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N° 3204

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 juillet 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

 

tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’état
des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien
de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance
entre les citoyens et la force publique ( 3138)

 

PAR M. Bruno Questel
Député

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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos............................................... 5

Compte rendu des débats


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MESDAMES, MESSIEURS,

M. Olivier Faure, Mme George Pau-Langevin et plusieurs membres du groupe Socialistes et apparentés ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique.

Lors de la Conférence des Présidents du mardi 30 juin 2020, la présidente du groupe Socialistes et apparentés, Mme Valérie Rabault, a fait usage, pour cette proposition, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire ([1]), une fois par session ordinaire.

Par conséquent, et conformément au second alinéa de l’article 140 du Règlement, il revient à la commission des Lois, à laquelle a été renvoyée la proposition de résolution, de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’opportunité d’une telle création.

Dans la même logique, la proposition de résolution ne sera pas soumise au vote de l’Assemblée nationale : en effet, en application du deuxième alinéa de l’article 141 précité, la Conférence des Présidents « prend acte de la création de la commission d’enquête » dès lors que cette création répond aux exigences fixées par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et au chapitre IV de la première partie du titre III du Règlement.

Ces exigences sont présentées ci-après.

Extraits du Règlement de lAssemblée nationale

Article 137

Les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont déposées sur le bureau de l’Assemblée. Elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Elles sont examinées et discutées dans les conditions fixées par le présent Règlement.

Article 138

1. Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre.

2. L’irrecevabilité est déclarée par le Président de l’Assemblée. En cas de doute, le Président statue après avis du Bureau de l’Assemblée.

Article 139

1. Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des Sceaux, ministre de la Justice.

2. Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue.

3. Lorsqu’une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l’Assemblée, saisi par le garde des Sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux.

● En premier lieu, pour être recevables, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion », en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale.

En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l’article unique de la proposition de résolution, elle serait chargée « d’étudier l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre ».

L’exposé des motifs de la proposition de résolution précise que cette commission d’enquête devra notamment se pencher sur le recrutement et la formation des policiers et gendarmes, la pratique des contrôles d’identité, les techniques utilisées lors des interpellations, les chaînes de commandement ou encore les conditions d’exercice, parfois difficiles, des forces de l’ordre.

● En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans l’année qui précède leur discussion, a eu lieu une mission d’information ayant fait usage des pouvoirs dévolus aux rapporteurs des commissions d’enquête demandés dans le cadre de l’article 145-1 du Règlement ou une commission d’enquête ayant le même objet ([2]).

Or ce n’est pas le cas ici. Une commission d’enquête a déjà travaillé sur la question du maintien de l’ordre, mais c’était sous la précédente législature ([3]).

La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.

● Enfin, en application de l’article 139 du Règlement, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit, quant à lui, que la mission d’une commission d’enquête déjà créée « prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ».

Interrogé par le Président de l’Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l’article 139 précité, M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir, dans un courrier du 9 juillet 2020, que le périmètre de la commission d’enquête envisagée était « susceptible de recouvrir celui d’enquêtes en cours mettant en cause les forces de l’ordre pour des atteintes à l’intégrité physique, notamment dans le cadre des manifestations des gilets jaunes ». La commission devra donc veiller, tout au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

Sous cette réserve, il apparaît que la création d’une commission d’enquête sur l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique est recevable.

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 15 juillet 2020, la Commission examine la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique (n° 3138) (M. Bruno Questel, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous abordons l’examen de la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique.

Le groupe Socialistes et apparentés a indiqué qu’il faisait usage, sur cette proposition de résolution, de son « droit de tirage ».

Nous allons à présent entendre M. Bruno Questel, que nous avons désigné rapporteur sur la recevabilité de cette proposition de résolution.

M. Bruno Questel, rapporteur. Nos collègues Olivier Faure, George Pau-Langevin et les membres du groupe Socialistes et apparentés ont déposé cette proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête. Lors de la conférence des Présidents du mardi 30 juin dernier, la présidente du groupe Socialistes et apparentés, Mme Valérie Rabault, a indiqué qu’elle ferait usage, sur cette proposition de résolution, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou minoritaire une fois par session ordinaire. Par conséquent, et conformément au second alinéa de l’article 140 du même Règlement, il revient à notre Commission de vérifier que les conditions requises pour la création de cette commission d’enquête sont réunies ; il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’opportunité d’une telle création.

Ces conditions sont au nombre de trois.

En premier lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à l’enquête, en application de l’article 137 du Règlement. En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l’article unique de la proposition de résolution, elle serait chargée d’« étudier l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre ».

En second lieu, les propositions de résolution sont recevables sauf si, dans l’année qui précède leur discussion, a eu lieu une commission d’enquête ayant le même objet. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Si une commission d’enquête a déjà porté sur ces questions, c’était sous la précédente législature, en 2015, sous la conduite de MM. Pascal Popelin et Noël Mamère.

Enfin, en application de l’article 139 du Règlement de notre assemblée, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de celle-ci. Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 dispose, quant à lui, que la mission d’une commission d’enquête déjà créée prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter.

Interrogé par le président de l’Assemblée nationale, M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir dans un courrier du 9 juillet 2020 que le périmètre de la commission envisagée était « susceptible de recouvrir celui des enquêtes en cours mettant en cause les forces de l’ordre pour des atteintes à l’intégrité physique, notamment dans le cadre des manifestations des “gilets jaunes” ». La commission d’enquête devra donc, tout au long de ses travaux, veiller à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

Sous toutes ces réserves, il apparaît que la création d’une commission d’enquête sur l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre citoyens et forces publiques est recevable.

Mme George Pau-Langevin. Je remercie M. le rapporteur. Nous avons pris soin de préciser qu’il s’agissait, non pas de dénoncer tels faits divers dans lesquels les forces de police seraient mises en cause, mais de traiter la question au fond et de dresser l’inventaire de la situation actuelle en examinant notamment les chaînes de commandement, les corps de contrôle, la formation suivie par les agents, notamment en matière de déontologie, et leur charge de travail, afin d’identifier les problèmes et de formuler des préconisations.

Notre objectif est bien de faire en sorte que les choses fonctionnent mieux et d’éviter le divorce que l’on constate souvent entre les forces de sécurité, dont la société a éminemment besoin, et une partie de la population, notamment les jeunes, en particulier ceux des quartiers populaires, qui ont parfois le sentiment que le comportement des agents à leur égard n’est pas équitable.

Il nous paraît important qu’au moment où des tensions surviennent, nous avancions dans la voie d’une meilleure compréhension du fonctionnement des forces de sécurité et nous cherchions les moyens de l’améliorer.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je demande donc à la Commission de se prononcer sur la recevabilité de cette commission d’enquête.

La Commission, en application de l’article 140, alinéa 2, du Règlement, constate que sont réunies les conditions requises pour la création de la commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique, demandée par le groupe Socialistes et apparentés.


([1]) Aux termes du deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement, « chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête satisfaisant aux conditions fixées aux articles 137 à 139 ».

([2]) Article 138 du Règlement de l’Assemblée nationale.

([3]) Rapport n° 2794 au nom de la commission d’enquête chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens, par M. Noël Mamère, président et M. Pascal Popelin, rapporteur, députés, enregistré à l’Assemblée nationale le 21 mai 2015.