besoins sanitaires et sociaux, et mieux nous protéger à l’avenir.

Il s’agit ensuite d’apporter des moyens supplémentaires à la prise en charge de la perte d’autonomie. C’est évidemment un sujet majeur, et les drames que nous avons connus, pendant la crise sanitaire et avant, exigent une réponse vigoureuse. Or je crains que cette annonce, que vous voulez tonitruante, de la création d’une cinquième branche reste en deçà des besoins tels que les a identifiés le rapport Libault et ne soit en réalité qu’un trompe-l’œil. Mieux identifier les besoins et mieux y répondre ne passe pas nécessairement par la création de cette nouvelle branche, et donc le découpage de l’assurance maladie : la perte d’autonomie résulte d’une aggravation de l’état de santé, et doit donc, en tant que telle, relever de l’assurance maladie. C’est d’ailleurs le cas actuellement, la perte d’autonomie étant majoritairement financée par l’assurance maladie, au titre de la prise en charge des soins des personnes dépendantes.

La création de cette cinquième branche s’accompagne non seulement d’un risque de fiscalisation rampante de la sécurité sociale mais également du risque de voir se développer un nouveau marché de l’assurance complémentaire. C’est donc un sujet qui ouvre de vastes débats, mais je crains que tout ne continue comme avant.

Mme Annie Vidal. Ces deux textes fondamentaux vont permettre à la fois de réaliser l’indispensable transfert de dette à la CADES, redonnant ainsi des capacités de financement à l’ACOSS, et d’ancrer la création d’un cinquième risque ou d’une cinquième branche au sein du régime général de la sécurité sociale. Ils feront date dans l’histoire de la sécurité sociale.

La création d’un cinquième risque ou d’une cinquième branche, outre qu’elle donnera plus de visibilité au financement de la dépendance et de l’autonomie servira de socle à la loi « grand âge et autonomie », dont l’ambition est notamment de renforcer les prestations à domicile pour préserver l’autonomie et de revaloriser la position des professionnels du secteur du grand âge, sans lesquels nous ne pourrons rien.

Pour les revalorisations salariales, pouvez-vous réaffirmer votre engagement et nous donner un calendrier prévisionnel ?

En ce qui concerne les prestations à domicile, s’agira-t-il de mieux couvrir la prise en charge de la dépendance pour les personnes âgées et en situation de handicap, c’est-à-dire déjà dépendantes et donc déjà prises en charge, ou la perte d’autonomie sera-t-elle reconnue comme un risque à part entière, susceptible de concerner les personnes âgées autonomes qui pourraient être confrontées à la perte d’autonomie ? Dans ce dernier cas, il s’agirait d’une approche préventive permettant d’accompagner l’important vieillissement démographique de la population.

Mme Christine Pires Beaune. L’époque où la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un retour à l’équilibre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse est fort loin. D’autant que, de manière regrettable, votre doctrine relative aux relations financières entre l’État et la sécurité sociale consiste à ne pas compenser certaines mesures d’exonération de cotisations ou de baisse des prélèvements sociaux, ce qui, pour la seule année 2019, a pesé à hauteur de 5 milliards d’euros sur le budget de la sécurité sociale, lequel, sans cette doctrine, aurait été excédentaire dès l’année dernière.

Vous êtes sur le point de prendre une décision inacceptable consistant à faire peser les mesures d’urgence, que vous avez instaurées pendant la crise – et que nous soutenons – sur les comptes de la sécurité sociale et de l’UNEDIC. Ces deux textes visent en effet à reporter de 2024 à 2033 la date de fin de remboursement, afin d’organiser de nouveaux transferts pour un montant total de 136 milliards d’euros.

Ce choix, ni la CNSA ni la Fédération hospitalière de France ne le partagent, pas plus que les syndicats ou les mutuelles. Tandis que Dominique Libault indique que ce transfert n’a pas de sens, le HCFiPS le laisse entendre, de manière policée, qu’il est du même avis. De manière plus directe, je considère que vous faites une grave erreur, qui va hypothéquer l’avenir de nos assurances sociales en leur faisant supporter ce que l’économiste Michaël Zemmour appelle la « dette covid », dont elles ne sont nullement responsables.

Transférer plus d’une centaine de milliards d’euros de dette sociale à la CADES et à l’UNEDIC, c’est consacrer pendant plus de dix ans des recettes sociales de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros chaque année au remboursement de cette dette, au lieu d’affecter cet argent à combler des besoins sociaux, alors même que cette dette ne coûterait que 1 milliard d’euros si elle était imputée au budget de l’État.

La « dette covid » n’est pas une dette sociale ; c’est une dette exceptionnelle, qui doit être prise en charge par l’État, sinon le « quoi qu’il en coûte » présidentiel se traduira vite en économies « coûte que coûte » pour la sécurité sociale et l’UNEDIC, tout au long de la prochaine décennie.

Je terminerai néanmoins par une note positive et me féliciterai de l’annonce d’une cinquième branche. Cela étant, où est passé l’objectif de réduction du reste à charge ? Est-il toujours d’actualité ?

M. Charles de Courson. Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas déposé un projet de loi de programmation des finances publiques ? C’est une obligation constitutionnelle, puisque le prochain projet de loi de finances rectificative présenté dans deux jours porte à 220 milliards le déficit de l’État et que, d’après M. Darmanin, le déficit prévisionnel des régimes de base de la sécurité sociale hors UNEDIC est estimé à 52 milliards d’euros, à quoi s’ajoutent une dizaine de milliards pour l’UNEDIC.

Pourquoi n’avez-vous pas présenté un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) puisque, dans son avis, le Conseil d’État rappelle qu’il faudra reprendre dans une loi de financement plusieurs des mesures figurant dans les textes que nous examinons ?

Il est assez étrange de présenter des déficits sans qu’on sache quel est le montant des dépenses ni celui des recettes, ce que M. Darmanin a balayé d’un revers de main en nous expliquant que ces recettes et ces dépenses étaient évaluatives. Nous attendons de vous une autre réponse, puisque vous avez intégré dans votre texte un déficit de 92 milliards d’euros pour la période 2020-2023.

M. le ministre. Monsieur Christophe, l’expérience passée montre qu’il est possible, le cas échéant, de ne pas attendre 2033 pour rembourser la dette. En effet, l’extinction de la dette de la CADES était à l’origine prévue pour 2025, mais le dynamisme des recettes de la CSG et de la CRDS ainsi que l’apport de 2 milliards d’euros du FRR nous avait permis d’envisager le remboursement de la dette sociale au 1er semestre 2024. Si d’aventure nous retrouvions le même dynamisme, il serait possible soit de réduire la fiscalité soit d’anticiper le remboursement de cette dette.

En ce qui concerne l’information du Parlement, le projet de loi prévoit un rapport. Par ailleurs, outre les concertations, les annexes du PLFSS seront enrichies et intégreront des chiffres sur les dépenses des collectivités locales.

La reprise de la dette est évaluée à 136 milliards d’euros, car nous anticipons une augmentation des dépenses et des déficits liée à la queue de l’épidémie mais qu’il nous est très difficile de quantifier précisément. D’où, monsieur de Courson, le fait qu’il est encore prématuré de présenter au Parlement un PLFRSS. Nous attendrons donc la rentrée mais vous proposons en attendant ces projets de loi, qui permettent de parer au plus pressé.

Ces 136 milliards représentent la somme des 30 milliards de dette de l’ACOSS fin 2019 et des 52 milliards de la dette sociale liée pour une grosse part au chômage partiel et pour 6 à 8 milliards d’euros à des dépenses de frais de matériel ou à de la surconsommation de soins intégrées dans l’ONDAM. Il faut encore ajouter à cela la reprise de la dette hospitalière avec les intérêts, ainsi que des dépenses prévisionnelles qui n’ont pas encore été réalisées mais dont on peut craindre qu’elles le soient dans les prochaines semaines. La ministre du travail vient d’annoncer que 80 % de la France était au travail : cela veut dire qu’il y a encore bon nombre de Français qui sont au chômage partiel, ce qui a un coût pour les finances publiques.

L’Inspection générale des affaires sociales m’a rendu un rapport sur les modalités de la reprise de dette des hôpitaux. Il n’y aura pas de répartition automatique basée sur l’encours, mais c’est au niveau régional que cela se décidera, en fonction des projets. Ces modalités seront précisées d’ici au PLFSS 2021.

Enfin, monsieur le rapporteur général, sans attendre l’affectation annuelle de 2,3 milliards d’euros par an à partir de 2024 à l’autonomie, une conférence des financeurs doit nous permettre d’identifier des modalités de financement des actions qui vont être mises en place pour la prise en charge de l’autonomie.

Si nous n’opérons pas ce transfert de 0,15 point de CSG de la CADES vers la CNSA dès 2021, c’est qu’il nous faut tenir un engagement important pour la crédibilité des finances publiques de notre pays, qui nous impose de rembourser la dette sociale selon un échéancier précis jusqu’en 2024. Au-delà, le tableau d’amortissement de la dette peut être revu, puisqu’il s’agit en quelque sorte d’une prorogation.

Madame Dupont, vous avez salué la décision historique de créer une cinquième branche. Je tiens, moi, à saluer la détermination et la mobilisation sans faille de l’ensemble des parlementaires sur la perte d’autonomie. C’est grâce à elles que ce beau projet peut aujourd’hui voir le jour, quels que soient les doutes que vous puissiez nourrir sur votre faculté à peser sur les grandes décisions.

Cela m’amène à la question du cinquième risque ou de la cinquième branche : le Gouvernement n’a pas arbitré entre ces deux choix, qui doivent faire l’objet d’un rapport. Dans l’un et l’autre cas, quoi qu’il en soit, il s’agira d’une dépense sociale organisée et structurée, qui viendra consacrer l’engagement pris par le Président de la République de faire appel à la solidarité nationale et non à des systèmes privés par capitalisation pour financer la perte d’autonomie. C’est à l’automne, je le redis, à l’issue de la concertation, qu’auront lieu les discussions sur les recettes.

M. Perrut propose, à cet égard, d’augmenter les cotisations et d’affecter une part de CSG supplémentaire à la perte d’autonomie, au lieu de ponctionner cette part sur l’argent de la CADES. Mais le choix du Gouvernement est clair : nous n’augmenterons pas les impôts et, dans le cadre de la démocratie sanitaire, c’est à une conférence des financeurs qu’il reviendra de déterminer les meilleures solutions de financement, d’ici à 2024.

On ne peut pas dire que l’État ne fait pas d’économies, et encore moins que le financement de la sécurité sociale fait peser le coût de la reprise de dette hospitalière sur les Français. L’État a été et sera fortement mis à contribution pour éponger tout ou partie des dettes inhérentes à la crise épidémique.

Cela étant, les remarques de Boris Vallaud sur le statut de la « dette covid » sont légitimes : revient-il à l’État ou à la sécurité sociale de la prendre en charge ? Ce débat relève du PLFSS et non de ces deux projets de loi qui, à aucun moment, ne tranchent la question.

Par ailleurs, non seulement l’État assume sa part des dépenses inhérentes à la crise, mais, de surcroît, on peut sans doute considérer que les quelque 40 milliards d’euros qui ont financé le chômage partiel sont une dépense sociale, même si la mise en œuvre de cet amortisseur social n’a pas été décidée par la sécurité sociale. Dont acte. Néanmoins, cela posé, il me paraît vain de laisser perdurer une dette de 50 milliards d’euros pendant qu’on mène un débat philosophique pour savoir qui doit l’absorber. Si l’on veut garantir que l’État paie les prestations sociales en temps et en heure, il y a urgence, et faire un transfert à la CADES permettra en outre d’enrichir la protection sociale d’une nouvelle branche ou d’un nouveau risque.

Monsieur Vallaud, vous dites que nous hypothéquons des dépenses sociales, mais quand a-t-on vu, dans notre pays, que l’État, au sortir d’une crise où il joué le rôle d’amortisseur social, ait engagé, comme nous le faisons, une revalorisation sans précédent des salaires de deux millions de soignants ?

M. Boris Vallaud. Pour l’instant, on n’a rien vu !

M. le ministre. Nous finançons en outre la perte d’autonomie, créons une nouvelle branche de la sécurité sociale, reprenons la dette hospitalière et investissons massivement dans la santé. Je pense donc que vous nous faites un faux procès a priori, et je vous invite plutôt à rejoindre le « Ségur de la santé » pour constater ce qu’il en est des dépenses sociales !

En ce qui concerne les établissements de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC), ils sont éligibles à la reprise de dette, dans la mesure où ils ont participé au service public.

Je voudrais également vous rassurer sur le fait que prolonger la CADES jusqu’en 2033 n’a aucune incidence sur le financement des dépenses hospitalières, puisque la CSG, la CRDS et la fraction du FRR qui abonde la CADES ne sont pas des cotisations affectées au fonctionnement courant du système hospitalier. Le Premier ministre, lui-même, a garanti, en ouvrant le « Ségur de la santé » que l’ONDAM allait augmenter.

Monsieur de Courson, n’étant pas ministre des comptes publics, je laisse à M. Darmanin le soin de se prononcer sur la loi de programmation des finances publiques. Quant aux dépenses sociales, je répète qu’il serait vain de vous présenter une copie budgétaire qui ne soit pas propre.

Enfin, le Gouvernement a délibérément fait le choix de ne pas renoncer à certaines dépenses sociales, mais de faire le choix inverse, en engageant de nouvelles dépenses, dont nous aurons d’ailleurs à décider des modalités de financement. Ce sont des dépenses nécessaires, pour les soignants notamment, qui nous ont montré qu’ils méritaient toute l’attention des pouvoirs publics.

La commission spéciale en vient à l’examen du projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie (n° 3019) (M. Thomas Mesnier, rapporteur).

Article 1er : Reprise de 136 milliards d’euros de dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

La commission examine les amendements identiques n° 4 de M. Pierre Dharréville, n° 33 de M. Boris Vallaud et n° 54 de Mme Delphine Bagarry.

M. Pierre Dharréville. J’ai déjà expliqué les raisons de notre opposition à ce transfert de la dette sociale pour un montant de 136 milliards d’euros à la CADES, opération qui permet au Gouvernement de maintenir sous pression pour de longues années les dépenses de protection sociale.

Le Gouvernement aurait pu choisir de faire porter cette dette par l’État, considérant qu’il s’agit d’une dette exceptionnelle, résultant non pas d’une mauvaise gestion des différentes branches de la sécurité sociale, mais de décisions prises par le Gouvernement – et lui seul – pour affronter cette crise sanitaire dont personne ne nie la gravité, ni qu’elle appelait un certain nombre de mesures exceptionnelles.

Ce transfert de dette entraîne de manière mécanique un report de l’échéance d’extinction de la dette sociale. Nous restons opposés à ce choix, d’autant que nous ne sommes pas certains que celui-ci soit vraiment économe pour les finances publiques et sociales.

M. Boris Vallaud. À dette exceptionnelle, traitement exceptionnel ; il faut donc distinguer ce qui relève de la « dette covid-19 », et ce qui relève structurellement de la dette de la sécurité sociale. Le transfert de la dette à la CADES n’apparaît pas comme une bonne solution, parce que l’État emprunte dans de meilleures conditions, parce que la dette sociale n’est pas gérée de la même manière que la dette de l’État, que l’on fait « rouler », et parce que le financement par des impôts proportionnels là où la solidarité nationale devrait être plus largement sollicitée est une erreur. Ce faisant, vous obérez vraisemblablement les capacités à satisfaire aux besoins sanitaires de la nation, tels qu’ils se sont révélés dans la crise, mais aussi tels qu’ils lui préexistaient.

Mme Delphine Bagarry. En revenant sur la fin du « trou de la sécu », nous nous privons d’une capacité d’investissements futurs, et je regrette que la « dette covid-19 » devienne une dette sociale. Cet amendement est le pendant de l’amendement de suppression de l’article 1er du projet de loi organique. Nous avons peu d’espoir qu’il soit adopté, mais nous espérons que les partenaires sociaux ne nous en tiendront pas rigueur et qu’ils continueront de gérer de manière remarquable la sécurité sociale, comme ils l’ont toujours fait, alors que l’adoption d’un tel texte traduit un manque de respect à leur égard.

M. Thomas Mesnier, rapporteur. Vous souhaitez empêcher le transfert – proposé à hauteur de 136 milliards d’euros – de la dette sociale actuellement cumulée par les branches de la sécurité sociale à la CADES.

Cette suppression nous exposerait d’abord à court terme à un risque de trésorerie de la sécurité sociale. L’ACOSS, qui porte actuellement les déficits des branches de la sécurité sociale, sera endettée à hauteur de 90 milliards d’euros d’ici à cet été. En l’absence de versement de la CADES, c’est la capacité des branches elles-mêmes à verser des pensions et des prestations qui est menacée, mettant en péril des revenus pour des millions de Français. Je ne pense pas que vous souhaitiez cela.

À moyen terme, ne pas permettre cette reprise de dette obèrerait par exemple la reprise d’un tiers de la dette des hôpitaux, qui avait pourtant été saluée à l’automne dernier, certains sur ces bancs estimant d’ailleurs qu’elle n’allait pas assez loin.

Enfin, à plus long terme, il n’existe pas de solution alternative satisfaisante. Vous estimez que c’est à l’État de porter cette dette, en plus des 220 milliards d’euros de déficit qu’il va supporter pour l’année 2020. Mais la CADES s’endette déjà à des taux particulièrement attractifs grâce à la signature de l’État, comme l’a rappelé le président de l’établissement public lors de son audition. Fragiliser la dette de l’État, c’est aussi fragiliser la capacité de la CADES à s’endetter, maintenant et à long terme.

Nous privilégions un plan responsable, rendu possible par le sérieux budgétaire avec lequel sont traités les déficits et la dette sociale. Cela n’empêche d’ailleurs pas les investissements dans l’avenir de notre protection sociale, à l’instar du transfert de 2,3 milliards d’euros de CSG inscrit dans le présent projet de loi, et sur lequel j’espère que nous pourrons tous nous retrouver.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable, suivant les arguments déjà exprimés par le rapporteur du projet de loi organique, et à l’instant par Thomas Mesnier.

M. Laurent Saint-Martin. L’amendement n° 33 pose à nouveau la question de savoir si l’État est capable de mieux gérer cet endettement que les caisses sociales, et ainsi d’assurer un meilleur refinancement de la dette.

C’est lorsque les taux d’intérêt sont bas – c’est le cas en ce moment – qu’il faut allonger les maturités. Or, par définition, nous ne pouvons pas disposer actuellement de telles maturités sur la CADES puisque, sa dette étant censée arriver à échéance en 2024, elle ne peut aller chercher que des segments de marché de court terme. Transférer 136 milliards d’euros permet d’obtenir des segments à dix ans et de « locker » les taux pendant une longue période. Si les montants étaient plus faibles, les maturités seraient plus courtes. Cela coûterait un peu plus cher car le taux serait plus élevé à cause des primes de risque ; surtout, on se mettrait dans une situation risquée au cas où une remontée de taux survenait au bout de deux, trois ou quatre ans. On sécurise ainsi des taux zéro qui ne sont peut-être pas les meilleurs – il est possible d’obtenir de meilleurs taux à court terme sur les marchés –, mais sont assurés à dix ans. C’est la meilleure gestion possible du coût de la dette.

La CADES, qui est un acteur classique et reconnu par les investisseurs, peut tout à fait jouer ce rôle, comme le fait l’Agence France Trésor pour la dette de l’État. Elle est certes séparée par caisses mais, aux yeux des Français et du marché, il n’y a qu’une seule dette publique française. La CADES est suffisamment crédible pour amortir et refinancer, parce qu’elle dispose des recettes nécessaires et parce qu’elle a démontré sa capacité à le faire pendant de nombreuses années ; la prolonger en transférant ce montant d’endettement est donc une bonne stratégie en matière de refinancement de l’endettement public.

Non, le transfert à l’État ne constituerait pas une meilleure gestion du refinancement de la dette. La solution proposée est au moins aussi bonne, et elle a le mérite, puisque c’est une dette sociale venue de l’ACOSS et de la dette des hôpitaux, d’être gérée par la sphère sociale. Si sa gestion avait été moins bonne, je vous aurais donné raison, mais ce n’est pas le cas.

M. Charles de Courson. Avant qu’on ne vote sur l’éventuelle suppression de l’article 1er, je souhaiterais obtenir quelques précisions.

D’abord, pourquoi les cinq premiers alinéas de l’article ne concernent-t-ils que le régime général, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ? La CNRACL disparaît d’ailleurs dans la seconde partie alors que d’après l’étude d’impact, elle continue à être déficitaire.

D’après les modalités de transfert déterminées à l’alinéa 12, il s’agit non pas d’une reprise de dette, mais d’une prise en charge en annuités de la dette des hôpitaux. Cependant, il ne s’agit plus seulement des hôpitaux, puisque, selon l’avis du Conseil d’État, du fait d’un risque d’inconstitutionnalité pour rupture d’égalité, toutes les structures participant au service public hospitalier doivent être concernées. Comment allez-vous faire pour les cliniques privées à but lucratif ? Entre une clinique qui a mis en réserve tous ses bénéfices, et une autre qui a tout distribué, la structure de dette est très différente. Pourriezvous nous éclairer sur ce point ?

C’est la première fois que je vois apparaître le concept de provision pour dette. Que signifie ce nouveau concept, fixé à hauteur de 92 milliards d’euros – une bricole ! – alors que l’on ne sait même pas quel sera le niveau des dettes ?

Enfin, et de manière subsidiaire, avez-vous les résultats au 31 décembre 2019 des différentes caisses ? Les comptes définitifs sont-ils arrêtés, pour que l’on détermine le montant exact de la dette, plutôt que de les évaluer à quelques centaines de millions d’euros près ?

M. Boris Vallaud. Du point de vue des taux, il y a une quasi-équivalence entre CADES et État puisque la différence n’est que de 0,1 à 0,3 point. En revanche, la nature de la dette n’est pas la même : pour la CADES, le remboursement porte à la fois sur les intérêts et le capital ; pour l’État, seulement sur les intérêts, le principal étant emprunté. Les crédits qui auraient été libérés par l’extinction de la CADES ne seront plus disponibles. Pendant dix ans, ce sont 10 à 13 milliards d’euros qui devront être remboursés chaque année.

Vous ne vous posez pas la question du mode de financement de la « dette covid » : vous vous en tenez à une simple proportionnalité – le Gouvernement se refuse à créer des impôts supplémentaires sur les gros patrimoines. Pour notre part, nous sommes favorables au recours à la progressivité.

M. Pierre Dharréville. D’ici à la séance, tirons au clair la question du bornage : quels déficits seront intégrés dans le montant global de 136 milliards d’euros ? Qu’en est-il, par exemple, de la CNRACL ? Quelles raisons fondent vos choix ? Vous mettez en avant la volonté de soutenir les efforts d’investissement des établissements publics de santé, or c’est une question qui relève du PLFSS qui ne peut être véritablement débattue dans le cadre de l’examen de ces projets de loi.

M. Laurent Saint-Martin. Monsieur Vallaud, la CADES a 18 milliards d’euros de recettes contre 2 milliards de charges correspondant aux intérêts de la dette, soit un excédent de 16 milliards. D’un point de vue comptable, il n’est pas exact de dire que son extinction libérerait des crédits. Elle créerait du déficit, ce qui n’est pas en soi un problème puisque c’est aussi une source de financement.

Mme Delphine Bagarry. Je suis gênée par le tour éminemment technique que prennent nos débats car ce transfert de la « dette covid » est avant tout une question politique. Le choix a été fait, de manière assez unilatérale, de la faire supporter par la sécurité sociale, or sa gestion diffère de celle de l’État. Je m’interroge aussi sur la reprise de la dette des hôpitaux. Ne devait-elle pas incomber à l’État ?

M. le rapporteur. Que la dette des hôpitaux soit reprise par la CADES me semble tout-à-fait légitime, d’un point de vue technique comme politique. Qui finance les hôpitaux ? Les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), qui relèvent de l’assurance maladie et donc de la loi de financement de la sécurité sociale.

Parmi les dettes transférées de l’ACOSS à la CADES, nous prenons en compte les 31 milliards de déficits constatés au 31 décembre 2019 ainsi que les dettes des hôpitaux publics et des ESPIC. Les cliniques privées à but lucratif sont par essence hors périmètre puisqu’elles n’ont pas vocation à faire de la dette, sinon sur la durée.

Prévoir des provisions pour dettes, c’est faire preuve d’un bon sens de l’anticipation. Ce n’est pas une nouveauté, du reste : en 2010, le législateur avait anticipé les déficits de la branche vieillesse jusqu’en 2018.

M. le secrétaire d’État. Les enjeux d’équilibre structurel du régime de la CNRACL imposent que nous attendions un peu pour décider de son avenir.

Quant aux établissements de santé privés à but non lucratif, je vous confirme qu’ils sont bien intégrés dans le périmètre de la reprise de dette.

M. Charles de Courson. Saisi du projet de loi initial, le Conseil d’État a estimé qu’il comportait un risque d’inconstitutionnalité du fait de la rupture d’égalité qu’il introduisait dans le traitement des établissements participant au service public hospitalier. Vous avez en conséquence élargi le périmètre en retenant la formule d’« établissements de santé relevant du service public hospitalier », ce qui inclut le secteur privé. Pourquoi nous dire que les cliniques privées ne sont pas prises en compte ?

Mme Christine Pires Beaune. Une clinique privée à but lucratif qui vient de distribuer des dividendes au titre de l’année n-1 bénéficiera-t-elle d’une reprise de sa dette constatée pour l’année n ?

Le Conseil d’État vous a demandé d’ajouter les ESPIC, fort bien. Certains, dont je suis, vous demandent également d’intégrer les établissements médico-sociaux, qui eux aussi ont des dettes.

M. Pierre Dharréville. Pour la CNRACL, il faudrait que nous « attendions un peu ». Mais quoi exactement ? J’ai l’impression qu’il y a des velléités de revenir sur ce régime alors qu’il avait été annoncé que ce ne serait pas le cas – le débat sur la réforme des retraites n’est pas si ancien même s’il nous paraît lointain. Il serait dommage que nous votions la loi sans être suffisamment éclairés. Le Conseil constitutionnel nous le reprocherait ensuite.

Mme Caroline Fiat. Certaines cliniques privées ayant consacré des lits à la réanimation pendant la crise sanitaire ont facturé un loyer aux hôpitaux publics. Leurs dettes seront-elles aussi être prises en charge ? Autrement dit, la sécurité sociale devra-t-elle payer deux fois ?

M. le rapporteur. Les établissements privés à but lucratif ne sont pas exclus du périmètre mais ils ne représentent qu’une part infinitésimale des dettes puisque par définition, ils n’ont pas vocation à produire de la dette.

M. le secrétaire d’État. Pour que les choses soient claires, je précise que ne seront concernés que les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels n° 59, n° 60 et n° 61 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement n° 21 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous demandons que des précisions soient apportées sur les déficits repris par la CADES. Les provisions pour dettes intègrent-elles, par exemple, les indemnisations revalorisées des soignants ?

M. le rapporteur. Vos interrogations paraissent légitimes compte tenu de l’incertitude qui entoure les déficits pour la période 2020-2023. Toutefois, les annexes au PLFSS, notamment l’annexe 8 qui donne le détail des recettes, dépenses et soldes pour les organismes ou fonds financés par les régimes obligatoires de base, dont la CADES, apporteront des précisions dès le prochain exercice. Tout n’a pas vocation à figurer dans un décret. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement pout le retravailler.

Mme Bénédicte Peyrol. L’étude d’impact est partielle. Elle ne précise pas ce que recouvrent les 45 milliards de provision pour dettes et se fonde sur une croissance des recettes issues de la CSG et de la CRDS, qui sera peut-être moins rapide que prévu. Je ne manquerai pas de revenir sur ces questions en séance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques n° 10 de M. Jean-Pierre Door et n° 23 de M. Charles de Courson.

M. Xavier Breton. Nous voulons que soit retirée du montant total de la dette reprise par la CADES la part correspondant à la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier, soit 13 milliards d’euros.

Nous ne sommes bien sûr pas opposés au principe d’une reprise partielle de leur dette qui leur permettrait de retrouver des marges de manœuvre mais nous estimons que les moyens retenus ne sont pas adéquats.

La somme concernée devrait faire l’objet d’une compensation par le budget de l’État car elle ne relève pas d’une mauvaise gestion des comptes sociaux ou de la crise du covid-19 mais de décisions politiques que le Gouvernement doit assumer. Il n’est pas honnête d’annoncer une telle reprise pour ensuite faire peser son financement sur les Français, via la CSG ou la CRDS.

Deuxièmement, la reprise de la dette des hôpitaux ne nous semble pas faire partie du champ initial de la CADES.

Enfin, cette procédure risque d’ouvrir une voie dangereuse vers une reprise des dettes d’autres structures financée par du déficit, ce qui ne relève pas d’une gestion saine des finances publiques.

M. Charles de Courson. La lecture de l’alinéa 12 m’a plongé dans des abîmes de perplexité. L’avis du Conseil d’État, en particulier son point 14, n’a fait qu’approfondir mon malaise. Considérant que votre projet initial introduisait une rupture d’égalité, il vous suggérait d’étendre le bénéfice de la mesure aux « établissements de santé privés assurant le service public hospitalier, notamment les établissements de santé privés d’intérêt collectif ». Ce « notamment » montre bien que le champ doit être précisé.

Par ailleurs, compte tenu de la multiplicité des établissements concernés, peut-on confier à un simple décret le soin d’établir les critères de reprise des dettes ? Ceux-ci doivent être objectifs car sur ce point aussi, le contrôle du respect du principe d’égalité s’appliquera.

Je pensais que vous apporteriez des précisions par amendement mais ce n’est pas le cas. Quelle est votre position ?

M. le rapporteur. L’adoption de vos amendements reviendrait à supprimer la reprise de la dette des hôpitaux, promesse faite en novembre dernier et concrétisée par ce projet de loi à hauteur de 13 milliards d’euros. Vous comprendrez que je ne puisse pas y être favorable, d’autant que les hôpitaux ont consenti des efforts historiques au plus fort de la crise sanitaire. Si nous voulons que notre système hospitalier soit en mesure de s’adapter aux nouveaux enjeux de santé publique, la reprise de leur dette constitue la meilleure incitation à l’investissement vertueux.

Vous estimez que la dette des hôpitaux ne fait pas partie du champ de la CADES. Le circuit proposé est pourtant parfaitement orthodoxe au regard des reprises habituelles de dette par la CADES. Les hôpitaux reçoivent leurs recettes par le biais des CPAM, entraînant autant de dépenses pour la branche assurance maladie. Les déficits de cette branche étant portés par l’ACOSS, l’agence pourra, au titre de la couverture de ces déficits, obtenir des versements de la part de la CADES.

S’agissant de la prise en compte des établissements privés, M. le secrétaire d’État a déjà apporté des clarifications.

M. Charles de Courson. D’après l’étude d’impact, il s’agirait non pas d’un transfert de dettes mais d’un mécanisme de prise en charge des annuités. Est-ce bien cela ?

Mme Christine Pires Beaune. Le Gouvernement a-t-il consulté Bruxelles pour s’assurer que la reprise de dettes n’était pas contraire au droit communautaire – je pense à l’arrêt Altmark ?

M. Xavier Breton. Nous ne sommes pas opposés à une reprise partielle de la dette des hôpitaux, c’est simplement le vecteur retenu que nous contestons.

Mme Caroline Fiat. Vous répétez que depuis novembre, promesse a été faite d’une reprise partielle de la dette des hôpitaux publics, mais allez jusqu’au bout, et dites qu’il était prévu que ce soit l’État qui en assume la charge ! Agnès Buzyn n’a-t-elle pas dit devant la commission des affaires sociales qu’elle mettait un point d’honneur à ne pas alourdir la dette sociale quand il était question de cette reprise de la dette hospitalière ? Admettez donc qu’en changeant de ministre, vous avez changé de promesse !

M. le secrétaire d’État. Nous nous accorderons tous pour dire que la reprise de la dette hospitalière est une décision historique. Elle représente un levier majeur pour contribuer à améliorer la situation financière des établissements de santé. Avec un encours de 30 milliards d’euros, la dette des établissements publics de santé constitue une charge annuelle de 900 millions d’euros au titre des intérêts qui pèse sur leurs résultats d’exploitation. Avec 60 % de leur marge consacrés au service de la dette, les hôpitaux ne sont plus en mesure d’atteindre un niveau suffisant pour financer les investissements courants ou structurels. Après remboursement de la dette, leurs ressources sont inférieures à 1 % des produits. Cette situation a conduit à un sous-investissement estimé entre 1 et 1,5 milliard d’euros par an. Les ressources dégagées par la reprise de la dette permettront de soutenir l’investissement hospitalier à hauteur de 1 milliard d’euros par an. J’ajoute, monsieur Breton, que les contribuables seront tout autant sollicités que la dette soit reprise par l’État ou par la CADES.

Les modalités précises seront fixées dans les mois à venir et seront sans doute intégrées dans une disposition du PLFSS 2021. Des discussions sont en cours avec les autorités européennes à ce sujet.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement n° 24 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à supprimer le treizième alinéa de l’article 1er, qui fixe des priorités dans les transferts à opérer, au cas où le seuil de 92 milliards d’euros serait dépassé. Ne nous entravons pas ainsi, déterminons plutôt ces montants chaque année à l’occasion des lois de financement de la sécurité sociale.

Le déficit de la sécurité sociale pour les régimes de base atteindrait cette année 52 milliards d’euros. Avec un plafond fixé à 40 milliards d’euros, il resterait 12 milliards d’euros à financer. Si l’année suivante, nous en sommes à 28 milliards d’euros de déficit, cela ferait 40 milliards d’euros avec le report, autrement dit il n’y aurait plus rien pour les hôpitaux.

M. le rapporteur. Je comprends votre inquiétude, mais j’espère être en mesure de vous rassurer. Le pouvoir réglementaire est chargé par cet article de déterminer, dans la limite d’un montant de 40 milliards d’euros par an, l’échéancier des versements annuels de la CADES vers le régime général, le régime agricole ainsi que la CNRACL. Cette disposition est notamment rendue nécessaire par le soulagement immédiat de la trésorerie de l’ACOSS, l’échéancier permettant notamment de décider d’un versement de la CADES à l’ACOSS d’un montant d’environ 25 milliards d’euros pour 2020.

Le législateur social financier conserve toutefois l’ensemble des pouvoirs dont il est investi par le législateur organique. Il lui revient en particulier d’approuver le montant des recettes affectées à l’amortissement de la dette sociale pour le dernier exercice clos, de rectifier, le cas échéant, l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette et de déterminer cet objectif pour l’exercice suivant. Ces mesures font d’ailleurs partie du monopole des lois de financement de la sécurité sociale.

Le législateur financier seul peut aussi affecter des recettes exclusives de la sécurité sociale à la CADES.

Enfin, le législateur a également à connaître des mesures ayant un impact sur l’amortissement de la dette sociale ainsi que sur les recettes de la CADES dans leur ensemble.

M. Charles de Courson. Mais à quoi sert ce treizième alinéa ? Expliquez-le-moi, monsieur le rapporteur. Il ne vous est pas interdit d’avoir un avis différent de celui du Gouvernement.

M. le rapporteur. Je ne vais pas entrer dans les détails mais la CADES, pour se financer, est confrontée à un problème de profondeur insuffisante de marché.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme Cendra Motin. Cette reprise progressive de la dette sociale est une procédure qui a déjà été utilisée en 2010. Le montant total avait d’ailleurs pu être réduit de 130 milliards à 128 milliards d’euros.

La priorisation proposée par le Gouvernement me semble intéressante. Il s’agit d’abord de prendre en compte les déficits déjà constatés, puis la dette des hôpitaux, enfin la provision pour dette pour la période 2020-2023. Cette année, selon le président du conseil d’administration de la CADES, M. Jean‑Louis Rey, la CADES ne pourrait lever sur les marchés que 20 à 30 milliards d’euros. Elle ne saurait prendre en charge les 136 milliards d’euros d’un coup.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas bien votre argumentaire, chère collègue. Les déficits constatés au 31 décembre 2019 s’élèvent déjà à 31 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent, pour 2020, les 52 milliards d’euros prévus pour le seul régime de base de la sécurité sociale. Ce sont donc 83 milliards d’euros au moins qu’il faudra lever pour la fin de l’année, avant même de commencer à rembourser la dette de 13 milliards d’euros des hôpitaux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 1er bis (nouveau) : Remise d’un rapport sur les emprunts à caractère social

La commission examine l’amendement  55 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Cendra Motin. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de produire un rapport sur l’intérêt pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) d’émettre des social bonds, comme l’UNEDIC l’a fait au mois de mai avec succès. Cela présente notamment l’avantage, pour les investisseurs, d’avoir une meilleure vision de l’utilisation de cet argent en obligeant à une évaluation des politiques sociales financées par ces levées de fonds.

M. Thomas Mesnier, rapporteur. Cette initiative me semble tout à fait intéressante, bien que je ne sois pas sûr de l’intérêt de demander un rapport.

Les produits sociaux sont en effet très attractifs sur les marchés financiers et il me semble que ce type de produits pourrait intéresser la CADES. Un établissement comme le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui a adopté une démarche écologiquement responsable dans sa politique d’émission de fonds, pourrait également bénéficier de l’émission de tels titres. J’émettrai donc un avis de sagesse, en attendant les éléments qui doivent nous parvenir de l’Agence France Trésor.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Avis de sagesse également.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 : Affectation d’une fraction de contribution sociale généralisée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

La commission examine les amendements de suppression n° 16 de M. Pierre Dharréville et n° 49 de Mme Delphine Bagarry.

M. Pierre Dharréville. L’amendement vise à supprimer l’article 2, qui prévoit de transférer une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Non seulement les moyens acceptés sont bien trop faibles au regard des besoins, mais la nature même de ce transfert nécessite une discussion sur la fiscalisation de la protection sociale.

Mme Delphine Bagarry. Mon amendement a le même objet. Cet article aboutirait de surcroît à priver la CADES d’une recette, ce qui ne paraît pas la bonne solution compte tenu des enjeux liés au grand âge. Nous proposerons plus loin d’autres sources de financement.

M. le rapporteur. Cet article prévoit un transfert de 2,3 milliards d’euros de CSG à l’horizon 2024 ; sa suppression reviendrait donc, au prétexte que ce serait trop tardif ou insuffisant, à ne rien transférer du tout... Cette seule raison suffirait à motiver un avis défavorable.

Par ailleurs, nous n’avons jamais dit que ce transfert était pour solde de tout compte. Nous examinons un projet de loi consacré à la dette sociale, que nous allons amortir plus longtemps que prévu pour soulager l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et tenir compte du contexte financier difficile. À l’horizon 2024, nous aurons honoré l’engagement pris en 2010 ; il sera alors temps de reconsidérer le montant que nous souhaitons allouer au remboursement de la dette sociale alors que les recettes auront constamment progressé sur la période.

Ce transfert ne prétend ni tout résoudre, ni clore les débats que nous mènerons sur les financements de ces besoins liés au grand âge et à l’autonomie. Il n’y a ni mise sous pression ni dogme autour de la CADES, la meilleure preuve étant cette clause de revoyure de 2024.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Le groupe La République en Marche est opposé à ces amendements très surprenants. Il y a quelques heures à peine, nous débattions du financement de la cinquième branche et cet article vise précisément à affecter 0,5 point de CSG à la CNSA en 2024. Autant nous pouvons débattre des différentes modalités du financement du grand âge, autant il est étonnant de vouloir supprimer l’une d’entre elles. Nous entendons rester cohérents avec les engagements que le ministre de la santé a pris l’année dernière.

M. Charles de Courson. Cet article est assez étonnant. Au lieu d’envisager une évolution du système de la dépendance, on commence par affecter à la CNSA 2,3 milliards supplémentaires compter de 2024. Pour quoi faire ? En général, on commence par recenser les besoins, les demandes, on peut s’appuyer sur le rapport Libault, élaborer un échéancier, etc. Mais là, on ne sait pas, on verra...

Qui plus est, cela n’interviendra pas maintenant, mais en 2024. Combien d’entre nous seront encore vivants à cette date – politiquement s’entend... ?

M. le président Jean-Paul Mattei. Vous me rassurez !

M. Charles de Courson. Depuis 1980, toutes les majorités ont systématiquement été battues, sauf une fois, et par pur hasard ! Si encore on avait mis le 1er janvier 2022, cela aurait un vague sens, mais 2024, c’est de la pétition pour autrui, du pur affichage ! Tout le monde reconnaît qu’il faut faire quelque chose ; encore faudrait-il savoir comment on le finance, et commencer par le commencement.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement  52 de Mme Delphine Bagarry.

Mme Delphine Bagarry. Cet amendement propose justement de financer la cinquième branche que tous appellent de leurs vœux en créant une contribution sur les successions dès 2021. Non seulement celle-ci aurait l’avantage d’être mobilisable dès 2021, mais son produit serait supérieur à celui de la fraction de CSG attribuée à la CNSA ; qui plus est, elle répond à une logique d’universalité qui permettra de soulager la contribution de chaque personne en perte d’autonomie sans pour autant peser sur les revenus d’activité ni constituer un effort excessif. Cet amendement avait été proposé notamment par la CFDT. La succession est à mes yeux la première cause d’inégalité entre les Français.

M. le rapporteur. Votre amendement propose de créer une contribution de 1 % sur les actifs successoraux afin de financer la CNSA dès 2021, reprenant une piste évoquée depuis longtemps par la CFDT. Nous ne prétendons aucunement avoir épuisé le sujet du financement de la dépendance mais, en l’occurrence, plusieurs raisons me poussent à une certaine prudence.

Pour commencer, vous proposez une assiette très large, au premier euro, qui pourrait pénaliser la transmission des patrimoines les plus modestes. Ensuite, le financement de la cinquième branche implique d’avoir une réflexion globale, y compris sur les recettes de la CADES ou d’autres modes de financement. Même s’il ne faut fermer aucune porte, le débat n’est pas encore mûr.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je suis d’accord avec le rapporteur. De surcroît, les débats fiscaux relèvent plutôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui pourra intégrer les pistes envisagées dans le cadre de la conférence des financeurs. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Cette idée est sympathique, mais combien rapporterait-elle ?

Mme Delphine Bagarry. 2 milliards.

M. Charles de Courson. Pour 2 milliards, t’as plus rien !

Le problème, ce sont les petites successions. Il aurait été préférable de proposer un montant additionnel aux droits de mutation à titre gratuit : car si votre amendement était adopté, les personnes aujourd’hui exonérées de droits – qui représentent l’immense majorité de nos concitoyens – se retrouveraient à devoir payer 1 %. Il faudrait à tout le moins prévoir un seuil...

Mme Stella Dupont. Cet amendement a le mérite d’ouvrir le débat. La taxation des successions est une option parmi d’autres, qui pourront être étudiées dans les prochaines semaines.

Mme Christine Pires-Beaune. Le droit de mutation à titre gratuit doit être réformé. Si je suis favorable à l’affectation d’une partie de son produit à la dépendance, je ne pense pas que les modalités envisagées soient en l’occurrence les bonnes. Le groupe Socialistes et apparentés ne votera donc pas cet amendement.

Mme Delphine Bagarry. Je me doutais que cela allait discuter des discussions, et c’est tant mieux. Ce projet de loi s’intitule « Dette sociale et autonomie »... Il m’a semblé opportun d’en parler, d’autant que l’article précédent propose de financer l’autonomie par un transfert d’une part de CSG à partir de 2024... Tout cela me paraît un peu contradictoire : on veut aller trop vite, mais pas tout à fait quand même... Je tenais à le relever.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements  38 de M. Pascal Brindeau et n° 47 de Mme Audrey Dufeu-Schubert.

M. Pascal Brindeau. L’amendement propose de doubler les ressources de la CNSA issues de la CSG en les portant de 2,3 à 4,6 milliards.

Nous débattons et débattrons du périmètre et du financement de cette future cinquième branche. C’est le rôle des parlementaires de formuler des propositions pour éviter les effets d’annonce et les annonces sans effet. Je mets en garde le Gouvernement et la majorité sur la méthodologie qu’ils avaient adoptée avec la réforme des retraites : nous avons vu comment vous vous êtes pris les pieds dans le tapis et je ne souhaite pas que le résultat soit le même avec celle de la dépendance.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Nous en sommes tous d’accord : la loi « grand âge et autonomie » nécessitera rapidement des financements : en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou à domicile, les moyens en direction des personnes âgées devront être renforcés. Mon amendement propose un transfert de la fraction de CSG de 0,05 point à partir de 2021 avec une montée en charge progressive, pour arriver à 0,15 point en 2023.

M. le rapporteur. Le Gouvernement propose un transfert de 0,15 point en 2024 et il est évidemment très tentant de surenchérir en indiquant une date plus précoce ou un montant plus élevé.

Le débat sur la reprise des ressources de la CADES est légitime. Il ne s’agit pas d’argent magique, mais de celui que les Français pensaient consacrer au remboursement de leur dette sociale et que nous souhaitons réorienter partiellement.

Reprendre une fraction de CSG pour l’affecter à des dépenses nouvelles dégrade comptablement nos comptes publics. L’effet est quasiment invisible lorsqu’on prend une petite fraction, mais je mets en garde : doubler, tripler ou quadrupler le montant repris multiplierait d’autant le problème.

Affecter 4,4 milliards d’euros à la CNSA en 2021 revient à autoriser une hausse de 16 % de ces dépenses, ce qui est considérable. Une telle somme nécessiterait une réflexion stratégique très avancée d’ici le 1er janvier prochain.

Le rapport Libault évoque des besoins de 6 à 10 milliards mais lisons-le jusqu’au bout : ce sont des besoins à horizon de quatre à dix ans et Dominique Libault a lui-même estimé que ces besoins ne seront pas à de tels niveaux en 2021.

L’amendement n° 47 vise quant à lui à transférer la fraction de 0,15 point de CSG de manière progressive d’ici 2023. Le débat de principe me semble assez proche de la question d’une « reprise » complète de cette fraction en 2021. Les modalités sont un peu différentes mais la solution n’est pas complètement satisfaisante.

Du point de vue de la CNSA, le transfert risque d’être un peu « lent » et de laisser très ouvertes les discussions sur les moyens, en 2021 par exemple. Du point de vue de la CADES, même si elle est « programmée », cette lente diminution de ses moyens peut alimenter des inquiétudes inutiles du côté des prêteurs, qui pourraient l’interpréter comme un mouvement continu alors qu’il devrait s’agir d’une mesure relativement claire sur les moyens dévolus à la Caisse.

Pour des raisons différentes, avis défavorable à ces deux amendements.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable à l’amendement de M. Brindeau : M. le rapporteur a tout dit.

Madame Dufeu Schubert, ce projet de loi organise une reprise massive de dette sociale par la CADES afin de la rembourser et d’en décharger la sécurité sociale. Cette démarche bénéficie également à la prise en charge de la dépendance, qui pourra s’organiser dans un cadre d’autant plus serein si le poids de la dette passée n’obère pas l’avenir.

Cette dette nouvelle que nous allons transférer s’ajoutera à celle qui reste à rembourser et qui s’élève aujourd’hui à 90 milliards. Par conséquent, il est indispensable de respecter l’engagement de rembourser la dette déjà transférée en 2024 au plus tard et de préserver les ressources actuelles de la CADES. Réduire dès 2021 ces recettes de plus de 2 milliards ne serait pas un signal responsable en termes de crédibilité financière.

La signature de la CADES est d’une grande qualité sur les marchés financiers, cette solidité reposant notamment sur la garantie de poursuivre l’affectation des ressources nécessaires pour faire face aux échéances de remboursement de la dette. Il n’est pas raisonnable de changer les règles du jeu en cours de route et encore moins dans un contexte marqué par une grande volatilité des marchés. C’est en respectant les engagements passés que la CADES pourra demain rembourser la nouvelle dette, qui sera transférée ainsi à un moindre coût.

Le Gouvernement a entrepris une réforme profonde de la prise en charge du risque de perte d’autonomie et il est prêt à engager les moyens nécessaires. C’est pourquoi le projet de loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur les modalités de création d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de sécurité sociale relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap qui se concrétisera dans le prochain PLFSS ou dès ce texte même si vous adoptez l’amendement du rapporteur, qui propose d’anticiper une partie de ces travaux.

Le Gouvernement a également décidé d’affecter à la dépendance une ressource pérenne supplémentaire de plus de 2 milliards par an à compter de 2024. En outre, une conférence de financement proposera des financements adaptés aux enjeux de la couverture de ce risque dès 2021.

Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Notre objectif est double : stabiliser la dette et financer la cinquième branche. La priorité est de sécuriser le système de sécurité sociale ; pour ce faire, la CADES doit être crédible. Or elle a besoin de ce 0,15 point pour sécuriser sa dette auprès des marchés. Quant à l’autonomie de la Caisse, elle suppose de trouver des financements. Plusieurs pistes sont envisageables, mais cela ne doit pas se faire aux dépens de la sécurisation de la dette.

M. Laurent Saint-Martin. Je suis tout à fait d’accord, monsieur Isaac‑Sibille. Nous sommes tous pressés d’avoir ce débat sur l’autonomie et le financement de la cinquième branche. De fait, dès 2021, se poseront des enjeux de financement et je comprends de ce point de vue l’intention de Mme Dufeu Schubert. Néanmoins, faire les deux en même temps serait contreproductif : en enlevant trop tôt 0,15 point de CSG, avant l’extinction initialement prévue de la CADES, nous nous priverions des meilleures conditions de refinancement. Savoir comment financer à partir de 2021 nous demandera plusieurs mois de travail. Ne nous précipitons pas.

M. Pascal Brindeau. Nous avons bien conscience que le financement de la dette par la CADES n’est pas de l’argent magique : c’est de la dette qui finance le remboursement d’une dette. Du point de vue de l’orthodoxie financière et budgétaire, c’est tout simplement calamiteux. Les collectivités territoriales n’ont d’ailleurs pas le droit de le faire. Cela revient à transférer aux générations futures les dettes contractées aujourd’hui. Il n’existe que trois modes de financement de la dépendance : la dette, l’impôt, auquel cas il faudra être transparents avec nos concitoyens, ou bien l’assurance individuelle, publique ou privée – mais là aussi, il faut dire clairement les choses. Mon amendement visait à trouver un équilibre entre dette, fiscalité et éventuellement système assurantiel, pour peu que l’on considère que les besoins annuels de financement s’élèvent plutôt à 10 milliards d’euros qu’à 6 milliards. Notre proposition n’est sans doute pas idéale et la proposition de ma collègue d’instaurer une progressivité est également intéressante ; en tout état de cause, nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous verrons plus tard.

Mme Audrey Dufeu Schubert. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur et du secrétaire d’État : nécessité d’un climat serein pour les investisseurs, responsabilité du Gouvernement dans le remboursement de la dette et le financement de la cinquième branche. Nous sommes de nombreux parlementaires à travailler sur la question du grand âge et de l’autonomie, et nous souhaiterions être associés à la préparation de cette loi qui promet de marquer le quinquennat. Mon amendement se voulait d’appel et je le retire.

L’amendement n° 47 est retiré.

M. Charles de Courson. Que l’on soit pour ou contre, l’amendement de notre collègue Brindeau est cohérent avec l’article 4. Je ne vois d’ailleurs pas très bien comment le Gouvernement pourra s’en tirer dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le choix de la fin septembre est assez astucieux : la loi sera déjà déposée, cela permettra au Gouvernement d’espérer gagner un an.

M. Bernard Perrut. La question des moyens de financement est au cœur même du débat. Dire « cinquième branche » pour le seul plaisir des mots, cela ne sert à rien si l’on ne parle pas également de son financement. Vous avez raison, madame Dufeu Schubert, de vouloir associer les parlementaires au travail du Gouvernement. Certaines déclarations nous laissent sceptiques : les besoins ne seraient pas aussi importants en 2021 qu’après. Mais aujourd’hui 7 milliards pèsent sur les familles, sous forme de reste à charge. Ce n’est pas rien, surtout quand on les ajoute aux 23 milliards pris en charge par les finances publiques. Il y a urgence à trouver les moyens !

Vous m’avez également inquiété en mentionnant la nécessité d’autres financements et la conférence des financeurs. Vous laissez entendre que vous allez solliciter les départements, qui sont déjà au taquet en matière de financement social. Allez‑vous leur demander davantage ? Avez-vous déjà engagé la réflexion avec l’Association des départements de France ? Nous ne pouvons pas vous suivre sans savoir qui paiera quoi. Nous voulons savoir qui fait quoi, qui paie quoi et pour quoi. Si vous nous apportez des réponses, nous serons enclins à faire avancer la réforme ; sinon, cela signifiera que le cadre restera vide et que, dans les années à venir, nous continuerons, comme un autre sur sa colline, à attendre le financement de la dépendance, sans jamais rien voir venir...

Mme Véronique Hammerer. Les départements seront des partenaires de première ligne. Le plus important est de travailler avec eux sur l’organisation de l’autonomie et son pilotage. Je n’aime pas le terme « dépendance » : je préfère parler de grand âge et d’autonomie, car nous aurons aussi à travailler sur le bien vieillir. En 2024, il faudra 6 milliards, puis 10 milliards. La conférence des financeurs fera des propositions d’orientation ; mais il faudra prévoir un plan à plusieurs échelles. La loi doit nous permettre de définir une vision et non seulement un concept, mais aussi une échelle. La priorité en 2021, c’est le domiciliaire. Laissons la conférence des financeurs et les partenaires sociaux faire leur travail. Nous, nous dessinons une maison à l’intérieur de laquelle les différents acteurs œuvreront. Et le Gouvernement, je l’attends autant que vous, pourra alors nous donner des orientations plus concrètes.

La commission rejette l’amendement n° 38.

Elle examine ensuite les amendements identiques n° 1 de Mme Jeanine Dubié, n° 9 de M. Jean-Pierre Door, n° 27 de M. Belkhir Belhaddad et n° 39 de M. Pascal Brindeau.

Mme Jeanine Dubié. Aucun financement nouveau n’est prévu. Or, depuis des années, les EHPAD demandent des moyens supplémentaires. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement n° 1 de financer la réforme dès 2021 au lieu de 2024 pour répondre aux besoins estimés par Dominique Libault, ainsi qu’aux besoins actuels des EHPAD et des établissements médico‑sociaux. Sans nouvelles ressources, rien ne sera réglé. Par ailleurs, on ne peut pas, d’un côté, vouloir que la dépendance soit reconnue comme un risque social et prise en charge par la solidarité nationale et, de l’autre, continuer à parler des départements : elle relève ou du champ de l’action sociale ou de la solidarité nationale.

M. Alain Ramadier. Nous souhaitons également que la réforme soit financée dès 2021 et non en 2024. Le chantier est urgent. D’où notre amendement n° 9.

M. Belkhir Belhaddad. Le financement de la protection sociale est confronté à deux problèmes majeurs : la diminution des recettes, liée à la faiblesse de la croissance économique puis à la pandémie, et la hausse des dépenses. Les marges de manœuvre sont très faibles, surtout si l’on ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires. C’est pourquoi mo amendement propose de ramener la date prévue pour l’affectation à la CNSA de 0,15 point de CSG de 2024 à 2021, afin de retrouver une échéance compatible avec l’urgence de la mise en œuvre d’une grande loi autonomie.

M. Pascal Brindeau. Mon amendement vise à donner corps à la cinquième branche dès 2021. Ne pas assurer ses financements minimums revient ou à ne rien faire ou à l’endetter par anticipation.

M. le rapporteur. La date de 2024 n’est pas que symbolique : elle correspond au moment où nous espérions voir la CADES disparaître à la suite des engagements liés aux transferts après la crise de 2008-2010. Le Gouvernement a choisi d’en faire la date à laquelle il serait opportun de réinterroger globalement la stratégie de financement, au regard des besoins chiffrés par le rapport Libault. Si j’ai bien conscience que la question d’un transfert dès 2021 a occupé beaucoup de nos échanges lors des auditions et que nous ne devons pas donner l’impression d’une solution d’attente, j’ai aussi relevé la forte inquiétude du président du conseil d’administration de la CADES, qui a estimé qu’un transfert pourrait fragiliser la position de la Caisse vis-à-vis de ses partenaires financiers. Enfin, le texte ne prétend pas clore le débat sur le financement dans les années à venir.

Avis défavorable, même si je comprends bien l’intention de ces amendements.

M. le secrétaire d’État. Je ne voudrais pas qu’on laisse à penser que le sujet de la dépendance et de l’autonomie n’est pas pris en considération, monsieur Perrut : nous allons bel et bien matérialiser une promesse faite par Nicolas Sarkozy en 2007, et réitérée par François Hollande en 2012... Nous créons une cinquième branche ; nous avons prévu des circuits de financement ; le Gouvernement s’est engagé sur un grand projet de loi relatif à la dépendance. Ne laissez pas croire que nous ne prenons pas ce sujet en considération, dès maintenant qui plus est. Une conférence des financeurs sera organisée dès 2021. Toutes les options sont sur la table. Avec l’ensemble des partenaires, parmi lesquels les départements, nous élaborerons les modalités de financement entre 2021 et 2024. Comme je ne veux pas que M. de Courson soupçonne le Gouvernement de malice, un amendement proposera d’avancer la date de remise du rapport de quelques jours, afin de trouver un bon équilibre entre le temps que nous devons laisser aux parties prenantes pour élaborer les modalités de financement et le dépôt du PLFSS.

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. Des sparadraps sur une jambe de bois n’ont jamais servi à rien. Quand on voit l’ampleur de la crise dans nos EHPAD, vous ne pouvez pas dire que des choses ont été faites. Pour atteindre le ratio minimal entre soignants et résidents, il faudrait 8 milliards d’euros, qui n’ont pas été mis sur la table. Si des choses ont été faites, elles sont minimes. Nous avons tous vu l’hécatombe et nous avons tous été conscients que rien n’avait été fait pendant des années, malgré les alertes. Arrêtez de nier l’évidence : rien n’a été fait !

Mme Annie Vidal. Je ne peux pas vous laisser dire que rien n’a été fait. Depuis deux ans, des financements ont été intégrés aux PLFSS pour les EHPAD, qu’il s’agisse du renforcement des équipes de nuit, des médecins coordonnateurs ou des rénovations. Des plans de financement ont été répartis et confiés aux agences régionales de santé. Certes, cela n’est pas suffisant et il y a encore beaucoup à faire ; mais vous ne pouvez pas dire que rien n’a été fait. Par ailleurs, c’est vrai que, dans certains établissements, des situations sont dramatiques, mais dans beaucoup d’EHPAD, des expériences très positives sont menées. Chaque fois que l’on dit que rien n’a été fait, que c’est une catastrophe dans les EHPAD et qu’on les dénigre, on dénigre les professionnels du grand âge et on culpabilise les proches aidants qui s’inquiètent de la qualité de vie de leurs parents. Tout n’est assurément pas rose, mais vous ne pouvez pas dire que rien n’a été fait.

M. Daniel Labaronne. Avant d’être député, j’ai été maire d’une commune de 5 500 habitants et président du conseil d’administration de l’EHPAD local : je peux témoigner que beaucoup a été fait. J’ai pu voir tous les projets financés par l’État et le département. J’ai pu voir la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Dire que rien n’a été fait, ce n’est pas rendre hommage à l’engagement, à l’implication, aux innovations, au dévouement des personnels des EHPAD qui ont œuvré pendant la crise et bien avant, pour que nos seniors puissent vivre dans des conditions acceptables. Je ne peux pas supporter ce genre de propos qui ne reflètent pas la réalité et expriment surtout une méconnaissance totale de la situation dans de nombreux EHPAD. Ce n’est pas entendable.

M. Belkhir Belhaddad. Dire que rien n’a été fait, c’est de la malhonnêteté intellectuelle. En politique comme en sport, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. J’ai entendu les arguments du rapporteur et du secrétaire d’État. Je souhaite que les partenaires sociaux et les parlementaires soient étroitement associés à la construction de l’architecture du projet de loi relatif au grand âge.

L’amendement n° 27 est retiré.

La commission rejette les amendements nos 1, 9 et 39.

Puis elle adopte l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

La commission examine l’amendement n° 17 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Nous proposons de créer une contribution au taux de 1 % sur les successions et donations supérieures à 150 000 euros. Nous avons besoin de financements supplémentaires. Malgré les efforts des gouvernements successifs, nous en sommes toujours à 0,6 soignant pour un résident, alors qu’il en faudrait un pour un.

M. le rapporteur. Votre proposition est intéressante ; elle est d’ailleurs défendue par plusieurs acteurs de la sphère sociale. Les mois à venir nous permettront de progresser sur le financement de la branche que nous nous apprêtons à créer. Cette contribution pourrait gagner à s’insérer dans un panier plus large de recettes.

Avis défavorable, à ce stade.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

Mme Jeanine Dubié. Je comprends votre argument, monsieur le rapporteur. Le seuil de 150 000 euros permet d’éviter de taxer des personnes qui ont un tout petit patrimoine, cette somme correspondant à la valeur d’une maison pour laquelle un couple d’ouvriers a travaillé toute sa vie.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Versement par le Fonds de réserve pour les retraites de la soulte du régime des industries électriques et gazières à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et de 1,45 milliard d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale

La commission examine l’amendement n° 25 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’article 3 comporte deux parties, et je commencerai par la seconde. Le FRR avait originellement vocation à faciliter la réforme des retraites ; c’est seulement après qu’il a été utilisé pour financer la CADES, à hauteur de 2,1 milliards par an. Le FRR a deux composantes : une composante destinée à lisser dans le temps le passage à un régime de retraite unique, qui représente 25 milliards d’euros, et une composante de 4,7 milliards, qui correspond à une partie de la fameuse soulte issue de la réforme des retraites du personnel des industries électriques et gazières (IEG). L’article 3 prévoit de verser ces 4,7 milliards à l’ACOSS d’ici au mois de juillet, laquelle reversera ensuite cette somme par cinquièmes à la CNAV, afin de réduire son déficit.

Permettez-moi de vous rappeler ce qui justifiait cette soulte. La structure démographique des électriciens et gaziers était très différente de celle des salariés du privé : on a donc calculé le surcoût qu’allait entraîner leur intégration au régime général. Or, avec cet article, ce sont les salariés du privé qui, à partir de 2025, vont financer le différentiel, et c’est profondément injuste. Les alinéas 4, 5 et 6 ne sont pas acceptables.

J’en viens à la première partie de l’article, qui prévoit de ramener de 2,1 milliards à 1,45 milliard d’euros le financement de la CADES par le FRR. Pourquoi ce choix ? Il reste 24 milliards dans le FRR : en dix ans, on l’aura épuisé pour rembourser la dette sociale. Il est vrai que ce n’était pas sa vocation première, mais ce n’est pas ce texte qui l’en a détourné...

Pour ces deux raisons, je demande la suppression de l’article 3.

M. le rapporteur. S’agissant, premièrement, de la part de la soulte des IEG gérée par le FRR, il était déjà prévu qu’elle soit rétrocédée à partir de 2020 : nous ne faisons donc qu’avancer cette rétrocession. D’un montant initial de 3,06 milliards d’euros, elle atteint désormais 4,9 milliards d’euros, après une valorisation, sur quinze ans, d’environ 3,4 %, ce qui souligne la dynamique de l’investissement du FRR.

Ce versement anticipé permettra, comme les mesures examinées à l’article 1er, de soulager la trésorerie de l’ACOSS. Je vous rappelle qu’à l’heure où nous examinons ce projet de loi, le plafond d’endettement de cette agence, qui ne peut émettre des titres qu’à une maturité infra-annuelle, a été relevé à hauteur de 95 milliards : ce niveau d’endettement historique expose l’agence à un risque de liquidité ou de hausse des taux sur des marchés financiers parfois volatiles, qu’il nous faut absolument parer.

S’agissant de la contribution du FRR à la CADES, nous pourrons effectivement en revoir le montant en PLFSS, si les conditions s’y prêtent. Je fais toutefois crédit au Gouvernement de prévoir un plan de financement crédible pour la CADES jusqu’en 2033, cohérent avec le montant des réserves du FRR, qui s’élèvent aujourd’hui à 30 milliards d’euros environ.

La suppression de cet article entraînerait des risques financiers réels pour la sécurité sociale et le versement des pensions et prestations : j’émettrai donc un avis défavorable sur votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

M. Charles de Courson. Il était effectivement prévu que la soulte soit utilisée à partir de 2021, mais pas dans les conditions que prévoit l’article 3 ! Là, vous brûlez vos cartouches ! Le différentiel démographique était étalé dans le temps et le versement devrait correspondre au différentiel démographique, année après année, jusqu’à extinction de la soulte, puisque c’est ainsi qu’elle avait été calculée. Or ce n’est pas en 2025 que la dégradation du rapport démographique du régime général lié au basculement des IEG prendra fin.

Que vous versiez cette somme à l’ACOSS pour soulager sa trésorerie, pourquoi pas ? Mais le reversement par cinquièmes entre 2020 et 2025 fait qu’à partir de 2026, ce sont les salariés du privé qui supporteront le différentiel démographique.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel n° 62 du rapporteur.

L’amendement n° 48 de M. Belkhir Belhaddad est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination n° 63 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Rapport au Parlement sur la création d’un cinquième risque ou d’une cinquième branche en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

La commission examine, en discussion commune, l’amendement n° 53 de Mme Delphine Bagarry, les amendements identiques n° 45 du rapporteur, n° 56 de M. Cyrille Isaac-Sibille, n° 57 de M. Paul Christophe et n° 58 de Mme Audrey Dufeu Schubert, qui font l’objet des sous-amendements n° 64 de M. Brindeau et n° 65 de M. Belkhir Belhaddad, ainsi que les amendements n° 50 de Mme Delphine Bagarry et n° 40 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Mme Delphine Bagarry. Avec l’amendement n° 53, nous entendons prendre acte de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale en modifiant l’article L. 111‑1 du code de la sécurité sociale pour y introduire la notion de « service de prestation pour l’autonomie ».

M. le rapporteur. C’est un honneur, sur le premier texte que je rapporte après avoir été élu rapporteur général de la commission des affaires sociales, que de présenter l’amendement n° 45.

Il tend à modifier l’architecture de la sécurité sociale du XXe siècle pour y adjoindre une cinquième branche, gérant la couverture d’un cinquième risque : la perte d’autonomie. Cette nouvelle branche doit garantir la prise en charge optimale de nos aînés, ainsi que des personnes en situation de handicap. La création de cette branche est en discussion depuis longtemps – on a rappelé les promesses faites en 2007, puis en 2012 –, mais jamais le législateur n’avait franchi le pas. Je suis fier d’appartenir à la majorité qui aura inscrit l’effort de la sécurité sociale en faveur de l’autonomie dans le marbre de la loi.

Que va apporter la création d’une branche et la reconnaissance d’un risque ?

En premier lieu, une meilleure identification de l’effort national réalisé par la puissance publique en faveur de cette prise en charge. Nous connaissons tous la complexité du financement de ce qu’on appelle communément la dépendance, qui associe l’État, la sécurité sociale, notamment la CNSA et, bien sûr, les départements. La branche « autonomie » se caractérisera par un ensemble de dépenses et de recettes, et donc par la construction d’un solde, qui permettra au législateur, chaque année, d’estimer l’effort de la sécurité sociale en faveur de l’autonomie.

La construction d’une branche, ensuite, impliquera une nouvelle architecture. Si le champ du financement comme des dépenses reste inchangé, il nous reviendra d’imaginer la forme que pourra prendre la couverture du risque de dépendance. Sans empiéter sur la compétence des départements, qui concilie expertise et proximité, la création d’une nouvelle branche suppose, à tout le moins, l’identification d’une tête de réseau, vraisemblablement la CNSA, et d’un circuit de financement unifié et autonome.

C’est le sens du rapport que nous demandons au Gouvernement, parallèlement à la consultation des partenaires sociaux qui a lieu en ce moment même. Un chantier important nous attend pour les mois qui viennent, puisque nous devrons définir le périmètre et le fonctionnement de cette cinquième branche de la sécurité sociale.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Comme le rapporteur, je suis ému de présenter l’amendement n° 56, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés.

Je souhaite vivement que la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale soit votée à l’unanimité. Certains collègues ont posé la question de son financement, mais il reste beaucoup d’autres choses à définir : l’organisation de la branche, la prise en charge de la prévention, la gouvernance, les métiers, le regard que l’on pose sur les personnes âgées... Pour moi, ce serait un symbole très fort si tous les groupes votaient la création de cette cinquième branche, si nous retrouvions l’unanimité qui, en 1945, allait des communistes aux gaullistes. Nous n’en votons que le principe ce soir, mais ce serait un message fort si nous le faisions ensemble.

M. Paul Christophe. L’amendement n° 57 est l’aboutissement d’un long travail : il s’appuie sur les rapports Libault et El Khomri et sur les auditions que nous avons menées autour de ce projet de loi. Pour la première fois depuis 1944, une loi vient créer une nouvelle branche dans le code de la sécurité sociale : c’est un acte fort. Maintes fois promise, et toujours repoussée, la création d’une branche en faveur des personnes en situation de dépendance sera enfin gravée dans le marbre. Elle obligera le Gouvernement à trouver des moyens de financement à la hauteur des enjeux. Ce projet de loi est une première pierre et nous devrons poursuivre cet effort en faveur de l’autonomie. Pour l’heure, nous pouvons nous réjouir que cet engagement maintes fois repoussé soit enfin tenu.

Mme Audrey Dufeu Schubert. L’amendement n° 58 est beaucoup plus qu’un amendement : c’est un acte politique fort, un acte historique. Nous allons par notre vote – que j’espère unanime – inscrire au sein du régime général de la sécurité sociale une cinquième branche qui couvrira les besoins d’autonomie des personnes âgées ou porteuses d’un handicap.

Lorsque la sécurité sociale est née en France en 1945, dans le contexte de l’immédiat après-guerre, il s’agissait de satisfaire les besoins élémentaires des Français. La Constitution de 1946, dans son préambule, rappelle que le devoir d’un État est d’assumer la « protection de la santé ». En 1962, Pierre Laroque se préoccupait déjà des risques liés à l’avancée en âge. Depuis lors, les prestations se sont accumulées et, avec elles, les modes de gouvernance, jusqu’à la création de la CNSA, après la canicule de 2003. Il est temps de revoir l’ensemble du système : la crise du covid-19 a montré la nécessité de disposer, pour le grand âge et l’autonomie, d’un nouveau régime offrant une plus grande visibilité et un véritable pilotage.

Inscrire la politique du grand âge dans la branche « maladie », c’est véhiculer l’idée que la vieillesse serait une maladie. La majorité pense au contraire que la longévité de notre société est une chance. Et c’est par la volonté infaillible de notre majorité que, soixante‑quinze ans après la création de la sécurité sociale, nous allons créer ce soir une cinquième branche de la sécurité sociale, pour l’autonomie. Je rappelle qu’Olivier Véran, au lendemain de sa nomination au ministère des solidarités et de la santé, a débloqué une enveloppe à destination des départements pour renforcer l’approche domiciliaire : c’était un signal fort. Moi qui viens du monde maritime, je peux vous dire que quand le vent tourne, on le sent, et c’est le cas en ce moment !

M. Pascal Brindeau. Le sous-amendement n° 64 vise à avancer au 15 septembre la date limite de remise par le Gouvernement du rapport sur les modalités de mise en œuvre de cette cinquième branche. Il importe que l’ensemble des parlementaires et des acteurs de la politique de l’autonomie puissent examiner les propositions du Gouvernement avant le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

M. Belkhir Belhaddad. Le sous-amendement n° 65 vise également à avancer la date de remise du rapport du Gouvernement, afin que la nécessaire concertation puisse se faire dans de bonnes conditions, avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Delphine Bagarry. Nous pensons qu’il faut davantage qu’un rapport : pour reprendre les mots de M. Bernard Perrut, nous voulons savoir qui fait quoi, qui paie quoi et pourquoi. Nous proposons donc par notre amendement n° 50 d’inscrire dans la loi que « le Gouvernement organise une concertation pour la mise en œuvre d’une cinquième branche de la sécurité sociale sur la dépendance, rassemblant l’ensemble des acteurs concernés et pilotée par les organismes gestionnaires des différentes banches de la sécurité sociale ». La démocratie sociale est une caractéristique importante de la gestion de notre sécurité sociale : elle doit pouvoir s’exprimer, non seulement sur son financement, mais sur tous les aspects de son fonctionnement.

M. Cyrille Isaac-Sibille. L’amendement n° 56 était celui du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés. Mon amendement n° 40 avait été déposé à titre personnel et je tiens à remercier les collaborateurs qui m’ont aidé à le rédiger.

M. le rapporteur. Je suis favorable aux deux sous-amendements identiques et aux amendements nos 45 et identiques, et défavorable aux amendements concurrents.

M. le secrétaire d’État. Nous attendions tous ce moment, nous nous sommes tous battus et, ce soir, nous créons enfin la cinquième branche de la sécurité sociale, qui va apporter plusieurs avancées.

Premièrement, nous envoyons un signal fort aux Français : la perte d’autonomie entre dans le champ des risques reconnus par la sécurité sociale. C’est un signe de l’adaptabilité de notre État social : il n’est pas figé, il évolue avec son temps et avec les besoins de nos concitoyens.

Deuxièmement, nous allons sécuriser le financement de la perte d’autonomie en créant une nouvelle recette. Celle-ci ne sera pas suffisante pour faire face au mur démographique qui se profile devant nous et nous devrons définir un « mix » de financement public, nécessairement complexe et évolutif. Mais nous aurons un financement autonome et sécurisé. Le Gouvernement est ouvert à toutes les options et il en débattra avec vous dans les semaines qui viennent.

Troisièmement, nous allons améliorer considérablement l’information des Français et des parlementaires sur les montants en jeu et sur leur affectation. Chaque année, nous produirons une information consolidée, normée, dans le cadre de l’examen du PLFSS. C’est un enjeu démocratique que je voulais souligner.

Pour l’ensemble de ces raisons, je suivrai l’avis émis par le rapporteur.

M. le président Jean-Paul Mattei. Je précise que l’adoption des amendements n° 45 et identiques fera tomber tous les autres amendements déposés sur l’article 4.

Mme Annie Vidal. Nous sommes le 8 juin 2020 : cette date va marquer l’histoire de la sécurité sociale, puisque nous sommes sur le point – à l’unanimité, je l’espère – de voter l’amendement du rapporteur, qui va créer une cinquième branche et un cinquième risque. Il augure et témoigne de la volonté du Gouvernement et de notre commission de présenter une loi ambitieuse sur le grand âge.

Il y a deux ans, je concluais un rapport sur l’évolution de la démarche qualité au sein des EHPAD en disant que toutes les mesures que nous pouvons prendre n’auront de sens que lorsque nous changerons notre regard sur les personnes âgées – ma collègue Audrey Dufeu Schubert a elle aussi rédigé un excellent rapport sur ce sujet. Ce soir, avec l’adoption de ces amendements, nous montrons que nous sommes capables de changer le regard que nous posons sur les personnes âgées. C’est un message très fort que nous adressons à nos concitoyens.

M. Xavier Breton. J’avais déposé un amendement qui va tomber et qui visait également à avancer la date de remise du rapport. Le Gouvernement se ménage toujours des délais très confortables, alors que les partenaires sociaux et les parlementaires doivent généralement travailler dans des délais très contraints – c’est encore le cas pour l’examen de ce texte. L’Assemblée des départements de France avait demandé que la date de remise du rapport soit avancée et le sous-amendement de Pascal Brindeau va dans le bon sens.

Mais je voudrais inciter mes chers collègues de la majorité à faire preuve d’un peu plus de modestie et de retenue. Vous dites que ce texte est historique mais vous devriez tirer les leçons des expériences passées : nos concitoyens ne sont pas dupes des effets d’annonce et de l’affichage. Quand ils vont apprendre que pas un euro de plus ne sera versé avant 2024, leur enthousiasme va faiblir. Quand ils vont constater que vous ne répondez à aucune des questions posées par Bernard Perrut – qui fait quoi, qui paie quoi et pourquoi ? –, vos grands discours sur la date historique du 8 juin vont faire un flop. Cela fait des années que nous avançons sur ce chemin difficile, plusieurs d’entre nous ont fait des propositions et nous souhaitons tous y arriver. Mais de grâce, arrêtez vos envolées lyriques !

M. Charles de Courson. Dans le texte gouvernemental, il était question des « modalités de structuration financière d’un risque ou d’une branche ». L’amendement du rapporteur a remplacé « ou » par « et », puisqu’il y est question d’un nouveau risque « et d’une nouvelle branche de sécurité sociale ». Que signifie ce changement du « ou » en « et » ?

M. Pierre Dharréville. La question de notre collègue est un peu symptomatique de la précipitation ambiante... J’ai un peu l’impression que vous vous faites un film et que vous vous faites plaisir ; mais sur le fond, vous en restez à des slogans dont j’ai appris, tant ils sont discutables, à me méfier. Comment en effet vous faire confiance lorsque vous annoncez une révolution sociale attendue alors que vous avez plusieurs fois mis à l’ordre du jour la dégradation de la protection sociale ?

Au-delà, ce projet soulève des questions touchant à la philosophie même de l’organisation de nos dispositifs sociaux entre ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui relève de la protection sociale.

Comment la prise en charge de la perte d’autonomie sera-t-elle financée ? Jusqu’ici, elle l’a plutôt été, dans le cadre du droit à la santé – au sens de l’Organisation mondiale de la santé, c’est-à-dire un état de complet bien-être physique, mental, et social –, au travers de l’assurance maladie. Quelle sera par ailleurs la part de l’investissement public, qui pourrait relever d’une autre logique de financement ?

La création d’une nouvelle branche pose en fait deux questions, celle du type de droits garantis et de leurs différences avec les droits actuels, à laquelle nous n’avons pour l’instant pas obtenu de réponse, et celle du mode de financement, chaque branche de la sécurité sociale ayant chacune sa propre logique en la matière. Or où allez-vous chercher l’argent ? Nous n’en savons rien. L’assurance maladie, on sait comment elle est financée...

Nos débats de ce soir mériteraient d’être approfondis, et tout le monde s’accordera à reconnaître que nous ne sommes pas au rendez-vous : les choses ne peuvent rester en l’état. Les personnels, comme les familles, l’ont dit et répété, il faut faire autrement et beaucoup plus que ce que nous avons fait jusqu’ici.

Quelle est en outre la raison d’être du rapport prévu par l’amendement du rapporteur ? Je ne comprends pas pourquoi vous décidez sans en disposer. Le changement introduit dans la loi n’a rien de mineur : il mériterait à tout le moins d’être un peu plus instruit.

L’amendement n° 6 que j’ai déposé, mais qui ne sera pas examiné, suggérait d’étudier l’ensemble des hypothèses qui nous permettraient de faire face à ces besoins et à ces enjeux et d’y répondre correctement. Mais visiblement, ce n’est pas l’orientation que vous prenez.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il ne faut pas, à côté des personnes âgées, oublier les personnes handicapées. Jusqu’à présent avait prévalu une théorie causaliste ; nous revenons à la théorie finaliste : il s’agit d’aider toutes les personnes en situation de dépendance.

Si j’entends, chers collègues, le problème financier, pensez-vous qu’au moment de voter les ordonnances de 1945 portant organisation de la sécurité sociale, nos prédécesseurs se doutaient que, quelques décennies plus tard, 470 milliards d’euros seraient dépensés tous les ans ? Non. Sans un peu de folie et d’imagination, on ne ferait rien.

S’il nous faudra construire cet édifice ensemble, nous en avons, ce soir, posé la première pierre.

M. Paul Christophe. J’ai l’impression d’assister à un mauvais procès en paternité... Ne faites pas semblant de ne pas avoir compris : nous inscrivons dans le code de la sécurité sociale quelque chose de fort, qui va nous obliger à la fois à réfléchir tant aux financements, et pas uniquement à l’horizon de 2024, qu’à l’organisation et aux champs de compétences.

Tout cela nous engage et figurera au compte rendu : nous ne pourrons donc pas nous dérober, d’autant plus que les échéances, qu’il s’agisse du 15 septembre ou du PLFSS, vont arriver très rapidement et nous mettront au pied du mur dès avant la fin de 2020. J’accepterai alors que l’on nous fasse un tel procès si nous ne sommes pas au rendez-vous.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le rapporteur, je regrette que le II de votre amendement ait repris la notion de prise en charge de la perte d’autonomie et non celle qui avait été retenue dans le texte originel du projet de loi : l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Ou bien on parle de prise en charge de la dépendance, ou bien on parle d’aide à l’autonomie, mais pas de prise en charge de la perte d’autonomie ! Cela revient à dire que vous voulez prendre en charge la perte d’un droit. J’invite tout le monde à regarder ce qu’est la définition de l’autonomie.

M. le rapporteur. Monsieur de Courson, la création d’une branche implique de facto la création d’un risque à prendre en charge : les deux vont de pair.

Nous serions, selon la droite et la gauche, en train de nous faire des films : or en matière de films, nous n’avons vu, en 2007 puis en 2012, que les bandes-annonces... Avec le financement et la gouvernance, nous aurons probablement une trilogie à écrire, et qui m’est chère... Nous en écrivons le premier opus ce soir, qui commence par un nouvel espoir.

La commission rejette l’amendement n° 53.

Puis elle adopte les sous-amendements identiques n° 64 et n° 65.

Ensuite de quoi, elle adopte les amendements n° 45, n° 56, n° 57 et n° 58 sousamendés.

En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé et les amendements n° 50, n° 40, n° 35, n° 29, n° 41, n°  2, n° 30, n° 44, n° 31, n° 26, n° 6, n° 3, n° 13, n° 32 et n° 37 tombent.

Après l’article 4

La commission est saisie, en présentation commune, des amendements n° 43 et n° 42 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je retire l’amendement n° 43. L’amendement n° 42 répond à un souci de parallélisme des formes avec le dispositif adopté en 1945 en précisant que « la Nation affirme son souhait de soutenir, par la Sécurité sociale, la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ». Si c’est bien de le faire, c’est également bien de le dire.

M. le rapporteur. L’amendement n° 42 propose d’insérer après le I de l’article L. 111‑2‑1 du code de la sécurité sociale, un de ses articles principiels, un I bis rappelant l’attachement de la nation à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Cet ajout est plutôt bienvenu, à ceci près que l’article L. 111‑2‑1 ne couvre pas tous les risques, et notamment pas le risque accidents du travail et maladies professionnelles ni le risque famille. La rédaction appellerait par ailleurs quelques précisions. Je vous propose donc, cher collègue, de le retirer à titre provisoire afin que nous puissions d’ici à la séance mettre au point avec vous-même et votre groupe une rédaction exhaustive.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Soit.

Les amendements nos 43 et 42 sont retirés.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

En conséquence, la commission spéciale demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3067_texte-adopte-commission#

 


– 1 –

   annexe :
personnes auditionnÉEs par LES RAPPORTEURS

 

     Caisse nationale de solidarité pour lautonomie (CNSA) : Mme Virginie Magnant, directrice, et M. Stéphane Corbin, directeur adjoint

     Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) : M. Yann-Gaël Amghar, directeur

     Caisse damortissement de la dette sociale (CADES) : M. Jean-Louis Rey, président du conseil d’administration, Mme Geneviève Gauthey, secrétaire générale adjointe, et M. Philippe Noël, chef du département des opérations de marché

     Fonds de réserve pour les retraites (FRR) : Mme Sandrine Lemery, présidente du conseil de surveillance, et M. Yves Chevalier, membre du directoire

     Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) : M. Dominique Libault, président

     Direction de la sécurité sociale : Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice

     Association des départements de France (ADF) : M. Jean-Michel Rapinat, directeur des politiques sociales

 

 


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2])  Avis du Comité d’alerte n° 2020-1 sur le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, 15 avril 2020.

([3]) Loi n° n° 95-1348 du 30 décembre 1995 autorisant le Gouvernement, par application de l’article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

([4]) Ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

([5]) Loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

([6]) Cette assiette est uniquement diminuée de l’abattement pour frais professionnels de 1,75%.

([7]) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([8]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([9]) Loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([10]) Article 76.

([11]) Article 1er de la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale.

([12]) Décision n° 2010-616 DC.

([13]) Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997.

([14]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([15]) Point de conjoncture, 29 mai 2020.

([16])  Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([17])  Arrêté du 30 mars 2020 fixant le montant pour l’exercice 2020 du financement de l’Agence nationale de santé publique.

([18]) Décret n° 2020-327 du 25 mars 2020 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale.

([19]) Décret n° 2020-603 du 20 mai 2020 portant relèvement du plafond du recours aux ressources non permanentes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Ce second décret prévoit également un plafond de couverture des déficits du régime agricole par des ressources non permanentes à hauteur de 5 milliards d’euros.

([20]) Comptes de la CADES au 31 décembre 2018.

([21]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([22]) International Capital Market Association.

([23]) ICMA 2018, « Social Bond Principles, Voluntary Process Guidelines for Issuing Social Bonds »

https://www.icmagroup.org/ green-social-and-sustainability-bonds/social-bond-principles-sbp/

([24]) Étude de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, avec le cabinet PwC., 15 janvier 2019.

([25]) La dernière émission de titre de la CADES, le 13 mai 2020, d’une maturité de trois ans et d’un montant recherché de 3 milliards de dollars, a entraîné un volume, au moment de la clôture du livre d’ordres, de 8 milliards d’euros.

([26]) Dominique Libault, Rapport sur la concertation « Grand âge et autonomie », 28 mars 2019.

https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/remise-du-rapport-libault-sur-la-concertation-grand-age-et-autonomie

([27]) Annexe 6 de la LFSS 2020.

([28]) Annexe 4, p. 174.

([29]) Pour plus de précisions sur ces points, on pourra utilement se reporter aux commentaires des articles 1er par les rapporteurs sur le projet de loi organique ainsi que sur le présent projet de loi.

([30]) Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel.

([31]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([32]) Id.

([33]) Article 56 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Arrêté du 31 janvier 2005 fixant les paramètres de calcul, le montant et le calendrier des versements de la contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire mentionnée à l’article 19 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 par la Caisse nationale des industries électriques et gazières au fonds de réserve pour les retraites et à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés.

([34]) Rapport annuel 2018 du Fonds de réserve pour les retraites.

([35]) Décret n° 2020-603 du 20 mai 2020 portant relèvement du plafond du recours aux ressources non permanentes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

([36]) Article 30 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([37]) Cette estimation ne tient pas compte du versement de l’annuité 2020 au 27 avril de cette année. Pour rappel, ce versement doit intervenir avant le 31 octobre de chaque année.

([38]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([39]) Rapport annuel 2018 du Fonds de réserve pour les retraites.

([40]) La compétence du conseil départemental dans ce qu’on n’appelait pas encore la « dépendance » remonte en réalité à l’acte I de la décentralisation, et plus particulièrement aux lois n°83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entres les communes, les départements et l’État et 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n°83-8.

([41]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([42]) Laurent Cyterman, « Le rôle du département en matière de prise en charge de la dépendance », Informations sociales, 2010.

([43]) Loi n°2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

([44]) Sur ces recettes, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 2.

([45]) Cour des comptes, « La Caisse nationale de solidarité pour lautonomie : des missions mieux assurées, des progrès à poursuivre », in Rapport public annuel 2018.

([46]) Loi nº 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

([47]) Loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

([48]) Citation du directeur de la CNAM, M. Frédéric Van Roekeghem, mentionnée dans le rapport d’étape « Construire le cinquième risque » présenté par M. Alain Vasselle, sénateur, au nom de la mission commune d’information dépendance (8 juillet 2008).

https://www.senat.fr/rap/r07-447-1/r07-447-156.html#fn160

([49]) Analyse réalisée pour le compte du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, dans le cadre de son rapport Les lois de financement de la sécurité. Bilan et perspectives (novembre 2019).

https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/HCFIPS/2019/HCFIPS%20-%202019%20-%20Rapport%20bilan%20LFSS.pdf.

Cette analyse est également reprise dans une annexe du rapport « Libault ».