N° 3132

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juin 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances rectificative pour 2020
(n° 3074),

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur général,
Député

——

 

 


  1  

SOMMAIRE

___

 Pages

FICHE  1 : LÉVOLUTION DES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES

A. LA FRANCE CONFIRME SON ENTRÉE DANS UNE PROFONDE RÉCESSION (– 11 %)

1. Un scénario de croissance pré-crise devenu obsolète

2. Une rupture de tendance particulièrement sévère

3. Les nouvelles hypothèses de croissance du Gouvernement

a. Les motifs de la révision à la baisse de la conjoncture économique

b. La dégradation possible de la croissance potentielle

4. La situation de la France par rapport à ses principaux partenaires

B. LE COÛT ÉCONOMIQUE DU CONFINEMENT SE PRÉCISE

1. Les difficultés méthodologiques nuisent aux prévisions

2. Lévolution du PIB au deuxième trimestre montre lampleur du choc économique du confinement

C. LA SORTIE DE CRISE DEMEURE SUSPENDUE À DE NOMBREUSES INCERTITUDES

1. Les tensions déflationnistes

2. Lapparition deffets dhystérèse ?

3. Le désajustement de la relance économique au sein de lEurope et avec le reste du monde

FICHE  2 : LÉVOLUTION DU SOLDE PUBLIC ET DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE

I. UNE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS STOPPÉE PAR LA CRISE

A. LE DÉFICIT PUBLIC DEVAIT SE RÉDUIRE EN 2020

B. UN DÉFICIT PUBLIC PROFONDÉMENT AFFECTÉ PAR LA CRISE (– 11,4 %)

1. Le déficit public atteint un niveau sans précédent

2. Le détail de la révision des LFR 1 et 2

II. LE NOUVEAU SOLDE PUBLIC

A. LE DÉFICIT CONJONCTUREL REFLÈTE LA CHUTE DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

B. LABSENCE DE CONSÉQUENCE DE LA CRISE SUR LE SOLDE STRUCTUREL EST MAINTENUE, MALGRÉ DES INCERTITUDES

C. LAUGMENTATION DU COÛT DES MESURES EXCEPTIONNELLES ET TEMPORAIRES TRADUIT LA POURSUITE DE L’EFFORT BUDGÉTAIRE

III. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE LÉTAT

A. LES MOUVEMENTS EN RECETTES ET EN DÉPENSES

B. LA FORMATION DU NOUVEAU SOLDE BUDGÉTAIRE

FICHE  3 : LES DISPOSITIFS GÉNÉRAUX DE SOUTIEN À LÉCONOMIE

I. LE DISPOSITIF DACTIVITÉ PARTIELLE

A. LE PRINCIPE DU DISPOSITIF DACTIVITÉ PARTIELLE

B. LE RENFORCEMENT ET LEXTENSION DU DISPOSITIF DACTIVITÉ PARTIELLE POUR LES MOIS DE MARS À MAI

1. Le renforcement du dispositif par le décret du 25 mars 2020 relatif à lactivité partielle

a. Laugmentation de lallocation dactivité partielle

b. La simplification du recours au dispositif

2. Lextension à titre temporaire du champ du dispositif

3. Lextension du dispositif dactivité partielle aux salariés en isolement pour cause de vulnérabilité et aux salariés sans solution de garde denfants

C. LÉVOLUTION DU DISPOSITIF POUR LES HEURES CHÔMÉES À COMPTER DU 1er JUIN 2020

D. LIMPACT BUDGÉTAIRE

II. LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LES ENTREPRISES

A. LE PRINCIPE DU FONDS DE SOLIDARITÉ

B. LE FONCTIONNEMENT DU FONDS

1. Le bénéfice du fonds au titre du mois de mars

a. Le champ des bénéficiaires

b. Le montant des aides versées

2. Le renforcement du fonds pour les aides versées au titre des mois davril et de mai

C. LA NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR UN FINANCEMENT COMPLÉMENTAIRE DU FONDS POUR SA PROLONGATION SECTORIELLE AU-DELÀ DU MOIS DE MAI

III. LES MESURES DE SOUTIEN À LA TRÉSORERIE DES ENTREPRISES

A. LES REPORTS SANS PÉNALITÉ DÉCHÉANCES FISCALES ET SOCIALES

1. Les reports de charges fiscales

2. Les reports de charges sociales

3. Des reports de charges de l’ordre de 30 milliards deuros

B. LES REMBOURSEMENTS ACCÉLÉRÉS DE CERTAINES CRÉANCES FISCALES

C. LES REPORTS DE PAIEMENT DES FACTURES ET LOYERS AFFÉRENTS AUX LOCAUX PROFESSIONNELS

D. LES MESURES DE SOUTIEN PRISES PAR LE SECTEUR DES ASSURANCES

1. Lengagement des assurances à hauteur de 3,8 milliards deuros

a. Les mesures de solidarité extracontractuelles prévues par les assurances

b. Les investissements prévus par les entreprises dassurance

c. Les travaux sur un nouveau dispositif de couverture assurantielle

2. Des engagements ambitieux que le Parlement doit suivre avec attention

FICHE  4 : LES GARANTIES PUBLIQUES DE LÉTAT EN RÉPONSE À LA CRISE ÉCONOMIQUE

I. LE PGE : UNE GARANTIE MASSIVE DE 300 MILLIARDS DEUROS

A. L’ÉLIGIBILITÉ À LA GARANTIE

a. Champ des entreprises éligibles

b. Cahier des charges

B. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA GARANTIE

C. LE PLAFOND DES PRÊTS GARANTIS

D. L’ÉTAT DES LIEUX AU 11 JUIN 2020

II. LA RÉASSURANCE PUBLIQUE DES RISQUES DASSURANCE-CRÉDIT

A. LASSURANCE-CRÉDIT EXPORT (CAP FRANCEXPORT)

a. Fonctionnement

b. Bilan au 5 juin 2020

B. LASSURANCE-CRÉDIT DOMESTIQUE (CAP FRANCE)

a. Fonctionnement

b. Bilan au 29 mai 2020

C. LA RÉASSURANCE PUBLIQUE DE PORTEFEUILLE (CAP RELAIS)

a. Constat

b. Dispositif prévu dans le présent PLFR

III. LA GARANTIE DES EMPRUNTS PUBLICS

A. LUNÉDIC

1. Laugmentation des besoins de financement de lUnédic

2. L’augmentation de la garantie de lÉtat

B. LES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES

1. La Nouvelle-Calédonie

2. La Polynésie française

IV. LE SOUTIEN AUX PROGRAMMES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX

A. LINSTRUMENT SURE

1. Le fonctionnement du SURE

2. La mise en œuvre de la garantie de lÉtat

B. LE FONDS PANEUROPÉEN DE GARANTIE

1. Le fonctionnement du fonds

2. La mise en œuvre de la garantie de lÉtat

C. LA FACILITÉ DE PRÊT DU FMI

1. Le fonctionnement de la facilité

2. La mise en œuvre de la garantie de lÉtat

FICHE N° 5 : LES PLANS SECTORIELS

I. UN SOUTIEN AU SECTEUR DU TOURISME, DE LÉVÈNEMENTIEL, DE LA CULTURE ET DU SPORT À HAUTEUR DE 18 MILLIARDS DEUROS

A. LEXTENSION ET LA PROROGATION DES MESURES GÉNÉRALES DURGENCE POUR CE SECTEUR

B. DES DISPOSITIONS DEXONÉRATIONS FISCALES INTRODUITES PAR LE PLFR 3

C. AUTRES MESURES

II. UN SOUTIEN DE PLUS DE 8 MILLIARDS DEUROS AU SECTEUR DE LAUTOMOBILE POUR UNE INDUSTRIE PLUS COMPÉTITIVE ET DÉCARBONÉE

A. PLUS DE 5 MILLIARDS D’EUROS CONSACRÉS À LA FILIÈRE DE L’AUTOMOBILE DANS LES MESURES GÉNÉRALES D’URGENCE

B. UN PLAN COMPLÉMENTAIRE DE 3 MILLIARDS D’EUROS CENTRÉ SUR LES VÉHICULES PROPRES

III. UN SOUTIEN À LAÉRONAUTIQUE À HAUTEUR DE 15 MILLIARDS DEUROS

IV. LE SOUTIEN AU SECTEUR DES ENTREPRISES TECHNOLOGIQUES ET START-UPS

V. UN SOUTIEN AU SECTEUR DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS QUI SERA ACCENTUÉ DANS LE CADRE DU PLAN DE RELANCE

VI. UN PLAN DAIDES À LA FILIÈRE DU LIVRE DE PLUS DE 230 MILLIONS DEUROS

FICHE N° 6 : PANORAMA DES PRINCIPALES MESURES ÉCONOMIQUES PRÉVUES PAR LUNION EUROPÉENNE ET LALLEMAGNE

A. LES MESURES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES PRÉVUES PAR LUNION EUROPÉENNE

1. Les mesures européennes prises pour faire face à la crise

a. Les mesures juridiques et budgétaires

b. Le programme dachat durgence pandémique de la BCE

2. Le plan de relance proposé par la Commission européenne : une initiative sans précédent

a. Un plan de relance aboutissant à un effort européen de 2 400 milliards deuros

b. Linstrument « Next Generation EU », fer de lance du plan

c. Le calendrier dadoption du plan de relance

3. La chronologie des mesures prises par lUnion européenne dans le cadre de la crise du coronavirus, témoignage dune réponse sans précédent

B. LES MESURES PRÉVUES PAR LALLEMAGNE

1. Le plan de soutien à léconomie : le « bouclier protecteur »

2. Les mesures prévues dans le cadre du plan de relance allemand

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR LAVIS DU HAUT CONSEIL RELATIF AU TROISIÈME PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2020

AUDITION DE M. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE LÉCONOMIE ET DES FINANCES ET DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE LACTION ET DES COMPTES PUBLICS

EXAMEN EN COMMISSION

EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire Prévision de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques pour lannée 2020

Après l’article liminaire

PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE LÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.  IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A. Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Annulation de redevances doccupation du domaine public de lÉtat et de ses établissements publics

Avant l’article 2

Article additionnel avant l’article 2 Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales des primes exceptionnelles versées par les établissements privés de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux à leurs salariés

Article additionnel avant l’article 2 Report au 31 décembre 2020 de la date limite de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Avant l’article 2

B. Mesures fiscales

Article 2 Remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits

Après l’article 2

Article additionnel après l’article 2 Relèvement temporaire à 2 millions d’euros du plafond de report en arrière de déficits

Après l’article 2

Article 3 Dégrèvement exceptionnel de la cotisation foncière des entreprises, au titre de 2020, au profit des entreprises de taille petite ou moyenne des secteurs relevant du tourisme, de lhôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de lévénementiel particulièrement affectés par la crise sanitaire

Article 4 Déblocage exceptionnel de lépargne retraite des travailleurs non-salariés rencontrant des difficultés économiques liées à l’épidémie de Covid-19

Après l’article 4

Articles additionnels après l’article 4 Aménagement de l’abattement sur les droits de succession en cas de donation à un organisme sans but lucratif

Article additionnel après l’article 4 Simplification des démarches des organismes sans but lucratif bénéficiaires d’une assurance-vie

Après l’article 4

Article additionnel après l’article 4 Augmentation de 100 millions d’euros du plafond du produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises affecté au réseau des chambres de commerce et d’industrie

Après l’article 4

II.  RESSOURCES AFFECTÉES

Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 5 Prélèvement sur recettes au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre confrontés à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire

Article 6 Compensation des pertes fiscales des régions doutre-mer

Article additionnel après l’article 6 Bénéfice de l’attribution du FCTVA pour les dépenses exposées au titre des services d’infrastructure de l’informatique en nuage

Après l’article 6

Article 7 Avances remboursables des pertes de recettes des droits de mutation à titre onéreux des départements dues à la crise sanitaire

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À LÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 8 et état A Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois

Après l’article 8

SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2020.CRÉDITS DES MISSIONS

Article 9 et état B Budget général : ouvertures de crédits

Article 10 et état D Comptes spéciaux : ouvertures de crédits

TITRE II DISPOSITIONS PERMANENTES

I.  MESURES FISCALES ET BUDGÉTAIRES NON RATTACHÉES

Article 11 Relèvement du plafond dautorisation de prêt de la France au Fonds monétaire international

Article 12 Garantie de lÉtat à la Banque de France au titre dun prêt au Fonds monétaire international

Article 13 Garantie de l’État aux prêts de l’Union européenne au titre de l’instrument d’urgence pour atténuer les risques de chômage (SURE)

Article 14 Garantie de lÉtat à la Banque européenne dinvestissement au titre du fonds paneuropéen de garantie

Article 15 Mise en place du dispositif CAP Relais et élargissement du champ des entreprises éligibles à CAP et CAP+ France

Article 16 Octroi de la garantie de lÉtat à un prêt consenti par lAgence française de développement (AFD) à la Polynésie française

Après l’article 16

Article additionnel après l’article 16 Obligation de notification du refus d’instruction d’une demande de prêt garanti par l’État

Après l’article 16

Article 17 Exonération facultative des taxes de séjour en 2020

Après l’article 17

Article additionnel après l’article 17 Report du délai de transmission du rapport de la commission locale d’évaluation des charges transférées aux communes membres pour les transferts de compétences intervenus en 2020

Après l’article 17

Article additionnel après l’article 17 Souscription par les collectivités territoriales et groupements compétents en matière d’habitat de titres participatifs émis par les offices publics de l’habitat

Après l’article 17

Article additionnel après l’article 17 Abrogation à compter du 1er juillet 2020 de la taxe forfaitaire sur les contrats à durée déterminée dits d’usage (CDDU)

Après l’article 17

Article additionnel après l’article 17 Report de la date limite de vote des taux de fiscalité locale

Après l’article 17

Article additionnel après l’article 17 Rapport sur l’impact de la crise sur les ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France et ses conséquences sur l’exécution de la stratégie de mise en œuvre des orientations de la politique d’investissement de l’État en matière de transports et de mobilité

Article additionnel après l’article 17 Remise d’un rapport, par le Gouvernement, portant sur la refonte des aides à l’acquisition des véhicules propres

Après l’article 17

II.  AUTRES MESURES

Mission « Plan durgence face à la crise sanitaire »

Avant l’article 18

Article 18 Exonération de cotisations patronales, aide au paiement des cotisations, remises de dettes et plans dapurement pour les entreprises affectées par la crise sanitaire

Après l’article 18

Article additionnel après l’article 18 Report des délais de vote pour la répartition dérogatoire du prélèvement ou du reversement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

Après l’article 18

Article additionnel après l’article 18 Report de l’obligation d’adopter un nouveau pacte financier et fiscal pour les établissements publics de coopération intercommunale signataires d’un contrat de ville

Après l’article 18


  1  

FICHE  1 :
LÉVOLUTION DES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES

Comme lindiquait le rapporteur général dans lexposé de son rapport sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 ([1]), « les restrictions vitales et massives des échanges physiques et de la mobilité des personnes pour lutter contre lépidémie, précédées et doublées dinévitables effets de comportements notamment de panique, ont un impact macroéconomique considérable depuis janvier 2020 dans le monde et en France de façon croissante depuis quelques jours ». La prévision de croissance pour 2020 était alors fixée à – 1 % du produit intérieur brut (PIB). Elle est désormais estimée à – 11 %.

Le caractère massif, sans précédent, de l’impact macroéconomique de la crise sanitaire se confirme donc, alors que le confinement de la population s’achève et que l’activité économique reprend, à un rythme encore progressif et encore nettement plus faible qu’avant la crise. Le rattrapage complet du choc macroéconomique entraîné par la riposte sanitaire semble désormais inatteignable dans les seuls mois restants de 2020, contrairement aux hypothèses de la précédente loi de finances rectificative. Au total, la France connaît une récession sans précédent dans son intensité, qui ne pourra être effacée qu’au prix d’un effort public conséquent et soutenu.

A.   LA FRANCE CONFIRME SON ENTRÉE DANS UNE PROFONDE RÉCESSION (– 11 %)

Les perspectives économiques mondiales et nationales se sont fortement assombries dès lors que la pandémie a frappé l’Europe, faisant temporairement du continent européen le nouvel épicentre de l’épidémie à compter du mois de mars 2020.

La vitesse de cette propagation pandémique, cumulée à des mises à l’arrêt massives et soudaines de pans des économies nationales pour des raisons sanitaires, a rendu obsolète l’intégralité des prévisions économiques mondiales, régionales et nationales formulées jusqu’alors.

LOrganisation de coopération et de développement économique (OCDE), dans ses perspectives économiques intermédiaires du 2 mars 2020 ([2]), identifiait déjà la crise de la covid comme un facteur de risque majeur. Mais lOCDE estimait encore que léconomie mondiale croîtrait, en 2020, de 2,4 %, la zone euro de 0,8 % et la France de 0,9 %. La révision à la baisse par rapport aux prévisions de lautomne 2019 était déjà sensible (entre 0,2 et 0,5 point de PIB selon les pays), mais sans commune mesure avec les prévisions de récession massive qui allait progressivement être publiées au fil du mois de mars.

L’activité mondiale en 2020 : un repli inédit

Selon les projections du Gouvernement, l’activité mondiale reculerait en 2020 de – 3,6 %. L’activité serait particulièrement affectée en zone euro par la propagation de l’épidémie et les mesures d’endiguement associées, mais également par la dégradation de son environnement extérieur (moindre demande adressée, disruption des chaînes de valeur mondiales).

Hors zone euro, les grandes économies avancées verraient également leur activité se contracter fortement. L’activité chuterait en début d’année en Chine en raison d’un confinement très strict, dans une ampleur cohérente avec les premières observations disponibles, puis elle se redresserait malgré le ralentissement des économies avancées qui pèserait sur les exportations chinoises. Aux États-Unis, la récession serait sévère (– 7,3 % du PIB selon l’OCDE), mais contenue grâce à une combinaison de politiques monétaire et budgétaire très accommodantes.

Les autres principales économies émergentes seraient aussi affectées par le développement de l’épidémie à travers à la fois les conséquences directes des mesures de restrictions mais aussi les canaux commercial et financier, dans un contexte de resserrement des conditions de financement et de forte baisse du prix des matières premières.

En conséquence du repli de la demande et de l’arrêt partiel de l’activité, les échanges mondiaux reculeraient très fortement au premier semestre 2020 puis se redresseraient doucement sur le second semestre. Au total, les échanges mondiaux sont attendus en très fort recul en 2020 à hauteur de – 12,1 %.

Source : Gouvernement

En juin, à la moitié de lannée 2020, lincertitude de lévolution du contexte macroéconomique demeure prégnante, ce qui pèse sur la confiance et tire les perspectives de reprise à la baisse. En quatre mois, les trois révisions successives de la prévision de croissance par le Gouvernement se sont traduites par une aggravation continue.

1.   Un scénario de croissance pré-crise devenu obsolète

Selon le cadrage macroéconomique du projet de loi de finances pour 2020, trois principales causes d’un ralentissement modéré étaient identifiées en 2020 :

– le regain des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ;

– la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

– le choc d’incertitude lié à ces événements, facteur de risque supplémentaire.

Ces risques, quoique diffus, ne mettaient pas en cause la prévision d’une croissance française relativement robuste, entre 1,3 % et 1,4 %.

Les prévisions de croissance désormais disponibles pour 2020 marquent donc une rupture de tendance brutale, à la fois à court et long termes. Cette phase de rupture concerne au demeurant les économies du monde entier, frappées par un même choc exogène.

2.   Une rupture de tendance particulièrement sévère

Depuis 1974, la croissance annuelle n’a été négative qu’à quatre reprises. Cela signifie que le PIB diminue, quand le cours classique d’une économie amène à constater une expansion, même modeste, de ce produit. Selon l’Insee, la récession se caractérise par un repli du PIB sur au moins deux trimestres consécutifs.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

Croissance

1,7

1,5

– 11,0

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux jusqu’en 2019 ; présent PLFR, pour 2020.

Si l’on retient comme hypothèse de croissance celle avancée par le Gouvernement dans le présent PLFR, la récession de 2020 serait de très loin la plus importante observée depuis 1945. Une baisse du PIB, deux fois inférieure, a été observée sur le seul deuxième trimestre de 1968 : la baisse de 5 % avait été toutefois compensée, dès le troisième trimestre, par un rebond de l’activité de 8 %. Dans le cas de 2020, selon l’INSEE ([3]) , la baisse du 2e trimestre atteint 17 %, après 5,3 % au premier trimestre.


3.   Les nouvelles hypothèses de croissance du Gouvernement

Le scénario macroéconomique est présenté dans le rapport économique et budgétaire annexé au PLFR. La nouvelle hypothèse de croissance pour l’année 2020 est donc une contraction du PIB de 11 %.

Le cadrage macroéconomique du Gouvernement associé au présent PLFR indique désormais que la France connaîtra une croissance négative de – 11,0 % du PIB en 2020. Cette prévision est dans la fourchette moyenne des dernières prévisions publiées par les conjoncturistes, qui évaluent, à ce stade, la récession en France en 2020 entre 8,2 % et 12,5 %.

Ces niveaux sont cependant conditionnés à une hypothèse forte : l’absence de deuxième vague pandémique à l’automne 2020. L’OCDE s’est livrée à deux projections macroéconomiques par pays, avec ou sans deuxième vague. Dans cette dernière hypothèse, la France subirait un choc de – 14,1 %.

PrÉvisions de croissance en volume du PIB pour la France (mai-juin 2020)

(en % d’évolution annuelle)

Institutions

2020

2021

Gouvernement

(PLFR 3, 10 juin 2019)

 11,0

INSEE

(Point de conjoncture, 27 mai 2020)

– 8

Banque de France

(Projections macroéconomiques, 9 juin 2020)

– 10,3

6,9

OCDE

(Perspectives économiques, 10 juin 2020)

– 11,4

7,7

FMI

(Perspectives de l’économie mondiale, 24 juin 2020)

– 12,5

7,3

Commission européenne

(Prévisions économiques de printemps, 6 mai 2020)

– 8,2

7,4

Hypothèse centrale : pas de deuxième vague, la pandémie est endiguée à l’été 2020.

Source : commission des finances.

a.   Les motifs de la révision à la baisse de la conjoncture économique

La croissance a été revue en baisse de – 3 points de PIB par rapport au scénario de la 2e loi de finances rectificative du 25 avril 2020. Le Gouvernement mobilise trois raisons économiques :

– l’investissement en construction a été plus faible que prévu, à cause de difficultés rencontrées quant à la réouverture des chantiers ; par effet d’entraînement, l’investissement hors construction a été revu à la baisse ;

– la reprise est plus lente qu’anticipé chez nos principaux partenaires économiques, ce qui se traduit par une baisse de la demande mondiale adressée à la France ([4]) ;

– la prévision de consommation des ménages maintenue à son niveau de la LFR 2 (et ce malgré des données encourageantes de l’Insee) : les hypothèses de consommation de la surépargne accumulée pendant le confinement restent prudentes.

Source : Gouvernement.

Le Haut Conseil des finances publiques ([5]) « considère prudente la prévision du Gouvernement dun recul de lactivité de 11 % en 2020. Une poursuite de lévolution favorable du contexte sanitaire et une utilisation plus forte au second semestre que retenu dans les hypothèses du Gouvernement de lépargne contrainte accumulée par les ménages pourraient conduire à une récession moins marquée ».

b.   La dégradation possible de la croissance potentielle

L’hypothèse de croissance potentielle ([6]) utilisée dans le présent PLFR est maintenue identique à celle prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2020, soit 1,25 % du PIB.

Le HCFP, dans son avis précité, exprime des réserves sur le maintien de cette hypothèse : « il est vraisemblable que la crise sanitaire aura des conséquences défavorables sur le PIB potentiel ». La capacité de la production industrielle à retrouver rapidement ses niveaux de début 2020 est menacée par un risque important d’augmentation des faillites En outre, l’apparition d’un chômage important pourrait se traduire par une dégradation durable du capital humain de la France. En d’autres termes, dans le cas où l’économie française ne parviendrait pas à être complètement résiliente, les séquelles de la crise pourraient se traduire par une perte de PIB potentiel dès 2020.

4.   La situation de la France par rapport à ses principaux partenaires

La France est un des pays les plus touchés par la crise économique. La crise épidémique y a été marquée, ce qui a justifié une réponse sanitaire appropriée et incontournable, mais lourde de conséquences en matière économique. La durée du confinement, par exemple, a été de huit semaines en France, contre quatre semaines en Allemagne. En outre, les avantages comparatifs de la France se situent dans certains secteurs structurellement plus exposés aux effets de la fermeture des économies mondiales : tourisme, gastronomie, industrie du luxe, aéronautique et automobile.

Ce constat se vérifie dès la comparaison des conjonctures nationales du premier trimestre 2020. Selon la Banque centrale européenne ([7]), le PIB de la zone euro s’est contracté de 3,8 %. La France figure parmi les cinq pays dont la contraction du premier trimestre dépasse cette moyenne, avec l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Belgique. Avec 5,3 % de contraction du PIB selon l’INSEE, la France serait le pays le plus touché de la zone euro, avec l’Italie.

Variation du PIB au premier trimestre 2020

(% du PIB)

Légende : les colonnes de gauche montrent les premières prévisions trimestrielles (mars-avril 2020) et les colonnes de droite, si disponibles, leur révision à l’issue du deuxième trimestre (mai-juin 2020).

Source : Institut des politiques publiques, à partir des données des comptabilités nationales.

Cette tendance se confirme en moyenne annuelle, à partir des projections réalisées par l’OCDE. Au sein des pays de l’OCDE, la France serait la plus fortement frappée par la crise économique, avec l’Italie et le Royaume‑Uni. La récession serait plus sévère qu’en moyenne dans la zone euro (– 9 % du PIB).

Variation du PIB annuel en 2020 (pays de l’ocde)

(% du PIB)

Lecture : le scénario du choc unique repose sur l’hypothèse d’absence de seconde vague. Le scénario de deux chocs successifs comporte une prévision de perte supplémentaire de PIB liée à cette deuxième vague.

Source : OCDE.

B.   LE COÛT ÉCONOMIQUE DU CONFINEMENT SE PRÉCISE

1.   Les difficultés méthodologiques nuisent aux prévisions

Le fort degré d’incertitude qui marque la période actuelle se traduit par la prudence des prévisions économiques. Plusieurs inconnues majeures, notamment les conditions de la poursuite du déconfinement de la population, ont un impact sur l’évolution de la croissance française, mais aussi sur sa mesure.

Les notices méthodologiques des points de conjoncture et études citées dans la présente fiche témoignent des difficultés rencontrées par les statisticiens et les conjoncturistes pour parvenir à des résultats fiables, encore maintenant. Ainsi, de nombreuses informations habituellement disponibles sont manquantes, ou alors certains modèles de prévision sont devenus caducs du fait du caractère inédit de la crise.

Dans un billet récent du blog de l’INSEE, son directeur général traduit les difficultés de la statistique publique à l’épreuve de la crise sanitaire ([8]) : les « méthodes classiques se sont révélées inopérantes ou insuffisamment réactives ». L’adaptation des statisticiens a porté sur la diversification de leurs sources : il a fallu « rassembler très rapidement de linformation transmise par des fédérations professionnelles et des entreprises, les corroborer avec des données instantanées de consommation délectricité, de transactions par carte bancaire, ou par les premières estimations du nombre de salariés ayant cessé de travailler. »

De même, des chercheurs de l’OFCE ont observé, en comparant les conditions de prévisions actuelles avec celles de la précédente récession, que la publication de données trimestrielles était un exercice particulièrement délicat : « ces résultats sont davantage susceptibles quà laccoutumée dêtre révisés. Lexpérience passée illustre à cet égard la difficulté de prendre la mesure de limpact des chocs majeurs sur lactivité économique. Lors de la grande récession de 2008/09, les révisions des comptes nationaux entre la première version publiée à lépoque et la version daujourdhui ont quasiment toujours été faites à la baisse, tant pour les trimestres de grande récession que pour lévaluation de la croissance en moyenne annuelle » ([9]).

2.   L’évolution du PIB au deuxième trimestre montre l’ampleur du choc économique du confinement

Selon l’INSEE ([10]) , le deuxième trimestre 2020, dont les deux tiers ont été passés sous confinement, serait marqué par une évolution du PIB trimestriel de – 17 %.

La dégradation de la conjoncture économique en France résulte d’un choc d’offre et d’un choc de demande, découlant principalement de la décision de confiner la population pour lutter contre la propagation de l’épidémie, pendant huit semaines :

– du côté de l’offre : la fermeture temporaire de nombreuses entreprises, l’immobilisation progressive de la main-d’œuvre, des périodes prolongées d’activité partielle, de nombreuses perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et la chute des exportations dans de nombreux secteurs ;

– du côté de la demande, la chute de la consommation des ménages, liée aux mesures de confinement et au report des décisions d’achat (immobilier, automobile, électroménager, tourisme, loisirs) qui en découlent, et la réduction de l’investissement des entreprises.

Selon des prévisions stables depuis son premier point de conjoncture du 26 mars 2020, l’INSEE estime que la perte d’activité liée au confinement est proche du tiers par rapport à une situation normale ([11]).

La perte d’activité économique a été de 75 % dans la construction, reflétant la mise à l’arrêt de très nombreux chantiers. Dans l’industrie, l’activité moyenne a connu une baisse d’environ un tiers. Dans les services, cette baisse, d’abord estimée à 36 %, serait finalement légèrement inférieure à un tiers. Du côté de la consommation des ménages, la chute est constatée dans les mêmes proportions par rapport à la situation normale : – 32 % selon l’INSEE.

Sur un mois de confinement complet, celui d’avril 2020, l’INSEE relève qu’en moyenne, le revenu des ménages a baissé de 2,7 %. Cela s’explique par la baisse de l’emploi salarié et par celle des revenus des entrepreneurs individuels. Cette baisse aurait été beaucoup plus importante sans les dispositifs d’indemnisation rapidement mis en place (activité partielle, arrêts maladie pour garde d’enfants). Malgré la mise en place du fonds de solidarité et du régime d’activité partielle, le taux de marge des entreprises a chuté de 9 points en avril.

C.   LA SORTIE DE CRISE DEMEURE SUSPENDUE À DE NOMBREUSES INCERTITUDES

S’il semble acquis que le scénario macroéconomique ne suivra pas une courbe en V, synonyme de rattrapage rapide des pertes observées pendant le confinement, de nombreuses incertitudes nuisent à une prévision efficace de la reprise de l’économie dans les prochains mois.

1.   Les tensions déflationnistes

Le risque déflationniste est un risque majeur de la période récente, et n’a pas débuté avec la crise de la covid. En période déflationniste, c’est-à-dire de baisse continue et générale des prix, l’activité économique est durablement déprimée, et les leviers de l’action publique pour sortir de la morosité, en matière de politique monétaire ou budgétaire, sont réputés peu efficaces.

Selon le Gouvernement, l’indice des prix à la consommation serait de 0,4 % en 2020, après 1,1 % en 2019, sous l’effet de la crise sanitaire et de la faiblesse des prix de l’énergie. Cette baisse de l’inflation se constate alors que l’intervention de la Banque centrale européenne pour contenir les effets de la crise se traduit par un volume de création monétaire sans précédent ([12]). Les effets inflationnistes de cette politique monétaire très accommodante ne s’observent pas à court terme.

L’évolution de l’inflation ou, au contraire, le risque déflationniste, est une inconnue de la crise actuelle. Certains arguments conduisent à durablement envisager un contexte faiblement inflationniste :

– l’inflation connaît un affaiblissement structurel depuis plusieurs années dans les économies développées, du fait du vieillissement démographique (conduisant à davantage de comportements d’épargne), de la réduction du pouvoir de négociation des salariés ([13]) du fait de l’accroissement de l’injonction à la compétitivité et de la baisse de l’engagement syndical ;

– l’approche théorique classique, considérant que la croissance de la masse monétaire se traduit mécaniquement par de l’inflation, dès lors qu’elle est supérieure à la croissance économique, est infirmée par les faits, au moins depuis 2008 ;

– la crise actuelle favorise les comportements attentistes, donc déflationnistes ([14]) : les entreprises privilégient le désendettement à l’investissement productif, quand elles ne font pas faillite ; les mesures d’endiguement ont conduit à une surépargne forcée des ménages, qui anticipent le cas échéant des temps difficiles à venir et les conduiraient à maintenir cette épargne en précaution ; la montée du taux de chômage se traduit par une perte de revenus qui pèse sur la consommation.

Au contraire, plusieurs observations économiques, découlant de la particularité de la crise actuelle, peuvent avoir pour conséquence une remontée des prix :

– l’inflation par les coûts : les nombreuses perturbations des chaînes de production constituent des facteurs de hausse des prix. Ainsi, les fermetures d’abattoirs aux États-Unis ont ainsi fait augmenter le prix du porc ; en France, le prix des produits frais a augmenté de 18 % en avril 2020 ; les limitations des échanges internationaux augmentent les coûts d’approvisionnement et peuvent être répercutés sur les prix, dans un contexte de marges affaiblies des entreprises ;

– l’inflation par les salaires : les hausses de salaires annoncées ou prévues dans certains secteurs mis à contribution pendant la crise pourraient se propager à d’autres secteurs économiques ;

– le climat protectionniste américain, les réactions de la Chine et les appels à la relocalisation de nombreuses activités stratégiques affaiblissent la pression de la concurrence internationale et contribuent à des tensions sur les prix.

2.   L’apparition d’effets d’hystérèse ?

Un effet d’hystérèse, en économie, renvoie à l’incapacité des agents de s’adapter instantanément ou rapidement à une nouvelle situation économique potentiellement plus profitable du fait de leur maintien prolongé dans une situation négative antérieure. L’effet d’hystérèse classique est celui du chômage de longue durée : l’inactivité prolongée d’un travailleur nuit à son employabilité.

Dans le cas de la crise actuelle, les effets d’hystérèse du chômage peuvent être constatés, dans la mesure où les recherches d’emploi sont compromises par les règles de confinement et par l’arrêt de l’activité de nombreuses entreprises.

D’autres effets d’hystérèse peuvent apparaître :

– l’arrêt de la production industrielle de sous-traitants peut créer des ruptures de stocks en cascade tout au long de la chaîne de valeur, ce qui empêcherait, à tout le moins, la reprise d’une activité industrielle complète de façon rapide ;

– certaines habitudes de consommation des ménages, prises pendant le confinement, peuvent perdurer : commerce en ligne, cuisine à domicile, consommation de services de vidéos à la demande, au détriment de la reprise complète de l’activité de petits commerces physiques ;

– la perspective d’une réapparition du virus à l’automne prochain, évoquée par certains chercheurs du fait de la réouverture possible des frontières et d’une éventuelle activité saisonnière du virus au sein de populations non immunisées, peut engendrer des comportements attentistes, en matière d’investissement des ménages (repousser un projet d’achat immobilier ou des travaux d’envergure, qui risqueraient d’être interrompu de longs mois), des entreprises (qui préféreraient se désendetter) ou même du secteur financier (qui freinerait l’accès au crédit de long terme à des entreprises susceptibles d’être confrontées à de nouvelles difficultés économiques).

3.   Le désajustement de la relance économique au sein de l’Europe et avec le reste du monde

La crise sanitaire a frappé l’Asie, avant de se propager en Europe, puis de trouver un nouveau foyer majeur de contagion en Amérique du Nord et du Sud.

Par conséquent, si la crise frappe de façon homogène les économies mondiales, le tempo de leur relance économique ne sera pas le même, alors même que ces économies sont très interconnectées. Si le pic de l’épidémie est passé en France à la fin du printemps, il ne serait pas franchi avant l’été aux États-Unis : la Floride enregistre encore, le 18 juin 2020, le nombre de contaminations recensées à la covid en 24 heures le plus élevé depuis le début de la crise.

Cela peut avoir certains effets bénéfiques, par exemple la relocalisation d’activités économiques en Europe ou l’accroissement de nos relations commerciales européennes ; l’inverse est aussi vrai : les marchés asiatiques, remis sur pied avant la fin de la crise sanitaire européenne, pourraient se recentrer sur une activité plus régionale, au détriment de nos capacités d’exportation

Cette déconnexion des phases d’intensité de l’épidémie peut se traduire par une désynchronisation des séquences de relance budgétaire. L’Union européenne a ainsi tout intérêt à créer un choc de relance homogène au cours de l’été, l’interconnexion de ses économies étant particulièrement fort, comme le rappelle une étude récente de l’Institut des politiques publiques ([15]). La Commission européenne a annoncé un plan de relance européen de 540 milliards d’euros, Next GenerationEU. Les modalités d’intervention et de répartition de ces fonds sont encore en cours de discussion, ainsi que le volume qui pourrait être décaissé dès 2020, mais il s’agit d’une étape déterminante dans la réponse coordonnée à la crise économique.

 

 

 


  1  

FICHE  2 :
LÉVOLUTION DU SOLDE PUBLIC ET DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE

Le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 s’accompagne d’une nouvelle révision substantielle de la prévision de solde public pour l’année 2020. La première loi de finances rectificative (LFR 1) prévoyait une dégradation du déficit public de 2020 de 1,7 point de PIB, pour un solde de – 3,9 points de PIB. La deuxième loi de finances rectificative (LFR 2) aggravait encore cette prévision de 5,2 points de PIB (solde de – 9,1 points de PIB). Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) fixe finalement la prévision de solde effectif à – 11,4 points de PIB.

Pour l’heure, la crise économique que nous traversons contribuerait donc à dégrader de 9,2 points de PIB le solde public que nous aurions dû constater en labsence de pandémie.

La mesure du solde public permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

évolution des Soldes publics pour l’année 2020

(en % du PIB)

Soldes

LFI 2020

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Solde structurel (1)

– 2,2

– 2,2

– 2,0*

– 2,2

Solde conjoncturel (2)

0,1

– 1,3

– 5,3

– 7,0

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,4

– 1,7

– 2,3

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,2

 3,9

 9,1**

 11,4**

* Effet de base du déficit structurel de 2019, dont les estimations ont varié entre 2,0 à 2,2 % au premier semestre 2020.

** Effet d’arrondis au dixième.

Source : articles liminaires de la loi de finances initiale pour 2020, de la première et deuxième loi de finances rectificative pour 2020 et du présent projet de loi de finances rectificative.

I.   UNE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS STOPPÉE PAR LA CRISE

A.   LE DÉFICIT PUBLIC DEVAIT SE RÉDUIRE EN 2020

Le déficit public prévu par la loi de finances initiale pour 2020 s’établissait à 2,2 % du PIB, soit son plus faible niveau depuis 2001. L’année 2017 a marqué le retour du déficit public, hors mesures exceptionnelles et temporaires, sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009.

DÉficit public depuis 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

En

% du PIB

3,3

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,5

2,9

2,3

3,0*

11,4

*Hors mesure exceptionnelle relative à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, le déficit public de 2019 s’établit à 2,0 % du PIB.

Source : INSEE, comptes nationaux jusqu’en 2019, présent projet de loi de finances rectificative pour l’année 2020.

Depuis 2018, l’économie française était en haut de cycle. La loi de finances initiale pour 2020 avait pris comme hypothèse un écart de production légèrement positif en 2020, à hauteur de 0,2 point de PIB. Cela signifiait que le PIB effectif devait être légèrement supérieur au PIB potentiel de léconomie française, et que les facteurs de production seraient modérément en tension. Par conséquent, l’économie française devait dégager un léger excédent conjoncturel en 2020 : le solde conjoncturel était prévu à 0,1 % du PIB, par ailleurs compensé par un poids des mesures exceptionnelles et temporaires de – 0,1 % du PIB.

Par conséquent, la prévision de déficit public de la LFI 2020 faisait apparaître un déficit d’origine intégralement structurelle (– 2,2 % du PIB potentiel). Le déficit structurel isole les effets du cycle économique et reflète donc le niveau des recettes et des dépenses directement liées aux politiques publiques menées par le Gouvernement.

La situation actuelle est exactement contraire. Tandis que le déficit structurel doit rester inchangé en 2020 par rapport à 2019, l’intégralité de l’aggravation du déficit public résulterait de la chute du PIB effectif (déficit conjoncturel) et des importantes mesures budgétaires prises pour lutter contre la crise sanitaire et contre la récession économique (mesures exceptionnelles et temporaires).

B.   UN DÉFICIT PUBLIC PROFONDÉMENT AFFECTÉ PAR LA CRISE (– 11,4 %)

1.   Le déficit public atteint un niveau sans précédent

Le dernier excédent public constaté en France date de 1974. Cette année-là, alors que les effets du premier choc pétrolier commencent à se faire sentir, les comptes publics affichent un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB. Depuis 1975, les comptes publics de la France sont donc en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les soldes supérieurs à 4 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,9

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

Solde

– 2,3

– 3,0

– 11,4

 

 

Source : INSEE, base 2014, présent PLFR.

Jusqu’à la présentation du présent PFLR, le point le plus bas de solde public effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit de 7,2 % du PIB. Une décennie plus tard, il avait été réduit de près de cinq points de PIB.

Comme le montre le tableau précédent, le déficit public prévu pour 2020 est significativement supérieur à celui que la France a connu lors de la précédente récession de 2008. Le caractère abrupt de l’évolution de la prévision caractérise l’intensité de la crise et des réponses qu’il est proposé d’y apporter. Par rapport à la prévision de déficit initialement prévue pour 2020, en date de décembre 2019 (2,2 %), la présente prévision d’avril 2020 augmente de plus de 400 %.

2.   Le détail de la révision des LFR 1 et 2

Le tableau suivant décompose le solde public effectif entre la prévision de la LFI pour 2020, celle des LFR 1 et LFR 2 et, enfin, la prévision du présent PLFR 3.

L’évolution des prévisions de Déficit public pour 2020

(en % du PIB)

Déficit public

Écart par rapport

au PLFR 3

Déficit effectif

PLFR 3

11,4

 

LFR 2

9,1

+ 2,3

LFR 1

3,9

+ 7,5

LFI 2020

2,2

+ 9,2

dont déficit conjoncturel

PLFR 3

7,0

 

LFR 2

5,3

+ 1,7

LFR 1

1,3

+ 5,7

LFI 2020

– 0,1

+ 7,1

dont déficit structurel

PLFR 3

2,2

 

LFR 2

2,0

+ 0,2*

LFR 1

2,2

0

LFI 2020

2,2

0

dont mesures exceptionnelles et temporaires

PLFR 3

2,3

 

LFR 2

1,7

+ 0,6

LFR 1

0,4

+ 1,9

LFI 2020

0,1

+ 2,2

* effet de base 2019 ; la révision du déficit structurel de 2019 de 2,0 % à 2,2 % par le présent PLFR traduit en réalité une stabilité du déficit structurel entre 2019 et 2020.

Source : présent projet de loi de finances rectificative, première et deuxième lois de finances rectificatives pour 2020 et loi de finances initiale pour 2020.

On observe que le présent PLFR ajuste à nouveau sensiblement les prévisions de la première LFR, publiée le 23 mars dernier seulement.

Le choc économique se traduirait par une aggravation de 1,7 point de PIB supplémentaire du solde conjoncturel par rapport à la LFR 2. Comme la fiche n° 1 le montre, la dégradation de la conjoncture économique – du fait en particulier de la reprise très progressive de l’activité – a été revue à la hausse en un mois. L’estimation de la croissance a été dégradée de 3 points de PIB supplémentaires par rapport à la LFR 2, ce qui a un effet direct sur le montant des recettes perçues.

En deuxième lieu, les mesures exceptionnelles et temporaires prises par le Gouvernement pour lutter contre la crise sanitaire et contre ses effets récessifs correspondent à 0,6 point de PIB supplémentaire, et atteignent désormais 58,5 milliards d’euros ([16]).

Cet accroissement du coût des mesures de soutien est détaillé dans le tableau ci-après, qui ne porte que sur les mesures budgétaires ayant un effet sur le solde public. L’essentiel de la hausse du soutien public à l’économie porte sur le coût du régime d’activité partielle et sur les mesures sectorielles nouvelles contenues dans le présent PLFR (cf. fiche 5).

montée en charge du plan de soutien budgétaire

Mesures ayant un impact sur le solde public

(en milliards d’euros)

Nature du soutien

Coût LFR 1

Coût LFR 2

Coût PLFR 3

Montée en charge/LFR 2

Activité partielle

8,5

24,0

31,0

+ 7,0

Dépenses de santé exceptionnelles

2,0

8,0

8,0

0

Fonds de solidarité pour les entreprises *

1,1

6,8

8

+ 1,2

Plans sectoriels

3

+ 3

Exonération de charges**

3

+ 3

Aide aux ménages les plus fragiles

1

+ 1

Prime pour les indépendants

1

+ 1

Crédits supplémentaires durgence

1,5

1,5

0

Décalage de la réforme de l’assurance chômage

0,5

0,5

0

Avances remboursables pour soutenir les PME

0,5

+ 0,5

Crédits pour masques non chirurgicaux

0,5

+ 0,5

Remboursement anticipé des créances de carry-back

0,5

+ 0,5

Total

11,5

40,8

58,5

+ 18,7

* Effort public uniquement.

** Compensée par l’État à la sécurité sociale

Source : commission des finances

Le coût des mesures de soutien à l’économie comptabilisées dans ce tableau se répartit en 38,5 milliards d’euros pour l’État, 19,5 milliards d’euros pour les administrations de sécurité sociale (dont plus de 10 milliards pour la prise en charge par l’Unédic d’une partie du coût de l’activité partielle) et 0,5 milliard d’euros de contribution des collectivités territoriales au fonds de solidarité ([17]) .

II.   LE NOUVEAU SOLDE PUBLIC

A.   LE DÉFICIT CONJONCTUREL REFLÈTE LA CHUTE DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

L’impact direct de la propagation de l’épidémie de covid, couplé avec les mesures de protection sanitaire, se traduisent par des effets récessifs de grande envergure. La contraction du PIB, évaluée à 11 % en 2020 par le Gouvernement dans le présent PLFR, se traduit par une hausse massive du déficit conjoncturel ( 7,1 points de PIB) par rapport aux projections de la LFI (excédent conjoncturel de 0,1 point de PIB).

Rappelons que le solde conjoncturel est le solde reflétant les dépenses et les recettes publiques directement affectées par la conjoncture économique. Il se distingue du déficit structurel, qui isole les effets du cycle économique et reflète donc le niveau des recettes et des dépenses directement liées aux politiques publiques menées par le Gouvernement.

L’aggravation du déficit conjoncturel traduit la forte progression de lécart de production, qui est la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Ce dernier peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans quapparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([18]).

Comme les facteurs de production sont actuellement fortement sous-employés, voire encore presque à l’arrêt dans certains secteurs économiques, le niveau du PIB effectif s’est fortement détaché du PIB potentiel. La contraction du PIB se traduit mécaniquement par des pertes de recettes des prélèvements obligatoires, donc par l’apparition d’un déficit de nature conjoncturelle ([19]).

B.   LABSENCE DE CONSÉQUENCE DE LA CRISE SUR LE SOLDE STRUCTUREL EST MAINTENUE, MALGRÉ DES INCERTITUDES

Les mesures de soutien budgétaire adoptées en LFR 1 et renforcées en LFR 2 se sont traduites par une hausse du déficit lié aux mesures exceptionnelles et temporaires (voir ci-dessous). Cette catégorie de solde permet d’isoler les mesures, en dépenses et en recettes, qui sont directement l’effet de choix de politiques budgétaires, mais qui, en raison de leur caractère non pérenne, ne doivent pas être rattachées au déficit structurel. Comme son nom l’indique, ce dernier doit refléter les effets des politiques structurelles, de moyen et de long terme, menées par le Gouvernement.

Le renforcement de ces mesures de soutien budgétaire par le présent PLFR naffecterait donc pas le déficit structurel prévu en 2020 : il est considéré qu’il se maintiendrait à 2,2 points de PIB, au niveau de 2019.

Toutefois, dans son avis n° HCFP 2020-4 du 8 juin 2020, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que le déficit structurel pourrait « se révéler plus élevé que prévu dans ce 3e PLFR » dans la mesure où « certaines des dépenses liées à la crise sanitaire, considérées comme temporaires par le Gouvernement, pourraient être prolongées au-delà de 2020 ». Il a souligné que « lévaluation du PIB potentiel risque dêtre revue à la baisse en raison de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage et des conséquences de la hausse prévisible des faillites dentreprises et de la baisse des investissements sur les capacités de production ainsi que de limpact sur la productivité de la mise en œuvre durable des mesures de protection sanitaire ».

C.   LAUGMENTATION DU COÛT DES MESURES EXCEPTIONNELLES ET TEMPORAIRES TRADUIT LA POURSUITE DE L’EFFORT BUDGÉTAIRE

La LFI 2020 prévoyait des mesures exceptionnelles et temporaires de basse intensité, à hauteur de 0,1 point de PIB. Le caractère ponctuel de ces mesures, à l’impact positif ou négatif sur les finances publiques, explique qu’elles soient écartées du calcul du solde structurel et du solde conjoncturel.

Comme le plan budgétaire de lutte contre l’épidémie et contre ses effets récessifs n’a pas vocation à se prolonger – à ce stade – au-delà de l’exercice 2020, le Gouvernement a comptabilisé les dépenses des deux premières LFR et du présent PLFR parmi les mesures exceptionnelles et temporaires. Il s’ensuit une hausse substantielle du déficit issu des mesures exceptionnelles et temporaires en 2020, à 2,3 points de PIB.

Ce solde se décompose en réalité en 2,5 points de PIB de lutte contre la crise actuelle, en partie compensées par le produit d’une amende de 2 milliards d’euros infligée au groupe Airbus dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) perçue au mois de janvier 2020.

III.   LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE LÉTAT

A.   LES MOUVEMENTS EN RECETTES ET EN DÉPENSES

Le solde prévu pour 2020 se dégraderait de 128,9 milliards deuros par rapport à la LFI de 2020. Cette aggravation du déficit de l’État le porte à un niveau de 222,1 milliards d’euros, ce qui est un niveau historiquement élevé. Le déficit budgétaire le plus élevé connu dans le passé est celui afférent à l’année 2009. Il s’était établi à 138 milliards d’euros. En 2019, il a atteint 92,7 milliards d’euros.

Chronique des déficits budgétaires depuis 2009

(en milliards d’euros)

Année

2009

2010*

2011

2012

2013

2014*

2015

2016

2017

2018

2019

Déficit

138,0

113,8

90,7

87,2

74,9

73,6

70,5

69,1

67,7

76,0

92,7

* hors programmes d’investissements d’avenir

Par rapport à la LFR 2, le déficit de l’État se dégrade de 36,6 milliards deuros.

Évolution du dÉficit de lÉtat en 2020

(en milliards d’euros)

 

LFI 2020

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Total

Montant

93,1

109,0

185,5

222, 1

222,1

Variation

+ 15,9

+ 76,4

+ 36,6

+ 128,9

Source : présent projet de loi de finances rectificative, première et deuxième lois de finances rectificatives pour 2020 et loi de finances initiale pour 2020.

Cette nouvelle aggravation du déficit de l’État se répartit de la façon suivante :

– 10,2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur le champ du budget général de l’État et 2,4 milliards d’euros de dépenses des comptes spéciaux ;

– 23,2 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales supplémentaires et 0,3 milliard d’euros de recettes non fiscales, du fait de l’aggravation de la conjoncture économique et de la perte d’impôt sur les sociétés (IS) entraînée par la mesure de remboursement anticipé des créances de report en arrière de déficit (« carry-back ») ;

– 0,6 milliard d’euros de prélèvements sur les recettes, à destination des collectivités territoriales (cf. le commentaire des articles 5 et 6 du présent PLFR) ;

S’agissant des recettes, le commentaire de l’article d’équilibre et de l’état A annexé au présent PLFR fournit une analyse détaillée de la perte de recettes supplémentaire prévue. La baisse totale des recettes fiscales, depuis les prévisions de la LFI 2020, s’établit désormais à 65,9 milliards deuros, répartis comme suit :

– 10,7 milliards d’euros enregistrés dès la LFR 1 ;

– 32 milliards d’euros au titre de la LFR 2 ;

– et 23,2 milliards au titre du présent PLFR.

S’agissant des dépenses de l’État, l’ouverture de crédits représente 10,2 milliards deuros sur le champ du budget général de l’État, hors mission Remboursements et dégrèvements.

La première LFR avait augmenté les crédits du budget général de 6,25 milliards d’euros, augmentant d’autant la norme de dépenses pilotables de l’État ([20]). La LFR 2 a encore augmenté ces crédits de 38 milliards d’euros supplémentaires, mais les 36 milliards d’euros des crédits de la mission Plan durgence face à la crise sanitaire ont été exclus de la norme de dépenses pilotables de l’État, compte tenu de leur caractère exceptionnel et temporaire ([21]).

L’analyse des ouvertures de crédits est proposée au commentaire de l’article d’équilibre et de l’état B annexé au présent PLFR. On peut distinguer les dépenses sous normes de celles qui en sont exclues :

– 2,6 milliards d’euros de dépenses sous normes sont prévus au bénéfice des différents budgets ministériels pour la lutte contre les effets de la crise sanitaire ;

– 7,5 milliards d’euros de crédits sont ouverts au titre de la mission Plan durgence face à la crise sanitaire : 3,3 milliards d’euros au titre de l’activité partielle ; 1,2 milliard d’euros au titre du fonds de solidarité à destination des petites entreprises en difficulté ; et 3 milliards d’euros pour compenser les exonérations de cotisations sociales supportées par les administrations de sécurité sociale.

Parallèlement, ce PLFR ne propose pas d’annulation supplémentaire de crédits. Ce choix a été effectué, selon l’exposé général des motifs, par souci de prudence budgétaire, malgré certaines prévisions de sous-consommations de crédits.

B.   LA FORMATION DU NOUVEAU SOLDE BUDGÉTAIRE

Les informations présentées ci-dessus conduisent à une évolution du solde budgétaire de l’État qui prend la forme suivante.

passage du solde LFR 2 au solde PLFR 3

(en milliards d’euros)

 

LFR 2

Variation

PLFR 3

 

LFR 2

Variation

PLFR 3

Dépenses

du budget général (I)

446,5

+ 10,9

457,4

Recettes

du budget général (II)

266,0

– 23,4

242,6

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

381,9

+ 10,2

392,1

Recettes fiscales nettes

250,3

– 23,2

227,1

Prélèvement sur recettes au profit de lUnion européenne

23,4

0

23,4

Recettes non fiscales

15,7

– 0,3

15,4

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

41,2

+ 0,6

41,8

Soldes des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

 4,9

– 2,4

 7,3

Déficit à financer

(I − II  III)

185,5

+ 36,6

222,1

Source : deuxième loi de finances rectificative pour 2020 présent projet de loi de finances rectificative pour 2020.

*

*     *


  1  

   FICHE  3 :
LES DISPOSITIFS GÉNÉRAUX DE SOUTIEN À LÉCONOMIE

Face aux conséquences économiques de la crise de la Covid-19 et des mesures prises pour endiguer la pandémie, le Gouvernement et le Parlement ont décidé de mesures générales et massives de soutien à l’économie. Elles ont principalement pris les formes suivantes :

– le renforcement du dispositif d’activité partielle ;

– le soutien aux très petites entreprises particulièrement touchées par la crise par un fonds de solidarité ;

– le report de charges fiscales et sociales.

I.   LE DISPOSITIF DACTIVITÉ PARTIELLE

Budgétairement, la principale mesure d’urgence de soutien à l’économie a pris la forme d’un renforcement considérable du dispositif dactivité partielle – également appelé dispositif de « chômage partiel ». Au total, le présent PLFR estime à 30,8 milliards deuros son coût pour les finances publiques, soit environ 1,4 % du PIB ([22]).

Le dispositif d’activité partielle a été renforcé pour les heures chômées à compter du 1er mars. Il évoluera pour les heures chômées à compter du 1er juin 2020 dans les secteurs pour lesquels l’activité reprend progressivement.

A.   LE PRINCIPE DU DISPOSITIF DACTIVITÉ PARTIELLE

● L’objectif de l’activité partielle est de permettre aux entreprises subissant les conséquences de circonstances exceptionnelles de réduire l’activité de leurs salariés pour diminuer leurs charges, afin de préserver l’emploi et de favoriser la reprise de leur activité dans des conditions normales une fois ces circonstances passées.

● Le principe du dispositif est double. Il permet d’une part une compensation par lemployeur de la perte de revenu occasionnée pour les salariés du fait de la réduction de leur temps de travail sous la durée légale, conventionnelle ou contractuelle. Elle s’opère par le versement d’une indemnité horaire correspondant à un pourcentage de leur rémunération antérieure (article L. 5122-1 du code de la sécurité sociale). Les indemnités d’activité partielle ne sont assujetties ni à la taxe sur les salaires ni aux cotisations sociales patronales et salariales, en vertu de l’article L. 5422-10 du code du travail. Elles sont en revanche, dans le cas général, assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG) au taux de 6,2 % et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 %.

Il consiste d’autre part à aider les employeurs à financer cette compensation par le versement d’une allocation dactivité partielle (article L. 5122‑1), dans la limite d’un contingent annuel d’heures par an et par salarié fixé par arrêté (article R. 5122-6). Cette allocation est financée conjointement par l’État et par l’Unédic, selon des modalités fixées par une convention (article L. 5122-1). Le versement de l’allocation est réalisé par l’Agence de services et de paiement (article R. 5122-14).

Le bénéfice du dispositif est soumis à l’autorisation du ministère en charge du travail (article L. 5122-1).

● Les principes du dispositif relèvent de la loi, mais plusieurs paramètres fondamentaux relèvent du pouvoir réglementaire, comme le montant de l’indemnité versée par l’employeur aux salariés en activité partielle, le montant de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur ou encore les modalités de la demande d’activité partielle.

B.   LE RENFORCEMENT ET LEXTENSION DU DISPOSITIF DACTIVITÉ PARTIELLE POUR LES MOIS DE MARS À MAI

1.   Le renforcement du dispositif par le décret du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle

Dans le cadre des règles législatives déjà en vigueur avant la crise, le Gouvernement a modifié plusieurs paramètres du dispositif pour intensifier son soutien et faciliter son recours, par le décret du 25 mars 2020 relatif à lactivité partielle ([23]).

a.   L’augmentation de l’allocation d’activité partielle

● Le Gouvernement n’a pas modifié le montant de l’indemnité d’activité partielle – c’est-à-dire de l’indemnité versée par l’entreprise aux salariés aux titres des heures chômées – par rapport au dispositif existant avant la crise. Ce montant est demeuré fixé à 70 % de la rémunération brute ([24]) (article R. 5122–18 du code du travail), soit environ 84 % de la rémunération nette et 100 % de la rémunération nette pendant les actions de formation mises en œuvre durant les heures chômées.

Après versement de l’indemnité d’activité partielle, si la rémunération d’un salarié est inférieure au SMIC net, alors l’employeur doit lui verser une indemnité complémentaire pour quelle atteigne le niveau du SMIC net (article L. 3232-5 du code du travail). Ainsi, les salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 1,13 SMIC perçoivent une indemnité horaire égale au SMIC net.

● Le décret du 25 mars 2020 a augmenté le soutien public aux employeurs en modifiant les paramètres de lallocation dactivité partielle dont ils bénéficient. Son montant était auparavant forfaitaire et égal à 7,74 euros par heure pour les entreprises de 250 salariés et moins, et à 7,23 euros par heure pour les entreprises de plus de 250 salariés. Ainsi, pour les salariés percevant lindemnité horaire minimale, qui est égale au SMIC net, c’est-à-dire à 8,03 euros par heure chômée, lallocation couvrait 96 % de lindemnité minimale pour les entreprises de moins de 250 salariés et 90 % pour les autres, le reste étant à la charge de l’employeur. Puisque le montant de l’allocation était forfaitaire, le taux de couverture était une fonction décroissante du salaire brut. Plus le salaire était élevé, plus l’entreprise prenait à sa charge une part importante de l’indemnité.

Pour les demandes d’allocation au titre des placements des salariés en activité partielle à compter du 1er mars 2020 et jusqu’au 1er juin, le montant horaire de lallocation est égal au montant de lindemnisation que verse lemployeur au salarié, dans la limite du montant de lindemnité à verser à des salariés percevant une rémunération brute de 4,5 SMIC. Autrement dit, le coût du dispositif d’activité partielle est totalement pris en charge par l’État et l’Unédic jusqu’à des salaires de 4,5 SMIC. Pour les salaires supérieurs à 4,5 SMIC, il est pris en charge dans la limite de l’allocation applicable pour un salaire de 4,5 SMIC, soit 4 849 euros pour un nombre d’heures chômées égal à la durée mensuelle légale du travail.

● Parallèlement, le Gouvernement a augmenté le contingent annuel dheures indemnisables au titre de lactivité partielle. Un arrêté du 26 août 2013 ([25]) fixe à 1 000 heures par an cette limite. Par dérogation, jusqu’au 31 décembre 2020, elle est relevée à 1 607 heures par an, soit la durée annuelle légale ([26]).

b.   La simplification du recours au dispositif

Le décret du 25 mars 2020 a en outre simplifié la procédure de recours à lactivité partielle pour lentreprise sous plusieurs aspects.

En premier lieu, il a assoupli la condition que le comité social et économique (pour les entreprises de plus de cinquante salariés) doive rendre un avis avant que l’entreprise formule la demande d’activité partielle auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), en permettant que cet avis soit recueilli postérieurement à cette demande en cas de circonstances exceptionnelles.

En deuxième lieu, il a assoupli la condition du caractère préalable de la demande adressée à la Direccte au placement des salariés en activité partielle en cas de circonstances exceptionnelles. Désormais, dans de telles circonstances, l’employeur dispose d’un délai de trente jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour adresser sa demande par tout moyen. Une application rétroactive du dispositif a ainsi été permise à compter du 1er mars 2020. En outre, le décret a élevé de six à douze mois la durée maximale d’activité partielle pour laquelle une demande peut être accordée.

En troisième et dernier lieu, il a ramené de quinze à deux jours le délai au terme duquel l’absence de réponse de l’administration à la demande d’activité partielle vaut acceptation implicite de la demande, et ce jusqu’au 31 décembre 2020.

Enfin, le décret a supprimé l’exclusion du bénéfice du dispositif des salariés au forfait en heures ou en jours. Les règles de calcul de l’indemnité et de l’allocation pour ces salariés ont été précisées par un décret du 16 avril 2020 ([27]).

2.   L’extension à titre temporaire du champ du dispositif

Sur habilitation de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 ([28]), le Gouvernement a pris, par l’ordonnance du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle ([29]) modifiée pour certaines de ses dispositions par l’ordonnance du 15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 ([30]), des mesures législatives pour étendre le dispositif d’activité partielle à d’autres bénéficiaires et l’adapter aux circonstances de la crise actuelle.

● L’ordonnance a d’abord ouvert le dispositif d’activité partielle de droit commun aux salariés employés à domicile et aux assistants maternels en l’adaptant aux spécificités de ces emplois. Ainsi, l’indemnité due par l’employeur est égale à 80 % de la rémunération nette, mais elle ne peut être inférieure à la rémunération minimale applicable à chacune de ces deux professions.

LÉtat rembourse à 100 % lindemnité par l’intermédiaire d’un versement effectué par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) pour son compte. Ces dernières peuvent opérer une compensation entre le remboursement de l’allocation et le montant des cotisations et contributions sociales restant dues par le particulier employeur au titre des périodes antérieures au 12 mars 2020. L’Unédic ne finance pas cette allocation, à la différence du schéma de financement applicable à l’allocation d’activité partielle de droit commun. Un arrêté devra fixer les modalités de compensation de l’État aux URSSAF.

● L’ordonnance comporte également des dispositions relatives au régime fiscal de l’indemnité d’activité partielle. Elle exonère d’office de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) l’indemnité d’activité partielle perçue par les salariés employés à domicile et les assistants maternels.

Pour les autres salariés, elle prévoit l’application du taux de CSG de 6,2 % et du taux de CRDS de 0,5 %. Il existe néanmoins un mécanisme d’écrêtement qui a pour effet de diminuer le montant dû au titre de la CSG et de la CRDS si l’application de ces deux impositions a pour effet de rendre la rémunération du salarié, au titre de son activité et de l’indemnité perçue, inférieure au montant du SMIC brut.

● Elle adapte le dispositif pour les salariés des secteurs soumis aux régimes d’équivalence ([31]) en prévoyant l’indemnisation des heures d’équivalence compte tenu de l’impact important sur les secteurs en question.

● Elle étend le dispositif aux salariés des entreprises contrôlées par lÉtat (dont La Poste, la SNCF, EDF) et des entreprises des industries électriques et gazières soumis au statut national du personnel de ces industries (ENGIE notamment).

● Elle améliore la situation des salariés à temps partiel en permettant l’application de la rémunération mensuelle minimale. Autrement dit, elle permet que l’indemnité d’activité partielle ne puisse pas être inférieure au SMIC net, cette disposition ne leur étant pas applicable auparavant.

● Elle ouvre le dispositif aux salariés des régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial de remontées ou de pistes de ski.

3.   L’extension du dispositif d’activité partielle aux salariés en isolement pour cause de vulnérabilité et aux salariés sans solution de garde d’enfants

La LFR 2 a prévu l’application à compter du 1er mai 2020 du dispositif dactivité partielle aux salariés dans limpossibilité de continuer à travailler :

– parce qu’ils présentent un risque de développer une forme grave d’infection liée à la Covid-19 ;

– ou parce qu’ils sont parents d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant lui-même l’objet d’une telle mesure.

Ces salariés bénéficiaient à titre exceptionnel d’indemnités journalières sans avoir à remplir les conditions de droit commun ([32]). Ils bénéficiaient également de l’extension du dispositif de l’indemnité complémentaire versée par l’employeur en cas d’absence au travail justifié par l’incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident ([33]) aux salariés de plus d’une année d’ancienneté.

Versée par l’employeur à l’issue d’un délai de carence de sept jours, le montant de cette allocation est fixé de sorte qu’ajouté aux indemnités journalières, l’ensemble atteigne 90 % de la rémunération brute du salarié les trente premiers jours, puis les deux tiers de cette rémunération les trente jours suivants, ces durées d’indemnisation pouvant être majorées en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. Les salariés d’une ancienneté inférieure à six ans ne perçoivent donc plus cette indemnité à l’issue du 60e jour d’arrêt dans le droit commun.

Pour ces personnes qui bénéficiaient des indemnités journalières et de l’indemnité complémentaire, le dispositif dactivité partielle sest substitué au dispositif de lindemnité journalière ([34]).

Le passage d’un régime à l’autre a permis aux salariés vulnérables et aux salariés en arrêt maladie pour garde d’enfants d’éviter une perte de rémunération. En effet, l’indemnité complémentaire due par l’employeur est diminuée au bout de trente jours de sorte que le revenu de remplacement est abaissé de 90 % du salaire brut aux deux tiers du salaire brut, puis à 50 % au bout de soixante jours. Le niveau de l’indemnité d’activité partielle atteint 70 % du salaire brut, sans qu’il puisse être inférieur au SMIC net.

C.   LÉVOLUTION DU DISPOSITIF POUR LES HEURES CHÔMÉES À COMPTER DU 1er JUIN 2020

● Le Gouvernement a annoncé souhaiter une évolution du dispositif d’activité partielle qui accompagnerait la reprise progressive d’activité, pour les heures chômées à compter du 1er juin. Il a engagé une discussion avec les partenaires sociaux sur le sujet ([35]).

L’article 1er de la loi relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures d’urgence ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ([36]) habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter le dispositif d’activité partielle à la reprise d’activité.

Sur ce fondement, l’ordonnance du 24 juin 2020 relative à l’adaptation du taux horaire de l’allocation d’activité partielle ([37]) a prévu que « le taux horaire de l’allocation d’activité partielle peut être modulé en fonction des secteurs d’activité et des caractéristiques des entreprises compte tenu de l’impact économique de la crise sanitaire, à compter du 1er juin 2020 et jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2020 ». Selon le projet de décret soumis le 12 juin 2020 à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) ([38]), ces nouvelles règles seraient applicables pour les placements en activité partielle effectués jusqu’au 30 septembre 2020.

● Dans le cas général, et selon le projet de décret précité, le taux horaire de l’allocation d’activité partielle devrait être fixé à 60 % au lieu de 70 % de la rémunération brute horaire, dans la limite des rémunérations atteignant 4,5 SMIC. L’indemnité d’activité partielle versée aux salariés resterait fixée à 70 % de la rémunération horaire brute. La différence sera donc à la charge de l’employeur. Le niveau de prise en charge par les finances publiques sera donc abaissé de 100 % à 85 % de l’indemnité.

● Toutefois, comme annoncé par le Gouvernement, l’ordonnance prévoit un taux horaire majoré pour les employeurs exerçant leur activité principale dans certains secteurs :

– les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’évènementiel, particulièrement affectés par les conséquences économiques et financières de la propagation de l’épidémie de covid–19 au regard de la réduction de leur activité en raison notamment de leur dépendance à l’accueil du public ;

– les secteurs d’activité qui dépendent de ceux mentionnés au paragraphe précédent et qui ont subi une très forte baisse de chiffre d'affaires, dont les modalités d’appréciation seront fixées par décret. Le projet de décret précité fixerait le seuil minimal de baisse de chiffre d’affaires à 80 % durant la période comprise entre le 15 mars et le 15 mai ([39]), cette diminution étant appréciée soit par rapport au chiffre d’affaires constaté au cours de la même période de l’année précédente, soit par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019 ramené sur deux mois :

– d’autres secteurs d’activité que ceux mentionnés ci-dessus et qui exercent une activité qui implique l’accueil du public et qui est interrompue du fait de la propagation de l’épidémie de Covid-19, à l'exclusion des fermetures volontaires.

La liste des secteurs concernés sera fixée par décret.

Selon le projet de décret précité ([40]), ces secteurs continueraient à bénéficier du dispositif d’activité partielle renforcé, prévoyant une indemnité d’activité partielle à 70 % de la rémunération brute, intégralement prise en charge par l’État et par l’Unédic.

D.   LIMPACT BUDGÉTAIRE

● Le présent PLFR prévoit une ouverture de crédits à hauteur de 3,3 milliards deuros en autorisations d’engagements et en crédits de paiement sur le programme « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » de la mission Plan durgence face à la crise sanitaire, correspondant à une augmentation prévisionnelle de 4,95 milliards deuros de son coût pour les finances publiques, en tenant compte de la part prise en charge par l’Unédic. Le Gouvernement a en effet indiqué que l’Unédic prendrait à sa charge un tiers du coût total du dispositif selon les modalités fixées par une convention qui n’a pas encore été signée ([41]).

Au total, le dispositif coûterait ainsi 30,75 milliards deuros. À ce montant s’ajouteront les pertes de recettes s’expliquant par l’exonération de cotisations sociales salariales et patronales et de taxe sur les salaires des indemnités de chômage partiel.

Estimation du coût direct pour les finances publiques du dispositif d’activité partielle

(en millions d’euros)

 

Ouverture de crédits sur le budget général de lÉtat

Part correspondante à la charge par lUnédic

Total

LFR 1

5 500

2 750

8 250

LFR 2

11 700

5 850

17 550

PLFR 3

3 300

1 650

4 950

Total

20 500

10 250

30 750

Note : il est supposé que l’Unédic prenne en charge un tiers du coût total du dispositif pour les finances publiques.

Source : commission des finances, d’après la LFR 1, la LFR 2 et le présent PLFR.

● Il existe une incertitude quant au coût total du dispositif pour l’année 2020 en raison de l’évolution du dispositif et du taux de recours. Le taux de recours au titre des mois de mars et avril n’était d’ailleurs pas connu avec précision à la date du 5 juin.

En effet, les demandes d’autorisation préalable faites par les entreprises auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) ne se traduisent pas dans leur totalité par des mises en activité partielle. Ce n’est qu’au moment de la réception par l’Agence de services et de paiement des demandes d’indemnisation que l’on connaît avec précision le taux de « transformation » des demandes d’autorisation en demandes d’indemnisation. Or, les employeurs disposent d’un délai d’un an pour adresser à l’ASP une demande d’indemnisation à compter du terme de la période couverte par l’autorisation de recours à l’activité partielle.

Selon une note de l’Unédic ([42]), à la date du 5 juin 2020, les demandes d’indemnisation ont été faites pour 6,1 millions de salariés pour 281 millions d’heures, au titre du mois de mars, soit 52 % du volume total d’heures ayant fait l’objet d’une demande, pour un coût total exécuté de 2,8 milliards deuros (hors particuliers employeurs). L’Unédic estime qu’en définitive, en incluant les demandes d’indemnisation qui n’ont pas encore été transmises, 7,2 millions de salariés seraient concernés par l’activité partielle au mois de mars, pour un coût global de 3,3 milliards deuros (hors particuliers employeurs), dont 1,1 milliard d’euros pour l’Unédic.

Le dispositif est monté en charge en avril. En effet, au titre du mois d’avril, les demandes d’indemnisation ont concerné 6,2 millions de salariés pour 620 millions d’heures. Les dépenses indemnisées atteignaient 6,3 milliards d’euros (hors particuliers employeurs). 9 millions de salariés pourraient finalement être concernés par l’activité partielle au mois d’avril pour un coût total autour de 8,6 milliards deuros (hors particuliers employeurs).

Données disponibles sur le chômage partiel pour les mois de mars et avril

 

Mars

Avril

Nombre d’établissements ayant fait une demande d’autorisation d’activité partielle

1,075 million

1,249 million

Part d’établissements qui ont fait une demande d’indemnisation parmi les établissements ayant demandé une autorisation d’activité partielle

90 %

81 %

Effectifs salariés concernés par les demandes d’autorisation d’activité partielle

10,7 millions

12,2 millions

Salariés effectivement au chômage partiel (demandes d’indemnisation effectuées)

6,1 millions

6,2 millions

Volume d’heures de chômage partiel demandées dans les demandes d’autorisation d’activité partielle

539 millions

1 535 millions

Heures effectivement consommées (demandes d’indemnisation effectuées)

281 millions

619 millions

Montant dindemnisation demandé au 5 juin par les établissements (demande dindemnisation) pour le mois (dépenses État + Unédic)

2,8 Mds€

6,3 Mds€

Estimation du nombre total de salariés concernés pour le mois

7,2 millions

9,0 millions

Estimation du montant total dindemnisation pour le mois (État + Unédic)

3,3 Mds€

8,6 Mds€

Source : Unédic, « Point de situation sur l’utilisation de l’activité partielle », données au 5 juin 2020, 9 juin 2020.

L’Unédic estime donc qu’au total, le dispositif aurait un coût direct de 11,9 milliards deuros pour l’État et l’Unédic au titre des heures chômées en mars et en avril.

Pour le mois de mai, les données disponibles n’étaient pas suffisamment robustes au 5 juin pour être significatives d’une tendance quant au recours au dispositif pour ce mois. Le nombre d’établissements ayant déposé une demande d’autorisation d’activité partielle au mois de mai est stable par rapport au mois d’avril (1,2 million), tout comme le nombre de salariés concernés par une demande d’activité partielle (12,2 millions pour le mois de mai après 12,0 millions pour le mois d’avril). En revanche, le nombre d’heures d’activité partielle demandées est en recul de 19 % (1 245 millions d’heures demandées au titre du mois de mai après 1 535 millions pour le mois d’avril) en raison du déconfinement progressif intervenu à compter du 11 mai. On peut donc estimer que le coût du dispositif au titre du mois de mai sera inférieur au coût estimé au titre du mois d’avril, soit 8,6 milliards d’euros.

Au total, au titre des mois de mars, avril et mai, le dispositif d’activité partielle aurait un coût direct inférieur à 20,5 milliards deuros.

II.   LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LES ENTREPRISES

Afin de soutenir les petites entreprises durement frappées par la crise, le Gouvernement a créé, sur habilitation parlementaire, un fonds de solidarité dont l’objet est de leur verser des aides directes, par l’ordonnance du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ([43]). Les modalités d’attribution des aides et les conditions d’éligibilité ont été fixées par le pouvoir réglementaire ([44]).

Financé à la fois par l’État, par les régions et collectivités d’outre-mer et par des personnes morales de droit privé, l’abondement du fonds était initialement estimé par le Gouvernement à 1 milliard deuros. Son montant a progressivement été réévalué à la hausse pour permettre sa prolongation au‑delà du seul mois de mars, l’élargissement des critères d’éligibilité à ses aides et l’augmentation du montant de ces dernières.

Le présent PLFR propose d’ouvrir 1,2 milliard deuros de crédits budgétaires sur le programme « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise » qui s’ajoutent aux 6,25 milliards d’euros ouverts en cumulé par la LFR 1 et la LFR 2 et aux quelque 700 millions d’euros qui ont abondé ce programme par voie de fonds de concours. Au total, compte tenu des ouvertures constatées et des engagements pris, le montant des crédits disponibles au titre du fonds atteindrait 8,35 milliards deuros.

A.   LE PRINCIPE DU FONDS DE SOLIDARITÉ

L’ordonnance du 25 mars 2020 qui a créé ce fonds a été prise sur le fondement d’une habilitation de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 ([45]), autorisant le Gouvernement à prendre toute mesure « daide directe ou indirecte à des personnes dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que dun fonds ».

Initialement institué pour une durée de trois mois, prolongeable pour une durée d’au plus trois mois supplémentaires par le pouvoir réglementaire, sa durée a finalement été allongée jusqu’au 31 décembre 2020 par une ordonnance du 10 juin 2020 ([46]). Le pouvoir réglementaire peut encore prolonger sa durée pour une durée de trois mois supplémentaires au maximum.

Le fonds a pour objet le versement daides financières aux entreprises particulièrement touchées par la crise, étant précisé que les entreprises en question sont « les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique », aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée. Il n’existe donc pas de critère restrictif touchant au statut des entreprises.

La loi prévoit qu’il est financé par l’État et, sur une base volontaire, par les régions et toute autre collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI). Tant le montant que les modalités de cette contribution sont définis par une convention conclue entre l’État et chaque collectivité territoriale.

Le fonctionnement du fonds relève du pouvoir réglementaire, l’ordonnance du 25 mars 2020 renvoyant à un décret le soin de fixer :

– le champ d’application du dispositif ;

– les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides ;

– le montant de ces aides ;

– les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds.

Le versement de l’aide du fonds, opéré par la direction générale des finances publiques (DGFiP), se fait sur une base déclarative, les bénéficiaires du fonds étant dans l’obligation de conserver les documents attestant du respect des conditions d’éligibilité au fonds et du correct calcul du montant de l’aide pendant cinq ans, afin de permettre un contrôle a posteriori de la régularité des versements.

B.   LE FONCTIONNEMENT DU FONDS

Les règles relatives aux versements du fonds de solidarité ont été précisées par le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ([47]), qui a lui-même été modifié par un décret du 12 mai 2020 ([48]).

1.   Le bénéfice du fonds au titre du mois de mars

Le fonds de solidarité s’adresse aux très petites entreprises (TPE), aux travailleurs indépendants, aux micro-entrepreneurs et aux professions libérales.

a.   Le champ des bénéficiaires

● Étaient éligibles au fonds de solidarité au titre du mois de mars les entreprises, définies comme des personnes physiques ou morales de droit privé résidentes fiscales françaises et exerçant une activité économique, satisfaisant aux conditions cumulatives suivantes :

– l’effectif de l’entreprise est inférieur ou égal à dix salariés ;

– le chiffre d’affaires du dernier exercice clos est inférieur à 1 million d’euros ou, pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 est inférieur à 83 333 euros, montant correspondant à un douzième d’un million d’euros ;

– le bénéfice imposable du dernier exercice clos, majoré le cas échéant des sommes versées au dirigeant, est inférieur à 60 000 euros – ou, pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le bénéfice imposable à la date du 29 février, sur leur durée d’exploitation et ramené à douze mois est inférieur à 60 000 euros.

● Le décret prévoyait l’exclusion du bénéfice du fonds de plusieurs catégories d’entreprises :

– les entreprises ayant débuté leur activité à compter du 1er février 2020 ;

– les entreprises en situation de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;

– les entreprises contrôlées par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;

– les personnes physiques titulaires au 1er mars 2020 d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse ou qui ont bénéficié au cours de la période comprise entre le 1er et le 31 mars 2020 d’indemnités journalières de sécurité sociale supérieures à 800 euros, ainsi que les personnes morales qui ont un dirigeant majoritaire dans une de ces situations ;

– les entreprises en difficulté au sens du droit de l’Union européenne ([49]) à la date du 31 décembre 2019, notamment les entreprises qui étaient en procédure collective dinsolvabilité ou qui remplissaient les conditions pour être en procédure collective à cette date ou dont les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social.

b.   Le montant des aides versées

● Le fonds verse des aides se décomposant en deux volets :

– un premier volet correspondant à une aide pour les entreprises subissant une baisse importante de leur chiffre d’affaires ;

– un second volet correspondant à une aide complémentaire forfaitaire, dont l’instruction des demandes est confiée aux régions.

● Pour les versements effectués au titre du mois de mars, étaient éligibles au premier volet du dispositif :

– d’une part, les entreprises qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars et le 31 mars 2020 ;

– d’autre part, les entreprises dont le chiffre d’affaires a subi une baisse importante au mois de mars 2020. Il s’agit des entreprises qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % entre le 1er mars et le 31 mars 2020 par rapport à la même période de l’année précédente. Pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, le chiffre d’affaires de référence est le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020.

L’aide versée s’est élevée à 1 500 euros pour les entreprises qui ont subi une baisse de chiffre d’affaires supérieure ou égale à 1 500 euros. Pour les entreprises dont la baisse du chiffre d’affaires a été inférieure à 1 500 euros, le montant de l’aide est égal à leur perte de chiffre d’affaires.

● Les entreprises pouvaient bénéficier d’une aide forfaitaire de 2 000 euros en complément de la première aide dès lors qu’elles satisfaisaient aux conditions suivantes :

– elles ont bénéficié de l’aide du premier volet du dispositif ;

– elles emploient au moins un salarié en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée ;

– elles sont dans l’impossibilité de régler leurs dettes exigibles dans les trente jours ;

– leur demande d’un prêt de trésorerie d’un montant « raisonnable » faite à compter du 1er mars 2020 auprès de leur banque a été refusée ou est restée sans réponse dans un délai de dix jours.

2.   Le renforcement du fonds pour les aides versées au titre des mois d’avril et de mai

● Par un décret du 16 avril 2020 ([50]), le Gouvernement a :

– prolongé le dispositif pour les pertes subies par les entreprises au mois d’avril ;

– ouvert le dispositif aux entreprises en difficulté à l’exception de celles se trouvant en liquidation judiciaire au 1er mars 2020 ;

– assoupli le critère de chiffre d’affaires en permettant que soit pris en compte le chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019 pour le critère de baisse du chiffre d’affaires de 50 % en avril 2020 ;

– doublé le seuil de 60 000 euros du résultat imposable pour les entreprises en nom propre si le conjoint du chef d’entreprise exerce sous statut de conjoint collaborateur ;

– augmenté le montant de l’aide perçue au titre du second volet en la modulant en fonction du chiffre d’affaires et en prévoyant qu’elle puisse atteindre 5 000 euros.

● Après l’adoption de la LFR 2 et conformément à des engagements du Gouvernement pris devant la représentation nationale, le fonds de solidarité a été de nouveau renforcé à compter des pertes enregistrées au titre du mois d’avril et certains de ses critères d’éligibilité ont été assouplis par un décret du 12 mai 2020 ([51]).

Ainsi, pour les versements du fonds à compter des pertes d’avril, le Gouvernement a, par voie réglementaire :

– étendu le bénéfice du fonds aux entreprises créées en février 2020 ;

– étendu le bénéfice du fonds aux entreprises dont le dirigeant a perçu moins de 1 500 euros de pension de retraite ou d’indemnités journalières durant le mois considéré ;

– ouvert le bénéfice du second volet du fonds aux entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public qui n’ont pas de salarié et ont un chiffre d’affaires annuel supérieur à 8 000 euros.

C.   LA NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR UN FINANCEMENT COMPLÉMENTAIRE DU FONDS POUR SA PROLONGATION SECTORIELLE AU-DELÀ DU MOIS DE MAI

● À la date du 16 juin 2020, le fonds de solidarité avait versé 3,5 millions daides pour un montant total de 4,65 milliards deuros. Les secteurs qui ont le plus bénéficié de ces aides sont les suivants :

– le commerce, pour 762 millions d’euros (16 % des aides versées) ;

– l’hébergement et restauration, pour 579 millions d’euros (12 %) ;

– la construction, pour 548 millions d’euros (12 %) ;

– les activités spécialisées scientifiques et techniques, pour 444 millions d’euros (10 %) ;

– la santé humaine et l’action sociale, pour 408 millions d’euros (10 %) ([52]).

Le montant total des crédits ouverts sur le programme budgétaire « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » s’élève à 6,94 milliards deuros ([53]). Aux crédits ouverts en LFR 1 et en LFR 2 (6,25 milliards d’euros), se sont en effet ajoutées des contributions volontaires par la voie de fonds de concours (694 millions d’euros).

Les régions ont ainsi pris un engagement de contribuer au fonds à hauteur de 500 millions d’euros. À la date du 16 juin 2020, selon les éléments transmis au rapporteur général, le montant de leur contribution était de l’ordre de 400 millions d’euros.

De même, la Fédération française de lassurance (FFA) a annoncé que ses membres s’engageaient à contribuer à hauteur de 400 millions deuros au fonds ([54]). Un premier versement de 200 millions d’euros a été enregistré. Selon la FFA, la seconde tranche de la contribution des assureurs est en cours de levée par le réseau. Enfin, des entreprises privées d’autres secteurs ont également annoncé souhaiter contribuer au fonds de solidarité ([55]).

Ouvertures de crédits sur le programme « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » à la date du 16 JUIN 2020

Nature des ouvertures

Fondement juridique

Montant
(en millions deuros)

Dotation initiale

LFR 2020-1

750,0

Fonds de concours

Arrêté du 9 avril 2020

103,1

Fonds de concours

Arrêté du 15 avril 2020

85,0

Dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI)

Décret n° 2020-443 du 17 avril 2020

100,0

Virement (12 LOLF) depuis le
P156 "Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local"

Décret n° 2020-444 du 17 avril 2020

15,0

Abondement LFR 2

LFR 2020-2

5 500,0

Fonds de concours

Arrêté du 20 avril 2020

20,0

Fonds de concours

Arrêté du 27 avril 2020

200,4

Fonds de concours

Arrêté du 5 mai 2020

120,7

Fonds de concours

Arrêté du 12 mai 2020

21,4

Fonds de concours

Arrêté du 19 mai 2020

7,1

Fonds de concours

Arrêté du 27 mai 2020

20,6

Fonds de concours

Arrêté du 3 juin 2020

1,0

Sous-total (1)

6 944,3

Source : Chorus, lois de finances rectificatives et site legifrance.fr

Le montant des crédits disponibles au 16 juin, correspondant à la différence entre le montant total des crédits ouverts et le montant des crédits consommés, s’est établi à 2,29 milliards deuros.

● Conformément à ses engagements et en cohérence avec les plans sectoriels qu’il a présentés, le Gouvernement a prolongé le fonds de solidarité pour certaines entreprises et a modifié ses caractéristiques. Ainsi, un décret du 20 juin 2020 ([56]) a ouvert le dispositif au titre des pertes du mois de mai 2020 aux entreprises de plus de vingt salariés ayant enregistré un chiffre daffaires inférieur à 2 millions deuros dès lors qu’elles appartiennent aux secteurs particulièrement touchés par la crise – hôtels, cafés, restaurants, tourisme, évènementiel, sport, culture.

Il a également ouvert le fonds au titre des pertes du mois de mai aux entreprises remplissant les mêmes conditions de seuil que les précédentes, appartenant à des secteurs dépendant des secteurs mentionnés ci–dessus ([57]) et qui ont subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 80 % entre le 15 mars 2020 et le 15 mai 2020.

Pour les entreprises ayant au moins un salarié appartenant à ces secteurs, le plafond de l’aide accordée au titre du second volet du fonds est porté à 10 000 euros et la condition de refus de prêt est supprimée.

Les entreprises créées entre le 1er et le 10 mars 2020 sont rendues éligibles au fonds au titre des pertes du mois de mai 2020 et les conditions de cumul de l’aide avec des indemnités journalières et des pensions de retraite sont assouplies.

Le décret fixe au 31 juillet 2020 le délai de dépôt des demandes au titre du premier volet et au 15 août 2020 celui des demandes au titre du second volet.

Pour les artistes auteurs dont l’activité n’est pas domiciliée dans leur local d’habitation, les conditions d’emploi d’un salarié et de refus de prêt pour accéder au second volet du fonds sont supprimées.

Enfin, le décret offre la possibilité aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de financer une aide complémentaire destinée aux entreprises bénéficiaires du second volet situées sur leur territoire. Les modalités de ce financement sont définies par des conventions conclues entre le préfet et l’exécutif de la collectivité ou de l’EPCI en question.

En outre, le Gouvernement a annoncé que le fonds serait ouvert pour les entreprises des secteurs particulièrement touchés jusquà la fin de lannée 2020.

Pour les autres entreprises, le bénéfice du fonds sarrête au 31 mai 2020.

Pour permettre cette prolongation, le Gouvernement propose donc d’ouvrir 1,2 milliard d’euros supplémentaires sur le programme, portant à 7,95 milliards deuros la contribution des finances publiques au fonds.

III.   LES MESURES DE SOUTIEN À LA TRÉSORERIE DES ENTREPRISES

Pour soutenir au maximum les entreprises dans le contexte de crise actuelle, et parallèlement aux autres dispositifs prévus tels que le renforcement de l’activité partielle, les aides du fonds de solidarité ou encore les prêts garantis par l’État, le Gouvernement a mis en place différentes mesures de trésorerie, consistant essentiellement en :

– des reports de charges fiscales et sociales ;

– des remboursements accélérés de certaines créances fiscales ;

– des reports de certaines charges liées à l’activité de l’entreprise, telles que les factures et les loyers professionnels ;

Il est renvoyé au rapport du Rapporteur général sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 pour tout complément sur les thèmes faisant l’objet des présents développements ([58]).

Par ailleurs, il a semblé utile dans le cadre de la présente fiche d’étudier plus en détail les mesures prévues par les entreprises d’assurance dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

A.   LES REPORTS SANS PÉNALITÉ DÉCHÉANCES FISCALES ET SOCIALES

Dès le mois de mars 2020, le Gouvernement a offert la possibilité aux entreprises le jugeant utile de reporter certaines échéances relatives aux charges fiscales et sociales.

1.   Les reports de charges fiscales

● S’agissant des charges fiscales, le report concerne les impôts directs, et plus précisément :

– l’impôt sur les sociétés, au titre duquel sont prévus :

● le report jusqu’au 15 juin 2020 de l’acompte dû au plus tard au 15 mars 2020 ;

● le report jusqu’au 30 juin 2020 de la déclaration de résultat et du solde des exercices clos entre le 31 décembre 2019 et le 29 février 2020 ;

● le report jusqu’au 31 juillet 2020 de la déclaration de résultat et du solde des exercices clos au 31 mars 2020 ;

– la taxe sur les salaires, dont les versements dus en mars, avril et mai font chacun l’objet d’un report de trois mois ;

– la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), pour laquelle sont prévus :

● le report jusqu’au 30 juin 2020 de la déclaration de valeur ajoutée et des effectifs prévue en principe début mai ;

● le report au 30 juin 2020 du paiement du solde de CVAE en principe dû début mai, s’agissant des entreprises débitrices – pour les entreprises créancières, la régularisation intervient aux dates normalement prévues ;

– la cotisation foncière des entreprises (CFE) ([59]), au titre de laquelle sont prévus :

● le report au 15 décembre 2020 de l’acompte dû le 15 juin 2020 pour les entreprises des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme et de l’événementiel ;

● la suspension des versements mensuels – pour les entreprises mensualisées – aboutissant à reporter entièrement les sommes dues lors du solde, le 15 décembre 2020.

● En outre, des assouplissements supplémentaires ont été prévus en matière dIS ([60]) s’agissant des acomptes dus à compter de juin 2020 – c’est-à-dire, pour une entreprise dont l’exercice coïncide avec l’année civile, les deuxième à quatrième acomptes dus au plus tard les 15 juin, 15 septembre et 15 décembre 2020.

Chacun de ces trois acomptes peut être modulé en retenant une marge d’erreur, de la façon suivante :

– s’agissant du deuxième acompte, la somme de ce dernier et du premier acompte doit correspondre à au moins la moitié de l’IS prévisionnel dû au titre de l’exercice en cours, avec une marge d’erreur de 30 % ;

– s’agissant du troisième acompte, la somme de ce dernier et des deux précédents doit correspondre à au moins 75 % de l’impôt prévisionnel dû, avec une marge d’erreur de 20 % :

– enfin, s’agissant du dernier acompte, la somme des quatre acomptes doit correspondre au moins à l’IS prévisionnel dû, avec une marge d’erreur de 10 %.

Par ailleurs, toujours en matière d’IS, les entreprises ayant reporté leur acompte de mars 2020 – alors dû en juin – voient leur acompte de juin suspendu, afin d’éviter une double charge ce mois-ci – cet acompte suspendu sera alors dû en septembre, les facultés de modulations précédemment décrites étant applicables.

● Pour les grandes entreprises ([61]), ces assouplissements sont subordonnés au respect de leur engagement de responsabilité s’agissant du versement de dividendes et du rachat d’actions.

Les allégements fiscaux prévus par le droit commun

Au-delà des reports d’impôts directs, il est rappelé que le droit commun permet déjà aux entreprises qui en éprouvent le besoin de bénéficier de certaines facilités de paiement, voire d’allégements.

D’une part, les acomptes de certains impôts calculés à partir des résultats de l’exercice précédent peuvent être modulés pour tenir compte de l’activité de l’exercice en cours. Tel est le cas, à titre d’exemple, de l’IS ou des acomptes d’impôt sur le revenu dans le cadre du prélèvement à la source.

D’autre part, les entreprises faisant face à des difficultés de paiement de leurs charges fiscales et sociales peuvent obtenir des facilités et délais de paiement ;

Enfin, et en application de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales, les entreprises qui se trouvent dans l’impossibilité de payer les impôts directs dus en raison de leur situation de gêne ou d’indigence peuvent obtenir des remises totales ou partielles des montants dus.

2.   Les reports de charges sociales

Les cotisations dont le versement incombe à lemployeur peuvent faire lobjet dun report de trois mois, là aussi sans que cela nentraîne de pénalité. Sont concernées aussi bien les cotisations patronales que les cotisations salariales, prélevées par l’employeur sur le salaire brut des salariés et versés ensuite aux organismes de recouvrement.

● Pour mémoire, les cotisations sociales patronales sont versées au cours du mois suivant la période d’emploi rémunérée au titre de laquelle elles sont dues :

– au plus tard le 5 du mois pour les entreprises d’au moins 50 salariés dont la paye est versée au cours du même mois que la période d’emploi ;

– au plus tard le 15 du mois pour les entreprises de moins de 50 salariés et les entreprises d’au moins 50 salariés en décalage de paye.

Par ailleurs, les cotisations dues par les travailleurs indépendants sont versées le 5 ou le 20 de chaque mois en cas de paiement mensuel ou, en cas d’option pour le paiement trimestriel, les 5 février, 5 mai, 5 août et 5 novembre.

● Les premières échéances éligibles aux reports étaient celles dues entre le 15 mars et le 5 avril 2020. Le dispositif de report a fait l’objet d’une première prolongation pour les échéances restantes davril ([62]), puis d’une nouvelle prolongation pour les échéances du mois de mai 2020 ([63]). Les reports étaient de droit – sous réserve, pour les grandes entreprises, de respecter leurs engagements précédemment mentionnés.

Le dispositif a été prolongé à nouveau pour le mois de juin, les reports des échéances dues les 5 et 15 juin 2020 devant désormais faire l’objet d’une demande de la part des entreprises souhaitant en bénéficier – une acceptation tacite étant prévue en l’absence de réponse dans les deux jours qui suivent la demande. Le report demeure automatique pour les échéances dues en juin par les indépendants mensualisés ([64]).

● Enfin, il est rappelé à toutes fins utiles que les indemnités versées aux salariés placés en activité partielle sont exonérées de cotisations sociales et de taxe sur les salaires en application de l’article L. 5428-1 du code du travail.

Les exonérations, réductions et aménagements
en matière de cotisations sociales prévues à l’article 18 du présent projet de loi

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit, à son article 18, différents mécanismes de soutien en matière de cotisations sociales à travers :

– des exonérations de cotisations sociales pour quatre mois au bénéfice des entreprises de moins de 250 salariés des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel, ainsi que de celles relevant de secteurs dont l’activité est étroitement liée à ces derniers et qui ont subi une importante baisse de leur chiffre d’affaires ;

– des exonérations de cotisations sociales pour trois mois au bénéfice des entreprises de moins de 10 salariés ayant fait l’objet d’une fermeture administrative ;

– un crédit de cotisations sociales au bénéfice des entreprises éligibles aux exonérations précédemment mentionnées et égal à 20 % des salaires versés au titre des périodes couvertes par ces exonérations ;

– des réductions forfaitaires de cotisations sociales dues par les indépendants, les exploitants agricoles et les artistes auteurs ;

– des remises partielles de cotisations sociales pour les entreprises de moins de 50 salariés ayant subi une baisse de chiffre d’affaires d’au moins 50 % ;

– pour l’ensemble des entreprises et indépendants, des plans d’apurement permettant d’étaler sur une période pouvant aller jusqu’à 36 mois le paiement des cotisations sociales demeurant dues au 30 juin 2020.

Il est renvoyé au commentaire de cet article 18 pour tout complément.

3.   Des reports de charges de l’ordre de 30 milliards d’euros

Les entreprises se sont largement approprié les mécanismes de reports prévus par le Gouvernement, ainsi qu’en attestent les montants correspondant. Cela traduit l’utilité de ces mesures et leur importance pour soutenir les entreprises face à la crise et à ses conséquences.

● Au 4 juin 2020, près de 70 000 reports déchéances fiscales ont été réalisés, représentant un montant de près de 2,5 milliards deuros. Environ 40 % des montants reportés concernent les secteurs du commerce et de l’industrie manufacturière ([65]).

● S’agissant des charges sociales, le montant total des cotisations et contributions ayant fait lobjet dun report s’élève, au 12 juin 2020, à près de 25,5 milliards deuros ([66]).

● En tout, les reports de charges fiscales et sociales ont ainsi porté, à l’aune des données disponibles à la mi-juin 2020, sur 28 milliards deuros, allégeant dautant la trésorerie des entreprises.

B.   LES REMBOURSEMENTS ACCÉLÉRÉS DE CERTAINES CRÉANCES FISCALES

Parallèlement aux mécanismes de reports de charges fiscales et sociales, le Gouvernement a prévu d’accélérer le remboursement aux entreprises de certaines de leurs créances fiscales.

Cette mesure, qui s’ajoute aux autres dispositifs mis en œuvre, participe à l’allégement global de la trésorerie des entreprises en leur permettant de disposer plus rapidement de sommes auxquelles elles ont droit. Le gain de trésorerie global induit par ce dispositif est estimé à 23 milliards deuros d’après les données figurant dans le programme de stabilité pour 2020 ([67]).

Concrètement, sont concernés par ces remboursements accélérés :

– tous les crédits dimpôts restituables en 2020, incluant notamment le crédit d’impôt recherche (CIR), le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ou encore les crédits d’impôts propres à un secteur, tels que ceux concernant certaines activités culturelles (cinéma, musique, spectacles vivants, jeux vidéo, etc.) ;

– les excédents dIS, lorsque les acomptes versés se révèlent supérieurs au montant d’IS effectivement dû ;

– les crédits de TVA, lorsque la TVA déductibles au titre des achats de l’entreprise excède la TVA collectée au titre des ventes.

C.   LES REPORTS DE PAIEMENT DES FACTURES ET LOYERS AFFÉRENTS AUX LOCAUX PROFESSIONNELS

● En complément de la batterie de mesures précédemment présentées, et en vertu du principe « zéro recette, zéro charge » et en application de l’ordonnance du 25 mars 2020 précisée par le décret du 31 mars 2020 ([68]), les indépendants et les très petites entreprises (TPE) éligibles au fonds de solidarité peuvent bénéficier du report de leurs factures deau, délectricité et de gaz ainsi que de leurs loyers afférents à leurs locaux professionnels.

Ces dispositions empêchent les fournisseurs d’eau, de gaz et d’électricité d’interrompre ou réduire leur fourniture pour défaut de paiement.

Elles permettent également de reporter les échéances dues entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire – fixée au 10 juillet 2020. Le paiement de ces échéances est réparti sur celles postérieures au dernier jour du mois suivant la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, pour une durée minimale de six mois.

Par ailleurs, les pénalités, intérêts de retard, dommages et intérêts, astreintes et clauses résolutoires, pénales ou de déchéance sont exclus en cas de défaut de paiement des loyers dont l’échéance intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

● Toujours en matière de loyers, le Gouvernement a obtenu des principales fédérations de bailleurs, de la Fédération française de l’assurance (FFA) et de la Caisse des dépôts et consignations l’annulation de trois mois de loyers pour les TPE et indépendants contraints de cesser leurs activités en raison des mesures de fermeture administrative ([69]).

Le dispositif fiscal d’incitation aux abandons de créances locatives
prévu par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020

L’article 3 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 (1) a prévu, pour renforcer le soutien aux entreprises locataires à travers une incitation de leurs bailleurs, une modification temporaire des règles encadrant les abandons de créances.

En principe, les abandons de créances, c’est-à-dire la renonciation d’un créancier à exercer les droits que lui confère la créance qu’il détient à l’égard d’un débiteur, ne sont admis en déduction du résultat du créancier que s’ils sont consentis dans l’intérêt de son exploitation. Dans une telle hypothèse, le montant abandonné est déduit du résultat imposable de l’entreprise créancière, tandis qu’il constitue pour le débiteur un produit inclus dans le résultat de l’exercice durant lequel la dette est éteinte.

Par ailleurs, les entreprises débitrices auxquelles sont consentis des abandons de créances bénéficient de modalités particulières en matière de report en avant de déficit.

Les modalités prévues par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 prévoient que tout abandon de créances locatives afférentes à des immeubles donnés en location à une entreprise sans lien de dépendance avec le créancier, est déductible du résultat de ce dernier, dès lors que l’abandon est consenti entre le 15 avril et le 31 décembre 2020.

Ces modalités prévoient également la prise en compte de ces abandons de créances locatives pour la détermination du déficit reportable en avant selon les modalités prévues à l’article 209 du CGI.

(1) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

● Il est enfin rappelé que les échéances de remboursement des crédits bancaires contractés par les entreprises peuvent faire l’objet d’un report de six mois, sans pénalité. Cette souplesse résulte d’un engagement du secteur bancaire français sous l’égide de la Fédération bancaire française (FBF) ([70]).

D.   LES MESURES DE SOUTIEN PRISES PAR LE SECTEUR DES ASSURANCES

L’implication du secteur des assurances dans la crise actuelle a suscité des débats nourris – et parfaitement légitimes – s’agissant du soutien apporté aux entreprises.

1.   L’engagement des assurances à hauteur de 3,8 milliards d’euros

Après de (trop) timides débuts, et une pression utile de la part du Gouvernement et de parlementaires de tout bord, le secteur des assurances a substantiellement accru les mesures prises pour aider les entreprises et plus généralement lensemble des assurés, aboutissant à un effort sélevant pour lheure à 3,8 milliards deuros  contre 3,2 milliards deuros initialement annoncés – dans le contexte de la crise liée au Covid-19.

a.   Les mesures de solidarité extracontractuelles prévues par les assurances

D’après les données à la disposition du Rapporteur général, au 9 juin 2020, le secteur assurantiel a fourni de manière extracontractuelle un effort de solidarité à hauteur de 2,3 milliards deuros – soit près d’un demi-milliard d’euros de plus que les engagements initiaux pris auprès du Gouvernement, fixés à 1,75 milliard d’euros – ayant bénéficié à plus d’un million d’entreprises et à 640 000 particuliers.

Ces engagements solidaires incluent :

– un abondement du fonds de solidarité à hauteur de 400 millions deuros, une première tranche de 200 millions d’euros ayant déjà été versée et la seconde étant en cours de levée au 9 juin 2020 ;

– des mesures collectives à hauteur de 230 millions deuros, comprenant notamment :

● le maintien de la garantie des contrats souscrits par les TPE ayant été administrativement fermées, y compris en cas de défaut de paiement des primes ;

● la suppression de trois mois de loyers pour les TPE en difficulté ;

● des extensions d’assurances, sans surprimes, notamment pour les personnes mobilisées par la pandémie (essentiellement du personnel médical), pour les chantiers arrêtés en raison de la crise, pour le matériel informatique des personnes en télétravail ;

– des mesures individuelles prises en faveur des assurés, pour un total de près de 1,7 milliard deuros, incluant notamment :

● le versement aux entreprises d’aides financières extracontractuelles destinées à compenser l’exclusion de la pandémie dans la garantie souscrite au titre des pertes d’exploitation ;

● des réductions de primes, des remboursements de primes déjà acquittées ou encore, pour les personnes en recherche d’emploi, des remises de cotisations ;

● le maintien de garanties sur les contrats santé et prévoyance pendant la mise en activité partielle et la prise en charge d’indemnités journalières au titre d’arrêts de travail pour garde d’enfant ;

● des dons pour soutenir la recherche et pour aider des associations ou encore des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD).

b.   Les investissements prévus par les entreprises d’assurance

En plus de ces mesures extracontractuelles, les assurances se sont engagées à investir dans la relance de léconomie, à hauteur de 1,5 milliard deuros, dont 600 millions d’euros dédiés au secteur de la santé et 150 millions d’euros pour celui du tourisme.

Ces investissements reposent sur trois volets :

– 300 millions d’euros dédiés aux fonds « NOV » pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ;

– 600 millions d’euros dédiés à de nouveaux fonds, en priorité pour les PME et les ETI ;

– 600 millions d’euros destinés à trois fonds investissant dans le secteur de la santé, notamment en matière de recherche, d’infrastructures et de logistique de santé.

c.   Les travaux sur un nouveau dispositif de couverture assurantielle

Parallèlement à ces mesures financières, les entreprises d’assurance participent aux travaux lancés par le Gouvernement sur le développement dune couverture assurantielle des événements exceptionnels, parmi lesquels les pandémies du type de celle qui frappe actuellement la planète ([71]).

Ces travaux se réalisent dans le cadre d’un groupe de travail associant la direction générale du Trésor, des organisations représentant les entreprises, des acteurs du secteur assurantiel (dont la FFA et la Caisse centrale de réassurance – CCR) ainsi que quatre parlementaires, deux députés et deux sénateurs.

Le 12 juin, la FFA a présenté la contribution des assurances sous la forme du dispositif « CATEX », pour « catastrophes exceptionnelles », régime inspiré de celui existant en matière de catastrophes naturelles. La FFA indique que les entreprises d’assurance et de réassurance privées sont prêtes à engager dans le cadre de ce dispositif 2 milliards d’euros de capacité annuelle d’indemnisation, montant au-delà duquel interviendrait la CCR ([72]).

2.   Des engagements ambitieux que le Parlement doit suivre avec attention

L’ensemble des engagements pris par le secteur de l’assurance, qu’il s’agisse de mesures financières ou de la préparation d’un nouveau régime assurantiel ambitieux, sont opportuns et bienvenus et témoignent des efforts consentis par le secteur assurantiel. Ils sont préférables, aux yeux du Rapporteur général et tant qu’ils se révèlent effectifs et adéquats, à des mesures plus coercitives tels que des hausses de fiscalité – dont le produit ne serait au demeurant pas nécessairement affecté au soutien des entreprises touchées par la crise.

Ces engagements ne doivent cependant pas conduire à donner un blanc-seing, mais faire l’objet d’un suivi permanent, en particulier de la part du Parlement, afin que ce dernier puisse vérifier que les mesures prises par les entreprises d’assurance sont à la hauteur des enjeux et, le cas échéant, identifier les lacunes et les marges de manœuvre.

Tel était la philosophie ayant conduit l’Assemblée nationale, notamment à l’initiative du Rapporteur général, à consacrer dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 différents outils de suivi et de veille, dont celui prévu à l’article 25 de cette loi prévoyant la remise d’un rapport sur les engagements pris par les assurances et l’évolution de la sinistralité.

L’impact de la crise sur le secteur assurantiel :
des pertes estimées à plusieurs milliards d’euros en France

Les effets sur le secteur assurantiel de la crise actuelle, en particulier les mesures sanitaires prises telles que le confinement, ont nourri de vifs et importants débats, et parfois des spéculations. Certains ont mis en avant une probable baisse de la sinistralité, notamment en raison de la réduction significative du trafic routier et donc des accidents et dommages automobiles, d’autres ont appelé à plus de prudence, craignant une possible hausse de la sinistralité globale.

Dès le début du mois d’avril 2020, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a invité les assureurs à une gestion prudente de leurs fonds propres pour pouvoir faire face aux conséquences de la crise tant s’agissant des marchés financiers que des exigences d’indemnisation – l’ACPR anticipant dans certains secteurs « une forte dérive prévisible de la sinistralité » (1).

Le 14 mai suivant, le marché de l’assurance britannique Lloyd’s of London a estimé les pertes que le secteur assurantiel devrait subir en 2020 en raison de la pandémie à 203 milliards de dollars américains, soit 188 milliards d’euros (2) dont :

– 107 milliards de dollars (99 milliards d’euros) au titre des indemnisations (résultant notamment d’annulations d’événements ou encore de remboursements de déplacements et voyages) ;

– 96 milliards de dollars (89 milliards d’euros) au titre de moins-values sur les portefeuilles d’investissement, compte tenu de l’impact de la crise sur les marchés financiers mondiaux.

La FFA estime que l’impact de la crise pourrait, s’agissant de la France, être négatif à hauteur de 9 à 10 milliards d’euros (3).

Ces chiffres globaux peuvent être rapprochés de ceux communiqués le 3 juin 2020 par l’assureur français Axa, qui a indiqué que la pandémie de Covid‑19 aurait en 2020 pour l’entreprise un impact négatif de 1,2 milliard d’euros au titre de l’assurance dommage, principalement au titre des lignes d’assurance pour perte d’exploitation et pour annulation d’événements (4).

(1) ACPR, Communiqué de presse, 3 avril 2020.

(2) LArgus de lassurance, Coronavirus : une facture de 203 Md$ pour les assureurs en 2020, 15 mai 2020.

(3) LArgus de lassurance, Covid-19 : « Limpact de la crise pourrait sélever à 9 Md€ », selon la présidente de lassurance, interview de Mme Florence Lustman, présidente de la FFA, 10 juin 2020.

(4) Axa, Décision du Conseil dAdministration relative au versement du dividende pour lexercice 2019, communiqué de presse, 3 juin 2020.

 

 

 

 

 


  1  

FICHE  4 :
LES GARANTIES PUBLIQUES DE LÉTAT EN RÉPONSE À LA CRISE ÉCONOMIQUE

Dès le début de la crise sanitaire, l’urgence économique a consisté à éviter que des entreprises rentables, pérennes, créatrices d’emploi, ne soient détruites par l’ampleur du choc économique à absorber.

La crise économique actuelle se caractérise, du fait de la mise à l’arrêt forcée d’une économie par ailleurs fonctionnelle et d’un redémarrage progressif, par une crise de trésorerie pour les entreprises. C’est pourquoi l’État a mis en œuvre le prêt garanti par lÉtat (PGE), pour un volume maximal de garanties inédit : 300 milliards deuros.

La crise a également tendu les relations commerciales et financières des entreprises, sur le territoire domestique comme à l’export, car le risque de défaillance des entreprises augmente drastiquement. Le marché de l’assurance-crédit, qui permet de sécuriser les entreprises contre les risques d’impayés ou de défaut de leurs clients, se rétracte : l’État apporte sa garantie, à hauteur de 15 milliards deuros, à la réassurance publique des opérations des assureurs-crédit.

L’appui de l’État en garanties permet en outre de sécuriser les emprunts de personnes publiques rendus nécessaires par la lutte contre la crise.

L’Unédic disposait antérieurement à la crise de la garantie de l’État pour 2020, à hauteur de 2 milliards d’euros, pour permettre son refinancement. Devant l’ampleur de ses nouveaux engagements financiers au titre notamment du régime d’activité partielle, l’État a accordé une garantie supplémentaire de 8 milliards deuros à lUnédic.

L’État soutient également les collectivités ultramarines contre la crise : l’Agence française de développement bénéficie de la garantie publique pour deux prêts de 240 millions deuros chacun au bénéfice de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le présent PLFR prévoit de nouvelles garanties publiques au titre des contributions de la France à l’action internationale et communautaire contre la crise. L’État octroie sa garantie :

– jusquà 4,4 milliards deuros pour linstrument SURE, qui fournit des prêts aux États-membres de l’Union européenne pour financer leurs dépenses d’activité partielle.

– jusquà 4,7 milliards deuros pour le fonds paneuropéen de garantie de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui soutiendra les entreprises européennes ;

– à hauteur de 2,5 milliards pour la Banque de France, qui double son volume de prêts au FMI au titre de son action contre la pauvreté et pour la croissance.

Au final, au titre des textes financiers adoptés et en discussion depuis le début de la crise sanitaire, l’engagement de l’État au titre des garanties qu’il accorde pour lutter contre la crise s’élèverait à 332,1 milliards deuros.

Garanties de l’État autorisées du fait de la crise du Covid‑19

(en milliards d’euros)

 

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Total

Prêts bancaires aux entreprises (PGE)

300

300

Emprunts de lUnédic

8

8

Réassurance des opérations dassurance-crédit export (CAP/CAP + Francexport)

2

3

5

Réassurance des opérations dassurance-crédit domestiques (CAP/CAP + France)

10

8

8

Réassurance de portefeuille (CAP Relais)

2

2

Instrument SURE (Commission européenne)

4,4

4,4

Fonds paneuropéen de garantie (Banque européenne dinvestissement)

4,7

4,7

Emprunts du FMI (Banque de France)

2,5

2,5

Emprunts des régions ultramarines

0,24

0,24

0,48

Total général

335,08

Source : commission des finances

I.   LE PGE : UNE GARANTIE MASSIVE DE 300 MILLIARDS DEUROS

Le fondement juridique de la garantie des prêts par l’État est l’article 6 de la loi  2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR 1). Les paramètres de cet article ont été modifiés, à la marge, par larticle 16 de la loi  2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR 2).

Le mécanisme de la garantie permet à l’État de prendre à sa charge une partie du risque pris par l’établissement de crédit qui prête à une entreprise, entre 70 et 90 % de lencours du prêt. Si l’État est la personne morale qui octroie la garantie, Bpifrance Financement SA, filiale de Bpifrance, est l’organisme désigné pour assurer le suivi opérationnel de ce mécanisme de garantie.

Enfin, les établissements prêteurs ont un rôle central dans la distribution des prêts garantis par l’État (PGE). Les banques conservent leur liberté de décision : ce sont elles qui, in fine, acceptent ou refusent les demandes de prêt des entreprises. Depuis l’entrée en vigueur de la LFR 2, tout refus de consentement d’un prêt éligible à la garantie, de moins de 50 000 euros, doit être notifié par écrit à l’entreprise à l’origine de la demande de prêt.

A.   L’ÉLIGIBILITÉ À LA GARANTIE

a.   Champ des entreprises éligibles

Toutes les entreprises, dès lors qu’elles sont immatriculées en France, peuvent bénéficier de la garantie de l’État pour les prêts qui y sont éligibles, à l’exception des établissements de crédit, des sociétés de financement (qui commercialisent le PGE), de certaines sociétés civiles immobilières ([73]) et des entreprises faisant l’objet de procédures collectives à la date du 31 décembre 2019 ([74]) .

Parmi les entreprises éligibles, le bénéfice de la garantie suit des modalités qui varient selon leur taille.

Les entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, moins de 5 000 salariés, ou ont un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros, bénéficient automatiquement de la garantie de lÉtat dès notification du prêt à Bpifrance Financement SA par l’établissement qui le leur consent, sous réserve que les conditions d’octroi de la garantie sont remplies – une vérification à la charge de l’établissement prêteur. Il n’y a donc pas de contrôle ex ante, par Bpifrance ou par l’État, de l’éligibilité effective du prêt à la garantie. Celle-ci n’est vérifiée qu’en cas de défaut du prêteur, entraînant l’appel de la garantie.

Les entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, au moins 5 000 salariés et qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros, obtiennent la garantie par arrêté du ministre de léconomie, au cas par cas.

b.   Cahier des charges

Le bénéfice de la garantie dépend d’une série de conditions, destinées à protéger les emprunteurs comme les prêteurs, à s’assurer du bon emploi des fonds publics et à éviter tout risque d’abus. Ces conditions sont fixées par un cahier des charges réglementaire.

Ce cahier des charges comprend trois conditions protectrices des intérêts de l’emprunteur :

(1) la garantie couvre des prêts bénéficiant d’un différé d’amortissement minimal de douze mois au moins (le capital n’est remboursé qu’à compter d’un an) ;

(2) une clause du prêt donne la faculté à l’emprunteur, à l’issue de la première année, de pouvoir l’amortir sur une période additionnelle de cinq ans ;

(3) les créances détenues par l’établissement prêteur sur l’entreprise ne doivent pas avoir diminué, au moment de l’octroi de la garantie, par rapport à leur niveau du 16 mars 2020, afin d’éviter tout comportement d’aubaine.

B.   LES CARACTÉRISTIQUES DE LA GARANTIE

Selon la Banque de France, l’encours total aux sociétés non financières atteignait en janvier 2020 le montant de 1 063 milliards d’euros, dont 240 milliards d’euros de prêts de trésorerie. La garantie de l’État de 300 milliards d’euros, créée par la LFR 1, est donc exceptionnelle dans son montant. Elle demeure classique dans ses modalités :

– elle est accordée pour les prêts contractés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020, inclus ;

– elle porte sur le principal du prêt (le capital à rembourser), sur les intérêts du prêt ainsi que sur les frais accessoires (par exemple occasionnés par un remboursement anticipé de l’emprunt) ;

– la garantie est rémunérée par l’emprunteur ([75]), elle ne peut porter sur l’intégralité du prêt et s’applique après un délai de carence qui court à compter de la conclusion du prêt ; cette prime de garantie est fixée selon un barème qui dépend de la taille de l’entreprise et de la maturité du prêt qu’elle couvre (entre 0,25 et 2 % par an – voir tableau ci-après).

Ces diverses conditions ont pour objet de protéger les intérêts financiers de l’État et du prêteur, ainsi que de rapprocher les caractéristiques de la garantie des bonnes pratiques de marché.

C.   LE PLAFOND DES PRÊTS GARANTIS

La somme des prêts garantis consentis à une même entreprise ne peut excéder un plafond réglementaire, qui varie selon les caractéristiques de l’entreprise.

Il est de 25 % du chiffre d’affaires 2019 s’il est connu, ou de la dernière année disponible dans le cas contraire, pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019.

Il est d’une fois la masse salariale française, estimée sur les deux premières années d’exercice, pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019 et qui ne disposent peut-être pas encore de suffisamment de chiffre d’affaires pour ne pas être lésées par l’application du premier plafond.

Enfin, parmi les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, les entreprises dites innovantes ([76]) peuvent bénéficier d’un autre plafond s’il leur est plus favorable : deux fois la masse salariale de l’année 2019 ou de la dernière année disponible.

Déclinaison des caractéristiques de la garantie selon la taille de l’entreprise

 

 

Quotité garantie

Plafond des PGE

Prime de garantie

(année 1)

Prime de garantie (années 2 à 6)

Entreprise créée à compter du 1er janvier 2019

de moins de 250 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires

90 %

Masse salariale France estimée sur les deux premières années d’activité

0,25 %

0,5 % (années 2 et 3)

1 % (années 4 à 6)

de moins de 5 000 salariés et moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

0,5 %

1 % (années 2 et 3)

2 % (années 4 à 6)

 

de plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

80 %

de plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires

70 %

Entreprise créée avant le 1er janvier 2019*

de moins de 250 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires

90 %

25 % du chiffre d’affaires 2019

0,25 %

0,5 % (années 2 et 3)

1 % (années 4 à 6)

de moins de 5 000 salariés et moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

0,5 %

1 % (années 2 et 3)

2 % (années 4 à 6)

 

 

 

de plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires

80 %

de plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires

70 %

* Les entreprises innovantes peuvent bénéficier d’un plafond alternatif de PGE s’il leur est favorable : deux fois la masse salariale France 2019 constatée ou, le cas échéant, deux fois la masse salariale France de la dernière année disponible.

Source : commission des finances.

D.   L’ÉTAT DES LIEUX AU 11 JUIN 2020

Le comité de suivi chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19, mis en place par l’article 6 de la LFR 1, a communiqué à la commission des finances un état des lieux du recours au PGE par les entreprises.

Hors grandes entreprises, au 11 juin 2020, les montants de prêts validés étaient de 79,96 milliards d’euros, en faveur de 461 402 entreprises. Les montants préaccordés atteignaient 87,36 milliards d’euros en faveur de 507 189 entreprises. Le montant moyen par entreprise du PGE validé est de 173 300 euros.

Au 5 juin 2020, en outre, dix grandes entreprises ont bénéficié du dispositif grâce à un arrêté du ministre de l’économie, pour un montant total de 11,9 milliards d’euros.

Le niveau total de consommation des crédits disponibles est donc de l’ordre de 33,1 %.

II.   LA RÉASSURANCE PUBLIQUE DES RISQUES DASSURANCE-CRÉDIT

En période de crise, les assureurs-crédit privés éprouvent des difficultés à supporter l’augmentation rapide du risque de sinistralité de leurs entreprises assurées et réduisent, sinon annulent, les garanties qu’ils commercialisent.

Dans ce contexte, lÉtat a apporté sa garantie à deux organismes publics chargés d’effectuer des opérations de réassurance des risques d’assurance-crédit, d’abord individuels – auprès de chaque entreprise connaissant des difficultés d’assurance-crédit –, et désormais au niveau global des portefeuilles des assureurs-crédit, ce que prévoit l’article 15 du présent PLFR. La Caisse centrale de réassurance (CCR) intervient pour la réassurance des risques individuels domestiques et pour la réassurance de portefeuille, tandis que Bpifrance Assurance Export intervient pour la réassurance des risques individuels à l’export.

Bpifrance Assurance Export bénéficie de la garantie de l’État à hauteur de 5 milliards deuros dencours réassurés. Le dispositif garanti est CAP Francexport.

La CCR bénéficie de la garantie de l’État à hauteur de 10 milliards d’euros. L’article 15 du présent PLFR prévoit de segmenter cette garantie en 8 milliards deuros de risques individuels domestiques réassurés (CAP France) et 2 milliards deuros portant sur les encours de portefeuille des assureurs-crédit (CAP Relais).

Les dispositifs CAP France et Francexport se déclinent en deux volets :

– le CAP est une garantie complémentaire à la garantie commercialisée par l’assureur-crédit (utilisable en cas de réduction du volume de la garantie), allant jusqu’à 50 % du risque total ;

– le CAP+ est une garantie quasi-intégrale, qui se substitue à l’annulation ou au refus d’assurer de l’assureur-crédit, qui conserve toutefois une part de risque de 5 %.

A.   LASSURANCE-CRÉDIT EXPORT (CAP FRANCEXPORT)

a.   Fonctionnement

Les entreprises françaises qui exportent s’exposent à de nombreux risques commerciaux, contre lesquels elles s’assurent. L’assurance des crédits contractés pour exporter l’activité économique, aussi dénommée assurance-crédit export, permet de se prémunir contre l’interruption ou le non-paiement d’un contrat lié avec une entreprise étrangère, en raison de risques politiques ou commerciaux ([77]).

Les assureurs-crédit se protègent également du risque de défaut des prêts de leurs assurés, via des opérations de réassurance. CAP Francexport, géré par Bpifrance Assurance Export, est un dispositif public de réassurance des opérations d’assurance-crédit export ([78]), portant sur des crédits assurés de moins dun an. L’objet de cette activité de réassurance publique est de protéger les entreprises françaises exportatrices contre les éventuelles défaillances du marché de l’assurance-crédit, qui pourraient limiter leur développement international.

L’offre publique était limitée aux activités d’exportation dans certains pays dont la stabilité économique est dégradée – l’augmentation du risque de défaut de paiement des débiteurs situés dans ces pays est, en effet, susceptible de freiner l’offre privée de réassurance. L’article 5 de la LFR 1 a étendu la réassurance aux opérations d’exportation vers tous les pays étrangers. En outre, la garantie de l’État sur les encours réassurés a été portée de 1 milliard à 2 milliards d’euros. L’article 15 de la LFR 2 a porté cette garantie à 5 milliards deuros, face au constat de l’ampleur de la crise économique.

b.   Bilan au 5 juin 2020

Selon les données communiquées par le comité de suivi, les encours réassurés au 5 juin 2020 par Bpifrance Assurance Export représentent 43,1 millions d’euros. Cet encours était de 21 millions d’euros le 15 mai 2020, ce qui traduit une montée en charge progressive, et modeste, du dispositif.

MONTANT DES ENCOURS RELATIFS AUX DISPOSITIFS D’ASSURANCE-CRÉDIT FRANCEXPORT AU 5 JUIN 2020 PAR ASSUREUR CRÉDIT

(en millions d’euros)

 

CAP Export

CAP + Export

Euler Hermes

11,5

7,5

Atradius

2,8

0,4

Coface

6,1

4,7

AXA Assurcrédit

0,3

0,2

Groupama Assurance-crédit

6,4

3,2

Total

27,1

16,0

Source : Direction générale du Trésor d’après les remontées des assureurs-crédit dans le cadre des traités de réassurance conclus avec la caisse centrale de réassurance (CCR)

B.   LASSURANCE-CRÉDIT DOMESTIQUE (CAP FRANCE)

a.   Fonctionnement

Le dispositif de réassurance publique des risques d’assurance-crédit domestiques, CAP France, fonctionne comme CAP Francexport. Les risques assurés sont principalement des risques dimpayés dans le cadre des relations commerciales interentreprises. L’accès à l’assurance-crédit est un facteur essentiel de protection de la solvabilité des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises dont la trésorerie doit être sécurisée.

Hors période de crise, l’offre d’assurance-crédit est apportée, sans défaillance de marché, par des assureurs privés. L’article 7 de la LFR 1 a réactivé la mission de réassurance publique de l’assurance-crédit qu’avait poursuivie la Caisse centrale de réassurance ([79]) lors de la crise de 2008/2009.

La garantie de lÉtat octroyée par ce même article 7 sélevait à 10 milliards deuros, sous deux conditions :

– les opérations réassurées doivent intervenir avant le 31 décembre 2020 ;

– elles ne pouvaient porter que sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire situées en France.

Le dispositif n’a pas été modifié en LFR 2. L’article 15 du présent PLFR 3 prévoit que CAP France s’étend à toutes les entreprises, y compris les plus grandes, elles-mêmes confrontées à la contraction du marché de l’assurance-crédit sur le territoire domestique.

b.   Bilan au 29 mai 2020

Selon le comité de suivi, au 29 mai 2020, les encours réassurés par la CCR s’élèvent à 114 millions d’euros, après 41 millions d’euros le 15 mai. Le démarrage est donc assez rapide, même si les données disponibles ne permettent pas encore de fonder une estimation de l’ordre de grandeur final des encours ainsi réassurés.

MONTANT DES ENCOURS RELATIFS AUX DISPOSITIFS D’ASSURANCE-CRÉDIT
au 29 mai 2020 PAR ASSUREUR- CRÉDIT

(en millions d’euros)

 

CAP Export

CAP +

Euler Hermes

49

11

Atradius

7

5

Coface

9

19

AXA Assurcrédit

2

4

Groupama Assurance-crédit

7

1

Total

74

40

Source : Direction générale du Trésor d’après les remontées des assureurs-crédit dans le cadre des traités de réassurance conclus avec la caisse centrale de réassurance (CCR)

C.   LA RÉASSURANCE PUBLIQUE DE PORTEFEUILLE (CAP RELAIS)

a.   Constat

Comme le précise l’évaluation préalable de l’article 15, les services de l’État ont observé la « poursuite des résiliations ou réductions de lignes assurées malgré la mise en place des dispositifs de réassurance ligne par ligne Cap et Cap Francexport ».

La solution proposée est la mise en place d’une réassurance globale des risques pris par les assureurs-crédit, à la fois sur le volet domestique et sur le volet export.

Le lancement de ce nouveau dispositif, CAP Relais, a été annoncé le 12 juin 2020.

b.   Dispositif prévu dans le présent PLFR

Tandis que CAP France et CAP Francexport peuvent être sollicités pour réassurer des risques individuels, entreprise par entreprise, avec une montée en charge progressive, la valeur ajoutée de CAP Relais est de couvrir globalement un portefeuille de risques assurés par un assureur-crédit. Il s’agit donc de réassurer un « stock » de risques, là où les dispositifs existants ne couvrent que le « flux » des demandes des entreprises à bénéficier des CAP. Ce dispositif est à même de faciliter d’emblée la conclusion du contrat d’assurance puisque la question de sa réassurance se pose le cas échéant plus tard, dans le cadre d’un stock d’affaires. Les assureurs-crédit, partagent ex ante leur risque avec l’État ([80]).

Cette réassurance globale couvre les risques couverts du 16 mars 2020 au 31 décembre 2020, à l’exception des risques déjà couverts dans le cadre des dispositifs CAP France et CAP Francexport : il s’agit donc d’une couverture subsidiaire. En outre, elle ne couvre que les risques non réalisés au moment de la signature du traité de réassurance entre la CCR et l’assureur-crédit, afin d’éviter tout effet d’aubaine.

Afin de protéger les intérêts financiers de l’État, un plafond de pertes sera fixé avec chaque assureur-crédit participant. Si un assureur-crédit subit des pertes au-delà de ce plafond, il en assumera seul la charge. Jusqu’à ce plafond, les pertes seront portées par l’État et par l’assureur-crédit en proportion de leur quote-part du risque détenu, qui ne peut excéder 75 % pour l’État.

Les pertes finales de l’État ne pourront dépasser 2 milliards deuros : il s’agit en effet du montant de la garantie de l’État à la CCR au titre de ces opérations de réassurance globale, prévu par l’article 15 du PLFR 3.

III.   LA GARANTIE DES EMPRUNTS PUBLICS

A.   LUNÉDIC

L’Unédic est une association chargée par délégation de service public de la gestion de l’assurance chômage en France. Pour couvrir ses besoins de financement, l’Unédic a recours à des financements bancaires classiques, mais également à des émissions de titres de créances et d’emprunts obligataires de moyen terme, lesquels doivent faire l’objet d’une garantie de l’État.

1.   L’augmentation des besoins de financement de l’Unédic

Initialement, pour 2020, l’article 199 de la loi de finances pour 2020 a autorisé l’État à accorder sa garantie aux emprunts contractés par l’Unédic, en principal et en intérêts, dans la limite d’un plafond global de 2 milliards d’euros. La réforme de l’assurance-chômage devait conduire à une amélioration progressive de la situation financière de l’Unédic : son solde devait s’améliorer de 480 millions d’euros en 2020, de 1,8 milliard d’euros en 2021 et de 2,1 milliards d’euros en 2022.

La situation financière de l’Unédic a été très fortement dégradée par la crise actuelle, à la fois sous l’effet de la conjoncture économique (baisse des recettes de cotisations employeur et augmentation des dépenses d’indemnisation du chômage) et sous l’effet de mesures nouvelles aux impacts budgétaires massifs pour soutenir les entreprises et les salariés. À titre principal, le dispositif dactivité partielle est financé à hauteur du tiers par l’Unédic, soit environ 10,3 milliards d’euros selon les estimations du présent PLFR.

2.   L’augmentation de la garantie de l’État

Pour couvrir ces besoins de financements supplémentaires, l’Unédic peut recourir aux instruments de financement de court terme (émission de titres de créance), soit, selon ses estimations ([81]), un maximum de 9 milliards d’euros de liquidités. Ces instruments ne nécessitent pas une augmentation du plafond de la garantie de l’État.

En revanche, pour assurer son programme d’émissions obligataires, l’Unédic a eu besoin d’une augmentation du plafond de la garantie de l’État pour 2020, à hauteur de 8 milliards deuros supplémentaires. En effet, en avril 2020, l’Unédic avait déjà émis des emprunts pour un montant atteignant le plafond de 2 milliards d’euros prévu en loi de finances initiale pour 2020.

La garantie de l’État, d’un total de 10 milliards deuros, a été accordée par l’article 17 de la LFR 2.

B.   LES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES

L’Agence française de développement (AFD) intervient pour le compte de l’État dans le cadre de missions fixées par le code monétaire et financier (articles R 515-5 et R 515-15), qui l’autorise notamment à pratiquer des opérations de banque.

L’AFD a renforcé depuis plusieurs années son intervention financière auprès des collectivités territoriales d’outre-mer, devenant ainsi leur partenaire financier le plus important. En 2018, les engagements financiers nouveaux de l’AFD en outre-mer ont ainsi atteint 1,4 milliard d’euros, soit 12 % de l’activité totale du groupe.

La crise de la covid a aggravé la situation financière des collectivités ultramarines. Deux d’entre-ales ont vocation à bénéficier de prêts supplémentaires de l’AFD, garantis par l’État, à hauteur de 240 millions d’euros.

1.   La Nouvelle-Calédonie

La collectivité de Nouvelle-Calédonie (CNC) est une collectivité d’outre-mer à statut particulier disposant de son propre système fiscal et budgétaire. Elle assure la perception de l’ensemble des impôts sur son territoire, y compris ceux destinés aux provinces, aux communes et aux établissements publics.

La situation financière de la CNC sest fortement dégradée au cours des dernières années du fait de difficultés économiques persistances (notamment un taux de croissance du PIB inférieur à 1 %). Dans une situation de trésorerie très contrainte et d’endettement public important, la CNC a dû mettre en place un plan de sauvegarde de léconomie calédonienne. Celui-ci prévoit un renforcement du dispositif du chômage partiel avec la création d’une allocation spécifique Covid-19 (100 % du salaire pour les personnes au salaire minimum garanti et 70 % du dernier salaire brut dans la limite de 4,5 fois le salaire minimum garanti), ainsi qu’un report des cotisations sociales et fiscales pour les entreprises calédoniennes en difficulté.

Dans ce contexte, le prêt de 240 millions d’euros consenti par l’AFD, garanti par l’État, doit permettre le financement des reports de paiement d’impositions et de cotisations sociales, des pertes de recettes subies et des hausses de dépenses exposées au titre des régimes d’aides aux particuliers et aux entreprises mis en place du fait de la crise sanitaire liée à la propagation de l’épidémie de Covid‑19.

La garantie a été accordée par l’article 18 de la LFR 2. Elle porte sur le principal et les intérêts dans la limite d’un plafond de 240 millions d’euros en principal (soit le montant anticipé des pertes de cotisations sociales et fiscales subies par la CNC du fait de la crise économique et sanitaire). Le prêt ne peut avoir une maturité supérieure à 25 ans ni un différé de remboursement supérieur à 2 ans.

L’octroi de la garantie est subordonné à la conclusion dune convention entre lÉtat, lAFD et la CNC qui a eu lieu fin mai 2020. Elle prévoit, d’une part, la mise en place d’un calendrier de réformes afin de rétablir la situation financière de la collectivité et, d’autre part, le principe et les modalités d’un dispositif spécifique de remboursement du prêt garanti par l’affectation d’une fraction des recettes de la CNC correspondant aux annuités d’emprunt en principal et intérêts.

2.   La Polynésie française

L’article 16 du présent PLFR prévoit d’accorder la garantie de l’État à un prêt de l’AFD à la Polynésie française, également à hauteur de 240 millions d’euros.

La Polynésie française est une collectivité d’outre-mer à statut particulier dont l’autonomie est garantie par l’article 74 de la Constitution. En application de ce principe, la Polynésie française est compétente dans toutes les matières, à l’exception de celles expressément attribuées à l’État, et dispose de son propre système fiscal et budgétaire.

La situation économique et budgétaire de la Polynésie française semblait favorable avant l’émergence de la crise sanitaire relative à l’épidémie de Covid-19. Toutefois, la Polynésie française a pris, sur le modèle métropolitain, des mesures drastiques de réduction des déplacements puis de confinement de la population, qui touchent fortement l’économie locale ainsi que les recettes fiscales. La fermeture des frontières et l’arrêt de la desserte aérienne locale et internationale touchent particulièrement le secteur touristique, le plus important de l’économie polynésienne.

Dans ce contexte, le Gouvernement polynésien et l’État ont déployé des dispositifs de soutien financier massif à destination des entreprises et des ménages polynésiens afin de réduire les effets de la crise économique et sociale. Ces dispositifs conduisent à accroître significativement les dépenses de la Polynésie française, en plus des pertes fiscales supportées du fait du ralentissement de l’économie. Le plan de sauvegarde de léconomie, dont le montant est évalué à près de 250 millions deuros, prévoit notamment un ensemble de mesures en faveur de la trésorerie des entreprises telles qu’un report de trois mois des échéances des principaux impôts économiques (impôts sur les sociétés, impôts sur les transactions, patente) et des cotisations sociales et un report de deux mois des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. Le plan prévoit également la création d’un revenu exceptionnel de solidarité de 100 000 francs CFP (837 euros) accordé à tous les salariés en suspension de contrat de travail du fait du confinement pour une durée maximum de trois mois.

Dans ce contexte, le prêt garanti de l’AFD pourrait permettre le financement des reports de paiement d’impositions et de cotisations sociales, des pertes de recettes subies et des hausses de dépenses exposées au titre des régimes d’aides aux particuliers et aux entreprises mis en place du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.

Comme pour le prêt au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie, la garantie peut être accordée jusqu’au 31 décembre 2020. Elle porte sur le principal et les intérêts dans la limite d’un plafond de 240 millions d’euros en principal. Le prêt ne peut avoir une maturité supérieure à 25 ans ni un différé de remboursement supérieur à 2 ans.

Enfin, l’octroi de la garantie est subordonné à la conclusion d’une convention entre l’État, l’AFD et le gouvernement de Polynésie française prévoyant, d’une part, la mise en place d’un calendrier de réformes afin de garantir la situation financière de la collectivité et, d’autre part, le principe et les modalités d’un dispositif spécifique de remboursement du prêt garanti par l’affectation d’une fraction des recettes de la Polynésie française correspondant aux annuités d’emprunt en principal et intérêts.

IV.   LE SOUTIEN AUX PROGRAMMES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX

A.   LINSTRUMENT SURE

1.   Le fonctionnement du SURE

Dans le cadre de la lutte contre les effets économiques de la pandémie, la Commission européenne a proposé la mise en place d’un instrument d’urgence, temporaire, ayant pour objet de concourir au financement des dépenses de chômage et de santé/sécurité au travail supportées par les États-membres de l’Union européenne.

L’instrument, nommé SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in a Emergency – soutien d’urgence à l’atténuation des risques de chômage), a vocation à délivrer des prêts de l’Union européenne aux États membres, pour un volume maximum de 100 milliards deuros, jusqu’au 31 décembre 2022. La Commission emprunte sur les marchés les sommes ensuite prêtées aux États dans les mêmes conditions de taux et de maturité qu’obtenues par elle. Ce mécanisme de « prêts miroirs » leur permet de bénéficier des bonnes conditions de financement de l’UE.

L’instrument permet de couvrir des dépenses en forte hausse, intervenues à compter du 1er février 2020, dès lors qu’elles sont directement liées à la création ou à l’extension de dispositifs de chômage partiel ou liées aux mesures d’amélioration de la santé/sécurité au travail. Aucune autre conditionnalité n’est requise.

2.   La mise en œuvre de la garantie de l’État

Les États-membres apportent leur garantie à l’instrument, au prorata de leur part relative dans le revenu national brut (RNB) de l’UE. Un minimum de 25 % du volume d’intervention du SURE, soit 25 milliards d’euros, doit être apporté en garantie pour que l’instrument devienne disponible. La garantie des États-membres expire au 31 décembre 2053.

L’article 13 du présent PLFR autorise l’octroi de la garantie de l’État aux prêts accordés par l’Union européenne aux États membres dans le cadre de l’instrument SURE. Cette garantie est accordée dans la limite de 4,407 milliards deuros, soit 17,6 % du montant total des 25 milliards d’euros de garanties apportées à l’instrument. Ce pourcentage représente la quote-part de la France dans le revenu national brut (RNB) de l’Union européenne à 27.

L’octroi de la garantie est conditionné à la signature d’un accord bilatéral entre la France et la Commission européenne, précisant les modalités de fonctionnement du SURE, notamment les conditions d’ouverture de l’instrument, les règles prudentielles de gestion du portefeuille des prêts bénéficiant de l’instrument et la date à laquelle celui-ci prend fin.

B.   LE FONDS PANEUROPÉEN DE GARANTIE

1.   Le fonctionnement du fonds

Le fonds paneuropéen de garantie résulte d’une proposition de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont le principe a été accepté par le Conseil européen du 23 avril. Ce fonds temporaire, doté de 25 milliards deuros de garanties publiques, pourra lever jusquà 200 milliards deuros pour faciliter le financement des entreprises.

Le fonds paneuropéen interviendra en complément des dispositifs nationaux de soutien économique, en particulier des politiques mises en œuvres par les banques publiques nationales (Bpifrance, en France). Les entreprises, en particulier les PME, sont les principales cibles de lintervention : il s’agit d’améliorer leurs conditions de liquidité, dans un contexte de marché contraint des capitaux. Adapté à la crise, il dérogera aux règles d’intervention habituelles de la BEI pour autoriser une prise de risque plus importante dans les choix de financement, notamment en matière de risque de crédit.

2.   La mise en œuvre de la garantie de l’État

L’avantage de la création d’un fonds ad hoc est de permettre un volume dintervention de la BEI déconnecté de ses contraintes de capital : la Banque ne peut investir massivement au-delà de son rythme de croisière sans que les États actionnaires n’augmentent leur quote-part dans son capital.

L’article 14 du présent PLFR autorise le ministre de l’économie à octroyer la garantie de l’État au groupe BEI, dans la limite d’un plafond de 4,7 milliards deuros.

Ce montant correspond à la quote-part de la France dans le fonds paneuropéen de garantie, miroir de la quote-part française au capital de la BEI, soit 18,8 % du total des garanties qui permettront à la BEI de lever les ressources financières du fonds.

Le montant de 4,7 milliards d’euros est un plafond : ce montant serait autorisé dans la perspective où l’ensemble des États membres octroieraient cette garantie. Dans le cas contraire, le montant garanti correspondra à 18,8 % des garanties octroyées par les États membres participants.

C.   LA FACILITÉ DE PRÊT DU FMI

1.   Le fonctionnement de la facilité

Le FMI mobilise une facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), guichet qui accorde des prêts concessionnels aux États les plus pauvres, traversant d’importantes difficultés financières. Ces difficultés ont été renforcées par la crise actuelle, et les demandes de prêts accrues. Face à l’urgence, le FMI a sollicité un renforcement des moyens d’action de la FRPC. L’objectif fixé par le FMI est une augmentation de la ressource de la facilité de 12,5 milliards de DTS ([82]), soit 15,4 milliards d’euros, devant permettre de couvrir les besoins de financement des États en difficulté jusqu’en 2024.

La Banque de France est l’institution qui prête, au nom de la France, à la FRPC pour financer les opérations de prêts du FMI à destination des pays les plus pauvres. Ce prêt s’élève actuellement à 2,5 milliards deuros. L’objectif fixé par la France en avril 2020 est de doubler ce montant.

2.   La mise en œuvre de la garantie de l’État

Ce doublement de la contribution française exige en contrepartie l’accroissement du plafond de garantie de lÉtat à la Banque de France, permis par l’article 12 du présent PLFR. Il est, en effet, logique que ce soit l’État qui supporte le risque financier des opérations de prêts du FMI et non la Banque de France, qui agit uniquement pour le compte de l’État.

La garantie nouvelle de l’État s’élève à 2 milliards de DTS, soit 2,5 milliards d’euros, et porte sur le principal – le capital à rembourser – et sur les intérêts dus. Elle vient ainsi doubler le montant de la garantie en vigueur.

La garantie peut être activée dès lors que le FMI n’honore pas un remboursement à la Banque de France. Cette situation advient lorsqu’un État bénéficiaire d’un prêt de la FRPC fait défaut, et que le FMI ne peut absorber l’intégralité de la perte sur le compte de réserve qu’il détient à cet effet.

 

 


  1  

   FICHE N° 5 :
LES PLANS SECTORIELS

Si l’ensemble de l’économie française a été affecté par l’épidémie de Covid‑19, certains secteurs ont été plus particulièrement touchés, ce qui justifie un soutien accru de la puissance publique à leur égard. C’est notamment le cas des secteurs de l’aéronautique, de l’automobile, du tourisme au sens large (y compris l’hôtellerie-restauration, l’évènementiel, la culture et le sport), des entreprises technologiques et du bâtiment et des travaux publics (BTP). Ce soutien accru est notamment traduit dans le présent texte, par le biais de mesures budgétaires (nouvelles ouvertures de crédits) et fiscales.

Le présent PLFR comporte également les mesures nécessaires à la mise en œuvre d’un plan massif de soutien aux collectivités territoriales, confrontées à la baisse significative de leurs recettes. Ce plan s’élève à un montant de 4,5 milliards d’euros sur l’année 2020. Le lecteur est invité à se référer aux commentaires des articles 5, 6, 7, 9 et 16 du présent rapport pour de plus amples informations.

Un plan de soutien en faveur des collectivités territoriales à hauteur de 4,5 milliards d’euros

Le présent PLFR crée, pour les communes et les intercommunalités, un nouveau prélèvement sur recettes afin de compenser les pertes de recettes fiscales constatées en 2020 (article 5). Il prévoit, en complément, l’ouverture d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement, au titre de 2020 et 2021, pour relancer l’investissement local (état B ­ article 9).

Un autre prélèvement sur recette, d’un montant de 60 millions d’euros, est créé pour compenser les pertes de recettes d’octroi de mer et de taxe spéciale de consommation constatées en 2020 pour les collectivités d’outre-mer (article 6).

De plus, le PLFR 3 institue un mécanisme d’avances remboursables pour les départements confrontés à une perte de recettes de droits de mutation à titre onéreux (DTMO) (article 7).

Enfin, à l’instar du dispositif adopté pour la Nouvelle-Calédonie dans la LFR II, le présent PLFR prévoit que la garantie de l’État sera octroyée à un prêt de l’Agence française de développement en faveur de la Polynésie française, dans la limite de 240 millions d’euros (article 16).

Enfin, il convient de relever la présence, dans le présent PLFR, de mesures visant à favoriser lapprentissage qui bénéficieront, de manière transversale, à lensemble des secteurs de léconomie française. 500 millions d’euros de crédits, financés par des ouvertures (400 millions d’euros en autorisations d’engagement et 200 millions d’euros en crédits de paiement) et des redéploiements de crédits, sont ainsi prévus sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » afin de financer la nouvelle prime exceptionnelle à l’embauche d’un apprenti. Cette prime, d’un montant de 8 000 euros par apprenti majeur et de 5 000 euros par apprenti mineur, sera versée aux entreprises de moins de 250 salariés et aux entreprises de plus de 250 salariés recrutant au moins 5 % d’apprentis dans leurs effectifs à l’échéance de la mesure, pour la conclusion de la première année d’un contrat d’apprentissage entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Alors que l’aide unique actuelle à l’embauche, d’un montant de 4 125 euros la première année de conclusion du contrat, est limitée aux apprentis préparant un diplôme ou un titre professionnel de niveau inférieur ou égal au baccalauréat, le champ des apprentis éligibles est élargi dans le nouveau dispositif jusqu’à ceux préparant une licence professionnelle.

I.   UN SOUTIEN AU SECTEUR DU TOURISME, DE LÉVÈNEMENTIEL, DE LA CULTURE ET DU SPORT À HAUTEUR DE 18 MILLIARDS DEUROS

Le secteur du tourisme, qui comprend celui des « hôtels, cafés et restaurants » (HCR), a été confronté à une chute générale de l’activité marquée par l’arrêt des flux touristiques internationaux, l’annulation de la plupart des manifestations culturelles et la fermeture administrative des cafés et restaurants. La perte d’activité sur l’année est évaluée à ce stade à environ 40 %, ce qui représente une perte de recettes pouvant atteindre 50 milliards d’euros ([83]). Les voyagistes et le secteur HCR sont les plus touchés : le barème de la plateforme Orchestra ([84]) a évalué la perte d’activité pendant le confinement, pour les premiers, à 97 %, et l’INSEE ([85]), pour les seconds, à 90 %, par rapport à une situation normale.

 

SYNTHÈSE DU PLAN DE SOUTIEN AU SECTEUR DU TOURISME

Mesure

Montant estimé

Véhicule de financement

Prolongation du dispositif d’activité partielle dans les conditions applicables pendant le confinement

 

Ouverture de 3,3 milliards d’euros sur le programme 356 pour la prolongation de l’ensemble du dispositif et cofinancement de l’Unédic à hauteur de 1,7 milliard d’euros

Ouverture prolongée du fonds de solidarité

 

1,2 milliard d’euros ouverts dans le PLFR 3 sur le programme 357

Mise en place d’un PGE « saison »

 

 

Exonérations de cotisations sociales, aides au paiement des cotisations et plans d’apurement

2,1 milliards d’euros de moindres recettes pour la sécurité sociale

Article 18 du présent PLFR et ouverture de 3 milliards d’euros sur le programme 360 pour compenser à la sécurité sociale le coût de ces mesures par l’État.

Dégrèvement possible des 2/3 de CFE

350 millions d’euros au maximum de pertes de recettes pour les collectivités territoriales

Article 3 du présent PLFR

Exonération possible de taxe de séjour

285 millions d’euros au maximum de pertes de recettes pour les collectivités territoriales

Article 17 du présent PLFR

Annulation des redevances et des produits de l’occupation du domaine public de l’État

6 millions d’euros de moindres recettes pour l’État

Article 1er du présent PLFR

Guichet unique numérique

 

 

Relèvement du plafond des tickets-restaurants à 38 euros dans les restaurants

 

 

Report, par les banques, des échéances de crédits de 6 à 12 mois

 

 

Plan d’investissement de Bpifrance et de la Banque des Territoires

3 milliards d’euros

 

Total

Environ 18 milliards deuros

 

Source : commission des finances

A.   LEXTENSION ET LA PROROGATION DES MESURES GÉNÉRALES DURGENCE POUR CE SECTEUR

Les entreprises du tourisme ont utilisé de façon massive les mesures d’urgence (chômage partiel, prêts garantis par l’État, fonds de solidarité) mises en place par le Gouvernement : fin mai, elles représentaient par exemple plus de 10 % des prêts garantis par l’État (PGE), pour un montant total de 6,2 milliards d’euros, alors que ces entreprises représentent environ moitié moins que cette proportion dans l’activité.

Le Gouvernement s’est engagé à maintenir ces mesures, pour les entreprises du secteur du tourisme (dont le secteur HCR), de l’évènementiel, de la culture et du sport, jusqu’à la fin de l’année 2020 :

– les entreprises concernées pourront continuer à bénéficier jusqu’à la fin du mois de septembre 2020 du dispositif dactivité partielle dans les conditions applicables pendant le confinement (indemnité versée par l’employeur au salarié égale à 70 % du salaire brut sans que la rémunération du salarié puisse être inférieure au SMIC net et prise en charge à 100 % par l’État de l’indemnité pour des niveaux de salaires allant jusqu’à 4,5 SMIC). Au-delà, l’activité partielle leur restera ouverte si leur activité ne reprend que progressivement, dans des conditions qui resteront à déterminer ([86]) ;

– le fonds de solidarité restera ouvert pour les entreprises de ces secteurs jusquà la fin de lannée 2020 ([87]) et ses conditions daccès seront élargies aux entreprises employant jusqu’à 20 salariés et réalisant jusqu’à 2 millions d’euros de chiffre d’affaires (contre 10 salariés et 1 million d’euros de chiffre d’affaires en droit commun). Le plafond de l’aide complémentaire pouvant être allouée par les régions dans le cadre du second volet du fonds sera porté de 5 000 à 10 000 euros. Le présent PLFR prévoit ainsi une ouverture de 1,2 milliard deuros en autorisations dengagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sur le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » au titre de cette extension après le 1er juin ;

– un PGE « saison » va être mis en place avec des conditions d’accès plus favorables que le PGE « classique » : le prêt sera plafonné à 25 % du chiffre d’affaires réalisé pendant les trois meilleurs mois de l’année 2019 et non plus à 25 % du chiffre d’affaires réalisé pendant l’ensemble de l’année 2019.

B.   DES DISPOSITIONS DEXONÉRATIONS FISCALES INTRODUITES PAR LE PLFR 3

Plusieurs mesures d’exonérations fiscales sont prévues dans le PLFR 3 et concernent particulièrement les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l’événementiel. Ainsi, ces secteurs pourront bénéficier :

– d’une exonération des cotisations et contributions patronales prévue pour les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs particulièrement touchés par les conséquences économiques et financières de la propagation de l’épidémie et de secteurs leur étant liés, pour des périodes d’emploi du 1er février au 31 mai 2020. Des aides au paiement des cotisations salariales dues au titre de la période susmentionnée et des plans d’apurement de cotisations sont également prévus pour ces entreprises (article 18 du PLFR, voir commentaire d’article). D’après les évaluations préalables annexées au PLFR 3, ces mesures sectorielles (y compris le transport aérien) représentent 2,1 milliards deuros de moindres recettes ;

– du dégrèvement, sur décision des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des deux tiers du montant de la cotisation foncière des entreprises (CFE) due au titre de l’année 2020, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 150 millions d’euros (article 3, voir commentaire d’article). Selon l’étude d’impact, dans l’hypothèse où la totalité des collectivités instaureraient ce dégrèvement exceptionnel, le coût total pour les finances publiques s’élèverait à 350 millions d’euros, dont 175 millions d’euros seraient pris en charge par l’État ;

– de lexonération temporaire, sur décision des communes et des EPCI, de la taxe de séjour pour les hébergeurs et touristes due au titre de l’année 2020 (article 17, voir commentaire d’article). L’évaluation préalable de l’article annexée au PLFR chiffre à 285 millions d’euros, au maximum, la perte de recettes pour les collectivités territoriales ;

– de lannulation des redevances et des produits de loccupation du domaine public de lÉtat et de ses établissements publics pour une période de trois mois à compter du 12 mars (article 1er, voir commentaire d’article). Le manque à gagner en termes de recettes est estimé à 6 millions d’euros pour les biens du domaine public géré par l’État.

C.   AUTRES MESURES

Diverses mesures viennent compléter ce plan sectoriel :

– la mise en place d’un guichet unique numérique pour faciliter les démarches des entreprises pour accéder aux dispositifs de soutien ;

– le relèvement du plafond journalier des tickets-restaurants de 19 à 38 euros et la possibilité de les utiliser, uniquement dans les restaurants, les dimanches et jours fériés ­ mesures effectives depuis le 11 juin 2020 ([88]) ;

– le report, par les banques, des échéances de crédits de 6 à 12 mois pour les entreprises du secteur ;

– enfin, Bpifrance et la Banque des territoires ont acté un plan dinvestissement dans le secteur du tourisme à hauteur de 3 milliards deuros sur la période 2020-2023, dont 1,3 milliard d’euros en fonds propres permettant d’atteindre un volume total de 6,7 milliards d’euros en fonds propres grâce à la contribution du secteur privé. La capacité totale du prêt Tourisme de Bpifrance sera notamment portée à 1 milliard d’euros et ses conditions d’accès seront assouplies. La Banque des territoires mobilisera une enveloppe de dette à très long terme d’au moins 500 millions d’euros. Elle mobilisera également 93 millions d’euros dans les fonds d’urgence (fonds de solidarité national et fonds d’urgence régionaux) permettant l’octroi d’avances remboursables aux entreprises en difficulté.

EFFORT D’INVESTISSEMENT BPIFRANCE ET BANQUE DES TERRITOIRES
EN FAVEUR DU TOURISME

(en millions d’euros)

 

Banque des Territoires

Bpifrance

Total

Fonds d’urgence

93

 

93

Prêt tourisme

 

1 000

1 000

Prêts de long terme

500

 

500

Total des actions en trésorerie et financement

1 593

Capacité d’engagement pour le soutien des ETI

150

150

300

Consolidation de la filière thermalisme, montagne et port de plaisance

300

 

300

Renforcement du fonds Tourisme social Investissement

150

 

150

Création d’un Fonds Rebond Tourisme

100

300

400

Déploiement d’une offre de petits tickets en quasi fonds propres

100

100

200

Total des actions en fonds propre

1 350

Pour information : volume envisagé des actions en fonds propre avec leffet multiplicateur

6 750

Total des actions

2 943

Pour information : volume envisagé du plan avec leffet multiplicateur

8 343

Source : dossier de presse, comité interministériel du tourisme, 14 mai 2020, p. 19

II.   UN SOUTIEN DE PLUS DE 8 MILLIARDS DEUROS AU SECTEUR DE LAUTOMOBILE POUR UNE INDUSTRIE PLUS COMPÉTITIVE ET DÉCARBONÉE

Face aux difficultés du secteur automobile français – la filière a connu une baisse d’activité de plus de 80 % en avril 2020 par rapport à avril 2019 –, le Président de la République a présenté le 26 mai un plan de soutien au secteur, qui prévoit plus de 8 milliards d’euros d’aides, d’investissements et de prêts ([89]). Afin de prendre en compte les enjeux d’avenir liés à l’environnement et au maintien de la compétitivité du pays en matière automobile, ce plan a été orienté vers la production des véhicules propres.

 

La filière automobile française en chiffres

4 000 entreprises

400 000 emplois directs et indirects

155 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 18 % du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière

2,2 millions de véhicules produits en 2019

51 milliards d’euros d’exportations

30 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France

Source : dossier de presse du plan de soutien à l’automobile, 26 mai 2020.

SYNTHÈSE DU PLAN DE SOUTIEN AU SECTEUR DE L’AUTOMOBILE

Mesure

Montant estimé

Véhicule de financement

PGE accordé à Renault

5 milliards d’euros

Article 6 de la LFR du 23 mars 2020 (encours de 300 milliards d’euros)

Autres PGE (non comptabilisé dans le plan)

295 millions deuros

Article 6 de la LFR du 23 mars 2020 (encours de 300 milliards deuros)

Bonus écologique (dont partie majorée)

535 millions d’euros

Ouverture de 228 millions d’euros sur le programme 174 dans le présent PLFR

Prime à la conversion (dont prime majorée pour les 200 000 premières primes)

800 millions d’euros

Ouverture de 395 millions d’euros sur le programme 174 dans le présent PLFR

Fonds d’avenir pour l’automobile

950 millions d’euros

– dont 600 millions d’investissements en fonds propres de plusieurs partenaires dont 100 millions d’euros de l’État

– dont 200 millions d’investissements de l’État pour la décarbonation du secteur

– dont 150 millions d’euros pour l’innovation

– La part État serait financée par le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État »

– ouverture de 200 millions d’euros sur le programme 134 dans le présent PLFR

– PIA

Participation de l’État au projet européen de batteries

700 millions d’euros

PIA

Total

Environ 8 milliards d’euros

 

Source : commission des finances

A.   PLUS DE 5 MILLIARDS D’EUROS CONSACRÉS À LA FILIÈRE DE L’AUTOMOBILE DANS LES MESURES GÉNÉRALES D’URGENCE

La filière automobile a bénéficié des mesures générales durgence mises en place par le Gouvernement :

– le groupe Renault a obtenu un prêt garanti par l’État de 5 milliards d’euros ;

– à la fin du mois de mai, 295 millions d’euros de PGE avaient été accordés aux entreprises du secteur en plus du PGE accordé à Renault ;

– les entreprises du secteur ont bénéficié massivement du chômage partiel : à la fin du mois de mai, 1 475 sites industriels avaient demandé la mise en activité partielle de 248 500 salariés du secteur automobile, ce qui représente un soutien de plusieurs centaines de millions d’euros.

Le Gouvernement a prévu de poursuivre le soutien du secteur par ces différents biais pendant la période de reprise progressive de l’activité.

B.   UN PLAN COMPLÉMENTAIRE DE 3 MILLIARDS D’EUROS CENTRÉ SUR LES VÉHICULES PROPRES

Le Gouvernement a annoncé la mise en œuvre de mesures spécifiques à la filière automobile.

● La première série de ces mesures consiste en un soutien substantiel à la demande avec la hausse du bonus écologique, à partir du 1er juin et jusqu’à la fin de l’année 2020, pour les véhicules électriques. En vertu du décret n° 2020-656 du 30 mai 2020 ([90]), à compter du 1er juin et jusqu’au 31 décembre 2020, le bonus pour les véhicules électriques de moins de 45 000 euros est passé de 6 000 à 7 000 euros pour les particuliers et de 3 000 à 5 000 euros pour les entreprises et les collectivités, et une prime de 2 000 euros est instituée pour l’achat d’un véhicule hybride rechargeable.

Le soutien à l’achat de véhicules automobiles neufs ou d’occasion passe également par un dispositif de primes à la conversion plus favorable pour les 200 000 premières primes versées à partir du 1er juin. Ainsi, pour ces primes plus favorables :

– le critère de revenu est élargi, le plafond de revenu fiscal de référence par part étant relevé de 13 500 à 18 000 euros ;

– le critère d’éligibilité pour la mise au rebut du véhicule est assoupli (inclusion des véhicules Crit’air 3) ;

– le montant de la prime est augmenté de 1 500 euros à 3 000 euros pour l’achat d’un véhicule thermique et de 2 500 euros à 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable. Pour les personnes morales, la prime actuelle est également doublée pour les véhicules utilitaires électriques légers et hybrides rechargeables ;

– une surprime d’un maximum de 2 000 euros, financée pour moitié par l’État et pour l’autre moitié par les collectivités, pourra être versée lorsque le bénéficiaire habite ou travaille dans une zone à faibles émissions et que le véhicule est électrique ou hybride rechargeable ;

– enfin, la transformation d’un moteur thermique en un moteur électrique, dite « rétrofit électrique », devient éligible à la prime à la conversion, au même titre que l’achat d’un véhicule électrique d’occasion.

Le renforcement de ceux deux dispositifs est financé par louverture de 623 millions deuros (AE/CP) de nouveaux crédits dans le présent PLFR sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », dont 228 millions d’euros au titre du renforcement du bonus écologique et 395 millions d’euros au titre de celui de la prime à la conversion.

Une accélération de la commande publique et l’accélération du développement des bornes électriques pour atteindre 100 000 points de recharge à la fin de l’année 2021 et non plus 2022 – le financement étant assuré par les recettes associées aux certificats d’énergie– viennent compléter ce volet de soutien à la consommation des ménages.

● La deuxième série de mesures consiste en un soutien à loffre avec la mise en place d’un fonds davenir pour lautomobile, doté de 950 millions d’euros et destiné à la modernisation des chaînes de production, à l’investissement et l’innovation. Ce fonds est divisé en trois volets :

– le premier, doté de 600 millions deuros dinvestissements en fonds propres, alimenté par l’État, Bpifrance, Renault et PSA à hauteur de 100 millions d’euros chacun et complété par des partenaires institutionnels et des gestionnaires de fonds, sera dédié au soutien des sous-traitants automobiles afin de consolider la filière. Interrogé par le rapporteur général, le Gouvernement a indiqué que la part de l’État serait financée par le compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat ;

– le deuxième, doté de 200 millions deuros par lÉtat dès 2020, aura vocation à financer des projets d’investissement pour moderniser et décarboner le secteur. Une ouverture de 200 millions deuros en AE et 100 millions deuros en CP est prévue à ce titre par le présent PLFR sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » ;

– enfin, le troisième viendra soutenir linnovation et la recherche en cohérence avec les axes prioritaires de la feuille de route technologique liés au véhicule du futur. Il bénéficiera d’un financement de 150 millions d’euros dès 2020 issu des crédits du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA). Pour les années 2021 à 2025, il sera financé dans le cadre du quatrième PIA, ce qui suppose une ouverture de crédits dans le cadre de la prochaine loi de finances.

En contrepartie de ce plan de soutien, la filière automobile s’est engagée à concentrer ses efforts dans la production de véhicules propres et à poursuivre sa stratégie de localisation en France des activités de recherche et de production à haute valeur ajoutée.

● Enfin, ce plan sectoriel comprend les subventions allouées dans le cadre du soutien à lusine pilote de fabrication de batteries électriques, un projet franco-allemand porté par les entreprises SAFT et PSA. Ce projet doit bénéficier d’un financement public français pouvant aller jusqu’à 850 millions d’euros, dont 700 millions d’euros de l’État, en provenance du PIA et du Fonds d’innovation et de l’industrie pour 690 millions d’euros. Le présent PLFR prévoit l’ouverture de 10 millions d’euros de crédits en AE pour permettre le financement de l’intégralité de la contribution de l’État à ce projet.

III.   UN SOUTIEN À LAÉRONAUTIQUE À HAUTEUR DE 15 MILLIARDS DEUROS

Le secteur de l’aéronautique a été durement frappé par les fermetures de frontières et le ralentissement des flux de personnes dans le monde, entraînés par l’épidémie de coronavirus : au niveau mondial, les compagnies aériennes anticipent des pertes nettes de plus de 84 milliards de dollars en 2020 et 16 milliards de dollars en 2021, ainsi qu’une chute de 50 % de leurs revenus en 2020 ([91]). Plusieurs compagnies se sont déclarées en faillite ([92]), des suppressions de postes ont été annoncées chez Air Canada, Lufthansa ou British Airways par exemple ([93]) mais aussi dans l’industrie aéronautique ([94]).

Annoncé le 9 juin 2020, le plan de soutien à l’aéronautique rassemble les mesures exceptionnelles communes à toutes les entreprises mises en place dans le cadre de l’épidémie (chômage partiel, prêts garantis par l’État) et des mesures spécifiques à la filière aéronautique.

Le secteur aéronautique français en chiffres

1 300 entreprises industrielles

300 000 emplois directs et indirects

58 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018

une balance commerciale positive vis-à-vis du reste du monde de 34 milliards d’euros

58 000 recrutements sur les 5 dernières années

Source : dossier de presse du plan de soutien à l’aéronautique, 9 juin 2020.

SYNTHÈSE DU PLAN DE SOUTIEN AU SECTEUR DE L’AÉRONAUTIQUE

Mesure

Montant estimé

Véhicule de financement

Prêts Air France

7 milliards d’euros

Article 6 de la LFR du 23 mars 2020 (encours de 300 milliards d’euros) pour le PGE de 4 milliards d’euros + prêt actionnaire de 3 milliards d’euros (retracé sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat)

Autres PGE

1,5 milliard d’euros

Article 6 de la LFR du 23 mars 2020 (encours de 300 milliards d’euros)

Renforcement des garanties publiques à l’exportation via Bpifrance Assurance export

 

Ouverture de 182 millions d’euros sur le programme 114 dans le présent PLFR

Moratoire de douze mois sur les remboursements en principal des crédits à l’exportation

 

 

Assouplissement temporaire des modalités de remboursement des achats de nouveaux avions Airbus par les compagnies aériennes, dans le cadre de l’accord aéronautique de l’arrangement OCDE

 

 

Commandes militaires, de sécurité civile et de gendarmerie anticipées

832 millions d’euros

Redéploiements de crédits au sein des missions Défense

Fonds d’investissement aéronautique

1 milliard dont 500 millions d’euros mobilisés dès l’été 2020

200 millions d’euros BpiFrance, 200 millions d’euros par les industriels français (Airbus, Safran, Dassault, Thalès), 100 millions d’euros par le gestionnaire du fonds

Fonds d’accompagnement public à la diversification, à la modernisation et à la transformation environnementale des procédés

300 millions d’euros sur 3 ans

Ouverture de 100 millions d’euros en AE et 50 millions d’euros en CP sur le programme 134 dans le présent PLFR

Financement de la recherche et développement par l’État

1,5 milliard d’euros sur trois ans

Ouverture de 165 millions d’euros en AE et 85 millions d’euros en CP sur le programme 190.

+135 millions d’euros de PIA

Exonérations de cotisations sociales et étalement des passifs

2,1 milliards d’euros avec le secteur du tourisme (pas de chiffrage pour la seule partie transport aérien)

Article 18 du présent PLFR

Possibilité de dégrèvement des 2/3 de CFE

350 millions d’euros au maximum de pertes de recettes pour les collectivités territoriales avec le secteur du tourisme (pas de chiffrage pour la seule partie transport aérien)

Article 3 du présent PLFR

Total

Environ 15 milliards deuros

 

Source : commission des finances.

A.   L’UTILISATION DES PRÊTS GARANTIS PAR L’ÉTAT ET DU DISPOSITIF D’ACTIVITÉ PARTIELLE

Les salariés du secteur de laéronautique ont massivement bénéficié de la mesure dactivité partielle financée par lÉtat et lUnédic. Ces deux secteurs feront partie des secteurs bénéficiaires du dispositif d’activité partielle de longue durée, en cours d’élaboration par le ministère du Travail, dont la mise en œuvre est prévue à partir du 1er juillet. Au sein du secteur de la fabrication de matériel de transport hors industries automobiles, qui inclut la filière aéronautique, 651 sites industriels ont demandé l’autorisation de mettre en place l’activité partielle depuis le 1er mars, pour quelque 110 000 salariés.

En outre, plusieurs prêts garantis par lÉtat ont été accordés à la filière aéronautique :

– Air France a bénéficié de deux prêts dun montant global de 7 milliards deuros : 4 milliards d’euros sous la forme d’un prêt garanti par l’État ([95]) et 3 milliards d’euros sous la forme d’un prêt actionnaire ([96]). En contrepartie, Air France s’est engagé à présenter un plan de redressement de la compétitivité du groupe, prévoyant des réformes structurelles sur la maîtrise des coûts, des efforts de productivité, une réduction des vols régionaux, une réduction de 50 % des émissions de CO2 des vols métropolitains et la modernisation de sa flotte moyen et long-courrier pour réduire son impact écologique ;

– 1,5 milliard deuros de prêts garantis par lÉtat avaient été accordés aux entreprises de la filière de la construction aéronautique et spatiale à la mi–mai.

B.   Un plan sectoriel doté d’un volet « offre » et d’un volet « demande »

Les mesures spécifiques à la filière aéronautique peuvent être décomposées en un volet soutien de la demande et un volet soutien de l’offre. Elles visent à la fois à maintenir l’activité dans le secteur et à l’orienter vers une décarbonation avec le développement d’une flotte plus écologique.

● Le volet soutien de la demande s’articule autour de quatre mesures :

– le renforcement des garanties publiques à lexportation via Bpifrance Assurance export. Ce dispositif consiste en l’octroi de la garantie de l’État aux entreprises exportatrices – y compris du secteur aéronautique – les assurant pour les risques politiques et commerciaux. Les garanties à l’export de l’État sont rémunérées. Les opérations en recettes et en dépenses sont retracées dans un compte de commerce dédié (compte de commerce 915 « Soutien financier au commerce extérieur »). Dans le cas où le montant des appels en garantie est supérieur à celui de leur rémunération, le programme 114 « Appels en garantie de l’État » du budget général compense le déficit. On constate que le présent PLFR augmente de 182 millions d’euros les crédits du programme 114 pour les porter à 296,1 millions d’euros. Cette réévaluation est notamment expliquée par un relèvement du taux de sinistralité, ce qui aura un impact sur l’ensemble des dispositifs de garantie ;

– la mise en place dun moratoire de douze mois sur les remboursements en principal des crédits à lexportation accordés aux compagnies aériennes et figurant dans l’encours de Bpifrance exportation, ce qui représente un gain de trésorerie de 1,5 milliard d’euros pour les entreprises. En contrepartie, les compagnies bénéficiaires de l’obtention du moratoire doivent s’engager à ne pas verser de dividendes ou d’autres montants à leurs actionnaires, et à ne pas mettre en œuvre de programmes de rachat d’actions ;

– l’assouplissement temporaire des modalités de remboursement des achats de nouveaux avions Airbus par les compagnies aériennes, dans le cadre de l’accord aéronautique de l’arrangement OCDE ([97]). En cas de consensus entre l’ensemble des signataires de cet accord aéronautique, cette proposition pourrait être mise en œuvre à partir de juillet 2020 et de façon rétroactive pour juin 2020. Le moratoire présenté ci-avant et cet assouplissement ont pour objectif d’éviter les reports ou difficultés de remboursement par les compagnies aériennes sur les échéances des prêts garantis par Bpifrance export, ce qui doit permettre à l’État de ne pas avoir à activer sa garantie ;

– des commandes militaires, de sécurité civile et de gendarmerie anticipées à hauteur de 832 millions deuros.

● Le volet soutien de l’offre repose sur trois axes :

– la création dun fonds dinvestissement aéronautique, doté de 500 millions deuros, pour abonder en fonds propres les PME et les ETI et éviter leur rachat par des entreprises étrangères. Bpifrance apportera 200 millions d’euros, les industriels français (Airbus, Safran, Dassault, Thalès ([98])) 200 millions d’euros également et le gestionnaire de fond choisi par appel d’offres versera 100 millions d’euros. L’objectif est d’amplifier cette collaboration pour déployer à terme un montant total d’un milliard d’euros ;

– la création dun fonds daccompagnement public à la diversification, à la modernisation et à la transformation environnementale des procédés, financé par lÉtat à hauteur de 300 millions deuros sur trois ans. Le présent PLFR prévoit, à ce titre, l’ouverture, sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations », de 100 millions d’euros en AE et de 50 millions d’euros en CP en 2020.

– Un financement de la recherche et développement par lÉtat à hauteur de 1,5 milliard deuros sur trois ans (300 millions d’euros en 2020, 600 millions d’euros en 2021 et 600 millions d’euros en 2022) afin de parvenir à la fabrication de l’avion « vert », neutre en carbone, en 2035. Le PLFR 3 prévoit ainsi louverture de 165 millions deuros en AE et 85 millions deuros en CP sur le programme 190 « Recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat ». En complément, les aides à la filière aéronautique sont augmentées par le PIA, à hauteur de 135 millions deuros ([99]).

C.   L’OUVERTURE DES DISPOSITIFS D’EXONÉRATIONS FISCALES AU SECTEUR DU TRANSPORT AÉRIEN

Le présent PLFR comporte deux dispositifs d’exonérations fiscales pour lesquels le secteur du transport aérien est explicitement mentionné parmi les secteurs concernés :

– le dégrèvement exceptionnel de CFE due au titre de 2020 pour les entreprises réalisant moins de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel sur décision des intercommunalités, prévu par l’article 3 du PLFR (voir supra) ;

– les dispositifs transversaux dexonérations de cotisations sociales et d’étalement des passifs prévu par l’article 18 du PLFR (voir supra).

Quelques plans de soutien aux secteurs aéronautiques dans le monde

Plusieurs plans, composés de mesures diverses, ont été mis en place par les États pour soutenir leur filière aéronautique.

Ainsi, les États-Unis ont, dès la fin du mois de mars, apporté une aide de près de 60 milliards de dollars à leur secteur aérien, dont la moitié sous forme de subvention directe et l’autre sous forme de prêts, par le biais du plan de soutien massif à l’économie américaine de 2 200 milliards de dollars, prévu par le Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act (« CARES Act »). L’octroi de ces aides est conditionné à l’engagement des compagnies à ne pas mettre en œuvre des plans de licenciement ni baisser les salaires d’ici la fin du mois de septembre 2020, et à ne pas verser de dividendes, procéder à des rachats d’actions ou augmenter les plus hauts salaires jusqu’en septembre 2021. Les compagnies doivent également s’engager à maintenir pendant deux ans les destinations intérieures desservies en mars.

À la fin du mois de mai, un accord entre l’Allemagne et la Commission européenne a été trouvé autour du plan de sauvetage de la compagnie aérienne Lufthansa qui prévoit une entrée au capital de l’État allemand pour 300 millions d’euros, accompagnée d’un apport de 5,7 milliards d’euros de fonds propres et d’un prêt de 3 milliards d’euros de la banque publique KfW, soit un total de 9 milliards d’euros. En contrepartie, la compagnie s’est engagée à céder à des concurrents jusqu’à 24 créneaux horaires de décollage et d’atterrissage dans les aéroports de Francfort et Munich.

Dernier exemple, le Gouvernement italien nationalisera, au mois de juin, la compagnie Alitalia en apportant 3 milliards d’euros de capitaux.

IV.   LE SOUTIEN AU SECTEUR DES ENTREPRISES TECHNOLOGIQUES ET START-UPS

En raison de leur modèle de développement spécifique, les entreprises technologiques, notamment les start-ups innovantes, ont été fragilisées par la crise : 80 % anticipent une baisse de leur activité en avril, supérieure à 50 % pour la majorité d’entre elles ([100]). Les levées de fonds ont chuté depuis mars (– 32 % en nombre d’opérations et – 24 % en montant par rapport à l’année précédente ([101])).

Le secteur des entreprises technologiques en chiffres

10 000 à 20 000 start-ups en France

des projections de créations de 25 000 emplois nets avant la crise, soit entre 10 % et 20 % du total d’emplois créés

100 000 emplois

Source : dossier de presse du Gouvernement pour le plan de soutien aux entreprises technologiques, 5 juin 2020.

 

SYNTHÈSE DU PLAN DE SOUTIEN AU SECTEUR DES ENTREPRISES TECHNOLOGIQUES ET START-UPS

Mesure

Montant estimé

Véhicule de financement

PGE

3 milliards d’euros

Article 6 de la LFR du 23 mars 2020 (encours de 300 milliards d’euros)

Fonds d’investissement « French Tech souveraineté »

150 millions d’euros (voire 500 millions d’euros en 2021)

PIA

Soutien et financement des entreprises technologiques

475 millions d’euros dont :
- 160 millions d’euros pour le French Tech Bridge
- 100 millions d’euros de prêts Bpifrance
- 120 millions d’euros fonds PSIM
- 80 millions pour le concours d’innovation
- 15 millions d’euros pour la nouvelle vague de Challenges IA

PIA
30 millions d’euros (AE/CP) sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » dans le présent PLFR pour accroître l’enveloppe des aides à l’innovation de Bpifrance Financement

Soutien à l’émergence d’un vivier de start-up

180 millions d’euros dont :
- 65 millions d’euros pour les SATT
- 15 millions d’euros pour une deuxième vague d’appel à projet sur les programmes « deep tech »
- 100 millions d’euros pour le Fonds d’investissement French Tech n° 2 de Bpifrance

PIA

Total

Environ 3,8 milliards deuros

 

Source : commission des finances.

● Ces entreprises ont bénéficié des mesures générales d’urgence mises en place par le Gouvernement. D’après les chiffres du Gouvernement ([102]) :

– près de 5 000 start-ups ont obtenu un PGE pour un total de 3 milliards d’euros ;

– entre 40 % et 60 % des start-up ont eu recours au dispositif d’activité partielle ;

– des financements en obligations convertibles du fonds French Tech Bridge, lancé fin mars avec une enveloppe initiale de 80 millions d’euros, ont été accordés à une vingtaine d’entreprises pour un total de près de 50 millions d’euros ;

– fin mai, près de 2,5 milliards d’euros de crédit impôt recherche (CIR) ont été versés aux PME innovantes de façon anticipée.

● En complément, le Gouvernement a acté la mise en place d’un plan de soutien sectoriel, essentiellement financé par le PIA.

En premier lieu, il prévoit la création du fonds dinvestissement en fonds propres « French Tech Souveraineté », géré par Bpifrance, afin de soutenir les entreprises technologiques développant des technologies d’avenir souveraines et d’aider les start-up à se financer. 150 millions d’euros provenant des crédits PIA seront redéployés pour financer ce fonds. Celui-ci pourrait être complété en 2021 pour atteindre plus de 500 millions d’euros.

En deuxième lieu, le Gouvernement a décidé de mettre en place des mesures de soutien au financement des entreprises technologiques pour passer la crise et continuer à innover, pour un montant total de 500 millions deuros :

– l’enveloppe du fonds French Tech Bridge est doublée (80 millions d’euros supplémentaires) pour atteindre 160 millions d’euros, et 320 millions d’euros en prenant compte l’effet de levier sur les investisseurs privés, pour financer l’activité des start-up entre deux levées de fonds sous forme d’obligations convertibles ;

– 100 millions deuros de prêts seront distribués par Bpifrance pour soutenir la trésorerie des start-up viables innovantes mais ne pouvant pas obtenir un PGE en raison de leur statut conjoncturel d’entreprise en difficulté au sens de la réglementation européenne. À ce titre, le présent PLFR prévoit l’ouverture de 30 millions d’euros (AE/CP) sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » ;

– le fonds dinvestissement PSIM (Programme de soutien à l’innovation majeure) est rechargé de 120 millions deuros afin d’accompagner de nouvelles start-ups lauréates du Concours mondial d’innovation ;

– les dispositifs daides à linnovation sont renforcés : le Concours d’innovation (i-Nov) bénéficiera d’une dotation supplémentaire de 20 millions d’euros (pour une enveloppe totale de 80 millions d’euros) et une nouvelle vague de Challenges IA sera lancée pour 15 millions d’euros.

En troisième lieu, le Gouvernement a accentué les mesures de soutien à lémergence dun vivier de start-up pour près de 200 millions deuros. Ainsi, une troisième tranche de financement de 65 millions d’euros en faveur de quatre sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) sera débloquée, une deuxième vague d’appel à projet dotée de 15 millions d’euros du PIA à destination de programme spécialisés sur l’entreprenariat « deep tech » sera lancée, et le Fonds d’investissement French Tech n° 2, doté de 100 millions d’euros et géré par Bpifrance, sera créé afin d’accélérer l’essor de start-up à forte dimension technologique.

En quatrième lieu, le plan prévoit le lancement d’une consultation auprès du grand public et des entreprises sur les usages numériques, ouverte jusqu’au 31 juillet 2020.

Enfin, afin de soutenir le recrutement dans les start-up, deux actions d’information sont prévues : le lancement d’une plateforme de contenus en ligne présentant les métiers de la Tech et le lancement d’une compagne de communication sur les opportunités d’emploi dans la French Tech. Par ailleurs, la moitié de l’enveloppe du French Tech Community Fund (1 million d’euros), sera dédiée à la promotion d’initiatives locales des emplois dans la French Tech.

V.   UN SOUTIEN AU SECTEUR DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS QUI SERA ACCENTUÉ DANS LE CADRE DU PLAN DE RELANCE

Malgré l’absence de fermetures administratives, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) a connu une baisse de son activité de 88 % au début du mois d’avril 2020 par rapport à une situation normale ([103]), une perte d’activité comparable à celle du secteur de l’hôtellerie-restauration. Des initiatives spécifiques pour assurer la sécurité sanitaire sur les chantiers ont été mises en œuvre (publication d’un guide professionnel), et les préfets ont été particulièrement mobilisés pour accompagner la reprise des chantiers. Ces mesures, ainsi que la levée du confinement, ont permis une reprise de l’activité depuis mi-mai : seul 1 % des chantiers de travaux publics et moins de 15 % des chantiers du bâtiment étant encore à l’arrêt aujourd’hui.

Le secteur du BTP en chiffres

 2 millions d’emplois

 11 % du PIB

 chiffre d’affaires total de 150 milliards d’euros

 plus de 620 000 entreprises

 280 000 embauches en 2018

Source : communiqué de presse du Gouvernement sur le soutien au secteur du BTP, 10 juin 2020, observatoire des métiers du BTP.

 

SYNTHÈSE DU PLAN DE SOUTIEN AU SECTEUR DU BTP

Mesure

Montant estimé

Véhicule de financement

PGE

8,2 milliards d’euros

Article 6 de la LFR du 23 mars 2020 (encours de 300 milliards d’euros)

Fonds de solidarité

510 millions d’euros

Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

Remises de charges sociales

nc

Article 18 du présent PLFR

Renforcement du dispositif de garantie de l’État à l’assurance-crédit

nc

Article 15 du présent PLFR

Remboursement des stocks de créances de report en arrière des déficits et des créances qui viendraient à être constatées en 2020

nc

Article 2 du présent PLFR

Instructions pour inciter au partage des surcoûts

 

 

Plan apprentissage

130 millions d’euros pour le secteur

400 millions d’euros en AE et 200 millions d’euros en CP ouverts sur le programme 103 dans le présent PLFR pour financer l’ensemble du plan apprentissage. 100 millions d’euros (AE/CP) en redéploiements internes sont aussi prévus

Hausse de la dotation pour les investissements locaux

1 milliard d’euros à 4,8 milliards d’euros avec l’effet de levier attendu qui financeront notamment des projets en lien avec la rénovation thermique des bâtiments publics

Ouverture de 1 milliard d’euros (AE) sur le programme 119

Source : commission des finances.

● Le secteur du BTP a bénéficié des dispositifs de soutien publics instaurés dès le mois de mars :

– 360 000 entreprises ont bénéficié du fonds de solidarité pour un montant de 510 millions d’euros ;

– 60 000 PGE ont été accordés pour un montant total de 8,2 milliards d’euros ;

– au moins 1,4 million de salariés ont été placés en activité partielle et 1,3 milliard d’euros d’indemnités ont été versés à ce titre pour les mois de mars et avril.

● Le Gouvernement a pris de nouvelles mesures pour accompagner les entreprises du secteur.

Premièrement, plusieurs mesures de soutien à la trésorerie des entreprises ont été actées.

Ainsi, l’article 18 du PLFR 3 prévoit que les entreprises de moins de 50 salariés dont l’activité a été réduite d’au moins 50 % entre le 1er février et le 31 mai 2020 par rapport à la même période l’année précédente peuvent bénéficier de remises de charges sociales jusquà 50 % de leurs échéances. Cet article prévoit également que toutes les entreprises du secteur pourront bénéficier de plans d’apurement de leurs charges sociales (voir commentaire d’article infra).

Deux autres mesures prévues par le présent PLFR bénéficieront aux entreprises du secteur du BTP : le renforcement du dispositif de garantie de lÉtat à lassurance-crédit (article 15, voir commentaire d’article) et l’ouverture de la possibilité, pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, de demander le remboursement immédiat de leur stock de créances de report en arrière de leurs déficits ainsi que des créances qui viendraient à être constatées en 2020 du fait des pertes liées à cette crise sanitaire (article 2, voir commentaire d’article).

Deuxièmement, des mesures spécifiques ont été prises pour permettre le partage des surcoûts directs liés à l’arrêt des chantiers et à la mise en œuvre des mesures sanitaires (instruction du Premier ministre du 9 juin aux maîtres d’ouvrage de l’État, circulaire du 20 mai 2020 demandant aux préfets de promouvoir des chartes définissant une approche solidaire des surcoûts et leur permettant d’accorder une dotation dérogatoire aux collectivités territoriales pour leur permettre de prendre en charge une partie des surcoûts). Un nouveau comité de suivi, piloté par le Commissariat général au développement durable, sera chargé d’objectiver les surcoûts liés à la situation sanitaire et le Gouvernement encourage les maîtres d’ouvrage publics à augmenter les avances aux entreprises titulaires de marchés publics.

Enfin, deux mesures présentes dans le PLFR 3 vont permettre de soutenir l’emploi et l’activité du secteur.

En effet, avec plus de 150 000 apprentis en 2018, le secteur du BTP sera largement concerné par le plan spécifique en faveur de lapprentissage inscrit dans le PLFR 3 (voir supra) : l’aide à l’apprentissage devrait représenter 130 millions d’euros pour le secteur.

De plus, le présent PLFR prévoit l’ouverture dun milliard deuros en AE sur le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » afin d’accroître, grâce à l’effet de levier attendu, les investissements locaux de 4,8 milliards d’euros sur la période 2020-2021. Ces crédits financeront prioritairement des projets portant sur la santé, la transition écologique, notamment la rénovation thermique de bâtiments publics, et la rénovation du patrimoine.

● Des mesures complémentaires sont attendues dans le cadre du plan de relance qui sera présenté au mois de septembre 2020.

VI.   UN PLAN DAIDES À LA FILIÈRE DU LIVRE DE PLUS DE 230 MILLIONS DEUROS

● L’épidémie de Covid‑19 a eu des conséquences importantes sur la filière du livre : la fermeture des librairies a entraîné un effondrement des ventes (– 66% pendant les quatre premières semaines de confinement d’après une étude de GFK pour Livres Hebdo) et l’obligation, pour les éditeurs, de revoir en profondeur le calendrier de publication des nouveautés. Selon un sondage du Syndicat national de l’édition, près de la moitié des éditeurs s’attendent à une perte de chiffre d’affaires comprise entre 20 et 40 % sur l’année 2020, et à plus de 40 % pour un quart d’entre eux. L’ensemble de la filière du livre évalue à 500 millions d’euros le manque à gagner subi en 2020. Le plan d’aides de l’État se décompose en plusieurs volets :

– des mesures d’urgence mises en place dès le mois de mars (150 millions d’euros) ;

– des mesures nouvelles inscrites dans le présent PLFR (80 millions d’euros d’aides directes notamment) ;

– des mesures de relance à hauteur de 70 millions d’euros pourraient venir compléter le dispositif, afin d’atteindre un montant total de 300 millions d’euros.

 

SYNTHÈSE DU PLAN DE SOUTIEN AU SECTEUR DU LIVRE

Mesure

Montant estimé

Véhicule de financement

PGE

115 millions d’euros

Article 6 de la LFR du 23 mars 2020 (encours de 300 milliards d’euros)

Chômage partiel

17 millions d’euros

Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle

Fonds de solidarité

6 millions d’euros

Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

Enveloppe d’urgence du Centre national du livre

5 millions d’euros + 1,3 million d’euros de financements des partenaires

 

Exonérations de cotisations sociales

nc

Article 18 du présent PLFR

Fonds de soutien pour les librairies indépendantes

25 millions d’euros

Ouvertures de crédits prévues par amendement

Fonds de soutien pour les maisons d’édition

5 millions d’euros

Ouvertures de crédits prévues par amendement

Fonds de modernisation des librairies

12 millions d’euros sur 2020 et 2021

Ouvertures de crédits prévues par amendement

Prêts de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFIC)

40 millions d’euros

Ouverture des 40 millions d’euros sur le programme 334 dans le présent PLFR

Total

Environ 230 millions deuros

 

Source : commission des finances.

● La filière du livre a bénéficié des mesures générales pour les entreprises mises en œuvre pour répondre à la crise, à hauteur de 150 millions deuros : les éditeurs et les librairies ont bénéficié de prêts garantis par l’État, pour un encours d’environ 115 millions d’euros. Les acteurs les plus fragilisés qui ne peuvent pas obtenir de PGE ont accès aux mécanismes d’avances remboursables et de prêts participatifs.

Les maisons d’édition et les librairies ont utilisé le dispositif du chômage partiel (17 millions d’euros d’indemnités ont été versés à ce titre pour les mois de mars et d’avril). Les maisons d’édition devraient faire partie des entreprises concernées par les mesures de chômage partiel de longue durée en cours de négociation et les plus fragilisées (perte d’au moins 80 % du chiffre d’affaires en 2020) qui bénéficieraient d’une prise en charge à 100 % de ces heures non travaillées.

Mi-mai, 2 845 librairies et 1 535 maisons d’édition avaient bénéficié du fonds de solidarité pour plus de 6 millions d’euros, et celui-ci restera accessible jusqu’à la fin de l’année 2020 aux maisons d’édition dont le chiffre d’affaires a chuté de plus de 80 %. Les artistes-auteurs ont également eu accès au fonds de solidarité et bénéficieront d’une exonération de cotisations sociales entre mars et juin 2020.

Enfin, le Centre national du livre (CNL) a débloqué une enveloppe de 5 millions d’euros à destination des auteurs, des librairies et des maisons d’édition, à laquelle se sont ajoutés 1,3 million d’euros versés par des partenaires.

● Le PLFR 3 prévoit plusieurs mesures nouvelles en faveur du livre.

Le secteur bénéficie des exonérations automatiques de cotisations sociales prévues par l’article 18 du présent PLFR (voir commentaire de l’article 18). Sont ainsi concernés ([104]) :

– les maisons d’édition de moins de 250 salariés particulièrement touchées par la crise (baisse du chiffre d’affaires supérieure à 80 %) pour les mois de février à mai ;

– les librairies de moins de 10 salariés concernées par les fermetures administratives pour les mois de février à avril ;

– les artistes-auteurs qui bénéficieront d’une exonération forfaitaire de leurs cotisations et contributions en fonction de leur niveau de revenu (pour un coût estimé de 100 millions d’euros).

La filière du livre bénéficie également daides directes nouvelles, financées par l’État, les collectivités territoriales et des partenaires professionnels, à hauteur de 80 millions deuros.

En premier lieu, un fonds de soutien financé par lÉtat à hauteur de 25 millions deuros à destination des librairies indépendantes sera mis en place au niveau du CNL.

En deuxième lieu, un autre fonds de soutien aux maisons dédition réalisant un chiffre d’affaires compris entre 100 000 euros et 10 millions d’euros, financé par l’État à hauteur de 5 millions deuros, sera mis en place au niveau du CNL.

Les collectivités territoriales et les associations professionnelles pourront abonder le fonds par voie de fonds de concours.

En troisième lieu, un fonds géré par le CNL, dédié à la modernisation des librairies, sera financé par l’État à hauteur de 12 millions d’euros sur 2020 et 2021.

Le Gouvernement a indiqué au rapporteur général que le financement de ces trois fonds ferait l’objet d’un amendement.

Enfin, sur les 85 millions d’euros de crédits supplémentaires ouverts par le présent PLFR à destination de lInstitut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFIC), 40 millions deuros sont destinés au financement de prêts aux acteurs de la filière du livre.

 

 


  1  

   FICHE N° 6 :
PANORAMA DES PRINCIPALES MESURES ÉCONOMIQUES PRÉVUES PAR L’UNION EUROPÉENNE ET L’ALLEMAGNE

La dimension mondiale de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques a conduit la plupart des pays, ainsi que les institutions internationales et européennes, à adopter des mesures destinées à faire face aux difficultés sans précédent survenues.

L’examen des deux précédents projets de loi de finances rectificative pour 2020 a été l’occasion pour le Rapporteur d’étudier ces différentes mesures, en ciblant l’analyse sur les outils mis en place par l’Union européenne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique.

Il est renvoyé aux rapports faits sur ces deux projets de loi pour une présentation détaillée de ces mesures (dont la teneur en langue originale ou en anglais, selon les cas, est accessible à partir de liens) ([105]). Les développements qui suivent n’ayant pas vocation à constituer une simple répétition des précédents, ils se concentreront sur les nouveaux outils prévus par l’Union européenne et l’Allemagne.

Les lecteurs intéressés par une description complète des mesures prises par chacun des États membres de l’Union européenne pourront utilement se référer au document élaboré à cet effet par la Commission européenne, qui recense les outils mis en œuvre et présente, lorsqu’il est connu, le montant associé à chacun d’eux. La dernière mise à jour de cette liste, à la date de rédaction du présent rapport, remonte au 15 juin 2020 ([106]).

A.   LES MESURES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES PRÉVUES PAR LUNION EUROPÉENNE

1.   Les mesures européennes prises pour faire face à la crise

La réponse économique de l’Union européenne aux défis posés par la crise actuelle est sans précédent, à la hauteur des enjeux soulevés. Cette ambition est résumée par le mot d’ordre du Conseil européen du 17 mars 2020, annonçant que l’Union et ses membres feront tout pour faire face à la crise, quoi qu’il en coûte ([107]).

a.   Les mesures juridiques et budgétaires

Dès les jours qui ont suivi cet engagement, les institutions ont agi, notamment à travers le déclenchement inédit de la clause dérogatoire générale prévue dans le Pacte de stabilité et de croissance, permettant aux États de déroger à leurs obligations budgétaires, mais aussi à travers l’assouplissement des règles en matière daides dÉtat décidé par la Commission sur le fondement de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ([108]) .

Ces ajustements se sont révélés particulièrement opportuns, offrant la possibilité aux États membres dadopter les mesures jugées requises pour faire face aux conséquences de la crise. La France, à titre d’exemple, a pleinement fait usage des souplesses offertes par les institutions européennes, notamment avec le fonds de solidarité pour les entreprises (cf. infra, fiche n° 3) et l’exonération fiscale et sociale des aides versées par ce fonds.

L’action de l’Union européenne ne s’est toutefois pas cantonnée à des aménagements juridiques, même si ces derniers étaient nécessaires. L’Union a en effet mis en œuvre plusieurs mesures de soutien dans le cadre de la crise sanitaire et économique, en particulier un paquet de 540 milliards deuros décliné en trois volets :

 240 milliards deuros dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité (MES), au titre de prêts aux États membres, le déblocage des fonds se faisant sans conditionnalité sils sont utilisés pour le financement des coûts directs et indirects des soins de santé, de guérison et de prévention face à la pandémie ;

 100 milliards deuros dans le cadre du programme SURE Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency ») au titre du soutien des mesures prises en matière dactivité partielle ;

 200 milliards deuros mobilisés par effet de levier à partir du fonds paneuropéen de garantie de 25 milliards deuros créé par la Banque européenne dinvestissement (BEI).

Il est renvoyé au rapport du Rapporteur général sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 pour une présentation détaillée de ce paquet et des autres mesures budgétaires prises par l’Union européenne – telles que le plan de la BEI pour mobiliser 40 milliards d’euros pour les PME ou encore la CRII (« Coronavirus response investment initiative », soit « initiative d’investissement en réponse au coronavirus) mettant à disposition 37 milliards d’euros ([109]).

D’une manière générale, l’Union et ses États membres ont mobilisé des ressources pour un total de lordre de 3 900 milliards deuros, ainsi qu’il ressort des données publiées par la Commission européenne présentées dans le tableau et le graphique suivants.

Synthèse de la réponse économique européenne
à la crise liée au Covid‑19

Mesure

Montant
(en milliards deuros)

Mesures nationales de liquidités
(incluant celles prises dans le cadre de lassouplissement des règles daide dÉtat)

2 885

Mesures prises dans le cadre de l’assouplissement des règles budgétaires

420

Mécanisme européen de stabilité

240

Financement d’investissements par la BEI

200

Programme SURE

100

Soutien budgétaire européen direct

70

Total

3 915

Source : Commission européenne.

 

b.   Le programme d’achat d’urgence pandémique de la BCE

La Banque centrale européenne (BCE) a, elle aussi, mis en œuvre une réponse massive aux besoins nés de la crise.

Dès le 18 mars 2020, la BCE a ainsi lancé le programme dachat durgence pandémique, ou PEPP (pour « Pandemic Emergency Purchase Programme ») lui permettant d’acheter des actifs à hauteur de 750 milliards deuros.

Le 4 juin 2020, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé une extension significative du PEPP, notamment à travers une augmentation de 600 milliards deuros de lenveloppe du programme ([110]).

Cette décision a pour effet de porter le PEPP à un total de 1 350 milliards deuros.

La décision de la Cour constitutionnelle allemande du 5 mai 2020
sur les programmes d’achat de titres de la BCE

Les mesures prises par la BCE, en particulier le PEPP, ont reçu au début du mois de mai dernier une attention particulière à la suite d’une décision rendue par la Cour constitutionnelle allemande (« Bundesverfassungsgericht », ou BVerfG) considérant que le programme d’achat de dettes publiques (« Public Sector Purchase Programme », ou PSPP) était disproportionné par rapport à ses effets et excédait ainsi les compétences dévolues à l’institution (1).

La BVerfG, dans un communiqué de presse en anglais paru le 5 mai 2020 (2), a pris soin d’indiquer que sa décision ne concernait pas les mesures d’assistance prises par l’Union européenne ou la BCE dans le cadre de la crise liée au coronavirus.

La BCE, le jour même, a indiqué dans un communiqué avoir pris note de la décision de la cour allemande, ajoutant qu’elle continuerait à prendre toutes les mesures nécessaires à l’exercice de son mandat (3). Elle a également rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait déjà jugé, en 2018, que l’action de la BCE dans le cadre du PSPP relevait bien de son mandat en matière de stabilité des prix (4).

La CJUE, quant à elle, a rappelé le 8 mai 2020 qu’elle était seule compétence pour constater qu’un acte d’une institution de l’Union européenne était contraire au droit de l’Union – ce, afin de garantir l’application uniforme de ce dernier –, et que ses décisions rendues à titre préjudiciel lient le juge national quant à la solution à donner au litige (5).

(1) BVerfG, jugement du second sénat, 5 mai 2020, affaires 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15 et 2 BvR 980/16 (lien en allemand ; lien en anglais).

(2) BVerfG, La décision de la BCE sur le programme dachat de dettes publiques excède les compétences de lUnion européenne, communiqué de presse du 5 mai 2020 (lien en allemand ; lien en anglais).

(3) BCE, communiqué de presse, 5 mai 2020.

(4) CJUE, grande chambre, 11 décembre 2018, Henrich Weiss e.a., Bernd Lucke e.a., Peter Gauweiler e.a., Johann Heinrich von Stein e.a., C-493/17.

(5) CJUE, Communiqué de presse à la suite de larrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 5 mai 2020,  58-20, 8 mai 2020.

2.   Le plan de relance proposé par la Commission européenne : une initiative sans précédent

Parallèlement aux mesures prises, qui viennent dêtre présentées, la Commission européenne a présenté le 27 mai 2020 un plan de relance pour appuyer la reprise et préparer lavenir dans les meilleures conditions possibles ([111]).

a.   Un plan de relance aboutissant à un effort européen de 2 400 milliards d’euros

Le plan de relance est composé de deux volets :

 750 milliards deuros au titre de linitiative « Next Generation EU » ;

 1 100 milliards deuros au titre du cadre financier pluriannuel 2021-2027, à travers des renforcements ciblés.

En tout, la proposition de la Commission aboutit à doter le budget européen dune force de frappe de 1 850 milliards deuros entre 2020 et 2027, avec une concentration de laction les premières années, cruciales.

Si lon y ajoute les 540 milliards deuros mobilisés dans le cadre du paquet de soutien précédemment présenté, leffort global atteint un montant de lordre de 2 400 milliards deuros, soit un niveau voisin de celui du PIB de la France en 2019 dont 1 290 milliards deuros de mesures exceptionnelles  cest-à-dire au titre du paquet de soutien et de linitiative « Next Generation EU » ([112]).

b.   L’instrument « Next Generation EU », fer de lance du plan

Linstrument « Next Generation EU » consiste à permettre à la Commission demprunter 750 milliards deuros sur les marchés financiers en utilisant sa note de crédit solide, au moyen dun relèvement temporaire du plafond des ressources propres à 2 % du revenu national brut de lUnion européenne. Les fonds ainsi mobilisés seront ensuite utilisés par lintermédiaire des programmes européens et feront lobjet dun remboursement de long terme dans le cadre des futurs budgets de lUnion européenne, au plus tôt à compter de 2028 et sans dépasser 2058.

Il sagit ainsi dune mutualisation des dettes futures au niveau européen, qui trouve son origine dans linitiative historique portée par la France et lAllemagne quont présentée conjointement le Président de la République Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel le 18 mai dernier ([113]) . Ladoption définitive de ce plan sans précédent suppose une validation par le Conseil, et la France, avec dautres, sest engagée dans un effort de conviction de ses partenaires les plus sceptiques.

Linvestissement des fonds ouverts par linstrument « Next Generation EU » concilie un soutien élevé aux territoires et aux acteurs économiques et des efforts pour accélérer la transition écologique et la transformation numérique de léconomie européenne. Il devrait reposer sur trois piliers ([114]) .

 Le premier pilier vise à soutenir les États membres en matière dinvestissements et de réformes, à travers :

 560 milliards deuros au titre de la nouvelle facilité pour la reprise et la résilience ouverte à lensemble des États membres. Elle concernera en particulier les plus touchés par la crise, et comprendra :

 55 milliards deuros de fonds supplémentaires au titre de la politique de cohésion entre 2020 et 2022, destinés en priorité aux États et aux régions dans lesquels les conséquences économiques et sociales de la crise sont les plus sévères ;

 une hausse de la dotation du Fonds pour une transition juste jusquà un maximum de 40 milliards deuros pour atténuer les conséquences économiques et sociales de la transition dans les territoires les plus durement affectés ;

 un renforcement de 15 milliards deuros du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour accompagner les zones rurales dans les changements structurels dont elles ont besoin ;

 Le deuxième pilier a pour ambition de relancer léconomie de lUnion en attirant les investissements privés :

 31 milliards deuros pour le nouvel instrument de soutien à la solvabilité des entreprises à travers le provisionnement dune garantie du budget de lUnion pour la BEI afin de mobiliser jusquà 300 milliards deuros de capitaux privés ; lobjectif est daider les entreprises à faire face aux difficultés de solvabilité dues à la crise et de les accompagner dans leur transformation écologique et numérique ;

 le renforcement du programme InvestEU pour investir dans les infrastructures durables, la recherche et linnovation, la numérisation, les investissements sociaux et les compétentes, à travers :

 Enfin, le troisième pilier de linstrument est destiné à tirer les enseignements de la crise et relever les défis stratégiques de lEurope, et prévoyant à cet effet :

 9,4 milliards deuros au titre du nouveau programme « LUE pour la santé », consistant en des subventions directes afin de financer des investissements dans les systèmes de santé européens, en particulier la sécurité sanitaire, la prévention et laccès aux soins ;

 le renforcement du mécanisme de protection civile de lUnion européenne, RescEU, pour atteindre au total de 3,1 milliards deuros finançant les infrastructures de réaction aux situations durgence sanitaire ;

 le renforcement des moyens alloués à dautres programmes européens pour accroître la résilience de lUnion, et concernant notamment :

c.   Le calendrier d’adoption du plan de relance

Le plan de relance constitue une proposition dune rare ambition quil appartiendra aux institutions européennes compétentes de concrétiser selon un calendrier prévisionnel établi par la Commission européenne et qui couvre la période courant de juillet 2020 à janvier 2021 ([115]).

Dici juillet 2020, est attendu un accord politique au sein du Conseil européen sur le cadre financier pluriannuel et la décision relative aux ressources propres de lUnion. Devrait ensuite venir la consultation du Parlement européen et, au début de lautomne 2020, ladoption du cadre financier pluriannuel révisé pour la période 2014-2020.

En décembre 2020, devrait intervenir ladoption du cadre financier pluriannuel 2021-2027 en cas dapprobation du Parlement européen, et ladoption de la décision relative aux ressources propres si lensemble des États membres la ratifie.

Si ce calendrier est respecté, le nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027 et les conséquences quil emporte en termes de moyens daction de lUnion pourront être mis en œuvre dès janvier 2021.

3.   La chronologie des mesures prises par l’Union européenne dans le cadre de la crise du coronavirus, témoignage d’une réponse sans précédent

 Afin dillustrer le plus lisiblement possible limportance et la variété des actions entreprises par lUnion européenne depuis le début de la crise, il est apparu utile den dresser la chronologie, présentée dans les tableaux qui suivent.

Actions de l’Union européenne face à la crise du coronavirus
(janvier-février 2020)

Date

Action

Janvier 2020

9 janvier

Activation du système d’alerte précoce et de réaction (SAPR)

17 janvier

Réunion du Comité de sécurité sanitaire sur le nouveau coronavirus

28 janvier

Activation du mécanisme de protection civile de l’UE pour rapatrier des citoyens européens

31 janvier

Mobilisation des premiers fonds pour la recherche sur la nouvelle pandémie

Février 2020

1er février

Fourniture à la Chine d’une aide d’urgence

1er et 2 février

Premiers rapatriements de citoyens de l’UE

23 février

Fourniture à la Chine d’une aide supplémentaire

24 février

Paquet d’aides pour renforcer la préparation, la prévention et le confinement du virus au niveau mondial

28 février

Première acquisition groupée (associant l’Union et les États) d’équipements de protection individuelle (EPI)

Source : Commission européenne.

Actions de l’Union européenne face à la crise du coronavirus (mars 2020)

Date

Action

2 mars

Création d’une équipe de réaction face au coronavirus pour coordonner les moyens d’action

6 mars

Intensification de la R&D pour faire face au coronavirus (augmentation des fonds prévus et des projets de recherche soutenus)

10 mars

Initiative d’investissement en réaction au coronavirus (notamment dans la santé)

Propositions de mesures visant à atténuer l’impact de la pandémie sur l’industrie aéronautique et l’environnement

13 mars

Réponse coordonnée pour lutter contre l’impact économique du coronavirus et outils de flexibilité (notamment pour les aides d’État et le cadre budgétaire européen)

15 mars

Garantie de l’approvisionnement en EPI dans l’Union européenne

16 mars

Soutien financier d’un laboratoire pour intensifier le développement et la production de vaccins contre le coronavirus

Lignes directrices sur la gestion des frontières en matière de santé

17 mars

Constitution d’un groupe européen d’experts scientifiques sur le Covid-19

18 mars

Lignes directrices sur la protection des droits des passagers

19 mars

Encadrement temporaire en matière d’aides d’État pour renforcer le soutien à l’économie

Première réserve stratégique RescEU de matériel médical

20 mars

Mise à disposition de normes européennes sur les fournitures médicales

Activation de la clause dérogatoire générale en matière budgétaire

23 mars

Orientations pratiques sur les lignes directrices précédemment publiées

25 mars

Orientations sur la protection des technologies et actifs européens critiques

26 mars

Réaffirmation du soutien européen à la coopération internationale

Recommandations pour assurer la continuité des transports essentiels, notamment de fournitures médicales et de personnels

27 mars

Accroissement du budget destiné aux rapatriements de citoyens européens et à la réserve RescEU de matériel médical

30 mars

Orientations pratiques pour garantir la libre circulation des travailleurs exerçant des professions critiques dans la lutte contre la pandémie

Accroissement de l’aide financière aux Balkans et aux pays du voisinage oriental de l’Union

31 mars

Accroissement de l’aide financière pour renforcer le soutien aux réfugiés de Syrie et aux personnes vulnérables

Source : Commission européenne.

Actions de l’Union européenne face à la crise du coronavirus
(avril 2020)

Date

Action

1er avril

Mise au point d’une nouvelle substance de contrôle pour la fiabilité des tests de dépistage

2 avril

Proposition de mise en place de l’instrument de solidarité SURE

3 avril

Orientations pratiques pour soutenir la coopération en matière de soins de santé transfrontaliers

Exonération de droits de douane et de TVA sur les importations d’équipements médicaux

6 avril

Déblocage de fonds en faveur de 100 000 PME

7 avril

Déploiement d’équipes médicales en Italie à travers le mécanisme de protection civile de l’Union

8 avril

Annonce d’un plan de réaction européen pour soutenir les pays partenaires

Orientations sur l’optimisation de l’offre et de la disponibilité des médicaments

Invitation des États membres à prolonger de façon coordonnée la restriction des déplacements non essentiels vers l’Union

14 avril

Activation de l’instrument d’aide d’urgence de l’Union pour soutenir le secteur de la santé

15 avril

Lignes directrices sur les méthodes de diagnostic

Feuille de route sur la levée graduelle des mesures de confinement

16 avril

Accroissement des mesures de soutien au secteur agroalimentaire

Orientations sur les applications technologiques de lutte contre la pandémie

20 avril

Lancement d’une plateforme de partage de données pour les chercheurs

Coordination et cofinancement de l’acheminement de l’aide européenne en Italie, en Croatie et dans les pays voisins de l’Union

22 avril

Mesures supplémentaires exceptionnelles au secteur agroalimentaire

Proposition d’assistance macrofinancière pour dix pays voisins

23 avril

Adoption du règlement relatif aux dispositifs médicaux

24 avril

Lancement d’un appel aux dons pour la riposte mondiale au coronavirus (7,4 milliards d’euros enregistrés)

28 avril

Adoption d’un paquet bancaire pour faciliter l’octroi de prêts aux ménages et entreprises

29 avril

Renforcement du soutien financier aux Balkans occidentaux

Source : Commission européenne.

Actions de l’Union européenne face à la crise du coronavirus (mai 2020)

Date

Action

2 mai

Livraisons de masques de la réserve RescEU à l’Espagne, l’Italie et la Croatie

8 mai

Invitation à prolonger au 15 juin la restriction des déplacements non essentiels vers l’Union

Distribution d’un premier lot de 1,5 million de masques à 17 pays de l’Union et au Royaume-Uni

Mise en place d’un pont aérien humanitaire pour transporter travailleurs et fournitures vers les zones critiques dans le monde

12 mai

Sélection de huit projets de recherche à grande échelle pour les traitements et diagnostics

14 mai

Renforcement du soutien financier aux pays de la Corne de l’Afrique

19 mai

Mobilisation de fonds pour stimuler les actions urgentes de recherche et d’innovation

20 mai

Mise sur le marché d’un nouveau test de diagnostic rapide

Renforcement de l’aide humanitaire pour les pays extérieurs

26 mai

Adoption de règles temporaires prolongeant les délais de tenue des assemblées générales des sociétés européennes

27 mai

Présentation du plan de relance pour l’Europe

28 mai

Lancement d’une nouvelle campagne pour la réponse mondiale au coronavirus

Source : Commission européenne.

Actions de l’Union européenne face à la crise du coronavirus (juin 2020)

Date

Action

3 juin

Proposition de déblocage de fonds pour réparer les dommages dus à la crise et favoriser la relance

4 juin

Promesse de don de la Commission à l’Alliance du vaccin

7 juin

Pont aérien humanitaire vers la République démocratique du Congo

8 juin

Octroi de fonds aux entreprises innovantes pour lutter contre la pandémie et soutenir la relance

10 juin

Mobilisation de fonds en faveur des réfugiés de Syrie et des personnes vulnérables en Jordanie et au Liban

Proposition de mesures pour renforcer l’action contre la désinformation

11 juin

Recommandation de la Commission d’une levée partielle et progressive des restrictions de déplacements

Octroi par la BCE d’un financement de 100 millions d’euros à une société pour la mise au point d’un vaccin contre la Covid-19

15 juin

Lancement d’une plateforme en ligne pour accompagner la relance des voyages et du tourisme

16 juin

Dévoilement de la stratégie de la Commission concernant les vaccins

18 juin

Financement supplémentaire européen pour les États membres au titre de l’instrument d’aide d’urgence pour le transport de produits médicaux, d’équipes médicales et de patients

Appui financier européen à des pays africains

Source : Commission européenne.

 Cette chronologie montre que lUnion européenne, en plus des mesures financières déjà présentées, a entrepris une variété dactions destinées à soutenir la fourniture de matériels médicaux et de prévention, à aider les pays dans le besoin, y compris hors de lUnion européenne  action nécessaire compte tenu du caractère mondial de la crise  ou encore à assouplir ou adapter les réglementations applicables à certains secteurs. Toutes ces actions ont été dirigées dans une même direction : soutenir les pays, leur population et leur économie afin de faire face à la crise sans précédent qui frappe la planète.

Toutes ces mesures, quelles aient déjà été prises ou quelles soient en cours dexamen, permettront de concrétiser lambition énoncée par la présidente de la Commission, Mme Ursula von der Leyen, et qui fait écho aux annonces du Président de la République : « Cest lheure de lEurope. » ([116]).

B.   LES MESURES PRÉVUES PAR LALLEMAGNE

Comme la France et d’autres pays, et comme l’Union européenne, l’Allemagne a adopté des mesures pour soutenir son économie face à la crise qui relèvent essentiellement de deux ordres : un soutien à la liquidité des entreprises et des aides directes.

Une présentation complète de ces mesures a été réalisée par le Rapporteur général dans le cadre du deuxième projet de loi de finances, auquel il est renvoyé pour tout complément ([117]). Ne seront présentés ici qu’une synthèse générale de ces mesures et les nouveaux outils prévus depuis.

1.   Le plan de soutien à l’économie : le « bouclier protecteur »

Le « bouclier protecteur » (« Schutzschild ») constitue le plus vaste effort d’assistance économique de l’histoire de la république fédérale. Sont prévus à ce titre :

– des garanties demprunts, en lien avec la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW, établissement de crédit pour la reconstruction), notamment à travers des garanties de 80 % pour les grandes entreprises et de 90 % pour les PME et, au titre du « KfW-Schnellkredit », une garantie de 100 % des prêts pour les petites entreprises – cette garantie intégrale n’est cependant pas ouverte aux TPE et son taux d’intérêt est élevé, fixé à 3 % ;

– en complément des programmes de liquidités de la KfW, un fonds de stabilisation économique (« Wirtschaftsstabilisierungsfonds ») ciblant les plus grosses entreprises et prévoyant jusqu’à 600 milliards d’euros de soutien à travers des prises de participation temporaires (pour 100 milliards d’euros), des garanties d’emprunts (à hauteur de 400 milliards d’euros) et un refinancement de programmes existants de la KfW (jusqu’à 100 milliards d’euros) ;

– des aides directes à travers le programme d’aide immédiate (« Soforthilfeprogramm ») doté de 50 milliards d’euros.

2.   Les mesures prévues dans le cadre du plan de relance allemand

Le 3 juin 2020, l’Allemagne a dévoilé un plan de relance à hauteur de 130 milliards deuros – dont 50 milliards d’euros destinés au plan pour l’avenir –, articulé autour d’une cinquantaine de propositions ([118]).

Parmi les mesures annoncées dans le cadre de ce plan, sont prévus, au titre du soutien à la demande et à la promotion des investissements :

– une baisse temporaire de la TVA entre le 1er juillet et le 31 décembre 2020, le taux normal passant de 19 % à 16 % et le taux réduit de 7 % à 5 % ;

– un programme daide pour les PME subissant d’importantes pertes de chiffre d’affaires en raison de la crise, le Gouvernement prévoyant de consacrer à cette mesure un total de 25 milliards d’euros ;

– une prise en charge par le gouvernement fédéral et les Länder de la moitié des pertes de revenus fiscaux tirés de la taxe professionnelle (« Gewerbesteuer ») supportées par les communes ;

– différentes mesures sociales, telles que l’octroi d’une allocation de 300 euros par enfant pour les familles ou le plafonnement des taux de cotisations sociales à 40 % de la rémunération brute.

Au titre du plan d’avenir en particulier, auquel devraient être consacrés 50 milliards d’euros, le gouvernement allemand prévoit notamment :

– la promotion de la mobilité durable pour assurer la transformation du système de transport allemand, à travers, entre autres mesures :

– la transition énergétique, à travers notamment un programme d’investissements pour promouvoir la technologie hydrogène, la suppression du plafond d’expansion du photovoltaïque (fixé à 52 GW) et le relèvement de la cible relative à l’énergie éolienne offshore.

L’opportunité très relative d’une baisse de la TVA en France
sur le modèle de la mesure prévue par l’Allemagne

La baisse temporaire du taux de TVA a suscité une certaine attention en France, et a fait écho à des propositions de loi suggérant de diminuer – voire de ramener à zéro – le taux de TVA dans certains secteurs. Néanmoins, transposer en France la mesure envisagée par l’Allemagne ne paraît pas nécessairement opportun.

D’une part, et d’une manière générale, agir sur la TVA ne constitue pas nécessairement l’instrument économique le plus adapté. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) relevait, dans son rapport sur cet impôt publié en 2015 (1), que la TVA était « un instrument dincitation économique peu efficace » (2) et un « outil de redistribution non pertinent » (3).

Or, la baisse de la TVA prévue par l’Allemagne est présentée par le ministère des finances allemand comme visant non pas à améliorer les marges des entreprises, mais à accroître le pouvoir d’achat, en particulier pour les personnes à faible revenu (4). Les précédentes opérations de baisse de TVA ont pourtant montré que la répercussion du gain sur les prix n’avait été que très partielle, ce que démontre notamment le CPO dans son rapport précité, tirant comme conclusion que « le bilan économique des effets économiques de la mesure paraît faible (…) pour un coût élevé (…) et une concentration du bénéfice du dispositif sur les ménages les plus aisés » (5).

D’autre part, en France, la valeur ajoutée importée représente plus de 70 % de la valeur ajoutée consommée totale. Une baisse généralisée de la TVA reviendrait donc à subventionner les importations et donc à financer les économies des autres pays, ainsi qu’a pu le rappeler le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée le 10 juin dernier pour présenter le présent texte.

Enfin, les mesures retenues par la France, en particulier celles qui ciblent les secteurs les plus sévèrement touchés, semblent présenter un degré d’efficacité économique potentielle plus élevé – notamment s’agissant des exonérations, réductions, remises partielles et étalement de paiement portant sur les cotisations sociales, prévus à l’article 18 du présent projet de loi. Il est au demeurant rappelé à toutes fins utiles qu’en matière de TVA, le Gouvernement a prévu un remboursement accéléré des crédits de TVA et a assoupli les obligations déclaratives.

(1) CPO, La taxe sur la valeur ajoutée, décembre 2015.

(2) Id., page 158.

(3) Id., page 179.

(4) Bundesministerium der Finanzen, Das Konjonkturpaket : « Das stärkt die Kaufkraft und kommt insbesondere Bürgerinnen und Bürgern mit geringeren Einkommen zugute, die einen größeren Teil ihres Einkommens ausgeben. » (« Cela renforce le pouvoir dachat et bénéficie en particulier aux citoyennes et citoyens avec un faible revenu, qui dépensent une plus grosse partie de leurs revenus. »)

(5) CPO, rapport précité, page 179.

*

*     *

La présentation des mesures prises et prévues par l’Union européenne et l’Allemagne, ainsi que celle déjà faite lors des précédents projets de loi de finances s’agissant de l’Espagne, de l’Italie, du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique, montrent une action sans précédent des pouvoirs publics pour soutenir les populations et l’économie et permettre aux pays concernés et, plus largement, à la planète, de faire face à la crise et de préparer l’avenir.

L’Union européenne, ainsi qu’il a été vu, est à la hauteur de son rôle. La France tient son rang, les outils mis en œuvre témoignant sans équivoque des efforts inédits entrepris pour les Français et le tissu économique du pays. Si certaines réponses diffèrent d’un État à l’autre, toutes poursuivent un objectif commun.

Les mesures figurant dans ce troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 attestent sans équivoque de cette ambition en ce qui concerne la France. Combinées à celles déjà mises en place, elles font écho, de façon éloquente, aux propos du Président de la République, qui avait annoncé aux Françaises et aux Français dès le 12 mars dernier que seront mobilisés « tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi quil en coûte [, que] tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises quoi quil en coûte, là aussi » ([119]).

*

*     *

 

 

 

 


  1  

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITIONS DE LA COMMISSION

AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR LAVIS DU HAUT CONSEIL RELATIF AU TROISIÈME PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2020

Lors de sa séance du mercredi 10 juin 2020 matin, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques.

M. le président Éric Woerth. Nous avons le plaisir d’accueillir, pour la première fois en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, Pierre Moscovici, qui a été nommé la semaine dernière Premier président de la Cour des comptes, qui vient présenter l’avis du Haut Conseil sur le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

En application de l’article 15 de la loi organique de décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il revient au Haut Conseil d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques qui fondent le projet de loi de finances rectificative (PLFR), ainsi que sur la cohérence entre l’article liminaire du PLFR et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022.

Dans son avis sur le deuxième PLFR à la mi-avril, le Haut Conseil avait déjà souligné les fortes incertitudes qui pesaient sur les prévisions macroéconomiques, affectant le scénario de finances publiques, notamment s’agissant des recettes fiscales et sociales. Il avait ajouté que des risques significatifs pesaient sur le montant des dépenses.

Moins de deux mois plus tard, cet avis sur le troisième PLFR n’en est que plus important car il est susceptible de nous confirmer ou non dans cette analyse inquiétante de l’imprévisibilité. Il aura certainement le mérite de nous aider à tenir un discours de vérité – sachant que la vérité reste assez relative dans ces sables mouvants.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je suis heureux de vous retrouver : je connais bien cette commission pour y avoir siégé comme membre et y être venu à plusieurs reprises lorsque j’étais ministre de l’économie et des finances ou commissaire européen… à croire que mon destin était de rester ma vie durant à la commission des finances de l’Assemblée nationale ! Je veux vous assurer de mon entière disponibilité : la Cour des comptes, à équidistance de l’exécutif et du législatif, entretient un lien essentiel avec le Parlement et je veillerai à toujours à vous donner la priorité.

Cette présentation est mon premier acte en tant que Premier président de la Cour des comptes et, à ce titre, président du Haut Conseil des finances publiques, puisque c’est seulement quelques heures après que le Président de la République m’a confié cette responsabilité que le Haut Conseil a été saisi pour avis. Je veux souligner à quel point cette institution, à laquelle je suis particulièrement attaché, est une structure légère qui travaille vite et bien. Je l’ai portée sur les fonts baptismaux en 2012 lorsque j’étais ministre de l’économie et des finances ; tout au long de mon mandat de commissaire européen entamé en 2014, j’ai souhaité entretenir un dialogue étroit avec les institutions financières et budgétaires indépendantes. Le Haut Conseil m’a auditionné à deux reprises, au début du semestre européen et à sa conclusion. À Bruxelles, j’ai toujours veillé à ce que les avis du Haut Conseil, comme ceux de ses homologues européens, soient pris en compte par la direction générale des affaires économiques et financières (ECFIN) pour apprécier les trajectoires financières nationales. C’est nourri de cette expérience que je présiderai cette institution, placée au cœur de la gouvernance française des finances publiques et résolument orientée vers l’Europe.

Le Haut Conseil est chargé de veiller à la sincérité des prévisions macroéconomiques et de finances publiques établies par le Gouvernement. Son regard est aussi européen puisqu’il est compétent pour apprécier la cohérence de la trajectoire de finances publiques avec nos engagements européens.

Les finances publiques, la France, l’Europe, ce sont là des enjeux qui me sont chers et qui constituent le fil directeur de ma vie politique. Bien que celle-ci se soit achevée il y a une semaine avec ma nomination, je reste un acteur du débat public. Les liens entre nos institutions doivent se resserrer. Je vous le dis avec la sensibilité qui est la mienne, celle d’un ancien député, et avec conviction : il revient au Haut Conseil d’éclairer le législateur, cela fait partie de sa vocation. L’examen indépendant de la trajectoire des finances publiques est indispensable à la qualité et à la sincérité des prévisions gouvernementales sur lesquelles sont établis les textes financiers qui vous sont soumis.

Je m’attacherai dans les prochains mois à convaincre les pouvoirs publics de la nécessité de renforcer la portée des travaux du Haut Conseil ainsi que les moyens qui lui sont attribués – pour l’heure extraordinairement limités : deux équivalents temps plein. Il faut tirer pleinement profit de cette institution, qui représente une aide substantielle pour le Parlement. J’en ai parlé avec le Président de la République : nous devons renforcer les missions, le champ de compétences et les moyens du Haut Conseil, à l’image des institutions analogues de nos partenaires européens, autrement mieux dotées et aux compétences plus étendues.

Pour la troisième fois en moins de trois mois, le Haut Conseil rend un avis sur un PLFR. C’est un fait unique dans l’histoire budgétaire : depuis la mise en œuvre de la LOLF, jamais autant de PLFR n’ont été présentés à une cadence aussi élevée. Ces procédures exceptionnelles ne sauraient être critiquées : elles sont malheureusement le reflet de la crise sanitaire et économique, ainsi que de la très forte incertitude qui l’accompagne.

Les textes financiers ont dû être révisés à plusieurs reprises pour tenir compte des évolutions macroéconomiques et des mesures décidées par les pouvoirs publics, dans une situation totalement imprévisible. Les ajustements apportés par les deux précédentes LFR sont très significatifs. Ce troisième projet de loi révise la croissance de trois points de PIB, le déficit de plus de deux points, la dette de plus de cinq points. En seulement trois mois, les modifications apportées à la trajectoire macroéconomique et des finances publiques sont massives et inédites. Entre la loi de finances initiale et ce troisième PLFR, les prévisions se sont dégradées de plus de douze points de croissance, de neuf points de déficit public et de vingt-deux points de dette – c’est dire l’ampleur du choc.

Cette crise est sans doute la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. Les mesures de confinement prises dans le monde entier pour freiner la pandémie ont conduit à une récession d’une ampleur inédite. Les effets de la crise se sont fait ressentir dès le premier trimestre avec des baisses de PIB de 9,8 % en Chine, de 1,3 % aux États-Unis, de près de 4 % dans la zone euro par rapport au quatrième trimestre 2019. Dans la plupart des pays, la chute de PIB s’annonce nettement plus forte au deuxième trimestre, des pans entiers de l’économie ayant été mis à l’arrêt. Les prévisionnistes auditionnés par le Haut Conseil attendent un rebond de l’activité au second semestre, mais, en dépit de la réaction rapide des politiques économiques, tant nationales qu’européennes, la baisse de PIB devrait être très marquée sur l’ensemble de l’année 2020. Dans l’une de ses toutes dernières prévisions, la Banque centrale européenne (BCE) estimait que le PIB de la zone euro se contracterait au total de 8,7 % en 2020. Nous n’avons pas encore intégré les dernières estimations de l’OCDE.

La France n’échappe pas à la profonde récession qui a gagné l’ensemble de nos partenaires : après une baisse de 5,3 % du PIB enregistrée au premier trimestre, le pays connaîtrait un recul de près de 20 % du PIB au deuxième trimestre selon l’INSEE. Depuis un mois, les effets du déconfinement ont permis un redémarrage, encore très partiel, de l’économie ; le rebond de l’activité devrait se poursuivre au cours du second semestre. Toutefois, selon l’avis concordant du Haut Conseil et des prévisionnistes, la reprise ne devrait pas permettre d’ici à la fin de l’année un retour au niveau d’activité de la fin 2019 : cela devrait prendre deux ans selon la Banque de France.

Contrairement au scénario présenté dans le deuxième PLFR, le Gouvernement ne fait pas l’hypothèse d’un retour à la normale rapide. Il prévoit ainsi que l’activité restera au second semestre nettement en dessous de son niveau de fin 2019. Dans l’hypothèse où il n’y aurait pas de deuxième vague massive, où l’état d’urgence serait levé le 10 juillet et où les restrictions aux déplacements internationaux seraient progressivement levées, le Gouvernement prévoit un recul du PIB de 11 % cette année, ce qui correspond également à la prévision de l’OCDE.

Le Haut Conseil note que des aléas aussi bien positifs que négatifs peuvent encore peser sur l’activité. Le risque d’une résurgence de l’épidémie ne peut pas être totalement écarté ; la dégradation de la situation financière de nombreuses entreprises pourrait provoquer un surcroît de faillite et entraîner un repli de l’investissement encore plus marqué que celui prévu par le Gouvernement. La prévision pourrait cependant être améliorée car les mécanismes de soutien mis en place par les pouvoirs publics, comme l’activité partielle ou les exonérations sectorielles de cotisations, pourraient accélérer le rebond de l’activité. Le troisième PLFR fait l’hypothèse que l’épargne contrainte constituée par les ménages pendant le confinement ne sera pas consommée au cours du second semestre 2020. Si cette épargne, estimée à 100 milliards d’euros par le PLFR, venait à être partiellement utilisée, le surcroît de consommation pourrait laisser espérer une chute du PIB moins forte. Le Haut Conseil a considéré que la prévision du Gouvernement d’un recul de l’activité de 11 % en 2020 était « prudente ».

Le Haut Conseil a examiné le scénario d’inflation et d’emploi du Gouvernement. Sous l’effet du repli du prix des matières premières et du recul de la demande globale, l’inflation reculerait en 2020 pour s’établir selon le PLFR à 0,4 %. Compte tenu de l’ampleur attendue de la récession, le Haut Conseil considère que cette prévision pourrait se révéler encore trop élevée en 2020. Elle serait compatible, en revanche, avec une reprise de l’activité nettement plus forte que prévue par le Gouvernement.

Par ailleurs, le troisième PLFR prévoit un recul important de l’emploi total : un million d’emplois pourraient être perdus fin 2020 par rapport à la fin 2019. Cette prévision suppose que les destructions d’emplois seront limitées par le dispositif d’activité partielle. Le Haut Conseil estime que le niveau de l’emploi pourrait être un peu plus élevé que celui prévu par le Gouvernement.

Le troisième PLFR pour 2020 révise la trajectoire de finances publiques pour prendre en compte la dégradation des hypothèses macroéconomiques mais aussi les nouvelles mesures de soutien. Ce PLFR relève également le montant prévisionnel de certaines mesures de soutien déjà mises en œuvre, pour lesquelles le Haut Conseil avait noté des risques de dépassement dans son avis précédent, en particulier l’activité partielle et le fonds de solidarité en faveur des petites entreprises. Autrement dit, ce PLFR repose sur des prévisions plus réalistes pour les mesures de soutien que celles décidées auparavant.

La prévision de déficit du Gouvernement s’établit désormais à 11,4 points de PIB, un niveau là encore jamais atteint depuis la Seconde Guerre mondiale. La dégradation est considérable : 9,2 points de PIB par rapport à la LFI et 2,3 points par rapport à la deuxième LFR.

Les prévisions de recettes sont une nouvelle fois significativement abaissées. Le Gouvernement retient un recul des prélèvements obligatoires équivalent à celui du PIB, ce qui correspond à une élasticité au PIB des prélèvements obligatoires de 1. Nous considérons qu’il est possible d’atteindre un tel niveau de prélèvements obligatoires, mais la prévision paraît toutefois entourée d’aléas négatifs sur l’impôt sur le revenu et sur les prélèvements sociaux, dont les prévisions n’ont pas été modifiées en dépit de la dégradation du scénario macroéconomique.

S’agissant des dépenses, le troisième PLFR révise à la hausse le montant des dépenses exceptionnelles, qui passe de 42 à 57 milliards d’euros. Cette enveloppe inclut notamment une hausse de 11,5 milliards d’euros des crédits du budget général de l’État, qui se traduit par l’ouverture de crédits supplémentaires pour l’activité partielle ainsi que par divers dispositifs sectoriels en faveur de l’automobile, de la culture ou de la presse. Dans le périmètre des administrations de sécurité sociale, ces dépenses supplémentaires recouvrent principalement les surcoûts liés à l’assurance chômage, tandis que la prévision de dépenses d’assurance maladie demeure inchangée. Ce surcroît de dépenses est une composante du plan d’ensemble de 133,5 milliards d’euros, qui intègre 76,5 milliards de mesures sans effets sur les soldes publics. En outre, le soutien du Gouvernement prend aussi la forme de garanties de prêts aux entreprises pouvant atteindre 327 milliards d’euros.

Dans l’ensemble, le Haut Conseil considère que des aléas à la hausse et à la baisse peuvent influer sur les recettes et les dépenses des administrations publiques. Des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient rehausser les recettes publiques et limiter à due concurrence le creusement du déficit. De l’autre côté, les mesures de soutien à l’activité annoncées par le Gouvernement, notamment les plans sectoriels et de relance, n’ont pas toutes été traduites dans ce PLFR. De surcroît, une partie des mesures que le Gouvernement considère comme n’ayant pas d’effets directs sur le solde pourraient finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année.

La cohérence de la prévision de solde structurel du Gouvernement avec les orientations pluriannuelles s’apprécie au regard de la trajectoire de solde structurel, c’est-à-dire le solde public corrigé des fluctuations conjoncturelles et des mesures ponctuelles et temporaires. Le troisième PLFR a révisé les estimations de déficit structurel à 2,2 points de PIB en 2019 et 2020 contre 2 points dans le précédent PLFR ; le Gouvernement tient ainsi compte des modifications apportées par l’INSEE à l’estimation du PIB sur les années 2007 à 2019.

Cette révision me conduit à formuler deux observations.

S’agissant des années 2018 et 2019, le déficit structurel cumulé est supérieur d’un peu moins de 0,4 point à l’objectif fixé en loi de programmation. Cet écart reste inférieur au seuil de déclenchement du mécanisme de correction, à 0,5 point, mais il est supérieur à celui estimé dans le projet de loi de règlement pour 2019, actuellement examiné en première lecture. En cela, l’avis du Haut Conseil sur ce PLFR actualise l’avis émis sur le projet de loi de règlement.

S’agissant de 2020, nous relevons que le déficit structurel de 2,2 points de PIB, tel qu’estimé par le Gouvernement, s’écarte cette fois de 0,6 point de PIB de la trajectoire prévue par la loi de programmation. Cet écart, s’il était confirmé lors de l’examen du projet de loi de règlement de 2020 par le Haut Conseil au printemps 2021, conduirait au déclenchement du mécanisme de correction.

Je me permets ici d’ouvrir une parenthèse qui n’est pas sans lien avec mes responsabilités antérieures. À l’automne dernier, la Commission européenne avait conclu que le projet de budget français pour 2020 était en risque de non-conformité avec le pacte de stabilité et de croissance. En effet, la LFI est construite sur un ajustement structurel quasi nul, alors même que l’objectif de réduction annuelle des déficits structurels requis par nos règles de gouvernance est de 0,5 point de PIB, soit environ 15 milliards d’euros. Cette estimation vaut ce qu’elle vaut, tant il est vrai que le pacte de stabilité de croissance est de facto suspendu et que chacun sait – je l’avais proposé quand j’étais commissaire – qu’une révision en profondeur de celui-ci est nécessaire. Je me devais néanmoins de souligner que la trajectoire prévue avant même la crise sanitaire s’écartait déjà de nos engagements européens.

Le Haut Conseil considère que le déficit structurel pourrait en outre se révéler plus élevé que prévu dans ce troisième PLFR. Deux éléments sous-tendent notre appréciation. D’une part, certaines des dépenses liées à la crise sanitaire, considérées comme temporaires par le Gouvernement, pourraient être prolongées au-delà de 2020. Si ces dépenses ne devaient pas être considérées comme des mesures de « one-off » à Bruxelles, cela aurait pour conséquence mécanique de détériorer le solde structurel.

D’autre part, l’évaluation du PIB potentiel risque d’être revue à la baisse. Le PIB potentiel, qui correspond à la capacité de production soutenable d’une économie, est au cœur du mandat du Haut Conseil ; il est un repère indispensable lorsque l’on calcule le solde structurel. Une révision à la baisse du PIB potentiel impliquerait une dégradation du déficit structurel. Or la hausse du chômage pourrait entraîner des pertes de capital humain massives, tandis que la hausse des faillites d’entreprises et la baisse des investissements devraient affecter les capacités de production. Il existe un risque que la productivité ressorte affaiblie de la crise, en raison notamment de la mise en œuvre des mesures de protection sanitaire. Le solde structurel pourrait donc s’éloigner davantage encore que prévu de la trajectoire programmée.

Je terminerai mon propos par un constat et par un message.

Le constat porte sur le niveau de dépenses : le Gouvernement prévoit pour 2020 une augmentation de 6,4 % des dépenses publiques par rapport à 2019. Jointe à la baisse du PIB, cette progression exceptionnellement forte conduirait le niveau de dépenses publiques à 63,6 % du PIB – un niveau jamais atteint au cours de ces soixante-dix dernières années.

Le message, cela ne vous surprendra pas, a trait à la dette publique. Le troisième PLFR révise la prévision de dette publique rapportée au PIB de plus de 5 points par rapport au précédent, et de 22 points par rapport à la LFI, pour la porter à plus de 120 points de PIB. Depuis la création de l’euro en 1999 et jusqu’à l’an dernier, un tel niveau n’avait été atteint au sein de la zone euro que par très peu de pays. Le niveau de la dette se dégrade partout dans la zone euro. Nous savons que les conditions de financement de la dette sont extrêmement favorables, notamment grâce à l’action résolue de la BCE : cela implique que nous relativisions nos jugements sur la dette publique. Il n’en demeure pas moins, et je suis certain que le rapporteur général sera d’accord avec moi, que cette hausse massive, qui s’ajoute à une croissance quasi ininterrompue depuis dix ans, maintient la dette à un niveau extrêmement élevé. In fine, la dette devra être remboursée. Cette situation fragilise la soutenabilité à moyen terme de nos finances publiques. Elle requiert vigilance et intelligence collective pour traiter de cette question dans les années à venir.

M. le président Éric Woerth. Vos propos montrent une incertitude majeure. L’insoutenabilité de la situation est le sujet de ce troisième PLFR et du futur projet de loi de finances pour 2021 qui sera discuté à l’automne.

L’OCDE table sur une récession entre 11 et 14 % pour la France. 11 %, c’était du jamais vu ; 14 %, ce serait colossal. Je ne suis pas de nature pessimiste, mais il n’empêche que la situation peut avoir des conséquences catastrophiques sur notre économie.

Le déficit prévisionnel, d’une ampleur comparable à la récession, n’intègre pas certaines mesures de trésorerie comme le prêt garanti par l’État (PGE). Elles sont comptabilisées dans les plans que l’on accumule mais n’ont pas d’impact direct sur les finances publiques ; mais elles pourraient en avoir un en cas de défaillances de remboursement ; or il y en aura, même si personne ne le souhaite, et il serait bon d’essayer au moins de les mesurer.

Les mesures budgétaires égrenées dans les plans quasiment hebdomadaires qui nous sont présentés – dont celui en faveur de l’aéronautique, annoncé hier – ne sont pas intégrées, dites-vous, dans les dépenses que vous avez prises en compte.

Les reports d’échéances, notamment sociales, sont évidemment intégrés comme des mesures de trésorerie ; elles n’ont donc pas nécessairement d’incidence. En revanche, les exonérations qui leur succéderont, au profit du secteur touristique par exemple, ou des petites entreprises, ne le sont probablement pas non plus, en tout cas pas en totalité.

La notion de PIB potentiel n’est pas du tout négligeable. Vous avez raison de dire qu’avec un PIB potentiel qui équivaut à peu près au PIB réel d’avant la crise, nous abordons la situation dans une faiblesse relative par rapport aux autres pays. Ce n’est vraiment pas suffisant pour reprendre la main et revenir au niveau de la fin du mois de février. Les risques sont importants et ne sont pas conjoncturels. La probabilité d’un PIB potentiel plus faible est au moins implicite dans vos propos.

Vous avez parlé de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage. Ce risque du chômage a pour nous tous un effet proprement terrorisant. Nous avions déjà un chômage de masse : il sera encore plus massif, ce qui est socialement inacceptable.

J’espère que la baisse de la productivité est ponctuelle. Toutefois, les conditions de travail actuelles ne concourent pas à ce qu’elle se rétablisse rapidement. La consommation était tellement basse qu’elle ne peut que rebondir ; mais la reprise de l’investissement sera plus lente. La notion de PIB potentiel est fondamentale, en ce qu’elle déterminera notre capacité à revenir plus vite que le fil de l’eau pour retrouver un niveau de croissance satisfaisant.

S’agissant des engagements européens, je partage votre opinion. Pour le moment, ils sont suspendus – je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. En tout cas, on a atteint les limites du système de Maastricht, ce qui ne veut pas dire qu’on a atteint les limites d’un système de discipline collective dès lors qu’on partage la même monnaie. Il faut essayer de remettre les choses à un niveau de réalité qui ne soit pas fictif, notamment en ce qui concerne la dette.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, je vous remercie pour votre présentation complète.

Les questions du président de notre commission vont dans le sens de mon intervention.

On peut résumer ce projet de loi de finances rectificative en quatre grandes parties. Au-delà de l’adaptation et de la redéfinition des trajectoires de finances publiques, il prévoit la poursuite du soutien d’urgence avec les quatre grandes mesures phares qui ont été exposées dans les deux premiers collectifs budgétaires – activité partielle, garantie d’État, fonds de solidarité, reports de charges – une annulation de charges pour certains secteurs et un début de soutien plus sectoriel. Alors que l’activité repart pour nombre d’entreprises, d’autres sont encore contraintes ou freinées pour des raisons évidentes de crise sanitaire toujours présente et doivent être accompagnées plus fortement. Est également prévu un soutien aux collectivités territoriales et aux publics les plus fragiles.

Vous relevez dans votre avis la prudence du Gouvernement s’agissant de sa prévision de contraction de l’activité, plus pessimiste que beaucoup d’enquêtes indépendantes, même si, vous l’avez dit, l’OCDE brosse aujourd’hui un tableau de prévisions assez noir. Vous relevez aussi l’hypothèse de rentrées fiscales plus importantes que prévu. Avez-vous mesuré différentes modélisations de finances publiques plus raisonnables ou plus optimistes que les prévisions du Gouvernement et à plus forte raison de l’OCDE ?

L’avis du Haut Conseil rappelle aussi que la Commission européenne a baissé de 0,4 point le niveau de croissance potentielle en France. Vous relevez que la crise pourrait peser durablement sur l’emploi. C’est un vrai souci, pour nous parlementaires, qui devrait nous occuper durablement pendant les prochains mois à cause d’une baisse des investissements des entreprises et d’un certain nombre de faillites, hélas ! à prévoir.

Dans ce contexte, considérez-vous que le solde structurel de 2,2 points soit crédible ? J’aimerais connaître votre avis sur la capacité à tenir ce déficit structurel, d’autant que certaines mesures de soutien annoncées comme temporaires semblent déjà se muer dans votre discours en mesures structurelles. Selon vous, lesquelles de ces mesures seront à intégrer dans le solde structurel, ce qui dégradera très probablement le déficit à terme ?

Vous avez révélé qu’une partie des mesures de soutien annoncées par le Gouvernement ne figure pas dans le PLFR. Pouvez-vous y revenir en détail ? Surtout, quelles sont leurs modalités de financement ?

Je vous remercie d’avoir abordé la question de l’endettement sur laquelle je travaille beaucoup. Je suis tout à fait d’accord avec votre conclusion : il faut veiller à ce que la dette soit remboursée, quand bien même la France peut se permettre l’endettement face à la crise. Les deux ne sont pas incompatibles. J’aimerais connaître votre avis sur le regard des investisseurs. Que doit faire notre pays pour rendre crédible la soutenabilité de notre dette dans les prochains mois ? Une relance va être probablement annoncée par le Président de la République et le ministre de l’économie. Comment doit-elle être préparée et annoncée pour rassurer nos créanciers pour les prochains mois et les prochaines années ?

M. Pierre Moscovici. J’aimerais pouvoir répondre complètement à vos questions, et faire en sorte que le Haut Conseil des finances publiques mérite totalement son nom, autrement dit qu’il soit réellement un conseil des finances publiques à équidistance entre le Gouvernement et le Parlement, ce qui suppose d’en accroître à la fois la compétence et les moyens. Je résiste néanmoins à l’envie que je pourrais avoir, au nom d’un passé désormais révolu, de vous répondre complètement et de m’engager dans le débat.

Nous n’avons pas les moyens de faire des modélisations : nous travaillons sur la base du consensus des prévisions, en lien avec les administrations que nous auditionnons, ce que j’ai fait dès mon arrivée. Pour l’heure, le Haut Conseil n’élabore pas de prévisions et ses moyens sont limités. Il conviendrait que cela change, car cela nous permettait de jouer davantage un rôle de conseil et de le faire en permanence et pas seulement à telle ou telle occasion. Je rencontrerai le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget pour aborder cette question, car c’est à la fois l’intérêt du Gouvernement, du Parlement et du pays que d’avoir un tiers de confiance indépendant capable d’élaborer ces notions et contribuer à les formuler.

Ces limitations étant posées, je vais m’efforcer de répondre à vos questions.

Un point de croissance en plus ou en moins représente tout de même 20 milliards d’euros, ce qui est considérable. La plupart des annonces du Gouvernement sont incluses dans le capital des dépenses du PLFR : c’est le cas du plan tourisme pour lequel 3 milliards d’euros d’exonérations de recettes sont prévues. Cela étant, des annonces sectorielles à venir viendront s’y ajouter : c’est le cas d’une partie des mesures de soutien au secteur aéronautique.

M. le président souhaite avoir un exemple de mesures temporaires susceptibles d’être étalées sur deux ans. Je pense aux dépenses de santé qualifiées d’exceptionnelles, qui représentent 8 milliards d’euros, aux exonérations ciblées de cotisations et à l’activité partielle.

Nous avons qualifié de prudente la prévision du Gouvernement. Si l’on examine le consensus forecast, autrement dit l’ensemble des prévisions macroéconomiques, cette fois-ci le Gouvernement est plutôt un peu plus pessimiste. Ce consensus vient d’être brisé par l’OCDE, qui est encore un peu plus pessimiste, en tout cas qui est identique sur le scénario de base, celui d’une amélioration assez durable de la situation et d’une mise sous contrôle du virus. Comme le Gouvernement, l’OCDE prévoit un recul de l’activité de 11 %, et, dans l’hypothèse d’une deuxième vague, de 14 %. Il ressort des débats du Haut Conseil qu’il y avait en effet des aléas à la hausse et à la baisse, mais que les aléas à la hausse étaient relativement plus nombreux que les aléas à la baisse et qu’on ne pouvait exclure une « bonne surprise » compte tenu des niveaux de récession atteints. Nous pensons, au final, sur la base de ce que nous connaissons aujourd’hui, qu’en 2020 la croissance pourrait être un peu plus élevée ou la récession un peu moins marquée que prévu.

Je le répète, nous sommes face à des réalités mouvantes avec des paramètres que nous ne maîtrisons pas, à commencer par la situation sanitaire. C’est ce qui motive les deux hypothèses de l’OCDE.

Le Haut Conseil considère que nous ne pouvons pas penser que le PIB potentiel serait complètement exclu de l’évolution que nous connaissons. Nous pensons qu’il y a clairement là un aléa à la baisse et que la réduction du PIB potentiel pourrait s’imposer à plus ou moins brève échéance. De la même façon, s’agissant du déficit structurel, le Haut Conseil considère que si le scénario du Gouvernement n’est pas à exclure, la dégradation pourrait être plus élevée que prévu.

Permettez-moi enfin de vous faire part d’une opinion un peu personnelle sur les engagements européens. Mon point de vue est connu de longue date : je n’ai pas à me prononcer sur la durée de la suspension éventuelle du pacte de stabilité et de croissance, mais lorsque j’étais commissaire européen, j’étais déjà convaincu que nous avions atteint les limites de ce que nous pouvions faire, y compris en matière de flexibilité. Le système devra être repensé après cette pandémie, compte tenu des traces durables qu’elle laissera sur le paysage des finances publiques : il n’est plus possible de rester accrochés aux ancres de Maastricht, il faut engager dès maintenant le débat sur la révision du pacte de stabilité et de croissance. Je partage pleinement votre avis : nous avons besoin de règles. Même lorsqu’on dépense massivement, il faut être très attaché à la qualité de la dépense publique, à la façon dont les deniers publics sont dépensés. C’est un des rôles de la Cour des comptes, et elle restera à cet égard un auxiliaire du Parlement.

Le pacte de stabilité et de croissance doit d’abord être plus lisible. Or il est terriblement complexe. Ensuite, il doit être intelligent et pas automatique : si l’on est incapable d’apporter des éléments d’intelligence collective ou de jugement, on risque d’aboutir à des décisions parfaitement contre-productives. Enfin, il doit être sérieux tout en étant de nature à soutenir la croissance dans une période où nous en aurons besoin pour nos économies et pour l’emploi. Mais en posant ces trois paramètres, je vous fais part d’un sentiment un peu plus personnel, non de l’avis du Haut Conseil.

M. le président Éric Woerth. Nous l’avons bien compris, et c’est très intéressant.

Mme Cendra Motin. Comme vous, je pense que la crise doit être un élément de rapprochement entre la Cour des comptes et le Parlement. Notre groupe est plus que jamais attaché aux travaux d’évaluation des politiques publiques et cette exigence est plus que jamais d’actualité.

L’avis du Haut Conseil est tout à la fois préoccupant et rassurant.

Préoccupant, car les chiffres présentés sont sans précédent : recul de l’activité de 11 %, déficit public pour 2020 actualisé à moins 11,4 %, dette publique dépassant les 120 % du PIB. Indéniablement, le choc est violent, profond, et le retour à la normale n’est pas envisageable à court terme. Il faut mettre au crédit du Gouvernement sa transparence sur l’état des finances publiques et de notre économie et la présentation d’un troisième collectif budgétaire en trois mois. Il nous faut accepter collectivement que nous ne vivons plus dans le même monde que celui de la loi de programmation des finances publiques.

Rassurant, puisque nous trouvons, à la page 10 de votre avis, la synthèse des mesures de soutien dédiées, ce PLFR inclus, pour aider les Français à traverser le mieux possible cette crise sanitaire. 57,2 milliards d’euros de mesures affectent le déficit public, dont plus de la moitié consacrée au dispositif d’activité partielle ; 76,5 milliards d’euros de mesures n’affectent pas le déficit mais sont utiles pour les entreprises, notamment au travers des reports de charges massifs pendant le confinement. Au total, ce sont 133,7 milliards d’euros au service de l’emploi et des entreprises. C’est pourquoi je m’étonne du procès permanent en austérité, car l’avis du Haut Conseil fait également état d’un niveau de dépenses publiques rapporté au PIB de 64 %.

Le Haut Conseil estime que l’emploi est potentiellement sous-évalué dans les hypothèses du Gouvernement. Pourriez-vous revenir sur cette estimation ? Savez-vous évaluer la proportion d’emplois sauvegardés par le dispositif d’activité partielle ?

Vous avez également évoqué l’épargne des Français comme un gisement de croissance potentielle. Pensez-vous que celle-ci pourrait être mieux orientée pour l’investissement public, au-delà par exemple du seul logement social pour le livret A ?

Ma dernière question s’adresse à l’ancien commissaire européen. Pensez-vous que l’initiative franco-allemande soutenue par la présidente de la Commission d’un plan d’investissement sera de nature à limiter les effets de la crise d’investissement que nous redoutons tous ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Entendons-nous sur les termes : la crise que nous connaissons est conjoncturelle, mais elle aura des conséquences sur le déficit structurel, estimé à 2,2 points de PIB. Comme le PIB potentiel va être inévitablement revu à la baisse, vous estimez que l’impact sera de 0,6 point sur le déficit structurel, ce qui va inévitablement déclencher le mécanisme de correction puisque l’écart par rapport à la loi de programmation de janvier 2018 sera trop important.

D’après vos données, 1,2 million d’emplois seront perdus à la fin de l’année. Toutefois, les économistes s’accordent pour dire qu’il pourrait y avoir encore un million d’emplois supplémentaires perdus en 2021. Y a-t-il une corrélation entre le niveau de perte d’emploi et le pourcentage du recul du taux de croissance ?

Vous citez dans votre document les mesures provisoires sans conséquence sur le déficit, pour un montant de 76,5 milliards d’euros. La Fédération bancaire française explique que 30 % environ des prêts n’auraient pas été consentis s’il n’y avait pas eu une garantie de l’État. Peut-on considérer que ces 30 % de risques pourraient sortir des mesures provisoires ?

Enfin, vous appelez à une vigilance particulière puisque notre niveau de dette devrait dépasser 120 points de PIB. Mais cela suffira-t-il ?

M. Mohamed Laqhila. Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour votre nomination. J’attache moi aussi une importance fondamentale au rôle du Haut Conseil qu’il faudra certainement renforcer à l’avenir.

Je remercie le Haut Conseil des finances publiques pour son avis comme d’habitude assez complet, même dans cette période ô combien chargée d’incertitudes. Il considère que les prévisions de croissance du Gouvernement sont prudentes et je partage cette analyse. Le Haut Conseil a-t-il discuté de prévisions au-delà de 2021 ? Pensez-vous que la reprise sera, pour reprendre les termes à la mode, en V, en W, en U, en L, etc., ou en racine carrée ?

Vous considérez que la hausse quasi ininterrompue de la dette publique depuis dix ans – en réalité, tout au long des quarante dernières années – fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France. Nous partageons votre inquiétude, mais souhaitons rappeler qu’une forte stimulation budgétaire est nécessaire pour réduire au mieux le risque d’hystérèse du chômage, c’est-à-dire une situation dans laquelle le taux de chômage d’équilibre augmente durablement alors même que sa cause a disparu. Le Haut Conseil a-t-il un avis sur l’évolution des taux des obligations souveraines à moyen terme, notamment en lien avec vos observations sur l’évolution de l’inflation ?

Enfin, quels sont, selon vous, les plans sectoriels qui seraient oubliés dans le troisième PLFR ?

M. Jean-Louis Bricout. Vos analyses sont-elles en phase avec les prévisions de la Banque de France ? Pourriez-vous nous préciser vos éventuels points de divergence ? Selon elle, le PIB retrouverait son niveau à mi-2022. Alors que vous annoncez une baisse du PIB de 10 %, la Banque de France table sur 11 %, ce qui fait un écart de 20 milliards d’euros. Quelle est votre analyse sur ces écarts ? On annonce aussi un taux de chômage de 11,5 %, une consommation à la baisse de 9 %, un effondrement des investissements des entreprises de 23 % et un taux d’épargne de 22 %.

La situation paraît aussi fortement dégradée par rapport à d’autres pays européens. Votre analyse semble d’ailleurs corroborée par celle de l’OFCE. Comment expliquez-vous ces écarts ?

S’agissant de la soutenabilité de la dette, quel conseil pourriez-vous formuler pour crédibiliser notre pays à la veille de l’annonce du plan de relance ?

Vous faites état d’une épargne de précaution des ménages qui pourrait atteindre 100 milliards d’euros. D’après le Gouvernement, « la consommation des ménages serait en fort recul sur lensemble de lannée (…). Elle ne reviendrait pas totalement à son niveau usuel fin 2020 en raison de contraintes sanitaires dans certains secteurs. » Vous ajoutez que les flux touristiques seraient très réduits en 2020 et ne reviendraient pas à leur niveau antérieur à horizon fin 2020. Comment faire pour libérer cette épargne au profit d’une consommation qui éviterait l’achat de produits importés ? Pensez-vous que les mesures annoncées peuvent concourir à libérer l’épargne vers une consommation mieux ciblée ?

Concernant les recettes, vous considérez que la prévision du Gouvernement est atteignable mais paraît ponctuellement entourée d’aléas négatifs sur l’impôt sur le revenu et sur les prélèvements sociaux dont les prévisions n’ont pas été révisées dans le cadre de ce troisième PLFR. On parle d’y intégrer seulement 3 milliards d’euros. Pensez-vous que le terme « atteignable » soit bien approprié ?

Des annonces ont été faites pour soutenir les secteurs automobile et aérien, mais il n’y a rien pour le secteur ferroviaire. Qu’en pensez-vous ?

M. Charles de Courson. Je fais partie de ceux qui souhaitent étendre les compétences du Haut Conseil à l’évaluation de la sincérité des dépenses. Je vous félicite d’avoir relevé que certaines dépenses d’ores et déjà annoncées ne sont pas budgétées. Avez-vous un ordre de grandeur des dépenses supplémentaires des plans décidés – dont celui en faveur de l’aéronautique – mais non budgétés dans le troisième PLFR ?

Le Haut Conseil considère qu’il n’est pas sérieux de retenir un taux de croissance potentiel inchangé à 1,25 %. Alors que l’investissement chute de 25 % et que la force de travail baisse de 1,2 million, on ne peut que réduire le taux de croissance potentiel. Quel taux faudrait‑il retenir ? S’il était ramené à 1 % par exemple, quel serait alors le déficit structurel qui a été évalué à 2,2 points de PIB ?

Vous dites que la dette publique appelle une « vigilance particulière » – expression savoureuse –, mais vous ne parlez pas des primes d’émission. On a fini par arracher que le montant des primes d’émission nettes représentait, à la fin de 2019, 3,1 % du PIB, soit plus de 70 milliards d’euros. Avez-vous estimé le montant prévisionnel des primes d’émission à la fin de l’année 2020 ?

Mme Sabine Rubin. Quelles mesures de soutien à l’activité annoncées par le Gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n’ont pas été traduites dans ce PLFR ?

Vous notez que l’inflation pourrait être encore plus faible que prévue par le Gouvernement. Nous partageons votre analyse : l’inflation est d’autant moins probable que les mesures prises par les États ne sont pas à proprement parler des plans de relance, mais des plans de substitution de revenus perdus à la suite de l’arrêt de l’économie marchande, ce qui n’augmente pas la demande, mais freine sa chute. Confirmez-vous l’absence d’un risque hyper-inflationniste, y compris en cas de relance beaucoup plus massive de l’économie ? Dans ce cas, plutôt que d’affirmer comme horizon qu’il faudra rembourser la dette, ce qui fragilise le budget de la France, pourquoi ne pas la racheter ou la transformer en dette perpétuelle ?

Mme Jennifer De Temmerman. Monsieur le président du Haut Conseil, je vous remercie pour la présentation complète de l’avis relatif au troisième PLFR qui nous a été transmis relativement tard. Cela dit, nous avons pris bonne note de votre demande de renforcement de moyens.

Le groupe parlementaire Écologie Démocratie Solidarité a présenté mardi les propositions de mesures que nous défendrons dans le cadre de ce PLFR.

Vous soulignez, à la page 9 de votre avis, que la prévision de progression en valeur des dépenses publiques s’élève à 6,4 %, soit une croissance supérieure de 1,2 point à celle retenue dans le deuxième PLFR. Nous regrettons que ces dépenses exceptionnelles, bien que nécessaires, ne s’accompagnent pas d’une réelle éco-conditionnalité indispensable à la fois pour répondre au défi climatique et pour engager au plus tôt la reconversion du tissu industriel et des emplois vers des secteurs moins carbonés.

Vous soulignez également qu’une partie des mesures présentées susceptibles d’avoir un impact sur le déficit n’ont pas été traduites dans ce PLFR, ce que nous regrettons. Parallèlement, les prévisions de recettes sont une nouvelle fois significativement abaissées. L’évolution spontanée des prélèvements obligatoires a été revue à la baisse. De premières mesures d’atténuation de cette baisse de recettes pourraient être prises dès le présent PLFR, eu égard à l’urgence du financement des mesures de solidarité, notamment au travers de la fiscalité des multinationales en taxant mieux les plus-values et les dividendes intragroupes, et en associant davantage les très hauts revenus à l’effort de solidarité par l’instauration d’une contribution exceptionnelle des plus aisés, temporaire et conditionnelle. Ces propositions permettront ainsi de répondre à deux urgences : amorcer la nécessaire transition et participer au redressement progressif des finances publiques.

Ne croyez-vous pas qu’il serait nécessaire de sortir du constat de la pire dégradation de nos finances publiques depuis la Seconde Guerre mondiale pour trouver les moyens d’augmenter nos recettes ? Cette crise n’est-elle pas l’occasion d’amorcer un virage vers une économie plus résiliente ? La crédibilité de notre pays face aux investisseurs ne dépend-elle pas de sa capacité à faire des propositions innovantes qui, au lieu de consacrer les travers passés, ouvrent vers des perspectives de développement durable ?

Mme Patricia Lemoine. Le Haut Conseil souligne que durant la séquence particulière que nous venons de vivre, les Français ont procédé à une sur-épargne. Celle-ci est estimée à 100 milliards d’euros dans le troisième PLFR. Vous évaluez pour votre part le taux d’épargne à 14,9 % alors que le Gouvernement l’estime à un peu plus de 23 %. Pouvez-vous justifier cet écart ? Quels mécanismes doit-on actionner pour stimuler la consommation des ménages ?

Ma seconde question concerne le scénario macroéconomique qui se dégrade fortement. Pourtant, les prévisions en matière de recettes d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux n’ont pas été révisées. Avez-vous procédé à une estimation de l’impact des pertes de recettes ? De la même façon, le Gouvernement considère, contrairement au Haut Conseil, que certaines mesures n’auront pas d’effets directs sur le solde budgétaire prévu dans le troisième PLFR. Pouvez-vous nous expliquer en quoi et à quel niveau ces mesures affecteront le déficit ? Enfin, avez-vous pu vous livrer à une estimation des mesures annoncées qui ne figurent pas dans ce troisième PLFR ?

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président du Haut Conseil, je vous félicite pour votre nomination.

Au premier trimestre, la France a fait beaucoup moins bien que les autres pays de la zone euro, puisque son niveau de croissance a diminué de 5,3 % du PIB, contre 3,8 % en moyenne pour les pays de la zone euro. Comment expliquez-vous que la France ait fait moins bien que ses voisins ?

Ce PLFR ne contient finalement pas de mesures de relance économique mais des mesures de soutien dont certaines auront un effet sur le déficit public, d’autres pas. L’absence de dispositifs de relance économique n’est-elle pas de nature à créer de l’inquiétude et, de ce fait, à affecter davantage encore notre croissance et donc notre niveau de déficit public ?

M. Daniel Labaronne. Monsieur le Premier président, je vous félicite pour votre nomination. J’aurai l’honneur d’être votre interlocuteur en tant que rapporteur spécial de la mission Conseil et contrôle de lÉtat.

Alors qu’on avait évalué la croissance du PIB à 1,4 %, elle a été de 1,5 % en 2019 sans tension sur les prix, sur le marché du travail et sur notre équilibre extérieur, puisque nous avons réduit le déficit de notre balance commerciale de l’ordre de 2 milliards d’euros. Ne serait-il pas temps de s’interroger sur la validité des indicateurs tels que le PIB potentiel et le déficit structurel et d’en revoir le calcul ? Je crains fort qu’ils ne soient en définitive assez éloignés de la réalité. Je note que si la croissance de notre PIB potentiel était plus élevée que 1,25 point, nous connaîtrions une amélioration de notre déficit structurel.

M. Jean-Paul Mattei. À la page 12 de votre avis, vous évoquez les recettes et le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : avez-vous bien tenu compte de l’effet multiplicateur de la baisse des revenus sur le prélèvement à la source, et donc sur les recettes ?

M. Pierre Moscovici. Je vais vous frustrer – je le suis moi-même : le Haut Conseil n’est pas là pour construire les prévisions macroéconomiques. C’est le rôle du Gouvernement qui s’appuie sur la direction générale du Trésor. Le Haut Conseil n’est pas non plus là pour porter des jugements sur les politiques, ni pour faire des propositions ; il est là pour juger du réalisme des prévisions macroéconomiques et de la trajectoire des finances publiques.

Cela étant, c’est moi qui l’ai porté sur les fonts baptismaux et je peux témoigner que Charles de Courson a toujours été favorable à une extension de son rôle. En ayant changé de casquette, je ne veux pas donner l’impression de changer d’avis ! Le Haut Conseil a été créé il y a huit ans ; des institutions similaires montent en puissance ailleurs en Europe ; compte tenu de ces évolutions et de la place de plus en plus importante de l’Europe dans le débat, vous avez raison, il est temps d’élargir le champ de compétence, les missions et les moyens du Haut Conseil – ce serait d’intérêt général. J’en discuterai avec le rapporteur général et je reviendrai devant vous pour en débattre. Cela permettrait au Gouvernement, au Parlement et, in fine, aux citoyens, de disposer de moyens supplémentaires d’analyse.

En Italie ou en Espagne, les institutions similaires ont des moyens bien supérieurs aux nôtres : nous travaillons avec seulement deux équivalents temps plein, ce n’est pas raisonnable. Il faudrait également que nous puissions nous autosaisir afin de vous apporter des éléments d’analyse en temps réel ou de répondre à vos demandes. L’une d’entre vous s’étonnait d’avoir reçu l’avis tardivement, mais sachez que le Conseil n’a été saisi que jeudi matin. Vous mesurerez d’autant mieux la qualité du travail réalisé, avec des auditions et plusieurs projets successifs actualisés après des débats extrêmement vivants en moins d’une semaine.

Je partage le constat de Mme Motin : le moment est préoccupant car nous vivons une période extrêmement dramatique de l’histoire du monde, de l’Europe et de notre pays, mais il est également rassurant car la France, et plus largement l’Union européenne et la plupart des pays dans le monde ont su apporter des réponses massives et rapides à la crise, par comparaison avec d’autres périodes au cours desquelles nous avions, M. le président Woerth et moi-même, exercé des fonctions gouvernementales. Nous avons donc su tirer quelques enseignements des crises précédentes.

Ce troisième PLFR est également rassurant en ce qu’il constitue un exercice de transparence – ce que j’ai appelé la « vérité des prix ». Effectivement, les prévisions de la Banque de France ne sont pas tout à fait les mêmes que celles du Gouvernement – contrairement à ce que vous avez indiqué, M. Bricout, elles sont un peu plus optimistes. Mais les approches sont convergentes et les prévisions consensuelles.

Il n’est pas sérieux de considérer que la politique actuelle serait une politique d’austérité – y en a-t-il seulement eu dans ce pays ? Je n’en suis pas certain… Je plaide moi‑même coupable, et d’autres l’ont été avant et après moi… Le fait est que les politiques de gestion des finances publiques françaises n’ont jamais été austéritaires.

Le Gouvernement estime que les Français ont accumulé 100 milliards d’euros d’épargne contrainte au cours des dernières semaines. C’est considérable. Si elle était, fût-ce partiellement, consommée, l’activité économique française pourrait en bénéficier. Cela fait partie des aléas à la hausse. C’est pourquoi nous qualifions la prévision de « prudente ». En revanche, il ne m’appartient pas d’évoquer les modalités selon lesquelles cette épargne pourrait être utilisée.

En 2020, nous prévoyons une baisse de l’inflation, peut-être encore plus forte que celle estimée par le Gouvernement. Au-delà, les évolutions sont très incertaines. On ne peut vraiment rien exclure, ni le prolongement d’un niveau extrêmement bas d’inflation, ni une reprise. Nous ne nous sommes pas penchés sur 2021 ; cela ne fait pas partie de nos missions.

Concernant l’emploi, l’activité partielle n’empêche pas les pertes d’emploi, elle les limite seulement. La baisse du nombre d’emplois prévue par le Gouvernement dans ce troisième PLFR est très importante – presque autant que celle de l’activité. C’est la raison pour laquelle nous avons estimé, toujours avec la même prudence, que nous pourrions espérer une dégradation moins dramatique.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur les plans sectoriels. M. de Courson lit dans notre avis qu’ils ne sont pas budgétés. Nous ne l’avons pas formulé ainsi, d’autant que le projet de loi, préparé à un instant T, ne peut prendre en compte certains plans annoncés tout récemment – comme celui pour l’aéronautique – ou qui vont l’être dans les mois à venir. Ils n’y sont donc pas ou pas totalement traduits – telle est notre formulation. Ainsi, pour le plan aéronautique, la garantie de l’État figure dans le PLFR. Il n’appartient pas au Haut Conseil de prévoir les plans à venir. Le Gouvernement a annoncé qu’il les présenterait au plus tard à l’automne – cette échéance pourrait aussi être celle d’un plan de relance, mais il ne m’appartient pas de le dire. Les débats les plus importants, et la consolidation, auront donc lieu lors de la présentation du projet de loi de finances initiale pour 2021 – a priori, il ne devrait pas y avoir de quatrième PLFR avant le traditionnel PLFR de fin d’année.

Nous pourrions connaître des aléas à la hausse ou à la baisse pour ce qui concerne les recettes. Ainsi, une meilleure situation macroéconomique pourrait se traduire par une hausse des recettes, mais les prévisions de rentrées d’impôts, notamment sur le revenu, pourraient également se dégrader. C’est ce qui colore notre jugement.

Vous m’avez interrogé sur les notions de croissance potentielle et de déficit structurel. Le débat soulevé par M. Labaronne est intéressant : lorsque j’étais commissaire européen, j’avais moi-même été frappé des erreurs sur la croissance potentielle et le déficit structurel. Néanmoins, en l’absence de révision du pacte – même si nous devons y réfléchir, en nous focalisant surtout sur la dette –, ces notions conservent un sens : la croissance potentielle est celle qui dérive des facteurs de production, de l’état de l’appareil productif. Il nous semble qu’elle pourrait subir davantage que les prévisions du Gouvernement ne l’estiment la dégradation de la situation économique. Alors qu’une proportion significative de la main-d’œuvre est toujours hors du marché du travail et que la productivité a tout lieu de baisser – c’est déjà le cas –, il est difficile de croire que la croissance potentielle, théorique, de long terme, ne sera pas touchée. Et c’est bien ce qu’a formulé le Haut Conseil.

De même, concernant le déficit structurel, le Haut Conseil a mentionné que, si les prévisions se vérifient, certains critères justifieraient des procédures au niveau européen : c’est son rôle de se cantonner aux faits. Cela étant, permettez-moi de sortir de ma fonction : si j’étais commissaire européen, dans les circonstances présentes, je tiendrai compte de la situation d’ensemble… Je suis persuadé que mon successeur, Paolo Gentiloni, que je connais bien, fera preuve de la même sagesse. Cela nous renvoie à nouveau aux discussions autour du pacte.

S’agissant de la dette et de sa soutenabilité, nous avons parlé de « vigilance » et d’« intelligence ». Ce sera le sujet central des années à venir, qui colorera mon mandat de président du Haut Conseil et de Premier président de la Cour des comptes. Nous allons vivre durablement avec une dette publique élevée ; il faudra l’apprécier au regard de la situation des marchés. Même si ce n’est pas le rôle du Haut Conseil, monsieur le rapporteur général, je constate que la dette française se finance correctement, depuis longtemps – quasiment depuis le début de la crise précédente. Le jugement porté sur le pays, ses atouts et sa capacité à faire face à sa dette, est donc favorable.

Mais, vous avez raison, cela ne suffit pas : il est important de considérer qu’une dette n’est remboursée qu’in fine et de ne pas succomber à la théorie selon laquelle la dette ne pèse jamais sur personne : elle finit toujours par se venger à un moment donné… Nous devons donc être attentifs à sa soutenabilité à moyen terme. En ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, je reviendrai vers vous fin juin avec le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui proposera quelques pistes. En tant que président du Haut Conseil des finances publiques, j’estime qu’il ne faut ni succomber au catastrophisme, ni tomber dans le laxisme ou le déni. Nous devrons naviguer entre ces deux bornes : la Cour des comptes, une fois son rapport finalisé, y reviendra plus en détail.

Le Haut Conseil et moi-même sommes à la disposition des parlementaires. La Cour des comptes et le Haut Conseil seront des interlocuteurs loyaux et flexibles à l’égard du Parlement.

M. le président Éric Woerth. Je vous remercie pour ces propos, mais aussi pour la qualité de votre avis, qui fera débat cet après-midi, au moment de l’audition des ministres sur ce troisième PLFR.

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AUDITION DE M. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE LÉCONOMIE ET DES FINANCES ET DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE LACTION ET DES COMPTES PUBLICS

Lors de sa séance du mercredi 10 juin 2020 après-midi, la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances et M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous recevons M. Bruno Le Maire et M. Gérald Darmanin pour la présentation du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui a pour but de relancer l’activité alors que les deux premiers projets de loi de finances rectificative (PLFR) examinés à la mi-mars puis à la mi-avril comportaient des mesures d’urgence destinées à sauvegarder l’économie pendant la période de confinement.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Nous n’avons jamais caché la vérité aux Français face à la brutalité du choc subi par notre économie – l’OCDE prévoit pour la France une récession de 11 % en 2020. Son intensité, analogue à la Grande dépression de 1929, appelait une réponse massive, immédiate et efficace : c’est ce que nous avons fait en mettant sur la table 460 milliards d’euros, soit 20 % de notre richesse nationale, volume comparable à ceux mobilisés par nos voisins européens.

Maintenant que l’économie redémarre, il faut apporter de nouvelles réponses.

Le premier volet du PLFR est sous-tendu par la volonté de concentrer les moyens sur les secteurs les plus touchés : tourisme, hôtellerie, restauration, événementiel, sport, culture, bâtiment, commerce de proximité, entreprises technologiques et start-up – pour lesquelles est prévu un fonds d’investissement de 1,3 milliard d’euros –, industries automobile et aéronautique.

Nous avons écarté toute réduction de la TVA, contrairement à l’Allemagne qui a opté pour une baisse temporaire facilitée par un taux moyen plus élevé que le nôtre. La valeur ajoutée importée représentant en France 72 % de la valeur ajoutée consommée totale, toute baisse générale reviendrait à financer les économies étrangères.

Il s’agit d’abord de soutenir la demande à travers des mesures ciblées et efficaces. Celles destinées au secteur automobile, applicables à compter du 1er juin avec effet rétroactif – bonus pour les véhicules électriques et, pour la première fois, pour les véhicules rechargeables, prime à la conversion – ont permis un quasi-retour à la normale par rapport à juin 2019 alors qu’en avril, les achats n’atteignaient que 10 % de ceux d’avril 2019. Grâce au plan aéronautique, nous avons sécurisé les commandes des compagnies aériennes en renforçant les garanties à l’exportation et les reports de crédits afin d’éviter les annulations de commandes. Dans le secteur du bâtiment, nous ferons en sorte de compenser les surcoûts liés aux mesures de sécurité sanitaire.

Il s’agit ensuite d’améliorer l’offre, seule politique à même de donner des résultats durables et qui s’inscrit dans la continuité de notre action depuis trois ans. Le risque pour notre pays est de sortir de la crise avec une croissance potentielle plus faible. La crise détruit du capital humain avec les licenciements, du capital physique avec les faillites, du capital intellectuel avec le renoncement à l’innovation et la recherche. Si nous maintenons des financements forts sur l’innovation, la formation, la qualification, les nouvelles technologies, nous laisserons aux générations futures une France plus forte et plus prospère. Plutôt que de financer une prime à la casse, nous faisons ainsi le choix de consacrer 1,5 milliard d’euros au Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) pour développer les recherches sur l’avion décarboné à l’horizon 2035 et rivaliser avec la Chine et les États-Unis. Cette politique de l’offre s’appuie sur des fonds d’investissement dans les filières aéronautique et automobile ainsi que pour les entreprises technologiques. Elle passe aussi par des financements directs pour la numérisation et la robotisation de nos PME, qui accusent beaucoup de retard en la matière par rapport aux entreprises étrangères, et par des mesures d’encouragement à l’innovation.

Le deuxième volet consiste à soutenir l’emploi et à prévoir l’accueil des jeunes sur le marché du travail à la rentrée à travers des mesures massives en faveur de l’apprentissage. Le basculement du chômage partiel vers une activité partielle de longue durée interviendra dans les jours qui viennent. Ce dispositif, d’importance, nous permettra d’éviter des licenciements de masse. Olivier Blanchard a raison de dire qu’il faut faire preuve d’audace et d’originalité en cette période.

Le troisième volet repose sur les mesures européennes décidées le 9 avril dernier entre ministres des finances. N’ont été définitivement adoptés que le mécanisme européen de stabilité pour 240 milliards d’euros, le dispositif SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) de financement du chômage partiel et le fonds de garantie de la Banque européenne d’investissement (BEI), avec 40 milliards d’euros de prêts supplémentaires pour les entreprises les plus technologiquement avancées. Le plan de relance proposé par la Commission et inspiré par Angela Merkel et Emmanuel Macron doit encore passer devant le Conseil européen. C’est seulement lorsqu’il sera adopté que la France pourra bénéficier des mesures financières qu’il contient, pour un montant sans doute supérieur à 30 milliards d’euros.

Pour la dernière phase, le plan de relance nationale financé par des moyens à la fois européens et nationaux, l’objectif restera le même : construire un modèle économique fondé sur la compétitivité et la décarbonation.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Ce PLFR vient d’abord actualiser certains des dispositifs des deux PLFR précédents : fonds de solidarité pour les entrepreneurs, prolongation du plan de soutien au tourisme jusqu’à la fin de l’année, financement de l’activité partielle.

Il instaure des mesures exceptionnelles d’exonération des cotisations, pour un peu plus de 3 milliards d’euros, en les modulant par secteur, ce qui est sans précédent – le Conseil constitutionnel n’avait autorisé que des adaptations géographiques. Pour les employeurs de moins de 250 salariés relevant des secteurs les plus touchés par la crise évoqués par le Président de la République dans son adresse aux Français du 13 avril – le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, le sport, la culture, les arts et spectacles –, mais aussi des activités qui en dépendent, comme les blanchisseries, les exonérations de cotisations patronales concerneront la période allant du 1er février au 31 mai. Elles s’appliqueront pour la période du 1er février 2020 au 30 avril 2020 pour toutes les entreprises de moins de dix salariés appartenant à d’autres secteurs ayant connu une fermeture administrative, comme les coiffeurs. Enfin, toutes ces entreprises bénéficieront d’un crédit égal à 20 % de la masse salariale soumise à cotisations sociales déclarée sur les périodes d’emploi prévues pour l’exonération de cotisations patronales. Nous n’avons pas voulu supprimer les cotisations sociales car cela aurait eu des incidences sur les droits qu’elles ouvrent pour les salariés mais cette procédure du crédit d’impôt permettra un remboursement. Enfin, toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, quels que soient les secteurs, pourront demander une annulation au cas par cas de leurs charges patronales correspondant à la période du confinement auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) ou, à défaut, un étalement de leur paiement jusqu’à trente-six mois. Précisons que le coût de toutes ces mesures est déjà intégré au déficit prévisionnel de la sécurité sociale.

Ce PLFR comporte, en outre, un plan massif de 4,5 milliards d’euros en faveur des collectivités locales.

Il prévoit une compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales des communes et intercommunalités pour un coût estimé à 750 millions d’euros, chose qu’aucun Gouvernement n’avait faite. En vertu du principe de l’autonomie financière des collectivités locales, l’État ne compensera pas les pertes de recettes tarifaires.

Un mécanisme d’avances remboursables, de 2,7 milliards d’euros, sera institué au profit des départements subissant des pertes de recettes au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), peut-être atténuées par une future reprise immobilière.

Un milliard d’euros va être ajouté à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pour les investissements liés à la sécurité sanitaire, à la transition écologique ou à la rénovation du patrimoine. Soulignons l’éclairage précieux apporté par le rapport de votre collègue Jean-René Cazeneuve sur tous ces aspects.

Les intercommunalités pourront instaurer, par une délibération adoptée avant le 31 juillet 2020, un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les artisans et commerçants à hauteur des deux tiers, mesure exceptionnelle dont le coût serait partagé à parts égales par les collectivités locales et l’État, qui ne perçoit rien de cet impôt.

Enfin, pour l’outre-mer, nous prévoyons une compensation à l’euro près, pour un montant d’environ 60 millions, de la baisse du produit de l’octroi de mer régional et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Par ailleurs, l’État accordera sa garantie à un prêt consenti par l’Agence française de développement à la Polynésie française, à la demande du gouvernement de la collectivité.

La quatrième composante du PLFR est le soutien aux plus fragiles : hébergement d’urgence, plan de lutte contre les violences faites aux femmes, aides exceptionnelles pour les étudiants et pour les jeunes précaires, aides pour les Français de l’étranger.

Avec 222 milliards d’euros de déficit pour le budget de l’État, 52 milliards d’euros de déficit pour la sécurité sociale, une dette publique à 121 % du PIB, un déficit public à 11,4 %, nous sommes à des niveaux jamais atteints depuis 1945.

M. le président Éric Woerth. L’OCDE considère que la récession en France se situera entre 11 % et 14 %. Le Haut Conseil des finances publiques n’exclut pas de bonnes nouvelles avec une croissance plus élevée que prévu mais prend aussi en considération des scénarios plus inquiétants. Ce PLFR ne contient pas toutes les mesures budgétaires prévues : pouvez-vous nous nous en dire plus ? Peut-être n’a-t-on pas fait le tour de toutes les exonérations et reports d’échéances et des risques liés aux prêts garantis et aux faillites.

Pourquoi ce PLFR procède-t-il à une telle révision des prévisions qui se résument en trois fois 11 : 11 % de déficit, 11 % de récession et 11 % de chômage ? Il n’y avait pourtant pas d’éléments nouveaux après le deuxième PLFR. N’est-ce pas le signe que nous étions mal préparés ? Le confinement ayant dû durer plus longtemps, il y a eu plus de déficit.

Où va-t-on ? Vous égrenez des plans sectoriels mais où est la vision d’ensemble ? Ne faudrait-il pas donner une direction globale dès à présent, sans attendre les décisions européennes ?

Toute la question est de savoir si vos mesures accéléreront le rebond qui aura de toute façon lieu. Permettront-elles de gagner un, deux ou trois points de PIB ? Pour le chômage, quelles sont vos prévisions ?

Le poids de la dette nous oblige. Nous avons besoin de dire, par considération pour les générations futures, comment nous envisageons l’évolution de la dette des entreprises, point crucial, et de la dette publique.

Enfin, sur les cotisations salariales, je ne comprends pas la logique de votre mesure. Quant au dégrèvement de CFE, j’y suis favorable et me félicite que le Gouvernement fasse preuve de davantage de souplesse à l’égard des collectivités locales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce troisième PLFR, s’il consolide les mesures d’urgence, marque une rupture en cherchant à accélérer la relance par une politique sectorielle au plus près des besoins. Il se situe au carrefour de l’urgence et de la reprise. Il prend pleinement en compte, dans un esprit de responsabilité, la dégradation du contexte macroéconomique ‑ le Haut Conseil des finances publiques évoque des prévisions prudentes. Ce PLFR contient aussi un plan de soutien massif aux collectivités territoriales, qui correspond à des attentes du terrain. Il vient enfin en aide aux publics vulnérables, notamment en essayant de réparer les inégalités scolaires.

Quelles sont vos hypothèses pour l’évolution des finances publiques dans les mois à venir ? Prenez-vous en compte un scénario de moins mauvaises nouvelles avec des rentrées fiscales supérieures à celles prévues aujourd’hui ?

Pour les plans sectoriels, prévoyez-vous des modifications par amendement d’ici à la séance publique ? Il serait bon que nous le sachions. Quelles mesures relèveront du domaine réglementaire ?

La Banque de France a évoqué un taux de chômage de 11 % à la mi-2021. Quelles hypothèses retenez-vous pour le soutien à l’emploi, central dans ce PLFR ?

Vous amplifiez la politique de soutien à l’assurance-crédit, sujet majeur dans cette crise. Avez-vous mis à jour les scénarios de sinistralité des entreprises et donc du coût du recours à la garantie ?

La dette publique atteindrait 121 % du PIB. Comment s’organisera le financement des dépenses publiques entre bons du Trésor à échéance de cinq ans et obligations assimilables du Trésor (OAT) sur dix ans ? Le marché actuel est-il suffisamment profond pour permettre un financement peu coûteux à long terme de cet endettement supplémentaire ?

Anticipez-vous un effet dénominateur de remontée du PIB qui aboutirait à un recul de l’endettement public ?

Comment la France bénéficiera-t-elle d’un retour sur l’octroi de sa garantie aux prêts accordés au titre du dispositif SURE ?

Mme Aude Bono-Vandorme. Le Gouvernement a tout mis en œuvre pour ne laisser aucun Français sur le bord de la route ; le groupe LaREM vous remercie pour votre réactivité et la qualité de votre écoute, au plus près du terrain. L’industrie aéronautique, à la fois civile et militaire, est un élément de notre souveraineté. Comment comptez-vous contrer d’éventuelles tentatives de prise de contrôle d’un sous-traitant français en difficulté ? Craignez-vous que l’épargne « forcée », accumulée par les ménages pendant le confinement, se transforme en épargne de précaution, freinant ainsi la reprise économique ?

Mme Véronique Louwagie. Les mesures du troisième PLFR relèvent davantage, et le groupe LR le regrette vivement, d’un plan de soutien que d’un plan de relance. Le montant des exonérations de cotisations et remises de dettes prévues à l’article 18, qui s’élève à 3 milliards d’euros, est dix fois moindre que celui des reports de charges fiscales et sociales. Est-ce à dire que 10 % seulement de ces reports se transformeront en annulation ? Quelles mesures les plans de soutien sectoriels comportent-ils en sus des mesures générales que sont le chômage partiel ou le prêt garanti par l’État ? Le dispositif d’activité partielle de longue durée ne risque-t-il pas de susciter l’inquiétude et donc d’entraîner une récession ?

M. Jean-Noël Barrot. Je tiens à saluer, au nom du groupe MODEM, l’ampleur du dispositif et le ciblage des mesures, la sincérité du diagnostic et la prudence des hypothèses macroéconomiques du Gouvernement, ainsi que la méthode retenue. Les prêts garantis par l’État, souscrits par près de 500 000 entreprises, ont alourdi leur endettement. Quelle est votre évaluation de leur situation bilancielle ? Envisagez-vous de prendre des mesures pour faciliter la restructuration de ces dettes et, si tel est le cas, comptez-vous le faire dès ce PLFR ?

Mme Christine Pires Beaune. Je regrette l’absence de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Le groupe Socialistes approuve les annulations sectorielles de cotisations – sur la légalité desquelles on peut néanmoins s’interroger –, mais les 3 milliards d’euros provisionnés nous paraissent insuffisants. En revanche, nous déplorons le manque de mesures en faveur des ménages ; quant à celles qui ont été annoncées en faveur des plus modestes, elles ne semblent pas figurer dans le PLFR. Celui-ci ne prévoit pas non plus une contribution exceptionnelle des plus aisés, de sorte que le plan du Gouvernement est exclusivement financé par la dette. Or, je crains que celle-ci ne soit ensuite le prétexte à la réalisation d’économies qui seront supportées par tous. Enfin, je me réjouis de l’effort annoncé en faveur des collectivités locales, mais le renforcement des crédits de la dotation de soutien à l’investissement local est en partie un trompe-l’œil car il ne s’agit que d’autorisations d’engagement, ce qui va accentuer le problème des restes à payer.

M. Charles de Courson. Quel est le commentaire du Gouvernement sur l’absence de réduction du déficit structurel, qui reste stable, à 2,2 % du PIB, depuis 2018 ? S’agissant des exonérations de cotisations patronales par secteur, ne vous semble-t-il pas nécessaire d’obtenir l’autorisation préalable de l’Union européenne – je pense au fâcheux précédent du textile, sous le gouvernement Barre ? Pourquoi les départements ne bénéficient-ils pas du même dispositif d’avance remboursable que les communes ? Pourquoi les mesures spécifiques du plan tourisme concernant Lourdes, l’outre-mer et la Corse ne figurent-elles pas dans le PLFR ? Enfin, pourquoi l’impôt sur le revenu est-il le seul impôt dont le produit ne baisse pas entre la dernière loi de finances rectificative et ce PLFR ?

M. Éric Coquerel. Le nouveau PLFR s’inscrit dans la droite ligne des précédents : d’une part, aucune contrepartie liée à la préservation de l’emploi n’est imposée aux entreprises bénéficiant de prêts ; d’autre part, les aides versées aux secteurs de l’automobile et de l’aéronautique ne sont assorties d’aucun critère écologique. Par ailleurs, le texte ne comporte aucune mesure fiscale – le groupe LFI déposera donc des amendements dans ce domaine. Enfin, on constate un écart important entre les sommes annoncées et l’argent frais qui sera versé au titre des différents plans de soutien. En définitive, ce PLFR évoque davantage le monde d’avant que le monde d’après.

Mme Émilie Cariou. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité approuve les mesures de soutien proposées par le Gouvernement, dont nous partageons la position sur la baisse de la TVA, pour les raisons indiquées par Bruno Le Maire.

Toutefois, nous regrettons l’absence de mesures de nature à encourager un plan d’investissement des collectivités locales davantage tourné vers la transition écologique et énergétique ainsi que l’insuffisance du soutien au secteur ferroviaire. Par ailleurs, la ligne de crédits consacrée à la vie étudiante sera certainement insuffisante. Comment comptez-vous aider ceux des jeunes précaires qui ne sont pas étudiants ? Enfin, pourriez-vous nous apporter des précisions sur l’ingénierie financière utilisée dans le cadre des prêts accordés aux entreprises en difficulté ? Une bonne gestion suppose que l’État puisse prendre des participations à terme dans ces entreprises.

Mme Patricia Lemoine. Le groupe Agir ensemble approuve les mesures d’envergure prises pour soutenir et relancer notre économie ; le volet consacré aux collectivités territoriales, inédit, était très attendu. Il convient de saluer également la prudence des estimations du Gouvernement. Toutefois, pourquoi les prévisions concernant le produit de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux n’ont-elles pas été révisées, alors que le scénario macroéconomique se dégrade ? Le Haut Conseil des finances publiques estime que certaines mesures pourraient, contrairement à ce qu’indique le Gouvernement, avoir un impact sur le solde budgétaire prévu dans ce PLFR. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? Enfin, sachant que l’épargne constituée au cours des dernières semaines est estimée à 100 milliards d’euros, quels mécanismes envisagez-vous de mettre en œuvre pour encourager la consommation des ménages ?

M. Fabien Roussel. Parmi les nouvelles mesures annoncées, le groupe GDR soutiendra les exonérations de cotisations patronales accordées notamment aux petites entreprises ainsi que le dégrèvement de CFE. Néanmoins, il déplore que le Gouvernement ait choisi de préserver, plutôt que le capital humain, le capital financier, qui devrait pourtant contribuer davantage à l’effort demandé à toute la nation. Les salariés paient cher le prix de cette crise ; le nombre des chômeurs de catégorie A a augmenté d’un million au cours des deux derniers mois. Il aurait été judicieux, d’une part, de conditionner les aides accordées aux grands groupes en exigeant qu’ils relocalisent et évitent les licenciements, d’autre part, de taxer le capital et de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune. Qu’en est-il du plan consacré aux moins de vingt-cinq ans ? Est-il prévu de soutenir la SNCF, notamment le fret ferroviaire ?

M. le ministre de léconomie et des finances. La diminution de 11 % du PIB est conforme à l’estimation de l’OCDE ; l’hypothèse d’une baisse de 14 % correspond au scénario noir d’une reprise de l’épidémie à la rentrée. La dégradation observée depuis le deuxième PLFR s’explique par le caractère strict du confinement, qui a eu, de ce fait, un impact particulièrement violent sur l’économie.

Je veux insister sur la réactivité du Gouvernement, en rappelant le calendrier de nos décisions : le 25 février, à Athènes, j’ai indiqué que la crise serait comparable à celle de 1929 ; le 6 mars, j’ai adressé au Président de la République une note dans laquelle je souligne la nécessité d’élaborer une réponse massive ; enfin, trois projets de loi de finances rectificative vous ont été soumis, respectivement le 18 mars, le 15 avril et le 10 juin. En matière économique et financière, la réponse des autorités françaises a donc été immédiate et à la hauteur des enjeux. Jamais, je n’ai caché la gravité de la situation économique aux Français.

Notre stratégie économique, la même depuis le premier jour, consiste à amortir le choc – 88 milliards d’euros, soit le double du montant versé en Allemagne, ont déjà été attribués au titre du PGE –, à accompagner les secteurs les plus en difficulté et à relancer notre économie en mettant l’accent sur sa compétitivité et sa décarbonation. Et nous serons d’autant plus compétitifs que nous aurons investi dans la décarbonation, car celle-ci nous oblige à trouver des solutions technologiques nouvelles. Nous pourrions opter pour la solution de facilité en recourant à l’énergie fossile, mais nous le paierions économiquement très cher dans cinq ou dix ans, sans parler de la réaction des Français qui ne l’accepteraient pas.

Nous assumons le choix de sauver notre économie en augmentant massivement la dette publique. Celle-ci devra être remboursée ; ceux qui prétendent le contraire trompent les Français. Je pense que ce remboursement devra intervenir après le retour de la croissance. Telle est notre stratégie : nous investissons beaucoup d’argent public pour relancer la croissance, afin que celle-ci finance ensuite le désendettement. Nous excluons ainsi toute augmentation d’impôt. Non seulement une telle augmentation est difficilement défendable dans le pays dont le taux de prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés de l’OCDE, mais si l’on augmentait un impôt, quel qu’il soit, sur des ménages, quels qu’ils soient, tous les autres, redoutant d’être touchés à leur tour, épargneraient au lieu de consommer. Or, la consommation est nécessaire à la relance.

Nous estimons que, d’ici à quelques mois, 800 000 emplois, soit 2,8 % de l’emploi total, seront supprimés. Le choc est considérable, mais il est n’est pas comparable à la baisse de l’activité, qui est de 11 %. De fait, nous nous employons à l’amortir, grâce à l’activité partielle et au financement de l’aide à l’apprentissage. Certains proposent de baisser davantage les charges sur l’emploi des jeunes. Toute proposition visant à soutenir l’emploi et à accompagner ceux qui sont le plus en difficulté est la bienvenue. Il nous faudra, en effet, cibler certaines aides sur les plus démunis, les moins qualifiés, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ou les plus de cinquante ans qui seront licenciés sans perspective, car ils sont les plus exposés. C’est à eux qu’il faut tendre la main en priorité et, croyez-moi, c’est une des urgences du Gouvernement.

Le plan de soutien à l’aéronautique sera complété par un volet consacré à la commande publique. Ce n’est pas parce que des commandes anticipées d’A300M ont été annoncées par la ministre des armées que d’autres commandes publiques ne seront pas possibles dans les mois à venir.

Parmi les mesures autres que générales figurent précisément les commandes publiques, des aides budgétaires directes en faveur de la digitalisation et de la robotisation des PME, des mesures en faveur de l’investissement en fonds propres des PME ainsi que des investissements dans l’innovation.

La dette des entreprises sera l’une des grandes questions économiques et financières de la sortie de crise. Les prêts garantis par l’État, dont le montant sera de l’ordre de 100 milliards d’euros, ne seront remboursés qu’à partir du printemps 2021, mais nous devons nous assurer que la crise de trésorerie ne se transforme pas en crise de solvabilité. La dette des entreprises devra être remboursée. Peut-on transformer les PGE en fonds propres ? Je suis ouvert à cette solution, mais il ne faut pas entretenir l’illusion que l’État pourrait à lui seul récupérer cette dette et devenir ainsi le principal actionnaire de dizaines de milliers d’entreprises. Cet investissement à l’aveugle serait un mauvais usage de l’argent des Français. Le secteur privé, notamment les banques, devra donc, le cas échéant, être inclus dans le dispositif.

Enfin, le monde d’après ne sera pas le monde d’avant : dans les plans de relance, priorité est donnée à l’emploi et à la décarbonation.

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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de ses réunions des 23, 24 et 25 juin 2020, la commission a examiné le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

M. le président Éric Woerth. L’ordre du jour appelle l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2019, pour lequel nous avons auditionné M. Bruno Le Maire et M. Gérald Darmanin le mercredi 10 juin. Ce texte sera examiné en séance publique à compter de lundi prochain, 29 juin, et sans doute jusque dans la nuit de vendredi à samedi.

Près de 1 400 amendements ont été déposés sur ce texte. C’est beaucoup pour un collectif budgétaire, et bien plus proche des quantités auxquelles donne habituellement lieu le projet de loi de finances initiale.

Le contrôle de la recevabilité financière des amendements ainsi que le respect des exigences de la LOLF ont conduit à déclarer près de 240 amendements irrecevables, pour des motifs habituels : amendements n’ayant pas leur place en loi de finances ; amendements de crédits insuffisamment précis quant à l’imputation des crédits modifiés…

Je vous suggère de limiter le nombre et la durée de vos interventions, afin que nous n’ayons pas deux fois la même discussion : nous pourrions ainsi envisager d’avoir un débat technique en commission, et plus politique en séance publique.

 

 

 

 

 

 


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   EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire
Prévision de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques pour lannée 2020

Résumé du dispositif et effets principaux

Le solde public prévu par la loi de finances initiales pour 2020 (LFI 2020) était de – 2,2 % du PIB, soit un déficit intégralement structurel. Après une révision par la première loi de finances rectificative le fixant à – 3,9 %, puis par la deuxième loi de finances rectificative le fixant à – 9,1 %, le solde public pour 2020 est désormais prévu par le présent article à – 11,4 % du PIB.

L’aggravation du déficit public par rapport à la prévision initiale de la LFI 2020 (– 9,2 points) est due à l’aggravation de la conjoncture économique (– 7 points) et à la prise de mesures exceptionnelles pour lutter contre la crise (– 2,2 points).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le présent article porte sur les prévisions pour 2020 de soldes des finances publiques toutes administrations publiques confondues, et non sur le seul budget de l’État. Il offre ainsi une vision consolidée de l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale.

Aux termes de l’article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, doit être présenté dans l’article liminaire des lois de finances rectificatives « un tableau de synthèse retraçant, pour lannée sur laquelle elles portent, létat des prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques, avec lindication des calculs permettant détablir le passage de lun à lautre ».

L’article liminaire est donc impérativement présent dans tout projet de loi de finances rectificative : il garantit que le Gouvernement aura tenu compte des évolutions de la conjoncture économique et des conséquences des dispositions qu’il présente sur les principaux soldes publics.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article propose le tableau de synthèse suivant :

solde public et sa dÉcomposition pour 2019 et 2020

(en millions d’euros)

 

Exécution 2019

LFI 2020

PLFR 3

Solde structurel

– 2,2

– 2,2

– 2,2

Solde conjoncturel

+ 0,2

+ 0,1

– 7,0

Mesures exceptionnelles et temporaires

– 1,0

– 0,1

– 2,3

Solde effectif

 3,0

 2,2

 11,4

A.   un record de dÉficit public

Évolution du solde public depuis 1971 en pourcentage du PIB

Année

Solde

Année

Solde

Année

Solde

Année

Solde

Année

Solde

1971

– 0,3

1981

– 2,4

1991

– 2,9

2001

– 1,4

2011

– 5,2

1972

+ 0,2

1982

– 2,8

1992

– 4,6

2002

– 3,2

2012

– 5,0

1973

– 0,1

1983

– 2,5

1993

– 6,4

2003

– 4,0

2013

– 4,1

1974

0,1

1984

– 2,7

1994

– 5,4

2004

– 3,6

2014

– 3,9

1975

– 2,9

1985

– 3,0

1995

– 5,1

2005

– 3,4

2015

– 3,6

1976

– 1,6

1986

– 3,2

1996

– 3,9

2006

– 2,4

2016

– 3,6

1977

– 1,1

1987

– 2,0

1997

– 3,7

2007

– 2,6

2017

– 2,9

1978

– 1,8

1988

– 2,6

1998

– 2,4

2008

– 3,3

2018

– 2,3

1979

– 0,5

1989

– 1,8

1999

– 1,6

2009

– 7,2

2019

– 3,0

1980

– 0,4

1990

– 2,4

2000

– 1,3

2010

– 6,9

2020 (p)

– 11,4

Le dernier excédent budgétaire de la France remonte à 1974.

Depuis 1974 et avant 2020, le déficit public a atteint et dépassé la barre des 3 % :

– une première fois en 1985 et 1986 avec un point haut à 3,2 % du PIB en 1986 ;

– une deuxième fois sur une période de six années de 1992 à 1997, avec un point haut à 6,4 % du PIB en 1993 ;

– une troisième fois sur une période de quatre années de 2002 à 2005, avec un point haut à 4 % du PIB en 2003 ;

– une quatrième fois durant une période record de neuf années de 2008 à 2016, avec un point haut à 7,2 % en 2009.

Depuis 2017, le déficit public était revenu de façon constante sous la barre des 3 % du PIB, étant précisé que l’exercice 2019 était affecté par un double compte d’environ 1 point de PIB lié à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de cotisations sociales.

Pour 2020, la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (ci-après « LFI 2020 ») prévoyait un déficit public de 2,2 %, soit le déficit le plus bas depuis 2001.

La crise provoquée par la Covid-19 a nécessité de réviser cette prévision dans la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après « LFR 1 2020 ») et la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après « LFR 2 2020 »). Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) détériore à nouveau la prévision de solde public.

Il est désormais prévu au niveau record de – 11,4 % du PIB.

Prévision de solde public pour 2020

(en pourcentage du produit intérieur brut)

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3 2020

– 2,2 %

– 3,9 %

– 9,1 %

– 11,4 %

B.   une stabilitÉ du dÉficit structurel mais un dÉficit conjoncturel trÈs important

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le déficit conjoncturel est le déficit lié à la conjoncture.

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production. Les hypothèses de calcul ont été fixées dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Le Gouvernement a communiqué au Rapporteur général une mise à jour du calcul de l’écart de production.

hypothèses de calcul des composantes du solde public

 

2017

2018

2019

2020

Croissance effective

2,3

1,8

1,5

 11,0

Croissance potentielle

1,25

1,25

1,25

1,25

Écart de production

  0,5

0,0

0,3

 11,8

Sur cette base, l’essentiel de la dégradation en 2020 de la prévision du déficit public s’explique par la conjoncture. La composante conjoncturelle du déficit atteindrait 7 % du PIB.

En revanche, le déficit structurel demeurerait stable en 2020 à 2,2 % du PIB.

Toutefois, dans son avis n° HCFP 2020-4 du 8 juin 2020, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que le déficit structurel pourrait « se révéler plus élevé que prévu dans ce 3ème PLFR » dans la mesure où « certaines des dépenses liées à la crise sanitaire, considérées comme temporaires par le Gouvernement, pourraient être prolongées au-delà de 2020 ». Il a souligné que « lévaluation du PIB potentiel risque dêtre revue à la baisse en raison de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage et des conséquences de la hausse prévisible des faillites dentreprises et de la baisse des investissements sur les capacités de production ainsi que de limpact sur la productivité de la mise en œuvre durable des mesures de protection sanitaire ».

Le tableau de synthèse de l’article liminaire ne comporte pas de décomposition par sous-catégorie d’administrations publiques. Interrogé par le Rapporteur général, le Gouvernement a communiqué le tableau suivant.

Décomposition du solde public en point de pib et par sous-secteur

 

2017

2018

2019

2020

Solde nominal (APU)

 2,9

 2,3

 3,0

 11,4

Solde État

 3,0

 2,8

 3,5

 9,4

Solde Odac

 0,2

 0,1

 0,1

1,1

Solde APUL

0,1

0,1

0,0

 0,4

Solde ASSO

0,2

0,5

0,6

 2,8

Selon des renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement, en comptabilité nationale, le déficit public pour 2020 est prévu à 250,4 milliards d’euros dont 181,4 milliards d’euros au titre de l’État et des administrations centrales, 8,6 milliards d’euros pour les administrations publiques locales, et 60,4 milliards d’euros pour les administrations de sécurité sociale. Le déficit de l’État stricto sensu s’élèverait à – 205,6 milliards d’euros et les ODAC présenteraient un solde positif de 24,2 milliards d’euros, intégralement dû à la reprise par l’État de la dette de la SNCF.

Décomposition du solde public en milliards d’euros et par sous-secteur

Catégorie dadministrations publiques

2019

2020

État et Organismes dadministrations centrales (ODAC)

 85,6

 181,4

Administrations publiques locales (APUL)

 1,2

 8,6

Administrations de sécurité sociale

14,0

 60,4

Total administrations publiques (APU)

 72,7

 250,4

C.   des mesures exceptionnelles et temporaires importantes pour faire face à la crise

La dégradation de la prévision de déficit public est également due aux mesures exceptionnelles et temporaires proposées pour faire face à la crise du Covid‑19. Le plan élaboré par le Gouvernement comprend ainsi 57,5 milliards d’euros de dépenses.

Mesures exceptionnelles et temporaires pour 2020

Mesure

Montant
(en milliards deuros)

Activité partielle

31

Fonds de solidarité

8

Dépenses supplémentaires d’ONDAM

8

Exonération de charges

3

Plans sectoriels

3

Crédits d’urgence portés par l’État

1,5

Aide aux ménages les plus fragiles

1

Prime pour les indépendants

1

Décalage de la réforme de l’assurance chômage

0,5

Avances remboursables pour soutenir les PME

0,5

Crédits pour masques non chirurgicaux

0,5

Remboursement anticipé des créances de carry-back

0,5

Total

57,5*

* Le total de ce tableau est de 58,5 ; l’écart s’explique par le fait que le Gouvernement a arrondi dans l’exposé des motifs de l’article liminaire au demi-milliard le plus proche le coût des différentes mesures qu’il propose.

Ces mesures constituent une composante du plan global de 136 milliards présenté par le Gouvernement. Certaines d’entre elles se déploieront au-delà de 2020 et seront prises en compte dans le tableau de synthèse pour 2021 qui sera inclus à l’article liminaire du prochain projet de loi de finances.

Par ailleurs, ce plan du Gouvernement comprend de nombreuses mesures qui ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale. Il en est ainsi par exemple des remboursements anticipés de crédits d’impôt, des prises de participation exceptionnelles, ou encore du plan d’aide aux collectivités territoriales (qui est interne aux administrations publiques et ne constitue donc pas une dépense maastrichtienne).

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CF226 de Mme Marie-Christine Dalloz et l’amendement CF847 de Mme Valérie Rabault.

Mme Marie-Christine Dalloz. En présentant il y a un instant le rapport de la mission d’information flash sur la dette publique, le rapporteur général a rappelé l’importance de la trajectoire du solde structurel par rapport à la dette. Je considère également que la crédibilité de la France se joue en grande partie sur ce critère. Pour sa part, lors de son audition il y a deux semaines, le nouveau président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a bien insisté sur le fait qu’il est essentiel de ne pas se retrouver dans la situation de devoir déclencher le mécanisme de correction prévu par la loi organique de 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Il est donc urgent que le Gouvernement propose des mesures structurelles fortes afin d’éviter que ce scénario ne se produise. Tel est l’objet de l’amendement CF226.

Mme Christine Pires Beaune. Notre groupe propose chaque année des amendements portant sur la répartition entre le solde structurel et le solde conjoncturel. Ainsi l’amendement CF847 propose-t-il de corriger la prévision de solde structurel pour 2020, en la faisant passer de -2,2 % à -2,4 %. Pour rappel, lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, nous avions déjà présenté un amendement visant à corriger la prévision de solde structurel pour 2020, en faisant passer celle-ci de -2 % à -2,2 %, et l’avenir nous a donné raison…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est désormais évident que nous ne pouvons plus nous référer à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022, comme le fait l’amendement CF226 : celle-ci, qui commençait déjà à devenir caduque lors du précédent exercice, l’est complètement depuis la crise du Covid‑19. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Même si je rejoins le constat de Mme Pires Beaune, j’émets également un avis défavorable à l’amendement qu’elle a présenté.

En tout état de cause, il va bientôt devenir nécessaire – soit avant le projet de loi de finances pour 2020, soit un peu plus tard – de définir une nouvelle trajectoire pour le solde structurel.

M. Charles de Courson. Les auteurs de ces deux amendements ont raison de soulever la question de la distinction entre le solde conjoncturel et les mesures exceptionnelles et temporaires. Alors que nous étions en général à - 0,1 % ou - 0,2 % sur chaque ligne, nous en sommes respectivement à - 2,3 % à - 7 % et eu égard au présent texte. Il apparaît, en outre, qu’il n’est pas toujours évident de savoir dans quelle catégorie certaines mesures doivent être classées. Il serait intéressant, monsieur le rapporteur général, que vous nous expliquiez comment on calcule ces deux taux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous invite à lire le rapport, monsieur de Courson : vous y trouverez des explications.

La commission rejette successivement les amendements CF226 et CF847.

Elle examine l’amendement CF237 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’amendement CF237 vise à ajouter au tableau de l’article liminaire une colonne affichant l’exécution pour 2018, de façon à montrer que le solde structurel est de - 2,2 % pour la troisième année consécutive et qu’il n’y a donc eu aucun redressement des finances publiques au cours des trois dernières années.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je prendrai soin, dans le rapport, de partir de la LPFP et d’indiquer les chiffres projet de loi de finances rectificative par projet de loi de finances rectificative (PLFR). Pour des raisons pratiques, la norme du tableau de l’article liminaire est la même pour tous les PLFR : seule l’année n-1 est indiquée à titre de comparaison. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. La stabilité ou l’évolution du solde structurel est un vrai sujet.

La commission rejette l'amendement CF237.

Elle adopte l’article liminaire sans modification.

*

*     *

Après l’article liminaire

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CF965 de Mme Valérie Rabault et les amendements CF1377, CF1378, CF1379 et CF1380 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF965 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er août 2020 – la date du 1er mai figurant dans le texte de l’amendement résulte d’une erreur matérielle – un rapport détaillant les raisons de la révision du solde public à hauteur de – 11,4 % du produit intérieur brut en 2020. Dans la mesure où le Gouvernement a dégradé trois fois de suite la prévision de déficit public – ce qui est bien compréhensible compte tenu des circonstances –, il serait très utile de pouvoir disposer du détail des prévisions, en dépenses comme en recettes, et pour chaque catégorie d’administrations publiques.

Mme Émilie Cariou. L’amendement CF1377 demande un rapport détaillant les raisons de la révision du solde public à hauteur de – 11,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020, et précisant notamment l’évolution des prévisions de recettes et le rôle de la fiscalité des multinationales et des ménages aisés dans cette évolution.

L’amendement CF1378 demande un rapport précisant l’évolution des prévisions de recettes et de dépenses en faveur de la transition écologique et de la justice sociale en ce qui concerne les aides sectorielles, en particulier en faveur du secteur ferroviaire.

L’amendement CF1379 demande un rapport précisant l’évolution des prévisions de recettes et de dépenses en faveur de la transition écologique et de la justice sociale et la manière dont les entreprises soutenues par les pouvoirs publics contribuent à cette transition par le biais de contreparties aux aides financières reçues.

Enfin, l’amendement CF1380 demande un rapport précisant l’évolution des prévisions de recettes et de dépenses en faveur de la transition écologique et de la justice sociale au regard de l’implication des collectivités territoriales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour ce qui est de l’amendement CF965, j’estime qu’il est tout à fait légitime de rechercher les informations souhaitées, et j’ai moi-même dû me renseigner auprès du Gouvernement pour les obtenir.

Le solde toutes administrations publiques (APU) se dégraderait à – 250,4 milliards d’euros en 2020, soit – 11,4 % du PIB. Le solde des administrations publiques centrales (APUC) serait de – 8,3 % du PIB ; le solde des administrations publiques locales (APUL) de – 0,4 % ; enfin, le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) de – 2,7 %. Vous ayant fourni les renseignements que vous souhaitiez, je vous invite à retirer votre amendement.

De même, j’invite Mme Cariou à retirer ses quatre amendements d’appel et à interroger le Gouvernement en séance publique.

Mme Émilie Cariou. Je retire mes quatre amendements.

M. Charles de Courson. Cela fait des années que je demande ces informations, et j’espère qu’elles figureront dans votre rapport, monsieur le rapporteur, mais je ne comprends pas qu’il faille systématiquement les arracher au Gouvernement. Celles que vous nous avez données ne sont d’ailleurs pas complètes : par exemple, vous ne nous avez pas donné le solde des organismes divers d’administration centrale (ODAC) qui, si j’ai bien compris, serait positif, puisqu’il s’établirait à 1 % du PIB – je rappelle que les ODAC ne sont pas compris dans le budget de l’État.

Mme Christine Pires Beaune. Je retire mon amendement, tout en faisant remarquer au rapporteur général que notre demande ne portait pas que sur les soldes, mais aussi sur l’évolution des dépenses et des recettes pour chaque catégorie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage la préoccupation de M. de Courson, qui m’a conduit à aller réclamer au Gouvernement les informations souhaitées. Je précise que les ODAC sont compris dans le solde APUC, mais je n’ai pas, pour le moment, le détail du solde des ODAC, ni la confirmation de l’excédent que vous évoquez. Je vais me renseigner mais je ne vous garantis rien, car la demande identique que j’avais faite à l’occasion du précédent PLFR est restée vaine. Cela peut d’ailleurs se comprendre : dans le cadre d’un PLFR, on a beaucoup moins de temps pour préparer le rapport que dans le cadre d’une loi de finances initiale, et on dispose donc d’une information un peu moins détaillée.

M. Charles de Courson. Ne croyez pas cela, monsieur le rapporteur général : on peut obtenir les détails souhaités ! Il vous suffit de calculer le déficit de l’État en pourcentage du PIB et, en soustrayant 8,3 points, vous obtiendrez le solde des ODAC – un solde positif, ce qui mérite explication.

M. le président Éric Woerth. Peut-être, mais ne perdons pas de vue que le solde des ODAC est assez artificiel, notamment compte tenu des recettes exceptionnelles qu’il peut comprendre.

Les amendements CF965, CF1377, CF1378, CF1379 et CF1380 sont retirés.

*

*     *


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE LÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.  IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A. Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Annulation de redevances doccupation du domaine public de lÉtat
et de ses établissements publics

Résumé du dispositif proposé

L’occupation du domaine public de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements et des établissements publics, qui doit résulter d’un titre à cet effet, donne lieu au paiement d’une redevance, sauf dérogations limitativement prévues par la loi.

Dans le cadre de la crise actuelle, le paiement des redevances domaniales a été suspendu pour la période courant entre le 12 mars et le 23 juillet 2020.

Le présent article prévoit l’annulation pour une période de trois mois, à compter du 12 mars 2020, des redevances et produits de location qui sont dus au titre de l’occupation du domaine public de l’État et de ses établissements publics, autres que ceux de santé, par :

– les petites et moyennes entreprises (PME) au sens européen ;

– dont les activités relèvent des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, du sport, de la culture et de l’événementiel.

Ce dispositif, qui renforce significativement la mesure initiale de suspension, permettra aux PME de secteurs particulièrement affectés par la crise de bénéficier d’un allégement de leurs charges. Le coût de l’annulation proposée est estimé à 6 millions d’euros.

Dernières modifications intervenues

L’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 a modifié l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation en matière de contrats publics, afin d’y intégrer la suspension du paiement des redevances domaniales.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

L’occupation du domaine public, régie par la loi, donne lieu au paiement d’une redevance due par l’occupant – paiement ayant fait l’objet d’une suspension dans le cadre de la crise actuelle.

A.   L’OCCUPATION TEMPORAIRE DU DOMAINE PUBLIC EN CONTREPARTIE DU PAIEMENT D’UNE REDEVANCE

Le droit régissant le domaine public, qu’il s’agisse de sa consistance ou de son utilisation, est codifié au sein du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), qui a remplacé à compter du 1er juillet 2006 les différents textes jusqu’alors applicables et l’édifice prétorien construit par le juge administratif ([120]).

1.   La consistance du domaine public

a.   La notion de domaine public

Le domaine public recouvre, en droit public français, l’ensemble des biens de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou d’autres personnes publiques qui :

– sont affectés à l’utilité publique, c’est-à-dire, aux termes de l’article L. 2111-1 du CGPPP :

– concourent à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public et en constitue un accessoire indispensable, en application de l’article L. 2111-2 du CGPPP.

Le domaine public s’oppose au domaine privé, qui recouvre les biens des personnes publiques n’appartenant pas au domaine public, ainsi qu’en dispose l’article L. 2211-1 du CGPPP.

b.   Les composantes du domaine public

La consistance du domaine public est définie au livre Ier de la deuxième partie du CGPPP, et distingue le domaine public immobilier et le domaine public mobilier.

● Le domaine public immobilier regroupe :

– le domaine public maritime, qu’il soit naturel (tels que les sol et sous-sol de la mer entre le rivage terrestre et la limite extérieure de la mer territoriale, ou encore les lais et relais) ou artificiel (notamment les ouvrages et installations destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime) ;

– le domaine public fluvial, recouvrant lui aussi une dimension naturelle (cours d’eau et lacs) et une dimension artificielle (tels que les canaux, plans d’eau et ouvrages destinés à assurer leur alimentation en eaux) ;

– le domaine public routier, regroupant les biens affectés aux besoins de la circulation terrestre, hors voies ferrées. Le code de la voirie routière précise la consistance du domaine public routier des différentes personnes publiques :

– le domaine public ferroviaire, correspondant aux biens non compris dans l’emprise des biens relevant du domaine public routier et affectés exclusivement aux services de transports publics guidés le long de leurs parcours en site propre ;

– le domaine public aéronautique, regroupant les biens affectés aux besoins de la circulation aérienne publique (tels que les emprises des aérodromes) ;

– le domaine public hertzien, correspondant aux fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République.

● Le domaine public mobilier, quant à lui, recouvre, aux termes de l’article L. 2112-1 du CGPPP, les biens qui présentent un intérêt public du point de vue historique, artistique, archéologique, scientifique ou technique, tels que les archives publiques ou les collections des musées.

c.   La protection du domaine public

Le domaine public fait lobjet dune protection particulière et les biens qui en relèvent sont, à ce titre, inaliénables (les biens classés dans le domaine public ne peuvent en principe être cédés) et imprescriptibles (l’occupation prolongée du domaine public n’emporte pas appropriation des biens), ainsi que le prévoit l’article L. 3111-1 du CGPPP, et sont également insaisissables aux termes de l’article L. 2311-1 du même code.

Les dérogations aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité sont limitativement énumérées aux articles L. 3112-1 à L. 3112-3 du même code et concernent la cession amiable et l’échange de biens entre personnes publiques, pour l’application de leurs compétences et missions, ainsi que l’échange d’un bien relevant du domaine public, sous réserve de son déclassement préalable, avec des biens d’une personne privée pour améliorer les conditions d’exercice d’une mission de service public.

2.   L’utilisation du domaine public : une occupation privée encadrée

L’utilisation des biens qui relèvent du domaine public ne peut qu’être conforme à leur affectation à l’utilité publique, conformément à l’article L. 2121-1 du CGPPP.

a.   Une occupation supposant l’obtention d’un titre d’autorisation

● Compte tenu de cette affectation et, plus généralement, de la protection dont fait lobjet le domaine public, lutilisation de ce dernier suppose obligatoirement la disposition dun titre à cet effet, ainsi qu’en dispose l’article L. 2122-1 du même code ; l’autorisation qui résulte de ce titre présente plusieurs caractéristiques :

– elle est temporaire, l’occupation du domaine public ne pouvant elle-même qu’être temporaire aux termes de l’article L. 2122-2 du CGPPP, expliquant l’appellation générique des titres d’occupation du domaine public d’« autorisation d’occupation temporaire » (AOT) ;

– elle est précaire et révocable, aux termes de l’article L. 2122-3 du même code ;

– elle n’emporte aucun droit acquis à son renouvellement (voir ainsi la décision Commune de Port-Vendres rendue le 25 janvier 2017 par le Conseil d’État ([121])).

● La demande de l’autorisation d’occupation doit être adressée à la personne publique propriétaire du bien domanial concerné, en application de l’article R. 2122-2 du CGPPP, et est délivrée par elle, ainsi que le prévoit l’article R. 2122-4 du même code, c’est-à-dire, toujours aux termes de cet article :

– par le préfet, pour le domaine public de l’État ;

– par le maire, pour le domaine public communal et en vertu de l’article R. 2241-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ;

– par le président du conseil départemental pour le domaine public du département et en vertu de l’article R. 3213-1 du CGCT ;

– par le président du conseil régional pour le domaine public de la région et en vertu de l’article R. 4221-1 du CGCT.

L’autorisation d’occupation du domaine public, ainsi qu’il résulte de l’article R. 2122-1 du CGPPP, peut être de nature contractuelle, à travers une convention d’occupation, ou unilatérale.

● Lorsque lautorisation est délivrée en vue dune exploitation économique, des règles particulières sont prévues pour assurer une juste concurrence entre les entreprises :

– la délivrance de l’autorisation résulte, en principe, dune procédure de sélection préalable, en vertu de l’article L. 2122-1-1 du CGPPP – des exceptions étant prévues au second alinéa de cet article et aux articles L. 2122-1-2 à L. 2122-3-1 du même code ;

– la durée de l’occupation domaniale, en application du second alinéa de l’article L. 2122-2 dudit code, est fixée de manière à ne pas limiter excessivement la libre concurrence, à permettre l’amortissement des investissements projetés et à assurer une rémunération équitable.

Parmi les autorisations d’occupation privative à des fins économiques, peuvent être mentionnés :

– le permis de stationnement, qui n’emporte aucune emprise ; il correspond par exemple à l’installation d’une terrasse ouverte ou encore à l’ouverture d’un étalage amovible ;

– la permission de voirie, qui emporte emprise au sol, telle qu’une terrasse fermée ou un kiosque fixe.

L’occupation du domaine public assortie de droits réels

L’occupant du domaine public peut, dans certaines hypothèses, être titulaire de droits réels sur les ouvrages réalisés, lui permettant notamment de recourir à l’hypothèque pour garantir les emprunts contractés pour la réalisation des ouvrages concernés.

Peuvent ainsi être conclus des baux emphytéotiques administratifs (BEA), dont la durée est comprise entre 18 et 99 ans en application de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime.

Cette possibilité est prévue à l’article L. 2341-1 du CGPPP pour l’État, aux articles L. 1311-2 du CGCT et L. 2122-20 du CGPPP pour les collectivités territoriales et à l’article L. 6148-2 du code de la santé publique pour les établissements publics de santé (article abrogé à compter du 1er avril 2016).

Par ailleurs, les AOT peuvent être assorties de droits réels en application :

– de l’article L. 2122-6 du CGPPP s’agissant du domaine public de l’État ;

– des articles L. 1311-5 à L. 1311-8 du CGCT et L. 2122-20 du CGPPP s’agissant du domaine public des collectivités territoriales.

b.   Une occupation donnant en principe lieu au paiement d’une redevance

● Loccupation du domaine public donne lieu au paiement dune redevance dont le régime est fixé par les articles L. 2125-1 et suivants du CGPPP.

L’AOT peut toutefois, par dérogation, être délivrée à titre gratuit lorsque l’occupation domaniale est la condition naturelle et forcée de l’exécution de travaux ou de la présence d’un ouvrage portant sur un service public gratuit, ou lorsque cette occupation contribue directement à la conservation du domaine public.

● Le montant de la redevance doit tenir compte des avantages de toute nature procurés à loccupant, son montant dépendant donc notamment de l’existence d’une emprise au sol, de la durée d’exploitation et de la valeur commerciale du bien concerné, ainsi que le prévoit l’article L. 2125-3 du CGPPP.

Cependant, lorsque l’occupation résulte d’une convention d’occupation, le montant de la redevance est fixé en fonction de l’économie générale du contrat, pouvant aller jusqu’à la gratuité si le contrat s’exécute au seul profit de la personne publique cocontractante.

● Le paiement de la redevance est en principe annuel et fait davance, en application du premier alinéa de l’article L. 2125-4 du CGPPP.

Toutefois, le paiement peut faire l’objet d’acomptes, voire d’un versement intégral (si l’autorisation n’excède pas cinq ans) ou quinquennal (dans le cas contraire). Tout retard de paiement donne lieu à l’application d’une majoration des sommes restant dues au taux de l’intérêt légal.

Une occupation irrégulière du domaine public, c’est-à-dire sans le titre prévu à l’article L. 2122-1 du CGPPP, est passible du paiement de l’amende prévue pour les contraventions de 5e classe, soit 1 500 euros aux termes de l’article 131-13 du code pénal.

● Les redevances domaniales, tout comme les produits de location dus au titre de l’occupation du domaine – qui recouvrent les loyers versés en contrepartie de l’utilisation du domaine, par exemple dans le cadre d’un BEA – constituent des recettes non fiscales.

Les redevances domaniales de l’État constituent des recettes du compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », portant pour 2020 sur un montant de 100 millions d’euros ainsi qu’il ressort du III de l’état A annexé à la loi de finances pour 2020.

B.   LA SUSPENSION DU PAIEMENT DES REDEVANCES DOMANIALES DANS LE CADRE DE LA CRISE LIÉE À LA PANDÉMIE DU COVID-19

En application de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 ([122]), le Gouvernement a, le 25 mars 2020, pris une ordonnance afin d’adapter les règles relatives au droit de la commande publique ([123]).

Cette ordonnance a été modifiée en avril afin, notamment, d’y intégrer expressément à son article 6 un volet relatif aux redevances domaniales ([124]).

● En application de cette ordonnance, les redevances d’occupation du domaine public dues par le cocontractant de l’administration titulaire d’une convention d’occupation domaniale font l’objet d’une suspension :

– lorsque les conditions d’exploitation de l’activité de l’occupant sont dégradées dans des proportions manifestement excessives au regard de la situation financière du cocontractant ;

– et pour une période maximale courant du 12 mars au 23 juillet 2020 inclus.

Ainsi qu’il ressort du rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance d’avril 2020 ([125]), cette suspension vise à alléger les charges des entreprises qui ont connu une forte baisse d’activité en raison de la pandémie et ne sont plus nécessairement en mesure, de ce fait, de verser les redevances dues. La suspension s’applique aussi bien aux redevances dues au titre de contrats de la commande publique, tels que les contrats de mobilier urbain, qu’aux « pures conventions domaniales » qui ne peuvent bénéficier des règles applicables aux marchés et concessions telles que la théorie de l’imprévision (pour mémoire, cette théorie mise en place par le juge administratif cible les modifications générales de l’équilibre d’un contrat public qui ne pouvaient être prévues lors de la conclusion de ce dernier, et ouvre droit à une indemnisation au bénéfice du cocontractant de l’administration ([126])).

La mesure ainsi prévue avait pour objectif d’alléger les charges pesant sur les entreprises occupant le domaine public et, par conséquent, de soutenir celles-ci dans un contexte économique particulièrement délicat.

● Néanmoins, suspendre le paiement des redevances ne dispense pas les entreprises, in fine, de l’acquittement des sommes dues : la charge n’est que repoussée, et l’obligation de payer peut, pour certaines entreprises, conduire à les placer dans une situation économiquement précaire ou à accroître les difficultés qu’elles rencontrent déjà, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME) relevant de secteurs particulièrement affectés par les conséquences économiques de la pandémie.

Par ailleurs, une lecture stricte de l’ordonnance relative à la suspension exclut de son champ les redevances associées à un titre d’occupation constituant un acte unilatéral de l’administration, seules les contrats étant visés au 7° de l’article 6 de l’ordonnance.

Enfin, le fait de devoir payer des redevances en contrepartie d’une occupation du domaine public qui, en raison de la crise, n’a pas eu lieu sur une période donnée, peut sembler injustifié, voire injuste. À titre d’exemple, la fermeture administrative des restaurants et des cafés a nécessairement privé ces établissements des avantages qu’ils attendaient retirer de leurs terrasses.

● Dans ces conditions, il semble opportun de garantir la pérennité du soutien aux entreprises qui a été amorcé par la suspension des redevances, et donc de le renforcer par une mesure plus ambitieuse d’annulation. C’est précisément l’objet du présent article.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit l’annulation des redevances dues au titre de l’occupation ou de l’utilisation du domaine public de l’État et de ses établissements publics, à l’exception de celui des établissements publics de santé, par les petites et moyennes entreprises de secteurs particulièrement affectés par les conséquences économiques de la pandémie de Covid‑19. Représentant un coût estimé à 6 millions d’euros, il constitue une mesure de soutien opportune pour les entreprises concernées.

A.   L’ANNULATION POUR TROIS MOIS DES REDEVANCES DOMANIALES DUES PAR LES PME DES SECTEURS LES PLUS AFFECTÉS

Le I du présent article prévoit que les redevances et produits de location qui sont dus par certaines entreprises au titre de loccupation du domaine public étatique sont annulés pour une période de trois mois courant à compter du 12 mars 2020.

Le dispositif est applicable dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’il résulte du III du présent article.

1.   Une annulation concernant l’utilisation ou l’occupation du domaine public de l’État et de ses établissements publics hors établissements de santé

 La mesure dannulation ne concerne que le domaine public des bailleurs nationaux, c’est-à-dire de l’État et de ses établissements publics, aux termes du I du présent article.

● Cependant, ce même I exclut expressément du champ de cette mesure loccupation ou lutilisation du domaine public des établissements de santé définis à l’article L. 6141-1 du code de la santé publique. Aux termes de cet article, les établissements publics de santé sont des personnes morales de droit public jouissant de l’autonomie administrative et financière soumises au contrôle de l’État. Leur création résulte, en fonction de leur ressort, d’un décret ou d’un arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé concernée. Leur statut d’établissement public de l’État résulte de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi HPST ») ([127]), mais les collectivités territoriales demeurent associées à la gouvernance de ces établissements.

● Le dispositif proposé ne concerne ainsi pas l’utilisation ou l’occupation du domaine public des autres personnes publiques, notamment des collectivités territoriales.

2.   Une annulation des redevances et loyers portant sur trois mois

Aux termes du I du présent article, l’annulation des redevances et produits de location (c’est-à-dire des loyers) qui sont dus en contrepartie de l’occupation ou de l’utilisation du domaine public porte sur une période de trois mois, courant à compter du 12 mars 2020. Il s’agit du point de départ de la mesure de suspension du paiement des redevances, prévue par l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée précitée.

La dernière phrase du même I prévoit que si la redevance ou le loyer est dû pour une période annuelle, l’annulation porte sur le quart du montant dû. Cette précision est opportune en ce qu’elle évite toute difficulté d’application de la mesure d’annulation.

3.   Une annulation ciblant les PME relevant de secteurs d’activité particulièrement touchés par la crise

L’annulation des redevances pour trois mois est réservée aux entreprises qui remplissent deux conditions.

● D’une part, elles doivent relever de la catégorie des PME au sens du droit européen. Cela recouvre, aux termes du 1 de l’article 2 de l’annexe I du règlement d’exemption générale par catégorie (RGEC) du 17 juin 2014 ([128]), les entreprises qui :

– emploient moins de 250 salariés ;

– et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.

Cette définition des PME correspond à celle prévue par le décret du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique ([129]).

● D’autre part, les entreprises éligibles au dispositif d’annulation prévu doivent relever de certains secteurs dactivités. Sont visés :

– le tourisme ;

– l’hôtellerie et la restauration ;

– le sport :

– la culture ;

– l’événementiel.

Ces secteurs d’activité ont été particulièrement affectés par la crise actuelle, ainsi qu’en fait état le I du présent article.

Ce champ devrait faire l’objet de précisions réglementaires, à l’image de ce qui est expressément prévu dans le cadre des mesures relatives aux charges sociales prévues à l’article 18 du présent projet de loi.

Il est renvoyé au commentaire de cet article 18 pour une présentation des activités relevant de ces secteurs, ainsi que pour une analyse portant sur la compatibilité d’un tel ciblage avec les exigences constitutionnelles en matière d’égalité devant les charges publiques et d’exercice par le législateur de sa pleine compétence, ces exigences apparaissant effectivement satisfaites.

● Dans la mesure où l’annulation des redevances domaniales pour des entreprises relevant de certains secteurs peut constituer une aide d’État, le II du présent article subordonne le bénéfice de cette annulation au respect du règlement européen relatif aux aides de minimis ([130]).

En conséquence, et aux termes de l’article 3 de ce règlement, les aides ne pourront excéder, pour chaque entreprise, 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux (montant ramené à 100 000 euros pour les entreprises de transport de marchandises par route).

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

Le dispositif proposé repose sur un coût pour le budget de l’État estimé à 6 millions d’euros, et participe au soutien public apporté aux entreprises en allégeant les charges qui pèsent sur celles dont l’activité relève de secteurs particulièrement touchés par la crise.

1.   Un allégement des charges pesant sur les entreprises estimé à 6 millions d’euros

L’annulation pour trois mois des redevances domaniales prévue au présent article présente un coût estimé à 6 millions deuros pour le budget de lÉtat – le chiffrage figurant dans l’évaluation préalable ne reposant que sur les biens appartenant au domaine public de l’État, à l’exclusion de ses établissements publics faute de données disponibles.

Cette estimation repose sur la part dans les encaissements enregistrés en 2019 au titre des redevances domaniales représentée par les activités relevant des secteurs ciblés par la mesure, soit 20 millions d’euros annuels. Le chiffrage proposé retient une marge d’erreur, expliquant l’écart entre l’impact estimé de 6 millions d’euros et le montant correspondant au quart de ces redevances (trois mois), soit 5 millions d’euros.

En conséquence de cette mesure, l’état A annexé au présent projet de loi (article 8) prévoit une diminution de 6 millions d’euros des revenus du domaine public non militaire.

2.   Une mesure d’allégement des charges opportune et bien ciblée

● L’annulation des redevances et produits de location va définitivement alléger les charges pesant sur les entreprises éligibles au dispositif, là où la suspension du paiement prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée précitée ne revêtait qu’un caractère temporaire.

Par ailleurs, dans la mesure où, ainsi qu’il a été vu, les redevances sont payées en avance, les entreprises dont le titre de paiement a été émis avant la mesure de suspension, ont déjà acquitté les sommes dues et n’ont donc pu bénéficier de l’allégement temporaire induit par la suspension. L’annulation ici prévue va leur permettre de bénéficier d’un soutien bienvenu.

● Si limpact budgétaire de lannulation prévue au présent article peut paraître modeste, surtout en comparaison d’autres dispositifs tels que celui prévu à l’article 18 relatif aux exonérations de cotisations sociales, lopportunité de cette mesure demeure certaine.

En effet, indépendamment de cette relative modestie, lannulation des redevances domaniales constituera, pour les entreprises qui en bénéficieront, une aide directe au soutien de leur trésorerie. Elle évitera à ces entreprises de devoir payer une somme dont l’acquittement pourrait fragiliser leur situation en raison des difficultés rencontrées dans le cadre de la crise actuelle.

Lopportunité de lannulation prévue est dautant plus saillante quelle est ciblée sur les entreprises qui ont le plus besoin dun soutien global de la part de la puissance publique pour traverser au mieux la crise, c’est-à-dire les PME, généralement plus fragiles que les entreprises dune taille plus importante, et dont les activités relèvent de secteurs particulièrement affectés par les conséquences économiques de la pandémie.

Le dispositif s’inscrit dans le cadre plus large du principe « zéro recette, zéro charge » et sarticule avec lensemble des autres mesures mises en place depuis le mois de mars 2020 et celles prévues par le présent projet de loi, qu’il s’agisse de garanties (tels que les prêts garantis par l’État), de subventions (telles que les aides du fonds de solidarité), d’annulations de charges ou encore du report d’impôts, de cotisations, de loyers, de factures ou d’échéances bancaires.

3.   Le choix opportun d’une libre décision laissée aux collectivités territoriales

La circonstance que le dispositif proposé ne porte que sur le domaine public de l’État et de ses établissements publics ne doit pas laisser penser que les entreprises qui occupent ou utilisent le domaine public de collectivités territoriales sont laissées de côté.

Les redevances domaniales constituent une ressource financière non négligeable pour les collectivités territoriales, et en particulier les communes. Prévoir dans la loi une annulation automatique de ces redevances pourrait ainsi, en réduisant les moyens de ces collectivités, mettre certaines d’entre elles dans une situation délicate.

Il apparaît ainsi préférable, s’agissant des redevances d’occupation ou d’utilisation du domaine public local, de laisser le choix aux assemblées délibérantes élues des collectivités concernées, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales consacré à l’article 72 de la Constitution et de leur autonomie financière prévue à son article 72-2. Une annulation imposée des redevances perçues par les collectivités territoriales au titre de l’occupation de leur domaine public aurait au demeurant pu méconnaître cette libre administration.

Le Gouvernement fait donc ici le choix de la responsabilité et de la confiance vis-à-vis des collectivités territoriales, celles pouvant se permettre d’abandonner une partie de leurs ressources étant libres de le faire. Cette confiance légitimement placée dans les collectivités paraît totalement justifiée, nombreuses étant celles qui ont d’ores et déjà pris des mesures assouplissant les règles d’occupation et d’utilisation de leur domaine public – notamment à travers la possibilité d’étendre gratuitement les terrasses des restaurants et cafés.

Le dispositif ne prévoit donc, s’agissant des collectivités territoriales, aucune coercition ou obligation, et laisse chacune d’entre elles apprécier, en fonction de ses spécificités et de ses besoins, l’opportunité de renoncer aux redevances à travers un arbitrage entre, d’une part, la nécessité de disposer de ressources suffisantes et, d’autre part, la pérennité de l’activité d’entreprises qui procurent des ressources, notamment fiscales, et qui participent à l’attractivité locale.

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*     *

La commission est saisie des amendements CF168 et CF163 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. L’amendement CF168 vise à inclure les redevances des plateformes aéroportuaires ou ferroviaires dans le champ du dispositif de l’article 1er.

L’amendement CF163 propose de créer une dérogation afin que les activités d’avitaillement d’aéronefs et de trains exerçant sur les plateformes aéroportuaires et ferroviaires ne soient pas soumises à la définition européenne de la PME afin de pouvoir bénéficier de l’exonération des redevances domaniales et commerciales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vais faire une réponse un peu longue au sujet de ces deux amendements, ce qui me permettra d’être plus bref quand je donnerai mon avis sur les autres amendements à l’article 1er. Je vais en effet émettre de nombreux avis défavorables à ces amendements, car l’article 1er, au demeurant d’un montant budgétaire assez faible, ne constitue pas le seul outil pour aider les secteurs ciblés, notamment le tourisme, la restauration et l’hôtellerie.

Je rappelle que nous avons mis en place un plan en faveur du tourisme, d’un montant de 18 milliards d’euros. Nous examinerons, lors de l’examen de l’article 18, les mesures d’exonération s’élevant à 3 milliards d’euros. L’article 1er, qui porte sur l’occupation domaniale, prévoit des mesures à hauteur de 6 millions d’euros. Tout ce qui concerne le domaine public local, par exemple celui des communes, n’entre pas dans ce champ, c’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable aux amendements visant à le modifier, pour des raisons évidentes de libre administration.

La commission rejette successivement les amendements CF168 et CF163.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF1031 de Mme Émilie Bonnivard, CF1263 de M. Stéphane Buchou et CF358 et CF359 de Mme Sophie Panonacle.

Mme Émilie Bonnivard. Le plan de soutien au secteur du tourisme que vous venez d’évoquer, monsieur le rapporteur général, n’épuise pas toutes les solutions susceptibles d’être mises en œuvre pour accompagner un secteur économique qui sera encore en grande difficulté dans les mois à venir. Les hôtels et les restaurants ont un problème de rentabilité dû à une chute de leur chiffre d’affaires, et une grande incertitude pèse encore sur le comportement des consommateurs : rien ne prouve pour le moment que la perte subie en début d’année va pouvoir être compensée. Dans ce contexte, nous devons alléger autant que possible les charges pesant sur ces entreprises. C’est pourquoi nous proposons, avec l’amendement CF1031, de prolonger jusqu’au 31 décembre 2020 la période d’annulation des redevances et produits de location dus au titre de l’occupation ou de l’utilisation du domaine public de l’État et de ses établissements publics pour les entreprises de tourisme, d’hôtellerie et de restauration.

M. Stéphane Buchou. Certaines entreprises dont l’activité est particulièrement dépendante du tourisme – c’est notamment le cas, dans la filière nautique, des loueurs de bateaux de plaisance maritimes ou fluviaux – sont mal référencées. L’amendement CF1263 vise à les intégrer à la liste des secteurs d’activité liés au tourisme, afin qu’elles bénéficient d’une annulation du montant des redevances et produits de location dus au titre de l’occupation du domaine public de l’État et de ses établissements publics, pour une durée limitée à trois mois à compter du 12 mars 2020.

Mme Sophie Panonacle. En France, plus de 50 millions de passagers annuels ont recours aux liaisons maritimes, qui sont d’une grande importance pour assurer le service public : ainsi, en mer du Nord, les lignes de ferries assurent la continuité territoriale.

L’arrêt du transport maritime de passagers a eu des répercussions pour l’ensemble de la chaîne touristique – agences de voyages, compagnies aériennes, hôtels, restauration. Il apparaît donc primordial que les compagnies maritimes de passagers, dans leur diversité, soient éligibles aux dispositifs d’aides élaborés au niveau national, au titre de leur appartenance au secteur du tourisme.

L’amendement d’appel que je vous propose vise à assurer que les entreprises qui exercent leur activité dans le secteur du transport maritime de passagers, y compris les services nautiques portuaires associés – par exemple, le pilotage –, soient considérées comme appartenant au secteur du tourisme afin de bénéficier, au-delà de la seule suspension du paiement des redevances domaniales, qui restent dues, d’une annulation du montant des redevances et produits de location dus au titre de l’occupation du domaine public de l’État et de ses établissements publics pour une durée limitée à trois mois à compter du 12 mars 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour ce qui est de l’amendement CF1031, je sais l’attachement de Mme Bonnivard au secteur du tourisme et je comprends son intention d’aider encore davantage ce secteur. Il ne faut cependant pas perdre de vue l’objectif de l’article 1er : s’il prévoit une durée limitée à trois mois pour les dispositifs d’allégement des charges, c’est parce que cela correspond aux trois mois de fermeture administrative durant lesquels le domaine public n’a pu être utilisé par les entreprises concernées. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas aller plus loin dans l’aide apportée à ces entreprises, comme le prévoit l’article 18. J’émets donc un avis défavorable.

Monsieur Buchou, l’exposé sommaire de votre amendement fait référence au nautisme. Or la liste publiée le 10 juin intègre déjà tout ou partie des activités que vous mentionnez, puisque sont inclus les transports de passagers sur les fleuves, canaux et lacs, la location de bateaux de plaisance et les balades touristiques en mer. Votre demande me paraissant au moins partiellement satisfaite, je vous invite à retirer votre amendement pour débattre du sujet avec le Gouvernement en séance, afin que le contenu de la liste des activités ciblées puisse évoluer.

Il en va de même de l’amendement CF358 de Mme Panonacle, ainsi que de son amendement CF359 portant sur les entreprises de conchyliculture. Au demeurant, ne retenir que la conchyliculture conduirait à exclure des activités telles que la pisciculture ou encore la culture des crustacés et celle des coraux, qui, comme elle, relèvent de l’aquaculture. Je souhaite donc le retrait de ces amendements et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Je soutiens l’amendement CF358, car je ne vois pas pourquoi l’activité de transport maritime de passagers n’est pas clairement intégrée au secteur du tourisme : le public transporté est essentiellement composé de touristes, notamment britanniques. Ainsi, les passagers de la compagnie Brittany Ferries, présente en Normandie et en Bretagne, sont à 85 % de cette nationalité. La quarantaine pratiquée aujourd’hui encore interdisant toute activité, cet armateur et d’autres se trouvent dans une situation catastrophique, nécessitant la mise en œuvre de mesures d’aide ciblées.

Mme Claudia Rouaux. Je soutiens également l’amendement CF358. L’activité de transport maritime de passagers, notamment dans le secteur de la Manche, n’emploie que des marins français et nous procure des recettes importantes, que ce soit par le biais des touristes britanniques venant en France ou par celui de l’exportation de produits maraîchers vers le Royaume-Uni. Ce secteur mérite d’être soutenu et il en a un grand besoin.

La commission rejette successivement les amendements CF1031, CF1263, CF358 et CF359.

Elle examine l’amendement CF1360 de Mme Pascale Fontenel-Personne. 

M. Joël Giraud. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai conjointement les amendements CF1360 et CF1344, qui émanent tous deux du groupe de travail de notre assemblée sur le tourisme.

Le premier propose d’étendre le périmètre des annulations de redevances et produits de location dus au titre de l’occupation ou de l’utilisation du domaine public de l’État et de ses établissements publics aux entreprises les plus touchées des secteurs qui dépendent substantiellement de ceux relevant du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l’événementiel, sous condition d’une forte perte de chiffre d’affaires.

Le second vise à prolonger le dispositif d’exonération de trois mois par rapport à la durée prévue par le texte.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement CF1360 porte sur un sujet de niveau réglementaire, à savoir ce qui pourrait éventuellement être ajouté à la liste S1 bis relative aux secteurs dépendants. Si les entreprises du secteur dit dépendant, que vous évoquez, figurent dans la liste, elles bénéficieront de l’exonération des charges sociales prévue à l’article 18, qui contient l’essentiel des mesures destinées à venir en aide à ces entreprises.

M. le président Éric Woerth. Quand vous évoquez une exonération des charges, je ne pense pas que les redevances domaniales en fassent partie. Ce point mérite d’être débattu, puisque l’article 18 n’y apportera pas de réponse.

La commission rejette l’amendement CF1360.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF736 de M. Jean-Félix Acquaviva, CF498 de M. M’Jid El Guerrab, CF1344 de Mme Pascale Fontenel-Personne, les amendements identiques CF412 de M. Pierre Cordier et CF1417 de M. Buon Tan, ainsi que l’amendement CF238 de M. Charles de Courson. 

M. Jean-Félix Acquaviva. L’exonération des redevances et produits de location dus au titre de l’occupation ou de l’utilisation du domaine public de l’État et de ses établissements publics, contenue dans ce projet de loi, est une mesure essentielle pour soutenir les entreprises du secteur touristique.

Cependant, dans les territoires à forte spécialisation touristique, qui ont un marché intérieur très faible et dépendent en grande partie des marchés extérieurs, la période d’exonération, prévue de mi-mars à juin, n’est pas suffisante compte tenu des lourds dégâts causés par le confinement, qui se poursuivent au-delà de celui-ci.

Certaines entreprises, notamment les établissements de plage de la côte corse – et même s’ils ont un marché intérieur, ceux de la côte Atlantique ou de la Côte d’Azur – vont se trouver confrontées à une situation catastrophique. Pour limiter les dégâts, nous proposons avec les amendements CF736 et CF676 que la période d’exonération soit prolongée jusqu’à fin décembre. Une telle mesure fait écho aux récentes déclarations du Premier ministre sur le plan de soutien au secteur touristique.

M. Vincent Ledoux. L’amendement CF498 vise à ce que les entreprises des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l’événementiel, qui ont beaucoup souffert durant le confinement et au-delà, soient exonérés du montant des redevances et produits de location dus au titre de l’occupation du domaine public de l’État jusqu’à la fin de l’année.

M. Pierre Cordier. L’amendement CF412 prévoit l’annulation des redevances d’occupation du domaine public de l’État et de ses établissements publics au bénéfice notamment des secteurs relevant du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, particulièrement affectés par les conséquences économiques et financières de la propagation de l’épidémie de Covid-19, pour une durée de six mois à compter du 12 mars 2020.

M. Buon Tan. L’amendement CF417 propose de faire passer de trois mois à six mois la période durant laquelle les PME des secteurs les plus touchés par la crise du Covid‑19 pourront bénéficier de l’annulation des redevances d’occupation du domaine public. En effet, les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration ont pris de plein fouet les conséquences du confinement, et les trois mois d’exonération prévus par le texte ne sont pas suffisants, puisqu’il apparaît au terme de ces trois mois – nous y sommes – que l’activité est bien loin d’avoir retrouvé son niveau initial.

L’endettement de ces entreprises a beaucoup augmenté, alors qu’aucun effet de rattrapage ne semble envisageable pour leur activité dès lors que sont maintenues des restrictions pour les déplacements internationaux ; en tout état de cause, la prudence des touristes ne permettra pas à ces entreprises de retrouver avant de nombreux mois, peut-être même avant un an ou deux, leur niveau d’activité antérieur.

Si nous voulons éviter la faillite de la quasi-totalité des entreprises d’un secteur, ainsi que les licenciements qui en résulteront – dans ce secteur, mais également dans ceux des activités qui leur sont connexes, c’est-à-dire ceux de leurs fournisseurs et sous-traitants –, il est indispensable d’accroître le soutien public qui leur est apporté.

M. Charles de Courson. L’amendement CF238 propose de porter de trois mois à quatre mois la période d’annulation des redevances d’occupation du domaine public de l’État. Le terme de ces quatre mois correspond à la date du 12 juillet 2020, deux jours après celle prévue pour la levée de l’état d’urgence sanitaire en France, qui devrait permettre la reprise d’une activité à peu près normale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Toutes les mesures d’accompagnement économique proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement obéissent à une logique qu’il est très important de respecter afin de ne pas créer une rupture d’égalité entre les secteurs, à savoir que les aides publiques ne sont mises en place que durant la période où les entreprises concernées n’ont pu reprendre leur activité. C’est en vertu du même principe que, dans le cadre du dispositif de l’activité partielle, l’État apporte son soutien aux entreprises en finançant une partie des salaires ; dès lors que l’activité reprend, l’entreprise doit à nouveau employer et rémunérer ses salariés comme elle le fait habituellement.

Si on venait à prolonger la période d’exonération des redevances d’occupation du domaine public pour un secteur d’activité, cela reviendrait à mettre en place une subvention au profit exclusif de ce secteur, donc à créer une rupture d’égalité. C’est pourquoi nous avons préféré aider par d’autres moyens les entreprises touchées par la crise, notamment dans le cadre de l’article 18, et en prolongeant le bénéfice du fonds de solidarité ou de l’activité partielle pour continuer à accompagner les secteurs les plus touchés.

Je suis donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. François Pupponi. Dans sa déclaration du mois de mai, le Premier ministre avait déclaré que les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration feraient l’objet de trois plans spécifiques – un pour Lourdes, un pour l’outre-mer, un pour la Corse –, comportant des mesures particulières.

Par ailleurs, ce PLFR prévoit de proposer aux collectivités locales d’exonérer les entreprises de la taxe de séjour ainsi que de la cotisation foncière des entreprises (CFE), y compris quand elles auront repris leur activité. Pourquoi ne pas imaginer que l’État en fasse de même au profit des territoires les plus touchés par la baisse d’activité, dont les entreprises continueront à souffrir des conséquences de la chute de leur chiffre d’affaires, même si elles ont repris leur activité ?

M. Jean-Paul Mattei. Ces amendements me semblent mettre en évidence le mauvais calibrage de l’article 1er, à la fois dans la durée de l’exonération et dans son périmètre. Il serait intéressant d’avoir une discussion avec le Gouvernement à ce sujet, afin de voir s’il ne serait pas possible de modifier un peu ces paramètres.

Le dispositif prévoyant l’exonération des redevances d’occupation du domaine public de l’État et de ses établissements publics est très spécifique et n’a rien à voir avec les mesures contenues à l’article 18. Certains des amendements visant à modifier ce dispositif sont pertinents, et il me paraît dommage de les balayer d’un revers de la main.

M. Charles de Courson. Selon l’étude d’impact, le coût de la mesure est difficile à mesurer. Est indiqué le montant des redevances domaniales dues au titre de l’occupation du domaine public de l’État, qui est de 45 millions d’euros par an. Le dispositif revient à un quart de cette somme, soit quelque 10 millions. Autant dire que les amendements que nous déposons sont des caramels mous ! Monsieur le rapporteur général, soyez généreux sur ces caramels mous, et tenez bon sur les amendements très coûteux !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’étude d’impact a chiffré le coût de la disposition à 6 millions d’euros sur trois mois, à rapprocher des 3 milliards de l’article 18, qui présente les principales mesures de soutien aux secteurs des listes S1 et S1 bis, dont le tourisme.

La question n’est pas ici d’être généreux ou pas ; elle est d’être juste et d’octroyer les aides de manière adéquate.

Quant aux collectivités, elles peuvent librement prendre des mesures tarifaires pour ce qui concerne leur propre domaine. Elles sont d’ailleurs nombreuses à avoir pris de telles dispositions complémentaires.

M. le président Éric Woerth. Une symétrie pourrait être instaurée entre les mesures de l’État et celles des collectivités.

La commission rejette successivement les amendements CF736, CF498, CF1344, CF412 et CF1417, et CF238.

Elle examine l’amendement CF676 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. L’amendement, identique aux précédents sur le fond, ne concerne que la Corse. En raison de la prégnance du tourisme, qui représente 30 % du PIB de l’île, et du redémarrage tardif des flux de transport – Orly rouvre ses vols le 26 juin, les transports maritimes sont soumis à un processus sanitaire –, l’incidence de la période de confinement se poursuit bien au-delà de celle-ci, notamment pour les établissements de plage, dont les réservations sont annulées de manière irréversible. Nous demandons donc une exonération des redevances pour ces territoires hyperspécialisés dans le tourisme et dépendants des flux externes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Plusieurs amendements traitent de la spécificité du territoire corse ou des outre-mer, qui, avec Lourdes, ont fait l’objet d’annonces gouvernementales. Je laisserai le Gouvernement préciser ses intentions et d’éventuelles spécificités géographiques en séance.

Pour ce qui me concerne, je ne vois pas de raison de procéder à une distinction sur une base géographique à l’article 1er. En tant que rapporteur de ce texte, je dois avant tout m’assurer que des mesures adéquates sont prises pour l’ensemble des secteurs, sur tout le territoire.

M. Jean-Félix Acquaviva. J’entends ce renvoi à l’exécutif, qui s’était engagé publiquement et fortement à soutenir Lourdes, la Corse et les outre-mer. Nous sommes nombreux à l’attendre, car ces mesures sont très importantes pour les entreprises.

Quant aux spécificités géographiques, elles procèdent de situations de fait, comme de l’absence d’un marché intérieur en Corse. Les amendements précédents concernaient plus largement les établissements de plage, comme ceux de la côte Atlantique ou de la côte d’Azur. Sans marché intérieur, la Corse subit de fait une dégradation plus importante de son économie.

La commission rejette l’amendement CF676.

Elle adopte l’article 1er, sans modification.

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*     *

Avant l’article 2

La commission examine l’amendement CF1315 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement, qui fait écho à un amendement adopté dans le deuxième PLFR, vise à appliquer aux particuliers l’exonération de taxation pour les loyers abandonnés. Il permet aux propriétaires fonciers de sortir de leur base taxable des loyers qu’ils n’ont pas perçus ou auxquels ils ont volontairement renoncé, par exemple pour aider des locataires ayant perdu leur emploi du fait de la crise sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement, dont je comprends la finalité, présente certaines difficultés, car il vise uniquement les revenus fonciers imposables à l’impôt sur le revenu (IR). Or un abandon de loyer est déjà non imposable aujourd’hui.

M. Jean-Paul Mattei. Il s’agit de sécuriser le dispositif, car l’abandon de loyers peut être interprété comme un acte anormal de gestion. Il doit être précisé qu’il n’entre pas dans la base taxable.

M. Charles de Courson. Je confirme ce que dit M. Mattei. Aujourd’hui, l’administration fiscale peut considérer qu’un propriétaire qui renonce à des loyers effectue un don. Il sera alors imposé sur un revenu qu’il n’a pas perçu. Sans la précision de l’amendement, des contentieux pourront survenir.

Aujourd’hui, quand votre locataire ne vous paie pas, vous devez payer l’impôt.

Mme Véronique Louwagie. Plus maintenant ! La détermination des revenus fonciers imposables sur le revenu s’effectue à l’heure actuelle sur la base des encaissements et décaissements. Seuls sont taxés les loyers encaissés. L’amendement, s’il était adopté, pourrait mettre en danger la notion d’encaissement.

M. le président Éric Woerth. Il faudra interroger le ministre sur ce point en séance, car nous avons voté dans un précédent PLFR l’exonération de taxation pour les abandons de créance au profit des entreprises locataires.

M. Jean-Paul Mattei. Je maintiens l’amendement et le retravaillerai d’ici à la séance. Une sécurisation fiscale est nécessaire, car l’abandon de loyers ne doit pas être envisagé comme une donation ou une mise à disposition.

La commission rejette l’amendement CF1315.

Elle examine l’amendement CF55 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Compte tenu de la charge importante que représentent les loyers pour les entreprises, le Président de la République a demandé, dès le 16 mars, un report du paiement des loyers des entreprises et, le 20 mars, les fédérations de bailleurs sociaux ont appelé à suspendre les loyers.

Le deuxième projet de loi de finances rectificative a pris en compte l’aspect fiscal des abandons de créances portant sur les loyers des entreprises. Je propose à présent d’inciter fiscalement les bailleurs, notamment les propriétaires privés taxés dans la catégorie des revenus fonciers à l’impôt sur le revenu, à consentir des abandons de loyers au profit des exploitants et des entreprises.

L’amendement prévoit qu’un propriétaire qui abandonne 20 % des loyers à son exploitant bénéficie d’un abattement fiscal de 20 %. Il sera alors taxé sur les 80 % de loyers perçus moins 20 %, soit 60 % des loyers, ce qui constitue une incitation fiscale intéressante.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’en reste au dispositif d’incitation à l’abandon des loyers pour les entreprises locataires, que nous avons voté dans le deuxième PLFR pour 2020. Dans sa rédaction, l’amendement CF55 ne distingue pas s’il s’agit d’un crédit d’impôt sur les abandons de loyers effectués au bénéfice des entreprises ou des particuliers locataires. Je souhaiterais maintenir l’incitation pour les abandons envers les entreprises, considérant que d’autres mesures ont été prises pour les particuliers, notamment le maintien des salaires par le dispositif d’activité partielle.

Dans la continuité du deuxième PLFR, le troisième PLFR3 essentiellement à combler les trous qui subsistent. Or nous avions répondu de manière adéquate à l’amendement que le groupe MODEM avait déposé. Il ne semble pas nécessaire d’aller plus loin.

M. Charles de Courson. La deuxième loi de finances rectificative a créé une rupture d’égalité entre les petits propriétaires privés qui abandonnent une ou deux échéances de loyer et les grandes foncières. Cela n’est pas acceptable.

L’amendement de Mme Louwagie comme celui de M. Mattei sont fondés. En droit, ce sont les loyers dus, non ceux versés, qui sont imposables à l’impôt sur le revenu. En tant que modeste propriétaire foncier, il m’est arrivé de payer des impôts sur des loyers que je n’ai pas perçus.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement va plus loin que le principe acté lors de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 puisqu’un propriétaire, non seulement ne sera pas imposé sur l’abandon de créances, mais bénéficiera aussi d’un coup de pouce.

Comment le crédit d’impôt sera-t-il calculé si le propriétaire abandonne la totalité des loyers ? Si un abattement fiscal de 100 % est consenti dans ce cas, l’avantage semble considérable puisqu’il double la mise.

Mme Véronique Louwagie. J’avais pensé à un abattement fiscal et non à un crédit d’impôt. Il faudrait approfondir le dispositif pour neutraliser les cas que vous mentionnez.

En tout cas, je pense qu’avec une incitation fiscale, de nombreux propriétaires privés bailleurs, dont les revenus fonciers sont bien moindres que ceux des grandes foncières, seraient prêts à abandonner des loyers au profit de petites et moyennes entreprises (PME) ou de très petites entreprises (TPE) locales.

M. Jean-Paul Mattei. Il faut distinguer entre revenus fonciers et revenus soumis à l’impôt sur les sociétés. L’amendement adopté dans le deuxième PLFR conservait la possibilité d’amortissement, qui n’existe pas pour les revenus fonciers.

L’amendement de Mme Louwagie, même s’il doit être retravaillé, est donc pertinent en ce qu’il crée une forme d’amortissement. De nombreux propriétaires sont soumis à l’imposition des revenus fonciers et acquittent à ce titre des contributions sociales, en plus de l’impôt sur le revenu.

L’amendement CF55 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CF920 de M. Vincent Ledoux, CF929 de M. Fabrice Brun et CF1059 de M. Marc Le Fur.

M. Vincent Ledoux. Afin de soutenir la reprise et d’encourager les salariés qui s’emploient à relancer l’activité économique, l’amendement CF920 vise à étendre la durée du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires sur toute l’année 2020.

M. Marc Le Fur. Dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, nous avons décidé de rendre le dispositif de défiscalisation plus favorable et de l’étendre jusqu’à la fin de la période d’urgence sanitaire, sans avoir une idée très précise de son terme. Aujourd’hui, nous savons qu’il s’agira du 10 juillet, une échéance proche. C’est pourquoi nous proposons que le plafond annuel de 7 500 euros soit étendu à l’ensemble de l’année.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. À l’issue des débats nourris sur le deuxième PLFR, cette augmentation du plafond à 7 500 euros nous avait permis de parvenir à un compromis intéressant avec le Sénat. Je vous propose d’en rester là.

M. le président Éric Woerth. Tout PLFR supplémentaire apporte une amélioration des dispositifs déjà votés…

M. Marc Le Fur. Les bénéficiaires seront très peu nombreux, car le dispositif s’arrête au 10 juillet. Nous proposons de l’étendre jusqu’à la fin de l’année.

M. le président Éric Woerth. L’augmentation du plafond vaut pour toute l’année. Un certain nombre d’heures supplémentaires effectuées durant la crise sanitaire seront prises en compte en dehors de l’ancien plafond.

M. Marc Le Fur. À condition de ne pas dépasser 7 500 euros au total.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’objectif du dispositif adopté en commission mixte paritaire (CMP) était de valoriser les personnes qui travaillaient durant la crise. Nous avons proposé un plafond de 7 500 euros sur l’année, la partie supérieure au plafond précédent de 5 000 euros concernant les heures supplémentaires effectuées pendant la crise sanitaire. Ceux qui ont été en première ligne durant cette phase peuvent tout à fait bénéficier de l’augmentation du plafond.

M. le président Éric Woerth. Si les heures supplémentaires qu’un salarié a effectuées durant la crise sanitaire lui rapportent jusqu’à 2 500 euros, elles ne pèsent pas sur l’ancien plafond.

M. Vincent Ledoux. Le but de l’amendement est de soutenir les salariés durant la période de relance, et non pendant la crise sanitaire, donc de donner une dynamique nouvelle.

M. le président Éric Woerth. L’amendement initial du groupe Les Républicains ne prévoyait pas de plafond. Les 7 500 euros finalement décidés valent pour les heures supplémentaires effectuées toute l’année, lorsque les heures supplémentaires effectuées pendant la période de crise sanitaire entraînent un dépassement du plafond annuel de 5 000 euros, ce qui ne concerne que des secteurs très précis.

La commission rejette les amendements CF920, CF929 et CF1059.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF292 de M. Marc Le Fur, puis l’amendement CF597 de M. Martial Saddier.

La commission examine l’amendement CF1040 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. La crise sanitaire conduit à accélérer la rénovation thermique, qui figure au cœur de nombreuses dispositions. L’amendement tend à réduire la base imposable de la plus-value immobilière due par le vendeur en majorant de 15 % le prix des travaux venant en réduction du montant de la plus-value lorsque ces dépenses de rénovation qui ont été engagées avant la vente ont permis un gain énergétique de 25 %.

Je défendrai un amendement symétrique concernant les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des acheteurs.

Ce dispositif, complémentaire du CITE, me paraîtrait efficace pour accélérer la rénovation thermique des logements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Notre régime d’imposition sur les plus-values immobilières est déjà très favorable sans qu’il soit besoin d’établir des taux majorés sur certains travaux, dont le coût est d’ailleurs déjà intégré au prix d’acquisition.

Je rejoins toutefois la nécessité de donner la priorité à la rénovation énergétique des bâtiments, sur laquelle le Président de la République s’est exprimé. Il s’agit bien d’un domaine participant à la relance qui nécessitera des investissements clairs et massifs, mais pas sous forme de taux majorés sur le régime d’imposition des plus-values immobilières. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Puisqu’il s’agit de travaux, les mesures prises auront toujours un coût fiscal.

La commission rejette l’amendement CF1040.

Elle examine l’amendement CF577 de Mme Sylvia Pinel.

M. Charles de Courson. L’amendement a pour objet de faciliter la reprise de l’activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Le régime d’imposition des bénéfices fonciers permet à un bailleur d’imputer son déficit sur le revenu global dans une limite de 10 700 euros. Il s’agit de relever ce plafond à 16 050 euros, afin d’encourager les propriétaires bailleurs à effectuer des travaux dans les logements qu’ils possèdent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On peut déjà reporter les déficits fonciers qui excèdent ce plafond sur les revenus fonciers des dix années suivantes. À part améliorer la trésorerie à court terme, je ne vois pas l’effet d’entraînement qu’aurait sur la filière BTP cette augmentation de plafond. Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Comme le rapporteur général, je suis opposée à toute détunnellisation des revenus fonciers, c’est-à-dire à rendre les déficits fonciers davantage imputables sur le revenu global. Les dix années de report semblent suffisantes. N’oublions pas que de hauts revenus sont concernés, qui utilisent massivement les niches fiscales. Ceux-là doivent payer de l’impôt sur le revenu. Le dispositif actuel semble donc raisonnable.

M. Jean-Paul Mattei. Si l’on veut favoriser la transition énergétique et la rénovation dans les centres-villes, il faudra bien traiter de la fiscalité des revenus fonciers, notamment des amortissements. Cela nécessiterait une réflexion globale.

Je ne considère pas ces revenus comme privilégiés, car de nombreuses taxes pèsent sur le bâti : impôt sur la fortune immobilière (IFI), taxes foncières dont la taxe foncière sur les propriétés bâties. Faisons attention à ce secteur d’activité, qui constitue une priorité économique comme une autre et qui crée des emplois non délocalisables.

La commission rejette l’amendement CF577.

Elle est saisie de l’amendement CF400 de M. Marc Le Fur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement me semble intéressant en ce qu’il propose un travail de pédagogie utile dans une perspective de consentement à l’impôt. Marc Le Fur a raison de pointer l’utilité de faire figurer sur l’avis d’imposition les taux d’imposition marginaux, de sorte que le contribuable comprenne mieux les tranches d’imposition. Ainsi pourrait-on cesser d’entendre des propos erronés sur l’absence de progressivité ou de redistribution de l’impôt.

Si l’indication des taux marginaux est intéressante, je trouve, en revanche, celle du taux moyen inutile depuis le prélèvement à la source.

Je vous propose de retirer l’amendement et de le représenter en séance, car il relève plutôt du pouvoir réglementaire. En tout cas, j’en soutiens l’idée.

L’amendement CF400 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF955 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de plafonner la réduction d’impôt au titre du quotient conjugal à 3 134 euros par an et par part. Le quotient conjugal porte atteinte à la progressivité de l’impôt sur le revenu. Cette mesure, tout en épargnant 40 % des foyers fiscaux modestes, conduirait à accroître les recettes fiscales d’environ 3 milliards d’euros, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le PLFR n’est pas le texte indiqué pour remettre en débat la fiscalité des ménages, ni trancher entre familialisation et individualisation de l’impôt. Ce débat, nous l’avons chaque année en loi de finances initiale, et nul doute que nous l’aurons lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021. Pour l’heure, nous nous concentrons sur le sauvetage de nos entreprises et de nos emplois. Je vous demande de retirer l’amendement.

M. Charles de Courson. L’amendement ne pose pas la question de fond, celle du choix entre un système individualisé, à l’anglo-saxonne, et la familialisation de l’impôt, pour laquelle la France a opté en 1917. Pour revenir dessus, il conviendrait plutôt de présenter un autre dispositif inspiré soit du modèle anglo-saxon, soit du modèle allemand, qui laisse le choix.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement, comme d’autres, relève davantage d’une discussion de PLF que de PLFR.

La commission rejette l’amendement CF955.

Elle est saisie des amendements CF883 et CF885 de Mme Laure de la Raudière.

Mme Patricia Lemoine. L’amendement CF883, qui concerne les plateformes de crowdfunding, vise, sous certaines conditions, à rendre éligibles à la réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de petites et moyennes entreprises non cotées, dite réduction IR-PME, les souscriptions d’obligations convertibles en actions ou d’obligations remboursables en actions, de bons de souscription d’actions, d’avances bloquées d’actionnaires destinées à être incorporées au capital. Cette mesure permettrait aux actionnaires des PME d’attirer des financements sans être dilués lors de la souscription, afin de lever des réticences souvent constatées.

L’amendement CF885 tend à inciter les contribuables à investir et réinvestir dans les fonds propres et quasi-fonds propres des PME les plus-values de transfert de telles valeurs mobilières. Réinvesties dans des PME éligibles au dispositif IR-PME, celles-ci pourraient, sur option du contribuable, bénéficier du sursis d’imposition. Ainsi, la plus-value ou moins-value générée par lesdits titres ne serait calculée que lorsque le contribuable souhaiterait utiliser le prix de cession de ces titres à autre chose que l’investissement dans les PME.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur l’IR-PME, j’attends déjà que soit appliqué au niveau européen ce que nous avons voté dès la loi de finances pour 2018, à savoir la hausse temporaire du taux de 18 % à 25 %. Faisons les choses dans l’ordre. Attendons du Gouvernement des explications. Cela fait partie des chantiers que je souhaite mener, car c’est une mesure importante qui ne trouve pas son application. Je demande le retrait des amendements.

La commission rejette successivement les amendements CF883 et CF885.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements en discussion commune CF82 de M. Marc Le Fur et CF904 de M. Julien Aubert, puis l’amendement CF287 de M. Marc Le Fur.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF531 de Mme Émilie Bonnivard, CF565 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CF656 de M. Fabrice Brun et CF1128 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que les amendements identiques CF495 de Mme Jeanine Dubié, CF530 de Mme Émilie Bonnivard, CF564 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CF628 de Mme Frédérique Lardet, CF655 de M. Fabrice Brun, CF679 de M. Frédéric Descrozaille, CF703 de Mme Patricia Lemoine, CF706 de M. Vincent Ledoux, CF776 de Mme Véronique Louwagie et CF1127 de Mme Marie-Christine Dalloz, et les amendements identiques CF496 de Mme Jeanine Dubié et CF629 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement CF531 a pour objet de venir en aide aux producteurs de spécialités laitières AOP-IGP confrontés à un arrêt brutal des circuits de commercialisation et de consommation de leurs fromages, du fait de l’épidémie de Covid‑19. Ces agriculteurs ou coopératives ont pratiqué très largement les dons en nature aux banques alimentaires pour éviter tout gaspillage et accompagner les plus fragiles. L’idée est de faire progresser substantiellement les dons aux banques alimentaires en créant un dispositif temporaire de défiscalisation des dons, qui permettra aux producteurs de produits laitiers AOP-IGP de déduire de leur revenu imposable la valeur du prix de vente de la part de leur production qu’ils livreront gratuitement aux associations d’aide alimentaire.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La filière laitière a beaucoup souffert pendant la crise du Covid‑19 et la perte de revenus des producteurs, due à un stockage massif des produits invendus qui ont une durée de vie limitée, est évaluée à 17 millions d’euros. Certains de ces produits – très peu – ont pu être conservés, d’autres ont été donnés ; il s’agit en effet de permettre aux producteurs de défiscaliser la partie donnée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dès le début du confinement, les producteurs jurassiens de Comté ont dû jeter 25 % de leur production pour ne pas affaiblir la filière, alors qu’ils continuaient d’effectuer la traite normalement. Ils ont joué le jeu et perdu beaucoup d’argent. Cet amendement des élus de la montagne est une reconnaissance du travail des producteurs sur les AOP-IGP.

M. François Pupponi. Nous proposons que la déduction pour 2020 soit de 100 %.

Mme Émilie Bonnivard. Dans la même logique, l’amendement CF530 vise à soutenir les dons et indemniser le mieux possible les pertes conséquentes de ces producteurs en créant un dispositif temporaire de défiscalisation des dons sur le premier semestre 2020.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CF564 est un amendement de repli.

M. Frédéric Descrozaille. Pour reprendre les termes imagés de M. de Courson, l’amendement CF679 est un amendement « caramels mous », mais c’est une idée généreuse, et concrètement du dégagement de marché, car des milliers de tonnes sont stockées, pour des produits qui, à 90 %, ont une durée de vie de huit semaines.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons en effet un vrai problème de stockage de produits dont la durée de vie est relativement courte.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les filières fromagères ont dû, non seulement abandonner une partie de leur production mais aussi faire des dons : les producteurs ont œuvré dans le caritatif dans des proportions importantes, afin de préserver une partie de leur activité. Ces amendements sont une reconnaissance de ce travail.

M. François Pupponi. L’amendement CF496 est dans la même logique. Si le don correspond à une structure collective, il s’agit de permettre la déductibilité au prorata des dons correspondant à chaque structure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable pour l’ensemble de ces amendements. La réduction d’impôt de 100 % n’est pas le bon outil, d’abord pour une question de temporalité : nous sommes encore dans un PLFR d’urgence, dont l’objectif est d’aider des entreprises maintenant, alors que les réductions d’impôt ont un effet a posteriori. En outre, comme il s’agit d’une réduction et non d’un crédit d’impôt, si l’assiette a diminué, l’impôt est plus faible, et la réduction doit donc avoir un effet relativement faible. Enfin, la fiscalité sur le mécénat et les dons est favorable dans notre pays ; nous avons déjà augmenté, lors du deuxième PLFR, le plafond de la réduction d’impôt Coluche de 537 à 1 000 euros. Les problèmes sont réels, mais faire financer entièrement les dons par l’État – car c’est de cela qu’il s’agit – ne me paraît pas efficace.

La commission rejette successivement les séries d’amendements identiques CF531, CF565, CF656 et CF1128, CF495, CF530, CF564, CF628, CF655, CF679, CF703, CF706, CF776 et CF1127, et CF496 et CF629.

Elle est saisie des amendements identiques CF322 de Mme Cathy Racon-Bouzon, CF452 de M. Bertrand Sorre et CF788 de Mme Sarah El Haïry.

M. Saïd Ahamada. Il s’agit de prévoir un crédit d’impôt supplémentaire à hauteur de 75 %, plutôt que 66 % actuellement, pour les dons aux associations qui, pendant la période du Covid-19, ont aidé beaucoup de nos concitoyens.

Mme Sarah El Haïry. Il s’agit en effet de passer de 66 % à 75 % mais avec un plafond à 1 000 euros et uniquement pour cette année, sur le modèle de ce que nous avons fait pour Notre-Dame : dans un moment de crise, la solidarité nationale joue.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Cette extension du régime Coluche au régime de droit commun porte certes sur des dépenses exceptionnelles, mais outre qu’il faudrait fixer un périmètre pour ce type de dons, je crois que nous avons trouvé un bon équilibre dans le dernier PLFR avec la valorisation du plafond du Coluche. Je vous rappelle que le taux de la réduction d’impôt de droit commun est de 66 %, ce qui est un régime déjà très favorable.

La commission rejette les amendements identiques CF322, CF452 et CF788.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CF106 de Mme Véronique Louwagie, CF119 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CF184 de M. Pierre Cordier, CF254 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF388 de M. Fabien Di Filippo et CF579 de Mme Sylvia Pinel, l’amendement CF914 de M. Julien Aubert, les amendements identiques CF225 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF333 de M. Marc Le Fur, CF837 de Mme Émilie Bonnivard, CF942 de M. Pierre Cordier et CF1407 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, l’amendement CF221 de M. Vincent Ledoux, ainsi que les amendements identiques CF285 de M. Marc Le Fur, CF291 de M. Vincent Ledoux et CF838 de Mme Émilie Bonnivard, l’amendement CF104 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, et l’amendement CF1385 de M. Matthieu Orphelin .

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF106 repose sur l’idée que le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) pourrait profiter au secteur du bâtiment, touché de plein fouet par la crise. Les entreprises du BTP travaillent à la fois pour les collectivités, les particuliers et les autres entreprises. Tous ceux qui avaient des projets d’investissement ont stoppé leurs projets ; il importe donc de prévoir des mesures de soutien.

Il vous est ici proposé de rendre à nouveau éligibles au crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique les contribuables des deux déciles supérieurs, qui ont été exclus du dispositif en 2019.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les chantiers du bâtiment qui n’ont pas pu se réaliser en mars ou avril vont se déporter en septembre. Le problème se pose dans tous les territoires. C’est donc une forme de plan de relance pour le bâtiment que nous proposons, dont le coût n’est d’ailleurs pas excessif. Il faut frapper vite pour relancer le secteur.

M. Fabien Di Filippo. Ces deux tranches de revenus représentent potentiellement la moitié des travaux concernés. L’avantage est triple : pour ces ménages, en termes d’isolation des logements, pour l’environnement, et pour les entreprises du bâtiment, dont il faudra s’assurer que les carnets de commandes restent bien garnis.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement CF225 est dans le même esprit : il s’agit des chaudières à très haute performance énergétique, à l’exception bien sûr de celles qui fonctionnent au fioul. Un accompagnement de 600 euros permettrait une relance du BTP tout en favorisant la transition énergétique.

M. Vincent Ledoux. L’amendement CF221 est une anticipation de ce que le Président de la République a déclaré le 14 juin, à savoir que la rénovation énergétique des bâtiments faisait pleinement partie du plan de relance.

M. Dino Cinieri. Le Président de la République a en effet clairement affirmé, dans son adresse du 14 juin, que la rénovation énergétique des logements devait être prioritaire dans le prochain plan de relance. La rénovation des logements doit donc constituer le véritable levier de la relance énergétique.

M. Vincent Ledoux. L’amendement CF291 est dans le même esprit que celui que j’ai défendu précédemment. Le dispositif est limité dans le temps, jusqu’au 31 décembre 2021.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement CF838 vise à étendre l’éligibilité du CITE aux neuvième et dixième déciles, à savoir des couples avec enfants disposant d’un revenu fiscal de référence de 56 000 euros. Ce n’est donc pas une mesure destinée aux plus aisés. L’objectif est à la fois de relancer le secteur du bâtiment et d’encourager la transition énergétique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce sont, en effet, des amendements pour la relance du bâtiment, mais il est trop tôt pour en parler. Dans la réponse à la crise, il est important de respecter les séquences, d’abord en maintenant à flot nos industries et nos entreprises puis en prévoyant les bons investissements publics pour faire effet de levier sur l’investissement privé. Dans ce texte, nous soutenons les entreprises les plus en difficulté.

Au demeurant, le CITE a vocation à disparaître au profit de MaPrimeRénov’, qui est un mieux disant, et je ne souhaite pas détricoter cette transformation qui a été obtenue à l’issue d’une consultation difficile du secteur.

Je suis d’accord que les derniers déciles pourraient être ceux qui stimulent la commande dans ce secteur, et il faudra sans doute regarder dans le projet de loi de finances pour 2021 si l’on peut temporairement prévoir un dispositif adéquat. Mais je ne veux pas que ce soit un signal du maintien du CITE.

M. Fabien Di Filippo. La relance ne peut pas attendre au-delà de l’été, les destructions d’emplois ont déjà commencé, les trésoreries des petites entreprises, notamment dans le bâtiment, sont très fragilisées. Sur MaPrimeRénov’, faites attention, les dossiers ne sont pas validés, cela a un mal fou à se traduire concrètement sur le terrain. Il faudra que vous vous penchiez sur la question. Pour le moment, les entreprises stockent les marchandises et ne peuvent commencer les travaux : les autorisations de versement de la prime ne viennent pas.

Mme Christine Pires Beaune. Si nous attendons le PLF pour 2021, de nombreuses PME et TPE vont disparaître. Dans nos territoires, ce sera dramatique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Au moment du PLF pour 2020, nous n’avions pas imaginé une pandémie et un tel choc économique. Il faut savoir tirer les leçons de la réalité et, dans le secteur du bâtiment, cela implique de lancer un plan de relance au plus vite.

Mme Lise Magnier. On ne peut qu’être inquiet d’avoir à attendre le PLF pour 2021 pour des mesures de relance, car cela signifie que ces mesures n’entreront pas en vigueur avant le 1er janvier de l’année prochaine : nous perdons six mois. Un éventuel quatrième PLFR au mois de septembre pourrait déjà comporter des mesures de relance, c’est-à-dire engager le plan de relance annoncé par le Président de la République.

M. Jean-Paul Mattei. Si autant d’amendements ont été déposés sur ce PLFR tel qu’il est calibré, c’est qu’il existe un besoin de mesures de relance rapides. On ne peut pas attendre le PLF pour 2021, dont les mesures n’entreront en application qu’en début d’année 2021, c’est-à-dire trop tard. Nous devons apporter aux entrepreneurs des solutions d’urgence.

M. Daniel Labaronne. Il est clair qu’une réflexion doit être engagée sur la relance du bâtiment, et sans doute de manière concertée avec l’ensemble de la profession.

Peut-être le ministre fera-t-il des annonces dans l’hémicycle, mais ici, nous travaillons sur un plan d’urgence qui prévoit des mesures sectorielles pour le tourisme, l’automobile et l’aéronautique. Ces mesures ont été négociées avec les filières, dans le cadre de plans globaux qui intègrent les enjeux de la transition écologique. Le moment n’est donc pas venu d’aborder un plan de relance du bâtiment.

Mme Véronique Louwagie. Je veux alerter le rapporteur général et la majorité sur l’urgence des dispositions qu’il convient de prendre. Les deux premières LFR rassemblaient des mesures de soutien qui ont maintenu les entreprises sous perfusion. Il est temps maintenant que l’activité économique reparte, car il y a des emplois à la clé. Sachant qu’une période d’inertie sépare le moment où nous prenons des décisions ici de leur application sur le terrain, il y a urgence à faire repartir l’activité économique. Écoutez vos oppositions !

M. le président Éric Woerth. L’urgence, c’est maintenant, mais on a du mal à le faire entendre au Gouvernement qui pense avoir le temps de prendre successivement des mesures de survie, puis des mesures « entre deux » comme celles de ce troisième PLFR, des mesures de soutien et enfin des mesures de relance, dans lesquelles on s’y retrouve difficilement. On attend sans doute l’Europe pour trouver la meilleure articulation, mais ce n’est pas suffisant.

On voit bien qu’en matière d’énergie, qui est considérée comme une clé, on ne peut plus en rester au CITE réformé : ce dispositif n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Tirer les leçons de la réalité, madame Dalloz, il me semble que depuis la mi-mars nous ne faisons que cela en assurant un soutien massif par des mesures immédiates. L’urgence, chacun l’a en tête depuis le début de cette crise. La question est de savoir ce qu’on entend par la relance. Je n’en ai peut-être pas la même définition que vous. Ces amendements que vous présentez comme des mesures de relance, je les considère davantage comme du soutien. De mon point de vue, une relance sectorielle nécessite une vision globale pour savoir où l’on veut amener les entreprises, pour les guider dans leurs propres investissements, dans leurs emplois et sur les marchés de demain. Ce n’est pas uniquement une question de temporalité ; l’enjeu, tout en les soutenant, est de comprendre comment la crise évolue pour déterminer dans quelles directions les inciter à investir, quelles seront les priorités pour demain. Voilà la différence de taille que je vois entre le soutien sectoriel et la relance.

Si l’on attendait le projet de loi de finances pour 2021, les mesures n’entreraient en vigueur que le 1er janvier prochain, ai-je entendu. Or, elles peuvent très bien être rétroactives.

Madame Magnier, je ne sais pas s’il y aura un quatrième PLFR en septembre, mais il est sûr que nous devons avoir une vision collective de l’avenir que nous voulons pour notre économie. Aujourd’hui, tout n’est pas fixé parce que la crise n’est pas terminée, et j’ai besoin, en tant que rapporteur général, d’y voir plus clair. Ce que nous faisons avec ce troisième PLFR, ce n’est pas rien : ce sont 15,5 milliards d’euros de crédits supplémentaires qui permettront de continuer à soutenir notre économie de façon plus sectorielle. Je crois que c’est la bonne méthode.

Je suis défavorable aux amendements relatifs au CITE parce que cet outil n’est pas l’alpha et l’oméga de la problématique du BTP en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Il faut se garder de ce mauvais réflexe de détricoter – ce que, d’ailleurs, Mme Dalloz fait de manière assez assumée – ce qui a été fait parce que la crise est là. La transformation du CITE en MaPrimeRénov’ est une bonne réforme, et il n’y a aucune raison de l’abandonner. Quant à la rendre éligible aux derniers déciles, si cela permet de stimuler la rénovation énergétique des bâtiments, c’est le cas échéant à examiner. Simplement, je ne crois pas que ce soit le bon moment. Je ne suis pas d’accord avec M. Mattei qui pense qu’il faut tout faire tout de suite ; cela peut être contre-productif.

M. le président Éric Woerth. Et moi, je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur général : nous n’avons pas du tout la même appréciation de ce qu’il convient de faire tout de suite.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF106, CF119, CF184, CF254, CF388 et CF579, l’amendement CF914, les amendements identiques CF225, CF333, CF837, CF942 et CF1407, l’amendement CF221, les amendements identiques CF285, CF291 et CF838, ainsi que les amendements CF1405 et CF1385.

Elle examine l’amendement CF1386 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Jennifer de Temmerman. Il s’agit d’élargir le crédit d’impôt pour la transition énergétique aux logements des propriétaires bailleurs.

Un plan de relance ambitieux en faveur de l’immobilier répondrait judicieusement aux demandes émanant des citoyens. Parmi les préconisations que la Convention citoyenne pour le climat a rendues le week-end dernier, celles du groupe de travail « se loger » comportent des mesures fortes en matière de rénovation énergétique. Nous pourrions déjà envoyer un premier signe à ces 150 citoyens, ce qui montrerait qu’on les écoute et qu’ils n’étaient pas là juste pour le décorum.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, comme pour tous les amendements relatifs au CITE. L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a lancé une réflexion sur les propriétaires bailleurs. Attendons la remise du rapport que nous doit le Gouvernement sur le sujet, qui sera utile pour la relance.

La commission rejette l’amendement CF1386.

 

Elle est saisie des amendements identiques CF102 de Mme Véronique Louwagie, CF109 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CF185 de M. Pierre Cordier, CF249 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF374 de M. Fabien Di Filippo.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’étendre le CITE à tous les travaux effectués dans les résidences secondaires en zone de revitalisation rurale, afin d’accompagner la relance du bâtiment.

M. Dino Cinieri. À l’instar d’autres secteurs, le bâtiment subit de plein fouet la catastrophe sanitaire. Des mesures fortes de court terme sont nécessaires pour assurer son redémarrage le plus rapide possible. Le secteur de la construction représente près de 2 millions d’emplois et près de 500 000 entreprises, essentiellement des TPE et PME, réparties dans tout le territoire, dont la baisse d’activité a été comparable à celle des entreprises frappées par les fermetures administratives. Quand le bâtiment va, tout va !

Mme Marie-Christine Dalloz. Depuis quinze ans que je siège ici, tous les projets de loi de finances contiennent des mesures en faveur des quartiers sensibles. On a beaucoup investi dans les villes et beaucoup désinvesti dans les territoires ruraux. La crise sanitaire a fait découvrir sous un autre angle les territoires ruraux. Avec le télétravail, de plus en plus de citadins veulent s’installer dans des résidences secondaires ; la mesure que je propose les aiderait à en faire leur résidence principale. C’est aussi une façon d’accompagner la migration du monde urbain vers la ruralité.

M. Fabien Di Filippo. La proportion de passoires énergétiques en zone rurale est très préoccupante. Des résidences aujourd’hui secondaires deviendront peut-être des résidences principales demain. Tout ce qui peut aller dans le sens de la rénovation est appréciable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est tout à fait possible que des urbains veuillent s’installer en milieu rural. C’est peut-être une des leçons du confinement.

Alors que, je l’ai dit tout à l’heure, le CITE a vocation à s’éteindre, il s’agit là de l’étendre à un champ qu’il n’a jamais concerné. Cela dit, de la même manière que je comprends l’intérêt de l’élargir aux neuvième et dixième déciles, je comprends l’intérêt de l’élargir aux résidences secondaires. Résidences principales et résidences secondaires, quartiers prioritaires de la ville et zones rurales, tout cela ne devrait-il pas être mis dans un ensemble étiqueté « Rénovation énergétique des bâtiments » ?

J’entends qu’il y a beaucoup de passoires thermiques en milieu rural et que c’est une priorité à ne pas négliger. Tous ces sujets devront être ciblés et accompagnés de façon massive et je ne doute pas que ce sera le cas. Mais à ce stade, pour les raisons précédemment évoquées, je donne un avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques CF102, CF109, CF185, CF249 et CF374.

Elle est saisie de l’amendement CF1036 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. On voit bien que le plan de relance devra contenir à la fois de la relance et des éléments de transformation de notre société et de notre économie. C’est vrai pour le numérique comme pour la rénovation thermique. Celle-ci est fondamentale et le CITE n’y suffit pas.

L’amendement tend à instaurer un crédit d’impôt en faveur des acquéreurs de logement qui procéderaient à des travaux permettant d’en améliorer la performance énergétique dans les deux ans suivant l’acquisition du logement. Ce crédit d’impôt serait plafonné à une fraction des DMTO acquittés lors de l’acquisition.

J’ai bien compris que le CITE est devenu une prime. C’était d’ailleurs une drôle d’idée d’en évincer les dernières tranches de l’impôt sur le revenu. En mélangeant ainsi l’objectif écologique et le revenu des gens, on a commis une confusion idéologique que nous avons dénoncée comme contre-productive : si l’on veut la fin des passoires thermiques, la question n’est pas de savoir combien gagne le propriétaire – qui dans bien des cas, d’ailleurs, est complètement évincé – ou le locataire du logement ; c’est en fonction du logement que l’on doit juger.

Les crédits d’impôt que je propose seraient très puissants et compléteraient le CITE qui est limité à certaines catégories de Français et plafonné.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si je comprends bien, c’est un CITE bis sans condition de revenus.

M. le président Éric Woerth. L’acquisition et la vente d’un logement sont déjà soumises à un impôt. Je ne vois pas pourquoi vous traitez mal le logement et les passoires thermiques. Il me semblerait assez logique que ce secteur bénéficie d’un bonus, comme vous l’avez fait pour les voitures.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Personne n’est maltraité dans aucun secteur ; c’est plutôt l’inverse.

Je ne suis pas favorable – et ce sera ma position pour tout amendement de ce type – à la création d’un nouveau crédit d’impôt, surtout à ce stade, et pour les raisons que j’avançais tout à l’heure. Puisque nous sommes dans l’urgence, l’efficacité commande d’aider les entreprises maintenant, pas à travers des crédits d’impôt.

M. Jean-Paul Mattei. Comment compensez-vous cette mesure, sachant que les DMTO sont affectés aux départements ?

M. le président Éric Woerth. On ne baisse pas le montant des DMTO : ils servent de repère pour plafonner le crédit d’impôt, qui, lui, s’imputera sur l’impôt sur le revenu. Le crédit d’impôt ne pourra excéder 25 % des droits de mutation acquittés.

Les crédits d’impôt accélèrent les travaux ; ce sont bien des outils de relance. À force de tergiverser sur la nature des mesures – de relance ou sectorielle ? – vous perdez beaucoup de temps. Vous ne pouvez pas dire qu’on n’est pas pressé et simplement prendre acte dans ce PLFR d’une récession colossale de 11 % ! Le pire, c’est que vous y viendrez, comme pour le reste. Vous avez toujours un temps de retard.

La commission rejette l’amendement CF1036.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF795 de M. François-Michel Lambert.

La commission est saisie de l’amendement CF458 de M. Marc Le Fur.

M. Dino Cinieri. L’article 204 J du code général des impôts permet au contribuable de demander une modulation de son taux de prélèvement à l’impôt sur le revenu afin de tenir compte des évolutions de sa rémunération ou de certains changements de situation ayant une incidence sur le niveau de ses revenus. Afin de coller au plus près à la réalité, le présent amendement vise à remplacer le taux de 10 % par le taux de 5 % pour l’écart ouvrant droit à la modulation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement n’a pas sa place dans un PLFR. Nous en reparlerons dans le cadre du projet de loi de finances.

La commission rejette l’amendement CF458.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF856 de M. Jean-Paul Dufrègne, CF1463 et CF1376 de Mme Émilie Cariou.

M. Jean-Paul Dufrègne. Depuis le début de notre discussion, beaucoup de dépenses sont proposées ; moi, je propose des recettes ! Je les trouve en augmentant les taux appliqués pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui avait été créée sous Nicolas Sarkozy.

Le taux appliqué à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés, et supérieure à 500 000 euros et inférieure ou égale à un million d’euros pour les contribuables soumis à imposition commune, passerait de 3 % à 8 %, et le taux appliqué à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et supérieure à un million d’euros pour les contribuables soumis à imposition commune, passerait de 4 % à 10 %. Ce n’est pas vraiment un public qui va aux Restos du cœur !

Un produit supplémentaire d’un milliard d’euros pourrait être attendu de ce relèvement : c’est de l’argent dont nous avons besoin pour la relance que chacun appelle de ses vœux.

Mme Émilie Cariou. Mes amendements vont dans le même sens. Le CF1463 est un peu plus mesuré puisqu’il vise à porter ces taux respectivement de 3 % à 3,3 % et de 4 % à 4,5 %.

L’amendement CF1376 ne prévoit pas de doubler le seuil en cas d’imposition commune, car cela fait sortir de fait de nombreux ménages à très hauts revenus de cette contribution, ce qui est regrettable.

Dans une période exceptionnelle, il faut demander des efforts. C’est bien ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy en 2010.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous devrons réfléchir sur la fiscalité des ménages dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, c’est une évidence. Ma position est simple : lorsqu’on parle de relance, le niveau de prélèvements obligatoires doit être inférieur à l’existant, en aucun cas supérieur. En revanche, il peut être intéressant d’examiner la possibilité de redistributions nouvelles, avec les mêmes niveaux de prélèvements obligatoires, mais pas maintenant. Ce n’est pas le moment d’envoyer le message que les prélèvements obligatoires vont augmenter : ce type de mesures prises à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy avait précisément contribué à grever la relance. Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Il ne faut pas, en effet, augmenter la fiscalité sur les classes moyennes et sur les PME. En revanche, ce n’est pas d’accroître de 0,3 % le taux d’imposition d’un ménage qui perçoit un revenu annuel d’un million d’euros qui altérera la consommation en France. Soyons sérieux !

La commission rejette successivement les amendements CF856, CF1463 et CF1376.

 

Elle est saisie de l’amendement CF878 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’ordonnance du 25 mars 2020 a neutralisé la possibilité pour les bailleurs de locaux professionnels de demander des pénalités financières ou des intérêts de retard pour le défaut de paiement des loyers. Cette mesure soutient les entreprises mais fait peser en retour une charge financière sur les bailleurs de locaux professionnels. Pour la compenser, il est proposé de leur accorder une réduction d’impôt égale aux intérêts qu’ils auraient pu percevoir en application du droit commun.

Nous avions déjà déposé cet amendement lors de l’examen des deux premiers PLFR. Nous ne désespérons pas !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même avis, pour les raisons déjà évoquées lors de l’examen du deuxième PLFR.

La commission rejette l’amendement CF878.

Elle examine l’amendement CF1308 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Cet amendement vise à renforcer les fonds propres des entreprises et à associer les salariés à la valeur que les entreprises recréeront après cet épisode de crise ainsi qu’à leur gouvernance, en facilitant le transfert du compte épargne-temps (CET) vers l’actionnariat salarié. Il s’agit de l’extension d’une faculté déjà ouverte aux salariés de mettre à profit un compte épargne-temps non utilisé pour développer la propriété d’actions de leur entreprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je pense que votre amendement s’inscrit dans le cadre plus global de l’épargne de long terme dans l’entreprise. À ce stade, il me semble un peu prématuré, même si je suis sûr qu’il donnerait lieu à un débat très intéressant. Je vous demande de le retirer et de le représenter en séance publique.

Du reste, pour booster la consommation, ne faudrait-il pas monétiser les CET plutôt que de les placer ?

M. Jean-Noël Barrot. La question se pose en effet. Stimuler la consommation et renforcer les fonds propres sont deux priorités, et c’est la deuxième que l’amendement visait. Je le redéposerai en séance afin d’avoir un débat avec le Gouvernement.

L’amendement CF1308 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF1354 de M. Aurélien Taché.

Mme Jennifer de Temmerman. Il est proposé d’exonérer d’impôts cette année la monétisation de jours de congé placés sur les comptes épargne-temps, dans la limite d’un plafond de vingt jours, de nombreux salariés n’ayant pas pu prendre de congés pendant la période du confinement et faisant face à des difficultés financières.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce renoncement à la pose de jours de congé me surprend. Je crains un détournement de votre objectif initial et l’encouragement à la monétisation de ces jours de congé pour profiter de l’avantage fiscal. En plus des primes, dont celle dite Macron, des mesures d’exonération fiscale ont déjà été prises pour les gens qui travaillent, comme le relèvement du plafond des heures supplémentaires, qui constituent un package intéressant de désocialisation et défiscalisation.

Pendant cette crise, il y a eu des personnes fragilisées, et il faut réparer les inégalités qui se sont creusées. Les salariés des entreprises ont-ils été les premiers à souffrir alors qu’on a transféré la charge de leurs salaires du privé au public ? Vous pourriez me répondre « oui » au regard du chômage partiel et des charges de la vie courante qui ont augmenté. La priorité est-elle de monétiser ces jours de congé parce qu’il y a une défiscalisation ? Je n’en suis pas convaincu. En revanche, je peux vous rejoindre sur la nécessité de booster la consommation.

À ce stade, je demande le retrait de cet amendement pour les mêmes raisons que celles évoquées lors de l’examen de celui de M. Barrot.

La commission rejette l’amendement CF1354.

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Article additionnel avant l’article 2
Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales des primes exceptionnelles versées par les établissements privés de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux à leurs salariés

La commission est saisie de l’amendement CF1487 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit de permettre la défiscalisation et la désocialisation des primes qui seront versées dans les établissements de santé et les établissements médico-sociaux privés, en miroir de ce qui est prévu dans le public. Je veux m’assurer que les salariés du secteur médico-social privé, qui font un travail tout aussi formidable que ceux du public et qui ont été en première ligne, bénéficient des mêmes conditions et mêmes avantages fiscaux et sociaux.

M. le président Éric Woerth. Ce n’était pas le cas ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. À mon sens, non.

M. Charles de Courson. C’est un amendement très intéressant puisqu’il rétablit l’égalité, que la structure soit publique ou privée.

Il semblerait, à la suite d’une réponse de M. Véran, que ce serait aux conseils départementaux de financer la prime des institutions privées. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur ce point ?

Mme Véronique Louwagie. On nous avait dit que des discussions étaient en cours avec les représentants de ces établissements médico-sociaux. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ? Voter une exonération, c’est très bien en termes d’équité, encore faut-il qu’il y ait aussi une équité entre le public et le privé au regard de la chance de percevoir une prime.

Mme Lise Magnier. Je remercie le rapporteur général de défendre cet amendement. Il importe, en effet, de sécuriser ce dispositif aussi pour les personnels soignants relevant du privé. Je partage, malgré tout, les questions posées par mes collègues. Sans relancer la polémique sur le décret du 13 juin, je pense sincèrement que le Gouvernement doit revoir sa copie, car les conditions d’octroi de cette prime aux personnels soignants sont honteuses.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas loin de partager l’avis de Lise Magnier concernant ce décret.

Cet amendement anticipe la défiscalisation et la désocialisation de ces primes qui sont, en principe, à la charge de l’employeur comme dans n’importe quelle entreprise privée. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des discussions. Je ne sais pas où elles en sont aujourd’hui. Il conviendra que le Gouvernement s’exprime sur ce sujet.

M. Charles de Courson. Il faudrait que, d’ici à l’examen du texte en séance publique, le rapporteur général fasse le point sur les cliniques et les hôpitaux. Si j’ai bien compris, la prime dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) serait financée par l’assurance maladie, et dans les autres établissements médico-sociaux, ce sont les conseils départementaux qui devront payer. Est-ce une obligation ou pas ? Je pense que c’est facultatif alors que je crois me souvenir que c’est obligatoire dans les structures publiques.

Mme Émilie Cariou. Nous sommes, bien évidemment, favorables à l’extension de l’exonération fiscale de ces primes aux soignants du secteur privé.

Je rejoins M. de Courson. Dans le secteur public, les conditions d’octroi de la prime pour les soignants sont assez floues. Il serait bon, monsieur le rapporteur général, que vous puissiez faire l’état des lieux avec le ministre, clarifier et apporter de l’objectivité dans l’attribution des primes, car beaucoup de contestations et de colère remontent des territoires.

M. le président Éric Woerth. Et qu’en est-il de la prime de 500 ou 1 500 euros ?

M. Jean-Louis Bricout. Je souhaiterais avoir également des éclaircissements sur les auxiliaires de vie. En fonction des structures qui les emploient, elles éprouvent un grand sentiment de mépris et d’abandon. Il faut les considérer comme des personnels soignants compte tenu des efforts particuliers qu’elles ont consentis pendant cette crise.

M. le président Éric Woerth. Nous demanderons des éclaircissements au Gouvernement en séance publique par catégories d’établissements et de personnels.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’objet de cet amendement n’est pas de rendre obligatoire le versement d’une prime mais de prévoir un dispositif d’exonérations fiscales et sociales. S’il est adopté, en commentaire de l’article additionnel qu’il créera, nous essaierons de faire un tableau relatif aux établissements de santé, établissements médico-sociaux, publics, parapublics, privés ou associatifs pour savoir où en sont les primes, leur défiscalisation, leur désocialisation et qui les finance.

La commission adopte l’amendement CF1487 (amendement  2157).


MODALITÉS DE VERSEMENT DE LA PRIME EXCEPTIONNELLE DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET LES ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX – PRIME EXONÉRÉE D’IMPÔT SUR LE REVENU ET DE COTISATIONS SOCIALES

Établissements concernés

Montant de la prime

Modalités de financement

Conditions d’éligibilité

Établissements de santé

Établissements de santé publics

1 500 euros pour les personnels exerçant ou mis à disposition dans les établissements situés dans les 40 départements les plus touchés ([131]) par l’épidémie, les agents des établissements ayant accueilli des malades du Covid-19, les agents des hôpitaux militaires et de l’Institution nationale des invalides.

 

500 euros pour les personnels des établissements publics de santé situés dans les autres départements, voire 1 500 euros sur décision du responsable d’établissement pour les agents particulièrement mobilisés.

Financement par l’assurance maladie

- Agents publics, apprentis qui ont exercé leurs fonctions de manière effective, y compris en télétravail entre le 1er mars 2020 et le 30 avril 2020

- Contractuels ayant exercé leurs fonctions de manière effective entre le 1er mars 2020 et le 30 avril 2020 pendant une durée d’au moins 30 jours calendaires équivalents à un temps plein ou complet, y compris ceux ayant exercé dans plusieurs établissements ou services mentionnés lorsqu’ils ont rempli cette condition de durée en cumulant leur temps de travail dans les différents établissements.

- les personnels enseignants et hospitaliers ayant exercé leurs fonctions au moins 5 demi-journées par semaine en moyenne sur la période 1er mars 2020-30 avril 2020, y compris ceux ayant exercé dans plusieurs établissements ou services mentionnés lorsqu’ils ont rempli cette condition de durée en cumulant leur temps de travail dans les différents établissements.

Le montant de la prime est réduit de moitié en cas d’absence d’au moins 15 jours calendaires sur la période. En cas d’absence de plus de 30 jours, non-éligibilité à la prime. Les congés maladie, accidents de travail, maladies professionnelles, congés annuels et RTT ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’absence.

Son montant ne peut pas être réduit en cas d’absence pour les personnes intervenues en renfort dans des établissements situés dans les départements les plus touchés.

Établissements de santé privés

Maximum 1 500 euros

Compensé par l’assurance maladie

Agents et salariés mobilisés, salariés des groupements de coopération sanitaire, des groupements d’intérêt économique mis à disposition des établissements de santé membres de ces groupements.

Les conditions d’attribution et de versement sont déterminées par un accord au sein de l’entreprise ou par une décision unilatérale de l’employeur.


Établissements concernés

Montant de la prime

Modalités de financement

Conditions d’éligibilité

Établissements sociaux et médico-sociaux

Établissements et services publics accueillant des personnes âgées, des adultes ou enfants handicapés, des personnes confrontées à des difficultés spécifiques, centres d’action médico-sociale précoce, établissements d’aide par le travail et de réadaptation, établissements et centres mettant en œuvre des actions de dépistage, établissements ou services à caractère expérimental, unités de soins longue durée ([132]) situés dans les départements les plus touchés par lépidémie (départements du premier groupe ([133]))

1 500 euros

Compensation de l’assurance maladie uniquement si les établissements et services sont financés ou cofinancés par l’assurance maladie (ce qui est par exemple le cas des EHPAD mais pas des services d’aide et d’accompagnement à domicile)

- Agents publics, apprentis qui ont exercé leurs fonctions de manière effective, y compris en télétravail entre le 1er mars 2020 et le 30 avril 2020

- Contractuels ayant exercé leurs fonctions de manière effective entre le 1er mars 2020 et le 30 avril 2020 pendant une durée d’au moins 30 jours calendaires équivalents à un temps plein ou complet, y compris ceux ayant exercé dans plusieurs établissements ou services mentionnés lorsqu’ils ont rempli cette condition de durée en cumulant leur temps de travail dans les différents établissements.

- Les personnels enseignants et hospitaliers ayant exercé leurs fonctions au moins 5 demi-journées par semaine en moyenne sur la période 1er mars 2020-30 avril 2020.

Le montant de la prime est réduit de moitié en cas d’absence d’au moins 15 jours calendaires sur la période. En cas d’absence de plus de 30 jours, non éligibilité à la prime. Les congés maladie, accidents de travail, maladies professionnelles, congés annuels et RTT ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’absence.

- Le montant de la prime perçue est celui applicable à l’établissement dans lequel l’intervention a eu lieu (pour les personnes intervenues en renfort). Ce montant ne peut pas être réduit en cas d’absence.

Établissements et services publics accueillant des personnes âgées, des adultes ou enfants handicapés, des personnes confrontées à des difficultés spécifiques, centres d’action médico-sociale précoce, établissements d’aide par le travail et de réadaptation, établissements et centres mettant en œuvre des actions de dépistage, établissements ou services à caractère expérimental, unités de soins longue durée ([134]) situés dans les départements moins touchés par lépidémie (départements du second groupe ([135]))

 

1 000 euros

Compensation de l’assurance maladie uniquement si les établissements et services sont financés ou cofinancés par l’assurance maladie

Établissements et services publics d’accueil et d’hébergement d’urgence, centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, ou autres structures d’accueil des demandeurs d’asile ([136]).

1 000 euros

Financement par l’employeur sans compensation par l’assurance maladie puisqu’il n’y a pas de cofinancement assurance maladie

Établissements et services publics d’aide sociale à l’enfance et d’aide à domicile (mentionnés au 1° du I de l’article L. 312-1 et à l’article L. 421-2 du code de l’action sociale et des familles)

 

Indemnité maximale de 1 000 euros

Financement par l’employeur sans compensation par l’assurance maladie puisqu’il n’y a pas de cofinancement assurance maladie

Établissements et services publics accueillant des personnes âgées, des adultes ou enfants handicapés, des personnes confrontées à des difficultés spécifiques ([137]) qui emploient des agents territoriaux.

 

1 500 euros ou 1 000 euros maximum en fonction de la catégorie d’établissement. Les modalités d’attribution de la prime sont définies par l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public.

Compensation de l’assurance maladie uniquement si les établissements et services sont financés ou cofinancés par l’assurance maladie (ce qui est par exemple le cas des EHPAD mais pas des services d’aide et d’accompagnement à domicile ou les résidences autonomie)

Les modalités d’attribution de la prime exceptionnelle sont définies par l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public concerné dans la limite de 1 500 ou 1 000 euros. Les bénéficiaires de la prime, le montant alloué et les modalités de versement sont déterminés par l’autorité territoriale.

Établissements sociaux et médico-sociaux privés, accueillant des personnes âgées, des adultes ou enfants handicapés, des personnes confrontées à des difficultés spécifiques, centres d’action médico-sociale précoce, lieux de vie et d’accueil, d’accueil et d’hébergement d’urgence, centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, ou autres structures d’accueil des demandeurs d’asile, logements-foyers, organismes qui exercent les activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociale, de veille sociale, centres d’hébergement et de réinsertion sociale, personnes agrémentées pour accueillir des mineurs ([138]).

1 500 euros maximum

Compensation de l’assurance maladie uniquement si les établissements et services sont financés ou cofinancés par l’assurance maladie (un contrôle sera effectué via l’URSSAF, les montants versés devant respecter les conditions appliquées au secteur public)

– Agents et salariés mobilisés, salariés des groupements de coopération sociale ou médico-sociale, des groupements d’intérêt économique mis à disposition des établissements médico-sociaux privés membres de ces groupements.

– Les conditions d’attribution et de versement sont déterminées par un accord au sein de l’entreprise ou par une décision unilatérale de l’employeur.

 

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Article additionnel avant l’article 2
Report au 31 décembre 2020 de la date limite de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF743 de Mme Lise Magnier, CF1163 de Mme Véronique Louwagie et CF1310 de M. JeanNoël Barrot ainsi que l’amendement CF399 de M. Marc Le Fur.

Mme Lise Magnier. Nous proposons par cet amendement de reporter la date limite de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dite prime Macron au 31 décembre 2020, ce qui serait légitime compte tenu des efforts qui seront demandés à l’ensemble des salariés dans le cadre de la relance.

Mme Véronique Louwagie. Vu les circonstances, il serait en effet pertinent de donner aux entreprises la possibilité de verser la prime jusqu’à la fin de l’année.

M. Jean-Noël Barrot. Ce report ne coûterait rien et ouvrirait la possibilité du versement de la prime par les entreprises après la levée de certaines incertitudes concernant leur activité, leur permettant ainsi de contribuer plus sûrement à l’amélioration du pouvoir d’achat de leurs salariés.

La condition de mise en place d’accords d’intéressement et de participation que nous avions posée pour ce dispositif a déjà été supprimée ; compte tenu de la situation, une prolongation de trois mois est la bienvenue.

M. Marc Le Fur. Cette prime de 1 000 euros créée en 2019 n’était pas trop difficile à appliquer pour les entreprises, et la condition de mise en place d’un accord d’intéressement, introduite en début d’année, a été supprimée par une disposition prise dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

Je souhaiterais que le dispositif puisse être pérennisé : simple, clair et accessible, sans excès de formalisme, cette prime serait en effet susceptible d’être versée à de nombreux salariés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis convaincu qu’aller plus loin dans la valorisation du travail est une bonne réponse à la crise. À cet égard, la prime Macron a beaucoup de vertus, c’est un outil qui fonctionne bien. Sa prolongation jusqu’à la fin de l’année civile serait donc une bonne chose, et je suis favorable aux amendements identiques.

Sur l’amendement de M. Le Fur, l’avis est défavorable.

M. Marc Le Fur. L’argument est pourtant le même !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pas tout à fait : pour conserver son effet incitatif, le versement de la prime doit rester limité dans le temps. Nous évoquerons peut-être à nouveau le sujet lors du prochain projet de loi de finances mais, pour l’heure, nous devons agir par étapes, et la prolongation jusqu’à la fin de l’année est une bonne mesure.

La commission adopte les amendements identiques CF743, CF1163 et CF1310 (amendement n° 2156).

En conséquence, l’amendement CF399 tombe.

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Avant l’article 2

La commission est saisie de l’amendement CF95 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Lise Magnier. La proposition de loi que nous avons adoptée à l’unanimité le 2 juin permet le don de congés payés sous forme de chèques-vacances aux membres du secteur médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de Covid‑19. L’objet de cet amendement est d’exonérer les bénéficiaires de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu pour ces dons.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’y suis favorable sur le fond, puisque vous vous inscrivez dans le sillage de la proposition de loi de notre collègue Christophe Blanchet, et que le Gouvernement s’est engagé sur le sujet. Toutefois, le texte n’a pas achevé sa navette, et je ne saurais dire s’il faut introduire cette mesure en commission mixte paritaire ou l’inscrire dans le projet de loi de finances rectificative.

Je vous demande donc de retirer cet amendement afin de le déposer en séance pour évoquer la question avec le Gouvernement. Je m’engage à être vigilant sur son adoption dans l’un ou l’autre texte.

Mme Lise Magnier. Je vous remercie de votre soutien, monsieur le rapporteur général, mais vous comprendrez que je ne peux retirer l’amendement de ma collègue. Je ne vois pas, au demeurant, ce qui nous empêche de l’adopter aujourd’hui.

J’entends vos arguments, et nous pourrons avoir cette discussion en séance, mais le Gouvernement avait affirmé que le troisième PLFR serait le véhicule idoine pour cette mesure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Outre que l’amendement présente quelques défauts techniques, je ne suis pas certain qu’il soit à sa place dans le PLFR, et ne souhaite donc pas le présenter au nom de la commission.

Je maintiens ma demande de retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement CF95.

Elle est saisie des amendements identiques CF709 de M. Vincent Ledoux et CF1445 de Mme Sira Sylla.

M. Vincent Ledoux. Vous savez l’importance des transferts de fonds des pays riches vers les pays pauvres, notamment vers l’Afrique. Les flux d’argent générés par le travail de la diaspora africaine représentent deux à trois fois le montant de l’aide publique au développement, laquelle est d’ailleurs structurée surtout en prêts et non pas en dons.

Durant la crise, ces transferts ont été moins importants : confinés, les membres de la diaspora n’ont pas travaillé et n’ont donc pas pu envoyer d’argent. Les frais bancaires, eux, n’ont pourtant pas baissé. Ils restent de l’ordre de 10 % pour l’Afrique subsaharienne et de 20 % pour l’Afrique australe. Le travail annoncé depuis de nombreuses années n’a donc visiblement pas porté ses fruits.

Nous devons agir pour soutenir ce continent et les efforts mis en œuvre. Les transferts d’argent ne sont pas uniquement destinés à l’alimentation et à la santé : ils nourrissent également de véritables dynamiques de territoire.

Je propose dans cet amendement, sur lequel j’ai travaillé étroitement avec notre collègue Sira Sylla, un crédit d’impôt destiné à renforcer les capacités d’investissement dans les États figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement.

M. M’Jid El Guerrab. Chacun ici connaît l’engagement de notre collègue Sira Sylla pour le développement de l’Afrique, continent du XXIe siècle, comme le Président de la République aime à le répéter.

Tel est l’enjeu de ce crédit d’impôt, et il est stratégique à la fois pour notre pays et pour les millions de personnes de la diaspora qui vivent sur notre territoire. Chaque année, 500 milliards d’euros sont transférés du Nord au Sud, dont 80 milliards vers l’Afrique subsaharienne.

Au lieu de ponctionner l’argent public, de faire porter l’effort par le contribuable, agissons au moyen d’une mesure incitative qui facilite l’aide des diasporas à leurs pays d’origine.

J’ajoute que ce serait particulièrement bienvenu alors que commencent à se faire sentir en Afrique les effets de la crise sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements ont trait au problème important des pays en développement face à la crise sanitaire. Leurs auteurs proposent une incitation fiscale aux transferts d’argent des diasporas.

Nous sommes d’accord concernant l’aide publique au développement : nos engagements publics doivent être tenus, et nous devrons être ambitieux lors de la prochaine loi de programmation pour répondre à la crise.

En revanche, s’agissant des transferts de fonds, je ne suis pas certain que la réponse fiscale soit adéquate ; le dispositif est au demeurant imprécis et devrait être retravaillé. Il conviendrait plutôt d’établir un accord de place avec les acteurs du secteur, tels que Western Union ou MoneyGram, afin de faciliter les transferts d’argent durant la crise par une baisse de tarifs.

L’avis est donc défavorable, mais je considère qu’il s’agit d’amendements d’appel, et nous interrogerons le Gouvernement en séance sur ce sujet.

M. Charles de Courson. Si j’ai retiré ma cosignature à l’amendement CF828 de mon collègue François-Michel Lambert, qui n’a pu être défendu, c’est parce que se pose un problème de principe. De mémoire, nous avons exclu des déductions et crédits d’impôt les dons à l’étranger. Si nous levons cette exclusion, il faudrait que la levée concerne tous les dons à des associations étrangères. Je suis étonné que vous ne rappeliez pas notre position sur ce point, monsieur le rapporteur général.

M. Marc Le Fur. Je ne vois pas où est le problème : lorsque des particuliers versent des dons à Médecins sans frontières ou à la Croix-Rouge, ils peuvent être transférés à l’étranger. La difficulté, et je suis à ce titre particulièrement sensible à ces amendements, c’est de s’assurer que ces dons aillent à l’investissement dans les dix-neuf pays figurant sur la liste. Je suis donc favorable à ce que nous poursuivions nos travaux sur le sujet avec notre collègue Ledoux.

M. M’Jid El Guerrab. Ce n’est pas un don, monsieur Le Fur : c’est un système incitatif.

Le moyen choisi n’est peut-être pas le bon, monsieur le rapporteur général, et je vous remercie d’ouvrir cette fenêtre de discussion. Je maintiendrai toutefois l’amendement, car c’est celui de ma collègue.

Nous devons avoir cette réflexion car la problématique dépasse le cadre du PLFR et de la crise. Il s’agit de la vision de la France sur le développement de l’Afrique.

M. le président Éric Woerth. Bien sûr, mais tout ce qui dépasse ce PLFR n’y a pas sa place. En revanche, nous pouvons y revenir dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

La commission rejette ces amendements CF709 et CF1445.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF1443 de Mme Sira Sylla et CF710 de M. Vincent Ledoux.

M. M’Jid El Guerrab. Cet amendement vise à pérenniser les transferts d’argent en permettant aux personnes physiques domiciliées en France au sens de l’article 4B du code général des impôts, à titre expérimental et pour une durée d’un an, de déduire fiscalement le montant des commissions de transfert de fonds du revenu brut global lorsque les fonds transférés sont adressés vers un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement et qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

Son adoption témoignerait par ailleurs de la reconnaissance de la France à l’égard des invisibles dont les rangs sont composés de nombreux représentants des diasporas africaines et qui ont été en première ligne pendant l’épidémie de Covid‑19.

M. Vincent Ledoux. Mon amendement vise aussi la reconnaissance de ceux qu’on a nommés les invisibles ; je pense en particulier aux PADHUE, les praticiens médicaux à diplômes hors Union européenne, qui ont beaucoup œuvré dans la lutte contre le Covid‑19. Le débat doit donc bien avoir lieu aujourd’hui, car la crise a un impact cruel sur les pays en développement.

Ces sujets font l’objet de discussions depuis des années. J’insiste sur le fait que ces objectifs font partie des dix-sept de l’Agenda 2030 de l’ONU et qu’ils sont soutenus par le Président de la République, pour lequel l’Afrique est une priorité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les montants des commissions de transferts d’argent peuvent en effet être choquants, et je réitère ma proposition : réunir la place avec le ministère de l’économie et des finances et, peut-être, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour trouver une solution, même temporaire, afin de réduire ces frais. L’avis est défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF1443 et CF710.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CF1447 de Mme Sira Sylla et CF707 de M. Vincent Ledoux

M. M’Jid El Guerrab. Il s’agit d’un dispositif similaire au précédent, mais plus restreint, et qui se justifie pour répondre à une crise sans précédent. Nous pourrons bien sûr avoir ce débat ailleurs, mais sachez qu’il est très attendu et que nous sommes regardés depuis l’autre côté de la Méditerranée, tandis que vous balayez ce sujet fondamental d’un revers de main.

M. Vincent Ledoux. Cet amendement est l’occasion pour le Parlement de s’exprimer et de prendre date sur un sujet très important. Nous pouvons expérimenter plusieurs dispositifs à la faveur de la crise. Le débat est attendu et très suivi et c’est aussi, je le répète, une demande expresse de la tête de l’exécutif.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur le sujet, plusieurs amendements portant sur la bi-bancarisation ont été considérés comme des cavaliers législatifs, mais un tel dispositif pourrait régler bien des problèmes. L’avis est défavorable.

M. Daniel Labaronne. L’enjeu est surtout de normaliser les systèmes bancaires pour sécuriser les transferts et limiter leur coût. La défiscalisation des frais de transfert risque d’inciter les banques à maintenir leur niveau élevé. Il me semble que ce débat pourrait être utilement mené par le Comité consultatif du secteur financier, au sein duquel je représente notre assemblée.

La commission rejette successivement les amendements CF1447 et CF707.

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B. Mesures fiscales

Article 2
Remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits

Résumé du dispositif proposé

Le report en arrière des déficits, ou « carry back », permet sur option aux entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS) d’imputer le déficit constaté au titre d’un exercice sur le bénéfice de l’exercice précédent. Cette imputation, qui ne peut excéder un million d’euros, conduit à constater un excédent d’IS acquitté, qui fait naître une créance non imposable au profit de l’entreprise.

La créance de « carry back » est inaliénable et incessible, sauf dans le cadre de la procédure dite « Dailly » de cession à titre de garantie des créances professionnelles. Elle est remboursée au terme de cinq ans, période durant laquelle elle peut être utilisée par l’entreprise pour le paiement de l’IS.

Le présent article, par dérogation au principe du remboursement différé, prévoit le remboursement anticipé des créances de « carry back » qui n’ont pas été utilisées pour le paiement de l’IS, n’ont pas fait l’objet d’une « cession Dailly » et sont nées d’une option exercée au titre d’un exercice clos au plus tard en 2020.

Afin de maximiser les effets du remboursement anticipé pour les entreprises ayant enregistré des pertes en 2020, l’article permet aux entreprises qui estiment être en mesure de bénéficier du dispositif d’opter en ce sens dès le lendemain de la clôture de l’exercice, sans en attendre la liquidation. Cette facilité fait l’objet d’un encadrement a posteriori pour éviter tout abus.

Ce dispositif s’inscrit dans le cadre des mesures de soutien aux entreprises touchées par la crise actuelle. Globalement neutre financièrement dans la mesure où il consiste en un paiement anticipé de dépenses futures et certaines, il présente un coût budgétaire pour l’année 2020 estimé à 400 millions d’euros, qui sera ensuite amorti entre 2021 et 2025.

Dernières modifications intervenues

Dans le cadre du plan de relance à la suite de la crise financière mondiale de 2008-2009, un mécanisme exceptionnel de remboursement anticipé des créances de « carry back » avait été mis en place par l’article 94 de la seconde loi de finances rectificative pour 2008.

La deuxième loi de finances rectificative pour 2011 a substantiellement modifié le régime du « carry back », en limitant le report en arrière du déficit sur le bénéfice du seul exercice précédent (contre les trois précédents exercices jusque-là) et en plafonnant le montant de déficit reportable à un million d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS) peuvent, sur option, procéder au report en arrière de leur déficit constaté au titre d’un exercice. Cette modalité, qui déroge au principe du report en avant des déficits, leur octroie une créance fiscale, remboursable au terme de cinq ans – un mécanisme de remboursement anticipé ayant été exceptionnellement mis en place à la suite de la crise de 2007-2008.

A.   LES MODALITÉS DE REPORT DES DÉFICITS : REPORT EN AVANT ET REPORT EN ARRIÈRE

Les règles de détermination du résultat des entreprises assujetties à l’IS prévoient la possibilité de reporter les déficits enregistrés au titre d’un exercice, selon différentes modalités : un report en avant, correspondant au principe de droit commun, et un report optionnel en arrière, dérogeant au précédent.

1.   Le report en avant des déficits : le « carry forward »

Prévu aux troisième à cinquième alinéas du I de l’article 209 du code général des impôts (CGI), le report en avant des déficits, ou « carry forward », consiste à considérer le déficit d’un exercice donné comme une charge déductible du bénéfice réalisé pendant l’exercice suivant : le déficit s’imputera sur ce résultat, réduisant ce dernier et donc l’IS dû.

● Cette imputation fait l’objet d’un plafonnement en valeur : le déficit est reportable sur le bénéfice suivant dans la limite d’un montant d’un million d’euros majoré de 50 % de la fraction du bénéfice qui excède ce montant d’un million d’euros. Ce plafonnement résulte de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 ([139]).

L’éventuel excédent de déficit, lorsque ce dernier est supérieur au plafonnement en valeur, peut être reporté sur les exercices suivants dans les mêmes conditions, sans limitation temporelle. Le report en avant est donc limité en valeur, mais illimité dans le temps.

Illustration du report en avant d’un déficit

Une entreprise enregistre au cours d’un exercice N un déficit de 2 millions d’euros. Au titre de l’exercice N + 1, elle réalise un bénéfice de 1,5 million d’euros.

Le montant D du déficit reportable sur le résultat de l’exercice N + 1 se calcule de la façon suivante :

D = 1 000 000 + 50 % × (1 500 000 – 1 000 000)

D = 1 000 000 + 50 % ×500 000

D = 1 000 000 + 250 000

D = 1 250 000 euros.

L’entreprise pourra donc imputer sur son résultat de l’exercice N + 1 un total de 1,25 million d’euros au titre du déficit enregistré en N. Le bénéfice imposable au titre de l’année N + 1 sera donc de 250 000 euros (1 500 000 – 1 250 000).

L’excédent du déficit non imputé, soit 750 000 euros, pourra faire l’objet d’un report sur les exercices suivants, sans limitation temporelle, jusqu’à ce qu’il soit intégralement imputé.

● La limite d’un million d’euros, qui détermine le plafond d’imputation du déficit reporté en avant au titre d’un exercice, peut être majorée du montant des abandons de créances consentis à la société déficitaire dans deux hypothèses :

– aux termes du quatrième alinéa du I de l’article 209 du CGI, lorsque la société est en difficulté (notamment si elle fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire) ;

– ou, aux termes du dernier alinéa du même I, lorsque les abandons de créances portent sur des loyers et accessoires afférents à des immeubles donnés en location et qu’ils ont été consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020. Cette seconde hypothèse résulte de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ([140]).

2.   Le report en arrière optionnel des déficits : le « carry back »

Dérogeant au report en avant de droit commun, le report en arrière des déficits, ou « carry back », est consacré à l’article 220 quinquies du CGI. Il a été mis en place par la loi de finances pour 1985 ([141]).

a.   Le principe du report en arrière des déficits

● En vertu de ce dispositif, une entreprise peut opter pour que le déficit constaté au titre d’un exercice N soit considéré comme une charge déductible du résultat de l’exercice précédent N – 1, ayant pour effet de réduire ce résultat.

Dans la mesure où l’IS dû au titre de cet exercice N – 1 a déjà été acquitté par l’entreprise, cette dernière devient titulaire d’une créance fiscale égale à l’excédent d’IS résultant de l’imputation du déficit (excédent qui correspond schématiquement à la différence entre l’IS effectivement acquitté au titre de N – 1 et l’IS théorique résultant de l’imputation du déficit de l’exercice N).

La créance de « carry back » n’est pas imposable, ainsi qu’il résulte du quatrième alinéa du I de l’article 220 quinquies du CGI.

Le « carry back » est optionnel : il appartient à l’entreprise souhaitant en faire usage d’exercer une option en ce sens au titre de l’exercice au cours duquel le déficit à reporter est constaté, et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultat de cet exercice. En outre, aux termes du premier alinéa du II de l’article 220 quinquies du CGI, l’option pour le report en arrière ne peut être exercée au titre d’un exercice durant lequel intervient un événement mettant fin à l’activité de la société en tant que telle : cession ou cessation totale d’entreprise, fusion ou opération assimilée, ou jugement prononçant la liquidation judiciaire.

● Le bénéfice sur lequel peut être imputé le déficit dans le cadre d’un report en arrière obéit à des règles de détermination particulières dans la mesure où ne sont pas retenus :

– le bénéfice qui a été distribué ;

– le bénéfice exonéré en application de dispositifs spécifiques, tels que celui prévu pour les jeunes entreprises innovantes, certains dispositifs d’exonérations zonées ou encore les exonérations de certaines structures ou activités ;

– le bénéfice qui a ouvert droit à un crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise ;

– et le bénéfice qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d’impôts, tels que le CIR.

Ces quatre exclusions doivent être cumulées pour déterminer le bénéfice d’imputation du déficit reporté en arrière, qui correspond ainsi au bénéfice fiscal déclaré et soumis à l’IS auquel sont retranchés les postes précédemment mentionnés.

b.   La détermination de la créance de « carry back »

● Le report en arrière du déficit est limité à un seul exercice. Il est en outre plafonné en valeur en vertu du troisième alinéa du I de l’article 220 quinquies du CGI, ne pouvant excéder le plus faible des deux montants suivants :

– le bénéfice déclaré au titre de l’exercice précédent ;

– un million d’euros.

Ces modalités – report en arrière sur le bénéfice de l’exercice précédent et plafonnement du déficit reportable au montant le plus faible entre celui de ce bénéfice et un million d’euros – résultent de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 précitée. Auparavant, le report en arrière des déficits pouvait porter sur le bénéfice des trois exercices précédents, sans plafonnement fixe.

● Le montant imputé dans le cadre du report en arrière ne peut plus faire l’objet d’un report en avant : les deux options sont exclusives, ce qui est logique dans la mesure où, sans cette exclusivité, le même déficit ouvrirait droit à deux avantages fiscaux.

En revanche, l’éventuel excédent de déficit, c’est-à-dire la fraction de déficit qui n’a pu faire l’objet du report en arrière compte tenu du plafonnement en valeur, peut être reporté en avant dans les conditions de droit commun prévues au I de l’article 209 du CGI. Cette articulation entre les deux modalités de report des déficits résulte du 3° de l’article 46 quater-0 S de l’annexe III du CGI.

Illustrations de la détermination de la créance de « carry back »

● Exemple 1

Une entreprise réalise au cours d’un exercice ouvert en 2023 et coïncidant avec l’année civile un bénéfice de 1,5 million d’euros intégralement imposé au taux normal de 25 % prévu à l’article 219 du CGI.

L’IS acquitté au titre de l’exercice 2023 est égal à 375 000 euros (1 500 000 × 25 %).

Au titre de l’exercice suivant (2024), un déficit de 1,2 million d’euros est constaté. L’entreprise opte pour le « carry back ».

Conformément au troisième alinéa du I de l’article 220 quinquies du CGI, le déficit susceptible d’être imputé au titre du « carry back » est plafonné à un million d’euros.

Cette imputation sur le bénéfice conduit à un excédent d’IS de 1 000 000 × 25 = 250 000 euros, montant qui correspond à la créance de « carry back ».

La fraction du déficit constaté en N + 1 non reportée en arrière en vertu du plafonnement, soit 200 000 euros, pourra faire l’objet d’un report en avant dans les conditions prévues au I de l’article 209 du CGI.

● Exemple 2

Une entreprise réalise au cours d’un exercice N postérieur à 2022 un bénéfice de 1 008 120 euros, dont :

– 38 120 euros imposables au taux réduit de 15 % prévu au b du I de l’article 219 du CGI (soit 5 718 euros au titre de l’IS) ;

– 970 000 euros imposables au taux normal de 25 % (soit 242 500 euros au titre de l’IS).

L’IS dû au titre de l’exercice N est donc de 248 218 euros.

Au cours de l’exercice suivant N + 1, l’entreprise constate un déficit de 1 400 000 euros. Compte tenu du plafonnement, le déficit reportable en arrière est d’un million d’euros.

Pour calculer la créance de « carry back », il convient d’abord de déterminer l’excédent d’IS à taux normal avant de calculer celui à taux réduit (1).

La créance à taux normal est de 242 500 euros (montant correspondant à l’IS acquitté sur la fraction du bénéfice imposable à ce taux).

La créance à taux réduit est de 4 500 euros (correspondant à l’application du taux réduit de 15 % à la différence entre le déficit reporté en arrière et le bénéfice imposable au taux normal, soit 30 000 euros).

La créance de « carry back » est donc égale à 247 000 euros.

(1) Voir en ce sens Bulletin officiel des finances publiques, BOI-IS-DEF-20-10, § 100.

c.   L’utilisation de la créance de « carry back »

● La créance née du report en arrière est remboursée à l’entreprise au terme des cinq années qui suivent celle au titre de laquelle l’option pour le « carry back » a été exercée – c’est-à-dire, pour un déficit constaté au cours d’un exercice N, au terme de l’année N + 5.

Cependant, l’entreprise a la possibilité d’utiliser sa créance pour payer l’IS dû au titre des exercices clos au cours de ces cinq années, soit entre N + 1 et N + 5. Si cette faculté est exercée, le remboursement prévu au terme des cinq années ne concerne que la fraction de la créance n’ayant pas été utilisée pour le paiement de l’IS au cours de ces exercices.

Lorsqu’une société détient plusieurs créances de « carry back », l’imputation de ces dernières doit être réalisée dans leur ordre d’apparition, ainsi qu’en dispose l’article 46 quater- 0 U de l’annexe III du CGI.

● Le tableau suivant illustre l’utilisation d’une créance de « carry back » de 1 000 détenue par une entreprise à la suite d’un déficit constaté au titre d’un exercice N (et donc reporté en arrière sur le bénéfice N – 1).

Illustration de l’utilisation d’une créance de « carry back »

Exercice

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

IS dû

0

150

200

100

150

200

Créance après paiement de lIS

1 000

850

650

550

400

200

Source : commission des finances.

Au terme de cet exemple, la créance est utilisée pour le paiement de l’IS dû au titre des exercices N + 1 à N + 5. Au terme de cette période, la fraction non utilisée, soit 200, est remboursée à l’entreprise.

● Enfin, la créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier (CMF) relatifs à la cession d’une créance professionnelle à un établissement de crédit ou une société de financement en application de la procédure dite « Dailly », à titre de garantie d’un crédit.

Pour mémoire, cette exception à l’inaliénabilité et l’incessibilité de la créance est également prévue pour les créances de crédit d’impôt recherche (CIR) et de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), en application des articles 199 ter B et 199 ter C du CGI.

Dans une telle hypothèse, la créance ne peut plus être imputée sur l’IS dû par l’entreprise cédante et cesse également d’être remboursable à celle-ci.

Par exception à la règle du remboursement au terme des cinq années suivant celle au cours de laquelle est intervenue la clôture de l’exercice au titre duquel l’option pour le report en arrière a été exercée, la créance de « carry back » peut faire l’objet d’un remboursement anticipé lorsqu’elle est détenue par une entreprise en difficulté, définie comme une entreprise faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Cette faculté, prévue à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 220 quinquies du CGI, permet à l’entreprise d’obtenir le remboursement intégral de sa créance non utilisée à compter de la date du jugement d’ouverture de la procédure la concernant.

Le montant remboursé est minoré d’un intérêt appliqué à la fraction de la créance qui n’a pas encore été utilisée au moment de la demande de remboursement anticipé. L’intérêt, au taux de l’intérêt légal – soit 0,87 % pour le premier semestre 2020 s’agissant des créances des professionnels ([142]) – est calculé au premier jour du mois suivant la demande jusqu’au terme des cinq années suivant l’exercice de l’option pour le report en arrière.

d.   Le régime de groupe du report en arrière des déficits

Dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré au sens des articles 223 A et suivants du CGI ([143]), le régime du report en arrière des déficits connaît plusieurs spécificités prévues à l’article 223 G :

– l’option pour le « carry back » incombe à la société mère du groupe ;

– le déficit reporté est le déficit d’ensemble du groupe ; il s’impute sur le bénéfice d’ensemble – ou sur celui déclaré par la société mère au titre du dernier exercice précédant l’application du régime de groupe, lorsque cet exercice est concerné par l’option pour le « carry back ».

– si les filiales du groupe fiscalement intégré ne peuvent exercer l’option pour le report en arrière, elles ont néanmoins la possibilité – par dérogation à l’inaliénabilité et à l’incessibilité des créances de « carry back » – de céder leurs créances constatées au titre d’exercices qui précèdent l’application du régime de groupe en ce qui les concerne ; dans une telle hypothèse, la société mère peut utiliser ces créances, cédées pour leur valeur nominale, pour acquitter l’IS du groupe à hauteur du montant d’impôt qui aurait été dû par chaque filiale cédante si celle-ci avait fait l’objet d’une imposition distincte.

B.   UN DISPOSITIF UTILE AUX ENTREPRISES ET QUI A DÉJÀ CONNU DES AMÉNAGEMENTS PONCTUELS EN TEMPS DE CRISE

Le report en arrière des déficits est une mesure utile pour les entreprises, en ce qu’elle leur octroie une créance fiscale. Néanmoins, certaines de ses modalités peuvent conduire à un décalage dans le temps des effets attendus, expliquant la mesure exceptionnelle qui avait été prise lors de la crise économique de 2008-2009.

1.   Un dispositif peu évalué mais bénéfique aux entreprises

Le report en avant des déficits appartient à la norme fiscale de l’IS. Le « carry back », quant à lui, était initialement considéré comme une dépense fiscale (n° 320110) avant d’être déclassé par le projet de loi de finances pour 2006 et d’intégrer la norme fiscale en tant que modalité particulière d’imposition.

Le nombre d’entreprises bénéficiaires de cet outil, de même que le coût budgétaire associé, n’est pas déterminé : le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances ne contient en effet aucun chiffrage de ces données – et ce, même si l’on remonte jusqu’au projet de loi de finances pour 2006 ayant procédé au déclassement du « carry back ».

Malgré ces lacunes de chiffrage, qui ne permettent pas de correctement apprécier l’ampleur du « carry back » et son impact économique, le dispositif de report en arrière des déficits offre aux entreprises qui optent pour son usage une souplesse bienvenue leur permettant d’améliorer leur situation financière à travers l’octroi d’une créance fiscale non imposable qui peut être utilisée pour payer l’IS dû.

Le remboursement de la créance, pour sa fraction non utilisée pour le paiement de l’impôt, fournit aux entreprises un gain certain acquis au plus tard au terme d’une période de cinq ans. En cela, le report en arrière peut se révéler plus intéressant que le report en avant, au moins à court et moyen termes, pour celles des entreprises qui ne dégageraient pas de bénéfice avant imputation éventuelle d’un déficit antérieur.

2.   Un remboursement de la créance pouvant intervenir tardivement

Si le « carry back » est un dispositif bénéficiant ainsi aux entreprises qui optent pour son usage, les modalités d’utilisation de la créance née de ce dernier peuvent ne produire leurs effets qu’au terme du délai de remboursement de la créance fixé à cinq ans. Cela est tout particulièrement vrai pour les entreprises qui n’ont pas réalisé de bénéfice au cours de cette période. Dans une telle hypothèse, en effet, l’absence de bénéfice fait obstacle à l’utilisation de la créance pour payer l’IS, faute d’un IS à acquitter.

Le gain n’est donc le cas échéant perçu qu’avec un décalage temporel non négligeable, ce qui peut se révéler problématique pour des entreprises qui connaissent des difficultés, ce dont témoigne l’absence de bénéfice, sans pour autant faire l’objet d’une procédure collective – seules ces dernières pouvant prétendre au remboursement anticipé de la créance de « carry back » sans attendre le terme des cinq années.

3.   Le remboursement anticipé mis en place lors de la crise financière de 2008

● La crise financière mondiale de 2008-2009, amorcée avec la crise des « subprimes » aux États-Unis, avait conduit le Gouvernement d’alors à proposer au Parlement, à l’occasion de l’examen de la seconde loi de finances rectificative pour 2008, un mécanisme exceptionnel de remboursement anticipé des créances de « carry back » à travers un amendement adopté par l’Assemblée et confirmé par le Sénat.

En vertu de ce dispositif, devenu l’article 94 de la seconde loi de finances rectificative pour 2008 ([144]), les créances de « carry back » non utilisées et n’ayant pas fait l’objet d’une cession « Dailly » pouvaient être remboursées par anticipation sans que les entreprises n’aient à attendre le terme du délai de cinq ans, sur demande en ce sens des entreprises et sous réserve que l’option ait été exercée au titre d’un exercice clos au plus tard le 30 septembre 2009.

Une mesure spécifique ouvrait également le dispositif aux exercices clos non encore liquidés, afin que les entreprises estimant pouvoir bénéficier de la mesure au titre de cet exercice puissent y prétendre. Un mécanisme anti-abus était prévu pour prévenir tout excès et encadrer cette mesure.

L’impact économique en termes de trésorerie avait été estimé par le Gouvernement à 1,8 milliard d’euros pour 2009, ainsi qu’il ressort des débats à l’Assemblée ([145]).

Des informations ultérieures ont permis d’établir le montant total des créances de « carry back » remboursées en 2009 à 5,2 milliards d’euros ([146]), montant incluant les remboursements anticipés mais aussi ceux normalement dus en 2009.

● La crise économique actuelle, conséquence de la pandémie qui a frappé la planète entière, appelle l’adoption de mesures de soutien aux entreprises à l’image de ce qui avait été fait en 2008 pour faire face à la crise d’alors.

Le remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits constituait une mesure efficace de trésorerie, offrant aux entreprises un soutien direct. Son rétablissement apparaîtrait opportun ; c’est précisément ce que prévoit le présent article, venant ainsi ajouter un nouveau dispositif de soutien aux outils mis en place depuis le mois de mars 2020.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif prévu par le présent article permet aux entreprises de bénéficier du remboursement anticipé des créances de « carry back » qu’elles détiennent, afin de les soutenir financièrement. L’impact d’ensemble est neutre : après un coût budgétaire estimé à 400 millions d’euros en 2020, la mesure devrait conduire à un surcroît de recettes fiscales de l’ordre de 80 millions d’euros par an entre 2021 et 2025.

A.   LE REMBOURSEMENT ANTICIPÉ DES CRÉANCES DE « CARRY BACK »

Le présent article met en place un mécanisme de remboursement anticipé des créances de « carry back » déjà détenues ou nées d’une option exercée au titre d’un exercice clos en 2020, prévoyant à cet effet une facilité encadrée reposant sur une estimation des entreprises.

Ce dispositif ne remet pas en cause le principe du remboursement anticipé dérogatoire déjà prévu au sixième alinéa du I de l’article 220 quinquies du CGI pour les entreprises en difficulté.

Il s’agit d’une reprise du mécanisme qu’avait prévu la seconde loi de finances rectificative pour 2008 précitée.

1.   Le dispositif général de remboursement anticipé des créances

Le premier alinéa du présent article ouvre aux entreprises détentrices de créances de « carry back » la possibilité d’obtenir le remboursement immédiat de celles-ci, sans devoir attendre le terme de la période de cinq ans prévue au cinquième alinéa du I de l’article 220 quinquies du CGI.

Les créances éligibles au mécanisme de remboursement anticipé doivent répondre à plusieurs conditions.

D’une part, elles ne doivent pas avoir été utilisées. Cette condition est logique, le remboursement n’ayant pas vocation à porter sur les sommes déjà utilisées pour acquitter l’IS.

D’autre part, les créances ne doivent pas avoir fait l’objet d’une cession « Dailly » à un établissement de crédit ou une société de financement dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du CMF.

Il s’agit là aussi d’une exclusion normale, la cession de la créance ayant pour effet de transférer la propriété de celle-ci à l’organisme cessionnaire – telle est d’ailleurs la raison pour laquelle la cession prive l’entreprise cédante de la possibilité d’utiliser la créance ou d’en obtenir le remboursement.

En outre, inclure ces créances cédées pourrait conduire les établissements de crédit et sociétés de financement cessionnaires à bénéficier du dispositif de remboursement anticipé alors que ce ne sont pas eux qui ont constaté de déficit.

Enfin, les créances doivent résulter dune option exercée pour le report en arrière de déficit au titre dun exercice clos jusquau 31 décembre 2020 au plus tard. Cet encadrement temporel ancre le dispositif dans le soutien aux entreprises touchées par la crise économique actuelle.

Ce mécanisme de remboursement anticipé est volontaire, étant réalisé sur demande de l’entreprise. Cette demande doit être déposée au plus tard à la date limite de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice clos au 31 décembre 2020 (soit, pour un exercice coïncidant avec l’année civile, début mai 2021 en application de l’article 223 du CGI).

2.   La facilité encadrée concernant les pertes constatées en 2020

● Le second alinéa du présent article précise les modalités d’application du mécanisme de remboursement anticipé des créances pour les entreprises qui auraient constaté un déficit au titre dun exercice clos pour lequel la liquidation de lIS nest pas encore intervenue.

Pour mémoire, et en application du 2 de l’article 1668 du CGI, la liquidation de l’IS intervient le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l’exercice. Toutefois, si l’exercice est clos le 31 décembre ou si aucun exercice n’est clos durant l’année, la liquidation intervient le 15 mai de l’année suivante.

Les entreprises qui estiment pouvoir bénéficier du remboursement anticipé pourront, en application du second alinéa du présent article, exercer loption pour le « carry back » dès le lendemain de la clôture de lexercice, sans attendre la liquidation de lIS afférent.

À titre d’exemple, une entreprise dont l’exercice est clos le 30 septembre de chaque année et qui constate, au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2020, un déficit, pourra exercer l’option pour le « carry back » dès le 1er octobre 2020, sans attendre janvier 2021.

● Cette facilité supplémentaire repose sur une estimation de lentreprise, qui ne dispose pas encore, à la clôture de son exercice, d’une connaissance exacte de ses résultats – sa déclaration de résultat n’étant pas encore produite.

En conséquence, un mécanisme dencadrement destiné à éviter tout abus est prévu à la seconde phrase du second alinéa. Ce mécanisme anti-abus vise à dissuader toute demande excessive de remboursement anticipé à travers la sanction des erreurs destimation manifestes, entendues comme des erreurs dont la marge dépasse 20 %.

Concrètement, si la créance estimée et remboursée en application du présent article se révèle supérieure de plus de 20 % au montant de la créance de « carry back » effective déterminé à partir de la déclaration de résultat de l’exercice, seront appliqués à l’excédent indûment remboursé :

– l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI, dont le taux est de 0,20 % par mois en vertu du III de cet article 1727 ;

– la majoration de retard de 5 % prévue à l’article 1731 du CGI – une insuffisance de paiement étant assimilée à un retard de paiement.

Illustration du déclenchement du mécanisme anti-abus

Une entreprise dont l’exercice de douze mois est à cheval sur l’année civile a réalisé lors de l’exercice clos en 2019 un bénéfice de 400 000, conduisant à un IS au titre de cet exercice de 112 000 euros (taux de 28 % applicable aux premiers 500 000 euros de bénéfice).

● Cette entreprise estime, au titre de son exercice clos en 2020, qu’elle va enregistrer un déficit de 400 000 euros.

Elle exerce l’option pour le « carry back » au titre de cet exercice, afin d’imputer son déficit sur le bénéfice du précédent exercice. Sa créance estimée est de 112 000 euros (400 000 × 28 %), montant qui fait l’objet d’un remboursement anticipé en 2020.

● Le déficit finalement constaté au titre de l’exercice clos en 2020 s’élève à 300 000 euros. La créance de « carry back » déterminée à partir des résultats définitifs est donc de 84 000 euros.

Le montant de la créance remboursée sur la base de l’estimation (112 000 euros) excède de 33 1/3 % celui de la créance finalement due (84 000 euros) : le mécanisme anti-abus est applicable, le seuil de 20 % étant dépassé.

L’excédent de remboursement indu est de 28 000 euros, montant qui servira d’assiette à l’intérêt de retard et à la majoration de 5 % respectivement prévus aux articles 1727 et 1731 du CGI.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

Le dispositif prévu au présent article offre un soutien de trésorerie immédiat aux entreprises touchées par la crise. S’il repose sur un coût estimé à 400 millions d’euros en 2020, il s’agit d’un impact en trésorerie, résultant de l’anticipation du remboursement des créances.

1.   Un impact budgétaire neutre : un coût de 400 millions d’euros en 2020 et un gain de 80 millions d’euros par an entre 2021 et 2025

● Limpact budgétaire du remboursement anticipé des créances de « carry back » prévu au présent article devrait être négatif en 2020 puis positif au titre des cinq exercices budgétaires suivants, aboutissant à un total neutre selon la chronique figurant dans le tableau ci-dessous.

Impact budgétaire pour l’État
du remboursement anticipé des créances de « carry back »

(en millions d’euros)

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

 400

+ 80

+ 80

+ 80

+ 80

+ 80

0

Source : évaluation préalable du présent article.

Le dispositif devrait entraîner un coût au titre de lannée 2020, estimé à 400 millions deuros et correspondant aux montants des créances remboursées cette année-là et qui auraient fait, sans le dispositif, l’objet d’un remboursement ultérieur.

En revanche, pour les années 2021 à 2025, lÉtat enregistrera un surcroît de recettes dIS (correspondant à une moindre diminution de recettes) estimé à 80 millions deuros par an, résultant de l’absence de remboursement pour ces années des créances déjà totalement remboursées en 2020.

Limpact densemble sera donc, à terme, neutre, la mesure consistant en une avance de trésorerie au profit des entreprises à travers l’accélération du versement de créances dont elles sont titulaires.

● Cet impact est une estimation minimale, dans la mesure où les créances qui seraient constatées en 2020 et qui feraient l’objet d’un remboursement anticipé ne sont par définition pas connues et ne peuvent être correctement évaluées. Le montant correspondant dépend en effet de l’ampleur des déficits constatés en 2020, qui est étroitement liée à celle de l’impact de la crise économique, et sera également fonction du taux de recours à la possibilité prévue au présent article.

Par ailleurs, le coût de la mesure pour la première année, à savoir 400 millions d’euros en 2020, peut être comparé avec celui de la mesure similaire mise en place en 2008, estimé pour 2009 à 1,8 milliard d’euros, soit quatre fois et demie le montant associé au dispositif prévu au présent article.

Néanmoins, cet écart peut s’expliquer par le fait qu’à l’époque, le déficit reporté en arrière pouvait s’imputer sur les bénéfices des trois exercices précédents (contre seulement le dernier aujourd’hui) et qu’il n’y avait alors pas de plafonnement du déficit reportable.

● Enfin, si le fait de disposer dans l’évaluation préalable de l’article d’une estimation de l’impact budgétaire du dispositif est opportun, le fait que cette estimation existe et s’appuie sur un montant de stock de créances et une évaluation du montant annuel de la « dépense fiscale », peut laisser perplexe s’agissant de l’absence totale et constante de chiffrage de celle-ci dans les annexes budgétaires.

Si les données existantes permettant d’estimer l’impact du dispositif sont disponibles, elles devraient probablement permettre de calculer, même de façon approximative, le montant du « carry back » « de droit commun » dans le tome II des Évaluations des voies et moyens.

Un soutien opportun pour les entreprises, complétant les autres mesures prévues

a.   Un soutien immédiat apporté à la trésorerie des entreprises

Ainsi qu’il a été vu, le régime de droit commun du report en arrière des déficits peut conduire, dans certaines situations, à ce que le gain fiscal ne soit effectivement perçu par l’entreprise qu’à l’issue d’une période de cinq ans. Dans le contexte actuel de crise économique, un tel délai peut être préjudiciable à nombre d’entreprises.

La réactivation du mécanisme exceptionnel mis en place en 2008 à travers l’ouverture du remboursement anticipé des créances de « carry back » permet d’écarter cet inconvénient et de fournir aux entreprises exerçant l’option prévue un soutien immédiat de trésorerie et un renforcement opportun de leurs fonds propres ([147]).

Les entreprises constatant un déficit en 2020 pourront ainsi obtenir le remboursement intégral et immédiat de leur créance, configuration particulièrement intéressante si les exercices suivants ne dégagent pas de bénéfice et ne permettent pas d’utiliser la créance pour le paiement de l’IS.

Le stock de créances de « carry back » pourra également être remboursé par anticipation, contribuant là aussi à accroître le soutien apporté aux entreprises.

En outre, le mécanisme prévu au second alinéa du présent article reposant sur l’estimation des entreprises, permet à ces dernières de ne pas avoir à attendre plusieurs mois après la clôture de leur exercice pour bénéficier du remboursement immédiat de leur créance. Cette facilité est de nature à doter le dispositif proposé d’un plein effet en prenant en compte l’ensemble des situations des entreprises, et tout particulièrement les pertes de 2020.

Il y a également lieu de noter que si cette facilité fait l’objet d’un encadrement – qui paraît opportun –, ce dernier n’intervient qu’a posteriori et n’a pas pour effet de remettre en cause le principe du remboursement anticipé. Il cible uniquement l’excédent défini comme indu, élément qui témoigne de la souplesse du dispositif et de son calibrage opportun, élaboré pour un soutien maximal aux entreprises affectées par la crise cette année.

b.   Un dispositif complétant les autres mesures de soutien

Le remboursement anticipé des créances de « carry back », loin d’être une mesure isolée, s’inscrit dans un cadre plus large d’outils de soutien à l’activité et complète les dispositifs déjà mis en œuvre ou prévus par le présent projet de loi.

● Depuis le début de la crise, ont ainsi été mis en place, parmi d’autres outils :

– le fonds de solidarité, doté de 7 milliards d’euros et dont les critères ont été régulièrement élargis et assouplis depuis sa création ;

– les prêts garantis par l’État (PGE), pour un total de 300 milliards d’euros ;

– le dispositif d’activité partielle ;

– les reports, sans pénalité, de charges fiscales et sociales – étant rappelé que le droit commun prévoit déjà la possibilité de moduler certaines charges, et que des remises gracieuses d’impôts directs sont possibles, en cas d’impossibilité de payer, sur le fondement de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales ;

– les reports de loyers et factures – auxquels peut être ajoutée la déductibilité des abandons de créances locatives, prévue par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 précitée et résultant d’une initiative de députés de plusieurs groupes politiques associant majorité et opposition ;

– les reports des échéances bancaires et les facilités prévues pour les contrats d’assurance.

● D’une ampleur rarement atteinte et d’une ambition indéniable, ces mesures vont être substantiellement enrichies par les outils prévus dans le cadre du présent projet de loi, notamment :

– les mesures relatives aux cotisations sociales prévues à l’article 18, pour un total estimé à 3 milliards d’euros et prévoyant notamment des exonérations massives de cotisations sociales patronales au bénéfice des entreprises relevant de secteurs particulièrement touchés par la crise, mais également des mesures pour l’ensemble des secteurs et des entreprises (il est renvoyé au commentaire de cet article 18 pour une présentation complète des mesures prévues) ;

– le renforcement du fonds de solidarité, à travers un élargissement des entreprises éligibles et un accroissement de l’intensité des aides fournies (il est renvoyé à la fiche n° 3 du présent rapport pour une présentation du fonds) ;

– un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises (CFE) à hauteur des deux tiers, prévu à l’article 3 du présent projet de loi, et une exonération portant sur la taxe de séjour prévue à son article 17 ;

– ou encore la mise en place d’un « PGE saison » pour les entreprises des secteurs identifiés, dont le plafond pourra aller jusqu’à un montant correspondant au chiffre d’affaires des trois meilleurs mois de l’année 2019 (et non plus nécessairement 25 % du chiffre d’affaires 2019).

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*     *

La commission adopte l’article 2 sans modification.

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Après l’article 2

La commission examine l’amendement CF477 de M. Julien Dive.

M. Dino Cinieri. La crise sanitaire démontre que nous devons retrouver notre souveraineté dans plusieurs domaines. La France, l’Europe ont évoqué la nécessité d’évoluer vers un modèle de production vert et de favoriser les circuits courts.

Cet amendement vise à ce que le montant de la taxe sur le superéthanol retrouve son niveau de 2017 pour concilier les objectifs de promotion de l’économie locale, de préservation du pouvoir d’achat des Français et de respect de l’environnement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez une réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le superéthanol-E85, dont je reconnais volontiers que le bilan carbone est bien inférieur à celui des autres carburants.

L’avis sera toutefois défavorable, pour les deux raisons déjà évoquées lors du deuxième PLFR : avec la chute des cours du pétrole, le prix de l’éthanol a baissé de 25 %, ce qui accroît déjà son attractivité ; en outre, ce carburant bénéficie déjà d’une fiscalité six fois plus favorable par rapport au droit commun, un différentiel justifié mais qu’il ne me semble pas nécessaire de creuser davantage.

La commission rejette l’amendement CF477.

Elle est saisie de l’amendement CF67 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne les biocarburants, en particulier le biodiesel, qui souffre actuellement de deux difficultés : il pâtit, d’une part, de la réduction de la consommation d’énergie durant l’épidémie de Covid-19 et, d’autre part, de l’augmentation du prix du pétrole, qui durcit la concurrence pour les carburants d’origine végétale ou animale.

Je vous propose donc d’accorder un avantage d’une durée limitée à cette filière que nous encourageons depuis de longues années pour l’aider à traverser cette période délicate.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Contrairement à ce que vous affirmez, votre amendement ne prévoit pas de limitation dans le temps, et il s’étend à l’ensemble du gazole fossile, ce qui est contraire aux objectifs environnementaux que nous défendons, vous comme moi. L’avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement CF67.

Elle examine l’amendement CF559 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons de supprimer plusieurs niches fiscales qui bénéficient à des secteurs polluants. Ces mesures fiscales préjudiciables à l’environnement coûtent environ 13 milliards d’euros par an.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avec le contexte de crise, la trajectoire de la TICPE est décroissante, et comme vous, je suis favorable à l’extinction progressive de certaines niches fiscales devenues inopportunes. Il serait toutefois malvenu d’agir aussi abruptement que vous le proposez, surtout en ce moment, car l’impact serait désastreux pour les filières et les métiers concernés.

La commission rejette l’amendement CF559.

Elle est saisie de l’amendement CF401 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) sont indispensables à la sécurité de nos compatriotes. Ils disposent de véhicules lourds qu’ils utilisent fréquemment en intervention et ont donc une consommation importante de carburants soumise à la TICPE. Notre proposition est de les dispenser de cet impôt et que les montants ainsi économisés soient investis, par exemple pour l’achat de matériels nouveaux, et permettent d’améliorer la sécurité de nos concitoyens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’intention est bonne, mais tous les services publics régaliens sont soumis à cette taxe. Pourquoi faudrait-il en exonérer les seuls SDIS ? La réflexion est intéressante, mais l’impact d’une telle mesure reste à chiffrer. Je suggère d’évoquer la question avec le Gouvernement en séance. L’avis est défavorable.

M. Marc Le Fur. Votre réponse montre une certaine ouverture, monsieur le rapporteur général. Permettez-moi toutefois de vous faire remarquer que lorsque l’État paie la TICPE, il s’en verse le produit à lui-même ; dans le cas des SDIS, la taxe est essentiellement acquittée par les départements.

L’idée d’une réflexion globale me paraît néanmoins plus pertinente.

La commission rejette l’amendement CF401.

Elle examine l’amendement CF1039 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous souhaitons que la lutte contre les violences conjugales, qui ont augmenté durant le confinement, bénéficie d’un financement à la hauteur des besoins. L’enveloppe prévue de 7 millions d’euros supplémentaires pour la lutte contre les violences faites aux femmes, dont 4 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires, est tout à fait insuffisante. Nous proposons un véritable plan financé par la suppression des exonérations de taxe carbone pour les grandes entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Rubin, votre amendement a-t-il pour objet la lutte contre les violences conjugales ou la suppression des dépenses fiscales rattachées à la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) ? Sur la forme, la méthode utilisée par votre groupe est assez contestable : vous présentez des amendements sur des sujets fiscaux, afin qu’ils soient recevables, mais pour parler d’une cause qui n’a aucun rapport avec ceux-ci. Un tel procédé rend nos débats illisibles : notre commission va sembler insensible aux violences conjugales parce que je suis contre votre proposition fiscale. Votre groupe est le seul à agir ainsi.

L’avis est défavorable.

M. le président Éric Woerth. Je suis d’accord avec le rapporteur général : c’est un détournement de la discussion des amendements.

Mme Sabine Rubin. C’est pour nous le moyen de pointer l’insuffisance de certaines mesures.

M. le président Éric Woerth. Cette méthode n’en est pas moins un détournement de procédure et nous l’avons déjà déploré à de multiples reprises.

La commission rejette l’amendement CF1039.

Elle examine l’amendement CF1201 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons de financer un véritable plan de basculement des déplacements vers le transport ferroviaire et les transports en commun en supprimant l’exonération sur les prix de l’électricité consommée soit sur des sites industriels électro-intensifs où sont exploitées des installations industrielles, soit par des entreprises industrielles électro-intensives exploitant des installations industrielles.

Il s’agit d’un plan alternatif à celui que vous proposez, aberrant écologiquement puisqu’il consiste à investir sur les secteurs très polluants de l’automobile et de l’aéronautique sans exiger ni contrepartie ni garantie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Mme Émilie Bonnivard. Les sites industriels électro-intensifs – qui produisent l’aluminium, le silicium – sont les derniers bastions industriels de France. La mesure proposée fragiliserait encore un peu plus une industrie déjà affaiblie et en proie à des difficultés de compétitivité, ce qui est aberrant de la part d’un groupe qui dit vouloir relocaliser une partie de notre activité industrielle.

La commission rejette l’amendement CF1201.

Elle en vient aux amendements identiques CF70 de M. Marc Le Fur, CF179 de Mme Lise Magnier, CF275 de M. Dino Cinieri, CF389 de M. Fabien Di Filippo, CF643 de M. Arnaud Viala et CF898 de M. Julien Aubert.

M. Marc Le Fur. L’amendement vise à reporter la diminution du remboursement partiel de TICPE de deux centimes d’euros sur le gazole.

Où en est le Gouvernement sur ce sujet ? L’évolution annoncée concerne-t-elle également les personnes utilisatrices de véhicules de 7,5 tonnes et plus qui exercent une activité de transport routier de marchandises ?

M. Dino Cinieri. Comment pouvons-nous soutenir les chefs d’entreprise qui opèrent dans ce secteur ? Les enquêtes faites par les organisations professionnelles du transport routier font clairement apparaître que les flux sont totalement désorganisés et que le transport se fait à perte ou sans réelle marge. Tous ces éléments ont été objectivés par le Comité national routier (CNR). En moyenne, les chefs d’entreprise estiment avoir perdu 48 % de chiffre d’affaires au cours de ces semaines de confinement et 52 % des camions sont à l’arrêt.

M. Fabien Di Filippo. La fiscalité prétendument écologique, dont le poids s’accroît malgré un impact très faible sur la pollution, fait s’enfoncer nos entreprises dans la spirale de la destruction d’activité et de la perte de compétitivité par rapport aux entreprises étrangères. Elles auront beaucoup de mal à en sortir si nous n’intervenons pas, en particulier les petites PME locales.

M. Julien Aubert. Ce report permettrait de sauver le transport routier. Ce serait un geste fiscal particulièrement utile.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’essaie d’éviter le détricotage des mesures votées dans le dernier PLF, même s’il peut y avoir des exceptions. Je ne suis pas favorable au report. La mesure visait à corriger des écarts devenus trop importants. Il y a quinze ans, l’écart avec le carburant classique était de 2 centimes, quand il est de 14 centimes aujourd’hui, malgré cette hausse. Par ailleurs, n’oublions pas que ces 2 centimes iront à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui est d’autant plus précieux qu’elle a perdu bien des ressources pendant la crise.

M. Fabien Di Filippo. Vous pénalisez un secteur qui n’a pas d’autre choix que le gazole, puisque ce n’est pas demain la veille que les camions rouleront grâce à d’autres sources d’énergie. Il est prisonnier de ces augmentations de taxes successives. Entre ses charges et le carburant, son déficit de compétitivité est énorme. On le tue à petit feu.

M. Julien Aubert. Le rapporteur fait preuve d’une logique relative, en comparant ce gazole aux autres carburants pour rétablir l’égalité. Mais il faut regarder objectivement la situation pour les entreprises, dans un secteur largement désorganisé. On peut essayer de pousser à fond l’écologie fiscale, mais il n’est pas certain que c’est en les asphyxiant qu’on les aidera à s’adapter.

M. Marc Le Fur. Si notre amendement n’est pas retenu, ce sera la seule augmentation d’impôt en pleine crise du covid. Sur le GNR, le Gouvernement a su évoluer. Pourquoi ne serait-ce pas également le cas ? Nous avons eu besoin de ces entreprises de transport. La crise aurait pu être alimentaire si elles avaient fait défaut ; or elles ont travaillé dans des conditions épouvantables, puisque les conducteurs ne pouvaient même pas s’arrêter sur les aires.

M. Charles de Courson. Cette augmentation programmée tombe en effet très mal, et on peut douter de la capacité des entreprises de transport à la répercuter dans les prix. Ce n’est pas très approprié, monsieur le rapporteur !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Du point de vue de la compétitivité internationale, la question peut se poser. Mais il ne s’agit pas d’égalité, puisqu’il reste 14 centimes d’écart avec le gazole de droit commun. Enfin, le cours du brut ne peut pas être ignoré dans ce débat. La chute du baril compense largement la hausse. Le problème est moins le prix que la compétitivité. La situation est complètement différente pour le GNR.

M. Marc Le Fur. Le rapporteur insiste sur la comparaison entre le prix du gazole et celle des autres carburants, qui peut être pertinente pour les particuliers, mais pas pour les camions, qui roulent au gazole.

M. le président Éric Woerth. Il comparait le gazole normal et le gazole routier.

La commission rejette les amendements identiques CF70, CF179, CF275, CF389, CF643 et CF898.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF664 de Mme Sabine Rubin et CF1164 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Sabine Rubin. Il n’y a pas longtemps, j’entendais Bruno Le Maire dire qu’il ne toucherait pas à la fiscalité, à l’exception de la fraude fiscale et de la fiscalité des entreprises du numérique. Il affirmait dernièrement ne rien lâcher et se donner quelques mois pour parvenir à un accord multilatéral avec l’OCDE. On sait ce qu’est devenu cet accord, que les États‑Unis ont enterré. L’amendement vise à soutenir le ministre, en instaurant une véritable taxe GAFA et en créant la notion d’établissement stable pour les entreprises ayant une présence significative en France, qui ont fait 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Il nous semble nécessaire de passer enfin à l’offensive.

M. le président Éric Woerth. Vous vous êtes trompée d’amendement, madame Rubin.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement vise à améliorer la situation de la trésorerie des entreprises. Si des mesures ont été prises pour les mettre sous perfusion, en réalité, les vraies difficultés sont à venir. C’est pourquoi nous vous proposons de poursuivre le remboursement accéléré des crédits d’impôt sur les sociétés, pour les entreprises qui ont bénéficié d’un crédit d’impôt recherche (CIR) ou d’un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) au titre des années 2017, 2018 et 2019.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La trésorerie est bien la priorité du Gouvernement et de la majorité. Cela étant, les entreprises éligibles au CIR utilisent déjà des outils de préfinancement auprès des banques. Elles peuvent donc déjà se faire avancer les créances. Il ne me semble donc pas nécessairement opportun de mettre en œuvre votre amendement, qui serait très coûteux pour les finances publiques dès l’année d’engagement des dépenses.

La commission rejette successivement les amendements CF664 et CF1164.

Puis elle est saisie des amendements identiques CF36 de M. Fabrice Brun, CF80 de M. Marc Le Fur, CF100 de Mme Véronique Louwagie, CF140 de Mme Émilie Bonnivard, CF901 de M. Julien Aubert et CF1208 de M. Benoit Potterie.

M. Patrick Hetzel. L’amendement vise à encourager la reprise du secteur du tourisme, qui, d’après de nombreux rapports, a été le plus touché, grâce au versement anticipé d’un an des créances du CICE pour l’année 2021 et pour l’année 2022 à Mayotte, ainsi que du CIR.

M. Marc Le Fur. Nous restreignons l’idée de Véronique Louwagie aux secteurs jugés prioritaires par l’État lui‑même : le tourisme, la culture ou l’événementiel. Ces entreprises disposent d’une créance à l’égard de l’État, qui doit leur être versée dans quelques mois voire en 2022. Or cette créance doit leur être versée le plus vite possible. Vous allez encore nous répondre, monsieur le rapporteur général, qu’elles peuvent s’adresser aux banques. Mais elles sont en difficulté et leurs contacts avec leurs banques sont compliqués. Puisque cette créance n’est pas contestée, qu’elle leur soit versée très vite.

Mme Véronique Louwagie. Nous devons aller vers plus de simplicité et de pragmatisme. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Notre réponse aux entreprises doit être claire, précise, rapide et simple.

M. Julien Aubert. Il ne faut pas réfléchir en termes budgétaires, mais en termes économiques. La créance devant être versée, c’est essentiellement une question de comptabilité. Quand un département, comme le Vaucluse, voit tous ses festivals annulés et ses sites Unesco fermés et que la clientèle internationale ne vient plus, c’est bien cette année qu’il faut agir pour sauver le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et de la culture. La créance ne suffira pas à le sauver, mais si nous ne faisons pas tout notre possible pour qu’il passe l’année 2020, l’État pourra garder ses créances, étant donné qu’en 2021 et 2022 les entreprises éligibles auront disparu !

M. Benoit Potterie. J’ai déposé mon amendement après avoir été interpellé par le Centre national de la mer, à Boulogne‑sur‑Mer, qui rencontre des difficultés après deux mois de fermeture et qui a une créance de 2,5 millions d’euros de l’État. Autant verser cette créance et éviter des difficultés de trésorerie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour les PME et les entreprises en difficulté, il existe un remboursement immédiat. Je ne parlais, dans ma précédente réponse, que des ETI et des grandes entreprises, qui se font préfinancer leur créance auprès de banques. Seules les créances nées sont prises en compte, bien sûr, et non pas celles des années à venir. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements identiques CF36, CF80, CF100, CF140, CF901 et CF1208.

Elle examine l’amendement CF923 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. J’ai défendu cet amendement tout à l’heure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous renvoie aux négociations en cours à l’OCDE et au travail que mène Bruno Le Maire depuis de longs mois sur les GAFA. Le retrait des États‑Unis de la table des discussions est à prendre à bras‑le‑corps, notamment dans le cadre de négociations plus larges.

La commission rejette l’amendement CF923.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF582 de M. Mohammed Laqhila, CF1141 et CF1142 de Mme Véronique Louwagie, et CF1312 de M. JeanNoël Barrot.

M. Mohamed Laqhila. L’amendement vise à anticiper les déficits exceptionnels des entreprises, en supprimant le plafonnement prévu par les articles 209 et 220 quinquies pour les seuls déficits constatés au titre des exercices qui sont clos entre le 1er avril 2020 et le 30 juin 2021 inclus.

Mme Véronique Louwagie. Actuellement, la limite d’imputation des déficits sur l’exercice suivant est d’un million d’euros par an, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice supérieure à ce plafond. Pour des questions de trésorerie, nous vous proposons de supprimer ce dispositif limitatif pour les exercices de 2020.

M. Jean-Noël Barrot. Il nous est proposé d’accélérer le remboursement des créances de carry back, c’est-à-dire la capacité qu’ont les entreprises d’imputer leurs déficits de l’année sur le bénéfice des années précédentes. L’amendement vise à faciliter les choses pour le carry forward, une possibilité déjà ouverte aux entreprises françaises qui peuvent répartir les pertes d’une année donnée sur les bénéfices des années à venir jusqu’à la fin des temps, avec un plafond. Je vous propose de porter la limite à 2 millions d’euros majorés de 75 % du montant correspondant au bénéfice imposable excédant ce plafond. Ce simple décalage de trésorerie n’interviendra que l’année prochaine, lorsque les entreprises pourront imputer les pertes liées à la crise sur leurs bénéfices.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut bien distinguer le carry back et le carry forward. La vraie mesure de trésorerie, c’est l’article 2, avec le remboursement immédiat du carry back. Le report en avant des déficits n’a pas un intérêt immédiat de trésorerie ; il en aurait un pour les exercices suivants. Nous pourrons nous pencher sur cette éventuelle solution au moment du PLF pour 2021.

Pour aider les entreprises maintenant, nous instaurons le remboursement du carry back. Il est également possible de modifier ses règles d’application pour 2020, ce que propose plus loin M. Barrot avec l’amendement CF1311 qui vise à proposer un doublement du plafond et qui pourrait être immédiatement utile. Avis défavorable aux amendements de carry forward, et sagesse sur l’amendement CF1311 à venir au profit duquel je vous suggère de retirer les autres. Monsieur Barrot, pourrez‑vous, d’ici à la séance, nous apporter des éléments de chiffrage sur les coûts induits par le doublement du plafond du carry back ?

Mme Émilie Cariou. Les déficits étant imputables sur les exercices ultérieurs, sans limitation, les mesures prises suffisent à ce stade.

L’amendement CF1312 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CF582, CF1141 et CF1142.

Elle examine ensuite l’amendement CF1119 de M. JeanNoël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. C’est un amendement de simplification concernant les fusions d’entreprises. Il vise à faire passer le seuil des déficits fiscaux non utilisés et de certaines charges financières nettes non déduites de 200 000 euros à 2 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Multiplier par dix le plafond de dispense d’agrément me paraît excessif, d’autant que nous manquons de lisibilité, la réforme ne datant que de six mois. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Il est très important de simplifier le régime des fusions et de l’imputation des déficits. Il va y avoir beaucoup d’opérations de restructuration, notamment dans l’aéronautique. Nous avons besoin de visibilité. Or les agréments sont très longs et compliqués à obtenir, et créent une sorte de stress fiscal. Réfléchissons bien. Cette mesure de simplification irait dans le bon sens.

M. Jean-Noël Barrot. J’ai entendu la réserve du rapporteur général sur la multiplication par dix du plafond et je vais essayer de retravailler mon amendement pour la séance.

M. le président Éric Woerth. Il faut faciliter les restructurations d’entreprises, en limitant les abus. Mais écrire le droit uniquement pour limiter les abus n’est pas une bonne manière de faire. Tout ce qui va dans le sens d’une facilitation des restructurations est nécessaire et favorable à la reprise.

M. Charles de Courson. Le seuil de 200 000 euros est en effet très bas ; et il me semble tout à fait raisonnable de voter cet amendement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis toujours surpris de constater avec quelle rapidité on s’habitue aux nouvelles réglementations. Avant la loi de finances pour 2020, il n’existait pas de seuil. La vraie simplification, c’était l’article 53 de la loi de finances pour 2020. Nous avons besoin d’une évaluation. Les mesures anti‑abus sont bel et bien nécessaires.

M. Jean-Noël Barrot. Des pertes de 2 millions d’euros à imputer, cela concerne des entreprises ayant atteint une certaine taille. Nous allons examiner le sujet d’un peu plus près, pour faire une proposition plus resserrée.

L’amendement CF1119 est retiré.

La commission examine l’amendement CF1045 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement, proposé par ATTAC, vise à instaurer une taxation unitaire des multinationales à hauteur des bénéfices qu’elles réalisent en France. L’action de l’État est inefficace, dans la mesure où le détournement des recettes publiques s’élève à 80 milliards d’euros par an. Il s’agirait donc de récupérer ce qui est dû par les entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous renvoie aux conventions fiscales internationales, mais surtout aux travaux de l’OCDE qu’il faut encourager. Nous ne pouvons pas agir au seul niveau national. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1045.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement CF30 de M. Fabrice Brun.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CF1241 de M. Fabien Roussel, CF1465 et CF1464 de Mme Émilie Cariou, CF1402 de Mme Stella Dupont et CF722 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement vise à supprimer le dispositif dit de la niche Copé relatif à l’imposition des plus-values à long terme sur la cession de filiales et de titres de participation. Ce dispositif bénéficie massivement aux grands groupes intégrés, aux holdings, avec de multiples filiales et des prises de participation multiples, ouvrant la voie à l’optimisation fiscale. Le boulanger, l’artisan et le commerçant, eux, ne sont pas concernés. De plus, le coût de la niche Copé est insoutenable : 4,4 milliards d’euros en 2017, 7 milliards d’euros en 2018, 5 milliards d’euros en 2019. Si nous voulons récupérer des recettes pour financer tout ce que nous décidons, la suppression de ce dispositif s’impose.

Mme Émilie Cariou. Je ne suis pas favorable à une suppression sèche du dispositif. Avant 2009, ces plus‑values étaient imposées à 19 %, soit au taux du long terme. L’amendement CF1464 vise à stabiliser le taux d’imposition des plus‑values tirées de cessions de titres au taux de 2017, dans la mesure où, si nous ne faisons rien, la niche Copé augmentera du fait de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés de droit commun. L’amendement CF1465 vise à augmenter la quote‑part à réintégrer dans le résultat fiscal, pour porter le taux d’imposition effectif de ces plus‑values à 5,3 %. Nous ne parlons pas d’entreprises en crise, mais de sociétés qui font un profit financier sur des cessions de titres payées en cash.

Mme Stella Dupont. L’évolution du taux d’impôt sur les sociétés a indirectement un impact sur les recettes induites par la niche. C’est pourquoi je propose de faire passer la quote‑part de frais et charges de 12 % à 13,29 %.

Mme Christine Pires Beaune. La niche Copé a coûté 7 milliards d’euros au budget de l’État en 2018 ! Mon amendement n’a rien de révolutionnaire : il vise seulement à faire passer la quote‑part de frais et charges à 13,29 %, à la suite de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Revoilà la niche Copé dont nous débattons à chaque projet de loi de finances ! Je suis opposé à la hausse des prélèvements obligatoires sur les entreprises en temps de crise, même si j’entends Émilie Cariou et que la niche Copé ne concerne pas les entreprises en déficit. Néanmoins, tous les amendements présentent un effet rétroactif, ce qui pose un problème de cohérence et de lisibilité. Or je souhaite éviter tout effet essuie‑glaces. Dès lors que l’on a donné une trajectoire sur la fiscalité des entreprises, on s’y tient, surtout dans une optique de relance et de gain de compétitivité.

Considérer qu’en raison de la baisse de l’impôt sur les sociétés jusqu’en 2022, avec un taux cible à 25 %, il faudrait une compensation à la hausse de l’assiette de la niche Copé, ne me paraît pas cohérent. Nous devons conduire nos entreprises vers plus de compétitivité. Si notre taux pour quote-part de frais et charges de 12 % a diminué, il reste supérieur à celui de beaucoup de nos partenaires européens. Le projet ACCIS envisageait d’ailleurs une exonération totale, et la convergence franco‑allemande, qui proposait une quote-part de 5 %, se verrait complètement atrophiée par l’adoption de vos amendements. Restons sur nos rails et faisons en sorte que toutes nos entreprises, de la plus petite à la plus grande, soient compétitives, pour redémarrer plus fort, réinvestir et recréer des emplois au niveau européen. Ne faisons pas cavalier seul sur un tel sujet.

Mme Émilie Cariou. L’imposition des plus‑values de cessions de titres n’est pas régie par une directive. L’argument communautaire ne tient donc pas. Je pourrais, en revanche, entendre celui sur la baisse du taux d’impôt sur les sociétés que nous avons votée en conscience. Mais nous parlons de produits qui sont complètement défiscalisés. Ils sont imposés à 4 % et, si nous ne faisons rien, ils le seront à 3 %. J’admettrais votre argument seulement si nous intégrions les cessions de titres dans le taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés. L’effet induit par la baisse du taux d’impôt sur les sociétés n’a pas été prévu ou, à tout le moins, n’a pas été expliqué aux parlementaires au moment de son adoption. Les restructurations d’entreprises qui se font par échange de titres sont exonérées !

M. Jean-Paul Dufrègne. Les arguments relatifs à la cohérence et à la lisibilité sont usés jusqu’à la corde ! Dites plutôt que vous tenez la tranchée pour celles et ceux qui bénéficient d’avantages, qui pourraient être rediscutés dans une période comme celle‑ci, et que vous repoussez ces occasions : hier sur la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, aujourd’hui sur la niche Copé. Vous vous trompez ! Il y a des occasions à saisir pour donner un signe à la nation.

M. Jean-Paul Mattei. Je comprends que le rapporteur général préfère, compte tenu de leur caractère rétroactif, que ces mesures relatives à la niche Copé soient discutées dans le cadre d’un projet de loi de finances initiale. Mais, je le rappelle, les cessions de titres de participation permettent d’encaisser du cash sans que celui-ci soit utilisé pour le développement de l’entreprise, comme dans une opération de restructuration. N’oublions pas que les cessions d’actifs hors participation financière sont, quant à elles, soumises à l’impôt sur les sociétés. Le taux d’imposition est actuellement de 3 % ; il faut être raisonnable.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le rapporteur général, nous avons débattu de cette question l’an dernier lors de l’examen du PLF pour 2020 ; l’amendement a même été adopté en séance publique en première lecture. On ne peut pas reporter sans cesse le débat : il y a, d’un côté, ceux qui veulent faire bouger les choses – et cette mesure, j’y insiste, ne concernerait pas les entreprises en difficulté – et, de l’autre, ceux qui refusent systématiquement d’examiner les niches fiscales dont bénéficient les entreprises !

M. le président Éric Woerth. Nous savons très bien qu’en la matière, toutes les mesures d’évaluation sont parfaitement factices et que rien ne se déplace plus vite qu’une holding. Depuis deux ou trois ans, les arguments sont les mêmes d’un côté comme de l’autre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Cariou, je n’ai pas évoqué de directive européenne en vigueur ; j’ai été précis en indiquant que ces amendements nous éloigneraient du projet ACCIS (Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés) constituant une proposition de directive européenne.

Madame Pires Beaune, monsieur Dufrègne, nous pouvons avoir des opinions différentes sur ce sujet. Et ce n’est pas parce qu’une mesure avait été adoptée au cours de l’examen du PLF pour 2020 que j’y suis favorable en tant que rapporteur général. De fait, je crois qu’adopter l’un de ces amendements serait une erreur et que ce n’est pas toujours faire des cadeaux aux mêmes que de chercher à rendre nos entreprises compétitives. L’enjeu ultime, c’est l’emploi ! Si 500 000 emplois ont été créés en trois ans, c’est parce que la compétitivité des entreprises s’est améliorée.

La commission rejette successivement les amendements CF1241, CF1465, CF1464, CF1402 et CF722.

Puis elle est saisie de l’amendement CF1467 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Le régime des sociétés mère-fille permet la défiscalisation des dividendes remontant dans les sociétés holding afin d’éviter les doubles impositions. Ce régime, régi par une directive communautaire, représente, en France, une niche de 20 milliards d’euros. Or, selon l’OCDE, il induit – et l’ensemble des fiscalistes le reconnaissent – une double non-imposition, dans la mesure où les dividendes extra-européens provenant de pays à faible fiscalité sont traités de la même manière que ceux qui proviennent d’États appliquant un taux moyen d’imposition tel que celui pratiqué notamment en Europe.

Par cet amendement, d’ailleurs conforme au droit communautaire, nous proposons uniquement de limiter la déduction fiscale des dividendes intra-groupe provenant de pays extra-communautaires. Faute d’une telle mesure, on peut considérer que le régime mère-fille est, sous cet aspect, une prime à la délocalisation qui, vous en conviendrez, n’est plus acceptable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme vous l’indiquez vous-même dans l’exposé sommaire, il s’agit d’un amendement d’appel. Nous discuterons donc du régime des sociétés mère-fille en séance publique – je ne suis pas hostile à ce débat. Toutefois, en période de crise, il convient d’étudier de près les effets qu’aurait concrètement une telle mesure sur des entreprises qui possèdent des filiales en Afrique, aux États-Unis et au Royaume-Uni notamment. En outre, cette question relève davantage d’un projet de loi de finances initiale. À ce stade, je vous demande donc de retirer cet amendement.

Mme Émilie Cariou. Nous pourrions le retirer si le débat sur le taux minimal d’imposition – qu’ont récemment instauré les États-Unis, par exemple – progressait au sein de l’OCDE. Or, tel n’est pas le cas. Nous maintenons donc l’amendement.

La commission rejette l’amendement CF1467.

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Article additionnel après l’article 2
Relèvement temporaire à 2 millions d’euros du plafond de report en arrière de déficits

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF866 du président Éric Woerth, CF1311 de M. Jean-Noël Barrot et CF1165 de Mme Véronique Louwagie.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement du groupe Les Républicains vise à améliorer le dispositif de report en arrière des déficits prévu à l’article 2, en revenant aux modalités qui s’appliquaient avant 2011 et qui ont montré leur efficacité après la crise de 2008. Nous proposons donc de supprimer le plafond d’un million d’euros et d’autoriser les entreprises à reporter ce déficit sur les trois exercices antérieurs, au lieu d’un exercice actuellement.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CF1311 a été évoqué tout à l’heure par le rapporteur général. Il tend à porter le plafond du report en arrière des déficits d’un à 2 millions d’euros, afin de permettre aux entreprises qui, avant l’entrée dans la crise, étaient profitables de bénéficier d’un surcroît de trésorerie plus important.

Mme Véronique Louwagie. Nous proposons, quant à nous, de porter la limite d’imputation des déficits des années 2020 et 2021 d’un à 5 millions d’euros.

M. le président Éric Woerth. Le choix est vaste, entre l’absence de plafond, un plafond à 2 millions et un plafond à 5 millions…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je choisis l’option Barrot, comme évoqué tout à l’heure. Je demande donc le retrait des amendements CF866 et CF1165 au profit du CF1311, sur lequel je m’en remets à la sagesse de la commission tout en souhaitant avoir des éléments de chiffrage pour la séance.

M. le président Éric Woerth. Vous choisissez la solution la plus modeste.

M. Jean-Noël Barrot. Il est difficile, pour l’instant, de disposer d’éléments sur le type d’entreprises qui bénéficieraient de ce renforcement du dispositif, mais je suis certain que nous pourrons les obtenir d’ici à la séance publique.

La commission rejette l’amendement CF866.

Puis elle adopte l’amendement CF1311 (amendement  2158).

En conséquence, l’amendement CF1165 tombe.

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Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement CF1469 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Cet amendement, que j’ai déjà défendu lors de l’examen du précédent PLFR, a trait à la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurance, qui correspond aux intérêts de retard du Trésor. Il vise à porter son taux – qui avait été réduit, pour coller à celui de l’impôt sur les sociétés – de 0,40 % à 0,50 %. Il s’agit d’instaurer ainsi une contribution solidaire de ces entreprises qui, au cours des derniers mois, ont enregistré, dans le secteur des risques divers, une très importante sous-sinistralité et vont donc constater des profits très importants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement nous permet de faire le point sur le rôle des assurances dans la crise. La taxation de ce secteur peut être une option si sa participation n’est pas à la hauteur de ce qui était attendu. Celle-ci est-elle satisfaisante ? Pas entièrement, à mon sens.

Je rappelle néanmoins que, parmi les mesures annoncées par la Fédération française des assurances (FFA), pour un montant de 3,8 milliards d’euros, le fonds de solidarité a été abondé à hauteur de 400 millions d’euros, des mesures collectives – maintien de garantie, suppression de loyer pour des TPE en difficulté, extensions d’assurance sans surprime –, ont été prises à hauteur de 230 millions d’euros, ainsi que des mesures individuelles en faveur des assurés. S’agissant de l’investissement dans les fonds dédiés à des entreprises d’avenir, notamment du secteur de la santé, les choses avancent, mais la crise impose un temps de respiration qui ne permet pas de connaître aujourd’hui l’ensemble des investissements réalisés. Surtout – c’est un élément qui permet de donner un peu de crédit au travail effectué –, on constate une avancée dans la préparation d’un nouveau dispositif de couverture assurantielle, avec la présentation, le 12 juin, de CATEX (Catastrophes exceptionnelles), qui est une proposition de capacité annuelle d’indemnisation de 2 milliards d’euros et de réassurance via la Caisse centrale de réassurance (CCR).

Est-ce parfait ? Non. Le secteur assurantiel peut mieux se préparer pour la suite et mieux participer à la relance. Je considère néanmoins qu’il faut continuer à négocier avec la place en lui faisant confiance – une confiance exigeante. Je suis donc défavorable aux propositions de taxation, qu’il s’agisse des bonis ou des réserves de capitalisation.

Enfin, n’oublions pas que la crise a un impact sur le secteur assurantiel lui-même. L’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) a émis des conseils de prudence à cet égard. Il nous faut suivre un chemin de crête et veiller à ne pas compromettre les milliers d’emplois du secteur. Poursuivons donc le travail en cours. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. En tout cas, un bilan très précis du rôle des assurances et de l’impact des mesures qu’elles ont prises devra être dressé lors de l’examen du PLF pour 2021. Les assureurs ont beaucoup d’arguments à faire valoir ; ceux qui n’ont pas obtenu les remboursements qu’ils espéraient également.

La commission rejette l’amendement CF1469.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF978 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Bricout. Les associations sportives subissent en moyenne, en raison de l’annulation des événements du printemps, une perte de recettes de 6 800 euros à laquelle s’ajoute leur moindre financement par le mécénat des entreprises. Nous proposons donc de porter de 60 % à 80 % le taux de la réduction d’impôt applicable au titre du mécénat d’entreprise lorsque le don est destiné à une association sportive.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur ce point, je renvoie à l’argumentaire que j’ai développé hier sur la majoration des taux de réduction d’impôt applicables aux dons. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF978.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CF585 de M. Mohamed Laqhila et CF751 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Mohamed Laqhila. De nombreuses entreprises vont constater dans leurs comptes des pertes anormalement élevées par rapport à leurs fonds propres. De ce fait, leurs bilans vont être déséquilibrés et leurs ratios de solvabilité vont se dégrader, ce qui peut avoir des conséquences catastrophiques sur leur cotation par la Banque de France et leur accès au crédit et aux assurances crédit. Certaines entreprises disposant de plus-values latentes sur leurs actifs immobilisés, l’amendement CF585 a pour objet d’autoriser une réévaluation de ces actifs en l’assortissant d’une neutralité fiscale sur les plus-values constatées.

Prenons l’exemple d’une entreprise qui a acquis, il y a trente ans, un bâtiment au prix de 200 000 euros. Aujourd’hui, la valeur de celui-ci a doublé, voire triplé ; or, au bilan, sa valeur est nulle car il a été entièrement amorti. Cet amendement permettrait donc de sauver des entreprises en améliorant leur cotation.

Mme Émilie Bonnivard. Dans quelques mois, les entreprises françaises franchiront la barre des 2 000 milliards d’euros d’endettement, selon les dernières statistiques de la Banque de France. Pourtant, elles disposent souvent de biens dont la valeur permettrait d’améliorer leur structure bilancielle. Pour l’année 2020, les entreprises les plus affectées par la crise dégageront un chiffre d’affaires résiduel et évolueront dans un contexte comptable dégradé. Afin de leur permettre de valoriser leur bilan, nous proposons, par l’amendement CF751, de revaloriser les actifs corporels et incorporels des entreprises en franchise de tout impôt. Cette mesure contribuerait à préparer la reprise des secteurs les plus touchés par la crise sur le long terme. Je pense en particulier aux hôtels quatre ou cinq étoiles de la région parisienne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La réévaluation des actifs est nécessaire ; elle est possible et même encouragée, dans une logique de renforcement des fonds propres. Toutefois, je ne suis pas convaincu par la neutralité fiscale que vous proposez. Pourrait-on en rediscuter dans le cadre d’un ensemble concernant la fiscalité des entreprises lors du PLF pour 2021 ? Peut-être, mais, aujourd’hui, cette mesure ne me paraît pas constituer une réponse adéquate à la crise. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF585 et CF751.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF244, CF243 et CF610 de M. Michel Castellani.

M. François Pupponi. Le Premier ministre s’est engagé à élaborer un plan spécifique pour la Corse dans le cadre des mesures de relance. Parmi les mesures que ce plan pourrait comporter figure la prorogation du crédit d’impôt pour investissement en Corse, qui ne coûterait pas très cher. Aussi ces amendements tendent-ils à augmenter le taux de ce crédit d’impôt et à anticiper sa prorogation, puisque celle-ci avait fait l’objet d’un accord du Gouvernement, afin de permettre aux entreprises locales d’en bénéficier dès la fin de l’année 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Gouvernement s’est engagé, lors du PLF pour 2020, à fournir, lors du PLF pour 2021, une évaluation de ce dispositif avant de décider de le proroger ou non. Je vous propose que nous attendions cette évaluation pour déterminer si sa prorogation et le rehaussement de son taux sont pertinents. Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements.

M. François Pupponi. J’entends bien mais, entre décembre 2019 et aujourd’hui, il s’est tout de même passé quelque chose ! Il nous faut à présent relancer l’économie et, pour cela, anticiper la décision.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut en discuter avec le Gouvernement, car c’est lui qui s’est engagé à réaliser cette évaluation. Au demeurant, j’ai peu de doute sur la prorogation du dispositif, au titre de la réponse à la crise.

M. Charles de Courson. La véritable question que soulèvent ces amendements, c’est celle de savoir quand et dans quel texte le Gouvernement entend définir le plan en faveur de la Corse. De fait, après ce PLFR, il faudra attendre l’automne. Or, nous allons examiner dès aujourd’hui le plan pour l’aéronautique, le plan pour l’automobile…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ignore, vous le comprendrez, le calendrier des lois de finances rectificatives à venir. S’agissant du crédit d’impôt pour l’investissement en Corse, on peut attendre le PLF pour 2021 car cela n’aura de toute façon pas d’incidence sur le calendrier fiscal, même s’il est vrai que, plus le signal est envoyé tôt, mieux c’est. En ce qui concerne l’outre-mer, la Corse et Lourdes, je vous renverrai à la discussion en séance lors de laquelle nous pourrons demander au Gouvernement de nous indiquer un calendrier clair.

La commission rejette successivement les amendements CF244, CF243 et CF610.

Puis elle est saisie de l’amendement CF182 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) vont devoir supporter des surcoûts liés aux préconisations sanitaires imposées par la crise du Covid‑19 : achat de gel, de gants, de masques… Qui plus est, les conditions de travail, rendues plus difficiles, diminueront le rendement et la productivité des salariés sur les chantiers. Or, il y va, je le rappelle, de 500 000 entreprises et de 2 millions d’emplois.

Nous proposons donc de créer un crédit d’impôt destiné à compenser ces surcoûts dans le BTP. Ce crédit d’impôt serait égal à 10 % des rémunérations effectivement versées entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 et il serait imputable sur l’impôt dû ou pourrait faire l’objet pour les PME d’un remboursement immédiat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous ne proposez rien de moins que de recréer une sorte de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). J’y suis défavorable. D’abord, le Gouvernement n’a pas oublié les entreprises du BTP dans sa réponse à la crise. Outre qu’elles sont éligibles à l’ensemble du régime de droit commun – fonds de solidarité, PGE, activité partielle… –, nombre d’entre elles, notamment les PME, pourront bénéficier des exonérations prévues à l’article 18. En outre, le report de la mesure concernant le gazole non routier (GNR), par exemple, est directement lié à une demande du secteur. Celui-ci n’est donc pas oublié.

Faut-il l’aider en créant une sorte de nouveau CICE à taux majoré ? Je ne le crois pas. Puisque j’évoque ce crédit d’impôt, je rappelle que la baisse de charges directe et pérenne qui le remplace est effective et doit également servir à relancer les entreprises de manière plus agile, et au premier chef celles du BTP puisque la masse salariale est la question clef dans ce secteur. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Un certain nombre de mesures sont attendues par les entreprises de ce secteur, en raison des surcoûts liés à l’équipement des salariés sur les chantiers et des mesures d’éloignement qui empêchent les différents corps de métiers de travailler simultanément. Nous souhaiterions que ces surcoûts soient compensés. Qui va les supporter : les entreprises elles-mêmes, le donneur d’ordres, l’État ? Nous souhaiterions obtenir des réponses.

La commission rejette l’amendement CF182.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CF874 de Mme Véronique Louwagie, CF69 de M. Marc Le Fur, CF553 de M. Éric Pauget et CF68 de M. Marc Le Fur.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’abaisser le taux de TVA sur les achats de masques et de gel hydroalcoolique de 5,5 % à 0 % jusqu’au 1er mars 2022. Certes, nous avons déjà obtenu, après avoir beaucoup bataillé, l’application de ce taux de 5,5 %, mais ces équipements représentent une nouvelle dépense pour les citoyens, les familles, dont elle affecte directement le pouvoir d’achat. À chaque fois que nous avons proposé cette mesure, notamment dans le cadre d’une proposition de loi récente, vous nous avez opposé l’argument du non-respect du droit communautaire. Or, cet argument ne tient plus puisque certains de nos voisins européens, comme l’Autriche, l’Italie ou l’Espagne, ont décidé de supprimer complètement la TVA sur les masques sans que cette décision soit remise en cause par la Commission européenne.

M. Marc Le Fur. En la matière, la loi de finances rectificative précédente a marqué un progrès puisque nous avons tout de même obtenu – avec votre aide, monsieur le rapporteur général – un taux de 5,5 %. Mais nous avions proposé un taux de 0 %, et vous nous aviez alors opposé l’argument de la contrainte européenne. Or, de fait, cette contrainte n’existe plus puisque d’autres pays européens, placés dans la même situation que le nôtre, ont pu appliquer un taux de TVA nul.

M. Éric Pauget. On vient de le rappeler, la Commission a laissé l’Italie, l’Autriche et l’Espagne supprimer entièrement la TVA sur ces produits. Il faut tenir compte de cet assouplissement des instances européennes lors de l’examen de ces amendements, mais aussi de ceux qui visent à baisser le taux de TVA dans l’hôtellerie, la restauration et le bâtiment.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’argument du droit européen, je suis navré mais je le maintiens. Ce n’est pas parce qu’un pays, l’Autriche, a supprimé de manière temporaire, jusqu’au mois de septembre, la TVA sur ces équipements, sans être rappelé à l’ordre par la Commission européenne, que cette mesure n’est pas contraire au droit communautaire. Je souhaite, quant à moi, le respecter.

Permettez-moi de rappeler deux éléments. Premièrement, l’abaissement du taux à 5,5 % flirtait déjà avec les limites du droit communautaire, mais nous avions convenu que la Commission ne nous reprocherait sans doute pas d’appliquer à ces équipements le taux de TVA applicable aux biens de première nécessité. Deuxièmement, prenons garde à l’impact de ce qu’on appelle le prix caché. Si la TVA n’est pas appliquée, elle ne peut pas être déduite dans les coûts de production ; or, cela entraîne paradoxalement une augmentation mécanique du prix. Il est ainsi démontré qu’un taux de TVA bas peut avoir de meilleurs effets qu’un taux nul sur le prix final payé par le consommateur. C’est un argument économique, mais il est solide, croyez-moi. Nous devons maintenir le taux de 5,5 %. Néanmoins, en séance publique, je demanderai au Gouvernement de nous indiquer la date de sortie des décrets concernant le taux de TVA réduit sur les équipements de protection autres que le gel et les masques. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Faire montre de souveraineté fiscale aurait du sens. On peut vous opposer deux arguments, monsieur le rapporteur général. Premièrement, on s’est entendu sur l’application de trois taux de TVA distincts : la France pourrait parfaitement choisir d’appliquer un taux de 0 % plutôt qu’un taux réduit de 1 % ou 2 %. Deuxièmement, dès lors qu’un certain nombre de pays européens ont une pratique différente, naît une coutume qui revêt, dans l’ordre juridique international, la même valeur que les traités. On pourrait ainsi considérer que les directives ont été modifiées par la coutume, qui consiste à appliquer à ces équipements un taux de 0 %.

M. Jean-Louis Bricout. Nous souhaitons tous que les personnes les plus modestes puissent se protéger sans que le coût des masques ait un impact trop important sur leur pouvoir d’achat. Or, la baisse de TVA n’implique pas forcément, hélas, une baisse de prix – on l’a constaté dans d’autres secteurs. Dès lors, peut-être faudrait-il privilégier une mesure de soutien du pouvoir d’achat de ces personnes en ciblant les dépenses effectuées pour l’achat d’équipements de protection.

La commission rejette successivement les amendements CF874, CF69, CF553 et CF68.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF936 de Mme George Pau-Langevin.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de sécuriser les soutiens financiers consentis par les collectivités territoriales aux bailleurs. En l’état actuel du droit, ces soutiens risquent d’être assimilés à des modalités de paiement des loyers par un tiers au locataire et d’être soumis de ce fait à la TVA. Aussi proposons-nous de les assimiler à des subventions d’équilibre ou de fonctionnement non soumises à TVA.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette mesure serait véritablement contraire à la directive TVA. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF936.

Puis elle examine les amendements identiques CF372 de Mme Christine Pires Beaune et CF441 de Mme Véronique Louwagie.

M. Jean-Louis Bricout. Alors qu’une disposition législative avait été adoptée qui permettait une application large de la TVA sur marge, la doctrine fiscale a ajouté une condition supplémentaire, en considérant que la TVA sur marge ne s’applique que pour autant que la qualification juridique des biens n’est pas modifiée entre leur acquisition initiale et leur revente. Ainsi, lorsque des parcelles bâties sont transformées, après démolition, en terrains à bâtir, la cession de ces terrains relève de la TVA établie sur le prix total de vente.

Nous proposons donc de revenir à une application large de la TVA sur marge. Une telle mesure présente deux avantages. Tout d’abord, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) seraient dus à taux plein, et non plus à taux réduit comme c’est le cas lorsque s’applique la TVA sur prix. Ensuite, elle encouragerait les projets d’aménagement, donc le secteur du BTP.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’être fidèle à l’esprit du législateur en revenant à la disposition telle qu’elle a été adoptée par le Parlement en 2010. En effet, la doctrine fiscale a ajouté un critère qui n’était pas prévu dans la loi et, après plusieurs années d’ambiguïté, le Conseil d’État a confirmé, dans un arrêt du 27 mars dernier, la position de l’administration.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends la finalité de ces amendements, qui sont en tout état de cause respectueux de la directive TVA. Ils soulèvent de bonnes questions, notamment celle de l’impact sur les DMTO perçus par les collectivités. Mais à ce stade, je réserve mon avis, car il me semble que c’est au Gouvernement de vous répondre sur ce point. Je vous suggère donc de retirer vos amendements et de les redéposer en séance publique afin de l’interroger sur sa position. En tout cas, vos questions me paraissent légitimes.

M. le président Éric Woerth. Il est vrai que le sujet est pendant depuis dix ans.

L’amendement CF441 est retiré.

La commission rejette l’amendement CF372.

Elle examine ensuite en discussion commune, les amendements CF602 et CF603 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. L’amendement CF602 vise à améliorer la trésorerie des entreprises soumises au régime de TVA sur les débits en leur permettant d’opter pour la TVA sur encaissement. Quant au CF603, il tend à limiter cette possibilité à la période de la crise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons eu cette discussion lors de l’examen du précédent PLFR ; mon avis n’a pas changé : il est défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF602 et CF603.

Puis elle examine les amendements identiques CF896 de M. Julien Aubert et CF1110 de M. Fabrice Brun.

M. Julien Aubert. Je défendrai en même temps les amendements CF896 et CF897, dont l’objet est le même. Il s’agit en effet de supprimer l’exigibilité de la TVA pour le mois de juillet 2020, afin d’améliorer la trésorerie des micro-entreprises employant moins de dix personnes, qui sont particulièrement vulnérables – c’est l’objet du premier amendement –, et des établissements de vente au détail de livres – c’est l’objet du second. En effet, le secteur des librairies indépendantes est très atteint par la crise, car nos concitoyens n’ont pas profité du confinement pour lire et, lorsqu’ils l’ont fait, ils ont fait appel à Amazon.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Défavorable. Vous proposez que des entreprises collectent la TVA sans la reverser au Trésor public. Ce faisant, vous remettez en question le fondement même de cette taxe, sans parler de l’impact d’une telle mesure sur les finances publiques. Ces amendements présentent ainsi un double risque, communautaire et constitutionnel.

M. Julien Aubert. Quelle batterie d’arguments ! Tout d’abord, partons du principe que c’est le Parlement qui fait le droit. Ensuite, toute mesure visant à apporter une aide fiscale a des incidences budgétaires. Ainsi, vos deux premiers arguments tombent.

La question est de savoir si la mesure proposée est de nature à soulager au mois de juillet le secteur des micro-entreprises, qui peut être très durablement affecté par la crise, et les librairies indépendantes, très largement menacées de faillite. Là encore, deux visions économiques s’affrontent. En tout état de cause, si nous devons nous abstenir de prendre des mesures ayant des répercussions budgétaires, nous risquons de ne pas en adopter beaucoup dans ce PLFR…

M. Marc Le Fur. Les librairies ont dû fermer, puisque notre gouvernement a considéré comme essentielle l’alimentation, mais non les livres, ce qui est un peu curieux dans un pays comme le nôtre. Les difficultés sont réelles pour les librairies, qui sont confrontées à une concurrence déloyale et à des évolutions du comportement du consommateur, qui a pris l’habitude d’autres formes de distribution des livres. À cet égard, monsieur le rapporteur général, vous n’ignorez pas qu’Amazon doit faire payer le port de livres, mais qu’il le facture un centime. J’aimerais que vous vous saisissiez de cette question.

La commission rejette les amendements identiques CF896 et CF1110.

Elle rejette également, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, l’amendement CF897 de M. Julien Aubert.

Elle est saisie de l’amendement CF1262 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. Je propose de revenir sur le gel des remboursements de créances de TVA lié à l’ouverture d’une procédure collective, tel que le prévoit l’article 272 du code général des impôts. Chacun a connaissance des difficultés que cela pose. Pour y remédier, l’amendement vise à substituer temporairement à l’événement de la liquidation judiciaire celui de l’ouverture de la procédure collective, afin de permettre aux fournisseurs et aux clients d’une entreprise en difficulté de recouvrer leurs créances de TVA rapidement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends votre intention mais de quelle manière prenez-vous en compte le retour in bonis de l’entreprise ? Dans cette hypothèse, votre proposition poserait une réelle difficulté, car la société devrait renvoyer une nouvelle facture incluant la TVA. Vous n’envisagez manifestement pas ce cas de figure.

Mme Olivia Grégoire. Si le rapporteur général l’estime utile, je peux le préciser en vue de la séance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Volontiers.

L’amendement CF1262 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CF260 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le projet de loi de finances pour 2020, me semble-t-il, nous avions adopté un amendement autorisant la déduction de la TVA pour l’acquisition de véhicules affectés exclusivement à l’exploitation des remontées mécaniques. Depuis est intervenue une recommandation de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) de Rhône-Alpes, qui invite les entreprises qui installent – et non pas exploitent – les remontées mécaniques à utiliser un type de véhicules particulier. L’amendement vise à élargir le droit à déduction de la TVA pour ces véhicules et ne concernerait que les entreprises du BTP réalisant les travaux d’installation des remontées mécaniques. Autrement dit, il ne coûterait pas très cher.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La difficulté vient du fait que votre amendement englobe tous les véhicules répondant à un impératif de sécurité, puisqu’on ne peut singulariser ceux qui sont utilisés en montagne. Il serait donc très coûteux.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je le retire afin de circonscrire son champ d’application en vue de la séance.

L’amendement CF260 est retiré.

La commission examine l’amendement CF1232 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Prenons l’exemple d’un bar qui a dû fermer à la suite d’une décision administrative. S’il a payé l’intégralité de la TVA sur ses stocks, il n’a rien vendu pendant deux mois. Peut-on envisager que les sociétés qui ont fait l’objet d'une fermeture administrative bénéficient d’un étalement du paiement de la TVA sur deux ou trois mois ? En effet, elles ont payé intégralement la TVA mais ne l’ont pas récupérée sur les ventes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pendant la fermeture administrative, il n’y a pas eu de collecte de TVA.

Mme Marie-Christine Dalloz. La TVA a été collectée sur les achats faits en février et début mars, dans le cadre d’avances de trésorerie à l’État.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons adopté des mesures de trésorerie en faveur des entreprises, qui ne passent pas par le canal de la TVA, pour les raisons qui ont déjà été évoquées à plusieurs reprises. Votre amendement se concentre sur une courte période, juste avant la fermeture, alors que le sujet central est l’absence de recettes pendant le confinement, durant lequel la question de la TVA ne se posait évidemment pas. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Nous aurons ce débat, qui est très intéressant, avec le ministre.

La commission rejette l’amendement CF1232.

Elle en vient à l’amendement CF848 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement vise à ramener le taux de TVA de 5,5 à 5 % sur les produits de première nécessité. On s’accorde toujours à reconnaître que le poids de la TVA pèse beaucoup plus, en proportion, sur les petits revenus que sur les revenus élevés. Il nous semble nécessaire, avant d’engager une autre étape, de commencer par cette mesure. J’ai entendu les propos du rapporteur général concernant les répercussions incertaines de la baisse de la TVA sur les prix. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires doit pouvoir vérifier l’effectivité de la baisse des prix des produits de première nécessité. En adoptant cette mesure, on donnerait également un petit coup de pouce aux productions agricoles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Compte tenu de mon argumentaire de principe sur la baisse de la TVA, je donne un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF848.

Elle est saisie de l’amendement CF738 de M. François-Michel Lambert.

M. François Pupponi. Cet amendement, comme les amendements CF755, CF737 et CF780, vise à appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux biens remis à la vente après avoir été reconditionnés ou réparés. Ce ne serait pas neutre, car il existe beaucoup de lieux tels que des ressourceries où des gens récupèrent de vieux meubles. Ils ne bénéficient pas de la déduction de la TVA, car ils ne les achètent pas, mais se voient appliquer un taux de 20 % à la revente.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF738.

Elle examine l’amendement CF1290 de Mme Pascale Boyer.

Mme Pascale Boyer. Dans le cadre de la crise sanitaire, le recours à des mouchoirs en papier à usage unique est fortement recommandé. Cet amendement a pour objet de faire passer le taux de TVA sur ces produits de 20 à 5,5 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1290.

Elle en vient à la discussion commune des amendements CF755, CF737 et CF780 de M. François-Michel Lambert, et des amendements identiques CF890 de M. Vincent Ledoux, CF925 de M. Fabrice Brun et CF1037 de M. Marc Le Fur.

M. François Pupponi. Les amendements CF755, CF737 et CF780 ont été défendus.

M. Vincent Ledoux. L’amendement CF890 vise à réduire le taux de TVA pour les activités de réparation des cycles, des chaussures et des articles en cuir, ainsi que pour les retouches textiles. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de l’économie durable et vise à favoriser le retour de petits commerces dans nos centres-villes, qui peine à se concrétiser. Elle permettrait également de lutter contre le travail dissimulé.

M. Marc Le Fur. On parle beaucoup de sobriété et de recyclage. L’amendement CF1037 a pour objet de réduire à 5,5 % la TVA sur les réparations d’articles tels que les vélos et les chaussures.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. On ne parle donc plus de recyclage, d’économie verte ?

M. le président Éric Woerth. On peut suivre différentes options en la matière.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il n’y a pas que la baisse de la TVA !

La commission rejette successivement les amendements CF755, CF737 et CF780, et les amendements identiques CF890, CF925 et CF1037.

Elle passe à la discussion commune des amendements identiques CF554 de M. Éric Pauget, CF884 de Mme Véronique Louwagie et CF1074 de Mme Brigitte Kuster, des amendements CF21 de M. Fabrice Brun et CF176 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que des amendements identiques CF88 de Mme Émilie Bonnivard, CF118 de M. Dino Cinieri, CF265 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF283 de M. Fabrice Brun et CF588 de M. Mohamed Laqhila.

M. Éric Pauget. L’amendement CF554 reprend la proposition du groupe Les Républicains consistant à ramener au taux réduit de 5,5 % la TVA sur la filière de l’hôtellerie, des cafés et des restaurants. Je ne comprends pas pourquoi la majorité a refusé ce dispositif, alors que ces entreprises sont en grande difficulté et continueront à l’être dans les semaines à venir. Il faut rendre le peu de chiffre d’affaires que les établissements – notamment les hôtels – vont réaliser le plus effectif possible. Je rappelle que l’Allemagne a ramené la taxation sur cette filière de 19 à 7 %. C’est un outil essentiel. Les restaurateurs sont en train de s’en sortir, mais les hôteliers se demandent s’ils vont rouvrir – c’est le cas, par exemple, dans ma circonscription des Alpes-Maritimes. Les coûts engendrés par les protocoles sanitaires et le faible nombre de clients pèsent sur le chiffre d’affaires. Quand vous ouvrez un hôtel, vous supportez des coûts fixes et incompressibles. La baisse du taux de TVA à 5,5 %, pour une durée limitée, est la bonne mesure pour préserver leur chiffre d’affaires.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement CF176 a pour objet d’améliorer les marges des hôtels, cafés et restaurants dans un contexte économique d’après-crise qui reste extrêmement dégradé. Je suis très inquiète quant à la fréquentation à venir de ces établissements durant l’été et l’automne. On voit, en Corse, combien il est difficile de faire revenir des clients. La fermeture des frontières nous prive de la clientèle étrangère, qui est la plus nombreuse, notamment à Paris et en Île-de-France. L’ensemble de ce secteur d’activité va subir des difficultés majeures. Pour permettre aux établissements de rouvrir en ayant un minimum de rentabilité, le dispositif de TVA réduite est une très bonne mesure, extrêmement attendue par les professionnels. Rappelons qu’ils subissent des charges supplémentaires, que la fréquentation n’est pas au rendez-vous et que les restaurants subissent une diminution de leur capacité d’accueil.

L’amendement CF88 vise, dans le même esprit, à réduire le taux de TVA sur les alcools à 10 %, non pour encourager la consommation mais pour permettre aux exploitants de cafés et aux restaurateurs d’améliorer leurs marges.

Mme Marie-Christine Dalloz. En Corse, par exemple, les boissons à consommer sur place – qu’elles soient ou non alcoolisées – se voient appliquer un taux de TVA de 10 %. Or, on est bien sur le territoire français : pourquoi peut-on le faire en Corse et pas ailleurs ? L’Italie et l’Espagne font de même. Vous avez refusé, tout à l’heure, d’étaler le paiement de la TVA : acceptez, à présent, de réduire la dette de TVA.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous ne serons pas d’accord sur ce sujet. Nous avons eu un débat nourri lors de l’examen de la proposition de loi présentée notamment par Mme Kuster et Mme Bonnivard dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Les Républicains. Le choix qui a été fait d’employer d’autres outils que la baisse de la TVA est assumé et il est, à mes yeux, fondé. L’activité partielle, le fonds de solidarité, les reports de charges et l’exonération de charges que nous allons voter sont des dispositifs très puissants et nécessaires pour soutenir la trésorerie directe des entreprises. J’ai dit depuis le début que la TVA n’était pas la bonne réponse à la crise. On peut discuter de son utilité en période de relance, mais d’autres choix sont faits, qui me paraissent plus efficaces. La comparaison avec l’Allemagne est à employer avec précaution : ce n’est pas la même chose de passer de 10 à 5,5 %, que de ramener le taux de 19 à 7 %. Nous avons choisi des instruments ayant un effet plus marqué sur la trésorerie des entreprises. J’apporterai des avis défavorables sur l’ensemble des amendements, tout en partageant évidemment la volonté de soutenir le secteur du tourisme et des hôtels, cafés et restaurants. Il nous faut trouver des solutions complémentaires pour les accompagner au mieux pendant l’été.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF554, CF884 et CF1074, les amendements CF21 et CF176, ainsi que les amendements identiques CF88, CF118, CF265, CF283 et CF588.

Elle est saisie de l’amendement CF1448 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. J’ai entendu l’argumentaire de M. le rapporteur général sur la TVA. Cela étant, il me paraît important d’appliquer un taux réduit de 5,5 % à l’ensemble des transports publics collectifs de personnes. Le contexte de la crise sanitaire frappe très lourdement le secteur des transports, notamment celui du transport public, ce qui appelle des solutions budgétaires et fiscales pour les accompagner dans l’accomplissement de leur mission. La baisse du taux de TVA permettrait de donner un nouveau souffle à nos autorités organisatrices de mobilité et aux opérateurs de transport public. Cela contribuerait à soutenir leurs investissements et la continuité des transports collectifs sur l’ensemble du territoire. Ce serait le moyen de tenir nos engagements en faveur des mobilités propres et durables. Enfin, nous nous inscririons, de la sorte, dans la perspective tracée par nos voisins européens, notamment le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, le Portugal et l’Allemagne, qui considèrent que les transports publics sont un service public de première nécessité et leur appliquent un taux de TVA réduit.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme Jean-Louis Bricout, je ne suis pas convaincu que la baisse de la TVA ait une réelle répercussion sur les prix. Je m’interroge sur vos objectifs. Si vous souhaitez renforcer l’attractivité de ces modes de transport, je doute de l’efficacité de votre proposition. Si votre but principal est de favoriser la mobilité et la transition écologiques, peut-être faudrait-il revoir certains modes de transport en fonction de leur bilan carbone ? Quant à l’augmentation des marges des opérateurs, nous avons fait d’autres choix, notamment pour accompagner la SNCF. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1448.

Elle examine les amendements identiques CF190 de M. Marc Le Fur, CF234 de M. Vincent Ledoux, CF946 de M. Pierre Cordier et CF1404 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux travaux de rénovation des bâtiments, comme cela a été fait par le passé. Cette mesure garantirait la reprise de l’activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. C’est le moment de conjuguer la réduction de la consommation d’énergie et la baisse de la TVA. Vous disiez, monsieur le rapporteur général, que vous étiez attentif au bâtiment : voilà l’occasion d’agir en sa faveur.

M. Vincent Ledoux. La mesure proposée offrirait le mérite de la simplicité et de l’efficacité, au service des entreprises et des ménages, tout en redonnant à ces derniers du pouvoir d’achat.

M. Pierre Cordier. Dans nos circonscriptions, tant les chefs d’entreprise que nos concitoyens nous sollicitent activement au sujet de la TVA. Ce serait un signe fort, de la part du Gouvernement, d’accepter cette proposition.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez de réduire à hauteur de 5,5 % le taux de TVA pour l’ensemble des travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien des logements. Vous souhaitez, autrement dit, leur appliquer le taux auquel est assujettie la rénovation énergétique. J’apporterai un avis défavorable, par cohérence avec mes propos antérieurs. Je rappelle – car il est important de retrouver de bons réflexes en la matière – le coût des dépenses fiscales. Nous parlons ici d’une des niches fiscales les plus dispendieuses : le taux réduit de 10 % coûte 3,5 milliards d’euros par an, et l’application d’un taux de 5,5 % entraînerait une dépense annuelle supplémentaire de 1,7 milliard. L’intérêt de la mesure ne justifie pas ce coût pour les finances publiques. En revanche, comme je l’ai dit hier, il faut élaborer un grand plan de rénovation énergétique et thermique des bâtiments. Nous aurons le loisir d’entendre le Gouvernement sur ces mesures qui, de manière bien légitime, sont attendues. Défavorable.

M. le président Éric Woerth. Nous proposons au Gouvernement de s’inspirer des très bonnes propositions que nous avons faites. On y viendra sans doute.

M. Marc Le Fur. Je m’inscris en faux contre l’emploi du terme « niche fiscale ». Il s’agit de fixer un taux. L’application d’un taux réduit pour certains produits alimentaires, par exemple, n’est pas une niche fiscale. Ce terme ne me semble pas pertinent en matière de TVA.

M. Jean-Louis Bricout. Je doute que la baisse de la TVA se répercute sur les prix et favorise un regain d’activité dans le secteur du bâtiment. On devrait plutôt conserver la recette de TVA et l’utiliser pour financer un grand plan de rénovation énergétique des logements. Nous proposons d’ailleurs une prime climat, dans le cadre de notre plan de rebond, pour favoriser les gains énergétiques, sociaux et, s’agissant du secteur du bâtiment, économiques. C’est ainsi qu’on relancera l’activité dans cette filière.

La commission rejette les amendements identiques CF190, CF234, CF946 et CF1404.

Elle en vient à la discussion commune des amendements identiques CF104 de Mme Véronique Louwagie, CF 116 de Mme Valérie Bazin-Malgras CF187 de M. Pierre Cordier, CF251 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF578 de Mme Sylvia Pinel, ainsi que de l’amendement CF912 de M. Julien Aubert.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF104 a pour objet de contribuer à la relance du bâtiment. Monsieur le rapporteur général, vous vous opposez à la réduction du taux de TVA de 10 à 5,5 % et préconisez un plan de rénovation énergétique. Pour ma part, j’estime qu’il y a urgence à engager la relance. Les entreprises l’attendent, car elles connaissent de réelles difficultés. Nous vous proposons une mesure rapide, qui réduirait le coût des travaux et permettrait donc à un plus grand nombre de Français de s’engager en ce sens. Nous participerions ainsi à la relance du bâtiment, tout en incitant à la réalisation de travaux, éventuellement de rénovation énergétique, dans les habitations.

M. Pierre Cordier. Durant le confinement, beaucoup de nos concitoyens n’ont pas dépensé d’argent, comme le montre l’épargne accumulée sur les livrets. Les Français souhaitent aujourd’hui employer une part de ces fonds. Par ailleurs, la TVA favorise le travail au noir. En diminuant son taux, on enverrait un signal encourageant au monde économique tout en réduisant l’écart entre le coût des travaux déclarés et non déclarés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je rappelle à M. le rapporteur général que l’application, en 1999, d’un taux de TVA de 5,5 % au bâtiment s’était traduite par la création nette de 50 000 emplois. Il faut créer un choc de demande : tel est l’objet de l’amendement CF251, qui vise à accélérer la reprise pour que les investisseurs programment la réhabilitation d’appartements.

M. François Pupponi. Par la baisse du taux de TVA, l’amendement CF578 vise à créer un choc dans le secteur de la construction.

M. Julien Aubert. L’amendement CF912 a pour objet de ramener le taux de TVA applicable aux travaux dans les logements de 10 à 5,5 %. Ne soyons pas naïfs : chacun sait que des entrepreneurs proposent de travailler au noir ou d’abaisser le taux de TVA. On m’avait un jour demandé quel taux je souhaitais appliquer aux travaux réalisés chez moi… On voit bien que cette situation est source d’inégalités. À ce problème structurel s’ajoute l’enjeu environnemental. La mesure proposée engloberait la rénovation énergétique. Certes, elle aurait un coût, mais ne voit-on pas que, cette année, le soutien aux énergies renouvelables – en particulier à l’éolien et au photovoltaïque – exigera une dépense supplémentaire d’un milliard d’euros, par le simple jeu des prix négatifs ? Il faut rediriger la dépense publique vers les secteurs permettant de réaliser des économies de CO2 et d’obtenir de réels effets économiques, à savoir la rénovation, notamment énergétique, des logements. Cela nous permettrait de faire des économies et de gagner un point de croissance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour les raisons que j’ai exposées antérieurement, je donne un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF104, CF116, CF187, CF251 et CF578, ainsi que l’amendement CF912.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF63 de M. Fabrice Brun.

Suivant le même avis, elle rejette l’amendement CF958 de Mme Christine Pires Beaune.

La commission est saisie de l’amendement CF1002 de Mme Michèle Victory.

Mme Claudia Rouaux. Cet amendement vise à soutenir le secteur de la musique enregistrée, dont les pertes sont estimées à 233,6 millions d’euros, en lui appliquant un taux de TVA de 2,1 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1002.

Elle examine l’amendement CF600 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. La collecte de la TVA représente l’équivalent de 1,5 million de journées de travail pour les entreprises et, je le suppose, autant pour les administrations. Je rappelle qu’on a supprimé la TVA sur la sous-traitance dans le bâtiment. Dans le domaine intracommunautaire, on ne la décaisse plus, par application du principe de l’autoliquidation. On a également avancé en ce sens s’agissant des importations. Je vous propose de progresser encore dans cette direction en supprimant la TVA entre commerçants assujettis, afin de soulager la trésorerie des entreprises, qui est mobilisée à hauteur de 20 milliards par la collecte de cet impôt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous remettez en question le fondement même de la TVA, c’est-à-dire le principe de la collecte en chaîne. Défavorable.

M. Mohamed Laqhila. Nous ne souhaitons pas supprimer la TVA, mais les maillons intermédiaires entre entreprises assujetties. La TVA serait payée en aval, ce qui éviterait la fraude.

La commission rejette l’amendement CF600.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF606 de M. Mohamed Laqhila.

La commission en vient à l’amendement CF1307 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement vise à faciliter, d’un point de vue fiscal, l’opération de lease back, par laquelle une entreprise en difficulté revend un bien immobilier à une société de crédit-bail, puis le prend en location. En adoptant l’amendement, on reviendrait à un régime proche de la neutralité fiscale, tel qu’il existait avant 2012.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez de rétablir rétroactivement le dispositif antérieur pour la période courant depuis 2013, ce qui me paraît un rattrapage excessif.

M. Jean-Paul Mattei. Je peux retravailler l’amendement en vue de la séance, mais l’idée est de rendre applicable ce mécanisme au titre de 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous invite à le redéposer en fixant une date plus récente.

L’amendement CF1307 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF514 de Mme Frédérique Dumas.

M. François Pupponi. De nombreux festivals ne pourront avoir lieu, ce qui plonge les entreprises organisatrices dans de grandes difficultés. Pour encourager les mécènes à soutenir les entreprises culturelles affectées par la crise du covid, nous proposons de déplafonner le montant des dons ouvrant droit à la réduction d'impôt mécénat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dans la loi de finances pour 2020, nous avons doublé la limite fixe des dons, pour la faire passer à 20 000 euros, en nous efforçant de la cantonner aux TPE et PME. Si on la porte à 60 000 euros, cette cible sera manquée. Je vous renvoie aux propos qu’a tenus Joël Giraud sur le mécénat lors de l’examen du PLF pour 2020. Nous avions eu à cœur de limiter certains abus. Surtout, en faisant passer la limite proportionnelle de 5 à 15 ‰ du chiffre d’affaires, on rendrait possible un effet d’aubaine. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, seriez-vous favorable, non à un triplement mais à un petit coup de pouce, qui prendrait la forme d’un accroissement de la part fixe à hauteur de 25 000 ou 30 000 euros, et du taux à hauteur de 7 ‰ ? Si nous le redéposions en ces termes en séance, recueillerions-nous votre appui ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un sujet qui relève fondamentalement du projet de loi de finances initiale. Les mesures que nous avons adoptées dans la loi de finances pour 2020 me semblent pertinentes. Ce que vous appelez un « petit coup de pouce », à savoir le passage de la limite proportionnelle de 5 à 7 ‰, aurait en réalité un coût considérable. Je reste assez fermé sur ce point, car je considère que nous sommes parvenus, dans la loi de finances pour 2020, à un équilibre permettant de limiter les abus qu’on a connus par le passé. Ce n’est pas de cette façon, à mon sens, qu’on doit assurer la relance.

La commission rejette l’amendement CF514.

Elle en vient à la discussion commune des amendements CF23 de M. Fabrice Brun, CF71 de M. Marc Le Fur et CF882 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF882 du groupe Les Républicains vous propose d’annuler l’impôt sur les sociétés, dans son ensemble, pour les TPE et PME éligibles au fonds de solidarité, pendant l’état d’urgence sanitaire, soit du 1er mars au 10 juillet. Il est essentiel d’annuler les charges plutôt que de les reporter, comme cela a déjà été fait. Cela redonnerait de la trésorerie aux entreprises et leur permettrait de rebondir dès l’été pour aborder au mieux la reprise de septembre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avions déjà eu ces échanges lors de l’examen d’une proposition de loi portée par Daniel Fasquelle. De la même manière, l’avis sera défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF23, CF71 et CF882.

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Article 3
Dégrèvement exceptionnel de la cotisation foncière des entreprises, au titre de 2020, au profit des entreprises de taille petite ou moyenne des secteurs relevant du tourisme, de lhôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de lévénementiel particulièrement affectés par la crise sanitaire

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à délibérer entre le 10 juin et le 31 juillet 2020 afin d’instituer un dégrèvement des deux tiers du montant de la cotisation foncière des entreprises (CFE) due au titre de 2020 au profit des entreprises de taille petite ou moyenne (chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 150 millions d’euros) des secteurs relevant du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel particulièrement affectés par la crise sanitaire. La cotisation dégrevée comprend les frais de gestion perçus par l’État sur la CFE.

Le dégrèvement accordé est pris en charge à hauteur de 50 % par l’État et à hauteur de 50 % par les communes et les EPCI à fiscalité propre concernés. Il est précisé que la part du dégrèvement correspondant aux frais de gestion est prise en charge intégralement par l’État. Le montant du dégrèvement mis à la charge de chaque commune ou EPCI à fiscalité propre est imputé sur les attributions mensuelles de fiscalité locale.

L’évaluation préalable du présent article indique que, dans l’hypothèse où la totalité des collectivités instaurerait le dégrèvement exceptionnel à hauteur des deux tiers, le coût pour les finances publiques s’élèverait à 350 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2020 a créé une exonération facultative, totale ou partielle, de CFE dans les zones de revitalisation des commerces en milieu rural et dans les zones de revitalisation des centres-villes et a rétabli l’exonération de CFE applicable aux entreprises de la batellerie artisanale.

La loi de finances pour 2019 a élargi le bénéfice des exonérations applicables aux ports commerciaux ainsi qu’aux médecins, auxiliaires médicaux et vétérinaires.

La loi de finances pour 2018 a exonéré les redevables réalisant un montant de chiffre d’affaires ou de recettes inférieur ou égal à 5 000 euros de la cotisation minimum de CFE.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de M. Joël Giraud qui étend le bénéfice du dégrèvement de CFE aux établissements exerçant une ou plusieurs activités dans les secteurs éligibles. L’amendement précise que l’établissement devra relever d’une entreprise qui a réalisé au moins 30 % de son chiffre d’affaires annuel dans l’un des secteurs éligibles.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LA COTISATION FONCIÈRE DES ENTREPRISES EST UNE IMPOSITION LOCALE BÉNÉFICIANT AU BLOC COMMUNAL

L’article 1447-0 du code général des impôts (CGI) dispose qu’il « est institué une contribution économique territoriale composée dune cotisation foncière des entreprises et dune cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ». La cotisation foncière des entreprises (CFE) est ainsi l’une des deux composantes de la contribution économique territoriale (CET) avec la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Elle a été instituée par la loi de finances pour 2010 en remplacement de la taxe professionnelle ([148]) et est désormais codifiée aux articles 1447 à 1478 du CGI.

1.   Une imposition assise sur la valeur locative

La CFE est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité passible de la CFE (article 1447 du CGI), quels que soient leur statut juridique (entrepreneur individuel, société, association, fondation, personne morale de droit public, etc.) et la nature de leur activité (industrielle, commerciale, non commerciale, etc.). Pour être passible de la CFE, l’activité exercée par la personne physique ou morale doit répondre simultanément aux trois caractéristiques suivantes :

– elle doit présenter un caractère habituel : les actes qui caractérisent l’activité sont effectués de manière répétitive, ce qui inclut les activités saisonnières et notamment touristiques, artistiques ou sportives ;

– elle doit être exercée à titre professionnel, ce qui exclut les activités sans but lucratif et les activités limitées à la gestion d’un patrimoine privé ;

– elle ne doit pas être rémunérée par un salaire : de manière générale, les salariés s’entendent des personnes placées dans un état de subordination vis‑à‑vis de leur employeur.

La CFE a pour base la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière dont le redevable dispose pour les besoins de son activité professionnelle pendant tout ou partie de la période de référence, à l’exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période et de ceux qui sont expressément exonérés (article 1467 du CGI). La période de référence retenue pour déterminer les bases est l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même avant-dernière année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l’année civile (article 1467 A du CGI). Il existe plusieurs dispositifs de réduction de base susceptibles de concerner les artisans et les coopératives agricoles ou assimilées (article 1468 du CGI), les établissements situés au sein de la Collectivité de Corse (article 1472 A ter du CGI) ainsi que les activités saisonnières (article 1478 du CGI). Pour cette dernière, la valeur locative est réduite proportionnellement en fonction de la période d’inactivité des établissements exerçant une activité saisonnière dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, des spectacles, des cafés et discothèques ainsi que des parcs d’attractions et de loisirs.

La CFE est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés (article 1473) au nom des personnes qui exercent l’activité imposable (article 1476). Elle est due pour l’année entière par le redevable qui exerce une activité imposable et non exonérée au 1er janvier (article 1478), sur la base des éléments d’imposition existant au dernier jour de la période de référence retenue pour déterminer les bases. Toutefois, le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n’est pas redevable de la CFE pour les mois restant à courir. En cas de création d’un établissement, la cotisation n’est pas due pour l’année de la création. La base du nouvel exploitant est ensuite réduite de moitié pour la première année d’imposition.

Le montant de la CFE est obtenu en multipliant la base d’imposition, nette des réductions et abattements, par les taux votés par les communes ou leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d’une fiscalité propre. Les taux d’imposition sont votés chaque année avant le 15 avril pour l’année en cours ou, les années de renouvellement des conseils municipaux, le 30 avril par la commune ou l’EPCI à fiscalité propre (article 1639 A du CGI). Toutefois, l’ordonnance du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux a décalé exceptionnellement pour 2020 au 3 juillet ces deux dates limites d’adoption des délibérations fixant les taux d’imposition ([149]).

Dans tous les cas, le montant de cotisation calculée ne peut être inférieur au montant de cotisation minimum (article 1647 D du CGI) propre à chaque redevable. Celle-ci est établie à partir d’une base dont le montant est fixé, par une délibération intervenant avant le 1er octobre de l’année précédant celle de l’imposition (article 1639 A bis du CGI), par la commune ou l’EPCI à fiscalité propre. La base minimale varie en fonction du chiffre d’affaires ou des recettes, et doit respecter, pour les délibérations prises en 2019, un barème fixé par la loi (article 1647 D du CGI). Le montant du chiffre d’affaires ou des recettes à prendre en compte s’entend de celui, hors taxes, réalisé au cours de la période de référence de la CFE. La loi de finances pour 2018 ([150]) a toutefois introduit une exonération de cotisation minimum pour les petites entreprises : ainsi, les redevables réalisant un montant de chiffre d’affaires ou de recettes inférieur ou égal à 5 000 euros sont exonérés de la cotisation minimum.

BarÈme de la base minimum en fonction
du chiffre d’affaires ou des recettes

(en euros)

Montant du chiffre daffaires
ou des recettes

Montant de la base
minimum

Inférieur ou égal à 10 000

Entre 221 et 526

Supérieur à 10 000 et inférieur ou égal à 32 600

Entre 221 et 1 050

Supérieur à 32 600 et inférieur ou égal à 100 000

Entre 221 et 2 207

Supérieur à 100 000 et inférieur ou égal à 250 000

Entre 221 et 3 679

Supérieur à 250 000 et inférieur ou égal à 500 000

Entre 221 et 5 254

Supérieur à 500 000

Entre 221 et 6 833

Source : article 1647 du code général des impôts.

Par ailleurs, le Rapporteur général a identifié plus d’une quarantaine de dispositifs d’exonération de CFE. Ces derniers peuvent être obligatoires ou facultatifs, c’est-à-dire s’appliquer de plein droit ou nécessiter une délibération de la collectivité territoriale concernée. De même, les exonérations mises en œuvre peuvent être temporaires ou permanentes, totales ou partielles, sectorielles ou zonées.

Les ExonÉrations de cotisation fonciÈre
des entreprises

Article du CGI

Dispositifs

Exonération de plein droit et permanente

1449

Exonération des collectivités territoriales, des établissements publics et des organismes de l’État pour leurs activités de caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique.

1449

Exonération des grands ports maritimes, des ports autonomes, ainsi que des ports à l’exception des ports de plaisance.

1450

Exonération des exploitants agricoles.

1451, 1° à 4°

Exonération de certaines activités des sociétés coopératives agricoles et leurs unions, des sociétés d’intérêt collectif agricole, des organismes susceptibles d’adhérer aux caisses de crédit agricole mutuel ainsi que des caisses locales d’assurances mutuelles agricoles.

1451, 5°

Exonération des entreprises pour leur activité de méthanisation agricole.

1452

Exonération de certaines activités artisanales : les artisans ou façonniers qui travaillent soit à façon pour les particuliers, soit pour leur compte et avec des matières leur appartenant, qu’ils aient ou non une enseigne ou une boutique.

1453

Exonération des chauffeurs et cochers propriétaires d’une ou de deux voitures qu’ils conduisent et gèrent eux-mêmes.

1454

Exonération des sociétés coopératives d’artisans et leurs unions et des sociétés coopératives de patrons bateliers et leurs unions.

1455

Exonération de certaines activités de pêche (pêcheurs utilisant pour leur activité professionnelle un ou deux bateaux ; société de pêche artisanale ; les inscrits maritimes ; société coopérative maritime).

1456

Exonération de certaines sociétés coopératives de production.

1457

Exonération de certains vendeurs à domicile indépendant.

1458

Exonération de certaines activités de presse (éditeurs de feuilles périodiques, sociétés coopératives de messageries de presse, services de presse en ligne, correspondants locaux de presse régionale ou départementale, vendeurs-colporteurs de presse).

1459

Exonération de certaines locations meublées et les parties communes des immeubles loués ou sous-loués.

1460

Exonération de certaines activités non commerciales (activités d’enseignement, activités artistiques, sportives ou diverses comme les sages-femmes, les garde-malades ou les membres du corps de réserve sanitaire).

1461

Exonération de certaines activités à caractère social (les organismes d’habitation à loyer modéré, les syndicats professionnels ainsi que divers organismes dont les sociétés de bains-douches, les sociétés de jardins ouvriers, les organismes de jardins familiaux, certaines des structures du groupe Action logement, les associations et groupements comptant parmi leurs membres une fédération ou une institution de retraite complémentaire).

1462

Exonération des groupements d’emprunts de sinistrés et des associations de mutilés de guerre et d’anciens combattants.

1463

Exonération des concessionnaires de mines.

Exonération de plein droit et temporaire

1460

Exonération de deux ans en faveur des jeunes avocats.

1463 A

Exonération des entreprises nouvelles pendant sept ans, puis dégressivité pendant trois ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable dans les bassins urbains à dynamiser (BUD).

1463 B

Exonération des entreprises nouvelles pendant sept ans, puis dégressivité pendant trois ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable dans les zones de développement prioritaire (ZDP).

Exonération facultative et permanente

1464

Exonération totale ou partielle des caisses de crédit municipal.

1464 A

Exonération totale ou partielle des entreprises de spectacles vivants et des établissements cinématographiques.

1464 E

Exonération de petites sociétés coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif agricole.

1464 F

Exonération totale ou partielle des activités commerciales ou artisanales dans une zone de revitalisation des centres-villes.

1464 G

Exonération totale ou partielle des activités commerciales dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural.

1464 H

Exonération des services d’activités industrielles et commerciales gestionnaires des activités des établissements publics administratifs d’enseignement supérieur ou de recherche.

1464 I

Exonération des établissements bénéficiant du label de librairie indépendante de référence.

1464 I bis

Exonération des librairies autres que celles labellisées librairie indépendante de référence.

1464 M

Exonération des entreprises ayant pour activité principale la vente au détail de phonogrammes.

1466 F

Abattement de base imposable de 80 % dans la limite de 150 000 euros (majoration possible à 100 %) pour certaines entreprises nouvelles installées dans une zone franche d’activité nouvelle génération (ZFANG).

Exonération facultative et temporaire

1464 B et 1464 C

Exonération entre deux et cinq ans des entreprises nouvelles qui bénéficient des exonérations d’impôts sur les bénéfices applicables aux zones d’aide à finalité régionale ou aux zones de revitalisation rurale, ou en faveur des entreprises industrielles en difficulté.

1464 D

Exonération totale ou partielle, entre deux et cinq ans, des médecins, des auxiliaires médicaux et des vétérinaires.

1465

Exonération totale ou partielle, de cinq ans au maximum, pour les entreprises nouvelles exerçant une activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale dans une zone d’aide à finalité régionale.

1465 A

Exonération totale ou partielle, de cinq ans au maximum, pour certaines entreprises nouvelles exerçant une activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale dans une zone de revitalisation rurale (ZRR).

1465 B

Exonération totale ou partielle, de cinq ans au maximum, pour certaines entreprises nouvelles exerçant une activité industrielle ou de recherche scientifique et technique dans une zone d’aide à l’investissement des PME (ZAI-PME).

1466 A

Exonération totale ou partielle, pendant cinq ans, voire sept ans dans certaines conditions, pour certaines entreprises nouvelles situées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

1466 B

Exonération des entreprises nouvelles de sept ans puis dégressivité sur trois ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable dans les bassins urbains à dynamiser (BUD).

1466 B bis

Exonération des entreprises nouvelles de sept ans puis dégressivité sur trois ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable dans les zones de développement prioritaire (ZDP).

1466 C

Exonération de cinq ans au maximum pour les entreprises nouvelles installées dans la Collectivité de Corse.

1466 D

Exonération de sept ans des jeunes entreprises innovantes et des jeunes entreprises universitaires.

Source : commission des finances.

Le plafonnement de la contribution économique des territoires (CET) en fonction de la valeur ajoutée

L’article 1647 B sexies du CGI institue, sur demande du redevable, un dégrèvement pour les entreprises dont la CET est supérieure à 3 % de leur valeur ajoutée. La valeur ajoutée prise en compte correspond à 80 % de la différence entre le montant des recettes et le montant des achats réalisés au cours de l’année d’imposition.

Le dégrèvement au titre du plafonnement de la valeur ajoutée s’applique sur la CFE et la CVAE, diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet. Il ne s’applique pas aux taxes spéciales d’équipement ni aux frais de gestion de l’État. Le dégrèvement s’impute sur la CFE, mais ne peut avoir pour effet de diminuer la CET à un montant inférieur à celui de la cotisation minimum de CFE.

L’article 1679 quinquies permet au redevable, sous leur responsabilité, de réduire le montant du solde de CFE du montant du dégrèvement attendu du plafonnement de la CET due au titre de la même année, en remettant au comptable public chargé du recouvrement de la CFE une déclaration datée et signée.

L’administration fiscale autorise également le redevable à réduire le montant de son acompte, lorsqu’il a demandé le plafonnement de ses cotisations de CET de l’année précédente. Dans cette hypothèse, il peut déduire du montant de l’acompte qui lui est réclamé une somme égale à la moitié des dégrèvements obtenus ou attendus au titre de ce plafonnement. Cette déduction est effectuée sous sa responsabilité.

Lorsque le contribuable a réduit son acompte ou son solde et qu’il apparaît par la suite que cette réduction est inexacte de plus d’un dixième, une majoration de 5 % s’applique sur les sommes non réglées.

La CFE est exigible au 1er décembre de l’année d’imposition avec une date limite de paiement avant majoration au 15 décembre. Toutefois, les contribuables dont la CFE due au titre de l’année précédente excède 3 000 euros sont redevables, au 31 mai, d’un acompte unique égal à 50 % de cette cotisation, à verser avant le 15 juin. Toutefois, le redevable qui estime que sa base d’imposition sera réduite d’au moins 25 % ou qui prévoit la cessation de son activité en cours d’année peut réduire en proportion le montant de son acompte (article 1679 quinquies du CGI). Enfin, il existe une possibilité d’acquitter la CFE au moyen de prélèvements mensuels : de janvier à octobre, chaque prélèvement est égal au dixième du montant des taxes mises en recouvrement au titre de l’année précédente (article 1681 quater A du CGI). Le contribuable peut demander la modification ou la suspension des prélèvements mensuels s’il estime que ces derniers sont éloignés du montant de CFE qui sera mis en recouvrement.

Les taxes additionnelles à la cotisation foncière
des entreprises (CFE)

La taxe pour frais de chambres de commerce et dindustrie (TCCI) est constituée d’une taxe additionnelle à la CFE et d’une taxe additionnelle à la CVAE (articles 1600 et suivants du CGI). Elle est perçue au profit du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI). La TCCI est assise sur la même base que la CFE et le taux de cette taxe est égal à 0,89 %.

La taxe pour frais de chambres de métiers et de lartisanat (TCMA) est constituée d’un droit fixe et d’une taxe additionnelle à la CFE (articles 1601 et suivants du CGI). Elle est perçue au profit du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Le produit total du droit additionnel à la CFE est arrêté par la chambre de métiers et de l’artisanat de région (CMAR) ou par la chambre régionale de métiers et de l’artisanat (CRMA) et ne peut excéder 60 % du produit du droit fixe revenant à ces chambres.

Les taxes spéciales déquipement (TSE) sont perçues au profit d’établissements publics fonciers en addition aux deux taxes foncières, à la taxe d’habitation et à la CFE. Elle bénéficie aux établissements publics fonciers locaux (article 1607 bis du CGI), aux établissements publics fonciers de l’État (article 1607 ter du CGI) et à des établissements publics fonciers particuliers : établissement public d’aménagement de Guyane, agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique et établissement public Société du Grand Paris (articles 1609 B à 1609 G du CGI). Le produit de TSE est arrêté chaque année dans la limite d’un plafond fixé à 20 euros par habitant situé dans leur périmètre (la collectivité vote non pas un taux, mais un montant total à prélever). Le produit de TSE est ensuite réparti entre les taxes foncières, la taxe d’habitation et la CFE proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente à l’ensemble des communes et de leurs EPCI situés dans le ressort de ces établissements.

La taxe additionnelle spéciale annuelle au profit de la région dÎle-de-France (article 1599 quater D du CGI) prend la forme d’une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties et d’une taxe additionnelle à la CFE. Elle est perçue en vue de financer les dépenses d’investissement en faveur des transports en commun. Le produit de la taxe est arrêté par le conseil régional d’Île-de-France dans la limite d’un plafond de 80 millions d’euros. La répartition de ces impositions s’effectue suivant les modalités similaires à celles de la TSE entre la taxe foncière sur les propriétés bâties et la CFE.

La taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) est perçue en addition aux deux taxes foncières, à la taxe d’habitation et à la CFE. Elle est affectée au financement par les EPCI ou leurs établissements des charges résultant de l’exercice de la compétence de GEMAPI. Le produit de la taxe pour la GEMAPI est arrêté chaque année dans la limite d’un plafond fixé à 40 euros par habitant situé dans leur périmètre. La répartition s’effectue suivant les modalités similaires à celles de la TSE.

Les contributions fiscalisées additionnelles à la CFE perçues au profit des syndicats de communes et des syndicats mixtes (article 1609 quater du CGI) en remplacement de tout ou partie de la contribution des communes associées. La répartition de ces impositions s’effectue suivant les modalités similaires à celles de la TSE.

Enfin, l’État applique plusieurs frais de gestion au montant total de CFE, dont 2 % en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs et 1 % en contrepartie des frais d’assiette et de recouvrement.

Les frais de gestion perçus par l’État sur la cotisation foncière
des entreprises (CFE) et ses taxes additionnelles

L’article 1641 du CGI dispose l’État perçoit les frais de gestion suivants :

– en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs qu’il prend à sa charge, l’État perçoit 2 % du montant de la plupart des impositions locales, dont la CFE et la taxe pour la GEMAPI, et 3,6 % du montant de la TCCI et de la TCMA ;

– en contrepartie des frais d’assiette et de recouvrement, l’État perçoit 1 % du montant de la plupart des impositions locales, dont la CFE et la taxe pour la GEMAPI, et 5,4 % du montant de la TCCI et de la TCMA.

2.   Une imposition bénéficiant intégralement au bloc communal

La CFE est le seul impôt économique sur lequel les collectivités territoriales du secteur communal ont conservé un pouvoir de taux. Elle bénéficie entièrement au bloc communal à hauteur de 7 954 millions d’euros en 2018, dont 7 311 millions d’euros pour les groupements à fiscalité propre et 641 millions d’euros pour les communes. Le taux d’imposition moyen était de 17,84 % pour les communes (avec des bases nettes qui s’élevaient à 3 593 millions d’euros) et de 26,04 % pour les EPCI à fiscalité propre (avec des bases nettes qui s’élevaient à 28 072 millions d’euros).

Les exonérations de CFE, au même titre que les exonérations ou les abattements de fiscalité locale peuvent, dans certains cas, faire l’objet d’une allocation compensatrice de l’État, généralement sous la forme d’un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État, pour compenser les pertes de recettes fiscales résultant des exonérations et allègements de bases ou de taux décidés par voie législative. Le mécanisme de compensation est alors défini par la loi selon des modalités propres à chaque dispositif : aucune exigence constitutionnelle n’impose une compensation intégrale ou partielle de ces dispositifs. À l’inverse, les dégrèvements sont des prises en charge directe par l’État de tout ou partie de la contribution due par les contribuables aux collectivités territoriales sur les crédits budgétaires du programme Remboursements et dégrèvements dimpôts locaux (l’État se substitue totalement ou partiellement au contribuable pour le paiement de l’impôt ; une partie de l’impôt peut rester à la charge du contribuable).

À ce titre, font l’objet d’une compensation d’exonération sous la forme d’un prélèvement sur recettes de l’État prévu par la loi certaines exonérations zonées (zone de revitalisation rurale, quartier prioritaire de la politique de la ville, zone franche d’activité nouvelle génération, bassin urbain à dynamiser), l’abattement de la base en Corse, la réduction de la base pour les entreprises nouvelles pour la première année d’imposition, l’exonération en faveur des diffuseurs de presse spécialistes, l’exonération de cotisation minimum pour les entreprises réalisant moins de 5 000 euros de chiffre d’affaires. L’ensemble de ces compensations d’exonérations s’établit à 32 millions d’euros en 2018 pour un montant exonéré de CFE de 81 millions d’euros. La CFE ne fait en revanche à ce jour l’objet d’aucun dégrèvement (en dehors du dégrèvement de CET au titre du plafonnement de la valeur ajoutée).

B.   LE MONTANT DE LA COTISATION FONCIÈRE DES ENTREPRISES EST PEU SENSIBLE À LA SITUATION ÉCONOMIQUE

Depuis le début de l’année 2020, l’expansion de la pandémie de Covid-19 et les mesures prises pour éviter sa propagation ont conduit à une profonde dégradation de la situation économique, en particulier dans certains secteurs économiques. La croissance s’établit ainsi à – 5,3 % au 1er trimestre selon les résultats détaillés des comptes nationaux de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

1.   Une crise économique touchant particulièrement les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel

Depuis le 11 mai, date de sortie du confinement, l’INSEE estime que l’activité économique est inférieure de 21 % par rapport à une situation normale. La reprise reste particulièrement faible dans certains secteurs (hôtels, cafés, restaurants, et entreprises du secteur du tourisme et de l’événementiel culturel et sportif) du fait du maintien de limitations d’activité, mais également d’une moindre demande nationale : fin mai 2020, la perte d’activité était encore de – 27 % pour le secteur du commerce, de – 40 % dans le secteur des transports et de l’entreposage, de – 90 % dans la restauration et l’hébergement et de – 63 % dans les autres activités de service (incluant notamment les activités culturelles) ([151]).

Pour la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), la période de confinement s’est traduite par une baisse d’activité supérieure à 50 % pour 96 % des entreprises dans le secteur de l’hébergement et de la restauration, avec 75 % des entreprises à l’arrêt au 31 mars, ces ratios s’élevant à 90 % et 66 % des entreprises dans le secteur des arts, spectacles et activités récréatives ([152]). Ainsi, près de 96 % des entreprises de l’hôtellerie-restauration ont eu recours à l’activité partielle durant cette période, pour 67 % de leurs salariés, et 6,2 milliards d’euros de prêts garantis par l’État (PGE) ont été préaccordés à 62 500 entreprises du secteur du tourisme à la fin du mois de mai 2020, soit près de 10 % des demandes.

● Parmi les secteurs les plus concernés par les mesures de confinement, la crise économique touche particulièrement le secteur du tourisme, confronté à une chute de la demande liée à l’arrêt quasi complet des flux touristiques internationaux et à l’annulation de la plupart des manifestations. Dans le tourisme, en moyenne, pour un mois de confinement, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) chiffre à 14 milliards d’euros la baisse de la consommation touristique, dont 12,4 milliards d’euros pour le secteur marchand. En tenant compte des aides publiques, la Direction générale des entreprises (DGE) et la Banque publique d’investissement (BPI) France estiment la perte d’exploitation mensuelle du secteur du tourisme (excédent brut d’exploitation) à environ 1,3 milliard d’euros. Par ailleurs, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit en 2020 une contraction des arrivées internationales de 60 à 80 %. Selon l’OFCE, le chiffre d’affaires du secteur de l’hébergement touristique subirait une perte de consommation touristique estimée à 65 milliards d’euros. Il estime les pertes de chiffre d’affaires en 2020 dans l’hébergement touristique de l’ordre de 30 % à 70 % en fonction des segments : – 30 % pour les hébergements familiaux, – 40 % pour l’hôtellerie, – 72 % pour les tour-opérateurs, etc([153]).

Dans ce cadre, le Comité interministériel du tourisme du 14 mai 2020, présidé par le Premier ministre, a annoncé la mise en place d’un plan de soutien exceptionnel aux hôtels, cafés, restaurants, et aux entreprises du tourisme et de l’événementiel sportif et culturel. Plusieurs mesures ont été annoncées à l’issue de ce comité, parmi lesquelles :

– le maintien du recours à l’activité partielle dans les mêmes conditions que celles adoptées au mois de mars 2020 au moins jusqu’à la fin du mois de septembre pour les entreprises des secteurs concernés ;

– le maintien du fonds de solidarité pour les entreprises des secteurs concernés jusqu’à fin 2020, avec des conditions d’accès élargies jusqu’à 20 salariés et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires (contre 10 salariés et 1 million d’euros de chiffre d’affaires actuellement), et un plafond des subventions pouvant être versées dans le cadre du second volet du fonds porté à 10 000 euros (contre 5 000 euros actuellement) ;

– l’exonération des cotisations sociales des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) des secteurs concernés pour la période de fermeture ou de très faible activité, c’est-à-dire au moins de mars à juin. Aux exonérations s’ajoutera un crédit de cotisation égal à 20 % des salaires versés depuis février et imputable sur l’ensemble des cotisations dues par l’entreprise. Les entreprises ne bénéficiant pas de l’exonération pourront obtenir des étalements longs des charges sociales et fiscales et, au cas par cas, solliciter des annulations de dette en fonction de leur situation financière ;

– le recours à un prêt garanti par l’État (PGE) spécifique qui sera mis en place avec des conditions plus favorables que le PGE actuel, notamment par un plafond porté aux trois meilleurs mois de l’année 2019 au lieu de 25 % du chiffre d’affaires 2019 ;

– l’annulation des loyers et redevances d’occupation du domaine public dus aux bailleurs nationaux (État et opérateurs) pour les TPE et PME des secteurs concernés pour la période de fermeture administrative ;

– la mobilisation d’un plan d’investissements en fonds propres de 1,3 milliard d’euros porté par la Banque des territoires et par BPI France, dans le secteur du tourisme, pour un effet attendu en matière d’investissement de 6,7 milliards d’euros ;

– enfin, pour les collectivités territoriales volontaires, l’allègement de la taxe de séjour pour les hébergements touristiques ([154]), ou encore la réduction des deux tiers de la CFE pour les établissements des secteurs concernés, avec pour cette dernière un financement pour moitié assuré par l’État (objet du présent article).

● Par ailleurs, la crise économique touche particulièrement le secteur du transport aérien : la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) estime le trafic mensuel résiduel de passagers en mai 2019, c’est-à-dire le pourcentage de trafic de passagers réalisé en mai 2020 par rapport à mai 2019, à seulement 0,9 %, ce dernier concernant très majoritairement des liaisons de ou vers l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulle. En cumul sur les quatre premiers mois de l’année, le trafic 2020 représente 56,7 % du trafic de la même période 2019. L’indicateur mensuel du trafic aérien commercial indique 27 573 mouvements d’avion en France en mai 2020 (passage par un centre en route de la navigation aérienne ou un aéroport) contre 302 437 mouvements d’avion en mai 2019.

Selon l’Association internationale du transport aérien (International Air Transport Association – IATA), organisation commerciale internationale qui promeut les sociétés de transport aérien, la chute du transport aérien de passagers est mondiale puisque le « passager-kilomètre payant », en anglais « revenue passenger kilometer », c’est-à-dire le nombre de kilomètres parcourus dans le monde par des passagers clients, est inférieur de 94 % en avril 2020 par rapport à avril 2019. L’association n’anticipe pas un retour à la normale du trafic aérien de passagers avant 2023. Une légère reprise au niveau mondial est toutefois observée par l’association en mai 2020, avec une hausse du nombre de vols de 30 % par rapport à avril 2020, principalement sur des vols intérieurs (mais un nombre de vols toujours inférieur de 73 % par rapport à janvier 2020) ([155]). Dans ce contexte, les sociétés de transport aérien ont reçu, selon cette association, près de 123 milliards de dollars d’aides publiques dans le monde, dont 67 milliards de dollars sous la forme de prêts ou de reports de charges ([156]).

La filière aéronautique française, qui représente 300 000 emplois et 58 milliards d’euros de chiffre d’affaires, est également fortement touchée par la crise, notamment le groupe européen Airbus qui annonçait une perte de 481 millions d’euros au premier semestre 2020, contre un bénéfice de 40 millions d’euros au premier trimestre de l’an dernier, avec un chiffre d’affaires en baisse de 15 % à 10,6 milliards d’euros. Le groupe Airbus a ainsi annoncé une réduction d’environ 35 à 40 % des cadences de production de ses principaux programmes.

Dans ce contexte, le Gouvernement a annoncé, le 9 juin 2020, un plan de soutien à l’aéronautique de près de 15 milliards d’euros, qui comprend notamment la création d’un fonds d’investissement aéronautique doté de 1 milliard d’euros, la création d’un fonds d’accompagnement public à la diversification, à la modernisation et à la transformation environnementale des procédés doté de 300 millions d’euros, l’accroissement du soutien de BPI France assurance export pour les exportations du secteur, la mise en place d’un moratoire sur les remboursements en principal des crédits à l’exportation octroyés aux compagnies aériennes pendant 12 mois à partir de mars 2020, et l’anticipation de plusieurs commandes publiques pour un montant de 832 millions d’euros.

2.   Une cotisation foncière des entreprises peu sensible à la situation économique de l’entreprise

La CFE due par un redevable n’est pas sensible à la baisse de l’activité de ce dernier, sauf en cas de cession par le redevable d’un ou de plusieurs locaux professionnels. En effet, le montant de CFE est indépendant de l’utilisation effective des biens fonciers sur lesquels elle est assise, dès lors que le contribuable exploite effectivement l’établissement au 1er janvier de l’année d’imposition. Une entreprise en situation financière difficile reste redevable de CFE, même si son résultat ou son chiffre d’affaires diminue de manière notable en 2020 ou si elle cesse de dégager des bénéfices. Pour cette raison, la CFE peut représenter une importante charge fiscale pour de nombreuses entreprises en difficulté, notamment des petites et moyennes entreprises, dont l’activité a été durablement affectée par la crise sanitaire.

En outre, l’acompte de CFE, qui doit être versé avant le 15 juin, représente juridiquement une échéance fiscale immédiate pour les entreprises dont la CFE due au titre de l’année précédente excède 3 000 euros. Si cet acompte peut être réduit librement dans plusieurs situations, sous la responsabilité du contribuable, ces dispositions ne peuvent pas s’appliquer à la situation de crise actuelle. En effet, l’article 1679 quinquies du CGI permet au redevable de réduire le montant de son acompte uniquement s’il estime que sa base d’imposition est réduite d’au moins 25 % par rapport à l’année précédente. Or, la crise actuelle reste généralement sans incidence en 2020 sur la base d’imposition foncière des entreprises, ce qui ne permet pas aux entreprises concernées de moduler leur acompte à la baisse.

Toutefois, le ministère de l’action et des comptes publics a invité, dans un communiqué daté du 5 juin 2020, les entreprises appartenant aux secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme et de l’événementiel, à ne pas s’acquitter de l’acompte de CFE du 15 juin : un report sans pénalité a été automatiquement accordé jusqu’au 15 décembre, date de paiement du solde de CFE. De même, les entreprises de ces secteurs qui sont mensualisées pour le paiement de la CFE peuvent suspendre les versements mensuels : le solde de l’impôt dû sera alors entièrement reporté au 15 décembre, sans aucune pénalité ([157]).

Par ailleurs, le communiqué précise que toutes les autres entreprises sont exceptionnellement autorisées à anticiper, dès l’acompte de CFE de juin 2020, l’effet du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée. Les entreprises qui prévoient de bénéficier, au titre de 2020, du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée, pourront en tenir compte au moment de l’acompte de 50 % de la CFE de juin 2020 et amputer ce dernier du montant dont elles estiment pouvoir bénéficier au titre du plafonnement. Une marge d’erreur de 30 % sera tolérée sur le montant ainsi versé au 15 juin (au lieu de 10 %) ([158]).

Enfin, il est rappelé que les recettes de CFE affectées au bloc communal ne seront pas affectées par la crise économique actuelle. En effet, le montant global de CFE qui doit être versé a été notifié par les services fiscaux aux collectivités territoriales en début d’année et son versement est désormais garanti (les éventuels impayés étant pris en charge par l’État). Par ailleurs, du fait de l’indexation des valeurs locatives, les recettes de CFE croîtront de 1,7 % en 2020 par rapport à 2019.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans ces conditions, comme annoncé par le Premier ministre lors du cinquième comité interministériel du tourisme, le présent article propose un dispositif à destination des collectivités locales qui, si elles le souhaitent, pourront prévoir, pour l’année 2020 uniquement, la mise en place d’un dégrèvement des deux tiers de la CFE pour les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de la culture, du sport et de l’événementiel, particulièrement affectés par le ralentissement de l’activité économique, que l’État financera pour moitié. Il étend également le bénéfice de ce dégrèvement au secteur du transport aérien.

A.   LA MISE EN PLACE POUR 2020 D’UN DÉGRÈVEMENT DE CFE EN FAVEUR DES SECTEURS LES PLUS TOUCHÉS PAR LA CRISE

Le I du présent article autorise les communes et les EPCI à fiscalité propre de délibérer jusqu’au 31 juillet 2020 afin d’instituer un dégrèvement des deux tiers du montant de la CFE due au titre de 2020 et afférente aux établissements qui exercent une activité principale dans l’un des secteurs concernés. La délibération porte sur la part de CFE revenant à chaque commune ou EPCI à fiscalité propre : la commune ne peut ainsi exonérer que la part communale de CFE et l’EPCI que la part intercommunale de CFE (notamment pour les EPCI à fiscalité additionnelle). La cotisation dégrevée comprend les frais de gestion perçus par l’État sur la CFE.

La mesure déroge ainsi à l’article 1639 A bis du CGI qui dispose que « les délibérations des collectivités locales et des organismes compétents relatives à la fiscalité directe locale, autres que celles fixant soit les taux, soit les produits des impositions […] doivent être prises avant le 1er octobre pour être applicables lannée suivante ». Ainsi, les collectivités locales auront jusqu’au 31 juillet pour décider de diminuer, de deux tiers, la CFE due en 2020 par les entreprises éligibles situées sur leur territoire. Pour rappel, cette date est postérieure à la nouvelle date limite du 3 juillet 2020 fixée par l’ordonnance du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales ([159]) pour le vote des taux de fiscalité locale.

Le recours à un dégrèvement est préférable par rapport à celui d’une exonération, car la mise en œuvre en année N, sur délibération des collectivités territoriales, de mesures concernant l’assiette de la CFE, imposerait de prendre ces délibérations avant le 1er octobre de l’année N – 1. Ce délai est en effet nécessaire à la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour notifier aux collectivités territoriales à partir de la première quinzaine de mars leur base imposable afin qu’elles puissent voter les taux d’imposition de l’année en cours dans le respect des règles d’équilibre budgétaire qui s’imposent à elles. Dans la mesure où les bases de CFE pour 2020 ont déjà été notifiées aux collectivités territoriales, une nouvelle exonération impliquerait de réaliser une seconde fois l’ensemble des travaux de calcul et de notification déjà conduits, ce qui ne permettrait plus de garantir aux collectivités territoriales de pouvoir voter leurs taux 2020 dans les délais prescrits, même en tenant compte du report exceptionnel au 3 juillet de la date limite de vote des taux. En revanche, contrairement à une exonération, un dégrèvement est sans incidence sur le calcul des bases fiscales et de la cotisation et s’applique directement sur le montant de celle-ci. Ainsi, dans la généralité des cas, le montant de ce dégrèvement pourra figurer automatiquement sur l’avis d’imposition 2020 des bénéficiaires.

Le II précise le champ d’application de ce nouveau dégrèvement et précise qu’il s’applique aux établissements qui satisfont aux conditions cumulatives suivantes :

– relever d’une entreprise qui a réalisé, au cours de la période de référence utilisée pour déterminer les bases de CFE (c’est-à-dire l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition, soit 2018 dans le cas présent), un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 150 millions d’euros, éventuellement corrigé pour correspondre à une année pleine. Pour rappel, une petite ou moyenne entreprise (PME) est une entreprise qui occupe moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros, tandis qu’une entreprise de taille intermédiaire (ETI) est une entreprise qui occupe moins de 5 000 personnes et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1 500 millions d’euros. Le présent critère de chiffre d’affaires, intermédiaire, permet de réserver le bénéfice du dégrèvement aux entreprises de taille modérée, petite ou moyenne, plus vulnérables face au ralentissement économique : en 2019, 4 370 000 entreprises dans le champ de la CFE avaient un chiffre d’affaires inférieur à 150 millions d’euros. L’évaluation préalable indique toutefois que « la prise en compte de conditions déligibilité plus complexes, par exemple leffectif salarié de lentreprise, présenterait des obstacles dirimants au plan opérationnel » ;

– exercer leur activité principale dans ceux des « secteurs relevant du tourisme, de lhôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de lévénementiel qui ont été particulièrement affectés par les conséquences économiques et financières de la propagation de lépidémie de Covid-19 au regard de limportance de la baisse dactivité constatée en raison notamment de leur dépendance à laccueil du public ». Il est précisé que la liste détaillée de ces secteurs sera définie par décret. Le périmètre des entreprises éligibles est ainsi limité à une liste prédéterminée de secteurs d’activité, sans possibilité pour les collectivités locales de procéder à des adaptations en fonction de la situation sur leur territoire. Cette condition est, selon l’évaluation préalable du présent article, « indispensable afin que les entreprises puissent bénéficier automatiquement, dans la majorité des cas, de la réduction de CFE. À défaut, les entreprises seraient dans lobligation de demander le bénéfice du dégrèvement par voie contentieuse dans le délai légal de réclamation ».

En premier lieu, le Rapporteur général note que le dégrèvement s’appliquera uniquement aux entreprises dont l’activité principale est exercée dans l’un ou plusieurs des secteurs éligibles. Le caractère principal d’une activité s’entend par référence aux recettes que cette activité procure par rapport aux autres activités de l’établissement. Seule l’activité principale réellement exercée par l’entreprise ouvre droit au dégrèvement. La commission des finances a toutefois adopté un amendement de M. Joël Giraud ([160]), avec un avis défavorable du Rapporteur général, visant à préciser les modalités d’application du présent article lorsque l’entreprise exerce plusieurs activités, dont une ou plusieurs au sein des secteurs éligibles. Cet amendement étend le bénéfice du dégrèvement de CFE aux établissements relevant d’une entreprise qui a réalisé au moins 30 % de son chiffre d’affaires annuel dans un ou plusieurs des secteurs éligibles.

Par ailleurs, il souligne la difficulté à définir le champ d’application du dégrèvement : l’article ne précise ni la liste des secteurs concernés ni les critères retenus pour apprécier les secteurs « particulièrement affectés par les conséquences économiques et financières […] au regard de limportance de la baisse dactivité constatée en raison notamment de leur dépendance à laccueil du public », ces éléments étant définis par décret. Ces derniers sont pourtant essentiels pour définir avec précision l’assiette du dégrèvement proposé par le présent article.

En effet, si la restauration, les hôtels et hébergements similaires, les activités récréatives, artistiques et de spectacles, les activités culturelles, les activités sportives ainsi que le transport aérien constituent des catégories définies par la nomenclature d’activités française (NAF), tel n’est pas le cas du secteur du tourisme qui recouvre un ensemble plus large d’activités économiques. Dans ce cadre, un communiqué de presse du Gouvernement, diffusé le 10 juin 2020, est venu préciser la liste des secteurs qui seront concernés par le présent article ([161]).

Pour définir les entreprises éligibles au dispositif, le communiqué utilise principalement les références de la nomenclature d’activité française (code NAF). Ce dernier est délivré par l’INSEE à chaque entreprise et permet d’identifier la branche d’activité principale de l’entreprise ou du travailleur indépendant. Sur cette base, le dégrèvement s’appliquerait aux secteurs suivants :

– du tourisme, et notamment aux téléphériques et remontées mécaniques, aux activités des agences de voyages, aux activités des voyagistes, aux autres services de réservation et activités connexes, aux entreprises de détaxe et bureaux de change (changeurs manuels), à la gestion des sites et monuments historiques et des attractions touristiques similaires, à la gestion des jardins botaniques et zoologiques et des réserves naturelles, aux activités des parcs d’attractions et parcs à thèmes, aux autres activités récréatives et de loisirs, aux trains et chemins de fer touristiques, au transport transmanche, au transport de passagers sur les fleuves, les canaux, les lacs, à la location de bateaux de plaisance, aux cars et bus touristiques et aux balades touristiques en mer ;

– de l’hôtellerie, et notamment aux hôtels et hébergements similaires, aux hébergements touristiques et autres hébergements de courte durée et aux terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs ;

– de la restauration, et notamment à la restauration traditionnelle, aux cafétérias et autres libre-service, à la restauration de type rapide, à la restauration collective sous contrat, aux services des traiteurs et aux débits de boissons ;

– du sport, et notamment à la location et location-bail d’articles de loisirs et de sport, à l’enseignement de disciplines sportives et d’activités de loisirs, à la gestion d’installations sportives, aux activités de clubs de sports, aux activités des centres de culture physique, aux autres activités liées au sport et à l’entretien corporel ;

– de la culture, et notamment à la projection de films cinématographiques et autres industries techniques du cinéma et de l’image animée, aux arts du spectacle vivant, aux activités de soutien au spectacle vivant, à la création artistique relevant des arts plastiques, à la gestion de salles de spectacles et production de spectacles, à la gestion des musées, aux guides conférenciers, à la production de films et de programmes pour la télévision, à la production de films institutionnels et publicitaires, à la production de films pour le cinéma, aux activités photographiques et à l’enseignement culturel ;

– l’événementiel, et notamment aux organisations de foires, événements publics ou privés, salons ou séminaires professionnels, aux congrès et aux agences de mannequins ;

– du transport aérien, et notamment au transport aérien de passagers.

En pratique, dans la généralité des cas, le code activité NAF déclaré par l’établissement et connu par l’administration fiscale permettra, en cas de délibération de la collectivité, d’automatiser le dégrèvement, c’est-à-dire à l’administration fiscale d’appliquer d’office le dégrèvement, qui pourra figurer sur le solde de CFE pour 2020.

Le III précise que le nouveau dégrèvement s’applique uniquement à la CFE et ne s’applique pas aux différentes taxes additionnelles à la CFE ni aux prélèvements opérés par lÉtat sur ces taxes additionnelles au titre des frais de gestion. Ainsi, le dégrèvement ne s’applique pas à la taxe pour la GEMAPI ( du III), à la taxe additionnelle spéciale annuelle au profit de la région d’Île-de-France ( du III), à la TCCI et à la TCMA ( du III), aux TSE ( du III) et aux contributions fiscalisées additionnelles à la CFE des syndicats de communes ( du III).

Le IV du présent article précise que le présent dégrèvement doit se conformer aux règles européennes applicables en matière d’aides d’État. Le droit européen impose en effet le respect du règlement relatif aux aides de minimis ([162]), qui dispose que le montant total des aides octroyées par un État membre à une entreprise unique ne peut excéder 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux. Toutefois, la Commission européenne a défini un encadrement temporaire spécifique, en date du 19 mars 2020, lié à la crise sanitaire et fondé sur l’article 107 du traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui dispose que sont compatibles avec le marché intérieur les aides destinées « à remédier à une perturbation grave de léconomie dun État membre » ([163]). Elle a ainsi autorisé, sous condition et jusqu’au 31 décembre 2020, l’octroi d’aides sous forme de subventions directes, d’avantages fiscaux sélectifs ou d’avances remboursables aux entreprises qui ont rencontré des difficultés ou sont entrées en difficulté à cause de l’épidémie de Covid‑19, dans la limite de 800 000 euros. Ces aides ne peuvent toutefois bénéficier qu’aux entreprises qui, au 31 décembre 2019, n’étaient pas en difficulté, au sens du droit européen ([164]), c’est-à-dire une entreprise qui ne remplit aucune des conditions suivantes : avoir perdu plus de la moitié du capital social souscrit ou des fonds propres en raison des pertes accumulées ; faire l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ; avoir bénéficié d’une aide au sauvetage ou à la restructuration et n’avoir pas encore remboursé le prêt ou être toujours soumis à un plan de restructuration ; pour les grandes entreprises, avoir un ratio emprunts sur capitaux propres supérieur à 7,5 et un ratio de couverture des intérêts inférieur à 1.

Le V du présent article précise les conséquences financières du présent dégrèvement pour l’État et les collectivités territoriales puisqu’il dispose que le dégrèvement accordé au titre de l’année 2020 est pris en charge à hauteur de 50 % par l’État et à hauteur de 50 % par les communes et les EPCI à fiscalité propre concernés. Il est précisé que la part du dégrèvement correspondant aux frais de gestion est prise en charge intégralement par l’État et non pas à hauteur de 50 %, ce qui est cohérent avec le fait que ces frais de gestion bénéficient intégralement à l’État et non aux collectivités territoriales. Le montant du dégrèvement mis à la charge de chaque commune ou EPCI à fiscalité propre est imputé sur les attributions mensuelles de fiscalité locale (articles L. 2332-2 et L. 3662-2 du code général des collectivités territoriales). Pour rappel, les taxes et impositions perçues par voie de rôle (taxe d’habitation, taxes foncières, CFE, etc.), pour le compte des communes et des établissements publics locaux, sont attribuées mensuellement à raison d’un douzième de leur montant total par le biais du compte d’avances aux collectivités territoriales.

Le Rapporteur général note ainsi que, pour les entreprises concernées, un tiers de la CFE initialement due sera pris en charge par l’État par le biais d’un dégrèvement, un tiers sera supporté par les collectivités territoriales par le biais d’une perte de recettes, et un tiers restera à la charge du redevable.

Le VI du présent article précise la procédure à suivre en cas d’erreur de l’administration sur l’application du dégrèvement, et dispose que lorsque « le solde de cotisation foncière des entreprises exigible à partir du 1er décembre 2020 des redevables qui remplissent les conditions pour bénéficier du dégrèvement ne tient pas compte de celui-ci, ces redevables peuvent en faire la demande sur réclamation à formuler sur papier libre par voie contentieuse dans le délai de réclamation prévu en matière de cotisation foncière des entreprises ». Pour rappel, le délai de réclamation en matière d’impôts locaux est avant le 31 décembre de l’année qui suit celle de la mise en recouvrement de l’impôt indiquée sur l’avis d’imposition.

Le Rapporteur général rappelle toutefois que l’objectif retenu par l’administration fiscale est la mise en œuvre automatique du dégrèvement sur l’avis d’imposition 2020 des bénéficiaires. La procédure en cas d’erreur de l’administration n’est envisagée qu’à titre exceptionnel.

Enfin, le VII du présent article dispose que des délibérations pourront être adoptées dès la date de présentation du présent projet de loi de finances rectificative en Conseil des ministres, soit le 10 juin 2020. Les entreprises bénéficiaires, qui sont particulièrement affectées par le ralentissement de l’activité économique, auront de ce fait plus de visibilité sur leurs charges à venir. Cette forme d’entrée en vigueur anticipée exceptionnelle permet également d’accroître la marge de manœuvre dont disposent les communes et leurs EPCI, face à l’urgence économique, pour alléger l’impôt des établissements situés sur leur territoire.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

La mesure contribue à soutenir des entreprises des secteurs particulièrement fragilisés par le ralentissement économique lié à la crise sanitaire actuelle en complément des autres aides exceptionnelles octroyées aux entreprises. Elle contribue ainsi à éviter les faillites d’entreprises et à préserver les emplois dans ces secteurs fragilisés. Elle facilitera la reprise d’activité des entreprises bénéficiaires en leur permettant de faire face à leurs autres charges courantes.

Le coût pour l’État et les collectivités territoriales n’est pas chiffrable dès lors qu’il s’agit d’un dispositif facultatif applicable sur délibération des collectivités territoriales concernées. Le coût de ce dégrèvement de CFE dépendra donc du nombre de collectivités qui auront délibéré en ce sens à la date du 3 juillet 2020. L’exposé des motifs du présent article souligne toutefois, afin de leur permettre d’apprécier l’impact financier de leur décision sur leurs équilibres budgétaires, que « sur demande formulée auprès de la direction départementale [des finances publiques], ladministration fiscale communiquera aux collectivités amenées à délibérer dans le cadre du présent dispositif une simulation de la perte de ressources associée au dégrèvement ».

Pour rappel, le dispositif proposé s’applique uniquement aux cotisations dues au titre de 2020 et ne concerne pas les taxes additionnelles ni annexes à la CFE. Sur cette base, l’évaluation préalable du présent article précise que « lensemble des cotisations de CFE et taxes annexes acquittées par les entreprises de taille petite ou moyenne des secteurs les plus affectés par la crise sanitaire concernés par la mesure sélevait à environ 530 millions deuros en 2019 » et que « dans lhypothèse où la totalité des collectivités instaurerait le dégrèvement exceptionnel à hauteur des deux tiers, le coût pour les finances publiques sélèverait à 350 millions deuros », partagés entre l’État et le bloc communal (pour rappel, 92 % de la CFE est perçue par des groupements à fiscalité propre, le restant par des communes).

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, le dégrèvement pourra bénéficier au maximum à 207 000 entreprises, dont près de 60 % dans le secteur de la restauration et 15 % dans le secteur de l’hébergement touristique (hôtellerie et terrains de camping). Le coût maximal de la mesure de 530 millions d’euros concerne à hauteur de 36 % le secteur de la restauration et de 36 % celui de l’hébergement touristique.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF500 de M. M’jid El Guerrab, CF450 de Mme Véronique Louwagie, CF194 de Mme Lise Magnier et CF253 de M. Charles de Courson.

M. M’jid El Guerrab. L’amendement CF500 a pour objet de permettre aux communes et aux établissements publics intercommunaux à fiscalité propre d’octroyer une aide fiscale exceptionnelle aux entreprises ciblées par cet article. Les conséquences de la crise pour les secteurs concernés ne se limitent pas aux trois mois de confinement. Il convient de permettre aux communes de leur accorder une aide jusqu’à la fin de l’année.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF450 a pour objet de modifier, sur plusieurs points, l’article 3, qui institue un dégrèvement exceptionnel de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Le texte prévoit que les collectivités doivent prendre une délibération avant le 31 juillet 2020. Cela me paraît difficile, car, compte tenu de la navette, le texte devrait entrer en vigueur aux alentours du 20 ou du 25 juillet. Il vous est donc proposé de porter le délai au 30 septembre. Par ailleurs, l’amendement vise à étendre le champ d’application de la mesure, d’une part, à toutes les entreprises de taille intermédiaire, autrement dit à celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1,5 milliard d’euros, et, d’autre part, à l’ensemble des secteurs d’activité. C’est une possibilité offerte aux collectivités. Allons jusqu’au bout, faisons confiance et donnons de la latitude aux maires, aux élus locaux.

Mme Lise Magnier. Je partage les propos de notre collègue Louwagie sur la nécessité de décaler la date d’adoption de la délibération des collectivités territoriales visant à instaurer un dégrèvement exceptionnel de CFE sur leur territoire. L’installation des exécutifs locaux a été retardée et, dans l’attente du deuxième tour des municipales, les exécutifs des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne pourront être installés avant le 11 juillet. Le délai prévu pour prendre la délibération – au plus tard le 31 juillet – est beaucoup trop court. C’est pourquoi l’amendement CF194 vise à le repousser au 15 septembre 2020 pour permettre aux exécutifs locaux de délibérer en toute sérénité.

M. Charles de Courson. La date du 31 juillet est inapplicable pour les EPCI. Les délais s’accumulent, entre l’élection du maire, des adjoints, la nomination des délégués, puis la réunion de l’organe délibérant de l’EPCI ! Mon amendement décale la date au 31 août car, au-delà, les services fiscaux ne semblent plus capables de mettre en œuvre la délibération. S’il n’est pas adopté, cela signifie que le président sortant de l’EPCI devrait mettre la délibération à l’ordre du jour de la réunion de nomination de son successeur. Je ne suis même pas sûr que ce soit légal – même si c’est ce que nous essayons de faire dans ma communauté de communes…

M. le président Éric Woerth. C’est une question importante.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je m’y suis penché en préparant l’examen du projet de loi. Je partage vos interrogations. Les conseils municipaux élus et les EPCI installés pourront-ils délibérer, même si le projet de loi n’est pas promulgué ? Oui.

Mais la contrainte temporelle décrite par Charles de Courson pour les EPCI persiste. Le délai est trop court. Charles de Courson l’a souligné, la contrainte est liée au mode de fonctionnement de l’administration fiscale, de la direction générale des finances publiques (DGFiP) en l’occurrence. Je ne suis pas directeur d’administration centrale, ou ministre. Le Gouvernement devra donc nous confirmer si son administration est capable de le faire si nous prolongeons le délai de deux, trois ou quatre semaines.

Pour le moment, je vais rester dans le camp de la raison. Je fais confiance à la DGFiP : quand elle donne des délais, elle les respecte. En outre, les conseils municipaux installés peuvent d’ores et déjà délibérer.

M. le président Éric Woerth. Sur quelle base légale peuvent-ils le faire ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur la base du projet de loi.

M. le président Éric Woerth. Le message doit être clair : ils peuvent donc le faire sur la base des dispositions du projet de loi.

M. Jean-Louis Bricout. Nous soutiendrons ces amendements. Le délai retenu pose problème au regard des délais d’installation des exécutifs. Le 31 août nous paraît raisonnable. Le Gouvernement nous indiquera si la date est compatible avec les contraintes de gestion de la DGFiP.

L’amendement de Mme Louwagie sur l’élargissement de l’assiette est intéressant. Il est même nécessaire.

M. Robin Reda. En région parisienne – le rapporteur général connaît bien la situation –, avec la métropole du Grand Paris, nous faisons l’objet d’un double niveau d’intercommunalité. C’est le second niveau qui lève la CFE.

Une fois les conseils municipaux installés après le second tour, il faudrait que la métropole du Grand Paris se réunisse, puis que les établissements publics territoriaux (EPT) se réunissent à leur tour. Ce sera impossible avant le 31 juillet ! En conséquence, Paris et la métropole du Grand Paris – qui représentent 15 % du PIB français – ne pourront appliquer la moindre diminution de CFE. Pourtant, les restaurateurs, l’hôtellerie et les entreprises du tourisme ont beaucoup souffert en région parisienne.

M. Jean-Paul Mattei. N’existe-t-il pas un risque juridique à délibérer sur un texte qui n’existe pas encore ? Ne devrait-on pas a minima amender le projet de loi pour préciser que toute délibération prise antérieurement à son adoption est valide ? Dans le cas contraire, ne pourrait-on contester la délibération, prise sans base légale ?

Il faut revoir ce point pour la séance publique.

M. le président Éric Woerth. L’article dispose qu’il s’applique aux délibérations prises à compter du 10 juin 2020. Cela sécurise le dispositif. Beaucoup de conseils municipaux ont déjà été élus. Ils peuvent donc voter.

Il faudra vérifier avec le Gouvernement que, pour les autres, la délibération peut être prise le jour de l’installation de l’exécutif.

M. Charles de Courson. La CFE est massivement transférée aux intercommunalités – sauf celles à fiscalité additionnelle, extrêmement minoritaires. Monsieur le rapporteur général, notre devoir de parlementaire est d’essayer de sécuriser le dispositif ! En cas de recours, je suis moins certain que M. Woerth de la validité du dispositif… Avec l’administration, c’est toujours impossible ! Trois semaines ou un mois me semblent un délai raisonnable.

Mme Christine Pires Beaune. Seuls 400 exécutifs d’EPCI sur 1 200 sont déjà installés. L’amendement de M. de Courson me semble plus raisonnable car les rôles pourraient difficilement être établis après le 15 septembre.

Nous pourrions également inviter les préfets à informer les EPCI de ces nouvelles dispositions. Dans les territoires, le manque d’information sur nos débats et ces dispositions est flagrant !

M. Daniel Labaronne. Monsieur de Courson, on ne peut pas dire que la DGFiP n’est pas agile ou s’oppose à tout ! Dans le cadre de la gestion du fonds de solidarité, elle a démontré sa capacité à mettre sur pied rapidement un dispositif d’ampleur.

En tant que députés, nous pouvons aussi informer les services des communautés de communes et les alerter sur ce nouveau dispositif. Je l’ai fait pour les quatre qui se trouvent dans ma circonscription !

M. le président Éric Woerth. Nous débattrons en séance des contraintes qui pèsent sur la DGFiP.

La commission rejette successivement les amendements CF500, CF450, CF194 et CF253.

Puis elle passe à l’amendement CF195 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. L’article 3 permet aux collectivités territoriales d’instaurer un dégrèvement des deux tiers du montant de la CFE due au titre de 2020. Mon amendement vise à prévoir que ce dégrèvement soit « au maximum » de deux tiers, afin de laisser la liberté aux collectivités territoriales de décider du montant et de l’ampleur du dégrèvement. En effet, leurs contraintes budgétaires vont être importantes, d’autant que l’État ne prendra à sa charge que 50 % du dégrèvement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’y suis défavorable. Il faut que l’impact de la mesure soit suffisamment fort. Si l’État prend en charge 50 % du coût, c’est précisément pour partager l’effort financier. Restons-en à la proposition initiale. Je rappelle que les collectivités sont libres d’instaurer ou non ce nouveau dégrèvement.

La commission rejette l’amendement CF195.

Elle en vient aux amendements identiques CF48 de Mme Véronique Louwagie et CF227 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement vise à étendre le dispositif prévu, à l’article 3, pour 2020 à l’année 2021. Les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel ont été très affectés. Ils doivent disposer de perspectives au-delà de 2020.

Bien sûr, les collectivités sont libres d’intervenir. Nombre d’entre elles votent leur budget 2021 avant le 31 décembre 2020. Si nous ne le proposons pas dès maintenant, il sera ensuite trop tard.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement est similaire. Les effets de la crise sur l’hôtellerie, les bars, la restauration, l’événementiel seront durables, d’autant que la réouverture n’a pas suffi à relancer totalement l’activité. Il est intéressant que le dispositif puisse être prolongé en 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’y suis défavorable car ces amendements ne laissent pas le choix et proposent d’emblée un « paquet », sur les deux années. Cela risque d’alourdir considérablement la facture pour les collectivités territoriales, d’autant que l’État finance 50 %, le reste étant à leur charge.

Pour autant, l’outil est intéressant, même s’il coûte 350 millions d’euros par an. En fonction de l’évolution de la crise, nous pourrions envisager de redéployer le dispositif en 2021, dans un second temps, à la libre appréciation des exécutifs locaux.

Mme Véronique Louwagie. Je suis d’accord, il ne faut pas contraindre les collectivités à intervenir sur deux ans, mais ouvrir une possibilité. Je vous proposerai une nouvelle rédaction pour la séance publique.

Les amendements identiques CF48 et CF227 sont retirés.

La commission examine ensuite en discussion commune les amendements CF1267 et CF1268 de Mme Olivia Grégoire, CF1052 du président Éric Woerth et CF433 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques CF149 de M. Marc Le Fur, CF211 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF402 de M. Frédéric Descrozaille, ainsi que les amendements CF1272 de M. Joël Giraud, CF821 de M. Hervé Pellois, CF1116 et CF1089 de Mme Pascale Fontenel-Personne, CF741 de Mme Lise Magnier, CF1107 de Mme Pascale Fontenel-Personne, les amendements identiques CF888 de M. Vincent Ledoux, CF922 de M. Fabrice Brun et CF1034 de M. Marc Le Fur, les amendements CF1317 de M. Jean-Noël Barrot, CF357 de Mme Sophie Panonacle, CF1082 de M. Jean-Marc Zulesi, CF170 de Mme Lise Magnier et CF245 de M. Charles de Courson.

Mme Olivia Grégoire. Je pense que je connais la réponse du rapporteur, mais je vais malgré tout défendre les amendements CF1267 et CF1268, qui visent à étendre le dégrèvement de CFE à tous les secteurs, en intégrant les entreprises de taille intermédiaire (ETI) jusqu’à 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, tout en le limitant à celles qui ont perdu 30 % ou plus de leur chiffre d’affaires entre le 1er mars et le 31 mai 2020. L’amendement CF1268, de repli, limite le dispositif à celles qui ont perdu 45 % de chiffre d’affaires.

Je connais les arguments du rapporteur, mais j’insiste sur la cohérence de ma proposition : nous parlons, et parlerons encore, de relocalisation et de réindustrialisation. Or, les ETI ont un rôle fondamental dans la réindustrialisation. La CFE taxe la production et, nous le savons sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, elle fait beaucoup de mal à la compétitivité de l’industrie française. Une telle impulsion politique serait intéressante…

M. le président Éric Woerth. Mon amendement CF1052 vise à désectorialiser le dispositif en étendant son application aux entreprises ayant perdu 50 % de leur chiffre d’affaires, sur le modèle du dispositif que nous avons adopté pour l’accès au fonds de solidarité. Ce serait plus cohérent, d’autant qu’il s’agit d’entreprises terriblement touchées par la crise, qu’elles aient été fermées ou pas. En outre, ce serait moins dangereux que de lister les secteurs, au risque d’en oublier.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement CF433 propose d’étendre l’application de l’article 3 à la restauration hors domicile, particulièrement affectée par la crise car liée à l’hôtellerie, à l’événementiel et aux sports. Ainsi, dans ma circonscription, des grossistes en boissons qui livrent habituellement les collectivités pour leurs manifestations, n’ont plus d’activité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Plusieurs grossistes de ma circonscription m’ont également alertée. Sont-ils inclus dans le dispositif ? En outre, l’amendement CF211 vise à laisser plus de liberté aux collectivités territoriales dans le choix des entreprises bénéficiaires de l’exonération de CFE.

M. Hervé Pellois. L’amendement CF402 vise à étendre le dispositif à d’autres secteurs touchés par la crise.

M. Joël Giraud. L’amendement CF1272 fait la synthèse des précédentes propositions.

Dans les régions touristiques, la règle, c’est la pluriactivité et l’exception, la monoactivité. Or, tel que rédigé, le dispositif vise uniquement l’activité principale de l’entreprise, dans le tourisme par exemple. Ainsi, une exploitation agricole qui a ouvert une ferme-auberge ou un magasin de vente ne pourra pas en bénéficier car son code NAF ne rentre pas dans la liste relative au tourisme. Pourtant, ces activités sont extrêmement attractives d’un point de vue touristique. En l’état actuel de sa rédaction, l’article met ainsi en danger la solvabilité de ces exploitations agricoles.

Je vous propose de remplacer « activité principale » par « une ou plusieurs activités » afin de prendre en compte la pluriactivité. L’entreprise devra avoir réalisé au moins 30 % de son chiffre d’affaires annuel dans l’un des secteurs éligibles.

M. Hervé Pellois. Dans le même esprit, nous souhaitons, avec l’amendement CF821, prendre en compte les entreprises qui exercent dans des secteurs d’activité dépendants de ceux listés dans le précédent article, lorsqu’elles ont connu de très fortes baisses de chiffre d’affaires.

M. Joël Giraud. Les amendements CF1116, CF1089 et CF1107 sont issus des travaux du groupe d’études tourisme de l’Assemblée nationale. Ils visent le même objectif que les précédents.

Mme Sophie Panonacle. L’amendement CF357 est un amendement d’appel. Il vise à s’assurer que les entreprises qui exercent des activités de transport maritime de passagers sont considérées comme appartenant au secteur du tourisme et incluses dans la liste des secteurs d’activité fixée par décret, afin de bénéficier du dégrèvement de CFE.

M. Jean-Marc Zulesi. Le fret ferroviaire français a répondu présent lors de la crise sanitaire. L’amendement CF1082 vise à inclure le secteur du transport ferroviaire de marchandises dans le dispositif de dégrèvement exceptionnel de la CFE, au même titre que le transport de tourisme et le transport aérien.

M. Charles de Courson. L’amendement CF245 vise à interpeller : comme les précédents, il pose la question du périmètre du dispositif. Nous n’allons pas nous en sortir ! J’ai ajouté la location de véhicules. Est-elle incluse dans le dispositif ? Certes un décret pourra le prévoir, mais pourquoi ne pas proposer un critère très simple – la baisse de chiffre d’affaires, sur le modèle du fonds de solidarité. Qu’en pensez-vous ?

M. le président Éric Woerth. Cela ne va pas être la position de l’administration…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je l’ai déjà indiqué au début de l’examen de l’article 3, la première difficulté, c’est la capacité à délibérer et celle de l’administration à réagir vite afin que le dispositif soit opérationnel à l’automne. Le critère du chiffre d’affaires impose une déclaration préalable de chiffre d’affaires pour 2020, ce qui rendrait le dispositif totalement inopérant, d’autant qu’il doit être opérationnel dans des délais extrêmement contraints.

Afin que les collectivités territoriales puissent délibérer rapidement et adopter ce dégrèvement, il faut éviter les critères complexes – plafond de baisse de chiffre d’affaires ou nouveaux secteurs d’activité.

J’étais initialement favorable à une extension du dispositif aux entreprises des secteurs dépendants. Mais nous allons nous heurter à la même difficulté : l’entrée dans ce périmètre dépend de la perte de chiffre d’affaires, et donc d’une déclaration de chiffre d’affaires. J’émettrai donc un avis défavorable sur tous les amendements qui imposent une déclaration préalable de chiffre d’affaires pour 2020, car cela rend l’article 3 inapplicable, alors que nous visons un effet rapide sur la trésorerie des intéressés.

Joël Giraud a raison, il faut prendre en compte la pluriactivité, mais sans critère lié au chiffre d’affaires, pour ne pas retomber dans le même piège. Il faut que le Gouvernement précise la notion d’activité principale dans le décret et la possibilité de prise en compte d’autres activités – peut-être sur la base d’un contrôle a posteriori.

M. le président Éric Woerth. Vos arguments sur le chiffre d’affaires sont de convenance ! Le Gouvernement a aussi plaidé l’urgence lors de la mise en place du fonds de solidarité, tout en faisant de la perte de chiffre d’affaires le principal critère…

Pourquoi ne pas prendre en compte une déclaration sur l’honneur, quitte à rectifier ultérieurement si besoin ? Pourquoi a-t-il été si simple de décaisser 1 500 euros ? Pourquoi devrions-nous revenir à la France d’avant, où tout est impossible ? Il s’agit encore de mesures d’urgence. Vos arguments ne tiennent pas un instant.

M. Joël Giraud. Pour aider le Gouvernement à répondre, je maintiens l’amendement CF1272 parce que la définition de la pluriactivité lui pose toujours des problèmes et ne figure jamais dans les décrets. Telle que je la retiens – je parle sous le contrôle d’experts‑comptables –, elle est simple puisqu’il s’agit d’une part du chiffre d’affaires et d’une méthode déjà utilisées pour les entreprises agricoles.

Mon amendement permettrait d’éviter à tous ces pluriactifs de ne pas bénéficier de l’exonération. C’est important pour les entreprises agricoles, surtout dans un nouveau monde où l’on veut rapprocher le consommateur du producteur.

M. Jean-Louis Bricout. Je suis sensible aux arguments de Joël Giraud. Son exemple est particulièrement pertinent. Nous savons tous que les entreprises agricoles ont besoin de ces revenus complémentaires pour être solvables. Nous présenterons un amendement similaire pour la séance publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur le président, vous n’avez pas totalement tort. Mais il faut prendre en compte les réalités administratives. Pourquoi a-t-on pu le faire pour le fonds de solidarité ? Parce qu’il ne s’agissait pas de mesures fiscales. Pourquoi peut-on le faire à l’article 18 ? Parce qu’il s’agit de cotisations sociales. Nous prendrions un risque en votant ces amendements. Il m’importe que l’article 3 arrive à bon port et que les collectivités territoriales qui délibèrent ne le fassent pas pour rien.

Je maintiens donc mon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF1267, CF1268, CF1052 et CF433, les amendements identiques CF149, CF211 et CF402.

La commission adopte l’amendement CF1272 (amendement  2159).

Elle rejette successivement les amendements CF821, CF1116, CF1089, CF741, CF1107, les amendements identiques CF888, CF922 et CF1034, et les amendements CF1317, CF357, CF1082, CF170 et CF245.

La commission examine l’amendement CF993 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit d’augmenter la compensation par l’État aux collectivités du dégrèvement de CFE.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’y suis défavorable car il s’agit d’un dégrèvement facultatif, laissé à la libre délibération des collectivités territoriales. Le partage de financement entre État et collectivités est équilibré.

La commission rejette l’amendement CF993.

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

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Article 4
Déblocage exceptionnel de lépargne retraite des travailleurs non-salariés rencontrant des difficultés économiques liées à l’épidémie de Covid-19

Résumé du dispositif et effets principaux

Le I du présent article crée un nouveau cas de rachat ou de retrait anticipé de lépargne constituée sur un contrat dit « Madelin » ou sur un plan dépargne retraite individuel (PERIN). Il pose quatre conditions pour ce rachat ou retrait anticipé :

– la demande doit être formulée avant le 15 novembre 2020 (1° du I) ;

– le demandeur doit avoir le statut de travailleur non-salarié (2° du I) ;

– le demandeur, ou la personne morale dont il est dirigeant ou associé, doit être ou avoir été éligible au fonds de solidarité (3° du I) ;

– le montant des sommes rachetées ou retirées est plafonné à 2 000 euros (4° du I).

Le IV réserve ce nouveau cas de déblocage anticipé aux contrats souscrits avant le 10 juin 2020.

Le II et le III portent sur les modalités d’imposition de l’épargne débloquée.

Le II exonère lintégralité des sommes rachetées ou retirées dimpôt sur le revenu : le capital versé au demandeur n’est donc soumis ni au barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR) ni au prélèvement de 12,8 % correspondant à la part IR du prélèvement forfaitaire unique (PFU).

Le III assujettit aux prélèvements sociaux – au taux global de 17,2 % – la seule fraction du capital qui correspond à la plus-value réalisée (les produits). La fraction du capital qui correspond aux versements effectués n’est donc pas soumise aux prélèvements sociaux.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article modifié par deux amendements.

Un premier amendement du groupe La Républqiue en marche ayant recueilli un avis de sagesse du Rapporteur général :

-          a relevé à 8 000 euros le plafond des sommes pouvant être débloquées tout en maintenant à 2 000 euros la quote-part faisant l’objet d’une exonération au titre de l’impôt sur le revenu ;

-          et a supprimé la condition relative à l’éligibilité au fonds de solidiarité.

Un second amendement du Rapporteur général a introduit un dispositif anti-abus pour empêcher qu’au titre des années 2020 et 2021 soient admis en déduction du résultat imposable ou du revenu global les versements sur les contrats Madelin ou les PERIN à hauteur du montant déblocage exceptionnel dont aurait bénéficié le contribuable en application du présent article.

I.   L’État du droit : le contrat « madelin » et le plan d’épargne retraite individuel (PERIN)

A.   le principe : des versements pour se constituer un complément de retraite

1.   Création et principe de fonctionnement

a.   Le contrat « Madelin »

Le dispositif dit « Madelin » pour l’épargne retraite des indépendants a été créé par la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle. Il vise à inciter les travailleurs indépendants à épargner pour se constituer un complément de retraite.

Durant la phase de vie active de l’adhérent, ce produit d’épargne individuelle, réservé aux travailleurs non-salariés (« Madelin ») et aux agriculteurs (« Madelin agricole »), est alimenté par des versements qui sont encadrés et bénéficient d’avantages fiscaux. Lors du départ à la retraite de l’adhérent, l’épargne constituée est transformée en rente viagère et constitue ainsi un complément de revenus. À noter que lorsque la rente est inférieure à 40 euros par mois, les assureurs sont autorisés à la convertir en un capital payable en une seule fois (article A160-2 du code des assurances), ceci afin de limiter leur coût de gestion.

Les contrats « Madelin » sont institués par l’article L. 144-1 du code des assurances au sein d’une section intitulée contrats de prévoyance et de retraite supplémentaire des professions non-salariés. Le dernier alinéa de cet article les définit comme des contrats ayant « pour objet lacquisition et la jouissance de droits viagers personnels payables à ladhérent à compter au plus tôt de la date de liquidation de sa pension dans un régime dassurance vieillesse ou de lâge » légal d’ouverture du droit à une pension de retraite (62 ans pour les assurés nés à compter de 1955). Il est précisé que les versements doivent « présenter un caractère régulier » dans leur montant et leur périodicité.

Leur périodicité peut être mensuelle, trimestrielle, semestrielle ou bien encore annuelle. Les versements doivent respecter un montant minimum défini lors de l’adhésion et peuvent atteindre jusqu’à quinze fois ce montant minimum annuel (article R. 144-2 du code des assurances). Par exemple, pour un engagement de versement minimum de 2 000 euros, le souscripteur peut verser jusqu’à 30 000 euros par an.

En outre, les adhérents peuvent effectuer des versements complémentaires au titre des années qui sont comprises entre la date de leur affiliation au régime de base obligatoire d’assurance vieillesse et la date de leur adhésion au contrat. Le montant du versement complémentaire à opérer au cours d’une année donnée doit être égal au montant du versement minimum. Par exemple, un assuré qui a été affilié pour la première fois en 2010 au régime de base obligatoire d’assurance vieillesse et qui a souscrit un contrat « Madelin » pour la première fois en 2020 avec un versement minimum de 2 000 euros, pourra effectuer chaque année jusqu’en 2030 un versement complémentaire de 2 000 euros. Ce versement n’est pas obligatoire mais, s’il n’est pas effectué, il ne peut pas être reporté sur une autre année (article R. 144-3 du code des assurances).

D’après les statistiques publiées par la Fédération française des assurances (FFA) il y avait en 2018 environ 1,6 million de contrats « Madelin » et « Madelin agricole » ([165]) pour un montant global d’épargne de 42,4 milliards d’euros. On peut dès lors en déduire que le montant moyen de l’épargne par contrat est de l’ordre de 26 500 euros. À noter également que le montant des versements effectués en 2018 a atteint 2,8 milliards d’euros.

b.   Les plans d’épargne retraite individuel (PERIN)

Le contrat « Madelin » a vocation à être remplacé par le plan d’épargne individuel (PERIN) créé à compter du 1er octobre 2019 par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi PACTE »). À compter du 1er octobre 2020, soit au terme d’une année de cohabitation entre les deux dispositifs, il ne sera plus permis d’ouvrir de nouveaux contrats « Madelin ». Il demeurera possible d’effectuer des versements sur les anciens contrats « Madelin ».

Dans le même esprit, le PERIN a également vocation à se substituer au Plan d’épargne retraite populaire (PERP). En effet, contrairement aux contrats « Madelin », le PERIN est ouvert sans condition de statut professionnel. Il n’est pas réservé aux indépendants.

Le PERIN est régi par les articles L. 224-28 et suivants du code monétaire et financier. Ses principes de fonctionnement sont beaucoup plus souples que ceux du contrat « Madelin ». Les versements sont libres. Et le dénouement, lors du départ en retraite, peut être effectué en capital ou en rente. Pour bénéficier de ces nouvelles souplesses, la loi PACTE autorise un transfert de l’épargne des contrats « Madelin » sur les PERIN.

2.   Le régime fiscal

a.   La déductibilité des versements

Contrat « Madelin »

Les versements effectués sur un contrat « Madelin » sont déductibles du résultat imposable des indépendants (bénéfices commerciaux, non commerciaux ou agricoles) dans les conditions posées au II de l’article 154 bis du code général des impôts (CGI). Les limites de déductibilité sont les suivantes :

– 10 % de la fraction du bénéfice imposable retenu dans la limite de huit fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, auxquels s’ajoutent 15 % supplémentaires sur la fraction de ce bénéfice comprise entre une fois et huit fois le montant annuel précité ;

– ou 10 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

Autrement dit pour 2020, il est possible de déduire du résultat imposable au titre des versements sur un contrat « Madelin » :

– 4 113 euros (soit 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale) si le bénéfice est inférieur ou égal au plafond annuel de la sécurité sociale ou si le résultat est déficitaire ;

– ou, si le bénéfice imposable dépasse le montant du plafond annuel de la sécurité sociale, 25 % (10 + 15 %) de la fraction du bénéfice qui se situe entre une et huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, auxquels s’ajoutent 4 113 euros, soit un maximum de 76 101 euros.

Pour les agriculteurs, ces règles sont aménagées (article 154 bis-O A du CGI) pour majorer l’assiette de calcul de divers revenus exonéré (« Madelin agricole ») au titre des dispositifs en faveur des jeunes agriculteurs, des entreprises nouvelles, ou encore des entreprises implantées en zones franches.

Plan dépargne retraite individuel (PERIN)

Les versements effectués sur un PERIN sont déductibles dans des conditions moins favorables que pour le contrat « Madelin ». Elles sont prévues par le 2 du I de l’article 163 quatervicies du CGI.

Les versements peuvent être déduits du revenu imposable dans la limite d’un plafond global fixé pour chaque membre du foyer fiscal égal au plus élevé des deux montants suivants :

– 10 % des revenus professionnels, nets de cotisations sociales et de frais professionnels, avec une déduction maximale égale à 10 % de huit fois le plafond annuel de sécurité sociale, soit une déduction maximale de 32 909 euros en 2020 ;

– ou 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale si ce dernier montant est plus élevé, soit 4 113 euros en 2020.

Si les versements ne sont pas déduits, les modalités d’imposition de la rente viagère ou du capital versé en sortie diffèrent.

b.   L’imposition de la rente viagère

Les rentes viagères sont en principe soumises à l’impôt sur le revenu selon les règles de droit commun des pensions, c’est-à-dire au barème progressif après application d’un abattement de 10 % dont le montant ne peut excéder 3 850 euros.

Selon le revenu fiscal de référence du bénéficiaire, ces rentes viagères sont exonérées ou soumises à la CRDS et à la CSG. Le taux de la CSG est lui-même modulé en fonction du revenu fiscal de référence selon un taux réduit (3,8 %), un taux médian (6,6 %) ou un taux normal (8,3 %). Les seuils de revenu fiscal de référence déclenchant les différents taux sont déterminés à l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale. Actuellement, les plafonds pour une part fiscale sont de 11 306 euros pour l’exonération, 14 781 euros pour le taux réduit de 3,8 %, 22 941 euros pour le taux médian de 6,6 % ; au-delà de 22 940 euros, le taux plein de 8,3 % s’applique.

Pour les PERIN, lorsque les versements n’ont pas été déduits du résultat imposable, la rente est imposée selon les règles applicables aux rentes viagères versées à titre onéreux. Autrement dit, elle fait l’objet d’un abattement en fonction de l’âge du bénéficiaire lors du premier versement de la rente (40 % entre 60 et 69 ans et 30 % au-delà de 70 ans).

c.   L’imposition du capital

Hors cas de déblocages anticipés (voir infra), une sortie en capital est possible pour les contrats « Madelin » lorsque la rente est inférieure à 40 euros par mois. Sur le plan fiscal, le capital ainsi versé est imposable comme une rente versée sous forme d’arrérage unique. Elle est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu sans abattement (b quinquies du 5 de l’article 158 du CGI) ainsi qu’à la CSG et la CRDS selon le régime des pensions (exonération, taux réduit, taux médian, ou taux plein). Toutefois, le contribuable peut opter, au titre de l’IR, pour le prélèvement mentionné à l’article 163 bis du CGI. Le taux de ce prélèvement est de 7,5 % après un abattement de 10 %, soit 6,75 %. Les prélèvements sociaux au taux global de 17,2 % sont également dus en cas d’option pour ce prélèvement.

S’agissant des PERIN, en cas de sortie en capital, il convient de distinguer ce qui provient des versements et ce qui provient des produits de ces versements.

La part du capital correspondant à des versements volontaires qui ont été déduits du revenu est imposable au barème progressif de l’IR sans abattement (b quinquies du 5 de l’article 158 du CGI). La part du capital correspondant à des versements volontaires qui n’ont pas été déduits ne sont pas imposables à l’IR. Dans les deux cas, ils ne sont pas soumis à la CSG-CRDS (article L. 136-1-2 du code de la sécurité sociale).

La part du capital correspondant à des produits est imposable selon les modalités du prélèvement forfaitaire unique (30 %), ou bien, sur option, au barème progressif de l’IR ainsi qu’aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %.

Imposition du capital en sortie du PERIN

Part provenant des versements

Part provenant des produits des versements

Versements déduits

Versements non déduits

Prélèvement forfaitaire unique de 30 %

Ou option pour le barème progressif de l’IR + prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %

Barème progressif de l’IR

Exonération de CSG-CRDS

Exonération d’IR et de CSG-CRDS

B.   l’exception : le rachat ou le retrait anticipés

1.   Les cas de rachat ou de retrait anticipés

En principe, l’épargne constituée sur les contrats « Madelin » et les PERIN ne peut être récupérée qu’au moment du départ en retraite. Par exception, des cas de rachats ou retraits anticipés sont prévus par l’article L. 132-23 du code des assurances pour les contrats « Madelin » et l’article L. 224-4 du code monétaire et financier pour les PERIN.

Ces cas sont en grande partie similaires et visent les cinq situations suivantes relatives à des accidents de la vie ou des difficultés économiques avérées : le décès du conjoint ou partenaire de PACS, l’invalidité, le surendettement, l’expiration du droit aux allocations-chômage, ou encore une cessation d’activité faisant l’objet d’une procédure collective.

Les cas d’ouverture sont légèrement plus larges et les conditions légèrement moins strictes pour le PERIN en ce qui concerne l’invalidité (qui peut concerner les enfants, le conjoint ou le partenaire de PACS pour le PERIN) et l’expiration du droit aux allocations-chômage (la condition de la perte « involontaire » d’emploi n’est pas mentionnée pour le PERIN).

En outre, un sixième cas de rachat ou de retrait anticipé est autorisé pour le PERIN. Il s’agit de l’affectation des sommes à l’acquisition d’une résidence principale.

Les cas de rachats et retraits anticipés sur contrats « Madelin » et Plans d’épargne retraite individuel (PERIN)

Cas de rachat

Contrats Madelin

(article L. 132-23 du code des assurances)

PERIN

(article L. 224-4 du code monétaire et financier)

Décès du conjoint

Décès du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité

Invalidité

Invalidité de lassuré correspondant au classement dans les deuxième ou troisième catégories prévues à l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale

Invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité. Cette invalidité sapprécie au sens des 2° et 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale

Surendettement

Situation de surendettement de l’assuré définie à l’article L. 330-1 du code de la consommation, sur demande adressée à lassureur, soit par le président de la commission de surendettement des particuliers, soit par le juge lorsque le déblocage des droits individuels résultant de ces contrats paraît nécessaire à lapurement du passif de lintéressé

Situation de surendettement du titulaire, au sens de l’article L. 711-1 du code de la consommation

Expiration du droit aux allocations-chômage

Expiration des droits de lassuré aux allocations-chômage accordées consécutivement à une perte involontaire demploi,

Expiration des droits à lassurance chômage du titulaire

ou le fait pour un assuré qui a exercé des fonctions dadministrateur, de membre du directoire ou de membre de conseil de surveillance, et na pas liquidé sa pension dans un régime obligatoire dassurance vieillesse, de ne pas être titulaire dun contrat de travail ou dun mandat social depuis deux ans au moins à compter du non-renouvellement de son mandat social ou de sa révocation

Cessation d’activité

Cessation dactivité non salariée de lassuré à la suite dun jugement de liquidation judiciaire en application des dispositions du livre VI du code de commerce ou toute situation justifiant ce rachat selon le président du tribunal de commerce auprès duquel est instituée une procédure de conciliation telle que visée à larticle L. 611-4 du code de commerce, qui en effectue la demande avec laccord de lassuré

Acquisition de la résidence principale

NON

Affectation des sommes épargnées à lacquisition de la résidence principale (à l’exception des sommes en provenance des versements obligatoires du salarié ou de l’employeur, s’agissant des plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire)

2.   L’imposition des rachats et retraits anticipés

À l’exception du cas relatif à l’acquisition d’une résidence principale, les rachats et retraits anticipés sont exonérés d’impôt sur le revenu. En effet, le a du 4° bis de larticle 81 du code général des impôts exonère d’impôt sur le revenu les « prestations de retraite versées sous forme de capital » en application « des troisième à septième alinéas de larticle L. 132-23 du code des assurances ou des 1° à 5° du I de larticle L. 224-4 du code monétaire et financier ».

Ces rachats sont toutefois soumis aux prélèvements sociaux en application des règles de droit commun. Pour les PERIN, le principe d’assujettissement aux prélèvements sociaux du capital a été posé expressément au 7 bis du II l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

Par exception, le capital débloqué pour l’acquisition d’une résidence principale est imposable selon les règles de droit commun en distinguant la part du capital provenant des versements et celle provenant des produits. La part du capital correspondant à des versements qui ont été déduits du revenu est imposable au barème progressif de l’IR sans abattement (b quinquies du 5 de l’article 158 du CGI). La part du capital correspondant à des produits est imposable selon les modalités du prélèvement forfaitaire unique (30 %), ou bien, sur option, au barème progressif de l’IR ainsi qu’aux prélèvements sociaux.

II.   Le dispositif proposé

Il est indiqué dans l’exposé des motifs que le présent article « a pour objet dautoriser, à titre temporaire et exceptionnel, compte tenu de lépidémie de Covid19, les travailleurs non-salariés qui rencontrent des difficultés économiques du fait de létat durgence sanitaire à débloquer de manière anticipée une partie de leur épargne retraite ».

Autrement dit, il s’agit de créer un nouveau cas de rachat ou de retrait anticipé de l’épargne logée sur les contrats « Madelin » ou les plans d’épargne retraite individuel (PERIN) souscrits par les indépendants.

Il est également précisé que les sommes rachetées ou retirées seront défiscalisées « afin de garantir que le travailleur non salarié pourra bénéficier encore davantage de lépargne ainsi débloquée ».

A.   Un nouveau cas de rachat ou retrait anticipe

Le I du présent article crée un nouveau cas de rachat ou retrait anticipé de l’épargne constituée sur un contrat dit « Madelin » ou sur un plan d’épargne retraite individuel (PERIN). Il pose quatre conditions à ce type de rachat ou retrait :

– la demande doit être formulée avant le 15 novembre 2020 (1° du I) ;

– le demandeur doit avoir le statut de travailleur non-salarié (2° du I) ;

– le demandeur, ou la personne morale dont il est dirigeant ou associé, doit être éligible au fonds de solidarité (3° du I) ;

– le montant des sommes rachetées est plafonné à 2 000 euros (4° du I).

Le IV réserve ce nouveau cas de rachat ou retrait aux contrats souscrits avant le 10 juin 2020.

1.   Les conditions relatives au statut

Le demandeur doit être un travailleur non salarié. Il peut exercer son activité à titre individuel, ou bien dans une forme sociétaire en qualité de dirigeant ou d’associé.

Contrairement aux cas de déblocage prévus en l’état du droit en cas de surendettement ou de procédure collective, il n’est pas exigé que les difficultés économiques du demandeur ou de sa société soient avérées par une décision judiciaire.

En revanche, le demandeur, ou la personne morale dont il est dirigeant ou associé, doit avoir été éligible au fonds de solidarité.

Le fonds de solidarité a été créé par une ordonnance du 25 mars 2020 qui a été prise en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Les règles d’éligibilité ont été définies par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020. Elles ont été modifiées par les décrets n° 2020-433 du 16 avril 2020 et n° 2020-552 du 12 mai 2020.

Il n’est pas nécessaire que le travailleur indépendant ou la personne morale dont il est dirigeant ou associé ait été éligible de manière permanente au fonds de solidarité. Il suffit qu’il y ait été éligible au titre d’un mois en particulier. Le dispositif proposé mentionne que la condition est remplie dès lors que le demandeur « est ou a été éligible » au fonds.

2.   Les conditions de date

Deux dates sont fixées par le dispositif proposé.

En premier lieu, le déblocage n’est permis que pour les contrats souscrits avant le 10 juin 2020. Cette date se justifie par le fait que les souscriptions les plus récentes ont été effectuées en ayant connaissance de la situation économique.

En second lieu, la demande de déblocage doit être effectuée avant le 15 novembre 2020. Il s’agit donc d’un délai très court qui est justifié par l’objectif poursuivi qui est de permettre un déblocage rapide de l’épargne. Dans ce but, il est d’ailleurs prévu par le dernier alinéa du I que « lassureur ou le gestionnaire verse les sommes au demandeur dans un délai qui ne peut excéder un mois à compter de la date de réception de la demande complète ».

3.   Les conditions de montant

Le dispositif proposé fixe un plafond de 2 000 euros. Ce plafond s’applique à l’ensemble des déblocages auxquels le travailleur non salarié procéderait au titre de ces divers contrats « Madelin » ou PERIN. Autrement dit, en cas de multiples souscriptions, il n’est pas autorisé d’effectuer un rachat ou un retrait du montant maximal de 2 000 euros pour chaque contrat.

4.   Les conditions de forme

Le déblocage s’effectue sur la base d’une demande adressée par l’adhérent à son assureur ou gestionnaire.

Le respect des conditions relatives à l’éligibilité au fonds de solidarité et au respect du plafond de 2 000 euros « est attesté par la présentation dune déclaration sur lhonneur remise par lassuré ou le titulaire à lassureur ou au gestionnaire du contrat ».

Il est ainsi précisé dans les évaluations préalables du Gouvernement que « la demande de rachat est réputée complète lorsque, outre les éléments permettant didentifier le bénéficiaire, le contrat concerné et le montant à débloquer, elle comprend lattestation sur lhonneur remise par le bénéficiaire à lassureur ou au gestionnaire mentionnant, d’une part, quil est ou a été éligible au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par la crise sanitaire et, dautre part, que le total des sommes dont le rachat est demandé, y compris sur dautres contrats, est inférieur à 2 000  ».

Le déblocage de l’épargne sur la base d’une simple attestation sur l’honneur du demandeur doit permettre une libération plus rapide de l’épargne en déchargeant l’assureur ou le gestionnaire d’opérations de vérification pour lesquelles il n’aurait d’ailleurs pas toutes les informations nécessaires. Il en résulte un risque de fraude plus important mais qui doit être relativisé par le faible enjeu fiscal. Des contrôles de l’administration fiscale demeurent possibles et le fait de produire une fausse attestation constitue en tout état de cause une infraction pénale.

B.   Une défiscalisation des sommes rachetÉes ou retirÉes

1.   Un dispositif ad hoc et temporaire

Le II et le III du présent article portent sur les modalités d’imposition des produits issus du nouveau cas de rachat anticipé créé. Il s’agit d’un dispositif fiscal dérogatoire ad hoc et temporaire qui ne fait pas l’objet d’une codification au sein du CGI.

Le II exonère les sommes rachetées ou retirées d’impôt sur le revenu. L’exonération porte donc tout autant sur la part du capital qui provient des versements effectués que sur celle relative aux produits de ces versements.

Le III assujettit les seuls produits aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement de solidarité). Autrement dit, la part du capital correspondant aux versements n’est pas soumise aux prélèvements sociaux.

Les prélèvements sociaux applicables aux produits des rachats et retraits

Prélèvement

Texte

Taux

Contribution sociale généralisée (CSG)

L. 136-7 du code de la sécurité sociale

9,2 %

Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)

II de l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale

0,5 %

Prélèvement de solidarité

2° du I de l’article 235 ter du code général des impôts

7,5 %

Total

17,2 %

2.   Jusqu’à 3,2 milliards d’épargne libérée dès 2020

Au maximum, la mesure est susceptible de « libérer » jusqu’à 3,2 milliards d’euros d’épargne selon les évaluations préalables produites par le Gouvernement.

En effet, il y aurait 1,6 million d’adhérents concernés par la mesure, pouvant racheter jusqu’à 2 000 euros (1,6 million x 2 000 = 3,2 milliards). Le nombre d’adhérents concernés par la mesure est corroboré par les statistiques publiées par la Fédération française des assurances (FFA).

Toutefois, il est prévisible que le taux de recours soit moindre au regard de ce qui a été observé pour les dispositifs antérieurs permettant des déblocages anticipés d’épargne.

3.   Un impact budgétaire limité à 330 millions d’euros et étalé jusqu’en 2084

L’impact budgétaire s’étale sur une très longue durée (jusqu’en 2084 selon le Gouvernement) car il ne se concrétise qu’au moment de la perception de la rente viagère pour les contrats « Madelin ». L’assiette de cette rente sera en effet diminuée du montant des rachats et retraits anticipés permis par le présent article. Il s’ensuivra un manque à gagner budgétaire lors de l’imposition de cette rente.

Le Gouvernement estime à 2,5 milliards d’euros la perte maximale d’assiette imposable, après application de l’abattement de 10 % sur les pensions. En outre, il évalue à 13 % le taux moyen d’imposition marginale de ladite rente. Il s’ensuit que la perte de recettes fiscales se limiterait à 330 millions d’euros (13 % de 2,5 milliards d’euros).

Compte tenu de la démographie, de l’âge prévisible des départs en retraite et de l’espérance de vie des adhérents, le coût de la mesure serait en moyenne de 5 millions d’euros par an jusqu’en 2084. Il serait très modéré dans un premier temps (de l’ordre de 1 à 3 millions d’euros entre 2021 à 2025) et progresserait lentement jusqu’à atteindre un pic de 11 millions d’euros en 2046. Il diminuerait ensuite jusqu’à disparaître complètement en 2084.

L’évaluation du Gouvernement ne tient pas compte de la perte d’assiette pour les versements en capital qui interviendront au dénouement des PERIN. Néanmoins, cela n’est pas de nature à modifier de manière substantielle le coût de la mesure compte tenu du caractère très récent du dispositif.

Même si ce type d’évaluation sur très longue période est à prendre avec beaucoup de précautions, il peut en être conclu avec certitude que le coût de la mesure :

– sera presque sans impact en 2020 et avec un impact très faible en 2021 ;

– et qu’il restera à long terme modéré chaque année, d’autant qu’il repose sur une hypothèse de taux de recours assez élevée.

En conclusion, il peut être observé que la défiscalisation en tant que tel aura un très faible impact en termes de relance de l’économie (de 1 à 2 millions d’euros en 2020 et 2021). Le levier de relance résulte davantage du nouveau cas de rachat ou de retrait créé (jusqu’à 3,2 milliards d’euros d’épargne possiblement débloquée dès 2020).

La défiscalisation présente toutefois plusieurs intérêts. Elle peut être incitative et encourager un déblocage d’une partie de l’épargne sur les contrats « Madelin » et les PERIN souscrits par les indépendants. Enfin, elle permet de rattacher le dispositif proposé au domaine des lois de finances.

*

*     *

La commission examine l’amendement CF1450 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. L’amendement vise à permettre aux travailleurs non salariés de débloquer de manière anticipée une partie de l’épargne retraite qu’ils ont pu constituer au travers des plans d’épargne retraite populaire (PERP).

Certains travailleurs non salariés n’ont pas souscrit de contrat Madelin ou de plan d’épargne retraite individuel (PERIN) et ne sont donc pas autorisés à débloquer leur épargne retraite lorsque celle-ci a été constituée au titre d’un PERP. L’objectif est de permettre à davantage de travailleurs non salariés de remédier aux difficultés économiques importantes qu’ils rencontrent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avant de répondre à Mme Rossi, je vais vous faire part de ma position sur le déblocage exceptionnel de l’épargne. Je suis assez réservé sur le déblocage de l’épargne de long terme. Il faut être très prudent.

J’approuve la volonté du Gouvernement de la débloquer pour quelques cas spécifiques, notamment pour ceux qui n’ont pas bénéficié des plans de soutien à la trésorerie. Mais il ne doit pas s’agir d’un mouvement de déblocage généralisé de l’épargne de long terme car nous en avons besoin pour investir. En outre, il est dangereux de débloquer cette épargne de long terme alors que nous connaissons un excédent d’épargne et que la priorité est à la consommation et à la relance par la demande plutôt qu’au déblocage des fonds de long terme.

S’agissant de l’amendement de Mme Rossi, j’y suis défavorable pour les mêmes raisons. En outre, il est déjà en partie satisfait car la loi PACTE permet la portabilité des fonds d’épargne entreprise, donc vous pouvez transférer l’épargne d’un PERP sur un plan d’épargne retraite (PER) puis débloquer exceptionnellement ce dernier en utilisant l’article 4 du présent projet de loi.

La commission rejette l’amendement CF993.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1480 et CF1053 du président Éric Woerth, CF501 de M. M’Jid El Guerrab, CF247 de M. Charles de Courson, les amendements identiques CF128 de Mme Emmanuelle Anthoine et CF891 de Mme Valérie Petit, et les amendements CF1353 de M. Benoit Potterie, CF1291 de Mme Olivia Grégoire, CF1335 de Mme Véronique Riotton, CF1456 de Mme Olivia Grégoire, CF1484 du rapporteur général et CF1451 de Mme Laurianne Rossi.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement CF1480 tend à inclure aussi les plans d’épargne entreprise, qui concernent les salariés, et à porter le plafond de 2 000 à 6 000 euros, soit l’équivalent de quatre mois d’aide au titre du fonds de solidarité, afin de débloquer de l’épargne pour booster la consommation. Je partage néanmoins les réserves du rapporteur général en ce qui concerne l’épargne retraite des salariés : elle n’est pas visée par mon amendement.

Mon second amendement ne porte que sur les non-salariés, pour lesquels le plafond passerait à 6 000 euros.

M. Charles de Courson. Pourquoi appliquer cette mesure, qui va globalement dans la bonne direction, aux seuls non-salariés ? Certains salariés ont aussi beaucoup perdu.

M. le président Éric Woerth. Ils ont reçu des salaires ou ils ont bénéficié du dispositif du chômage partiel.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas vrai pour ceux qui avaient des contrats d’intérim ou des CDD. Par ailleurs, des centaines de milliers de personnes sont en difficulté. Tout le monde n’a pas été éligible au chômage partiel. Mon amendement CF247 permettra de débloquer 2 000 euros d’épargne.

Mme Lise Magnier. Face aux situations difficiles qui existent, l’amendement CF891 permettra aux travailleurs non salariés de débloquer la totalité des contrats « Madelin » et « Madelin agricoles » pour lesquels ils ont cotisé.

M. Benoit Potterie. Je vais retirer l’amendement CF1353 au profit de l’amendement CF1456 de Mme Grégoire, que j’ai cosigné.

Mme Olivia Grégoire. Je vais défendre en même temps les amendements CF1291 et CF1456. Le premier permettrait le déblocage des contrats « Madelin » à hauteur de 15 000 euros, et le second à hauteur de 8 000 euros. La moyenne des encours est comprise entre 20 000 et 30 000 euros : il ne s’agit donc pas de vider l’épargne retraite des travailleurs non salariés.

Mme Véronique Riotton. Un montant de 2 000 euros ne paraît pas suffisant pour les indépendants. L’amendement CF1335 fixe le plafond à 10 000 euros, afin d’assurer un accompagnement de plusieurs mois.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je propose, par mon amendement CF1484, de supprimer la condition relative à l’éligibilité au fonds de solidarité. Elle poserait un problème d’applicabilité, d’égalité et de justice.

Mme Laurianne Rossi. Mon amendement CF1451 tend également à relever le plafond, mais je suis prête à le retirer au profit de l’amendement CF1291, dont je suis cosignataire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je m’en remets à la sagesse de la commission s’agissant de l’amendement d’Olivia Grégoire qui tend à porter le plafond à 8 000 euros, étant entendu que la défiscalisation resterait limitée à 2 000 euros. Je demande le retrait des autres amendements, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable. Le montant de 2 000 euros n’est pas le fruit du hasard : cela correspond à la cotisation versée chaque année dans le cadre des contrats « Madelin ». À partir du moment où on en reste aux non-salariés et qu’il s’agit de remédier à des manques, reconnus, au début de la crise, je suis plus sensible à une évolution.

Mme Olivia Grégoire. Je remercie le rapporteur général, qui nous a entendus. Il ne s’agit pas de détruire ce qui a été construit en matière d’épargne au cours des dernières années.

La commission rejette successivement les amendements CF1480, CF1053, CF501, CF247 et les amendements identiques CF 128 et CF891.

Les amendements CF1353, CF1291 et CF1335 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CF1456 (amendement n° 2160).

En conséquence, les amendements CF1484 et CF1451 tombent.

La commission est saisie de l’amendement CF1485 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je propose un dispositif anti-optimisation : on ne pourra pas débloquer de l’argent pour le réinvestir ensuite et profiter deux fois d’un avantage fiscal.

La commission adopte l’amendement CF1485 (amendement  2161).

Elle adopte l’article 4 modifié.

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*     *

Après l’article 4

La commission examine les amendements identiques CF129 de M. Marc Le Fur et CF231 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Des allégements ont été adoptés en ce qui concerne la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR). Le problème est qu’elle est due pour un mois complet même si le véhicule n’est utilisé qu’une seule journée. Mon amendement prévoit un seuil de tolérance de cinq jours pendant la période de confinement, pour un coût global qui n’est pas excessif – il serait de 70 millions d’euros. Ce serait une facilité utile pour les entreprises de transport.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La prochaine échéance de la TSVR a, en effet, été reportée de trois mois à la suite d’un communiqué du ministère de l’économie. Je comprends votre argument mais quand on commence à dire que 70 millions d’euros ne représentent pas grand-chose, on voit qu’on a changé d’échelle. Mon rôle est de rappeler que cela ne représente pas rien pour le contribuable quand on fait les additions. Au-delà des considérations purement budgétaires, un problème de contrôle risque de se poser : le système, tel que je le comprends, serait purement déclaratif. Je propose de voir si le Gouvernement peut reprendre à son compte cette disposition au niveau réglementaire, et je vous suggère donc de retirer les amendements.

Les amendements CF129 et CF231 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CF953 de M. Jean-Louis Bricout, les amendements identiques CF668 de M. Éric Coquerel et CF1109 de M. Jean-Paul Dufrègne ainsi que l’amendement CF1237 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Louis Bricout. Je considère que l’amendement CF953, qui tend à supprimer le prélèvement forfaitaire unique, est défendu. Nous avons largement discuté de cette question lors de l’examen de la proposition de loi du groupe GDR.

M. le président Éric Woerth. Il ne faudrait pas passer plus de temps à retirer les amendements qu’à les défendre…

Mme Sabine Rubin. L’amendement CF668 tend à supprimer le prélèvement forfaitaire unique et à rétablir, en la renforçant, la progressivité de l’impôt sur les revenus du capital.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions : le rapporteur général et la majorité défendent la tranchée. Plus on avance, plus l’écart entre ceux qui ont beaucoup et tous les autres s’élargit. La suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU) – objet de l’amendement CF1109 – nous paraîtrait normale : les revenus financiers doivent être taxés au même niveau que ceux du travail. L’efficacité économique de ce dispositif n’a jamais été établie, malgré de nombreux rapports.

Nous avons également déposé l’amendement de repli CF1237 qui tend à augmenter le PFU. Le taux de l’impôt sur les sociétés sera réduit à compter du 1er janvier 2021 : l’écart entre les taux marginaux d’imposition des revenus du capital et du travail sera alors porté à 11,9 points. Nous souhaitons les aligner.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’émets un avis défavorable. Sur la forme, nous pourrons débattre de cette question dans le cadre du projet de loi de finances initiale. Quant au fond, ces outils d’attractivité et d’efficacité fiscale ont permis de rétablir l’investissement dans notre pays et de créer 500 000 emplois nets. Cela nous a aidés à mieux aborder la crise et à mieux y répondre.

La commission rejette successivement l’amendement CF953, les amendements identiques CF668 et CF1109, ainsi que l’amendement CF1237.

Elle est saisie de l’amendement CF933 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Christine Pires Beaune. Nous défendons cet amendement.

Vous avez coupé tout à l’heure M. Bricout. Laissez-nous, s’il vous plaît, la parole pour défendre nos amendements.

M. le président Éric Woerth. J’avais compris que M. Bricout prenait la parole pour retirer un amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF933.

Elle en vient aux amendements identiques CF449 de M. Bertrand Sorre, CF615 de M. Bertrand Pancher et CF787 de Mme Sarah El Haïry.

M. Bertrand Sorre. Nous demandons la suppression de la taxe sur les salaires pour les associations employeuses, qui ont été lourdement touchées par la crise. Environ 47 % d’entre elles paient cette taxe : cela représente 74 000 associations et 1,8 million de salariés. Envoyons un signal fort.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements sont partiellement satisfaits. Ils concerneraient surtout les grandes associations : je rappelle qu’il existe déjà l’abattement « Hamon », d’un peu plus de 20 000 euros, ce qui est largement suffisant pour les petites associations. Je vous suggère de retirer ces amendements, sinon j’émettrai un avis défavorable.

Les amendements identiques CF449, CF615 et CF787 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1279 et CF1282 de Mme Olivia Grégoire.

Mme Olivia Grégoire. L’amendement CF1279 prévoit une exonération exceptionnelle des taxes relatives aux bureaux et aux surfaces de stationnement pour les entreprises ayant subi une baisse de leur chiffre d’affaires d’au moins 30 % entre le 1er mars et le 31 mai, c’est-à-dire pendant le confinement.

L’amendement CF1282 concernerait, quant à lui, les entreprises qui ont connu une baisse d’au moins 45 % de leur chiffre d’affaires.

Je sais que la collecte de ces deux taxes a lieu au 1er mars : vous me répondrez probablement qu’elle est derrière nous. La mesure que je propose pourrait s’appliquer au 1er mars 2021 pour les sommes dues au titre de cette année.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’émets un avis défavorable compte tenu de la réponse que vous avez vous-même apportée. Ce sont aussi des recettes de la Société du Grand Paris, qui va avoir des besoins de financement très importants pour la construction du Grand Paris Express.

L’amendement CF1282 est retiré.

La commission rejette l’amendement CF1279.

Elle est saisie de l’amendement CF1236 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement vise à porter le taux de la taxe sur les transactions financières à 0,6 % et à faire entrer les transactions intra-journalières dans son assiette, comme la loi de finances pour 2017 le prévoyait avant l’abrogation de cette mesure l’année suivante.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Nous avons déjà débattu de la taxe sur les transactions financières. Je suis opposé, d’une manière générale, à une augmentation purement nationale de cette taxe. C’est un enjeu pour la compétitivité de la place financière de Paris, qui apporte de la liquidité et des capacités d’investissement pour nos entreprises.

La commission rejette l’amendement CF1236.

Elle examine l’amendement CF879 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Je vous propose de revenir sur l’augmentation assez forte de la taxe de solidarité sur les billets d’avion qui a été adoptée en loi de finances pour 2020. Cela nuit à la compétitivité du pavillon français : sont concernés les vols partant de notre pays, ce qui fait que les compagnies françaises sont très touchées. Cette mesure est incohérente avec le plan de soutien au secteur de l’aéronautique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne reviens pas sur les débats que nous avons eus – je n’étais pas loin de la position qui est la vôtre. Cette mesure étant désormais effective, je ne suis pas favorable à son détricotage. L’argument de la compétitivité est tout de même relatif : il est question de 1,50 euro par billet pour les vols intérieurs et de 9 euros pour les vols internationaux en classe normale. C’est tout à fait soutenable. Je pense également aux enjeux, très problématiques, auxquels est confrontée l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, destinataire de l’augmentation de la taxe : je suis défavorable à toute perte de ses recettes pour l’heure.

La commission rejette l’amendement CF879.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF3, CF2 et CF4 de M. Christophe Blanchet.

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Articles additionnels après l’article 4
Aménagement de l’abattement sur les droits de succession en cas de donation à un organisme sans but lucratif

Elle est saisie de l’amendement CF1318 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Il s’agit de permettre à toutes les structures reconnues d’utilité publique qui sont mentionnées à l’article 788 du code général des impôts de bénéficier des dons sur succession, quelle que soit leur nature : il y a aujourd’hui une différence selon que le don est fait en numéraire ou en biens immobiliers, même si la doctrine fiscale permet à l’héritier de vendre un bien pour donner ensuite. Cette simplification permettra de soutenir la philanthropie, sujet sur lequel j’ai remis un rapport avec Naïma Moutchou.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je voudrais vous remercier pour ce rapport très utile, qui recommande beaucoup de mesures de simplification, notamment en matière fiscale. J’émets un avis favorable aux amendements CF1318 et CF1319.

La commission adopte l’amendement CF1318 (amendement  2162).

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, elle adopte l’amendement CF1319 (amendement  2163).

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Article additionnel après l’article 4
Simplification des démarches des organismes sans but lucratif bénéficiaires d’une assurance-vie

La commission examine l’amendement CF1321 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Dans une même logique de simplification, je vous propose de supprimer le certificat de non-exigibilité de l’imposition lorsque les bénéficiaires d’une assurance vie sont des structures reconnues d’utilité publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis également favorable à cette proposition issue de votre rapport.

La commission adopte l’amendement CF1321 (amendement  2164).

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Après l’article 4

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF1126 de M. Jean-Paul Dufrègne et CF952 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Paul Dufrègne. Même si le rapporteur général a déjà exprimé à de nombreuses reprises sa position en la matière, je propose de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune dans des termes identiques à ceux prévus avant la loi de finances pour 2018. Il s’agit d’un préalable à la réforme plus globale de la fiscalité du patrimoine qui doit être menée rapidement. C’est une mesure d’équité et de justice élémentaire, ne vous en déplaise, un impôt raisonnable qui n’a rien d’extrême ou de radical, comme l’affirme Esther Duflo, prix Nobel d’économie. Vous allez invoquer l’attractivité et la nécessité de favoriser l’investissement mais, selon une enquête, seuls 29 % des personnes concernées ont utilisé en 2018 une partie du gain tiré de la suppression de l’ISF pour investir dans une entreprise, et 41 % indiquent s’en être servi pour alimenter leur épargne. Vous serez bien obligés d’ouvrir, tôt ou tard, le débat.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF952 va dans le même sens. Le cadeau fait au monde de la finance, qui est un marqueur de votre politique, nous prive d’environ 5 milliards d’euros de recettes par an. Nous pourrions utiliser cet argent en ce moment, alors que la consommation est en berne – la prévision est une baisse de 9 % –, dans le cadre d’un plan de relance par la consommation. Cela permettrait de verser une prime de 1 000 euros aux 5 millions de Français les plus modestes. Je pense notamment aux auxiliaires de vie, qui ont été négligés, oubliés et méprisés. Qui soutenez-vous, monsieur le rapporteur ? Est-ce le monde de la finance – pour des raisons qui peuvent être louables, s’il s’agit de soutenir l’appareil productif – des gens qui sont prêts à quitter la France pour des questions d’argent ou des personnes qui ont été en première ligne pendant la crise ? Les auxiliaires de vie ont largement mérité une prime compte tenu de tous les risques pris pour soigner des gens – peut-être vos grands-parents…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’émets un avis défavorable pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure.

La commission rejette successivement les amendements CF1126 et CF952.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF261 de Mme Marie-Christine Dalloz.

La commission en vient à l’amendement CF1384 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Nous proposons d’inscrire dans la loi une des propositions de la convention citoyenne pour le climat, qui consiste à créer un bonus supplémentaire pour les véhicules les plus légers et un malus pour les plus lourds. C’est une belle mesure, à laquelle j’espère que nous serons tous sensibles.

M. le président Éric Woerth. Nous avons beaucoup discuté du poids des véhicules cet automne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet.

Je vois sur les réseaux sociaux un certain nombre de messages disant que ce qui a été adopté lors de la convention citoyenne pour le climat ne se retrouve pas nécessairement dans les mesures que nous votons au sein de cette commission. Nous respectons le travail réalisé par la convention citoyenne, mais j’invite aussi à respecter la démocratie représentative et ce qui se décide ici, en commission – il n’y a pas d’automaticité.

Avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Je crois qu’il ne faut surtout pas opposer la démocratie participative et la démocratie représentative : elles s’enrichissent mutuellement.

Nous pourrions peut-être commencer par les véhicules les plus lourds, pesant 1,8 ou 2 tonnes, par exemple.

M. le président Éric Woerth. Je voulais juste souligner que nous avons consacré de longs moments à cette question lorsque nous avons examiné le PLF pour 2020. Le débat n’est pas clos.

La commission rejette l’amendement CF1384.

Elle est saisie de l’amendement CF773 de M. François-Michel Lambert.

M. François Pupponi. Cet amendement tend à exonérer de taxe de publicité foncière et de droits d’enregistrement l’acquisition de biens immobiliers correspondant à des terrains pollués – en vue de favoriser la dépollution des sols.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF773.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF421 de M. Marc Le Fur et CF873 de Mme Véronique Louwagie ainsi que les amendements CF205 de Mme Émilie Bonnivard, CF877 de Mme Pascale Boyer et CF66 de M. Marc Le Fur.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF873 tend à exonérer de la contribution à l’audiovisuel public due pour l’année 2020 l’ensemble des PME et des TPE éligibles aux aides du fonds de solidarité. Cela concernera les cafés, les restaurants et l’hôtellerie.

Mme Pascale Boyer. Les cafés, les bars, les restaurants et les discothèques ont dû fermer. Quant aux hôtels, ils avaient certes l’autorisation de rester ouverts, mais leur activité a été très fortement touchée. L’amendement CF877 prévoit pour ces établissements une exonération de 50 % de la redevance audiovisuelle au titre de l’année 2020. Le service rendu a été inutile pendant le confinement.

Je rappelle que le tarif est multiplié par quatre pour les appareils installés dans les débits de boissons à consommer sur place de 3e et de 4e catégorie : le montant à payer chaque pour une télévision est alors de 552 euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous en avons déjà débattu dans le cadre d’une récente proposition de loi du groupe Les Républicains. J’avais trouvé que vos arguments étaient plutôt un bon plaidoyer contre l’affectation des taxes. Si on crée des dégrèvements ou des exonérations en ce qui concerne la contribution à l’audiovisuel public, il y aura nécessairement un préjudice pour ses bénéficiaires.

On pourrait comprendre que cette contribution ne soit plus versée en cas d’arrêt de l’activité, mais le dispositif a une finalité qu’il faut préserver. Les hôtels, les cafés, les restaurants et le tourisme d’une manière générale doivent avoir une compensation par d’autres moyens. C’est l’objet notamment de l’article 18, qui prévoit une exonération de charges, de l’article 3 et même de l’article 1er. Des mesures de soutien sont prévues.

Mme Véronique Louwagie. Ce que vous dites a une limite. Si le soutien n’est pas assez fort, il va y avoir des faillites : un certain nombre d’entreprises risquent de disparaître, ce qui signifierait moins de recettes pour l’audiovisuel public.

M. Jean-Paul Dufrègne. Si vous n’aviez pas réduit d’un euro la redevance audiovisuelle, d’une manière totalement démagogique, vous auriez la capacité de répondre à des demandes de ce type.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF421 et CF873, ainsi que les amendements CF205, CF877 et CF66.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF7 de M. Pierre Cordier et CF314 de M. Vincent Ledoux, ainsi que les amendements identiques CF137 de Mme Émilie Bonnivard et CF316 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. En matière d’eau et d’assainissement, la crise sanitaire a provoqué des surcoûts élevés liés à l’épuration des boues et à la mise en sécurité des chantiers. Un véritable plan de relance devra y remédier et également intégrer le déficit d’investissement dans les infrastructures, estimé à 2 milliards d’euros annuels. Je propose de supprimer, ou à tout le moins rehausser, le plafond mordant des agences de l’eau, pour mettre les moyens en adéquation avec les enjeux présents et latents.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ma réponse vaut pour les agences de l’eau comme pour d’autres agences et opérateurs : attendons de voir quels seront les effets définitifs de la crise. Si cela s’avère nécessaire, nous corrigerons les crédits en projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin de gestion et anticiperons les besoins dans le PLF pour 2021. Pour l’heure, nous sommes dans le cadre du troisième PLFR pour 2020. Je vous invite à retirer vos amendements, ce qui ne vous empêche pas d’appeler l’attention du Gouvernement sur ces sujets.

Les amendements CF314 et CF316 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CF7 et CF137.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF849 de M. Jean-Paul Dufrègne et CF963 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement CF849 tend à déplafonner les trois taxes – sur les paris sportifs, sur les jeux de loterie et sur la cession des droits de retransmission télévisuelle des événements sportifs – qui financent l’Agence nationale du sport (ANS). En temps normal, le plafonnement de ces taxes est responsable du sous-financement du monde du sport, le privant, en 2019, de 241 millions d’euros sur les 397 millions dégagés par les trois taxes.

Compte tenu de la situation des associations sportives, qui sont sans ressource depuis plusieurs semaines et certainement pour plusieurs autres encore, et de l’incertitude qui pèse sur la baisse du produit des trois taxes, il importe de sécuriser le financement de l’Agence. Les besoins de celle-ci vont augmenter car elle devra soutenir les structures associatives, qui souffrent comme jamais. La fermeture d’associations sportives est à craindre. Le déplafonnement lui procurerait quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires, sans priver l’État de recettes, au vu des masses financières en jeu.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF963 vise à soutenir le monde sportif à hauteur de 110 millions d’euros en déplafonnant deux taxes affectées à l’Agence nationale du sport : celle sur les paris sportifs et celle sur la cession des droits de retransmission télévisuelle des événements sportifs, dite taxe Buffet, qui ont rapporté à l’État en 2019 respectivement 76 millions d’euros et 34 millions.

Le montant des taxes affectées au Centre national pour le développement du sport (CNDS) est passé de 297 millions d’euros en 2017 à 146 millions en 2019, une baisse de recettes qui pénalise le monde sportif. Or les besoins en la matière sont considérables, tant pour le financement des clubs que pour le soutien aux collectivités pour la création et la gestion d’équipements sportifs, sans compter les incidences sur l’emploi et le bâtiment.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends l’intention, mais je donnerai un avis défavorable car, compte tenu de la baisse des recettes, le déplafonnement ne résoudrait pas les difficultés actuelles.

Encore une fois, la crise met en lumière les limites des taxes affectées : la baisse des recettes entraînant une diminution des ressources, il faut compenser par des dotations. C’est là un sujet à ouvrir à la réflexion collective, dans le cadre d’une éventuelle révision de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), d’ici à la fin de la législature.

La commission rejette successivement les amendements CF849 et CF963.

Elle examine l’amendement CF1398 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Comme chaque année, nous revenons sur le sujet des chambres de commerce et d’industrie (CCI). En l’espèce, il s’agit d’alerter sur leur financement.

Dans le cadre de la réforme d’ampleur des CCI que nous avons engagée, nous avons demandé à ces dernières des efforts substantiels, notamment sur le plan financier. Dans la loi de finances pour 2020, nous avons préparé la diminution de leurs ressources en 2021 et 2022. Alors qu’en 2017, elles tiraient 925 millions d’euros de l’affectation du produit des taxes, elles n’en auront plus que 575 millions en 2020.

La crise sanitaire nous invite à revoir notre copie, car les chambres de commerce et d’industrie, comme généralement les chambres consulaires, ont été très présentes dans les territoires. Peut-on leur demander de continuer à réduire leurs moyens et, potentiellement, de facturer davantage de prestations aux entreprises ? Compte tenu de la situation économique, il paraît difficile de demander aux entreprises de participer de manière croissante au financement des CCI.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les baisses de ressources en direction des CCI, prévues dans le cadre des lois de finances pour 2018 et 2019 et de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), n’accompagnaient pas une baisse des services mais bien une transformation des missions des CCI. D’ailleurs, je vous rejoins pour saluer leur action, au plus près des besoins des entreprises, au cours de la crise – j’en ai été le témoin dans mon département.

Vous proposez de rehausser la trajectoire de taux de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE). Sur 2020, cela n’augmenterait pas les ressources des CCI, puisque le rendement de la taxe resterait supérieur au plafond. Si l’on suivait votre logique, il faudrait augmenter le plafond.

Sur le fond, je reste attaché à la transformation des CCI. Nous pouvons davantage respecter la trajectoire définie en nous appuyant sur leur réseau. Le rapport que nous avions demandé en loi de finances pour 2020 nous sera adressé, en principe, avant le 1er septembre. Attendons de savoir si un véritable manque financier empêchera le réseau des CCI d’assurer ses missions pendant la relance, pour reprendre le sujet lors de l’examen du PLF pour 2021. Avis défavorable.

Mme Stella Dupont. J’entends vos arguments et je serai très attentive au rapport qui nous sera remis. Mon objectif était principalement d’alerter le Gouvernement sur cette difficulté. L’effort demandé aux CCI pour 2020 est déjà considérable. Compte tenu des perspectives économiques, je considère qu’il n’est pas envisageable de réduire davantage, en 2021 et au-delà, les moyens de ces établissements. Je retire l’amendement dans la perspective de la discussion en séance publique.

L’amendement CF1398 est retiré.

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Article additionnel après l’article 4
Augmentation de 100 millions d’euros du plafond du produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises affecté au réseau des chambres de commerce et d’industrie

La commission est saisie des amendements identiques CF641 de M. Arnaud Viala, CF724 de M. Fabrice Brun, CF778 de Mme Lise Magnier, CF864 de M. Jean-Paul Mattei, CF870 de M. Marc Le Fur, CF1227 de M. Philippe Gosselin et CF1403 de Mme Monica Michel.

Mme Véronique Louwagie. Les diminutions de ressources subies par les CCI se sont nécessairement traduites par une réduction des services offerts, la transformation que vous évoquez, monsieur le rapporteur général, ayant conduit à concentrer les services dans les sièges des CCI et à réduire le nombre d’antennes, en particulier dans les territoires ruraux.

L’amendement CF641 vise à augmenter le plafond de la taxe affectée de 100 millions, afin de soutenir les CCI dans cette période difficile où les entreprises ont particulièrement besoin de leur appui.

Mme Lise Magnier. Le Président de la République a affirmé que la relance économique devait s’appuyer sur les territoires, dont les CCI sont des acteurs incontournables. Pour leur donner un peu d’air et leur permettre d’accompagner la relance économique, nous proposons d’augmenter le plafond de la taxe affectée aux CCI en 2020.

M. Jean-Paul Mattei. La crise économique majeure que nous connaissons a modifié le contexte, monsieur le rapporteur général. Beaucoup d’entrepreneurs ont besoin de soutien, et les chambres de commerce et d’industrie sont présentes à leurs côtés depuis le début. Elles se sont mobilisées, ont réorienté leur offre, par exemple dans le secteur du commerce électronique.

L’année dernière, le choix d’une trajectoire de baisse de certaines ressources et de réorientation des missions pouvait se justifier. Aujourd’hui, il serait regrettable de ne pas tenir compte du contexte économique pour leur donner un peu d’air et leur permettre de remplir leurs missions, au moins pendant la violente crise qui s’annonce.

M. Marc Le Fur. Il faut absolument adresser des signes aux chambres de commerce et d’industrie, alors même que beaucoup d’entreprises vont se trouver en difficulté et devront engager des restructurations. Les CCI jouent notamment un rôle important en matière de formation professionnelle. Par ailleurs, beaucoup d’entre elles gèrent de grands services publics, qui sont confrontés à des baisses d’activité, des situations très complexes.

Mme Monica Michel. Les TPE et les PME, en particulier, sont les moteurs de nos territoires. Elles sont largement accompagnées par les chambres de commerce et d’industrie, dont le financement relève de la taxe pour frais de chambres (TFC) pour plus de 66 %. Demander aux CCI de facturer leurs prestations pour compenser leurs recettes sera source de difficultés, car les entreprises, actuellement, n’ont pas les moyens de payer ces services. La crise sanitaire rend nécessaire de surseoir aux mesures engagées et de relever le plafond de la TFC à son niveau de 2019.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme je l’ai expliqué à Mme Dupont, je tiens à maintenir la trajectoire de transformation du réseau des CCI.

Pour être exact, nous avions voté la baisse des ressources dans la loi de finances pour 2019, tandis que nous les avions légèrement augmentées dans la loi de finances pour 2020 par la suppression du prélèvement dit France Télécom. Je vous donne rendez-vous à l’automne, et vous demande de retirer vos amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.

La commission adopte les amendements identiques CF641, CF724, CF778, CF864, CF870, CF1227 et CF1403 (amendement n° 2165).

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Après l’article 4

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF1117 et CF1115 de Mme Lise Magnier.

Elle examine l’amendement CF1046 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’exonérer, au titre de l’année 2020, les éditeurs de télévision de la taxe sur les services de télévision (TST-E) qui est affectée au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). En effet, les ressources publicitaires sont bien plus faibles cette année. De leur côté, les plateformes de streaming ont été extrêmement actives et ont vu leurs revenus augmenter.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous ciblez à juste titre les pertes des chaînes de télévision, qui ont subi une baisse des ressources publicitaires estimée entre 800 millions et un milliard d’euros, tout en continuant à assumer leurs obligations d’investissement. L’assiette de la TST-E diminuera donc mécaniquement. Je ne suis pas favorable à votre solution, mais je rappelle que, comme l’a indiqué le Premier ministre dans un communiqué de presse du 17 juin, le Gouvernement proposera un crédit d’impôt création pour soutenir l’investissement dans les médias, les programmes et la création audiovisuelle en 2020. C’est donc un objectif partagé, même si le chemin suivi n’est pas tout à fait le même. Je retiendrai l’option gouvernementale qui sera présentée en séance. Demande de retrait.

Mme Émilie Cariou. Je partage l’avis du rapporteur général. Cette taxe est assise sur les ressources publicitaires des chaînes de télévision, qui, rappelons-le, appartiennent toutes à de grands groupes. Par ailleurs, la TST-E finance la création audiovisuelle et cinématographique. Il n’y a aucune raison d’exonérer de leurs obligations les éditeurs, qui ont un monopole sur les canaux hertziens. Quand les recettes baissent, la taxe diminue en proportion. La solution que vous proposez n’est donc pas la bonne, d’autant plus que la taxe finance le CNC, qui soutient lui-même des secteurs en très grande difficulté.

M. le président Éric Woerth. La taxe étant principalement assise sur les ressources publicitaires, il est naturel qu’elle baisse. Il n’en reste pas moins que, compte tenu de l’évolution de la concurrence, les groupes français sont devenus extrêmement fragiles, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Dans mon esprit, il convient évidemment de compenser la perte de recettes du CNC, comme l’État le fait, à l’heure actuelle, pour de nombreuses entités publiques, dans plusieurs secteurs d’activité.

Une autre possibilité aurait été d’aider les annonceurs de publicité, en exonérant une partie des coûts ; nous l’avons proposé à plusieurs reprises, mais vous l’avez refusé. Je ne suis pas sûr que la mesure du Gouvernement soit beaucoup plus efficace que ce que nous proposons.

La commission rejette l’amendement CF1046.

Elle est saisie de l’amendement CF1389 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Comme nous avons voté le déblocage des contrats Madelin pour les indépendants, je propose de débloquer les plans d’épargne retraite des salariés, dans le but de relancer la consommation des ménages et d’en faire profiter notre économie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai déjà eu l’occasion d’émettre des réserves sur le déblocage anticipé de l’épargne de long terme, notamment en vue de la retraite. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1389.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF851 de M. Jean-Paul Dufrègne et CF1468 de Mme Émilie Cariou.

M. Jean-Paul Dufrègne. Si le vice-président de la Fédération française de l’assurance (FFA) a qualifié de considérable l’effort consenti par les assureurs pour soutenir les entreprises, dans les faits, leur contribution à hauteur de 400 millions d’euros au fonds de solidarité reste insuffisante, compte tenu notamment de la baisse de la sinistralité liée au confinement.

Les assureurs ont certes fait part de leur volonté d’aider à la relance de notre pays dès la sortie de crise, en finançant, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, les ETI, les PME et le secteur de la santé. Ce financement par le biais d’un fonds d’investissement coordonné par la Caisse des dépôts n’intéressera cependant pas les plus petites entreprises. Il apparaît pourtant nécessaire de garantir à ces dernières, notamment à celles qui ont souscrit un contrat de perte d’exploitation, une couverture, même partielle, de ces pertes.

Afin d’éviter la faillite de nombreuses TPE et PME, nous proposons, par l’amendement CF851, que les assurances contribuent à une taxe exceptionnelle sur leur réserve de capitalisation, destinée à abonder le fonds de solidarité. Une telle contribution, dont le produit est estimé à environ 2 milliards d’euros, avait déjà été instituée en 2011. Compte tenu de l’état d’urgence économique et sanitaire, il convient de la réactiver.

Mme Émilie Cariou. L’amendement CF1468 a en effet pour objet de réactiver la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance. Celle-ci est constituée par les plus-values réalisées lors de la vente d’obligations et sert à amortir les moins-values futures. Or, l’obligation étant un produit assuré, de telles conditions de vente sont peu fréquentes. Cette réserve n’a donc fait que gonfler, tant et si bien que, sous le gouvernement Fillon, une partie en a été taxée à hauteur de 10 %, puis de 7 % sous le gouvernement Ayrault. Malgré tout, au regard du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) qui, à l’époque, s’élevait à 33,33 %, et davantage encore dans les années 80, cette réserve a été sous-fiscalisée.

Les assureurs n’ayant que peu répondu aux demandes de compensation des risques et des pertes d’exploitation, cet amendement vise à les faire contribuer par la taxation de la réserve de capitalisation. On pourra m’opposer que cette réserve concerne plus la branche de l’assurance-vie que celle des incendies, accidents et risques divers (IARD), mais les groupes sont souvent présents dans ces deux secteurs. Il s’agit là d’une mesure de solidarité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne reviendrai pas sur mon argumentaire concernant le secteur assurantiel. Je donne un avis défavorable à la taxation des réserves de capitalisation, comme je l’avais fait pour la taxation des bonis.

M. le président Éric Woerth. Objectivement, les assureurs ont peut-être été un peu plus présents qu’on ne le croit ou le dit. Il sera très utile de dresser un bilan de l’effort qu’ils ont engagé au cours de la crise, quand nous disposerons de chiffres globaux et de comparaisons internationales, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 ou un peu avant.

M. Jean-Noël Barrot. On peut discuter de l’opportunité de taxer les provisions des assurés sur la vie – qui seraient plus affectés que les actionnaires –, mais il faudrait savoir dans quel état le secteur de l’assurance sortira de la crise. S’il demeure en bonne santé, on pourra le mettre à contribution – je pense qu’il aura à cœur de participer – mais s’il se trouve dans une situation très dégradée, alors que d’autres secteurs s’en sortent très bien, il n’est pas évident qu’il faille lui demander de fournir l’essentiel de l’effort.

La commission rejette successivement les amendements CF851 et CF1468.

Elle est saisie de l’amendement CF954 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons d’instituer un prélèvement de 0,5 % sur les encours des contrats d’assurance-vie supérieurs ou égaux à 100 000 euros. C’est une autre façon de financer des mesures de soutien à la consommation et de redistribution, sans porter atteinte au pouvoir d’achat ni à la compétitivité des entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Compte tenu de la faiblesse des rendements moyens de l’assurance-vie, je ne suis pas sûr qu’il soit pertinent d’introduire une taxation supplémentaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF954.

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II.  RESSOURCES AFFECTÉES

Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 5
Prélèvement sur recettes au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre confrontés à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article institue, par prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État, une dotation aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre confrontés en 2020 à des pertes de recettes fiscales et de produits d’utilisation du domaine liées à la crise économique actuelle.

L’article précise les modalités de calcul de cette dotation pour chaque commune ou EPCI, ainsi que les recettes communales ou intercommunales entrant dans le champ du dispositif. La perte de recettes est calculée par la différence entre les produits moyens perçus entre 2017 et 2019 et la somme des mêmes produits perçus en 2020.

Pour éviter tout effet d’aubaine, les pertes de recettes ayant pour origine une mesure d’exonération, d’abattement, de dégrèvement ou de baisse de taux au titre de l’année 2020, mise en œuvre sur délibération de la commune ou de l’EPCI, sont exclues pour le calcul de la dotation.

Enfin, les groupements de collectivités territoriales qui sont autorités organisatrices de la mobilité peuvent également bénéficier d’une compensation de leur perte de versement mobilité subie en 2020 par rapport à la moyenne entre 2017 et 2019.

L’évaluation préalable du présent article estime que le dispositif proposé devrait permettre le versement d’une compensation à hauteur de 500 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté plusieurs amendements :

– un amendement du Rapporteur général qui étend le bénéfice du présent article à l’établissement public Île-de-France Mobilité (IDFM), autorité organisatrice des transports de la région d’Île-de-France, au titre des pertes de versement mobilité subies en 2020 par rapport à la moyenne triennale 2017-2019. L’amendement prévoit le versement d’un acompte en 2020 qui s’élève à 425 millions d’euros ;

– un amendement du Rapporteur général qui introduit l’impôt sur les maisons de jeux pour le calcul de la dotation de compensation des pertes de recettes fiscales des communes ;

– plusieurs amendements identiques modifiant l’année de référence utilisée pour calculer la perte de recettes de taxe de séjour ou de taxe de séjour forfaitaire en 2020 : il s’agit de prendre comme référence non pas la moyenne des trois dernières années, mais le produit perçu de taxes de séjour en 2019 ;

– un amendement de M. Jean-René Cazeneuve visant à ce qu’aucune commune ou aucun EPCI ne puisse toucher une dotation inférieure à 1 000 euros ;

– plusieurs amendements identiques élargissant le dispositif de compensation aux syndicats mixtes ou pôles d’équilibre territorial et rural (PETR) percevant la taxe de séjour pour les pertes subies en 2020 par rapport à la moyenne triennale 2017-2019 ;

– un amendement du Rapporteur général visant à corriger des erreurs de référence concernant la taxe sur la consommation finale d’électricité, les taxes de séjour et la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI).

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LA FISCALITÉ DES COMMUNES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE À FISCALITÉ PROPRE

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre perçoivent des recettes fiscales très variées : fiscalité locale, directe et indirecte et autres taxes. Elles peuvent faire l’objet d’une inscription soit en section de fonctionnement, soit en section d’investissement des collectivités territoriales. Par ailleurs, les communes et EPCI perçoivent des recettes non fiscales telles que les ressources issues des redevances et recettes d’utilisation du domaine.

1.   Les recettes fiscales des communes

Les articles L. 2331-1 et L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) disposent que les recettes fiscales de la section de fonctionnement des communes comprennent :

– le produit des quatre principales taxes foncières assises sur la valeur locative cadastrale des locaux d’habitation ou des locaux professionnels que constituent la taxe d’habitation (TH – articles 1407 et suivants du code général des impôts – CGI), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB – articles 1380 et suivants du CGI), la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB – articles 1393 et suivants du CGI) et la cotisation foncière des entreprises (CFE – articles 1447 et suivants du CGI), ainsi que la taxe additionnelle à la TFPNB (article 1519 I du CGI). Pour rappel, la TH sur les résidences principales ne sera plus affectée aux collectivités territoriales à compter du 1er janvier 2021 et les communes bénéficieront à ce titre d’une part supplémentaire de TFPB ([166]) ;

– une fraction égale à 26,5 % du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE – articles 1586 ter et suivants du CGI) assise sur la valeur ajoutée de l’entreprise ;

– le produit de la redevance des mines assise sur les tonnes de produit extrait par les concessionnaires de mines (article 1519 du CGI) ;

– le produit de l’imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est au moins égale à 200 kilovolts (article 1519 A du CGI). Elle est assise sur le nombre de pylônes installés ;

– le produit de la taxe annuelle sur les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, dite taxe sur les éoliennes maritimes (articles 1519 B et 1519 C du CGI). Elle est assise sur le nombre de mégawatts installés dans chaque unité de production d’électricité ;

– le produit des composantes de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) relatives aux installations de transformateurs électriques relevant des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (article 1519 G du CGI), ainsi qu’aux installations de gaz naturel liquéfié et aux stations de compression du réseau de transport de gaz naturel (article 1519 HA du CGI) ;

– une fraction égale à deux tiers du produit de la composante de l’IFER relative aux stations radioélectriques (article 1519 H), qui concerne notamment les stations radioélectriques de téléphonie mobile ;

– depuis la loi de finances pour 2020 ([167]), une fraction égale à 60 % du produit de la composante de l’IFER relative aux installations de production d’électricité d’origine géothermique (article 1519 HB du CGI) ;

– une fraction égale à 50 % du produit des composantes de l’IFER relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique hydraulique des courants (article 1519 D du CGI), aux installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme (article 1519 E du CGI), aux installations de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque ou hydraulique (article 1519 F du CGI) et aux installations de stockages souterrains et de transport de gaz naturel et d’autres hydrocarbures (article 1519 HA du CGI) ;

– une fraction égale à 20 % du produit de la composante de l’IFER relative aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent (éoliennes terrestres – article 1519 D du CGI) ;

– sur délibération, le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), assise sur la valeur locative cadastrale utilisée pour l’établissement de la TFPB, et destinée à financer les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers (articles 1520 et suivants du CGI) ;

– sur délibération, le produit de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains devenus constructibles (article 1529 du CGI) qui s’applique aux cessions réalisées et qui est assise sur un montant égal au prix de cession du terrain diminué du prix d’acquisition ;

– sur délibération, le produit de la taxe sur les friches commerciales (article 1530 du CGI) pour les locaux professionnels qui ne sont plus affectés à une activité depuis au moins deux ans ;

– sur délibération, le produit de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI – article 1530 bis du CGI), destinée à financer l’exercice de cette compétence. Pour rappel, les communes concernées ne votent pas un taux, mais un produit, dans la limite d’un plafond fixé à 40 euros par habitant, qui est ensuite réparti proportionnellement entre toutes les personnes assujetties à la TH, à la CFE et aux taxes foncières ;

– le produit de l’impôt sur les maisons de jeux (articles 1559 et suivants du CGI), assis sur les recettes annuelles des maisons de jeux et attribué aux communes sur le territoire desquelles ces dernières ont leur établissement ;

– sur délibération, le produit de la contribution sur les eaux minérales (article 1582 du CGI) assise sur le volume des eaux livré par l’exploitant de la source ;

– le produit de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou de taxe de publicité foncière (articles 1584 et suivants du CGI), dénommés également taxe additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), au profit des communes de plus de 5 000 habitants ou des communes touristiques. Pour rappel, les communes de moins de 5 000 habitants qui ne sont pas touristiques ne perçoivent pas la taxe additionnelle aux DMTO, mais la taxe additionnelle abonde un fonds départemental de péréquation qui est réparti à leur profit en année N+1 en fonction de critères communaux tels que l’importance de la population, le montant des dépenses d’équipement brut et l’effort fiscal (article 1595 bis) ;

– sur délibération, le produit de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCFE – articles L. 2333-2 et suivants du CGCT) assise sur la quantité d’électricité fournie ou consommée ;

– sur délibération, le produit des taxes sur les convois, les inhumations et les crémations (article L. 2223-22 du CGCT) ;

– sur délibération, les produits de la taxe de séjour et la taxe de séjour forfaitaire (articles L. 2333-26 et suivants du CGCT) assises pour la première sur le nombre de nuitées réalisées dans les hébergements touristiques de la commune et pour la seconde sur la capacité d’hébergement de ces structures ;

– sur délibération, le produit de la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontées mécaniques (articles L. 2333-49 et suivants du CGCT) assises sur les recettes brutes provenant de la vente des titres de transport ;

– le produit du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux dans les casinos (articles L. 2333-54 et suivants du CGCT) en vertu des clauses des cahiers des charges de ces établissements ;

– sur délibération, le produit de la taxe locale sur la publicité extérieure (articles L. 2333-6 et suivants du CGCT) frappant les dispositifs publicitaires visibles de toute voie ouverte à la circulation publique ;

– sur délibération, le produit du versement mobilité (articles L. 2333-66 et suivants du CGCT) afin de financer les dépenses d’investissement et de fonctionnement des transports publics urbains. L’assiette du versement est constituée par les salaires payés aux salariés, ce qui a pour conséquence d’exclure de l’assiette les indemnités d’activité partielle ;

– sur délibération, le produit de la taxe de balayage (article L. 2333-97 du CGCT) destinée à financer les dépenses occasionnées par le balayage de la superficie des voies livrées à la circulation publique et assise sur la surface desdites voies ;

– le produit de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail de plus de 400 mètres carrés, qui a été créée par la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ([168]). Elle est perçue au profit de la commune sur le territoire de laquelle est situé l’établissement imposable ([169]) ;

– sur délibération, le produit issu des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés (article L. 2224-18 du CGCT) ;

– le produit de la taxe due par les entreprises de transport public maritime assise sur le nombre de passagers (article 285 quater du code des douanes) embarqués à destination d’un site naturel, d’un parc national, d’une réserve naturelle ou d’un port desservant des espaces protégés. Elle est perçue au profit de la personne publique qui assure la gestion de l’espace naturel protégé et est affectée à la préservation de celui-ci ;

– le produit issu du prélèvement sur les sommes engagées par les parieurs sur les courses hippiques (article 302 bis ZG du CGI), assis sur les sommes engagées par les parieurs et attribué pour moitié aux communes sur le territoire desquelles sont ouverts au public un ou plusieurs hippodromes ;

– le produit issu du prélèvement sur les jeux de cercle en ligne (article 302 bis ZI du CGI) assis sur les sommes engagées par les joueurs et attribué aux communes dans le ressort territorial desquelles sont ouverts au public un ou plusieurs casinos au prorata du produit brut des jeux de ces établissements.

L’article L. 2331-5 du CGCT dispose que les recettes fiscales de la section d’investissement des communes comprennent :

– sur délibération, le produit de la taxe d’aménagement (articles L. 331‑1 et suivants du code de l’urbanisme) assise sur les opérations soumises à autorisation d’urbanisme, c’est-à-dire au dépôt d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable de travaux ;

– sur délibération, le produit du versement pour sous-densité (articles L. 331-35 et suivants du code de l’urbanisme) assise sur toute construction nouvelle d’une densité inférieure au seuil minimal.

De manière additionnelle, les communes ultramarines bénéficient d’une fiscalité spécifique applicable sur leur territoire, à savoir :

– le produit de l’octroi de mer reversé par le biais de la dotation globale de garantie (loi relative à l’octroi de mer) ([170]). La base d’imposition de l’octroi de mer est constituée des importations de biens ou des livraisons de biens produits localement dans les régions et départements d’outre-mer ;

– le produit de la taxe spéciale de consommation sur les carburants (article L. 266 quater du code des douanes) qui est assise sur la consommation de carburant et dont les modalités de répartition sont fixées par le CGCT (article L. 4434-3 du CGTC) ;

– une fraction égale à 30 % du produit de la taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime assise sur le nombre de passagers embarquant dans les régions d’outre-mer (article 285 ter du code des douanes).

En 2018, les impôts et taxes perçus par les communes s’élevaient à 42 milliards d’euros, dont l’essentiel en provenance de la taxe d’habitation, de la TFPB et de la taxe additionnelle sur les DMTO.

Les impÔts et taxes perçues par
les communes en 2018

(en millions d’euros)

Impôts et taxes

42 227

Taxe d’habitation (TH)

15 540

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

17 527

Taxe additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

2 715

Taxe sur la consommation finale de l’électricité (TCFE)

846

Taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB)

840

Taxe d’aménagement

823

Cotisation foncière des entreprises (CFE)

641

Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

619

Taxe de séjour

232

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

126

Impositions forfaitaires des entreprises de réseaux (IFER)

71

Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

28

Versement mobilité

14

Taxe pour la GEMAPI

Impôts et taxes applicables en Corse et en outre-mer

972

Autres

1 235

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, septembre 2019.

Enfin, les communes peuvent également bénéficier de recettes non fiscales, parmi lesquelles le produit des concessions, le produit des régies municipales, le produit de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), le produit des redevances de stationnement, le produit des permis de stationnement, le produit des droits de voirie, le produit de la redevance pour l’accès aux sites nordiques dédiés au ski de fond balisé et aux loisirs de neige autre que le ski alpin, etc.

2.   Les recettes fiscales des établissements publics de coopération intercommunale

Les communes peuvent constituer entre elles des EPCI pour exercer certaines de leurs compétences. Certains EPCI, dits à fiscalité propre, disposent de compétences propres en matière fiscale en lieu et place de leurs communes membres. Il existe quatre catégories d’EPCI à fiscalité propre dont les règles de répartition des ressources sont fixées par l’article 1379-0 bis du CGI :

– les EPCI appliquant la fiscalité additionnelle (FA) : ils perçoivent de plein droit un taux additionnel aux quatre taxes foncières locales et une part de la fraction communale de la CVAE. Ils perçoivent de plein droit certaines composantes communales de l’IFER, à savoir une fraction de 50 % des composantes relatives aux éoliennes terrestres et aux sites de stockage souterrain de gaz naturel. Néanmoins, sur délibérations concordantes de l’EPCI et des communes membres, un EPCI à FA peut se substituer à ses communes membres pour percevoir le produit des autres composantes communales de l’IFER, le produit de la taxe additionnelle à la TFPNB, le produit de l’imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes, de la taxe de balayage et de la taxe sur les friches commerciales (article 1609 quinquies BA du CGI) ;

– les EPCI appliquant la fiscalité professionnelle de zone (FPZ) : les EPCI à FA peuvent opter pour une FPZ lorsqu’ils créent ou gèrent une zone d’activités économiques (ZAE) qui se situe sur le territoire de l’une ou plusieurs des communes membres. Un EPCI à FPZ perçoit les mêmes impositions qu’un EPCI à FA et perçoit de manière additionnelle la CFE et 26,5 % de la CVAE issue de la ZAE qu’il a créée ou qu’il gère sur son territoire (I de l’article 1609 quinquies C du même code) ;

– les EPCI appliquant la fiscalité éolienne unique (FEU) : les EPCI à FA peuvent opter pour une FEU. Un EPCI à FEU perçoit les mêmes impositions qu’un EPCI à FA et perçoit de manière additionnelle la CFE afférente aux éoliennes présentes sur son territoire. De plus, il perçoit les composantes communales de l’IFER relative aux éoliennes terrestres et de l’IFER relative aux hydroliennes (II de l’article 1609 quinquies C du même code) ;

– les EPCI appliquant la fiscalité professionnelle unique (FPU) perçoivent en lieu et place de leurs communes membres les produits des impositions économiques telles que la CFE, la CVAE, la taxe additionnelle à la TFPNB et l’intégralité des composantes communales de l’IFER. Les EPCI à FPU perçoivent également des taux additionnels à la taxe d’habitation, la TFPB et la TFPNB. Sous certaines conditions, un EPCI à FPU peut se substituer à ses communes membres pour la perception de l’imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes, de la taxe de balayage et de la taxe sur les friches commerciales (article 1609 nonies C).

L’article 1379-0 bis du CGI dispose également que les EPCI à fiscalité propre peuvent se substituer à leurs communes membres, sous certaines conditions généralement liées à l’exercice effectif de la compétence liée, pour la perception de la TEOM (exercice de la compétence de collecte des déchets des ménages), de la TCFE (exercice de la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité), de la taxe de séjour ou de la taxe de séjour forfaitaire (exercice de la compétence touristique) et de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (exercice de la compétence GEMAPI).

La loi de finances pour 2020 ([171]) précise également que les EPCI sont substitués aux communes membres pour la perception du produit de la taxe sur les surfaces commerciales lorsqu’il s’agit d’un EPCI à FPU ou d’un EPCI à FPZ (dans la ZAE uniquement). Dans les autres cas, un tel transfert ne peut être effectué que sur délibérations concordantes de l’EPCI et des communes membres concernées.

Par ailleurs, de nombreuses dispositions réparties dans le CGCT (articles L. 5211-21 à L. 5211-27-2 ; article L. 5214-23 pour les communautés de communes ; article L. 5215-32 pour les communautés urbaines ; article L. 5216-8 pour les communautés d’agglomération) disposent que les recettes du budget des EPCI à fiscalité propre peuvent également comprendre :

– le produit du versement mobilité (lorsque l’EPCI est compétent pour organiser des services réguliers de transport public de personnes) ;

– le produit de la taxe sur la cession de terrains devenus constructibles (lorsque l’EPCI est compétent pour l’élaboration des documents locaux d’urbanisme) ;

– le produit du prélèvement direct sur le produit brut des jeux (lorsque l’EPCI exerce la compétence touristique et sauf opposition de la commune où est situé le siège du casino) ;

– le produit de la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontées mécaniques (lorsque les remontées mécaniques sont exploitées par l’EPCI) ;

– le produit de la taxe locale sur la publicité extérieure (lorsque l’EPCI est compétent en matière de voirie, de zone d’aménagement concerté ou de zone d’activités économiques d’intérêt communautaire) ;

– le produit de la taxe d’aménagement ou du versement pour sous-densité (pour l’exercice de ses compétences en matière d’urbanisme).

De plus, l’article 1519 du CGI dispose que lorsqu’une commune appartient à un EPCI à fiscalité propre, le produit communal de la redevance des mines sur les hydrocarbures liquides et gazeux qu’elle doit recevoir est versé au groupement de communes. Par ailleurs, dans les régions et départements d’outre-mer, l’article L. 4434-3 du CGCT dispose qu’une partie du produit de la taxe spéciale de consommation sur les carburants est affectée au budget des EPCI de plus de 50 000 habitants ayant mis en place un service public de transports urbains de personnes ou ayant approuvé un plan de déplacement urbain. Enfin, l’article 302 bis ZG du CGI dispose que les EPCI sur le territoire desquels sont ouverts au public un ou plusieurs hippodromes disposent de la moitié du produit issu du prélèvement sur les paris hippiques.

En 2018, les impôts et taxes perçus par les groupements à fiscalité propre s’élevaient à 32 milliards d’euros, dont l’essentiel en provenance de la CFE, la taxe d’habitation, la TEOM et la CVAE.

Les impÔts et taxes perçues par les groupements
À fiscalitÉ propre en 2018

(en millions d’euros)

Impôts et taxes

32 443

Cotisation foncière des entreprises (CFE)

7 311

Taxe d’habitation (TH)

7 137

Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

6 250

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

4 569

Versement mobilité

3 222

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

1 512

Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

747

Impositions forfaitaires des entreprises de réseaux (IFER)

532

Taxe d’aménagement

271

Taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB)

223

Taxe de séjour

193

Taxe pour la GEMAPI

154

Taxe sur la consommation finale de l’électricité (TCFE)

39

Impôts et taxes perçues en Corse et en outre-mer

10

Autres

271

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, septembre 2019.

Enfin, les EPCI peuvent également bénéficier de recettes non fiscales, parmi lesquelles le produit des concessions, le produit des régies, le produit de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), le produit de la redevance pour l’accès aux sites nordiques dédiés au ski de fond balisé et aux loisirs de neige autre que le ski alpin, etc.

B.   LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE SUR LES RECETTES FISCALES ET DOMANIALES DES COLLECTIVITÉS

Les recettes fiscales des communes et des EPCI sont particulièrement affectées par le ralentissement de l’activité lié aux mesures d’endiguement sanitaire mises en œuvre afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19. C’est également le cas pour leurs ressources issues des ventes de biens et services et des redevances. La mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales évalue à 7 449 millions d’euros les pertes financières pour l’ensemble des strates de collectivités territoriales en 2020, dont 3 086 millions d’euros uniquement pour le bloc communal (communes, EPCI et syndicats). Ces pertes représenteraient environ 20 % de l’épargne brute des collectivités territoriales (capacité d’autofinancement).

La mission note que les ressources des différents niveaux de collectivités devraient connaître un rebond dès 2021. En tenant compte d’un scénario raisonnable de rebond de l’économie, elle estime que 48 % des recettes perdues de 2020 devraient être récupérées dès 2021, soit 3,6 milliards d’euros. Dans le détail, les départements bénéficieraient en 2021 d’un rebond de 2 milliards d’euros de leurs recettes et le bloc communal de 1,6 milliard d’euros.

1.   L’impact sur les recettes fiscales des régions et des départements

Les recettes des départements et des régions, essentiellement fiscales et sensibles à la conjoncture, vont nettement diminuer en 2020 et 2021. En effet, près de 74 % des recettes totales des régions et 70 % des recettes totales des départements proviennent des impôts et taxes, avec une forte prédominance pour ces deux catégories de collectivité territoriale des impôts économiques tels que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la CVAE, les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la taxe sur les certificats d’immatriculation ainsi que les DMTO. De manière annexe, des variations négatives affecteront également la taxe d’aménagement, la taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) ou encore la TCFE.

L’impact de la crise sur les recettes de la CVAE ne doit toutefois intervenir qu’à partir de 2021 voire 2022 (du fait des mécanismes d’acomptes et de reversement) : ce délai offre une certaine flexibilité et un temps d’adaptation à l’État et aux collectivités territoriales, en particulier aux régions pour lesquelles cette cotisation représente 34 % des recettes fiscales. Ainsi, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales propose la mise en place d’un mécanisme de garantie des ressources fiscales des régions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. Pour les départements, la contraction du marché de l’immobilier au cours du premier semestre va conduire à une dégradation rapide de leur situation financière (les DMTO représentant 25 % de leurs recettes fiscales), en particulier dans un contexte de hausse de leurs dépenses sociales (notamment du revenu de solidarité active – RSA).

Les recettes fiscales des collectivitÉs
territoriales en 2018

(en milliards d’euros)

Catégories de collectivités territoriales

Recettes totales hors emprunts

Impôts et taxes

Part des impôts et taxes dans les recettes totales

Concours de lÉtat

Part des concours dans les recettes totales

Bloc communal

125,67

69,76

55,5 %

22,41

32,1 %

Départements

67,54

47,28

70,0 %

10,36

21,9 %

Régions

32,19

23,80

73,9 %

1,92

8,1 %

Ensemble

225,4

140,84

62,5 %

34,69

26,6 %

Note : bloc communal = communes et groupements à fiscalité propre. Les recettes des collectivités territoriales sont constituées des impôts et taxes, des concours de l’État, des subventions reçues et participations, et des ventes de biens et de services.

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019, septembre 2019.

L’impact de la crise économique sur les recettes fiscales des départements et régions devrait être atténué par différents mécanismes :

– une partie de la TICPE affectée aux régions résulte de transferts de compétences et ne devrait pas être affectée par les fluctuations des recettes nationales : il est prévu que lorsque le produit de TICPE ne permet pas de couvrir le droit à la compensation constitutionnellement garanti, l’État doit procéder à l’attribution d’une fraction supplémentaire de TICPE (leurs montants ne peuvent se situer en deçà du niveau des compensations historiques) ;

– la baisse de TICPE devrait ainsi uniquement concerner la part dite « Grenelle » (faculté de majoration supplémentaire des tarifs de TICPE applicables dans chaque région pour le financement des infrastructures de transport durable) ainsi que la majoration supplémentaire des tarifs de TICPE dans la région d’Île-de-France et destinée à Île-de-France Mobilités (IDFM) : ces deux parts ne disposent pas de mécanismes de garantie et varient en fonction de la consommation. Pour 2020, la prévision de TICPE dite « Grenelle » versée aux régions était estimée à 593 millions d’euros pour 2020 et celle versée à IDFM à 100 millions d’euros ;

– la part de TVA affectée aux régions, en substitution de l’ancienne dotation globale de fonctionnement (DGF), bénéficie d’un mécanisme de garantie de non-baisse de cette fraction par rapport à son niveau 2017 (soit 4 025 millions d’euros) ;

– les recettes des DMTO font l’objet d’un mécanisme de mise en réserve (article L. 3335-2 du CGCT) par le Comité des finances locales (CFL), adossé au fonds national de péréquation des DMTO perçus par les départements, pour permettre un surcroît d’alimentation de ce fonds en période de crise (120 millions d’euros seraient mis en réserve à ce jour).

Il convient toutefois de souligner la situation particulière de la Collectivité de Corse et des régions ou collectivités uniques d’outre-mer qui devront faire face à des pertes spécifiques concernant les droits sur les tabacs applicables en Corse, la taxe sur le transport public aérien et maritime en provenance ou à destination de la Corse, le droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) applicable en Corse ou encore la taxe spéciale sur les consommations de carburants et l’octroi de mer applicables dans les départements et régions d’outre-mer. Ainsi, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales évalue une perte de recettes de – 35 % pour la taxe sur le transport aérien et maritime, de – 10 % pour la taxe sur le droit de francisation des navires, de – 15 % pour l’octroi de mer et de – 16 % pour la taxe spéciale de consommation sur les carburants.

RÉpartition des impÔts et taxes pour les rÉgions
et les dÉpartements en 2018

 

Pour les départements

(en pourcentage)

 

Pour les régions

(en pourcentage)

Source : commission des finances ; données de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).

Dans ce contexte, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales évalue les pertes financières pour les régions à – 1 085 millions d’euros en 2020, avant l’application des mécanismes de garantie existants, et à seulement – 581 millions d’euros en 2020, une fois ces mécanismes mis en œuvre. Cette perte représenterait moins de 10 % de la capacité d’autofinancement brute des régions. La perte constatée résulterait principalement de l’importance des pertes fiscales liées à la TVA et à la TICPE dont les recettes diminueraient de 10 % (hors garanties constitutionnelles et législatives).

Estimations des pertes financiÈres des rÉgions et
des dÉpartements pour 2020

(en millions d’euros)

Strate de collectivité

Départements

Régions

Recettes réelles de fonctionnement

67 534

28 981

Capacité dautofinancement brute en 2019

9 566

6 449

Hausses de recettes fiscales en 2020

370

312

Pertes de recettes fiscales en 2020

– 3 624

– 1 397

Pertes de recettes non fiscales en 2020

– 24

Total 2020 avant garanties

– 3 278

– 1 085

Total 2020 après garanties (1)

– 2 657

– 581

(1) Garanties correspondant à l’obligation constitutionnelle de compensation financière par l’État des transferts, créations et extensions de compétences des collectivités territoriales et à des obligations législatives.

Source : mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales.

Pour les départements, la mission évalue les pertes financières en 2020 à près de – 3 278 millions d’euros, avant l’application des mécanismes de garantie existants, et à – 2 657 millions d’euros une fois ces mécanismes mis en œuvre. Cette perte est particulièrement forte puisqu’elle représenterait près de 30 % de la capacité d’autofinancement brute des départements. La perte constatée résulterait principalement de l’importance des pertes fiscales liées aux DMTO, dont les recettes s’effondreraient de près de 25 % en 2020, et à la TSCA dont les recettes diminueraient de 15 %.

Principales HypothÈses d’Évolution des recettes
des rÉgions et dÉpartements en 2020

(en pourcentage)

Impôts ou
taxes

Hypothèses dévolution
en 2020

Taxe sur les propriétés bâties (TFPB)

2,6 %

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

3,9 %

Impositions forfaitaires des entreprises de réseaux (IFER)

2 %

Taxe intérieure sur la consommation sur les produits énergétiques (TICPE) (1)

– 10 %

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

– 10 %

Taxe sur les certificats d’immatriculation

– 15 %

 Droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

– 25 %

 Taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE)

– 7 %

 Octroi de mer

– 15 %

 Taxe spéciale de consommation sur les carburants

– 16 %

Taxe sur le transport aérien et maritime

– 35 %

Taxe sur le droit de francisation des navires (DAFN)

– 10 %

(1) Hors garanties constitutionnelles et législatives.

Source : mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales.

2.   L’impact sur les recettes fiscales des communes et de leurs groupements

En comparaison, les entités du bloc communal (communes et intercommunalités) seront moins affectées par la crise sanitaire, car une grande partie de leurs recettes fiscales n’est pas soumise au cycle économique : seulement 56 % des recettes totales du bloc communal sont issues des impôts et taxes, avec une forte prédominance des impôts utilisant une base foncière tels que la taxe d’habitation, la TFPB, la TEOM et la CFE. Ainsi, 76 % des recettes fiscales du bloc communal sont assises sur la valeur foncière des locaux présents sur leur territoire. Les montants de ces impositions sont notifiés par les services fiscaux en début d’année aux collectivités territoriales et leur versement mensuel est garanti (les éventuels impayés étant pris en charge par l’État). À noter toutefois que certaines composantes de la CFE dépendent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année N – 2 (notamment le barème de la base minimum de CFE, qui représente jusqu’à 15 % du produit de cet impôt) et que près de 6 % des recettes du bloc communal sont issues de la CVAE (avec une affectation aux intercommunalités).

De ce fait, les groupements à fiscalité propre semblent plus exposés que leurs communes membres aux fluctuations de la fiscalité économique : ainsi, près de 82 % des recettes fiscales des communes sont assises sur la valeur foncière des locaux présents sur leur territoire, contre seulement 69 % pour les groupements à fiscalité propre. Ces derniers sont en effet plus sensibles aux fluctuations économiques, car ils bénéficient généralement, en lieu et place de leurs communes membres, de la CVAE, de la TASCOM ou du versement mobilité. Toutefois, comme pour les régions et les départements, l’impact de la crise sur les recettes de la CVAE ne devrait intervenir qu’à partir de 2021, voire 2022 du fait des mécanismes d’acomptes et de reversement.

RÉpartition des impÔts et taxes pour les communes
et les groupements À fiscalitÉ propre en 2018

 

Pour les communes

(en pourcentage)

 

Pour les groupements à fiscalité
propre

(en pourcentage)

Source : commission des finances ; données de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).

Si le bloc communal dans son ensemble peut sembler moins touché que les départements et les régions, certaines impositions risquent toutefois de subir des pertes importantes et parfois concentrées sur certains territoires. Une attention particulière doit être notamment apportée aux produits :

– de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire pour les communes touristiques du fait de la fermeture de nombreux hébergements touristiques durant la période de confinement et de la baisse de la fréquentation touristique nationale et internationale (232 millions d’euros perçus par les communes et 193 millions d’euros par les EPCI en 2018) ;

– de la TCFE assise sur la quantité d’électricité fournie ou consommée du fait de la baisse de la consommation d’électricité observée durant la période de confinement ;

– de la taxe sur les entreprises exploitant des engins de remontées mécaniques assises sur les recettes brutes provenant de la vente des titres de transport du fait de la fermeture des stations de tourisme en montagne durant une partie de la période hivernale ;

– du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux dans les casinos, du prélèvement sur les paris hippiques dans les hippodromes et de la taxe sur les maisons de jeux, du fait de la fermeture administrative de ces établissements (casinos, maisons de jeux et hippodromes) pendant et après la période de confinement ;

– le produit issu des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés en raison de la fermeture administrative de ces lieux pendant une partie de la période de confinement ;

– le produit sur le transport public maritime des passagers embarqués à destination d’un site naturel, d’un parc national, d’une réserve naturelle ou d’un port desservant des espaces protégés du fait des mesures de confinement et de la baisse de la fréquentation touristique ;

– le produit de la taxe locale sur la publicité extérieure frappant les dispositifs publicitaires visibles de toute voie ouverte à la circulation publique du fait de la contraction du marché publicitaire ;

– de l’octroi de mer et de la taxe spéciale de consommation sur les carburants pour les collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte du fait de la baisse de la consommation dans ces départements (importations et production locale pour l’octroi de mer ; carburants pour la taxe spéciale de consommation). L’octroi de mer représente pour rappel 1,3 milliard d’euros pour ces collectivités en 2018 et entre 36 % et 77 % des recettes fiscales des communes de ces territoires.

Principales HypothÈses d’Évolution des recettes
du bloc communal en 2020

(en pourcentage)

Impôts ou
taxes

Hypothèses dévolution
en 2020

Taxe d’habitation (TH)

2 %

Taxe sur les propriétés bâties (TFPB)

2,6 %

Taxe sur les propriétés non bâties (TFPNB)

1,4 %

Cotisation foncière des entreprises (CFE)

1,7 %

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

3,9 %

Impositions forfaitaires des entreprises de réseaux (IFER)

2 %

Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

2 %

Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

1,5 %

Taxe d’aménagement

0 %

 Droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

– 25 %

 Taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE)

– 7 %

 Taxe de séjour

– 40 %

 Droits de place

– 17 %

 Taxe sur les passagers

– 20 %

 Impôt sur les cercles et maisons de jeux

– 20 %

 Prélèvement sur les produits des jeux

– 20 %

 Taxe sur les remontées mécaniques

– 15 %

 Taxe locale sur la publicité extérieure

– 20 %

 Octroi de mer

– 15 %

 Taxe sur les carburants

– 16 %

(1) Hors garanties constitutionnelles et législatives.

Source : mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales.

En revanche, quatre impôts devraient baisser uniquement à partir de l’année prochaine à cause du décalage dans le versement du produit de ces taxes : il s’agit de la CFE, de la CVAE, de la TASCOM et de la taxe d’aménagement.

Dans ce contexte, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales évalue les pertes financières pour les communes à – 1 829 millions d’euros en 2020. Cette perte représenterait près de 14 % de la capacité d’autofinancement brute des communes. Pour les EPCI, la mission évalue les pertes financières en 2020 à près de – 720 millions d’euros. Cette perte représente environ 12 % de la capacité d’autofinancement brute des intercommunalités.

Estimations des pertes financiÈres des communes et des
groupements À fiscalitÉ propre pour 2020

(en millions d’euros)

Strate de collectivité

Communes

EPCI

Syndicats

Recettes réelles de fonctionnement

84 003

29 783

14 263

Capacité dautofinancement brute en 2019

12 928

5 768

3 664

Hausses de recettes fiscales en 2020

855

642

13

Pertes de recettes fiscales en 2020

– 1 488

– 864

– 298

Pertes de recettes non fiscales en 2020

– 1 195

– 499

– 252

Total des pertes 2020

– 1 829

– 720

– 537

Source : mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales.

3.   L’impact sur les recettes des autorités organisatrices de la mobilité

Enfin, il convient d’apporter une attention particulière au produit du versement mobilité qui bénéficie aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Celles-ci sont l’acteur public compétent pour l’organisation des services de mobilité sur un territoire. Elles sont généralement des EPCI à fiscalité propre (communauté de communes si le transfert de la compétence a été effectué par les communes membres, communauté d’agglomération, communauté urbaine, métropole de droit commun), mais concernent également certaines communes n’ayant pas transféré la compétence, les régions, la métropole de Lyon, les quatre îles monocommunales existantes dans lesquelles l’obligation de rattachement à une communauté ne s’applique pas, Île-de-France Mobilités (IDFM), ainsi que certains syndicats mixtes fermés ou ouverts. Toutefois, à compter du 1er juillet 2021, les communes ne seront plus autorisées à être autorité organisatrice de la mobilité.

Pour financer l’exercice de ses compétences, et en particulier l’organisation d’un service régulier de transport public de personnes, l’AOM peut instaurer un versement mobilité sur son ressort territorial. Or, cette imposition risque de subir une baisse significative de son niveau de rendement dès 2020 en raison, d’une part, de la possibilité donnée aux entreprises en difficulté de reporter le paiement de leurs cotisations et, d’autre part, de la généralisation de l’activité partielle dans la mesure où les indemnités d’activité partielle ne sont pas assujetties au versement mobilité.

De plus, les recettes tarifaires des AOM vont subir une diminution du fait de la baisse de fréquentation du réseau de transports publics durant la période de confinement, mais également une fois la fin du confinement mise en œuvre (développement des modes de transports alternatifs, recours important au télétravail, baisse de la fréquentation touristique). Or, généralement, l’AOM partage le risque de variation des recettes tarifaires avec les opérateurs de transport dans des conditions contractuellement prédéfinies.

Dans ce contexte, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales prévoit une chute en 2020 de 20 % du versement mobilité pour les AOM, soit une perte de recettes de 1 735 millions d’euros. Les conséquences financières seraient particulièrement fortes pour Île-de-France Mobilités (IDFM) dont le versement mobilité diminuerait de 955 millions d’euros et les recettes tarifaires de 1 394 millions d’euros.

Estimations des pertes financiÈres
des AOM pour 2020

(en millions d’euros)

 

Versement mobilité

Recettes tarifaires

TICPE (1)

Total

AOM

– 780

– 490

– 1 270

IDFM

– 955

– 1 394

– 9

– 2 358

(1) IDFM bénéficie du produit de la majoration de la taxe intérieure de consommation sur les carburants vendus sur le territoire de la région IDF (article 265 A ter du code des douanes) dans la limite de 100 millions d’euros.

Source : mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans ce cadre, le présent article vise à instituer un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État au profit des communes et des EPCI dotés d’une fiscalité propre qui enregistrent en 2020 une perte de recettes par rapport à la moyenne annuelle des montants perçus en 2017, en 2018 et en 2019. Il institue un mécanisme similaire pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), à l’exception d’IDFM.

A.   LA CRÉATION D’UN MÉCANISME DE GARANTIE DES RECETTES FISCALES ET DOMANIALES POUR L’ANNÉE 2020

Le I du présent article institue, par PSR de l’État, une dotation aux communes et aux EPCI à fiscalité propre confrontés en 2020 à des pertes de fiscalités et de produits d’utilisation du domaine liées aux conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19.

Le A du II précise les modalités de calcul de cette dotation pour chaque commune, ainsi que les recettes communales entrant dans le champ du dispositif de garantie. Ainsi, pour chaque commune, la dotation est égale à la différence, si elle est positive, entre la somme des produits moyens perçus pour certaines recettes communales entre 2017 et 2019 et la somme des mêmes recettes perçues en 2020. Les  à 15° du A du II précisent la liste des recettes fiscales prises en compte pour le calcul de la dotation.

Toutefois, la commission des finances a adopté plusieurs amendements identiques ([172]) avec un avis défavorable du Rapporteur général modifiant l’année de référence utilisée pour calculer les pertes de recettes de taxe de séjour ou de taxe de séjour forfaitaire en 2020 pour la dotation des communes et des EPCI : il s’agit de prendre comme référence non pas la moyenne des trois dernières années, mais le produit perçu au titre des taxes de séjour en 2019. En effet, les auteurs de l’amendement soutiennent que les recettes des taxes de séjour connaissent une dynamique forte dans les territoires touristiques, en particulier depuis l’instauration de la collecte automatique de la taxe par les plateformes de location en ligne et du tarif proportionnel au prix de la nuitée pour les hébergements sans classement.

Recettes fiscales retenues pour le calcul de
la dotation des communes

Impôts ou taxes affectées
aux communes

Champ de la garantie communale

(du A du II)

Taxe sur la consommation finale délectricité

Taxe locale sur la publicité extérieure

Taxe de séjour et taxe de séjour forfaitaire

Taxe sur les remontées mécaniques

Prélèvement progressif sur le produit brut des jeux

Versement mobilité

Taxe de balayage

Taxe dhabitation

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Cotisation foncière des entreprises

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Taxe additionnelle à la TFPNB

Redevance communale des mines

Imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes

Taxe sur les éoliennes maritimes

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux

Taxe denlèvement des ordures ménagères

Taxe additionnelle aux droits denregistrement

Contribution sur les eaux minérales

10°

Taxe sur les surfaces commerciales

11°

Droits de place

12°

Octroi de mer

13°

Taxe spéciale de consommation sur les carburants

14°

Taxe sur les passagers de transports maritimes

15°

Source : commission des finances.

Le Rapporteur général note que plusieurs recettes fiscales communales ne sont toutefois pas prises en compte pour le calcul de cette dotation, notamment la taxe pour la GEMAPI, la taxe sur les convois, les inhumations et les crémations, la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains devenus constructibles, la taxe sur les friches commerciales, la taxe d’aménagement, le versement pour sous-densité, le prélèvement sur les paris hippiques, le prélèvement sur les jeux de cercle en ligne, la taxe sur les maisons de jeux ou encore la fraction de taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime dans les régions d’outre-mer.

L’absence de la taxe pour la GEMAPI du dispositif est justifiée par le fait que cette taxe est affectée à une compétence particulière (l’exercice de la compétence GEMAPI) et n’est pas concernée par les effets de la crise sanitaire (les collectivités adoptent un produit qui leur est garanti et réparti entre les quatre impositions locales foncières). Elle peut sembler également justifiée pour le versement pour sous-densité, la taxe d’aménagement et la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains devenus constructibles (recettes ponctuelles et fortement variables d’une année à l’autre en fonction des projets urbains de chaque collectivité), pour la taxe sur les friches commerciales (souvent instituées au cours de la période de référence), pour le prélèvement sur les paris hippiques (qui subit de fortes variations du fait de modifications législatives antérieures), pour le prélèvement sur les jeux de cercle en ligne (dont le montant n’est pas touché par la crise actuelle) et pour la taxe sur les convois, les inhumations et les crémations (du fait de l’épidémie de Covid-19). Elle est toutefois moins justifiée pour la taxe sur les maisons de jeux ou encore la fraction de taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime dans les régions d’outre-mer. La commission a ainsi adopté un amendement du Rapporteur général introduisant l’impôt sur les maisons de jeux pour le calcul de la dotation de compensation des pertes de recettes fiscales des communes ([173]).

Par ailleurs, le Rapporteur général note que le dispositif de garantie pour les communes n’inclut pas les recettes de la taxe additionnelle aux DMTO perçues par les communes non touristiques de moins de 5 000 habitants par le biais du fonds de péréquation départemental qui est réparti à leur profit en année N + 1 (article 1595 bis du CGI). En effet, du fait de ce mécanisme particulier, ce n’est qu’à compter de 2021 que des communes observeront une baisse de cette taxe.

Par ailleurs, il convient d’ajouter à ces recettes fiscales une partie des recettes non fiscales pour le calcul de la dotation, à savoir les redevances et recettes d’utilisation du domaine (16° du A du II). Ces redevances et recettes d’utilisation du domaine recouvrent la totalité des sommes imputées au compte 703 Recettes et redevances dutilisation des domaines des nomenclatures budgétaires et comptables M14-M57 du budget principal et des budgets annexes administratifs. Ce compte enregistre diverses redevances et produits des services tels que les droits de permis de stationnement et de location sur la voie publique, les rivières, ports et quais fluviaux et autres lieux publics, c’est-à-dire les droits perçus dans le cadre d’une autorisation exceptionnelle accordée à un tiers pour occuper temporairement la voie publique, le domaine public portuaire et fluvial ou le domaine public communal moyennant le versement d’une redevance.

En 2019, la somme des recettes imputées sur ce compte était de 1 496 millions d’euros pour les communes et de 248 millions d’euros pour les EPCI à fiscalité propre. Elle était de 1 359 millions d’euros pour les communes et de 204 millions d’euros pour les EPCI à fiscalité propre en 2018.

Pour éviter tout effet d’aubaine, le B du II du présent article dispose que les pertes de recettes ayant pour origine une mesure d’exonération, d’abattement, de dégrèvement ou de baisse de taux au titre de l’année 2020, mise en œuvre sur délibération de la commune concernée, sont exclues pour le calcul de la dotation. Cette mesure vise à limiter la compensation aux seules pertes financières issues de la crise économique, et non de la politique fiscale de la commune. Une mesure similaire concernant les baisses des tarifs des redevances et recettes d’utilisation du domaine mises en œuvre sur délibération des communes sera fixée par décret. En revanche, les hausses de taux ou de tarifs décidées par les communes seront prises en compte au titre de l’année 2020.

Parallèlement, le A du III précise les modalités de calcul de cette dotation pour chaque EPCI, ainsi que les recettes intercommunales entrant dans le champ du dispositif. Ainsi, pour chaque EPCI, la dotation est égale à la différence, si elle est positive, entre la somme des produits moyens perçus pour certaines recettes intercommunales entre 2017 et 2019 et la somme des mêmes recettes perçues en 2020. Les  à 9°du A du III précisent la liste des recettes fiscales prises en compte pour le calcul de la dotation.

Recettes fiscales retenues pour le calcul de
la dotation des EPCI

Impôts ou taxes affectées
aux intercommunalités

Champ de la garantie intercommunale

(du A du III)

Taxe sur la consommation finale délectricité

Taxe locale sur la publicité extérieure

Versement mobilité

Taxe de séjour et taxe de séjour forfaitaire

Taxe sur les remontées mécaniques

Prélèvement progressif sur le produit brut des jeux

Taxe dhabitation

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Cotisation foncière des entreprises

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Taxe additionnelle à la TFPNB

Imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux

Taxe denlèvement des ordures ménagères

Taxe pour la GEMAPI

Taxe sur les surfaces commerciales

Taxe spéciale de consommation sur les carburants

Source : commission des finances.

Par ailleurs, il convient d’ajouter à ces recettes fiscales, comme pour les communes, une partie des recettes non fiscales pour le calcul de la dotation, à savoir les redevances et recettes d’utilisation du domaine (10° du A du III).

Le Rapporteur général note que plusieurs recettes fiscales intercommunales ne sont toutefois pas prises en compte pour le calcul de cette dotation, notamment la taxe de balayage, la redevance des mines, la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains devenus constructibles, la taxe sur les friches commerciales, la taxe d’aménagement, le versement pour sous-densité et le prélèvement sur les paris hippiques. Comme pour les communes, l’absence du dispositif de garantie du versement pour sous-densité, de la taxe d’aménagement et de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains devenus constructibles peut sembler justifiée (recettes ponctuelles fortement variables d’une année à l’autre en fonction des projets urbains de chaque collectivité), de même que pour la taxe sur les friches commerciales (souvent instituées au cours de la période de référence), pour le prélèvement sur les paris hippiques (qui subit de fortes variations du fait de modifications législatives antérieures) et pour la taxe de balayage (aucun EPCI à fiscalité propre ne l’ayant instituée). Elle est toutefois moins justifiée pour la redevance des mines (pourtant éligible à la garantie communale), et pour la taxe sur les maisons de jeux.

En revanche, la prise en compte dans la garantie intercommunale de la taxe pour la GEMAPI ne semble pas justifiée, d’autant qu’elle n’est pas prise en compte pour la garantie communale : en effet, cette taxe est affectée à une compétence particulière (l’exercice de la compétence GEMAPI) et n’est pas concernée par les effets de la crise sanitaire (les collectivités adoptent un produit qui leur est garanti et réparti entre les quatre impositions locales foncières).

La commission a adopté un amendement du Rapporteur général ([174]) corrigeant plusieurs erreurs de référence qui conduisait, d’une part, à inclure doublement la TCFE et les taxes de séjour pour le calcul de la dotation des EPCI et, d’autre part, à inclure la taxe pour la GEMAPI dans le calcul de la dotation des EPCI.

De manière symétrique, le B du III du présent article dispose également que les pertes de recettes ayant pour origine une mesure d’exonération, d’abattement, de dégrèvement ou de baisse de taux au titre de l’année 2020, mise en œuvre sur délibération de l’EPCI concerné, sont exclues pour le calcul de la dotation. Une mesure similaire concernant les baisses des tarifs des redevances et recettes d’utilisation du domaine mise en œuvre sur délibération des EPCI sera fixée par décret. En revanche, les hausses de taux ou de tarifs décidées par les EPCI seront prises en compte au titre de l’année 2020.

Le IV du présent article précise que le montant de la dotation est notifié aux communes et aux EPCI à fiscalité propre par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, des collectivités territoriales et des outre-mer. À titre exceptionnel, le montant de la dotation pourra être constaté par les bénéficiaires en recettes de leur compte administratif 2020. L’objectif de cette mesure est de permettre aux communes et aux EPCI à fiscalité propre d’adopter et d’exécuter leur budget 2020 en équilibre (articles L. 1612-5 et L. 1612-14 du CGCT). Pour y parvenir, la dotation qui leur sera versée au titre du présent article sera rattachée au budget 2020, car un rattachement à l’exercice 2021 contraindrait ces collectivités à exécuter un budget en déficit, ce qui imposerait au préfet de saisir la chambre régionale des comptes pour proposer des mesures de redressement.

La commission des finances a adopté un amendement de M. Jean-René Cazeneuve ([175]), avec un avis favorable du Rapporteur général, précisant qu’aucune commune ou EPCI ne puisse toucher une dotation inférieure à 1 000 euros : ainsi ; une commune ou un EPCI dont la dotation serait inférieure à ce seuil verrait sa dotation portée à 1 000 euros.

Les modalités de versement de la dotation sont précisées au V du présent article qui dispose que la dotation fait l’objet d’un acompte versé en 2020, sur le fondement d’une estimation des pertes de recettes fiscales et de produits d’utilisation du domaine subies au cours de cet exercice, puis d’un ajustement par le versement d’un acompte en 2021. Toutefois, dans le cas peu probable où l’acompte serait supérieur à la dotation définitive, la collectivité concernée devra reverser l’excédent perçu.

Par ailleurs, le VI du présent article prévoit un mécanisme de garantie similaire pour les AOM sous la forme de syndicats mixtes, afin de prendre en compte la perte anticipée de versement mobilité en 2020. Ainsi, il est précisé que les groupements de collectivités territoriales qui, d’une part, exercent les compétences dévolues aux autorités organisatrices de la mobilité et, d’autre part, ont perçu en 2019 et en 2020 un produit de versement mobilité, sont éligibles à la dotation prévue par le présent article (soit une quarantaine de syndicats mixtes). Pour ces derniers, la perte de versement mobilité est calculée de la même manière que pour les communes ou les EPCI : le montant de la dotation est égal à la différence, si elle est positive, entre le produit moyen de versement mobilité perçu entre 2017 et 2019 et le produit de ce même versement perçu en 2020.

Le Rapporteur général note que le dispositif proposé introduit une différence de traitement entre les AOM constituées sous la forme d’un EPCI (qui bénéficieront de la garantie globalisée prévue au III du présent article, cette dernière incluant le versement mobilité) et les AOM constituées sous la forme d’un syndicat mixte (qui bénéficieront de la garantie spécifique au versement mobilité prévue au VI du présent article). Cette différence de traitement est toutefois justifiée par la situation financière différente entre une AOM constituée sous la forme d’un EPCI ou celle constituée sous la forme d’un syndicat mixte : dans le premier cas, l’EPCI bénéficie d’un panier de recettes, dans lequel les hausses des impôts directs locaux compensent les baisses du versement mobilité, alors que dans le second cas, le syndicat mixte ne bénéficie généralement que du versement mobilité et des contributions de ses membres.

Toutefois, le VII du présent article dispose spécifiquement que le présent article n’est pas applicable à l’établissement public IDFM. La commission a néanmoins adopté, à l’initiative du Rapporteur général ([176]), un amendement qui étend le bénéfice du présent article à IDFM, autorité organisatrice de la mobilité des transports de la région d’Île-de-France, au titre des pertes de versement mobilité subies en 2020 par rapport à la moyenne triennale des années 2017 à 2019. IDFM bénéficiera ainsi d’une dotation de compensation de ses pertes fiscales au même titre et dans les mêmes conditions que pour les AOM de droit commun. L’amendement prévoit le versement d’un acompte qui s’élève à 425 millions d’euros en 2020.

Le Rapporteur général note toutefois que le dispositif ne prévoit pas de mécanismes de compensation spécifique pour les groupements de collectivités territoriales qui perçoivent des taxes de séjour, la taxe sur les remontées mécaniques ou le produit brut des jeux. La commission des finances a ainsi adopté plusieurs amendements identiques ([177]) élargissant le dispositif de compensation aux syndicats mixtes ou pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) percevant les taxes de séjour pour les pertes subies en 2020 par rapport à la moyenne 2017-2019.

Enfin, le VIII du présent article dispose que les modalités d’application du présent article seront précisées par décret, notamment pour prendre en compte les modifications de périmètre des groupements de collectivités territoriales et pour préciser les conditions dans lesquelles ces groupements peuvent solliciter un acompte sur le montant de leur dotation.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

Le dispositif proposé par le présent article s’apparente à un mécanisme de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales des communes et intercommunalités, garantissant à ces collectivités territoriales un niveau de ressources de référence fixé à la moyenne des trois derniers exercices 2017, 2018 et 2019. Le recours à la moyenne triennale permet d’utiliser une base de référence plus stable (en particulier pour des collectivités qui auraient connu de fortes fluctuations de base ou de taux), mais a pour conséquence d’effacer une partie de la dynamique fiscale observée au cours des dernières années.

Le Rapporteur général s’interroge toutefois sur la méthodologie qui sera retenue pour le calcul de la dotation lorsqu’une commune ou un EPCI n’a institué ou n’a perçu une taxe qu’à compter de 2018 ou de 2019 (absence de trois années pleines du produit fiscal). Il souhaite ainsi que le décret d’application précise explicitement que seules les années pleines soient retenues pour l’établissement de la référence aux trois derniers exercices.

Le mécanisme prend également en compte les hausses de fiscalité qui interviendront en 2020, notamment du fait de la revalorisation automatique des bases fiscales des impôts locaux fonciers, et compense dès lors uniquement le solde net entre les pertes et les hausses pour chaque commune et EPCI.

Il n’intègre également qu’une partie des recettes non fiscales, en particulier les redevances et recettes d’utilisation du domaine. Il n’inclut ainsi pas les recettes tarifaires des services publics locaux, notamment pour les services de transport public de personnes, ni les dépenses exposées par les collectivités territoriales au titre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Ces dernières feront l’objet d’un traitement spécifique à travers la création d’une annexe spécifique « Covid-19 » au sein des budgets des collectivités territoriales. Certaines dépenses de fonctionnement inscrites sur cette annexe pourront être lissées dans le temps et être financées par l’emprunt.

L’évaluation préalable du présent article estime que le dispositif proposé devrait permettre le versement d’une compensation, par PSR de l’État, à hauteur de 500 millions d’euros, correspondant aux pertes de recettes observées par les communes et EPCI du fait de la crise sanitaire par rapport à la moyenne des recettes perçues entre 2017 et 2019. Selon les informations transmises au Rapporteur général, la répartition serait de 200 millions d’euros pour les communes (hors outre-mer), de 120 millions d’euros pour les communes d’outre-mer, de 80 millions d’euros pour les EPCI à fiscalité propre et de 45 millions d’euros pour les syndicats de transport. L’estimation prévoit également une marge si la baisse anticipée de certaines recettes s’avérait plus élevée.

Le Rapporteur général rappelle que les pertes anticipées par la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales s’élèvent à 2,5 milliards d’euros en 2020 par rapport à 2019, dont 855 millions au titre des pertes fiscales nettes. L’écart avec l’évaluation préalable du présent article s’explique par la méthode de calcul de la dotation retenus par le présent article.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF290 de M. Robin Reda, CF349 de Mme Émilie Bonnivard, CF398 de M. Marc Le Fur, CF442 de Mme Véronique Louwagie et CF990 de Mme Christine Pires Beaune, ainsi que les amendements CF252 de M. Charles de Courson, CF1322 de M. Stéphane Baudu et CF248 de M. Charles de Courson.

M. Robin Reda. L’amendement CF290 est le premier d’une série ayant pour objet d’interpeller sur la situation des régions, qui semblent tenues à l’écart des dispositifs de compensation des pertes de recettes subies pendant la crise sanitaire. Les régions supportent des dépenses supplémentaires, liées à leur très forte implication durant l’épidémie, qu’elles estiment à 1,7 milliard d’euros. Par ailleurs, elles anticipent des pertes – qui pourraient atteindre 4 milliards d’euros – au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui est perçue avec un décalage d’un an.

Il nous paraît évident d’inclure les régions dans les dispositifs de compensation des pertes de recettes et des dépenses supplémentaires, à l’image de ce qui a été fait pour les autres collectivités territoriales. Sinon, elles n’auraient d’autre choix que de s’endetter encore davantage ou de réduire plusieurs services essentiels à la population, tels que les transports – on en parlera abondamment au sujet de l’Île-de-France –, les lycées et la participation à la relance économique, à laquelle elles participent au premier chef.

Mme Émilie Bonnivard. Nous aimerions comprendre pourquoi les régions ne bénéficient pas des mécanismes de compensation, alors qu’elles ont été les premières à cofinancer les outils économiques, comme le fonds de solidarité. Elles ont, par ailleurs, beaucoup contribué aux dépenses relatives à l’achat de masques et de matériel de protection quand l’État était défaillant, et elles ont pris de nombreuses mesures d’accompagnement des entreprises dans tous les secteurs.

Il convient de mesurer les conséquences de leur situation sur tous les programmes d’investissement qu’elles avaient engagés, notamment en matière de transports et de réhabilitation des lycées, qui font travailler un très grand nombre d’entreprises locales, tant dans le secteur ferroviaire que dans celui du bâtiment. Cela risque de porter un coup aux entreprises et à l’économie au sein des territoires.

Mme Christine Pires Beaune. Je ne comprends pas pourquoi les régions sont exclues a priori de la compensation puisque, de toute façon, on calculera les pertes réelles.

M. Charles de Courson. Les articles du projet de loi concernant les collectivités territoriales sont étranges. C’est une bonne idée de créer un filet de sécurité pour les communes et les intercommunalités, mais pourquoi en exclure les départements et les régions ?

Les départements, en particulier, sont les collectivités les plus affectées par la crise, et on leur propose des avances qu’ils devront rembourser en deux ans. Ce n’est pas possible ! L’hypothèse retenue est qu’on reviendra très vite à la situation antérieure en matière de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), mais bien malin qui peut dire ce qui adviendra. La sagesse consisterait à étendre le filet de sécurité institué pour le bloc communal immédiatement aux départements et peut-être aussi – au moins l’année prochaine – aux régions. Les départements sont d’ores et déjà affectés par l’effondrement des DMTO, qui devrait atteindre 25 %, selon le Gouvernement, mais qui serait plus proche de 30 %, d’après les chiffres des notaires que j’ai recueillis.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CF1322 vise à inclure les groupements de communes autres que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dans le champ de la mesure de compensation visée par l’article.

M. Charles de Courson. À côté des EPCI à fiscalité propre, d’autres structures subiront les pertes de recettes fiscales visées par l’article 5, comme les syndicats mixtes. Par l’amendement CF248, je vous propose donc d’ajouter les mots : « ou aux établissements publics bénéficiant des recettes visées au III du présent article ».

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’aide de l’État aux collectivités, prévue par les articles 5, 6 et 7 du projet de loi, se calque sur les pertes qu’elles auront subies au cours de l’année 2020. Ces dispositions ont été élaborées à partir, notamment, des travaux de la mission conduite par Jean-René Cazeneuve, qui a établi le niveau des pertes des collectivités et des garanties dont elles disposent. Les mécanismes proposés par le texte visent à compenser la différence entre les premières et les secondes.

Les régions percevront des recettes relativement stables en 2020, puisque la CVAE et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) ne seront pas touchées au titre de cette année. La perte nette de recettes fiscales subie par les régions, après l’application des mécanismes de garantie existants, devrait s’élever à 581 millions d’euros, soit moins de 10 % de la capacité d’autofinancement brut des régions, contre 2,6 milliards d’euros et 30 % pour les départements. Je ne dis pas que les régions ne subiront pas de pertes en 2020 ; j’établis simplement une comparaison avec les départements.

J’ajoute que les pertes seront concentrées, notamment, sur les régions d’outre-mer, qui subiront une diminution de recettes de 97 millions d’euros, au titre de l’octroi de mer et de la taxe spéciale de consommation sur les carburants. Elles font l’objet d’un traitement spécifique à l’article 6.

Pour faire face à ces pertes, les régions bénéficient déjà de mécanismes de garantie inscrits dans la loi, à hauteur de 500 millions d’euros, soit un soutien financier similaire à celui qui est apporté au bloc communal. Une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée aux régions résulte de transferts de compétences et ne sera pas affectée par les fluctuations de recettes nationales. En outre, la part de TVA affectée aux régions est garantie par rapport à l’année 2017. C’est pour ces raisons qu’il n’est pas prévu d’intégrer l’échelon régional au mécanisme de l’article 5. Je propose que nous nous en tenions à cela, sachant que l’article 6 prend en compte la spécificité des régions d’outre-mer, en particulier s’agissant de l’octroi de mer. À ce stade, je vous demande donc de retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Les contrats de plan État-région (CPER) à venir seront évidemment l’occasion de discuter des projets d’investissement des régions, car la question se pose, effectivement. Des rendez-vous réguliers auront lieu. Les articles 5 à 7 du projet de loi ne valent pas pour solde de tout compte : il s’agit d’une étape, fondée sur l’évaluation actuelle des pertes fiscales des différentes collectivités – bloc communal, départements et régions, outre-mer compris.

M. Jean-René Cazeneuve. Entre la garantie de plus de 500 millions d’euros, la disposition spécifique pour les régions d’outre-mer, dont le montant varie, selon les estimations, entre 60 et 100 millions d’euros, la possibilité d’inscrire dans le compte covid l’intégralité des dépenses liées à la pandémie, le basculement du fonds de soutien dans la section d’investissement et la mesure spécifique concernant Île-de-France Mobilités à venir, on ne peut pas dire que rien n’est fait pour les régions.

Au demeurant, si on appliquait aux régions le même système de garantie que pour les communes, il ne se traduirait par aucune compensation. Dans le bloc communal, il existe des écarts très importants d’une commune à une autre, d’un EPCI à un autre, en fonction du profil des ressources fiscales – les communes d’outre-mer percevant beaucoup d’octroi de mer vont plonger en 2020, de même que les communes tirant leurs ressources du tourisme. Le système de garantie est destiné à aider les communes accusant une perte très significative. Les ressources des régions, dans la mesure où elles sont fondées, pour l’essentiel, sur des parts d’impôts nationaux, évoluent toutes de la même manière : il y a très peu d’écart d’une région à une autre. C’est la raison pour laquelle aucune des régions métropolitaines n’enregistre de perte significative.

M. le président Éric Woerth. Pour votre information, Mme Pannier-Runacher a annoncé au Sénat qu’il y aurait un quatrième PLFR au mois de septembre.

M. Gilles Carrez. La question de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises va se poser en 2021. Les régions perçoivent 50 % de la CVAE, pour un total de 8 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable. Même si elles ont d’autres recettes, cela risque de leur poser problème en 2021, dans la mesure où le rendement de la CVAE est directement lié au PIB, lequel résulte de l’addition des valeurs ajoutées.

De ce point de vue, la métropole du Grand Paris constitue un cas particulier, car elle ne perçoit que la CVAE. Son budget est de plus de 3 milliards d’euros. À travers les attributions de compensation, elle rembourse 2,88 milliards aux communes, ce qui veut dire qu’il lui reste 120 millions pour tout simplement exister. Or, la CVAE que perçoit la métropole du Grand Paris s’élève à 1,25 milliard d’euros. Une diminution de 10 % de la CVAE entraîne donc un déficit de la section de fonctionnement. Cela ne se voit pas cette année, mais se verra l’an prochain. Nous devons donc réfléchir au phénomène de la CVAE dès maintenant pour envisager la situation l’année prochaine, et sans doute dès le projet de loi de finances pour 2021.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, on peut comprendre votre argumentaire pour l’année 2020 concernant les régions, à l’exception près de la collectivité territoriale de Corse, qui est à la fois département et région. Ses pertes de recettes sont estimées à 104 millions sur 580 millions d’euros, soit plus de 15 %.

En revanche, vous n’avez pas répondu aux objections concernant les départements. La baisse des droits de mutation – car c’est essentiellement de cela qu’il s’agit – est immédiate. Elle est estimée à 25 % dans le projet de loi de finances rectificative – certains observateurs l’évaluent plutôt à 30 %. Prévoir des avances remboursables en deux ans, par moitié, en 2021 et 2022, n’est pas raisonnable. Pourquoi ne pas étendre aux départements le dispositif destiné au bloc communal, comme je le propose à travers l’amendement CF252 ? Beaucoup de communes ou d’intercommunalités qui vont bénéficier de l’article 5 dans sa rédaction actuelle subissent des pertes de recettes moins fortes que les départements, qui eux n’y ont pas droit ; ce n’est pas logique.

M. Jean-Paul Dufrègne. Beaucoup de départements sont déjà dans une situation financière tendue. L’effet de ciseaux va être terrible, et plus encore d’ailleurs dans les départements très ruraux, car ils sont touchés immédiatement et plus fortement que les autres par la diminution des droits de mutation à titre onéreux, tandis que l’activité y redémarre plus tard et plus lentement. Il faut donc vraiment que les départements bénéficient d’un prélèvement sur recettes de l’État, au même titre que les communes et les EPCI. Je suis également d’accord pour dire qu’il n’est pas raisonnable de demander aux départements un remboursement des avances sur deux ans.

Il faut aller beaucoup plus loin, sous peine de voir certains départements plongés dans de grandes difficultés ; ils ne pourront pas accompagner le plan de relance que vous appelez de vos vœux ni venir en aide aux personnes les plus fragiles. Les départements comme le mien, où la moyenne d’âge est supérieure à la moyenne nationale, les revenus inférieurs et la proportion de personnes touchant le RSA plus importante, sont condamnés à court terme.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est évident que la perte de CVAE va affecter les régions. Au moment du transfert des départements aux régions de la compétence en matière de transports, la moitié de la CVAE leur a été affectée. J’ose espérer que l’intégralité des baisses de recettes liées à la CVAE sera prise en compte, et non pas seulement cette part, faute de quoi les départements souffriraient d’un double effet de cliquet.

Mme Claudia Rouaux. Les régions sont obligées d’assurer à 100 % la perte de recettes pour le transport maritime, à 30 % pour le transport ferroviaire et à 50 % pour le transport par car. En réalité, elles ont payé quasi intégralement tous leurs prestataires, de peur de les voir disparaître. En particulier, en matière de transports scolaires, le risque était grand que plus aucune petite entreprise ne soit en mesure d’assurer le transport des élèves à la rentrée. Les pertes de recettes des régions, et sans doute aussi des départements, me paraissent donc sous-estimées, notamment s’agissant de la compétence transports.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Carrez, je suis d’accord pour que nous travaillions ensemble, de manière transpartisane, sur le cas particulier de la métropole du Grand Paris. Hors les difficultés liées au Covid-19, les problèmes de fiscalité locale commencent à s’accumuler entre la métropole, les établissements publics territoriaux, le bloc communal de façon générale, et les départements et la région, notamment à propos de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la dotation d’intercommunalité. Tout doit être remis à plat dans la perspective du PLF pour 2021, afin d’éviter que nos débats ne soient brouillons.

Monsieur de Courson, vous me demandez pourquoi nous utilisons un mécanisme d’avance pour les départements. C’est une bonne question, que je me suis moi-même posée. Il se trouve que les DMTO ont une évolution différente : ils baissent plus rapidement, mais augmentent plus vite aussi par la suite. L’effet de rattrapage au cours des années suivantes devrait permettre de lisser la perte, ce qu’illustre, dans mon rapport, une courbe en V dont la seconde partie est assez marquée. Le phénomène devrait, en toute logique, se reproduire à la sortie de la crise actuelle. C’est une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a fait le choix d’une avance.

M. Charles de Courson. J’ai été surpris que l’amendement CF248 soit mis en discussion commune avec les autres, car il n’a rien à voir avec eux : il s’agit d’intégrer au dispositif certains établissements publics qui ont été oubliés, et à propos desquels M. le rapporteur général ne m’a d’ailleurs pas répondu. La taxe de séjour et le prélèvement sur les produits bruts des jeux, par exemple, concernent aussi des syndicats mixtes.

M. le président Éric Woerth. Il s’agissait, par bienveillance, de vous permettre de le défendre, ce que vous n’auriez pas pu faire si l’un des amendements en discussion commune précédents était adopté, faisant tomber celui-ci.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF290, CF349, CF398, CF442 et CF990, ainsi que les amendements CF252, CF1322 et CF248.

Elle examine l’amendement CF991 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Les articles 5, 6 et 7, qui concernent respectivement les EPCI et les communes, les régions d’outre-mer et les départements, sont évidemment les bienvenus. Néanmoins, ce n’est pas du sur-mesure. Si la situation des régions est assez uniforme parce qu’elles sont moins nombreuses, certains départements vont très bien et d’autres très mal, et le bloc communal présente une grande hétérogénéité entre les différentes communes et les différents EPCI. Seules les recettes patrimoniales et fiscales sont prises en compte, ce qui risque de poser problème à certaines petites communes dont les recettes tarifaires représentent une part importante des ressources et financent le fonctionnement, alors même qu’il leur a bien fallu continuer à payer le personnel titulaire. Je déplore donc qu’on ne fasse pas un peu plus dans la dentelle. Il aurait été tout à fait possible de prendre en compte la situation de chaque collectivité, indépendamment du fait de savoir s’il s’agit d’une commune, d’un EPCI, d’un département ou d’une région.

M. le président Éric Woerth. J’ai moi-même déposé un amendement relatif aux recettes tarifaires et aux charges fixes.

Mme Christine Pires Beaune. Il faut inclure les recettes tarifaires dans le mécanisme de compensation. Vous imaginez bien qu’une commune de 500 habitants, ayant une cantine en régie et servant 100 % de bio toute l’année aux enfants, a dû continuer à payer le personnel, même si, par ailleurs, elle n’avait plus à acheter de produits alimentaires.

M. le président Éric Woerth. Absolument.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un sujet important ; peut-être Jean-René Cazeneuve pourra-t-il préciser ma réponse, car il l’aborde dans son rapport par le biais des économies potentielles. Le fond de ma pensée est que, dans cette séquence consacrée à l’accompagnement des collectivités territoriales par l’État, on est obligé de procéder par étapes, au fur et à mesure qu’on est en situation d’évaluer les pertes : dans un premier temps les pertes de recettes fiscales, ce que nous faisons ici, et dans un second temps les pertes de recettes tarifaires. J’aimerais que, dans ce texte, nous nous en tenions à la compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales, que nous appréhendons mieux, à ce stade, que la baisse des dépenses de fonctionnement, directement liée à celle des recettes tarifaires. Je vous donne rendez-vous plus tard pour évaluer ce second volet, ce qui n’empêche pas que nous abordions le sujet en séance.

L’amendement CF991 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF434 de Mme Véronique Louwagie et CF1072 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que les amendements CF373 et CF943 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF434 vise à modifier la base retenue pour la compensation des communes et de leurs groupements. L’article 5 prévoit de retenir la moyenne lissée des années 2017, 2018 et 2019, or les recettes visées ont connu une progression telle que cette méthode de calcul n’est pas avantageuse pour les communes. Nous proposons donc de retenir les recettes de 2019, de manière à procéder à une véritable compensation et que les communes retrouvent un niveau de recettes correspondant à celui qu’elles avaient jusqu’à présent.

Mme Marie-Christine Dalloz. En se fondant sur la moyenne des trois dernières années plutôt que sur 2019, la différence, pour le bloc communal, est de l’ordre de 5 milliards d’euros. Votre décision d’accompagner à hauteur de 750 millions d’euros les baisses de recettes du bloc communal est donc très éloignée de la réalité.

Mme Claudia Rouaux. L’amendement CF373 vise aussi à calculer les pertes en se fondant sur l’année 2019 et non sur le triennal 2017-2019. L’investissement a reculé entre 2014 et 2019 : outre les baisses de dotations, certains investissements ont tardé en raison de nombreuses inconnues. Par ailleurs, ce troisième PLFR abandonne la dette liée au Covid‑19 aux collectivités locales. J’ai rencontré dernièrement le maire d’une commune de 200 habitants, dotée d’une école. En deux mois, le Covid‑19 lui a coûté 30 000 euros. Dans l’hypothèse où nous verrions un retour de l’épidémie, et si l’État n’aide pas, il dit qu’il n’ouvrira pas l’école en septembre. 

L’objet de l’amendement CF943 est similaire. Une fois de plus, je ne comprends pas pourquoi les départements et les régions n’entrent pas dans le champ de l’article 5.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai du mal à comprendre comment vous arrivez à une différence de 5 milliards d’euros, madame Dalloz – à moins que vous n’ajoutiez les recettes fiscales et tarifaires sur plusieurs années, mais dans ce cas nous n’avons pas le même référentiel. La perte nette de recettes fiscales par rapport à l’année précédente se situe plutôt aux alentours de 855 millions.

Pourquoi se fonder sur la moyenne des trois dernières années ? Si l’on peut effectivement penser, au premier abord, que ce mode de calcul est défavorable, il ne faut pas oublier qu’il existe plusieurs recettes fiscales, dont la dynamique n'est pas la même et les fluctuations sont croissantes. Certaines impositions sont cycliques – la CVAE, la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), les DMTO, ou encore le versement mobilité (VM), dont nous reparlerons, et la taxe spéciale sur la consommation de carburants. Pour certaines impositions, il est même moins avantageux de prendre uniquement pour référence l’année 2019. La proposition du Gouvernement me paraît donc juste, et j’émettrai un avis défavorable sur ces amendements.

Quant à l’exemple que vous avez cité, madame Rouaux, il s’agit typiquement d’une dépense qui pourra être financée par le compte covid.

M. Jean-René Cazeneuve. Dans un monde idéal, on pourrait effectivement intégrer les recettes tarifaires. Nous le faisons pour la partie domaniale, car il n’y a absolument aucune compensation pour les pertes enregistrées, alors qu’il en existe pour celles dont vous parliez, notamment du fait d’une diminution des dépenses : quand une cantine ferme, il n’y a plus de matière première ni de flux à payer, ce qui permet de réaliser des économies, même si, par ailleurs, certaines décisions prises par les élus, notamment l’instauration de la gratuité, rendent difficile la mesure précise du phénomène. Quoi qu’il en soit, le mécanisme proposé intègre 88 % des recettes totales du bloc communal, soit leur quasi-totalité. De plus, nous aurions beaucoup de mal à entrer dans le détail pour 35 000 communes.

Par ailleurs, nous sommes ici dans le cadre de mesures d’urgence destinées à aider les collectivités susceptibles de rencontrer des difficultés entre juillet et septembre. D’autres étapes permettront de tirer les leçons de la crise et d’en mesurer l’ampleur exacte pour les collectivités locales, que personne ne connaît encore pour l’instant.

Mme Christine Pires Beaune. Ce que dit M. Cazeneuve est vrai en général, mais pas en particulier : une petite commune n’ayant ni recettes domaniales ni parkings en zone touristique a tout de même des charges liées aux services publics qu’elle offre à sa population. Je suis d’accord avec vous pour dire que, quand une cantine en régie est fermée, le coût des achats alimentaires disparaît, mais celui du personnel chargé de préparer les repas et de les servir, lui, est toujours là.

Il est faux, par ailleurs, de dire que nous ne disposons pas de tous les éléments. Les recettes de fonctionnement réelles sont connues. C’est même l’un des critères qui ont servi à baisser les dotations des collectivités territoriales. On pourrait envisager un amendement faisant en sorte que, dès lors qu’une collectivité territoriale connaît une baisse supérieure à une certaine proportion de ses recettes réelles de fonctionnement – y compris sur la base d’une moyenne –, elle soit éligible à un fonds exceptionnel.

M. le président Éric Woerth. Comme pour les entreprises !

La commission rejette successivement les amendements identiques CF434 et CF1072, ainsi que les amendements CF373 et CF943.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CF159 de M. Jean-René Cazeneuve, les amendements identiques CF613 de Mme Patricia Lemoine, CF1000 de Mme Christine Pires Beaune et CF1375 de M. Damien Pichereau, l’amendement CF756 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques CF289 de M. Robin Reda, CF351 de Mme Émilie Bonnivard, CF443 de Mme Véronique Louwagie et CF633 de Mme Frédérique Dumas, l’amendement CF1483 du rapporteur général et l’amendement CF366 de M. Gilles Carrez.

M. Jean-René Cazeneuve. Le dispositif de garantie, tel qu’il est proposé, est assez juste ; il intègre la totalité des recettes, sans faire le bilan de chacune d’entre elles, ce qui serait beaucoup plus compliqué, mais aussi, probablement, incertain. Il ne prend en compte que les cumuls d’écarts significatifs par rapport aux années de référence, qui étaient tout de même de bonnes années du point de vue de la fiscalité. Le versement mobilité est donc, par définition, fortement compensé, puisqu’il représente une part importante de la fiscalité des EPCI, des communes et des syndicats. Toutefois, vu l’importance de la mobilité, aussi bien dans le fonctionnement du bloc communal que vis-à-vis de nos citoyens, on pourrait envisager de la considérer à part, mais selon le même mécanisme de comparaison entre la situation réelle en 2020 et la période 2017-2019. Je souhaite seulement poser la question au Gouvernement : je retire l’amendement CF159 pour le retravailler en vue de la séance.

Mme Patricia Lemoine. L’amendement CF613 a pour objectif de compenser les pertes de ressources liées au versement mobilité pour l’ensemble des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Nous vous proposons, à cette fin, de réécrire les alinéas 40 à 43.

M. Robin Reda. L’amendement CF289 n’est certes pas idéal, mais il a le mérite d’ouvrir la discussion sur la question d’Île-de-France Mobilités, que nous allons aborder longuement, notamment à travers les amendements de Gilles Carrez.

J’ai bien compris l’argument consistant à mettre en avant l’effet retard, notamment pour les pertes de recettes liées à la CVAE. Les pertes de versement mobilité et celles résultant du déficit d’exploitation commerciale des transports, en revanche, sont bien réelles et peuvent être mesurées dès à présent. La vérité est que, pendant quatre mois, l’État a laissé la région Île-de-France participer à l’effort national, notamment en assurant la continuité du service public et des transports en commun. Elle a payé à 100 % les opérateurs – la SNCF et la RATP –, pour un service qui n’a pas dépassé 30 % d’usagers pendant la période du confinement. L’État a également imposé les règles les plus strictes d’Europe dans les transports en commun au moment du déconfinement, souvent avec raison d’ailleurs, notamment en ce qui concerne la distanciation, laquelle a beaucoup limité la capacité pendant les premières semaines. Or les discussions préalables ont montré que personne n’était en mesure de s’engager à ce que les pertes d’exploitation commerciale et les pertes de versement mobilité d’Île-de-France Mobilités soient compensées intégralement.

Je retire mon amendement, mais nous reparlerons de la question, et vous devrez clarifier votre position : pourquoi le Gouvernement en veut-il aux régions, tant pour les pertes de CVAE que pour les pertes de versement mobilité ?

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement CF351 est identique, et je le retire moi aussi. Nous laisserons à Gilles Carrez le soin d’évoquer le sujet. Je me contenterai de souligner que la région Île-de-France a subi une perte de 600 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Tous les organismes touchant le versement mobilité doivent être traités de la même façon, quelle que soit leur forme juridique. Tel est l’objectif de cette série d’amendements. On peut toujours dire qu’ils sont imparfaits, mais il n’en reste pas moins qu’il faut absolument parvenir à ce résultat, car il n’est pas acceptable que le versement transport soit compensé pour certains mais pas pour tous.

Du reste, monsieur le rapporteur général, ce que l’on observe à propos du versement mobilité est également valable pour d’autres recettes, par exemple la taxe de séjour et le prélèvement sur les jeux, qui vont aussi à des syndicats mixtes. Nous devons réussir à rédiger une disposition permettant de neutraliser la forme juridique de l’organisme bénéficiant de la taxe.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement CF1483 fait écho au souhait de M. Reda. Je propose, moi aussi, qu’Île-de-France Mobilités bénéficie, comme l’ensemble des autres AOM, d’une compensation par l’État des pertes de versement mobilité subies en 2020, en se fondant sur la moyenne des recettes des années 2017 à 2019. Nous en débattons depuis plusieurs jours, et le sujet a fait, hier, l’objet d’une question au Gouvernement.

En revanche, tout le monde ne s’accorde pas sur les montants en jeu. De fait, le versement mobilité d’Île-de-France Mobilités (IDFM) est particulièrement dynamique, ce qui ne rend pas simple d’estimer les pertes finales. Je propose de faire la moyenne des différentes évaluations, soit 425 millions d’euros, et de verser cette somme sous la forme d’un acompte, ce qui permettra à IDFM, sitôt la loi promulguée, de disposer des ressources lui permettant de faire face à ses obligations financières, en particulier vis-à-vis de ses opérateurs – SNCF Réseau et la RATP, notamment. Ce faisant, nous répondons à l’urgence financière pour IDFM, au même titre que pour les autres AOM de France qui ont perdu des recettes de versement mobilité. Là encore, procédons par étapes : nous verrons dans un second temps quelles sont les pertes définitives de versement mobilité pour Île-de-France Mobilités. Si elles s’avèrent moindres que prévu, l’organisme devra rembourser ; si elles sont plus importantes, l’État compensera à due concurrence.

Gilles Carrez parlait tout à l’heure du Grand Paris. De la même manière, il faudra que nous connaissions mieux la stratégie d’Île-de-France Mobilités pour les prochains mois et les prochaines années, notamment au regard des investissements d’avenir. D’ailleurs, nous ne pourrons pas la décorréler de celle de la Société du Grand Paris. Vous avez demandé que nous nous mettions autour de la table pour discuter de la métropole du Grand Paris ; j’appelle à faire de même pour les transports en commun franciliens, à la lumière de la crise, des difficultés financières, mais aussi du rapport de la chambre régionale des comptes publié récemment.

M. le président Éric Woerth. Il est quand même dommage que le débat sur Île-de-France Mobilités soit éclaté entre l’article 5 et des amendements portant article additionnel après l’article 6.

M. Gilles Carrez. J’ai apprécié que figure, dans l’article 5, une disposition visant spécifiquement les autorités organisatrices de transport qui ne perçoivent que le versement mobilité. C’est une très bonne chose, même si cela pose des problèmes de distorsion, qu’il faudra résoudre. Je ne comprends pas, en revanche, pourquoi le paragraphe suivant exclut l’AOM qui perçoit la moitié du versement mobilité national – 4,7 milliards d’euros –, à savoir Île-de-France Mobilités. Le rapporteur général pourrait-il nous expliquer les raisons de ce choix du Gouvernement ?

Le problème tient aussi à la spécificité du versement mobilité en Île-de-France : chaque fois, en exécution, on constate que sa dynamique est très supérieure à ce qui était prévu. Quand IDFM anticipait – avant le Covid‑19, bien entendu – une augmentation de 3,7 %, soit environ 4,9 milliards en 2020 contre 4,7 milliards en 2019, c’était une prévision sincère. À cet égard, la règle de la moyenne des trois dernières années est particulièrement inadaptée. Un député du Val-de-Marne ne peut que savoir que le taux du versement transport dans ce département augmente fortement : il était de 1,80 % en 2015 et de 2,54 % en 2019. Cette dynamique du taux n’est pas prise en compte dans le calcul envisagé, pas davantage d’ailleurs que celle de la masse salariale. Pour ces raisons, il me semble que l’acompte, à 425 millions d’euros, est sous-évalué. Nous estimons plutôt à 600 millions d’euros au minimum le montant qui permettrait d’éviter d’avoir à verser un complément important en 2021 et des problèmes de trésorerie dès à présent.

Enfin, la perte des recettes tarifaires est importante. Prévoyez-vous un système d’avance remboursable, à la lumière du programme d’investissement lié au Grand Paris Express ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En ce qui concerne le fait que les AOM aient des recettes différentes, nous devons avoir une discussion avec le Gouvernement, comme l’a très bien dit Jean-René Cazeneuve. La question est légitime. En attendant, ce qui est proposé dans l’article est cohérent : certaines AOM sont constituées sous forme d’EPCI, d’autres sous forme de syndicat mixte, ce qui fait qu’elles n’ont pas les mêmes recettes et que les compensations doivent elles aussi être différentes. Faut-il essayer d’harmoniser ? Pourquoi pas. Il faut aussi avoir ce débat avec le Gouvernement, auquel il serait bon que nous puissions présenter les conclusions d’un dialogue transpartisan quant au réel intérêt d’une harmonisation – il est possible que les différences ne soient pas si problématiques que cela.

Monsieur Carrez, vous avez raison, l’alinéa 44 excluait Île-de-France Mobilités. C’est précisément pour cette raison que nous avons été plusieurs à déposer des amendements, y compris moi. L’enjeu est de mettre IDFM au même niveau que les autres AOM, quand bien même la dynamique du versement mobilité est plus importante en Île-de-France, ce dont je suis conscient. Mais, pour le coup, l’égalité commande que nous appliquions le même traitement à l’Île-de-France qu’au reste du territoire. Nous ne saurions passer d’une exclusion d’Île-de-France Mobilités à un traitement différencié pour cette AOM.

Je l’ai dit, ma priorité – qui est aussi, je crois, celle de mes collègues franciliens de la majorité – est d’inclure Île-de-France Mobilités dans le mécanisme de compensation budgétaire de la perte de versement mobilité : même équation, même mécanisme, même base de calcul. Il y aura d’autres rendez-vous pour discuter avec Île-de-France Mobilités aussi bien des finances – il me semble, à cet égard, que l’acompte prévu permet à la fois d’éviter une augmentation du prix du pass Navigo et de payer les opérateurs –, que de sa stratégie pour la suite. Les discussions autour du CPER et le PLF pour 2021 seront des occasions pour mener ces débats.

Peut-être y aura-t-il un rattrapage ? 425 millions d’euros représentent déjà une somme conséquente demandée aux contribuables français pour les transports franciliens – et ce alors que cette aide ne s’accompagne pas d’un transfert de compétence : la région reste évidemment l’autorité en charge. L’État attribue une aide à cette autorité organisatrice de la mobilité, au même titre qu’il le fait sur le reste du territoire, et selon la même base de calcul. Nous nous reverrons un peu plus tard dans l’année pour évaluer la perte définitive. Il faudra aussi que toutes les autorités compétentes en la matière prennent leur part de l’aide financière et participent à l’élaboration de la stratégie de demain.

Je suis défavorable à tous les amendements de cette série, à l’exclusion de celui que j’ai présenté.

M. le président Éric Woerth. Le fait qu’Île-de-France Mobilités, première autorité organisatrice de transports en France, soit exclue de l’article 5 était pour le moins surprenant. Il reviendra au Gouvernement de nous en donner les raisons, car il ne peut s’agir d’un oubli. Quant au deuxième point, il est également étrange et fait penser à une finasserie.

Vous devriez dire que l’État compensera l’ensemble des pertes de recettes du versement mobilité aux différentes autorités organisatrices de mobilité, comme l’ont fait la plupart des autres pays. Vous avez défini des plans pour les industries aéronautique, ferroviaire et automobile. Pourquoi le transport public serait-il moins bien traité que les autres secteurs ? L’intégrer est une chose, mais il faudrait préciser à quel niveau, car les 425 millions d’euros que vous proposez sont très inférieurs aux pertes fiscales et commerciales, qui sont considérables.

Si l’État ne compense pas ces pertes de recettes, qui restent à la charge de chaque région, vous acceptez l’idée que le prix du pass Navigo augmentera fortement en Île-de-France. Vous pouvez l’assumer, mais la situation sera probablement semblable dans les autres régions.

La façon dont la majorité a engagé le débat est pour le moins curieuse. Je ne comprends pas que des mesures qui pourraient être claires, ne le soient pas.

M. Francis Chouat. S’agit-il d’un débat d’amendement ou d’une discussion dans laquelle chacun envoie ses missiles ?

M. le président Éric Woerth. Les amendements ont été défendus. N’hésitez pas à intervenir.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, votre amendement CF1483 ne résout qu’une partie du problème. Vous voulez rédiger l’alinéa 44 en indiquant que « cette dotation fait l’objet d’un acompte versé en 2020 de 425 000 000 euros ». Dans les autres collectivités territoriales, le montant de l’acompte sera vraisemblablement calculé, par arrêté des préfets, dans la limite de la dotation globale de 750 millions d’euros. Pourquoi concevez-vous un dispositif spécifique pour l’Île-de-France ? L’acompte devrait être intégré dans l’ensemble des sommes versées.

M. Jean-René Cazeneuve. Il ne semble pas judicieux de comparer les plans aéronautique ou automobile avec le plan de soutien aux collectivités territoriales. Dans les premiers, l’État ne dit pas qu’il compensera à l’euro près la perte de chiffre d’affaires ou de bénéfices de l’ensemble des constructeurs automobiles. La crise frappe plus ou moins les secteurs industriels ou les différents types de collectivités territoriales. Il paraît juste d’adopter des approches spécifiques.

Par ailleurs, il faut garder à l’esprit la responsabilité des collectivités territoriales. On ne peut pas considérer l’État comme un garant absolu qui compenserait les collectivités à l’euro près, d’autant que la situation financière de ces dernières est bien meilleure que la sienne. Il n’est pas logique d’augmenter la dette de l’État alors que les collectivités disposent de marges de manœuvre grâce à leur gestion, ce dont nous nous réjouissons.

L’État a déjà été très présent auprès des opérateurs de mobilité, notamment avec le dispositif d’activité partielle ou les prêts garantis. Ces dispositifs ont en particulier concerné les opérateurs d’Île-de-France Mobilités, qu’il s’agisse de la RATP ou de la SNCF. Il faut donc prendre en compte l’ensemble des mesures, et ne pas établir des comparaisons déplacées.

M. le président Éric Woerth. En l’occurrence, comparaison est bien raison.

M. Robin Reda. Que le rapporteur général nous invite à parler ensemble de la stratégie future m’inquiète, si l’État et la majorité gouvernementale attendent que nous leur baisions la babouche, nous prosternions et nous roulions par terre pour obtenir quelques millions. La région Île-de-France, qui a le premier réseau de transports d’Europe, donc de France, est aujourd’hui, en situation de cessation de paiement. Vous voulez en faire un sujet politique alors qu’il est éminemment technique, Gilles Carrez l’a bien précisé.

Les transports de cette région sont sans commune mesure avec ceux des autres métropoles régionales. Le dispositif appliqué ne peut être le même. Le Gouvernement, qui prône la différenciation dans un futur projet de loi, ne veut pas l’envisager pour l’Île-de-France et le Grand Paris, notamment pour son réseau de transports, mais il est temps de regarder la réalité en face.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Reda, êtes-vous surpris ou choqué lorsque M. Carrez dit qu’il faut se mettre autour de la table pour évoquer la stratégie de la métropole du Grand Paris ou du Grand Paris Express ? Je propose que nous fassions de même pour parler de l’avenir des transports en commun franciliens.

Au demeurant, avec mes collègues de la majorité, je défends un amendement pour compenser les pertes fiscales, ce que ne prévoit pas le texte initial. Nous ne faisons pas de manœuvre politique ; je me demande si ce n’est pas plutôt vous qui essayez d’en faire en réponse.

Nous proposons justement une compensation des pertes fiscales au même titre que pour le reste du territoire, car la situation le nécessite. Ce n’est pas aux usagers de payer par une hausse du pass Navigo. Pardon, mais parler de l’avenir des transports en commun franciliens est aussi le rôle de l’ensemble des élus d’Île-de-France !

M. Francis Chouat. La situation est irréelle ! Toutes les parties prenantes de la mobilité font le même constat ; personne ne conteste le diagnostic de la présidente Valérie Pécresse. Nous sommes d’accord sur les chiffres, comme pour dire que ce n’est pas aux usagers de payer, ne serait-ce que pour la compensation d’urgence. C’est le sens premier de l’amendement du rapporteur général.

Les divergences qui subsistent nécessitent qu’avec ou sans babouches, nous nous mettions autour de la table avec les quatre partenaires – Île-de-France Mobilités, l’État, les entreprises et les collectivités territoriales – qui font face aux mêmes urgences en matière financière. Il n’est pas tenable que la présidente de région persiste à répéter, comme dimanche sur RTL, que l’État doit compenser intégralement les pertes, à l’euro près, sans aucune distinction des urgences.

Le fonctionnement, les investissements, la stratégie d’investissement, les relations entre Grand Paris Express, la société du Grand Paris et le financement des transports de proximité, méritent pour le moins des discussions particulières, dans le cadre d’un contrat de plan ou de manière spécifique. À vouloir tout mélanger, cela ne va pas.

Depuis le début, tout le monde dit qu’il ne faut pas faire de ce sujet un enjeu de polémique politicienne. Revenons donc à l’enjeu d’intérêt général régional !

M. le président Éric Woerth. L’absence de compensation de la perte de recettes du versement transport pour Île-de-France Mobilités dans le texte du Gouvernement était une belle provocation. Que l’on donne un peu de trésorerie à Île-de-France Mobilités au hasard d’un amendement est un rattrapage, mais une vision générale serait préférable sur des sujets aussi importants.

M. Gilles Carrez. Je souhaite rester dans un registre purement technique, mais j’ai été moi-même étonné de l’exclusion d’Île-de-France Mobilités. Dans ma grande naïveté, peut-être liée à l’expérience, je me suis dit que le Gouvernement n’avait pas pu loger un problème d’une ampleur de 600 millions à un milliard d’euros dans un article qui provisionnait 500 millions d’euros pour l’ensemble de la France. Le rapporteur général, conscient du problème, m’a indiqué, voilà déjà quinze jours, que la question serait réglée par amendement.

La somme de 425 millions d’euros que vous proposez sera probablement un peu juste, en raison d’une particularité que nous n’avons pas encore évoquée. Les deux opérateurs principaux des transports en Île-de-France, la SNCF et la RATP, sont des entreprises d’État. C’est la région qui, par le biais de conventions, verse par douzièmes ce que ces entreprises doivent percevoir pour assurer le service. J’ai également pensé que le Gouvernement comptait régler la question directement avec la SNCF et la RATP, qui ont à faire fonctionner le service et qui paieront la facture. Si tel est le raisonnement du Gouvernement, il est mauvais.

Admettre le principe d’une compensation intégrale du versement mobilité, comme partout en France, est une bonne chose. Monsieur le rapporteur général, en tant que député val-de-marnais, vous êtes obligé de reconnaître que la spécificité de la moyenne des trois années s’applique mal chez nous à cause des augmentations du taux de versement transport. Toujours est-il qu’il y aura compensation.

Dans un deuxième temps, nous devrons parler des recettes tarifaires, qui pourront faire l’objet d’avances à long terme ou d’autres dispositifs, que nous discuterons. Aujourd’hui, je soumets l’idée de rétrocéder aux départements ou aux régions, de la même manière qu’on rétrocède une partie de la TVA à la sécurité sociale, les 10 % de TVA payés sur les 4 milliards d’euros de recettes tarifaires, afin de gager l’emprunt qu’il faudra souscrire pour compenser les pertes de recettes tarifaires.

Les solutions sont nombreuses. Elles nécessitent de se mettre autour d’une table et d’approcher le sujet, que je crois consensuel, de la façon la plus constructive possible. C’est du moins dans cet esprit que je travaillerai.

M. Daniel Labaronne. En tant que députés de la nation, nous nous intéressons à ce débat sur les transports franciliens. Souffrez cependant, monsieur le président, de nous laisser débattre de manière aussi longue, approfondie et détaillée des amendements qui concerneront la province.

M. le président Éric Woerth. La moitié du financement des transports publics ne vous semble pas un bon sujet ?

M. Daniel Labaronne. C’est un excellent sujet, mais il y en a d’autres à aborder dans les amendements. Je souhaite qu’une tolérance semblable nous soit accordée en termes de temps.

M. le président Éric Woerth. Ce texte est celui du Gouvernement. S’il est mal fait s’agissant des transports publics, il est tout à fait normal qu’il suscite un débat de cette nature où se mêle un autre qui se tient à l’extérieur, car il porte sur des centaines de millions d’euros. Si vous voulez faire payer aux usagers ce que d’autres n’acquittent pas, c’est une très mauvaise idée – je pense que le Gouvernement ne le fera pas.

Les amendements CF159, CF289 et CF351 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF613, CF1000 et CF1375, l’amendement CF756 et les amendements identiques CF443 et CF633.

Elle adopte l’amendement CF1483 (amendement  2170).

En conséquence, l’amendement CF366 tombe.

La commission est saisie de l’amendement CF1482 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement vise à corriger un manque du texte en introduisant l’impôt sur les maisons de jeux dans le calcul de la dotation de compensation des pertes de recettes fiscales des communes. Le prélèvement sur les produits bruts des jeux, perçu par les communes sur le territoire desquelles un casino est implanté, figure en effet déjà dans la garantie.

M. Charles de Courson. Parmi les 202 casinos, un est implanté sur une communauté de commune et un autre sur le territoire d’un syndicat mixte de communes et de départements. Il faudra vérifier que l’on ne retrouve pas d’autres cas pour d’autres impôts visés.

La commission adopte l’amendement CF1482 (amendement  2166).

Elle examine l’amendement CF1054 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement de précision tend à inscrire clairement dans le texte que les droits de stationnement sur la voie publique sont inclus dans les redevances et recettes d’utilisation du domaine, dont le moindre rendement est compensé par l’article 5.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement est satisfait, ce que le ministre pourra préciser. Il est prévu que le décret fasse référence au compte 703 de l’instruction budgétaire et comptable M14, qui prend en compte les droits de stationnement et de location sur la voie publique.

M. Gilles Carrez. La question est essentielle. J’ai pu constater dans des communes de la petite couronne combien les droits de stationnement pesaient dans les pertes de recettes.

M. Charles de Courson. Les termes employés à l’article 5 ne correspondent pas à la nomenclature comptable. Le compte 703 comprend notamment le compte 7031 « concessions et redevances funéraires », le compte 70323 « redevances d’occupation du domaine public » et le compte 7035 « locations de droits de chasse et de pêche », qui ne sont pas visés. Il faudrait plutôt se conformer à la terminologie de la nomenclature comptable.

M. le président Éric Woerth. Je retire l’amendement, et poserai la question au ministre en séance, afin de clarifier ce point pour les collectivités.

L’amendement CF1054 est retiré.

L’amendement CF160 de Jean-René Cazeneuve est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1061 du président Éric Woerth et les amendements CF1349, CF1365 et CF1381 de M. Joël Giraud.

M. le président Éric Woerth. L’amendement CF1061 vise à inclure les produits des prestations de services locaux dans la compensation par l’État des recettes du bloc communal. Certes les services de restauration ou de crèche n’ont pas été rendus mais, la plupart du temps, le personnel y est affecté à temps plein et n’a pas été couvert par le chômage partiel. Il semble naturel que l’ensemble des recettes tarifaires soient compensées lorsqu’elles sont couvertes par des frais fixes.

M. Joël Giraud. Les amendements CF1349, CF1365 et CF1381 visent les recettes tarifaires sur deux comptes identifiés des collectivités : la culture et les loisirs et sports. J’ai entendu ce qu’a proposé le rapporteur général. Comme Christine Pires Beaune, je retire ces amendements dans l’attente d’obtenir un éclaircissement en séance. Le dispositif semble en effet mal ficelé, en ce qu’il est susceptible de créer des différences de traitement entre les collectivités.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je donnerai le même argument qu’à Mme Pires Beaune. Nous traiterons des recettes tarifaires dans un second temps. Je ne nie pas qu’il existe des pertes importantes mais au stade du présent PLFR, nous traitons de la perte des recettes fiscales. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements CF1061, CF1349, CF1365 et CF1381 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF695 de Mme Jeanine Dubié, CF718 de Mme Lise Magnier, CF886 de Mme Véronique Louwagie, CF1298 de M. Joël Giraud et CF1323 de M. Mohamed Laqhila, ainsi que l’amendement CF947 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Lise Magnier. L’amendement CF718 modifie l’année servant de référence pour calculer la perte de recettes de taxe de séjour ou de taxe de séjour forfaitaire en 2020.

Mme Véronique Louwagie. Des dispositions particulières se sont appliquées à la taxe de séjour à partir de 2019. Celle-ci connaît une dynamique importante, notamment depuis l’instauration de sa collecte automatique par les plateformes de location en ligne ainsi que du tarif proportionnel au prix de la nuitée pour les hébergements sans classement. Nous avions voté ces dispositions après avoir mené une réflexion approfondie sur le sujet.

Compte tenu de ces éléments exceptionnels intervenus en 2019, il n’est pas cohérent de prendre en compte la moyenne des recettes de 2017 à 2019, qui laissera à la charge des collectivités territoriales une somme estimée à 60 millions d’euros. C’est pourquoi il est demandé de prendre en compte l’année 2019 comme année de référence.

M. Joël Giraud. Entre 2017 et 2019, nous avons totalement changé l’assiette de la taxe de séjour. La base taxable ayant augmenté de 30 % entre 2018 et 2019, et les recettes de 40 %, aucune commune ne sera compensée si l’on prend en compte la moyenne des trois années. Il convient, à mon sens, et seulement parce que la base a changé, de remplacer la moyenne triennale par la seule année 2019. Sinon, cela revient à annuler le travail que nous avons réalisé sur les plateformes, non seulement pour introduire davantage d’équité entre les différents modes d’hébergement, mais aussi pour assurer de meilleures recettes aux collectivités.

Mme Christine Pires Beaune. L’assiette ayant changé, il ne serait pas logique de retenir une moyenne sur trois ans des recettes de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire. Ces changements sont parfois de grande ampleur, puisque nous avons intégré les plateformes numériques, notamment Airbnb, qui peut représenter une recette importante en 2019.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mes avis doivent être cohérents, en particulier pour ce qui concerne la fiscalité locale. J’ai dit tout à l’heure à Gilles Carrez que je ne souhaitais pas faire d’exception pour le versement mobilité francilien, même si son dynamisme s’y prêtait. De la même manière, j’entends les arguments relatifs au changement de base, mais je ne souhaite pas qu’une de ces recettes fiscales sorte de la logique de la moyenne des trois ans. J’émets donc un avis défavorable pour une raison de cohérence globale.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui découle d’un changement de périmètre au cours des trois années. Joël Giraud l’a bien expliqué, et l’État procède d’ailleurs de la même façon.

Mme Christine Pires Beaune. Le changement invoqué par M. Carrez était lié à une modification des tarifs. Ici, il s’agit d’un changement de périmètre. L’année dernière, le législateur a décidé, avec raison, d’ouvrir l’assiette aux plateformes numériques. Ce sera une perte de recettes pour tout le monde. Chacun sera traité équitablement si la commission adopte les amendements.

M. Charles de Courson. De nombreux changements sont intervenus, qu’ils concernent l’extension à toutes les formes d’hébergement de type Airbnb et assimilés, ou l’assiette. Il faut donc se caler sur 2019. Soyez pragmatique, monsieur le rapporteur général, ne vous accrochez pas à une moyenne triennale abstraite !

Mme Véronique Louwagie. À la collecte automatique par les plateformes s’ajoute l’instauration du tarif proportionnel au prix de la nuitée. Retenir la moyenne des trois années revient à n’apporter aucun soutien.

La commission adopte les amendements identiques CF695, CF718, CF886, CF1298 et CF1323 (amendement  2167).

En conséquence, l’amendement CF947 tombe.

La commission examine l’amendement CF459 de M. François Pupponi.

M. Charles de Courson. L’amendement vise à ce que l’État prenne en charge l’exonération facultative des taxes de séjour en 2020 que prévoit l’article 17. En l’état, seules les collectivités qui auront vu leurs recettes de taxe de séjour diminuer pourront recevoir une compensation des pertes. Les élus qui auront choisi l’exonération seront exclus de la mesure, destinée à soutenir la relance de l’économie touristique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis tout à fait défavorable. L’objectif est de prendre en compte les pertes de recettes fiscales liées à la crise sanitaire, non celles qui relèvent de la politique fiscale d’une commune ou d’un EPCI.

La commission rejette l’amendement CF459.

La commission examine l’amendement CF158 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve. L’État compense intégralement les pertes de recettes fiscales et des recettes issues de l’exploitation du domaine public des collectivités, si les recettes de 2020 sont inférieures à la moyenne des trois dernières années. L’amendement vise à établir une compensation au moins égale à 1 000 euros afin d’éviter toute incompréhension lors de l’annonce des dotations.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La mesure aurait du sens, car il faut éviter les versements trop peu élevés, préjudiciables à l’image de l’État. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CF158 (amendement n° 2168).

L’amendement CF156 de M. Jean-René Cazeneuve est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF1481 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement corrige deux erreurs de référence. La première conduit à inclure doublement la taxe sur la consommation finale d’électricité et la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire pour le calcul de la dotation des établissements publics de coopération intercommunale.

La seconde conduit à inclure la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) dans le calcul de la dotation des EPCI.

La commission adopte l’amendement CF1481 (amendement  2169).

Elle est saisie de l’amendement CF944 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement rejoint celui qu’a défendu M. de Courson, mais sur un autre objet. Il s’agit de faire en sorte que la compensation soit versée quelle que soit la nature de la collectivité ou de l’établissement public. En particulier, les syndicats mixtes peuvent percevoir la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Nous avons eu tout à l’heure un débat sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et les groupements de collectivités territoriales.

La commission rejette l’amendement CF944.

Elle examine les amendements identiques CF714 de M. Yannick Haury, CF1003 de Mme Christine Pires Beaune, CF1197 de Mme Monica Michel et CF1339 de Mme Jeanine Dubié.

M. Hervé Pellois. L’amendement CF714 devrait satisfaire M. de Courson. L’article 5 ne concernant que les communes et intercommunalités, il est proposé d’inclure les pôles d’équilibres territoriaux et ruraux, ainsi que les pays sous forme syndicale qui collectent également la taxe de séjour par le biais de leurs offices de tourisme. Ils sont touchés, au même titre que les premières, par la perte de recettes que les mesures liées à la lutte contre l’épidémie ont engendrée.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit de permettre aux pôles d’équilibres territoriaux et ruraux d’être éligibles à la compensation pour la taxe de séjour et la taxe de séjour forfaitaire.

M. Charles de Courson. C’est une illustration du problème plus général que je soulevais. Certaines des recettes visées par l’article 5 ne sont pas versées, soit à des communes, soit à des intercommunalités à fiscalité propre, mais à des syndicats mixtes, des offices, des groupements d’intérêt public (GIP). Certaines associations touchent la taxe de séjour, par exemple. Il faudrait procéder à un toilettage général.

M. le président Éric Woerth. Cela illustre aussi la floraison d’organisations territoriales très diverses.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je rejoins l’appel au toilettage de Charles de Courson, et donne un avis de sagesse aux amendements.

La commission adopte les amendements identiques CF714, CF1003, CF1197 et CF1339 (amendement  2171).

 

M. le président Éric Woerth est remplacé par Mme Olivia Grégoire, vice-présidente.

 

La commission adopte l’article 5 modifié.

 

 


—  1  —

Article 6
Compensation des pertes fiscales des régions
doutre-mer

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article institue une dotation, sous la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État, destinée à compenser, pour les régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique et le département de Mayotte, les pertes de recettes d’octroi de mer régional et de taxe spéciale de consommation sur les carburants résultant en 2020 des effets de la crise sanitaire et économique due au Covid-19.

Les pertes de recettes couvertes sont celles relatives à l’octroi de mer régional et à la taxe spéciale de consommation sur les carburants calculées par référence aux montants moyens annuels des recettes perçues en 2017, 2018 et 2019.

L’évaluation préalable du présent article estime qu’une diminution de 10 % des recettes d’octroi de mer et de TSC par rapport au produit 2019 doit être envisagée, ce qui correspondrait à un coût du dispositif de 60 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a transféré progressivement la part départementale d’octroi de mer vers les communes mahoraises et guyanaises et la loi de finances pour 2020 a prévu une compensation des pertes de recettes ainsi subies par les deux collectivités.

La loi de finances pour 2020 a mis en place un régime de ventes hors taxes au bénéfice des croisiéristes dans les communes de Guadeloupe ou de Martinique, incluant notamment l’octroi de mer.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté plusieurs amendements :

– un amendement de M. Jean-Luc Poudroux élargissant la compensation des pertes de fiscalité en outre-mer au département de La Réunion et au département de la Guadeloupe ;

– plusieurs amendements identiques neutralisant pour le calcul de la compensation pour la collectivité territoriale de Guyane la hausse de recettes résultant de l’augmentation du taux de l’octroi de mer régional mise en œuvre au titre de l’exercice 2020.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LA FISCALITÉ INDIRECTE DES RÉGIONS D’OUTRE-MER

Les départements et les régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales uniques (CTU) de Guyane et de Martinique, le Département de Mayotte, auxquels sont applicables, sauf adaptations éventuelles, les règles de droit commun, disposent de recettes fiscales relevant du droit commun et de recettes fiscales spécifiques, en particulier l’octroi de mer et la taxe spéciale de consommation sur les carburants. En 2019, ces deux impositions représentaient 16 % des recettes réelles de fonctionnement du Département de Mayotte, 18,6 % de la CTU de Martinique, 23,2 % de la CTU de Guyane, 39 % de la région de La Réunion et 43,8 % de la région de Guadeloupe.

À l’inverse, les produits des impôts directs locaux sont proportionnellement moins importants dans les départements d’outre-mer. En 2019, les principaux impôts directs ne représentaient que 7,8 % des recettes fiscales du Département de Mayotte, 8,4 % pour la collectivité de Guyane, 9,4 % pour la collectivité de Martinique, 13,5 % pour la région de Guadeloupe et 15,5 % pour la région de La Réunion.

LEs recettes des rÉgions
d’outre-mer en 2019

(milliers d’euros)

2018

Département de Mayotte

Région de La Réunion

Région de Guadeloupe

CTU de Guyane

CTU de Martinique

RRF

293 152

609 125

324 605

413 711

848 122

Recettes fiscales

54 821

370 220

193 508

170 252

424 407

dont octroi de mer

19 650

106 985

86 816

35 977

74 760

dont taxe sur les carburants

27 246

130 626

55 310

60 134

82 704

dont impôts directs

4 275

57 464

26 172

14 236

39 897

RRF = recettes réelles de fonctionnement

Impôts directs : taxe d’habitation, taxes foncières, cotisation foncière des entreprises et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Source : Direction générale des collectivités locales (DGCL) et direction générale des outre-mer (DGOM).

La faiblesse des produits fiscaux directs résulte essentiellement de l’étroitesse des bases fiscales, qui résulte à la fois des exonérations décidées au niveau local, mais aussi à un recensement encore insuffisant des bases et à un niveau de pauvreté généralement plus élevé qu’en métropole. En 2019, 95 % des communes des départements d’outre-mer possèdent un potentiel financier inférieur au potentiel financier moyen de leur strate démographique. L’étroitesse des bases recensées conduit les collectivités d’outre-mer à mobiliser davantage la fiscalité indirecte.

1.   L’octroi de mer et l’octroi de mer régional

L’octroi de mer, défini par la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer ([178]), est une taxe applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion sur les importations de biens (octroi de mer en régime extérieur) et sur les livraisons de biens effectuées à titre onéreux par les personnes qui les ont produits (octroi de mer en régime intérieur). Les personnes assujetties sont celles qui exercent, à titre exclusif ou non exclusif, une activité de production pour un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 300 000 euros. Les taux de l’octroi de mer sont fixés par délibération du conseil régional sans excéder un taux maximal de 60 % et, pour les produits alcooliques et les tabacs manufacturés, un taux maximal de 90 %. À Mayotte, ces taux maximaux sont majorés de moitié. Ils s’appliquent au prix hors taxes des biens. L’article 31 de la loi précitée précise que, « sans excéder le pourcentage strictement nécessaire pour maintenir, promouvoir et développer les activités locales, les taux sont déterminés en fonction des handicaps que supportent les productions locales du fait de leur localisation dans une région ultrapériphérique de lUnion européenne ». Les conseils régionaux peuvent aussi exonérer l’importation de biens destinés à certains secteurs d’activité économique, à des activités scientifiques, de recherche ou d’enseignement, aux missions régaliennes de l’État, ou encore aux établissements de santé.

L’article 47 de la loi relative à l’octroi de mer dispose que le produit de l’octroi de mer fait l’objet, après un prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement égal à 1,5 %, d’une affectation annuelle à une dotation globale garantie (DGG). Cette dotation est ensuite répartie entre les budgets de fonctionnement des communes. Le montant de la DGG est égal au montant d’octroi de mer de l’année précédente majoré d’un indice égal à la somme du taux d’évolution de la moyenne annuelle du prix de la consommation hors tabac des ménages et du taux d’évolution du produit intérieur brut total en volume. Dans le cas où, pour une année, le produit global de l’octroi de mer serait inférieur au montant de la DGG répartie l’année précédente augmentée de l’indice d’évolution, la DGG de l’année en cours est réduite à due concurrence. Par dérogation, le montant de la DGG de l’année suivante sera alors égal au montant de la dotation de l’antépénultième année, augmentée de l’indice d’évolution. S’il existe un solde, celui-ci est affecté à une dotation au fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) qui alimente pour 80 % les budgets d’investissement des communes et pour 20 % celui des régions ou CTU ou du Département de Mayotte.

Enfin, les conseils régionaux peuvent décider d’instituer, à leur profit, un octroi de mer régional ayant la même assiette que l’octroi de mer. Les taux de l’octroi de mer régional ne peuvent excéder 2,5 % en Guadeloupe, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, et 5 % en Guyane. Toutefois, un taux supplémentaire ne pouvant excéder 2,5 % peut être décidé par les conseils régionaux qui ont signé un plan de convergence en vue de réduire les écarts de développement ([179]).

Recettes de L’octroi de mer
entre 2014 et 2019

(en millions d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes octroi de mer

1 139

1 194

1 246

1 271

1 290

1 268

Dotation globale de garantie

750

776

798

818

866

883

FRDE

119

118

101

126

96

61

Octroi de mer régional

270

300

347

328

328

324

FRDE = Fonds régional pour le développement et l’emploi

Source : Direction générale des collectivités locales (DGCL) et direction générale des outre-mer (DGOM).

Au total, les communes bénéficient de la majeure partie des recettes de l’octroi de mer : en 2019, l’octroi de mer s’élevait à 943 millions d’euros, dont 61 millions affectés au fonds régional pour le développement et l’emploi (le restant aux communes), et l’octroi de mer régional s’élevait à 324 millions d’euros. Ainsi, l’octroi de mer a représenté entre 36,1 % (La Réunion) et 76,5 % (Mayotte) des recettes fiscales des communes en 2018. Il est également essentiel au financement des dépenses de l’échelon régional puisqu’il a fourni à ce dernier jusqu’à 40 % (Guadeloupe) de ses recettes fiscales.

Part de l’octroi de mer dans les recettes
fiscales en 2018

(en pourcentage)

 

Communes

Département

Région

CTU

Guadeloupe

43,5 %

40 %

Martinique

47,1 %

11,8 %

Guyane

45,7 %

12,5 %

La Réunion

36,1 %

23,4 %

Mayotte

76,5 %

22,9 %

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL), Direction générale des collectivités locales (DGCL), Les finances des collectivités locales en 2019, septembre 2019.

L’octroi de mer est liquidé, pour les opérations d’importation, sur la déclaration en douane (régime extérieur), et pour les livraisons de biens effectuées à titre onéreux, par les personnes qui les ont produits, au vu de déclarations trimestrielles souscrites par les assujettis (régime intérieur). Ainsi, une fluctuation de l’activité économique a des conséquences immédiates sur le produit d’octroi de mer acquitté ainsi que sur les recettes des collectivités territoriales concernées.

2.   La taxe spéciale de consommation sur les carburants

Il est institué dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion, une taxe spéciale de consommation sur les carburants (TSC), en lieu et place de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en vigueur en métropole (article 266 quater du code des douanes). C’est une taxe unitaire calculée forfaitairement sur le volume de carburant consommé, dont les tarifs sont votés par les conseils régionaux et ne peuvent excéder ceux de la TICPE métropolitaine.

Le produit de la taxe est réparti entre la région, le département, les communes et les EPCI. Il doit être affecté pour l’essentiel aux réseaux routiers dont ils ont respectivement la charge, au développement des transports publics de personnes ou au financement d’investissement d’intérêt local dans la limite de 10 % du montant de la dotation (article L. 4434-3 du code général des collectivités territoriales – CGCT).

Recettes de la taxe spÉciale de consommation sur les carburants
entre 2014 et 2019

(en milliers d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes de la taxe spéciale de consommation sur les carburants

472 307

478 400

515 636

526 716

540 621

536 543

Recettes perçues par l’échelon régional ou unique et le Département de Mayotte

251 196

262 855

333 803

340 062

349 961

356 020

Recettes perçues par l’échelon départemental (hors Département de Mayotte)

111 704

110 475

67 147

69 716

71 082

68 111

Recettes perçues par le bloc communal

109 407

105 070

114 686

116 938

119 578

112 411

Source : Direction générale des collectivités locales (DGCL) et direction générale des outre-mer (DGOM).

Le montant total de la taxe s’est élevé en 2019 à 537 millions d’euros dont 66 % alloués aux régions, 13 % aux départements et 21 % au bloc communal. La TSC représente en 2019 une faible part des recettes réelles de fonctionnement pour les communes et départements, mais plus substantielle pour les régions et collectivités territoriales uniques (14 %).

3.   Les autres taxes directes spécifiques aux régions d’outre-mer

L’article 285 ter du code des douanes institue au profit des régions d’outre-mer, des CTU et du Départements de Mayotte une taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime. Elle est ajoutée au prix demandé aux passagers et elle est assise sur le nombre de passagers embarquant dans ces régions.

Les tarifs de cette taxe peuvent être modulés selon le mode de transport utilisé et la distance parcourue. Ils sont fixés par chaque conseil régional ou par le conseil général de Mayotte dans la limite de 4,57 euros par passager.

Toutefois, une part égale à 30 % du produit de la taxe est affectée au budget des communes littorales érigées en stations classées de tourisme au sens de l’article L. 133-13 du code du tourisme. Ce prélèvement est réparti entre les communes concernées au prorata de leur population.

L’article 268 du code des douanes régit les dispositions relatives au droit de consommation sur les produits à base de tabacs consommés en outre-mer. Les taux et l’assiette du droit de consommation sont fixés, contrairement en métropole, par délibération des conseils généraux des départements. Ils ne peuvent dans tous les cas pas être supérieurs à la charge qui frappe les produits de même catégorie vendus en métropole. Le produit du droit est affecté au budget de ces départements (incluant dès lors le Département de Mayotte). Toutefois, depuis le 1er janvier 2020 et du fait de la recentralisation dans ce département du revenu de solidarité active, le produit perçu à La Réunion est réparti à 77,43 % pour le département et à 22,57 % au budget général de l’État.

Le cas particulier de la Collectivité de Corse

La Collectivité de Corse perçoit également, du fait de son statut particulier, plusieurs taxes spécifiques à ce territoire. L’article L. 4425-22 du CGCT dispose ainsi que la Collectivité de Corse perçoit, en plus des impositions traditionnellement affectées aux régions ou aux départements métropolitains :

– le produit des droits de consommation sur les tabacs manufacturés vendus au détail ou importés en Corse (article 575 E bis du CGI) ;

– la taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime (article 1599 vicies du CGI) assise sur le nombre de passagers embarquant ou débarquant en Corse ;

– une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable aux carburants vendus aux consommateurs finals sur leur territoire (article 265 du code des douanes) ;

– le produit du droit de francisation et de navigation (article 223 du code des douanes), ainsi que le droit de passeport (article 238 du code des douanes) des navires de plaisance dont le port d’attache est situé en Corse.

B.   LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE SUR LES RECETTES DES RÉGIONS D’OUTRE-MER

Les régions et collectivités territoriales uniques d’outre-mer subissent immédiatement les conséquences financières liées à la crise économique actuelle, du fait de leur dépendance à ces deux recettes qui représentent une proportion importante de leurs recettes réelles de fonctionnement.

L’octroi de mer et la TSC sont en effet sensibles aux fluctuations économiques. Le niveau d’octroi de mer est affecté en 2020 par la diminution des importations, la baisse de la production locale et la possibilité donnée aux entreprises, dans le cadre des mesures d’urgence, de reporter des paiements pour les redevables de l’octroi de mer régional en régime intérieur (livraisons de biens produits localement). Ce dispositif de report s’adresse aux entreprises rencontrant des difficultés financières liées à cette crise, sur demande expresse uniquement. Le Rapporteur général s’interroge sur la durée moyenne et l’ampleur de ces reports, dans la mesure où ces derniers seraient susceptibles de faire bénéficier les régions d’outre-mer concernées d’une double prime (compensation au titre du présent article en 2020 puis acquittement par les entreprises de l’octroi de mer reporté en 2021).

De la même manière, le niveau de TSC est affecté par la baisse de la consommation de carburant durant la période de confinement. Les restrictions aux déplacements ont eu un effet immédiat sur la consommation d’essence automobile. Pour l’Union française des industries pétrolières (UFIP), les livraisons de carburants routiers sur le marché français ont ainsi baissé à 3,077 millions de mètres cubes en mars 2020, soit – 24,9 % par rapport à mars 2019. Une fois la mise en place du confinement, l’union estime que les consommations des supercarburants sur le marché français sans plomb sont en recul de 80 % et celles des gazoles de 75 %.

Dans ce contexte, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales évalue la perte d’octroi de mer et de TSC à environ – 15 % en 2020 par rapport à 2019. Il est donc nécessaire de compenser ces pertes de recettes spécifiques aux régions et collectivités uniques d’outre-mer afin de tenir compte du lien entre ces recettes et la conjoncture économique et de la répercussion immédiate des pertes sur le budget des collectivités concernées.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La spécificité du panier de recettes des régions d’outre-mer, avec des impôts très sensibles à la consommation tels que l’octroi de mer ou la TSC, justifie que ces collectivités (collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique, Département de Mayotte, régions de la Guadeloupe et de La Réunion) disposent d’une garantie spécifique sur leurs ressources. Par conséquent, le présent article propose de compenser la baisse du produit en 2020 de l’octroi de mer régional et de la TSC par référence au niveau annuel moyen sur la période de 2017 à 2019.

A.   COMPENSATIONS DES PERTES FISCALES DES RÉGIONS D’OUTRE-MER

Le I du présent article institue une dotation, sous la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État, destinée à compenser, pour les régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique et le département de Mayotte, les pertes de certaines recettes résultant en 2020 des effets de la crise sanitaire et économique due à l’épidémie de Covid-19.

Les II et IV du présent article précisent que les pertes de recettes couvertes sont l’octroi de mer régional et la TSC, calculées par référence aux montants annuels moyens des recettes perçues entre 2017 et 2019. Aussi, si le montant annuel moyen des recettes d’octroi de mer et de TSC perçues en 2017, 2018 et 2019 est supérieur au montant de ces mêmes recettes perçues au titre de l’exercice 2020, le montant de la dotation sera égal à la différence de ces deux montants. La garantie est donc globale et ne s’applique pas individuellement à l’octroi de mer régional et à la TSC (mais à la somme de ces deux recettes). De plus, du fait du caractère dynamique des recettes d’octroi de mer et de TSC, la référence aux trois dernières années pour déterminer le montant de la dotation conduit à laisser une partie de la baisse des recettes observée entre 2019 et 2020 à la charge des collectivités concernées.

Le Rapporteur général note que les présentes dispositions conduisent à compenser les pertes de TSC pour les CTU de Guyane et de Martinique, pour les régions de La Réunion et de Guadeloupe, et pour le Département de Mayotte, mais elles ne compensent pas, du fait d’une organisation institutionnelle différente, les pertes de TSC subies par les départements de La Réunion et de Guadeloupe. La commission des finances a ainsi adopté un amendement de M. Jean-Luc Poudroux élargissant la compensation des pertes de fiscalité en outre-mer au département de La Réunion et au département de la Guadeloupe.

Le III dispose que la dotation ne couvre pas les pertes des recettes ayant pour origine une mesure d’exonération, d’abattement ou de dégrèvement mise en œuvre au titre de l’exercice 2020 sur délibération de la collectivité concernée. Il s’agit ainsi d’exclure les baisses de recettes qui ne seraient pas dues à la conjoncture économique, mais à la politique fiscale autonome de la collectivité considérée.

Toutefois, la commission des finances a adopté plusieurs amendements identiques ([180]) neutralisant, pour le calcul de la compensation pour la CTU de Guyane, la hausse de recettes résultant de l’augmentation du taux de l’octroi de mer régional mise en œuvre au titre de l’exercice 2020, à la suite de la signature d’un accord entre l’État et la CTU en vue d’améliorer sa situation financière.

Enfin, le V indique que la dotation fait l’objet d’un acompte versé en 2020, sur le fondement d’une estimation des pertes de recettes fiscales, et d’un ajustement versé au cours du premier semestre 2021, une fois le montant définitif de la perte de recettes 2020 connu. Il est précisé que si l’acompte est supérieur à la dotation définitive, la collectivité concernée devra reverser cet excédent.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

L’évaluation préalable du présent article estime qu’une diminution de – 10 % des recettes d’octroi de mer et de TSC par rapport au produit 2019 doit être envisagée, au regard des premiers retours des préfectures des régions d’outre-mer. Cette diminution correspondrait à un montant de 63 millions d’euros de PSR au titre du présent article.

Recettes d’octroi de mer et de TSC perçues par les rÉgions
et montant du PSR de compensation

(en millions d’euros)

Impôts

Produit
2017

Produit
2018

Produit
2019

Moyenne
2017-2019

Produit
2020 (1)

Montant du PSR

Pertes à la charge des régions

OMR

328

328

324

327

292

 

 

TSC

340

350

356

349

320

 

 

Total

668

678

680

676

612

63

5

(1) Prévisions de recettes réalisées à partir d’une hypothèse de baisse de recettes de 10 %.

Source : commission des finances.

Du fait de la prise en compte de la moyenne des années 2017 à 2019 comme base de référence, la dotation versée à chaque collectivité ne permettra de couvrir qu’une partie des pertes de recettes de TSC subies par les régions d’outre-mer en 2020 par rapport à 2019. En revanche, l’État surcompensera la perte de recette réelle d’octroi de mer du fait d’une dynamique négative de cet impôt en 2019. Les régions d’outre-mer devront de ce fait faire face à une perte résiduelle de seulement 5 millions d’euros en 2020 (au lieu de 68 millions d’euros initialement).

Le Rapporteur général note que les estimations fournies par la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales évaluent la perte d’octroi de mer et de TSC à – 15 % en 2020 par rapport à 2019, soit à un niveau supérieur à celui proposé par l’évaluation préalable du présent article. Sur cette base, selon les informations transmises au Rapporteur général, le montant du PSR créé par le présent article s’établirait à 97 millions d’euros (au lieu de 63 millions d’euros).

*

*     *

Mme Émilie Bonnivard. Il s’agit, par l’amendement CF352, d’élargir à la collectivité de Corse la compensation financière à destination des régions et collectivités uniques d’outre-mer en y intégrant d’autres recettes spécifiques fortement dépendantes de la conjoncture économique.

Mme Véronique Louwagie. La question se pose de savoir pourquoi certaines collectivités ont été retenues à l’article 6 et pas d’autres.

M. Charles de Courson. Cet article a oublié la collectivité de Corse qui est un département et une région. L’amendement CF637 a donc pour objet de l’intégrer dans le dispositif de compensation. L’ordre de grandeur des pertes, selon les estimations de la collectivité territoriale, est de 100 millions d’euros pour des recettes d’un peu plus de 500 millions, soit une chute très importante.

Mme Véronique Louwagie. Je propose, dans l’amendement CF1170, de prendre en compte les collectivités territoriales de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et Miquelon qui n’ont pas été retenues dans l’article 6 alors qu’elles subissent également une baisse de leur produit en 2020.

L’amendement CF797 de Jean-Luc Poudroux concerne les départements de La Réunion et de la Guadeloupe qui ne sont pas explicitement mentionnés à l’article 6, contrairement à Mayotte. S’il s’agit d’un oubli du Gouvernement, il convient de le corriger ; il faudrait, sinon, que celui-ci se justifie au regard de la rupture d’équité, voire de parité, qu’engendrerait la compensation des pertes de recettes fiscales pour certains départements et pas pour d’autres.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous n’avez pas tort de dire qu’il y a des différences s’agissant de la collectivité de Corse, notamment au regard de certaines taxes, tels les droits à tabac. Monsieur de Courson, le montant de 100 millions que vous avez évoqué inclut probablement la CVAE de l’année n + 1.

Je ne suis pas favorable aux amendements relatifs à la collectivité territoriale de Corse parce que, malgré tout, le raisonnement reste le même que sur l’ensemble des régions métropolitaines. La CVAE et l’IFER ne seront pas concernées en 2020, et la collectivité bénéficie de la garantie inscrite dans la loi. C’est pourquoi elle n’a pas été intégrée à l’article 6. Toutefois, je vous invite à avoir un échange avec le Gouvernement sur les spécificités des pertes fiscales supplémentaires dans la collectivité de Corse par rapport aux autres régions.

Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon étant des collectivités d’outre-mer, elles ont une autonomie fiscale, ce qui explique leur exclusion du dispositif. Cela nous invite, d’ailleurs, à avoir une réflexion collective sur l’autonomie fiscale en temps de crise. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement CF1170.

L’élargissement du dispositif aux départements de La Réunion et de la Guadeloupe me paraît justifié puisque la collectivité territoriale unique (CUT) de Guyane, la CTU de Martinique et le département de Mayotte bénéficient de la compensation. J’émets donc un avis de sagesse sur l’amendement CF797.

 

Mme Olivia Grégoire, vice-présidente, est remplacée par M. le président Éric Woerth.

 

M. François Pupponi. Votre raisonnement ne tient pas pour la Corse. C’est le seul département métropolitain qui a été considéré comme les outre-mer dans le domaine sanitaire. Rien ne justifie donc qu’on ne la considère pas comme les outre-mer dans le domaine fiscal.

M. Charles de Courson. Une fiche m’a été adressée, qui comporte trois hypothèses : de la plus optimiste à la plus pessimiste, sur 580 millions d’euros de recettes fiscales, la perte représenterait de 62 à 104 millions d’euros. Cette fourchette très importante rend indispensable de traiter le problème de la collectivité territoriale de Corse.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne veux pas balayer d’un revers de main la question de la Corse dont je reconnais les spécificités fiscales. Je vous ai donné les raisons qui me poussent à donner un avis défavorable mais vous invite à représenter cet amendement en séance. Le Gouvernement, même s’il n’a pas encore pris de mesures concrètes, a dit avoir prévu de traiter le sujet corse et ses particularités.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF352, CF444 et CF637, et l’amendement CF1170.

Elle adopte l’amendement CF797 (amendement  2172).

La commission est saisie des amendements identiques CF353 de Mme Émilie Bonnivard, CF445 de Mme Véronique Louwagie, CF640 de M. Michel Castellani et CF992 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Émilie Bonnivard. L’article 6 prévoit de compenser la baisse du produit en 2020 de l’octroi de mer régional et de la taxe spéciale de consommation qui sont très fortement affectés par les conséquences économiques de la crise sanitaire sur les collectivités ultramarines.

L’amendement CF353 propose de compenser également les autres recettes spécifiques de ces collectivités, notamment les taxes assises sur le transport maritime et aérien, dont la dynamique est étroitement liée à l’activité économique et qui se retrouvent particulièrement affectées par la crise.

M. Charles de Courson. Il manque en effet deux recettes dans la liste.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il convient d’ajouter à cette liste la taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime et les droits de consommation dont les produits sont également affectés par la crise sanitaire et ses conséquences économiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les droits sur les tabacs en outre-mer bénéficient aux départements. Or, le présent article concerne les régions d’outre-mer et non les départements.

S’agissant de la taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime, vous avez raison en ce qui concerne le constat. Toutefois, pour ce qui est des communes ultramarines, la compensation est déjà assurée par l’article 5 du présent PLFR. Avis défavorable.

M. François Pupponi. Les droits sur les tabacs et la taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime sont touchés par la collectivité de Corse. Or il n’y a pas eu de recettes, le Gouvernement ayant interdit d’aller en Corse jusqu’au mois de juin. Il n’y a aucune raison de ne pas compenser pour la Corse, sachant que l’on compense pour les outre-mer.

La commission rejette les amendements identiques CF353, CF445, CF640 et CF992.

Elle examine les amendements identiques CF540 de Mme Émilie Bonnivard, CF568 de Mme Christine Pires Beaune, CF617 de Mme Véronique Louwagie et CF1191 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Émilie Bonnivard. La collectivité territoriale de Guyane a signé en 2019 un accord-cadre qui doit permettre, au travers d’un plan de performance et d’un accompagnement spécifique de l’État, de restructurer ses finances.

Malgré une fiscalité déjà la plus élevée des outre-mer, le plan de performance transmis en 2020 prévoyait la hausse du taux d’octroi de mer régional, ce qui permettait de dégager 8 millions d’euros supplémentaires d’autofinancement et de permettre ainsi à la collectivité territoriale de Guyane de financer sa part des investissements prévus dans le plan d’urgence Guyane. Cette augmentation des taux a été votée avec le budget en 2020. Or cette hausse des taux votée en février ne permet pas de comparer les recettes réellement touchées en 2020 avec la moyenne de celles perçues entre 2017 et 2019.

L’amendement vise ainsi à neutraliser pour le calcul de la compensation pour la collectivité territoriale de Guyane la hausse de recettes résultant de l’augmentation du taux de l’octroi de mer régional mise en œuvre au titre de l’exercice 2020.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Les recettes de 2020 sont artificiellement gonflées par la hausse des taux, ce qui ne permettrait pas à la Guyane de bénéficier de la solidarité nationale alors même que son équilibre budgétaire, basé sur cette augmentation des taux, sera grandement perturbé. Il est important de rectifier cela.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements paraissent tout à fait justifiés. La Guyane est particulièrement touchée par l’épidémie de Covid‑19 et demeure dans une situation sanitaire critique du fait de sa proximité avec d’autres pays comme le Brésil. Cela justifie cet effort de solidarité nationale. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques CF540, CF568, CF617 et CF1191 (amendement  2173).

Elle est saisie des amendements identiques CF375 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et CF435 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CF375 vise à compenser les pertes de recettes sur la base de la seule année 2019, la moyenne lissée des années 2017, 2018 et 2019 n’étant pas calculée de la même façon.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu cette discussion à l’article 5. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements CF375 et CF435.

Elle est saisie de l’amendement CF1324 de Mme Justine Benin.

Mme Sarah El Haïry. Il s’agit de raccourcir le délai de versement du solde réel en passant du semestre au trimestre. Cette proposition pragmatique permettra d’accompagner les collectivités plus rapidement au moment où elles en ont besoin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je reconnais bien là votre pragmatisme, mais j’ai un doute sur la faisabilité de la mesure. Je vous propose de redéposer cet amendement en séance publique afin que le ministre vous donne son avis sur sa capacité administrative.

L’amendement CF1324 est retiré.

La commission adopte l’article 6 modifié.

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*     *

Article additionnel après l’article 6
Bénéfice de l’attribution du FCTVA pour les dépenses exposées au titre des services d’infrastructure de l’informatique en nuage

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF94 et CF93 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Mes amendements ont pour objet de faire bénéficier les collectivités territoriales et leurs groupements des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour les dépenses exposées au titre de l’utilisation de l’informatique en nuage. L’amendement CF94 prévoit de fixer le taux de compensation forfaitaire à 5,6 % à compter du 1er septembre 2020 et l’amendement CF93 à compter du 1er janvier 2021.

On marche sur la tête parce que les dispositions budgétaires en vigueur font qu’il est plus avantageux pour une collectivité d’avoir son informatique en propre plutôt que d’utiliser des services en nuage. On passe ainsi à côté de services innovants, sécurisés et moins coûteux.

J’avais déjà défendu ces amendements l’année dernière, qui avaient été adoptés puis ont disparu à l’occasion d’une seconde délibération. C’est le moment d’agir, la crise ayant révélé la fragilité des infrastructures numériques des collectivités. Celles-ci gagneraient demain à pouvoir bénéficier des stratégies et des offres « cloud » pour être plus agiles et plus sécurisées. Comme dans le secteur privé, elles ont dû inventer des solutions pour mettre certains de leurs agents en télétravail.

Je n’ai malheureusement à ma disposition que l’outil du FCTVA qui permet de mettre au moins sur un pied d’égalité concurrentielle l’accès à ces services contre des services d’un autre temps.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons longuement discuté de cette question lors de l’examen du PLF pour 2020, et nul doute que nous y reviendrons dans le cadre du PLF pour 2021.

Je ne suis pas favorable à l’ouverture des dépenses de fonctionnement. Votre position a du sens et je comprends bien la pertinence que peut avoir l’hébergement dans l’informatique en nuage par rapport à des infrastructures en dur. Toutefois, cela ouvrirait le champ à toute une série de dépenses éligibles au FCTVA, comme la location.

Le projet actuel n’est pas le texte adéquat pour élargir le champ du FCTVA. J’émets un avis défavorable à vos amendements, mais je ne doute pas que vous les reprendrez, en séance publique, pour avoir un échange avec le Gouvernement ou à l’occasion d’un prochain texte.

M. Gilles Carrez. Il y a quatre ans, nous avons fait une exception, dont tout le monde s’est félicité, en acceptant le remboursement du FCTVA sur certaines dépenses d’entretien de voirie ou de bâtiments sur lesquelles on constatait une distorsion totalement illogique.

M. Éric Bothorel. L’argument selon lequel il ne fallait pas créer d’exception avait déjà été avancé en 2019. Je suis heureux d’entendre qu’il y en a déjà eu. Si on ne peut pas modifier la loi au motif que cela crée des exceptions, alors il ne nous reste plus qu’à profiter de l’après-midi et à jeter le masque !

La commission adopte l’amendement CF94 (amendement  2174).

En conséquence, l’amendement CF93 tombe.

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*     *

Après l’article 6

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF6 de M. Pierre Cordier, CF135 de Mme Émilie Bonnivard, CF1336 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF1414 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, les amendements CF934 de Mme George Pau-Langevin, CF749 de M. François-Michel Lambert, CF900 de M. Julien Aubert et CF305 de Mme Patricia Lemoine, et les amendements identiques CF192 de Mme Émilie Bonnivard, CF236 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF390 de Mme Christine Pires Beaune, CF427 de Mme Véronique Louwagie, CF538 de M. Philippe Vigier et CF621 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement CF135 vise à soutenir la commande publique locale à travers la revalorisation du FCTVA à destination des collectivités locales. L’objectif est de stimuler la demande sur les travaux après la crise en relevant le taux de remboursement du FCTVA, en élargissant son périmètre de dépenses éligibles aux ouvrages d’art notamment, et en prévoyant l’ensemble des remboursements en année n.

Mme Marie-Christine Dalloz. Un rapport récent sur les ouvrages d’art fait état des difficultés qu’ils représentent pour les communes, les EPCI exerçant la compétence et les départements. Mon amendement vise à élargir le périmètre des dépenses éligibles au FCTVA aux ouvrages d’art et à prendre en compte les remboursements en année n, ce qui permettrait d’accélérer la réhabilitation de ces ouvrages, de renforcer la sécurité des usagers et de relancer la commande publique.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF934 vise à rendre éligibles au FCTVA les équipements de protection individuels.

Mme Patricia Lemoine. L’amendement CF305 tend à uniformiser le régime de récupération de la TVA en année n+1 et à supprimer la récupération de la TVA en année n+2, de telle sorte que les collectivités territoriales puissent récupérer plus vite de la trésorerie, et donc soutenir localement plus facilement les entreprises.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement CF192 vise à faire verser le remboursement de la TVA aux départements via le FCTVA, en année n en 2020 et 2021, et non en année n+1.

Mme Marie-Christine Dalloz. La baisse des DMTO et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) va affecter les trésoreries et les rentrées fiscales des départements. Or ceux-ci seront vraiment un moteur de la relance. Leur rembourser la TVA par le biais du FCTVA pour les dépenses de l’année en cours en 2020 et 2021 serait un meilleur signe que l’avance prévue par le Gouvernement.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF390 tend à permettre aux départements de récupérer la TVA par le biais du FCTVA en année n et non en année n+2, comme c’est le cas actuellement pour certains d’entre eux.

M. Charles de Courson. Afin de soutenir l’investissement des départements, il est demandé au Gouvernement de rembourser la TVA par le biais du FCTVA pour les dépenses de l’année en cours en 2020 et 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements concernant le FCTVA.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF6, CF135, CF1336 et CF1414, les amendements CF934, CF749, CF900 et CF305, et les amendements identiques CF192, CF236, CF390, CF427, CF538 et CF621.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CF932 de Mme Christine Pires Beaune et l’amendement CF1071 du président Éric Woerth.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF932 reprend ce qui avait été fait en 2010 dans le cadre du plan de relance élaboré pour soutenir les investissements des collectivités locales à la suite de la crise de 2008. Il s’agit, puisque l’investissement privé est en panne, de le relayer par l’investissement public en incitant les collectivités territoriales à dépenser plus que la moyenne de leurs dépenses d’équipement entre 2014 et 2019. Si elles s’engagent à dépenser plus, elles pourront récupérer leur TVA plus rapidement.

M. le président Éric Woerth. L’amendement CF1071 joue également sur le FCTVA pour accélérer l’investissement dans les collectivités territoriales, en introduisant une contemporanéité du remboursement. L’effet en serait très puissant. De même que vous avez mis en œuvre le prélèvement à la source, vous pourriez instaurer le remboursement à la source du FCTVA.

Sébastien Lecornu, le ministre chargé des collectivités territoriales, a indiqué que le plan de relance passait par le FCTVA concernant les collectivités locales. Nous le prenons au mot.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Effectivement, cela avait été fait en 2009. Il y a toutefois un bémol : la Cour des comptes considère que la conditionnalité d’une hausse des investissements avait relativisé cette mesure d’anticipation du FCTVA.

Dans le texte, le choix est fait de passer plutôt par la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pour soutenir notamment des investissements locaux plus verts. Je préfère cette solution. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Vous ferez le diagnostic classique qu’une bonne partie de l’investissement public passe par les collectivités et qu’elles auront besoin d’un coup de main pour accélérer cet investissement. Il ne faut surtout pas hésiter à utiliser des mécanismes connus.

Mme Patricia Lemoine. En 2009-2010, le contexte était très différent d’aujourd’hui, car le recours à l’emprunt était très compliqué pour les collectivités locales. La récupération de la TVA est un élément majeur pour leur permettre, quelles que soient leur strate et leur localisation, d’accompagner la relance économique. À mon avis, on se prive là d’un atout important.

La commission rejette successivement les amendements CF932 et CF1071.

Elle examine l’amendement CF867 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit de créer un fonds de compensation des prises de participation régionales. L’idée est que les régions peuvent participer au capital des entreprises, puisqu’à la fois elles les connaissent le mieux et elles ont la compétence économique. D’ailleurs, l’État s’appuie sur elles en ce qui concerne le fonds de solidarité.

On doit aller plus loin aujourd’hui dans les prises de participation dans les fonds propres ou quasi-fonds propres pour éviter un endettement trop massif à l’issue de la crise de notre tissu entrepreneurial. La mesure que je propose permettrait d’arriver à un équilibre entre les régions et l’État en la matière.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je prends votre amendement comme un appel. Effectivement, les régions devront participer au grand défi que va constituer la prise de participation dans nos PME régionales. D’ailleurs, il existe des fonds d’investissement public régionaux, dont les conseils régionaux sont souvent eux-mêmes souscripteurs.

Un équivalent FCTVA pour des prises de participation est-il le bon outil ? Pas forcément. Le principe du FCTVA, c’est que l’État rembourse ce qu’il a perçu sur ces dépenses d’investissement. Là, cela paraît très compliqué. Que se passe-t-il s’il y a une plus-value sur un investissement, si la région finance en haut de bilan une entreprise qui a une valorisation très importante ? Est-ce à l’État de rembourser cette plus-value ? La TVA se prête à ce mécanisme parce qu’elle est à un taux fixe ; par définition, l’investissement en fonds propres d’entreprises est à risque, avec une impossibilité de prévoir les taux de retour sur investissement.

En revanche, avec le mur de la dette qui s’annonce pour nos PME, trois fois oui pour lancer une grande réflexion avec l’État, les régions et toutes les compétences publiques et privées capables d’investir dans nos PME avec des petits tickets en haut de bilan pour remplacer parfois les prêts garantis par l’État (PGE).

Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. L’outil convient parfaitement bien. L’État et les régions y participent. Et cela représente un milliard d’euros.

M. Gilles Carrez. Cet amendement a le grand avantage de poser le problème que nous allons avoir de la consolidation, autrement que par les avances et les prêts garantis par l’État, des fonds propres et quasi-fonds propres dans des entreprises de taille réduite ou moyenne.

La banque des territoires est en train d’accompagner dans pratiquement toutes les régions, qui sont chefs d’orchestre, l’instauration de fonds dits soit de résilience, soit de relance. Ces fonds n’interviennent pour le moment qu’en avances, et la question va rapidement se poser de modes d’intervention en quasi-fonds propres. De ce point de vue, l’un des outils les plus efficaces serait celui des prêts participatifs, car il faut éviter de dériver vers une gestion publique directe. Qui plus est, avec ce type de fonds, le risque financier associé est important. Je me souviens qu’on a clos, il y a une quinzaine d’années, les derniers dossiers de sociétés de développement régional (SDR) dont les ardoises étaient souvent conséquentes.

Cela dit, comme le propose Éric Woerth, il va falloir engager très rapidement une réflexion sur des consolidations en quasi-fonds propres.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je maintiens qu’un fonds de compensation ne peut pas être le bon outil. Si c’est un fonds, il doit être d’investissement, avec l’État éventuellement co-souscripteur aux côtés de la région. D’ailleurs, il existe des fonds régionaux dans lesquels Bpifrance est souscripteur pour l’État, et cela fonctionne très bien.

Je suis tout à fait d’accord avec Gilles Carrez : ne refaisons pas les sociétés de développement régional, qui avaient coûté cher au contribuable, au final. L’investissement public n’est pas un investissement aveugle.

M. le président Éric Woerth. Dans mon amendement, les régions gèrent les participations qui sont en général des quasi-fonds propres, et l’État, au travers du fonds de compensation, compense aux régions au fur et à mesure, à hauteur de 75 %, les prises de participation régionales. C’est très clair : les régions ont la main. Au fond, c’est une forme de délégation par l’État de cette responsabilité.

M. Jean-Noël Barrot. Pourquoi les fonds dont Gilles Carrez a parlé ne seraient-ils pas le véhicule le plus simple et le plus naturel ? L’État y participerait par l’intermédiaire soit de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de la banque des territoires, soit de la BPI en co-investissement.

Mme Olivia Grégoire. J’y ai aussi réfléchi, avec Xavier Roseren, dans mon rapport sur le budget de la BPI. Je ne crois pas que ce texte, alors que nous sommes encore dans la gestion de l’urgence, soit le bon véhicule. Cela fait l’objet d’une analyse de l’Inspection générale des finances (IGF), dont le rapport sera bientôt remis au Gouvernement, et je ne doute pas que cela fera également l’objet d’une prise de parole en séance.

M. Jean-Paul Mattei. Au-delà de la seule intervention de la puissance publique, des collectivités, il y a également le privé : nous pouvons réfléchir à un vecteur de type société d’économie mixte pour intervenir dans ces opérations. L’amendement va dans le bon sens, mais il ne faut pas parasiter une réflexion plus globale. Les départements avaient, à un moment, cette compétence. Nous pourrions réfléchir à des comités d’engagement pour travailler sur la transformation des PGE en fonds propres.

M. le président Éric Woerth. Ma proposition ne l’empêche en aucun cas.

M. François Pupponi. Comme vous le dites, on y viendra de toute façon, sinon des entreprises déposeront le bilan et ce que l’État garantit sera perdu : par conséquent, autant maintenir l’activité des entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous y viendrons, sauf quand ça existe déjà. Bpifrance fait de la garantie déléguée aux fonds régionaux, de même qu’elle consent déjà des prêts participatifs, cela n’a rien de nouveau ; ou alors il s’agit de faire des fonds régionaux en co-souscription, et c’est différent. Nous viendrons à ce débat, mais il ne convient pas de créer un fonds de compensation à la manière du FCTVA.

M. Daniel Labaronne. Je me demande si cette transformation des PGE en fonds propres ne pose pas un problème juridique, car des contrats ont été libellés sous forme de prêts.

La commission rejette l’amendement CF867.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF740 de M. Jean-Félix Acquaviva.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF365 de M. Gilles Carrez, CF1065 du président Éric Woerth, les amendements identiques CF368 de M. Gilles Carrez et CF546 de Mme Patricia Lemoine, l’amendement CF1085 de M. Jean-Marc Zulesi, et les amendements identiques CF367 de M. Gilles Carrez, CF547 de Mme Patricia Lemoine, CF735 de M. Fabrice Brun et CF1369 de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Gilles Carrez. L’amendement CF365, qui traite de l’ensemble des autorités organisatrices de transport, prévoit, par prélèvement sur recettes dans le budget de l’État, une compensation à hauteur des pertes de versement transport et des pertes tarifaires, pour la bagatelle de 4 milliards d’euros, dont 2,6 milliards en Île-de-France.

M. Jean-Marc Zulesi. Notre nation peut être fière d’avoir des transports publics de qualité. Je propose de compenser leurs pertes de recettes commerciales afin de sauver nos transports publics si essentiels pour le développement mais aussi l’aménagement durable de nos territoires.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF365, CF1065, les amendements identiques CF368 et CF546, l’amendement CF1085, et les amendements identiques CF367, CF547, CF735 et CF1369.

Elle est saisie de l’amendement CF1006 de Mme George Pau-Langevin.

M. Jean-Louis Bricout. C’est un amendement qui vise à compenser de 50 % par l’État les coûts des distributeurs de gel hydroalcoolique, un mobilier urbain de plus en plus courant dans les espaces publics.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’État prend déjà en charge à 50 % le coût des masques, et le compte covid a été créé précisément pour financer les matériels liés à la crise sanitaire.

M. Fabien Di Filippo. La prise en charge des masques est à hauteur de 2 euros pour les masques en tissu et en dessous d’un euro pour les masques chirurgicaux. C’est loin du prix de vente, même à partir de la date du 13 avril. La prise en charge est donc loin de la moitié du coût assumé par nos collectivités.

La commission rejette l’amendement CF1006.

Elle est saisie de l’amendement CF200 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Dans une circulaire du 6 mai, le Gouvernement a déclaré son intention d’accompagner les collectivités ayant acheté des masques lors de l’annonce du déconfinement. Or les collectivités ont anticipé et sont notamment intervenues pour pallier la carence de l’État dans la dotation en masques chirurgicaux du personnel soignant, passant des commandes bien avant le 13 avril, en plein cœur de la crise. Cet amendement propose que l’État les rembourse pour l’achat de ces masques commandés avant le 13 avril.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Il y a eu un long débat sur les dates : fallait-il prévoir le 13 avril ou, comme vous le proposez, le 1er mars, en fonction de l’anticipation du déconfinement ? Sur la forme, vous prévoyez un prélèvement sur recettes alors que le remboursement des masques se fait par dotation budgétaire.

La commission rejette l’amendement CF200.

 

 


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Article 7
Avances remboursables des pertes de recettes des droits de mutation à titre onéreux des départements dues à la crise sanitaire

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article institue pour 2020 un mécanisme d’avances remboursables à la demande des départements et des autres collectivités territoriales bénéficiaires des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à savoir la Ville de Paris, la métropole de Lyon, la collectivité de Corse, le Département de Mayotte, la collectivité territoriale de Guyane et la collectivité territoriale de Martinique. Il s’agit de soutenir les départements dont la situation financière rend difficile l’absorption de la perte de recettes au titre des DMTO du fait des mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Ces avances permettront de soutenir les départements concernés dans l’attente d’un rebond du produit des DMTO, anticipé dès 2021. Elles feront l’objet d’un versement en 2020 puis d’un ajustement en 2021, et d’un remboursement en 2021 et en 2022, à travers un prélèvement sur les avances mensuelles de fiscalité locale des départements.

L’évaluation préalable du présent article précise que le dispositif devrait permettre le versement d’avances remboursables à hauteur de 2 milliards d’euros en 2020 et de 700 millions d’euros en 2021, correspondant aux pertes de recettes de DMTO observées par les départements du fait de la crise sanitaire par rapport à la moyenne des DMTO perçus en 2017, 2018 et 2019.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté plusieurs amendements identiques allongeant la durée de remboursement des avances remboursables de DMTO de deux à trois ans.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LES DIFFÉRENTES AVANCES REMBOURSABLES VERSÉES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Dans le cadre défini par l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), l’État peut consentir des prêts et des avances retracés au sein de comptes de concours financiers sur lesquels sont versés les remboursements desdits prêts et avances ([181]). Le compte de concours financiers dénommé Avances aux collectivités territoriales permet de verser des avances au titre des impositions à percevoir ainsi que des avances aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics connaissant des difficultés momentanées de trésorerie.

Ce compte d’avances est défini au II de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 qui précise qu’il comporte deux sections pour lesquelles le ministre chargé de l’économie est ordonnateur principal :

– la première section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des avances aux collectivités et établissements publics y compris la Nouvelle-Calédonie ;

– la seconde section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes.

La première section correspond au programme budgétaire n° 832 intitulé Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie. Il permet à l’État d’aider diverses collectivités territoriales qui connaissent des difficultés momentanées de trésorerie. En effet, l’article L. 2337-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « le ministre chargé de léconomie et des finances peut, en dehors de dispositions législatives spéciales, consentir aux communes, en cas dinsuffisance momentanée de la trésorerie de ces dernières, des avances imputables sur les ressources du Trésor dans la limite dun montant maximum fixé chaque année par la loi de finances ». Ce montant a été fixé à 6 millions d’euros en loi de finances pour 2020.

Conformément aux conditions fixées à l’article R. 2337-1 du CGCT, les collectivités et établissements publics doivent justifier que leur situation de caisse compromet le règlement des dépenses indispensables et urgentes, et ne trouve pas son origine dans une insuffisance de ressources affectées à la couverture de leurs charges et en particulier à un déséquilibre budgétaire. Ces avances peuvent être accordées, selon leur montant, soit par le préfet, soit par autorisation du ministre de l’économie et des finances. Les avances accordées doivent être remboursées dans un délai maximum de deux ans.

Par exception, des avances peuvent être accordées pour couvrir les dépenses supplémentaires imposées au cours d’un exercice par des circonstances qui ne pouvaient être prévues lors de l’établissement des prévisions de recettes. Dans ce cas, la collectivité territoriale prend l’engagement de créer au cours de l’exercice suivant les ressources nécessaires à la couverture de ces dépenses et au remboursement des avances.

Le taux d’intérêt des avances est généralement le taux moyen des emprunts d’État publié par la Caisse des dépôts et consignations pour les prêts à court terme, majoré de deux points en cas de renouvellement.

Par ailleurs, en application de l’article L. 2337-2 du CGCT, le ministre de l’économie et des finances est autorisé à accorder des avances aux communes, départements, régions, territoires, et à leurs établissements publics, qui décident de contracter un emprunt à moyen ou à long terme. Aucun crédit n’a toutefois été ouvert sur cette action en loi de finances pour 2020.

La seconde section correspond au programme budgétaire n° 833 intitulé Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes.

Ce programme budgétaire a pour finalité première de garantir aux collectivités territoriales et aux organismes assimilés, le versement par l’État des avances sur le montant des impositions directes locales dont le recouvrement est assuré par l’État. Il constitue ainsi le support budgétaire des versements aux collectivités territoriales des douzièmes mensuels relatifs aux impôts locaux qu’elles ont votés, pour un montant de 106 milliards d’euros en 2020. L’État garantit ainsi aux collectivités territoriales, par le moyen de cette action, des recettes régulières et prévisibles, indépendantes du calendrier effectif de recouvrement, ainsi qu’un montant de ressources conforme au produit voté, quel que soit son recouvrement effectif.

Il garantit également aux départements le versement mensuel de la part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), en compensation du transfert de la charge du revenu minimum d’insertion (RMI) et du revenu de solidarité active (RSA), pour un montant total de 5,4 milliards d’euros en 2020.

Par ailleurs, à la suite du Pacte de confiance et de responsabilité conclu le 16 juillet 2013 entre l’État et les collectivités territoriales, il permet :

– de verser le produit des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) affectés aux départements pour assurer le financement de la revalorisation exceptionnelle du RSA ;

– de verser aux régions le produit des frais de gestion de la contribution foncière des entreprises (CFE), de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d’habitation (TH) ainsi que le produit de la TICPE qui leur est affectée, en substitution de la dotation générale de décentralisation relative à la formation professionnelle.

B.   LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE SUR LES RECETTES FISCALES DES DÉPARTEMENTS

Les départements sont particulièrement affectés par le ralentissement de l’activité lié aux mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19 en raison de la part importante du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dans leurs recettes réelles de fonctionnement. En effet, les recettes issues des DMTO sont principalement perçues par les départements, à hauteur de 13 382 millions d’euros en 2019 selon l’évaluation préalable du présent article (soit près de 80 % du produit total des DMTO, le restant étant perçu par le bloc communal). En 2019, les DMTO représentaient ainsi 17,6 % des recettes réelles de fonctionnement des départements (contre 3,7 % pour le bloc communal) et près d’un quart de leurs recettes fiscales.

RÉpartition des impÔts et taxes pour
les dÉpartements en 2018

(en pourcentage)

Source : commission des finances ; données de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).

Au cours des dernières années, le produit des DMTO a connu une forte progression : près de + 10 % de croissance en moyenne par an depuis 2013, ce qui représente environ + 5,5 milliards d’euros (communes et départements inclus). Cette croissance ne s’est néanmoins pas accompagnée d’une augmentation des montants mis en réserve au sein du fonds de garantie départemental des corrections conjoncturelles adossé au fonds national de péréquation des DMTO. Ce fonds n’a pas été abondé depuis 2018 et ne dispose actuellement que de 120 millions d’euros de réserves. L’abondement du mécanisme de mise en réserve porté par le fonds de garantie départemental, prévu par l’article L. 3335-2 du CGCT, est décidé par le Comité des finances locales (CFL).

La dynamique des recettes observée depuis 2013 s’explique par un effet base (hausse des transactions immobilières dans un contexte économique favorable porté par un environnement de taux bas), mais également par un effet taux : le produit des DMTO perçu par les départements a bénéficié en 2014 du relèvement de 3,80 % à 4,50 % du taux plafond de la taxe de publicité foncière et du droit d’enregistrement. Ainsi, au 1er juin 2019, 97 départements avaient augmenté leur taux à 4,50 % et 4 départements avaient maintenu leur taux à 3,80 % : l’Indre, l’Isère, le Morbihan et Mayotte.

Le fonds national de péréquation des droits de
mutation à titre onéreux

L’article L. 3335-2 du CGCT institue un fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements.

Le fonds est alimenté par deux prélèvements sur les DMTO :

– le premier prélèvement est égal à 0,34 % du montant de l’assiette des DMTO perçus par chaque département l’année précédant celle de la répartition ;

– le second prélèvement, dont le montant total s’élève à 750 millions d’euros, est réparti progressivement entre les départements dont les recettes de DMTO par habitant sont les plus élevées.

Lorsque le montant total annuel de ces deux prélèvements est supérieur à 1,6 milliard d’euros, le CFL peut décider de mettre en réserve, dans un fonds de garantie départemental des corrections conjoncturelles, tout ou partie du montant excédant ce niveau. Sur décision de ce comité, tout ou partie des sommes ainsi mises en réserve vient abonder les ressources mises en répartition au titre des années suivantes.

Le fonds est ensuite réparti entre ses bénéficiaires à travers plusieurs enveloppes distinctes destinées à prendre en compte le potentiel financier et le revenu moyen des départements, le taux de pauvreté des départements ainsi que le niveau des dépenses sociales engagées par eux (principalement les dépenses de revenu de solidarité active).

Par ailleurs, l’analyse de la période de 2008 à 2011 illustre également le caractère procyclique des recettes de DMTO en lien avec la conjoncture économique. Ainsi, lors de la crise financière de 2008-2009, le produit des DMTO des départements a chuté de près de – 11 % en 2008 et de – 27 % en 2009 avant de connaître un rebond de + 35 % en 2010 et de + 22 % en 2011. Ainsi, la perte de recettes subie au cours des années de crises (2008-2009) a été pratiquement intégralement effacée par la hausse des DMTO observée au cours des années de reprise économique (2010-2011).

Or, du fait de la crise économique actuelle, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales évalue les pertes financières en 2020 des départements à près de – 3 278 millions d’euros, avant l’application des mécanismes de garantie existants, et à – 2 657 millions d’euros une fois ces mécanismes mis en œuvre. Cette perte est particulièrement forte puisqu’elle représenterait près de 30 % de la capacité d’autofinancement brute des départements. La perte constatée résulterait principalement de l’importance des pertes fiscales liées aux DMTO, dont les recettes s’effondreraient de près de 25 % en 2020.

Produit des DMTO des DÉpartements
entre 2004 et 2018

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a pour objet d’instituer un mécanisme d’avances remboursables, versées en section de fonctionnement, au profit des départements et des autres collectivités équivalentes bénéficiaires des DMTO qui en solliciteront le versement. Ces avances permettront de soutenir les collectivités territoriales concernées dans l’attente d’un rebond des DMTO, anticipé dès 2021. Elles feront l’objet d’un versement en 2020, puis d’un ajustement en 2021, et d’un remboursement en 2021 et en 2022, à travers un prélèvement sur les avances mensuelles de fiscalité locale.

A.   LA CRÉATION D’UN COMPTE D’AVANCES REMBOURSABLES DESTINÉ À SOUTENIR LES DÉPARTEMENTS EN DIFFICULTÉ

Le présent article crée une nouvelle section au sein du compte d’avances aux collectivités territoriales, afin de retracer les versements et les remboursements des avances remboursables destinées à soutenir les départements demandeurs, notamment lorsque ces derniers font face à une baisse significative de leurs recettes issues des DMTO.

À cette fin, il modifie le II de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 pour insérer une troisième section au sein du compte d’avances aux collectivités territoriales intitulée Avances remboursables de droits de mutation à titre onéreux destinées à soutenir les départements et dautres collectivités affectés par les conséquences économiques de lépidémie de Covid-19. Lalinéa 4 du présent article dispose que le compte retrace, respectivement en dépenses et en recettes, les versements et les remboursements d’avances remboursables au titre des DMTO destinées à soutenir les départements et d’autres collectivités.

Lalinéa 5 précise la liste des collectivités territoriales pouvant solliciter le versement d’avances remboursables retracées au sein de cette section, à savoir non seulement les départements, mais aussi les collectivités assimilables à un département (car bénéficiant des recettes issues des DMTO et exerçant les compétences départementales) telles que la Ville de Paris, la métropole de Lyon, la Collectivité de Corse, le Département de Mayotte, la collectivité territoriale unique de Guyane et la collectivité territoriale unique de Martinique.

Les modalités de calcul des avances remboursables sont précisées par lalinéa 6 du présent article. Pour chaque collectivité bénéficiaire, le montant de l’avance remboursable est égal à la différence, si elle est positive, entre la moyenne des recettes fiscales issues des DMTO entre 2017 et 2019 et le montant de ces mêmes recettes estimé pour l’année 2020. Ainsi, le présent article retient comme base de référence pour calculer la perte de DMTO subie par les départements en 2020 la moyenne des DMTO perçus en 2017, 2018 et 2019. Du fait de la dynamique croissante des DMTO au cours des trois dernières années, une partie des recettes perdues en 2020 demeurera à la charge des départements (par rapport aux recettes de DMTO perçues en 2019).

De la même manière que pour les autres sections, le ministre de l’action et des comptes publics est ordonnateur principal de la nouvelle section créée par le présent article. Toutefois, lalinéa 7 dispose que les décisions de versement des avances remboursables seront prises par arrêté des ministres chargés du budget et des collectivités territoriales.

Les alinéas 8 et 9 du présent article précisent les modalités de versement et de remboursement par les départements des avances remboursables. Elles feront l’objet d’un versement au cours du troisième trimestre de l’année 2020 puis d’un ajustement en 2021, une fois connu le montant définitif de la perte des recettes fiscales de DMTO au cours de l’année 2020. Elles feront ensuite l’objet d’un remboursement en 2021 et en 2022 par l’intermédiaire d’une imputation sur les attributions mensuelles de fiscalité des départements. Chaque collectivité concernée pourra toutefois procéder à des remboursements anticipés dès 2020.

La commission des finances a toutefois adopté plusieurs amendements identiques ([182]) allongeant la durée de remboursement des avances remboursables de DMTO de deux à trois ans, entre 2021 et 2023.

Enfin, le dernier alinéa précise qu’un décret fixera les conditions de mise en œuvre des dispositions du présent article.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

La mesure envisagée vise à accompagner les départements confrontés, en 2020, à une perte de recettes de DMTO par l’attribution d’avances remboursables, dans l’attente d’un rebond des DMTO à compter de 2021.

L’évaluation préalable du présent article précise que le dispositif proposé devrait permettre le versement d’avances remboursables à hauteur de 2 milliards d’euros en 2020 et de 700 millions d’euros en 2021, correspondant aux pertes de recettes de DMTO observées par les départements du fait de la crise sanitaire par rapport à la moyenne des DMTO perçus en 2017, 2018 et 2019. Les départements assureraient le remboursement en 2021 et 2022 à l’aide du rebond des recettes de DMTO attendu dès 2021 et pourront, le cas échéant, opérer un remboursement anticipé dès 2020. Sur ce point, la mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales estime que les départements bénéficieraient en 2021 d’un rebond de 2 milliards d’euros de leurs recettes.

À partir des informations mises à la disposition du Rapporteur général, et issues d’une base de données différente de celle utilisée pour la réalisation de l’évaluation préalable, le montant potentiel des avances remboursables serait plus proche de 2,4 milliards d’euros.

Recettes de DMTO perçues par les dÉpartements et montant
des avances remboursables

(en millions d’euros)

DMTO
2017

DMTO
2018

DMTO
2019

DMTO
2020 (1)

Moyenne
2017-2019

Montant potentiel des avances remboursables

Pertes de DMTO à la charge des départements

11 639

11 977

13 194

9 896

12 270

2 376

923

(1) Une hypothèse de diminution des recettes de 25 % est prise pour le calcul des DMTO en 2020.

Source : commission des finances.

Du fait de la prise en compte de la moyenne des années 2017 à 2019 comme base de référence, les avances remboursables ne permettront de couvrir qu’une partie de la perte de recettes de DMTO subies par les départements en 2020 par rapport à 2019. Les départements devraient de ce fait faire face à une perte résiduelle d’environ 900 millions d’euros.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques CF155 de M. Jean-René Cazeneuve, CF235 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF387 de Mme Christine Pires Beaune, CF536 de M. François Pupponi et CF1325 de M. Vincent Bru.

M. Jean-René Cazeneuve. Pour les départements, il est prévu une avance de trésorerie de 2,7 milliards d’euros en 2020-2021, avec un remboursement sur deux ans. Même si l’on anticipe un rebond très important des DMTO dès l’année prochaine, il faut donner un peu de souplesse aux départements et étaler ce remboursement sur trois ans.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous ne maîtrisons pas aujourd’hui la baisse des DMTO, nous ne connaissons pas les perspectives. On nous parle de 25 % ; 2 milliards sont prévus sur 2020, 700 millions sur 2021, avec la possibilité d’avances remboursables. Mais comment demander aux départements de s’engager à rembourser sur 2021-2022 alors que personne ne mesure la perte réelle ? Il convient de prévoir une année d’aisance pour l’échelonnement des remboursements. Une année de plus, monsieur le bourreau !

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de fixer à trois ans – un an de plus – le remboursement de l’avance dont peuvent bénéficier les départements pour les pertes de recettes de DMTO.

M. François Pupponi. La mesure ne coûte pas très cher.

M. Jean-Paul Mattei. Nous aurons peut-être de bonnes surprises sur les DMTO mais il faut prévoir un peu plus de temps, pour sécuriser les départements.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques CF155, CF235, CF387, CF536 et CF1325 (amendement  2175).

Elle adopte l’article 7 modifié.

 

 


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TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

Article 8 et état A
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

La prévision de déficit budgétaire de l’État est rehaussée à 222,1 milliards d’euros par le présent article, au lieu de 184,5 milliards d’euros dans la précédente loi de finances rectificative, du fait de la révision à la baisse des ressources budgétaires et de l’augmentation des plafonds de dépenses retracées dans le tableau d’équilibre.

Le présent article actualise également le tableau de financement et relève le plafond de la variation nette de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article révise le tableau d’équilibre et le tableau de financement du budget de l’État, tel qu’ils résultaient de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (ci-après « LFI 2020 »), modifiée par la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après « LFR 1 2020 ») et par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après « LFR 2 2020 »).

Ces révisions sont soumises à d’importants aléas. Le Haut conseil des finances publiques, dans son avis n° HCFP-2020-4 du 10 juin 2020, précise « quune partie des mesures présentées comme des mesures de trésorerie pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année et que toutes les mesures de soutien de lactivité annoncées par le Gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, nont pas été traduites dans ce PLFR ».

À noter toutefois que le présent article ne modifie pas le plafond dautorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillé (ETPT), qui demeure fixé au nombre de 1 943 108, prévu par la LFI 2020.

Contenu de l’article d’équilibre

L’article d’équilibre général est un article obligatoire des lois de finances, en vertu de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il porte sur les seules finances de lÉtat et non pas, contrairement à l’article liminaire, sur l’ensemble des finances publiques toutes administrations confondues.

En premier lieu, il comporte un tableau déquilibre qui présente les ressources et les charges budgétaires du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Les ressources sont indiquées à titre évaluatif. En revanche, s’agissant des charges, ce tableau fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux. Il ressort, par différence entre les ressources budgétaires et les charges budgétaires, une prévision de solde budgétaire de l’État.

En deuxième lieu, il comporte un tableau de financement qui évalue les ressources et les charges de trésorerie. Il ressort notamment de ce tableau un besoin de financement (qui comprend essentiellement le déficit à financer et l’amortissement des dettes arrivant à échéance). Le tableau doit être équilibré par des ressources de financement qui comprennent essentiellement le montant des émissions de dette envisagées.

En troisième lieu, l’article d’équilibre doit fixer le plafond dautorisation des emplois rémunérés par l’État ainsi que le plafond de la variation nette de la dette négociable d’une durée supérieure à un an.

En résumé, l’article d’équilibre comporte tout à la fois des évaluations non contraignantes (ressources budgétaires, ressources et charges de trésorerie) et des plafonds nécessitant une autorisation parlementaire (plafond de dépenses, d’emplois et de variation de la dette supérieure à un an). Les plafonds ne peuvent être dépassés sans une autorisation parlementaire, exception faite de certains crédits qui ont un caractère évaluatif (essentiellement la charge de la dette).

La seconde partie d’une loi de finances ne peut être mise en discussion avant l’adoption de la première partie (Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980). En effet, la seconde partie a notamment pour objet de répartir les crédits entre les différentes missions. Il convient donc que les plafonds soient fixés avant la répartition des crédits pour ne pas mettre en cause l’équilibre défini.

I.   Le tableau d’Équilibre : une prÉvision de dÉficit budgétaire record À 222,1 milliards d’euros

Synthèse du tableau d’équilibre consolidé

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général

Recettes fiscales

227,1

Recettes non fiscales

15,4

Total

242,6

Dépenses nettes du budget général

Crédits de paiement

392,1

Prélèvements sur recettes

65,2

Total

457,4

Solde du budget général

 214,8

+ Solde des budgets annexes

 0,2

+ Solde des comptes spéciaux

 7,1

= Solde budgétaire de lÉtat

222,1

Le déficit budgétaire de l’État est désormais évalué à 222,1 milliards d’euros, un niveau jamais atteint. Le déficit budgétaire le plus élevé connu dans le passé est celui afférent à l’année 2009 – Il s’était élevé à 138 milliards d’euros. En 2019, il a atteint 92,7 milliards d’euros.

Chronique des déficits budgétaires depuis 2009

(en milliards d’euros)

Année

2009

2010*

2011

2012

2013

2014*

2015

2016

2017

2018

2019

Déficit

138,0

113,8

90,7

87,2

74,9

73,6

70,5

69,1

67,7

76,0

92,7

* hors programmes d’investissements d’avenir

La prévision de déficit budgétaire pour 2020 est ainsi dégradée de 128,9 milliards d’euros par rapport à la LFI 2020, dont 15,9 milliards d’euros au titre de la LFR 1, 76,4 milliards d’euros au titre de la LFR 2 et 36,6 milliards d’euros au titre du PLFR 3.

Solde budgétaire de l’État 2020

(en millions d’euros)

LFI

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Total

– 93 134

– 15 910

– 76 409

– 36 628

– 222 081

– 128 947

La dégradation de la prévision de déficit budgétaire (– 128,9 milliards) par rapport à la LFI, dont le détail est décrit ci-après dans le présent commentaire, s’explique par :

– une baisse nette des recettes de 74 milliards d’euros, dont les trois principaux facteurs sont la baisse de la prévision de rendement de l’impôt sur les sociétés (– 32,4 milliards), de la taxe sur la valeur ajoutée (– 19,8 milliards) et des recettes sur les cessions prévues de participation rendues impossibles par la détérioration des conditions de marché (– 9 milliards d’euros) ;

– une hausse nette des dépenses de 54,9 milliards d’euros dont le principal facteur est la création d’une nouvelle mission relative au plan d’urgence face à la crise sanitaire (51 milliards d’euros).

Appréciation consolidée de la dégradation du déficit budgétaire
par rapport à la LFI 2020

(en milliards d’euros)

Évolution des prévisions de recettes

Évolution des prévisions de dépenses

Budget général

– 64,8

Budget général

+ 54,4

Dont impôt sur les sociétés

– 32,4

Dont plan durgence face à la crise sanitaire

+ 51,0

Dont taxe sur la valeur ajoutée

– 19,8

Prélèvements sur recettes

+ 2,5

Budgets annexes

– 0,2

Budgets annexes

0

Comptes spéciaux (baisse des recettes sur le compte Participations financières de lÉtat)

– 9,0

Comptes spéciaux

– 2,0*

Total

 74,0

Total

+ 54,9

Total dégradation du déficit budgétaire = 74 + 54,9 = 128,9

* L’abondement de 20 milliards d’euros du compte Participations financières de l’État est déjà comptabilisé en dépenses dans le budget général ; les surplus de crédits de 5 milliards d’euros sur les autres comptes sont compensés par une baisse de 7 milliards des dépenses prévues sur le compte Participations financières de l’État qui avaient été enregistrées en LFR 1.

Le tableau d’équilibre traduit ainsi les conséquences budgétaires du plan global chiffré à 136 milliards d’euros par le Gouvernement en réaction à la crise du Covid-19. L’impact budgétaire sur le solde de l’État en 2020 de ce plan peut être évalué à 62,3 milliards d’euros.

Sur les 136 milliards du plan proposé par le Gouvernement, il est indiqué dans l’exposé des motifs de l’article liminaire que 57,5 milliards d’euros sont des dépenses publiques au sens de la comptabilité maastrichtienne et ont donc un impact sur le déficit public. Les dispositifs concernés sont pris en charge par l’État à hauteur de 36,8 milliards d’euros après déduction de la participation de la Sécurité sociale (dépenses de l’ONDAM), de l’Unédic (pour l’activité partielle) et des collectivités territoriales (pour le fonds de solidarité). Par ailleurs, certaines mesures des plans sectoriels annoncés ne se traduiront pas par des décaissements budgétaires en 2020.

Par ailleurs, le plan de 136 milliards du Gouvernement comprend un volet de l’ordre de 78,5 milliards d’euros n’ayant pas d’impact sur la comptabilité maastrichtienne (ou pas d’impact immédiat). Il en est ainsi de divers dispositifs qui auront cependant un impact budgétaire en 2020 dont les prises de participation exceptionnelles, le plan d’aide aux collectivités territoriales (qui est interne aux administrations publiques et ne constitue donc pas une dépense maastrichtienne), et diverses avances retracées dans les comptes de concours financiers.

Ces explications sont récapitulées dans le tableau suivant.

Impact sur le budget de l’État du plan de 136 milliards présentés par le Gouvernement pour faire face à la crise du Covid‑19

Dispositif

Impact 2020

en dépenses publiques maastrichtiennes

Impact 2020

sur le budget de lÉtat

Activité Partielle

30 800

20 533

Fonds de solidarité

8 000

7 450

Dépenses de santé exceptionnelle (ONDAM)

8 000

0

Plan de soutien pour les entreprises les plus touchées (exonération de charges)

3 000

3 000

Mesure fiscale relative au remboursement anticipé de Carry-back

400

400

Autres (plans de soutien sectoriels, aide aux plus fragiles, achats de masques par l’État, etc.)

7 300

5 419*

Sous-total

57 500

36 802

 

Impact non maastrichtien

Impact 2020

sur le budget de lÉtat

Prises exceptionnelles de participations

20 000

20 000

Plan de soutien aux collectivités territoriales

4 500

2 560

Fonds de développement économique et social (FDES) et avances aux entreprises

1 425

1 425

Avances aux services de l’État et autres organismes publics

1 550

1 550

Autres (reports de charge, remboursement anticipé de crédits d’impôts, autres mesures des plans sectoriels)

51 025**

0

Sous-total

78 500

25 535

Total

Plan du Gouvernement

Impact 2020 sur le budget de lÉtat

136 000

62 337

*   Par différence entre le total des crédits ouverts depuis la LFI et les crédits consacrés aux dispositifs du plan d’urgence ayant un impact maastrichtien.

** Résultat obtenu par déduction. Pour rappel, le programme de stabilité d’avril 2020 a chiffré à 25,5 milliards d’euros le report des échéances de certains prélèvements obligatoires, à 23 milliards d’euros le remboursement anticipé de crédits d’impôt.

La nouvelle prévision de déficit budgétaire de 222,1 milliards d’euros se décompose en :

– un solde du budget général de – 214,8 milliards euros, résultant de la différence entre des recettes nettes de 242,5 milliards d’euros, et des dépenses de 457,4 milliards d’euros (comprenant 392,1 milliards d’euros de dépenses nettes et 65,2 milliards d’euros de prélèvements sur recettes) ;

– un solde des budgets annexes de – 0,2 milliard d’euros ;

– et un solde des comptes spéciaux de – 7,1 milliards d’euros.

Décomposition de la prévision de solde budgétaire 2020

(en millions d’euros)

Solde du budget général

– 214 757

Solde des budgets annexes

– 203

Solde des comptes spéciaux

– 7 121

Solde budgétaire de lÉtat

 222 081

A.   Le budget général

1.   Des prévisions de recettes en forte baisse (– 64,8 milliards d’euros)

Les recettes nettes du budget général sont désormais prévues à 242,6 milliards d’euros, en baisse de 64,8 milliards d’euros par rapport à la prévision de la LFI 2020. La baisse de la prévision de rendement de l’impôt sur les sociétés représente la moitié de ce montant (– 32,4 milliards d’euros). Celle de la TVA en représente près du tiers (– 19,8 milliards d’euros).

Les prévisions de recettes nettes du budget général de l’État pour 2020

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3

2020

Total

Recettes fiscales nettes

293 001

– 10 696

– 32 000

– 23 159

227 146

– 65 855

Recettes non fiscales

14 364

+ 3 536

– 2 150

– 303

15 447

+1 083

Recettes nettes total

307 366

– 7 160

– 34 151

– 23 461

242 593

– 64 772

a.   Les recettes fiscales (– 65,9 milliards d’euros)

La baisse de la prévision de recettes s’explique par la baisse des rentrées fiscales nettes, celles-ci étant désormais évaluées à 227,1 milliards d’euros au lieu de 293 milliards d’euros en LFI.

Les prévisions de recettes fiscales nettes du budget général pour 2020

(en milliards d’euros)

 

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3

2020

Total

Taxe sur la valeur ajoutée

126

– 2,2

– 9,1

– 8,5

106,2

– 19,8

Impôt sur le revenu

75,5

– 1,4

– 4,6

0

69,5

– 6,0

Impôt sur les sociétés

48,2

– 6,6

– 12,8

– 13,0

15,7

– 32,4

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

14,5

0

– 1,5

– 0,1

12,9

– 1,6

Autres recettes fiscales nettes

28,8

– 0,4

– 4,0

– 1,6

22,8

– 6,0

Total

293

– 10,7

– 32,0

– 23,2

227,1

– 65,9

La baisse de la prévision des recettes fiscales nettes par rapport à la LFI 2020 atteint 65,9 milliards d’euros (soit 22,5 % de la prévision initiale) dont :

– 10,7 milliards d’euros enregistrés dès la LFR 1 2020 ;

– 32 milliards d’euros au titre de la LFR 2 2020 ;

– et 23,2 milliards au titre du présent PLFR.

Les évolutions de prévisions de recettes reposent principalement sur la révision des hypothèses d’évolution spontanée des différents impôts. Dans une période de récession, les recettes fiscales diminuent mécaniquement, du fait de la contraction de leur assiette.

Prévision de croissance en volume pour 2020 du Gouvernement

(en pourcentage du produit intérieur brut)

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3 2020

+ 1,3 %

– 1 %

– 8 %

– 11 %

Toutefois, les effets ne sont pas les mêmes selon les impôts.

La baisse du rendement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est corrélée à la baisse des dépenses de consommation consécutive au confinement de la population et à la restriction d’ouverture des commerces. La baisse de prévision de rendement de la TVA atteint désormais 19,8 milliards d’euros par rapport à la LFI, soit près de 16 % de la prévision initiale.

La baisse de l’impôt sur le revenu (IR) est plus modérée, en moyenne, que celle de l’ensemble des recettes fiscales. Cela peut s’expliquer par le fait que les revenus des ménages ont été en grande partie préservés en raison du dispositif exceptionnel de renforcement du chômage partiel. Néanmoins, le Gouvernement anticipe des baisses de revenus pour certains ménages et un recours accru aux possibilités de modulation du taux de prélèvement à la source. Il révise à la baisse de 6 milliards d’euros la prévision de rendement de l’IR par rapport à la LFI, soit 8 % de la prévision initiale. Il s’agissait de la même prévision en LFR 2. Elle est donc inchangée dans le cadre du présent PLFR.

À l’inverse, le rendement de l’impôt sur les sociétés (IS) surréagit. L’assiette taxable repose en effet sur le bénéfice et celle-ci diminue proportionnellement plus vite que l’activité. La prévision est en baisse de 32,4 milliards d’euros par rapport à la LFI 2020, soit 67 % de la prévision initiale. Pour rappel, la LFR 2 reposait sur une hypothèse de baisse de 40 % de la prévision d’IS. La baisse de la prévision inclut une mesure fiscale portée par le PLFR 3, chiffrée à 400 millions d’euros par le Gouvernement, relative au remboursement anticipé des créances de report en arrière de déficit (« carry-back »).

De même, la limitation stricte des conditions de circulation durant la période de confinement et la première phase de déconfinement devrait conduire à un fléchissement de la consommation de carburant, et donc avoir un effet sur le produit de TICPE en 2020. La prévision est ainsi révisée à la baisse de 1,6 milliard par rapport à la LFI, soit 10 % de la prévision initiale. Il s’agit sensiblement de la même prévision que celle qui prévalait en LFR 2.

Le Haut Conseil des finances publiques a estimé dans son avis que les prévisions de recettes fiscales sont entourées « daléas négatifs », en particulier s’agissant de l’impôt sur le revenu qui n’a pas fait l’objet d’une révision dans le cadre de ce PLFR par rapport à la LFR 2. Il a également souligné que « la prévision de croissance spontanée des prélèvements obligatoires fait lhypothèse forte que les reports de quelques mois déchéances fiscales et sociales ne donneront pas lieu à des abandons de créances significatifs en 2020, alors même que de nombreuses entreprises concernées par ces reports seront fragilisées par la chute de leur activité du fait de la crise sanitaire ».

b.   Les recettes non fiscales (+ 1,1 milliard)

Les recettes non fiscales progresseraient en revanche de 1,1 milliard d’euros par rapport à la LFI pour 2020, malgré la baisse attendue des dividendes. La hausse tient essentiellement à la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec l’entreprise Airbus le 29 janvier 2020, prévoyant une amende d’intérêt public de 3,6 milliards d’euros.

Les prévisions de recettes non fiscales du budget général pour 2020

(en milliards d’euros)

 

LFI

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Total

Dividendes et recettes assimilées

6,1

– 0,4

– 1,3

0

4,4

– 1,7

Produits du domaine de l’État

1,4

– 0,1

0

0

1,3

– 0,1

Produits de la vente de biens et services

1,8

+ 0,2

– 0,5

0

1,5

– 0,3

Remboursements et intérêts

1,2

0

0

0

1,2

0

Amendes, sanctions, pénalités, frais de poursuite

1,6

+ 3,9

0

0

5,4

+ 3,9

Divers

2,3

+ 0,1

– 0,4

– 0,3

1,7

– 0,6

Total

14,4

+ 3,5

– 2,2

– 0,3

15,4

2.   Un important relèvement du plafond de dépenses nettes (+ 42,8 milliards)

Le présent PLFR prévoit un plafond de dépenses nettes du budget général relevé à 392,1 milliards d’euros, soit 54,4 milliards d’euros de plus que prévus en LFI.

Plafond de dépenses nettes du budget général de l’État en 2020

(en millions d’euros)

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3 2020

Total

337 704

+ 6 250

+ 37 981

+ 10 176

392 111

+ 54 407

La hausse du plafond de dépenses tient compte d’annulations de crédits portant sur la charge de la dette à hauteur de 2 milliards deuros réalisées dans le cadre de la LFR 2. Le PLF 2020 faisait l’hypothèse d’une remontée du taux à 10 ans jusqu’à 0,70 % fin 2020. Le Gouvernement a expliqué dans le cadre de l’examen de la LFR 2 que les taux de certains emprunts sont indexés sur l’inflation et que l’inflation annuelle au mois de mai, qui sert de référence pour l’indexation budgétaire de la majeure partie de ce type d’emprunts, « est à présent attendue en 2020 à un niveau inférieur denviron 1 % à celui qui était anticipé en loi de finances initiale pour 2020 ». La prévision d’intérêts est inchangée dans le cadre de ce PLFR 3. La charge de la dette se limiterait ainsi à 36,6 milliards d’euros en 2020, au lieu de 38,6 milliards d’euros prévus en LFI et 40,3 milliards d’euros constatés en 2019.

Les ouvertures de crédits supplémentaires sont détaillées à l’état B et s’élèvent à 56,4 milliards d’euros par rapport à la LFI pour 2020. L’essentiel des crédits budgétaires ouverts depuis la LFI se concentre sur une nouvelle mission intitulée Plan durgence face à la crise sanitaire finançant en particulier quatre dispositifs.

En premier lieu, les crédits ouverts permettent des prises de participations exceptionnelles à hauteur de 20 milliards d’euros. Un nouveau programme budgétaire a été créé à ce titre en LFR 2 pour venir alimenter en recettes le compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat. Il a pour objectif « de soutenir léconomie en renforçant les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables et dont la situation pourrait savérer critique en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire résultant du Covid-19 ». Il n’est pas réabondé dans le cadre du PLFR 3.

En deuxième lieu, le PLFR 3 porte à 20,5 milliards deuros les crédits ouverts sur le budget de l’État pour le soutien à l’activité partielle, grâce à un nouvel abondement de 3,3 milliards d’euros. Avec le financement de l’Unédic, ce dispositif bénéficie au total d’une enveloppe de 30,8 milliards d’euros.

En troisième lieu, le PLFR 3 porte à 7,5 milliards deuros les crédits ouverts sur le budget de l’État pour le fonds de solidarité, grâce à un nouvel abondement de 1,2 milliard d’euros. Cela s’ajoute au 0,5 milliard d’euros de contribution des collectivités locales. Les financements publics du fonds de solidarité s’élèvent donc à près de 8 milliards d’euros, auxquels il faut encore ajouter la contribution des sociétés d’assurance à hauteur de 400 millions d’euros.

En quatrième lieu, le PLFR 3 ouvre 3 milliards deuros de crédits pour un nouveau programme relatif à la compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire.

Ces quatre dispositifs du plan d’urgence représentent au total près de 51 milliards d’euros de crédits budgétaires, soit 90 % des 56,4 milliards ouverts par rapport à la LFI.

Le solde de 5,4 milliards d’euros comprend 1,6 milliard d’euros au titre de dépenses accidentelles et imprévisibles et 3,8 milliards d’euros sur les autres missions du budget général.

Mouvements de crédits sur les dépenses nettes du budget général en 2020
(hors mission Remboursements et dégrèvements)

(en millions d’euros)

 

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Total

Dispositif exceptionnel de chômage partiel

+ 5 500

+ 11 700

+ 3 333

+ 20 533

Fonds de solidarité pour les entreprises

+ 750

+ 5 500

+ 1 200

+ 7 450

Renforcement exceptionnel des participations financières*

+ 20 000

+ 20 000

Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire

+ 3 000

+ 3 000

Sous-total Plan durgence face à la crise sanitaire

+ 6 250

+ 37 200

+ 7 533

+ 50 983

Dépenses accidentelles et imprévisibles

+ 1 620

+ 1 620

Autres missions

Action extérieure de l’État

+ 150

+ 150

Cohésion des territoires

+ 286,5

+ 286,5

Culture

+ 10

+ 10

Écologie, développement et mobilité durables

+ 623

+ 623

Économie

+ 281

+ 290

+ 571

Engagements financiers de l’État

+ 280

+ 280

Enseignement scolaire

+ 126,5

+ 126,5

Médias, livre et industries culturelles

+ 278

+ 278

Recherche et enseignement supérieur

+ 265

+ 265

Solidarité, insertion et égalité des chances

+ 880

+ 84

+ 964

Sport, jeunesse et vie associative

+ 50

+ 50

Travail et emploi

+ 200

+ 200

Sous-total autres missions

 

+ 1 161

+ 2 643

+ 3 804

Charge de la dette et trésorerie de lÉtat

 2 000

 2 000

Total

54 407

* Il s’agit d’un versement du budget général qui vient en recettes du compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat.

3.   La hausse des prélèvements sur recettes (+ 2,5 milliards)

Le présent PLFR prévoit une hausse de 560 millions d’euros du prélèvement sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales par rapport à la LFI. Ce montant s’inscrit dans le cadre du plan d’aide aux collectivités territoriales et a pour but de compenser des pertes de recettes fiscales consécutives à la crise du Covid‑19.

La LFR 2 avait pour sa part augmenté la prévision du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne à hauteur de près de 2 milliards d’euros en raison des « dépenses de cohésion décidée dans le cadre du plan de soutien européen ».

Le montant total des prélèvements sur recettes est donc désormais prévu à 65,2 milliards d’euros.

Les prélèvements sur recettes en 2020

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3 2020

Total

En faveur

de l’Union européenne

21 480

0

+ 1 952

0

23 432

+ 1 952

En faveur

des collectivités territoriales

41 247

0

0

+ 560

41 807

+ 560

Total

62 727

0

+ 1 952

+ 560

65 239

+ 2 512

B.   Les budgets annexes

Le budget de l’État comprend deux budgets annexes : le budget annexe Contrôle et exploitation aériens et le budget annexe Publications officielles et information administrative.

Les budgets annexes

Selon l’article 18 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), « des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de lÉtat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsquelles sont effectuées à titre principal par lesdits services. » Les budgets annexes constituent des missions au sens de la LOLF.

Les ressources et charges du budget annexe Publications officielles et information administrative n’ont pas été révisées par rapport à la LFI. Le solde de ce budget annexe est toujours prévu en excédent de 21 millions d’euros.

En revanche, la prévision de solde du budget annexe Contrôle et exploitation aériens a fait l’objet d’une dégradation de 200 millions d’euros dans la LFR 2 pour 2020. Il s’ensuit que le solde de ce budget annexe est désormais prévu en déficit de 223 millions d’euros. Cela s’explique par une dégradation des recettes. La chute du rendement de la taxe de l’aviation civile et des redevances dont bénéficie ledit budget annexe a été estimée à 900 millions d’euros en LFR 2. Cette perte de recettes serait compensée à hauteur de 700 millions d’euros par le produit des emprunts. Aucun autre mouvement n’est prévu dans le cadre de ce PLFR pour ce budget annexe.

C.   Les comptes spéciaux

Les plafonds de dépenses de quatre comptes spéciaux sont également relevés.

Le principal relèvement porte sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat. La LFR 2 a relevé les crédits de 20 milliards d’euros, correspondant au montant venant en recettes de ce compte et prélevé sur le budget général. Pour rappel, la LFR 1 avait annulé près de 7 milliards d’euros de crédits sur le même compte, en raison de l’annulation de prévisions de recettes pour près de 9 milliards d’euros – le nouveau contexte lié à la crise du Covid-19 ayant conduit le Gouvernement à renoncer à certaines cessions.

De même, les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ont été relevés par la LFR 2 de 1,4 milliard d’euros pour abonder le Fonds de développement économique et social (FDES) qui permet à l’État d’accorder des prêts à des entreprises (925 millions d’euros), et pour financer l’octroi d’avances remboursables et de prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du Covid-19 (500 millions d’euros). Ces prêts bonifiés ont été institués en application de l’article 23 de la LFR 2 par un décret du 12 juin 2020 ([183]). Ils sont réservés aux petites et moyennes entreprises qui n’ont pas obtenu de prêt avec garantie de l’État (PGE) et qui présentent des perspectives réelles de redressement.

Tout comme la LFR 1 et la LFR 2, le PLFR 3 ouvre des crédits supplémentaires pour le compte de concours financier Avances à des services de lÉtat ou organismes gérant de services publics (+1,55 milliard d’euros par rapport à la LFI).

Enfin, le présent PLFR 3 ouvre 2 milliards d’euros de crédit sur le Compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales. Il s’agit, dans le cadre du plan d’aide aux collectivités territoriales, de permettre le financement d’avances aux départements sur les droits de mutation à titre onéreux dont le rendement a, à ce stade, fortement ralenti en 2020 en raison du confinement.

Mouvements de crédits sur les comptes spéciaux

(en millions d’euros)

 

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Total

Compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat

– 6 980

+ 20 000

+ 13 020

Compte de concours financier Avances à des services de lÉtat ou organismes gérant de services publics

+ 500

+ 700

+ 350

+ 1 550

Compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

+ 1 425

 

+ 1 425

Compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales

+ 2 000

+ 2 000

À la suite de ces relèvements (18 milliards d’euros) et de l’augmentation des recettes sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat pour un montant net de 11 milliards d’euros (– 9 milliards en LFR 1 et + 20 milliards en LFR 2), le solde des comptes spéciaux ressort désormais à – 7,1 milliards d’euros alors qu’il était prévu en quasi-équilibre en LFI 2020.

II.   Le tableau de financement : des Émissions de dette d’un niveau inégalÉ

Le besoin de financement de l’État pour 2020 est désormais prévu à 361,2 milliards d’euros alors qu’il était prévu à 230,5 milliards d’euros en LFI.

Ce besoin de financement se décompose en 138,4 milliards d’euros au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital arrivant à échéance), 221,1 milliards au titre du déficit de l’année à financer et 0,7 milliard d’euros au titre d’autres besoins.

Besoin de financement de l’État en 2020

(en milliards d’euros)

Amortissement de la dette à moyen et long termes

136,2

Amortissement des autres dettes

0,5

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

1,7

Déficit à financer

222,1

Autres besoins de trésorerie

0,7

Besoin de financement

361,2

De manière inhabituelle, on observe que le déficit à financer représente un besoin de financement plus important que le remboursement des emprunts arrivant à échéance.

Ce besoin de financement est couvert en quasi-totalité par de nouveaux emprunts :

– 260 milliards d’euros d’émissions de dette à moyen et long termes (nettes des rachats) ;

– et 79,9 milliards d’euros de variation nette de l’encours des titres d’État à court terme.

Le solde est couvert par la variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État (9 milliards d’euros), d’autres ressources de trésorerie (10,5 milliards d’euros) et une variation à la hausse du dépôt des disponibilités des correspondants du Trésor (1,8 milliard d’euros).

Ressources de financement de l’État en 2020

(en milliards d’euros)

Émissions de dette à moyen et long termes nettes des rachats

260

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

79,9

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

9

Autres ressources de trésorerie

10,5

Variation des dépôts des correspondants

1,8

Ressources de financement

361,2

Enfin, l’article d’équilibre du présent PLFR prévoit que le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année et en valeur nominale, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an est fixé à 129,5 milliards deuros, au lieu de 74,5 milliards d’euros en LFI.

*

*     *

La commission adopte l’article 8 et l’état A sans modification.

*

*     *

Après l’article 8

La commission est saisie l’amendement CF1394 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Émilie Cariou. L’amendement traite du plafond d’autorisation d’emploi de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) afin d’entamer le dialogue avec le Gouvernement en séance. Le rapporteur général peut-il nous éclairer quant aux moyens humains que l’Agence pourra consacrer à la mise en place et au suivi des nouvelles filières de responsabilité élargie du producteur ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement est satisfait : le code de l’environnement prévoit déjà l’exclusion de ces emplois du plafond d’emplois de l’ADEME.

L’amendement CF1394 est retiré.

La commission adopte la première partie du projet de loi de finances rectificative modifié.

 

 


—  1  —

   SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2020.– CRÉDITS DES MISSIONS

Article 9 et état B
Budget général : ouvertures de crédits

Le présent article procède à l’ouverture de 13,6 milliards deuros en autorisations d’engagement (AE) et 12,2 milliards deuros en crédits de paiement (CP) sur le budget général de l’État. Hors mission Remboursements et dégrèvements, les ouvertures de crédits s’élèvent à 11,6 milliards deuros en AE et 10,2 milliards deuros en CP.

Les ouvertures portent sur quinze missions du budget général de l’État sur les trente-trois missions existantes. Aucune annulation de crédits n’est prévue.

Au total, les trois lois de finances rectificatives pour 2020 auraient pour effet d’ouvrir 56,6 milliards deuros de crédits en AE (54,8 milliards d’euros hors mission Remboursements et dégrèvements) et 56,1 milliards deuros en CP (54,4 milliards d’euros hors mission Remboursements et dégrèvements) sur le champ du budget général de l’État, en plus des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Des tableaux, à la fin du présent commentaire, récapitulent les ouvertures de crédits en AE et en CP pour chaque programme depuis la première loi de finances rectificative (LFR 1).

A.   Le rÉabondement de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire

La mission Plan durgence face à la crise sanitaire, créée par la LFR 1 et réabondée par la LFR 2, fait l’objet de nouvelles ouvertures de crédits à hauteur de 7,5 milliards deuros en AE/CP, portant le total des crédits ouverts sur cette mission par les LFR successives à 50,9 milliards deuros.

● Le programme « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » bénéficie d’une ouverture de 3,3 milliards deuros en AE/CP, destinée à assurer le financement du dispositif de chômage partiel dans les mois à venir. Compte tenu de la clé de répartition du financement du dispositif entre l’État et l’Unédic, cette ouverture correspond à une augmentation de 5 milliards d’euros de la prévision du coût pour les finances publiques du dispositif de chômage partiel, le portant à 30,8 milliards deuros, dont 20,5 milliards d’euros pour l’État et 10,3 milliards d’euros pour l’Unédic.

Le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures d’urgence ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, déposé à l’Assemblée nationale le 7 mai 2020, propose, dans sa version qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ([184]) d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter le dispositif d’activité partielle à la reprise d’activité. La loi est en passe d’être promulguée.

Le Gouvernement a ainsi annoncé une évolution du dispositif dans le sens d’une diminution du montant de l’allocation d’activité partielle financée par l’État et par l’Unédic aux entreprises des secteurs dont l’activité a repris pour les heures chômées à compter du 1er juin ([185]).

Couvrant 100 % du montant de l’indemnité que les entreprises versent aux salariés en activité partielle durant les mois de mars à mai pour des niveaux de salaires inférieurs à 4,5 SMIC, elle couvrira 85 % de ce montant pour les heures chômées à compter du 1er juin 2020. Le montant de l’indemnité versée aux salariés en activité partielle ne sera pas modifié (voir fiche 3).

Ainsi, les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie-cafés-restauration et de l’évènementiel culturel et sportif continueront à bénéficier du dispositif tel qu’il était applicable au titre des mois de mars à mai, et ce jusqu’à la fin du mois de septembre 2020.

● Les crédits du programme « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » font l’objet d’une ouverture de 1,2 milliard deuros, portant le total des crédits ouverts au titre de ce fonds par les LFR à 7,45 milliards deuros. En y intégrant les engagements des régions et du secteur de l’assurance de contribuer respectivement à hauteur de 500 millions d’euros et de 400 millions d’euros au fonds, le montant total estimé du fonds est de 8,35 milliards deuros, dont 7,95 milliards deuros de financements publics.

Cet abondement permettra de financer le prolongement du fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année pour les entreprises les plus affectées par la crise (voir fiche 4).

● Enfin, le PLFR propose la création dun quatrième programme dans la mission, dénommé « Compensation à la sécurité sociale des allégements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire ». Il a vocation à financer les pertes de recettes pour la sécurité sociale proposées par l’article 18 du PLFR qui prévoit des allégements de cotisations et contributions sociales. Il serait doté de 3 milliards deuros, correspondant au montant estimé de l’impact de l’article 18 sur les finances de la sécurité sociale. Cette estimation doit toutefois être prise avec précaution. Selon l’évaluation préalable de l’article 18, « de nombreux aléas sont susceptibles de faire évoluer ce coût, notamment à la baisse en cas de diminution plus forte quanticipé des revenus dactivité » ([186]).

Cette compensation est rendue nécessaire, d’une part, par le IV de l’article LO. 111–3 du code de la sécurité sociale aux termes duquel seules les lois de financement de la sécurité sociale peuvent créer ou modifier des réductions ou exonérations de cotisations de sécurité sociale non compensées et, d’autre part, par l’article L. 131-7 du même code qui prévoit compensation pour les mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale.

B.   Les autres ouvertures de crÉdits

1.   La mission Relations avec les collectivités territoriales (1 milliard d’euros en AE)

Le PLFR 3 propose l’ouverture de 1 milliard deuros en AE sur le programme « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ».

Ces crédits sont destinés à soutenir l’investissement des collectivités territoriales pour les exercices 2020 et 2021. Ils ont pour objectif d’accompagner les projets des territoires en favorisant la coopération entre l’État et les acteurs locaux. Selon le présent projet de loi, ils financeront de manière prioritaire des projets contribuant à la résilience sanitaire, à la transition écologique et à la rénovation du patrimoine public.

2.   La mission Écologie, développement et mobilité durables (623 millions d’euros en AE/CP)

Le programme « Énergie, climat et après-mines » bénéficie d’une ouverture de crédits de 623 millions deuros en AE/CP dédiés au financement des mesures de soutien à l’acquisition de véhicules dans le cadre du plan automobile (voir fiche 5) :

– 228 millions d’euros sont ouverts au titre du renforcement exceptionnel du bonus écologique pour l’acquisition de véhicules électriques et véhicules hybrides rechargeables entre le 1er juin et le 31 décembre 2020 ;

– 395 millions d’euros sont ouverts au titre du renforcement du dispositif de la prime à la conversion, dans la limite de 200 000 primes.

3.   La mission Économie (440 millions d’euros en AE et 290 millions d’euros en CP)

Le programme « Développement des entreprises et régulation » fait l’objet d’une ouverture de crédits à hauteur de 440 millions deuros en AE et 290 millions deuros en CP.

Ces crédits permettront de financer :

– une dotation complémentaire de 100 millions d’euros en AE/CP des fonds de garantie de Bpifrance ;

– des mesures de restructuration, de soutien aux conseils aux petites et moyennes entreprises et aux très petites entreprises et d’accompagnement à la numérisation, pour 40 millions d’euros en AE/CP ;

– le soutien à l’investissement de la filière automobile à hauteur de 200 millions d’euros en AE et de 100 millions d’euros en CP (voir la fiche 5 sur les plans sectoriels) ;

– le soutien aux projets de diversification, de modernisation et d’amélioration de la performance environnementale des procédés de production des PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) de la filière de l’aéronautique civile, à hauteur de 100 millions d’euros en AE et de 50 millions d’euros en CP.

Ce programme a déjà fait l’objet d’ouvertures en LFR 2 à hauteur de 281 millions d’euros en AE/CP au titre du financement de l’achat de masques non sanitaires, de l’investissement pour des machines permettant la production de matériaux utilisés pour la confection des masques ainsi que des mesures de soutien aux zoos refuges et cirques familiaux. Au total, 721 millions d’euros en AE et 571 millions d’euros en CP auront été ouverts sur ce programme par les lois de finances rectificatives.

4.   La mission Travail et emploi (400 millions d’euros en AE et 200 millions d’euros en CP)

Le présent PLFR propose l’ouverture de 400 millions d’euros en AE et de 200 millions d’euros en CP sur le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de lemploi » au titre du financement de la prime à l’embauche exceptionnel, qui se substitue à l’aide unique à l’apprentissage pour la première année des contrats d’apprentissage conclus entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021 dans les entreprises de moins de 250 salariés et dans les entreprises de plus de 250 salariés recrutant au moins 5 % d’apprentis.

Le montant de l’aide sera de 8 000 euros par apprenti majeur et de 5 000 euros par apprenti mineur.

Son coût total est estimé à 500 millions d’euros en AE et 300 millions d’euros en CP. Les ouvertures de crédits proposées permettront donc de financer 80 % des besoins en AE et les deux tiers des besoins en CP.

D’après les informations transmises par le Gouvernement, le reste du besoin de financement sera assuré par le redéploiement des crédits de la mission destinés à la compensation à la sécurité sociale d’exonérations de cotisations, permis par le constat de sous-consommations depuis le début de l’année.

5.   La mission Recherche et enseignement supérieur (355 millions d’euros en AE, 265 millions d’euros en CP)

La mission Recherche et enseignement supérieur bénéficierait d’ouvertures de crédits à hauteur de 355 millions deuros en AE et 265 millions deuros en CP.

● Le programme « Vie étudiante » serait abondé de 150 millions deuros en AE/CP pour les motifs suivants :

– le financement du volet « étudiants » de l’aide d’urgence aux jeunes précaires, aide à destination des étudiants ayant perdu leur stage gratifié ou leur emploi rémunéré en raison de la crise et des étudiants ultramarins isolés n’ayant pas pu regagner leur domicile, à hauteur de 75 millions d’euros ;

– la compensation de la perte de loyers des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) liée aux mesures prises par le Gouvernement pour faciliter le départ des étudiants de leur logement pendant la crise, pour un total de 45 millions d’euros ;

– le prolongement en juillet du versement de bourses sur critères sociaux pour certains étudiants amenés à passer des concours ou examens au-delà du 30 juin, pour 30 millions d’euros.

● Le programme « Recherche dans les domaines de lénergie, du développement et de la mobilité durables » bénéficie d’une ouverture de 165 millions deuros en AE et de 85 millions deuros en CP pour financer :

– le renforcement du soutien à la recherche technologique et au développement dans le domaine de l’aéronautique civile ;

– de nouveaux projets dans le domaine aéronautique, concernant notamment l’amélioration de l’efficacité énergétique des aéronefs civils et la préparation de l’hybridation électrique.

6.   La mission Cohésion des territoires (287 millions d’euros en AE/CP)

La mission Cohésion des territoires fait l’objet d’une ouverture de 287 millions deuros en AE/CP.

● Les crédits du programme « Hébergement durgence, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » sont augmentés de 200 millions deuros en AE/CP pour permettre le financement des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, en particulier :

– la prolongation de la trêve hivernale jusqu’au 10 juillet ;

– l’ouverture d’environ 3 000 places en centres d’hébergement spécialisés pour les personnes atteintes de la Covid‑19 ;

– l’ouverture de 17 000 places supplémentaires dans les centres d’hébergement d’urgence existants pour permettre le respect des gestes barrières ;

– la distribution de chèques-services.

● Les crédits du programme « Politique de la ville » sont abondés à hauteur de 86,5 millions deuros pour financer :

– la mise en place du dispositif « vacances apprenantes » pour les élèves des quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour un coût de 80 millions d’euros ;

– l’élargissement du volet « école ouverte » du dispositif « vacances apprenantes », pour un coût de 6,5 millions d’euros.

7.   La mission Engagements financiers de lÉtat (280 millions d’euros en AE/CP)

280 millions deuros en AE/CP sont ouverts sur la mission.

● Le programme « Appels en garantie de lÉtat », qui porte les dépenses budgétaires découlant de la mise en jeu des garanties octroyées par l’État, est abondé à hauteur de 182 millions deuros en AE/CP, ayant pour effet de quasiment tripler les crédits du programme. Le programme finance en particulier les garanties à l’export octroyées par l’État et il serait amené à financer les appels en garantie au titre du prêt garanti par l’État (PGE).

Il convient de rappeler que l’État n’enregistre un coût budgétaire sur ce programme que dans le cas où le résultat technique des instruments de garantie devient négatif, c’est-à-dire lorsque le montant des appels en garantie excède les recettes issues des primes au titre de ces garanties.

L’estimation du coût budgétaire pour l’État en 2020 est incertaine, d’une part parce que l’augmentation des demandes de garanties entraîne une augmentation des primes des garanties et, d’autre part, parce que l’étalement du coût budgétaire dans le temps est difficile à estimer. Ainsi, le différé de remboursement de douze mois dans le cadre du PGE laisse penser que l’impact budgétaire au titre de cette garantie interviendra majoritairement en 2021.

Le Gouvernement fixe à 276,1 millions d’euros sa première estimation du coût budgétaire de l’ensemble des garanties octroyées par l’État en 2020, en tenant compte des 94,1 millions d’euros inscrits par la LFI.

● Le programme « Dotation du mécanisme européen » bénéfice d’une ouverture de 98 millions deuros au titre de la rétrocession des intérêts négatifs payés par le mécanisme européen de stabilité au titre de l’année 2019. En effet, depuis 2017, le MES doit payer des intérêts négatifs sur les fonds qu’il place auprès de l’Eurosystème et notamment auprès de la Banque de France et de la Bundesbank. Pour assurer la neutralité financière du MES, la France et l’Allemagne ont pris l’engagement de lui rétrocéder les intérêts négatifs qu’il verse.

Le rapporteur général note que la Cour des comptes ([187]), comme la rapporteure spéciale de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur la mission Engagements financiers de lÉtat ([188]), ont recommandé à plusieurs reprises – et encore récemment ([189]) – l’inscription de crédits en programmation sur ce programme pour éviter une inévitable ouverture de crédits en cours d’année. L’absence d’ouvertures de crédits dès la loi de finances contribue à fragiliser la sincérité budgétaire de la mission.

8.   La mission Médias, livre et industries culturelles (278 millions d’euros en AE/CP)

Le PLFR propose l’ouverture de 278 millions deuros en AE/CP sur la mission.

● Le programme « Presse et médias » bénéficierait d’une ouverture de crédits de 100 millions deuros pour financer le plan de soutien et de restructuration de la société Presstalis.

● Le programme « Livre et industries culturelles » bénéficie d’ouvertures de crédits de 178 millions deuros en AE/CP. Ajoutées à la mobilisation de la réserve de précaution du programme à hauteur de 7 millions d’euros, elles permettront :

– de doter l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) de 85 millions d’euros pour la réalisation de prêts en faveur de la chaîne du livre, des industries culturelles et créatives, et des éditeurs de presse ;

– de majorer la subvention pour charge de service public du Centre national de la musique (CNM) de 50 millions d’euros ;

– de financer à hauteur de 50 millions d’euros le nouveau fonds d’indemnisation pour interruption ou abandon des tournages d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles liés à l’épidémie de Covid‑19 mis en place par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Le plan de soutien à la filière du livre présenté le 9 juin dernier ([190]) prévoyait également un soutien accru de l’État de 30 millions d’euros au Centre national du livre (CNL) et la mobilisation de 12 millions d’euros supplémentaires répartis sur 2020 et 2021 pour aider les librairies à moderniser leur équipement.

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que ces mesures feraient l’objet d’un amendement au présent PLFR.

9.   La mission Action extérieure de l’État (150 millions d’euros en AE/CP)

150 millions deuros en AE/CP sont ouverts sur la mission, en particulier pour financer les mesures en faveur des Français de l’étranger annoncées par le Gouvernement le 30 avril dernier.

● Le programme Diplomatie culturelle et dinfluence est abondé à hauteur de 50 millions deuros en AE/CP pour permettre à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) de soutenir les établissements d’enseignement à l’étranger qui en ont besoin, quel que soit leur statut.

Parallèlement, le compte de concours financier « Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics » fait l’objet d’un abondement de 50 millions d’euros pour permettre à l’Agence France Trésor de verser des avances de trésorerie à l’AEFE. Ce montant, qui abonde un compte de concours financier, n’est donc pas retracé dans le budget général.

● Le programme Français à létranger et affaires consulaires fait l’objet d’une ouverture de crédits de 100 millions deuros permettant de financer :

– l’enveloppe d’aides sociales mise à disposition du réseau consulaire pour répondre aux besoins accrus des plus démunis des Français de l’étranger qui ne bénéficient pas d’une aide de la part de leur État de résidence, des assureurs ou des structures locales, pour 50 millions d’euros ;

– le renforcement des dispositifs de bourses scolaires pour venir en aide aux ressortissants français dont la situation l’exige, pour 50 millions d’euros.

10.   La mission Enseignement scolaire (127 millions d’euros en AE/CP)

Le programme « Vie de lélève » de la mission Enseignement scolaire bénéficie d’une ouverture de crédits de 126,5 millions deuros en AE/CP afin de financer :

– la mise en place du dispositif « sport, santé, culture et civisme » (2S2C) d’accueil des élèves par les collectivités territoriales, pour 70 millions d’euros ;

– l’élargissement en 2020 du volet « école ouverte » du dispositif « vacances apprenantes » pour 56,5 millions d’euros.

11.   La mission Solidarité, insertion et égalité des chances (84 millions d’euros en AE/CP)

La mission fait l’objet d’une ouverture de 84 millions deuros en AE/CP.

● Le programme « Inclusion sociale et protection des personnes » fait l’objet d’une ouverture de 80 millions deuros en AE/CP pour financer l’aide exceptionnelle de solidarité à destination des jeunes précaires.

Il s’agit d’une aide de 200 euros qui sera versée en juin aux jeunes de moins de 25 ans bénéficiaires des allocations personnalisées au logement (APL) et n’ayant pas de personnes à charge. Le Gouvernement estime qu’elle devrait bénéficier à environ 400 000 jeunes.

● Le programme « Égalité entre les femmes et les hommes » bénéficie d’une ouverture de 4 millions deuros en AE/CP pour financer à hauteur de 3 millions d’euros les associations venant en aide aux victimes de violences conjugales et pour financer l’accompagnement et l’hébergement des auteurs de violences conjugales pour un montant d’un million d’euros. Ce dernier dispositif permet l’éloignement du foyer des auteurs de violences conjugales pour protéger les victimes tout en évitant qu’elles soient contraintes de quitter le domicile.

12.   La mission Sport, jeunesse et vie associative (50 millions d’euros en AE/CP)

50 millions deuros en AE/CP sont ouverts sur le programme « Jeunesse et vie associative » pour financer le volet « accueil collectif de mineurs » du dispositif « vacances apprenantes », à hauteur de 20 millions d’euros pour les colonies de vacances et de 30 millions d’euros pour les accueils de loisirs sans hébergement.

13.   La mission Culture (10 millions d’euros en AE/CP)

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » bénéficie d’ouvertures de crédits à hauteur de 10 millions deuros en AE/CP pour financer le volet culturel du dispositif « vacances apprenantes », en complément d’un redéploiement de crédits à hauteur de 10 millions d’euros.

14.   La mission Remboursements et dégrèvements

La mission, dont les crédits sont évaluatifs, va bénéficier d’une ouverture de crédits de 2,0 milliards deuros. Il s’agit d’une révision technique qui tire les conséquences des révisions des prévisions de recettes.

Le programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État » fait ainsi l’objet d’une ouverture de 1,7 milliard d’euros en AE/CP et le programme « Remboursements et dégrèvements des impôts locaux » fait l’objet d’une ouverture de 330 millions d’euros.

 

 

 

 


Ouvertures et annulations des autorisations d’engagement en LFR 2020 et proposées par le présent PLFR

(en millions d’euros)

Mission

Programme

LFR 1 (A)

LFR 2 (B)

PLFR 3 (C)

Total (A+B+C)

Ouvertures

Annulations

Solde

Ouvertures

Annulations

Solde

Ouvertures

Annulations

Solde

Solde

Action extérieure de l’État

P185 « Diplomatie culturelle et d’influence »

50

50

P151 « Français à l’étranger et affaires consulaires »

100

100

Sous-total mission

150

150

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cohésion des territoires

P177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables »

200

200

200

P147 « Politique de la ville »

87

87

87

Sous-total mission

287

287

287

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Crédits non répartis

P552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

1 620

1 620

1 620

1 620

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Culture

P224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

10

10

10

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Écologie, développement et mobilité durables

P174 « Énergie, climat et après-mines »

623

623

623

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Économie

P134 « Développement des entreprises et régulation »

281

281

440

440

721

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Engagements financiers de l’État

P117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » (crédits évaluatifs)

2 000

– 2 000

 2 000

P114 « Appels en garantie de l’État » (crédits évaluatifs)

182

182

182

P336 « Dotation du mécanisme européen de stabilité »

98

98

98

Sous-total mission

2 000

– 2 000

280

 

280

 1 720

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enseignement scolaire

P230 « Vie de l’élève »

127

127

127

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Médias, livre et industries culturelles

P180 « Presse et médias »

100

100

100

P334 « Livre et industrie culturelle »

178

178

178

Sous-total mission

278

278

278

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

P356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire »

5 500

5 500

11 700

11 700

3 333

3 333

20 533

P357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire »

750

750

5 500

5 500

1 200

1 200

7 450

P358 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire »

20 000

20 000

20 000

P360 « Compensation à la sécurité sociale des allégements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire »

3 000

3 000

3 000

Sous-total mission

6 250

6 250

37 200

37 200

7 533

7 533

50 983

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur

P613 « Vie étudiante »

150

150

150

P190 « Recherche dans les domaines de lénergie, du développement et de la mobilité durables »

165

165

165

P192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »

40

40

40

Sous-total mission

355

355

355

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Relations avec les collectivités territoriales

P119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

1 000

1 000

1 000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Remboursements et dégrèvements

P200 « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État » (crédits évaluatifs)

4 566

4 566

4 238

– 4 238

1 668

1 668

1 996

P201 « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux » (crédits évaluatifs)

598

– 598

330

330

 268

Sous-total mission

4 566

598

3 968

4 238

– 4 238

1 998

1 998

1 728

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Solidarité, insertion et égalité des chances

P304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

880

880

80

80

960

P137 « Égalité entre les femmes et les hommes »

 

4

4

4

Sous-total mission

880

880

84

84

964

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sport, jeunesse et vie associative

P163 « Jeunesse et vie associative »

50

50

50

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Travail et emploi

P103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi »

400

400

400

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total

10 816

598

10 218

39 981

6 238

33 743

13 614

13 614

56 575

Total hors mission Remboursements et dégrèvements

6 250

6 250

39 981

2 000

37 981

11 616

11 616

54 847

Source : commission des finances, d’après la LFR 1 et la LFR 2 pour 2020 et le présent projet de loi de finances rectificative.


Ouvertures et annulations des crÉdits de paiement en LFR 2020 et proposées par le présent PLFR

(en millions d’euros)

Mission

Programme

LFR 1 (A)

LFR 2 (B)

PLFR 3 (C)

Total (A+B+C)

Ouvertures

Annulations

Solde

Ouvertures

Annulations

Solde

Ouvertures

Annulations

Solde

Solde

Action extérieure de l’État

P185 « Diplomatie culturelle et d’influence »

50

50

P151 « Français à l’étranger et affaires consulaires »

100

100

Sous-total mission

150

150

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cohésion des territoires

P177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables »

200

200

200

P147 « Politique de la ville »

87

87

87

Sous-total mission

287

287

287

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Crédits non répartis

P552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

1 620

1 620

1 620

1 620

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Culture

P224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

10

10

10

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Écologie, développement et mobilité durables

P174 « Énergie, climat et après-mines »

623

623

623

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Économie

P134 « Développement des entreprises et régulation »

281

281

290

290

571

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Engagements financiers de l’État

P117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » (crédits évaluatifs)

2 000

– 2 000

 2 000

P114 « Appels en garantie de l’État » (crédits évaluatifs)

182

182

182

P336 « Dotation du mécanisme européen de stabilité »

98

98

98

Sous-total mission

2 000

– 2 000

280

 

280

 1 720

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enseignement scolaire

P230 « Vie de l’élève »

127

127

127

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Médias, livre et industries culturelles

P180 « Presse et médias »

100

100

100

P334 « Livre et industrie culturelle »

178

178

178

Sous-total mission

278

278

278

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

P356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire »

5 500

5 500

11 700

11 700

3 333

3 333

20 533

P357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire »

750

750

5 500

5 500

1 200

7 450

20 000

P358 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire »

20 000

20 000

20 000

P360 « Compensation à la sécurité sociale des allégements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire »

3 000

3 000

3 000

Sous-total mission

6 250

6 250

37 200

37 200

7 533

7 533

50 983

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur

P613 « Vie étudiante »

150

150

150

P190 « Recherche dans les domaines de lénergie, du développement et de la mobilité durables »

85

85

85

P192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »

30

30

30

Sous-total mission

265

265

265

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Relations avec les collectivités territoriales

P119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Remboursements et dégrèvements

P200 « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État » (crédits évaluatifs)

4 566

4 566

4 238

– 4 238

1 668

1 668

1 996

P201 « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux » (crédits évaluatifs)

598

– 598

330

330

 268

Sous-total mission

4 566

598

3 968

4 238

– 4 238

1 998

1 998

1 728

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Solidarité, insertion et égalité des chances

P304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

880

880

80

80

960

P137 « Égalité entre les femmes et les hommes »

 

4

4

4

Sous-total mission

880

880

84

84

964

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sport, jeunesse et vie associative

P163 « Jeunesse et vie associative »

50

50

50

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Travail et emploi

P103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi »

200

200

200

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total

10 816

598

10 218

39 981

6 238

33 743

12 174

12 174

56 135

Total hors mission Remboursements et dégrèvements

6 250

6 250

39 981

2 000

37 981

10 176

 

10 176

54 407

Source : commission des finances, d’après la LFR 1 et la LFR 2 pour 2020 et le présent projet de loi de finances rectificative.

 

 

 

 


—  1  —

*

*     *

M. le président Éric Woerth. Nous en venons aux articles de crédit. Ces débats concernent davantage le Gouvernement et nous devrions donc ici passer rapidement au vote des amendements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette proposition du président devrait susciter l’accord de tous. Normalement, ces amendements de crédits sont examinés par des rapporteurs spéciaux. Ces amendements étant des adresses au Gouvernement, qu’il soit entendu que mes avis défavorables ou de retrait ne seront pas une volonté d’éviter le débat sur le fond, lequel se tiendra en séance avec le Gouvernement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1042 de M. Christophe Di Pompeo.

Elle est saisie de l’amendement CF1077 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Si j’ai l’assurance que cet amendement aura le soutien du rapporteur général en séance, je le retire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vais même faire mieux puisque c’est un engagement que j’ai pris : avis favorable, exceptionnellement.

La commission adopte l’amendement CF1077 (amendement  2176).

Elle est saisie de l’amendement CF1440 de Mme Anne Genetet.

M. Buon Tan. Il s’agit d’un amendement pour soutenir les alliances françaises de par le monde, au nombre de 834 réparties dans 132 pays, financées à 90 % par la facturation de cours, dont l’activité s’est arrêtée. Il existe donc un risque réel de perdre ce réseau. Nous proposons par conséquent de flécher 2,5 millions d’euros.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1440.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF1041 de M. Christophe Di Pompeo, CF1439 de Mme Anne Genetet, les amendements identiques CF1269 de M. M’jid El Guerrab, CF924 de Mme Samantha Cazebonne et CF1292 de M. Frédéric Petit, ainsi que les amendements CF1437 de Mme Anne Genetet et CF315 de M. David Lorion.

La commission est saisie de l’amendement CF1092 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’aide alimentaire prévue par le Gouvernement est dérisoire. Pour parer à l’urgence sociale, des chèques d’urgence alimentaire doivent être délivrés à tous les foyers en difficulté, ce qui implique d’augmenter considérablement les fonds alloués et de pérenniser le dispositif. Si le Gouvernement est capable de signer des chèques en blanc pour les grandes entreprises, nous pensons qu’il pourrait le faire également pour ceux qui rencontrent des difficultés pour simplement s’alimenter. Nous proposons un transfert de crédits sur la mission pour créer un fonds permettant de pallier le problème d’alimentation d’une partie de la population.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1092.

Elle est saisie de l’amendement CF972 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il vous est proposé d’augmenter les crédits en direction de l’autonomie protéique de l’agriculture française.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF972.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF472 et CF528 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il y a une impasse budgétaire de 1,2 milliard d’euros s’agissant de l’aide à l’accès au logement, il faut donc trouver l’argent.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF472 et CF528.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF918 et CF919 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je propose de réaffecter les 50 millions d’euros dédiés au pass Culture, dont on peut dire, avec la Cour des comptes, qu’il n’a pas porté ses fruits, à un fonds d’urgence en faveur de la culture, conformément au plan d’urgence des Républicains pour sauver la culture.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF918 et CF919.

La commission est saisie de l’amendement CF1177 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je souhaite le soutien de la commission des finances sur l’invraisemblable pénurie de moyens du Haut Conseil pour le climat. La température de la salle plaide pour l’adoption de cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1177.

Elle est saisie de l’amendement CF940 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. J’ai déjà présenté cet amendement sur le chèque énergie, en vue de le moduler selon un coefficient climatique des régions, car il existe une différence d’environ 500 euros dans la consommation d’énergie entre le Nord et le Sud.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF940.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF1393 de M. Matthieu Orphelin, CF815 de M. Xavier Roseren, CF1250 de Mme Olivia Grégoire, CF466 de Mme Annie Genevard, CF771 de M. Fabrice Brun, CF1297 de Mme Olivia Grégoire et CF1010 de M. Christophe Naegelen.

La commission est saisie des amendements CF1247, CF1235 et CF1248 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Il s’agit d’alimenter le fonds d’indemnisation, un, pour interruption de tournage, deux, pour le cinéma et les industries culturelles, et, trois, pour le Centre national de la musique.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements CF1247, CF1235 et CF1248.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF731 de M. Jean-Christophe Lagarde, CF75 de M. Marc Le Fur, CF1033 de M. Daniel Labaronne et CF1477 de M. Christophe Naegelen.

Elle est saisie de l’amendement CF277 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de rappeler qu’il faut compenser les exonérations de charges sociales à la sécurité sociale. Le Gouvernement le fait pour les nouvelles exonérations, mais avec un passif de 2,8 milliards d’euros résultant des mesures prises en réponse au mouvement des gilets jaunes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF277.

Elle est saisie de l’amendement CF988 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit d’un plan de relance ferroviaire, avec reprise de la deuxième tranche de la dette, de l’entretien du réseau, des pertes de recettes SNCF et des pertes de recettes du fret. Le coût est de 17 milliards d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous aurons à ce sujet un débat animé avec Joël Giraud, la semaine prochaine. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF988.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1245 de M. Jean-Paul Dufrègne.

Elle est saisie des amendements CF1242 et CF1243 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Il s’agit de modifications de dépenses pour soutenir les plus démunis et les moins de vingt-cinq ans.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements CF1242 et CF1243.

Elle est saisie de l’amendement CF1019 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. C’est un programme de « chèques rebond » pour relancer l’économie par la consommation.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1019.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF268 de Mme Sylvia Pinel.

La commission est saisie de l’amendement CF1020 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit d’accompagner les collectivités dans la gestion durable de l’eau.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF931 de Mme Christine Pires Beaune, CF1014 de M. Christophe Naegelen et CF1021 de Mme Christine Pires Beaune.

Elle est saisie de l’amendement CF938 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons une « APL petit commerce », car le loyer est un vrai souci pour le petit commerce, notamment en zone de revitalisation rurale (ZRR).

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF938.

Elle est saisie de l’amendement CF259 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Au lieu d’ouvrir un milliard d’euros pour les seules communautés bénéficiaires de la dotation de soutien à l’investissement local, je propose d’ouvrir 600 millions pour les communes et 400 millions pour les régions, afin de soutenir aussi l’investissement de ces dernières.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF259.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF1217 de Mme Sylvie Tolmont, CF1271 de Mme Ericka Bareigts et CF72 de M. Marc Le Fur.

La commission est saisie de l’amendement CF979 de M. Guillaume Garot.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit d’augmenter les crédits pour les bons alimentaires.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF979.

Elle est saisie de l’amendement CF1001 de Mme Josette Manin.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit d’une demande de crédits pour un fonds d’urgence en soutien aux entreprises des collectivités ultramarines.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1001.

Elle est saisie de l’amendement CF1246 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous proposons la création d’un fonds d’urgence agricole destiné notamment au secteur de l’agritourisme.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1246.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF1022 de Mme Michèle Victory, CF994 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe, CF1023 de Mme Michèle Victory, CF999 de Mme Christine Pires Beaune, ainsi que les amendements identiques CF73 de M. Marc Le Fur et CF980 de Mme Michèle Victory.

Elle est saisie de l’amendement CF521 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Il s’agit d’isoler 45 millions d’euros du programme 356 pour financer 4 000 remplaçants pour les chefs d’entreprise empêchés en raison de la maladie Covid‑19.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF521.

La commission est saisie des amendements CF1066 et CF983 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Notre collègue demande, d’une part, la nationalisation de l’entreprise Luxfer et, d’autre part, un plan de soutien aux centres d’hébergement touristique.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF1066 et CF983.

Elle est saisie de l’amendement CF1073 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. C’est une demande en faveur d’un plan de soutien pour les centres d’hébergement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1073.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF984 de Mme Michèle Victory et CF74 de M. Marc Le Fur.

La commission est saisie de l’amendement CF989 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de verser une prime aux sous-traitants qui travaillent dans les EHPAD.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF989.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF511 de Mme Frédérique Dumas.

Elle est saisie de l’amendement CF1028 de M. Hervé Saulignac. 

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement tend à créer un fonds d’urgence destiné aux ressourceries et aux recycleries.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1028.

Elle est saisie de l’amendement CF1438 de Mme Anne Genetet.

M. Buon Tan. Il s’agit de créer un programme dédié aux chambres de commerce et d’industrie françaises internationales (CCIFI).

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF1438.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1121 de M. Fabien Roussel.

Elle est saisie de l’amendement CF949 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à ouvrir un montant de crédits suffisant pour prolonger l’attribution des bourses sur critères sociaux non pas jusqu’en juillet, comme le propose le Gouvernement, mais jusqu’en août.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF949.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF987 de Mme Josette Manin.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF197 de M. Jean-René Cazeneuve et CF945 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF945 tend à créer un fonds de soutien au monde de la recherche.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF197 et CF945.

Elle est saisie de l’amendement CF1390 de M. Matthieu Orphelin. 

Mme Émilie Cariou. Cet amendement a pour objet de redéployer un milliard d’euros pour soutenir les collectivités locales en les dotant de moyens supplémentaires pour investir massivement dans la transition écologique et solidaire.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1390.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF810 de M. Fabrice Brun et CF941 de Mme Christine Pires Beaune.

Elle est saisie de l’amendement CF1027 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à tripler l’augmentation des moyens prévue par le Gouvernement pour lutter contre les violences conjugales, dont le nombre s’est fortement accru durant la crise.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1027.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF1244 de M. Jean-Paul Dufrègne.

Elle est saisie de l’amendement CF982 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à abonder les crédits du programme Sport afin de financer l’expérimentation d’un Pass Sport.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF982.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF1215 de Mme Fabienne Colboc.

Elle est saisie de l’amendement CF981 de M. Régis Juanico.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à soutenir financièrement le monde associatif en augmentant les crédits du fonds de développement de la vie associative (FDVA).

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF981.

Elle est saisie de l’amendement CF1008 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de soutenir le secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE).

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1008.

Elle adopte l’article 9 et l’état B, modifiés.

 

 

 

 

 


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Article 10 et état D
Comptes spéciaux : ouvertures de crédits

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article ouvre, pour 2020, au titre des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires de 2,35 milliards d’euros conformément à la répartition par mission donnée à l’état D.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article procède à l’ouverture de crédits sur deux comptes de concours financiers, selon la répartition présentée à l’état D annexé au présent projet de loi de finances rectificative (ci-après « PLFR 3 ») :

– 350 millions d’euros sur le compte Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics afin de permettre à l’Agence France Trésor (AFT) d’octroyer à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) une avance de trésorerie de 50 millions d’euros, d’une part, et de financer à hauteur de 300 millions d’euros les dépenses de sécurité et de sûreté des exploitants d’aérodromes dans le cadre de la crise sanitaire, d’autre part ;

– et 2 milliards d’euros sur le compte Avances aux collectivités territoriales afin, dans le cadre du plan de soutien aux collectivités territoriales, de verser une avance aux départements et collectivités assimilées sur les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Les recettes et les dépenses de ces comptes de concours financiers ne sont pas des recettes et des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale. Par conséquent, les opérations enregistrées n’ont pas d’impact sur le déficit public au sens de la comptabilité nationale. En revanche, les crédits ouverts ont pour effet de dégrader le solde budgétaire de l’État pour 2020.

I.   Les mouvements sur le compte Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics

Le compte Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics a déjà fait l’objet d’ouvertures de crédits dans le cadre de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après « LFR 1 2020 ») et de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après « LFR 2 2020 »).

Avec les ouvertures prévues par le PLFR 3, le total des crédits ouverts sur le compte s’élèverait à 11,935 milliards d’euros.

ouvertures de crédits sur le compte Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3 2020

Total

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

10 385

+ 500

+ 700

+ 350

11 935

+ 1 550

Les recettes prévues en LFI de 10,247 milliards d’euros n’ont pas fait l’objet d’une révision en LFR 1 et LFR 2 – il n’est pas non plus prévu une telle révision par le présent PLFR 3.

Il s’ensuit que le solde annuel 2020 du compte est désormais prévu à – 1,688 milliard d’euros.

Au 31 décembre 2019, le solde cumulé du compte était déficitaire à hauteur de 1,8 milliard d’euros. Avec le solde négatif désormais prévu pour 2020, le solde cumulé au 31 décembre 2020 pourrait atteindre 3,5 milliards. Autrement dit, l’État disposerait à la fin de l’année de 3,5 milliards d’euros de créances sur divers services et organismes gérant des services publics.

II.   Les mouvements prévus sur le compte avances aux collectivitÉs territoriales

Le compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales a pour objet de verser des avances de fiscalité aux collectivités territoriales, à des établissements publics nationaux, et aux chambres consulaires. Des sommes très importantes transitent donc sur ce compte. Il a vocation à être à l’équilibre chaque année. La Cour des comptes critique régulièrement dans ses notes d’analyse de l’exécution budgétaire le fait qu’un solde créditeur soit parfois constaté.

Ainsi, le solde cumulé au 31 décembre 2019 était créditeur pour la seconde année consécutive, pour 1,261 milliard d’euros, ce qui s’explique principalement par un décalage important entre l’encaissement et le versement des avances de CVAE.

Pour 2020, il était prévu un léger déficit sur le compte avec 112,9 milliards d’euros de recettes et 113 milliards de dépenses.

Avec les ouvertures prévues par le PLFR 3, le total des crédits ouverts sur le compte s’élèverait désormais à près de 115 milliards d’euros.

ouvertures de crédits sur le compte Avances aux collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

LFR 1 2020

LFR 2 2020

PLFR 3 2020

Total

Avances aux collectivités territoriales

112 996

0

0

+ 2 000

114 996

+ 2 000

Les recettes prévues en LFI de 112,9 milliards d’euros n’ont pas fait l’objet d’une révision en LFR 1 et LFR 2 – il n’est pas non plus prévu une telle révision par le présent PLFR 3.

Il s’ensuit que le solde annuel du compte pour 2020 est désormais prévu à – 2,1 milliards d’euros. Le solde cumulé au 31 décembre 2020 deviendrait dès lors déficitaire pour environ 0,8 milliard d’euros.

À noter que les crédits ouverts visent à abonder un nouveau programme 834 créé dans le cadre du plan de soutien aux collectivités territoriales. Ce programme s’intitule Avances remboursables de droits de mutation à titre onéreux destinées à soutenir les départements et dautres collectivités affectés par les conséquences économiques de lépidémie de Covid-19.

Le déficit prévu au titre de ce programme s’explique par le fait que les avances remboursables de DMTO feront l’objet d’un versement dès 2020 pour des encaissements de recettes en partie prévus pour 2021. Il est indiqué, dans la partie du PLFR 3 qui analyse les ouvertures des différents programmes, que « leur remboursement par les collectivités bénéficiaires est prévu pour 2021 et 2022, à travers un prélèvement sur les avances mensuelles de fiscalité locale ».

*

*     *

L’amendement CF199 de M. Jean-René Cazeneuve est retiré.

La commission adopte l’article 10 et l’état D sans modification.

 

 

 

 


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TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES

I.  MESURES FISCALES ET BUDGÉTAIRES NON RATTACHÉES

Article 11
Relèvement du plafond dautorisation de prêt de la France au Fonds monétaire international

Résumé de larticle

Le présent article augmente de 18 658 à 18 959 millions de DTS le plafond de la ligne de crédit que l’État a ouvert au bénéfice du Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre des nouveaux accords d’emprunt (NAE).

Cette augmentation résulte d’une décision du Conseil des gouverneurs de janvier 2020, antérieure à la crise actuelle, ayant pour objet de rééquilibrer la composition des ressources du FMI, maintenues à leur niveau actuel.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

III.   L’ÉTAT DU DROIT

1.   Les ressources du FMI mobilisées pour des prêts aux États en difficulté

L’article 1er des Statuts du Fonds monétaire international (FMI) fixe les six buts de l’institution internationale. Le cinquième but est de « donner confiance aux États membres en mettant les ressources générales du Fonds temporairement à leur disposition moyennant des garanties adéquates, leur fournissant ainsi la possibilité de corriger les déséquilibres de leurs balances des paiements sans recourir à des mesures préjudiciables à la prospérité nationale ou internationale ». Cet objectif de soutien financier aux États en difficulté se concrétise par l’octroi de prêts, dans des conditions avantageuses, mais soumis à plusieurs types de conditionnalités selon la situation. Ces prêts sont, eux-mêmes, financés grâce aux contributions des États membres du FMI.

Les six buts du FMI

Les buts du Fonds monétaire international sont les suivants :

i)                    Promouvoir la coopération monétaire internationale au moyen d’une institution permanente fournissant un mécanisme de consultation et de collaboration en ce qui concerne les problèmes monétaires internationaux.

ii)                 Faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international et contribuer ainsi à l’instauration et au maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel et au développement des ressources productives de tous les États membres, objectifs premiers de la politique économique.

iii)               Promouvoir la stabilité des changes, maintenir entre les États membres des régimes de change ordonnés et éviter les dépréciations concurrentielles des changes.

iv)                Aider à établir un système multilatéral de règlement des transactions courantes entre les États membres et à éliminer les restrictions de change qui entravent le développement du commerce mondial.

v)                  Donner confiance aux États membres en mettant les ressources générales du Fonds temporairement à leur disposition moyennant des garanties adéquates, leur fournissant ainsi la possibilité de corriger les déséquilibres de leurs balances des paiements sans recourir à des mesures préjudiciables à la prospérité nationale ou internationale.

vi)                Conformément à ce qui précède, abréger la durée et réduire l’ampleur des déséquilibres des balances des paiements des États membres.

Dans toutes ses politiques et décisions, le Fonds s’inspire des buts énoncés dans le présent article.

Source : article 1er des statuts du FMI

Le FMI poursuit ses objectifs en recourant à deux catégories de ressources.

Tout d’abord, il mobilise le capital qu’il détient, constitué des quotes-parts des États membres, fixées en fonction de leur poids dans l’économie mondiale ([191]) et révisées tous les cinq ans. Depuis le dernier accord entré en vigueur en 2016, le capital du FMI s’élève à 477 milliards de DTS ([192]), soit environ 581 milliards d’euros. Le FMI précise que sa plus forte quote-part est celle des États-Unis, avec 82 994 millions de DTS, et que la plus faible est celle de Tuvalu, avec 2,5 millions de DTS.

En second lieu, de façon subsidiaire, le FMI se finance grâce à des emprunts qu’il contracte auprès des États-membres. Ces emprunts prennent deux formes : des emprunts bilatéraux, contractés à la suite de la crise financière de 2009 pour compléter en urgence les ressources du fonds, et des emprunts relevant des nouveaux accords d’emprunt (NAE), de nature multilatérale et pérenne. Ces derniers consistent en des lignes de crédit ouvertes au bénéfice du FMI dans certains États-membres volontaires, comme la France. Actuellement, les emprunts « NAE » représentent un volume financier de 182 milliards de DTS, tandis que les emprunts bilatéraux s’élèvent à 318 milliards de DTS.

En somme, le FMI dispose d’une force de frappe financière de 978 milliards de DTS pour assurer ses missions. Étant donné ses règles prudentielles, sa capacité totale de prêt s’élève à 715 milliards de DTS.

En janvier 2020, le Conseil des gouverneurs du FMI a approuvé le doublement des ressources issues des NAE (de 182 milliards de DTS à 365 milliards), en contrepartie d’une réduction du volume des prêts bilatéraux de même montant, pour la période allant de 2021 à 2025. L’accord des États contributeurs est attendu au plus tard au 1er janvier 2021.

2.   Les relations financières entre la France et le FMI

a.   Situation actuelle

La quote-part de la France au FMI est fixée, depuis 2016, à 20 155 millions de DTS, soit 25,3 milliards d’euros, ce qui en fait le 5e État contributeur dans le monde après les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Allemagne et à égalité avec le Royaume-Uni.

Dans le contexte présenté précédemment, la France s’est engagée à doubler sa contribution aux NAE. Selon les données de l’évaluation préalable, les engagements de la France passeront de 9 479,16 millions de DTS à 18 958,32 millions (de 11,9 milliards d’euros à 23,8 milliards), au plus tard fin décembre 2020 ([193]). Les engagements de la France au titre des emprunts bilatéraux se réduiront de même montant, soit 9 479,16 millions de DTS, ce qui ramènera le volume de cette modalité d’engagement de la France de 31,4 milliards d’euros à 19,5 milliards d’euros.

Les relations financières de la France et du FMI comprennent également les prêts de la Banque de France à la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), garantis par l’État à hauteur de 2 milliards de DTS actuellement. Ce montant devrait doubler dans les prochaines semaines (cf. le commentaire de l’article 12).

b.   Base juridique

Ces relations financières sont fixées par la loi n° 45-138 du 26 décembre 1945 relative à la création d’un Fonds monétaire international et d’une Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement. Son article 2 dispose que le ministre des finances est autorisé à verser, sur les ressources du Trésor, au Fonds monétaire international :

– le montant de la « souscription du Gouvernement français », à savoir la quote-part de la France au capital du FMI ;

– les sommes nécessaires pour « compenser la réduction en valeur-or des avoirs en monnaie française détenus par le Fonds », une disposition désormais caduque ;

– la somme correspondant aux prêts accordés au FMI sur la ligne de crédit ouverte dans le cadre des NAE, dans la limite d’un montant de 18 658 millions de droits de tirage spéciaux (DTS) ;

– la somme correspondant aux prêts accordés au FMI, au titre des prêts bilatéraux, dans la limite d’un montant de 31 410 millions d’euros ;

– les commissions dues au Fonds dans le cadre de ses activités ainsi que les sommes dues en cas de retrait de la France du FMI ou de liquidation du Fonds.

3.   Le rôle de la Banque de France

Les prêts de l’État au FMI sont en réalité gérés par la Banque de France, pour le compte de l’État (article L. 141-2 du code monétaire et financier). Les créances détenues sur le FMI font d’ailleurs partie des réserves de change que la Banque de France détient.

L’article 2 de la loi du 26 décembre 1945 dispose que les sommes correspondant à ces prêts sont prélevées sur le compte du Trésor – plus spécifiquement, dans l’architecture budgétaire contemporaine ([194]), sur le compte d’opérations monétaires Opérations avec le Fonds monétaire international. En pratique, la Banque de France rachète immédiatement cette créance à l’État, ce qui en neutralise l’impact budgétaire. La créance est donc portée sur le bilan de la Banque de France, ce qui est cohérent avec sa comptabilisation comme réserve de change.

Selon le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement 2019 relatif aux comptes d’opérations monétaires, le FMI a « tiré » sur la facilité de crédit de l’État la somme de 547,4 millions d’euros en 2019, dépense budgétaire compensée exactement par une recette correspondant à un versement de même montant de la Banque de France, en contrepartie de cette créance détenue sur le FMI.

IV.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article modifie l’article 2 de la loi du 26 décembre 1945, précitée. Cet article dispose actuellement que le ministre des finances est autorisé à verser, sur les ressources du Trésor, au FMI, « dans la limite dun montant équivalent en euros à 18 658 millions de droits de tirage spéciaux, une somme correspondant à des prêts remboursables ». Ce plafond est rehaussé, par le présent article, à 18 959 millions de DTS, soit une hausse de 301 millions.

Ce plafond serait ainsi égal au montant attendu de participation de la France aux NAE à compter du 1er janvier 2021. En d’autres termes, cette hausse du plafond permet de doubler la contribution française aux NAE conformément à l’engagement pris auprès du FMI.

En revanche, le plafond des prêts bilatéraux que la France peut consentir, fixé par le même article, demeurait inchangé à 31 410 millions d’euros, malgré la réduction prévue du volume de ces prêts. Selon les réponses obtenues par le rapporteur général auprès du Gouvernement, cela se justifie pour deux raisons :

– le montant des prêts bilatéraux demeurera de 31,4 milliards d’euros jusqu’à l’entrée en vigueur de la répartition des NAE, entre la publication de la présente loi et fin 2020 ;

– compte tenu des incertitudes conjoncturelles du moment, il est opportun de conserver des marges de manœuvre si la France devait être amenée à augmenter sa contribution au FMI via des prêts bilatéraux.

*

*     *

La commission adopte l’article 11 sans modification.

 

 

 


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Article 12
Garantie de lÉtat à la Banque de France au titre dun prêt au Fonds monétaire international

Résumé de larticle

Le présent article octroie la garantie de l’État à un nouveau prêt de la Banque de France au compte « Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance » (FRPC) du Fonds monétaire international (FMI). Cette garantie couvre un montant maximal de 2 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS), soit environ 2,5 milliards d’euros. Il s’agit du doublement de la garantie préexistante, qui couvrira une capacité de prêt de la Banque de France dans la limite de 4 milliards de DTS, soit 5 milliards d’euros.

Le compte FRPC du FMI a pour objet de financer des prêts, dans des conditions avantageuses, aux pays les plus pauvres, afin d’accompagner leur développement ou la sortie d’une crise (conflit, pandémie).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

V.   L’ÉTAT DU DROIT

1.   La facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC)

Fin 1999, le FMI a décliné sa mission historique de soutien aux États en difficulté de balance des paiements (cf. le commentaire de l’article 11) en un objectif général de lutte contre la pauvreté et de promotion de la croissance. Un nouvel outil financier a été mis à contribution : la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), qui accorde des prêts concessionnels aux États éligibles, dans une logique de guichet ([195]).

Les objectifs de la FRPC sont de réduire la pauvreté, de favoriser des réformes structurelles et d’améliorer la gestion publique des budgets des États, afin d’accroître la dépense publique dans un sens favorable au développement et de façon soutenable. Il s’agit également de mobiliser cet outil en gestion de crise, par exemple pour rétablir la situation financière d’un État en sortie de conflit ou, dans la situation actuelle, pour refinancer des États qui subissent les effets indirects de la crise sanitaire (retraits massifs de capitaux privés, chute des exportations, etc.).

Le caractère concessionnel des prêts du FRPC porte sur le taux annuel pratiqué, de 0,5 %, et sur l’amortissement du prêt, qui ne débute que 5 ans et demi après son octroi, pour une maturité de 10 ans. Le FRPC se finance par l’emprunt, auprès des banques centrales nationales, des États et des organismes publics, dans des conditions de marché. Le coût du prêt concessionnel est supporté par les ressources propres du FMI et par des contributions de donateurs bilatéraux, principalement les États.

La Banque de France est l’institution qui prête, au nom de la France, à la FRPC pour financer les opérations de prêts du FMI à destination des pays les plus pauvres. Concrètement, la Banque de France consent un prêt au FMI, qui fait l’objet d’un ou de plusieurs décaissements en fonction des besoins de la FRPC.

2.   La nécessité d’une nouvelle garantie publique

En 2016, le FMI avait déjà sollicité les États contributeurs pour sécuriser les financements de la FRPC, dans un contexte de hausse des demandes de prêt. L’article 144 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 prévoit ainsi l’octroi de la garantie de l’État à la Banque de France pour un montant maximal de 2 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS) ([196]), afin que celle-ci puisse augmenter sa capacité de prêt ([197]) à la FRPC. Il est, en effet, logique que ce soit l’État qui supporte le risque financier des opérations de prêts du FMI et non la Banque de France, qui agit uniquement pour le compte de l’État.

Face à l’urgence de la situation actuelle, le FMI a sollicité un renforcement des moyens d’action de la FRPC. Selon l’évaluation préalable de l’article, 58 pays à faible revenu ont sollicité le soutien du FMI, et 8,4 milliards de DTS ont déjà été engagés pour financer les prêts consentis. Le réabondement de la FRPC est donc urgent, sauf à tarir le montant des aides. L’objectif fixé par le FMI est une augmentation de la ressource de la facilité de 12,5 milliards de DTS, permettant, selon l’hypothèse principale, de couvrir les besoins de financement des États en difficulté jusqu’en 2024.

Lors du Comité monétaire et financier international (CMFI) ([198]) du 16 avril 2020, la France s’est engagée à contribuer à cet effort et à accorder un nouveau prêt d’un montant de 2 milliards de DTS. Ce doublement de la contribution française exige en contrepartie l’accroissement du plafond de garantie de l’État à la Banque de France, pour les raisons précédemment évoquées.

Le risque budgétaire associé à cette garantie est jugé faible par l’évaluation préalable. Le FMI bénéficie d’une clause de créancier privilégié parmi les créanciers des États susceptibles de faire défaut. La sinistralité des prêts du FMI est, en outre, couverte par l’existence d’un compte de réserve de la FRPC. La garantie de l’État ne serait alors appelée que dans la mesure où ce compte de réserve ne pourrait pas absorber l’intégralité de la perte supportée par le FMI. À ce jour, ce compte n’a jamais été mobilisé par le FMI.

VI.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article accorde la garantie de l’État à la Banque de France au titre du nouveau prêt qu’elle consent au Fonds monétaire international, à compter du 1er janvier 2020, sur le compte « Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance ».

La garantie couvre le prêt dans la limite de 2 milliards de DTS, soit approximativement 2,5 milliards d’euros, et porte sur le principal – le capital à rembourser – et sur les intérêts dus.

Elle couvre également le « non-respect de léchéancier de remboursement de chaque tirage par le gestionnaire du compte », ce qui signifie que la garantie peut être activée dès lors que le FMI, qui est le gestionnaire du compte, n’honore pas un remboursement à la Banque de France. Cette situation advient lorsqu’un État bénéficiaire d’un prêt de la FRPC fait défaut, et que le FMI ne peut absorber l’intégralité de la perte sur son compte de réserve.

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*     *

La commission adopte l’article 12 sans modification.

 

 

 


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Article 13
Garantie de l’État aux prêts de l’Union européenne au titre de l’instrument d’urgence pour atténuer les risques de chômage (SURE)

Résumé de l’article

L’article 13 octroie la garantie de l’État à l’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (Support to mitigate Unemployment Risks in a Emergency – SURE), sous un plafond de 4,4 milliards d’euros. La garantie conjointe des États-membres de l’Union européenne (UE) s’élèvera au plus à 25 milliards d’euros, permettant de mobiliser 100 milliards d’euros de prêts.

Les prêts accordés par SURE aux États-membres auront pour objet de contribuer au financement de leurs dépenses exceptionnelles de maintien de l’emploi : dispositifs d’activité partielle et mesures de santé et de sécurité au travail.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

VII.   L’ÉTAT DU DROIT

1.   SURE : une solution européenne de financement des dispositifs nationaux d’activité partielle

a.   Mise en place

Dans le cadre de la lutte contre les effets économiques de la pandémie, la Commission européenne a proposé la mise en place d’un instrument d’urgence, temporaire, ayant pour objet de concourir au financement des dépenses de chômage et de santé/sécurité au travail supportées par les États-membres de l’Union européenne. Ce financement exceptionnel découle d’un double constat :

– les États-membres les plus affectés par la crise sanitaire ont déployé des régimes d’activité partielle, efficaces pour protéger l’emploi et la pérennité des entreprises mais très coûteux pour les finances publiques ;

– l’excellente signature de l’Union européenne sur les marchés financiers lui permet de lever sans difficulté des fonds à des conditions avantageuses, et donc de limiter le coût du financement des mesures d’urgence des États-membres volontaires pour recourir à son aide.

L’instrument, nommé SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in a Emergency – soutien d’urgence à l’atténuation des risques de chômage), a été annoncé le 2 avril 2020 par la Commission européenne. Lors de sa réunion du 9 avril, l’Eurogroupe en a validé le principe. Enfin, le Conseil a adopté l’instrument lors de sa réunion du 19 mai, avant une entrée en vigueur conditionnée à l’octroi par tous les États membres de leur garantie. Il sera opérationnel jusqu’au 31 décembre 2022.

Selon les informations fournies au rapporteur général par le Gouvernement, avec une adoption définitive du présent PLFR prévue fin juillet, la France devrait être parmi les derniers États membres à signer la convention de garantie bilatérale avec la Commission, qui formalise l’entrée du pays dans le dispositif SURE. En outre, selon les estimations du Gouvernement, Aujourd’hui, près de la moitié des États membres pourraient réclamer un recours aux prêts fournis par l’instrument SURE.

b.   Base juridique

La création du SURE est une décision du Conseil de l’Union européenne, sur proposition de la Commission. L’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) autorise, en effet, le Conseil à « accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de lUnion à lÉtat membre » qui connaît des difficultés liées à des « événements exceptionnels échappant à son contrôle ».

En outre, l’article 220 du règlement 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union ([199]) précise que cette assistance financière peut prendre la forme d’un prêt.

Enfin, le 19 mai 2020, le règlement (UE) 2020/672 portant création d’un instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE) engendrée par la propagation de la covid est entré en vigueur.

c.   Fonctionnement

Le règlement européen précité permet de détailler le fonctionnement du SURE.

SURE est un instrument qui délivre des prêts de l’Union européenne aux États membres, pour un volume maximum de 100 milliards d’euros, jusqu’au 31 décembre 2022. La Commission emprunte sur les marchés les sommes ensuite prêtées aux États dans les mêmes conditions de taux et de maturité qu’obtenues par elle. Ce mécanisme de « prêts miroirs » leur permet de bénéficier des bonnes conditions de financement de l’UE.

L’instrument permet de couvrir des dépenses en forte hausse, intervenues à compter du 1er février 2020, dès lors qu’elles sont directement liées à la création ou à l’extension de dispositifs de chômage partiel ou liées aux mesures d’amélioration de la santé/sécurité au travail. Aucune autre conditionnalité n’est requise.

En contrepartie, les États-membres apportent leur garantie à l’instrument, au prorata de leur part relative dans le revenu national brut (RNB) de l’UE. Un minimum de 25 % du volume d’intervention du SURE, soit 25 milliards d’euros, doit être apporté en garanti pour que l’instrument devienne disponible. La garantie des États-membres expire au 31 décembre 2053.

2.   Le nécessaire recours à des garanties publiques

Le recours aux garanties des États permet à la Commission européenne de présenter dans des délais très courts un instrument doté d’une voilure suffisante pour répondre aux objectifs fixés de soutien au marché de l’emploi : 100 milliards d’euros de prêts sont mobilisables, à partir de seulement 25 milliards d’euros de garanties publiques.

Le budget de l’Union européenne, de taille réduite, ne dispose pas de marges financières suffisantes à court terme pour sécuriser de telles opérations de prêt ([200]). Les garanties publiques présentent l’avantage d’être mobilisées très rapidement et sans coût budgétaire au moment de leur octroi et très probablement sur la durée de vie de l’instrument SURE. En effet, le défaut d’un État-membre sur un prêt de l’UE est une hypothèse peu probable à court ou moyen terme.

En outre, l’article 11 du règlement, précité, dispose que « les montants dus par lUnion au cours dune année donnée ne dépassent pas 10 pour cent du montant maximal indiqué à larticle 5 », soit 10 milliards d’euros. Ce plafond est donc le montant maximal des emprunts de l’Union qui peuvent arriver à échéance au cours d’une année donnée ([201]). Par conséquent, les emprunts devront être structurés de manière à couvrir différentes échéances, grâce à des prêts contractés à des maturités différentes. Une telle clause contribue à diminuer le risque d’un appel important de garanties sur une année donnée.

VIII.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’alinéa 1 du présent article autorise le ministre chargé de l’économie à octroyer la garantie de l’État aux prêts accordés par l’Union européenne aux États membres dans le cadre de l’instrument SURE. Cette garantie est accordée dans la limite de 4,407 milliards d’euros, soit 17,6 % du montant total des 25 milliards d’euros de garanties apportées à l’instrument. Ce pourcentage représente la quote-part de la France dans le revenu national brut (RNB) de l’Union européenne à 27.

Les caractéristiques de cette garantie sont les suivantes :

– Elle est gratuite. Cela se justifie, selon l’exposé des motifs de l’article, par le caractère solidaire de l’instrument et par le fait que les garanties sont accordées sur des prêts à des États souverains ;

– Elle est irrévocable, inconditionnelle et à première demande ([202]) : caractéristiques classiques des garanties internationales, elles définissent l’autonomie de la garantie vis-à-vis du contrat qu’elle garantit. Cette autonomie, sécurisante pour le bénéficiaire ([203]), signifie que la garantie peut être appelée dès que les conditions prévues par la convention de garantie sont remplies, sans délai ni contestation possible sur le fondement des conditions d’exécution du contrat sous-jacent.

– Elle est appelable à titre subsidiaire ([204]). Les éventuelles pertes supportées par l’Union européenne au titre des prêts SURE devraient d’abord être compensées par les crédits de paiement disponibles au titre des ressources propres du budget de l’Union européenne (ce qu’on appelle la « marge sous le plafond » des ressources propres([205])). Toutefois, la Commission peut décider, de façon discrétionnaire, que la marge disponible sous plafond ne doit pas être utilisée, ou partiellement, en particulier si la viabilité du budget de l’Union est en jeu. Cette décision n’a pas d’effet sur le caractère irrévocable, inconditionnel et à première demande de la garantie des États ;

– Elle est conjointe et non solidaire ([206]) : elle s’additionne aux garanties apportées par les autres États-membres mais les appels de garantie sont réalisés au prorata du RNB des États-membres, qui ne supportent donc que leur propre part de risque. En effet, le règlement du 19 mai 2020 dispose que « la garantie demandée à un État membre est limitée, en toutes circonstances, par le montant global de la garantie apportée par cet État membre ». Cette caractéristique est conforme à la clause de non-renflouement prévue par l’article 125 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ([207]).

L’alinéa 2 du présent article dispose que l’octroi de la garantie est conditionné à la signature d’un accord bilatéral entre la France et la Commission européenne, précisant les modalités de fonctionnement du SURE, notamment « les conditions douverture de linstrument, les règles prudentielles de gestion du portefeuille des prêts bénéficiant de linstrument et la date à laquelle celui-ci prend fin ».

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*     *

La commission adopte l’article 13 sans modification.

 

 

 


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Article 14
Garantie de lÉtat à la Banque européenne dinvestissement au titre du fonds paneuropéen de garantie

Résumé de larticle

L’article 14 octroie la garantie de l’État au fonds paneuropéen de garantie mis en place par la Banque européenne d’investissement (BEI) en réponse à la crise économique. Ce fonds temporaire, doté de 25 milliards d’euros de garanties publiques, pourra lever jusqu’à 200 milliards d’euros pour faciliter le financement des entreprises.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

1.   La Banque européenne d’investissement face à la crise de la covid

La BEI est une institution financière multilatérale, qui lève des ressources sur les marchés financiers puis prête, par l’intermédiaire de divers instruments financiers, aux acteurs publics et privés. La BEI intervient dans plusieurs domaines stratégiques pour l’Union européenne : le climat, les infrastructures, le développement, l’innovation et les compétences, les petites entreprises et la cohésion. 90 % des interventions de la BEI sont réalisées au sein de l’Union, pour un montant moyen de 60 milliards d’euros d’investissements par an. Les investissements doivent répondre à des défaillances de marché ([208]), viser un rendement positif et respecter un critère d’additionnalité : ils co-financent des projets publics ou privés.

Le groupe BEI est composé de la Banque européenne d’investissement et du Fonds européen d’investissement, fonds qui investit plus spécifiquement dans le capital-risque au bénéfice des fonds propres des petites et moyennes entreprises européennes. Actuellement, le capital souscrit du groupe BEI est de 248,8 milliards d’euros. Les 27 pays membres de l’UE sont actionnaires, selon une clé de répartition fixée en fonction de leur PIB dans l’Union européenne.

La crise économique actuelle justifie une mobilisation des ressources existantes de la BEI. En mars 2020, la BEI a proposé la mise en place d’un plan de soutien de 28 milliards d’euros pour refinancer les petites et moyennes entreprises (PME) et de 5 milliards d’euros pour investir dans le secteur de la santé. Afin de tirer le meilleur parti de son expertise, la BEI a proposé aux États membres de dépasser ce premier effort et de mettre en place un instrument de financement ad hoc, doté d’une plus grande force de frappe.

2.   Le fonds paneuropéen de garantie

Le principe du fonds paneuropéen de garantie a été accepté par l’Eurogroupe, lors de sa réunion du 9 avril 2020, puis par le Conseil européen du 23 avril. Le 26 mai, le conseil d’administration de la BEI a validé la mise en place du fonds, qui sera opérationnel lorsque des États-membres représentant au moins 60 % du capital de la BEI auront octroyé leur garantie. Selon les informations communiquées par le Gouvernement au rapporteur général, l’approbation du fonds de garantie s’est faite à la quasi-unanimité du conseil d’administration puisque seules deux pays se sont abstenus (la Hongrie et la République tchèque).

Les États membres de l’Union européenne pourront apporter leur garantie à hauteur de 25 milliards d’euros, selon la même clé de répartition que celle appliquée au capital de la BEI. Ce volume de garantie permettrait ensuite de lever 200 milliards d’euros sur les marchés, grâce à un important effet de levier.

Le fonds paneuropéen interviendra en complément des dispositifs nationaux de soutien économique, en particulier des politiques mises en œuvres par les banques publiques nationales (Bpifrance, en France), par des financements directs ou par des contre garanties ([209]). Les entreprises, en particulier les PME, sont les principales cibles de lintervention ([210]) : il s’agit d’améliorer leurs conditions de liquidité, dans un contexte de marché contraint des capitaux.

Temporaire, le fonds de garantie devrait s’éteindre le 31 décembre 2021, mais peut être prolongé de six mois. Adapté à la crise, il dérogera aux règles d’intervention habituelles de la BEI pour autoriser une prise de risque plus importante dans les choix de financement, notamment en matière de risque de crédit.

Comme pour les interventions classiques de la BEI, les avantages de l’intervention du fonds pour les entreprises, rappelées par l’évaluation préalable de l’article, sont les suivantes :

– accès à des conditions financières plus favorables grâce à la bonne signature du groupe BEI ;

– amélioration des conditions non financières du fait de l’intervention sur les défaillances de marché (maturités plus longues que sur le marché, assistance technique et ingénierie financière, accès à des solutions de financement innovantes et sur-mesure) ;

– effet signal positif de la présence de la BEI sur les investisseurs privés.

3.   La nécessité de recourir à la garantie de l’État

L’avantage de la création d’un fonds ad hoc est de permettre un volume dintervention de la BEI déconnecté de ses contraintes de capital : la Banque ne peut investir massivement au-delà de son rythme de croisière sans que les États actionnaires n’augmentent leur quote-part dans son capital.

Les États membres doivent cependant apporter une contribution au fonds pour qu’il puisse fonctionner. L’option des garanties publiques octroyées par les États est la plus opportune, dans la mesure où elle ne nécessite pas dengagement budgétaire immédiat, dans un contexte difficile pour les finances publiques. Le fonds paneuropéen est un fonds de garantie : il n’est pas capitalisé. Un coût budgétaire potentiel peut toutefois être effectif, à terme. Ceux des projets soutenus qui ne pourront être remboursés conduiront à des appels de garanties qui seront supportés, in fine, par les États.

Comme le risque supporté par le fonds paneuropéen est volontairement supérieur à celui qui qualifie habituellement les interventions de la BEI, il est vraisemblable que de tels appels de garantie aient lieu, dans une proportion toutefois difficilement anticipable. Le gain économique associé aux interventions du fonds, notamment au bénéfice d’entreprises viables mais contraintes financièrement à court terme, devrait largement dépasser le coût budgétaire des appels de garantie.

Selon l’évaluation préalable de l’article, l’hypothèse actuelle prévoit un niveau de sinistralité net de 20 % de la garantie octroyée, soit 2,5 % du montant total des financements (940 millions d’euros pour la France), réparti sur les années 2020 à 2037, en l’absence d’extension de la durée du fonds.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’alinéa 1 du présent article autorise le ministre de l’économie à octroyer la garantie de l’État au groupe BEI, dans la limite d’un plafond de 4,7 milliards deuros.

Ce montant correspond à la quote-part de la France dans le fonds paneuropéen de garantie, miroir de la quote-part française au capital de la BEI, soit 18,8 % du total des garanties qui permettront à la BEI de lever les ressources financières du fonds.

Il s’agit d’un plafond : ce montant serait autorisé dans la perspective où l’ensemble des États membres octroient cette garantie. Dans le cas contraire, le montant garanti correspondra à 18,8 % des garanties octroyées par les États membres participants.

La garantie de l’État présente les caractéristiques suivantes :

– elle est gratuite : le fonds intervient au bénéfice des économies européennes, pour lutter contre la crise et contre les défaillances de marché ; sa mécanique ne se prête donc pas à une rémunération des États sur les résultats du fonds ;

– elle est irrévocable, inconditionnelle et à première demande : caractéristiques classiques des garanties internationales, elles définissent l’autonomie de la garantie vis-à-vis du contrat qu’elle garantit. Cette autonomie, sécurisante pour le bénéficiaire ([211]), signifie que la garantie peut être appelée dès que les conditions prévues par la convention de garantie sont remplies, sans délai ni contestation possible sur le fondement des conditions d’exécution du contrat sous-jacent.

L’alinéa 2 du présent article dispose que l’octroi de la garantie est conditionné à la signature d’un accord bilatéral entre la France et la Banque européenne d’investissement, précisant plusieurs modalités de fonctionnement du fonds de garantie : « les conditions douverture et la durée de disponibilité du fonds, les règles déligibilité au fonds, les règles prudentielles de gestion du portefeuille des prêts bénéficiant de la garantie du fonds et les règles de mutualisation des pertes entre États membres contributeurs au fonds ».

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La commission adopte l’article 14 sans modification.

 

 


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Article 15
Mise en place du dispositif CAP Relais et élargissement du champ des entreprises éligibles à CAP et CAP+ France

Résumé de larticle

Le présent article fixe le cadre juridique du nouveau dispositif de réassurance globale, CAP Relais, qui complète CAP France et CAP Francexport, mis en place par la première loi de finances rectificative de mars 2020.

La Caisse centrale de réassurance (CCR) pourra réassurer, auprès des assureurs-crédits, les risques individuels d’assurance-crédit de toutes les entreprises pour les relations interentreprises domestiques, et non seulement les PME et ETI. Elle pourra également réassurer, de façon globale mais subsidiaire par rapport à la réassurance « ligne à ligne » préexistante, le portefeuille des risques des assureurs-crédit, en France comme à l’export, sur la période allant de mars à décembre 2020.

La garantie de l’État couvrira les engagements de réassurance de la CCR à hauteur de 8 milliards d’euros pour les réassurances relevant de CAP France et à hauteur de 2 milliards d’euros pour les réassurances globales de portefeuille de CAP Relais.

Le dispositif CAP Francexport, géré par Bpifrance Assurance Export, ne fait pas l’objet de modification au titre du présent article.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

1.   La réponse publique à une défaillance du marché de l’assurance-crédit

a.   L’assurance-crédit en France en période de crise

Sur le territoire national, l’assurance-crédit permet aux entreprises de se protéger contre le risque d’impayés dans le cadre de leurs relations commerciales interentreprises. L’accès à l’assurance-crédit est un facteur essentiel de protection de la solvabilité des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises dont la trésorerie doit être sécurisée. Hors période de crise, l’offre d’assurance-crédit est apportée, sans défaillance de marché, par des assureurs privés ([212]). Le crédit interentreprises représente un volume moyen de 700 milliards d’euros par an.

À l’international, les entreprises françaises qui exportent s’exposent à de nombreux risques commerciaux, contre lesquels elles s’assurent. L’assurance des crédits contractés pour exporter l’activité économique, aussi dénommée assurance-crédit export, permet de se prémunir contre l’interruption ou le non-paiement d’un contrat lié avec une entreprise étrangère, en raison de risques politiques ou commerciaux ([213]).

Enfin, les assureurs-crédit se protègent eux-mêmes du risque de défaut des prêts de leurs assurés, via des opérations de réassurance. En période de crise, il devient difficile pour les assureurs-crédit de réassurer leurs activités. Ils s’exposent donc financièrement, tandis que les risques de défaut et de faillite des entreprises ayant souscrit une police d’assurance-crédit augmentent.

Dans ce contexte, l’offre d’assurance-crédit se contracte fortement, au moment où, précisément, les entreprises ont besoin d’une couverture efficace. Cette situation de difficulté du marché de l’assurance et de la réassurance se fait donc au détriment de l’activité économique et du crédit interentreprises.

L’objet de l’intervention publique est donc de combler la principale défaillance de marché observée en période de crise, en proposant des dispositifs de réassurance publique des assureurs-crédit privés.

b.   Les leçons de la crise précédente

Au début de la crise de la covid, le recours à un dispositif massif de réassurance des opérations d’assurance-crédit est apparu d’emblée très opportun, eu égard à l’expérience acquise lors de la crise précédente.

L’article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 avait mis en place un dispositif de garanties de l’assurance‑crédit (le « complément d’assurance-crédit », CAP, géré par la Caisse centrale de réassurance).

Le CAP se décline en deux catégories d’interventions en réassurance :

– le CAP est une garantie complémentaire à la garantie commercialisée par l’assureur-crédit (utilisable en cas de réduction du volume de la garantie), allant jusqu’à 50 % du risque total ;

– le CAP+ est une garantie quasi-intégrale, qui se substitue à l’annulation ou au refus d’assurer de l’assureur-crédit, qui conserve toutefois une part de risque de 5 %.

1 500 entreprises ont pu bénéficier de ces deux dispositifs, dont l’évaluation ex post a en outre montré qu’ils avaient été entièrement autofinancés. En effet, la réassurance étant proposée à titre onéreux, les recettes que l’État en a tiré entre 2009 et 2011 ont plus que couvert le coût de la sinistralité des prêts.

c.   Le cas particulier des opérations d’assurance-crédit export

Les dispositifs CAP et CAP+ concernaient les opérations d’assurance-crédit domestiques (CAP et CAP+ France) et les opérations d’exportation, plus sensibles par nature (CAP et CAP+ Export). Alors que la crise de 2009 perdait en intensité, la Caisse centrale de réassurance a progressivement cessé ses opérations de réassurance domestique entre les entreprises pour se recentrer sur ses missions historiques ([214]).

En revanche, l’activité publique de réassurance de l’assurance-crédit export s’est poursuivie, grâce à la création de Bpifrance Assurance Export. Cette filiale de la banque publique a lancé Cap Francexport en 2018, dispositif de réassurance des opérations d’assurance-crédit export ([215]), portant sur des crédits assurés de moins d’un an. L’offre est limitée aux activités d’exportation dans certains pays dont la stabilité économique est dégradée – l’augmentation du risque de défaut de paiement des débiteurs situés dans ces pays est, en effet, susceptible de freiner l’offre privée de réassurance.

Cap Francexport disposait avant la crise d’une garantie de l’État permettant de réassurer un encours de crédits d’un milliard d’euros ([216]). Toutefois, en l’absence de carence d’offre privée de réassurance des assureurs-crédit privés, cette solution de réassurance publique n’était que peu utilisée. En outre, seuls 17 pays d’exportation constituaient le périmètre d’éligibilité de l’offre de Bpifrance ([217]).

2.   La montée en charge du dispositif prévue par la LFR 1

a.   Pour les opérations à l’exportation

L’article 5 de la première loi de finances rectificative du 23 mars 2020 (LFR 1) a étendu le potentiel d’action de Cap Francexport :

– les assurances-crédit éligibles à la réassurance sont désormais celles couvrant les opérations d’exportation de tous les pays étrangers, et non seulement les 17 précités ;

– le plafond de la garantie de l’État sur les encours pouvant être réassurés a été doublé, pour être porté à 2 milliards d’euros.

b.   Pour les opérations domestiques

L’article 7 de la LFR 1 de 2020 a redonné à la Caisse centrale de réassurance les moyens de réassurer les opérations d’assurance-crédit domestiques, en apportant la garantie de l’État sur ses opérations de réassurance à hauteur de 10 milliards d’euros.

Cet article dispose que la CCR est désormais habilitée à pratiquer les opérations d’assurance ou de réassurance des risques d’assurance-crédit, sous deux conditions :

– ces opérations doivent intervenir avant le 31 décembre 2020 ;

– elles ne peuvent porter que sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire situées en France.

3.   La modification intervenue en LFR 2

Les conditions d’intervention en réassurance de la CCR pour les opérations domestiques n’ont pas été modifiées.

L’article 15 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, deuxième loi de finances rectificative pour 2020 (LFR 2) porte de 2 à 5 milliards d’euros le plafond d’encours maximal de réassurance publique d’opérations d’assurance-crédit export.

Plusieurs raisons ont motivé cette hausse sensible du plafond des encours réassurables par Bpifrance Assurance Export :

– la crise actuelle apparaît plus profonde que la crise de 2008, or le montant des encours réassurés en 2009 a atteint près d’un milliard d’euros, dans une crise moins forte et sur un ensemble de pays concernés plus concentré qu’aujourd’hui (tous les pays étrangers étant compris dans le périmètre du présent dispositif) ;

– la perspective d’un plafond de réassurance trop bas, ou augmentant trop progressivement, pourrait inciter les assureurs-crédit à limiter leurs offres par crainte d’une intervention insuffisante de Bpifrance, à rebours de la philosophie de l’ensemble du dispositif ;

4.   Les failles de l’assurance-crédit conduisent à un nouvel aménagement du soutien public

a.   Les dispositifs adoptés en LFR 1 et 2 sont insuffisants

Comme le précise l’évaluation préalable du présent article, les services de l’État ont observé la « poursuite des résiliations ou réductions de lignes assurées malgré la mise en place des dispositifs de réassurance ligne par ligne Cap et Cap Francexport ». Face à ce constat d’insuffisance à limiter efficacement le recul des encours assurés par les acteurs du marché de l’assurance-crédit, « il ne semble pas quil y ait dautres alternatives à la mise en place dun dispositif de réassurance globale ».

À titre de comparaison, l’Allemagne a mis en œuvre, dès avril 2020, un plan de réassurance globale de 30 milliards d’euros, soit deux fois plus que la France après prise en compte de la hausse du plafond de la LFR 2 (10 milliards d’euros pour les opérations domestiques et 5 milliards d’euros pour les opérations export).

b.   La création de CAP Relais

Dans ce contexte, le dispositif CAP Relais sera mis en place pour compléter, à titre subsidiaire ([218]), les deux dispositifs existants. Il sera géré par la CCR et disposera, grâce au présent article, de la garantie de l’État dans la limite de 2 milliards d’euros.

Tandis que CAP France et CAP Francexport peuvent être sollicités pour réassurer des risques individuels, entreprise par entreprise, la valeur ajoutée de CAP Relais est de couvrir globalement un portefeuille de risques assurés par un assureur-crédit. Les encours d’assurance-crédit portant sur les opérations domestiques et à l’export sont concernés, quelle que soit la taille de l’entreprise assurée. Des critères d’éligibilité des risques à la réassurance seront toutefois fixés, selon des modalités encore en discussion. Comme pour les dispositifs CAP, chaque assureur-crédit qui souhaite bénéficier de CAP Relais devra conclure un traité de réassurance avec la CCR.

Afin de protéger les intérêts financiers de l’État, un plafond de pertes sera cependant fixé dans ces traités. Si un assureur-crédit subit des pertes au-delà de ce plafond, il en assumera seul la charge. Jusqu’à ce plafond, les pertes seront portées par l’État et par l’assureur-crédit en proportion de leur quote-part du risque détenu, qui ne peut excéder 75 % pour l’État. En contrepartie, la répartition des profits est proportionnelle à la répartition des pertes : les assureurs-crédit réassurés céderont jusqu’à 75 % des primes d’assurance perçues ([219]). Les pertes finales de l’État ne pourront dépasser 2 milliards d’euros, plafond de la garantie octroyée par l’État à la CCR pour CAP Relais.

Comme cela avait déjà été signalé par le rapporteur général dans son rapport sur la LFR 2, l’augmentation de l’exposition de l’État au titre de ses garanties au secteur de l’assurance-crédit est réalisée malgré une faible maîtrise des taux de sinistralité à venir. Le risque que la garantie de l’État soit appelée par les assureurs‑crédit de façon significative, en cas de défaillances en série, n’est pas à exclure, bien que ce risque soit en partie compensé par la rémunération de l’opération de réassurance ([220]). L’impact à terme sur les finances publiques de ce dispositif ne peut cependant être anticipé ; l’augmentation des encours garantis par l’État l’expose mécaniquement dans des proportions supérieures à devoir fournir les fonds correspondants au titre d’éventuelles défaillances.

Garanties de l’État sur les encours réassurés au titre des risques d’assurance-crédit

(en milliards d’euros)

Opérateur

Dispositif

LFI

LFR 1

LFR 2

PLFR 3

Total

Bpifrance Assurance Export

Réassurance des opérations d’assurance-crédit export (CAP/CAP + Francexport)

1

2

5

5

Caisse centrale de réassurance

Réassurance des opérations d’assurance-crédit domestiques (CAP/CAP + France)

10*

8**

8

Réassurance de portefeuille (CAP Relais)

2

2

Total

15

* Champ : PME et ETI

** Champ : toutes entreprises

Source : commission des finances

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article se substitue à l’article 7 de la LFR 1, qui réactivait la mission d’assurance et de réassurance de l’assurance-crédit de la CCR.

L’alinéa 2 dispose, comme dans le dispositif de la LFR 1, que « la caisse centrale de réassurance, agissant avec la garantie de lÉtat, est habilitée à pratiquer les opérations dassurance et de réassurance, intervenant avant le 31 décembre 2020, des risques dassurance-crédit ». Toutefois, ces opérations sont désormais ouvertes à « tous les assurés situés en France », et non plus seulement aux PME et ETI. Selon les réponses fournies par le Gouvernement au rapporteur général, le champ des assurés comprend les entreprises fournisseurs, directement concernées, mais également les sociétés d’affacturage qui ont la qualité d’assuré au moyen d’un contrat d’assurance-crédit au titre de leurs activités. L’extension de l’intervention de la CCR au bénéfice des grandes entreprises résulte du constat, eu égard à l’ampleur de la crise actuelle, que ces dernières ne sont pas épargnées par la contraction du marché de l’assurance-crédit pour leurs propres crédits interentreprises.

L’alinéa 3 prévoit que la garantie de l’État aux opérations de la CCR couvre, à hauteur de 8 milliards d’euros, l’encours de réassurance des risques individuels des entreprises (soit ceux de CAP et CAP+ France) et, à hauteur de 2 milliards d’euros, l’encours de réassurance globale des portefeuilles de risques des assureurs-crédit, pour les risques domestiques comme pour les risques à l’export (CAP relais). Le montant total garanti par l’État ne varie donc pas par rapport à la LFR 2 : 10 milliards d’euros, désormais ventilés dans deux dispositifs distincts.

L’alinéa 4 maintient le principe d’une part de risque toujours supportée par l’assureur-crédit réassuré par un dispositif public de réassurance, quel que soit le risque réassuré. En outre, cette part de risque ne peut être inférieure à 25 % pour la réassurance globale relevant de CAP Relais. Chaque traité de réassurance conclu entre un assureur-crédit et la CCR fixera cette part, en contrepartie de laquelle la CCR percevra une part identique des primes d’assurés.

L’alinéa 5 prévoit que la réassurance globale d’un assureur-crédit couvre les risques couverts du 16 mars 2020 au 31 décembre 2020, à l’exception des risques déjà couverts dans le cadre des dispositifs CAP France et CAP Francexport. En outre, elle ne couvre que les risques non réalisés au moment de la signature du traité de réassurance entre la CCR et l’assureur-crédit, afin d’éviter tout effet d’aubaine.

L’alinéa 7 porte sur les conditions d’application du présent article, précisées par voie de décret. Le décret contiendra, au moins, les conditions d’exercice, de rémunération et d’appel de la garantie de l’État, ainsi que les catégories d’opérations pratiquées de réassurance. Selon les informations par le Gouvernement, le projet de décret distinguera deux catégories d’opérations de réassurance de risques individuels (CAP et CAP+) et une catégorie de réassurance de portefeuille de risque (CAP Relais). Un premier volet de CAP Relais, couvrant uniquement les encours domestiques et les risques portant sur les PME et ETI françaises, est déjà opérationnel et pourrait entrer en vigueur dès l’autorisation de la Commission européenne. La pleine amplitude de CAP Relais, qui couvrira également les risques export et ceux des grandes entreprises, sera effective ultérieurement, selon un calendrier encore inconnu.

En dernier lieu, lalinéa 8 précise le caractère rétroactif des dispositions du présent article aux risques individuels et aux portefeuilles de risques déjà réassurés par la CCR au moment de son entrée en vigueur.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1261 et CF1264 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement CF1261 vise à faire passer la garantie du dispositif de réassurance des portefeuilles de 2 milliards d’euros à un milliard ; quant à l’amendement CF1264, c’est une proposition de repli à 1,5 milliard.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je souhaite que nous ayons un débat sur ce point en séance avec le Gouvernement, car l’assurance-crédit est un sujet très sérieux.

Je ne suis pas d’accord avec vos amendements, même si j’en comprends la finalité. Pour moi, la priorité est de permettre au crédit inter-entreprises de maintenir les entreprises en vie, c’est pourquoi je suis contre tout ce qui viendrait affaiblir la réassurance, comme le font vos amendements. Reste que ceux-ci sont l’occasion de souligner l’importance du rôle des assureurs-crédit dans une crise de l’ampleur de celle que nous venons de traverser, qui justifierait que le Gouvernement se saisisse de ce sujet.

La commission rejette successivement les amendements CF1261 et CF1264.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF1265 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Elle adopte l’article 15 sans modification.

 

 

 


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Article 16
Octroi de la garantie de lÉtat à un prêt consenti par lAgence française de développement (AFD) à la Polynésie française

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise le ministre chargé de l’économie à accorder la garantie de l’État à l’Agence française de développement (AFD) au titre du prêt consenti par cette agence à la Polynésie française afin de permettre le financement des régimes d’aides aux particuliers et aux entreprises mis en place par ce territoire dans le cadre de la crise économique liée à la propagation de l’épidémie de Covid-19. La garantie porte sur le principal et les intérêts, dans la limite d’un plafond de 240 millions d’euros en principal.

L’octroi de la garantie est toutefois subordonné à la conclusion d’une convention entre l’État, l’AFD et le gouvernement de Polynésie française prévoyant la mise en place d’un calendrier de réformes, ainsi que des modalités spécifiques de remboursement du prêt octroyé (le principe et les modalités de l’affectation, au profit du remboursement du prêt garanti, d’une fraction des recettes de la Polynésie française).

Le présent article n’a pas d’impact sur le budget général de l’État, sauf si à terme le remboursement du prêt sous-jacent faisait défaut. La garantie sera retracée en tant qu’engagement hors bilan de l’État au sein du compte général de l’État.

Dernières modifications législatives intervenues

La seconde loi de finances rectificative pour 2020 autorise le ministre chargé de l’économie à accorder la garantie de l’État à l’AFD au titre du prêt consenti par cette agence à la collectivité de Nouvelle-Calédonie dans la limite d’un plafond de 240 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   UN RATTRAPE ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE COMPROMIS PAR LA SITUATION SANITAIRE POUR LA COLLECTIVITÉ DE POLYNÉSIE FRANÇAISE

La Polynésie française est une collectivité d’outre-mer à statut particulier dont l’autonomie est garantie par l’article 74 de la Constitution. En application de ce principe, la Polynésie française est compétente dans toutes les matières, à l’exception de celles expressément attribuées à l’État, et dispose de son propre système fiscal et budgétaire.

Les chiffres clÉs 2018 de la collectivitÉ
de PolynÉsie française

Indicateurs

Polynésie française

France

Population (en milliers, en millions pour la France)

276

67

Superficie totale (en km²)

4 167

633 208

PIB (en milliards de francs CFP)

601

273 473

Taux de croissance du PIB (en %)

+ 2,3 %

+ 2,2 %

PIB par habitant (en millions de francs CFP)

2,2

4,1

Taux dinflation moyen (en %)

– 0,7 %

+ 1,8 %

Taux de chômage (en %)

21,0 %

8,8 %

Nombre de touristes

216 268

 

Nombre de croisiéristes

43 631

 

Exportations de perles (en millions de francs CFP)

7 463

 

Source : Institut d’émission d’outre-mer, Polynésie française, Rapport annuel 2018, édition 2019.

1.   Une situation budgétaire favorable de la Polynésie française avant l’émergence de la crise économique et sanitaire

La situation économique et budgétaire de la Polynésie française semblait favorable avant l’émergence de la crise sanitaire relative à l’épidémie de Covid-19. La situation financière de la collectivité de la Polynésie française, notée A3 par l’agence de notation Moody’s, était par ailleurs considérée comme saine avec un taux d’autofinancement de 16 %, et un fonds de roulement supérieur à 300 millions d’euros.

La fiscalité indirecte, qui bénéficie aux collectivités de Polynésie française, représente 74,9 milliards de francs Pacifique en 2018 (francs CFP), soit 625 millions d’euros, et comprend la taxe sur la valeur ajoutée, les droits à l’importation et à l’exportation, ainsi que divers droits intérieurs de consommation (boissons alcoolisées et produits sucrés). La fiscalité directe, qui représente 30,5 milliards de francs CFP (soit 255 millions d’euros), intègre l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les bénéfices des sociétés, l’impôt sur les transactions, la contribution de solidarité du territoire (CST), l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et l’impôt sur les propriétés bâties. La croissance économique a alimenté la hausse des recettes fiscales au cours des dernières années, qui sont passées de 82,5 milliards de francs CFP en 2014 à 105,4 milliards en 2018, soit + 6,3 % en moyenne annuelle sur la période. Le montant global des dépenses fiscales accordées par le gouvernement de la Polynésie française s’est élevé à 16,5 milliards de francs CFP en 2018. Les dépenses fiscales sont concentrées sur les secteurs du tourisme (70 % du total), du transport (16 %) et du logement (4 %).

En 2017, les dépenses de l’État en Polynésie française, qui représentent près d’un tiers du PIB annuel de la Polynésie française, se sont établies à 185,8 milliards de francs CFP (soit 1,55 milliard d’euros). La plus importante, la participation de l’État à l’exercice des compétences de la Polynésie française, représente la moitié du total : en 2017, celle-ci atteignait 95,5 milliards de francs CFP (éducation nationale, dotation globale d’autonomie pour 10,8 milliards de francs CFP, financement des investissements prioritaires, contrat de projet 2015-2020 et contribution de l’État au régime de solidarité). S’y ajoutent les dépenses liées à l’exercice des compétences régaliennes de l’État en Polynésie française et un appui financier aux communes (dotation globale de fonctionnement pour 8,8 milliards de francs CFP).

En 2018, les recettes réelles de fonctionnement de la Polynésie française atteignaient 128,7 milliards de francs CFP (soit 1,07 milliard d’euros) et les dépenses réelles de fonctionnement s’établissaient à 103 milliards de francs CFP (soit 860 millions d’euros). Les recettes réelles d’investissement s’élevaient à 13,1 milliards de francs CFP (soit 110 millions d’euros) tandis que les dépenses réelles d’investissement s’élevaient à 25,1 milliards de francs CFP (soit 210 millions d’euros). De même, les communes polynésiennes disposent d’une autonomie de gestion avec des dépenses de fonctionnement qui s’élevaient à 32,9 milliards de francs CFP en 2017 (soit 270 millions d’euros) et des dépenses d’investissement de 8,3 milliards de francs CFP en 2017 (soit 70 millions d’euros).

L’encours de la dette de la Polynésie française, qui représente 14 % du PIB polynésien, s’établit à 83,5 milliards de francs CFP au 31 décembre 2018 (soit environ 700 millions d’euros), en diminution de 10,8 milliards de francs CFP sur les derniers exercices (2014-2018).

Toutefois, la Polynésie française a pris, sur le modèle métropolitain, des mesures drastiques de réduction des déplacements puis de confinement de la population, qui touchent fortement l’économie locale ainsi que les recettes fiscales. Le 11 mars 2020, les autorités ont interdit l’arrivée des paquebots de croisière et ont limité les rotations aériennes internationales vers la Polynésie française. Par la suite, les liaisons aériennes et par bateau ont été interrompues entre Tahiti et les autres archipels. Le confinement général a été annoncé le 20 mars avec un couvre-feu à partir du 27 mars.

L’ensemble de ces mesures de protection sanitaire a entraîné la paralysie d’une part très importante de l’économie locale. En effet, l’évaluation préalable du présent article souligne que « la perte dactivité sélèverait à 34 % par rapport à une situation normale pour le mois de mars ». Cette perte « sélèverait à 72 % dans le secteur des industries hors agroalimentaires et 70 % dans la construction, mais serait nulle dans les services non marchands ».

La fermeture des frontières et l’arrêt de la desserte aérienne locale et internationale touchent particulièrement le secteur touristique, le plus important de l’économie polynésienne, qui concentre 3 317 entreprises fin décembre 2018 (soit 12 % du total), qui génère 17 % du chiffre d’affaires total des entreprises et qui emploie 11 495 personnes (18 % des effectifs salariés). Dans ce contexte, l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) indiquait que la contraction du PIB devrait être d’une « ampleur assez proche de celle de lHexagone pour la plupart des géographies ultramarines, à lexception de la Polynésie française, fortement impactée en raison de sa dépendance au tourisme » ([221]).

2.   La mise en place de dispositifs de soutien financier massif à destination des entreprises et des ménages

Dans ce contexte, le Gouvernement polynésien et l’État ont déployé des dispositifs de soutien financier massif à destination des entreprises et des ménages polynésiens afin de réduire les effets de la crise économique et sociale. Ces dispositifs conduisent à accroître significativement les dépenses de la Polynésie française, en plus des pertes fiscales supportées du fait du ralentissement de l’économie.

Les premières réponses apportées par le législateur national et applicables en Polynésie française ont porté, d’une part, sur l’extension aux collectivités du Pacifique de la garantie accordée par l’État aux banques soutenant la trésorerie des entreprises et, d’autre part, sur l’accès au fonds de solidarité à destination des entreprises (FSDE) pour les entreprises de ces territoires. La Polynésie française, au même titre que les régions, a par ailleurs participé au financement du FSDE à hauteur de 131 millions de francs CFP (soit 1,09 million d’euros). Ce montant a été calculé à proportion du PIB de la Polynésie française par rapport au PIB national. La Polynésie française n’est toutefois pas admise au bénéfice de l’indemnisation des régimes de chômage partiel instaurés au plan national, car elle dispose de la compétence en la matière. Il est rappelé à ce titre qu’il n’existe pas en Polynésie française de régime d’assurance chômage ni de revenu de solidarité active (RSA).

Au-delà de ces dispositifs nationaux, la Polynésie française a également décidé de mettre en place des mesures complémentaires dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’économie polynésienne dont le montant est évalué à près de 250 millions d’euros. Aussi, le 26 mars 2020, l’Assemblée de Polynésie française a adopté un collectif budgétaire mobilisant plus de 30 milliards de francs CFP (soit 250 millions d’euros). Celui-ci prévoit notamment un ensemble de mesures en faveur de la trésorerie des entreprises telles qu’un report de trois mois des échéances des principaux impôts économiques (impôts sur les sociétés, impôts sur les transactions, patente) et des cotisations sociales, un report de deux mois des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, une suspension pour 2020 du paiement des redevances acquittées dans le cadre d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public, une suspension de trois mois des pénalités de non-emploi des travailleurs handicapés et une suspension pour 2020 du droit spécifique sur les perles exportées du territoire.

Le plan de sauvegarde de l’économie polynésienne prévoit également la création d’un revenu exceptionnel de solidarité de 100 000 francs CFP (837 euros) accordé à tous les salariés en suspension de contrat de travail du fait du confinement pour une durée maximum de trois mois (sous réserve d’avoir préalablement épuisé l’ensemble de ses jours de congé) ainsi que le versement d’une allocation d’un montant identique pour les patentés ([222]) ayant arrêté leur activité du fait de la crise économique ou du confinement. Il prévoit également la mise en place de 5 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi donnant lieu au versement d’une indemnité de 50 000 francs CFP (419 euros), une hausse de 5 000 francs CFP pendant trois mois des allocations familiales versées par le régime de solidarité de Polynésie française (RSPF) et la suspension pendant trois mois des loyers pour les locataires d’organismes d’habitation à loyer modéré.

À noter enfin que 50 milliards de francs CFP supplémentaires ont été ouverts en avril 2020 pour permettre le refinancement à 24 mois des banques par l’institut d’émission d’outre-mer (IEOM) en faveur de la zone franc Pacifique, en plus des 30 milliards de francs CFP déjà ouverts pour le refinancement à 6 mois. Cette mesure de politique monétaire s’accompagne d’une baisse des taux de refinancement à – 0,10 % à 6 mois et à 24 mois, ce dernier étant porté à – 0,30 % si les établissements de crédit augmentent leurs encours de crédit en faveur des entreprises non financières durant la période de souscription de la ligne de refinancement. À ce jour, l’IEOM a déployé depuis le début de l’année 31 milliards de francs CFP en Polynésie française au titre des lignes de refinancement à 6 et 24 mois ([223]).

B.   LES INTERVENTIONS EN OUTRE-MER DE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT

L’AFD intervient pour le compte de l’État dans le cadre de ses missions fixées par le code monétaire et financier. Aux termes de l’article R. 515-5 de la partie réglementaire de ce code, l’AFD « exerce une mission permanente dintérêt public […]. Elle peut effectuer les opérations de banque afférentes à cette mission ». En outre, l’article R. 515-12 dispose que « lagence gère pour le compte de lÉtat et aux risques de celui-ci des opérations financées sur le budget de lÉtat » et que « les termes de ces opérations font lobjet de conventions spécifiques signées au nom de lÉtat par le ou les ministres compétents ».

Dans le cadre de ses missions, l’AFD a progressivement renforcé depuis plusieurs années son intervention auprès des collectivités territoriales d’outre-mer devenant ainsi leur partenaire financier le plus important. En 2018, les engagements financiers de l’AFD en outre-mer ont ainsi atteint 1,4 milliard d’euros, soit 12 % de l’activité totale du groupe. Le total des encours de l’AFD en outre-mer s’élève ainsi à 5,4 milliards d’euros en 2018. Le secteur public demeure le principal bénéficiaire des activités de l’AFD en outre-mer puisque 51 % des activités ultramarines du groupe ont été consacrés au financement de projets publics pour un total de 696 millions d’euros. Enfin, avec 750 millions d’euros d’encours, l’AFD est le premier bailleur des établissements de santé ultramarins.

En 2018, les engagements financiers nouveaux de l’AFD à destination de la Polynésie française se sont élevés à 165 millions d’euros. L’AFD appuie les acteurs publics et privés de la collectivité à travers plusieurs axes : elle accompagne la définition d’outils de planification et les équipes communales sur les questions de gestion et de budget ; elle finance les principaux projets structurants publics et privés qui concourent à un développement du territoire ; enfin, elle garantit, par le biais de sa filiale la Société de gestion de fonds de garantie doutre-mer, les crédits accordés aux entreprises par les banques locales. L’agence demeure le principal financeur des collectivités polynésiennes : entre 2014 et 2018, 26 communes polynésiennes ont bénéficié d’un financement de l’AFD.

L’AFD est également mobilisée pour soutenir les collectivités territoriales et les entreprises ultramarines touchées par la crise économique et sanitaire actuelle, à travers plusieurs outils :

– une possibilité de demander le report de six mois des échéances des prêts accordés aux collectivités territoriales et aux entreprises en difficulté ;

– une accélération des décaissements pour les financements déjà engagés à hauteur de 250 millions d’euros ;

– une accélération des instructions des prêts budgétaires annuels pour les principales collectivités ultramarines, qui pourrait concerner un encours de 250 millions d’euros ;

– la mise en place des prêts d’urgence d’aide à l’investissement sur 20 ans pour les collectivités ultramarines, avec trois ans de différé et des modalités de déblocage accélérées (40 % dès la signature), à partir des projets retenus dans les contrats collectivités-État ;

– l’expérimentation à Mayotte, dès le second semestre 2020, d’un dispositif de préfinancement du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour les communes. Une extension aux autres départements et régions d’outre-mer sera envisagée en 2021 si les résultats de l’expérimentation mahoraise sont concluants ;

– l’accord d’un prêt amortissable à la collectivité de la Nouvelle-Calédonie d’un montant de 240 millions d’euros pour faire face au besoin de trésorerie urgent, avec une garantie de l’État ([224]) ;

– la mise en place d’un fonds de relance « Outre-mer 5.0 » afin de financer des programmes d’investissements publics pour une relance durable en outre-mer, notamment par le biais de prêts bonifiés. Une étude sur la « Relance décarbonée et inclusive dans les territoires ultramarins » est en cours de réalisation en vue de déterminer les actions à financer en priorité et leurs modalités.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans ce contexte, le premier alinéa du présent article dispose que le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État à l’AFD au titre d’un prêt que celle-ci consentirait à la Polynésie française afin de permettre le financement des reports de paiement d’impositions et de cotisations sociales, des pertes de recettes subies et des hausses de dépenses exposées au titre des régimes d’aides aux particuliers et aux entreprises mis en place du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.

Le second alinéa précise que la garantie peut être accordée jusqu’au 31 décembre 2020. Elle porte sur le principal et les intérêts dans la limite d’un plafond de 240 millions d’euros en principal. Le prêt ne peut avoir une maturité supérieure à 25 ans ni un différé de remboursement supérieur à 2 ans. L’évaluation préalable du présent article justifie ce montant par la nécessité d’assurer le financement des dispositifs de soutien aux entreprises à hauteur de 62 millions d’euros, des mesures de relance du secteur touristique pour 40 millions d’euros et des pertes de recettes supportées par la caisse de protection sociale de Polynésie française pour 138 millions d’euros.

Toutefois, le dernier alinéa dispose que l’octroi de la garantie est subordonné à la conclusion d’une convention entre l’État, l’AFD et le gouvernement de Polynésie française prévoyant, d’une part, la mise en place d’un calendrier de réformes afin de garantir la situation financière de la collectivité et, d’autre part, le principe et les modalités d’un dispositif spécifique de remboursement du prêt garanti par l’affectation d’une fraction des recettes de la Polynésie française correspondant aux annuités d’emprunt en principal et intérêts. Le contenu de cette convention ne fait l’objet d’aucune autre forme de précisions.

Pour rappel, le présent article n’a pas d’impact sur le budget général de l’État, sauf si le remboursement du prêt sous-jacent faisait défaut. La garantie sera retracée en tant qu’engagement hors bilan de l’État au sein du compte général de l’État.

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La commission est saisie de l’amendement CF1442 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Cet amendement vise à préciser que le comité national de suivi prend en compte l’analyse locale de la situation en Polynésie française, où a été constitué un comité de financeurs composé entre autres du Haut-commissaire de la République en Polynésie française, du trésorier-payeur général (TPG) de Polynésie française, des directions de l’Agence française de développement (AFD) de l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) et de la chambre territoriale des comptes, soit les plus hautes instances financières de l’État présentes en Polynésie.

Les besoins de trésorerie sont évalués à 470 millions d’euros et, comme première étape, le présent article prévoit un prêt de 240 millions d’euros. Notre objectif avec cet amendement est d’inciter le comité national de suivi à suivre de près l’évolution des besoins.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je me félicite que l’article 16 comporte l’équivalent pour la Polynésie française de ce qui avait été prévu pour la Nouvelle-Calédonie dans le cadre du deuxième PLFR.

Tel qu’il a été imaginé, le comité de suivi se concentre sur les mesures d’urgence dédiées aux entreprises, et il ne me semble pas opportun de lui confier le suivi de la situation de la trésorerie de la Polynésie française, travail dont pourrait se charger la commission des finances au titre de son rôle d’évaluation et de contrôle. Je vous invite donc à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Entre les 240 millions d’euros fixés pour le plafond de garantie à l’article 16 et les 470 millions avancés dans l’amendement de notre collègue, quels sont réellement les besoins de la Polynésie française ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur ce point, je laisserai l’appréciation à l’auteur de l’amendement. Cependant, je vous confirme que la garantie pour la Polynésie française est fixée au même niveau que celle qui avait été mise en place pour la Nouvelle-Calédonie dans le cadre du deuxième PLFR, à savoir 240 millions d’euros.

Mme Maina Sage. L’évaluation locale des besoins a été réalisée par un comité d’expertise mis en place à la demande du Président de la République et comprenant les plus hautes instances financières de l’État. Ce comité a validé un besoin de trésorerie de 470 millions d’euros, alors que la demande locale s’élevait à 540 millions d’euros. Nous souhaitons que le PGE soit validé à son premier palier de 240 millions d’euros et nous sommes en négociation pour la suite. Il est très important pour nous qu’à l’échelon national, on prenne bien en compte l’évolution des besoins.

J’entends ce que dit le rapporteur général sur le fait que les missions du comité national de suivi portent avant tout sur les aides aux entreprises, mais j’espère que nous pourrons trouver, d’ici à la séance publique, un dispositif de PGE spécifique aux collectivités territoriales. Dans l’immédiat, je retire mon amendement.

L’amendement CF1442 est retiré.

La commission adopte l’article 16 sans modification.

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Après l’article 16

La commission est saisie de l’amendement CF1313 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Les entreprises ont accumulé énormément de dettes de différentes natures durant la crise, ce qui pose deux problèmes. Premièrement, un entrepreneur très endetté est peu incité à la reprise d’activité ; deuxièmement, les entreprises endettées risquent d’être précipitées en très grand nombre dans des procédures collectives, à tel point que notre système de traitement des procédures collectives pourrait être débordé.

Face à cette situation, deux options se présentent. La première consiste à réinjecter des fonds propres pour désendetter les entreprises, la seconde à conduire les créanciers à abandonner tout ou partie de leurs créances. Dans le cadre du deuxième PLFR, c’est cette voie qui a été choisie, en considérant que si un professionnel abandonne sa créance de loyer, il ne sera pas taxé sur les revenus qu’il n’aura pas perçus – alors qu’en temps ordinaire, il l’aurait été.

L’amendement CF1313 propose d’étendre ce dispositif à d’autres types de créances – crédit-bail, créances de fournisseurs et autres créances commerciales –, sur la base du constat, fait dans le cadre de la médiation des loyers actuellement menée par Jeanne-Marie Prost, que cette légère neutralisation fiscale des abandons de créances de loyer a permis des abandons au profit des commerçants et artisans concernés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dans le cadre du deuxième PLFR, j’avais précisé à quel type d’encadrement j’étais favorable. Je n’ai pas changé d’avis, et j’émets donc un avis défavorable à votre proposition d’élargissement du dispositif.

La commission rejette l’amendement CF1313.

Elle est saisie de l’amendement CF962 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement, auquel notre collègue Potier tient beaucoup, vise à lutter contre les écarts excessifs de revenus au sein de l’entreprise en s’appuyant sur l’outil fiscal. Puisqu’il est aujourd’hui impossible, pour des raisons constitutionnelles, de limiter à la source les écarts de rémunération, nous proposons qu’au-delà de douze fois le salaire minimal, les charges salariales ne soient plus déductibles du calcul de l’impôt sur les sociétés. Le facteur 12 est retenu sur un fondement éthique simple : nul ne peut gagner en un mois ce qu’un autre gagnerait en un an.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons également déjà eu ce débat dans le cadre du deuxième PLFR. Si je comprends le souhait de réduire les inégalités salariales, l’outil choisi ne me semble pas être le bon : ce dispositif alourdirait considérablement la charge fiscale des entreprises alors que nous devons relancer l’économie et pour cela faire en sorte de favoriser la compétitivité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF962.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF56 de Mme Véronique Louwagie et CF822 de M. Vincent Ledoux.

Mme Véronique Louwagie. Il existe aujourd’hui une obligation fiscale de comptabiliser les amortissements et, à défaut de s’y conformer, l’entreprise concernée perd définitivement le droit de déduire ceux-ci ultérieurement. Durant la période courant du 17 mars à la fin de l’année, les outils de production de nombreuses entreprises vont être sous-utilisés, subissant une moindre dépréciation.

Par ailleurs, les amortissements que les entreprises vont devoir comptabiliser vont aggraver leurs déficits en 2020, ce qui va avoir des conséquences sur leur niveau de fonds propres, donc dégrader leur cotation et réduire leur capacité à obtenir des facilités de paiement à partir de 2021.

Afin de remédier à cette situation, l’amendement CF56 vise à permettre aux entreprises de différer la comptabilisation des amortissements sans en perdre la déduction fiscale ultérieure. Les amortissements seraient alors « régulièrement différés » et non « irrégulièrement différés » au sens fiscal entre le 17 mars et le 31 décembre 2020.

M. Vincent Ledoux. On observe une inégalité entre ceux qui louent leurs machines en crédit-bail et peuvent en reporter les charges, et ceux qui les possèdent en propre. L’amendement CF822 vise à permettre aux entreprises industrielles de différer les charges d’amortissement sur leurs machines afin de ne pas grever leurs résultats, donc leur capacité de rebond.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous engagez un débat sur la comptabilité en vous fondant sur la différence entre la location et l’achat sur le compte de résultat, mais il existe également des différences à l’actif, dont il faut tout autant tenir compte.

Votre proposition, madame Louwagie, aurait pour conséquence d’aboutir à un résultat net avant impôt plus important et de faire payer plus d’impôt à l’entreprise, tout en permettant un report en fonds propres au passif plus important. En l’état actuel du droit, il paraît toujours plus intéressant pour une entreprise de privilégier l’amortissement, afin de diminuer son résultat net avant impôt – c’est l’une des raisons d’être de cette technique comptable.

En 2020, nous souhaitons privilégier la compétitivité des entreprises, ce qui, à mon sens, passe par l’amortissement. J’émets donc un avis défavorable à ces deux amendements.

Mme Véronique Louwagie. Vous avez raison sur le principe, mais si je souhaite que les entreprises puissent y déroger, c’est parce que celles qui sont en déficit – elles risquent d’être nombreuses à se trouver dans cette situation en 2020 – présentent une détérioration de leurs fonds propres, se traduisant par des difficultés d’accès au financement en 2021. Le problème se pose en termes comptables, et non fiscaux. Que regarde la Banque de France pour établir ses cotations, si ce n’est le rapport entre le montant des capitaux et celui des dettes ?

Or certaines immobilisations n’auront pas subi de dépréciation en raison de leur sous-utilisation. Si une entreprise ne comptabilise pas ses amortissements, elle perd définitivement la possibilité de les déduire de ses impôts. C’est ce qui justifie que je propose une exception à ce principe pour la période du 17 mars au 31 décembre 2020 : cette mesure rendrait un vrai service aux entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous aurons un débat en séance sur ce point et j’expertiserai également la question de mon côté, car je reconnais l’intérêt qu’une telle mesure peut présenter. Cela dit, l’affichage comptable en France est un problème, dans la mesure où les amortissements sont mal retraités : c’est d’ailleurs ce qui justifie que l’International Financial Reporting Standards (IFRS) établisse une différence entre EBIT – le bénéfice avant intérêts et impôts – et EBITDA – le résultat opérationnel avant provisions et amortissements. Cette insuffisance de la comptabilité française peut effectivement avoir des conséquences sur la cotation des entreprises, notamment quand le ratio actif/dette commence à devenir problématique.

Mme Émilie Cariou. Comme le dit Mme Louwagie, les entreprises peuvent déjà se trouver en déficit. Par ailleurs, quand une société subit des pertes et que ses capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de son capital social, elle doit se conformer à une obligation légale de reconstitution des capitaux propres. Plusieurs entreprises, notamment de grosses PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), nous ont fait part de leur souhait d’avoir la possibilité de ne pas comptabiliser les amortissements, ce qui semble effectivement constituer une solution intéressante. Je soutiens donc l’amendement CF56.

M. le président Éric Woerth. Ce que vous proposez en fait, c’est de suspendre une année d’amortissement afin d’augmenter le résultat.

La commission rejette successivement les amendements CF56 et CF822.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF935 de M. Boris Vallaud, CF286 de M. Marc Le Fur et CF1075 du président Éric Woerth.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CF935 propose la mise en place d’un suramortissement de 40 % en cas de reprise d’une PME industrielle.

M. le président Éric Woerth. L’amendement CF286 est défendu.

Pour ce qui est de mon amendement CF1075, il vise à instaurer un dispositif de suramortissement de 40 %, similaire à celui qui avait montré son efficacité pour relancer l’activité dans le cadre de la loi Macron de 2015, et pour une durée limitée à un an.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. N’espérez pas m’influencer en faisant référence à la loi Macron, monsieur le président ! (Sourires) J’ai toujours pensé que le suramortissement était un dispositif très efficace pour obtenir une relance rapide mais, si je peux souhaiter qu’il soit mis en œuvre dans le cadre d’un prochain texte, j’estime qu’il n’a pas sa place dans ce PLFR d’urgence. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements.

M. le président Éric Woerth. En certaines circonstances, il est pourtant nécessaire de soutenir l’activité industrielle, ce qui passe par une incitation à l’investissement, comme le permet la technique du suramortissement – à condition de ne pas importer trop de machines.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous confirme ne pas être favorable à l’adoption d’un tel dispositif dans le cadre du PLFR.

La commission rejette successivement les amendements CF935, CF286 et CF1075.

Elle est saisie de l’amendement CF957 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à créer un dispositif de suramortissement exceptionnel de 40 % pour les biens non utilisés inscrits à l’actif immobilisé. Il s’agit, par exemple, des avions qui se trouvent immobilisés sur les tarmacs des aéroports.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF957.

Elle examine l’amendement CF750 de M. David Habib.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à prolonger d’une année le dispositif de zone de revitalisation rurale (ZRR), c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Une évaluation du dispositif étant prévue, je vous propose d’en attendre les conclusions et de refaire éventuellement cette proposition dans le cadre du PLF pour 2021.

L’amendement CF750 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CF103 de Mme Véronique Louwagie et CF256 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement CF256 vise à ouvrir, pour les bailleurs qui feraient des travaux de rénovation énergétique, la possibilité de déduire du revenu global, sans limite, les déficits des revenus fonciers issus de travaux visant à l’amélioration de la performance énergétique. Une telle mesure, facile à mettre en œuvre, permettrait à la fois de favoriser la relance dans le secteur du bâtiment sur l’ensemble du territoire national et de répondre à la préoccupation, exprimée par le Président de la République, d’agir en matière de rénovation énergétique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dans la mesure où il est déjà possible, pour les bailleurs, d’imputer le surplus éventuel des déficits fonciers sur les revenus fonciers pendant les dix années suivantes, l’intérêt d’un déplafonnement est limité en termes d’incitation à la relance – tout au plus pourrait-il avoir un effet sur la trésorerie –, alors qu’une telle mesure serait très avantageuse sur le plan fiscal. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements identiques CF103 et CF256.

Elle est saisie de l’amendement CF1032 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement vise à créer une épargne de précaution et de travaux au profit des propriétaires et exploitants de monuments historiques ouverts au public. Compte tenu de leur régime juridique, ces exploitants ne peuvent pas amortir les dépenses qu’ils effectuent. Ce dispositif s’inspire de la déduction pour aléas (DPA) en fiscalité agricole.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je reconnais qu’il s’agit là d’une idée assez ingénieuse. Cela dit, la particularité de la DPA tient à la saisonnalité – en matière agricole, les aléas ne manquent pas –, ce qui fait qu’un tel dispositif est beaucoup moins justifié pour l’activité d’exploitation de monuments historiques. L’outil que vous proposez ne paraissant pas vraiment adapté, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1032.

Elle examine l’amendement CF868 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. En avril dernier, j’avais proposé de créer un livret C comme « coronavirus ». Je reprends aujourd’hui cette idée consistant à créer un nouveau livret, identifié cette fois comme le livret R, comme « relance ». Je précise que c’est Stanislas Guérini qui m’a inspiré cette idée il y a quelques semaines en proposant un livret R comme « reconstruction », devant servir à rediriger l’épargne des Français vers nos petites entreprises, dont les fonds propres pourraient ainsi être renforcés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Quels que soient la lettre associée au livret et l’auteur de cette proposition, j’y suis défavorable. S’il y a un chantier qui mériterait d’avancer aujourd’hui, c’est celui ouvert par Gilles Carrez et Jacques Savatier sur la doctrine d’emploi des livrets réglementés, que nous aurions incontestablement intérêt à diversifier.

Que des produits d’épargne soient davantage orientés vers l’investissement productif au moyen de l’assurance-vie ou du dispositif fiscal Madelin me semble justifié, même si les choses vont trop lentement à mon goût. En revanche, je ne pense pas que l’amélioration des fonds propres des entreprises, même dans un contexte nécessitant d’obtenir une relance, passe par une mobilisation de l’épargne des Français. Aujourd’hui, l’État sait emprunter de l’argent à des conditions avantageuses et n’a donc pas besoin de recourir à l’épargne des Français pour mettre en œuvre des politiques publiques d’investissement dans les fonds propres des entreprises. Dès lors, rien ne sert de créer un nouveau livret : il suffit de changer la doctrine d’emploi du livret A. Par exemple, Gilles Carrez propose d’y inclure les établissements publics culturels.

M. le président Éric Woerth. Je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse. On sait que l’assurance-vie investie dans des fonds plus risqués ne fonctionne pas. Selon la Banque de France, il y a aujourd’hui 100 milliards d’euros de sur-épargne, qui ne vont pas profiter spontanément à la consommation. Il serait donc justifié de rendre cette épargne plus dynamique et plus utile à une accélération de la croissance. En complément des mesures destinées à stimuler la consommation, il en faut aussi qui favorisent l’investissement dans les entreprises. Certes, on peut aussi choisir de ne rien faire, mais je trouve cela dommage.

M. Jean-Paul Mattei. L’idée consistant à créer un livret pour collecter des fonds destinés à la relance me semble intéressante : à mon sens, un tel livret aurait tout à fait sa place aux côtés du livret de développement durable et solidaire (LDDS) et d’autres supports. Cette proposition n’est peut-être pas idéalement placée dans le texte, mais son principe me semble mériter qu’on l’étudie.

Mme Bénédicte Peyrol. Clairement, il va falloir trouver des solutions pour mobiliser les 100 milliards d’euros de sur-épargne. Pour ma part, si je trouve intéressante l’idée consistant à créer un nouveau livret, je m’interroge sur le comportement que cela induirait chez les Français vis-à-vis du livret A et du LDDS. Il est dommage que Gilles Carrez et Jacques Savatier ne soient pas présents pour nous dire ce qu’ils en pensent, mais j’imagine que vous avez vous‑même effectué des travaux à ce sujet, monsieur le président : que pouvez-vous nous en dire ?

M. François Jolivet. Comme l’a dit le rapporteur général, des travaux portant sur la doctrine d’emploi des fonds placés sur les livrets réglementés sont en cours. Par ailleurs, monsieur le président, vous indiquez dans votre amendement que le fonctionnement du livret R serait inspiré de celui du livret A et qu’il reviendrait à la Caisse des dépôts et consignations de rémunérer les sommes placées sur ce livret R. Or nous savons tous depuis deux ans que le modèle du livret A peut s’effondrer. Comment concevez-vous la prise de risque et la compensation par la Caisse des dépôts et consignations de la rémunération qu’elle devrait accorder à l’épargnant alors que, par ailleurs, le loyer de l’argent est actuellement négatif ?

Il est paradoxal de constater que les épargnants « populaires » du livret A voient leurs placements s’éroder au fil du temps, alors que ceux qui ont les moyens d’investir en bourse ont l’assurance de voir leur capital se maintenir. Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que bon nombre de partenaires bancaires privés souhaitent la fin des fonds réglementés. Comment et à quel taux la rémunération des fonds placés sur le livret R serait-elle assurée ?

M. le président Éric Woerth. C’est au gestionnaire de le faire, et la seule obligation en la matière, c’est que ce soit calqué sur le livret A : un taux de rendement de 0,75 %, c’est déjà beaucoup ! Je sais que de nombreux Français aimeraient participer à la relance. L’idée n’est pas de lancer un nouvel appel à l’épargne publique, qui existe déjà et fait l’objet d’une garantie de l’État.

C’est vrai, les banques ne sont jamais très favorables aux livrets réglementés, qui cannibalisent une partie de leurs propres produits financiers. Cela dit, je suis convaincu que la création d’un livret R aurait un effet favorable sur le plan psychologique ; techniquement, la mise en œuvre d’un tel dispositif n’a rien d’infaisable ; enfin, cela permettrait de mobiliser sur une période déterminée la sur-épargne à destination de l’investissement dans les entreprises, donc d’augmenter leur productivité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends donc que votre livret apporte la même garantie que le livret A, avec des placements risqués.

M. le président Éric Woerth. Comme les PGE.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faudra donc avoir en face une garantie d’État assez solide pour obtenir un plafond de pertes adapté à un produit risqué.

M. le président Éric Woerth. C’est ce que vous faites depuis deux mois et demi !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non, ce n’est pas la même chose. Je n’avais pas compris que c’était garanti ; je pensais que c’était une prise de risque pour l’épargnant. Or vous proposez en fait un livret A dédié à l’investissement dans les fonds propres des entreprises, donc risqué pour l’épargnant. Je n’y crois pas du tout.

En revanche, nous avions envisagé que Bpifrance propose de la revente à la découpe, sur ce qui s’appelle les fonds de fonds. Bpifrance est capable de découper des morceaux de portefeuille de prises de participation dans des entreprises et de les revendre à des particuliers. Nous avions décidé que, dans un premier temps, le prix plancher serait de 5 000 euros mais qu’il pourrait à terme, si le dispositif fonctionnait, être abaissé de manière à ce que le ticket d’entrée soit le plus faible possible et que chacun puisse devenir petit actionnaire de PME, selon un fonctionnement différent de celui de l’actionnariat des entreprises cotées. Ce projet devait être lancé au mois d’avril mais a été suspendu par la crise du covid ; il reste cependant d’actualité.

Cela me paraît une idée concrète et très intéressante, qui permet de réutiliser un bon investissement sur une sorte de marché secondaire, étant entendu que beaucoup d’autres acteurs, publics ou privés, pourraient s’emparer de ce dispositif. Il n’y a donc pas besoin d’un livret qui ait les mêmes caractéristiques que le livret A mais avec une prise de risque. Et je ne parle pas des conséquences sur l’assurance-vie dont cela signerait la fin, compte tenu de la faible réussite des unités de comptes.

M. le président Éric Woerth. L’assurance-vie ne fonctionne pas qu’en unités de compte !

Mme Émilie Cariou. Je souscris aux propos du rapporteur sur un produit d’épargne destiné aux ménages et fléché vers de l’investissement risqué, avec une garantie. Il l’a dit : les unités de compte des assurances-vie sont une question sensible.

Il me paraîtrait donc plus intéressant que la Caisse des dépôts envisage une nouvelle doctrine d’emploi du livret A au lieu de vouloir drainer massivement l’épargne des ménages vers de l’investissement risqué. J’ai souvent eu affaire à de l’investissement risqué dans ma carrière, y compris sous forme de schéma de Ponzi, et je peux vous assurer qu’investir dans des PME est compliqué et ne peut se faire que de façon intermédiée, avec des outils qui « dérisquent » l’investissement. Il en existe déjà et je ne suis pas persuadée que nous ayons besoin de ce nouvel outil.

M. le président Éric Woerth. Si cela existe, si l’investissement est parfaitement financé en France et qu’on arrive à investir davantage, tout va bien, mais j’ai le sentiment que ce n’est pas tout à fait le cas.

M. Charles de Courson. Une partie des contrats d’assurance-vie – entre 10 % et 15 % – devrait être investie dans les PME. Cela me semblerait une solution plus fructueuse que le recours à une épargne aussi liquide que le livret A, qui exigerait en outre des transformations à grande échelle.

M. le président Éric Woerth. Oui, mais à 12,5 % de récession, on peut s’interroger sur les outils à notre disposition.

Mme Dominique David. Comment allez-vous gérer la réglementation des marchés d’instruments financiers (MIF) avec un produit comme celui-là ? Vous allez devoir informer l’épargnant que la destination de son investissement est risquée, or ceux qui placent sur un livret A cherchent avant tout la liquidité et la sécurité. Leur proposer un investissement caractérisé comme risqué n’a pas vraiment de sens.

M. le président Éric Woerth. Tout est toujours impossible, et c’est pour cela que vous répliquez sans cesse les mêmes choses, mais pour le PGE, vous avez consenti à 300 milliards d’euros de prêts garantis sans vous poser de questions.

La commission rejette l’amendement CF868.

Elle est saisie de l’amendement CF766 de Mme Sylvia Pinel.

M. François Pupponi. Il s’agit de dézoner le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE), afin de relancer l’activité dans le secteur du BTP. Aujourd’hui, les zones C n’y sont pas éligibles, alors qu’elles représentent 70 % du territoire national.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu un débat sur le CITE. Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles évoquées hier.

La commission rejette l’amendement CF766.

Elle est saisie de l’amendement CF1466 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Cet amendement traite du régime des dividendes intragroupe et plus particulièrement de la quote-part à réintégrer dans le cadre du régime de l’intégration fiscale, afin de rehausser l’imposition des dividendes intragroupe.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette mesure qui touche au régime mère-fille fait écho à notre débat de ce matin. Ayons plutôt ce débat en PLF. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1466.

Elle examine les amendements identiques CF14 de Mme Lise Magnier et CF1026 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de prolonger de six mois le délai d’obtention de l’agrément définitif pour tous les spectacles ayant obtenu leur agrément provisoire avant le 12 mars 2020 dans le cadre du crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV).

Actuellement, la prolongation de ces délais est définie par l’ordonnance du 25 mars 2020 instaurant diverses dispositions de report et suspension de délais pendant la période d’urgence sanitaire. Cette ordonnance, dans sa version modifiée en mai, s’applique aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.

Ces dispositions restreignent donc le crédit d’impôt en diminuant la durée d’éligibilité réelle des dépenses de l’ensemble des spectacles agréés au titre du crédit d’impôt, à l’exception de ceux dont l’agrément définitif ou la date d’obtention d’agrément provisoire se situe pendant la période allant du 12 mars au 23 juin. Cette situation doit être corrigée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements me paraissent en partie satisfaits par l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020, qui me semble couvrir la majorité des cas que vous visez. Avis défavorable.

Mme Lise Magnier. C’est précisément parce que l’ordonnance du mois de mars ne proroge pas suffisamment les délais d’obtention de l’agrément que nous avons déposé cet amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Même avec l’ordonnance modificatrice de mai, il reste une période blanche de six mois.

La commission rejette les amendements identiques CF14 et CF1026.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF518 de Mme Frédérique Dumas et CF164 de Mme Virginie Duby-Muller.

M. François Pupponi. L’industrie cinématographique étant en grande souffrance, nous proposons de passer de 30 % à 40 % le taux du crédit d’impôt pour les années 2020 et 2021. Cela aura une incidence faible en 2020, puisqu’il n’y a pas eu d’activité, mais en 2021 cela permettra de relancer l’activité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable pour des raisons identiques à celle que j’ai avancées pour les autres crédits d’impôt que je ne souhaite pas proroger dans ce projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements CF518 et CF164.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CF417 et CF418 de M. Pierre-Yves Bournazel.

La commission est saisie des amendements identiques CF419 de M. Pierre-Yves Bournazel et CF1341 de Mme Sophie Mette.

M. Vincent Ledoux. Il s’agit de faciliter la reprise de l’activité au lendemain du déconfinement, d’abord en réduisant les délais entre deux comités de délivrance des agréments provisoires, lesquels ne sont programmés que six fois par an ; ensuite, en permettant une meilleure conciliation entre le maintien des projets programmés ou en cours avec le télétravail. Il s’agit de modifier le début de l’éligibilité des dépenses au titre du crédit d’impôt phonographique (CIPP) en l’alignant sur les dispositions du crédit d’impôt spectacles vivants (CISV).

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement vise à soutenir l’industrie phonographique en alignant les conditions d’éligibilité des dépenses sur celles prévues pour le spectacle.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements CF419 et CF1341.

Elle est saisie de l’amendement CF420 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Patricia Lemoine. Dans la lignée des amendements précédents, cet amendement renforce le crédit d’impôt phonographique pour favoriser la reprise du marché de la musique enregistrée, en accompagnant les investissements des labels au profit des talents émergents. Il porte pour cela de 1,1 à 2 millions d’euros le plafond des dépenses par entreprise et par exercice, corollaire de la proposition précédente faite par Vincent Ledoux d’un taux unique à 30 %. Ces paramètres doivent évoluer de pair, sous peine d’inefficacité.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF420.

Elle est saisie des amendements identiques CF11 de Mme Lise Magnier, CF342 de Mme Brigitte Kuster, CF512 de Mme Frédérique Dumas et CF1475 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Il s’agit, comme dans les amendements précédents, d’un élargissement du crédit d’impôt pour le spectacle vivant.

Concernant l’ensemble de ces propositions, il serait intéressant que le ministre de la culture vienne nous exposer les soutiens mis en place en faveur du secteur culturel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous devons, en effet, avoir ce débat avec le Gouvernement. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques CF11, CF342, CF512 et CF1475.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement l’amendement CF343 de Mme Brigitte Kuster, les amendements identiques CF13 de Mme Lise Magnier et CF345 de Mme Brigitte Kuster, et les amendements identiques CF12 de Mme Lise Magnier, CF344 de Mme Brigitte Kuster et CF513 de Mme Frédérique Dumas.

La commission est saisie de l’amendement CF959 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Les échanges de monnaie fiduciaire pouvant contribuer à la propagation du virus, il est recommandé de développer les terminaux sans contact. Les plafonds de paiement ont déjà été relevés, et nous proposons d’instaurer un crédit d’impôt pour les commerces qui souhaitent s’équiper.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF959.

Elle est saisie de l’amendement CF1007 de Mme George Pau-Langevin.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement propose une réduction d’impôt pour les organismes HLM, lorsque ces derniers consentent, entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, des abandons de loyers affectés à leur secteur exonéré. Il s’inscrit dans le prolongement de l’article 3 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF1007.

Elle est saisie de l’amendement CF1049 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement propose de créer un crédit d’impôt temporaire pour les annonceurs publicitaires. Il s’agit de soutenir le marché de la publicité qui, lui-même, favorise la consommation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Gouvernement a fait à ce sujet des annonces, le 17 juin. Il confirmera dans l’hémicycle la nature de ces mesures fiscales et budgétaires. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement CF1049.

 

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CF1252 de Mme Pascale Fontenel-Personne.

La commission est saisie de l’amendement CF869 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’annuler le coup de rabot infligé au mécénat d’entreprise par la loi de finances pour 2020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF869.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CF1148, CF881 et CF880 de Mme Véronique Louwagie.

La commission est saisie de l’amendement CF241 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement vise à intégrer au sein du crédit d’impôt pour investissements réalisés et exploités par les PME en Corse (CIIC) les établissements de santé de l’île, qui nécessitent d’importants travaux de rénovation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat sur le CIIC ce matin. Dans l’attente de mesures plus globales destinées à la Corse, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF241.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CF699 et CF242 de M. Michel Castellani, et l’amendement CF660 de M. Paul-André Colombani.

La commission examine les amendements identiques CF105 de Mme Véronique Louwagie, CF257 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF601 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous proposons de créer un crédit d’impôt « surcoût » pour le BTP, égal à 10 % des rémunérations effectivement versées entre le 15 avril et le 31 décembre 2020.

M. François Pupponi. Nous proposons une majoration jusqu’à 10 % du crédit d’impôt pour le BTP.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements sont identiques à celui que nous avons examiné ce matin. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Les dates sont différentes.

La commission rejette les amendements identiques CF105, CF257 et CF601.

Elle est saisie de l’amendement CF939 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons de rendre déductibles de l’impôt sur les sociétés les surcoûts, estimés à 15 %, pour les contrats signés avant le 15 mars, uniquement lorsqu’ils ne sont pas pris en charge par la maîtrise d’œuvre.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF939.

Elle examine les amendements identiques CF18 de M. Vincent Ledoux et CF262 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Vincent Ledoux. Le crédit d’impôt famille (CIFAM) ne bénéficie qu’aux entreprises ayant des salariés, les professions libérales et les gérants non salariés n’en bénéficiant qu’à la condition que leur entreprise emploie des salariés en bénéficiant également.

Depuis 2004, les enfants des professions libérales et indépendantes ne peuvent pas bénéficier d’un accès à la crèche par ce crédit d’impôt et doivent se tourner vers les crèches municipales. Nous proposons donc d’étendre le crédit d’impôt famille aux professions libérales, ce qui permettrait non seulement de les inciter au retour à l’emploi mais également de libérer des places dans les crèches municipales pour d’autres publics et de procurer des sources nouvelles de financement pour les entreprises et associations proposant des crèches.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il faudrait enfin songer à élargir le dispositif du CIFAM à tous les enfants quel que soit le statut de leurs parents.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Renvoyons la réflexion sur ce dispositif fiscal avantageux à un débat fiscal plus large que celui de ce texte. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques CF18 et CF262.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CF852 de M. Stéphane Mazars et CF165 de Mme Virginie Duby-Muller.

La commission est saisie de l’amendement CF970 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous demandons la création d’un crédit d’impôt favorisant l’émergence de la certification « haute valeur environnementale ».

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour toute nouvelle création de crédit d’impôt, je vous donne rendez-vous au prochain PLF. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF970.

Elle est saisie de l’amendement CF1314 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Afin d’encourager les abandons de créance au profit des entreprises et en particulier de celles ciblées par les mesures de ce projet de loi, c’est-à-dire qui ont connu une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er avril et le 31 mai, nous proposons de créer un crédit d’impôt égal à 10 % de la créance, au bénéfice de celui qui abandonne cette créance. L’objectif est à la fois de désendetter les entreprises et d’éviter d’engorger les tribunaux de commerce avec un excès de procédures collectives.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF1314.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CF1249 de M. Arnaud Viala.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF515 de Mme Frédérique Dumas et CF246 de M. François Pupponi, ainsi que l’amendement CF517 de Mme Frédérique Dumas.

M. François Pupponi. L’amendement CF515 propose d’allonger à deux ans la durée minimale d’amortissement du PGE pour les entreprises du spectacle, qui ne vont pas pouvoir reprendre leur activité dans l’immédiat.

L’amendement CF246 propose la même mesure pour les entreprises de Corse et d’outre-mer.

Enfin, l’amendement CF517 porte la durée maximale d’amortissement du PGE à huit ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements posent la question de la sortie du PGE. En l’occurrence, les créances sont détenues par les banques et non par l’État. La durée d’amortissement prévue est de cinq ans, mais il est important que nous puissions travailler en bonne intelligence avec la place bancaire, de manière à ce que soit prise en compte la capacité de remboursement des entreprises, sachant qu’elles auront parallèlement besoin de renforcer leurs fonds propres.

Des dispositifs ciblés seront sans doute nécessaires pour l’outre-mer, voire en Corse, sachant que, dans les territoires d’outre-mer, l’Agence française pour le développement travaille déjà dans ce sens et que Bpifrance peut également opérer des restructurations de crédit.

Vous avez raison de mettre le doigt sur ce point, car mars 2021 va vite arriver et il faut anticiper : après le coût de la garantie, les entreprises devront en effet assumer le coût du crédit. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF515, CF246 et CF517.

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Article additionnel après l’article 16
Obligation de notification du refus d’instruction
d’une demande de prêt garanti par l’État

Elle est saisie de l’amendement CF1432 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Notre rapporteur général a fait adopter dans le deuxième PLFR une disposition portant droit à notification du refus d’un PGE, ce qui permet le recours au médiateur du crédit. Je propose d’aller plus loin en imposant aux banques de notifier le refus d’instruction du PGE. Certaines entreprises se voient refuser l’instruction même du dossier par leur banque, sans avoir de preuve de ce refus. C’est d’autant plus important que le projet de loi que nous examinons instaure un PGE destiné aux entreprises saisonnières et que ce sont ces entreprises, précisément, qui se sont vu le plus souvent refuser le PGE de première génération, non du fait de la BPI mais d’un refus d’instruction par leur banque.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis cosignataire de cet amendement et donc favorable à son adoption.

La commission adopte l’amendement CF1432 (amendement  2177).

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Après l’article 16

Elle est saisie de l’amendement CF1083 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Nous proposons un crédit d’impôt permettant aux entreprises de renouveler leur flotte de véhicules, en particulier pour des véhicules dont le PTAC est supérieur ou égal à 2,6 tonnes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je renvoie au PLF toute création de crédit d’impôt.

L’amendement CF1083 est retiré.

La commission examine les amendements identiques CF10 de Mme Lise Magnier, CF16 de Mme Virginie Duby-Muller, CF87 de Mme Émilie Bonnivard, CF264 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF310 de M. Jacques Cattin et CF494 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Lise Magnier. Pour faire face à d’importantes difficultés de trésorerie, les exploitants agricoles et viticoles vont devoir mobiliser et utiliser leur épargne, qu’il s’agisse de l’ancienne déduction pour aléa (DPA) ou de la nouvelle déduction pour épargne de précaution (DEP).

Afin que le montant des prélèvements liés à cette utilisation d’épargne n’ait pas d’impact négatif et n’entrave pas le redressement financier de ces exploitants, nous proposons de mettre en place un dispositif exceptionnel en neutralisant les conséquences sur le résultat fiscal réalisé en 2020 ainsi que sur le revenu professionnel de 2020, qui servira d’assiette aux cotisations sociales des agriculteurs.

L’objectif de ce dispositif optionnel, ponctuel puisqu’il n’a de conséquences que sur l’exercice 2020, est de permettre aux exploitants agricoles et viticoles de passer le cap des difficultés financières engendrées par l’épidémie.

Mme Émilie Bonnivard. J’insiste à mon tour sur les graves effets qu’a eus la crise sur nos viticulteurs, étant donné l’absence totale de débouchés pour leurs produits dans l’hôtellerie ou la restauration. Notre amendement propose donc que l’utilisation des sommes épargnées au titre de la DPA et de la DEP ne soit pas fiscalisée, et ce uniquement en 2020.

Mme Marie-Christine Dalloz. La pandémie que nous avons connue est beaucoup plus qu’un aléa, et ne correspond pas non plus à l’objet de la DEP. Il serait donc aberrant de taxer les personnes qui utiliseront cette épargne. Avec cet amendement, nous voulons accompagner la filière.

M. Jacques Cattin. La viticulture est dans une situation dramatique, et il faut absolument soulager la trésorerie de nos entreprises. La filière vin est une filière d’excellence, et la France est avant tout le pays du vin.

M. François Pupponi. De même que le Gouvernement a lancé des plans spécifiques pour l’aéronautique ou l’hôtellerie et la restauration, il doit en envisager un pour l’agriculture et la viticulture. Les producteurs ne vont pas pouvoir vendre leur production annuelle et ils vont donc se trouver dans des situations inextricables.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous aurons l’occasion de revenir sur les sujets agricoles et viticoles à l’article 18. Ils méritent un débat plus large que la seule question de la DPA et de la DEP.

Pour ce qui concerne ces amendements, j’y suis défavorable, sachant que la DEP, qui a été saluée par l’ensemble des professionnels, est d’un usage beaucoup plus souple que la DPA. Ainsi, les exploitants peuvent-ils ne pas rapporter les sommes déduites utilisées en 2020 à l’exercice 2020, mais ont le choix de le faire en 2020 ou 2021. Je rappelle également qu’un amendement de Jean-Baptiste Moreau, adopté dans le deuxième PLFR, a permis un très fort assouplissement de l’ancienne DPA.

On peut certes toujours faire mieux, mais je n’ai pas l’impression que, depuis le deuxième PLFR, de nouveaux besoins se soient exprimés sur le terrain, concernant la DPA et la DEP. En revanche des mesures de soutien à la trésorerie sont sans doute nécessaires pour le secteur agricole et en particulier la viticulture ; nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 18.

M. Charles de Courson. Vous êtes hostile à nos amendements, mais êtes-vous au moins favorable aux amendements que nous avons déposés sur l’article 18 et qui concernent le problème des plus-values sur stocks ?

Il s’agit d’une difficulté bien plus grave car, quand vous ne vendez que la moitié ou les deux tiers de votre production annuelle et que le système de valorisation fait que vous avez une majoration de votre retenue sur des stocks qui s’accumulent, c’est problématique. C’est pourquoi nous proposerons des amendements de neutralisation des plus-values sur stocks.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La réponse est non, mais elle ne saurait non plus se résumer à ce simple mot. Nous en discuterons à l’article 18, et il faudra également que nous ayons un échange avec le Gouvernement sur la problématique agricole dans son ensemble.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je rappelle à M. de Courson qu’un plan viticulture a été mis en place, qui comporte une aide au stockage à partir du 8 juillet. Cette aide au stockage prévoit précisément la compensation des surplus de stocks. Il ne s’agit pas d’une mesure fiscale, mais le résultat est le même.

La commission rejette les amendements identiques CF10, CF16, CF87, CF264, CF310 et CF494.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CF9 de Mme Lise Magnier, CF86 de Mme Émilie Bonnivard, CF263 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF309 de M. Jacques Cattin, CF493 de Mme Jeanine Dubié, CF598 de M. Charles de Courson, qui font l’objet du sous-amendement CF1490 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que l’amendement CF1306 de Mme Sophie Mette.

Mme Lise Magnier. Cet amendement porte sur la neutralisation des stocks d’invendus dans la filière viticole. Il s’agit d’accompagner les viticulteurs pour leur permettre de passer le cap de la crise.

Mme Véronique Louwagie. Notre sous-amendement propose d’étendre les mesures proposées à la filière cidricole.

Mme Émilie Bonnivard. La crise inédite que nous connaissons a entraîné une augmentation extrêmement forte des stocks. Il faut impérativement neutraliser l’impact fiscal et social de l’augmentation de leur valeur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pendant la pandémie, les agriculteurs et les viticulteurs ont continué à travailler de la même façon. Tout le monde était bien content qu’ils continuent à produire et à assurer la permanence de la chaîne alimentaire. Si l’on n’entend pas le problème de la valorisation des stocks, on va mettre à mal l’ensemble de ce fleuron qu’est la filière viticole. Nous devons réagir en neutralisant la valeur des surstocks, liés à l’impossibilité de vendre à l’étranger comme en France. La commercialisation s’est arrêtée de toute part.

M. Jacques Cattin. La déduction pour épargne de précaution (DEP) est encadrée par la réglementation européenne relative aux aides de minimis. De très nombreuses entreprises, notamment celles soumises à l’IS, s’en trouvent exclues. Par ailleurs, les exploitants assujettis à l’impôt sur le revenu ne peuvent déduire leurs bénéfices imposables que dans la limite – faible – de 41 400 euros.

M. François Pupponi. Je ne conteste pas que des mesures aient été prises en loi de finances en faveur de la viticulture mais, compte tenu de la crise, il faut imaginer autre chose. Il serait bon que nous adoptions l’un de ces amendements pour pouvoir en discuter avec le Gouvernement au nom de la commission des finances.

M. Charles de Courson. Nous demandons l’extension à toute la viticulture d’une disposition applicable aux stocks à rotation lente qui neutralise le bénéfice sur les stocks en cours d’accumulation. Nous comptons sur vous, monsieur le rapporteur général, pour nous appuyer. Nous pourrions cosigner l’amendement, toutes tendances confondues.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’avis est défavorable sur l’ensemble des amendements. Comme je l’ai dit tout à l’heure, dans mon propos sur le secteur viticole, l’article 18 institue des exonérations de charges qui ont pour objet d’apporter une aide directe à la trésorerie, ainsi que vous le souhaitez. Tous les secteurs dont on parle, y compris la production de cidre, se trouvent dans la fameuse liste S1 bis des secteurs dépendants : culture de plantes à boissons, culture de la vigne, production de boissons alcooliques distillées, fabrication de vin effervescent, vinification, fabrication de cidre et de vin de fruits, production d’autres boissons fermentées non distillées, fabrication de bière et fabrication de malt. Les exonérations de charges constituent un soutien massif à un secteur qui en a bien besoin, je vous l’accorde. Avis défavorable sur les amendements, car ce n’est pas l’outil que nous privilégions.

M. Charles de Courson. On peut se réjouir des mesures d’exonération de charges sociales, mais elles ne résolvent pas le problème des stocks. Une bonne partie des viticulteurs ne peuvent pas bénéficier du dispositif proposé et devront payer des impôts sur un revenu qu’ils n’ont pas. C’est pourquoi nous proposons de neutraliser l’augmentation de la valeur des stocks, comme cela se fait actuellement pour une petite partie d’entre eux, qui sont à rotation lente. Nous demandons l’extension de ce dispositif, issu d’un amendement voté dans le PLF pour 2019.

Successivement, la commission rejette le sous-amendement CF1490, les amendements identiques CF9, CF86, CF263, CF309, CF493, CF598 et l’amendement CF1306.

 

 

 

 

 

 


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Article 17
Exonération facultative des taxes de séjour en 2020

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant institué une taxe de séjour au réel ou une taxe de séjour forfaitaire applicable au titre de l’année 2020, ainsi que la Ville de Paris et la métropole de Lyon, par une délibération prise entre le 10 juin et le 31 juillet 2020, d’exonérer totalement les redevables des taxes de séjour au titre de l’année 2020. Cette exonération s’applique aussi bien à la taxe de séjour au réel ou au forfait, qu’aux éventuelles taxes de séjour additionnelles départementales et régionales.

Pour la taxe de séjour au forfait, due par les hébergeurs, l’exonération s’applique aux sommes dues pour l’ensemble de l’année 2020. Pour la taxe de séjour au réel, due par les touristes et collectée par les hébergeurs ou les plateformes en ligne, l’exonération s’applique aux nuitées effectuées entre le 6 juillet et le 31 décembre 2020.

L’évaluation préalable du présent article estime que, si l’ensemble des collectivités décidaient d’exonérer les hébergements ou les touristes de taxe de séjour, les communes et leurs groupements perdraient une recette de près de 250 millions d’euros, les départements près de 25 millions d’euros et la Société du Grand Paris près de 10 millions d’euros (soit un total d’environ 285 millions d’euros de pertes fiscales pour les collectivités territoriales).

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2020 a supprimé la possibilité d’appliquer une taxe de séjour forfaitaire aux hébergements en attente de classement ou sans classement soumis au tarif proportionnel, a mis en place un tarif spécifique de taxe de séjour pour les auberges collectives (auberges de jeunesse, centres internationaux de séjours, refuges et hostels) entre 20 et 80 centimes d’euros par personne et par nuitée, et a imposé aux plateformes de réservation en ligne de reverser deux fois par an le produit de taxe de séjour collecté au plus tard le 30 juin et le 31 décembre.

La loi de finances pour 2019 a prévu un dispositif transitoire en matière de taux proportionnel pour les communes et les EPCI qui percevaient la taxe de séjour en 2018 et qui n’avaient pas délibéré avant la date limite du 1er octobre 2018, une uniformisation de la date de reversement de la taxe de séjour collectée par les plateformes de locations en ligne (au plus tard le 31 décembre) et un renforcement des obligations déclaratives et des sanctions applicables.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du Rapporteur général précisant que les sommes non restituées aux redevables en l’absence de demande en ce sens sont reversées à la commune ou à l’EPCI concerné au 30 juin 2021.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LES TAXES DE SÉJOUR CONSTITUENT UNE RECETTE LOCALE DYNAMIQUE PERMETTANT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE FINANCER LES DÉPENSES LIÉES À L’ACTIVITÉ TOURISTIQUE

Les taxes de séjour permettent de faire contribuer les touristes aux dépenses liées à l’activité touristique des collectivités territoriales dans lesquelles ils séjournent. Il s’agit de financer des dépenses qui agissent sur l’attractivité du territoire concerné ou la politique de préservation environnementale. Aussi, le code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que le produit des taxes de séjour pour les communes ou leurs groupements doit être affecté « aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune » ou aux dépenses relatives à des « actions de protection et de gestion des espaces naturels à des fins touristiques » (article L. 2333-27 du CGCT). Il dispose également que le produit de la taxe additionnelle départementale aux taxes de séjour doit être affecté « aux dépenses destinées à promouvoir le développement touristique du département ou de la métropole de Lyon » (article L. 3333-1 du CGCT) et que le produit de la taxe additionnelle régionale aux taxes de séjour applicables en région d’Île-de-France est affecté à l’établissement public Société du Grand Paris (SGP – article L. 2531-17 du CGCT).

En 2018, le produit total des taxes de séjour s’est élevé à 452 millions d’euros, répartis entre les communes pour 228 millions d’euros, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour 198 millions d’euros et les départements pour 26 millions d’euros. La part qui bénéficie au bloc communal est fortement concentrée sur quelques collectivités territoriales puisque près de la moitié du produit du bloc communal était perçu en 2018 par 50 communes et leurs groupements et 17 % pour la seule commune de Paris. Inversement, près de 830 communes perçoivent une taxe de séjour pour un montant inférieur à 1 000 euros, et 260 communes perçoivent une taxe de séjour pour un montant inférieur à 100 euros.

Le produit des taxes de séjour a progressé significativement entre 2012 et 2018 en passant de 239 millions à 426 millions d’euros pour le bloc communal (+ 78 % par rapport à 2012 et + 8 % par rapport à 2017), et de 9 millions d’euros à 26 millions d’euros pour les départements (+ 191 % par rapport à 2012 et + 17 % par rapport à 2017). Les taxes de séjour sont ainsi devenues une recette de fonctionnement particulièrement dynamique pour les collectivités territoriales.

1.   Les collectivités territoriales éligibles à la taxe de séjour

Il existe plusieurs taxes de séjour : la taxe de séjour du bloc communal au réel (appelée taxe de séjour), la taxe de séjour du bloc communal au forfait (appelée taxe de séjour forfaitaire), la taxe additionnelle à la taxe de séjour au profit des départements et, depuis la loi de finances pour 2019, la taxe additionnelle à la taxe de séjour au profit de la région d’Île-de-France.

La taxe de séjour du bloc communal est instituée de manière facultative par délibération du conseil municipal prise avant le 1er octobre pour être applicable à compter du 1er janvier de l’année suivante. Les communes autorisées à instituer la taxe de séjour sont les communes touristiques ou les stations classées de tourisme, les communes littorales, les communes de montagne et les communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que celles qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels (article L. 2333-26 du CGCT).

Les EPCI éligibles peuvent également instituer une taxe de séjour, indépendamment de leur régime fiscal, par délibération de leur organe délibérant (article L. 5211-21 du CGCT) : il s’agit des groupements de communes touristiques et de stations classées de tourisme, des groupements dont les communes bénéficient de la dotation de solidarité rurale (DSR) et des groupements qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels. La taxe de séjour s’applique à l’ensemble du territoire intercommunal, tandis que la commune, sauf opposition de celle-ci par délibération contraire dans un délai de deux mois, perd le droit de percevoir la taxe sur le territoire communal, afin d’éviter une double taxation au niveau de la commune et de l’EPCI. Dans le cas où la commune s’opposerait à la décision de l’EPCI d’instituer la taxe de séjour au niveau intercommunal, la délibération de l’EPCI ne s’applique pas sur le territoire de la commune qui continue de percevoir la taxe de séjour pour son propre compte. En revanche, l’EPCI perçoit la taxe de séjour sur le reste du territoire intercommunal.

Les départements peuvent également instituer une taxe additionnelle départementale de 10 % à la taxe de séjour perçue dans le département par les communes ou les EPCI (article L. 3333-1 du CGCT). Elle s’ajoute au montant perçu par les communes et les EPCI qui reversent le montant au département à la fin de la période de perception.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2019 ([225]) a institué de plein droit une taxe additionnelle régionale de 15 % à la taxe de séjour perçue par les communes et les EPCI dans la région d’Île-de-France. Elle s’ajoute, comme pour la taxe de séjour additionnelle départementale, au montant perçu par les communes et les EPCI qui reversent le montant à la Société du Grand Paris (SGP) à la fin de la période de perception. Le produit ainsi collecté participe au financement des infrastructures de transport dans la région francilienne, dans la limite de 20 millions d’euros par an (le solde éventuel étant reversé au budget général de l’État).

Au 1er janvier 2019, près de 2 200 délibérations communales ou intercommunales relatives à la taxe de séjour ont été recensées par les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) : 47,8 % concernent des communes et 52,2 % concernent des EPCI. Ainsi, 2 722 communes et EPCI ont inscrit un produit de taxe de séjour dans leurs documents budgétaires en 2018 et 51 départements et la Collectivité territoriale de Corse ont perçu la taxe additionnelle à la taxe de séjour ([226]).

2.   L’assiette des taxes de séjour

La détermination de l’assiette de la taxe de séjour dépend du régime de taxation adopté par la collectivité territoriale. En effet, la loi prévoit deux régimes possibles de taxation, laissés au choix de la commune ou de l’EPCI :

– soit la taxe est recouvrée au réel (taxe de séjour) : elle est due par la personne hébergée ; l’assiette correspond à la fréquentation réelle de l’hébergement, c’est-à-dire au nombre de personnes ayant réellement séjourné au sein de l’hébergement à la fin de la période de perception ;

– soit la taxe est recouvrée au forfait (taxe de séjour forfaitaire) : elle est due par l’hébergeur ; l’assiette correspond à la capacité maximale d’accueil de l’hébergement multipliée par le nombre de nuitées ouvertes, avec application le cas échéant d’un abattement de 10 % à 50 % afin de tenir compte de la fréquentation et de la période d’ouverture de l’établissement.

La collectivité territoriale peut choisir pour chaque nature d’hébergement la taxation au réel ou la taxation forfaitaire. Les natures d’hébergement sont mentionnées par l’article R. 2333-44 du CGCT : les palaces ; les hôtels de tourisme ; les résidences de tourisme ; les meublés de tourisme ; les villages de vacances ; les chambres d’hôtes ; les emplacements dans les aires de camping-cars et les parcs de stationnement touristiques ; les terrains de camping, les terrains de caravanage ainsi que tout autre terrain d’hébergement de plein air ; les ports de plaisance ; les hébergements en attente de classement ou sans classement. Toutefois, depuis la loi de finances pour 2020, la taxation forfaitaire ne peut plus être appliquée aux hébergements en attente de classement ou sans classement soumis au tarif proportionnel ([227]).

La collectivité ne peut appliquer qu’un seul des deux régimes d’imposition à chaque nature d’hébergement : un système mixte reste ainsi possible avec un régime de taxation propre à chaque nature d’hébergement. L’article L. 2333-26 du CGCT dispose que « le conseil municipal ne peut appliquer quun seul des deux régimes dimposition […] à chaque nature dhébergement à titre onéreux proposées dans la commune [et] ne peut pas exempter une nature ou une catégorie dhébergement à titre onéreux du régime dimposition ».

Dans les faits, les collectivités territoriales font principalement le choix du régime de la taxe de séjour au réel : en 2019, 86 % des collectivités ont fait le choix du régime au réel ; 5 % celui d’un régime forfaitaire ; et 9 % celui d’un régime mixte.

3.   Les tarifs et taux applicables aux taxes de séjour depuis le 1er janvier 2020

Pour les hébergements classés, le montant de la taxe de séjour est calculé à partir d’un tarif qui dépend du classement de l’hébergement touristique. En revanche, depuis le 1er janvier 2019, pour les hébergements sans classement ou en attente de classement, le montant de la taxe de séjour dépend d’un taux.

Pour les hébergements classés, les tarifs sont fixés, pour chaque nature et pour chaque catégorie d’hébergement, par personne (régime réel) ou par unité de capacité d’accueil (régime forfaitaire), et par nuitée. Ils sont déterminés par délibération du conseil municipal ou de l’EPCI prise avant le 1er octobre pour une application à compter du 1er janvier de l’année suivante, dans le respect d’un barème légal applicable pour chaque catégorie d’hébergement (articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT). Ce barème légal définit un tarif plancher et un tarif plafond pour chacune des huit catégories d’hébergement.

Tarifs plancher et plafond des taxes de sÉjour
par catÉgories d’hÉbergement en 2020

(en euros)

Catégories dhébergement

Tarif plancher

Tarif plafond

Tarif moyen adopté 2019

Palaces

0,70

4,10

2,61

Hôtels de tourisme 5 étoiles, résidences de tourisme 5 étoiles, meublés de tourisme 5 étoiles

0,70

3,00

1,79

Hôtels de tourisme 4 étoiles, résidences de tourisme 4 étoiles, meublés de tourisme 4 étoiles

0,70

2,30

1,32

Hôtels de tourisme 3 étoiles, résidences de tourisme 3 étoiles, meublés de tourisme 3 étoiles

0,50

1,50

0,93

Hôtels de tourisme 2 étoiles, résidences de tourisme 2 étoiles, meublés de tourisme 2 étoiles, villages de vacances 4 et 5 étoiles

0,30

0,90

0,67

Hôtels de tourisme 1 étoile, résidences de tourisme 1 étoile, meublés de tourisme 1 étoile, villages de vacances 1, 2 et 3 étoiles, chambres d’hôtes, auberges collectives

0,20

0,80

0,56

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 3, 4 et 5 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, emplacements dans des aires de camping-cars et des parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures.

0,20

0,60

0,45

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 1 et 2 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, ports de plaisance

0,20

0,20

Note : concernant la taxe de séjour au réel, le tarif s’applique par nuitée et par personne ; concernant la taxe de séjour au forfait, le tarif s’applique par nuitée et par unité de capacité d’accueil.

Source : articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT en vigueur au 1er janvier 2020 et direction générale des collectivités territoriales pour le tarif moyen adopté.

La commune ou l’EPCI doit s’assurer que le tarif retenu pour une des catégories d’hébergement n’excède pas le tarif retenu pour une catégorie supérieure de même nature : ainsi, un hôtel 4 étoiles devra être soumis à un tarif supérieur à un hôtel 3 étoiles.

Les limites tarifaires du barème légal sont réévaluées chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac de l’avant-dernière année. Les articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT prévoient un dispositif de rattrapage automatique des tarifs des collectivités territoriales devenus illégaux du fait de la revalorisation annuelle des limites tarifaires du barème légal : dans ce cas, c’est le tarif du barème légal le plus proche qui se substitue au tarif précédemment adopté par la collectivité et devenu illégal, sans nouvelle délibération. Dans tous les autres cas, il revient à la collectivité de procéder par une nouvelle délibération à une actualisation de ses tarifs pour tenir compte des modifications législatives intervenues ou de la situation du marché de l’hébergement touristique dans la collectivité.

Les différentes catégories d’hébergement
du code du tourisme

Il convient de distinguer entre les appellations d’usage et les catégories consacrées par le code du tourisme. Les terrains de camping, les hôtels, les résidences de tourisme, les chambres d’hôtes, les villages de vacances, les auberges collectives et les meublés de tourisme constituent des catégories dotées d’un régime juridique spécifique.

Les terrains de camping (articles L. 331-1 à L. 333-1 du code du tourisme) ne représentent pas une catégorie homogène. Il existe deux catégories de terrains de camping : les terrains de camping de 1 à 5 étoiles (attribution des étoiles en fonction du confort des équipements et des aménagements, des services fournis aux clients, de l’accessibilité et du développement durable) et les terrains de camping « aire naturelle » sans attribution d’étoiles (petites structures situées en pleine nature).

Un hôtel (articles L. 311-1 à L. 311-9 du code du tourisme) est un établissement commercial offrant un service d’hébergement touristique payant dans des chambres meublées. La location de la chambre s’effectue au forfait et comprend l’entretien quotidien des lits, de la chambre et la fourniture du linge de toilette. Ces éléments sont caractéristiques de la définition de l’hôtellerie et la différencient d’autres catégories d’hébergements (résidences de tourisme ou meublés de tourisme). L’article L. 311-6 du code du tourisme encadre les procédures de classement des hôtels de 1 à 5 étoiles, en fonction de 241 critères élaborés par Atout-France. La décision individuelle de classement est valable pour 5 ans. La distinction palace (arrêté du 3 octobre 2014 relatif à la « distinction Palace ») permet la reconnaissance d’hôtels présentant des caractéristiques exceptionnelles pour valoriser sur la scène internationale des hôtels de tourisme classés 5 étoiles.

Une résidence de tourisme (articles L. 321-1 à L. 321-4 du code du tourisme) est un ensemble de logements équipés pour recevoir une clientèle en séjour de courte durée. Tout comme un hôtel, la résidence de tourisme propose des services et des équipements communs, mais dans le cadre de logements où la clientèle peut séjourner en toute indépendance (présence notamment d’une cuisine et d’un sanitaire privé). Le classement comporte également 5 étoiles, mais n’est possible que si la résidence est constituée d’au moins 70 % de locaux d’habitation et d’un minimum de 100 lits.

Un village de vacances (article L. 325-1 du code du tourisme) est un centre d’hébergement destiné à assurer des séjours de vacances, selon un prix forfaitaire comportant, outre la pension, l’usage d’équipements communs, d’installations sportives et de distractions collectives. Le classement comporte également 5 étoiles.

Une chambre dhôtes (articles L. 324-3 à L. 324-5 du code du tourisme) est une chambre meublée chez l’habitant en vue d’accueillir une clientèle, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations comme le petit-déjeuner, la fourniture du linge de maison et l’accueil des visiteurs. La chambre d’hôtes est différente d’un meublé de tourisme au sens où le propriétaire réside nécessairement sur les lieux. En outre, contrairement à un meublé de tourisme, une chambre d’hôtes ne peut pas être classée selon le système d’étoiles.

Un meublé de tourisme (articles L. 324-1 à L. 324-2 du code du tourisme) est une villa, un appartement ou un studio meublé offert en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour et qui n’y élit pas domicile. Il se distingue d’autres types d’hébergement, notamment l’hôtel et la résidence de tourisme, en ce qu’il est réservé à l’usage exclusif du locataire, ne comportant ni accueil ou hall de réception, ni services et équipements communs. Il se distingue de la chambre d’hôtes où le propriétaire est présent pendant la location. Le classement comporte 5 étoiles.

Une auberge collective (article L. 312-1 du code du tourisme), catégorie créée par la loi de finances pour 2020 (1), est un établissement commercial d’hébergement qui offre des lits à la journée dans des chambres partagées ainsi que dans des chambres individuelles à des personnes qui n’y élisent pas domicile. Elle poursuit une activité lucrative ou non. Elle est exploitée, par une personne physique ou morale, de manière permanente ou saisonnière. Elle est dotée d’espaces collectifs dont au moins un espace de restauration. Les sanitaires sont communs ou privatifs dans les chambres. Elle peut comprendre un ou plusieurs bâtiments collectifs.

(1)    Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 113.

Pour les hébergements sans classement ou en attente de classement, le calcul de la taxe de séjour dépend, depuis le 1er janvier 2019, d’un taux appliqué au coût réel par personne de la nuitée. Le taux est déterminé par délibération du conseil municipal ou de l’EPCI prise avant le 1er octobre pour une application à compter du 1er janvier de l’année suivante, dans le respect des taux plancher et plafond fixés par le CGCT. Pour rappel, depuis la loi de finances pour 2020, la taxation forfaitaire ne peut plus être appliquée aux hébergements en attente de classement ou sans classement soumis au tarif proportionnel ([228]).

Aussi, les hébergements sans classement ou en attente de classement sont désormais soumis à une taxation proportionnelle comprise entre 1 % et 5 % du coût par personne de la nuitée. Le taux adopté est appliqué au coût de la nuitée par personne qui correspond au prix de la prestation d’hébergement hors taxes par personne. Le tarif ainsi obtenu est plafonné dans la limite du tarif le plus élevé adopté par la collectivité ou, s’il est inférieur à ce dernier, du tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles. Le montant de la taxe de séjour pour les hébergements sans classement ou en attente de classement est ainsi plafonné au plus bas des deux tarifs suivants : soit le tarif le plus élevé adopté par la collectivité ; soit le tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles – c’est-à-dire 2,30 euros.

Ce dispositif de plafonnement vise à éviter de trop fortes disparités avec les tarifs applicables aux hébergements classés. Il ne s’applique qu’à la part communale ou intercommunale de la taxe de séjour, sans tenir compte des éventuelles taxes additionnelles départementale et régionale.

taux plancher et plafond de la taxe de sÉjour au RÉel
par catÉgories dbergement en 2020

(en euros)

Catégories dhébergement

Taux plancher

Taux plafond

Taux moyen adopté

2019

Hébergements en attente de classement ou sans classement à l’exception des hébergements de plein air

1 %

5 %

3,5 %

Note : le taux s’applique au coût par personne de la nuitée.

Source : article L. 2333-30 du CGCT en vigueur au 1er janvier 2020 et direction générale des collectivités territoriales pour le taux moyen adopté.

4.   Les exonérations applicables aux taxes de séjour

L’article L. 2333-31 du CGCT prévoit plusieurs cas d’exonération de la taxe de séjour au réel : les personnes mineures ; les titulaires d’un contrat de travail saisonnier employés dans la commune ; les personnes bénéficiant d’un hébergement d’urgence ou d’un relogement temporaire ; et les personnes qui occupent un hébergement dont le loyer est inférieur à un montant que le conseil municipal détermine. Il est rappelé que les personnes qui sont domiciliées dans la commune ou qui y possèdent une résidence à raison de laquelle elles sont redevables de la taxe d’habitation ne sont pas soumises à la taxe de séjour.

Le guide pratique relatif aux taxes de séjour de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) précise également « quune personne bénéficiant dun séjour gratuit nest pas assujettie à la taxe de séjour ». En effet, il rappelle que l’article L. 2333-33 du CGCT dispose que la taxe de séjour est perçue « par les logeurs, les hôteliers, les propriétaires, les autres intermédiaires lorsque ces personnes reçoivent le montant des loyers qui leur sont dus ». Dans la mesure où aucun loyer n’est perçu dans le cas où le logeur ne facturerait pas l’hébergement, la DGCL estime que la taxe de séjour ne peut être facturée seule.

Enfin, certains hébergements ne sont pas considérés comme assujettis à la taxe de séjour. C’est le cas en particulier des aires d’accueil des gens du voyage qui sont considérées comme « un équipement dintérêt général » ([229]) et ne sont pas assimilables à des aires de camping ou de caravanage. Elles ne peuvent dès lors être considérées comme des terrains de tourisme pour l’accueil des campeurs et des caravanes, et ne sont pas soumises aux taxes de séjour.

5.   La perception et le versement des taxes de séjour

La durée de la période de perception est fixée librement par la collectivité territoriale, qui peut faire le choix d’instituer la taxe de séjour sur l’ensemble de l’année ou sur une partie seulement de celle-ci en une ou plusieurs périodes (par exemple sur les périodes touristiques) : pour 2019, plus des trois quarts (78 %) des collectivités territoriales ont fait le choix d’instituer une période de perception sur l’année entière.

La taxe de séjour au réel peut être perçue auprès des personnes hébergées par trois types d’acteurs :

– les hébergeurs (professionnels ou non) qui ne passent pas par l’intermédiaire d’un opérateur numérique pour louer leurs chambres (absence de mandat) ;

– les opérateurs numériques (ou plateformes de location en ligne) qui agissent, en qualité d’intermédiaire de paiement, pour le compte de loueurs non professionnels (collecte obligatoire) ;

– les opérateurs numériques (ou plateformes de location en ligne) qui sont habilités par les loueurs professionnels ou les loueurs non professionnels lorsqu’ils ne sont pas intermédiaires de paiement (mandat).

La taxe de séjour au réel doit être perçue avant le départ des assujettis quand bien même le paiement du loyer serait différé. En outre, le montant de la taxe due par les personnes hébergées est celui en vigueur au moment du séjour. Cela signifie que même si la taxe de séjour est perçue au moment de la réservation, le montant doit être conforme au barème applicable au moment du séjour. Cette dernière règle n’est pas systématiquement appliquée par les plateformes de réservation en ligne, dont certaines appliquent le tarif en vigueur à la date de la réservation.

Depuis la loi de finances pour 2020, les logeurs, les hôteliers, les propriétaires ou les intermédiaires doivent verser le produit de la taxe de séjour au réel collectée aux dates fixées par la collectivité. Les opérateurs numériques (ou plateformes), en qualité de préposés à la collecte de la taxe de séjour, sont tenus de reverser le produit collecté deux fois par an, au plus tard le 30 juin et le 31 décembre, que la collecte soit obligatoire ou réalisée sur la base d’un mandat délivré par le logeur (article L. 2333-34 du CGCT) ([230]).

La taxe de séjour au forfait est due directement par l’hébergeur qui verse le produit de la taxe de séjour au forfait aux dates fixées par la collectivité (article L. 2333-43 du CGCT).

Le fait, pour les logeurs, les hôteliers, les propriétaires, les intermédiaires et les professionnels de ne pas avoir perçu la taxe de séjour sur un assujetti ou de ne pas avoir reversé le montant de la taxe de séjour due dans les conditions et délais prescrits entraîne l’application d’une amende pouvant aller jusqu’à 2 500 euros sans être inférieure à 750 euros (articles L. 2333-34-1 et L. 2333-43-1 du CGCT).

6.   Les obligations déclaratives pesant sur les professionnels lors du reversement de la taxe de séjour

En raison du rôle de collecteurs qu’ils ont dans le cadre du recouvrement de la taxe, les hébergeurs ou les plateformes sont soumis à un certain nombre d’obligations, tant en ce qui concerne le recouvrement de la taxe que de la tenue de documents relatifs aux sommes perçues.

D’une part, les redevables de la taxe de séjour forfaitaire (logeurs, hôteliers, propriétaires et intermédiaires) sont tenus de faire une déclaration au plus tard un mois avant le début de chaque période de perception (article L. 2333-43 du CGCT). Cette déclaration doit préciser la nature de l’hébergement, la période d’ouverture ou de mise en location, la capacité d’accueil de l’établissement déterminée en nombre d’unités, l’adresse de l’hébergement, le montant de la taxe due, et le cas échéant, le numéro d’enregistrement du meublé de tourisme.

D’autre part, concernant les hébergements assujettis à la taxe de séjour au réel, les collecteurs de la taxe de séjour (logeurs, hôteliers, propriétaires, intermédiaires et plateformes en ligne) sont tenus de fournir un état accompagnant le paiement de la taxe collectée (article L. 2333-34 du CGCT). Sur cette déclaration figurent, pour chaque hébergement loué sur le territoire de la collectivité concernée et pour chaque perception effectuée, la date à laquelle débute le séjour, la date de la perception, l’adresse de l’hébergement, le nombre de personnes ayant séjourné, le nombre de nuitées constatées, le prix de chaque nuitée réalisée lorsque l’hébergement n’est pas classé, le montant de la taxe perçue ainsi que, le cas échéant, le numéro d’enregistrement du meublé de tourisme et les motifs d’exonération de la taxe.

Le défaut de production dans le délai prescrit de la déclaration entraîne l’application d’une amende pouvant aller jusqu’à 12 500 euros sans être inférieure à 750 euros. Les omissions ou inexactitudes constatées dans la même déclaration entraînent l’application d’une amende de 150 euros par omission ou inexactitude, sans que le total des amendes applicables par déclaration puisse être supérieur à 12 500 euros (articles L. 2333-34-1 et L. 2333-43-1 du CGCT).

B.   LE SECTEUR DE L’HÉBERGEMENT TOURISTIQUE EST FORTEMENT TOUCHÉ PAR LA CRISE ÉCONOMIQUE ACTUELLE

Depuis le 11 mai, date de sortie du confinement, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) estime que l’activité économique est inférieure de 21 % par rapport à une situation normale. La reprise reste toutefois particulièrement faible dans certains secteurs du fait du maintien de limitations d’activité, mais également d’une moindre demande nationale : la perte d’activité était ainsi estimée, fin mai 2020, à – 90 % dans les secteurs de la restauration et de l’hébergement ([231]). Pour la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), une baisse d’activité supérieure à 50 % concernerait 96 % des entreprises dans le secteur de l’hébergement et de la restauration, avec 75 % des entreprises à l’arrêt au 31 mars ([232]). Près de 96 % des entreprises de l’hôtellerie-restauration ont eu recours à l’activité partielle, pour 67 % de leurs salariés, et 6,2 milliards d’euros de prêts garantis par l’État (PGE) ont été préaccordés à 62 500 entreprises du secteur du tourisme, soit près de 10 % des demandes.

La crise économique touche ainsi particulièrement le secteur du tourisme, confronté à une chute de la demande liée à l’arrêt quasi complet des flux touristiques internationaux et à l’annulation de la plupart des manifestations. En matière de flux aérien par exemple, la Direction générale de l’aviation civile estime le trafic mensuel résiduel de passagers en mai 2019, c’est-à-dire le pourcentage de trafic de passagers réalisé en mai 2020 par rapport à mai 2019, à seulement 0,9 %. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit en 2020 une contraction des arrivées internationales de 60 à 80 %.

L’OFCE estime que le chiffre d’affaires du secteur de l’hébergement touristique serait de l’ordre de 500 millions de nuitées en 2020, correspondant à une perte de consommation touristique estimée à 65 milliards d’euros. Il estime les pertes de chiffre d’affaires en 2020 dans l’hébergement touristique de l’ordre de 30 % à 70 % en fonction des segments : – 30 % pour les hébergements familiaux, – 40 % pour l’hôtellerie et – 72 % pour les tour-opérateurs ([233]).

Dans ce cadre, le Comité interministériel du tourisme du 14 mai 2020, présidé par le Premier ministre, a annoncé la mise en place d’un plan de soutien exceptionnel aux hôtels, cafés, restaurants, et aux entreprises du tourisme et de l’évènementiel sportif et culturel. Plusieurs mesures ont été annoncées à l’issue de ce comité, parmi lesquelles :

– le maintien du recours à l’activité partielle dans les mêmes conditions que celles mises en place en mars 2020, au moins jusqu’à la fin du mois de septembre 2020, pour les entreprises des secteurs concernés ;

– le maintien du fonds de solidarité pour les entreprises des secteurs concernés jusqu’à fin 2020, avec des conditions d’accès élargies jusqu’à 20 salariés et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires (contre 10 salariés et 1 million d’euros de chiffre d’affaires actuellement), et un plafond des subventions pouvant être versées dans le cadre du second volet du fonds porté à 10 000 euros (contre 5 000 euros actuellement) ;

– l’exonération des cotisations sociales des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) des secteurs concernés pour la période de fermeture ou de très faible activité, c’est-à-dire au moins de mars à juin ([234]). Aux exonérations s’ajoutera un crédit de cotisation égal à 20 % des salaires versés depuis février et imputable sur l’ensemble des cotisations dues par l’entreprise. Les entreprises ne bénéficiant pas de l’exonération pourront obtenir des étalements longs des charges sociales et fiscales et, au cas par cas, solliciter des annulations de dette en fonction de leur situation financière ;

– le recours à un prêt garanti par l’État (PGE) spécifique qui sera mis en place avec des conditions plus favorables que le PGE actuel, notamment par un plafond porté aux trois meilleurs mois de l’année 2019 au lieu de 25 % du chiffre d’affaires 2019 ;

– l’annulation des loyers et redevances d’occupation du domaine public dus aux bailleurs nationaux (État et opérateurs) pour les TPE et PME des secteurs concernés pour la période de fermeture administrative ([235]) ;

– pour les collectivités territoriales volontaires, l’allègement de la taxe de séjour pour les hébergements touristiques (objet du présent article), ou encore la réduction des deux tiers de la CFE pour les établissements des secteurs concernés, avec pour cette dernière un financement pour moitié assuré par l’État ([236]).

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’allègement des taxes de séjour peut contribuer à soutenir la relance de l’activité touristique sur le territoire national, soit en allégeant les montants dus par les hébergeurs et donc en allégeant les charges fiscales qu’ils supportent (taxe de séjour forfaitaire), soit en diminuant le coût des séjours pour les personnes hébergées ou en permettant aux hébergeurs de rétablir leurs marges (taxe de séjour au réel). Dans cette optique, le présent article permet aux collectivités territoriales, par une délibération prise au plus tard le 31 juillet 2020, d’exonérer des taxes de séjour les hébergements situés sur leur territoire au titre de l’année 2020.

A.   UNE EXONÉRATION DES TAXES DE SÉJOUR SUR DÉLIBÉRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES POUR L’ANNÉE 2020

Le I du présent article autorise les communes et les EPCI ayant institué une taxe de séjour au réel ou une taxe de séjour forfaitaire applicable au titre de l’année 2020, ainsi que la Ville de Paris et la métropole de Lyon, par une délibération prise avant le 31 juillet 2020, à exonérer totalement les redevables des taxes de séjour au titre l’année 2020. Cette exonération s’applique aussi bien à la taxe de séjour au réel ou au forfait, qu’aux éventuelles taxes de séjour additionnelles départementales et régionales (articles L. 3333-1 et L. 2531-17 du CGCT). Ce calendrier déroge au CGCT qui dispose qu’une taxe de séjour au réel ou une taxe de séjour forfaitaire ne peut être instituée par délibération qu’avant le 1er octobre de l’année pour être applicable à compter de l’année suivante.

De manière complémentaire, le V du présent article dispose que des délibérations pourront être adoptées dès la date de présentation du présent projet de loi de finances rectificative en Conseil des ministres, soit le 10 juin 2020. Les hébergements touristiques bénéficiaires, qui sont particulièrement affectés par le ralentissement de l’activité économique, auront de ce fait plus de visibilité sur leurs charges à venir au cours de la période touristique estivale.

Par ailleurs, le IV du présent article précise que la délibération doit être transmise au service de fiscalité directe locale de la direction départementale des finances publiques de rattachement de la commune ou de l’EPCI au plus tard le 3 août 2020. Il précise que l’administration publiera les informations relatives aux délibérations prises par les collectivités et relatives à la taxe de séjour due au titre de 2020 avant le 31 août 2020. Ce recensement est nécessaire en particulier pour les plateformes de location en ligne qui doivent assurer la collecte de la taxe de séjour de manière automatisée sur l’ensemble du territoire national.

Le IV du présent article précise que l’exonération prise dans ce cadre s’applique à toutes les natures ou catégories d’hébergements à titre onéreux proposés sur le territoire concerné, quel que soit le régime d’imposition antérieurement applicable. Ainsi, lorsque des communes ou EPCI ont institué les deux régimes de taxation sur leur territoire (réel et forfaitaire), la décision d’exonération s’applique sur tout le territoire et à toutes les catégories d’hébergements, quel que soit le régime auquel ils sont soumis.

Pour la taxe de séjour au forfait, due par les hébergeurs, le II du présent article précise que l’exonération s’applique aux sommes dues pour l’ensemble de l’année 2020. Il prévoit, le cas échéant, la restitution sur demande des sommes acquittées par les redevables en 2020 avant l’entrée en vigueur de la mesure, sur présentation par le redevable d’une demande en ce sens à la commune ou à l’EPCI. Il dispense également en 2020 les hébergeurs de l’obligation de déclaration annuelle prévue pour le régime de taxation forfaitaire.

Pour la taxe de séjour au réel, due par les touristes et collectée par les hébergeurs ou les plateformes de location en ligne, le III du présent article précise que l’exonération s’applique aux nuitées effectuées entre le 6 juillet et le 31 décembre 2020. Il prévoit également la restitution, sur demande, au professionnel préposé à la collecte de la taxe de séjour, des sommes qui auraient été acquittées pour des nuitées réalisées postérieurement à la date du 6 juillet 2020. Une exonération rétroactive sur l’année entière, comme pour la taxe de séjour forfaitaire, n’est en revanche pas envisagée car elle ferait bénéficier les touristes ayant déjà réalisé leur séjour d’un effet d’aubaine, et ceci sans aucune conséquence financière pour le secteur touristique.

De plus, le Rapporteur général note que les principales plateformes de location en ligne et les opérateurs touristiques ne seront pas nécessairement en mesure de répertorier les délibérations et adapter en conséquence leur système de collecte de la taxe de séjour en ligne dès le 6 juillet (date de début de l’exonération pour la taxe de séjour au réel) : en effet, les informations relatives aux délibérations prises par les collectivités jusqu’au 31 juillet et relatives à la taxe de séjour due au titre de 2020 doivent être publiées, par l’administration fiscale, au plus tard, le 31 août 2020. Ainsi, entre le 6 juillet et le 31 août, voire davantage en fonction du degré de réactivité des plateformes de location en ligne, des personnes hébergées risquent de devoir s’acquitter par défaut de la taxe de séjour, et d’en demander éventuellement le remboursement a posteriori (en supposant que ces derniers aient une connaissance avertie des finances locales et des délibérations des communes dans lesquelles ils séjournent). Cette situation est d’autant plus problématique du fait que la plupart des plateformes de réservation en ligne facturent le montant de la taxe de séjour au moment de la réservation (alors qu’elle est théoriquement due au moment de la réalisation du séjour).

Par ailleurs, le Rapporteur général s’inquiète de l’effectivité du remboursement sur demande au professionnel, à la fois en raison des faibles sommes que représentent les taxes de séjour prises individuellement par nuitée et pour chaque personne hébergée (incitation financière par personne et par nuitée faible), mais aussi en raison de l’absence de publicité de cette mesure d’exonération auprès de la clientèle française et surtout internationale. Le Rapporteur s’interroge alors sur l’avenir de ces sommes non réclamées, mais tout de même collectées par les professionnels ou les plateformes en ligne : aucun dispositif ne prévoit explicitement leur reversement aux collectivités territoriales en l’absence de réclamation. La commission a ainsi adopté un amendement du Rapporteur général ([237]) précisant que les sommes non restituées aux redevables en l’absence de demande en ce sens sont reversées à la commune ou à l’EPCI concerné au 30 juin 2021.

Enfin, il s’interroge sur la portée potentiellement rétroactive des délibérations prises après le 6 juillet et jusqu’au 31 juillet 2020. En effet, le présent article autorise les collectivités territoriales à délibérer jusqu’au 31 juillet 2020, pour exonérer de la taxe de séjour pour les nuitées réalisées entre le 6 juillet 2020 et le 31 décembre 2020. Ainsi, l’ensemble des délibérations prises entre le 6 juillet et le 31 juillet 2020 feront bénéficier rétroactivement de nombreux touristes d’une exonération et d’un effet d’aubaine peu efficients économiquement. Ce calendrier permet toutefois de couvrir toute la période estivale, y compris si la délibération d’exonération de taxe de séjour n’est prise qu’après le renouvellement des conseils municipaux ou communautaires.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

Le présent article doit contribuer à la relance du tourisme dans la mesure où certains territoires pourront décider d’exonérer les touristes ou les hébergeurs du paiement des taxes de séjour. Dans la mesure où celles-ci peuvent représenter une recette importante pour certaines collectivités territoriales, et que l’exonération ne fera l’objet d’aucune compensation financière par l’État, le présent article laisse le choix à chaque collectivité d’exonérer ou non de taxes de séjour les hébergements touristiques situés sur son territoire.

L’allègement des taxes de séjour contribue à soutenir la relance de l’activité touristique sur le territoire national, soit en allégeant les montants dus par les hébergeurs et donc en allégeant les charges fiscales qu’ils supportent (taxe de séjour forfaitaire), soit en diminuant le coût des séjours pour les personnes hébergées ou en permettant aux hébergeurs de rétablir leurs marges (taxe de séjour au réel). Le Rapporteur général note toutefois que l’impact économique de l’exonération de taxe de séjour au réel est moins direct que celui de la taxe de séjour forfaitaire : en effet, le bénéficiaire de l’exonération de la taxe de séjour au réel est en premier lieu la personne hébergée, et l’impact sur le secteur de l’hébergement touristique n’est qu’indirect : soit du fait d’une stimulation de la demande par une baisse des prix toutes taxes comprises, soit du fait d’une reconstitution des marges des hébergeurs par une hausse de prix hors taxes. L’impact économique de la mesure dépendra notamment de l’élasticité-prix des consommateurs en matière d’hébergement touristique durant la période estivale.

L’évaluation préalable du présent article estime que pour l’année 2019, près de 2 539 communes et EPCI ont imputé un produit de taxe de séjour dans leurs documents budgétaires, pour un produit total de 502,98 millions d’euros. En 2020, 88 % des délibérations prévoient l’application intégrale de la taxe de séjour au réel, tandis que 4 % des délibérations prévoient l’application intégrale de la taxe de séjour forfaitaire et 8 % prévoient l’application d’un régime mixte. Sur la base de ces données, si l’ensemble des collectivités décidaient d’exonérer de taxe de séjour à compter du 6 juillet 2020, les communes et leurs groupements perdraient une recette de près de 250 millions d’euros, les départements près de 25 millions d’euros et la SGP près de 10 millions d’euros.

En revanche, en l’absence du toute disposition de compensation d’exonération, le présent article serait sans effet pour le budget de l’État.

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Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF54 de Mme Véronique Louwagie.

Elle est saisie de l’amendement CF1491 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les sommes non restituées aux redevables, faute d’avoir été réclamées, devront être reversées à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale concerné au 30 juin 2021.

Nous souhaitons éviter que le montant de taxe de séjour, souvent collectée par les plateformes de location en ligne au moment de la réservation, ne reste dans la trésorerie de ces dernières.

La commission adopte l’amendement CF1491 (amendement n° 2178).

Elle adopte l’article 17, modifié.

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Après l’article 17

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF457 de Mme Véronique Louwagie.

Elle examine l’amendement CF464 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Nous conviendrons tous que la mobilisation des assureurs pour couvrir une partie des pertes d’exploitation de leurs assurés n’est pas suffisante. Nous proposons de les inciter à prendre en charge au moins 30 % des pertes d’exploitations subies par les professionnels régulièrement couverts. Après une décision de justice, cette solution est parfois mise en œuvre, mais au cas par cas.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je me suis déjà exprimé au sujet des assurances. Je privilégie les accords de place existants, bien qu’ils ne soient pas encore suffisants, au recours à la taxation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF464.

Elle est saisie de l’amendement CF1123 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Un régime fiscal est qualifié de privilégié lorsque le seuil d’imposition y est inférieur de 40 % au niveau d’imposition français. L’association Attac propose de porter ce seuil à 30 %. Cela renforcerait le recours au dispositif de lutte contre l’évitement illégal de l’impôt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce seuil a été baissé à 40 % à l’initiative de Bénédicte Peyrol ; peu de personnes s’y intéressaient avant elle.

Mme Sabine Rubin. Nous souhaitons justement le faire passer à 30 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1123.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF479 et CF480 de M. Julien Dive.

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Article additionnel après l’article 17
Report du délai de transmission du rapport de la commission locale d’évaluation des charges transférées aux communes membres pour les transferts de compétences intervenus en 2020

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF437 de Mme Véronique Louwagie et CF489 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Je propose de reporter la remise des rapports des commissions locales d’évaluation des charges transférées (CLECT) pour les transferts de compétence intervenus en 2020. Il n’a pas été possible de les réunir pendant la période de confinement, il leur sera difficile d’achever ces travaux dans les délais prévus.

M. Charles de Courson. Il faut en effet laisser plus de temps aux EPCI à fiscalité propre. Je propose de reporter d’une année le délai de remise du rapport des CLECT.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Un report me semble justifié. Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement CF437 (amendement  2179) ; en conséquence, l’amendement CF489 tombe.

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Après l’article 17

Elle en vient à l’amendement CF447 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous souhaitons dispenser les entreprises du versement des acomptes d’impôts calculés sur la base des résultats de l’année 2019 – tels que l’impôt sur les sociétés et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les résultats de l’année 2020 seront vraisemblablement très inférieurs à ceux de 2019, exiger ces acomptes pourrait créer des difficultés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’effort de trésorerie demandé à l’État est déraisonnablement lourd, avis défavorable.

M. Charles de Courson. Trois acomptes sont versés pour la CVAE. L’un consiste en la régularisation de l’année n-1, les deux autres sont à la discrétion de l’entreprise. Prenons garde de ne pas accentuer la chute de la CVAE en incitant les entreprises à reporter son versement. Je propose, à l’inverse, d’éviter les possibilités de manipulation.

La commission rejette l’amendement CF447.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF853 et CF855 de M. Marc Le Fur.

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Article additionnel après l’article 17
Souscription par les collectivités territoriales et groupements compétents
en matière d’habitat de titres participatifs émis par les offices publics
de l’habitat

Elle est saisie de l’amendement CF779 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Une disposition de la loi ELAN permettait aux collectivités territoriales et aux groupements compétents en matière d’habitat de souscrire des titres participatifs émis par les offices publics de l’habitat. Elle a fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel.

Je vous propose de réintroduire cette mesure, accompagnée d’un dispositif limitant le risque de censure constitutionnelle. Cet amendement peut sembler sans lien avec PLFR, mais il a été sollicité par les offices publics de l’habitat après la décision du Conseil constitutionnel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est une réponse aux critiques émises par le Conseil constitutionnel. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CF779 (amendement n° 2180).

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Après l’article 17

Elle est saisie de l’amendement CF77 de M. Marc Le Fur.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de suspendre l’exigibilité du versement mobilité correspondant aux journées télétravaillées. L’assiette de ce versement doit prendre en compte le télétravail, le débat mérite d’être posé.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette proposition va à l’encontre des dispositions tendant à compenser les pertes fiscales liées au versement mobilité.

Le versement mobilité n’est pas une redevance pesant uniquement sur ceux qui utilisent les transports en commun, il est aussi dû par l’entreprise au titre des salariés en télétravail, ou qui se rendent au travail à pied ou à vélo. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF77.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF78 et CF76 de M. Marc Le Fur.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CF57 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je m’inscris dans le mouvement de suppression des microtaxes lancé par le Gouvernement en proposant de supprimer la taxe locale sur la publicité extérieure. Elle fait l’objet de nombreuses critiques, et sa suppression allégerait les charges pesant sur la trésorerie des entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Respectons le principe de libre administration des collectivités territoriales. Elles ont jusqu’au 1er octobre 2020 pour délibérer sur les tarifs de cette taxe, et sont libres de les réduire si elles le jugent nécessaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF57.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF1144 de Mme Véronique Louwagie et CF1327 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Véronique Louwagie. Je propose de supprimer le forfait social sur l’intéressement, la participation et l’abondement dans les entreprises de moins de 250 salariés.

M. le président Éric Woerth. Dommage, c’est nous qui l’avions créé… (Rires). Mais les circonstances ont beaucoup changé ! Et nous n’avions pas prévu qu’il passerait de 2 % à 10 %…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet, la loi PACTE a apporté depuis les ajustements nécessaires. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot. Notre proposition a pour objet d’augmenter le nombre de salariés actionnaires de leur entreprise. La suppression du forfait social serait accordée aux entreprises à condition que l’actionnariat salarié atteigne 5 % du capital en 2025, et 10 % en 2030.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis opposé à la suppression du forfait social, mais favorable au développement de l’actionnariat salarié. Je suis tout à fait disposé à travailler à des instruments permettant d’encourager cette dynamique pendant la relance. Je vous propose de retirer cet amendement.

La commission rejette successivement les amendements CF1144 et CF1327.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CF841 de M. Emmanuel Maquet et CF872 du président Éric Woerth, ainsi que l’amendement CF1329 de M. Jean-Noël Barrot.

M. le président Éric Woerth. Nous proposons la suppression de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S). Elle représente approximativement 4 milliards d’euros de recettes pour l’État, mais c’est un impôt de production.

M. Jean-Noël Barrot. Nous proposons pour notre part deux options pour accompagner cette suppression. La première consiste à relever à 50 millions d’euros l’abattement qui a été porté à 19 millions sous la majorité précédente. La seconde serait de faire baisser le taux très progressivement, pour l’amener de 0,13 % en 2020 à 0 % en 2024.

C’est un impôt très inefficace, probablement supporté par les plus petites entreprises de ce pays, puisque la taxe est répercutée dans les prix par les grandes entreprises qui ont un pouvoir de marché. Sa suppression soutiendrait la reprise d’activité des petites entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est une très bonne proposition ; à choisir je préfère la suppression progressive de la taxe à sa disparition brutale. Je suis de ceux qui souhaitent la disparition des impôts de production, mais la C3S est déjà payée pour 2020, je proposerai donc d’incorporer cette mesure au prochain projet de loi de finances initiale.

M. le président Éric Woerth. L’extinction progressive est en cours depuis quelques années. Nous sommes dans une période de chamboule-tout, propice aux changements plus rapides.

M. Jean-Noël Barrot. Nous allons retirer notre amendement, ainsi que celui qui doit être examiné ensuite, et nous demanderons en séance au ministre s’il a l’intention de les intégrer au PLF pour 2021.

L’amendement CF1329 est retiré.

La commission rejette les amendements CF841 et CF872.

L’amendement CF1328 de M. Jean-Noël Barrot est retiré.

La commission examine l’amendement CF1486 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit de la reprise de la proposition de loi présentée par le groupe Les Républicains pour exonérer de cotisations sociales et de C3S les contrats conclus avec des jeunes de moins de 25 ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Gouvernement a bien l’intention de présenter des propositions en faveur de l’emploi des jeunes, peut-être plutôt sous forme de primes il me semble, en tout cas pas, je crois, via des exonérations de cotisations patronales. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1486.

Elle est saisie des amendements identiques CF107 de Mme Véronique Louwagie et CF258 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les entreprises du bâtiment doivent composer avec la réorganisation de leur travail et les surcoûts liés à la protection de leurs salariés, tandis que leur carnet de commandes fond comme neige au soleil.

Nous proposons donc l’annulation du plafonnement de la prise en compte de la déduction forfaitaire spécifique dans le calcul de l’allègement général de charges sociales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le plafonnement a été mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, c’est une bonne mesure sur laquelle je ne souhaite pas revenir. Le soutien au secteur du BTP peut se faire différemment, nous en discuterons à l’article 18. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements CF107 et CF258.

Elle examine l’amendement CF865 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit de la reprise d’une autre proposition de loi du groupe Les Républicains, incitant les entreprises à sortir plus rapidement du chômage partiel en leur octroyant des exonérations de charges.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF865.

Elle examine les amendements identiques CF887 de M. Vincent Ledoux, CF921 de M. Fabrice Brun et CF1029 de M. Marc Le Fur.

M. Vincent Ledoux. Nous proposons de soumettre les acteurs du commerce électronique aux règles protectrices des commerces et artisans de centre-ville et de centre-bourg, en les assujettissant à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM).

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons souvent débattu de l’opportunité d’élargir l’assiette de la TASCOM aux entrepôts de stockage et de logistique. La solution est difficile à trouver, car chaque mesure envisagée peut être contournée.

La distinction entre le commerce physique et le commerce numérique doit être entièrement repensée. Dans votre amendement, il suffirait à Amazon d’ouvrir un petit espace de vente au détail pour qu’il soit exonéré de taxe. Nous avons passé en revue toutes les possibilités, et la solution est bien moins évidente qu’il n’y paraît au premier abord.

Nous pourrons en débattre en séance avec le Gouvernement pour juger de l’avancement des réflexions. Je vous appuierai en réclamant le rapport qui ne nous a pas encore été remis. Un autre rapport, de l’inspection générale des finances, se révèle compliqué à mettre en œuvre. Tous ces éléments doivent être analysés en cohérence avec nos intentions sur la fiscalité des géants du numérique, dont Amazon. Je propose le retrait des amendements.

L’amendement CF887 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques CF921 et CF1029.

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Article additionnel après l’article 17
Abrogation à compter du 1er juillet 2020 de la taxe forfaitaire sur les contrats à durée déterminée dits d’usage (CDDU)

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF1135, CF1138 et CF1136 de Mme Aina Kuric.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable à l’amendement CF1135, supprimant la taxe forfaitaire sur les contrats à durée déterminée dits d’usage (CDDU) avec effet rétroactif, ainsi qu’au CF1136.

Je suis en revanche favorable à l’amendement CF1138, qui abroge la taxe pour l’avenir, à condition de supprimer la dernière phrase du premier alinéa - satisfaite par le droit.

Mme Lise Magnier. J’accepte cette modification, et je retire l’amendement CF1135.

L’amendement CF1135 est retiré.

La commission adopte l’amendement CF1138 rectifié (amendement  2184) ; en conséquence l’amendement CF1136 tombe.

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Après l’article 17

La commission en vient à l’amendement CF65 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. De nombreux opérateurs économiques de secteurs très divers utilisent de l’alcool pour fabriquer leurs produits. Pour être exonérés des droits d’accise, ils doivent déposer une déclaration préalable de profession.

La loi de finances pour 2020 a supprimé cette déclaration préalable à compter du 1er janvier 2021, une solution de remplacement conforme au droit communautaire devant être trouvée dans l’intervalle par l’administration et les opérateurs concernés. Mais ces travaux ont pris un retard considérable et aucun projet n’a été présenté. Il est donc proposé de reporter cette suppression de 2021 à 2022.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est au Gouvernement de vous répondre sur ces questions de nature réglementaire. Je vous propose de retirer l’amendement et de le déposer en séance publique.

L’amendement CF65 est retiré.

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Article additionnel après l’article 17
Report de la date limite de vote des taux de fiscalité locale

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CF384 de M. Jean-Louis Bricout et les amendements identiques CF385 de Mme Christine Pires Beaune, CF439 de Mme Véronique Louwagie, CF491 de Charles de Courson et CF680 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Certains EPCI ne seront constitués que le 11 juillet. Néanmoins, la date limite de vote des taux de fiscalité directe locale est fixée au 3 juillet. Nous proposons de la reporter au 1er août.

M. Charles de Courson. Les intercommunalités qui n’ont pas voté leurs taux de fiscalité avant le second tour des élections municipales sont techniquement incapables de respecter le délai prévu.

M. le président Éric Woerth. Si un EPCI ou une commune ne prend aucune décision avant le 3 juillet, je suppose que les anciens taux seront reconduits ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet, monsieur le président. Je reconnais que les dates prévues posent un problème. Il faut en discuter en séance avec le ministre de l’action et des comptes publics, en nous assurant que la direction générale des finances publiques puisse effectivement opérer ce changement de date.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement aura plus de poids s’il émane de la commission des finances ; j’invite le rapporteur général à s’en remettre à la sagesse de la commission.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous pouvons avoir toute confiance en la direction générale des finances publiques. J’émets un avis de sagesse sur les amendements reportant la date au 1er août. Si le ministre nous explique en séance que ce report est impossible pour l’administration, nous retirerons alors l’amendement. Rien ne sert de lancer une bataille de dates si la mesure n’est pas applicable.

M. Charles de Courson. C’est techniquement possible, mais cela reportera la perception des sommes de quelques semaines.

La commission rejette l’amendement CF384.

Elle adopte les amendements identiques CF385, CF439, CF491 et CF680 (amendement  2183).

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Après l’article 17

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF1024 de M. Olivier Faure.

Elle en vient aux amendements identiques CF270 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF470 de Mme Lise Magnier, CF595 de M. Charles de Courson, CF763 de Mme Émilie Bonnivard et CF798 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le calcul des cotisations sociales se fonde soit sur l’exercice précédent, soit sur la moyenne des trois derniers exercices. Les viticulteurs, qui n’ont pas eu de revenus faute d’écouler leurs stocks, ne pourront contribuer à la hauteur des résultats antérieurs.

Nous proposons que pour les années 2020 et 2021, ils puissent calculer leurs cotisations sociales sur le résultat actuel. Certaines activités bénéficient d’une exonération complète des charges, ce secteur peut bénéficier d’un mode de calcul des contributions sociales différent.

M. Charles de Courson. J’avais fait adopter le calcul sur l’année en cours, ou « option n », qui permettait de payer les cotisations sur une estimation du résultat actuel, puis de régulariser. Ainsi, les cotisations étaient corrélées aux revenus. Cette option est offerte depuis des dizaines d’années aux artisans.

Ce régime fut en vigueur pendant sept ans, jusqu’à ce que la mutualité sociale agricole (MSA) en demande la suppression car il lui donnait trop de travail. Il faut proposer à nouveau cette possibilité, pour une période de deux ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est vrai qu’il nous faut aller plus loin en matière d’exonérations dans le secteur agricole. Je proposerai en ce sens un amendement à l’article 18. Avis défavorable sur cette mesure qui serait techniquement plus compliquée à mettre en œuvre.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est plutôt une question de volonté, car nous l’avons bien compris, la MSA s’y oppose. Cette mesure permettrait pourtant de moduler les cotisations sans les annuler.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, vous êtes pour le prélèvement à la source, n’est-ce pas ? Le dispositif que nous proposons est exactement le même, appliqué aux cotisations sociales agricoles. Il n’est pas compliqué à mettre en œuvre puisqu’il a été en vigueur durant sept ans. Qui plus est, il serait optionnel.

La commission rejette les amendements identiques CF270, CF470, CF595, CF763 et CF798.

Puis suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF481 de M. Julien Dive.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF1240 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Cet amendement vise à rendre publique la liste des grandes entreprises bénéficiant de prêts garantis par l’État, de reports et de remboursements de cotisations fiscales et sociales ou du chômage partiel, afin de permettre un contrôle citoyen de la bonne utilisation des aides publiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne perçois pas l’intérêt de publier la liste des entreprises ayant eu recours à l’activité partielle. Sur le volet fiscal, dès lors que le dispositif ne vise que les impôts, je ne suis pas certain de la pertinence d’un ciblage des grandes entreprises. Quant aux PGE, ils sont déjà rendus publics – de même, du reste, que les conditions dont ils sont souvent assortis – puisqu’ils sont signés par le ministre. Je vous invite donc à retirer l’amendement.

M. Fabien Roussel. Nous le maintenons, car nous voulons connaître les aides publiques qui sont accordées aux grandes entreprises sous la forme notamment de chômage partiel et de dégrèvements.

La commission rejette l’amendement CF1240.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF410 de M. Pierre Cordier.

Elle examine ensuite les amendements identiques CF411 de M. Pierre Cordier et CF1413 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. Nous proposons de demander au Gouvernement un rapport sur les moyens qui ont été utilisés ou qui pourraient l’être afin d’aider les collectivités territoriales à développer le tourisme durable et diversifié, susceptible d’accroître les retombées locales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur. Puisqu’il s’agit d’une demande de rapport, je vous demanderai de retirer l’amendement et de le représenter en séance publique. Il me semble que cette question pourrait être traitée dans le cadre du printemps de l’évaluation.

M. le président Éric Woerth. Je propose que nous examinions rapidement les amendements comportant des demandes de rapport.

La commission rejette les amendements identiques CF411 et CF1413.

Puis elle est saisie des amendements CF647 et CF648 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Ces amendements ont pour objet d’appeler votre attention sur la situation des résidences de tourisme, dont je rappelle qu’elles sont détenues par de multiples propriétaires et gérées par des professionnels du tourisme tels que Pierre & Vacances ou Goélia. Elles fonctionnent de la manière suivante : les touristes s’acquittent du montant de leur location auprès de la résidence, qui reverse les loyers aux propriétaires.

Or ces résidences ont perdu la totalité de leur clientèle au cours des derniers mois, de sorte que plus de la moitié de leurs charges n’est actuellement pas couverte. Le Gouvernement a mené une réflexion avec le syndicat des résidences de tourisme et celui des propriétaires pour trouver une solution qui garantisse la pérennité de ce modèle. Cette solution consiste à reporter les loyers jusqu’à la reprise, mais nous ne sommes pas parvenus, hélas, à lui donner une traduction législative.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous suggère d’interroger le Gouvernement à ce sujet. Ces structures sont en effet exposées à un risque majeur à très court terme.

La commission rejette successivement les amendements CF647 et CF648.

Elle examine ensuite l’amendement CF1409 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur les résultats des mesures budgétaires prises en faveur du tourisme contenues dans les différentes lois de finances rectificatives adoptées depuis le 1er janvier 2020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1409.

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Article additionnel après l’article 17
Rapport sur l’impact de la crise sur les ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France et ses conséquences sur l’exécution de la stratégie de mise en œuvre des orientations de la politique d’investissement de l’État en matière de transports et de mobilité

Puis elle est saisie de l’amendement CF1086 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Nous souhaitons que le Gouvernement remette un rapport évaluant les pertes de recettes de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La question des ressources de l’AFITF a été évoquée à plusieurs reprises depuis le début de l’examen de ce texte. Il me paraît donc justifié et pertinent de demander au Gouvernement un rapport sur le sujet. Je souhaiterais même que la commission présente l’amendement en séance publique ; j’émets donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement CF1086 (amendement  2181).

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Article additionnel après l’article 17
Remise d’un rapport, par le Gouvernement, portant sur la refonte des aides à l’acquisition des véhicules propres

Elle examine ensuite l’amendement CF1088 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Il s’agit, là encore, de demander un rapport au Gouvernement, cette fois sur la refonte des incitations à l’acquisition de véhicules propres. Il convient en effet que ces aides soient plus efficaces et plus lisibles et qu’elles accompagnent la mise en œuvre des mesures adoptées dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités et de celles proposées par la convention citoyenne pour le climat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Un tel rapport pourrait être intéressant dans le cadre du plan de relance automobile. Sagesse.

La commission adopte l’amendement CF1088 (amendement  2182).

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Après l’article 17

L’amendement CF147 de Mme Nadia Hai est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF1399 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité d’instituer temporairement une contribution sur les marges exceptionnelles dégagées par les plateformes de e-commerce et les grandes et moyennes surfaces (GMS) pendant l’épidémie de Covid‑19.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je m’engage auprès de vous à essayer d’obtenir les chiffres concernant les GMS. On s’aperçoit du reste que, pour ces dernières, la situation n’a pas été aussi facile qu’on pouvait le penser. Heureusement qu’elles étaient là !

Mme Stella Dupont. Je suis tout à fait d’accord. Disposer de données permettrait de lutter contre les fantasmes qui se développent à ce sujet.

L’amendement CF1399 est retiré.

 

La commission examine l’amendement CF1018 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons de demander au Gouvernement un rapport sur les conditions de mise en œuvre, entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2024, d’un dispositif analogue à celui du budget participatif, puisqu’il s’agirait de permettre aux personnes assujetties à l’impôt sur le revenu de décider d’affecter 5 % de la somme dont ils s’acquittent au titre de cet impôt à un projet de leur choix parmi une liste de projets préalablement arrêtés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un amendement qui est présenté de manière récurrente lors de l’examen des projets de loi de finances. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF1018.

Puis elle est saisie de l’amendement CF484 de M. Julien Dive.

Mme Véronique Louwagie. Nous souhaitons un rapport sur les solutions envisageables pour appliquer à nouveau un taux de TVA réduit à la filière équine.

M. le président Éric Woerth. C’est une question de vie ou de mort pour un certain nombre de cercles hippiques, mais c’est un problème ancien.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet, j’en parlais encore récemment avec M. Arthuis. Il y a beaucoup à faire dans le domaine de la directive TVA. Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement et de le redéposer en séance publique, mais je crains, hélas, que la question ne soit pas réglée dans le cadre de ce PLFR.

M. le président Éric Woerth. Son règlement est suspendu à la négociation européenne sur la TVA.

L’amendement CF484 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF504 de M. M’Jid El Guerrab.

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II.  AUTRES MESURES

Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »

Avant l’article 18

La commission est saisie de l’amendement CF539 de M. Raphaël Gérard.

M. Saïd Ahamada. Il s’agit de subordonner la subvention versée au Centre national du cinéma et de l’image animée à la souscription d’engagements précis en matière de soutien à la création et à la diffusion d’œuvres favorisant la représentation de la diversité de la société française. Il est important que l’Assemblée envoie un signal dans ce domaine. Tel est l’objet de cet amendement, qui fait évidemment écho à l’actualité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement relève davantage de la politique culturelle que de la discussion budgétaire. Je vous invite à le redéposer en séance publique en le présentant comme tel, sachant qu’il ne peut pas être adopté dans le cadre de ce texte. En tout état de cause, je serai bien entendu à vos côtés pour défendre cette cause légitime, d’autant plus que nous avons pris du retard en la matière.

La commission rejette l’amendement CF539.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CF825 de M. Vincent Ledoux ainsi que les amendements identiques CF820 de M. Frédéric Petit et CF1225 de M. M’Jid El Guerrab.

M. Frédéric Petit. L’amendement CF820 a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères. Une aide d’une ampleur historique – de l’ordre de 50 millions d’euros pour l’enseignement et de la même somme pour les Français à l’étranger, à quoi s’ajoutent 35 millions d’euros prélevés sur la réserve de précaution – a été accordée aux réseaux de la diplomatie d’influence, qui ont beaucoup souffert de la crise sanitaire.

Toutefois, cette aide est affectée directement aux opérateurs, de sorte que nous craignons que tout contrôle citoyen soit empêché. Nous avions donc déposé, à l’article 9, un amendement visant à créer une nouvelle ligne budgétaire regroupant ces aides exceptionnelles de manière à pouvoir suivre son exécution. De fait, le réseau est très hétérogène : une minorité d’établissements sont gérés par l’opérateur, d’autres sont en gestion locale… Ainsi, le ministre des affaires étrangères, très hésitant s’agissant de cette mesure, a reconnu que, pour l’aide versée aux établissements du Liban, il ne passerait pas par l’opérateur – et je ne sais toujours pas si cette aide est incluse ou non dans les 50 millions. Une clarification s’impose donc.

Par l’amendement CF820 – qui est de repli puisque notre amendement à l’article 9 n’a pas été adopté –, nous proposons que le Gouvernement présente au Parlement, avant l’examen du PLF pour 2021, un rapport sur les décisions prises par chaque poste diplomatique au titre de la fongibilité de sa dotation pour 2020. En effet, des crédits alloués aux bourses étudiantes, par exemple, ont été réaffectés aux Alliances françaises sans que personne ne puisse vérifier quelle a été la réalisation exacte.

M. Vincent Ledoux. Dans ce domaine, il nous faut assurer un chaînage vertueux entre le PLFR et le PLF pour 2021 en identifiant bien les principaux redéploiements des crédits réalisés pour soutenir les Alliances françaises ou les instituts français. En général, nous obtenons cette information lors de l’examen du projet de loi de règlement. Toutefois, en raison de la crise, il est important que nous en ayons connaissance au moment de l’examen du PLF, afin que nous puissions, d’une part, mesurer l’impact de la crise sur les enveloppes budgétaires qui ont subi des redéploiements – notamment les crédits liés aux échanges universitaires, aux bourses des étudiants étrangers – et les budgéter à un juste niveau en 2021 et, d’autre part, nous assurer que la budgétisation pour 2021 des dotations aux opérateurs culturels sera correctement ajustée afin d’éviter que nous ayons à procéder à nouveau l’an prochain à des mouvements de crédits trop importants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous abordez un sujet, celui de la lisibilité budgétaire, qui m’intéresse car il y va du contrôle parlementaire. Je vous mets cependant en garde, en tant qu’ancien rapporteur spécial, contre le réflexe consistant à vouloir créer des programmes pour mieux contrôler des crédits. Il y a mieux à faire, dans un premier temps – j’en suis convaincu. Mieux vaut en effet lutter contre l’opacité des lignes budgétaires concernées que de tenter de les isoler pour en créer de plus petites.

Cela dit, il faut aborder le sujet de manière offensive et régulière, et lors du printemps de l’évaluation, et lors de l’automne pour l’autorisation. Les rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis doivent veiller, de leur côté, à ce que les différentes administrations et la direction du budget présentent correctement les différentes actions de manière que l’information apparaisse. Si celle-ci n’est pas disponible, ils doivent le faire savoir.

La documentation budgétaire française est excellente. Certes, on peut encore l’améliorer, dans le respect de la maquette existante. Il est parfois nécessaire de créer de nouveaux programmes, mais il faut auparavant imposer un renforcement de la transparence au sein de chaque programme. Car plus on créera de programmes, plus, en définitive, on rendra l’ensemble illisible.

M. Frédéric Petit. Je suis entièrement d’accord avec vous. Mon intention était de créer, non pas un programme, mais une action, mais les règles organiques de présentation des amendements de crédits m’ont conduit à proposer un nouveau programme. Il semble que le Gouvernement s’oriente également en direction d’une nouvelle action. Par ailleurs, j’appelle votre attention sur le fait qu’une réforme des opérateurs en question est en cours depuis trois ans. Cette réforme suscite des résistances ; on avait accepté, avant la crise, qu’elle se fasse lentement – on n’a pas prévu de clause du grand-père mais presque. Or la perte de lisibilité des crédits peut conduire à enterrer l’idée même d’une réforme des opérateurs.

M. Vincent Ledoux. Encore une fois, monsieur Petit, un reporting pays par pays serait un peu lourd. Le chaînage vertueux proposé à l’amendement CF825 me semble préférable et pourrait satisfaire tout le monde.

La commission rejette successivement l’amendement CF825 et les amendements identiques CF820 et CF1225.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF1212 de M. M’Jid El Guerrab et CF817 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 juillet 2020, un état présentant, pour chaque poste diplomatique, les informations recueillies sur l’impact budgétaire de la crise liée à la pandémie de Covid‑19. En effet, certaines informations relatives à la gestion de la crise ne nous parviennent pas. Nous avons rencontré, à cet égard, des problèmes considérables avec certains opérateurs, notamment avec l’un d’entre eux, qui n’a répondu que samedi dernier aux demandes d’information alors que la crise a commencé le 20 janvier. Or cet opérateur gère un réseau mondial !

J’appelle une nouvelle fois votre attention sur le fait que ce problème budgétaire vient s’ajouter à celui de la réforme des opérateurs, qui vise à renforcer la transparence des crédits habituels. Si nous ne disposons pas, d’ici au PLF, des éléments qui nous permettront d’analyser dans le détail ce qui se passe dans cette boîte noire, je serai très inquiet.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il existe, hélas, des problèmes avec certains opérateurs ; vous avez raison, ils doivent être réglés. Vous demanderez les informations au Gouvernement en séance publique ; je vous demande de bien vouloir retirer les amendements.

La commission rejette successivement les amendements CF1212 et CF817.

Puis elle est saisie des amendements identiques CF818 de M. Frédéric Petit et CF1219 de M. M’Jid El Guerrab.

M. Frédéric Petit. Il s’agit ici de demander au Gouvernement un état des lieux mensuel, à partir de la fin du mois de juillet, des aides accordées aux établissements par l’Agence de l’enseignement du français à l’étranger, sans quoi nous serons confrontés, au plan du contrôle budgétaire, à des reports opaques entre l’année 2020 et l’année 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot. Frédéric Petit, qui a accompli un travail important sur le sujet en commission des affaires étrangères, est resté toute la journée en notre compagnie afin de défendre ses amendements. Cela montre sa détermination. De toute évidence, il y a un problème de boîte noire et l’argent public ne peut être tracé jusqu’à sa destination. J’espère que le Gouvernement donnera suite à l’une des demandes de rapport.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que les rapporteurs spéciaux disposent de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place. Il faut parfois s’inviter pour tirer les choses au clair !

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements CF818 et CF1219.

*

*     *

 

 


—  1  —

Article 18
Exonération de cotisations patronales, aide au paiement des cotisations, remises de dettes et plans dapurement pour les entreprises affectées
par la crise sanitaire

Résumé du dispositif proposé

Le présent article poursuit l’effort sans précédent des pouvoirs publics pour soutenir l’économie dans le contexte de la crise actuelle, en prévoyant plusieurs mesures destinées à alléger autant que possible les charges sociales dues par les entreprises, en ciblant en particulier celles des secteurs les plus sévèrement affectées par la crise.

Sont ainsi prévus :

– des exonérations de cotisations sociales patronales dues au titre de la période d’emploi comprise entre février et mai 2020 au bénéfice des entreprises de moins de 250 salariés dont l’activité principale relève :

- des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel ;

- ou de secteurs dont l’activité dépend de ceux précédemment mentionnés et qui ont subi une importante baisse de leur chiffre d’affaires ;

– des exonérations de cotisations sociales patronales dues au titre de la période d’emploi comprise entre février et avril 2020, au bénéfice des entreprises de moins de 10 salariés qui relèvent d’autres secteurs que ceux précédemment mentionnés et qui ont subi une interdiction d’accueillir du public en raison de la crise sanitaire ;

– pour les entreprises éligibles aux exonérations précédentes, une réduction de cotisations sociales, sous la forme d’un crédit de cotisations égal à 20 % des revenus versés au cours de la période d’emploi concernée, utilisable pour le paiement de l’ensemble des prélèvements sur les revenus dus par les employeurs au titre de l’année 2020 ;

– des réductions forfaitaires de cotisations et contributions sociales pour les travailleurs indépendants, les travailleurs non-salariés agricoles et les artistes auteurs ;

– pour l’ensemble des entreprises, un mécanisme d’apurement des dettes sociales qui demeureraient dues au titre des échéances comprises entre le 14 mars et le 30 juin 2020, permettant d’étaler leur paiement jusqu’à 36 mois – des conditions particulières étant prévues pour les grandes entreprises ;

– enfin, pour les entreprises de moins de 50 salariés ne bénéficiant pas des exonérations précédemment mentionnées, la possibilité d’obtenir une remise partielle, allant jusqu’à 50 %, de leurs dettes sociales constituées au titre des périodes d’activité courant de février à mai 2020.

L’ensemble de ces mesures présente un coût estimé à 3 milliards d’euros, allégeant d’autant les charges pesant sur les entreprises. Le dispositif cible en particulier celles qui ont été le plus durement touchées par la crise, justifiant la différence de traitement. Ce coût sera supporté par l’État, à travers une compensation budgétaire aux organismes de sécurité sociale prévue dans le cadre de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ».

Dernières modifications intervenues

Les cotisations sociales dues par les employeurs pendant la crise ont fait l’objet, sur demande, de reports sans pénalités pour alléger les charges pesant sur les entreprises.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a modifié le dispositif proposé sur quatre points :

– à travers l’adoption de deux paires d’amendements identiques déposés par MM. Serville (GDR) et Adam (LREM) et plusieurs de leurs collègues, la commission a étendu au 31 octobre 2020, pour la Guyane et Mayotte, le terme de la période retenue pour l’application des exonérations de cotisations et contributions sociales ;

– deux amendements identiques de Mme Louwagie et M. Cattin (LR), sous-amendés par le Rapporteur général, ont précisé les modalités d’application des exonérations aux groupements d’employeurs ;

– à l’initiative du Rapporteur général, la possibilité de bénéficier d’une remise partielle des dettes sociales a été étendue aux travailleurs indépendants et aux travailleurs non-salariés agricoles :

– enfin, à l’initiative des députés du groupe MODEM, a été adopté un amendement étendant et simplifiant les modalités d’apurement pour les travailleurs indépendants.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le financement de la protection sociale en France est réalisé par différentes sources. Parallèlement aux impositions, telles que la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ou encore la taxe sur les salaires, les salariés et les employeurs paient des cotisations sociales prélevées sur le salaire brut et, en pratique, versées dans leur ensemble par l’employeur : le salaire effectivement versé est net des cotisations (et, depuis le prélèvement à la source, net de l’impôt sur le revenu selon des modalités déterminées en application des articles 204 A et suivants du code général des impôts – CGI).

A.   LES COTISATIONS SOCIALES PATRONALES

1.   L’assiette et le taux des cotisations

a.   L’assiette des cotisations : la rémunération brute

L’assiette des cotisations sociales dues au titre des revenus d’activité est définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (CSS) s’agissant des salariés relevant du régime général de sécurité sociale, et à l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) s’agissant des salariés relevant du régime agricole.

Aux termes de l’article L. 242-1 du CSS, cette assiette – pour les cotisations dues au titre de l’affiliation au régime général – correspond aux revenus d’activité pris en compte pour la détermination de l’assiette de la CSG, elle-même définie à l’article L. 136-1-1 du même code, et recouvre toutes les sommes, incluant les avantages et accessoires en nature ou en argent associés à celles-ci, dues en contrepartie de l’activité.

Sont exclus de l’assiette de la CSG, et donc de celles des cotisations sociales, les remboursements des frais professionnels et les charges de caractère spécial inhérentes à l’emploi occupé qui sont supportées lors de l’accomplissement des missions incombant aux salariés. Sont également exclus certains revenus, tels que les rémunérations des apprentis, les allocations de formation ou encore les cotisations sociales dues par les employeurs.

Par ailleurs, des exclusions d’assiette propres aux cotisations sociales sont prévues, portant notamment sur les sommes allouées au titre de l’intéressement et de la participation et certaines contributions dues par les employeurs au titre de prestations sociales complémentaires. Ces exclusions spécifiques sont mentionnées au II de l’article L. 242-1 du CSS.

● L’assiette des cotisations dues au titre des assurances sociales agricoles est déterminée selon les dispositions de l’article L. 242-1 du CSS, en application de l’article L. 741-10 du CRPM, sous réserve de certaines spécificités.

Certaines cotisations sociales ne sont dues que par l’employeur, telles que la cotisation maladie, les cotisations d’allocations familiales ou encore le forfait social.

b.   Les allégements de cotisations sociales dues par les employeurs

Depuis les années 1990, les cotisations sociales patronales ont fait l’objet d’allégements dans le but de réduire le coût du travail, applicables jusqu’à un certain niveau de rémunération apprécié par rapport au salaire minimum de croissance (SMIC). Plusieurs dispositifs ont coexisté jusqu’à leur fusion en un allégement général, dit « allégement Fillon », avec la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi ([238]) . L’allégement général est prévu à l’article L. 241-13 du CSS.

Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([239])  a mis en place des allégements supplémentaires venant se substituer au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) supprimé à compter de 2019 par la loi de finances pour 2018 ([240]) .

La chronique des mesures relatives aux allégements de cotisations sociales patronales, de façon simplifiée, est la suivante :

– en 2003, fusion des dispositifs qui coexistaient dans l’allégement général « Fillon » pour les salaires n’excédant pas 1,6 SMIC ;

– à compter de 2013, création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), reposant sur les rémunérations n’excédant pas 2,5 SMIC ([241]) ; son taux était de 4 % en 2013, de 6 % à compter de 2014, de 7 % en 2017 et de nouveau de 6 % en 2018, tandis qu’un taux majoré était prévu en outre-mer depuis 2015 ;

– à partir de 2014, mise en œuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité : extension de l’allégement « Fillon », réduction de 1,8 point de la cotisation famille jusqu’à 1,6 SMIC en 2015 et jusqu’à 3,5 SMIC à compter de 2016 ([242]) ;

– à compter de 2019, transformation du CICE en allégements de cotisations sociales patronales : un « équivalent CICE » consistant en une réduction de 6 points de la cotisation maladie patronale jusqu’à 2,5 SMIC et un renforcement de l’allégement général dégressif entre 1 et 1,6 SMIC.

Le tableau suivant dresse la synthèse des dispositifs existants et de leur coût estimé au titre de l’année 2019.

champ et coût des allégements de cotisations sociales patronales

Mesure

Rémunérations concernées

Coût estimé pour 2019
(en milliards deuros)

Allégements généraux « Fillon unifié »

1–1,6 SMIC

24

« Pacte de responsabilité 2015 » (réduction forfaitaire de 1,8 point de la cotisation famille)

1–1,6 SMIC

4

« Pacte de responsabilité 2016 » (réduction forfaitaire de 1,8 point de la cotisation famille)

1,6–3,5 SMIC

4

« Équivalent CICE » (réduction de 6 points des cotisations sociales)

1–2,5 SMIC

22

Allégement supplémentaire dégressif

1–1,6 SMIC

3,5

Total

57,5

Source : commission des finances, à partir de la note du Conseil d’analyse économique Baisse de charges : stop ou encore ?, n° 49, janvier 2019.

c.   Les taux des cotisations

Les taux des cotisations sociales sont fixés par voie réglementaire. Le tableau ci-après présente les taux applicables aux cotisations sociales dues par les employeurs en vigueur au 1er janvier 2020, en faisant état, le cas échéant, des différents taux applicables en fonction de l’éligibilité ou non aux dispositifs d’allégements précédemment mentionnés.

Taux de droit commun des cotisations sociales dues par les employeurs

Risques

Sur la totalité de rémunération

Assurance maladie, maternité, invalidité, décès
(rémunérations > 2,5 SMIC)

13,00 %

Assurance maladie, maternité, invalidité, décès
(rémunérations ≤ 2,5 SMIC)

7,00 %

Contribution de solidarité autonomie

0,30 %

Assurance vieillesse plafonnée

8,55 % (1)

Assurance vieillesse déplafonnée

1,90 % (2)

Allocations familiales
(rémunérations > 2,5 SMIC)

5,25 %

Allocations familiales
(rémunérations ≤ 3,5 SMIC)

3,45 %

Contribution au dialogue social

0,016 %

Accidents du travail

Taux notifié par la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat)

Fonds national d’aide au logement (moins de 50 salariés)

0,10 % (3)

Fonds national d’aide au logement (à partir de 50 salariés)

0,50 %

Versement mobilité

Taux institué par les collectivités territoriales

Forfait social

20 % (8 % dans certains cas)

(1) Taux applicable à la fraction des rémunérations n’excédant pas le plafond de la sécurité sociale (PASS).

(2) Taux applicable à la totalité de la rémunération.

(3) Taux applicable à la fraction des rémunérations n’excédant pas un PASS.

Source : commission des finances, à partir des données de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf).

2.   Le paiement des cotisations sociales dues par les employeurs

Le paiement des cotisations sociales obéit à un calendrier qui dépend de l’effectif de l’entreprise ou des modalités de versements des rémunérations. Effectué au moyen de la déclaration sociale nominative (DSN), il intervient au cours du mois suivant la période d’emploi rémunérée :

– le 5 du mois pour les entreprises d’au moins 50 salariés qui versent la rémunération au cours du même mois que la période d’emploi ;

– le 15 du mois pour les autres entreprises, c’est-à-dire celles qui occupent moins de 50 salariés et celles qui ne versent pas la rémunération au cours du même mois que la période d’emploi (décalage de paye).

B.   LES COTISATIONS SOCIALES DUES PAR LES INDÉPENDANTS, LES AGRICULTEURS ET LES ARTISTES-AUTEURS

Les travailleurs indépendants, de même que les travailleurs non-salariés agricoles et les artistes-auteurs, sont soumis à des modalités de cotisations sociales particulières, la distinction entre cotisations patronales et cotisations salariales n’étant dans leur cas pas applicable.

1.   Les cotisations et contributions sociales dues par les indépendants

● Les travailleurs indépendants mentionnés à l’article L. 611-1 du CSS sont assujettis aux cotisations et contributions sociales suivantes :

– cotisation maladie-maternité ;

– cotisation indemnités journalières (en cas d’arrêt motivé par une maladie ou un accident) ; en revanche les indépendants, à la différence des salariés, ne versent pas de cotisations AT-MP ;

– cotisation assurance vieillesse et cotisation retraite complémentaire ;

– cotisation invalidité-décès ;

– cotisation allocations familiales ;

– contribution à la formation professionnelle ;

– CSG et contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

– contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA).

● Ces cotisations sont assises sur le revenu professionnel pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Ainsi, les cotisations dues lors d’une année N sont calculées à titre provisionnel sur les revenus de l’année N – 2 jusqu’à la déclaration de revenus de l’année N – 1, puis calculées à partir de ces revenus. Elles font ensuite l’objet d’une régularisation, une fois les revenus de l’année N connus.

En raison de ces modalités, et en application de l’article R. 131-2-1 du CSS, les cotisations dues les deux premières années d’activité sont calculées à partir d’un revenu forfaitaire égal à un pourcentage du PASS, fixé par l’article D. 131-1 à 19 %.

Par ailleurs, si les revenus professionnels sont insuffisants (c’est-à-dire inférieurs à la base de calcul des cotisations, par exemple 11,5 % du PASS pour les cotisations invalidité-décès) ou s’ils sont déficitaires, le travailleur indépendant acquittera des cotisations minimales calculées à partir d’un taux applicable à la base de calcul (pour poursuivre l’exemple précédent, ce taux est de 17,75 % s’agissant des cotisations invalidité-décès, conduisant, pour une assiette égale à 11,5 % du PASS, soit 4 731 euros, à une cotisation minimale de 840 euros).

● L’assiette et le taux des cotisations dues par les indépendants sont présentés dans le tableau suivant.

Assiettes et taux
des cotisations et contributions sociales des indépendants (2020)

Cotisations et contributions

Base de calcul
(revenu professionnel RP)

Taux

Maladie (artisan, commerçant, profession libérale non réglementée)

RP < 0,4 PASS (16 454 euros)

0,00 % à 3,16 %

RP compris entre 0,4 et 1,1 PASS
(entre 16 454 et 45 250 euros en 2020)

3,16 % à 6,35 %

RP compris entre 1,1 et 5 PASS
(entre 45 250 et 205 680 euros en 2020)

6,35 %

Part du RP > 5 PASS 

6,50 %

Maladie (profession libérale réglementée)

RP < 1,1 PASS

1,50 % à 6,50 %

1,1 PASS < RP

6,50 %

Maladie (indemnités journalières)

RP dans la limite de 5 PASS

0,85 %

Retraite (base)

RP dans la limite de 1 PASS (41 136 euros en 2020)

17,75 %

RP au-delà de 1 PASS

0,60 %

Invalidité-décès

RP dans la limite de 1 PASS

1,30 %

Allocations familiales

RP < 1,1 PASS

0,00 %

RP compris entre 1,1 et 1,4 PASS
(entre 45 250 et 57 590 euros en 2020)

0,00 % à 3,10 %

1,4 PASS < RP

3,10 %

CSG-CRDS

RP et cotisations sociales obligatoires

9,70 %

Formation professionnelle (commerçant)

1 PASS

0,34 %

Formation professionnelle (artisan)

1 PASS

0,29 %

Source : Sécurité sociale des indépendants.

● Les indépendants doivent, en application des articles L. 613-2 et L. 613‑5 du CSS, souscrire une déclaration pour le calcul de leurs cotisations et contributions sociales et verser ces dernières par voie dématérialisée.

Les cotisations et contributions sociales dues par les indépendants sont acquittées en douze versements mensuels d’égal montant dus, au choix du cotisant, le 5 ou le 20 de chaque mois, en application de l’article R. 613-2 du CSS.

Une option pour un paiement trimestriel est prévue à l’article R. 613-3 du même code, le paiement s’effectuant alors en quatre versements d’égal montant dus les 5 février, 5 mai, 5 août et 5 novembre.

Le régime micro-social des travailleurs indépendants

Un régime micro-social, prévu à l’article L. 613-7 du CSS, est ouvert au bénéfice des travailleurs indépendants assujettis aux régimes micro-fiscaux définis aux articles 50-0 (concernant les bénéfices industriels et commerciaux – BIC –, régime « micro-BIC ») et 102 ter du CGI (concernant les bénéfices non commerciaux – BNC –, régime « micro-BNC »). Sont concernés les indépendants dont les recettes n’excèdent pas :

– 176 200 euros pour les BIC tirés d’activités de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place et de fourniture de logement (hors locations meublées) ;

– 72 600 euros pour les BIC tirés de prestations de services ;

– 72 600 euros pour les BNC.

Dans le cadre de ce régime micro-social, les cotisations et contributions sociales sont calculées mensuellement ou trimestriellement à partir des recettes effectivement réalisées le mois (ou le trimestre, le cas échéant) qui précède. Il n’y a donc pas de décalage d’assiette.

2.   Les cotisations sociales des travailleurs non-salariés agricoles

Le régime de protection sociale des travailleurs non-salariés agricoles, aux termes de l’article L. 722-4 du CRPM, s’applique aux chefs d’exploitation ou d’entreprises agricoles et comprend quatre branches prévues à l’article L. 722-8 du même code : prestations familiales, assurance maladie, invalidité et décès, assurance vieillesse et veuvage et assurance contre les AT-MP.

● Les cotisations et contributions sociales dues sont :

– les cotisations d’assurance maladie-maternité (Amexa) et d’assurance invalidité ;

– la cotisation prestation familiale (PFA) ;

– la cotisation Atexa, protégeant des risques AT-MP ;

– la CSG et la CRDS ;

– la cotisation au Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) ;

– la cotisation interprofessionnelle Val’hor, due par les paysagistes, pépiniéristes et horticulteurs ;

– la contribution à la formation professionnelle continue.

● Les taux de ces cotisations et contributions pour les chefs d’exploitation sont présentés dans le tableau suivant.

Taux 2020 des cotisations et contributions
dues par les chefs d’exploitation agricole

Cotisations et contributions

Tranches

Taux

Amexa (maladie-maternité)

Revenus inférieurs à 110 % du PASS (45 250 euros en 2020)

Entre 1,50 % et 6,50 %

Revenus égaux ou supérieurs à 110 % du PASS

6,50 %

Invalidité

Assiette minimum à 11,5 % PASS (4 731 euros en 2020)

0,90 %

Prestations familiales (PFA)

Revenus inférieurs ou égaux à 110 % du PASS

0,00 %

Revenus compris entre 110 % et 140 % du PASS (entre 45 250 et 57 590 euros en 2020)

Entre 0,00 % et 3,10 %

Revenus supérieurs à 140 % du PASS

3,10 %

Atexa (AT-MP)

Montant forfaitaire

Montant dépendant du secteur d’activité, compris entre 433,85 et 471,57 euros

CSG

9,20 %

CRDS

0,50 %

Contribution FMSE

Montant forfaitaire

20 euros, le cas échéant avec cotisation complémentaire

Cotisation Val’hor

Montant forfaitaire

Montant dépendant du secteur d’activité, compris entre 121,20 et 397,20 euros

Formation professionnelle

0,61 % des revenus professionnels, avec minimum de 0,17 % du PASS et maximum de 0,89 % du PASS

Source : MSA.

● Les cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs non-salariés agricoles sont assises, en principe, sur la moyenne des revenus professionnels des trois dernières années (assiette triennale) en application de l’article L. 731-15 du CRPM. L’exploitant peut néanmoins opter pour une assiette annuelle reposant sur les revenus de l’année précédente, cette option dérogatoire étant prévue à l’article L. 731-19 du même code.

Aux termes de l’article L. 731-16 du CRPM, lorsque les revenus antérieurs ne sont pas connus – notamment en cas de démarrage d’activité –, l’assiette est déterminée de manière provisoire puis fait l’objet d’une régularisation.

Une modulation des paiements est également possible en application de l’article L. 731-22 du CRPM.

Le paiement des cotisations et contributions fait l’objet de plusieurs appels fractionnés, chacun correspondant à une part des cotisations dues au titre de l’année précédente.

Le dernier appel est adressé au plus tard le 30 novembre et correspond au solde : il est égal aux cotisations effectivement dues à partir des revenus professionnels perçus et des taux applicables au titre de l’année considérée, après déduction des appels fractionnés déjà versés.

3.   Les cotisations sociales des artistes auteurs

En application de l’article L. 382-1 du CSS, les artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques, plastiques et photographiques sont affiliés au régime général de sécurité sociale. Le détail des professions et des branches professionnelles couvertes par ce champ figure à l’article R. 382-1 du CSS.

● Aux termes de l’article L. 382-3 du même code, l’assiette des cotisations dépend de la catégorie d’imposition des revenus tirés par les artistes auteurs de leur activité :

– si les revenus sont fiscalement assimilés à des traitements et salaires, la base de calcul est constituée du montant brut des droits d’auteur ;

– s’ils relèvent des BNC, la base de calcul correspond aux revenus imposables dans cette catégorie majorés de 15 %.

Par ailleurs, et conformément à l’article L. 382-4 du CSS, toute personne physique ou morale procédant à titre principal ou accessoire à la diffusion ou à l’exploitation d’œuvres originales relevant des arts couverts par le régime des artistes auteurs (ci-après, le diffuseur) doit verser une contribution pour le financement des charges incombant aux employeurs.

Si le régime est le même pour tous les artistes auteurs mentionnés à l’article L. 382-1 du CSS, deux branches professionnelles existent :

– l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) pour les écrivains, illustrateurs de livres, auteurs et compositeurs de musiques et d’œuvres audiovisuelles, cinématographiques, multimédia et photographiques ;

– la Maison des artistes (MDA) pour les auteurs d’arts graphiques et plastiques.

● Les modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales varient selon la catégorie fiscale dont relèvent les revenus :

– pour les revenus imposés dans la catégorie des traitements et salaires, les prélèvements sont réalisés par le diffuseur qui verse ces revenus, sous la forme d’un précompte (c’est-à-dire une retenue à la source), ainsi que le prévoit le deuxième alinéa de l’article L. 382-5 du CSS ;

– en revanche, les revenus relevant de la catégorie des BNC sont dispensés de précompte et sont, en application du premier alinéa du même article L. 382-5, versés par les artistes auteurs.

Les cotisations sont versées trimestriellement et sont exigibles les 15 janvier, 15 avril, 15 juillet et 15 octobre, ainsi qu’en dispose l’article R. 382-29 du CSS.

Lorsque ces cotisations sont versées par l’artiste auteur, et comme le prévoit le premier alinéa de l’article R. 382-24 du CSS, elles sont calculées à titre provisionnel sur la base des derniers revenus connus, soit pour une année N ceux de l’année N – 2 puis, une fois les revenus de l’année N – 1 définitivement connus, sur ces derniers. Une régularisation intervient ensuite, lorsque les revenus de l’année N sont connus.

L’artiste auteur a néanmoins la possibilité, comme les travailleurs indépendants et en application du second alinéa de l’article R. 382-24, de demander à ce que ses cotisations soient calculées sur la base du revenu artistique estimé de l’année en cours.

Lorsque les cotisations font l’objet d’un précompte versé par le diffuseur, elles sont assises sur les revenus artistiques de l’année en cours en application de l’article R. 382-26 du CSS.

● S’agissant des taux, le calcul des cotisations se fait à partir des taux de l’année N – 1, mais le précompte est effectué à partir des taux de l’année de versement des revenus.

Par ailleurs, l’État prend en charge une fraction des cotisations vieillesse, à hauteur de 0,75 point du taux de la cotisation vieillesse plafonnée, et l’intégralité de la cotisation vieillesse déplafonnée qui est assise sur l’ensemble des revenus artistiques, en application du décret du 7 mai 2019 instituant des mesures de soutien au pouvoir d’achat des artistes auteurs (REF décret 2019-422, article 3).

Les taux et l’assiette des différentes cotisations et contributions sont résumés dans le tableau suivant (portant sur les revenus 2020).

Assiette et taux des cotisations et contributions des artistes auteurs
pour l’année 2020

Cotisations ou contributions

Assiette

Taux

Prise en charge par lÉtat

Taux final

Revenus BNC

Revenus traitements et salaires

Assurance vieillesse déplafonnée

Bénéfice majoré de 15 %

100 % des revenus

0,40 %

0,40 %

0,00 %

Assurance vieillesse plafonnée (1 PASS)

6,90 %

0,70 %

6,15 %

CSG

98,25 % des revenus

9,20 %

9,20 %

CRDS

0,50 %

0,50 %

Contribution à la formation professionnelle

100 % des revenus

0,35 %

0,35 %

N.B. : si les revenus relèvent des traitements et salaires et excèdent 4 PASS, la CSG et la CRDS sont calculées sur 100 % des revenus pour la part qui excède ce niveau.

Source : Urssaf.

C.   LES MESURES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES DANS LE CADRE DE LA CRISE LIÉE À LA PANDÉMIE DU COVID-19

Pour soutenir les entreprises dans le contexte de crise que traverse le monde en raison de la pandémie de Covid‑19 et des conséquences économiques des mesures prises pour y faire face, telles que la réduction des échanges ou le confinement, le Gouvernement et le Parlement ont prévu de nombreux outils, dont certains concernent les aspects sociaux et les cotisations patronales.

1.   Les restrictions d’activité résultant des mesures prises pour faire face à la pandémie de Covid‑19

En application de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 ([243]) et dans le cadre de l’état d’urgence institué par celle-ci, le Gouvernement a, parmi d’autres dispositions, mis en place une mesure d’interdiction d’accueil du public (« fermeture administrative ») pour un certain nombre d’établissements mentionnés à l’article 8 du décret du 23 mars 2020 ([244]).

Le tableau suivant dresse la liste des établissements concernés par cette mesure.

Établissements dans le champ de la fermeture administrative

Catégorie détablissements

Exceptions

Salles d’audition, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple

Salles d’audience des juridictions

Magasins de vente et centres commerciaux

Activités de livraison et de retraits de commandes

Restaurants et débits de boissons

Activités de livraison et de vente à emporter

Salles de danse et salles de jeux

 

Bibliothèques et centres de documentation

 

Salles d’exposition

 

Musées

 

Chapiteaux, tentes et structures

 

Établissements de plein air

 

Établissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement

Accueil d’usagers de certains établissements, dans des conditions de nature à prévenir le risque de propagation du virus

Marchés

Marchés alimentaires sur autorisation du préfet

Établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives

 

Source : Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Certaines activités exercées par les établissements dans le champ de la fermeture administrative ont néanmoins pu se poursuivre, conformément au II de l’article 8 du décret du 23 mars 2020 précité, leur liste figurant en annexe dudit décret et reproduite dans le tableau ci-après.

Activités pouvant continuer à recevoir du public
dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Entretien, réparation et contrôle techniques de véhicules automobiles, de véhicules, engins et matériels agricoles

Distributions alimentaires assurées par des associations caritatives

Hébergement touristique et autre hébergement de courte durée lorsqu’il constitue pour les personnes qui y vivent un domicile régulier

Commerce d’équipements automobiles

Commerce de détail de carburants et combustibles en magasin spécialisé

Terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier

Commerce et réparation de motocycles et cycles

Commerce de détail d’équipements de l’information et de la communication en magasin spécialisé

Location et location-bail de véhicules automobiles

Fourniture nécessaire aux exploitations agricoles

Commerce de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé

Location et location-bail d’autres machines, équipements et biens

Commerce de détail de produits surgelés

Commerce de détail de matériels de télécommunication en magasin spécialisé

Location et location-bail de machines et équipements agricoles

Commerce d’alimentation générale

Commerce de détail de matériaux de construction, quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé

Location et location-bail de machines et équipements pour la construction

Supérettes

Commerce de détail de textiles en magasin spécialisé

Activités des agences de placement de main-d’œuvre

Supermarchés

Commerce de détail de journaux et papeterie en magasin spécialisé

Activités des agences de travail temporaire

Magasins multi-commerces

Commerce de détail de produits pharmaceutiques en magasin spécialisé

Réparation d’ordinateurs et de biens personnels et domestiques

Hypermarchés

Commerce de détail d’articles médicaux et orthopédiques en magasin spécialisé

Réparation d’ordinateurs et d’équipements de communication

Commerce de détail de fruits et légumes en magasin spécialisé

Commerces de détail d’optique

Réparation d’ordinateurs et d’équipements périphériques

Commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé

Commerce de détail d’aliments et fournitures pour les animaux de compagnie

Réparation d’équipements de communication.

Commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé

Commerce de détail alimentaire sur éventaires sous réserve, lorsqu’ils sont installés sur un marché, des dispositions du III de l’article 8 (marchés dont l’ouverture est autorisée par le préfet)

Blanchisserie-teinturerie (y compris de gros ou de détail)

Commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé

Commerce de détail de produits à base de tabac, cigarettes électroniques, matériels et dispositifs de vapotage en magasin spécialisé

Services funéraires

Commerce de détail de boissons en magasin spécialisé

Vente par automates et autres commerces de détail hors magasin, éventaires ou marchés n.c.a (non consommateur absolu)

Activités financières et d’assurance

Autres commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé

Hôtels et hébergement similaire à l’exclusion des villages vacances, maisons familiales et auberges collectives

Commerce de gros fournissant les biens et services nécessaires aux activités mentionnées dans le présent tableau

Source : Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Ces mesures de fermeture administrative ont été appliquées jusqu’au 12 mai 2020 – les dispositions pertinentes du décret du 23 mars 2020 précité ont été abrogées et remplacées par le décret du 11 mai 2020 ([245]), applicable les 11 et 12 mai 2020 aux termes de son article 27.

Certains établissements sont néanmoins demeurés fermés après cette date, notamment les restaurants et les cinémas.

Le 28 mai 2020, le Gouvernement a annoncé la réouverture des restaurants (et cafés) dans les départements placés en « zone verte » à compter du 2 juin 2020, dans le respect des règles de sécurité prévues par le protocole sanitaire. Dans les départements qui n’ont pas été classés en « zone verte », seules les terrasses ont pu être ouvertes.

Pour mémoire, les « zones vertes », « oranges » et « rouges » sont déterminées, en application de l’article 2 du décret du 11 mai 2020 précité, au regard de la situation sanitaire de chaque département, en fonction notamment du nombre de passage aux urgences pour suspicion de Covid‑19, du taux d’occupation des lits de réanimation par des patients atteints de cette maladie et de la capacité de réalisation des tests virologiques sur leur territoire.

2.   Les mesures de soutien aux entreprises

Pour permettre aux entreprises de traverser la crise, les pouvoirs publics ont mis en place toute une série de mesures, telles que des reports de charges, une extension sans précédent de l’activité partielle, des subventions ou encore des garanties d’emprunt.

a.   Les reports de versement des cotisations patronales

● Parmi les premières mesures décidées par le Gouvernement pour soutenir les entreprises face à la crise, figurait la faculté de reporter le paiement des cotisations et contributions sociales dues en mars 2020 et avril 2020.

Cette faculté a ensuite été maintenue pour les mois suivant, portant le total des mesures de reports de cotisations sociales à 25,5 milliards d’euros au 12 juin 2020. Il est renvoyé à la fiche n° 3 du présent rapport pour une présentation complète des reports d’échéances sociales – et fiscales.

● Par ailleurs, les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales qui n’ont pas été versées à leur date d’échéance ont été suspendus entre le 12 mars et le 30 juin 2020 par l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux ([246]), dans sa version actuellement en vigueur.

Les quatrième et cinquième alinéas de cet article 4 prévoient également que les entreprises, s’agissant des cotisations et contributions dues à ces dates, peuvent se voir accorder des reports et délais de paiement, ces aménagements ne donnant pas lieu à majoration ou pénalité.

b.   Le dispositif d’activité partielle

● Le dispositif d’activité partielle (également appelé « chômage partiel ») vise à compenser la perte de revenu des salariés placés en activité partielle et à aider les employeurs à financer cette compensation.

Dans le cadre de la crise, le Gouvernement a très substantiellement renforcé cet outil, dont le coût se chiffre à environ 30 milliards d’euros, réparti entre l’État et l’Unédic.

Une analyse exhaustive du dispositif d’activité partielle figure dans la fiche n° 3 du présent rapport, auquel le lecteur intéressé pourra utilement se reporter pour tout complément.

c.   Les autres outils à disposition des entreprises

Plusieurs autres outils ont été mis à la disposition des entreprises pour leur permettre de traverser la crise dans les meilleures conditions possibles, certains d’entre eux étant prévus par le présent projet de loi. Peuvent ainsi être mentionnés, sans que la liste ne revête de caractère exhaustif :

– les aides du fonds de solidarité mis en place par le décret du 30 mars 2020 ([247]), dont le champ et l’intensité ont été substantiellement élargis – élargissement qui devrait s’accroître pour les entreprises des secteurs particulièrement affectés par la crise, tels que ceux de l’hôtellerie et de la restauration, du tourisme et de l’événementiel ;

– les prêts garantis par l’État (PGE), pour un total potentiel de 300 milliards d’euros, ouvrant droit à des prêts garantis par la puissance publique jusqu’à hauteur de 90 % de leur montant et pouvant aller jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires réalisé en 2019 – pour les entreprises des secteurs particulièrement affectés précédemment mentionnés, un « PGE saison » est prévu, avec un plafond de montant reposant sur les trois meilleurs mois de l’année 2019 ;

– les reports d’impôts directs, tels que l’impôt sur les sociétés ou encore la taxe sur les salaires, portant au 4 juin sur un total estimé à 2,5 milliards d’euros ;

– les reports de factures et loyers pour les entreprises remplissant certains critères d’éligibilité au fonds de solidarité, dans la logique « zéro recette, zéro charge », en application de l’ordonnance du 25 mars 2020 ([248]) ;

– en application de l’article 3 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ([249]) , la déductibilité de tous les abandons de créances locatives consentis aux entreprises, ces dernières pouvant majorer en conséquence leur déficit reportable en avant ;

– le remboursement accéléré des créances fiscales et des crédits de taxe sur la valeur ajoutée ;

– le report du paiement, d’avril à juillet 2020, de la contribution à l’audiovisuel public pour les entreprises relevant du secteur de l’hébergement et de la restauration ou qui exploitent une salle de sport ;

– l’annulation des redevances domaniales pour une période de trois mois pour les entreprises des secteurs affectés précédemment mentionnés, mesure prévue à l’article 1er du présent texte ;

– la compensation, par un prélèvement sur recettes, des allégements de fiscalité locale et de redevances perçues par l’échelon communal, prévue à l’article 5 du présent projet de loi ;

– ou encore le dégrèvement de cotisation foncière des entreprises (CFE) prévu à l’article 3 du présent projet de loi.

Par ailleurs, il ne paraît pas inutile de rappeler que, indépendamment de tous ces mécanismes, les entreprises disposent d’ores et déjà de la faculté de moduler les montants de leurs acomptes d’impôt sur le revenu et d’impôts sur les sociétés, voire de bénéficier d’une remise d’impôts directs lorsqu’elles sont dans l’impossibilité de les payer par suite de gêne ou d’indigence, ainsi que le prévoit l’article L. 247 du livre des procédures fiscales.

L’ensemble de ces mesures, combinées à l’activité partielle et aux reports de cotisations sociales patronales, ont permis d’alléger significativement les charges pesant sur nos entreprises, voire de les ramener à zéro. Cependant, s’agissant des reports de cotisations, ces dernières demeurent dues, pouvant constituer un frein à la pérennité des entreprises, notamment s’agissant des plus petites et dont l’activité a été particulièrement frappée par la crise.

Une annulation définitive de ces cotisations constituerait une mesure de soutien forte, effaçant totalement les charges correspondantes pour la période durant laquelle l’activité a été fortement réduite, voire nulle. C’est précisément l’objet du présent article, qui prévoit également différentes mesures de facilité pour les entreprises.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit un ambitieux dispositif d’allégements et d’étalement des cotisations sociales patronales afin de renforcer le soutien aux entreprises, représentant un engagement de l’ordre de 3 milliards d’euros.

A.   LES MULTIPLES ALLÉGEMENTS DE COTISATIONS SOCIALES PATRONALES À TRAVERS DES EXONÉRATIONS, DES AIDES ET DES PLANS D’APUREMENT

Le dispositif proposé repose sur quatre dimensions :

– des exonérations de cotisations et contributions sociales pour certaines entreprises lourdement affectées par la crise ;

– des aides directes à travers l’octroi d’un crédit de cotisations sociales ;

– des réductions de cotisations sociales au profit des travailleurs indépendants, des travailleurs non-salariés agricoles et des artistes auteurs ;

– des mesures de facilité consistant en des plans d’apurement permettant l’étalement du paiement des cotisations sur une période allant jusqu’à 36 mois, le cas échéant assortis de remises partielles de cotisations.

L’ensemble de ces mesures sera applicable aux entreprises du territoire métropolitain, à celles des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, conformément au VI du présent article.

1.   Les exonérations de cotisations sociales patronales pour les PME particulièrement frappées par la crise

Le I du présent article met en place des exonérations de cotisations sociales patronales au bénéfice des entreprises qui ont été particulièrement touchées par les conséquences économiques de la crise sanitaire ayant frappé la France et le monde, constituant la première dimension du dispositif proposé. Deux volets sont prévus, en fonction des secteurs d’activité concernés :

– un premier volet pour les petites et moyennes entreprises (PME) de certains secteurs jugés les plus durement affectés ;

– un second volet concernant les très petites entreprises (TPE) des autres secteurs, pour celles d’entre elles dont l’activité n’a pu se poursuivre.

L’objet de ces exonérations est le même pour les deux volets, la distinction portant sur la durée et la population d’entreprises éligibles.

a.   L’objet des exonérations prévues

Les exonérations prévues au I du présent article portent sur les cotisations et contributions sociales qui sont mentionnées au I de l’article L. 241-13 du CSS et déterminées en application des articles L. 242-1 du même code s’agissant du régime général et L. 741-10 du CRPM s’agissant du régime social agricole. Ces exonérations sont totales.

● Sont concernées par le dispositif proposé :

– les cotisations dues au titre des assurances sociales ;

– les cotisations dues au titre des allocations familiales ;

– les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) ;

– la contribution relative à l’allocation de logement sociale prévu à l’article L. 813-4 du code de la construction et de l’habitation ;

– la contribution de 0,3 % prévue au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, dont l’assiette est celle des cotisations patronales d’assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l’assurance maladie, et dont le produit est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ;

– les contributions dues par l’employeur au titre de l’assurance chômage prévues au 1° de l’article L. 5422-9 du code du travail et destinées au financement de l’allocation d’assurance et de l’allocation des travailleurs indépendants.

Les cotisations dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, qui sont mentionnés à l’article L. 921-4 du CSS et figurent parmi les cotisations mentionnées à l’article L. 241-13 du même code incluses dans le champ des allégements généraux de cotisations sociales, sont en revanche exclues du champ des exonérations prévues par le présent article, ainsi qu’il ressort du premier alinéa de son I.

● Les exonérations prévues concernent les cotisations dues sur les rémunérations des salariés qui sont mentionnés au II de l’article L. 241-13 du CSS, c’est-à-dire :

– les salariés au titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation d’assurance contre le risque de privation d’emploi en application de l’article L. 5422-13 du code du travail ;

– les salariés de la sphère publique employés par des structures économiques et qui sont mentionnés au 3° de l’article L. 5424-1 du même code, c’est-à-dire ceux :

– les apprentis dont l’employeur n’est pas éligible à l’exonération des cotisations sociales (hors AT-MP) prévue à l’article L. 6227-8-1 du code du travail.

● Les exonérations prévues au I du présent article sont, aux termes du dernier alinéa de ce même I, cumulables avec les dispositifs existants d’allégements ou d’exonérations totales ou partielles. Elles s’appliqueront sur les cotisations et contributions qui demeurent dues après la mise en œuvre de ces dispositifs.

À titre d’exemple, une entreprise bénéficiant de l’« équivalent CICE » ouvrant droit à une réduction des cotisations sociales au titre des rémunérations jusqu’à 2,5 SMIC, pourra prétendre au dispositif proposé pour les cotisations qui resteraient dues au titre des rémunérations excédant ce plafond.

● Par ailleurs, et aux termes du dernier alinéa du VIII du présent article, les entreprises éligibles pourront régulariser leurs déclarations sociales, sans pénalité, jusqu’au 31 octobre 2020, afin de bénéficier des exonérations prévues.

● Enfin, et aux termes de l’avant-dernier alinéa du même VIII, les exonérations sont exclues si les employeurs ont, au cours des cinq années qui précèdent la demande de bénéfice de ce mécanisme, fait l’objet d’une condamnation pour travail dissimulé en application des articles L. 8221‑1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail.

b.   Les exonérations prévues pour les PME des secteurs les plus durement affectés par la crise

Le premier volet du dispositif proposé est défini au  du I du présent article. Il prévoit une exonération de cotisations sociales au bénéfice des entreprises qui emploient moins de 250 salariés, pour une durée de quatre mois, au titre de la période demploi comprise entre le 1er février et le 31 mai 2020 – il concerne donc les cotisations versées entre mars et juin 2020

Le périmètre des secteurs concernés par ces exonérations fait l’objet de développements dans la suite du présent commentaire (cf. infra, 4, b).

● L’unique référence à l’effectif, et non au chiffre d’affaires ou au total de bilan des entreprises éligibles, pourra conduire à rendre éligibles à ce premier volet du dispositif d’exonérations des entreprises qui ne relèvent pas de la catégorie des PME. Il est en effet rappelé que la qualification de PME suppose la réunion de deux éléments, conformément au droit européen et aux dispositions pertinentes du droit national ([250]) :

– employer moins de 250 salariés – critère prévu par le présent article ;

– avoir un chiffre d’affaires qui n’excède pas 50 millions d’euros ou un total de bilan qui n’excède pas 43 millions d’euros.

Néanmoins, par souci de lisibilité de la présentation du dispositif, et en gardant cette réserve à l’esprit, les entreprises concernées par le premier volet du dispositif proposé seront qualifiées dans le présent commentaire de PME.

● Cette exonération de quatre mois concerne deux types dentreprises.

D’une part, aux termes du a du 1° du I du présent article, elle s’applique aux entreprises exerçant leur activité principale dans les secteurs du tourisme, de lhôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de lévénementiel. Ces secteurs, ainsi que l’indique expressément ce a, ont été particulièrement affectés par les conséquences de la pandémie de Covid‑19 en raison de la réduction d’activité notamment due à leur dépendance à l’accueil du public.

Les exemples les plus saillants d’entreprises relevant de ce premier type sont les restaurant, les hôtels ou celles organisant des spectacles, concerts ou manifestations sportives, sous réserve naturellement de satisfaire au critère relatif aux effectifs.

D’autre part, et ainsi que le prévoit le b du même 1°, l’exonération de cotisations sociales pour une période de quatre mois prévue au présent article concerne les entreprises de moins de 250 salariés qui, bien que nappartenant pas aux secteurs précédemment mentionnés, ont une activité principale qui dépend de ceux-ci et qui ont subi une très forte baisse de leur chiffre daffaires.

À titre d’exemple, peuvent être mentionnées les blanchisseries, dont l’activité est étroitement liée pour nombre d’entre elles à celle des hôtels. Il peut en aller de même des grossistes alimentaires, dont le volume d’activité est notamment lié à celui des restaurants, ou encore des traiteurs, qui dépendent d’événements organisés tels que des expositions.

● Les modalités de ces exonérations, notamment la liste précise des différents secteurs d’activité concernés par ce premier volet, l’intensité de la baisse du chiffre d’affaires supportée par les entreprises relevant du b et les conditions de mise en œuvre de la mesure, seront fixées par un décret auquel renvoie le dernier alinéa du I du présent article.

Il convient de souligner l’effort de transparence entrepris par le Gouvernement à travers la publication, dans un communiqué de presse du 10 juin 2020, des listes des activités relevant des secteurs concernés par la mesure prévue au 1° du présent I, qu’il s’agisse des activités relevant des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de la culture, du sport, de l’événementiel et du transport aérien ou de celles de secteurs qui dépendent de ceux-ci ([251]) . Ces listes reposent, pour l’essentiel, sur la nomenclature d’activités française (NAF) de l’Insee ([252]) . Elles sont reproduites dans les deux tableaux suivants.

Activités relevant des secteurs
mentionnés au a du 1° du I du présent article

Téléphériques et remontées mécaniques

Organisation de foires, événements publics ou privés, salons ou séminaires professionnels, congrès

Autres activités liées au sport

Hôtels et hébergement similaire

Agences de mannequins

Activités des parcs d’attractions et parcs à thèmes

Hébergement touristique et autre hébergement de courte durée

Entreprises de détaxe et bureaux de change (changeurs manuels)

Autres activités récréatives et de loisirs

Terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs

Enseignement de disciplines sportives et d’activités de loisirs

Entretien corporel

Restauration traditionnelle

Arts du spectacle vivant

Trains et chemins de fer touristiques

Cafétérias et autres libres-services

Activités de soutien au spectacle vivant

Transport transmanche

Restauration de type rapide

Création artistique relevant des arts plastiques

Transport aérien de passager

Restauration collective sous contrat

Gestion de salles de spectacles et production de spectacle

Transport de passagers sur les fleuves, les canaux, les lacs, location de bateaux de plaisance

Services des traiteurs

Gestion des musées

Cars et bus touristiques

Débits de boisson

Guides conférenciers

Balades touristiques en mer

Projection de films cinématographiques et autres industries techniques du cinéma et de l’image animée

Gestion des sites et monuments historiques et des attractions touristiques similaires

Production de films et de programme pour la télévision

Location et location-bail d’articles de loisirs et de sport

Gestion des jardins botaniques et zoologiques et des réserves naturelles

Production de films institutionnels et publicitaires

Activités des agences de voyage

Gestion d’installations sportives

Production de films pour le cinéma

Activités des voyagistes

Activités de clubs de sport

Activités photographiques

Autres services de réservation et activités connexes

Activités des centres de culture physique

Enseignement culturel

Source : communiqué de presse du Gouvernement du 10 juin 2020.

Activités relevant des secteurs
mentionnés au b du 1° du I du présent article
qui dépendent des secteurs mentionnés au a du même 1°

Culture de plantes à boissons

Centrales d’achats alimentaires

Commerce de gros d’autres biens domestiques

Culture de la vigne

Autres intermédiaires du commerce en denrées et boissons

Commerce de gros de vaisselle, verrerie et produits d’entretien

Pêche en mer

Commerce de gros de fruits et légumes

Commerce de gros de fournitures et équipements divers pour le commerce et les services

Pêche en eau douce

Herboristerie / horticulture / commerce de gros de fleurs et plans

Autres services de restauration n.c.a.(non consommateur absolu)

Aquaculture en mer

Commerce de gros de produits laitiers, œufs, huiles et matières grasses comestibles

Blanchisserie-teinturerie de gros

Aquaculture en eau douce

Commerce de gros de boissons

Stations-services

Production de boissons alcooliques distillées

Mareyage et commerce de gros de poisson, coquillage, crustacés

Enregistrement sonore et édition musicale

Fabrication de vins effervescents

Commerce de gros alimentaire spécialisé divers

Post-production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision

Vinification

Commerce de gros de produits surgelés

Distribution de films cinématographiques

Fabrication de cidre et de vins de fruits

Commerce de gros alimentaire

Éditeurs de livres

Production d’autres boissons fermentées non distillées

Commerce de gros non spécialisé

Prestation / location chapiteaux, tentes structures, sonorisation, lumière et pyrotechnie

Fabrication de bière

Commerce de gros textile

Services auxiliaires des transports aériens

Production de fromages sous AOP/IGP

Intermédiaires spécialisés commerce d’autres produits spécifiques

Transports de voyageurs par taxis et VTC

Fabrication de malt

Commerce de gros d’habillement et de chaussures

Location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers

Source : communiqué de presse du Gouvernement du 10 juin 2020.

Le communiqué de presse du 10 juin 2020 indique également que l’intensité de la baisse du chiffre d’affaires prévue comme critère pour les entreprises dont l’activité principale relève d’un secteur dépendant (b du 1° du I du présent article) est de 80 %.

c.   Les exonérations prévues pour les TPE dont l’activité a été interrompue

● Le second volet des exonérations prévues par le dispositif proposé figure au  du I du présent article, et cible les entreprises qui remplissent les conditions suivantes :

– leur activité principale relève d’un secteur qui nest pas mentionné au 1° du même I, c’est-à-dire d’un secteur autre que ceux de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien, de l’événementiel, qui sont mentionnés au a du 1°, et des secteurs dont l’activité dépend de ceux-ci, mentionnés au b du même 1° ;

– elles emploient moins de 10 salariés ;

– leur activité implique laccueil du public et a été interrompue par la propagation de la pandémie de Covid‑19 – sauf si cette interruption résulte d’une fermeture volontaire.

Peuvent être mentionnés à titre d’exemple les salons de coiffure, et plus généralement – et sous réserve de remplir le critère relatif aux effectifs – les entreprises, dont de nombreux commerces, ayant fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueil du public en application du décret du 23 mars 2020 précité.

Là aussi, les secteurs éligibles au second volet des exonérations seront fixés par décret, ainsi que le prévoit le septième alinéa du I du présent article.

● Ces exonérations portent sur une période de trois mois – là où celles prévues au titre du premier volet portent sur quatre mois – et concernent la période d’emploi comprise entre le 1er février et le 30 avril 2020 – correspondant aux cotisations versées entre mars et mai 2020.

● Comme pour le premier volet, la population d’entreprises ciblée par ce second volet ne correspond pas exactement aux TPE, dans la mesure où la qualification de ces dernières, en application du RGEC et du décret du 18 décembre 2008 précités, repose sur la satisfaction des deux critères suivants :

– occuper moins de dix salariés ;

– avoir un chiffre d’affaires ou un total de bilan qui n’excède pas 2 millions d’euros.

Néanmoins, là encore, par souci de lisibilité, le présent commentaire fera référence aux entreprises éligibles au second volet des exonérations comme étant des TPE.

2.   Le crédit de cotisations sociales : un mécanisme novateur et opportun

Parallèlement aux exonérations de cotisations sociales, le II du présent article prévoit l’octroi d’une aide, prenant la forme d’un crédit de cotisations sociales, destinée aux entreprises éligibles aux exonérations prévues au I.

a.   Le crédit de cotisations

● Le crédit de cotisations sociales prévu au II du présent article est égal à 20 % des revenus dactivités, pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations sociales en application des articles L. 242-1 du CSS et L. 741-10 du CRPM précités, qui ont été versés au titre des périodes demploi mentionnées au I du présent article, c’est-à-dire, ainsi qu’il a été vu :

– les revenus versés au titre des périodes d’emploi comprises entre le 1er février et le 31 mai 2020 pour les PME des secteurs les plus affectés mentionnés au 1° du I du présent article ;

– les revenus versés au titre des périodes d’emploi comprises entre le 1er février et le 30 avril 2020 pour les TPE relevant d’autres secteurs et qui ont fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueil du public.

● La dernière phrase du second alinéa du II du présent article qualifie le crédit de cotisation prévu au même II de mesure de « réduction » pour l’application des dispositions relatives aux infractions de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main-d’œuvre et d’emploi de ressortissant étranger non autorisé à travailler prévues à l’article L. 8211-1 du code du travail.

Cette qualification a pour effet, lorsque de telles infractions sont constatées, d’exclure toute réduction de cotisations sociales au titre des rémunérations versées à des salariés concernés par ces infractions, en application des articles L. 133-4-2 et L. 242-1-1 du CSS.

b.   L’utilisation du crédit de cotisations

● Le crédit de cotisations est destiné à permettre aux entreprises éligibles dacquitter les prélèvements sociaux restant dus par lemployeur au titre de 2020.

Sont concernés, aux termes du second alinéa du II du présent article, les prélèvements sociaux dus à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, aux caisses générales de sécurité sociale en outre-mer et aux caisses de mutualité sociale agricole.

● L’utilisation du crédit de cotisation intervient à titre subsidiaire, c’est-à-dire après l’application des exonérations prévues au I du présent article et de tout autre dispositif d’exonération ou d’exemption.

Une entreprise bénéficiant du crédit de cotisations sociales pourra utiliser cette aide pour le paiement de l’ensemble des cotisations et contributions visées qui demeurent dues au titre de l’année 2020, tels que celles dues au titre des périodes d’emploi de janvier 2020 ou de celles postérieures aux périodes couvertes par les exonérations prévues au I.

Il s’agit d’une aide complémentaire opportune de nature à substantiellement alléger le coût du travail pesant sur les entreprises en 2020, afin de les accompagner le mieux possible dans la période de reprise postérieure au confinement.

● Comme pour les exonérations prévues au I du présent article, en application du dernier alinéa du VIII du présent article, les entreprises pourront régulariser leurs déclarations sociales jusqu’au 31 octobre 2020 pour bénéficier de l’aide correspondant au crédit de cotisations.

Par ailleurs, et là aussi à l’instar de ce qui est prévu pour les exonérations, le bénéfice du crédit de cotisations est exclu en cas de condamnation pour travail dissimulé au cours des cinq dernières années en application de l’avant-dernier alinéa du même VIII.

3.   Les réductions de cotisations sociales pour les indépendants, les exploitants agricoles et les artistes auteurs

Les III à V du présent article prévoient des mesures de soutien spécifiques pour les travailleurs indépendants, les travailleurs non-salariés agricoles et les artistes auteurs dans la mesure où ceux-ci ne sont pas concernés par les exonérations et le crédit de cotisations prévus aux I et II de l’article. Ces mesures constituent la troisième dimension de l’ambitieux soutien proposé.

a.   Les mesures prévues pour les travailleurs indépendants et les travailleurs non-salariés agricoles

Le III du présent article met en place une réduction de cotisations et contributions sociales au bénéfice :

– des travailleurs indépendants qui ne relèvent pas du régime micro-social prévu à l’article L. 613-7 du CSS ;

– des travailleurs non-salariés agricoles mentionnés à l’article L. 722-1 du CRPM.

● Pour être éligible à ce dispositif, ces travailleurs doivent exercer leur activité principale :

– dans les conditions prévues au 1° du I du présent article, c’est-à-dire dans l’un des secteurs mentionnés au a de ce 1° (tourisme, hôtellerie, restauration, sport, culture, transport aérien et événementiel) particulièrement affectés par la crise compte tenu de leur dépendance à l’accueil du public ou dans un secteur mentionné au b du même 1°, c’est-à-dire un secteur dont l’activité dépend de ceux précédemment mentionnés et qui a subi une très forte baisse de leur chiffre d’affaires ;

– ou dans un secteur mentionné au 2° dudit I, c’est-à-dire un secteur autre que ceux relevant du 1° et qui a fait l’objet d’une fermeture administrative.

Il s’agit donc de la reprise des conditions déligibilité prévues pour les exonérations de cotisations et contributions sociales prévues au I du présent article.

● La réduction prévue porte sur les cotisations et contributions sociales dues au titre de lannée 2020 et s’imputera dans la limite des montants effectivement dus (à l’image d’une réduction d’impôt).

À la différence des exonérations prévues au I du présent article, il n’est pas fait ici référence à une période donnée, dans la mesure où l’assiette de ces prélèvements est annuelle. Il est également rappelé que leur versement est réalisé à partir d’acomptes calculés sur la base du dernier revenu connu.

Pour les travailleurs dont les cotisations, par dérogation au principe précédemment rappelé, sont assises sur le revenu estimé de l’année en cours, est prévue au dernier alinéa du présent III la possibilité dappliquer à ce revenu estimé un abattement, leur permettant de déduire effectivement du montant des cotisations et contributions dues la réduction prévue. Dans une telle hypothèse, et en application de la dernière phrase de cet alinéa, la majoration de retard prévue lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d’un tiers au revenu estimé ne sera pas applicable – cette souplesse évitant de dissuader les travailleurs indépendants visés par cette mesure d’y avoir recours.

Le montant de la réduction de cotisations et contributions sociales à laquelle peuvent prétendre ces travailleurs, de même que celui de l’abattement prévu pour les travailleurs indépendants ayant opté pour une base de calcul reposant sur le revenu estimé de l’année, seront fixés par décret.

● Lévaluation préalable du présent article indique que la réduction prévue au III du présent article correspondra à un abattement dun tiers ou dun quart d’un montant calculé à partir d’une assiette correspondant à un niveau de revenu. L’ampleur de l’abattement, qui dépendra de la période d’interruption d’activité, constitue un miroir des exonérations qui portent, selon les secteurs, sur quatre ou trois mois.

L’évaluation préalable fait état de réductions :

– de 2 400 euros pour les secteurs relevant du 1° du I du présent article, éligibles dans le cadre du I à des exonérations portant sur une période de quatre mois ;

– de 1 800 euros pour ceux relevant du 2° du même I, éligibles à des exonérations portant sur une période de trois mois.

● Si cette réduction est particulièrement bienvenue, le Rapporteur général ne peut qu’appeler le Gouvernement à adopter et publier les mesures réglementaires prises pour son application dans les plus brefs délais, une fois promulguée la loi résultant de l’adoption du présent projet.

Un dispositif ad hoc est prévu au IV du présent article pour les travailleurs indépendants relevant du régime micro-social figurant à l’article L. 613-7 du CSS et dans le cadre duquel, ainsi qu’il a été vu, les cotisations et contributions sont calculés sur la base des recettes perçues au cours du mois ou du trimestre précédent.

En vertu de ce dispositif, les travailleurs concernés pourront déduire de lassiette déclarée au titre des échéances mensuelles ou trimestrielles de 2020 un montant correspondant aux recettes perçues au titre des périodes dinterruption d’activité, c’est-à-dire au titre :

– des mois de mars à juin 2020, pour les travailleurs indépendants dont l’activité répond aux critères prévus au 1° du I du présent article ;

– des mois de mars à mai 2020 pour ceux dont l’activité relève des secteurs mentionnés au 2° du I du présent article, à savoir ceux ayant fait l’objet d’une fermeture administrative.

Pour une activité régulière sur l’année civile, dans le cadre de laquelle les recettes mensuelles sont constantes, cette mesure permettra de déduire des recettes déclarées au titre de l’année 2020 un montant correspondant, selon les hypothèses, à un tiers ou un quart de ces recettes.

b.   Les mesures prévues pour les artistes auteurs

Pour les artistes auteurs mentionnés à l’article L. 382-1 du CSS (dont la liste figure dans la partie du présent commentaire consacrée à l’état du droit, cf. supra, I, B, 3), est prévue par le V du présent article une réduction des prélèvements sociaux dont ils sont redevables au titre de lannée 2020.

● Comme pour le dispositif prévu au bénéfice des travailleurs indépendants et des travailleurs non-salariés agricoles, le montant de cette réduction sera fixé par décret. Là aussi, tout en se réjouissant de cette mesure, le Rapporteur général ne peut qu’appeler à une publication rapide des textes réglementaires d’application.

Il est néanmoins précisé au V du présent article que le montant de la réduction dont bénéficieront les artistes auteurs sera variable en fonction du niveau du revenu artistique de 2020, à travers un barème déterminé à partir du SMIC horaire, dont le montant brut à compter du 1er janvier 2020 est fixé à 10,15 euros (et à 7,66 euros à Mayotte) ([253]) :

– la première tranche concerne les revenus artistiques inférieurs à 1 200 fois le SMIC horaire, soit 12 180 euros sur la base du montant brut ;

– la deuxième tranche concerne les revenus artistiques compris entre ce niveau et le double de ce dernier, c’est-à-dire égal ou supérieur à 1 200 fois le SMIC horaire et inférieur à 2 400 fois le SMIC horaire ; il s’agit donc d’un revenu artistique compris, sur la base du montant brut du SMIC horaire, entre 12 180 euros et 24 360 euros ;

– la troisième tranche concerne les revenus artistiques égal ou supérieur à 2 400 SMIC (24 360 euros à partir du montant brut du SMIC horaire).

● Les deux derniers alinéas du V du présent article précisent les modalités dapplication de la réduction de cotisations et contributions sociales selon la catégorie d’imposition du revenu artistique.

En premier lieu, si les revenus relèvent de la catégorie des BNC, et sont donc retenus pour le calcul des cotisations avec une majoration de 15 %, ainsi qu’il a été vu, la réduction sapplique aux acomptes provisionnels calculés au titre de lannée 2020 et qui sont dus à l’organisme de recouvrement agréé dont l’artiste auteur relève. La réduction est prise en compte lors de la régularisation définitive des acomptes, une fois les revenus de l’année effectivement connus, soit ici en 2021.

Les artistes auteurs relevant de ce dispositif sont donc invités à moduler leur revenu estimé 2020, comme cela est prévu au III du présent article pour les travailleurs indépendants, afin qu’ils puissent bénéficier de la mesure dès 2020.

En second lieu, si les revenus retenus pour le calcul des cotisations sont constitués du montant brut des droits dauteur et ont fait lobjet dun précompte dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 382-5 du CSS (revenus imposables dans la catégorie des traitements et salaires), la réduction est versée par l’organisme de recouvrement agréé à l’artiste auteur une fois connu le revenu de l’année 2020, soit en 2021.

Ce décalage paraît inévitable dans la mesure où le diffuseur qui opère le précompte n’est pas en mesure de connaître le revenu dès 2020. Pour limiter le plus possible l’ampleur du décalage, l’évaluation préalable de l’article ouvre la possibilité d’avancer au premier trimestre 2021 la date de déclaration des revenus.

4.   Les facilités de paiement des cotisations sociales offertes aux entreprises et les mesures de remise partielle des dettes sociales

Le dispositif proposé ne se limite pas aux aides prévues aux I à V du présent article, qui ciblent les entreprises considérées comme les plus durement touchées par la crise et les indépendants, exploitants agricoles et artistes auteurs. En effet, il consacre aussi des mesures opportunes de souplesse, certaines au bénéfice des petites entreprises, d’autres pour tous les employeurs. Il s’agit là de la quatrième dimension du présent article, consacré à ses VI et VII et qui prévoit :

– un mécanisme d’apurement des dettes sociales pour lensemble des entreprises ;

– la possibilité de bénéficier d’une remise partielle des dettes sociales pour certaines entreprises.

a.   Les plans d’apurement des cotisations sociales permettant l’étalement du paiement sur 36 mois

Le VI du présent article prévoit la mise en œuvre d’un mécanisme d’apurement des dettes sociales.

● Ce mécanisme concerne tous les employeurs et travailleurs indépendants pour lesquels demeurent dues à la date du 30 juin 2020 des cotisations et contributions sociales.

Sont donc concernés non seulement les employeurs et indépendants qui ont bénéficié des mesures d’aide précédemment présentées – au titre des sommes restant dues, telles que celles portant sur des périodes non couvertes par ces mesures –, mais aussi les employeurs qui, en raison de leurs effectifs ou des secteurs d’activité dont ils relèvent, n’ont pas bénéficié des outils prévus aux I et II du présent article.

● Les plans dapurement prévus au présent VI portent sur :

– les cotisations et contributions sociales dues par lemployeur et qui sont dans le champ de lexonération prévue au I du présent article (cfsupra, 1, a) ;

– les cotisations et contributions sociales dues par les indépendants qui sont mentionnées au deuxième alinéa du III du présent article (cf. supra, 3, a) ;

– les cotisations et contributions sociales à la charge des salariés qui ont été précomptées sans être reversées et qui constituent ainsi des dettes sociales dues par l’employeur aux organismes de recouvrement. Dans cette hypothèse, le plan d’apurement doit prévoir le règlement de ces postes en priorité.

● Ces plans d’apurement, ainsi que le prévoit le quatrième alinéa du présent VI, seront mis en œuvre par les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales. Les directeurs de ces organismes adresseront aux entreprises de moins de 250 salariés les propositions de plan avant le 30 novembre 2020. Un mécanisme d’acceptation tacite est prévu en l’absence d’opposition ou de demande d’aménagement dans un délai d’un mois. En application de l’avant-dernier alinéa du présent VI, les employeurs et indépendants auront également la possibilité de demander aux directeurs de ces organismes, avant le 30 novembre 2020, le bénéfice d’un plan d’apurement.

Les entreprises qui bénéficieront des plans d’apurement dans les conditions prévues au VI du présent article ne seront pas redevables des pénalités et majorations dues au titre de retard de paiement, à la condition que ces plans soient respectés. Aux termes du dernier alinéa de ce VI, en effet, ces pénalités et majorations feront l’objet de remises d’office – sous réserve du respect des plans d’apurement.

● Le premier alinéa du VIII du présent article prévoit des modalités particulières du bénéfice des plans dapurement sagissant des grandes entreprises, au sens du décret du 18 décembre 2008 précité.

En application de l’article 3 de ce décret, la catégorie des grandes entreprises recouvre les entreprises n’appartenant pas aux autres catégories. Elle correspond aux entreprises qui occupent 5 000 salariés ou plus ou dont le chiffre d’affaires ou le total de bilan excède, respectivement, 1,5 milliard d’euros ou 2 milliards d’euros – les entreprises qui occupent moins de 5 000 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le total de bilan n’excède pas les seuils précédemment mentionnés relevant de la catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Pour prétendre aux plans d’apurement prévus au VI du présent article, ces grandes entreprises ne doivent pas avoir, entre le 5 avril et le 31 décembre 2020, pris de décision de versement de dividendes ou de rachat dactions. Il s’agit, pour ces entreprises, d’une clause d’exclusion similaire à celle prévue dans le cadre de l’octroi des PGE.

● Le deuxième alinéa du IV du présent article prévoit en outre, pour les entreprises ne respectant pas cette condition et n’acquittant pas à leur date d’exigibilité les cotisations et contributions sociales dues, l’exclusion du bénéfice des mesures de souplesse prévues à l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée relative à la prolongation de droits sociaux (à savoir, pour mémoire, la suspension du recouvrement des cotisations et contributions sociales entre le 12 mars et le 30 juin 2020 et le report de paiement de ces sommes).

Enfin, et de manière plus générale, les plans d’apurement sont exclus s’agissant des employeurs qui ont fait l’objet d’une condamnation pour travail dissimulé au cours des cinq dernières années, ainsi qu’il résulte de la dernière phrase du V du présent article.

● Si les détails des plans dapurement ne figurent pas dans le dispositif proposé  ce qui est au demeurant logique dans la mesure où ils ne relèvent pas du niveau législatif –, lévaluation préalable du présent article fournit dutiles précisions, qui corroborent les annonces faites dans le cadre du « plan tourisme » précité.

D’une part, ces plans pourront porter sur une durée allant jusquà 36 mois. En conséquence, les entreprises concernées pourront étaler le paiement des cotisations et contributions sociales couvertes par les plans sur une période de trois ans, leur offrant une souplesse de gestion et une respiration de trésorerie opportunes.

D’autre part, il est indiqué que les premiers plans seront proposés au plus tard fin juillet 2020 pour les entreprises de moins de 1 000 salariés, et fin août 2020 pour les autres. Dans la mesure où les plans seront réputés acceptés en l’absence d’opposition ou d’une demande d’aménagement intervenant dans un délai d’un mois, ils pourront être effectivement et largement mis en œuvre dès septembre 2020.

b.   Les remises de cotisations sociales pour les entreprises de moins de 50 salariés ayant subi une forte baisse d’activité

Le VII du présent article complète le dispositif relatif aux plans d’apurement prévus à son VI en ouvrant la possibilité à certaines entreprises de bénéficier dune remise partielle de leurs dettes de cotisations et contributions sociales patronales qui ont été constituées au titre des périodes d’activité comprises entre le 1er février et le 31 mai 2020, cette remise étant plafonnée à 50 % des sommes ainsi dues.

Ce dispositif de remise partielle est ouvert aux entreprises qui satisfont aux conditions suivantes :

– avoir un effectif de moins de 50 salariés au 1er janvier 2020 ;

– ne pas bénéficier des mesures prévues aux I et II du présent article, c’est-à-dire des exonérations et du crédit de cotisations sociales ;

– avoir connu sur la période couverte par la mesure de remise partielle une baisse dactivité de moitié, cest-à-dire une baisse du chiffre daffaires de 50 % par rapport à la même période de lannée précédente (soit entre février et mai 2019). Cette baisse de chiffre d’affaires est appréciée selon les modalités prévues pour bénéficier du fonds de solidarité ;

– avoir conclu un plan dapurement dans les conditions prévues au VI du présent article ;

● Les entreprises qui souhaitent bénéficier de la remise partielle prévue au présent IV doivent, en application de son dernier alinéa, en adresser la demande au plus tard le 31 décembre 2020.

Le bénéfice de la remise est subordonné au remboursement de l’ensemble des cotisations et contributions incluses dans le plan d’apurement conclu par l’entreprise selon les modalités définies au III du présent article.

Dès lors, une entreprise qui méconnaîtrait les obligations lui incombant au titre du plan d’apurement qu’elle a conclu ne profiterait pas de la remise et devrait acquitter la totalité des sommes dues en l’absence de cette dernière, le cas échéant à travers un remboursement des montants correspondant aux remises déjà appliquées.

● La possibilité de bénéficier effectivement d’une remise partielle est subordonnée au fait pour l’employeur d’être à jour de ses obligations déclaratives et de paiement vis-à-vis des organismes de recouvrement, s’agissant des cotisations et contributions sociales dues pour les périodes d’emploi antérieures à 2020.

Cette exigence, qui figure au troisième alinéa du VIII du présent article, est réputée satisfaite s’agissant du paiement si l’employeur a souscrit un plan d’apurement des cotisations restant dues et qu’il le respecte, ou s’il avait souscrit un tel plan antérieurement au 15 mars 2020.

● L’ampleur de la remise partielle – plafonnée, rappelons-le, à la moitié des cotisations dues – sera fonction de l’importance des pertes enregistrées par l’entreprise, à travers une grille d’analyse qui sera fournie aux organismes de recouvrement. Cette précision ne figure pas dans le dispositif proposé, mais est mentionnée dans l’évaluation préalable du présent article. Le tableau suivant présente des exemples potentiels de mise en œuvre de cette grille d’analyse.

Illustrations de la remise partielle de cotisations
et contributions sociales

Perte de chiffre daffaires (PCA)

Ampleur de la remise

50 % < PCA < 70 %

30 %

70 %≤ PCA

50 %

Source : évaluation préalable.

5.   La compatibilité du dispositif proposé avec les normes supérieures

Comme toute disposition législative, le dispositif proposé ne doit pas méconnaître les normes constitutionnelles et européennes qui s’imposent à lui.

a.   La compatibilité avec le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques

Dans la mesure où le dispositif prévu au présent article permet à certaines entreprises de bénéficier d’allégements sociaux, se pose la question de sa compatibilité avec le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.

Le principe d’égalité n’exige pas un traitement identique pour tout le monde et dans toutes les situations. En effet, le Conseil constitutionnel juge de manière constante que le principe d’égalité « ne soppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce quil déroge à légalité pour des raisons dintérêt général pourvu que, dans lun et lautre as, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui létablit » ([254]).

● Or, en l’espèce, la différence de traitement, résultant du bénéfice ou de l’exclusion des mesures de soutien, repose sur une différence objective de situation :

– le dispositif proposé se concentre, s’agissant des exonérations et du crédit de cotisations sociales, sur les secteurs les plus durement affectés par les conséquences économiques de la crise sanitaire et des mesures prises pour y faire face et qui n’ont pu exercer leur activité en raison de mesures restrictives sans avoir pu ensuite reprendre une activité normale du fait de la prolongation de ces mesures, qu’il s’agisse :

– les remises partielles, prévues au IV du présent article, ciblent les entreprises qui ont enregistré une baisse significative de leur chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente, d’au moins 50 %.

– enfin, et plus généralement, ces aides directes (exonérations, réductions et remises de cotisations) sont destinées aux PME (voire aux TPE), à travers un critère objectif reposant sur un plafond d’effectifs. Cela permet de cibler en fait les entreprises les plus modestes qui, de ce fait, disposent de ressources moindres et d’une capacité à faire face à la crise plus réduite que les structures plus importantes que sont les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises.

Le dispositif est donc calibré pour se concentrer sur les entreprises dont la situation requiert, de façon objective, un soutien particulier de la part des pouvoirs publics. La différence de traitement résultant de la différence de situation est par ailleurs en rapport direct avec l’objet du présent article, qui est d’apporter un soutien aux entreprises les plus sévèrement touchées par la crise.

● Par ailleurs, la condition de baisse très importante du chiffre d’affaires, s’agissant des secteurs dépendants des secteurs prioritaires (mentionnés au b du 1° du I du présent article) vise à assurer une égalité de traitement entre :

– ces secteurs dépendants et les secteurs prioritaires, la forte intensité de baisse du chiffre d’affaires permettant de bien caractériser la dépendance et de placer les entreprises relevant des secteurs dépendants dans la même situation que celles des secteurs prioritaires ;

– ces secteurs dépendants et les autres secteurs en général, qui ont pu également connaître une baisse d’activité ; dès lors, une intensité trop faible risquerait de ne plus suffisamment caractériser la dépendance et placerait les secteurs dépendants dans la même situation que les autres secteurs, ce qui pourrait conduire à ce que le champ des exonérations méconnaisse le principe d’égalité.

● Au demeurant, il existe déjà des outils, notamment fiscaux, qui ne concernent que certaines catégories d’entreprises, certains secteurs ou certains territoires, tels que :

– les dispositifs d’exonérations zonées qui, dans la plupart des cas, s’appliquent sur un territoire spécifique et à des entreprises répondant à certains critères, tels qu’un plafond d’effectifs ;

– le crédit d’impôt pour investissements en Corse prévu à l’article 244 quater E du code général des impôts (CGI), qui ne vise que certaines activités réalisées sur le territoire de la collectivité de Corse par les PME et dont le taux est majoré pour les TPE ;

– ou encore les avantages fiscaux applicables au titre des investissements productifs réalisés en outre-mer prévus aux articles 199 undecies B et 244 quater W du CGI, qui ne portent que sur certaines activités dans la mesure où de nombreux secteurs en sont expressément exclus.

Dans ces conditions, le dispositif proposé, dans la mesure où il s’appuie sur des différences de situations objectives que le législateur apprécie souverainement, apparaît conforme aux exigences constitutionnelles.

b.   La compatibilité avec l’exigence de précision de la loi

Sous l’angle de la précision de la loi, le dispositif proposé n’apparaît pas non plus s’exposer à un risque d’incompétence négative du législateur en renvoyant certains éléments au pouvoir réglementaire.

● En effet, en matière de cotisations sociales, la compétence du législateur est limitée, l’article 34 de la Constitution se bornant à prévoir que la loi détermine « les principes fondamentaux […] de la sécurité sociale ». C’est notamment ce qui fonde en droit le fait que les taux des cotisations sociales sont fixés par voie réglementaire, là où les taux des impôts sont prévus par la loi.

Ici, le dispositif législatif prévoit les règles :

– qui définissent la nature des mécanismes proposés, à savoir les exonérations, le crédit de cotisations sociales, le mécanisme d’apurement et la remise partielle ;

– qui précisent les modalités d’application de ces dispositifs, notamment s’agissant des formalités requises pour bénéficier des mesures prévues et de l’encadrement temporel d’application de celles-ci, en indiquant les cotisations couvertes par chacun des outils ;

– qui précisent les entreprises éligibles à chacun des outils proposés, à travers la définition de différents critères :

L’ensemble de ces éléments, qui figurent bien dans le dispositif législatif proposé, sont de nature à garantir la précision suffisante de ce dernier au regard des exigences constitutionnelles en la matière.

● Au demeurant, il ne paraît pas inutile, à titre de comparaison, de rappeler qu’il existe déjà des dispositifs ouvrant droit à des avantages dans le cadre desquels la loi fixe les règles générales que viennent préciser des dispositions réglementaires.

Par exemple, s’agissant du crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants, l’article 220 quindecies du CGI ne mentionne que les spectacles vivants musicaux et, dans une version antérieure, ceux de variétés. Les catégories de spectacles répondant à ces notions ne figurent pas dans la loi, mais dans un décret pris pour l’application de l’article 220 quindecies précité([255]).

● Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que le dispositif proposé n’apparaît pas présenter de contrariété avec les exigences constitutionnelles en matière d’exercice, par le législateur, de sa compétence.

c.   La compatibilité avec le droit de l’Union européenne

Le droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État fait en principe obstacle à ce que des avantages sélectifs soient offerts à certains secteurs en particulier. Or, les exonérations et réductions de cotisations et contributions sociales ne concernent pas l’ensemble des acteurs économiques, mais uniquement des entreprises répondant à des critères de taille et dont l’activité relève de secteurs spécifiques et identifiés.

Néanmoins, deux arguments juridiques tendent à attester de la compatibilité du dispositif proposé avec les normes européennes.

● D’une part, le droit européen, à travers le règlement relatif aux aides de minimis ([256]), prévoit la non-soumission aux règles en matière d’aides d’État de celles qui n’excèdent pas, pour chaque entreprise, 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux (montant ramené à 100 000 euros pour les entreprises de transport de marchandises par route).

Or, les exonérations, réductions et remises partielles de cotisations et contributions sociales qui sont prévues aux I, II et IV du présent article ne concernent que des PME, rendant peu vraisemblable le dépassement de ces plafonds :

– les exonérations et réductions (à travers le crédit de cotisations) sont ouvertes aux entreprises qui emploient, selon le volet du dispositif, moins de 250 salariés ou moins de 10 salariés ;

– les remises partielles sont réservées aux entreprises qui emploient moins de 50 salariés.

● D’autre part et surtout, dans le contexte exceptionnel de la crise actuelle, les autorités européennes ont défini des mesures spécifiques sur le fondement du b du 3 de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui dispose que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de léconomie dun État membre ».

La Commission européenne a ainsi publié un « encadrement temporaire » des mesures d’aide d’État le 19 mars 2020, document révisé le 3 avril suivant, aux termes duquel les aides sous la forme de subventions directes, d’avances remboursables ou encore d’avantages fiscaux ou en matière de paiements seront considérées comme compatibles avec le marché intérieur pour autant qu’elles remplissent certaines conditions ([257]), telles que :

– ne pas excéder 800 000 euros ;

– être octroyées avant le 31 décembre 2020.

Cet encadrement temporaire, dans sa version du 3 avril 2020, a été enrichi d’un volet dédié aux aides prenant la forme de reports d’imposition ou de taxation et/ou de reports de cotisations de sécurité sociale.

La Commission rappelle à cette occasion, ainsi que cela a été dit, que de telles aides limitées à certains secteurs ou certains types d’entreprises constituent des aides d’État, mais elle ajoute que ces mêmes aides seront considérées comme compatibles avec le marché intérieur sur le fondement du b du 3 de l’article 107 du traité lorsqu’elles bénéficient « aux entreprises (y compris les travailleurs indépendants) particulièrement touchées par la flambée de COVID-19, par exemple dans des secteurs et des régions spécifiques ou dune certaine taille » ([258]).

Cet assouplissement particulièrement bienvenu, qui témoigne de la souplesse dont la Commission peut faire preuve et, plus généralement, qui illustre le soutien essentiel que les institutions européennes ont fourni durant la crise, semble bien consacrer la pleine compatibilité du dispositif prévu au présent article avec le droit européen. Ce dernier, en effet et ainsi qu’il a été rappelé, cible certains secteurs et certaines entreprises.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

Les mesures prévues au présent article constituent un soutien estimé à 3 milliards d’euros, de nature à significativement alléger les charges pesant sur les entreprises concernées et donc à permettre à celles-ci de poursuivre leur activité dans les meilleures conditions possibles.

1.   Un coût de 3 milliards d’euros pour le budget de l’État

Le dispositif proposé repose sur un coût de l’ordre de 3 milliards d’euros en 2020, supporté par l’État au titre de la compensation des exonérations et réductions de cotisations sociales.

a.   Un coût délicat à appréhender mais estimé à 3 milliards d’euros

L’impact budgétaire des différentes mesures prévues au présent article n’est pas aisé à déterminer de façon précise dans la mesure où il dépend de nombreux facteurs. En particulier, l’ampleur des effets économiques de la crise sanitaire aura une incidence directe notamment sur :

– le recours à l’activité partielle, dans le cadre de laquelle les indemnités font l’objet d’une exonération sociale, ainsi qu’il a été vu ;

– les remises partielles de cotisations et contributions sociales, qui reposent sur une certaine intensité de baisse d’activité.

Néanmoins, l’évaluation préalable du présent article fourni une estimation tenant compte de ces réserves, permettant d’apprécier l’importance de l’effort – nécessaire – consenti pour les entreprises et l’emploi :

– le coût au titre des exonérations et du crédit de cotisations sociales pour les secteurs les plus sévèrement affectés mentionnés au a du 1° du I du présent article est estimé à 1,8 milliard d’euros (0,9 milliard d’euros au titre des exonérations et 0,9 milliard d’euros au titre du crédit de cotisation) ;

– le coût de ces mesures, s’agissant des secteurs dont l’activité dépend de celle des secteurs précédemment mentionnés, est estimé à 300 millions d’euros (200 millions d’euros au titre des exonérations et 100 millions d’euros au titre du crédit de cotisations) ;

– le coût au titre des mesures pour les entreprises de moins de 10 salariés est estimé à 400 millions d’euros ;

– le coût au titre des mesures prévues pour les travailleurs indépendants et les artistes auteurs est estimé à 500 millions d’euros. Cette estimation n’intègre pas les mesures destinées aux travailleurs indépendants relevant du régime micro-social et les travailleurs non-salariés agricoles, le coût associé à ces populations étant délicat à appréhender d’après les éléments fournis par l’évaluation préalable.

Le tableau suivant dresse la synthèse du coût correspondant aux mesures prévues par le présent article susceptibles de faire l’objet d’une estimation, en distinguant selon les populations concernées.

Estimations du coût des mesures de soutien prévues au présent article

Catégorie de bénéficiaires

Exonérations

Crédit de cotisations

Réduction forfaitaire

Total

Entreprises de moins de 250 salariés – secteurs prioritaires (a du 1° du I)

0,9

0,9

1,8

Entreprises de moins de 250 salariés – secteurs dépendants (b du 1° du I)

0,2

0,1

0,3

Entreprises de moins de 10 salariés – fermeture administrative (2° du I)

0,2

0,2

0,4

Travailleurs indépendants (hors micro-social) (III)

0,4

0,4

Artistes auteurs (V)

0,1

0,1

Total

1,3

1,2

0,5

3,0

Source : évaluation préalable.

Cette estimation de 3 milliards d’euros n’intègre pas non plus les montants associés à la remise partielle de dettes sociales prévue au VII du présent article pour les entreprises de moins de 50 salariés dont le chiffre d’affaires a été réduit au moins de moitié. L’absence d’inclusion de ce poste dans l’estimation est justifiée dans l’évaluation préalable par le fait que la remise prévue sera octroyée au cas par cas. Cette absence n’en demeure pas moins regrettable, une estimation même large paraissant pouvoir être faite à l’aune des données dont le Gouvernement dispose sur la baisse d’activité et la démographie des entreprises.

Cette estimation ne tient pas non plus compte des étalements de paiement résultant des plans d’apurement – ces derniers représentant au demeurant un coût en trésorerie mais non une perte définitive de recettes sur le moyen terme.

b.   Un coût supporté par l’État à travers le mécanisme de compensation

Si le dispositif proposé a pour effet de réduire les recettes des administrations de sécurité sociale, ces dernières n’en supporteront pas le coût, qui incombera à l’État.

En effet, en application de l’article L. 131-7 du CSS, toute nouvelle mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale et de contributions affectées aux régimes de sécurité sociale donne lieu à une compensation intégrale par le budget de l’État. Dans la mesure où seule une disposition législative contraire expresse est de nature à faire obstacle à cette compensation, et faute pour le présent projet de loi de prévoir une telle mesure, le principe de droit commun s’applique.

La compensation des pertes de recettes résultant du présent article est faite par une dotation budgétaire : l’état B (article 9) annexé au présent projet de loi prévoit en effet une ouverture de crédits de 3 milliards d’euros dans le cadre de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ».

À toutes fins utiles, il est précisé que la circonstance que le présent article prévoit des exonérations de cotisations et contributions sociales n’emporte pas pour autant une méconnaissance des règles organiques encadrant les lois de finances.

L’évaluation préalable du présent article justifie le rattachement de ce dernier au domaine des lois de finances par l’impact qu’il aura sur le budget de l’État, au titre :

– de l’impact sur les ressources de l’État et l’équilibre budgétaire, en application du 2° du I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([259]) , si le principe d’une compensation par transfert de ressources fiscales de l’État aux organismes de sécurité sociale était retenu ;

– de l’impact sur les dépenses budgétaires de l’année, en application du b du 7° du II du même article 34, si le principe d’une compensation par crédits budgétaires étant retenu.

D’une manière générale, et ainsi qu’il ressort de la doctrine applicable en matière de recevabilité financière des initiatives parlementaires, l’augmentation (et a fortiori la création) d’exonérations de cotisations sociales qui font l’objet d’une compensation par dotation budgétaire est irrecevable par amendement parlementaire dans la mesure où cela accroît (ou crée) une charge publique ([260]) .

Or, une telle irrecevabilité n’est pas opposable au Gouvernement, qui peut donc régulièrement augmenter ou créer en loi de finances une exonération de cotisations compensée par des crédits budgétaires

2.   Un soutien d’ampleur opportun et nécessaire pour les entreprises

Les différences mesures prévues par le dispositif proposé vont offrir aux entreprises éligibles un important soutien à travers l’allégement de leurs passifs sociaux induits par les charges sociales à hauteur de 3 milliards d’euros.

a.   Des mesures qui complètent utilement les outils déjà mis en place et ceux prévus

Ces mesures complètent fort opportunément les autres outils prévus pour aider les entreprises, en particulier les reports de charges sociales, les aides du fonds de solidarité et l’activité partielle.

En effet, et ainsi qu’il a été vu, les entreprises qui l’ont jugé nécessaire on put procéder, sans pénalité, au report de leurs charges sociales, et placer leurs salariés en activité partielle avec une prise en charge inédite par le Gouvernement des indemnités versées dans ce cadre, qui sont – rappelons-le – exonérées de cotisations sociales. Les plus petites entreprises ayant fait l’objet d’une fermeture administrative ou ayant subi une importante baisse de leur chiffre d’affaires ont par ailleurs pu bénéficier des subventions versées par le fonds de solidarité.

Néanmoins, pour les entreprises qui ont vu leur activité totalement arrêtée ou significativement réduite, ces mesures, pour bienvenues qu’elles soient, peuvent se révéler insuffisantes pour garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi.

Les exonérations, le crédit de cotisations et les remises partielles prévues au présent article constituent donc la poursuite des efforts entrepris par le Gouvernement pour soutenir l’économie, en permettant aux entreprises éligibles d’effacer définitivement les cotisations dues pendant le confinement et d’obtenir une aide au paiement des charges demeurant dues – notamment via le crédit de cotisations, qui permet de payer les charges dues sur le reste de l’année 2020.

Le mécanisme d’apurement, ouvert sans distinction de taille, offre également une bouffée d’air bienvenue à travers l’étalement sur une longue période du paiement des cotisations sociales qui restent dues. Si cet apurement n’emporte pas un gain définitif, en ce qu’il constitue une mesure de trésorerie, il n’en demeure pas moins certain que l’étalement qu’il permet va substantiellement alléger la charge des entreprises durant la période de reprise qui s’ouvre, préparant ainsi à la relance économique du pays.

Il est renvoyé aux exemples figurant dans l’évaluation préalable du présent article pour des illustrations concrètes de l’ampleur du gain susceptible d’être retiré par les entreprises à raison du dispositif proposé, illustrations qui tiennent compte du placement éventuel de salariés en activité partielle.

b.   Un dispositif complet dont l’ambition dépasse les autres initiatives en la matière

D’une manière générale, le présent article traduit les engagements pris par le Gouvernement dès l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificatives pour 2020, en avril dernier, et les annonces faites le 14 mai suivant dans le cadre du « plan tourisme ».

La teneur du dispositif, qu’il s’agisse de sa structure en différentes mesures complémentaires ou sa rédaction, justifie le rejet d’une proposition de loi présentée par les députés du groupe Les Républicains examinée par l’Assemblée le 11 juin dernier ([261]) . Si cette proposition de loi s’inscrivait dans une logique voisine de celle du présent article et si son principe, consistant à alléger les charges des entreprises, avait fait l’objet d’un accueil bienveillant, la teneur de son dispositif présentait des imprécisions et se révélait moins ambitieuse que ce qui est ici soumis au Parlement.

Le dispositif ici proposé se révèle précis et opérationnel, et prévoit une couverture et des outils plus larges.

c.   Un dispositif qui fera l’objet de précisions réglementaires

Pour bienvenu qu’il soit, le dispositif proposé paraît pouvoir évoluer au moins sur certains aspects, dont il sera fait mention ici dans la mesure où ces évolutions relèvent plus du niveau réglementaire que de la loi.

Deux aspects principaux semblent propices à des améliorations, et concernent les critères d’éligibilité aux secteurs sévèrement touchés par la crise et à ceux qui en dépendent (secteurs mentionnés au 1° du I du présent article).

● D’une part, les listes publiées dans le communiqué de presse paru le 10 juin 2020, en particulier celle des activités des secteurs dépendants (« S1 bis »), pourraient avoir vocation à être enrichies afin de couvrir le plus complètement possible l’ensemble des activités qui dépendent des secteurs prioritaires identifiés.

Il ne s’agit pas d’inclure des activités ne relevant pas des secteurs mentionnés par la loi, ni d’intégrer de nouveaux secteurs qui ne se trouveraient pas dans la même situation que ceux déjà mentionnés à l’article 18 ­ sauf à prendre un important risque de rupture d’égalité.

Une telle évolution viserait donc à ce que les exonérations couvrent bien l’ensemble des activités éligibles, ni plus, ni moins.

● D’autre part, le critère relatif à la baisse de chiffre d’affaires prévu pour les secteurs dépendants, qui serait fixé à 80 % d’après les informations disponibles (et à l’aune du décret du 20 juin 2020 modifiant le fonds de solidarité ([262])), peut sembler excessif mais, ainsi qu’il a été vu, garantit une égalité de traitement et prémunit le dispositif contre les risques de rupture d’égalité. Un abaissement modéré pourrait être envisageable, mais il ne devrait pas conduire à une intensité de baisse de chiffre d’affaires ne traduisant plus de dépendance.

● Les éléments qui précèdent visent à nourrir la réflexion et les débats parlementaires dans le cadre de l’examen du présent projet de loi de finances, afin de faire évoluer les critères qui seront prévus dans les textes réglementaires d’application lorsque ces évolutions seront justifiées.

Il n’apparaît en revanche pas nécessairement opportun de consacrer dans la loi les évolutions qui seraient jugées requises, qu’il s’agisse des listes des activités relevant des secteurs prioritaires et dépendants ou du seuil de baisse de chiffre d’affaires. Ces aspects ne relèvent pas du niveau législatif et leur inscription dans la loi, en plus d’alourdir substantiellement le dispositif, rigidifierait celui-ci et rendrait difficile toute évolution ultérieure – qui supposerait alors une modification législative. En outre, une telle inscription, s’agissant des activités, présenterait le risque d’omissions ou d’appréciations a contrario.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1101, CF857 et CF1106 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Les trois amendements proposent de modifier la logique sectorielle sur laquelle repose cet article.

Le premier tend à instaurer des exonérations de charges générales pour les entreprises de moins de 250 salariés sans distinction de secteur, et au cas pour cas pour les entreprises dépassant ce seul. Les entreprises bénéficieront d’une exonération totale en cas de perte d’au moins de 70 % de leur chiffre d’affaires et en deçà, d’une exonération proportionnelle à la perte du chiffre d’affaires – une baisse de 10 % ouvrant droit à une exonération de 10 % des charges.

Le second, moins ambitieux, comporte le même mécanisme d’exonération totale puis dégressive, mais ne concerne que les entreprises de moins de 250 salariés. Le troisième obéit à la même logique d’une exonération totale pour une baisse d’au moins 70 % du chiffre d’affaires et d’une exonération proportionnelle en deçà, mais il se limite à l’appliquer aux secteurs d’activité visés par le Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements me donnent l’occasion d’expliquer la philosophie de l’article 18 et les raisons de mon attachement à son architecture initiale.

Tout d’abord, je rappelle le caractère inédit de cette annulation de charges et de cotisations sociales, qui concerne des secteurs ciblés. Cela a suscité le dépôt de nombreux amendements, sur lesquels j’émettrai le plus souvent un avis défavorable.

L’exonération portera sur une période d’emploi de quatre mois et bénéficiera aux entreprises de moins de 250 salariés des secteurs prioritaires – figurant dans la liste S1 – ou dépendants de ceux-ci – figurant dans la liste S1 bis. Les TPE de moins de 10 salariés ayant dû fermer seront exonérées sur une période d’emploi de trois mois.

Ces entreprises pourront également bénéficier d’un crédit de cotisations, c’est-à-dire d’une aide au paiement des cotisations dues en 2020. D’autres aides sont également prévues au bénéfice des indépendants, des exploitants agricoles et des artistes-auteurs.

Par ailleurs, les entreprises de moins de 50 salariés se trouvant hors du champ des exonérations et qui ont subi une baisse importante de leur chiffre d’affaires, c’est-à-dire au minimum de 50 %, pourront obtenir une remise de dettes sociales pouvant aller jusqu’à 50 %.

Enfin, toutes les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité, pourront conclure des plans d’apurement leur permettant d’étaler leurs paiements de cotisations, sans pénalité, sur une période pouvant durer jusqu’à trente-six mois.

L’article 18 ne porte donc pas uniquement sur les exonérations. Le coût estimé s’élève à 3 milliards d’euros s’agissant des exonérations de charges, et à 1,5 milliard d’euros pour ce qui est des apurements – même si ceux-ci se prêtent mal à une évaluation précise.

Aux termes de l’alinéa 5, pour bénéficier d’une exonération de charges sur quatre mois, l’entreprise doit exercer son activité principale dans un secteur considéré comme dépendant et avoir subi une très forte baisse de son chiffre d’affaires, de l’ordre de 75 % à 80 %. Ce mécanisme complexe joue pour beaucoup dans la sécurité constitutionnelle de ce texte.

Mon attachement à cet équilibre explique par avance la fermeté de mes réponses. L’intégration de certains secteurs aux listes S1 ou S1 bis étant de niveau réglementaire, je renverrai les amendements à la séance publique afin qu’ils soient discutés avec le Gouvernement.

Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Constitutionnellement, il est bien plus risqué de réserver les exonérations à certains secteurs que de prévoir une exonération générale. Et je ne parle pas des demandes que cela suscitera lorsque l’on se rendra compte que tel ou tel secteur est touché, à l’instar de Gérald Darmanin qui a fait en sorte que le secteur de la blanchisserie de gros soit intégré – sa circonscription compte sans doute une entreprise de ce type…

En outre, tout est renvoyé au décret, on laisse le Gouvernement décider. Qu’entend-on par « très forte baisse » ? L’administration estime qu’elle doit représenter 80 % du chiffre d’affaires, c’est gigantesque ! Estimeriez-vous qu’une entreprise ayant enregistré une perte de 70 % ou même de 50 % de son chiffre d’affaires se porte bien ?

Il faut désectoriser. L’exonération doit concerner toutes les entreprises et être proportionnelle à la perte de chiffre d’affaires ; à partir de 70 % de baisse, elle doit être totale. Un tel dispositif serait plus juste et correspondrait à une vision moins administrative. Je regrette la fermeture du Gouvernement sur ce sujet ; il a bien tort de poursuivre de cette façon !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut veiller à ne pas opposer le législatif, qui serait la panacée, au réglementaire, qui confisquerait tout pouvoir au Parlement. La réalité s’avère plus complexe. Lorsqu’il a été décidé que les critères d’accès au fonds de solidarité seraient fixés par décret, que n’a-t-on dit ! Or vous le savez bien, ce sont des sujets qui se prêtent à la co-construction et les échanges en bonne intelligence entre majorité et opposition ont permis que les entreprises ayant perdu 50 % de leur chiffre d’affaires soient finalement éligibles au dispositif.

En outre, l’efficacité et l’agilité commandent parfois d’agir par voie de décret. Fixer dès à présent la liste des secteurs d’activité dans la loi empêcherait toute évolution ultérieure.

Je comprends la confiance relative que l’opposition accorde au Gouvernement, mais le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire sont complémentaires, et il est arrivé que le premier influence le second pour faire bouger les dispositifs.

M. le président Éric Woerth. La fixation du taux de perte de chiffre d’affaires revêt une importance majeure. Si on laisse l’administration décider qu’il faut le fixer à 80 %, cela change le texte, la vie des entreprises et donc des gens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous disiez la même chose du fonds de solidarité.

M. le président Éric Woerth. C’est vous qui avez fixé le taux à 70 % dans le premier PLFR, sans vouloir nous entendre lorsque nous faisions valoir qu’il était bien trop élevé ! Vous avez reconnu finalement que nous avions raison puisque vous l’avez abaissé à 50 % à l’occasion du deuxième PLFR. Mais un tel dispositif ne fonctionne pas sur le terrain, et vous le vérifierez à nouveau avec l’exonération de charges sociales.

Mme Cendra Motin. Monsieur le président, contrairement à la loi, le décret offre une certaine souplesse pour ajuster le taux – peut-être allons-nous cesser d’examiner des PLFR au rythme d’un par mois ?

Si nous avons réussi, ensemble, à infléchir la volonté initiale du Gouvernement pour abaisser le taux de perte de chiffre d’affaires permettant d’accéder au fonds de solidarité, c’est que nous avions des retours du terrain.

En outre, je ne peux vous laisser dire que c’est parce que le ministre s’est rendu compte que sa circonscription comptait une blanchisserie que ce secteur figure dans la liste S1 bis. Un travail a été mené avec les filières, notamment aéronautique, automobile et touristique. Leurs représentants en savent un peu plus que nous sur les types d’entreprises qui doivent être concernées par ce plan.

Enfin, nous sommes sortis de la phase de confinement et l’activité des entreprises doit reprendre – cela se fait semble-t-il plus vite que prévu. Notre objectif, désormais, est qu’elles fassent leur chiffre !

M. le président Éric Woerth. Le taux de l’impôt relève de la loi ; or le taux dont nous discutons est au moins aussi important, car il déterminera si, oui ou non, une entreprise sera exonérée, sa survie en dépendant parfois. En tant que législateur, nous ne pouvons pas nous décharger de cette responsabilité.

M. Charles de Courson. La responsabilité de l’État du fait des lois ne risque-t-elle pas d’être engagée ? Nous n’avons jamais obtenu de réponse à cette question, mais si tel était le cas, les sommes en jeu seraient énormes.

Compte tenu des liens entre les secteurs d’activité, il serait plus raisonnable de lier l’exonération au pourcentage de chute du chiffre d’affaires et de fixer deux ou trois tranches pour éviter les effets de seuil considérables.

M. le président Éric Woerth. Les amendements du groupe Les Républicains sont à cet égard très simples !

M. Daniel Labaronne. Monsieur le président, je ne peux vous laisser dire que la filière des blanchisseries-teintureries de gros aurait été privilégiée parce que la circonscription de M. Darmanin en compterait une.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas une critique, juste du pragmatisme – je suis aussi élu local.

M. Daniel Labaronne. Vos propos étaient légèrement teintés de mépris. Sur le fond, la mise en œuvre du fonds de solidarité a été améliorée par décret, grâce aux remontées de terrain dont nous avons fait part.

En outre, le Gouvernement est, comme les parlementaires, très à l’écoute des filières depuis le début de la crise. Nous ne sommes pas hors sol, mais en prise avec la réalité du terrain. Nous suivons une démarche de co-construction, qui résulte d’une concertation très active.

Enfin, vous ne pouvez pas décrier ainsi l’approche par la voie réglementaire : elle offre souplesse et facilité d’adaptation.

M. Saïd Ahamada. Les deux méthodes présentent chacune des avantages et des inconvénients. Compte tenu de la situation, le choix de la sectorisation et de la voie décrétale se défend tout à fait.

Cependant, la façon dont les choses s’amorcent empêche les parlementaires, qui connaissent bien le terrain, d’être force de proposition. Ainsi, je m’interroge : pourquoi les activités de transport maritime ne figurent-elles pas, à l’instar du transport aérien, dans la liste S1, alors que tous deux se sont vus privés, du jour au lendemain, de 100 % de leur clientèle de passagers et de la totalité de leur chiffre d’affaires ? La co-construction doit commencer à l’Assemblée nationale avec l’adoption d’amendements, non au sein des cabinets ministériels.

Mme Marie-Christine Dalloz. Chers collègues de la majorité, nous n’avons pas la même définition de la co-construction : vous avez toujours refusé nos propositions, attendant de nous que nous votions en faveur de chacune de vos décisions !

Par ailleurs, ayant quelque ancienneté comme parlementaire, je n’ai jamais vu un gouvernement procéder seulement par décret. Certes, la crise est inédite, mais cela ne peut prendre de telles dimensions. Aujourd’hui, toutes les mesures sont adaptées par décret !

Vous avez fait le choix d’une aide sectorielle ; nous pensons qu’il faut aider les entreprises les plus en difficulté, en fonction des besoins exprimés sur le terrain. Les exonérations prévues à cet article représenteront 3 milliards d’euros, alors que les demandes de reports de charges sociales s’élèvent déjà à 30 milliards !

M. Jean-Noël Barrot. Pourquoi n’avons-nous pas retenu pour seul critère celui de perte de chiffre d’affaires ? Parce que la baisse du chiffre d’affaires, pour de nombreuses entreprises, n’est qu’indirectement liée à la crise sanitaire. Pourquoi n’avons-nous pas retenu pour seul critère celui du secteur d’activité ? Parce que certaines entreprises s’en sortent mieux que d’autres.

Si vous pensez vraiment que retenir le seul critère de la perte de chiffre d’affaires est préférable, il faut estimer le nombre d’entreprises qui connaissent habituellement une baisse de leur chiffre d’affaires, et déterminer le coût d’un tel dispositif…

M. le président Éric Woerth. C’est pourtant bien sur ce seul critère que repose l’accès au fonds de solidarité !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On ne peut pas à la fois nous demander, comme cela a été le cas lors de l’examen des deux premiers PLFR, de nous occuper des secteurs les plus touchés, et prôner aujourd’hui un seul critère d’ordre général : soyez cohérents !

Nous sommes tous convenus que l’évolution de la crise nécessitait d’accompagner les secteurs d’activité les plus durement touchés. Par ailleurs, fallait-il continuer les aides, sous forme d’exonérations, à hauteur de 30 milliards d’euros ? Je ne le pense pas. Cibler les exonérations nous a paru une meilleure solution.

Vos critiques portent sur le fait que le taux de perte de chiffre d’affaires caractérisant les entreprises du secteur S1 bis sera fixé par décret. Mais nos débats auraient été les mêmes si cela avait relevé de la loi ! Forts de votre connaissance du terrain, vous nous auriez fait valoir que la dépendance se caractérise par une perte de 60 % du chiffre d’affaires ; nous vous aurions alors opposé le taux de 80 %. Ces discussions sont légitimes entre majorité et opposition. Vous avez raison de dire que c’est un sujet sensible et que des emplois sont en jeu. Il est fort délicat de caractériser cette dépendance, mais fixer le taux dans la loi n’y changera rien.

M. le président Éric Woerth. J’ai proposé une exonération totale lorsque la perte de chiffres d’affaires d’au moins 70 % et une exonération partielle lorsque la perte de chiffre d’affaires est en deçà de ce seuil. Cela procède d’une vision globale de l’économie française et me semble préférable à la fixation d’un seul taux de perte de chiffre d’affaires, qui plus est applicable à certains secteurs seulement.

Les entreprises que vous avez oubliées et qui ont presque tout perdu avec la crise bénéficieront-elles du quatrième PLFR ? C’est une drôle de méthode, qui tranche avec celle que vous avez choisie pour la mise en œuvre du fonds de solidarité.

Les listes S1 et S1 bis établies par l’administration ne veulent rien dire : toute une partie de l’économie française a été touchée, pendant que d’autres entreprises parvenaient à maintenir leur chiffre d’affaires. C’est aussi simple que cela ! Vous compliquez beaucoup les choses !

C’est d’autant plus dommage que le FMI vient d’annoncer une récession de - 12,5 %. Cela fait très mal et nous entraîne vers des territoires inconnus !

Mme Cendra Motin. Pendant le confinement, toute l’économie a été mise sous cloche et il n’était pas question de parler de secteurs. Dorénavant, il s’agit d’en accompagner certains dans leur transition ; ainsi, nous demandons au secteur aérien, ainsi qu’à ses sous-traitants, de décarboner les filières bien plus vite que prévu, charge à chacun de questionner son modèle économique et de se réinventer.

La dimension sectorielle de notre projet revêt donc une grande importance car nous nourrissons des ambitions à l’égard de ces secteurs. Pour une telle évolution, nous devons accompagner les bonnes entreprises.

Mme Véronique Louwagie. On propose aujourd’hui d’annuler seulement 3 milliards de charges. Je suis expert comptable et je sais que de nombreuses entreprises seront à la rentrée incapables à la fois de payer les charges reportées ainsi que les charges nouvelles et de rembourser leur PGE car leurs activités n’ont pas repris leur cours normal. Il faut abandonner la sectorisation et aller plus loin.

En outre, vous avez fixé des seuils d’effectifs, qui excluent du dispositif les entreprises de plus de 10 salariés ayant fait l’objet d’une fermeture administrative. La pérennité même des entreprises est en jeu, et il sera trop tard lorsque vous réagirez !

M. François Pupponi. Nous avions déjà cette discussion avant la crise, aussi paraît-elle quelque peu surréaliste ce soir.

Je n’ai aucun problème à affirmer que ce qu’a fait le Gouvernement dans le domaine économique pour sauver les entreprises est exemplaire. Mais pour l’après-crise, essayons de nous écouter et de nous entendre afin de trouver des solutions ! Ainsi, je propose que le dispositif porte sur une période allant jusqu’à la réouverture en zone orange, le 15 juin. C’est une solution très pragmatique, sur laquelle nous ne pouvons que nous rejoindre : on ne peut pas demander aux bars et restaurants qui sont restés fermés jusqu’à la mi-juin de payer plein pot leurs charges sociales après le 31 mai !

M. le président Éric Woerth. Cette discussion sur l’article s’est révélée très utile puisqu’elle a permis de discuter la logique suivie par le Gouvernement.

La commission rejette successivement les amendements CF1101, CF857 et CF1106.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF1149 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il convient d’étendre le champ de l’exonération au forfait social.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF1149.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CF1131 de Mme Ericka Bareigts et CF1367 de M. Olivier Serva.

Mme Maina Sage. L’amendement CF1131, soutenu par plusieurs élus ultramarins, vise à assouplir les conditions d’application de l’article dans les outre-mer.

Nous proposons que l’exonération soit applicable aux cotisations dues au titre de la période d’emploi comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020. En outre, nous proposons d’intégrer au dispositif les entreprises de moins de 10 salariés. Celles-ci, qui constituent 95 % du tissu économique des territoires ultra-marins, sont très fragiles et n’ont pu, dans leur très grande majorité, accéder au PGE.

M. Olivier Serva. Je poursuis la démonstration de Maina Sage : outre-mer, l’essentiel de l’activité est lié au tourisme, 75 % des entreprises de moins de 10 salariés en dépendent.

Or la haute saison touristique a été mise à mal par la crise. De surcroît, une quatorzaine doit encore être observée lorsque l’on veut se rendre outre-mer : rentrant samedi en Guadeloupe, je devrai effectuer un test et respecter une septaine. Cela n’encourage pas les touristes à aller y passer leurs vacances !

Nous demandons que le dispositif d’activité partielle soit prolongé jusqu’à la fin de l’année.

En outre, la condition supplémentaire de fermeture administrative imposée aux entreprises de moins de 10 salariés n’a pas de sens, puisque nombreuses sont celles qui ont dû fermer en raison de l’absence de leurs employés. Nous demandons sa suppression.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ma réponse vaudra pour l’ensemble des propositions visant à reporter la période d’emploi ouvrant droit à l’exonération. Afin de prévenir le risque d’une rupture d’égalité, la période d’emploi doit être calquée sur la période de fermeture administrative, du mois de mars au mois de mai, ou être comprise, pour les secteurs prioritaires, entre mars et juin.

Monsieur Pupponi, pourquoi la clore au 31 mai alors que les restaurants n’avaient pas rouvert à cette date en zone orange ? Parce que nous parlons des cotisations qui sont dues au titre de la période allant du 1er février au 31 mai 2020, et donc payées entre mars et juin.

S’agissant des outre-mer, je suis prêt à aider les territoires où la crise sanitaire a été ou est plus longue, c’est-à-dire Mayotte et la Guyane. J’aurai un regard plutôt favorable sur des amendements que nous examinerons ultérieurement, qui prévoient d’y allonger la durée d’exonération des cotisations sociales.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF1131 et CF1367.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF313 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas compris votre explication : dès lors que les entreprises ont été fermées par décision administrative, elles ne doivent pas payer de charges.

La situation de la Corse est similaire à celle des territoires ultramarins. Si les touristes ne peuvent s’y rendre par voie aérienne et qu’une quarantaine peut leur être imposée, les entreprises touristiques, comme les hôtels ou les restaurants, se trouvent pénalisées par cette décision administrative. Il est normal que le Gouvernement aide les entreprises situées en zone orange.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La durée d’exonération a été calquée sur celle de la fermeture administrative. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement CF313 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF413 de M. Pierre Cordier, CF759 de M. Jean-Félix Acquaviva et CF1420 de M. Buon Tan, ainsi que les amendements identiques CF81 de M. Marc Le Fur, CF 101 de Mme Véronique Louwagie et CF1210 de M. Benoît Potterie.

M. Marc Le Fur. La période d’emploi donnant lieu à exonération doit être prolongée jusqu’au 31 décembre.

M. Buon Tan. Un tel prolongement est en effet nécessaire car de nombreux pays recommandent de ne pas venir en France, les dessertes aériennes reprennent au compte-gouttes et les touristes étrangers sont inquiets. L’activité peut certes reprendre mais, en l’état, il n’en est rien. Il convient donc de continuer à soutenir ce secteur, étant entendu que ces entreprises souffriront au moins jusqu’à l’année prochaine.

M. Marc Le Fur. L’amendement vise cette fois à prolonger la période d’exonération jusqu’au 31 octobre 2021. La reprise est très lente : dans ma circonscription, pourtant en zone verte, l’activité des restaurants ouvriers a baissé des deux-tiers, les festivals qui n’ont pas eu lieu au printemps ne se dérouleront pas non plus l’été et les traiteurs spécialisés dans les grands événements touristiques ne travailleront pas. La date du 31 mai n’est donc pas pertinente. Un décalage jusqu’à la fin de la saison me paraît raisonnable.

M. Benoît Potterie. En effet, dans les secteurs du tourisme et de l’événementiel, la reprise est lente et nombre d’événements sont ou seront annulés. Un prolongement de la période d’exonération permettrait de les soutenir.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Défavorable pour les raisons déjà indiquées, dont le risque de rupture d’égalité constitutionnelle.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF413, CF759 et CF1420, ainsi que les amendements identiques CF81, CF 101 et CF1210.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CF153 de M. Fabrice Brun, CF213 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF403 de M. Frédéric Descrozaille, ainsi que les amendements identiques CF671 de Mme Lise Magnier et CF1150 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le taux de baisse du chiffre d’affaires sera vraisemblablement fixé, par décret, à 80 %. Il s’agit selon moi d’une double erreur : la viabilité d’une entreprise est déjà en péril à partir de 50 % de perte ; plus préoccupant encore, ce seuil semble réduire l’impact de la crise à la seule période du confinement alors que les dommages économiques seront durables.

Nous proposons de viser les entreprises qui ont connu « une baisse de leur chiffre d’affaires durablement supérieure à 50 % ».

Mme Patricia Lemoine. Les entreprises de taille intermédiaire ne doivent pas être exclues du dispositif.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit également de supprimer le seuil de 250 salariés afin que l’exonération bénéficie à toutes les entreprises, même les grandes.

M. Louis Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez de modifier le plafond d’effectifs. Je tiens à maintenir le plafond de 250 salariés – même si ce critère n’est pas le seul à définir les PME au sens communautaire –, car il correspond aux entreprises les plus fragiles.

Nous débattrons encore du taux de baisse du chiffre d’affaires permettant de caractériser la dépendance. J’estime qu’une perte des trois quarts, plutôt que de la moitié du chiffre d’affaires, représente une très forte baisse. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF153, CF213 et CF403, ainsi que les amendements identiques CF671 et CF1150.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1251 de M. Stéphane Buchou.

Elle examine l’amendement CF1400 de M. Jacques Cattin.

M. Jacques Cattin. Les quelque 38 000 magasins de souvenirs, qui ne sont pas intégrés au plan tourisme, doivent être éligibles au dispositif. Celui qui se trouve en face de la cathédrale de Strasbourg – il compte une dizaine d’employés –, a été fermé pendant deux mois et demi et son chiffre d’affaires a considérablement baissé.

M. Laurent-Saint-Martin, rapporteur général. Vous avez tout à fait raison, le code NAF de ces magasins doit figurer dans la liste S1. Je vous invite à présenter cet amendement en séance publique et je plaiderai en sa faveur.

M. Marc Le Fur. Nous aurons souvent l’occasion de revenir sur cette question des codes puisque certains commerces ont plusieurs activités : les bureaux de tabac vendent des journaux et des souvenirs. Avec les codes NAF, on ne s’en sortira jamais ! Vous recevrez dans vos permanences quantité de gens qui ne se trouveront pas dans les bonnes cases ! Il était autrement plus sage de raisonner à partir du chiffre d’affaires.

M. Jacques Cattin. Si l’on se fonde sur le chiffre d’affaires, les ventes de tabac devraient avoir augmenté suite à la fermeture des frontières.

M. Laurent-Saint-Martin, rapporteur général. Je propose le retrait des amendements visant à compléter la liste S1 ou la liste S1 bis afin qu’ils soient discutés en séance publique. Adopter un amendement tel que celui de M. Cattin impliquerait de lister l’ensemble des activités relevant du tourisme…

M. le président Éric Woerth. Je précise que la liste S1 vise les activités soumises à des restrictions d’activité au-delà de la période du confinement et la liste S1 bis les activités dépendantes des activités de la liste S1. Il n’y a pas encore de listes S2 et S2 bis, mais comme c’est parti, vous y viendrez (Sourires) !

L’amendement CF1400 est retiré.

La commission examine l’amendement CF356 de Mme Sophie Panonacle.

Mme Sophie Panonacle. Il s’agit de s’assurer que les entreprises qui exercent leur activité dans le secteur du transport maritime de passagers, y compris les services nautiques portuaires associés, soient considérées comme appartenant au secteur du tourisme et puissent être incluses dans la liste S1. Je rappelle que le transport aérien de passagers en fait partie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage votre point de vue et trouve curieux que la liste S1 inclue seulement le transport maritime traversant la Manche. Sans doute faut-il y ajouter les transports de passagers effectués à partir des eaux françaises. Je vous propose de retirer votre amendement pour le présenter en séance publique.

L’amendement CF356 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF1255 de M. Stéphane Buchou.

La commission examine les amendements identiques CF497 de Mme Jeanine Dubié, CF562 de Mme Christine Pires-Beaune, CF635 de Mme Lise Magnier, CF702 de Mme Patricia Lemoine, CF704 de M. Vincent Ledoux, CF774 de Mme Véronique Louwagie et CF1129 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. François Pupponi. L’agriculture doit être incluse dans la liste S1.

M. Jean-Louis Bricout. Les entreprises de ce secteur doivent effectivement bénéficier de l’exonération de charges sociales.

M. Vincent Ledoux. Le ministre de l’agriculture a déclaré vouloir soutenir les fromages sous signes de qualité et a annoncé que la filière laitière serait éligible aux exonérations de cotisations. Mais la poule ne retrouve pas ses poussins. Voici l’occasion de tenir l’engagement pris devant la représentation nationale.

Mme Véronique Louwagie. Les listes S1 et S1 bis sont-elles établies ? Est-il possible d’en avoir connaissance ?

M. le président Éric Woerth. Vous les trouverez dans le communiqué de presse du Gouvernement publié sur internet.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le ministre de l’agriculture s’est en effet engagé à intégrer la filière laitière dans ce dispositif. Or les AOP et AOC, spécifiquement les fromages AOP-IGP, en sont apparemment exclues. Les professionnels, qui ont travaillé durant tout le confinement, rencontrent des difficultés pour écouler leurs productions. Leur travail doit être reconnu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La production de fromages sous AOP-IGP figure bien dans la liste S1 bis. J’en profite pour dire à Mme Louwagie que le communiqué de presse présente une liste non définitive puisque le décret n’est pas encore pris. Nous souhaitons tous qu’elle soit complétée de la façon la plus juste et la plus précise possible.

Vous proposez d’inclure l’agriculture parmi les secteurs prioritaires au sens de l’article 18. Ce secteur a en effet souffert de la crise, tout le monde en est d’accord, mais il n’a pas cessé « administrativement » ses activités. Je renvoie aux initiatives qui ont été prises, dont la plateforme « Des bras pour ton assiette » et à un certain nombre d’amendements votés dans le cadre du deuxième PLFR.

Pour autant, ce secteur reste fragile et nous devons continuer à l’accompagner. Je vous propose de retirer ces amendements et d’échanger franchement avec le Gouvernement pour envisager d’autres actions en faveur de l’agriculture.

Si les entreprises agricoles peuvent bénéficier des exonérations et sont éligibles aux mécanismes de remise partielle des dettes sociales, ces dernières ne sont en l’état pas ouvertes aux indépendants et aux travailleurs non-salariés (TNS) agricoles, malheureusement trop souvent oubliés. Je défendrai plus loin un amendement afin qu’ils bénéficient de ce dispositif.

M. François Pupponi. Quid des agriculteurs qui ne livrent qu’à des structures qui ont été fermées ? Ils n’ont pas travaillé ! S’ils doivent payer des cotisations pour des périodes où ils n’ont pas eu d’activité, leur situation deviendra insupportable.

Mme Martine Leguille-Balloy. Des secteurs de niches, comme celui de la production de pigeons et canards à rôtir, n’ont eu droit à rien. Faute de bénéficier de rentrées d’argent avant de parvenir à écouler leurs stocks, ils connaîtront d’importantes difficultés. Non, tous les agriculteurs n’ont pas travaillé pendant la crise et les conséquences sont encore à venir !

M. Marc Le Fur. Les producteurs de fromages AOP, notamment, rencontrent des problèmes. Mais qu’adviendra-t-il des nombreuses exploitations qui ne livrent pas qu’à une seule filière ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. À mes yeux, c’est bien la baisse du chiffre d’affaires qui détermine la dépendance, fût-ce à l’endroit de plusieurs clients.

M. Pupponi a raison : l’agriculture a subi les conséquences de la crise et tout le monde n’a pas pu continuer à travailler en raison d’une dépendance vis-à-vis de secteurs qui ont dû cesser leurs activités. C’est précisément pourquoi la liste S1 bis mentionne la production de fromages sous AOP-IGP mais aussi l’herboristerie, l’horticulture et la vinification. L’agriculture n’est pas prioritaire au sens de l’article 18 puisque ce secteur n’a pas été contraint à l’arrêt, mais cela ne signifie évidemment pas qu’elle ne doive pas être aidée par ailleurs.

Il conviendra de proposer d’inclure dans la liste des secteurs dépendants ceux, très particuliers, que vous avez évoqués, même si je ne sais pas trop comment y intégrer la production de volailles rôties. Pour le dire simplement, il faudra inclure tous les secteurs qui n’ont pas pu vendre à des clients dont l’activité avait cessé.

M. le président Éric Woerth. Bon courage…

La commission rejette les amendements identiques CF497, CF562, CF635, CF702, CF704, CF774 et CF1129.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1461 de M. M'jid El Guerrab.

Elle examine l’amendement CF1087 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Le transport ferroviaire de marchandises a joué un rôle essentiel pendant cette crise sanitaire et il est important de le soutenir. Je propose qu’il soit éligible au dispositif.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme l’agriculture, ce secteur n’a pas cessé ses activités mais il a subi les conséquences de la crise. Nous devrons donc étudier des plans de relance. En attendant, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement CF1087 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1080 de M. Marc Le Fur et CF524 de M. Saïd Ahamada.

M. Marc Le Fur. Une partie du transport maritime est incluse dans la liste S1 bis qui, à ce jour, relève du simple communiqué. Je souhaite que ce secteur soit considéré comme le transport aérien et figure à l’alinéa 5.

M. Saïd Ahamada. À ce jour, et ce n’est pas faute d’avoir interrogé qui de droit, nul ne m’a expliqué la différence de traitement, à l’article 18, entre les transports aérien et maritime de passagers. Notre devoir consiste aussi à alerter le Gouvernement : économiquement, le secteur maritime pèse plus que celui de l’automobile et il est absent de ce troisième PLFR.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce sont d’excellents amendements car la question se pose en effet ; nous en débattrons en séance publique. Je comparerai d’ici là les situations respectives des deux secteurs, à partir notamment des travaux du groupe d’études sur l’économie maritime, mais il me semble a priori qu’elles sont assez analogues. Si nous répondons aux difficultés dans le domaine du transport des personnes, ce n’est pas le cas, me semble-t-il, pour la partie fret.

M. Saïd Ahamada. Seul le transport de passagers est en effet évoqué, de surcroît hors délégation de service public.

M. le président Éric Woerth. Pourquoi hors DSP ?

M. Saïd Ahamada. Dans ce dernier cas, des modes de compensation pourraient être envisagés avec les collectivités territoriales mais, en l’occurrence, 100 % du chiffre d’affaires dans le secteur du transport de passagers a subi les conséquences de la crise.

M. Marc Le Fur. L’armateur français le plus important, Brittany Ferries, qui transporte essentiellement des passagers, était totalement à l’arrêt. Il convient donc d’adopter ces amendements et nous verrons en séance publique ce qu’en pense le Gouvernement.

Mme Sophie Panonacle. La liste S1 mentionne le transport trans-Manche ; pourquoi les autres n’y figureraient-ils pas ?

M. Marc Le Fur. La liste S1, ce n’est pas la loi ! Le transport aérien y figure, pas le transport maritime ! Il faut l’y inclure !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La mention du seul transport trans-Manche dans la liste S1 est insuffisante, nous l’avons dit, mais je reste défavorable à l’adoption des amendements. Je vous invite à les retirer et à débattre de ces questions en séance publique.

M. François Pupponi. De la même manière, le transport maritime de passagers entre le continent et la Corse a cessé, tout comme vers le Maghreb.

M. le président Éric Woerth. Vous vous engagez dangereusement dans une sectorisation si fine que vous oublierez des pans entiers d’activité.

La commission rejette successivement les amendements CF1080 et CF524.

Elle examine l’amendement CF612 de M. Michel Castellani.

M. François Pupponi. Nous proposons de mentionner à l’alinéa 4 le secteur de l’agroalimentaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il ne s’agit pas d’un secteur prioritaire au sens de l’article 18, mais d’un secteur dépendant, visé à l’alinéa 5. Le secteur agroalimentaire – commerce de gros de produits laitiers, œuf, huile, commerce de gros de produits alimentaires spécialisé divers, etc. – figure bien dans la liste S1 bis publiée sur internet.

M. le président Éric Woerth. L’alinéa 5 manque de précision ; la distinction entre les secteurs prioritaires et les secteurs dépendants n’est pas intuitive.

L’amendement CF612 est retiré.

La commission examine l’amendement CF299 de M. Bertrand Pancher.

M. François Pupponi. Nous proposons d’inclure l’agritourisme parmi les secteurs visés à l’alinéa 4.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement semble satisfait. Je vous invite à le retirer et à le présenter à nouveau en séance publique afin que le Gouvernement nous assure que le secteur est bien considéré comme prioritaire ou, à tout le moins, comme secteur dépendant.

L’amendement CF299 est retiré.

La commission examine les amendements identiques CF829 de M. François-Michel Lambert et CF1418 de Mme Sira Sylla.

M. François Pupponi. Nous proposons de mentionner l’économie sociale et solidaire (ESS) à l’alinéa 4.

M. Vincent Ledoux. Il convient en effet d’exonérer totalement de cotisations sociales les entreprises exerçant dans ce secteur.

M. Laurent Sant-Martin, rapporteur général. L’ESS n’étant pas un secteur d’activité mais une forme transversale d’économie, avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques CF829 et CF1418.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CF571 de Mme Sylvia Pinel et les amendements identiques CF193 de M. Marc Le Fur, CF224 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF250 de M. Vincent Ledoux et CF306 de Mme Patricia Lemoine.

M. François Pupponi. Il convient d’inclure dans le dispositif les entreprises du bâtiment et travaux publics qui ont subi une perte de 50 % de leur chiffre d’affaires.

M. Marc Le Fur. S’agissant du BTP, nous n’avons pas obtenu satisfaction sur le taux de TVA et je n’ai pas eu de réponse en ce qui concerne les surcoûts liés aux contraintes sanitaires et à l’impossibilité, pour plusieurs corps de métiers, de travailler ensemble. Ce secteur devrait au moins figurer sur la fameuse liste des secteurs prioritaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes bien d’accord, le BTP n’est pas intégré à la liste S1 ?

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. En effet.

M. Vincent Ledoux. Compte tenu de leur poids dans l’économie et de leur importance dans l’activité des territoires, les entreprises du secteur du BTP devraient bénéficier de ce dispositif.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le BTP ne figure pas dans les listes S1 et S1 bis pour les raisons précédemment évoquées. Pour autant, les entreprises du BTP de moins de 50 salariés peuvent bénéficier de remises de dette sociale, et toutes peuvent prétendre à l’étalement de paiement jusqu’à 36 mois prévus par l’article 18, sans parler des mesures générales comme le fonds de solidarité, l’activité partielle et le PGE.

Il n’en reste pas moins qu’un plan sera nécessaire pour ce secteur, qui a été touché et qui redémarre progressivement, avec les difficultés sanitaires que nous connaissons.

Je rappelle, enfin, que le BTP bénéficiera indirectement des augmentations d’avance dans les marchés publics, de la hausse d’un milliard d’euros de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et des dispositifs spécifiques sur les surcoûts, avec prise en charge solidaire. Ce secteur n’est pas oublié, loin de là. Le Gouvernement et la majorité ont pleine conscience des besoins qui sont les siens.

La commission rejette successivement l’amendement CF571 et les amendements identiques CF193, CF224, CF250 et CF306.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF1342 de M. Stéphane Buchou. 

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1125 de Mme Pascale Fontenel-Personne, CF1152 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques CF208 de M. Marc Le Fur et CF218 de M. Fabrice Brun, les amendements identiques CF431 de Mme Véronique Louwagie et CF509 de M. Charles de Courson, les amendements CF1216 de M. Dominique Potier, CF667 de M. Paul-André Colombani, CF150 de M. Marc Le Fur, CF1043 de M. Marc Le Fur, CF1140 de Mme Pascale Fontenel-Personne, CF767 de M. Jean-Félix Acquaviva, les amendements identiques CF266 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF467 de Mme Lise Magnier, CF764 de Mme Sylvia Pinel, CF784 de Mme Sarah El Haïry, CF799 de Mme Véronique Louwagie et CF1051 de M. Jacques Cattin, ainsi que les amendements CF986 de Mme Barbara Bessot Ballot, CF1184 de Mme Pascale Fontenel-Personne et CF1459 de M. Joël Giraud.

Mme Véronique Louwagie. Pour préciser à l’alinéa 5 la notion de « très forte baisse du chiffre d’affaires », il est proposé de retenir un taux de perte de 50 % par rapport au chiffre d’affaires réalisé entre le 1er février et le 31 mai 2019.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons de préciser que le chiffre d’affaires réalisé en avril 2020 doit être de 50 % inférieur à celui réalisé en avril 2019.

M. Joël Giraud. Dans une forme plus littéraire, il est proposé de substituer aux mots « très forte baisse », qui qualifieraient une baisse du chiffre d’affaires proche de 80 %, les mots « une baisse significative », qui qualifieraient une baisse d’environ 60 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le pourcentage de perte du chiffre d’affaires permet de caractériser la dépendance. Mon rôle est de m’assurer de la faisabilité d’une telle mesure car c’est la constitutionnalité de l’article qui est en jeu. Je peux entendre que le seuil de 80 % de perte du chiffre d’affaires paraisse trop élevé, mais les seuils proposés dans ces amendements sont trop bas. Pour répondre à M. Giraud, la différence entre « très forte baisse » et « baisse significative », qui pourrait déjà qualifier la perte d’un tiers du chiffre d’affaires, est notable. La discussion que nous aurons en séance publique sera à cet égard très importante. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Une entreprise sera donc considérée comme bien portante et non éligible au dispositif si elle n’a perdu « que » 79 % de son chiffre d’affaires ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Tout l’intérêt de la voie réglementaire est de rendre les effets de seuil moins rigides et d’introduire de la souplesse administrative, comme pour le fonds de solidarité. Je l’ai dit dès le premier PLFR, il est important de ne pas laisser tomber des entreprises dont le pourcentage de baisse serait tout juste inférieur aux seuils.

Surtout, l’article 18 ne se limite pas aux exonérations, mais contient d’autres mesures comme les plans d’apurement ou les remises de dette sociale. Cela représente tout de même 4,5 milliards d’euros de pertes de recettes pour l’État !

M. Jean-Louis Bricout. Pour éviter les effets de seuil, ne pourrait-on pas lier le pourcentage de perte du chiffre d’affaires et le niveau d’exonération des cotisations ?

M. le président Éric Woerth. C’est le sens d’un amendement que j’ai défendu tout à l’heure ! En politique, personne ne s’écoute.

La commission rejette successivement les amendements CF1125, CF1152, les amendements identiques CF208 et CF218, les amendements identiques CF431 et CF509, les amendements CF1216, CF667, CF150, CF1043, CF1140, CF767, les amendements identiques CF266, CF467, CF764, CF784, CF799 et CF1051, ainsi que les amendements CF986, CF1184 et CF1459.

Puis elle en vient à l’examen de l’amendement CF1289 de Mme Martine Leguille-Balloy. 

Mme Martine Leguille-Balloy. Je veux appeler votre attention sur la situation de certaines filières avicoles d’excellence, comme l’élevage de canards et de pigeons à rôtir, destinés aux restaurants et à l’exportation, notamment vers le Japon et la Chine. Les producteurs ne subiront les pertes économiques que dans les mois à venir car d’importants stocks ont été constitués durant le confinement. La vente des prochaines productions n’adviendra pas avant six mois ; d’ici là, les éleveurs n’auront aucun revenu. Cet amendement est sans doute mal rédigé, mais il permet de vous interpeller sur le sort de ces filières d’exception, dont la survie n’est pas certaine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sans mauvais jeu de mots, cet amendement ne vole pas, car il mentionne des pertes futures de chiffre d’affaires (Sourires). Je vous propose d’en discuter en séance.

La commission rejette l’amendement CF1289.

Elle examine l’amendement CF355 de Mme Sophie Panonacle. 

Mme Sophie Panonacle. Les entreprises de conchyliculture doivent être mentionnées à l’alinéa 5.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Amendement satisfait. La conchyliculture figure sur la liste S1 bis au titre de l’aquaculture. Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement, en vue de la séance.

L’amendement CF355 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF863 de M. Stéphane Mazars.

Puis elle examine l’amendement CF1038 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. 

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. La viticulture figure sur la liste S1 bis aux côtés des commerces de gros, de chaussures et de vêtements. Mais tandis que ces commerces bénéficiaient des mesures de chômage partiel, les vignes continuaient de pousser et les viticulteurs de s’en occuper. Leur chiffre d’affaires a pourtant fortement baissé en raison de la fermeture des cafés, des restaurants et des caveaux de vente. Je rappelle que ce secteur représente 600 000 emplois, rapporte 12 milliards d’euros de TVA et réalise 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Parce qu’un pied de vigne n’est pas une chaussure, je propose de créer une liste S1 ter qui rassemblerait toutes les activités en lien avec le vivant : les entreprises pourraient bénéficier d’une exonération totale des cotisations sociales pour une perte de chiffre d’affaires supérieure à 60 % et, en deçà, d’une exonération à hauteur de 50 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous renvoie à l’amendement que je défendrai ultérieurement. Retrait.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Votre amendement prévoit d’inclure les TNS agricoles et les indépendants mais il n’introduit pas une modulation de l’exonération de charges. Je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement CF1038.

La commission examine les amendements identiques CF926 de M. Gabriel Serville et CF1364 de M. Lénaïck Adam. 

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous proposons de prolonger la durée du dispositif en Guyane et à Mayotte, où l’état d’urgence sanitaire a été prorogé jusqu’au 30 octobre. Les autorités ont été amenées non seulement à réduire considérablement les libertés individuelles dans ces territoires, mais aussi à reconfiner partiellement. Il convient de continuer à accompagner le tissu économique local, composé principalement de TPE et de PME déjà très fragilisées par les deux mois de confinement nationaux. Je considère avoir défendu également l’amendement CF960.

M. Olivier Serva. Tandis que les plus grandes sont confrontées à la concurrence et aux situations oligopolistiques fréquentes en outre-mer, les petites entreprises se battent pour dégager quelques marges. Si vous ajoutez à cela les cyclones, la pollution par le chlordécone, l’invasion des sargasses et autres calamités, elles ne peuvent plus faire face et peinent à se mettre à jour socialement et fiscalement. Les entreprises d’outre-mer doivent jouir d’un statut particulier ; c’est l’objet de cet amendement et de ceux que nous vous présenterons.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis réservé sur le fait de calquer la période d’exonération sur celle de l’état d'urgence sanitaire. Mais il faut tenir compte de la situation sanitaire de la Guyane et de Mayotte, et j’émets un avis de sagesse.

La commission adopte les amendements identiques CF926 et CF1364 (amendement  2185).

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CF1153 de Mme Véronique Louwagie et CF950 de Mme Christine Pires Beaune. 

Mme Véronique Louwagie. L’exonération de cotisations pour les entreprises de moins de 10 salariés porte sur la période d’emploi comprise entre le 1er février et le 30 avril. Nombre d’entreprises qui ont eu recours au chômage partiel ne sont pas concernées. Nous proposons d’étendre l’application du dispositif à la période courant immédiatement après la fin du confinement, soit du 30 avril au 31 juillet, afin d’accompagner la reprise de l’activité économique.

M. Jean-Louis Bricout. Il convient d’uniformiser, par le haut, les périodes d’emploi prises en compte pour le bénéfice de l’exonération de cotisations et les périodes d'activité prises en compte pour les mesures d’aide à destination des travailleurs indépendants.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CF1153 et CF950.

Puis elle examine les amendements CF1154 et CF1155 de Mme Véronique Louwagie. 

Mme Véronique Louwagie. Il convient de relever de 10 salariés à 250 salariés, voire de supprimer le plafond d’effectifs prévu à l’alinéa 6.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CF1154 et CF1155.

Elle est saisie des amendements identiques CF892 de M. Vincent Ledoux et CF928 de M. Fabrice Brun.  

M. Vincent Ledoux. Il est proposé d’étendre l’exonération des cotisations aux entreprises, notamment artisanales, de moins de 10 salariés qui ont perdu plus de 50 % de leur chiffre d’affaires pendant la période allant du 1er février 2020 au 30 avril 2020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CF892 et CF928.

Puis elle examine l’amendement CF1270 de M. Benoit Potterie. 

M. Benoit Potterie. Substituer au mot « volontaires » les mots « non subies » permettrait de rendre éligibles au dispositif les commerces qui n’ont pas été soumis à une fermeture administrative mais qui ont été contraints de fermer. Ce pourrait être le cas, par exemple, d’un chocolatier installé dans une galerie marchande.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 6 qui vise les commerces dont l’activité « a été interrompue du fait de la propagation de l’épidémie de Covid19, à l’exclusion des fermetures volontaires ».

M. Benoit Potterie. On pourrait considérer que la fermeture est volontaire dès lors qu’elle n’est pas le fait d’une décision administrative.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous propose de retirer l’amendement afin de le défendre à nouveau en séance.

L’amendement CF1270 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF502 de M. M’Jid El Guerrab. 

Puis elle examine l’amendement CF623 de Mme Christine Pires Beaune. 

M. Jean-Louis Bricout. En attendant un plan spécifique, nous proposons d’inclure le secteur du BTP parmi ceux visés à l’alinéa 4.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons eu cette discussion. Je vous propose de retirer votre amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement CF623.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF1124 de M. Paul-André Colombani. 

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CF108 de Mme Véronique Louwagie, CF117 de Mme Valérie Bazin-Malgras et CF255 de Mme Marie-Christine Dalloz et les amendements CF572 et CF575 de Mme Sylvia Pinel. 

Mme Marie-Christine Dalloz. Une mesure comme l’annulation des charges sociales pour 2020 permettrait d’accompagner la relance dans le secteur du BTP. Il faudra, en séance publique, ouvrir un débat sur la nécessité d’un plan spécifique. Le rapporteur général lui-même l’a reconnu.

M. François Pupponi. L’exonération de charges, totale ou partielle, permettra aux entreprises déjà en difficulté de supporter les surcoûts liés à la mise en œuvre des gestes barrières et des mesures de protection des salariés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour les raisons déjà exposées, et parce que la période d’emploi envisagée constitue un facteur de rupture d’égalité, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF108, CF117 et CF255, et les amendements CF572 et CF575.

La commission examine l’amendement CF1257 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Le Gouvernement a limité l’exonération des charges aux entreprises de moins de dix salariés ayant subi une fermeture administrative. Mais, dans nos circonscriptions, des commerçants viennent nous voir. Ils souhaitaient souvent rester ouverts mais ne le pouvaient pas, pour différentes raisons.

L’amendement propose de corriger le dispositif en intégrant un critère lié à la baisse de chiffre d’affaires. Ainsi, tous les commerces qui ont connu une baisse d’au moins 70 % de leur chiffre d’affaires pourraient bénéficier de cette exonération.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable pour les raisons déjà exposées hier soir.

L’amendement CF1257 est retiré.

La commission passe aux amendements identiques CF794 de Mme Véronique Louwagie et CF1069 de M. Jacques Cattin, faisant l’objet du sous-amendement CF1492 du rapporteur général.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’étendre l’exonération aux groupements d’employeurs dont les membres exercent leur activité principale dans les secteurs retenus au titre de l’article 18. Il semble qu’ils aient été oubliés.

M. Jacques Cattin. Pour éviter la précarisation des emplois, la mutualisation de la main-d’œuvre profite avant tout aux entreprises de petite taille. Il ne faut donc pas écarter les groupements d’employeurs du bénéfice de ces dispositions car ils sont un recours précieux pour les petites structures, particulièrement touchées par la situation que nous vivons.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis favorable à ces amendements, sous réserve d’un sous-amendement qui vise à préciser que l’exonération porte sur les cotisations dues au titre des contrats des salariés mis à disposition et qu’elle concerne uniquement les adhérents qui relèvent de secteurs ciblés.

La commission adopte le sous-amendement CF1492, puis elle adopte les amendements identiques CF794 et CF1069 ainsi sous-amendés (amendement  2187).

Elle en vient aux amendements identiques CF960 de M. Gabriel Serville et CF1362 de M. Lénaïck Adam.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement CF926, adopté hier, étend aux deux territoires où l’état d’urgence sanitaire a été prolongé, la Guyane et Mayotte, le dispositif d’aide mis en place dans le cadre de la crise sanitaire pour les entreprises des secteurs prioritaires et des secteurs dépendants. L’amendement CF960 propose d’insérer la même disposition après l’alinéa 6 pour les entreprises de moins de 10 salariés des autres secteurs.

M. Benoit Potterie. L’amendement CF1362 est défendu. Il s’agit d’un amendement de mon collègue Lénaïck Adam.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme hier soir, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte ces amendements CF960 et CF1362 (amendement  2186).

Elle examine ensuite l’amendement CF1254 de Mme Lise Magnier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous demanderai de bien vouloir le retirer pour poser la question au Gouvernement en séance publique.

L’amendement CF1254 est retiré.

Puis, suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1231 de M. Vincent Ledoux.

Elle passe aux amendements identiques CF430 de Mme Véronique Louwagie et CF669 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de prévoir que tous les fournisseurs de l’agroalimentaire – notamment toutes les entreprises liées à la restauration hors domicile – sont inclus dans le dispositif d’exonérations envisagé à l’article 18.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous souhaitez que l’on respecte le principe d’égalité. Votre demande est, par définition, satisfaite. Mon avis sera défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Tous les métiers de la restauration hors domicile sont-ils inclus et bénéficient-ils des exonérations ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat hier soir concernant les listes. Effectivement, certains secteurs sont éligibles, et le principe d’égalité devant la loi doit nécessairement être respecté.

La commission rejette ces amendements identiques CF430 et CF669.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite successivement les amendements CF611 de M. Michel Castellani et CF666 de Mme Lise Magnier.

 

La commission en vient aux amendements identiques CF219 de M. Fabrice Brun et CF432 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 18 prévoit des exonérations pour certains secteurs d’activité. En conséquence, des entreprises vont être laissées pour compte. Il est important de traiter et d’analyser ces cas. L’amendement vise à prévoir la création d’un guichet unique dédié au traitement et à l’analyse de ces oublis.

M. le président Éric Woerth. C’est une bonne idée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends l’idée, mais il risque d’y avoir beaucoup de cas particuliers. Il faut faire confiance à la DGFiP dans les territoires – c’est l’éternel sujet de l’application des dispositions que nous votons. Cette administration l’a prouvé à de nombreuses reprises : elle est tout à fait capable de travailler au cas par cas quand les dossiers sont difficiles. Faut-il créer des équipes dédiées ? Je ne le crois pas. Un guichet unique n’est pas non plus nécessaire.

À l’inverse, nous pouvons profiter de votre amendement pour rappeler que les effets de seuil peuvent créer des difficultés et appeler l’administration à interpréter intelligemment le droit.

M. le président Éric Woerth. Mais il faut lui en laisser la possibilité et dire à l’administration quel doit être son comportement.

Mme Véronique Louwagie. J’entends vos arguments monsieur le rapporteur. Je fais bien sûr confiance à l’administration mais, en l’absence de guichet unique, les interprétations ou l’appréciation des orientations risquent d’être différentes d’un territoire à l’autre. À l’inverse, un guichet unique permettrait de centraliser les différentes situations et de diffuser une information identique sur tout le territoire.

M. le président Éric Woerth. Là, il s’agit plus des Urssaf que des directions départementales des finances publiques (DDFI).

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les guichets uniques sont également porteurs d’un risque d’engorgement. Notre travail de parlementaire, c’est de nous assurer qu’en cas de difficultés, les contribuables disposent de possibilités de médiation et de contestation d’un refus. Nous sommes tous d’accord : il faut que l’administration ait une sorte de liberté sur le terrain et il y a là une marge importante de progrès.

M. le président Éric Woerth. Il faudra que les modalités d’appréciation soient clairement indiquées dans les circulaires d’application. Sinon, il n’y en aura aucune…

Mme Cendra Motin. Pour toute question relative aux Urssaf et aux cotisations, il est aussi possible de demander un rescrit, par lequel l’administration prend position et qui lui est ensuite opposable.

M. le président Éric Woerth. Mais, dans ce cas, on bascule dans les recours…

La commission rejette les amendements CF219 et CF432.

Puis elle examine l’amendement CF580 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’article 18 prévoit une exonération totale de cotisations sociales patronales pour les employeurs relevant des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, pour un montant de 1,3 milliard d’euros. Bien que notre groupe ne soit pas favorable aux mesures d’exonérations sociales qui privent la sécurité sociale de ressources, il s’agit en l’espèce d’une mesure de soutien économique pour des secteurs d’activité qui ont beaucoup souffert pendant la crise sanitaire. Nous n’en contestons donc pas l’opportunité.

Toutefois, les aides publiques accordées aux entreprises sous forme d’allégements sociaux ne peuvent être versées sans contrepartie, notamment en termes de maintien de l’emploi. Représentant déjà 70 milliards d’euros, elles doivent être conditionnées, contrôlées et sanctionnés si leur utilisation par les entreprises devient abusive ou non conforme.

C’est pourquoi notre amendement vise à minorer l’exonération lorsque les employeurs détruisent des emplois en 2020 malgré le soutien de la puissance publique. Un décret préciserait les modalités de calcul de la minoration.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Défavorable. Je ne souhaite aucune minoration d’exonération. Il faut y aller franchement ! Ces secteurs en ont bien besoin.

M. le président Éric Woerth. C’est une conditionnalité compliquée…

La commission rejette l’amendement CF580.

Elle passe à l’amendement CF653 de M. Michel Castellani.

M. François Pupponi. S’agissant de la Corse, j’ai bien compris que nous attendions la réponse du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est une très bonne défense d’amendements ! Pour les raisons évoquées hier soir, l’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF653.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF697 de M. François Pupponi.

Elle examine l’amendement CF1156 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons déjà abordé le sujet hier soir : il s’agit de la période d’emploi permettant de calculer l’exonération. L’amendement vise à élargir cette période jusqu’au 31 juillet, dans les deux situations prévues à l’article 18.

Il est important d’accompagner la reprise d’activité, encore partielle, alors que beaucoup d’entreprises restent en sous-activité, réalisant un chiffre d’affaires encore très inférieur à leur point mort, c’est-à-dire au chiffre d’affaires qui permet de faire face aux charges fixes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’y suis défavorable. Il faut rester sur les périodes liées à la fermeture, au cœur de la crise que nous avons vécue.

La commission rejette l’amendement CF1156.

Elle en vient à l’amendement CF364 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’amendement concerne les pêcheurs.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF364.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF483 de M. Julien Dive, puis l’amendement CF1064 de Mme Paula Forteza et l’amendement CF1229 de Mme Michèle Victory.

Elle passe à l’amendement CF1493 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement étend aux travailleurs indépendants et aux travailleurs non salariés agricoles le bénéfice de la remise partielle de dettes sociales prévu à l’article 18. Il fait suite à nos échanges avec Mme Verdier-Jouclas et M. Cattin concernant les modalités de soutien additionnel au secteur agricole.

La commission adopte l’amendement CF1493 (amendement n° 2188).

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF175 et CF178 de Mme Lise Magnier, ainsi que l’amendement CF1157 de Mme Véronique Louwagie.

Elle examine l’amendement CF1330 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mon avis est favorable car il s’agit de permettre aux indépendants de se voir proposer un plan d’apurement avant la fin de l’année 2020, sans démarche, et portant sur les cotisations dues au-delà du 30 juin 2020.

La commission adopte l’amendement CF1330 (amendement  2189).

La commission passe à la discussion commune des amendements identiques CF154 de M. Fabrice Brun et CF1158 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que des amendements identiques CF1048 de M. Marc Le Fur et CF1159 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF1158 vise à corriger les effets de seuil et à permettre à toutes les entreprises de bénéficier de la remise de dettes sociales, quel que soit leur effectif.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne souhaite pas modifier le plafond du texte, fixé à cinquante salariés. L’équilibre trouvé est satisfaisant. Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF154 et CF1158, ainsi que les amendements identiques CF1048 et CF1159.

Puis elle examine l’amendement CF446 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 18 propose une remise partielle, qui ne peut excéder 50 % des sommes dues. Je regrette ce plafond, la remise partielle de cotisations qui en résulte étant largement insuffisante. L’amendement propose en conséquence de supprimer le plafond de 50 % et de prévoir une remise totale pour certaines entreprises en grande difficulté.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme je vous l’ai expliqué hier, l’article 18 prévoit un dispositif à plusieurs étages : pour les secteurs prioritaires, dépendants et fermés, en fonction d’un plafond d’emplois, des exonérations de charges ; pour tous ceux situés hors de ce champ S1 ou S1 bis, la possibilité de remises de dettes sociales – de l’ordre de 50 %

La remise de dettes sociales est un outil complémentaire pour toutes les petites entreprises hors du champ des exonérations, lorsqu’elles ont connu une forte baisse de chiffre d’affaires – au moins 50 % entre février et mai. Il est juste et proportionné. Vous souhaitez l’aligner sur les exonérations, mais nous assumons le ciblage sur les secteurs prioritaires et dépendants. Je serai donc défavorable à votre amendement.

Mme Véronique Louwagie. J’entends vos arguments. Je vous rappelle que la remise n’est pas systématique puisqu’elle est laissée à l’appréciation du directeur des Urssaf, les conditions étant fixées par décret. En plafonnant la remise, vous limitez les effets de la mesure et ne permettez pas d’agir avec discernement. Parfois, une remise de dette de 50 % ne servira à rien car elle sera insuffisante pour que l’entreprise rebondisse…

M. François Pupponi. Certes, monsieur le rapporteur général, cette disposition va dans le bon sens – même si on pourrait faire mieux. Mais prévoyez-vous également des sursis de paiement ? Nous savons tous comment fonctionnent les Urssaf. Si les entreprises ne paient pas, il ne faudrait pas que cela entraîne des mises en demeure avant l’étude de la remise.

M. le président Éric Woerth. Il est toujours compliqué de laisser la possibilité aux gendarmes de déroger. Le projet de loi se rapproche de ce que nous avions proposé, même si les proportions sont inverses – 80 % de baisse du chiffre d’affaires et 50 % de remise. À partir du moment où le directeur de l’Urssaf local doit donner son accord, vous aurez autant de décisions que de cas de figure, ou un cadre fixé par l’administration si rigide que le système sera très complexe…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. François Pupponi a raison, les remises de dettes sociales interviendront dans le cadre d’un plan d’apurement. C’est prévu par l’article 18, jusqu’à trente-six mois, avec une possibilité de remise de dettes sociales en fonction de la perte de chiffre d’affaires. Une entreprise hors secteurs prioritaires qui a perdu 50 % de son chiffre d’affaires pendant la crise en aura besoin…

M. le président Éric Woerth. Il faut que les Urssaf puissent répondre dans des délais corrects car beaucoup d’entreprises vont être concernées.

Mme Cendra Motin. Les Urssaf proposent déjà des plans d’apurement tous les jours pour les entreprises en difficulté – certes pas sur trente-six mois, mais les circonstances actuelles sont exceptionnelles. Ses personnels, en responsabilité, pourront adapter leurs décisions aux entreprises et aux territoires car la situation n’est pas identique partout.

Il faut leur faire confiance car ils ont démontré qu’ils savaient réaliser ce type d’arbitrage. Arrêtons de vouloir poser des cadres encore plus rigides que ceux qu’imagine l’administration !

M. le président Éric Woerth. C’est un peu contre-nature.

Mme Véronique Louwagie. Madame Motin, je suis d’accord avec vous. Mais que faites-vous à l’article 18 ? Vous ne faites pas confiance aux Urssaf puisque vous limitez la remise à 50 %. Puisqu’ils font preuve de discernement, vous devriez leur laisser la possibilité de prendre en compte la situation des entreprises, qu’ils connaissent très bien.

La commission rejette l’amendement CF446.

Elle passe à l’amendement CF1331 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Bruno Duvergé. L’amendement propose d’ouvrir le bénéfice du dispositif de remises de dettes aux employeurs qui ne rempliraient pas les conditions de réduction d’activité, sur décision de l’organisme de recouvrement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1331.

Elle en vient à l’amendement CF814 de M. Hervé Pellois.

Mme Stella Dupont. L’amendement concerne le secteur agricole. Les cotisations sociales des exploitants agricoles sont calculées en moyenne triennale. La crise touche certaines productions – horticulture, viticulture, centres équestres, etc. Par le passé, lors de la crise dite de la vache folle, ce calcul avait été modifié pour ne prendre en compte que l’année en cours. L’amendement propose que les cotisations sociales des exploitants soient donc calculées cette année uniquement sur l’année 2020, concernée par la baisse de revenus. Cela aurait un impact positif sur la trésorerie des exploitants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons débattu des questions d’assiette hier. Mon avis sera donc défavorable. Nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau en séance avec le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement CF814.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

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Après l’article 18

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques CF340 de M. Martial Saddier et CF371 de Mme Jeanine Dubié.

La commission est saisie de deux amendements identiques CF507 de Mme Jeanine Dubié et CF537 de Mme Émilie Bonnivard.

M. François Pupponi. Il s’agit de réformer le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) en tenant compte du potentiel financier agrégé.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette ces amendements identiques CF507 et CF537.

Puis elle rejette, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, les amendements identiques CF499 de Mme Jeanine Dubié et CF535 de Mme Émilie Bonnivard.

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Article additionnel après l’article 18
Report des délais de vote pour la répartition dérogatoire du prélèvement ou du reversement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

Ensuite de quoi, la commission est saisie en discussion commune de l’amendement CF488 de M. Charles de Courson et des amendements identiques CF436 de Mme Véronique Louwagie et CF719 de Mme Lise Magnier.

M. François Pupponi. S’agissant de la possibilité offerte aux intercommunalités de déterminer la répartition du FPIC, notre collègue Charles de Courson, avec l’Association des maires de France (AMF), propose de décaler de quelques mois, au 30 septembre, la date limite de cette opération, car les intercommunalités, après les élections municipales, auront d’abord à se mettre en place.

M. le président Éric Woerth. Il est vrai que c’est un travail impossible pour des intercommunalités naissantes, suffisamment compliqué et polémique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sébastien Lecornu s’est exprimé à ce sujet devant la commission des finances du Sénat ; il s’est justement engagé à prévoir un report de deux mois de la date limite. Je vous propose donc d’attendre la réponse plus précise du Gouvernement en séance.

Mme Véronique Louwagie. Beaucoup d’EPCI ne seront pas installés avant le 9 ou 10 juillet. Nous proposons de leur laisser jusqu’au 30 septembre.

Malgré l’avis défavorable du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF488 (amendement  2190).

En conséquence, les amendements CF436 et CF719 tombent.

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Après l’article 18

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement l’amendement CF177 de Mme Émilie Bonnivard ainsi que les amendements identiques CF339 de M. Martial Saddier et CF369 de Mme Jeanine Dubié.

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Article additionnel après l’article 18
Report de l’obligation d’adopter un nouveau pacte financier et fiscal pour les établissements publics de coopération intercommunale signataires d’un contrat de ville

La commission examine en discussion commune l’amendement CF490 de M. Charles de Courson et les amendements identiques CF438 de Mme Véronique Louwagie et CF721 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Les EPCI signataires d’un contrat de ville prorogé jusqu’en 31 décembre 2022 devaient adopter un pacte financier et fiscal avant le 31 décembre 2020. Compte tenu du confinement, il vous est proposé de reporter l’adoption de ces pactes d’une année.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis favorable aux amendements CF438 et CF721, et demande de retrait de l’amendement CF490. Sur le fond, je suis favorable au report d’un an de cette obligation.

L’amendement CF490 est retiré.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques CF438 et CF721 (amendement  2191).

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Après l’article 18

La commission est saisie de l’amendement CF1423 de Mme Barbara Pompili.

M. Saïd Ahamada. Il s’agit de demander à des entreprises dépassant un certain seuil de respecter des recommandations écologiques, afin de ne pas reproduire les erreurs de la crise de 2008, lors de laquelle nous n’avons pas été capables d’imprimer ces nouvelles trajectoires. En clair, il s’agit d’éco-conditionnalité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je vous invite à avoir une discussion approfondie en séance avec le Gouvernement. C’est d’un vrai projet politique qu’il faut débattre : quelles conditions peut-on demander aux entreprises que l’on aide avec des deniers publics ? Cela concerne les sujets de transition énergétique mais pas seulement. On parle souvent d’éco-conditionnalité en oubliant que d’autres critères peuvent être intéressants : emploi, objectifs de développement durable au sens plus large…

Nous sommes dans un texte dont l’objectif est de maintenir nos entreprises en vie pour rendre la casse sociale la moins violente possible. Il faut sauver un maximum d’emplois, éviter que ferment des sites de production, prévenir les plans sociaux. Les sujets de conditionnalité seront incontournables quand nous investirons de l’argent public dans les filières d’avenir au moment de la relance : alors, oui, des trajectoires devront être imposées, je n’ai aucune difficulté à ce sujet. Mais si nous demandons ex ante à des entreprises de suivre des critères en conflit avec leur capacité à maintenir l’emploi, nous n’irons pas dans la bonne direction. De manière réaliste, nous sommes obligés de fonctionner par étapes. Ce n’est donc pas de ma part un refus de conditionner les aides publiques, mais cela ne peut se faire que dans les trajectoires de demain avec l’argent public qui sera investi pour aider les entreprises à redémarrer.

En outre, le niveau coercitif proposé par l’amendement paraît manifestement disproportionné et fort peu propice à une relance par l’offre telle que nous la souhaitons.

Barbara Pompili a été à l’initiative d’une mission d’information conjointe des commissions du développement durable, des affaires économiques et des finances, pour justement définir ce qu’est une bonne conditionnalité des aides publiques. Nous devrons avoir ce débat à la lumière des conclusions de cette mission.

Mme Bénédicte Peyrol. J’avais moi-même dans un premier temps déposé un amendement pour conditionner le PGE, mais ce PLFR est un texte de soutien d’urgence aux entreprises et conditionner l’aide pourrait compromettre l’objectif que nous visons. Si nous conditionnons l’aide, soit au social soit à l’environnemental, je ne suis pas convaincue que ce soit compatible avec le développement durable, qui est l’association de l’économique, du social et de l’écologique : pourquoi privilégier l’environnemental contre le social ?

En outre, les régions apportent elles aussi des aides aux entreprises. Il faut donc avoir un dialogue avec elles sur ce point, sinon les aides risqueraient d’être différenciées.

Enfin, nous avons complètement changé de discours par rapport à 2008 : un budget vert sera annexé au PLF pour 2021 et il nous permettra de passer le plan de relance au crible. Nous avons aussi des engagements forts des entreprises. Le seul regret que je puisse avoir sur ce PLFR, c’est que, même dans l’exposé des motifs, il n’y a pas de transparence totale sur les engagements environnementaux pris dans les secteurs aéronautique et automobile.

Mme Olivia Grégoire. L’amendement est extrêmement large et exigeant. J’ai une grande expérience en matière de développement durable : ce n’est pas que l’écologie, c’est aussi le social, la gouvernance, la participation des salariés au destin des entreprises, le changement de modèle économique. Nous avons un Green deal européen, un commissaire européen travaille sur ces sujets – nous l’avons d’ailleurs rencontré avec Barbara Pompili. Si la France prend unilatéralement ce genre de disposition, imaginons l’impact sur sa productivité et sa compétitivité, déjà fragiles ! Nous ne ferons pas l’économie d’un débat dans les prochains mois, mais il faut le porter au niveau européen. Cela n’empêche pas des impulsions françaises, mais pas des impulsions mortifères pour notre économie, surtout dans une reprise qui sera, on le sait, difficile. La France ne peut pas jouer seule sur le sujet.

M. Matthieu Orphelin. C’est un débat essentiel. Ce que prévoit l’amendement, c’est de sauver et transformer en même temps. Ce qui est demandé aux entreprises en contrepartie du soutien massif de l’État, c’est une trajectoire sur le moyen terme. Je ne partage pas votre raisonnement, qui consiste à opposer cela à la reprise économique. Cela ne change rien aux aides massives qui sont apportées : on demande seulement aux entreprises de dire comment elles travaillent leur trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Peut-être faut-il retravailler l’amendement, mais je ne comprends pas pourquoi vous ne souhaitez pas que l’État demande un engagement sur une trajectoire.

M. Saïd Ahamada. Là où tout le monde voit des contraintes, je vois, moi, une opportunité. La crise qui nous touche durement est de niveau international, ce qui permet un reset – c’est comme ça que je le vois. Nous pouvons orienter notre économie vers l’économie de demain.

S’agissant de la question de l’emploi, député des Bouches-du-Rhône, je rappellerai l’exemple de l’étang de Berre. Il y a quelques décennies, on a dit aux gens de ce territoire : « Nous allons vous apporter beaucoup d’emplois et vous aurez un peu de pollution ». Au final, ils se retrouvent avec beaucoup de pollution et n’ont plus d’emplois. Il ne faut pas tomber dans ce piège. Il y a une urgence sociale mais « La maison brûle » date de 2002 ! Il faut un « en même temps » pour faire prendre de l’avance à notre économie.

Mme Cendra Motin. J’ai été dans de nombreuses sociétés qui étaient en difficulté du fait de leurs modèles économiques, dont je ne prendrai qu’un exemple, une société de métallurgie qui a eu ses années de gloire dans les années soixante-dix en fabriquant des aciers spéciaux avant de péricliter. Nous avons d’abord sauvé des emplois. Puis, lorsque la situation s’est stabilisée, nous avons répondu à la demande sociétale – plus que celle des clients – de transformer l’entreprise. La phase de sauvetage ne peut pas être en même temps une phase de transformation de la demande, car ce sont les clients qui sauvent les emplois, en maintenant l’activité. Cette société est passée en moins de dix ans de plus de mille salariés à 150. C’était ça, la transformation : elle n’avait plus besoin de mille salariés mais de 150.

M. Daniel Labaronne. Je rencontre beaucoup d’entreprises sous-traitantes qui me disent que leurs donneurs d’ordres sont très exigeants en matière de respect des normes environnementales car ces donneurs d’ordre ont mis en place un contrôle de gestion environnemental pour répondre à une attente sociétale.

Une entreprise de plus de 500 salariés et de 100 millions de chiffre d’affaires est une ETI, pas une grande entreprise. Ce n’est pas la même jauge. Les sanctions proposées sont très lourdes, les obligations également, et incluent d’ailleurs le remboursement du crédit d’impôt recherche. Il faut travailler ensemble sur le périmètre, les contraintes et les sanctions.

M. François Jolivet. Je comprends le fond de l’amendement, mais en l’occurrence, il s’agit non pas d’aider les entreprises mais les emplois dans les entreprises. On fait de la politique pour des gens. Imagine-t-on un salarié de l’aéronautique ou de l’automobile qui dirait que son entreprise ne peut le garder car les aides qu’elle reçoit ne le permettent pas ?

Sur la manière, profiter de la crise pour imposer quelque chose revient à admettre que, sans crise, on ne peut rien faire.

Mme Valérie Petit. Je ne veux pas voter contre cet amendement mais je ne veux pas non plus voter pour. Il est en effet, selon moi, beaucoup trop contraignant et mettrait des entreprises en péril. Cela étant, l’État actionnaire est en droit, quand il investit autant d’argent, d’être exigeant et de demander un rendement en retour, qui doit être défini avec plus de rigueur.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il ne faut pas que cette crise soit le prétexte à ne rien changer. Que l’urgence soit de sauver des emplois, c’est évident, mais je suis certain qu’il existe dans de nombreuses entreprises des opportunités pour reposer leurs bases économiques. Que l’État soit exigeant, comme vient de le dire notre collègue, c’est ce que j’essayais de défendre tout à l’heure avec un amendement sur les aides publiques.

M. le président Éric Woerth. Je pense que ce n’est pas le moment, comme on l’entend souvent dire en politique. Pour transformer, il faut d’abord sauver, sinon les entreprises ne se transformeront jamais, elles mourront. Faisons-en sorte d’éviter que l’écologie provoque le chômage. Qu’à l’intérieur d’un plan de relance, il y ait des moments, des points de transformation et d’inflexion, est fondamental. On ne peut tout simplement pas conditionner des aides d’urgence. Mais je crois qu’au fond, nous partageons tous à peu près le même objectif.

La commission rejette l’amendement CF1423.

Ensuite de quoi, elle examine les amendements identiques CF1428 de Mme Barbara Pompili et CF1436 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Dans le même esprit, il s’agit de demander aux entreprises massivement aidées par les dispositifs créés par le Gouvernement de mettre à jour leur politique de versement de dividendes, c’est-à-dire de ne pas verser de dividendes trop importants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. S’agissant des dividendes sur lesquels le débat a déjà été riche lors de l’examen des deux premiers projets de loi de finances rectificative, je comprends cette vigilance qui est parfois tout à fait justifiée et parfois non.

Il a été bon de conditionner la signature des grands PGE à la non-distribution de dividendes. En temps de crise, je crois que c’est indispensable. Mais il y a dividendes et dividendes : le dividende de la PME ou de l’entreprise de taille intermédiaire (ETI) qui en a besoin pour réinvestir est nécessaire. Il convient de ne pas bloquer la dynamique d’investissement. Ce qu’il faut éviter, c’est le dividende que l’on ne reverra jamais sur notre territoire productif.

Ce qui a été fait avec le PGE va dans le bon sens. On peut peut-être l’élargir à d’autres types d’aides publiques, ce qui est plutôt d’ordre réglementaire. Si le ministre de l’économie est plus allant et considère que toute grande entreprise qui distribue des dividendes en temps de crise ne peut pas avoir d’aides publiques, je ne serai pas choqué.

À ce stade, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. C’est une discussion que nous pourrons avoir ensemble dans l’hémicycle. J’ai bien noté votre dynamisme sur ce sujet. Je retire mon amendement pour le défendre collectivement en séance.

L’amendement CF1436 est retiré.

M. le président Éric Woerth. Faites attention s’agissant des dividendes ! Une production, c’est du capital et du travail. Le travail continue à être rémunéré, et le capital doit aussi continuer à l’être. Si on retire le capital, il n’y a plus du tout de travail ! Un ministre peut se permettre de donner des ordres, mais les grandes entreprises que vous visez n’utilisent pas forcément les PGE car elles peuvent trouver des prêts ailleurs. Attention donc à cette politique, certes populaire mais dont je ne suis pas sûr qu’elle ne se retourne pas contre le peuple à un moment donné.

La commission rejette l’amendement CF1428.

Puis elle examine l’amendement CF1230 de M. Didier Baichère.

M. Didier Baichère. Il est question là encore de la conditionnalité des aides exceptionnelles de l’État pour les entreprises, cette fois sur le pilier des engagements sociaux que nous pourrions demander aux grandes entreprises, celles qui sont soumises à la notation extra-financière.

Il s’agit d’avaliser deux axes de travail et donc de conditionnalité. Le premier consiste à maintenir l’engagement d’une année sur l’autre du nombre de stagiaires, d’apprentis, de la politique en matière de handicap et d’égalité professionnelle, et le second à s’assurer du maintien du budget de formation dans les entreprises qui ont bénéficié de ces aides. En matière d’employabilité, au vu des difficultés que nous allons rencontrer à la rentrée, le maintien de ces budgets de formation est très important.

Nous sommes nombreux à nous préoccuper de cette jeunesse potentiellement sacrifiée à cause de la crise du Covid‑19. Nous avons ici l’opportunité de faire en sorte, au moins pour les stagiaires et les apprentis, que les engagements sociaux des entreprises qui ont bénéficié de ces aides, seront maintenus d’une année sur l’autre.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1230.

Elle étudie l’amendement CF1239 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. La simple circulaire recommandant de ne pas délivrer d’aides de trésorerie aux entreprises ayant une filiale dans un pays de la liste française des paradis fiscaux n’est pas à la hauteur des attentes. Cette injonction est insuffisante, d’une part parce qu’elle ne s’inscrit pas dans un cadre législatif, le seul à même de garantir un contrôle démocratique, ensuite parce qu’elle ne concerne qu’une partie des aides, report de charges et prêts garantis en particulier, à l’exclusion du chômage partiel, enfin parce que la liste française des paradis fiscaux est une sorte de conte pour enfants aux yeux des experts de l’optimisation fiscale. Ainsi, parmi les douze pays qui aident le plus les entreprises à échapper à l’impôt en France, seuls les Bahamas et les Îles Vierges figurent sur notre liste, tandis que le Luxembourg, l’Irlande, les Bermudes et Jersey, pour ne citer qu’eux, échappent toujours à nos radars.

Notre amendement propose donc de ne pas délivrer d’aides publiques aux entreprises déclarant des bénéfices dans les pays ayant des pratiques fiscales déloyales, notamment en matière d’impôt sur les sociétés. Une telle activité pourrait en effet s’apparenter à des pratiques d’optimisation fiscale instaurées via des transferts artificiels de bénéfices.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1239.

Puis elle en vient à l’amendement CF1280 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Natalia Pouzyreff. Il s’agit de subordonner les mesures de soutien, notamment aux filières aéronautique et automobile, au respect par les donneurs d’ordres de bonnes pratiques et des usages commerciaux, notamment en matière de respect des échéances de paiement et d’engagement de commandes. Force est de constater qu’il y a une absence de solidarité au sein de la chaîne de valeur et de la chaîne de sous-traitance. Dans la période, on a ainsi imposé à des fournisseurs de manière unilatérale des délais de paiement supplémentaires, des refus de livraison, des baisses de 10 % sur les commandes. C’est une affaire d’éthique, de solidarité. Les engagements pris doivent être respectés et les mesures de soutien financier doivent bénéficier à l’ensemble de la chaîne de sous-traitance. Cette question peut aussi être abordée dans les chartes de bonnes pratiques signées par la plateforme automobile (PFA) et la filière aéronautique, sauf qu’en réalité ces bonnes pratiques ne sont pas respectées, notamment au niveau des services d’achats. Pour avoir travaillé plus de vingt-cinq ans dans ces grandes entreprises et avoir côtoyé les services d’achats, je peux vous dire qu’ils ne respectent pas forcément les chartes, pour ne pas dire autre chose…

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1280.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF899 de M. Julien Aubert.

La commission est saisie de l’amendement CF428 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de la création d’un fonds de solidarité pour soutenir la filière équine et avoir une réflexion sur les conditions de financement de ce fonds.

Je rappelle que la filière équine a été mise à mal, que les hippodromes sont toujours fermés – ils devraient rouvrir le 11 juillet –, et qu’elle recouvre un champ très vaste puisqu’elle va des entraîneurs aux écuries, en passant par les activités d’enseignement, les concours, etc. Une réflexion sur cette filière aurait un grand intérêt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’arrêté tant attendu sur la filière équine – il est enfin paru hier – prévoit une aide de 120 euros par équidé. C’est heureux, notamment pour les poneys clubs et les centres équestres. Nous pourrons poursuivre ces échanges en séance publique. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. On a beaucoup fait pour cette filière, mais il faut continuer à le faire.

La commission rejette l’amendement CF428.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF485 et CF486 de M. Julien Dive.

La commission adopte la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2020 modifiée.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2020 modifié.

 

 

 


([1])  Laurent Saint-Martin, rapport n° 2761 au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, XVe législature, 19 mars 2020.

([2])  OCDE, « Coronavirus : l’économie mondiale menacée », prévisions intermédiaires, mars 2020.

([3]) Point de conjoncture du 17 juin 2020.

([4]) Le repli de la demande mondiale adressée à la France en 2020, attendu à hauteur de 12,8 %, est plus marqué que le repli des échanges mondiaux (12,1 %), du fait de son exposition à la zone euro, fortement frappée par la crise, et au contraire par sa moindre exposition aux économies émergentes, plus résilientes.

([5]) Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2020-4 relatif au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, 8 juin 2020.

([6]) Il s’agit d’un indicateur théorique de la croissance du PIB pouvant être réalisée sans entraîner de tension inflationniste, compte tenu de la disponibilité des facteurs de production de l’économie.

([7]) BCE, Bulletin économique n° 4/20, 18 juin 2020.

([8]) Jean-Luc Tavernier, « La statistique publique à l’épreuve de la crise sanitaire », Blog de l’INSEE, 6 mai 2020.

([9]) Sabine Le Bayon et Hervé Péléraux, « Les comptes nationaux à l’épreuve du coronavirus », Blog de l’OFCE, 12 juin 2020.

([10]) Insee, Point de conjoncture du 17 juin 2020.

([11]) Perte d’activité de 16 % en mars (deux semaines de confinement), 29 % en avril (pour moins plein de confinement) et 21 % en mai.

([12]) Au titre de ses programmes de rachats d’actifs, notamment publics (PSPP, PEPP), et de ses programmes de refinancement des établissements bancaires (TLTRO III).

([13]) La hausse des salaires, qui accroît la demande de biens et de services à masse monétaire égale, est un vecteur naturel de la hausse des prix – qui entretient à son tour les revendications de hausse des salaires : c’est la boucle inflation-salaire.

([14]) Si un ménage a reporté une décision importante d’investissement, comme un achat immobilier, en raison de la crise, et qu’il anticipe un épisode déflationniste, il est incité à reporter encore son investissement pour profiter de la baisse des prix. Cet effet s’auto-entretient et se généralise.

([15]) IPP, « Coordonner le déconfinement de l’Europe, un enjeu économique fort », 5 juin 2020.

([16]) L’article liminaire du présent PLFR mentionne le nombre de 57,5 milliards d’euros en raison d’effets d’arrondis.

([17]) Une analyse de l’effet de la crise sur l’évolution des soldes des administrations de sécurité sociale et des collectivités territoriales peut être trouvée dans la fiche 2 du rapport n° 2820 du rapporteur général sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (lien).

([18]) Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

([19]) Dans son cadrage macroéconomique, le Gouvernement estime désormais une hypothèse d’élasticité des prélèvements obligatoires à la dégradation de la conjoncture de 1. Cela signifie que la baisse des recettes des prélèvements obligatoires augmente proportionnellement à la baisse de l’activité économique. La LFR 2 était construite sur un scénario d’élasticité de 1,1 (baisse de recettes plus que proportionnelle).

([20]) Les normes de dépenses de l’État sont des outils de pilotage et de compte rendu de la dépense de l’État définies à l’article 9 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([21]) En revanche, ces agrégats sont inclus dans l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE).

([22]) PIB 2020 estimé à partir des comptes de la Nation 2019 de l’INSEE pour le PIB 2019 et de la croissance du PIB en valeur présentée par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis n° HCFP-2020-4 relatif au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, 8 juin 2020.

([23]) Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle.

([24]) Il s’agit de la rémunération brute servant d’assiette à l’indemnité de congés payés : elle intègre non seulement le salaire de base, mais aussi les majorations de salaire pour heures supplémentaires et travail de nuit, les indemnités perçues durant les périodes assimilées à du travail effectif, l’indemnité de congés payés elle-même, les primes d’ancienneté, les primes d’assiduité, les primes d’astreinte, les commissions, les primes d’expatriation et les avantages en nature.

([25])  Arrêté du 26 août 2013 fixant les contingents annuels d’heures indemnisables prévus par les articles R. 5122‑6 et R. 5122-7 du code du travail.

([26]) Arrêté du 31 mars 2020 modifiant le contingent annuel d’heures indemnisables au titre de l’activité partielle pour l’année 2020.

([27]) Décret n° 2020-435 du 16 avril 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle.

([28]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([29]) Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle.

([30]) Ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([31]) Le régime d’équivalence est un régime spécifique dans lequel une durée de travail supérieure à la durée légale peut être instituée. Il est applicable à certaines professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction.

([32]) Décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus, décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19.

([33]) Ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation.

([34])  Décret n° 2020-520 du 5 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus.

([35]) Ministère du travail, communiqué de presse « Concertation avec les partenaires sociaux », 8 juin 2020.

([36]) Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

([37]) Ordonnance n° 2020-770 du 24 juin 2020 relative à l’adaptation du taux horaire de l’allocation d'activité partielle.

([38]) Liaisons sociales n° 18081, « Activité partielle : les niveaux de prise en charge en fonction du secteur bientôt fixés », 16 juin 2020.

([39])  Liaisons sociales n° 18081, « Activité partielle : les niveaux de prise en charge en fonction du secteur bientôt fixés », 16 juin 2020.

([40])  Ibidem.

([41]) À noter que l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle prévoit que l’État prend totalement à sa charge les indemnités d’activité partielle versées aux salariés à domicile et aux assistants maternels, l’Unédic ne prenant pas ce coût en charge. De même, elle prévoit que les employeurs publics employant des salariés de droit privé doivent rembourser à l’Unédic la part que cette dernière prend en charge s’ils n’ont pas adhéré au régime d’assurance chômage.

([42]) Unédic, « Point de situation sur l’utilisation de l’activité partielle », données au 5 juin 2020, 9 juin 2020.

([43]) Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([44]) Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, modifié par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020.

([45]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([46]) Ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([47]) Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([48]) Décret n° 2020-552 du 12 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([49]) C’est-à-dire au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides incompatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

([50]) Décret n° 2020-433 du 16 avril 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([51]) Décret n° 2020-552 du 12 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([52]) Tableau de bord interactif du Gouvernement (lien), extraction le 16 juin 2020.

([53]) D’après Chorus, extraction le 16 juin 2020.

([54]) Communiqué de presse du Gouvernement du 15 avril 2020, « Engagements des assureurs pour participer à leffort national de mobilisation face à la crise du Covid-19 » (lien).

([55])  Les Échos, entretien de MM. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, vendredi 10 avril 2020.

([56])  Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([57]) Des annexes au décret listent précisément les activités concernées par la prolongation du fonds.

([58]) Laurent Saint-Martin, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, Assemblée nationale, XVe législature,  2822, 16 avril 2020, pages 75 à 79.

([59]) Gouvernement, Communiqué de presse, 5 juin 2020,  1048.

([60]) Ministère de l’action et des comptes publics, Communiqué de presse, 29 mai 2020,  1037.

([61]) Au sens de l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique. Cette catégorie recouvre les entreprises qui emploient 5 000 personnes ou plus ou dont le chiffre d’affaires ou le total de bilan excède, respectivement, 1,5 milliard d’euros ou 2 milliards d’euros.

([62]) Ministère de l’action et des comptes publics, Communiqué de presse, 3 avril 2020,  1006.

([63]) Ministère de l’action et des comptes publics, Communiqué de presse, 4 mai 2020,  1024.

([64]) Ministère de l’action et des comptes publics, Communiqué de presse, 2 juin 2020,  1040.

([65]) Gouvernement, Report d’échéances fiscales  Tableau de bord interactif, mise à jour du 4 juin 2020.

([66]) Données du Comité de suivi prévu au IX de l’article 6 de la première loi de finances rectificative pour 2020.

([67]) Performance publique, Programme de stabilité pour 2020, page 3.

([68]) Ordonnance n° 2020‑316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 ; décret n° 2020­378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.

([69]) Ministère de l’économie et des finances, Communiqué de presse,  2129, 17 avril 2020.

([70]) Fédération bancaire française, Coronavirus : mobilisation totale des banques françaises  Des modalités simples et concrètes au service des entreprises, 15 mars 2020.

([71]) Ministère de l’économie et des finances, Communiqué de presse, 22 avril 2020,  2132.

([72]) FFA, La Fédération française de l’assurance présente sa contribution au débat sur la création d’un régime de catastrophes exceptionnelles : le dispositif CATEX, communiqué de presse, 12 juin 2020.

([73]) L’arrêté du 6 mai 2020, portant modification de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020, dispose que les SCI éligibles à la garantie sont les sociétés civiles immobilières de construction-vente, les sociétés civiles immobilières dont le patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques classés ou inscrits au sens de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et qui collectent des recettes liées à l’accueil du public, les sociétés civiles immobilières dont le capital est intégralement détenu par des organismes de placement collectif immobilier mentionnés à l’article L. 214-33 de code monétaire et financier, par des sociétés civiles de placement immobilier mentionnées à l’article L. 214-86 du même code, ou par des organismes professionnels de placement collectif immobilier mentionnés à l’article L. 214-148 du même code.

([74]) Plus précisément, sont éligibles les entreprises ne faisant pas l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel (personnes physiques), ou n’étant pas en période d’observation d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sauf à ce qu’un plan de sauvegarde ou de redressement ait été arrêté par un tribunal avant la date d’octroi du PGE.

([75]) Les primes de garantie sont collectées par l’établissement prêteur auprès de l’emprunteur : elles s’intègrent au coût du crédit. Elles sont collectées par Bpifrance qui les reversent à l’État.

([76]) Il s’agit, aux termes de l’article D. 313-45-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’entreprises répondant au moins à un des critères suivants :

- l’entreprise est ou a été bénéficiaire au cours des cinq dernières années d’un soutien public à l’innovation figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie ;

- le capital de l’entreprise est ou a été au cours des cinq dernières années en totalité ou pour partie détenu par une entité d’investissement ayant pour objet principal de financer ou d’investir dans des entreprises innovantes ;

- l’entreprise est ou a été accompagnée au cours des cinq dernières années par une structure d’accompagnement dédiée aux entreprises innovantes.

([77]) D’autres types d’assurances existent, comme l’assurance prospection, qui permet à un potentiel exportateur d’engager de premières démarches à l’exportation tout en étant couvert sur le risque commercial pesant sur ces démarches, ou l’assurance contre les risques de change.

([78]) Bpifrance Assurance Export propose également des offres d’assurance-crédit, concurrentes des assureurs-crédit privés.

([79]) Article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

([80]) En contrepartie, l’État, via la CCR, bénéficie de la rétrocession des primes payés par les entreprises assurées, sur la part de risque qu’il couvre désormais.

([81]) Unédic, « Continuité et maîtrise du pilotage de l’Assurance chômage, Repères sur les mesures covid-19 et leurs effets », 25 mars 2020 (lien).

([82]) Les droits de tirage spéciaux, ou DTS, sont une unité de compte pour les échanges monétaires internationaux, créée par le FMI à partir d’un panier de monnaies représentatif du système monétaire international. Depuis 2016, la valeur des DTS repose sur un panier de cinq grandes devises : le dollar des États-Unis, l’euro, le renminbi, le yen japonais et la livre sterling.

([83]) Atout France, Point de situation de la Covid-19 au 2 avril 2020 ; Observatoire de l’économie du tourisme, « Les effets de la crise de la Covid-19 sur le secteur du tourisme », Notes de tendances, n° 1, avril 2020.

([84]) Baromètre Orchestra du 08/04/2020, plateforme de réservation des voyagistes en France pour le média TOM Travel.

([85]) INSEE, Point de conjoncture du 9 avril 2020.

([86])  Dossier de presse à l’occasion du comité interministériel du tourisme, 14 mai 2020.

([87]) À cet effet, l’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, a prolongé la date d’extinction du fonds de solidarité au 31 décembre 2020.

([88]) Décret n° 2020-706 du 10 juin 2020 portant dérogation temporaire aux conditions d’utilisation des titres-restaurant dans les restaurants, hôtels-restaurants et débits de boissons assimilés afin de faire face aux conséquences des mesures prises pour limiter l’épidémie de covid-19.

([89]) Le plan de 8 milliards comprend notamment le PGE accordé à Renault pour un montant de 5 milliards d’euros (voir infra).

([90]) Décret n° 2020-656 du 30 mai 2020 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location des véhicules peu polluants.

([91]) Association du transport international aérien (IATA), communiqué n° 50 « Les pertes de l’industrie vont dépasser 84 milliards $ en 2020 », 9 juin 2020.

([92]) Notamment Avianca (20 000 salariés) et Virgin Australia (10 000 salariés).

([93]) Respectivement 19 000, 22 000 et 12 000 suppressions de postes.

([94]) Suppression de 16 000 emplois chez Boeing, 2 500 emplois chez Bombardier, 12 500 postes chez General Electric Aviation, 9 000 postes chez Rolls Royce Aviation.

([95]) Ce prêt bénéficie d’une garantie de l’État à hauteur de 90 % et d’une maturité de 12 mois, avec deux options d’extension d’un an consécutives exerçables par Air France-KLM.

([96]) Ce prêt bénéficie d’une maturité de 4 ans, avec deux options d’extension d’un an consécutives exerçables par Air France-KLM.

([97]) L’Arrangement OCDE prévoit un encadrement du soutien financier public de ses signataires à l’exportation, notamment sur les caractéristiques des financements, en particulier des taux de prime minimum.

([98]) Airbus à hauteur de 116 M€, Safran à hauteur de 58 M€, Dassault à hauteur de 13 M€, Thales à hauteur de 13 M€.

([99]) 50 millions d’euros dans le domaine de la propulsion hydrogène et 85 millions d’euros pour les nouveaux financements accordés aux Instituts de recherche technologique, qui bénéficient à la recherche aéronautique partenariale publique-privée.

([100]) « Baromètre de l’activité des start-up et PME innovantes », Cap Digital, 13 mai 2020.

([101]) Crunchbase.

([102]) Plan de soutien aux entreprises technologiques, dossier de presse, 5 juin 2020, p. 7.

([103]) INSEE, note de conjoncture du 9 avril 2020.

([104]) Communiqué de presse du Gouvernement, n° 2198, 9 juin 2020.

([105]) Laurent Saint-Martin, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, Assemblée nationale, XVe législature,  2761, 19 mars 2020, pages 20 à 25 ; Laurent Saint-Martin, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, Assemblée nationale, XVe législature,  2822, 16 avril 2020, pages 81 à 94.

([106]) Commission européenne, Policy measures taken against the spread and impact of the coronavirus, version du 28 mai 2020.

([107]) « The Union and its Member States will do whatever it takes to address the current challenges, to restore confidence and to support a rapid recovery, for the sake of our citizens. » (conclusions du Conseil européen du 17 mars 2020, nous soulignons).

([108]) Le b du 3 de l’article 107 du TFUE prévoit que peuvent être compatibles les aides destinées à « remédier à une perturbation grave de léconomie dun État membre ».

([109]) Laurent Saint-Martin, rapport n° 2822 précité, pages 82 à 85.

([110]) BCE, Décisions de politique monétaire, communiqué de presse, 4 juin 2020.

([111]) Commission européenne, L’heure de l’Europe : réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération, communiqué de presse, 27 mai 2020.

([112]) Commission européenne, Le budget de lUnion, moteur du plan de relance pour lEurope, 27 mai 2020, page 2.

([113]) Présidence de la République, Initiative franco-allemande pour la relance européenne face à la crise du coronavirus  France et Allemagne unies pour une relance européenne, 18 mai 2020.

([114]) Commission européenne, Instruments clés à lappui du plan de relance pour lEurope, 27 mai 2020.

([115]) Commission européenne, Le budget de lUnion, moteur du plan de relance pour lEurope, 27 mai 2020, page 5.

([116]) Ursula von der Leyen, Discours lors de la session plénière du Parlement européen sur le train de mesures de relance de l’UE, Bruxelles, 27 mai 2020.

([117]) Laurent Saint-Martin, rapport n° 2822 précité, pages 86 à 88.

([118]) Bundesministerium der Finanzen, Das Konjonkturpaket  Kabinett bringt Konjonkturpaket auf den Weg.

([119]) Emmanuel Macron, Adresse aux Français, 12 mars 2020.

([120]) La partie législative du CGPPP résulte de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques. Cette ordonnance a abrogé, en conséquence de la création du CGPPP, un grand nombre d’anciens textes, notamment l’ordonnance du 31 juillet 1681 de la marine relative à la police des ports, côtes et rivage de la mer, dite ordonnance de Colbert.

([121]) Conseil d’État, 25 janvier 2017, Commune de Port-Vendres,  395314, au Recueil.

([122]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([123]) Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise née de l’épidémie de Covid-19.

([124]) Ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19, article 20.

([125]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([126]) Conseil d’État, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux,  59928, au Recueil.

([127]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([128]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

([129]) Décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, article 3.

([130]) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([131]) Annexe du décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l’Institution nationale des invalides dans le cadre de l’épidémie de Covid-19

([132]) Établissements et services mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9°, 11°, 12° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, unités mentionnées au 2° de l’article R. 6145-12 du code de la santé publique, établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles rattachés à un établissement public de santé

([133]) Voir annexe du décret n° 2020-711 du 12 juin 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique de l’État dans le cadre de l’épidémie de covid-19

([134])  Établissements et services mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9°, 11°, 12° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, unités mentionnées au 2° de l’article R. 6145-12 du code de la santé publique, établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles rattachés à un établissement public de santé

([135]) Voir annexe du décret n° 2020-711 du 12 juin 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique de l’État dans le cadre de l’épidémie de Covid-19

([136]) Établissements et services mentionnés aux 8° et 13° du I de l’article L. 312-1 et aux articles L. 322-1, L. 345-2, L. 345-2-1 et L. 349-2 du code de l’action sociale et des familles, au troisième alinéa de l’article L. 631-11 et au quatrième alinéa de l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation, ainsi qu’à l’article L. 744-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([137])  Établissements et services publics mentionnés aux 6°, 7° et 9° de larticle L. 312-1 du code de laction sociale et des familles

([138]) Établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 6161‑1 du code de la santé publique, à l’article L. 265‑1 du code de l’action sociale et des familles, aux I, à l’exclusion des 14° à 16° (c’est-à-dire des services mettant en œuvre des mesures de protection des majeurs et ceux assurant des activités d’aide personnelle à domicile ou d’aide à la mobilité au bénéfice de familles fragiles), et III de l’article L. 312‑1 et aux articles L. 322‑1, L. 345‑2, L. 345‑2‑1, L. 349‑2 et L. 421‑2 du code précité, à son article L. 365‑4, au troisième alinéa de l’article L. 631‑11 et à l’article L. 633‑1 du code de la construction et de l’habitation, ainsi qu’à l’article L. 744‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

([139]) Loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 2.

([140]) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, article 3.

([141]) Loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985, article 19.

([142]) Arrêté du 23 décembre 2019 relatif à la fixation du taux de l’intérêt légal, article 1er.

([143]) Pour une présentation du régime de l’intégration fiscale, il est renvoyé au commentaire de l’article 12 du projet de loi de finances pour 2019 (Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, Assemblée nationale, XVe législature,  1302, tome II, 11 octobre 2018, pages 339 à 389).

([144]) Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, article 94.

([145]) Assemblée nationale, XIIIe législature, session ordinaire de 2008-2009, compte rendu intégral, deuxième séance du jeudi 11 décembre 2008.

([146]) Gilles Carrez, Rapport sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, Assemblée nationale, XIIIe législature,  3718, 31 août 2011, page 120.

([147]) Le renforcement des fonds propres figurait expressément parmi les effets du « carry back » mentionnés à l’article 220 quinquies du CGI, dans sa version en vigueur jusqu’au 21 septembre 2011.

([148]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 2.

([149]) Ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, article 11.

([150]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 97.

([151])  Institut national de la statistique et des études économiques, Note de conjoncture, 27 mai 2020.

([152]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, Activité et condition demploi de la main-dœuvre pendant la crise sanitaire Covid-19, Synthèse des résultats de lenquête flash, avril 2020.

([153]) Observatoire de l’économie du tourisme, Crise du Covid-19 : coup darrêt sur le tourisme et perspectives de reprise, Les notes de tendances, n° 2, 3 juin 2020.

([154]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 17 relatif à l’exonération facultative des taxes de séjour en 2020.

([155]) Association internationale du transport aérien, Covid-19 : Air travel reaching a turning point, 3 juin 2020.

([156]) Association internationale du transport aérien, Covid-19 : Government financial aid for airlines, 26 mai 2020.

([157]) Ministère de l’action et des comptes publics, Dispositif dallègement du paiement de la cotisation foncière des entreprises, communiqué de presse, n° 1048, 5 juin 2020.

([158]) Ibid.

([159]) Ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, article 11.

([160]) Amendement n° CF1272 de M. Joël Giraud.

([161]) Ministère de l’action et des comptes publics, Le Gouvernement renforce les aides apportées aux secteurs de lhôtellerie, restauration, cafés, tourisme, événementiel, sport, culture, communiqué de presse, n° 2203-1052, 10 juin 2020.

([162]) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([163]) Commission européenne, Temporary Framework for State aid measures to support the economy in the current COVID-19 outbreak, Communication de la Commission européenne, 19 mars 2020, C(2020) 1863.

([164]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité de fonctionnement de l’Union européenne.

([165]) Fédération Française des assurances, L’assurance française : données clés 2018, 20 septembre 2019, p. 36 (lien).

([166]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 16.

([167]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 143.

([168]) Loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, article 3.

([169]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 77.

([170]) Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, article 47.

([171]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 77.

([172]) Amendements n° CF695 de Mme Jeanine Dubié (LT), n° CF718 de Mme Lise Magnier (Agir), n° CF886 de Mme Véronique Louwagie (LR), n° CF1298 de M. Joël Giraud (LaREM) et n° CF1323 de M. Mohamed Laqhila (MODEM).

([173]) Amendement n° CF1482 du Rapporteur général.

([174]) Amendement n° CF1481 du Rapporteur général.

([175]) Amendement n° CF158 de M. Jean-René Cazeneuve.

([176]) Amendement n° CF1483 du Rapporteur général.

([177]) Amendements n° CF714 de M. Yannick Haury (LaREM), n° CF1003 de Mme Christine Pires Beaune (SOC), n° CF1197 de Mme Monica Michel (LaREM) et n° CF1339 de Mme Jeanine Dubié (LT).

([178]) Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer.

([179]) Loi du 28 février 2017 précitée, article 141.

([180]) Amendements n° CF540 de Mme Émilie Bonnivard (LR), n° CF568 de Mme Christine Pires Beaune (SOC), n° CF617 de Mme Véronique Louwagie (LR) et CF1191 de M. Jean-René Cazeneuve (LaREM).

([181]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, article 24.

([182]) Amendements n° CF155 de M. Jean-René Cazeneuve, n° CF235 de Mme Marie-Christine Dalloz, n° CF387 de Mme Christine Pires Beaune, n° CF536 de M. François Pupponi et n° CF1325 de M. Vincent Bru.

([183]) Décret n° 2020-712 du 12 juin 2020 relatif à la création d’un dispositif d’aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de Covid-19 (lien).

([184]) Projet de loi n° 3027, texte élaboré par la commission mixte paritaire, 2 juin 2020.

([185]) Ministère du travail, communiqué de presse « Évolution de la prise en charge de l’activité partielle au 1er juin, 25 mai 2020.

([186]) Présent PLFR, évaluation préalable de l’article 18, p. 165.

([187]) Cour des comptes, Rapport sur le budget de l’État en 2018, p. 121.

([188]) Mme Bénédicte Peyrol, annexe n° 23 au rapport n° 2301 de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2020, octobre 2019, p. 40.

([189])  Mme Bénédicte Peyrol, annexe n° 23 au rapport n° 3011 de la commission des finances sur le projet de loi de règlement pour 2019, mai 2020, pp. 22 et suiv.

([190]) Communiqué de presse du Gouvernement n° 2198, « L’État renouvelle son soutien à la filière du livre » 9 juin 2020.

([191]) Lui-même calculé à partir d’une formule de calcul mobilisant plusieurs critères économiques diversement pondérés.

([192]) Les DTS sont une unité de compte pour les échanges monétaires internationaux, créée par le FMI à partir d’un panier de monnaies représentatif du système monétaire international. Depuis 2016, la valeur des DTS repose sur un panier de cinq grandes devises : le dollar des États-Unis, l’euro, le renminbi, le yen japonais et la livre sterling.

([193]) Les NAE peuvent entrer en vigueur plus tôt, dès lors que 85 % des États liés à l’accord auront finalisé leurs procédures nationales d’approbation de leur contribution à ce dispositif.

([194]) Depuis 1962.

([195]) L’éligibilité à la FRPC est déterminée en fonction du revenu national brut par habitant. Le volume empruntable est fixé à 140 % de la quote-part de l’État dans le capital du FMI.

([196]) Les DTS sont une unité de compte pour les échanges monétaires internationaux, créée par le FMI à partir d’un panier de monnaies représentatif du système monétaire international. Depuis 2016, la valeur des DTS repose sur un panier de cinq grandes devises : le dollar des États-Unis, l’euro, le renminbi, le yen japonais et la livre sterling.

([197]) La garantie de l’État avait déjà été accordée précédemment à hauteur de 1,3 milliard de DTS. Mi-2017, l’encours du prêt de la Banque de France à la FRPC était de 1,2 milliard de DTS.

([198]) Le CMFI est composé de 24 membres, principalement ministres de l’économie et gouverneurs de banque centrale. Il fixe l’orientation générale des travaux et des opérations du FMI, toutefois décidés par son Conseil des gouverneurs.

([199]) Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) n° 1296/2013, (UE) n° 1301/2013, (UE) n° 1303/2013, (UE) n° 1304/2013, (UE) n° 1309/2013, (UE) n° 1316/2013, (UE) n° 223/2014, (UE) n° 283/2014 et la décision n° 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) n° 966/2012

([200]) L’évaluation préalable du présent article précise que l’alternative naturelle à la garantie aurait été le relèvement du plafond de ressources propres de l’Union européenne, actuellement fixé à 1,2 % du RNB de l’UE. Cette solution présente plusieurs difficultés : elle a un impact direct sur l’équilibre du cadre financier pluriannuel en cours de négociation pour la période 2021-2027 ; elle suppose une procédure d’adoption lourde, passant notamment par une « décision relative au système des ressources propres » (DRP) prise à l’unanimité des États-membres et adoptées par les Parlements nationaux.

([201]) En revanche, dans la proposition de la Commission, il n’y a pas de limite au montant maximum des prêts qui peuvent être accordés sur une année.

([202]) Article 11, paragraphe 3 du règlement du 19 mai 2020, précité.

([203]) Le garant y trouve également son compte, car la pratique qui prévalait antérieurement à sa généralisation était la consignation de la somme garantie, sous forme de gage. Dans le cas de la présente garantie, la somme garantie n’est pas immobilisée.

([204]) Article 11, paragraphe 5 du règlement du 19 mai 2020, précité.

([205]) Le budget de l’Union européenne prévoit une marge entre le montant des ressources propres consommables et le montant maximal de ressources propres exigible. Ce plafond est actuellement fixé à 1,20 % du RNB de l’UE, ce qui laisse une marge sous plafond d’environ 0,2 % du RNB.

([206])  Article 11, paragraphe 4 du règlement du 19 mai 2020, précité.

([207]) Cet article dispose notamment : « Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou dautres organismes ou entreprises publics dun autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun dun projet spécifique ».

([208]) Il s’agit, par exemple, d’encourager, par des cofinancements publics, le développement de certains segments de marché peu attractifs pour les investisseurs privés (amorçage de jeunes entreprises innovantes, par exemple, ou investissements dans des infrastructures dont la rentabilité est de très long terme).

([209]) Une contre garantie est une garantie complémentaire fournie à l’emprunteur lorsque ses garanties sont jugées insuffisantes par le prêteur. La BEI pourrait contre garantir des dossiers de prêts d’entreprises déjà garantis par Bpifrance, afin d’obtenir l’accord de leur banque.

([210])  Selon la décision du conseil d’administration de la BEI, les financements devront être fléchés vers les PME à hauteur de 65 % au moins, et vers les entreprises de plus de 250 salariés à hauteur de 23 % au plus.

([211]) Le garant y trouve également son compte, car la pratique qui prévalait antérieurement à sa généralisation était la consignation de la somme garantie, sous forme de gage. Dans le cas de la présente garantie, la somme garantie n’est pas immobilisée.

([212]) Il s’agit principalement des cinq assureurs-crédit suivant : Axa Assurcrédit, Atradius, Coface, Euler Hermes et Groupama Assurance-crédit.

([213]) D’autres types d’assurances existent, comme l’assurance prospection, qui permet à un potentiel exportateur d’engager de premières démarches à l’exportation tout en étant couvert sur le risque commercial pesant sur ces démarches, ou l’assurance contre les risques de change.

([214]) Les articles L. 431-4 à L. 431-10 du code des assurances autorisent la CCR à réassurer les risques exceptionnels et nucléaires, les risques de catastrophes naturelles et les risques d’attentat.

([215]) Bpifrance Assurance Export propose également des offres d’assurance-crédit, concurrentes des assureurs-crédit privés.

([216]) e du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances.

([217]) Cette liste exclut notamment les pays de l’Union européenne et les pays faisant l’objet de sanctions économiques. Elle est constituée des pays suivants : Angola, Azerbaïdjan, Bangladesh, Bénin, Comores, Éthiopie, Guinée, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Koweït, Malaisie, Mongolie, Niger, Nigeria, Oman, Ouzbékistan et Panama.

([218]) La réassurance globale de portefeuille ne pourra couvrir les risques déjà réassurés au titre de CAP France ou CAP Francexport.

([219]) Par ailleurs, en couverture de leurs frais de gestion, les assureurs-crédit retiendront un pourcentage du montant de ces primes cédées, représentatif de ces coûts opérationnels.

([220]) La réassurance globale de CAP Relais est une opération rémunérée par les assureurs-crédit au même titre que les réassurances domestiques et export préexistantes.

([221]) Institut d’émission d’outre-mer, Institut d’émission des départements d’outre-mer, La conjoncture outre-mer en 2019 et perspectives 2020 : un rattrapage compromis, Communiqué de presse, 14 mai 2020.

([222]) En Polynésie française, les entrepreneurs individuels qui exercent une activité sous la forme d’une entreprise individuelle ou d’une société doivent s’acquitter d’une patente.

([223]) Institut d’émission d’outre-mer, Décisions de politique monétaire, Conseil de surveillance du 17 avril 2020, Communiqué de presse.

([224]) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, article 18.

([225]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 163.

([226]) Direction générale des collectivités locales (DGCL) et direction générale des entreprises (DGE), Guide pratique relatif aux taxes de séjour, mai 2019.

([227]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 112.

([228]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 112.

([229]) Conseil d’État, 25 mars 1988, n° 54411, Ville de Lille.

([230]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 114.

([231]) Institut national de la statistique et des études économiques, Note de conjoncture, 27 mai 2020.

([232]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, Activité et conditions demploi de la main-dœuvre pendant la crise sanitaire Covid-19, Synthèse des résultats de lenquête flash, avril 2020.

([233]) Observatoire de l’économie du tourisme, Crise du Covid-19 : coup darrêt sur le tourisme et perspectives de reprise, Les notes de tendances, n° 2, juin 2020.

([234]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 18 relatif à l’exonération de cotisations patronales, aide au paiement des cotisations, remises de dettes et plans d’apurement pour les entreprises affectées par la crise sanitaire.

([235]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 1er relatif à l’annulation de redevances d’occupation du domaine public de l’État et de ses établissements publics.

([236]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 3 relatif au dégrèvement exceptionnel de la cotisation foncière des entreprises au titre de 2020 au profit des entreprises de taille petite ou moyenne des secteurs relevant du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel particulièrement affectés par la crise sanitaire.

([237]) Amendement n° CF1491 du Rapporteur général.

([238]) Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, article 9.

([239]) Loi n° 2017‑2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 9.

([240]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 86.

([241]) Loi n° 2012‑1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, article 66.

([242]) Loi n° 2014‑892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, article 2 ; loi n° 2015‑1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, article 7.

([243]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([244]) Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([245]) Décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([246]) Ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux.

([247]) Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([248]) Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférentes aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.

([249]) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([250]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, annexe I, article 2 ; décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, article 3.

([251]) Gouvernement, Communiqué de presse  Le Gouvernement renforce les aides apportées aux secteurs de l’hôtellerie, restauration, cafés, tourisme, événementiel, sport, culture, 10 juin 2020,  2203-1052.

([252]) Voir le site de l’Insee pour la NAF (lien).

([253]) Décret n° 2019-1387 du 18 décembre 2019 portant relèvement du salaire minimum de croissance.

([254]) Pour une illustration récente de ce principe, voir notamment Conseil constitutionnel, décision  2019782 QPC du 17 mai 2019, Mme Élise D. [Déductibilité de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune des dettes du redevable à l’égard de ses héritiers ou de personnes interposées], § 8.

([255]) Décret n° 2016-1209 du 7 septembre 2016 relatif au crédit d’impôt au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés prévu à l’article 220 quindecies du code général des impôts (décret ultérieurement modifié pour tirer les conséquences des évolutions apportées au dispositif législatif).

([256]) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([257]) Commission européenne, Communication de la Commission – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19, 19 mars 2020, point 22 ; Commission européenne, Communication de la Commission – Modification de l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19, 3 avril 2020, point 12.

([258]) Commission européenne, communication précitée du 3 avril 2020, points 41.

([259]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([260]) Gilles Carrez, Rapport d’information sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, Assemblée nationale, XIVe législature,  4546, 22 février 2017, page 148. Il y a lieu de noter que ce rapport reprend, sur cet aspect, la doctrine qui figurait déjà dans le précédent rapport consacré à ce sujet produit en 2012 (Jérôme Cahuzac, Rapport d’information sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, Assemblée nationale, XIIIe législature,  4392, 21 février 2012, pages 155 à 157).

([261]) Proposition de loi de M. Daniel Fasquelle et les membres du groupe Les Républicains visant à annuler le temps de l’état d’urgence sanitaire, les charges sociales et fiscales des entreprises ayant accès au fonds de solidarité créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, Assemblée nationale, XVe législature,  3002 rectifié.

([262])  Décret n° 2020-757 du 20 juin 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.