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N° 3078

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant linstauration dune garantie salaireformation au service de la transition écologique et sociale de léconomie,

 

 

 

Par M. Gabriel SERVILLE,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3007.

 

 

 

 

 


SOMMAIRE

___

 

introduction

I. UNE CRISE ÉCONOMIQUE augurant UN « TSUNAMI SOCIAL »

A. UNe catastrophe Économique

B. une montÉe vertigineuse du chÔmage

II. LimpÉrieuse nÉcessitÉ de repenser la protection sociale et dadapter les outils daccompagnement des demandeurs demploi aux enjeux de laprÈs-crise

A. Repenser en profondeur la protection sociale de tous les travailleurs

B. Tenir compte rÉsolument des enjeux de la transition Écologique et sociale dans la formation aux mÉtiers daujourdhui et de demain

III. Le dispositif proposÉ : Adapter sans attendre les outils existants qui ont fait leurs preuves en matiÈre daccompagnement des demandeurs demploi

A. Le contrat de sÉcurisation professionnelle (CSP) et le congÉ de reclassement : deux outils performants, mais un champ restreint

B. La transformation du CSP et du congÉ de reclassement en une « garantie salaire-formation » pour tous les licenciÉs Économiques et les salariÉs arrivant au terme de leur contrat prÉcaire

commentaires darticles

Article 1er Transformation du contrat de sécurisation professionnelle en contrat de transition

Article 2 Transformation du congé de reclassement en congé de transition

Article 3 Négociation nationale et interprofessionnelle en vue de définir les dispositifs daccompagnement des salariés pour faire face à la crise économique, ainsi que les modalités de financement et de mise en œuvre du contrat et du congé de transition

Article 4 Compensation financière

COMPTE RENDU DES TRAVAUX

annexes

ANNEXE 1 : Comparaison entre le droit existant et les dispositifs proposÉs aux articles 1er et 2

ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnées par lE rapporteur


— 1 —

   introduction

I.   UNE CRISE ÉCONOMIQUE augurant UN « TSUNAMI SOCIAL »

Les mesures de confinement prises pour faire face à l’épidémie de covid‑19 entraînent des conséquences économiques et sociales d’une ampleur inégalée dans l’histoire récente de notre pays. Si la mise en place du chômage partiel a permis de contenir les licenciements pendant le confinement, la baisse drastique de l’activité économique aura nécessairement des effets significatifs – et délétères – sur l’emploi à court et moyen termes. Un « tsunami social » paraît inéluctable.

A.   UNe catastrophe Économique

Le 14 avril dernier, le Gouvernement annonçait qu’il envisageait une chute de 8 % du produit intérieur brut (PIB) de la France. Un mois et demi plus tard, ce chiffre était déjà caduc. Dans la perspective de l’examen de la troisième loi de finances rectificative en trois mois, le ministre de l’économie et des finances, évoquant un choc économique « extrêmement brutal » ([1]), a annoncé le 1er juin que le Gouvernement envisageait désormais une récession de 11 % pour 2020. Qu’en sera-t-il en octobre prochain lorsque la représentation nationale se penchera sur le projet de loi de finances pour 2021 ?

Si nul ne peut le savoir, tant la situation sanitaire demeure fragile, il est clair que tous les voyants sont au rouge.

● La période du confinement a marqué une mise à l’arrêt de toute une partie de l’économie nationale. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le PIB de la France a diminué de 32 % pendant la période de confinement, entre le 17 mars et le 10 mai. Cette baisse a atteint 42 % pour les entreprises – hors services non marchands et immobilier. Les huit semaines de confinement ont ainsi généré une perte de 5 points de PIB annuel – 120 milliards d’euros ([2]). L’OFCE relève qu’« une telle chute de lactivité [...] na jamais été observée, à part peut-être en temps de guerre. »

Dans une note datée du 27 mai, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) rejoint l’analyse de l’OFCE : le PIB français chuterait d’environ 20 % au deuxième trimestre 2020, après une baisse de 5,8 % au premier trimestre. « Ce serait la plus forte récession depuis la création des comptes nationaux français en 1948. » ([3])

La crise économique résulte à la fois d’un choc d’offre et d’un choc de demande :

− au niveau de l’offre, une partie des activités étaient encore à l’arrêt fin mai, et les chaînes de valeur internationales restaient très perturbées. Les protocoles de sécurité sanitaire devraient continuer à peser sur la productivité tandis que les destructions d’emploi, qui ont commencé dès le premier trimestre, diminueront l’activité potentielle ;

− au niveau de la demande, le confinement et les incertitudes liées à cette situation exceptionnelle affectent la consommation des ménages, le commerce extérieur et l’investissement des entreprises.

Limpact du confinement sur les secteurs dactivité

Tous les secteurs de l’économie n’ont pas été affectés dans les mêmes proportions par le confinement :

– le secteur de la construction a été durement frappé par l’arrêt de l’investissement des ménages ou des entreprises ;

– l’industrie a été affectée par la fermeture des canaux de distribution, la réduction massive des consommations de transport des ménages et la chute de la demande adressée à la France ;

– les services ont été très pénalisés par l’arrêt des activités d’hébergement et de restauration ;

– l’agriculture et l’industrie agroalimentaire ont été moins touchées mais ont connu des difficultés logistiques induites par le confinement.

Source : OFCE

● L’économie française devrait être durablement affectée par l’épidémie de covid-19. L’analyse de l’INSEE ne laisse guère de place au doute : « Après près de deux mois au ralenti, comme en apnée, léconomie française sefforce ainsi de reprendre son souffle. Mais elle refait surface dans un monde qui nest plus exactement le même quavant la crise sanitaire. Le virus a changé la donne, au niveau géopolitique comme au niveau économique. Malgré les soutiens monétaires et budgétaires massifs, les raisons sont nombreuses pour que léconomie ne revienne pas à la normale avant de longs mois. » ([4]) Ainsi, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le 4 juin qu’elle anticipait une chute de 8,4 % du PIB de la zone euro pour 2020.

S’il est naturellement difficile d’avoir de la visibilité sur la reprise économique, celle-ci sera conditionnée en particulier par l’arrivée, ou non, d’une deuxième vague épidémique, qui pourrait alors entraîner une récession plus profonde et plus durable.

B.   une montÉe vertigineuse du chÔmage

La catastrophe économique à laquelle nous assistons entraînera inévitablement un « tsunami social ». La ministre du travail a d’ores et déjà pris acte que le taux de chômage dépassera la barre symbolique des 10 % cette année, loin de l’objectif initial de 7 % fixé par le Gouvernement à l’horizon 2022.

● Les dernières remontées ne semblent laisser aucun doute : le taux de chômage s’envole. Selon la DARES et Pôle emploi, entre le 1er février et le 30 avril, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, c’est-à-dire sans aucun emploi déclaré, a cru de plus de 1 million, dont 843 000 rien qu’au mois d’avril, soit + 22,6 % par rapport au mois de mars ([5]). Pôle emploi a ainsi enregistré un nombre record de demandeurs d’emploi de catégorie A depuis le début de la série en 1996 : ils étaient 4,6 millions au 30 avril dernier.

Nombre de demandeurs demploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A

Champ : France (hors Mayotte).

Source : Pôle emploi-DARES.

Si la hausse du chômage en avril concerne toutes les tranches d’âge, les moins de 25 ans sont proportionnellement les plus touchés avec une augmentation de + 29,4 % contre + 24 % pour les 25-49 ans. Cette situation devrait être aggravée dans les semaines à venir avec l’arrivée sur le marché du travail de 700 000 jeunes en fin de formation ou d’études. Au niveau global, la hausse du chômage est plus marquée chez les hommes (+ 25,2 %) que chez les femmes (+ 19,8 %).

Enfin, aucune région ne semble épargnée. En métropole, la Bretagne, les Pays de la Loire et la Corse ont connu la plus forte augmentation en avril, avec une hausse supérieure à 30 %, alors que l’Île-de-France et les Hauts-de-France sont parvenus à contenir cette hausse sous la barre des 20 %. Les départements d’outre‑mer ont été relativement moins touchés par la montée du chômage – inférieure à 10 % – en avril, mais cette tendance doit être relativisée car le taux de chômage y est structurellement plus élevé qu’en métropole.

Évolution du nombre de demandeurs demploi en catÉgorie A en avril 2020

Source : Pôle emploi-DARES.

 

L’envolée du chômage touche particulièrement les secteurs du commerce, des services à la personne, de l’hôtellerie et du tourisme, du transport et de la logistique, de la construction, du bâtiment et des travaux publics ainsi que dans le secteur du spectacle.

● Les trois quarts de la hausse du chômage s’expliquent par le passage en catégorie A de demandeurs d’emploi inscrits en catégories B et C ([6]) au mois de mars, c’est-à-dire ceux qui avaient une activité réduite. L’arrêt de l’activité économique a donc immédiatement pénalisé les plus précaires sur le marché du travail.

Cette situation s’explique par :

– une baisse historique des sorties (– 34,9 %) du chômage : les reprises d’emploi déclarées, les radiations administratives, les défauts d’actualisation – qui recouvrent généralement en partie des reprises d’emploi non déclarées à Pôle emploiet les sorties liées à des entrées en stage ou en formation sont en très net repli ;

– une baisse des entrées à Pôle emploi (– 19,1 %), qui restent malgré tout supérieures aux sorties. En mars, les intérimaires et les actifs ayant des contrats courts ont été les premières victimes de la mise en place du confinement ([7]). Cette crise démontre, si cela était encore nécessaire, les effets néfastes de la flexibilisation du marché du travail promue ces dernières années.

● Bien que moins marquée, la hausse du nombre de demandeurs d’emploi des catégories A, B et C pris ensemble atteint un record historique : + 209 000 demandeurs d’emploi en avril après une augmentation de 178 000 demandeurs en mars. C’est du jamais-vu depuis le début de la série statistique en 1996.

Variation du nombre des demandeurs demploi en catÉgories A, B et C
(en milliers)

Champ : France (hors Mayotte).

Source : Pôle emploi-DARES.

Pôle emploi : un service public en souffrance

La montée du chômage va de nouveau mettre à l’épreuve le service public de l’emploi, qui connaît depuis trop longtemps des difficultés structurelles. Pôle emploi, qui a été créé en 2008, fait face à un manque de moyens criant.

Alors que les publics bénéficiaires ont fortement progressé ces dernières années sous l’effet de la montée du chômage, et que de nouvelles missions ont été confiées à l’opérateur – prise en charge des salariés démissionnaires et des indépendants, renforcement des contrôles des demandeurs d’emploi, accompagnement renforcé des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) –, Pôle emploi a vu ses effectifs stagner, voire diminuer depuis 2017. Ainsi que le note Stéphane Viry, rapporteur d’une mission « flash » sur Pôle emploi présentée à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en février 2019, « le volume des portefeuilles des conseillers explose » ([8]).

Parallèlement, Pôle emploi s’est engagé dans la sous-traitance de nombreuses prestations d’accompagnement à des opérateurs privés. Si les données manquent pour dresser un bilan de cette privatisation du service de l’emploi, une chose est sûre : le taux de retour durable à l’emploi est faible et des milliers de Français s’enfoncent dans la précarité chaque année, faute d’accompagnement suffisant vers le retour à l’emploi. Après un an et demi de recherche d’emploi, près d’une personne sur deux demeure au chômage.

Face à l’envolée du chômage, il est donc urgent de donner davantage de moyens humains à Pôle emploi afin que ses conseillers puissent consacrer davantage de temps à chaque demandeur d’emploi.

Lors de ses auditions, le rapporteur a pu constater qu’un meilleur accompagnement par Pôle emploi rendu par exemple possible dans le cadre des contrats de sécurisation professionnelle par exemple – de l’ordre de 60 dossiers par agent contre 250 dossiers par agent dans le cadre d’un suivi classique – permet d’obtenir de meilleurs résultats en termes de retour à l’emploi, et notamment de retour à l’emploi durable (cf. infra).

II.   L’impÉrieuse nÉcessitÉ de repenser la protection sociale et d’adapter les outils d’accompagnement des demandeurs d’emploi aux enjeux de l’aprÈs-crise

Répondre aux effets sur l’emploi de la crise économique liée à la survenance brutale de l’épidémie de covid-19 implique d’apporter des mesures rapides et adaptées à l’ampleur du cataclysme social qui s’annonce.

Mais la crise a également révélé les limites de notre système de protection sociale actuel, ce qui implique de concevoir dès à présent un nouveau modèle social et d’emploi, plus durable économiquement, socialement et d’un point de vue écologique, afin que les outils mis en place par les pouvoirs publics soient à la hauteur des enjeux de demain.

Deux voies doivent être privilégiées pour assurer la refonte de notre système social :

– repenser en premier lieu la protection sociale des actifs, car la crise a révélé avec acuité que les travailleurs en contrat court ou les travailleurs non salariés restent les principaux exposés à la précarité en cas de ralentissement de l’activité économique ;

– mieux tenir compte des enjeux de transition écologique et sociale dans la formation initiale et continue, ensuite, pour tendre vers une économie plus soutenable et plus durable.

A.   Repenser en profondeur la protection sociale de tous les travailleurs

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le financement du système de protection sociale français repose sur des cotisations sociales assises sur les revenus du travail, apportant des protections distinctes selon le statut ou la catégorie d’emploi de la personne.

Si, certaines prestations telles les prestations familiales ou la maladie ont été « universalisées », tel n’est pas le cas du droit du travail et du droit de la protection sociale, qui restent principalement avantageux pour les salariés disposant d’un contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein. À l’inverse, comme l’ont souligné les sociologues Mathieu Grégoire et Odile Join-Lambert, ce modèle se révèle « particulièrement pénalisant pour tous ceux qui ne cotisent pas, ou pas assez, ou mal » ([9]). Les deux auteurs définissent trois catégories d’actifs emblématiques de cette « mauvaise articulation entre emploi et protection sociale » :

– le « salarié à lemploi précaire (quil soit intérimaire, intermittent, saisonnier ou, plus banalement, quil alterne contrat à durée déterminée [CDD] et périodes de chômage) » ;

– le travailleur non salarié, tel l’exploitant agricole ou l’artisan ;

– le « salarié à la carrière discontinue », une situation qui concerne tout particulièrement les femmes.

Certes, des garanties ont été apportées au cours des dernières années pour limiter les risques de perte de revenus des actifs : « la combinaison de lassurance chômage (allocation chômage, activité réduite, allocation de solidarité spécifique) et des prestations sociales (prime dactivité, RSA, allocation logement) offre de facto une forme de sécurité des trajectoires de revenus, cest-à-dire une "garantie de revenus" ». Toutefois, cette garantie « couvre moins bien certains parcours et certains actifs, en particulier pour ceux qui ont accumulé peu (pas) de droits à lassurance chômage ou qui les ont épuisés » ([10]). En effet, à l’heure actuelle, moins d’un chômeur sur deux bénéficie de l’indemnisation chômage. Ce faible taux de couverture, qui s’est réduit au fil des réformes, pénalise particulièrement les salariés précaires et ceux à carrière discontinue.

De même, la protection sociale « prend déjà en compte certains aléas de carrières et des parcours diversifiés (validation de trimestre pour la retraite en cas de chômage ou de congé maternité, protection universelle maladie, maintien de droits à chômage non consommés en cas de reprise demploi, etc.) mais des progrès restent à faire ». Ainsi, les transitions entre différents emplois ou statuts dans l’emploi « doivent être mieux assurées », d’autant que « certains droits attachés au statut de salarié peuvent dépendre de lancienneté dans lemploi (congés, accès à la formation, allocation chômage) et être fragilisés en cas de transition » ([11]).

Renforcer les droits en cas de transition s’avèrera d’autant plus indispensable que la réforme de l’assurance chômage précitée a déjà détruit une partie de ces protections, notamment pour les plus précaires.

Selon l’Unédic, au cours de la première année de mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, de novembre 2019 à octobre 2020, la durée d’allocation sera réduite pour environ 11 % des allocataires, et 15 % des allocataires verront l’ouverture de leurs droits retardée. En volume, ce sont 710 000 personnes qui seront impactées négativement par le durcissement des conditions daccès à lassurance chômage. Or, les allocataires impactés par cette mesure sont « en moyenne plus jeunes, sont plus souvent des hommes et ont un salaire journalier de référence (SJR) plus faible par rapport aux autres allocataires » ([12]) : à rebours du bon sens, la réforme fragilise ainsi les profils les plus précaires, qui auraient le plus besoin d’un accompagnement vers le retour à l’emploi et d’une protection de leurs revenus.

Dans une société où les besoins sont en mouvement perpétuel et où chacun devra s’adapter et notamment adapter ses compétences professionnelles pour y répondre, faciliter et mieux accompagner les transitions d’un emploi à un autre ou d’un statut à un autre sans pour autant rogner sur les protections sociales constitue sans doute l’un des enjeux les plus cruciaux de la période nouvelle qui s’ouvre après l’épidémie de covid-19. Tel est le premier objectif poursuivi par la proposition de loi.

 

La réforme de l’assurance chômage

Compte tenu des bouleversements socio-économiques entraînés par la crise sanitaire, la ministre du travail a annoncé le 16 mars dernier le report au 1er septembre du deuxième volet de la réforme de l’assurance chômage (cf. infra) qui devait entrer en vigueur le 1er avril dernier ([13]).

La réforme de l’assurance-chômage a été engagée par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et a été déclinée dans les décrets n° 2019-796 et n° 2019–797 du 26 juillet 2019, à la suite de l’échec des négocations entre partenaires sociaux.

Le premier volet de la réforme est entré en vigueur le 1er novembre 2019. Celui-ci prévoit de nouvelles règles d’indemnisation. Avant la réforme, quatre mois de travail sur les vingt-huit derniers mois suffisaient pour ouvrir des droits à l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE). Dorénavant, il est nécessaire d’avoir travaillé au moins six mois sur les vingt‑quatre mois précédant la fin du dernier contrat – trente‑six mois pour les plus de 53 ans. En contrepartie, la durée minimale d’indemnisation a été rallongée : elle doit passer de quatre à six mois. La durée maximale de cette indemnisation reste de deux ans pour les moins de 53 ans, deux ans et demi pour les 53-55 ans et trois ans pour les plus de 55 ans.

Par ailleurs sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020 de nouvelles mesures d’accompagnement, dont la mise en œuvre incombe à Pôle emploi, pour les nouveaux inscrits et les travailleurs précaires.

Le deuxième volet de la réforme, qui est désormais au cœur du débat public, prévoit un nouveau mode de calcul de l’allocation chômage qui sera défavorable aux travailleurs les plus précaires, en particulier aux jeunes en fin de contrat ou de mission d’intérim. Le salaire journalier de référence, qui sert de base au calcul de l’allocation chômage, sera calculé non plus sur les jours travaillés dans les douze derniers mois, mais sur l’ensemble de la période allant du début du premier contrat à la fin du dernier contrat dans les vingt‑quatre derniers mois. En conséquence, plus les demandeurs d’emploi auront un rythme de travail fractionné, plus ils seront touchés par une baisse de leur allocation chômage. Néanmoins, la durée de leurs droits sera allongée. Selon l’Unédic, environ 850 000 nouveaux allocataires verraient leur allocation mensuelle passer de 905 à 708 euros, soit une baisse de 22 %, mais la durée de leur indemnisation passerait de douze mois à près de dix‑huit mois.

Enfin, la réforme de l’assurance chômage doit se terminer, à compter du 1er janvier 2021, par l’instauration d’un bonus-malus pour les entreprises qui recourent de manière excessive aux contrats courts.

En complément de la nécessité de renforcer les effectifs de Pôle emploi, le rapporteur tient en conséquence à rappeler que c’est toute l’architecture de l’assurance chômage qui doit être repensée en profondeur pour s’adapter aux effets de la crise. Le deuxième volet de la réforme de l’assurance chômage doit ainsi être non pas reporté au 1er septembre prochain mais tout simplement abandonné, pour permettre aux partenaires sociaux de construire de nouvelles protections pour les actifs qui auront perdu leur emploi pendant la crise (cf. infra).

Sources : Unédic, www.vie-publique.fr

B.   Tenir compte rÉsolument des enjeux de la transition Écologique et sociale dans la formation aux mÉtiers d’aujourd’hui et de demain

La crise liée à l’épidémie de covid-19 a par ailleurs révélé l’extrême vulnérabilité de nos sociétés face aux enjeux sanitaires, sociaux et environnementaux. Dès lors, la reconstruction de demain ne peut négliger les considérations sociales et environnementales qui ont tant fait défaut dans les politiques publiques des dernières décennies.

Ainsi que le soulignait France Stratégie dans le cadre de son séminaire « Soutenabilités » lancé au début de l’année 2020, « dans une perspective de long terme, il faut voir plus loin que la satisfaction de nos besoins vitaux et chercher ce qui contribue à construire un monde soutenable, tant sur le plan écologique et sanitaire que du point de vue de la justice sociale et du bien-être collectif. [...] Définir nos besoins essentiels en tenant compte du long terme, cest enfin tenir compte des limites planétaires, et in fine chercher à les prioriser. » ([14])

Pour répondre aux enjeux de soutenabilité de notre économie et de nos modes de vie et de consommation, une meilleure prise en compte des enjeux de transition écologique est indispensable. Cela suppose de faire évoluer drastiquement les outils de production et les compétences professionnelles attendues.

Le rapporteur est néanmoins convaincu que cette transition est compatible avec une transformation en profondeur de notre modèle social.

Plusieurs études ont en effet démontré que le nombre de créations d’emplois générées par l’économie circulaire et par les activités liées à la transition écologique est loin d’être négligeable : en France, l’économie circulaire aurait déjà créé quelques 600 000 emplois ([15]), soit plus de 2 % de l’emploi total en France, « avec un potentiel supplémentaire de 200 000 à 400 000 [créations d’emplois] grâce à des mesures relativement simples visant à diminuer la consommation de matières premières et dénergie » ([16]). L’Agence de la transition écologique (ADEME) estime pour sa part que la transition écologique entraînerait la création nette de quelque 350 000 emplois supplémentaires en France et 900 000 en 2050 ([17]).

Ainsi, force est de constater que « la reconstruction écologique nest pas lennemie de lemploi, bien au contraire. La production en circuit court et la nécessité de réduire la consommation dénergie fossile amènent à relocaliser des productions, à reconstruire différemment les circuits agricoles et alimentaires et à revoir laménagement du territoire au profit des villes petites et moyennes. Il sagit de construire ou de reconstruire une économie locale et régionale fortement créatrice demplois. » ([18])

Pour l’Institut Rousseau, une reconstruction écologique « socialement acceptable » doit nécessairement passer par des plans de reconversion des emplois et des qualifications. Or, ces objectifs semblent pour l’heure avoir été délaissés des intentions gouvernementales énoncées pendant la crise liée au covid-19. La priorité semble ainsi avoir été donnée à la préservation des emplois existants, sans réflexion aboutie sur la nécessité de transformer certains de ces emplois ou d’orienter les futurs demandeurs d’emploi vers de nouveaux secteurs d’activité, grâce à une formation appropriée leur permettant de développer leurs compétences professionnelles. À l’inverse, la proposition de loi s’attache à orienter les demandeurs d’emploi vers les métiers ou formations nécessaires à la transformation de l’économie, tout en laissant aux partenaires sociaux le soin de définir le champ des secteurs concernés.

III.   Le dispositif proposÉ : Adapter sans attendre les outils existants qui ont fait leurs preuves en matiÈre d’accompagnement des demandeurs d’emploi

Si rien n’est fait pour endiguer la vague qui s’annonce, la crise liée à l’épidémie de covid-19 risque d’être responsable de la destruction de millions d’emplois. Dans le même temps, la crise a mis en lumière la fragilité de notre modèle social attaché à l’emploi et au statut de la personne, et révélé avec acuité l’urgence de transformer notre économie pour répondre aux enjeux de l’indispensable transition écologique et sociale. Trois enjeux en découlent :

– apporter sans attendre des réponses aux personnes ayant perdu ou susceptibles de perdre leur emploi à l’occasion de la crise ;

– renforcer les protections des actifs entre deux emplois, comme préambule à une refondation plus large de notre modèle de protection sociale ;

– mieux prendre en compte les impératifs de transition écologique et sociale dans la formation et les projets de reconversion professionnelle des actifs.

Pour y répondre rapidement et de manière opérationnelle, la présente proposition de loi prévoit de mobiliser deux outils existants qui ont fait leurs preuves en termes d’accompagnement des personnes ayant subi un licenciement économique : le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et le congé de reclassement. L’intitulé, les objectifs et le champ de chacun de ces deux dispositifs sont toutefois largement modifiés pour répondre aux trois enjeux précédemment évoqués.

A.   Le contrat de sÉcurisation professionnelle (CSP) et le congÉ de reclassement : deux outils performants, mais un champ restreint

● Né en 2011 de la fusion de deux dispositifs – la convention de reclassement personnalisée (CRP), instituée en 2005, et le contrat de transition professionnelle (CTP), instauré en 2006 –, le contrat de sécurisation professionnelle a pour objectif de favoriser le reclassement ou la reconversion professionnelle des salariés licenciés pour motif économique, par des mesures d’accompagnement et une indemnisation spécifiques. Ces derniers sont précisés par une convention négociée par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives.

Tous les salariés licenciés pour motif économique d’une entreprise de moins de mille salariés y sont éligibles sur proposition de leur employeur ou, à défaut, de Pôle emploi.

L’adhésion au CSP donne accès à un accompagnement plus intensif et plus personnalisé par Pôle emploi, grâce à un conseiller unique dont le portefeuille de demandeurs d’emploi a une taille réduite. Le conseiller et le bénéficiaire peuvent élaborer un plan de sécurisation professionnelle (PSP) ouvrant droit à des prestations d’accompagnement adaptées au projet professionnel du bénéficiaire ainsi qu’à un accès facilité à la formation, en vue de l’approfondissement des compétences du demandeur d’emploi ou de sa reconversion professionnelle.

En contrepartie de leur engagement à suivre les actions d’accompagnement personnalisé prévues dans le cadre du contrat, les bénéficiaires du CSP perçoivent une allocation de sécurisation professionnelle (ASP), dont le montant est supérieur à l’allocation chômage de droit commun, l’allocation de retour à l’emploi (ARE).

Près d’une décennie après sa mise en place et après un ajustement significatif de ses paramètres en 2015 ([19]) (cf. commentaire de l’article 3), le CSP a réussi à s’imposer comme un outil d’accompagnement efficace pour les personnes ayant perdu leur emploi à la suite d’un licenciement économique.

Dans une récente étude ([20]), la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail relevait ainsi que la nouvelle convention entrée en vigueur le 26 janvier 2015 « a permis daméliorer le retour à lemploi » des bénéficiaires du contrat, « y compris lemploi durable » : « dans les 24 mois suivant leur adhésion au dispositif, 67 % des bénéficiaires du CSP de 2015 ont accédé à un emploi ». Dans 60 % des cas, il s’agit d’un emploi salarié et pour 41 % des bénéficiaires du CSP, il s’agit du retour à un emploi durable.

Selon l’Unédic, « le CSP est vécu par les bénéficiaires comme une démarche personnalisée, où ils pilotent leurs parcours de manière active et plus agile ». En outre, « les nouvelles règles et les aides à la reprise dun emploi [issues de la convention de 2015] créent un contexte très favorable à la reprise dactivité en cours de CSP » ([21]).

Parmi les éléments du CSP les plus fréquemment cités pour justifier l’adhésion, le montant de l’ASP, plus élevé que celui de l’ARE, est en tête, car il donne la perception « dune continuité de revenu qui sécurise, permet de se poser et de prendre le temps de rebondir sans culpabiliser » ([22]) :

– pour une partie des adhérents au CSP, ce dernier est conçu comme « un tremplin pour mettre en œuvre un projet : compléter sa formation ou acquérir un diplôme [...] ; se reconvertir, créer son activité » ;

– pour d’autres, « il sagit dabord de retrouver un emploi en optimisant les conséquences personnelles  souffler, moccuper de mes enfants » ; « me reposer, la période avant le licenciement avait été très difficile »), professionnelles (« prendre mon temps pour choisir le poste qui me convient vraiment ») et financières de leur choix ».

L’accès facilité à un interlocuteur unique et à la formation est également un atout non négligeable du CSP, le stagiaire se sentant responsabilisé dans la mise en œuvre de son contrat, « par le travail quil effectue en entretien ou en ateliers, par les engagements quil prend et par les choix quil fait aux différentes étapes de son CSP : orientation, domaine et modalités de prospection, formation ou non, reprise dun travail ou non... » ([23]).

● Pour les salariés des entreprises et groupes d’au moins mille salariés exposés à un licenciement pour motif économique, un autre dispositif existe depuis 2002 : le congé de reclassement.

La durée du congé de reclassement est comprise entre quatre et douze mois. Le salarié continue néanmoins à percevoir sa rémunération habituelle pendant toute la durée du préavis de licenciement ; au-delà, il perçoit une rémunération au moins égale à 65 % du salaire brut mensuel des douze mois précédant la notification du licenciement.

Le congé de reclassement ouvre droit pour le salarié aux prestations d’une cellule d’accompagnement, et le cas échéant à des actions de formation ou à une validation des acquis de l’expérience. Contrairement au CSP, toutes ces actions sont intégralement prises en charge par l’employeur. En conséquence, très peu de données chiffrées ou qualitatives permettant d’évaluer le recours et l’efficacité de ce dispositif sont disponibles.

● La mise en place du contrat de sécurisation professionnelle et du congé de reclassement montre qu’une attention toute particulière a été prêtée ces dernières années aux salariés confrontés à un licenciement pour motif économique. Concernant le CSP, cet accompagnement a largement porté ses fruits puisque les bénéficiaires du contrat bénéficient d’un taux de retour à l’emploi important. La période de transition entre le licenciement et le nouvel emploi est elle-même perçue comme bénéfique, car elle permet au salarié soit d’approfondir ses compétences, soit de se former en vue d’une reconversion professionnelle.

Le principal écueil de ces deux dispositifs repose néanmoins précisément sur leur champ : ils ne sont accessibles qu’aux salariés licenciés pour motif économique.

Or, les demandeurs d’emploi licenciés économiques ne représentent qu’une très faible proportion du nombre total de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi : environ 1,6 % des inscrits au deuxième trimestre de l’année 2019 (cf. tableau). La proportion d’adhérents au CSP est encore plus faible : environ 55 000 personnes étaient bénéficiaires d’un contrat de sécurisation professionnelle en moyenne au quatrième trimestre 2019, soit à peine 1 % du total des personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de chercher un emploi ([24]).


EntrÉes À PÔle emploi en catÉgories A, B, C par motif au 2e trimestre 2019

 

Nombre moyen dentrées

Répartition par motif (en %)

Fin de contrat

106 800

20,2

Réinscription rapide

89 300

16,9

Retour d’inactivité

83 700

15,8

Motif indéterminé

49 100

9,3

Première entrée sur le marché du travail

36 300

6,9

Autre licenciement

36 000

6,8

Rupture conventionnelle

35 200

6,7

Autres motifs

33 400

6,3

Fin de mission dintérim

31 000

5,9

Démission

19 500

3,7

Licenciement économique

8 200

1,6

Ensemble des entrées en catégories A, B, C

528 600

100,0

Source : DARES indicateurs, Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi au deuxième trimestre 2019, juillet 2019, n° 034.

Alors que les fins de contrats et les fins de missions d’intérim représentaient respectivement, sur la même période, 20,2 % et 5,9 % des inscrits et que cette tendance risque de s’aggraver dans le contexte de la crise actuelle, ces travailleurs précaires ne peuvent adhérer à un dispositif d’accompagnement personnalisé tel que le CSP.

B.   La transformation du CSP et du congÉ de reclassement en une « garantie salaire-formation » pour tous les licenciÉs Économiques et les salariÉs arrivant au terme de leur contrat prÉcaire

Afin qu’un nombre plus important de demandeurs d’emploi bénéficient d’un accompagnement renforcé et personnalisé pour se former ou se reconvertir professionnellement dans des secteurs d’avenir, la proposition de loi a fait le choix de préserver le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et le congé de reclassement, tout en en modifiant l’intitulé, le champ et certains des objectifs.

● Pour assurer un accompagnement de qualité vers la formation et le retour à l’emploi à chaque actif dont le contrat précaire (contrat à durée déterminée, intérim ou contrat de chantier ou d’opération) n’aurait pas été renouvelé en raison de la crise liée au covid-19, les articles 1er et 2 de la proposition de loi proposent ainsi de transformer le CSP et le congé de reclassement respectivement en contrat et congé de transition.

La principale distinction entre les deux dispositifs reposera, comme aujourd’hui, sur la prise en charge financière des actions de formation proposées : l’État et l’Unédic participeront ainsi au financement de l’accompagnement des salariés adhérant au contrat de transition, tandis que l’employeur devra assumer intégralement le coût du congé de transition dès lors que l’effectif de l’entreprise est égal ou supérieur à cinq cents salariés – contre mille en l’état du droit.

La proposition de loi sécurise en outre la rémunération des salariés pendant toute la durée du contrat, en inscrivant dans la loi le niveau de rémunération du salarié, qui relevait jusqu’alors de la négociation entre les partenaires sociaux. Cette garantie de revenus permettra ainsi à chaque bénéficiaire d’un contrat ou congé de sécurisation de se former en vue d’un retour à l’emploi ou d’une reconversion professionnelle, pendant une durée de deux ans maximum, sans perte significative de revenus.

Ces principes étant posés, les formations proposées aux demandeurs d’emploi adhérents au contrat ou congé de transition pourront être orientées en priorité vers des secteurs négligés jusqu’alors, tels que la transition écologique et sociale.

Selon le profil du demandeur d’emploi et les caractéristiques de son bassin d’emploi, urbain ou rural, métropolitain ou ultramarin, la nature des formations proposées par le conseiller Pôle emploi pourra bien évidemment être adaptée au plus près des besoins du territoire et des attentes du demandeur d’emploi, pour l’orienter vers le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments, des mobilités, des énergies renouvelables ou encore de l’agriculture par exemple.

● L’article 3 propose enfin de maintenir les partenaires sociaux au cœur du dispositif en leur confiant, comme aujourd’hui, le soin de définir les modalités de mise en œuvre et de financement des deux dispositifs, grâce à l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle dans un délai d’un mois après la promulgation de la loi.

 

 


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   commentaires d’articles

Article 1er
Transformation du contrat de sécurisation professionnelle en contrat de transition

Rejeté par la commission

Cet article transforme le contrat de sécurisation professionnelle en contrat de transition, afin d’élargir le champ de ses bénéficiaires, d’allonger sa durée et d’adapter ses objectifs aux enjeux de transition écologique et sociale révélés par la crise liée à l’épidémie de covid-19.

I.   Les caractÉristiques du contrat de sÉcurisation professionnelle (CSP)

Le contrat de sécurisation professionnelle est décrit à la sous-section 2 de la section 6 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail.

Toutefois, le code du travail ne fixe qu’un cadre général. Conformément à l’article L. 1233-68 du même code, ses modalités de mise en œuvre sont ensuite précisées par un accord national interprofessionnel ([25]) : ce sont ainsi les dispositions de la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle qui sont applicables à ce jour ([26]), faisant suite aux dispositions de la convention du 19 juillet 2011.

A.   L’objet et le champ du contrat

1.   L’objet du contrat

D’après l’article L. 1233-65 du code du travail, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) a pour objet « lorganisation et le déroulement dun parcours de retour à lemploi, le cas échéant au moyen dune reconversion ou dune création ou reprise dentreprise ».

Outre une phase de bilan, d’évaluation des compétences et d’orientation professionnelle, le contrat comprend des mesures d’accompagnement, « notamment dappui au projet professionnel », ainsi que des périodes de formation et de travail.

Selon la convention du 26 janvier 2015, la durée maximale du CSP est de douze mois. Toutefois, cette durée peut être prolongée dans la limite de trois mois supplémentaires, soit quinze mois au maximum.

2.   Les salariés concernés

Le contrat de sécurisation professionnelle doit obligatoirement être proposé par l’employeur à tout salarié d’une entreprise de moins de mille salariés pour lequel il est envisagé de prononcer un licenciement pour motif économique, que ce licenciement soit prononcé dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou non (article L. 1233-66 du même code).

En cas d’omission de l’employeur, le contrat de sécurisation professionnelle est proposé au salarié par Pôle emploi. L’employeur est alors tenu de verser une contribution égale à deux mois de salaire brut, portée à trois mois si son ancien salarié adhère au CSP.

B.   Les modalitÉs de mise en œuvre du CSP

1.   Les conséquences de l’acceptation du contrat pour le salarié

a.   La rupture du contrat de travail

Selon l’article L. 1233-67 du même code, l’adhésion d’un salarié au CSP « emporte rupture du contrat de travail », et le salarié est ainsi placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle.

b.   Les modalités de rémunération du salarié

La rupture du contrat est réalisée sans préavis ni versement d’une indemnité compensatrice de préavis ; le salarié bénéficie néanmoins de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail et, le cas échéant, de toute indemnité conventionnelle due en cas de licenciement pour motif économique.

Les bénéficiaires du CSP ayant au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise perçoivent cependant une allocation de sécurisation professionnelle (ASP), dont le montant est égal à 75 % du salaire brut antérieur, soit un montant significativement supérieur à celui de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) de droit commun.

Les modalités de calcul de lallocation chômage daide au retour à lemploi

Le montant brut de l’allocation journalière de retour à l’emploi (ARE) est calculé par Pôle emploi selon le montant le plus élevé entre les formules de calcul suivantes :

− 40,4 % du salaire journalier de référence + 12 euros ;

− 57 % du salaire journalier de référence.

Si le résultat est inférieur est inférieur à 29,26 euros, Pôle emploi verse la différence pour parvenir à ce montant d’allocation minimale.

Source : Unédic.

La convention du 26 janvier 2015 a en outre instauré une prime de reclassement pour tout adhérent au CSP reprenant un emploi durable – c’est-à-dire un contrat à durée indéterminée, un contrat d’au moins six mois ou une création d’activité ou d’entreprise − avant la fin du dixième mois du congé. Le montant de cette prime est équivalent à 50 % du reliquat de droit au titre de l’ASP et se traduit par deux versements d’un montant égal, si le maintien dans le poste est constaté après trois mois.

2.   Le financement du contrat

Selon l’article L. 1233-69 du code du travail, le financement du contrat de sécurisation professionnelle est effectué par :

– le versement, par l’employeur, d’un montant équivalent à celui de l’indemnité compensatrice de préavis, dans la limite de trois mois de salaire majoré de l’ensemble des cotisations et contributions sociales afférentes (article L. 1233‑69) ;

− une contribution de l’État et de l’Unédic pour couvrir les dépenses engagées dans le cadre du contrat, « y compris les dépenses liées aux coûts pédagogiques des formations ». En application de l’article 24 de la convention du 26 janvier 2015, ces modalités de financement sont fixées par une convention entre l’État et l’Unédic (cf. encadré infra) ;

− éventuellement, une contribution des régions « dans le cadre de la programmation inscrite dans le contrat de plan régional de développement des formations et de lorientation professionnelles mentionné à larticle L. 214-13 du code de léducation ».

Le financement de laccompagnement des bénéficiaires de CSP

L’Unédic et l’État participent chacun à hauteur de 50 % au financement de l’accompagnement des bénéficiaires. L’Unédic comme l’État versent ainsi :

– 700 euros par bénéficiaire accompagné, ainsi qu’une part variable versée en fonction des résultats de reclassement individuel, lorsque l’accompagné est réalisé par Pôle emploi ;

– la moitié du coût de la rémunération – fixe et variable – aux opérateurs privés dans le cadre des marchés de sous-traitance passés par Pôle emploi.

Source : Convention État-partenaires sociaux relative à la mise en œuvre du CSP du 30 novembre 2015.

Au total, d’après les chiffres publiés par l’Unédic ([27]), les dépenses d’allocation liées au CSP (hors prime de reclassement) s’élevaient à 1 103 millions d’euros en 2018. La participation de l’employeur versée à l’Unédic s’élevait quant à elle à 420 millions d’euros la même année.

II.   Les modifications proposÉes

Afin d’adapter le contrat de sécurisation professionnelle aux nouveaux enjeux nés de la crise économique et sociale liée à l’épidémie de covid-19, le présent article propose de transformer le CSP en « contrat de transition », un contrat au champ élargi et aux objectifs redéfinis.

En termes de légistique, la transformation sémantique du « contrat de sécurisation professionnelle » au « contrat de transition » est effectuée aux différentes occurrences rencontrées à la sous-section 2 de la section 6 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail aux , a des et, , a et c du et .

A.   Les objectifs poursuivis par le contrat de transition

1.   Élargir le bénéfice du contrat aux salariés ayant perdu leur emploi pendant ou à l’issue de la crise liée à l’épidémie de covid-19

La crise économique liée au covid-19 saccompagnera dune recrudescence importante du nombre de demandeurs demploi (cf. supra). Or, les outils daccompagnement traditionnellement proposés par Pôle emploi sont insuffisants et moins ambitieux que le contrat de sécurisation professionnelle, qui a déjà fait ses preuves en termes daccompagnement et de reconversion des salariés ayant subi un licenciement pour motif économique.

Cet article propose donc détendre considérablement le bénéfice du contrat de transition, afin que les salariés en contrat précaire ayant perdu leur emploi à loccasion de la crise bénéficient dun accompagnement personnalisé vers le retour à lemploi.

Selon le b du , qui modifie l’article L. 1233-66, l’employeur serait ainsi tenu de proposer le contrat de transition à trois catégories de salariés en contrat court, en plus des salariés licenciés pour motif économique. Il s’agit des salariés :

− en fin de contrat à durée déterminée ;

− en fin de mission d’intérim ;

− en fin de contrat de chantier ou d’opération, tel que décrit à l’article L. 1236-8 du code du travail.

Par ailleurs, tous les salariés remplissant les conditions précédemment présentées seraient éligibles au CSP dès lors qu’ils sont employés dans une entreprise d’au moins cinq cents salariés – contre mille actuellement.

2.   Mieux tenir compte des enjeux sociaux et environnementaux dans les formations et l’accompagnement proposés

L’ambition du nouveau contrat de transition est d’orienter les personnes se trouvant sans emploi à l’issue de la crise vers des métiers et compétences plus en phase avec les impératifs de transition écologique et sociale.

En conséquence, le b du précise que le projet professionnel élaboré dans le cadre d’un contrat de transition doit tenir compte, outre les enjeux d’évolution des métiers et la situation du marché du travail déjà prévus dans le CSP, « des enjeux sociaux et de la transition écologique ».

B.   Les caractÉristiques du contrat de transition

1.   La durée du contrat

Le b dudispose que l’accord national interprofessionnel chargé de définir les modalités de mise en œuvre du CSP mentionné à l’article L. 1233-68 ne pourra définir une durée de contrat de transition inférieure à vingt-quatre mois. Il faut lire ici « supérieure » et non « inférieure », car c’est bien la durée maximale du contrat qui doit être de vingt-quatre mois, comme le précise l’exposé des motifs de la proposition de loi.

Pour les contrats courts, sans pouvoir être inférieure à deux années, la durée totale du contrat variera néanmoins en fonction « de la durée totale de la relation de travail » (b du ).

2.   Les modalités de rémunération du salarié pendant la durée du contrat

Le d du précise que l’allocation versée au salarié en contrat de transition pendant la durée du contrat ne peut être inférieure « à 75 % du salaire brut calculé sur la base des douze derniers mois » de salaire, à l’instar de ce que prévoit déjà la convention du 26 janvier 2015 pour le CSP.

Ce calcul, qui tient compte de l’effort de formation et des éventuelles périodes de travail du bénéficiaire du contrat, est au moins aussi favorable que l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) qui serait versée au salarié, qui ne peut en aucun cas dépasser 75 % du salaire journalier de référence.

L’article 1er ne modifie pas le montant de la contribution versée par l’employeur pour l’adhésion d’un ancien salarié au contrat de transition, pour ne pas mettre davantage en difficulté les petites et moyennes entreprises déjà largement éprouvées par la crise économique. En conséquence, le surcoût lié à l’augmentation de la durée du contrat et au nombre de bénéficiaires potentiels du contrat de transition serait supporté principalement par l’État et l’Unédic.


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Article 2
Transformation du congé de reclassement en congé de transition

Rejeté par la commission

Cet article transforme le congé de reclassement, destiné aux salariés employés par des entreprises d’au moins de mille salariés susceptibles d’être licenciés pour motif économique, en congé de transition accessible aux salariés de toute entreprise d’au moins cinq cents salariés menacés de licenciement économique ou arrivant au terme d’un contrat précaire.

I.   Le congÉ de reclassement

A.   L’objet et le champ du congÉ de reclassement

Dans les entreprises d’au moins mille salariés, tout licenciement pour motif économique ouvre droit à un congé de reclassement pour les salariés concernés.

Les modalités de mise en œuvre de ce congé sont précisées aux articles L. 1233-71 à L. 1233-74 de la sous-section 3 de la section 6 du chapitre III du livre III du livre II de la première partie du code du travail.

1.   L’objet du congé de reclassement

Aux termes de l’article L. 1233-71, le congé de reclassement a pour objet de « permettre au salarié [licencié pour motif économique] de bénéficier dactions de formation et des prestations dune cellule daccompagnement des démarches de recherche demploi ».

D’une durée de douze mois au maximum, ce congé comporte si nécessaire un « bilan de compétences » destiné à aider le salarié à définir un projet de formation professionnelle et, en fonction de ce dernier, de définir et de mettre en œuvre les éventuelles actions de formation nécessaires à son reclassement. Si, au terme du congé, le salarié n’a pas retrouvé de nouvel emploi, l’employeur peut procéder au licenciement pour motif économique.

2.   Les entreprises concernées

Sont tenus de proposer un congé de reclassement en cas de licenciement pour motif économique :

− les entreprises et établissements d’au moins mille salariés ;

− les entreprises dominantes mentionnées à l’article L. 2331-1 du code du travail dont le siège social est situé sur le territoire français, lorsqu’elles emploient au moins mille salariés ;

− les entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire mentionnées aux articles L. 2341-1 et L. 2341-2 du même code, dès lors qu’ils emploient au moins mille salariés.

B.   Les modalitÉs de financement du congÉ de reclassement et de rÉMUNÉration du salariÉ

Contrairement au contrat de sécurisation professionnelle, toutes les actions de formation et mesures d’accompagnement mises en œuvre dans le cadre d’un congé de reclassement sont financées intégralement par l’employeur (article L. 1233-71 du code du travail).

Le congé de reclassement est pris pendant le préavis de licenciement ; le salarié continue donc de percevoir sa rémunération habituelle pendant cette durée. Si toutefois la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, alors la rémunération versée au salarié correspond au montant de l’allocation de conversion prévue au 3° de l’article L. 5123-2 du code du travail, c’est-à-dire qu’elle doit être au moins égale à 65 % de la rémunération brute moyenne des douze derniers mois précédant la date de début de congé, sans pouvoir être inférieur à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ([28]).

II.   Le dispositif proposÉ

À l’instar des modifications proposées à l’article 1er de la proposition de loi, le présent article propose de transformer le congé de reclassement en « congé de transition » afin d’élargir le champ de ses bénéficiaires et d’adapter ses objectifs aux nouvelles exigences issues de la crise liée à l’épidémie de covid-19.

En conséquence, les , b du , a du et modifient les occurrences des termes « congé de reclassement » par les termes « congés de transition » respectivement à l’intitulé de la sous-section 3 de la section 6 du chapitre III du livre III du livre II de la première partie du code du travail ainsi qu’aux articles L. 1233‑71, L. 1233-72 et L. 1233-74 du même code.

A.   Les objectifs et le champ du conGÉ de transition

1.   Le type d’accompagnement proposé

Le modifie l’article L. 1233-71 du code du travail afin de préciser :

− d’une part, que les actions de formation et les prestations d’accompagnement des démarches de recherche d’emploi proposées dans le cadre d’un congé de transition doivent être « de nature à assurer [la] transition professionnelle » du salarié (a) ;

− d’autre part, que le projet de transition professionnelle doit tenir compte « de la situation du marché du travail » − contrairement au contrat de sécurisation professionnelle, cet objectif n’était pas clairement précisé pour le congé de reclassement – ainsi que « de lévolution des métiers au regard des enjeux sociaux et de la transition écologique ».

2.   Le champ du dispositif

Les entreprises tenues de proposer le congé de transition à leurs salariés sont les mêmes entreprises que celles tenues de proposer aujourd’hui un congé de reclassement en cas de licenciement économique, mais le seuil d’effectif requis est abaissé de mille à cinq cents salariés (a du ).

Outre les salariés pour lesquels l’employeur envisage de prononcer un licenciement pour motif économique, l’employeur sera également tenu de proposer le congé de transition à chaque salarié en fin de contrat à durée déterminée (CDD), en fin de mission d’intérim ou arrivant au terme d’un contrat de chantier ou d’opération.

B.   Les caractÉristiques du congÉ de transition

Le a du précise que la durée du congé de transition ne peut excéder vingt‑quatre mois, contre douze mois actuellement. Pour les salariés arrivant au terme d’un contrat court, la durée du congé sera ajustée en fonction de la durée dudit congé, selon des modalités fixées par décret.

En termes de financement et de rémunération, l’employeur continuera de prendre en charge l’intégralité du coût des actions de formation et des mesures d’accompagnement proposées au salarié dans le cadre du congé. Cependant, si la durée du contrat excède la durée du préavis dû par le salarié, le b du précise à l’article L. 1233-72 que la rémunération versée ne peut être inférieure à 75 % du salaire brut calculé sur la base des douze derniers mois.

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Article 3
Négociation nationale et interprofessionnelle en vue de définir les dispositifs daccompagnement des salariés pour faire face à la crise économique, ainsi que les modalités de financement et de mise en œuvre du contrat et du congé de transition

Rejeté par la commission

Cet article invite les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives à négocier un accord national interprofessionnel visant à définir les modalités d’accompagnement des salariés pour faire face à la crise économique liée à l’épidémie de covid-19 et, en particulier, les conditions de financement et de mise en œuvre du contrat et du congé de transition.

I.   Le rÔle dÉcisif des partenaires sociaux dans la dÉfinition des dispositifs d’accompagnement des salariÉs ayant subi un licenciement Économique

Dès sa mise en place, le pilotage du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) était envisagé comme un pilotage conjoint entre l’État et les partenaires sociaux.

En conséquence, les partenaires sociaux ont été associés très étroitement, dès 2011, à la définition des modalités de mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement des salariés licenciés pour motif économique par la négociation d’un accord national interprofessionnel (ANI) relatif au contrat de sécurisation professionnelle ([29]).

● Cet ANI, signé le 31 mai 2011, prévoyait notamment :

– de sanctionner le fait, pour un employeur, de ne pas proposer le contrat de sécurisation à un salarié éligible, par le versement d’une indemnité égale à deux mois de salaire brut, portée à trois mois en cas d’adhésion du salarié au CSP lors de son inscription à Pôle emploi ;

– la contribution de l’employeur au financement du CSP par le versement d’une indemnité équivalente au montant de l’indemnité de préavis, dans la limite de trois mois de salaire ;

– de fixer la durée maximale du contrat à douze mois ;

– de garantir une allocation équivalente à 80 % du salaire brut antérieur au salarié ;

– de confier l’accompagnement des bénéficiaires à Pôle emploi, qui peut le déléguer à d’autres opérateurs.

● Pour tirer les conséquences de cet accord, la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels ([30]) a ensuite conféré une base légale au nouveau dispositif de contrat de sécurisation professionnelle, en inscrivant aux articles L. 1233-65 à L. 1233-70 du code du travail le « cadre très général » du CSP et renvoyant aux partenaires sociaux la détermination de l’essentiel des modalités d’application.

Ainsi, la définition d’« éléments aussi fondamentaux que les conditions dancienneté pour accéder au contrat de sécurisation professionnelle, sa durée, le niveau dindemnisation des bénéficiaires, les éventuelles incitations financières à la reprise demploi qui y seront associées, le contenu des mesures daccompagnement, les contributions financières quy apporteront lUnédic et les employeurs, etc. » ([31]) ont été confiés aux partenaires sociaux.

● Afin d’ajuster plusieurs paramètres du CSP et d’améliorer le retour à l’emploi de ses bénéficiaires, un nouvel ANI a été négocié par les partenaires sociaux le 8 décembre 2014, puis retranscrit dans la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle ([32]).

Les modifications portaient notamment sur :

– le montant de l’allocation de sécurisation professionnelle (ASP), ramené de 80 à 75 % du salaire journalier de référence ;

– la création d’une prime au reclassement en cas de reprise d’activité avant la fin du dixième mois du contrat ;

– l’accès de droit à toutes les formations éligibles au compte personnel de formation (CPF) si la formation retenue correspond au projet professionnel du bénéficiaire du contrat.

● S’agissant du congé de reclassement destiné aux salariés des entreprises d’au moins mille salariés, l’article L. 1233-73 du code du travail prévoit également la possibilité, pour les partenaires sociaux, de prévoir dans le cadre d’un ANI une contribution aux actions engagées dans le cadre du congé de reclassement. Toutefois, aucun accord n’a été conclu à cette fin.

II.   Le dispositif proposÉ

● Dans la continuité du dispositif prévu en 2011 pour le contrat de sécurisation professionnelle, la présente proposition de loi fixe un cadre général pour la mise en place du contrat et du congé de transition respectivement créés par les articles 1er et 2 de la proposition de loi. Ce cadre est toutefois plus précis que pour le contrat de sécurisation professionnelle, puisqu’il inscrit dans la loi à la fois la durée de chaque dispositif – vingt-quatre mois maximum – ainsi que le montant de l’allocation due aux salariés bénéficiaires de ces deux contrats, alors qu’il relevait jusqu’à présent de la négociation collective.

● Le présent article confie ensuite aux partenaires sociaux le soin de définir, par la voie d’un accord national interprofessionnel (ANI), les modalités de mise en place de ces deux dispositifs.

L’article 3 prévoit ainsi que dans un délai « dun mois » à compter de la promulgation de la présente loi, les organisations syndicales de salariés ainsi que les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel « se réunissent en vue daboutir à un accord national et interprofessionnel sur les dispositifs daccompagnement des salariés pour faire face à la crise économique ».

S’agissant du contrat de transition et du congé de transition, cet ANI devra définir à la fois ses modalités de financement et de mise en œuvre, en particulier :

– le champ des salariés éligibles, d’une part ;

– la définition des actions d’accompagnement et de formation prévues par ces deux dispositifs, d’autre part, en tenant compte par priorité des « objectifs écologiques et sociaux » nés de la crise actuelle. Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, la négociation doit ainsi permettre de « favoriser lorientation des travailleurs dans des secteurs économiques sengageant dans la transition écologique ou vers des activités répondant à des besoins sociaux insuffisamment satisfaits ».

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Article 4
Compensation financière

Rejeté par la commission

Cet article crée une compensation financière visant à couvrir le surcroît de charges, pour l’État, né de l’élargissement des catégories de bénéficiaires du contrat et du congé de transition par rapport au champ des actuels contrat de sécurisation professionnelle et congé de reclassement.

L’élargissement du champ des bénéficiaires du contrat de transition et du congé de transition aux salariés arrivant au terme d’un contrat précaire ainsi que l’inscription dans la loi du montant de la rémunération minimale due pendant la durée du contrat ou du congé auront un impact direct sur le financement de l’État, qui participe ([33]) :

– à hauteur de 50 %, au financement des dépenses d’accompagnement inhérentes au CSP, d’une part ;

– à la prise en charge, au titre du plan d’investissement dans les compétences (PIC), des coûts pédagogiques inhérents aux formations effectuées dans le cadre du CSP, d’autre part.

À cette fin, le présent article pose le principe d’une compensation financière de la charge pour l’État, qui repose sur la création, à due concurrence, d’une taxe additionnelle aux droits sur le tabac mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

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   COMPTE RENDU DES TRAVAUX

Au cours de sa troisième séance du mercredi 10 juin 2020, la commission procède à lexamen de la proposition de loi de M. Pierre Dharréville visant linstauration dune garantie salaire-formation au service de la transition écologique et sociale de léconomie (n° 3007) (M. Gabriel Serville, rapporteur).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9171841_5ee0f3e1ccb24.commission-des-affaires-sociales--instauration-d-une-garantie-salaire-formation-au-service-de-la-tr-10-juin-2020

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je précise que Gabriel Serville, désigné rapporteur, n’a pu quitter sa circonscription en raison des difficultés qui subsistent dans les transports aériens. Pierre Dharréville va donc le suppléer pour cette réunion.

M. Pierre Dharréville, suppléant M. Gabriel Serville, rapporteur. L’épidémie de covid-19 n’a pas fini de produire ses effets sur nos vies : parce qu’elle a eu un impact profond sur les activités humaines, nous risquons un tsunami social dont nous ne mesurons pas l’ampleur. D’après l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le produit intérieur brut de la France a diminué de 32 % pendant le confinement, à tel point que l’OFCE considère qu’« une telle chute de l’activité [...] n’a jamais été observée, à part peut-être en temps de guerre. »

En 2020, la France devrait connaître une récession de 11 %. Il faudrait s’entendre sur ce que mesure exactement ce chiffre, sur ce qu’il recouvre en termes d’utilisation du travail et de la matière, de modes de production et de consommation, de modes de déplacement et de logement, de modes de vie. Il ne fait toutefois aucun doute que des millions d’emplois sont menacés par cette déflagration économique. La ministre du travail a d’ailleurs d’ores et déjà pris acte que le taux de chômage dépasserait la barre symbolique des 10 % cette année, alors que l’objectif était fixé à 7 % à l’horizon de 2022.

Dans ce contexte, le prolongement du dispositif d’activité partielle annoncé par le Gouvernement ne suffira pas. Entre le 1er février et le 30 avril dernier, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, c’est-à-dire sans aucun emploi déclaré, a crû de plus de 1 million, dont 843 000 rien qu’au mois d’avril, ce qui marque une augmentation de 22,6 % par rapport au mois de mars. Les trois quarts de la hausse du chômage s’expliquent par le passage en catégorie A de demandeurs d’emploi en mars. Les travailleurs précaires sont les premiers touchés, alors que la réforme de l’assurance chômage de 2019 les avait déjà particulièrement fragilisés. Par ailleurs, de nombreux travailleurs en emploi stable risquent de connaître le chômage ou la précarité.

L’envolée du chômage affecte particulièrement les secteurs qui ont été les plus pénalisés par le confinement : l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, le bâtiment ou encore le monde du spectacle. Les jeunes sont aussi particulièrement touchés, avec une augmentation de 29,4 % de demandeurs d’emploi en avril pour les moins de 25 ans. Cela devrait empirer avec l’arrivée sur le marché du travail de 700 000 jeunes en fin d’études ou de formation. Il y a donc urgence à agir.

La crise que nous traversons a mis en lumière les insuffisances de notre protection sociale, ainsi que l’inadaptation de notre mode de vie aux exigences environnementales. Les carrières sont de moins en moins rectilignes, plus variées, plus hachées, en raison de la précarisation de l’emploi, des mutations économiques, et peut-être aussi d’un désir de diversification des expériences. Cela appelle la création de nouveaux droits pour sécuriser les revenus et mieux accompagner les transitions, en donnant aux travailleurs plus de prise sur leur trajectoire et en favorisant l’élévation du niveau de qualification.

C’est l’occasion d’en appeler au respect des métiers, de l’œuvre, des œuvriers, pour éviter un retour, sous des formes nouvelles, du travail à la tâche – qui correspond à une économie de la débrouille déstructurée et incapable de répondre correctement aux besoins de tous, dégradant le travail au lieu de le rendre émancipateur. C’est dans cet esprit que nous devons innover socialement. Il faut créer les conditions sociales permettant à chacun de contribuer sereinement par son travail à répondre aux besoins humains.

En ces temps de crise, il est moins acceptable que jamais de rogner sur les protections sociales, comme s’y emploie, hélas, la réforme de l’assurance chômage, qui doit être urgemment et définitivement abandonnée, tant elle provoque de dégâts. Il faut en outre renforcer les moyens de Pôle emploi, comme le préconisait Stéphane Viry en février 2019 dans le cadre de la mission « flash » consacrée à cet organisme.

Il faut parallèlement nourrir une plus grande ambition sociale et écologique. Nous devons relever conjointement deux défis : la crise et l’accélération de la transition écologique. Nous n’affronterons pas le premier en renvoyant le second aux calendes grecques – ce serait irresponsable et dramatique –, ni ne répondrons au second en pariant sur les dégâts mécaniques de la dépression.

Nous devons transformer profondément nos modes de production et de travail, cesser de gaspiller le travail et la matière. Cette crise ne doit pas interrompre les mutations engagées. Des dispositifs publics d’accompagnement à la transformation des outils de production doivent être institués dans les filières et les entreprises. Cette transition est d’abord humaine ; elle nécessite donc un accompagnement des travailleurs pour qu’ils soient pleinement acteurs du changement des modes de production, dans leur branche ou leur métier, ou pour qu’ils apportent de nouvelles réponses dans les domaines en développement.

Il est urgent de mieux prendre en compte les enjeux de la transition écologique et sociale dans la formation initiale et continue et dans la formation des demandeurs d’emploi, mais aussi dans les parcours eux-mêmes et les cycles des entreprises. La transition écologique est un vecteur de création d’emplois dans tous les secteurs.

Nous avons besoin du travail humain dans de nombreux domaines et devons refuser les logiques d’exclusion de l’emploi organisées par le marché. Il convient de repenser le travail, de mieux le partager et le protéger, de soigner les métiers, les qualifications et leur reconnaissance au lieu d’entretenir la précarisation. Il faut également maintenir un niveau de rémunération qui contribuera à une relance par la réponse aux besoins.

La présente proposition de loi, détaillée dans le rapport de Gabriel Serville, constitue un embryon de réponse. La garantie salaire-formation porte en elle une perspective réjouissante de sécurisation sociale des parcours envisagée comme une liberté pour les salariés et un atout pour une économie au service de l’humain, dans le respect de la planète.

Notre proposition consiste en un dispositif ambitieux d’accompagnement des demandeurs d’emploi, pour ne pas reproduire les erreurs des politiques publiques d’hier qui ont, d’une certaine façon, pris acte de la précarité et du chômage. La garantie salaire-formation entend protéger les salariés en contrat précaire et les licenciés économiques victimes de cette crise, tout en les accompagnant pour leur permettre, dans le respect de leur libre choix, de se former ou de se reconvertir professionnellement, notamment vers des secteurs-clés de la transition écologique et sociale. Ce dispositif pourrait être encore approfondi mais, parce qu’il répond aux enjeux du double défi que j’ai évoqué, il paraît nécessaire de le généraliser sans attendre.

Le texte s’inspire largement de deux outils qui ont fait leurs preuves mais qui sont pour l’heure réservés aux salariés licenciés pour motif économique. Le premier est le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), créé en 2011 et accessible aux salariés licenciés d’entreprises de moins de 1 000 salariés. Les grandes lignes du CSP sont fixées par la loi et ses modalités concrètes de mise en œuvre ont été définies par les partenaires sociaux dans le cadre d’un accord national interprofessionnel. Le second dispositif est le congé de reclassement, qui existe depuis 2002 dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés. Les deux outils se distinguent essentiellement par leur mode de financement : le CSP est cofinancé par l’employeur, l’Unédic et l’État, tandis que le congé de reclassement est intégralement pris en charge par l’employeur.

Ces deux dispositifs, dont la durée maximale est fixée par défaut à douze mois, ont pour objectif de favoriser le reclassement ou la reconversion professionnelle des salariés qui font l’objet ou qui sont visés par un licenciement pour motif économique, grâce à des mesures d’accompagnement renforcé vers l’emploi et la formation et à une indemnisation spécifique. Les bénéficiaires du CSP ont ainsi droit à une indemnisation plus avantageuse et plus incitative que celle de droit commun, ainsi qu’à un accompagnement plus intensif et personnalisé par Pôle emploi, qui met à leur service un conseiller unique dont le portefeuille de demandeurs d’emploi est réduit.

Ces outils ont fait leurs preuves. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (DARES), depuis 2015, les deux tiers des bénéficiaires du CSP ont retrouvé un emploi dans les vingt-quatre mois suivant leur prise en charge. Pour 40 % des bénéficiaires, il s’agissait d’un emploi durable. Toutefois, malgré leur succès indéniable, ils demeurent réservés à un très petit nombre : près de 72 000 demandeurs d’emploi ont bénéficié du CSP en 2018, soit à peine 2 % des inscrits à Pôle emploi.

C’est pourquoi nous proposons d’élargir le champ des bénéficiaires du CSP et du congé de reclassement et d’ajuster leurs objectifs. Au lieu d’entériner la casse économique et sociale que les forces de la finance essaieront de produire, et face à laquelle la puissance publique devra être au rendez-vous, il nous faut agir de manière complémentaire à la politique publique de sauvegarde des emplois. Celle-ci devra impliquer la mobilisation de tous les instruments nécessaires – planification industrielle, formation professionnelle – pour accompagner, à titre préventif, les salariés et les entreprises.

Un autre outil reste à inventer pour l’amont, car le dispositif d’activité partielle, dont la mobilisation était nécessaire, est insuffisant : trop statique, il ne crée pas de droits, notamment à la retraite. Il faudrait introduire, à côté de l’assurance chômage, une assurance sociale emploi-formation offrant une plus grande plasticité au service de ceux qui travaillent, dans le cadre d’une économie en prise avec les besoins et sortie des fers du productivisme. Ce premier dispositif d’aval, qui se veut un relais, s’inscrit dans cette dynamique.

L’article 1er transforme le CSP en contrat de transition, accessible à tout salarié d’une entreprise de moins de 500 salariés licencié pour motif économique ou – c’est la principale nouveauté –, arrivant au terme d’un contrat court : contrat à durée déterminée (CDD), intérim ou contrat de chantier. Il sécurise également le niveau d’indemnisation du salarié en fixant un plancher égal à 75 % du salaire brut antérieur – soit l’équivalent du salaire net – et étend la durée maximale du contrat à deux ans. L’élargissement des droits offrira la possibilité aux bénéficiaires de suivre des formations plus longues et d’acquérir de nouvelles qualifications, tout en bénéficiant d’une garantie de revenu. Ils pourront envisager une progression ou une reconversion professionnelle leur permettant notamment de devenir moteurs de la transition écologique et sociale.

Par ailleurs, le seuil de 1 000 salariés, qui détermine l’application du CSP ou du congé de reclassement, serait abaissé à 500 salariés, car nous considérons que les entreprises d’au moins 500 salariés ayant recours aux contrats courts ont les moyens de financer la reconversion et la formation de leurs salariés. Pour les entreprises d’au moins 500 salariés, l’article 2 transforme le congé de reclassement en congé de transition, avec les mêmes objectifs : sécuriser les transitions professionnelles des salariés en contrat précaire et accorder une plus grande place à la transition écologique et sociale dans les objectifs de formation. Les actions d’accompagnement resteraient intégralement prises en charge par l’employeur.

Enfin, l’article 3 maintient les partenaires sociaux au cœur du dispositif en renvoyant à une négociation interprofessionnelle le soin de déterminer les modalités d’accompagnement des salariés pour faire face à la crise économique et, en particulier, les conditions de financement et de mise en œuvre du contrat et du congé de transition. Depuis le début du quinquennat, les partenaires sociaux ont été trop souvent tenus à l’écart des réformes importantes, comme celle de la formation professionnelle ou de l’assurance chômage. La crise impose de les replacer au centre du jeu : il s’agit pour nous d’une exigence qui ne peut se satisfaire de la seule concertation. La puissance publique doit, à notre sens, avoir un rôle d’impulsion.

Ce texte, qui a vocation à évoluer au fil de son appropriation, mérite des enrichissements, par exemple sur la situation particulière des sous-traitants ou la possibilité pour le salarié d’activer lui-même ces nouveaux droits, sous certaines conditions.

Afin que nous ne soyons pas condamnés à vivre dans le monde d’avant, en pire, la proposition de loi nous offre un moyen d’affronter les défis du monde d’après, de ne pas subir, de parier sur l’humain et ouvre la porte à l’invention sociale.

Nombre de femmes et d’hommes s’interrogent sur l’orientation à donner à leur vie et expriment de nouveaux désirs : ne les laissons pas se faire balayer par la crise. Il nous faut accélérer les changements, défendre les outils industriels, relocaliser des productions, nous laisser plus de temps pour vivre, libérer le travail et éradiquer le chômage comme la précarité. Nous ne voulons renoncer à rien de tout cela. Par cette proposition de loi, nous entendons apporter une modeste contribution à cet effort.

Mme Fadila Khattabi. La crise sanitaire que nous traversons a et aura un impact sur notre économie et, par conséquent, sur l’emploi. Si nous partageons vos objectifs, à savoir éviter un maximum de destructions d’emplois, protéger davantage les publics précaires et revoir notre appareil de formation, nous divergeons sur la méthode. C’est, à notre sens, aux partenaires sociaux d’engager la réflexion au travers d’une concertation annoncée le 4 juin dernier : cette méthode correspond d’ailleurs à une demande des organisations syndicales elles-mêmes, ainsi que leurs représentants vous l’ont indiqué au cours des auditions.

Par ailleurs, face à l’urgence, plusieurs dispositifs peuvent déjà être mobilisés par les entreprises en difficulté, comme le nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée ou les accords de performance collective, qui permettent tous deux de préserver l’emploi.

Il nous faudra aller plus loin et agir en amont, en faisant confiance au dialogue social territorial pour cibler les personnes dont l’emploi est fragilisé, en déployant des dispositifs tels que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et en travaillant tant sur les compétences transversales que sur l’offre de formation, afin de sécuriser au mieux les parcours professionnels.

Préserver l’emploi à tout prix : telle est la priorité absolue du Gouvernement et de la majorité. Parallèlement, dans le cadre d’une vision de long terme, nous partageons votre volonté d’orienter l’économie vers une croissance plus verte. Les plans de relance et de soutien sectoriels apporteront des réponses en la matière. Concernant la formation professionnelle, un plan d’adaptation de la politique des compétences se conjuguera avec le plan de relance économique. Il aura pour objectif de permettre à chaque salarié en activité partielle et à chaque demandeur d’emploi de mettre à profit cette période difficile pour développer des compétences dans le domaine du numérique, de la transition écologique ou de l’aide à la personne.

Compte tenu de ces enjeux, le groupe La République en Marche ne votera pas la proposition de loi.

M. Alain Ramadier. La crise sanitaire a fait place à une crise économique et sociale d’une ampleur aussi inquiétante qu’inédite. Nul n’ignore ici que les mois, voire les années à venir seront cruciaux pour endiguer le chômage, dont la progression s’annonce exponentielle. Il est plus qu’impératif de limiter la crise sociale à venir et d’accompagner tous les Français qui auraient perdu leur emploi durant et après le confinement : au-delà de l’économie, il y va de notre avenir à tous.

La proposition de loi vise à créer un congé de transition et un contrat de transition sur la base du contrat de sécurisation professionnelle et du contrat de reclassement. Le CSP, créé en juillet 2011 par Gérard Cherpion, Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau, vise à accompagner, pendant un an, tout salarié d’une entreprise de moins de 1 000 salariés licencié pour motif économique ; celui-ci bénéficie d’une aide pour retrouver un emploi tout en continuant à percevoir son salaire. Preuve de son succès, 55 000 personnes en bénéficient, avec un taux de retour à l’emploi très satisfaisant.

Malheureusement, cette proposition de loi semble irréaliste en ce qu’elle vise à allonger la période d’application de ce contrat et à l’étendre à l’intérim, aux CDD et aux contrats de chantier, soit à 2 à 3 millions de bénéficiaires supplémentaires. Le coût du dispositif exploserait, alors que notre dette connaît un accroissement sans précédent. De surcroît, Pôle emploi ne pourrait pas traiter dans l’urgence des millions de dossiers supplémentaires : les portefeuilles des conseillers vont encore s’étoffer avec la crise.

Il est essentiel d’accompagner les Français qui ont subi de plein fouet la crise sanitaire, mais il faut le faire de manière adaptée, pragmatique, cohérente et en tenant compte de la réalité de nos comptes publics et de la dette.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas la proposition de loi.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Afin de limiter le nombre de décès liés au covid-19, le pays a dû mettre son économie en sommeil pendant deux mois et demi. Ce choix assumé par le Gouvernement s’est accompagné de dépenses colossales pour préserver l’emploi : 100 milliards d’euros au titre des prêts garantis par l’État, 25 milliards au titre du chômage partiel, 4 milliards au titre du fonds de solidarité et 3 milliards au titre du report de charges. Un certain nombre d’entreprises ne pourront malgré tout passer le cap : nous devrons faire face, au cours des mois à venir, à de nombreux licenciements ainsi qu’à des difficultés accrues d’accès au marché de l’emploi.

Dans ce contexte, certains outils performants, comme le CSP et le congé de reclassement, nous permettront de sécuriser les actifs et d’accompagner les demandeurs d’emploi. Au vu de leur efficacité, vous proposez de renforcer les moyens qui leur sont dévolus et d’en élargir le champ des bénéficiaires, tout en portant la durée maximale de l’accompagnement à vingt-quatre mois.

Si cette piste paraît intéressante, elle appelle plusieurs réserves : elle ne répond pas aux besoins de tous, et l’affectation de moyens à son profit pourrait conduire à limiter d’autres modalités d’intervention ; restreindre l’accompagnement aux seuls métiers de l’économie sociale et écologique priverait certains salariés de son bénéfice ; les paramètres des contrats de transition professionnelle étant fixés par les partenaires sociaux, il n’est pas possible d’étendre, par ce texte, leur durée d’application ; aucune étude d’impact ne permet d’évaluer le public concerné.

Par ailleurs, alors que le Gouvernement et les partenaires sociaux ont commencé à discuter des solutions à appliquer en matière d’emploi, vous proposez que la concertation n’ait lieu qu’une fois la loi votée.

Pour ces raisons, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés ne soutiendra pas la proposition de loi.

M. Joël Aviragnet. La proposition de loi de Pierre Dharréville, qui vise à instaurer un dispositif de garantie salaire-formation au service de la transition écologique et sociale de l’économie, est intéressante à plusieurs égards. Les crises économiques ont toujours des conséquences désastreuses sur les salariés, même si elles ne sont pas nécessairement immédiates – les effets de la crise financière de 2008 sur l’économie réelle se sont prolongés jusqu’en 2015. Le texte présente l’avantage de proposer un mécanisme global et pérenne de protection des salariés tout en visant à mieux nous préparer à la transition écologique et sociale.

Toutefois, certaines imprécisions demeurent, notamment sur le volet financier du dispositif, qui pourrait faire l’objet de discussions entre les partenaires sociaux. Notre rôle serait alors de promouvoir un outil de soutien à l’emploi pour faire face à la récession économique.

Si cette proposition ne suffira pas à faire face à la crise d’ampleur qui s’annonce, elle apporte un début de réponse. Il est en outre indispensable et urgent d’abandonner la réforme de l’assurance chômage de juillet 2019, qui contribue à affaiblir notre système de protection sociale et mettra en difficulté de nombreux travailleurs.

Afin d’apporter une réponse globale à la crise à venir, le groupe Socialistes et apparentés a travaillé à un plan intitulé « Pour un rebond économique, social et écologique », qui propose notamment le maintien jusqu’en juin 2020 du dispositif d’activité partielle, l’augmentation de la capacité d’emploi dans les structures de l’insertion par l’économie, la prolongation de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et le renforcement des effectifs de Pôle emploi. Ces propositions pourraient compléter celles faites par le groupe communiste. Nous sommes disposés à travailler à un plan d’action ambitieux visant à sauver des emplois dans notre pays.

Cette proposition de loi apporte une réelle contribution, sans doute incomplète mais utile, aux réflexions actuelles en matière d’emploi. Le groupe Socialistes et apparentés lui apportera donc son soutien.

M. Philippe Vigier. Lorsque nous avons examiné, la semaine dernière, d’autres textes visant à répondre à la crise terrible du chômage que nous allons connaître – on dénombre déjà 850 000 chômeurs de plus –, j’ai fait partie de ceux qui ont considéré qu’il ne fallait pas balayer ces propositions d’un revers de la main. Nous devons tous être mobilisés sur cette question, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons.

Cette proposition de loi fait partie des éléments de réflexion qu’il faut prendre en compte, dans une démarche aussi large que possible, si nous voulons affronter dans les meilleures conditions la vague, absolument terrible, qui va nous frapper. Vous soulevez la question des licenciements massifs, tout en prévoyant, dans votre générosité légendaire, que les intérimaires, les personnes en CDD et toutes celles en situation de précarité pourront aussi bénéficier des mesures que vous appelez de vos vœux.

Je trouve intéressant que vous distinguiez les grandes et les petites entreprises – même si j’aurais préféré que l’on s’arrête au seuil de 250 salariés.

Mettre la formation professionnelle au cœur du travail de demain est, par ailleurs, un objectif qui nous rassemble tous.

En revanche, on ne peut pas faire peser uniquement sur les entreprises le prix du drame qui nous frappe. Le ministre de l’économie et des finances a apporté ce matin un soutien massif à la proposition de loi que nous avions rejetée la semaine dernière. Ce qui paraît erroné un jour peut être jugé pertinent le lendemain...

Les partenaires sociaux doivent être au centre des dispositifs. Je crois au dialogue social, vertu qui a trop souvent été abandonnée – on a mis les représentants des salariés, qui assurent la gestion de l’assurance chômage, devant des trous abyssaux en matière de financement –, et je ne vois pas comment les régions pourraient ne pas être là, également, puisque la formation professionnelle fait partie de leurs compétences. Nous sommes favorables à une territorialisation de toutes les actions : plus on est près, plus on fait du sur‑mesure.

Même si le groupe Libertés et Territoires regarde ce texte plutôt avec bienveillance, je pense qu’il n’est malheureusement pas réaliste en l’état actuel. Il faut continuer à explorer cette piste ensemble. Enfin, vous avez raison de vouloir émettre un signal en matière de transition écologique.

M. Adrien Quatennens. Quand j’observe la crise actuelle et les réactions des uns et des autres à la proposition de loi, je me demande ce qu’il nous faudra, collectivement, pour admettre que le temps est venu de changer en profondeur de modèle. Je ne sais pas quelle est l’ampleur de la catastrophe qu’il faudrait pour y parvenir... La crise du covid-19 n’était peut‑être pas prévisible, mais nous savons que d’autres crises, d’une autre dimension, nous attendent, notamment la crise écologique dont il est aussi question dans le texte. Jusqu’à quel point devrons-nous nous approcher du mur avant d’admettre qu’il faut changer de trajectoire, en prenant un virage qui n’a certes rien de confortable mais qui est nécessaire ? On parle beaucoup, depuis le déconfinement, de la nécessité de relancer la machine mais on s’interroge assez peu sur le reste : quelle machine veut-on relancer, à quelles conditions et pour quoi faire ?

La proposition de loi déposée par Pierre Dharréville pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a l’avantage, majeur, de traiter deux réalités auxquelles nous serons confrontés : d’abord, l’inévitable deuxième vague économique et sociale que nous allons connaître, notamment en matière d’emploi – le Président de la République souhaite que les Français achètent des voitures, mais ils sont davantage soucieux, à l’heure actuelle, de conserver ou de trouver un emploi ; ensuite, la nécessité d’organiser la bifurcation de notre modèle économique, au service de la transition écologique, qui est impérative.

La crise nous montre que nous avons besoin de l’État plutôt que du laisser-faire du marché, de la coopération et de l’entraide plutôt que de la compétition généralisée, de la souveraineté et de la relocalisation des activités essentielles plutôt que du grand déménagement du monde qui se poursuit en plein cœur de la crise du covid-19 avec la conclusion de traités de libre-échange. Il faut, au lieu de relancer la même vieille machine, en changer : telle doit être la conclusion de ce que nous vivons. La crise est certes tragique, mais elle peut constituer une véritable opportunité, d’autant que la France dispose des atouts, des savoir-faire et des compétences nécessaires pour réaliser la bifurcation qui s’impose.

Ce texte est un modeste mais néanmoins nécessaire point de départ. Notre commission s’honorerait de l’adopter plutôt que de le balayer d’un revers de main. Le groupe La France insoumise soutient cette bonne proposition de loi.

M. Paul Christophe. La crise sanitaire a été un révélateur des spécificités du modèle français de l’emploi, de ses failles et de ses atouts. Nos concitoyens expriment beaucoup d’inquiétudes, à la fois au sujet du maintien de leur activité après la crise mais aussi, pour certains, du commencement de leur vie professionnelle.

Vous avez souligné la souffrance du service public Pôle emploi. Le manque de moyens est, en effet, criant. Un rapport remis lors de l’approbation des comptes de l’année 2019 démontre qu’un renforcement des effectifs doit être réalisé pour assurer l’accueil, l’indemnisation et l’accompagnement des demandeurs d’emploi dans de bonnes conditions. Le groupe Agir ensemble est favorable à un soutien adapté et continu, qui est primordial pour assurer le succès de la recherche d’un emploi.

On a constaté, lors de l’épidémie, que certaines professions – en particulier dans le secteur médicosocial –, qui se sont révélées indispensables pour le quotidien de nos concitoyens, n’étaient pas valorisées à leur juste valeur. Il est essentiel de donner une plus grande importance à ces compétences, à la fois pour que des vocations naissent mais aussi pour encourager les valeurs du vivre ensemble. Votre proposition de mieux prendre en compte les impératifs de la transition écologique et sociale dans la formation et les projets de reconversion professionnelle des actifs me semble adaptée aux nouveaux enjeux.

L’article 2 de la proposition de loi tend à transformer le congé de reclassement destiné aux salariés susceptibles d’être licenciés pour motif économique, dans des entreprises d’au moins 1 000 personnes, en un congé de transition accessible aux salariés de toute entreprise d’au moins 500 personnes qui seraient menacés de licenciement économique ou qui arriveraient au terme d’un contrat précaire. Ils bénéficieraient d’un dispositif d’accompagnement vers un nouvel emploi, à la charge de l’employeur, d’une durée maximale de deux ans pendant laquelle le contrat de travail et le salaire net antérieurs seraient maintenus.

La charge du financement reposant sur l’employeur, je m’interroge sur l’adéquation entre le dispositif proposé et les impératifs économiques que connaissent actuellement les entreprises et qui vont se renforcer à cause de la crise financière qui s’annonce. Je ne suis pas convaincu, à ce stade, que cette augmentation des charges ira dans le sens de la reprise économique.

M. Sylvain Maillard. Vous traitez d’un sujet essentiel que l’on ne peut pas balayer d’un revers de la main. Cela étant, lors des auditions, FO, la CGT et la CFTC ont souligné qu’il fallait laisser vivre la concertation et qu’il existe déjà beaucoup de dispositifs, dont certains viennent tout juste d’être créés : en instituant un nouvel outil, estiment-ils, on risque d’entraver leur application. Quelle réponse apportez-vous à cette revendication forte et largement partagée ?

M. Pierre Dharréville, suppléant le rapporteur. Notre responsabilité, dans le cadre des « niches » parlementaires, est de faire des propositions. Il serait dommage de les considérer systématiquement – je l’ai observé ce matin – comme des mises en cause de l’action du Gouvernement. Nous proposons des réponses à la situation actuelle car il est urgent d’agir.

Des dispositions ont été prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il faut maintenant que la démocratie parlementaire retrouve sa place. Il est nécessaire de débattre des solutions à mettre en œuvre face à la crise et à la montée du chômage. Nous avons, toutes et tous, une responsabilité politique. Nous ne pouvons pas nous contenter de la regarder de loin.

Chacun sait que nos propositions ne seront pas adoptées dès demain matin, compte tenu de notre mode de fonctionnement. Nous n’avons pas la possibilité, pour notre part, de demander une habilitation à légiférer par des ordonnances qui seraient publiées après‑demain...

Bruno Le Maire a déclaré hier : « nous allons être amenés à prendre des mesures originales, singulières ». Il a affiché l’ambition de réagir à ce qui est en train de se passer, ce que je trouve tout à fait nécessaire. Pour sa part, le Président de la République a déclaré vendredi dernier : « Le monde d’après sera résolument écologique. Je m’y engage. Nous le bâtirons ensemble. Nous avons une opportunité historique de reconstruire notre économie et notre société sur de nouvelles bases, de nous réinventer, d’investir dans un avenir décarboné. » Ce sont des préoccupations au sujet desquelles nous devrions être capables d’engager une discussion.

Vous avez dit que vous partagiez nos objectifs, madame Khattabi, et je vous en remercie, tout en faisant part d’une divergence à propos de la méthode. Vous avez évoqué, comme Sylvain Maillard, la concertation. Les organisations syndicales ne l’ont pas plébiscitée lors des auditions : elles ont demandé à pouvoir jouer tout leur rôle dans les décisions prises et dans la démocratie sociale. La réunion a d’ailleurs commencé par une critique assez forte, à la suite d’une confusion : nos interlocuteurs ont cru que c’était le Gouvernement qui faisait, par notre voix, ces propositions, et j’ai noté chez eux une certaine colère, à vrai dire une exaspération, à l’égard de la manière dont les organisations syndicales ont été traitées. Une vraie question se pose, qui est de savoir, quand on formule des propositions de ce type, quelle place doit revenir à ces organisations. La concertation, en tout cas, n’est pas la négociation. Depuis trois ans, nous vivons plutôt sous le régime de la concertation, ce qui a été beaucoup critiqué.

La nécessité d’orienter notre économie vers une croissance verte fait partie des sujets sur lesquels nous devons travailler, en effet. Reste à s’entendre sur les outils à utiliser.

Monsieur Ramadier, vous avez jugé cette proposition irréaliste au motif qu’elle s’appliquait sur une durée plus longue et incluait les plus précaires. La durée – maximale – de deux ans nous semble nécessaire à l’acquisition d’une qualification solide ; une période de douze mois est, dans certains cas, insuffisante. Par ailleurs, il faut prendre des mesures pour les plus précaires, qui sont les plus fragilisés. Je mesure l’ambition de la proposition de loi, mais aussi la nécessité de changer notre vision des choses. Le Président de la République a dit « quoi qu’il en coûte » ; notre proposition aurait un certain coût, mais permettrait de répondre aux besoins d’une partie de la population, ce qui ne serait pas neutre économiquement.

Monsieur Maillard, vous avez évoqué les risques liés à l’ajout de nouveaux dispositifs, mais nous ne faisons qu’accroître la portée de mécanismes existants et performants – FO et la CGT estiment d’ailleurs que ce sont de bons dispositifs. Il faut évidemment veiller à ce que leur extension ne se fasse pas au détriment d’autres mesures. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas réduire cette proposition aux métiers verts, car la transition écologique concerne tous les domaines, mais cette question doit être débattue. L’article 3 invite d’ailleurs les partenaires sociaux à conclure un accord national interprofessionnel précisant les modalités d’application et de financement du dispositif. Nous voulons prendre en compte le plus largement possible la position des organisations syndicales.

Monsieur Aviragnet, nous entendons en effet, par ce texte, protéger les salariés de manière globale et pérenne. Nous avons souhaité que les modalités de financement soient définies dans le cadre des discussions. Par ailleurs, comme Michèle de Vaucouleurs et moi‑même l’avions indiqué dans notre communication du 13 mai sur le suivi de l’état d’urgence sanitaire dans le domaine des solidarités, nous demandons à ce que l’on revienne sur la réforme de l’assurance chômage.

Je vous remercie, monsieur le président Vigier, de considérer que notre proposition est à intégrer dans la réflexion. Nous sommes en effet attentifs à la distinction entre petites et grandes entreprises ; la prise en compte du seuil de 250 salariés que vous évoquez pourrait entrer dans le cadre de nos discussions.

Monsieur Quattenens, vous avez souligné la nécessité de changer de trajectoire et nous avez invités à nous interroger : veut-on relancer la machine actuelle ou en changer ? La crise appelle en effet cette réflexion. Je vous remercie de votre soutien.

Monsieur Christophe, nous nous accordons sur le fait qu’il faut donner les moyens à Pôle emploi de faire face aux difficultés qu’il rencontre. Vous avez évoqué la question du financement. En tout état de cause, des dépenses supplémentaires devront être engagées, dont nous devons définir la répartition – je regrette que, jusqu’à présent, nous n’en ayons pas débattu de manière approfondie.

Monsieur Maillard, nous sommes attachés à l’association des salariés et des acteurs sociaux à la construction de ce dispositif.

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Transformation du contrat de sécurisation professionnelle en contrat de transition

La commission rejette successivement les amendements rédactionnels AS1, AS2, AS3 et AS4 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Transformation du congé de reclassement en congé de transition

La commission rejette successivement l’amendement rédactionnel AS5 et l’amendement de coordination AS6 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Négociation nationale et interprofessionnelle en vue de définir les dispositifs d’accompagnement des salariés pour faire face à la crise économique, ainsi que les modalités de financement et de mise en œuvre du contrat et du congé de transition

La commission rejette l’article 3.

Article 4 : Compensation financière

La commission rejette l’article 4.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

M. Pierre Dharréville, suppléant le rapporteur. Je voulais rappeler que l’accord national interprofessionnel, que l’article 3 invite les partenaires sociaux à conclure, occupe une place élevée dans la hiérarchie des normes. L’examen du texte a permis d’entamer une discussion qu’il faudra approfondir. Je souhaite que nous soyons, chacun dans notre rôle, force de proposition. L’action du Gouvernement ne doit pas nous empêcher d’adopter des propositions issues de notre assemblée, sous peine de remettre en cause notre légitimité à y siéger. Je vous encourage à amender le texte d’ici à l’examen en séance publique.

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42, alinéa 1, de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi, que la commission demande à l’Assemblée nationale de rejeter.

 

 

 


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   annexes

ANNEXE 1 : Comparaison entre le droit existant et les dispositifs proposÉs aux articles 1er et 2

TABLEAU COMPARATIF Entre le contrat de sÉcurisation professionnelle et le contrat de transition crÉÉ par larticle 1er

 

Contrat de sécurisation professionnelle (CSP)

Contrat de transition

Objet

Projet professionnel prenant en compte les évolutions des métiers et la situation du marché du travail.

Projet professionnel prenant en compte les évolutions des métiers, la situation du marché du travail ainsi que les enjeux sociaux et de la transition écologique.

Bénéficiaires

Salariés d’une entreprise de moins de 1 000 salariés licenciés pour motif économique

Salariés d’une entreprise de moins de 500 salariés :

– soit licenciés pour motif économique ;

soit arrivant au terme dun contrat court (CDD, contrat d’intérim et contrat de contrat de chantier ou d’opération).

Statut des bénéficiaires pendant le contrat

Stagiaire de la formation professionnelle.

Durée

12 mois maximum

24 mois maximum

Indemnisation

Relève de la négociation entre les partenaires sociaux.

Selon la convention du 26 janvier 2015 : à partir d’un an d’ancienneté, allocation équivalente à 75 % du salaire brut calculé sur la base des douze derniers mois.

Allocation qui ne peut être inférieure à 75 % du salaire brut calculé sur la base des douze derniers mois.

Financeurs

− Employeur ;
− État et Unédic ;

− Régions (le cas échéant).

 

 

 

 

 

 

 


 

Tableau comparatif entre le congÉ de reclassement et le congÉ de transition CRÉÉ par larticle 2

 

 

 

 

Congé de reclassement

Congé de transition

Objet

Projet professionnel prenant en compte les évolutions des métiers.

Projet professionnel prenant en compte les évolutions des métiers, la situation du marché du travail ainsi que les enjeux sociaux et de la transition écologique.

Bénéficiaires

Salariés visés par un licenciement pour motif économique d’une entreprise ou d’un établissement d’au moins 1 000 salariés.

Salariés d’une entreprise ou d’un établissement d’au moins 500 salariés :

– soit visés par un licenciement pour motif économique ;

– soit arrivant au terme dun contrat court (CDD, contrat d’intérim et contrat de contrat de chantier ou d’opération).

Durée

12 mois maximum

24 mois maximum

Indemnisation

 

− Rémunération habituelle du salarié pendant le préavis ;

 

− Au-delà du préavis, allocation de conversion au moins égale à 65 % de la rémunération brute moyenne des 12 derniers mois, sans pouvoir être inférieure à 85 % du SMIC.

− Rémunération habituelle du salarié pendant le préavis ;

 

− Au-delà du préavis, allocation de conversion qui serait au moins égale à 75 % de la rémunération brute moyenne des 12 derniers mois.

Financeur

Employeur

 

 

 

 

 

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ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnées
par lE rapporteur

     Table ronde des organisations syndicales

-              Confédération française démocratique du travail (CFDT)M. Martial Garcia, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et de la sécurisation des parcours professionnels

-              Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)M. Maxime Dumont, secrétaire confédéral en charge de la formation professionnelle et de l’apprentissage

-              Confédération générale du travail (CGT)M. Boris Plazzi, membre du bureau confédéral

-              Force ouvrière (FO)M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et de retraites

 

 

 


([1]) Entretien sur RTL le 1er juin 2020 avec M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances.

([2]) OFCE,« Évaluation au 20 avril 2020 de limpact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement en France », Policy brief, n°66.

([3]) INSEE, Point de conjoncture, 27 mai 2020.

([4]) INSEE, Ibid.

([5])  Données France hors Mayotte. Dares et Pôle emploi, Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire. Focus sur les demandeurs demploi inscrits à Pôle emploi en avril 2020, 28 mai 2020.

([6]) Les demandeurs d’emploi de catégorie B sont des demandeurs tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi ayant exercé une activité de 78 heures ou moins au cours du mois, contre une activité de plus de 78 heures pour les demandeurs d’emploi de catégorie C.

([7]) Dares et Pôle emploi, Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire. Focus sur les demandeurs demploi inscrits à Pôle emploi en mars 2020, 27 avril 2020.

([8]) Mission flash sur Pôle emploi de M. Stéphane Viry, député des Vosges, février 2019.

([9])  Mathieu Grégoire, Odile Join-Lambert, « Marges de lemploi et protection sociale. Une analyse sociohistorique » (introduction), Travail et emploi n° 149, janvier-mars 2017.

([10]) France Stratégie, « 2017-2027 : Repenser la protection des actifs », décembre 2016.

([11]) France Stratégie, Ibid.

([12]) Unédic, « Impact de la réforme de lassurance chômage », 2019.

([13]) Ce report a été acté par le décret n° 2020-361 du 27 mars 2020.

([14]) France Stratégie, « Quel modèle social pour faire avec nos vulnérabilités ? ».

[15] Adrian Deboutière, Laurent Georgeault, « Quel potentiel demplois pour une économie circulaire ? », Institut de léconomie circulaire, 2015.

([16]) Institut Rousseau, « Léconomie circulaire, un élément dune politique de reconstruction écologique – Le point de vue des conditions de travail et des risques professionnels ».

([17]) Ibid.

([18]) Institut Rousseau, « Comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique ? ».

([19]) La convention du 26 janvier 2015 faisant suite à l’accord national interprofessionnel du décembre 2014 sur le contrat de sécurisation professionnelle a notamment instauré une prime de reclassement en cas de reprise d’un emploi durable avant la fin du 10e mois du CSP.

([20]) DARES Analyses, « Les salariés licenciés pour motif économique. Le contrat de sécurisation professionnelle de 2015 a-t-il accéléré le retour à lemploi durable de ses bénéficiaires ? », janvier 2020, n° 001.

([21]) Unédic, « Le vécu du contrat de sécurisation professionnelle en 2016 », mars 2017.

([22]) Ibid.

([23]) Ibid.

([24])  DARES indicateurs, Demandeurs demploi inscrits à Pôle emploi au deuxième trimestre 2019, juillet 2019, n° 034.

([25]) Cf. commentaire de l’article 3.

([26])  https://www.unedic.org/sites/default/files/2017-05/convention_csp_du_26_janvier_2015.pdf

([27])  Prévisions financières de lUnédic, février 2020.

([28])  Article R. 5123-2 du code du travail.

([29])  Accord national interprofessionnel du 31 mai 2011 relatif au contrat de sécurisation professionnelle.

([30])  Cette loi était issue de la proposition de loi n° 3369 de MM. Gérard Cherpion, Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau pour le développement de l’alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée, déposée le 13 avril 2011.

([31])  Rapport n° 3519 fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, par M. Gérard Cherpion, député, 8 juin 2011.

([32])  Convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle.

([33])  Avenant n° 5 du 8 janvier 2020 à la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle.