Logo2003modif

N° 3071

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, rejetée par le sénat, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outremer,

 

 

Par MAndré CHASSAIGNE

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale (14e légis.) : 1re lecture : 4348, 4403 et T.A. 904.

   2e lecture : 967.

Sénat :  1re lecture : 368 (2016-2017), 315, 316 et T.A. 104 (2017-2018).

 

 


 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Concrétiser la promesse adoptée à lunanimité par la représentation nationale

A. La poursuite résolue et déterminée du chemin tracé en 2017

1. Le constat dressé en 2017 reste malheureusement intact

2. Le contexte de crise économique et sociale éclaire dun nouveau jour la proposition de loi

B. Limpossible statu quo des retraites agricoles

1. Une garantie à 85 % du SMIC non réglée par la réforme des retraites

2. Lindispensable extension aux conjoints et aux aides familiaux

3. La question ouverte du financement

C. Une situation toujours plus alarmante dans les outre-mer

1. La précarité persistante des retraités agricoles ultra-marins

2. Labsence deffet tangible du relèvement du seuil de récupération sur succession dans les outre-mer

II. Répondre à la double urgence des retraites agricoles

A. Lurgence sociale

B. Lurgence démocratique

Commentaires darticles

TITRE Ier Garantir un niveau minimum de pension à 85 % du SMIC et de nouvelles recettes pour le financement du régime des nonsalariés agricoles

Article 1er Mise en place dune garantie « 85 % du SMIC »

Article 1er bis Demande de rapport sur la revalorisation de la garantie minimale de retraite agricole

Article 2 Création dune taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières affectée au régime de retraite complémentaire obligatoire

TITRE II Dispositions en faveur de la revalorisation des pensions de retraites agricoles dans les départements et régions doutre-mer

Article 3 Élargissement de laccès à la garantie « 75 % du SMIC » outre-mer

Article 4 Extension des régimes de retraite complémentaire aux salariés agricoles ultra-marins

Article 5 Compensation financière des organismes de sécurité sociale

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des personnes auditionnées par le Rapporteur


–  1  –

   Introduction

 Jeudi 2 février 2017.

Prolongeant le consensus qui avait prévalu la semaine précédente en commission des affaires sociales, l’Assemblée nationale adoptait en séance publique, à l’unanimité, la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.

Ce vote à l’unanimité ne reflétait pas une union de circonstance ou un accord de façade. Il traduisait, au contraire, un consensus profond et un engagement partagé sur tous les bancs en faveur de la revalorisation des retraites agricoles.

L’union nationale bâtie sur l’enjeu des retraites agricoles relevait ce jour-là de l’évidence, dans une nation où chacun est fils, petit-fils ou arrière-petit-fils de paysan.

 Mercredi 10 juin 2020.

Plus de trois ans après son adoption, la proposition de loi revient en discussion en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Entre-temps, rien n’a changé pour les retraités agricoles, ou si peu.

Le constat dressé à la fin de la XIVe législature est malheureusement intact : la retraite moyenne d’un exploitant agricole s’élève à 700 euros ; les salariés agricoles de Guadeloupe et de La Réunion n’ont toujours pas accès à la retraite complémentaire ; les conjointes des chefs d’exploitation et les aides familiaux restent des oubliés de notre droit.

Traduction inquiétante de cette situation, le niveau moyen d’une pension agricole est désormais inférieur à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et au seuil de pauvreté. Notre système de retraite ne semble plus capable de remplir l’un de ses principaux objectifs : la préservation d’un niveau de vie décent lors du passage à l’inactivité.

 Le statu quo nest désormais plus tenable.

Aux espoirs suscités en 2017 par la consécration de la garantie « 85 % du SMIC » ont succédé la déception, l’attente et l’incompréhension.

La revalorisation des retraites agricoles fut un temps renvoyée à la réforme des retraites, qui s’est avérée ne pas concerner les retraités actuels. De plus, cette réforme est désormais « suspendue ».

La revalorisation est aujourd’hui orpheline de tout support juridique, faute de concrétisation de la revalorisation dans un autre texte de loi.

Les différentes alternatives proposées par le Gouvernement et la majorité ne sont ni justifiables – plus de trois ans après l’adoption de la proposition de loi – ni souhaitables – la garantie « 85 % du SMIC » associée à la retraite complémentaire des exploitants agricoles ne relevant par exemple pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).

 Lexamen de cette proposition de loi en deuxième lecture sappuiera sur la même démarche que celle ayant prévalu en 2017.

Une démarche d’ouverture, qui associe l’ensemble des groupes parlementaires aux travaux du rapporteur et à l’organisation de ses auditions.

Une démarche de concertation, qui s’appuie sur l’audition des représentants des retraités agricoles, des organisations représentatives agricoles et des ministères concernés.

Une démarche de responsabilité, qui propose un financement de la garantie « 85 % du SMIC » tout en laissant la possibilité au Gouvernement de définir un financement alternatif en levant le gage financier.

Cette démarche avait favorisé l’unanimité en 2017. Elle est désormais mise en œuvre une seconde fois.

Face à l’urgence sociale des retraités agricoles, il est désormais temps d’agir.

Concrétiser lengagement unanime de la représentation nationale en 2017, prendre nos responsabilités collectivement et rendre aux agriculteurs et aux agricultrices une part de ce que la nation leur doit : voilà le triple objectif qui doit désormais nous unir.

 


–  1  –

I.   Concrétiser la promesse adoptée à l’unanimité par la représentation nationale

A.   La poursuite résolue et déterminée du chemin tracé en 2017

L’examen en première lecture de cette proposition de loi fut l’occasion de dresser un état des lieux aussi complet et fidèle que possible de la réalité des retraites agricoles ([1]).

Cet état des lieux reste intact aujourd’hui, tout en pouvant être éclairé d’un nouveau jour par la crise actuelle que traverse notre pays.

1.   Le constat dressé en 2017 reste malheureusement intact

● L’extrême faiblesse des retraites agricoles constatée en 2017, en comparaison à la fois avec les pensions reçues dans les autres régimes et avec les principaux indicateurs de niveau de vie, n’a malheureusement pas disparu, faute de mesures prises pour y répondre.

Cette faiblesse couvre l’essentiel des retraites agricoles, qui reposent sur un droit spécifique distinguant l’affiliation des non‑salariés agricoles ([2]) et celle des salariés agricoles.

Retraite des non-salariés agricoles et retraite des salariés agricoles

Les retraites agricoles sont calculées à partir dun droit dérogatoire au régime général de la sécurité sociale permettant de tenir compte de lactivité spécifique du secteur agricole.

La retraite des non-salariés agricoles, en premier lieu, cumule une triple retraite forfaitaire, proportionnelle et complémentaire :

– la retraite forfaitaire est ouverte aux assurés dont l’activité non-salariée agricole est exercée à titre exclusif ou principal. Elle est calculée à partir d’un montant forfaitaire multiplié par le nombre de trimestres d’activité, rapporté à la durée d’assurance fixée pour chaque génération ;

– la retraite proportionnelle constitue le second pilier de la retraite de base, reposant sur l’acquisition de points cotisés dont le nombre diffère selon le statut du non‑salarié. Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole valident un nombre de points corrélé à leur revenu. Les collaborateurs et aides familiaux, quant à eux, voient leur cotisation assise sur une assiette forfaitaire ;

– la retraite complémentaire obligatoire (RCO), ouverte depuis 2003 aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole et depuis 2011 aux collaborateurs et aides familiaux, est constituée de droits gratuits et de droits acquis par cotisation.

La retraite des salariés agricoles, en second lieu, est composée d’une retraite de base auprès de la Mutualité sociale agricole et d’une retraite complémentaire auprès du régime AGIRC-ARRCO.

● Les facteurs expliquant la faiblesse des retraites des non-salariés agricoles sont désormais bien connus.

Trois peuvent être avancés à titre principal :

– les paramètres spécifiques de cotisation et de liquidation. Les écarts de cotisation se traduisent mécaniquement par l’acquisition de moindres droits ;

– la fréquence des parcours de carrières agricoles discontinus – notamment pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux –, souvent marqués par de faibles rémunérations ;

– l’incapacité à concrétiser pour tous l’objectif d’une retraite au moins égale à 75 % du SMIC mensuel défini par la « loi Peiro » du 4 mars 2002 ([3]), du fait de la mise en place tardive du régime RCO et en l’absence de ressources suffisantes pour le financer.

● Il en résulte un écart manifeste entre les retraites servies aux non-salariés agricoles et celles servies aux autres régimes, en particulier en comparaison avec le niveau de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et au seuil de pauvreté. Le tableau ci-dessous reproduit ces écarts, à partir des dernières données disponibles.

Montant moyen brut de la pension de droit direct (y compris majoration pour enfants) selon le régime principal d’affiliation (2017)

(montant mensuel en euros)

 

Femmes

Hommes

Ensemble

Tous retraités de droit direct

1 100

1 780

1 420

Retraités de droit direct dun régime de base

1 100

1 790

1 430

Unipensionnés dun régime de base

1 060

1 750

1 360

Salariés du régime général

930

1 710

1 260

Fonctionnaires civils de lÉtat

2 150

2 560

2 310

Fonctionnaires militaires de lÉtat

1 360

1 790

1 750

MSA salariés

550

630

600

Fonctionnaires CNRACL (*)

1 450

1 850

1 520

Régimes spéciaux

1 860

2 250

2 160

MSA non-salariés

530

900

700

Professions libérales

1 270

2 280

1 960

Travailleurs indépendants

510

970

740

(*) Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Source : Commission des affaires sociales, à partir de « Les retraités et les retraites », édition 2019, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

2.   Le contexte de crise économique et sociale éclaire d’un nouveau jour la proposition de loi

La crise issue du covid-19 confirme le sens de cette proposition de loi.

Sans rupture ni effondrement, l’agriculture a tenu durant l’épidémie et a nourri l’ensemble du pays quelles que soient les difficultés de main-d’œuvre ou d’approvisionnement.

La réflexion ouverte sur la prise en compte de la valeur sociale de plusieurs secteurs d’activité et sur la nécessaire revalorisation de métiers indispensables à la cohésion sociale conforte la démarche poursuivie.

Elle légitime, par ailleurs, le choix d’un financement par la solidarité nationale de la garantie de retraite minimale, infime reconnaissance de ce que la nation doit à l’engagement sans faille des travailleurs agricoles durant la crise sanitaire comme tout au long de l’histoire de notre Nation.

Cet engagement vaut non seulement dans leur mission quotidienne de nourrir le pays, mais aussi pour leur contribution essentielle à l’aménagement des territoires ruraux.

B.   L’impossible statu quo des retraites agricoles

L’adoption de la proposition de loi reste indispensable pour concrétiser l’engagement d’une garantie de retraite à 85 % du SMIC, quel qu’en soit le financement.

Elle ne constitue toutefois qu’une étape dans le processus de revalorisation des retraites agricoles, s’agissant en particulier de l’accès des conjoints et des aides familiaux à la garantie de retraite minimale et de la situation toujours plus alarmante dans les outre-mer.

1.   Une garantie à 85 % du SMIC non réglée par la réforme des retraites

● Outre la question du financement, mise en perspective ci-dessous, le principal motif de rejet de la proposition de loi par le Gouvernement au Sénat en mars 2018 fut la question du calendrier.

L’objectif de revalorisation des retraites agricoles est présenté comme partagé mais s’inscrivant dans un calendrier incompatible avec la réforme universelle des retraites, alors en concertation sous l’égide du haut-commissaire M. Jean-Paul Delevoye.

La ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, estima que « la proposition de loi est en effet prématurée au regard du débat qui va sengager sur la réforme de nos régimes de retraite » ([4]).

● Force est de constater que cet argument calendaire s’est depuis effondré, et qu’il ne peut désormais plus être opposé.

Les projets de loi organique et ordinaire instituant un système universel de retraite, tels qu’adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale en mars 2020, ne concrétisent pas cette garantie de retraite minimale pour les retraités actuels. Seuls les retraités liquidant leur pension postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme pourraient bénéficier du dispositif de garantie de retraite minimale.

La réforme universelle des retraites, par ailleurs présentée comme « suspendue », ne règlerait donc pas l’enjeu des retraités d’aujourd’hui, y compris si elle venait à s’appliquer au terme de la navette parlementaire.

La consécration dès aujourdhui de la garantie « 85 % du SMIC » pour les retraités agricoles nest par ailleurs pas incompatible avec les autres projets de retraite minimale. Elle constitue un premier pas indispensable et toujours insuffisant à destination des agriculteurs ayant consacré leur vie à nourrir la nation.

2.   L’indispensable extension aux conjoints et aux aides familiaux

La revalorisation des retraites agricoles doit également trouver une traduction concrète en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

L’enjeu de l’extension de la garantie de retraite minimale à l’ensemble des conjoints collaborateurs et des aides familiaux fut abordé dès la première lecture. Actuellement limitée aux seuls chefs d’exploitation, cette garantie doit bénéficier à l’ensemble de ceux remplissant les mêmes conditions de durée d’assurance et de cotisation.

La concrétisation de cette extension ne peut toutefois pas s’opérer par la présente initiative parlementaire. Outre l’application de la règle dite de « l’entonnoir », qui empêche l’introduction de dispositions nouvelles en deuxième lecture, l’irrecevabilité financière prévue par l’article 40 de la Constitution interdit la création par amendement parlementaire d’une charge supplémentaire pour les finances publiques.

Étendre immédiatement la garantie de retraite minimale au-delà des seuls chefs d’exploitation doit donc relever d’une initiative du Gouvernement, seul habilité à créer une dépense nouvelle lors de la discussion parlementaire. À partir des informations transmises au rapporteur par la CCMSA, le coût annuel de cette extension serait compris entre 1,7 et 2,4 milliards d’euros, selon les critères d’éligibilité retenus.

Lexamen de cette proposition de loi en deuxième lecture sera loccasion de rappeler le caractère indispensable de cette extension, et de prendre des engagements clairs à légard de lensemble des conjoints et des aides familiaux.

L’enjeu de la parité entre retraités agricoles femmes et hommes implique également d’ouvrir, plus largement, le débat relatif à la rémunération des conjoints collaborateurs et des aides familiaux. Bien qu’elle ne soit pas l’objet premier du dispositif retenu dans cette proposition de loi, la redéfinition du statut et des rémunérations des conjoints et des aides familiaux est indissociable de la garantie d’une retraite suffisante, en adéquation avec l’ampleur du travail et des efforts fournis dans la terre.

Dans la logique contributive inhérente à l’assurance vieillesse, notre objectif partagé doit être de garantir une rémunération suffisante qui générera des cotisations en conséquence.

3.   La question ouverte du financement

Le financement de la garantie « 85 % du SMIC » est la traduction de l’approche responsable et équilibrée ayant guidé la préparation de ce texte.

Plutôt que de se limiter au seul « gage tabac », traditionnellement inscrit à la fin des propositions de loi, il fut proposé d’affecter une nouvelle ressource au régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO), dont les perspectives financières étaient alors dégradées.

● La rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait la création dune contribution dassurance vieillesse complémentaire obligatoire prélevée sur les revenus financiers des sociétés liées aux milieux agricoles et agroalimentaires.

Les travaux menés par le rapporteur en première lecture avaient toutefois conduit à écarter cette rédaction, pour faire échec aux deux difficultés juridiques alors opposées au texte :

– l’incapacité à identifier précisément l’assiette de cette contribution, d’une part ;

– le risque d’une rupture du principe constitutionnel d’égalité, d’autre part.

 Laffectation dune nouvelle ressource au RCO fut ensuite adoptée lors de lexamen du texte en commission, sur proposition du rapporteur, sous la forme dune taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières, actuellement fixée à 0,3 %.

Cette nouvelle ressource présente un triple avantage :

– elle met à contribution un secteur aux revenus dynamiques, incarnant clairement la logique de solidarité nationale qui vient rendre aux agriculteurs une part de leur engagement pour l’alimentation de la nation ;

– elle prend appui directement sur une taxe d’ores et déjà existante, éliminant les difficultés d’identification de l’assiette associées à la rédaction précédente ;

– le taux retenu – 0,1 % – suffit à couvrir le financement de la garantie « 85 % du SMIC ».

 La taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières nest toutefois quune option parmi dautres, pouvant être remplacée par toute autre ressource de la solidarité nationale qui serait proposée en alternative.

La rédaction retenue à l’article 2 de la proposition de loi a pour principal mérite de mettre sur la table une option de financement.

Elle ne constitue toutefois en aucun cas un totem.

De manière pragmatique, plusieurs options alternatives de financement furent examinées, mais présentaient chacune des limites plus importantes :

– l’option d’une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) aurait l’avantage de s’appliquer aux acteurs de la grande distribution. Le rendement limité de la TASCOM – 208 millions d’euros en prévisionnel 2020 – rend toutefois cette base insuffisante pour créer une taxe additionnelle couvrant le financement de la garantie « 85 % du SMIC » ;

 celle dune taxe sur le produit de la cessation à titre onéreux des terrains rendus constructibles a été examinée, à partir des travaux menés par la Confédération paysanne. Les terres changeant daffectation constitueraient lassiette de ce dispositif. Le rendement prévisionnel de cette taxe serait toutefois inférieur à 70 millions euros et resterait donc insuffisant pour couvrir le financement ;

– celle d’une taxe sur la grande distribution, enfin, a été envisagée lors des auditions, dans le cadre d’une table ronde consacrée à cette piste de financement. L’économiste M. Denis Durand a précisé les contours que pourrait prendre une contribution sur les revenus financiers des groupes de la grande distribution, ces derniers ayant constitué une trésorerie importante grâce à l’étendue des délais de paiement entre fournisseurs et clients. Cette contribution s’appliquerait aux revenus financiers de ces groupes, à un taux identique à celui retenu en matière de cotisations sociales. À l’inverse, M. Philippe Chalmin, président de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, a souligné les limites d’une telle contribution et la difficulté à identifier précisément la part alimentaire des revenus de la grande distribution. Quelle que soit l’option retenue – financement par les cotisations sociales ou financement par l’impôt –, une ressource devra néanmoins être trouvée pour couvrir le coût de la revalorisation.

 Plus de trois ans après ladoption du texte en première lecture, le temps na pas manqué pour réfléchir à des alternatives, limitant désormais les options au nombre de trois.

Première option : une autre source de financement est proposée par amendement lors de l’examen de la proposition de loi en deuxième lecture. Elle serait alors débattue et, si elle lève les difficultés identifiées par la rédaction actuelle, vraisemblablement adoptée.

Deuxième option : le Gouvernement préfère renvoyer la question du financement de cette proposition de loi au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), en traitant plus globalement la question de l’équilibre du régime RCO. Dans ce cas, l’article 2 pourrait être supprimé, et le Gouvernement lèverait le gage attaché à l’article 5.

Troisième et dernière option : aucune des deux options précédentes n’est sollicitée lors de l’examen en deuxième lecture, ni par un groupe parlementaire, ni par le Gouvernement. La rédaction adoptée à l’unanimité en première lecture resterait la seule solution de financement possible, et serait alors maintenue.

C.   Une situation toujours plus alarmante dans les outre-mer

La situation alarmante des retraites agricoles ultra-marines, déplorée en 2017, conserve toute son actualité en 2020 et justifie le volet ultra-marin de cette proposition de loi.

Le recours à l’ASPA comme option trop souvent avancée pour répondre à cette situation reste inadapté aujourd’hui, comme l’illustre l’absence de résultat tangible associé au relèvement du seuil de récupération sur succession.

1.   La précarité persistante des retraités agricoles ultra-marins

Un non-salarié monopensionné sur deux a une retraite inférieure à 333 euros par mois outre-mer, soit un niveau largement inférieur à la faible médiane de 517 euros déjà constatée dans l’Hexagone.

Inacceptable pour des agriculteurs ayant consacré leur vie à l’alimentation du pays dans des conditions sanitaires souvent dégradées, ce niveau vaut tant pour les non-salariés agricoles que pour les salariés agricoles.

 Concernant les non-salariés agricoles, la mise en place différée du régime de retraite agricole outre-mer a retardé lacquisition de points et donc la constitution de droits.

Cette difficulté concerne tant la retraite de base que la retraite complémentaire :

– le régime de retraite de base a été mis en place tardivement dans les départements d’outre-mer en 1964, soit neuf ans après l’Hexagone. Si les périodes d’activités antérieures à cette date ont été validées gratuitement au titre de la retraite forfaitaire, comme dans l’Hexagone, aucune validation n’est toutefois intervenue pour la retraite proportionnelle ;

– le régime de retraite complémentaire obligatoire repose quant à lui sur un mode de calcul des cotisations spécifique qui se traduit par un effort contributif moindre. Contrairement au droit commun, qui définit le revenu professionnel comme assiette, les cotisations RCO outre-mer sont calculées en fonction de la surface réelle pondérée de l’exploitation. Cette assiette dérogatoire se traduit dans les faits par le versement de cotisations plus faibles et s’accompagne donc logiquement de droits réduits.

 Concernant les salariés agricoles, le régime complémentaire dassurance vieillesse nest pas présent dans lensemble des territoires ultra-marins. Les salariés agricoles ultra-marins sont donc les seuls salariés de France à ne pas tous bénéficier de cette couverture retraite complémentaire, cinquante ans après leur généralisation par la loi.

La généralisation des régimes de retraite complémentaire outre-mer a été actée par la loi du 29 décembre 1972 ([5]). La convention collective nationale du 14 mars 1947 et l’accord du 8 décembre 1961, ayant fondé respectivement l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO), ont alors été étendus par voie d’arrêtés aux départements d’outre-mer en 1975 et 1976.

Les arrêtés d’extension recouvrent le même champ que l’Hexagone, à une exception près : les professions agricoles et forestières.

Le choix a alors été fait de renvoyer l’extension des accords dans ce secteur à l’aboutissement des négociations entre partenaires sociaux. La couverture des salariés agricoles outre-mer est donc subordonnée à la conclusion d’un accord dans chaque territoire.

À ce jour, seuls deux départements d’outre-mer ont procédé à une telle extension : la Guyane en 1999, et la Martinique en 2014.

La situation à La Réunion et en Guadeloupe fut renvoyée, lors de l’examen de la réforme des retraites dite « Touraine », à une demande de rapport du Gouvernement au Parlement, attendu dans les six mois suivant la promulgation de la loi du 20 janvier 2014 ([6]).

Ce rapport ne sera finalement jamais rendu, lÉtat estimant quil ne lui revient pas de se substituer à la carence des partenaires sociaux et préférant renvoyer à la discussion – pourtant « suspendue » – du projet de loi instituant un système de retraite universel.

Le constat dressé en 2017 reste donc dactualité : linégalité initiale entre les salariés agricoles de lHexagone et ceux doutre-mer se double désormais dune inégalité entre salariés agricoles ultra-marins selon leur territoire.

2.   L’absence d’effet tangible du relèvement du seuil de récupération sur succession dans les outre-mer

La loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle dans les outre-mer ([7]) a porté le seuil du relèvement du seuil de récupération sur succession, de 39 000 à 100 000 euros.

Ce relèvement, qui prendra fin le 1er janvier 2027, devait réduire le non‑recours à l’ASPA dans les outre-mer en tenant compte de la dynamique foncière spécifique à ces territoires, résultant notamment de logiques spéculatives.

L’examen de cette proposition de loi en deuxième lecture est l’occasion de dresser un premier bilan de cette disposition.

Les données transmises par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), dont le rapporteur salue la réactivité et l’exhaustivité, font apparaître l’absence deffet favorable du relèvement du seuil de récupération sur succession sur le recours à lASPA.

En effet, si le nombre de bénéficiaires de l’ASPA dans les outre-mer a légèrement augmenté, cela est avant tout la conséquence mécanique – comme dans l’Hexagone – de l’augmentation du niveau de l’ASPA portée entre 2018 et 2020 de 803 à 903 euros. Plus le niveau de l’ASPA est élevé, plus le nombre de retraités devenant éligibles à cette allocation augmente logiquement.

La conclusion de la CNAV est sans ambiguïté : « à partir de 2018, les attributions dASPA augmentent fortement dans les CGSS comme en métropole, mais cela résulte des revalorisations du plafond de lASPA en 2018 et 2019 ».

Évolution du nombre de bénéficiaires de l’ASPA dans les outre-mer

Source : Caisse nationale d’assurance vieillesse, à partir des données des caisses générales de sécurité sociale.

Bien que difficile à mesurer, le non-recours à lASPA reste une réalité particulièrement marquée dans les outre-mer.

Les outils mis en place par la CNAV pour en mesurer le niveau – via des méthodes de « data mining » – ont permis d’interroger directement des personnes âgées qui entreraient dans le champ de l’ASPA mais n’y ont pas recours. Les retours obtenus, qui s’appuient notamment sur les échanges avec cinquante retraités de La Réunion, font apparaître une méconnaissance partielle plutôt que totale de l’ASPA, et identifient la récupération sur succession comme frein majeur, déclaré dès l’entretien téléphonique ou conduisant par la suite à abandonner les démarches.

Le non-recours persistant à l’ASPA dans les outre-mer, et le caractère inadapté de cette allocation pour les retraites agricoles plus généralement, justifient plus que jamais la mise en œuvre des dispositions contenues dans cette proposition de loi.

II.   Répondre à la double urgence des retraites agricoles

La revalorisation des retraites agricoles répond à une urgence à la fois sociale et démocratique, rendant sa mise en œuvre rapide indispensable.

A.   L’urgence sociale

L’urgence sociale de la revalorisation des retraites agricoles n’est malheureusement plus à démontrer.

 600 euros et 700 euros.

Voici les montants moyens respectifs de retraite moyenne d’un ancien salarié agricole et d’un ancien chef d’exploitation, en 2018.

Les chiffres suffisent à eux seuls à illustrer l’extrême faiblesse des retraites agricoles.

L’idée selon laquelle ces faibles retraites seraient, dans la plupart des cas, compensées par l’existence de revenus connexes substantiels issus notamment du patrimoine relève autant du lieu commun que du fantasme. Elle revient, surtout, à légitimer l’inaction et à nourrir la spirale de précarité à laquelle une large partie des retraités agricoles font face.

 Nul ne peut se satisfaire, aujourdhui, dun niveau de retraite agricole inférieur tant au seuil de pauvreté quà lASPA, respectivement de 1 015 euros et 903 euros mensuels.

La revalorisation de l’ASPA a encore davantage creusé cet écart.

Si cette revalorisation constituait un geste fort en direction des bénéficiaires de ce filet de sécurité, elle a toutefois conduit à dégrader un peu plus le niveau relatif des retraites agricoles, ces dernières n’ayant pour leur part pas été revalorisées à cette hauteur.

 Orienter les retraités agricoles vers lASPA nest dailleurs pas une réponse satisfaisante pour les travailleurs agricoles.

Outre l’obstacle symbolique, fondé sur le refus de dépendre des minima sociaux lorsque l’on justifie d’une carrière complète, le non-recours à cette allocation s’explique également par le caractère dissuasif de la récupération sur succession associée.

Dans les territoires ultra-marins, en particulier, où la dynamique du foncier reste très forte du fait notamment de logiques spéculatives, les retraités agricoles choisissent de ne pas recourir à l’ASPA.

B.   L’urgence démocratique

Nul ne pouvait imaginer, à l’origine, que cette proposition de loi reviendrait en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Le consensus rassemblant l’ensemble des groupes parlementaires autour de la revalorisation des retraites agricoles aurait logiquement dû s’accompagner d’une navette rapide entre les deux chambres, pour une entrée en vigueur dès 2018.

Principale illustration de ce consensus, la présente proposition de loi fut adoptée à l’unanimité à trois reprises :

– le 25 janvier 2017 par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ;

– le 2 février 2017 en séance publique à l’Assemblée nationale ;

– le 21 février 2018 par la commission des affaires sociales du Sénat, sans modification par rapport à la rédaction transmise par l’Assemblée.

Il fait peu de doute qu’une telle unanimité aurait de nouveau réuni l’hémicycle du Sénat, le 7 mars 2018, si le Gouvernement n’avait pas eu recours à une arme de procédure contraire aux usages pratiqués lors de l’examen des propositions de loi de groupes minoritaires ou d’opposition.

Finalement examinée le 16 mai 2018 en séance publique par le Sénat, la proposition de loi fut rejetée comme seule alternative possible au vote bloqué. Le retour du texte dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale est alors paru préférable à l’adoption d’un texte vidé et contraire aux engagements pris en 2017.

L’inscription de cette proposition de loi en deuxième lecture est l’occasion de concrétiser enfin, plus de trois ans après son adoption à l’unanimité, l’engagement pris par la représentation nationale devant l’ensemble du monde agricole.

*

*     *


–  1  –

   Commentaires d’articles

TITRE Ier
Garantir un niveau minimum de pension à 85 % du SMIC et de nouvelles recettes pour le financement du régime des non‑salariés agricoles

Article 1er
Mise en place dune garantie « 85 % du SMIC »

Cet article vise à élever à 85 % du SMIC net le niveau minimum de retraite versée aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.

1.   Le dispositif de garantie « 75 % du SMIC »

● La garantie d’un montant minimum de retraite pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole constitue l’objectif initial du régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO).

Ainsi, la loi fondatrice du 2 mars 2002, dite « loi Peiro » ([8]), a fixé pour objectif dans son article 1er de « garantir, après une carrière complète en qualité de chef dexploitation ou dentreprise agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins égal à 75 % du salaire minimum de croissance net ».

Cet objectif est longtemps resté théorique, en l’absence de financements dédiés et d’un mécanisme adapté de versements de points. Il faut attendre la réforme du 20 janvier 2014 ([9]) pour que soient prévues, à son article 35, les conditions de financement et de mise en œuvre de cette garantie « 75 % du SMIC », à partir de l’attribution d’un complément différentiel de points RCO.

● L’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime définit les conditions d’éligibilité et de montée en charge de ce complément différentiel.

S’agissant des conditions d’éligibilité, en premier lieu, le droit en vigueur distingue deux situations selon la date de liquidation de la pension de base du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole :

– pour ceux partis à la retraite avant le 1er janvier 1997, l’accès au dispositif est subordonné à 32,5 années d’activité non salariée agricole et 17,5 années d’assurance en qualité de chef d’exploitation agricole ;

– pour ceux partis à la retraite après cette date, une durée d’assurance
– tous régimes confondus – permettant de bénéficier d’une pension à taux plein et 17,5 années d’assurance en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole devront être justifiées.

S’agissant de la montée en charge du dispositif, en second lieu, le complément différentiel versé aux exploitants a permis d’atteindre le seuil de 75 % du SMIC net en 2017. Deux paliers intermédiaires étaient prévus en 2015 et 2016, respectivement fixés à 73 % et 74 % du SMIC net.

2.   L’élévation de la garantie à 85 % du SMIC

● L’article 1er de la proposition de loi prolonge et amplifie le versement du complément différentiel en portant de 75 % à 85 % du SMIC net le niveau garanti de retraite agricole.

Avec un SMIC net agricole ([10]) de 1 206,44 euros en 2020, le montant de la garantie passerait donc de 904,83 euros aujourd’hui à 1 025,47 euros demain.

L’entrée en vigueur de la mesure, initialement prévue au 1er janvier 2018, devra être reportée par voie d’amendement pour tenir compte du retard pris dans la navette parlementaire.

● Cette mesure est financée par la contribution créée à l’article 2.

Son coût ne peut être évalué en amont que de manière approximative, en s’appuyant sur les hypothèses d’évolution du SMIC net. L’étude d’impact du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites reconnaissait elle‑même la difficulté de procéder au chiffrage précis d’une telle mesure, dès lors que « lestimation du coût de la mesure est très sensible aux hypothèses dévolutions du SMIC et des prix » ([11]).

Une fois ces précautions méthodologiques posées, un chiffrage approximatif de la mesure « 85 % du SMIC » peut être effectué.

Deux effets contraires doivent être gardés à l’esprit : le coût de la mesure augmente mécaniquement à partir d’un effet volume, reposant sur l’élargissement de la base de bénéficiaires ; à l’inverse, le nombre d’exploitants retraités ne cesse de diminuer au fil des années et contient donc cette augmentation.

À partir des informations recueillies par le rapporteur, le surcoût lié à la garantie « 85 % du SMIC » sélèverait à 407 millions deuros en 2021, pour un nombre de bénéficiaires supplémentaires de lordre de 60 000.

Au total, le nombre total de bénéficiaires de la garantie « 85 % du SMIC » s’élèverait donc à 290 000.

60 000 bénéficiaires supplémentaires, jusqu’alors exclus du dispositif car ayant une retraite comprise entre 75 % et 85 % du SMIC, s’ajouteraient directement aux 230 000 bénéficiaires actuels de la garantie « 75 % du SMIC ».

Ce chiffrage, effectué par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, repose sur des hypothèses macroéconomiques de revalorisation des retraites de 1,4 % et d’évolution du SMIC agricole net de 1,38 % en 2021.

La contribution prévue à l’article 2 générera des recettes en conséquence.

*

*     *

Article 1er bis
Demande de rapport sur la revalorisation de la garantie minimale de retraite agricole

● L’article 1er bis prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement consacré aux règles de revalorisation de la garantie de retraite minimale des exploitants agricoles.

Il fut adopté lors de l’examen de la proposition de loi en première lecture à l’Assemblée nationale, sur proposition de Mme Valérie Rabault, alors rapporteure générale du budget de l’Assemblée nationale.

Ce rapport, qui devrait être remis chaque année, au plus tard le 1er septembre, comprend deux volets :

– la présentation de l’évolution du montant de la garantie de retraite minimale versée aux exploitants agricoles et de ses composantes ;

– l’analyse du calcul annuel de l’évolution de ce montant, au regard des règles de revalorisation retenues pour les différentes prestations sociales – notamment la retraite de base –, retenant l’inflation comme mode d’indexation aux termes de l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

● L’ajout de cet article à la proposition de loi est d’autant plus précieux qu’un risque de dégradation relative du niveau de vie des retraités bénéficiant de la garantie minimale existe.

En effet, contrairement à la retraite de base – indexée chaque année sur l’inflation, sauf exception expressément prévue par la loi –, la retraite complémentaire ne bénéficie pas d’une revalorisation annuelle au rythme de l’augmentation des prix.

Chaque revalorisation des retraites complémentaires relève des décisions des organismes en charge de la gestion des régimes – l’AGIRC-ARRCO, par exemple, pour la retraite complémentaire des salariés.

Une dégradation relative de la garantie de retraite minimale en résulte : calculée en fonction du SMIC lors de la liquidation des droits à retraite, la retraite minimale versée n’est pas revalorisée au même rythme et décroît donc en termes relatifs.

Concrètement, la garantie de retraite minimale versée aux exploitants agricoles à carrière complète, qui était de 75 % du SMIC en 2017, est aujourd’hui inférieure à ce niveau.

Ce risque de décrochage, qui ne pourra qu’augmenter avec le temps, pénalisera demain les bénéficiaires de la garantie « 85 % du SMIC », autant qu’il pénalise aujourd’hui ceux de la garantie « 75 % du SMIC ».

*

*     *

Article 2
Création dune taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières affectée au régime de retraite complémentaire obligatoire

Cet article prévoit la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières destinée à rééquilibrer le régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) et à financer la mise en œuvre de la garantie « 85 % du SMIC ».

● Le droit en vigueur prévoit le financement du régime RCO à partir de deux ressources identifiées à l’article L. 732-58 du code rural et de la pêche maritime :

– les cotisations sociales versées par les exploitants ;

– une fraction du produit du droit de consommation sur les alcools.

Contrairement aux ressources identifiées lors de l’examen de la proposition de loi en première lecture, le RCO n’est désormais plus affectataire du produit de la taxe sur les huiles alimentaires ni de la taxe sur les farines. La compensation de la perte de cette recette, qui s’élevait à 130 millions d’euros, passe par l’affectation d’une fraction supplémentaire de TVA de l’État à la sécurité sociale.

La situation financière du RCO s’est légèrement améliorée depuis l’examen de la proposition de loi en première lecture. Aux déficits connus en 2016 et 2017 ont succédé, depuis 2018, des situations d’équilibre ou d’excédents.

Ce retour à l’équilibre du RCO, principalement imputable à la diminution du nombre de retraités agricoles, a conduit l’État à supprimer la dotation budgétaire qu’il lui versait depuis trois ans, à hauteur de 55 millions d’euros chaque année.

Le tableau infra traduit cet équilibre retrouvé mais fragile du RCO, qui légitime d’autant plus la nécessité de trouver un financement adapté aux mesures prévues dans cette proposition de loi. Ces projections devront toutefois être revues, au même titre que celles de l’ensemble des autres régimes obligatoires de sécurité sociale, pour intégrer les conséquences de la crise sanitaire et les pertes associées en recettes.

Réalisations et prévisions comptables du régime de retraite complÉmentaire obligatoire (RCO) depuis 2016

(en millions d’euros)

 

2016

2017

2018

2019*

2020*

Dépenses

806,3

819,7

819,3

818,7

815,5

Recettes

661

806,9

873,8

872,2

872,3

Résultat

– 145,2

– 12,9

+ 54,5

+ 53,5

+ 11,9

Réserves

89

76,1

130,6

184,1

196

(*) Prévisions.

Source : Commission des affaires sociales, à partir des données transmises par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.

● Le financement prévu à l’article 2 de la proposition de loi poursuit un double objectif :

– d’une part, participer à l’équilibre financier du régime RCO ;

– d’autre part, assurer le financement de la garantie « 85 % du SMIC » prévue à l’article 1er de la proposition de loi.

Il prenait la forme, dans la rédaction initiale de la proposition de loi, d’une double contribution d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire prélevée sur les revenus financiers des sociétés liées aux milieux agricoles et agroalimentaires.

● À l’initiative du rapporteur, cet article fut réécrit lors de son examen par la commission des affaires sociales en première lecture.

Le dispositif fut remplacé par une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières.

Inscrite à un nouvel article 235 ter ZDA du code général des impôts, cette taxe répondrait aux mêmes règles d’assiette, de contrôle et de recouvrement que la taxe sur les transactions financières.

Son taux serait fixé à 0,1 % - celui de la taxe sur les transactions financières étant, depuis le 1er janvier 2017, fixé à 0,3 %.

Son produit serait affecté à CCMSA, en charge du financement de la garantie de retraite minimale via sa gestion du RCO.

*

*     *

TITRE II
Dispositions en faveur de la revalorisation des pensions
de retraites agricoles dans les départements et régions d’outre-mer

Article 3
Élargissement de laccès à la garantie « 75 % du SMIC » outre-mer

Cet article facilite l’accès des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ultra-marins à la garantie « 75 % du SMIC ».

1.   L’articulation entre la pension majorée de référence et la garantie minimale de pension

Les exploitants agricoles bénéficient de deux dispositifs spécifiques au régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles qui permettent d’élever le montant de leur pension à un niveau minimum.

● D’une part, une majoration de pension de retraite, dite « pension majorée de référence » (PMR), est versée depuis le 1er janvier 2009 à l’ensemble des non‑salariés agricoles dont la pension de base est inférieure à un niveau défini par décret. Cette majoration permet de porter le montant de la retraite à un niveau minimal fixé respectivement à 690 euros pour les anciens chefs d’exploitation et leurs conjoints survivants et à 548 euros pour les conjoints collaborateurs, les anciens conjoints participant aux travaux et les aides familiaux.

Ce dispositif, prévu à l’article L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime, est similaire à celui de minimum contributif (MiCo) prévu par le régime général.

Deux conditions cumulatives étaient prévues dans le dispositif initial pour ouvrir l’accès à la PMR des assurés liquidant leur pension à taux plein à compter du 1er janvier 2002 :

– attester d’un taux minimal d’incapacité permanente, être reconnu inapte au travail ou ne pas pouvoir justifier d’une durée de cotisation suffisante lors de la demande de liquidation des droits à retraite ;

– remplir une condition de durée minimale d’assurance dans le régime agricole, fixée à 17,5 années.

Cette seconde condition a été supprimée par l’article 33 de la loi du 20 janvier 2014 ([12]).

● D’autre part, un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (RCO) est ouvert aux exploitants agricoles dans le cadre de la garantie « 75 % du SMIC ». Contrairement au dispositif précédent, ce droit n’est pas ouvert aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux aux termes de l’article L. 732-63 du code précité.

● Ces deux dispositifs s’appliquent de manière identique dans l’hexagone et dans les outre-mer.

Afin de clarifier leur articulation, il est prévu que la pension majorée de référence est versée en priorité par rapport au complément différentiel de RCO, aux termes de l’article L. 732-54-3-1 du code précité.

2.   L’extension du bénéfice de la garantie « 75 % du SMIC »

L’article 3 de la proposition de loi vise à faciliter l’accès à la garantie « 75 % du SMIC » aux exploitants agricoles ultra-marins dont la pension est inférieure à un certain niveau.

Il ouvre l’accès à cette garantie aux exploitants dont le niveau de pension est inférieur au seuil de 75 % du SMIC net prévu par l’article 35 de la loi du 20 janvier 2014 précitée après application du dispositif de PMR.

Cette disposition maintient la condition de durée d’assurance permettant l’obtention d’une retraite à taux plein dans le régime d’assurance vieillesse des non‑salariés agricoles. Elle supprime en revanche la condition de durée minimale d’assurance accomplie en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole.

Le régime dérogatoire prévu à cet article se justifie par la situation spécifique des exploitants agricoles outre-mer : la faiblesse des droits ouverts
– résultant notamment des paramètres spécifiques de cotisations – et la mise en place plus tardive des régimes d’assurance vieillesse dans ces territoires rendent nécessaire d’assouplir l’accès au complément différentiel outre-mer.

*

*     *

Article 4
Extension des régimes de retraite complémentaire
aux salariés agricoles ultra-marins

Cet article vise à garantir la couverture des salariés agricoles par les régimes d’assurance vieillesse complémentaire sur l’ensemble du territoire national.

1.   L’inégale couverture des salariés agricoles ultra-marins par un régime de retraite complémentaire

● Le principe de la généralisation des régimes de retraite complémentaire outre-mer a été posé par la loi du 29 décembre 1972 ([13]). La couverture par l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres (AGIRC) et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) est progressivement entrée en vigueur en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion.

Cette généralisation a toutefois laissé de côté les professions agricoles et forestières outre-mer, en rendant facultative l’extension des régimes aux salariés agricoles ultra-marins.

Toute extension est subordonnée à la conclusion d’un accord entre les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés, l’accord faisant ensuite l’objet d’un arrêté d’agrément du ministre chargé de la sécurité sociale, aux termes de l’article L. 911-4 du code de la sécurité sociale.

Deux départements et régions d’outre-mer ont procédé à l’extension des régimes d’assurance vieillesse complémentaire par voie d’accord : la Guyane en 1999 et la Martinique en 2014. Les salariés agricoles de Guadeloupe et de La Réunion ne sont donc aujourd’hui pas couverts par un tel accord.

Cet écart de couverture des régimes d’assurance vieillesse entre les territoires crée une rupture d’égalité manifeste.

● L’absence d’équité dans l’accès à l’assurance vieillesse complémentaire n’a pas été corrigée lors de la réforme du 20 janvier 2014 ([14]).

Son traitement a alors été renvoyé à la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement, prévu dans les termes suivants par l’article 35 de la loi du 20 janvier 2014 :

« Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions compétentes de lAssemblée nationale et du Sénat un rapport sur les retraites des salariés agricoles de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, notamment sur les modalités de mise en place dun dispositif de retraite complémentaire au bénéfice de ces salariés, à linstar de celui créé par la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création dun régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, pour les exploitants agricoles. »

Ce rapport n’a pas été remis. Dans le cadre du rapport sur la mise en application de cette loi de MM. Michel Issindou et Denis Jacquat ([15]), le Gouvernement avait indiqué que ce rapport serait remis au plus tard à la fin de l’année 2016. Tel n’a pas été le cas.

Quatre années après cette nouvelle échéance, le rapport na toujours pas été remis au Parlement. Il ne devrait jamais lêtre.

En réponse aux sollicitations du rapporteur, le Gouvernement a indiqué que « la publication dun rapport sur les modalités de mise en place dun dispositif de retraite complémentaire au bénéfice des salariés agricoles des départements doutre-mer ne serait pas cohérente avec [l’orientation retenue dans la réforme universelle des retraites] ».

2.   Garantir l’accès de tous les salariés agricoles à la retraite complémentaire

En l’absence de correction de ce défaut d’équité entre les salariés agricoles de l’Hexagone et ceux des outre-mer, mais également entre les salariés agricoles ultra-marins, il est aujourd’hui nécessaire d’accélérer le processus de convergence et d’engager l’extension des régimes complémentaires.

L’article 4 de la proposition de loi propose en conséquence de mener à terme l’extension des régimes de retraite complémentaire à l’ensemble des départements et régions d’outre-mer. Il revient à l’État d’engager ce processus en réunissant les organisations syndicales de La Réunion et de Guadeloupe afin de définir les conditions de cette extension. Il en ira de même pour Mayotte.

Lors de son examen en première lecture à l’Assemblée nationale, à l’initiative du rapporteur, la rédaction de cet article fut précisée, afin de permettre à l’État de reprendre la main en cas d’absence d’aboutissement des négociations des partenaires sociaux à La Réunion et en Guadeloupe dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi. En cas de carence des partenaires sociaux, l’État procèderait directement à la généralisation du régime AGIRC-ARRCO à l’ensemble des salariés agricoles.

*

*     *

Article 5
Compensation financière des organismes de sécurité sociale

Cet article précise les conditions de financement des dispositions prévues par la proposition de loi.

Trois mesures ont un impact direct sur le financement des régimes de retraite complémentaire :

– d’une part, l’augmentation à 85 % du SMIC net du niveau minimum de retraite servie aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole impliquera de financer le complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (RCO). Le financement prévu à l’article 2 devrait toutefois y répondre ;

– d’autre part, l’extension de l’accès des exploitants ultra-marins à la garantie « 75 % du SMIC », prévue à l’article 3, générera une charge supplémentaire pour le régime de retraite RCO ;

– enfin, l’extension des régimes de retraite complémentaire des salariés à l’ensemble des départements d’outre-mer impliquera de définir de nouvelles conditions de financement, qui reposeront en premier lieu sur l’effort contributif dans le cadre de cotisations. Le rattrapage des années non cotisées, si un effet rétroactif était retenu, pourrait toutefois justifier la prise en charge par la solidarité nationale d’une partie de l’acquisition des droits.

Pour y répondre, l’article 5 de la proposition de loi pose le principe d’une compensation financière de l’État aux organismes de sécurité sociale. Cette compensation reposera sur l’augmentation à due concurrence des droits pesant sur le tabac mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

*

*     *

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa première séance du 10 juin 2020, la commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, rejetée par le Sénat, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer (n° 967) (M. André Chassaigne, rapporteur) ([16]).

M. André Chassaigne, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission, quarante mois après l’adoption à l’unanimité de cette proposition de loi, à la fin de la législature précédente. Le constat dressé en 2017 n’a pas changé : un chef d’exploitation à carrière complète vit sous le seuil de pauvreté et ne peut pas prétendre à une retraite supérieure à l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Je ne reviens pas non plus sur la navette parlementaire mouvementée, qui contraste avec l’exceptionnel soutien de tous les groupes.

L’examen en deuxième lecture nous donne l’occasion de concrétiser enfin la promesse faite aux retraités agricoles, celle d’une retraite décente, comme reconnaissance de la nation adressée aux agriculteurs ayant consacré leur vie à nourrir le pays et à préserver nos territoires ruraux. La crise que nous venons de traverser a d’ailleurs rappelé l’engagement quotidien et sans relâche des travailleurs de la terre. C’est la promesse également d’une égalité territoriale et sociale, en direction de nos compatriotes agricoles ultramarins trop souvent oubliés et qui ne bénéficient toujours pas, en Guadeloupe et à La Réunion, d’une retraite complémentaire.

Pour concrétiser ces engagements, j’ai choisi de renouer avec la démarche retenue en 2017, la seule à même de construire l’unanimité au sein de notre assemblée. Il s’agit d’abord d’une démarche d’ouverture, associant tous les députés intéressés par les retraites agricoles à mes travaux. La présence de nombreux parlementaires issus de plusieurs groupes lors des auditions traduit bien la force d’un engagement qui relève d’une conviction profonde bien davantage que d’un accord de façade. Le fils d’ouvrier que je suis a souvent été ému par vos témoignages.

Il s’agit également d’une démarche de concertation, en nourrissant un dialogue continu avec l’Association nationale des retraités agricoles de France (ANRAF), les organisations représentatives du monde agricole et les caisses de retraites concernées. Je remercie, à ce titre, la Mutualité sociale agricole (MSA) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) pour leur réactivité dans ces temps compliqués, notamment après la découverte d’un amendement que je n’attendais pas. Il s’agit enfin d’une démarche de responsabilité, en prévoyant des mesures de financement, tout en laissant au Gouvernement la possibilité de lever le gage, s’il estime que d’autres ressources seraient plus adaptées.

Si la démarche est identique, le contexte a en revanche substantiellement changé depuis 2017. Nous devons porter une attention renforcée aux conjoints des chefs d’exploitation, ainsi qu’aux aides familiaux. L’application combinée de l’article 40 de la Constitution et de la règle de l’entonnoir en deuxième lecture ne m’a pas permis d’introduire cette extension aux conjoints par un amendement. Mais nos débats seront l’occasion, je l’espère, de prendre des engagements clairs à l’égard de ces ouvriers agricoles trop longtemps oubliés par notre droit. Ils permettront également d’aborder l’épineuse question de l’écrêtement.

Notre assemblée est le lieu de la confrontation d’analyses dans le respect mutuel, mais encore doit‑on le faire de manière éclairée. Concrètement, si nous adoptons la rédaction proposée par notre collègue Damaisin, le nombre de bénéficiaires de la garantie de retraite minimale passera de 290 000 à moins de 200 000. Les conséquences défavorables de l’écrêtement avaient jusqu’ici toujours empêché son adoption, que ce soit dans la loi Touraine de 2014 ou dans le projet de loi instituant un système universel de retraite. La MSA elle-même a toujours souligné les difficultés pratiques et opérationnelles d’un tel écrêtement, qui imposerait de recalculer en permanence le montant des droits ouverts. Adopter l’écrêtement, c’est exclure plus d’un retraité sur trois de la garantie « 85 % du SMIC » et mettre fin à son universalité.

Au-delà de cet enjeu délicat, je ne peux que me réjouir de notre accord sur les autres dispositions. L’accès élargi des agriculteurs ultramarins à la retraite minimale et la possibilité pour l’État de reprendre la main en cas de carence des partenaires sociaux pour étendre l’AGIRC-ARRCO à tous les salariés agricoles ultramarins sont des avancées réelles, qui concrétisent l’engagement continu de notre collègue Huguette Bello.

La revalorisation des retraites agricoles et la poursuite du progrès social ne s’achèveront toutefois pas avec cette proposition de loi. Nous ne prétendons pas régler en une discussion l’ensemble des difficultés : les retraites des agricultrices, qui restent les parents pauvres de notre assurance vieillesse ; l’insuffisante indexation des pensions versées, qui conduit à un décrochage du niveau de vie.

René Char nous avait porté chance en 2017, quand l’impossible nous servait de lanterne. Je m’en remets une fois de plus à la magie de sa poésie, en partageant avec vous son invitation lumineuse : « Il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière. » N’ayons pas le souffle court, rendons enfin aux paysans de France la lumière qu’ils méritent, et faisons‑le en gardant à l’esprit une autre des fulgurances du poète : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel. »

M. Olivier Damaisin. Le groupe La République en Marche connaît bien les difficultés que vous avez relevées. Il est à l’écoute du monde agricole, comme il l’a montré en proposant d’intégrer, dans le cadre du régime universel de retraite, les retraités agricoles à un système plus protecteur, avec une garantie de retraite à 85 % du SMIC, et pérenne. Il l’a également montré, dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, avec des mesures en faveur d’une plus juste rémunération des agriculteurs. Comme vous, nous pensons qu’il est nécessaire d’améliorer la situation des retraités agricoles. Mais vous conviendrez que votre dispositif, qui se borne à reproduire le régime actuel, est insuffisant. Nous proposerons un amendement pour corriger ses inégalités, tout en confirmant la garantie de retraite à 85 % du SMIC. Il subordonnera le bénéfice du complément de retraite agricole à la demande de l’ensemble des droits à retraite et prévoira, dans un objectif de justice sociale, un écrêtement en fonction du montant de retraite tous régimes confondus, afin d’assurer une équité entre assurés monopensionnés et polypensionnés. Nous aurons également un débat sur le financement de la mesure, votre solution n’étant pas consensuelle et ne pouvant être votée en l’état.

Notre groupe votera votre proposition, sous réserve de rendre son dispositif plus juste et d’en modifier le financement. Je suis heureux que nous puissions enfin concrétiser une ambition ancienne, qui n’est qu’une étape vers l’universalité. Je salue Lionel Causse et Nicolas Turquois, en charge d’une mission sur les petites retraites, qui pourront nous éclairer sur les moyens de poursuivre la réflexion.

M. Arnaud Viala. Pour préparer la réunion, j’ai repris mes notes d’il y a quarante mois ; malheureusement, rien n’a changé. Les exploitants agricoles et leurs conjoints à la retraite vivent le plus souvent dans une très grande précarité, avec des revenus inférieurs aux minima sociaux. Ils ne survivent que grâce à quelques à‑côtés et à une maison familiale. Alors que la crise a montré à quel point ces professions sont capitales, nous ne pouvons pas différer davantage le moment d’envoyer un signal de solidarité nationale à nos paysans retraités.

La réforme des retraites, qui est suspendue, ne traitait pas de la question du stock des retraités, mais seulement de celle du flux, ce que vient réparer la proposition de loi. Nous ne voulons pas d’un nouveau report, après l’épisode douloureux du Sénat. Nous voterons ce texte. Nous sommes défavorables au report en 2022 et au refus de traiter uniformément la question de l’augmentation de la pension minimale. Nous avons toujours une réserve sur le mode de financement ; mais le cheminement législatif avait permis de le corriger en 2017.

M. Nicolas Turquois. Je salue André Chassaigne pour sa constance et sa détermination. La proposition de loi vise à réparer deux injustices : la faiblesse des pensions de retraite versées aux agriculteurs ; la situation spécifique d’une partie des outre‑mer – j’ai découvert avec stupéfaction que les salariés agricoles de La Réunion et de Guadeloupe n’ont toujours pas de couverture complémentaire. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés ne peut que partager vos objectifs.

Néanmoins, des enjeux plus complexes se cachent derrière votre proposition. La faiblesse des retraites agricoles est la conséquence directe de la faible rentabilité de l’agriculture, sur laquelle la puissance publique doit davantage se pencher. Cela étant, cette rentabilité doit être appréciée en regard de la constitution d’un patrimoine professionnel substantiel. Les agriculteurs ont une retraite largement inférieure à la moyenne de nos concitoyens, mais un patrimoine significativement supérieur. Par souci d’équité, nous ne devons pas éluder cette question.

D’autre part, la revalorisation des pensions agricoles à 85 % du SMIC pose nécessairement la question de l’égalité de traitement avec les autres pensions. La réforme des retraites, à laquelle le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’est fermement opposé, visait à instaurer une retraite minimale à 85 % du SMIC pour tous, à carrière complète. Le Premier ministre nous a confié à Lionel Causse et moi‑même une mission sur les petites retraites, dont nous remettrons le rapport à la rentrée. Le groupe MoDem et apparentés soutiendra l’esprit de votre proposition de loi, qui traduit une véritable avancée pour les retraites agricoles. Avec les autres groupes de la majorité, nous défendrons un amendement précisant les modalités de mise en œuvre de cette revalorisation, pour en assurer la réalisation effective et la rendre plus juste.

M. Boris Vallaud. Je remercie le rapporteur pour sa pugnacité. Les paysans que je croise dans ma circonscription me demandent toujours où nous en sommes avec la « loi Chassaigne ». J’espère pouvoir leur annoncer une bonne nouvelle ! Les deux dernières revalorisations des retraites agricoles ont eu lieu en 2000, sous Lionel Jospin, puis en 2013, sous Jean‑Marc Ayrault. En 2017, il y avait eu unanimité dans l’hémicycle pour soutenir cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement a fait obstacle ensuite au Sénat. Depuis lors, nous avons déposé des amendements pour remettre cette proposition de justice sur le tapis, en vain. La condition paysanne est le fait de la rentabilité de l’agriculture. Or, s’il fallait réfléchir en termes d’utilité sociale, il nous faudrait voter la proposition sans amendement. En 2017, ni le ministre de l’agriculture, ni le rapporteur n’avaient d’ailleurs suggéré d’amendements. Je suggère qu’elle soit adoptée en l’état.

M. Thierry Benoit. Le groupe UDI soutiendra, comme en 2017, la proposition de loi. Ce débat sur les petites retraites, qui dure depuis trois législatures, vaut d’ailleurs pour un certain nombre d’artisans, de commerçants et d’indépendants. Les députés sont interpellés tous les ans par les retraités agricoles ! Saisissons l’occasion de revaloriser leurs pensions. La proposition de loi doit s’appliquer dans les meilleurs délais. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement pour appuyer la démarche d’André Chassaigne et rendre opérationnel le dispositif dès janvier 2021. Que ce soit par la porte, la fenêtre, le soupirail ou le velux, le Gouvernement doit trouver les moyens pour que les chefs d’exploitation aient accès à une retraite de 1 000 euros.

M. Adrien Quatennens. Je remercie André Chassaigne et son groupe. Ce texte, voté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée en février 2017, puis en commission des affaires sociales au Sénat, avant d’être rejeté en séance en mars 2018, a été torpillé par le Gouvernement, qui avait déposé à la dernière minute un amendement, assorti d’une procédure de vote bloqué, repoussant la valorisation à 2020 au moins. Un enterrement de première classe !

En moyenne, un agriculteur touche 855 euros de retraite. Outre‑mer, une grande majorité des 15 000 retraités agricoles de La Réunion perçoivent seulement 320 euros. La crise économique et sociale n’épargne pas les agriculteurs : un agriculteur se suicide tous les deux jours ; près de 20 % d’entre eux ont déclaré un revenu nul voire un déficit de leur exploitation en 2017 ; plus de 20 % vivent sous le seuil de pauvreté. La population agricole décline, le nombre d’agriculteurs en activité baissant continuellement, de 1,5 à 2 % par an ; un tiers des paysans français ont plus de 50 ans ; la moitié a disparu en vingt ans ; et la moitié des agriculteurs actuels partiront à la retraite d’ici à six ans.

En mai 2018, le Gouvernement avait refusé de voter l’amendement Chassaigne visant à faire passer la retraite agricole minimale à 85 % du SMIC, au prétexte que cela devait être traité dans la réforme globale des retraites. Mais le projet de loi qui promettait 1 000 euros de retraite aux agriculteurs, alors que le seuil de pauvreté est à 1 040 euros, en concernait en réalité bien peu. Nous défendons une refonte du modèle agricole, permettant à tous de vivre décemment, face aux bouleversements climatiques : relocalisation des productions, circuits courts, prix planchers, sortie planifiée des pesticides, qui ont un coût, soit tout l’inverse de la politique du Gouvernement, qui continue de signer des accords de libre échange et de se reposer sur les mécanismes du marché. La proposition de loi doit trouver force de loi. Notre groupe la soutient absolument.

Mme Annie Chapelier. Du plus profond de mon cœur, je remercie André Chassaigne, pour sa pugnacité. La question de la revalorisation des retraites agricoles relève de la dignité nationale. Au fond, elle pose cette autre question : la retraite doit‑elle être la récompense d’une vie de travail ou de cotisations ? Je remercie également André Chassaigne d’avoir évoqué les revenus connexes prétendument substantiels issus du patrimoine, qui tiennent surtout du fantasme. La situation des retraités agricoles ultramarins est largement ignorée en métropole, d’autant que ces inégalités varient encore en fonction des territoires. Notre groupe votera le texte et espère que la semaine à venir verra l’aboutissement de la loi.

M. Paul Christophe. Plus de trois ans après son adoption par l’Assemblée nationale, la proposition de loi nous revient. Les pensions des exploitants agricoles, des conjoints et des aides familiaux sont, à durée d’activité comparable, plus faibles que celles des autres retraités, même s’il faut prendre en compte que nombre d’entre eux sont polypensionnés. Une telle situation illustre avant tout la faiblesse des revenus agricoles. Elle tient aussi à la mise en place tardive de certains éléments fondamentaux de la couverture sociale, comme le régime complémentaire obligatoire, institué seulement en 2003. La crise sanitaire démontre avec force l’importance considérable de ces professions, qui nous permettent de produire notre propre alimentation. Si elle nous a conduits à nous recentrer sur les besoins fondamentaux de notre pays, le secteur de l’agriculture y occupe sans conteste une place essentielle.

En tant que représentants de la nation, nous avons le devoir d’écouter ceux qui nourrissent nos concitoyens et de les sortir de la précarité. Lors du débat sur la réforme des retraites, nous avions déjà souligné la nécessité de revaloriser les pensions des agriculteurs, comme celles des travailleurs indépendants. Le groupe Agir ensemble est donc favorable à cette proposition de loi. Dans un objectif de justice sociale, il nous semble toutefois important de garantir l’équité entre retraités monopensionnés et polypensionnés en tenant compte du cumul éventuel de plusieurs régimes. Enfin, nous devrons prêter à l’avenir une attention particulière à la situation des conjoins collaborateurs, qui sont souvent des femmes.

M. Pierre Dharréville. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont toujours défendu le droit à la retraite, qui a été très abîmé et qui doit être amélioré. Nous sommes convaincus que la solution ne réside pas dans un reformatage libéral. Le projet de réforme des retraites ne comprenait aucune mesure en faveur des retraités agricoles actuels. La majorité propose d’introduire un écrêtement : c’est difficile à comprendre, parce que la mesure proposée ne constitue pas un droit exorbitant et, surtout, parce que cet écrêtement ne figurait pas dans le projet de réforme du Gouvernement.

Garantir aux agriculteurs une retraite à 85 % du SMIC est une mesure de justice et de dignité : nous refusons qu’ils se retrouvent dans le dénuement après une vie de travail marquée par les aléas et les incertitudes. Il reste fort à faire pour rémunérer correctement leur travail tout au long de leur vie active mais cela n’empêche pas de prendre des mesures pour les retraités actuels. Il faut respecter la terre et celles et ceux qui nous nourrissent : tel est l’objet de cette proposition de loi, que nous défendrons avec beaucoup de cœur, en espérant qu’elle trouvera très vite une traduction concrète dans la vie de ces femmes et de ces hommes.

Mme Jeannine Dubié. On ne peut ignorer plus longtemps les difficultés que connaissent de nombreux exploitants et salariés agricoles, des hommes et des femmes isolés qui ne comptent pas leurs heures et qui ne peuvent vivre de leur travail. Les retraites agricoles sont parmi les plus faibles : elles ne dépassent pas 750 euros par mois en moyenne, contre 1 390 euros pour la moyenne nationale. Ce montant est bien en deçà du seuil de pauvreté et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

L’argument avancé par le Gouvernement et par la majorité pour rejeter le texte au Sénat ne tient plus, puisque l’épidémie de covid-19 a suspendu la réforme des retraites. Nous avions été nombreux à déposer des amendements reprenant le contenu de cette proposition de loi et son adoption est plus urgente que jamais. Nous approuvons également le volet relatif à l’outre-mer, car les difficultés des agriculteurs et des éleveurs ultramarins sont encore aggravées par le prix des intrants et par l’éloignement.

Le 13 avril, le Président de la République a dit vouloir rebâtir notre indépendance agricole. Il serait incompréhensible que nous ne votions pas ce texte, qui améliorera les retraites de celles et ceux qui font vivre notre agriculture et qui nous nourrissent.

M. Sébastien Chenu. La revalorisation des retraites des agriculteurs est une demande ancienne et nous soutiendrons la proposition de loi d’André Chassaigne, qui a toujours été bloquée par ce gouvernement.

Améliorer les petites retraites de nos agriculteurs, c’est d’abord un devoir de notre société envers eux. « Une vie de labour pour une pension de misère » : c’est l’un des slogans que l’on pouvait lire dans les manifestations d’agriculteurs.

C’est ensuite un enjeu d’avenir. Cette profession souffre beaucoup, les suicides y sont nombreux et il faut envoyer un signal positif aux jeunes qui souhaiteraient encore s’installer – je rappelle qu’un tiers des exploitations ne sont pas reprises.

Il faut en finir avec un modèle qui laisse s’effondrer l’agriculture française, qui laisse se développer une concurrence déloyale et dans lequel des normes hallucinantes imposées par Bruxelles avec l’accord docile de ce gouvernement mettent nos agriculteurs dans les pires difficultés. Cette proposition de loi est la bienvenue, en ce qu’elle annonce le monde d’après.

M. Bernard Perrut. « Non, non, rien n’a changé » : cet air est bien connu. Après avoir travaillé avec acharnement toute leur vie, les agriculteurs perçoivent des pensions de retraite trop faibles, les plus faibles de notre pays, avec 780 euros par mois pour les hommes et 580 euros pour les femmes. Cela n’est pas admissible et il est urgent d’agir.

La réforme des retraites, qui promettait une pension minimale à 85 % du SMIC, a été repoussée. Du reste, elle ne concernait pas les retraités actuels – pas plus que leurs conjoints ou les aides familiaux. Le Gouvernement a commis une erreur en s’opposant à votre proposition de loi, qui avait le soutien unanime des députés et des sénateurs. Unissons-nous autour de ce texte, qui est important pour ceux qui font vivre la ferme France. Les beaux épis font les belles récoltes. Puisse votre proposition de loi produire enfin du grain !

M. le rapporteur. Monsieur Damaisin, nous débattrons sur le fond de votre amendement, qui vise à introduire un écrêtement, mais ce qui m’a contrarié, et même blessé, c’est que vous l’ayez déposé au dernier moment, sans avoir évoqué ce sujet pendant les trois semaines qu’ont duré nos auditions, lesquelles se sont déroulées dans un climat extraordinaire, amical et confiant. Nous avons reçu les retraités agricoles, les organisations syndicales, la MSA, et j’en passe : nous aurions pu débattre de votre amendement avec eux afin d’en mesurer l’impact, mais vous n’en avez rien dit et c’est dommage.

Monsieur Viala, votre soutien ne m’étonne pas, puisque vous aviez déjà soutenu le texte en 2017 et que je connais votre attachement au monde rural. Comme vous, je pense qu’il serait très regrettable de repousser la réforme à 2022, alors que la MSA nous a dit qu’elle peut s’appliquer dès janvier 2021. Je sais d’ailleurs que ce texte sera inscrit à l’ordre du jour du Sénat dans des délais satisfaisants. Je partage votre réserve sur le mode de financement de cette mesure – une taxe sur les transactions financières – mais je signale qu’il pourra être supprimé, puisque le Gouvernement s’est engagé à lever le gage.

Monsieur Turquois, il est vrai que le fond du problème, c’est la faible rémunération des agriculteurs, qui les empêche d’avoir un niveau de cotisations suffisant, ce qui nécessite de faire appel à la solidarité nationale. Je suis en désaccord avec vous sur la question du patrimoine des agriculteurs : cette fixette relève du fantasme et il ne faut pas généraliser à partir de quelques cas isolés. Le débat me semble mal posé.

Monsieur Vallaud, vous avez raison de rappeler que nous devons des avancées importantes aux différentes majorités socialistes et je tiens à saluer Germinal Peiro pour sa pugnacité : je n’ai fait que prolonger son travail.

Monsieur Benoit, nous avons des sensibilités très proches et nous nous sommes souvent retrouvés sur les questions touchant à la ruralité. Comme vous, je suis convaincu de l’urgence de la réforme et nous avons d’ailleurs déposé des sous-amendements identiques pour garantir l’entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier 2021.

Monsieur Quatennens, les chiffres que vous avez rappelés illustrent la précarité des retraités agricoles et c’est une bonne chose qu’ils figurent au compte rendu. J’ajouterai qu’un agriculteur sur trois a une retraite inférieure à 350 euros par mois. Notre proposition de loi ne concerne que les agriculteurs qui ont une carrière complète mais il y aura encore fort à faire pour les autres dans les années à venir.

Madame Chapelier, notre objectif, vous l’avez dit, est bien de garantir une retraite digne et décente aux agriculteurs, en témoignage de la reconnaissance de toute la nation. Les agriculteurs nous nourrissent, ce qui est déjà considérable, mais ils contribuent aussi à l’entretien des territoires, au développement local, au maintien de la biodiversité et à la transition écologique – ce que les économistes appellent des externalités.

Monsieur Christophe, la crise sanitaire a effectivement mis en lumière le rôle essentiel des agriculteurs : ils font partie des « premiers de cordée », ce que l’on avait tendance à oublier. Je ne partage pas en revanche votre conception de la justice sociale, qui justifie selon vous l’introduction d’un écrêtement. J’espère vous convaincre que ce dispositif aggraverait la précarité des retraités agricoles.

Madame Dubié, nous avons souvent lutté ensemble contre la précarité des retraités et je vous rejoins sur l’idée qu’il faut garantir un niveau de vie digne.

Je remercie enfin M. Sébastien Chenu, qui partage notre constat, et M. Bernard Perrut, qui s’est lui aussi engagé avec une grande constance pour l’amélioration des retraites agricoles. J’espère, comme lui, que nous n’aurons plus à entonner le refrain des Poppys.

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

TITRE IER
Garantir un niveau minimum de pension à 85 % du SMIC et de nouvelles recettes pour le financement du régime des non-salariés agricoles

Article 1er : Mise en place d’une garantie « 85 % du SMIC »

La commission examine l’amendement AS11 de M. Olivier Damaisin, qui fait l’objet des sous-amendements identiques AS12 de M. André Chassaigne et AS14 de M. Thierry Benoit, ainsi que du sous-amendement AS13 de M. André Chassaigne.

M. Olivier Damaisin. Tout en confirmant le principe d’une garantie portée à 85 % du SMIC, le présent amendement subordonne le bénéfice du complément de retraite agricole au fait d’avoir demandé l’ensemble de ses droits à retraite et prévoit, dans un objectif de justice sociale, un écrêtement en fonction du montant de retraite tous régimes afin d’assurer une équité entre assurés monopensionnés et polypensionnés. Afin de laisser le temps nécessaire aux travaux techniques permettant à la MSA de reliquider toutes les pensions de retraite concernées, il décale également au 1er janvier 2022 l’entrée en vigueur de la proposition de loi.

M. le rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai mon avis sur cet amendement tout en présentant mes deux sous-amendements. Je tiens également à m’excuser : je suis tellement fusionnel avec Pierre Dharréville que j’ai oublié de le remercier pour son intervention.

Monsieur Damaisin, cela fait trois ans que je travaille avec vous sur la question des retraites agricoles et vous m’avez fait une entourloupette en déposant votre amendement au dernier moment : j’espère vous convaincre de le retirer.

Premièrement, votre amendement remet en cause le caractère universel de la garantie de retraite minimale, qui traduit la reconnaissance de la nation envers les agriculteurs qui consacrent leur vie à nourrir le pays. L’écrêtement que vous proposez revient à supprimer l’accès universel à cette garantie, puisqu’un agriculteur bénéficiant d’une autre pension pourra s’en voir privé : entre deux agriculteurs ayant exactement la même carrière, vous introduisez une inégalité.

Deuxièmement, l’écrêtement a déjà été envisagé à plusieurs reprises mais il n’a jamais résisté à l’analyse. Il ne figure ni dans la loi fondatrice de Germinal Peiro du 4 mars 2002, qui a posé les fondations d’une retraite complémentaire obligatoire pour les agriculteurs, distincte des autres régimes de sécurité sociale et destinée à supprimer les petites retraites, ni dans la réforme des retraites de 2014, dite « réforme Touraine », qui a introduit la garantie d’un niveau minimum de pension à 75 % du SMIC, sans prendre en compte les autres retraites. Enfin, pour rendre à Jupiter ce qui est à Jupiter, le projet de loi instituant un système universel de retraite, adopté au mois de mars, ne prévoit pas davantage la prise en compte des autres ressources. Et vous, vous voudriez introduire cet écrêtement ! Le dispositif que vous proposez serait plus dur et plus restrictif que tout ce qui a pu être envisagé jusqu’ici.

Il aurait été intéressant de demander une étude d’impact à la MSA et de débattre de votre proposition avec les organisations syndicales agricoles ou avec les représentants des retraités agricoles au cours des trois semaines de travail que nous avons eues avec eux. Comme cela n’a pas été fait, je me suis chargé, avec un administrateur que je tiens à remercier, de produire cette étude d’impact. Permettez-moi de vous montrer concrètement l’effet qu’aurait l’adoption de votre amendement.

La MSA a chiffré ma proposition : le nombre de bénéficiaires de la garantie de retraite minimale passerait de 230 000 à 290 000, pour un coût supplémentaire de 407 millions d’euros à compter de 2021 – qui ce montant ira en diminuant. Le dispositif que vous proposez réduirait significativement le nombre de bénéficiaires, qui passerait de 290 000 à 196 000 : c’est 100 000 bénéficiaires de moins que ce que prévoyait le dispositif adopté en 2017, et c’est moins que le nombre de bénéficiaires actuels de la garantie à 75 %. Le coût de la mesure passerait en conséquence de 407 à 255 millions d’euros, soit une économie de 140 millions environ. Le gain moyen de la garantie baisserait également. Avec ma proposition de loi, le gain moyen serait de 114 euros par mois ; avec votre amendement, on descendrait à 104 euros par mois.

L’adoption de votre amendement entraînerait donc un recul social historique. Vous parlez de justice sociale mais, en réalité, ce serait une injustice. Pourquoi pénaliser davantage les polypensionnés du monde agricole que ceux des autres professions ?

Mon sous-amendement AS12 propose de ramener à 2021 la date d’entrée en vigueur de cette proposition de loi, dont vous voulez repousser l’application à 2022. Le dispositif adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en février 2017 prévoyait une entrée en vigueur de cette garantie dès 2018. Un nouveau report serait incompréhensible. Je suis évidemment favorable au sous-amendement AS14 de M. Thierry Benoit, qui est identique au mien.

Le sous-amendement AS13 vise à supprimer le dernier alinéa de votre amendement, qui introduit un écrêtement : je n’y reviens pas.

M. Thierry Benoit. Le groupe UDI a déposé ce sous-amendement car nous parlons des retraités actuels, que ce débat est dans tous les esprits depuis des années, et qu’il nous a paru mesquin de reporter l’application de la mesure à 2022. Je soutiens le projet de loi instaurant un régime universel de retraite par points : lorsqu’il entrera en vigueur, tous les agriculteurs percevront 1 000 euros minimum pour une carrière complète, mais il s’agit ici de traiter la situation de ceux qui sont déjà à la retraite.

Mme Mireille Robert. L’écrêtement introduit par l’amendement ne remet pas en cause la garantie d’une retraite égale à 85 % du SMIC pour une carrière complète d’exploitant agricole mais constitue une mesure permettant de mettre en œuvre de manière équitable cette avancée dont le coût conséquent sera assumé par la solidarité nationale. Cet écrêtement est une garantie d’équité entre monopensionnés et polypensionnés, afin que le complément différentiel ne favorise pas injustement ces derniers.

Le minimum de pension dont bénéficient les salariés du secteur privé, salariés du régime général mais également salariés agricoles, ainsi qui celui couvrant la retraite de base des non-salariés agricoles, font déjà l’objet d’un écrêtement en fonction du montant des retraites. Enfin, il n’y a aucune impossibilité d’ordre technique, puisque les caisses de MSA mettent déjà en œuvre les écrêtements existants.

M. Arnaud Viala. Certains arguments sont fallacieux. On ne peut pas dire qu’il s’agit de privilégier des retraités alors qu’il est question de hisser des retraités en situation de précarité à un niveau loin d’être mirobolant. Nous connaissons tous les causes de cette situation. Il faut à présent décider : soit nous décidons enfin de faire un acte de solidarité envers des personnes auxquelles il n’a pas été demandé de cotiser davantage et qui subissent donc la situation, soit nous disons sans nous cacher derrière notre petit doigt que nous ne voulons pas le faire. Mais nous ne saurions l’écrêter ni le repousser.

Je suis très surpris, voire choqué, monsieur Turquois, que vous introduisiez dans le débat la notion de patrimoine, qui ne concerne pas du tout les Français auxquels s’adresse ce texte. Le patrimoine agricole est un patrimoine professionnel que l’on ne peut considérer comme une richesse acquise par celui qui a contribué à la faire fructifier, car le souci permanent de ces gens est de transmettre l’outil d’exploitation aux générations suivantes. Il faudra d’ailleurs légiférer un jour pour distinguer entre l’outil d’exploitation et le patrimoine familial, car les autres ayants droit, qui ne restent pas sur la ferme, ont besoin eux aussi de recevoir une forme d’héritage, ce qui crée une énorme difficulté pour la pérennité de notre agriculture.

M. Nicolas Turquois. Je perçois beaucoup d’émotion et de passion, comme si l’on ne pouvait pas avoir sur ce sujet un regard de raison. Non, le monde agricole n’est pas uniforme. Et il faudra aussi faire évoluer le statut des conjoints, qui n’est pas évoquée ici. Au sujet des commerçants et des artisans, la passion n’est pas aussi sensible, et pourtant des solutions doivent être apportées là aussi. Nous avons l’image d’Épinal d’un agriculteur qui a commencé agriculteur et fini agriculteur, mais de nombreux agriculteurs ont aussi été autre chose – parfois même députés – et il serait surprenant de prévoir un complément de retraite différentiel pour des personnes qui perçoivent d’autres pensions d’un niveau élevé. L’écrêtement ne concerne pas l’agriculteur modeste, mais bien des situations particulières ; c’est juste, et cela permettra en outre d’élargir votre proposition à d’autres professions, commerçants et artisans, notamment.

M. Pierre Dharréville. Cette proposition de loi concerne précisément les agriculteurs modestes : il n’y a donc pas de distinction à faire parmi les bénéficiaires. J’ai le sentiment que vous voulez attendre une hypothétique mise en œuvre du système universel de retraite, qui ne vise d’ailleurs pas les retraités agricoles actuels. Pour ces derniers, il s’agit d’une véritable urgence sociale.

Par votre amendement, vous proposez de fait qu’aucun droit ne soit ouvert sur l’activité qu’aurait pu exercer un agriculteur pour compléter ses revenus. C’est un problème.

Enfin, les salariés aussi, quand ils le peuvent, se constituent un patrimoine. Dans le cas des agriculteurs, cela pose la question de la transmission et de notre capacité collective à faire face aux enjeux de la production agricole.

M. Olivier Damaisin. Cela ne fait pas trois semaines que nous travaillons ensemble, monsieur le rapporteur, mais trois ans, et nous avons parcouru beaucoup de chemin. Il n’y a aucune carabistouille. Vendredi dernier, vous m’avez dit en commission que vous n’aviez toujours pas de solution pour le financement. Ce que propose cet amendement, c’est une solution. Ce texte, que nous voterons tous, je l’espère, est le premier étage d’une fusée ; ensuite ce sera les conjointes, puis les aidants familiaux.

Vous savez que des gens qui perçoivent des retraites agricoles de 75 % touchent parfois de bonnes retraites à côté. C’est un fait. Ne vaut-il pas mieux concentrer l’aide sur ceux qui en ont besoin ?

J’ai eu hier au téléphone le président de la MSA, qui ne m’a pas du tout dit la même chose que vous : au contraire, il n’a aucune certitude d’être prêt au 1er janvier 2021. C’est pourquoi nous avons proposé ce report à 2022.

M. Boris Vallaud. À vous entendre, on croirait que nous sommes en train de créer une retraite chapeau pour les agriculteurs ! Mais il ne s’agit pas de cela : nous parlons de retraités pauvres avec des carrières complètes. En outre, les auteurs de l’amendement n’apportent aucune étude d’impact, et c’est André Chassaigne qui nous informe des effets : 100 000 bénéficiaires en moins, coût divisé d’un tiers, baisse du niveau moyen des pensions supplémentaires distribuées. C’est s’arrêter à la moitié du chemin. Je suggère que l’amendement soit retiré.

Mme Jeanine Dubié. Ce sujet est dans les tuyaux du Parlement depuis 2016 – j’y ai travaillé sous la précédente législature –, et l’on ne me fera pas croire qu’on ne peut pas trouver une solution quand il existe une volonté politique. L’amendement est réducteur et limite la portée des intentions du texte. Si des ajustements sont nécessaires, nous avons encore le temps d’ici à la séance publique. Le moment est venu d’apporter une réponse à ces exploitants agricoles, et 85 % du SMIC ce n’est pas non plus une retraite de chef d’entreprise du grand capital.

M. Thierry Benoit. Je veux à tout prix faire avancer la cause : cette proposition de loi en est l’occasion. Il faut d’ici à la séance éclaircir le sujet de l’écrêtement, en distinguant la question des retraites et celle des ressources, ainsi que le sujet des polypensionnés. Si, dans cette législature, nous réglons la question des chefs d’exploitation avec de petites retraites et si nous amorçons le traitement de celle des conjoints, nous pourrons regarder dans les yeux les retraités agricoles actuels. Il nous reste jusqu’au 18 juin. Le chiffre de 400 millions d’euros, avancé par le rapporteur, doit être mis en regard des plus de 300 milliards de versements des retraites. Je me rappelle aussi ce que nous avons mobilisé pour les « gilets jaunes », et nous connaissons tous les sommes en jeu dans l’actuelle crise sanitaire.

Mme Annie Chapelier. Je suis étonnée que nous cherchions encore à glisser sous le tapis ce sujet récurrent depuis des années. Durant la crise sanitaire, les agriculteurs n’ont jamais failli, ils se sont montrés à la hauteur des besoins. C’est parce que les agriculteurs, depuis la fin de la guerre, ont assuré ce qu’on appelle la sécurité alimentaire que la France est devenue un pays riche et développé. Or ces retraités qui ont travaillé depuis les années 1950 vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. Le Président de la République a dit pendant la crise que nous y ferions face « quoi qu’il en coûte » : la survie de notre agriculture fait peut‑être partie de ce « quoi qu’il en coûte », et 400 millions d’euros c’est peu. Quant au patrimoine, je rappelle qu’il y a 3,3 millions de résidences secondaires en France, contre 500 000 agriculteurs.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Le postulat, c’est que ce matin, tout le monde défend les retraités agricoles. Le débat parlementaire consiste parfois à amender les textes, pour trouver un équilibre. C’est ce que nous sommes en train de faire. Il faut accepter cette idée et arrêter de dire, chaque fois que nous avons à examiner une proposition de loi, qu’amender ne viserait qu’à détruire.

M. le rapporteur. Les agriculteurs qui ont eu une autre activité durant leur carrière sont ceux qui ont connu les plus grandes difficultés, ceux qui n’arrivaient pas à s’en sortir et étaient obligés pour vivre d’avoir un revenu complémentaire, dans une commune comme employé communal, dans une station de ski, dans une petite entreprise locale... Cette autre pension n’en fait pas des privilégiés, et l’écrêtement n’est donc nullement une mesure de justice sociale.

J’ai lu ce que la MSA a écrit dans son avis du 3 octobre 2019 relatif au projet de loi de financement de la sécurité sociale : elle appelle l’attention sur la forte demande des retraités agricoles d’une revalorisation de leurs retraites dès janvier 2020, sans attendre le portage à 85 % annoncé dans le cadre de la réforme des retraites. La MSA ne sera pas en mesure d’assurer le suivi s’il y a écrêtement car la mesure comporte des risques considérables, représentant une complexification substantielle du système du fait d’un recalcul permanent des montants. L’écrêtement créerait une telle complexité que je ne suis pas sûr que la MSA pourrait répondre même en 2022.

Nous n’avons pas eu d’étude d’impact car l’amendement m’est tombé dessus samedi. Il conviendrait de le retirer et je suis prêt à auditionner la MSA avec ceux avec qui je travaille depuis trois semaines.

Enfin, je ne crois pas à l’argument selon lequel l’économie de 140 millions d’euros viserait à mieux traiter ensuite la question des conjoints et des collaborateurs, car la prise en compte des collaborateurs, à laquelle je suis favorable, coûtera, en fonction des critères retenus, entre 1,7 et 2,4 milliard d’euros.

La commission rejette les sous-amendements AS12 et AS14, puis le sous-amendement AS13.

Puis elle adopte l’amendement AS11.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé et les amendements AS6 de M. Didier Le Gac et AS9 de Mme Annie Chapelier tombent.

Article 1er bis : Demande de rapport sur la revalorisation de la garantie minimale de retraite agricole

La commission adopte l’article 1er bis sans modification.

Article 2 : Création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières affectée au régime de retraite complémentaire obligatoire

La commission est saisie de l’amendement AS10 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article cohérent avec l’amendement AS9 que j’avais déposé à l’article 1er : je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission rejette l’article 2.

TITRE II
Dispositions en faveur de la revalorisation des pensions de retraites agricoles dans les départements et régions d’outre-mer

Article 3 : Élargissement de l’accès à la garantie « 75 % du SMIC » outremer

La commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 : Extension des régimes de retraite complémentaire aux salariés agricoles ultramarins

La commission adopte l’article 4 sans modification

Article 5 : Compensation financière des organismes de sécurité sociale

La commission adopte l’article 5 sans modification.

Enfin, elle adopte la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Je vous remercie pour cet excellent et très intéressant débat que nous allons poursuivre.

*

*     *

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3071_texte-adopte-commission#

 

 


—  1  —

   Liste des personnes auditionnées
par le Rapporteur

 Association nationale des retraités agricoles de France (ANRAF) – M. Roger Treneule, président, Mme Andrée Guillou, MM. Guy Soulage et Michel Sabin, membres

 Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA)*M. Robert Verger, président de la commission fiscale et sociale

 Fédération nationale agroalimentaire et forestière (FNAF-CGT) M. Roger Perret, secrétaire

 Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) – M. Pascal Cormery, président, Mme Christine Dupuy, directrice de la réglementation, Mme Iléana Radoi, responsable du département Retraite au sein de la direction des statistiques, études et fonds, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

       Audition commune réunissant la Coordination rurale – M. Armand Paquereau, responsable de la section Retraités, et Mme Catherine Laille, responsable de la section Agricultrices, et le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) – M. Pierre Thomas, président, M. Jean-Luc Laroche, trésorier adjoint, et Mme Sophie Bezeau, directrice

 Confédération paysanne – Mme Véronique Marchesseau, responsable du pôle social, M. André Tissot, responsable de la commission des Anciens-nes, M. Jean-Paul Nicolas, membre de la commission des Anciens-nes, et Mme Aurélie Bouton, animatrice technique du pôle social

 Audition commune réunissant MM. Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, et Denis Durand, économiste

 

* Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1])  Le rapport de première lecture est accessible à cette adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r4403.pdf.

([2]) La catégorie des non-salariés agricoles rassemble les personnes non salariées occupées aux activités énumérées à l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime (activités de culture et d’élevage, activités équestres, entreprises de travaux agricoles, travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers, activités de prolongement de l’acte de production agricole, activités agro-touristiques, entreprises artisanales rurales et mandataires d’assurance agricole).

([3]) Loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création dun régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

([4]) Compte-rendu de la séance du 7 mars 2018, Sénat.

([5]) Loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés.

([6]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant lavenir et la justice du système de retraites.

([7]) Loi 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à légalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([8]) Loi 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création dun régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

([9]) Loi 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant lavenir et la justice du système de retraites.

([10]) Le SMIC retenu pour le calcul de la garantie de retraite minimale est le SMIC brut (fixé par décret chaque année) diminué des cotisations sociales applicables aux revenus des travailleurs de la production agricole. Il en résulte un SMIC net agricole, légèrement inférieur au SMIC net de droit commun et servant de base au calcul de la garantie.

([11]) Voir l’étude d’impact du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, p. 87.

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl1376-ei.pdf

([12]) Loi  2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant lavenir et la justice du système de retraites.

([13]) Loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés.

([14]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant lavenir et la justice du système de retraites.

([15]) Rapport d’information de MM. Michel Issindou et Denis Jacquat du 5 octobre 2016 sur la mise en application de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4074.asp.

([16]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9163746_5ee08a23616a7.commission-des-affaires-sociales--revalorisation-des-pensions-de-retraite-agricoles-en-france-conti-10-juin-2020