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N° 3115

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à assurer le versement de la prime de naissance avant la naissance de lenfant,

 

 

 

Par MGilles LURTON,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1160.

    


    


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

Commentaire de larticle unique

I. LA prime à la naissance a pour objet de permettre aux familles de préparer larrivée dun enfant

1. De nombreuses dépenses précèdent la naissance dun enfant

2. La prime à la naissance, une aide conséquente pour de nombreuses familles

II. Le décalage du versement de la prime après la naissance est difficilement justifiable

1. Le précédent Gouvernement a décalé le versement de la prime après la naissance

2. Une décision incompréhensible

III. Anticiper le versement de la prime à la naissance : une mesure de bon sens qui fait lunanimité

COMPTE RENDU DES TRAVAUX


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   Introduction

Afin de préparer au mieux l’arrivée d’un enfant au sein du foyer, les futurs parents effectuent un certain nombres d’achats avant sa naissance. Dès la sortie de la maternité, le nouveau-né a en effet besoin d’un couffin, d’une poussette, d’un siège-auto et de nombreux articles de puériculture. Parfois, la venue d’un enfant est également précédée d’un déménagement ou de l’achat d’un véhicule de plus grande taille. Dans ce contexte, la prime à la naissance, d’un montant de 947,32 euros, a pour objectif de permettre aux familles dont les revenus n’excèdent pas un certain seuil de faire face aux premières dépenses liées à l’arrivée d’un enfant.

Jusqu’en 2015, cette prime était fort logiquement versée avant la naissance de l’enfant, lors du septième mois de grossesse, de manière à apporter une aide non négligeable aux familles les plus modestes qui s’apprêtaient à s’agrandir.

Or, la précédente majorité a décidé par décret de décaler le versement de cette prime après la naissance de l’enfant. Cette décision, qui pénalise toutes les familles qui ont besoin de cette aide pour préparer matériellement l’arrivée d’un nouvel enfant, est difficilement compréhensible tant elle semble avoir été prise en dépit du bon sens.

Elle témoigne plus généralement du manque de cohérence et d’ambition qui caractérise la politique familiale menée depuis 2012. Le report du versement de la prime à la naissance après la naissance n’est en effet que l’une des nombreuses mesures prises ces dernières années au détriment des familles.

En effet, au cours des dernières années, la volonté de réduire le déficit de la branche famille a conduit à restreindre substantiellement l’effort collectif en faveur des familles. Cette restriction s’est notamment traduite par une réduction des avantages fiscaux et des prestations monétaires dont bénéficient les ménages les plus aisés, mais également par une série d’ajustements touchant des prestations sous conditions de ressource, destinées aux familles plus modestes.

Ainsi, le plafond du quotient familial, principal outil fiscal de soutien aux familles, a été abaissé à deux reprises, une première fois par la loi de finances pour 2013, puis à nouveau par la loi de finances pour 2014. Ces mesures ont concerné plus de 1,3 million de foyers, soit 12 % des ménages avec enfant(s) à charge, qui ont vu leurs impôts augmenter de 791 euros par an en moyenne.

Lannée suivante, la modulation du montant des allocations familiales en fonction des revenus a concerné près de 455 000 foyers, soit un peu plus de 9 % du nombre total d’allocataires de la branche famille. Environ 220 000 foyers ont vu le montant de leurs allocations divisé par deux et près de 235 000 ont vu ce montant divisé par quatre.

La modulation a ainsi entraîné une réduction importante des prestations versées aux familles situées dans le haut de l’échelle des revenus, mais également aux familles de la classe moyenne. Pourtant, cette réforme ne saurait être considérée comme une mesure de justice sociale dans la mesure où les ménages modestes n’ont nullement profité de l’effort demandé aux familles dont les allocations ont été réduites. Pire, cette réforme est venue écorner le principe d’universalité qui constitue la pierre angulaire de la politique familiale française depuis son origine. Selon ce principe, les prestations familiales ont d’abord pour vocation de compenser la charge représentée par l’arrivée d’enfants au sein d’un foyer. Il repose sur l’idée que chaque famille bénéficie d’une aide dès lors qu’elle a des enfants. Cette universalité est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent le dynamisme de la natalité française depuis plusieurs décennies.

Bien qu’emblématique, la modulation des allocations familiales n’est pas la seule réforme ayant permis au précédent gouvernement de réaliser des économies au détriment des familles. La réforme du congé parental par la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes s’est ainsi traduite par une diminution de la durée totale du congé parental indemnisé. En effet, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PréParE) est désormais versée pour un premier enfant jusqu’à son premier anniversaire seulement si chacun des deux parents prend un congé de six mois, et, pour deux enfants à charge ou plus, jusqu’au troisième anniversaire du dernier enfant seulement si douze des trente-six mois sont pris par le second parent.

Cette réforme est un véritable échec. Loin de donner lieu à un meilleur partage du congé parental au sein du couple – la part de pères bénéficiaires du dispositif stagne autour de 3 % –, elle a essentiellement permis de réaliser de nouvelles économies budgétaires. Le Gouvernement d’alors ne cachait d’ailleurs pas le fait que la création de la PréParE aurait un effet positif sur les comptes de la branche famille.

Les dernières lois de financement de la sécurité sociale s’inscrivent dans la continuité de ces mesures d’économies, alors même que la branche famille a renoué avec des excédents substantiels.

Surtout, les économies réalisées ces dernières années ne concernent pas seulement les prestations servies aux familles les plus aisées. Plusieurs prestations versées sous conditions de ressources ont également été réduites. Ainsi, l’article 37 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a aligné les plafonds de ressources et le montant de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) sur ceux du complément familial. Cet alignement s’est traduit par une baisse du montant mensuel de l’allocation de base d’environ 15 euros. L’abaissement des plafonds de ressources a quant à lui entraîné un effet d’éviction, 4 % des bénéficiaires potentiels de l’allocation de base, mais également 6 % des bénéficiaires potentiels de la prime à la naissance ([1]) n’ayant pu bénéficier de ces prestations. L’allocation de base et la prime à la naissance étant versées sous condition de ressources, les « perdants » de cette réforme ont été les familles modestes ou issues de la classe moyenne.

Depuis 2012, de nombreuses mesures ont ainsi été adoptées au détriment des familles. Cette politique, qui n’a pas connu de réelle inflexion en 2017, est dépourvue d’ambition et de cohérence, souvent guidée par la seule volonté de réaliser des économies budgétaires.

S’il ne constitue pas la mesure la plus marquante de ces dernières années, le décalage du versement de la prime à la naissance après la naissance n’en reste pas moins emblématique des errements de la politique familiale depuis 2012. En pénalisant de nombreuses familles, cette réforme, adoptée en catimini en 2015, va à l’encontre du bon sens.

La présente proposition de loi, soutenue par l’ensemble des associations familiales, vise donc à rétablir le versement de la prime à la naissance avant la naissance.

 

 


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   Commentaire de l’article unique

Article unique
Rétablissement du versement de la prime à la naissance avant la naissance de lenfant

Adopté sans modifiation

L’article unique de la proposition de loi vise à rétablir le versement de la prime à la naissance avant la naissance de l’enfant.

I.   LA prime à la naissance a pour objet de permettre aux familles de préparer l’arrivée d’un enfant

1.   De nombreuses dépenses précèdent la naissance d’un enfant

Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ([2]) montre que la présence d’enfant(s) dans un ménage tend à augmenter les dépenses de consommation de manière non négligeable. Ainsi, en 2011, les couples avec enfant(s) dépensent en moyenne 8 400 euros de plus que les couples sans enfant, et les familles monoparentales en moyenne 5 900 euros de plus par an que les personnes seules. La part des dépenses, avant allocations et aides, directement imputable à l’enfant représente en moyenne 14,4 % de la consommation totale des ménages propriétaires avec enfant(s), et 12,1 % de la consommation totale des ménages locataires avec enfant(s).

Il apparaît donc que, si la naissance d’un enfant n’a pas de prix, elle a tout de même un coût.

Or, une part importante de ces dépenses est effectuée avant même la naissance de l’enfant. Parmi les achats précédant l’arrivée de l’enfant, figurent notamment les premiers vêtements du nouveau-né, une poussette ou un porte-bébé, un siège-auto, un couffin ou un lit à barreaux, une baignoire, une table à langer et divers accessoires de puériculture.

D’après une enquête réalisée auprès de plus de 100 000 parents et 150 000 enfants, les dépenses d’équipements, avant même l’arrivée de l’enfant, s’élèvent ainsi à 1 560 euros en moyenne ([3]).

Par ailleurs, la venue d’un enfant occasionne d’autres frais indirects, comme les frais de déménagement dans un logement plus grand ou l’achat d’un véhicule plus spacieux. Là encore, ces dépenses supplémentaires interviennent le plus souvent avant l’arrivée de l’enfant.

2.   La prime à la naissance, une aide conséquente pour de nombreuses familles

La prime à la naissance est l’une des composantes de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).

Définie à l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale, cette prime est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond, pour chaque enfant à naître, « avant la naissance de lenfant » ([4]).

La prime à la naissance est versée sous conditions de ressources : pour une prime versée en année N, le revenu net catégoriel de l’année N-2 ne doit pas dépasser certains montants, variables en fonction de la situation du foyer, appréciée au sixième mois de grossesse.

Plafonds de ressources ouvrant droit à la prime à la naissance

Plafonds de ressources 2018

en vigueur jusquau 31 décembre 2020

Enfants au foyer
(nés ou à naître)

Couples avec un seul revenu d’activité

Parent isolé ou couple avec deux revenus d’activité

1

32 165 euros

42 509 euros

2

38 598 euros

48 942 euros

3

46 318 euros

56 662 euros

Par enfant supplémentaire

7 720 euros

Source : caf.fr.

Les plafonds de ressources ouvrant droit à la prime à la naissance étant relativement élevés, cette prime bénéficie à la fois aux familles les plus modestes, mais également aux familles de la classe moyenne.

Son bénéfice est par ailleurs conditionné au fait d’avoir déclaré la grossesse dans les quatorze premières semaines à l’organisme de sécurité sociale compétent (caisse d’allocations familiales ou caisse de mutualité sociale agricole) et d’avoir subi le premier examen prénatal médical obligatoire ([5]).

Le montant de la prime s’élève, au 1er avril 2020, à 947,32 euros par enfant. En cas de naissance multiple, cette somme est multipliée par le nombre d’enfants.

En 2019, en moyenne 45 600 allocataires par mois en ont bénéficié, pour un coût estimé à 537 millions d’euros, selon les chiffres transmis au rapporteur par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

II.   Le décalage du versement de la prime après la naissance est difficilement justifiable

1.   Le précédent Gouvernement a décalé le versement de la prime après la naissance

Le deuxième alinéa de l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale renvoie à un décret le soin de fixer la date de versement de la prime.

Jusqu’au 1er janvier 2015, la prime était versée avant la naissance, lors du septième mois de grossesse, afin de permettre aux familles de se préparer et de s’équiper avant l’arrivée de l’enfant. L’article D. 531-2 du code de la sécurité sociale disposait ainsi que « la prime à la naissance est versée avant la fin du dernier jour du mois civil suivant le sixième mois de la grossesse ».

Contre toute logique, le précédent gouvernement socialiste a décidé de décaler la date de versement de la prime après la naissance de l’enfant, conformément au décret n° 2014-1714 du 30 décembre 2014 relatif à la date de versement de la prime à la naissance.

Ainsi, pour les grossesses déclarées à partir du 1er janvier 2015, l’article D. 531-2 précité prévoit désormais que la prime « est due et versée avant la fin du dernier jour du second mois civil suivant la naissance ou la justification de la fin de la grossesse ».

Ce décret est contraire à l’esprit de la loi qui dispose que la prime à la naissance « est attribuée [...] pour chaque enfant à naître, avant la naissance de lenfant » (article L. 531-2 du code de la sécurité sociale).

Cette contradiction entre la loi et le décret peut expliquer l’existence d’informations erronées diffusées par les sites internet officiels de l’administration. Ainsi, si le site de la CNAF (caf.fr) précise bien que la prime « est versée une seule fois pour chaque enfant après leur naissance » ([6]) , le site officiel de l’administration française (service-public.fr) indique toujours, au moment de la publication du présent rapport, que la prime est versée « en fin de grossesse pour préparer larrivée de lenfant » ([7]), la page internet ayant pourtant été « vérifiée » pour la dernière fois le 1er avril 2020 par la direction de l’information légale et administrative...

2.   Une décision incompréhensible

Le décalage du versement de la prime à la naissance après la naissance est difficilement compréhensible.

Tout d’abord, cette mesure ne saurait être justifiée par la réalisation d’économies budgétaires nécessaires à l’équilibre des comptes de la branche famille.

En effet, le report dans le temps du versement de la prime à la naissance ne procure pas de réelle économie puisque ni les critères d’attribution, ni le montant de la prime n’ont été modifiés. Il a seulement permis en 2015, et uniquement en 2015, un gain de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale, évalué par la CNAF à 239 millions d’euros. Ce décalage n’a ensuite eu aucun impact financier les années suivantes, alors qu’il continue de pénaliser, chaque mois, des dizaines de milliers de familles.

Certes, certaines familles ont la possibilité de bénéficier, avant la naissance de leur enfant, d’un prêt accordé par leur caisse d’allocations familiales (CAF). Ce prêt s’inscrit dans un cadre plus général puisqu’il a vocation à être mobilisé en faveur des familles confrontées à des freins notamment d’ordre financier, pour accompagner des événements de la vie familiale. Selon les informations communiquées au rapporteur par la CNAF, « cette aide constitue une réponse à des difficultés ponctuelles, pour permettre aux familles de mener à bien, et de manière autonome, leurs projets. Elle peut saccompagner dun accompagnement social. Dans ce cas, le règlement intérieur daction sociale de la CAF fixe la liste des articles susceptibles dêtre acquis, prévoit loffre préalable, le contrat et les modalités de remboursement du prêt. »

La procédure permettant de bénéficier de ce prêt suppose toutefois une démarche volontariste des familles, contrairement au versement de la prime à la naissance qui est automatique. Or, certaines familles n’osent pas demander à bénéficier d’un prêt, une telle démarche pouvant induire un sentiment de culpabilité et d’atteinte à la dignité des familles qui se trouvent contraintes de devoir quémander leurs droits. Cette procédure fragilise ainsi encore davantage les ménages qui ne peuvent avancer l’ensemble des frais précédant la naissance de l’enfant.

En outre, ce versement anticipé d’une aide qui sera ensuite remboursée au moment de la perception de la prime à la naissance complexifie encore l’accès aux droits, dans un contexte plus général de renoncement aux droits.

III.   Anticiper le versement de la prime à la naissance : une mesure de bon sens qui fait l’unanimité

Le décalage du versement de la prime à la naissance après la naissance a fait l’objet de critiques récurrentes. Depuis 2015, des amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs ont d’ailleurs été défendus par le rapporteur et plusieurs de ses collègues, issus de différents groupes parlementaires, afin de revenir sur cette mesure. Ces critiques ont été renouvelées de manière constante par l’ensemble des associations familiales.

Aussi, bien logiquement, le rapporteur propose de revenir à l’état du droit antérieur à 2015.

Afin de permettre aux familles de s’équiper et d’accueillir leur enfant dans de bonnes conditions, l’article unique de la présente proposition de loi propose ainsi d’inscrire dans la loi le principe d’un versement de la prime à la naissance avant la naissance de l’enfant.

Cet article unique modifie l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale pour préciser que la prime à la naissance est non seulement « attribuée » mais également « versée », pour chaque enfant à naître, avant la naissance de l’enfant.

Le rapporteur a déposé un amendement afin de préciser que le versement interviendrait lors du septième mois de grossesse. Cet amendement a néanmoins été rejeté en commission, malgré un vote favorable de l’ensemble des groupes parlementaires, à l’exception du groupe LREM.

Le coût de cette mesure est estimé par la CNAF à environ 200 millions d’euros pour la seule première année de mise en œuvre de la réforme (s’agissant d’un simple coût de trésorerie et non d’un coût budgétaire). Le coût serait ainsi inférieur de près de 40 millions d’euros à l’économie réalisée en 2015, en raison de la baisse de la natalité.

 


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   COMPTE RENDU DES TRAVAUX

Au cours de sa troisième séance du mercredi 10 juin 2020, la commission procède à lexamen de la proposition de loi de M. Gille Lurton visant à assurer le versement de la prime de naissance avant la naissance de lenfant.

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9171841_5ee0f3e1ccb24.commission-des-affaires-sociales--instauration-d-une-garantie-salaire-formation-au-service-de-la-tr-10-juin-2020

M. Gilles Lurton, rapporteur. Le sujet de cette proposition de loi constitue un marqueur de mes mandats successifs.

Les semaines précédant l’arrivée d’un enfant dans une famille sont particulières. Ce sont des moments de joie, parfois d’angoisse ; ils sont en tout cas exceptionnels dans la vie d’un foyer, car consacrés aux derniers préparatifs avant la naissance de l’enfant.

Pendant les dernières semaines de grossesse, les futurs parents, soucieux d’accueillir leur enfant dans les meilleures conditions, doivent acheter tout ce qui est indispensable au nouveau-né dès ses premiers jours de vie : siège auto, couffin, poussette, baignoire adaptée, table à langer, vêtements et nombreux articles de puériculture. Parfois, ils déménagent dans un logement plus grand ou achètent une voiture plus adaptée à la situation de la famille. La naissance d’un enfant reste une richesse inestimable mais elle a un coût !

La prime de naissance, d’un montant de 947 euros, a pour objectif de permettre aux familles dont les revenus n’excèdent pas un certain seuil de faire face aux premières dépenses liées à l’arrivée de cet enfant. Les plafonds de ressources y ouvrant droit sont élevés, si bien qu’elle bénéficie également aux familles de la classe moyenne – il est, par exemple, de 49 000 euros par an pour un couple biactif avec deux enfants. Chaque mois, près de 45 000 allocataires bénéficient de cette prime, qui constitue un élément essentiel de notre politique familiale. Encore faut-il qu’elle puisse trouver sa pleine efficacité en étant versée au moment où les parents en ont le plus besoin.

Jusqu’en 2015, la prime de naissance était fort logiquement versée avant la naissance de l’enfant, au septième mois de grossesse. Or la précédente majorité a décidé, par décret, d’en décaler le versement après la naissance. Cette décision, je n’ai eu de cesse de la contester depuis 2015, car elle pénalise les familles qui ont besoin de cette aide pour préparer matériellement l’arrivée d’un nouvel enfant. C’est en dépit du bon sens qu’elle a été prise : c’est évidemment avant la naissance que les familles s’équipent.

Ce décalage du versement est également contraire à l’esprit de la loi, qui dispose que la prime est attribuée pour chaque enfant à naître avant sa naissance. En rétablissant son versement avant la naissance, nous redonnerons sa cohérence juridique au code de la sécurité sociale, qui n’a pas été changé lorsque le Gouvernement a pris le décret en 2015.

Qui plus est, ce report dans le temps ne saurait être justifié par la nécessité pour la branche famille de réaliser des économies budgétaires. Il ne procure pas de réelle économie puisque ni les critères d’attribution, ni le montant de la prime n’ont été modifiés. Il a seulement permis un gain de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale, évalué par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à 239 millions d’euros, et cela uniquement en 2015. Ce décalage n’a eu aucun impact financier les années suivantes, alors qu’il continue de pénaliser chaque mois des dizaines de milliers de familles.

Il est souvent avancé que les familles peuvent bénéficier d’un prêt ou d’une avance de la part de leur caisse d’allocations familiales (CAF), qu’elles devront rembourser lorsqu’elles percevront la prime. Mais ce prêt est loin d’égaler un versement anticipé de la prime. Il suppose que les familles soient informées de la possibilité de ce prêt et qu’elles effectuent une démarche volontariste en allant le réclamer, alors que le versement de la prime de naissance est automatique. Cette procédure fragilise encore davantage les ménages qui ne peuvent avancer l’ensemble des frais précédant la naissance de l’enfant. Certaines familles n’osent pas faire la démarche, par sentiment de culpabilité ; d’autres peuvent se sentir atteintes dans leur dignité en ayant à quémander leur droit.

Il est urgent de revenir sur la mauvaise décision prise en 2015 pour verser à nouveau la prime avant la naissance de l’enfant. C’est l’objet de l’article unique de cette proposition de loi. Cette mesure de bon sens fait l’unanimité parmi toutes les associations familiales – je tiens, d’ailleurs, à les remercier du soutien qu’elles m’ont apporté lorsque je l’ai déposée. Fort de ce soutien, je propose chaque année des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) afin de décaler le versement de la prime de naissance ; d’autres députés issus de différents groupes parlementaires en font de même. Ces amendements ont toujours été votés par l’ensemble des groupes de l’opposition, mais rejetés par le groupe majoritaire. Le moment est venu de passer outre nos divergences. Je compte sur tous pour faire preuve de bon sens, et pour donner aux familles de notre pays le signe que nous sommes attachés à une politique familiale dynamique et proactive, essentielle à la survie de notre système social.

Mme Charlotte Lecocq. Il s’agit d’un texte de bon sens : chacun comprend la nécessité de recevoir la prime de naissance avant que celle-ci ne se produise pour préparer l’arrivée d’un enfant. Néanmoins, il ne faut pas négliger le coût d’une telle mesure : 190 millions d’euros si le versement commence deux mois avant la naissance ; 130 millions si c’est un mois avant. Ce sont d’ailleurs des raisons d’économie budgétaire qui, en 2015, ont conduit à décaler son versement après la naissance.

Pour être efficace, votre mesure doit permettre d’éviter de recourir au dispositif d’avance de la prime par la CAF. Il faut donc trouver un équilibre entre le coût budgétaire de votre mesure et son efficacité dans la réponse réelle aux besoins des parents.

Vous présenterez un amendement tendant à fixer à la fin du sixième mois de grossesse la date de versement de la prime. Nous préférons que celle-ci soit définie par décret, après étude des répercussions budgétaires et de l’efficacité de la prime. Nous serons donc défavorables à cet amendement, mais soutiendrons votre proposition de loi.

M. Alain Ramadier. La présente proposition de loi est un texte de bon sens et pragmatique. Son sujet, comme les questions familiales, a toujours fait l’objet d’un travail constant et d’une implication sans faille de la part de notre collègue Gilles Lurton. Il s’agit de rétablir avant la naissance de l’enfant le versement de la prime de naissance, qui avait été reporté par décret au dernier jour du second mois civil suivant la naissance de l’enfant. Cette décision incohérente fragilise incontestablement et inutilement les familles les plus modestes, qui engagent les frais nécessaires à l’arrivée d’un enfant bien avant la naissance de ce dernier.

La proposition de loi constituerait une mesure de protection pour toutes les familles, surtout les plus vulnérables et fragiles financièrement, qui n’auraient pas à s’endetter pour accueillir dignement et sans contrainte matérielle la naissance de leur enfant. S’il est vrai que les CAF peuvent effectuer des avances remboursables, cela représente pour les familles, qui doivent la demander, une contrainte supplémentaire bien inutile. Il convient donc de revenir au dispositif antérieur, ce qui n’altèrera en rien ni l’objectif de nos politiques familiales, ni le but poursuivi par l’attribution de la prime de naissance.

J’invite tous nos collègues à voter favorablement cette proposition de loi.

Mme Nathalie Elimas. Au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, je salue l’inscription, par nos collègues du groupe Les Républicains, de cette proposition à l’ordre du jour ; vous savez qu’elle m’est chère. Le versement de la prime de naissance – un nom d’ailleurs peu approprié pour une prime qui concerne aussi les enfants adoptés – est une mesure que notre groupe porte avec conviction depuis le début de ce quinquennat, et je regrette que le Gouvernement ait rejeté notre proposition trois années de suite. C’est pourquoi nous nous réjouissons qu’une nouvelle occasion nous soit donnée d’adopter enfin cette mesure de justice sociale pour les familles.

Depuis 2015, cette prime de naissance, dont le montant est proche de 1 000 euros, n’est plus versée avant mais après la naissance, ce qui fragilise les familles les plus modestes qui doivent parfois s’endetter pour financer l’arrivée de leur enfant. Cette décision a été prise exclusivement pour des raisons de trésorerie de court terme ; elle est de notre point de vue totalement dénuée de bon sens. L’adoption de la proposition de loi, qui n’entraînerait qu’un décalage de trésorerie, constituerait une première étape vers la politique familiale rénovée que nous appelons de nos vœux, et qui fait l’objet des travaux de la mission d’information sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis du XXIe siècle, dont je suis rapporteure et qui rendra prochainement ses conclusions.

Nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

M. Boris Vallaud. La genèse de la décision de 2015 vient d’être rappelée ; la proposition de Gilles Lurton me paraît relever d’un parfait bon sens et de la justice la plus élémentaire. Je la soutiendrai donc sans réserve, sachant que nous avons d’autres sujets de désaccord en matière de politique familiale. Par exemple, si nous devions rechercher des financements, je proposerais le plafonnement du quotient conjugal – je ne suis pas certain que nous nous retrouverions sur ce point.

Mme Jeanine Dubié. Je salue la constance de M. le rapporteur ; il a eu raison d’insister pour réparer une décision de circonstance, liée à des exigences de gestion de trésorerie, qui s’avère une erreur.

La prime de naissance, élargie en effet aux enfants adoptés, est utile pour préparer l’arrivée de l’enfant, pour s’équiper dans de bonnes conditions et pour éviter à certains de s’endetter. Les microcrédits que la CAF peut apporter, elle les récupère quand la prime est versée : il faut simplifier tout cela.

Le groupe Libertés et Territoires votera cette proposition de loi de bon sens, qui n’aurait d’incidence budgétaire qu’en termes de trésorerie. Rapportés aux sommes consacrées à l’ensemble de la sécurité sociale ou même à la branche famille, ces 200 millions d’euros ne vont pas changer la face du monde.

Mme Caroline Fiat. L’arrivée d’un enfant est toujours un bouleversement ; pour que celui-ci soit accueilli avec bonheur et sérénité, il est bon que les conditions matérielles minimales soient réunies. Comment être serein lorsque l’on n’a pas de quoi acheter couches, table à langer, berceau, siège auto, chauffe-biberon ou vêtements pour enfants ; lorsqu’il faut faire appel au « système D » pour satisfaire les besoins élémentaires d’un nourrisson ? Le versement de la prime de naissance après plutôt qu’avant l’arrivée de l’enfant est une absurdité !

Avant 2015, celle-ci était versée au septième mois de grossesse, qui correspond à la nidification. C’est sous le gouvernement de Manuel Valls qu’elle a été reportée au deuxième mois de l’enfant, malgré les protestations des familles et de la CNAF. De hauts fonctionnaires ont eu cette idée aberrante simplement pour différer un versement de 210 à 250 millions d’euros par la branche famille, pourtant excédentaire. C’est là la merveilleuse illustration de la déconnexion de nos élites d’avec la population.

L’an dernier, alors qu’il était rapporteur général de la commission des affaires sociales, Olivier Véran avait souligné l’existence d’un dispositif de prêt sans frais garanti par les CAF. C’est bien, là encore, méconnaître ce que vivent certaines familles au quotidien. Savez-vous que demander un prêt à la CAF nécessite parfois de poser une journée de congé pour s’y rendre ? Tout le monde ne maîtrise pas internet. De plus, ce droit à prêt n’est pas connu de tous, et certaines familles – dont j’ai fait partie –gagnent 5 ou 6 euros de trop pour pouvoir en bénéficier.

Ce report de versement était donc une grossière erreur, et si l’erreur est humaine, persister dans l’erreur par arrogance est diabolique.

Nous soutenons cette proposition de loi.

M. Guillaume Chiche. La mesure qui constitue cette proposition de loi figurait dans les préconisations formulées par la mission d’information sur la politique familiale ; c’était une demande unanime des associations familiales. La décision de décaler le versement de la prime de naissance après l’arrivée d’un enfant n’avait que pour seule motivation une économie de trésorerie budgétaire permettant de respecter la maîtrise de nos déficits publics. Elle était complètement décorrélée de la vie quotidienne des Françaises et des Français qui, depuis lors, doivent parfois solliciter un micro-crédit auprès des CAF pour préparer une naissance.

Le groupe Écologie Démocratie Solidarité soutiendra cette proposition de loi. C’est une mesure de bon sens et de justice sociale que de permettre à tous les parents de préparer le plus sereinement possible l’arrivée d’un enfant.

M. Paul Christophe. La proposition de loi vise à instaurer le versement de la prime de naissance avant la naissance de l’enfant, et non plus après, comme la précédente majorité l’avait décidé par décret en 2015. Notre groupe est favorable à cette mesure sociale, qui permettrait de soutenir les ménages les plus modestes. Les familles ont certes la possibilité de bénéficier, avant la naissance de leur enfant, d’un prêt accordé par leur caisse d’allocations familiales. Cependant, la mauvaise information et le sentiment de culpabilité peuvent les éloigner de cet emprunt, les fragilisant considérablement.

Certaines prestations sociales, comme l’allocation de rentrée scolaire, sont versées en amont de l’événement. Il semble donc injustifié que ce ne soit pas le cas de la prime de naissance, ce versement devant intervenir le plus tôt possible. Je salue votre constance sur ce sujet, monsieur le rapporteur, et souhaite que votre persévérance soit enfin récompensée. Notre groupe ayant défendu une mesure similaire par voie d’amendement dans le cadre du PLFSS 2020, il soutient votre proposition de loi.

M. Pierre Dharréville. Je salue à mon tour l’action parlementaire et la persévérance de Gilles Lurton. Je regrette que nous n’ayons pas pris cette décision plus tôt, alors que nous l’avons défendue à chaque examen du budget. Nous ne comprenons pas pourquoi cette mesquinerie budgétaire a été maintenue. On sait très bien comment cela fonctionne à Bercy : on ne réfléchit pas en fonction des nécessités de l’existence auxquelles il faut faire face, en l’espèce les familles. Un directeur d’hôpital m’a ainsi expliqué que la prime pour les personnels des hôpitaux était calculée sur la base des effectifs de 2018...

La prime est tout à fait utile pour accompagner les parents, qui doivent se préparer à accueillir l’enfant avant même sa naissance. Proposer aux familles d’aller quémander leurs droits relève d’une démarche vexatoire. Notre groupe soutient donc cette proposition de loi.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je souligne la belle harmonie qui règne dans notre commission lorsqu’on ne se sent pas obligé, quelle que soit l’évolution du débat démocratique, de s’envoyer des anathèmes à la figure. Je salue, à mon tour, la persévérance de Gilles Lurton sur ce sujet et la pugnacité de Nathalie Elimas, qui a pris le relais.

M. Bernard Perrut. « Lorsque lenfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris. Son doux regard qui brille fait briller tous les yeux » : chacun connaît cette célèbre citation de Victor Hugo. Mais avant que l’enfant paraisse, il faut savoir l’accueillir dans les meilleures conditions, préparer sa chambre, parfois changer de logement, de voiture... Cette proposition de loi a l’immense mérite d’aider les familles, notamment celles qui ont le plus de difficultés, à accueillir cet enfant.

Reste que je suis ennuyé par le mot « prime ». On parle de prime d’assurance, de prime à la construction, de prime à l’exportation, de prime à la casse ; n’y aurait-il pas un plus beau mot pour donner toute sa valeur à cette reconnaissance de la nation lors de la naissance d’un enfant ?

Les arguments financiers n’ont aucun sens, qui relèvent de la trésorerie. Il est vrai qu’on ne peut pas rallonger la grossesse de quelques mois... Nous devons prendre nos responsabilités et faire en sorte que nos finances publiques absorbent cette décision. Monsieur Gilles Lurton, c’est une très bonne mesure que vous nous proposez : la politique de l’accueil de l’enfant doit être une priorité.

Mme Véronique Hammerer. Je suis absolument d’accord avec M. Perrut : le mot « prime » est dérangeant dans une démarche d’accompagnement. Bien sûr, l’aide pour l’arrivée d’un enfant dans une famille a un coût, mais elle est soumise à condition de ressources. Il est totalement aberrant de ne pas accompagner les familles, surtout celles qui sont en situation précaire, avant la naissance, alors même que c’est dans cette période que les frais sont importants, ce qui les oblige parfois à emprunter pour y faire face. Je m’étonne encore que des socialistes aient pu supprimer le versement de cette prime avant la naissance !

J’ose espérer, monsieur Lurton, que si l’enfant venait malheureusement à décéder avant, pendant ou après l’accouchement, vous avez prévu le maintien de la prime et pas de demande de remboursement.

Mme Isabelle Valentin. Depuis 2015, la prime de naissance, censée aider à financer les dépenses liées à l’arrivée d’un nouveau-né dans une famille, est versée aux femmes par la CAF deux mois après la naissance de l’enfant, et non plus au septième mois de grossesse. Pour le budget de l’État, ce report de quelques mois de la dépense n’a pas grande incidence ; pour les familles, en revanche, en particulier les plus modestes, le différé de quatre mois de cette aide importante de 947 euros leur complique bien la vie. C’est avant la naissance que cette prime est nécessaire aux parents, d’autant plus que celle-ci est attribuée sous condition de ressources. Pour aider les familles les plus modestes, les CAF ont trouvé comme astuce d’accorder des prêts avant la naissance de l’enfant.

Depuis 2015, on constate une baisse de la natalité d’autant plus inquiétante qu’elle semble corrélée aux coupes budgétaires drastiques dont pâtit la politique familiale, qui se détériore. Cette proposition de loi est donc une mesure de bon sens, qui fait consensus. Notre système social repose entièrement sur le renouvellement des générations : les naissances d’aujourd’hui financeront les retraites de demain. Or tous les indicateurs sont au rouge : chute continue de la natalité depuis 2015, effondrement du congé parental, modulation des allocations, réduction du montant du quotient familial. Une mesure aussi simple que le versement de la prime avant la naissance de l’enfant constituerait une preuve de sagesse de la part du Gouvernement et un pas vers une politique familiale proactive essentielle à la survie de notre système social.

M. Philippe Vigier. À mon tour, je remercie Gilles Lurton pour son acharnement. Sa voix résonne souvent dans l’hémicycle en faveur de la politique familiale qui a fait la fierté de la France. Même si la natalité a un peu baissé, notre pays demeure en tête en Europe grâce à une politique de natalité importante, qu’aujourd’hui encore nous soutenons.

Il arrive quelquefois que le Gouvernement se trompe ! Le chemin de la vertu est long, quelquefois tortueux, et l’expérience parlementaire montre qu’il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour le trouver. Il aura fallu cinq ans pour revenir sur un petit décret au moyen d’une proposition de loi.

Un peu plus de 200 millions d’euros, cela peut paraître beaucoup, mais c’est l’épaisseur du trait rapporté aux 450 milliards que nous coûte le covid-19. J’appelle chacun à la réflexion.

Mme Josiane Corneloup. La naissance d’un enfant est un événement heureux, mais c’est aussi un grand bouleversement dans la vie des familles, dont les plus modestes ont besoin d’un soutien sans faille de l’État. Depuis 2015, la prime à la naissance intervient au deuxième mois suivant la naissance de l’enfant et non plus au septième mois de grossesse. Ce versement différé a compliqué la vie des familles les plus modestes, qui doivent parfois recourir à des prêts, pas toujours faciles d’accès, pour financer les dépenses liées à l’accueil de l’enfant.

Cette proposition de loi prévoit un retour à la situation qui prévalait avant 2015. La crise du covid-19 a frappé de nombreuses familles, dont le pouvoir d’achat risque d’être profondément affaibli. Ces familles déjà modestes auront des difficultés supplémentaires à trouver les ressources nécessaires pour préparer la venue d’un enfant. La relance de la politique familiale apparaît plus que jamais nécessaire, et le versement de la prime avant la naissance de l’enfant constituerait une preuve de sagesse.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Cette proposition de loi devrait être votée à l’unanimité, ce dont nous nous réjouissons. Nous sommes très heureux qu’après avoir servi à régler un problème de trésorerie de l’État, la prime vienne maintenant soulager la trésorerie des familles. Je remercie Gilles Lurton et Nathalie Elimas pour leur travail : la politique familiale est une priorité de la famille centriste.

M. Stéphane Viry. Je félicite Gilles Lurton, militant de la politique familiale, en passe d’atteindre son objectif concernant l’adoption de cette proposition de loi, et je lui souhaite le meilleur pour son second défi, plus personnel.

Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui revient sur une erreur commise en 2015. La famille, c’est la démographie, et la démographie, c’est notre protection sociale. Tout doit être fait pour que les familles fassent des enfants, et l’aide financière qui leur est accordée constitue un appui très important.

Si l’on peut s’étonner de cette erreur de la part des socialistes, je regrette que la majorité ait refusé, à chacun des trois derniers PLFSS, de la corriger en adoptant la présente disposition.

M. le rapporteur. Je remercie l’ensemble de mes collègues pour les positions qu’ils ont exprimées, laissant envisager un vote à l’unanimité. Je vous remercie également, madame la présidente, pour les mots que vous avez prononcés. L’atmosphère qui règne au sein de cette commission, sous ce mandat comme sous le précédent, sied davantage à la construction qu’à la polémique.

J’ai bien compris que la majorité voterait en faveur de cette proposition. En 2015, lorsque la ministre de la santé a fait le choix, par décret, de reporter le versement de la prime après la naissance de l’enfant, le gain de trésorerie pour l’État – ce n’était malheureusement que cela – s’est élevé à de 239 millions d’euros. Aujourd’hui, le coût pour revenir sur cette disposition ne serait que de 200 millions d’euros. Cette diminution est la conséquence de la baisse de la natalité, et c’est bien là le problème : nous devons nous mobiliser parce que les enfants d’aujourd’hui financeront les retraites de demain. Seule une véritable politique familiale permettra de maintenir un taux de natalité élevé.

Je sais, madame Elimas, que cette proposition vous est chère, et il est heureux que nous arrivions à apporter une solution à ce problème au moment où vous vous apprêtez à publier votre rapport sur la politique familiale. Ainsi, le travail que nous avons mené avec Guillaume Chiche sur cette question, et qui n’a pu aboutir, connaîtra un prolongement pour faire évoluer les choses.

J’ai tenu à proposer un amendement visant à fixer le versement de la prime à la fin du sixième mois de grossesse, comme c’était le cas avant 2015. Une telle disposition ne figurait pas dans la loi et c’est ce qui avait rendu possible de modifier les choses par un simple décret. Nous devons ancrer dans la loi que le versement de la prime intervient le septième mois avant la naissance de l’enfant.

Je partage entièrement l’avis exprimé sur le mot « prime ». Je vais réfléchir, d’ici à la séance, à un terme plus approprié. J’accepterai évidemment d’examiner vos idées et amendements sur ce point.

En cas de décès de l’enfant après que la prime de naissance a été versée, celle-ci doit évidemment être maintenue. Comment pourrait-on imaginer retirer cette prime aux parents alors qu’un grand malheur les frappe ? Cela me paraît complètement inenvisageable, d’autant qu’ils auront tout de même fait des dépenses, et cela mérite d’être précisé.

Je vous remercie tous pour vos interventions et pour l’approbation que vous portez à cette proposition de loi. Je poursuis, il est vrai, un autre objectif : sans préjuger du résultat du second tour des élections municipales le 28 juin prochain, je veux vous dire que si je dois quitter ces bancs, je le ferai avec beaucoup de regrets. (Applaudissements)

 

La commission en vient à lexamen de larticle unique de la proposition de loi.

 

Elle examine lamendement AS1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser dans le code de la sécurité sociale que la prime à la naissance est versée au cours du septième mois de grossesse. En l’inscrivant dans la loi, l’erreur commise en 2015 ne pourra plus être réitérée, à moins de modifier la loi.

Mme Charlotte Lecocq. Nous ne voterons pas en faveur de cet amendement, car nous n’avons pas une visibilité suffisante sur le coût d’une telle mesure ni sur son efficacité. Si la prime doit effectivement être versée à temps pour aider les familles, nous aimerions en connaître les effets afin de mieux fixer cette date. Dans l’immédiat, nous préférons rester dans le cadre du décret. Nous pourrons en rediscuter en séance si nous disposons d’éléments un peu plus précis.

Mme Caroline Fiat. Je soutiens cet amendement précisément pour éviter d’entendre parler de coût et d’efficacité, et que l’on puisse, par un décret, supprimer ce que l’on a mis trois ans à obtenir. Le septième mois de grossesse correspond à la « nidification ». Verser la prime à ce moment relève du bon sens ! Il faut inscrire cette mesure dans la loi.

Mme Nathalie Elimas. Le groupe du groupe du Mouvement Démocrate votera cet amendement, qui reprend quasiment la rédaction de celui que nous avons défendu ces trois dernières années dans l’hémicycle. Il est vraiment important de sécuriser cette date et de ne pas s’en remettre à un décret, qui est aléatoire.

Quant à l’efficacité de la prime, son montant n’est pas négligeable : près de 1 000 euros. L’arrivée d’un enfant représente beaucoup d’argent, en particulier pour les familles modestes, et c’est tout l’intérêt de verser la prime avant la naissance de l’enfant. Nous voterons pour, avec conviction !

Mme Jeanine Dubié. Le groupe Libertés et Territoires soutient cet amendement. Nous devons tirer les enseignements de ce qu’il s’est passé en 2015 : les parlementaires n’ont pas été tenus informés de cette décision. Ne recommençons pas et assumons notre responsabilité législative. Cela évitera que l’initiative d’un fonctionnaire haut placé vienne détruire notre travail de réparation.

J’approuve également l’idée de présenter un amendement pour modifier le terme de « prime », sans oublier que celle-ci est versée également dans le cadre de l’adoption.

M. Guillaume Chiche. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité soutiendra cet amendement. La décision prise en 2015 de verser la prime de naissance après l’arrivée d’un enfant répondait à des contingences artificielles : il s’agissait d’afficher notre maîtrise du déficit public. Quand la technocratie cherche à faire des économies budgétaires, cela a des effets néfastes sur le quotidien des Françaises et des Français. Il faut donc inscrire cette disposition dans la loi afin de ne pas revivre exactement la même mésaventure.

À l’époque où j’étais membre du groupe parlementaire de La République en Marche, nous avions pour habitude de dire que nous étions là pour créer des droits réels et non des droits formels : nous en avons ici l’occasion.

M. Pierre Dharréville. Sans surprise, je soutiendrai cet amendement. Il est utile d’inscrire dans la loi la plénitude de ce droit et de ne pas le soumettre à des aléas budgétaires – sinon, l’on met ces problèmes de trésorerie à la charge des familles. Le moment suggéré par Gilles Lurton pour verser la prime est le bon, celui où l’on commence à se préparer activement à l’accueil de l’enfant et où l’on engage des dépenses un peu plus importantes. Il s’agit d’établir un droit plein et entier, et non d’équilibrer un coût – d’ailleurs, qu’est-ce que cela signifie ?

M. Bernard Perrut. Quand cette disposition s’appliquera-t-elle concrètement aux familles ? Nous devons veiller à ce qu’elle le soit le plus rapidement possible, et non dans plusieurs mois.

M. le rapporteur. Si le Sénat adopte conforme cette proposition de loi, elle reviendra très vite à l’Assemblée nationale. J’aurai alors l’espoir, si je devais quitter ces lieux, de la faire adopter définitivement avant mon départ. Cela me paraît quand même difficile mais on peut toujours rêver !

La CNAF a évalué le coût de cette mesure à 200 millions d’euros : il n’y a pas de tergiversation possible. L’amendement me paraît extrêmement important, compte tenu de ce qu’il s’est passé en 2015 : ce serait vraiment un marqueur de notre politique familiale que de voter cette loi ainsi amendée.

Je confirme que nous allons réfléchir sur le terme de « prime » d’ici à la semaine prochaine.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je propose à notre collègue Lurton, dont je salue la constance depuis le début du mandat, de reparler de cet amendement d’ici à la séance.

Pour s’assurer que cette proposition de loi ne se perde pas dans les méandres de la navette parlementaire, nous pourrions envisager d’adopter cette disposition par voie d’amendement dans le prochain PLFSS, si les choses n’étaient pas réglées d’ici là.

La commission rejette lamendement.

 

Puis elle adopte larticle unique.

En conséquence, la proposition de loi est adoptée.

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*     *

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à lAssemblée nationale dadopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3115_texte-adopte-commission#

 

 

 


([1])  Les plafonds de ressources applicables à l’allocation de base à taux partiels et à la prime à la naissance sont identiques.

([2])  DREES, « Enfant et consommation des ménages, évolution sur dix ans de 2001 à 2011 », Rozenn Hotte.

([3])  Baromètre des mamans, 2016.

([4])  Cette prime est intitulée « prime à l’adoption » pour les enfants adoptés ou accueillis en vue d’une adoption. Elle est alors versée à compter de l’arrivée de l’enfant au foyer.

([5])  En application de l’article L. 2122-1 du code de la santé publique.

([6])  http://www.caf.fr/allocataires/droits-et-prestations/s-informer-sur-les-aides/petite-enfance/la-prime-a-la-naissance-et-la-prime-a-l-adoption

([7])  https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2550