N° 3353

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 septembre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels

PAR M. Hubert JULIENLAFERRIÈRE

Député

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ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat : n° 315, 352, 353, et T.A. 72 (2019-2020)

 Assemblée nationale : n° 2746

 


 


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SOMMAIRE

 Pages

introduction

I. faciliter l’EXPATRIATION DES AGENTS DE MISSIONS OFFICIELLES ET DE LEURS FAMILLES

A. amÉliorer et moderniser le cadre d’expatriation des agents

B. remÉdier aux obstacles rÉsultant de l’application des conventions de Vienne

II. DEUX ACCORDS PARTAGEANT UN OBJECTIF COMMUN MAIS AU CONTENU DISSEMBLABLE

A. L’accord franco-TURKmène : un accord aux stipulations classiques

1. Objet et définition

2. Procédures applicables

3. Immunités civiles, administratives et pénales

4. Régime fiscal et sécurité sociale

5. Exercice d’autres activités rémunérées

6. Clause territoriale

7. Règlement des différends et dispositions finales

B. L’accord franco-américain : un accord aux stipulations dérogatoires

1. Objet et définitions

2. Procédures applicables

3. Immunités civiles, administratives et pénales et régime fiscal

4. Clause territoriale

5. Règlement des différends et dispositions finales

examen en comMission

ANNEXE : TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION


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   introduction

 

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 2746 autorisant l’approbation de deux accords bilatéraux, adopté par le Sénat le 4 mars 2020 :

– l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires, signé le 15 avril 2019 ;

– l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États‑Unis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels, signé le 30 mai 2019.

Ces deux accords poursuivent l’un et l’autre le même objectif : permettre, sur la base de la réciprocité, aux membres de la famille ou des personnes à charge des agents officiels d’exercer une activité professionnelle sur le territoire de l’État d’accueil pendant le temps d’affectation des agents diplomatiques ou consulaire.

Ces accords, qui ont pour objet d’encadrer l’octroi d’un régime dérogatoire au droit commun pour les conditions d’accès des étrangers au marché du travail français, portent sur une matière de nature législative au sens de l’article 34 de la Constitution. Dès lors, leur approbation doit faire l’objet d’une autorisation parlementaire préalable conformément à l’article 53 de la Constitution.

 


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I.   faciliter l’EXPATRIATION DES AGENTS DE MISSIONS OFFICIELLES ET DE LEURS FAMILLES

A.   amÉliorer et moderniser le cadre d’expatriation des agents

La conclusion de ces deux accords répond à une volonté réformatrice du ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans le cadre du projet Ministère du XXIe siècle initié en 2015 et prolongé dans le cadre du projet Action publique 2022. Le Quai d’Orsay entend ainsi par ce biais favoriser la mobilité de ses personnels en aménageant un cadre facilitant l’accès au marché du travail des pays d’accueil pour les membres de leur famille.

En effet, en dehors de l’Espace économique européen (EEE) et de la Suisse – où s’applique le principe de libre circulation des travailleurs ([1]) – les membres de la famille des agents des missions officielles se trouvent dans une situation qui peut les empêcher d’accéder au marché du travail local.

Cette priorité du programme de modernisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a conduit à la conclusion de nombreux accords bilatéraux intergouvernementaux du même type prévoyant la possibilité pour les autorités de l’État d’accueil de délivrer, à titre dérogatoire, des autorisations de travail aux personnes à charge des agents officiels de l’État d’envoi. De la sorte, le Quai d’Orsay ambitionne de couvrir l’ensemble du réseau diplomatique et consulaire. De tels accords ont notamment été signés avec les pays suivants : Albanie, Argentine, Australie, Bolivie, Bénin, Brésil, Burkina Faso, Canada, Chili, Congo, Costa‑Rica, République Dominicaine, Équateur, Moldavie, Nicaragua, Nouvelle‑Zélande, Paraguay, Pérou, Roumanie, Serbie, Uruguay et Venezuela,

Dans un certain nombre de cas, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a privilégié, selon une approche plus souple et pragmatique et pour atteindre le même objectif, le recours à des notes verbales non juridiquement contraignantes, ayant valeur d’une déclaration d’intention. De tels échanges ont notamment eu lieu avec les pays suivants : Afrique du Sud, Cambodge, Cap Vert, Colombie, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Israël, Japon, Malaisie, Maurice, Ouganda, Salvador, Singapour, Zimbabwe.

Les accords conclus dans ce cadre ont ainsi pour ambition d’offrir aux agents français et à leurs proches de meilleures conditions d’expatriation et de vie familiale en leur permettant une meilleure insertion professionnelle et sociale. Ils favorisent, en outre, une meilleure continuité des parcours professionnels pour les personnes bénéficiaires et contribuent à un renforcement de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, les accords en question ne faisant pas de distinction de sexe entre les membres des familles concernées. Dans les faits, ces accords sont susceptibles de bénéficier davantage aux conjoints féminins d’agents, la proportion de conjoints masculins accompagnant un agent à l’étranger étant plus faible que la proportion de conjoints féminins, de l’ordre de 47,25 % d’agents féminins en couple à l’étranger au lieu de 72,30 % d’agents masculins.

Par ailleurs, ces accords sont susceptibles de bénéficier aux réseaux diplomatique, consulaire et culturel français en leur permettant de disposer de certaines compétences pouvant faire défaut sur place.

Après une quinzaine années de recul, il apparaît que les accords ou arrangements qui organisent l’emploi des conjoints semblent davantage bénéficier aux conjoints d’agents français qu’à ceux des autres États. En effet, selon une enquête du ministère de l’Europe et des affaires étrangères réalisée au dernier trimestre 2017 dans les pays où un tel dispositif prévalait et à laquelle ont répondu 63 postes diplomatiques et consulaires, plus de 250 conjoints d’agents français résidant dans le pays d’affectation ont obtenu une autorisation de travail ou travaillent sans avoir besoin d’autorisation comme dans les pays de l’EEE. Environ un tiers des bénéficiaires français de telles autorisations de travail exercent leur activité dans le réseau français à l’étranger (établissements culturels, établissements d’enseignements, autres services de l’ambassade ou des consulats). Réciproquement, le nombre de conjoints d’agents étrangers bénéficiant d’une autorisation de travail en France paraît plus limité. En 2017, six autorisations de travail ont été délivrées à des conjoints d’agents des missions diplomatiques en France et seulement cinq en 2018.

B.   remÉdier aux obstacles rÉsultant de l’application des conventions de Vienne

En raison de l’évolution sociologique des familles, le souhait des conjoints d’agents d’exercer une activité professionnelle s’accroît continûment. L’objectif premier de ces accords consiste ainsi à offrir la possibilité aux membres de la famille des agents expatriés d’exercer une activité rémunérée sans perdre pour autant le statut spécial garanti par les conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963, qui impliquent différents privilèges et immunités diplomatiques.

L’article 37 de la convention de Vienne de 1961 stipule que « les membres de la famille de l’agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36 pourvu qu’ils ne soient pas ressortissants de l’État accréditaire ». Cette protection concerne notamment l’inviolabilité de la personne et du domicile, l’inviolabilité de la correspondance et des biens, l’immunité de juridiction pénale et l’immunité de juridiction civile et administrative sauf s’il s’agit d’une action sans lien avec les fonctions officielles.

L’article 57 de la convention de Vienne de 1963 prévoit que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant à leur foyer sauf s’ils exercent eux‑mêmes, dans l’État d’accueil, une occupation privée de caractère lucratif.

Ces deux conventions ne prohibent pas formellement le travail des personnes à charge des agents officiels et prévoient même des exceptions à certains privilèges et immunités en cas d’exercice d’une activité professionnelle salariée. Cependant, le statut spécial des conjoints d’agents – autorisés à séjourner en vertu d’un titre de séjour spécial dérogatoire du droit commun – et les immunités, en particulier pénales qui l’accompagnent, peuvent constituer des obstacles à l’exercice d’une activité salariée dans le pays de résidence. En effet, certains employeurs peuvent exprimer des réticences à employer des personnes jouissant d’une immunité.

La conclusion de ce type d’accord permet, en l’occurrence, à l’État d’accueil de délivrer des autorisations de travail dérogatoires aux personnes à charge des agents officiels en créant la possibilité d’exercer une activité salariée tout en conservant un statut diplomatique.

 


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II.   DEUX ACCORDS PARTAGEANT UN OBJECTIF COMMUN MAIS AU CONTENU DISSEMBLABLE

A.   L’accord franco-TURKmène : un accord aux stipulations classiques

L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan a été signé le 15 avril 2019, à Achgabat, par Jean‑Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et par Rachid Meredov, ministre des affaires étrangères du Turkménistan. Cet accord vise à accorder l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires, sur la base de la réciprocité. Les négociations initiées en octobre 2017, à l’initiative de la France, ont abouti sans difficultés particulières. Le Turkménistan a notifié la ratification du présent accord le 20 mai 2019.

À l’heure actuelle, l’ambassade de France au Turkménistan, qui est un poste de présence diplomatique depuis 2017, compte quatre agents expatriés et quatre agents de droit local. La communauté française inscrite au registre consulaire présente au Turkménistan s’élevait quant à elle à 119 personnes en 2019. À titre de comparaison, l’ambassade du Turkménistan à Paris totalise trois agents expatriés et deux agents de droit local. La communauté turkmène en France compte environ 200 ressortissants.

À cette date, l’ambassade du Turkménistan à Paris a procédé à l’enregistrement auprès du Protocole de trois conjoints et cinq enfants de moins de vingt et un ans. S’agissant de l’ambassade de France à Achgabat, aucune demande n’a pour l’instant été enregistrée, les agents français étant célibataires ou tout du moins « célibataires géographiques », ce qui peut notamment s’expliquer par l’absence d’accord en la matière.

Cette situation peut aussi s’expliquer en raison des conditions particulières du marché du travail turkmène. Celui-ci ne présente que très peu d’opportunités et enregistre un chômage important – de l’ordre de 50 % – des salaires faibles ([2]) et une quasi‑absence de droit du travail. La puissance publique est omniprésente sur le marché du travail turkmène, le secteur privé ne représentant que 20 % du produit intérieur brut (PIB). Les entreprises publiques n’engagent quant à elles que des nationaux et ce sont les entreprises étrangères qui offrent le plus d’opportunité d’embauche pour les expatriés français. Elles sont cependant soumises à la règle dite « des 10% », imposant un ratio d’un employé expatrié pour neuf agents locaux, hormis dans le secteur pétro-gazier.

Par ailleurs, cet accord permettra de renforcer les relations bilatérales entre le Turkménistan et la France, qui, jusqu’à présent, n’ont existé que de manière sporadique. Celles-ci ont débuté en avril 1994, à l’occasion de la visite à Achgabat du président de la République, François Mitterrand, visite qui marqua le début de la représentation française au Turkménistan, avant d’aboutir à l’ouverture d’une ambassade, en 1999. Hormis, une commission bilatérale de l’armement, instituée en 2010, les relations bilatérales entre le Turkménistan et la France se sont majoritairement concrétisées par des rencontres entre les ministres des affaires étrangères des deux pays, notamment en 2011 et en 2017. Au sein des institutions multilatérales, la France a coparrainé en 1995 la résolution de l’Organisation Nations unies (ONU) reconnaissant la neutralité permanente du Turkménistan.

1.   Objet et définition

L’article 2 du présent accord fixe son objet. Il vise à autoriser aux « membres de la famille des agents du personnel diplomatique, consulaire, administratif et technique des missions officielles (…) à exercer une activité professionnelle dans l’État d’accueil ». L’accord définit le terme d’activité professionnelle comme « toute activité qui implique la perception d’un salaire résultant d’un contrat de travail régi par la législation de l’État d’accueil ».

Selon l’article 1er, les missions officielles visées sont « les missions diplomatiques régies par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les postes consulaires régis par la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et les représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l’autre État ».

Les membres d’une mission officielle sont les personnels de l’État d’envoi qui ne sont pas résidents permanents dans l’État d’accueil et qui occupent des fonctions officielles dans une mission diplomatique, un poste consulaire ou une représentation permanente. Les attachés de défense et les personnels militaires sont, pendant la durée de leurs fonctions au sein des ambassades, considérés comme des membres des missions officielles.

Les membres de la famille sont définis comme le conjoint au sens d’époux ou d’épouse, les enfants célibataires de moins de vingt et un ans ainsi que les enfants célibataires présentant un handicap physique ou mental.

Le terme de « conjoint » est défini de manière plus restrictive en droit turkmène qu’en droit français. En effet, la loi turkmène ne prévoit pas de mariage entre personnes du même sexe et il n’existe pas d’équivalent du pacte civil de solidarité (PACS).

2.   Procédures applicables

L’article 3 précise les procédures applicables pour solliciter l’autorisation d’exercer une activité professionnelle dans l’État accréditaire :

– l’envoi de la demande au nom du membre de la famille par la représentation diplomatique ou le poste consulaire de l’État d’envoi au service compétent de l’État d’accueil. Cette demande doit comporter un certain nombre d’informations, dont l’activité salariée que la personne souhaite exercer, les coordonnées de l’employeur potentiel ou encore le niveau de salaire envisagé ;

– l’obligation pour l’État d’accueil de vérifier que les conditions nécessaires pour exercer l’activité professionnelle sont remplies par le demandeur ;

– l’obligation, dans les trois mois suivant la réception de l’autorisation d’exercer une activité rémunérée, de fournir aux autorités compétentes de l’État d’accueil la preuve que la personne à charge et son employeur se conforment à la législation de l’État d’accueil en matière de protection sociale ;

– l’obligation pour les personnes à charge de présenter une nouvelle demande en cas de changement d’employeur ou en cas de changement de type d’activité professionnelle ;

– l’obligation pour les personnes à charge de se conformer aux exigences et obligations en vigueur dans l’État accréditaire concernant notamment les caractéristiques personnelles, diplômes ou niveau de qualification professionnelle. En outre, s’agissant des professions réglementées, le membre de la famille n’est pas dispensé de satisfaire aux critères imposées par celles‑ci ceux-ci ;

– la possibilité pour l’État accréditaire de rejeter la demande d’autorisation si, conformément à la législation nationale, seuls des ressortissants de l’État d’accueil peuvent exercer cette activité ;

– l’impossibilité pour les membres de la famille de conserver leur autorisation de travail après la date de fin des fonctions de l’agent diplomatique ou consulaire en poste, de même qu’ils ne sont pas autorisés à conserver leur emploi ni à se maintenir sur le territoire après expiration de l’autorisation ;

– la prise en compte du délai raisonnable visé à l’article 39.2 et 39.3 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et à l’article 53.3 et 53.5 de la convention de Vienne sur les relations consulaires lorsque l’autorisation d’exercice d’une activité professionnelle du membre de la famille expire.

3.   Immunités civiles, administratives et pénales

Les immunités civile, administrative et pénales sont prévues dans deux articles du présent accord. L’article 4 traite des immunités civiles ou administratives et l’article 5 de l’immunité pénale. L’article 4 précise que, conformément aux conventions de Vienne, les immunités de juridiction civile ou administrative ne s’appliquent pas dans le cadre de l’exercice d’une activité rémunérée. De même, l’immunité d’exécution ne s’applique pas.

À l’inverse, l’immunité de juridiction pénale continue de s’appliquer aux termes de l’article 5. Toutefois, dans le cas de « délits graves commis dans le cadre de l’activité professionnelle », une demande de levée d’immunité peut être formulée par l’État d’accueil, l’État d’envoi devant alors « considérer sérieusement la demande de renonciation à l’immunité de juridiction pénale de l’État accréditaire de la personne à charge impliquée ». En revanche, cette renonciation ne vaut pas renonciation à l’immunité d’exécution qui devra faire l’objet d’une renonciation spécifique.

4.   Régime fiscal et sécurité sociale

Selon l’article 6 du présent accord, les membres de la famille sont soumis, pour tout ce qui concerne leur activité rémunérée, à la législation applicable dans l’État d’accueil en matière d’imposition et de sécurité sociale.

En outre, l’article 6 précise que les privilèges douaniers prennent fin avec la cessation de l’activité professionnelle et que les membres de la famille autorisés à exercer une activité professionnelle ont la possibilité de transférer leurs revenus et indemnités accessoires dans les mêmes conditions que celles prévues pour les travailleurs étrangers.

5.   Exercice d’autres activités rémunérées

Selon l’article 7, il est également possible de solliciter une autorisation pour exercer d’autres types d’activité professionnelle non prévues par le présent accord. Ces demandes sont examinées au cas par cas, en fonction des dispositions législatives et réglementaires de l’État d’accueil.

6.   Clause territoriale

Une clause territoriale est prévue à l’article 9 du présent accord. Il précise que cet accord s’applique, en France, aux membres de la famille des agents des missions officielles implantés sur le territoire métropolitain français ainsi que dans les collectivités territoriales suivante : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, et La Réunion.

7.   Règlement des différends et dispositions finales

L’article 8 prévoit que tous les litiges liés à l’application ou à l’interprétation du présent accord sont réglés par des négociations directes et des consultations entre les Parties par la voie diplomatique.

L’article 10 se conforme aux modalités communément édictées dans le cadre des accords bilatéraux : une durée indéterminée, une entrée en vigueur de l’accord trente jours après la date de la dernière des notifications par laquelle l’une des Parties communique à l’autre l’accomplissement des procédures internes requises pour son approbation.

Le présent accord peut être modifié par consentement mutuel écrit des deux Parties. Il peut également être dénoncé par l’une des Parties, qui doit le notifier par voie diplomatique. Dans ce cas, le présent accord cessera d’être en vigueur six mois après la date de réception de la notification en question.

B.   L’accord franco-américain : un accord aux stipulations dérogatoires

Les négociations du présent accord ont été entamées en 2016 à l’initiative des États-Unis d’Amérique, la Partie américaine ayant signifié à la Partie française sa volonté de mettre fin à l’arrangement provisoire du 24 février 1987 qui permettait jusqu’alors aux conjoints des diplomates des deux Parties de travailler dans le pays d’accueil. En effet, les États-Unis, après avoir rencontré plusieurs difficultés pour obtenir en France des autorisations de travail pour les personnes à charge de leurs agents dans des délais raisonnables, ont signifié leur souhait de voir révisé le cadre permettant aux personnes à charge d’obtenir lesdites autorisations dérogatoires de travail.

Dans les faits, l’arrangement franco‑américain de 1987 était tout à la fois déséquilibré, asymétrique et incomplet. En juillet 2016, l’ambassade des États-Unis à Paris comptait environ 360 agents titulaires expatriés et 32 conjoints ou personnes à charge avaient alors manifesté le souhait de travailler en France mais y avaient finalement renoncé, « découragées par les obstacles administratifs, et la difficulté de trouver un emploi ». Dans les faits, les délais d’obtention des autorisations s’approchaient des deux à trois mois, et les Américains qui sollicitaient une telle autorisation de travail l’obtenaient en règle générale trop tardivement, souvent après que l’emploi envisagé a été pourvu. Par conséquent, seules deux personnes à charge d’agents officiels américains travaillaient alors en France au lieu de plus de quatre-vingts personnes à charge d’agents officiels français aux États‑Unis. L’arrangement de 1987 se révélait ainsi déséquilibré au net avantage de la France en raison du nombre important d’autorisations délivrées aux conjoints français aux États-Unis par rapport aux conjoints américains en France, dans une proportion de l’ordre de 1 à 10. En outre, cet arrangement était asymétrique, dans la mesure où les États‑Unis ne prenaient pas en compte les conjoints d’agents français qui n’étaient pas de nationalité française, ni les PACS. Enfin, il était incomplet car ne prenant pas en compte les conjoints des personnels affectés dans les structures de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) situées dans chacun des deux pays.

Les négociations avec les États-Unis, plus longues que celles menées avec le Turkménistan, ont débuté en août 2016. Le département d’État américain a un temps envisagé de suspendre la délivrance des autorisations de travail aux conjoints d’agents français aux États-Unis en l’absence de progrès significatifs dans les discussions bilatérales avant le 1er octobre 2016. Les négociations se sont, par la suite, poursuivies jusqu’au printemps 2019 par le biais de trois réunions bilatérales à Paris et de très nombreux échanges par courriels entre le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et l’ambassade des États‑Unis. Les Américains souhaitaient notamment l’obtention d’autorisations de travail « ouvertes », sans promesse d’embauche préalable, une exonération des taxes relatives aux autorisations de travail ainsi que l’inopposabilité du marché de l’emploi.

La demande américaine concernant l’obtention d’autorisations de travail « ouvertes » pour les personnes à charge des agents des missions officielles – sauf professions réglementées – a constitué le point crucial de la négociation dans la mesure où cette demande était dérogatoire aux accords existant en la matière. La France a alors saisi l’occasion de cette négociation pour inclure dans le projet d’accord la question des membres de la famille des militaires relevant de l’OTAN ([3]) stationnés dans chacun des deux pays, ceux‑ci ne pouvant pas exercer une activité rémunérée dans le cadre de l’arrangement franco‑américain de 1987.

Selon des données du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de la fin de l’année 2019, le nombre de personnes à charge d’agents français éligibles pour occuper un emploi rémunéré s’élèverait à 279 dont 212 conjoints et 67 enfants âgés de 16 à 21 ans. Concernant les personnes à charge des militaires basés à Norfolk, 75 conjoints de militaires pourraient être concernés par le présent accord dans les cinq années à venir.

Le présent accord, basé sur modèle déjà validé par le Congrès américain, n’a pas besoin d’être ratifié par les États-Unis.

1.   Objet et définitions

L’article 1er du présent accord fixe son objet. Il vise à autoriser aux « personnes à charge des agents officiels (…) à exercer un emploi sur le territoire de l’État d’accueil après obtention de l’autorisation appropriée ». Aux termes de l’article 2, la notion d’emploi correspond à « toute activité professionnelle ou commerciale rémunérée ou non, exercée par la personne à charge, que cette dernière soit un travailleur indépendant ou un employé ».

Selon ce même article 2, les « personnes à charge » comprennent le conjoint au sens d’époux ou d’épouse, les enfants célibataires âgé d’au moins seize ans et de moins de vingt et un ans ainsi que les enfants célibataires présentant un handicap physique ou mental.

La Cour suprême américaine ayant reconnu le mariage entre personnes de même sexe en 2015, les conjoints mariés d’agents officiels américains, quel que soit leur sexe, pourront bénéficier du présent accord. De manière analogue, les conjoints mariés des agents officiels français pourront, quel que soit leur sexe et même s’ils ne sont pas de nationalité française, bénéficier du présent accord. En revanche, les conjoints liés par un PACS ne pourront pas bénéficier de l’accord, le pacte civil de solidarité ne permettant pas d’obtenir un visa diplomatique.

L’article 2 précise que les membres d’une mission officielle sont « les membres du personnel diplomatique, les fonctionnaires consulaires, les membres du personnel administratif, technique et de service affectés dans les missions diplomatiques, les postes consulaires et les missions permanentes auprès des organisations internationales ayant leur siège ou un bureau dans l’État d’accueil ». À l’initiative de la France, cette définition s’étend également au « personnel de l’OTAN ».

Sont considérés comme personnels de l’OTAN les personnels militaires ou civils auxquels s’applique la convention de l’OTAN sur le statut des forces, les catégories de personnel civil employé par l’état‑major des forces alliées auxquelles s’applique le protocole de Paris, les experts internationaux ou civils en mission pour l’OTAN auxquels s’applique la convention d’Ottawa et les personnes auxquelles s’applique tout accord ou protocole additionnels aux conventions préalablement mentionnées.

Cette extension de la définition des agents officiels aux personnels de l’OTAN était très attendue par les personnels militaires français affectés au commandement allié Transformation (ACT) de l’OTAN dont le quartier général est situé à Norfolk, en Virginie. Actuellement, 53 conjoints et 84 enfants âgés de seize à vingt et un ans pourraient bénéficier des dispositions prévues dans le présent accord.

Si la France n’héberge, à proprement parler, aucune structure de l’OTAN, dix officiers américains sous statut OTAN sont affectés au corps de réaction rapide-France (CRR‑Fr). Cet état-major français situé à Lille a pour objet de répondre aux engagements internationaux pris par la France dans le cadre de l’Union européenne et de l’OTAN, comprend environ 430 militaires provenant de quatorze nations différentes.

Enfin, tout officier de liaison susceptible d’être accueilli sur la base des relations bilatérales franco‑américaines est soumis à la convention de Londres du 19 juin 1951 sur le statut des forces des États Parties au traité de l’Atlantique Nord (SOFA OTAN).

2.   Procédures applicables

L’article 3 détaille les procédures applicables pour solliciter l’autorisation d’exercer un emploi dans le cadre du présent accord :

– l’autorisation d’emploi et, le cas échéant, les renouvellements sont accordés de droit à la personne à charge des agents officiels ;

– la délivrance de l’autorisation d’emploi est réalisée sans obligation de justifier au préalable d’une offre d’emploi dans l’État d’accueil et sans possibilité de se voir opposer la situation du marché de l’emploi dans l’État d’accueil. Cette procédure dérogatoire de délivrance d’une autorisation de travail « ouverte » constitue la particularité du présent accord ;

– l’expiration de l’autorisation d’emploi intervient soit à la date de cessation du statut de personne à charge au sens du présent accord, soit à la date de fin d’affectation de l’agent officiel ;

– l’absence d’imposition de frais ou de droits pour la délivrance ou le renouvellement de l’autorisation d’emploi. La délivrance de l’autorisation est ainsi effectuée gratuitement par le ministère de l’intérieur pour la France et par le service américain de la citoyenneté et de l’immigration pour les États‑Unis ;

– l’obligation de se conformer à la législation et la réglementation régissant l’exercice de professions ou activités dans l’État d’accueil. Par ailleurs, les dispositions du présent accord n’impliquent pas la reconnaissance des attestations ou des diplômes universitaires entre les deux États ;

– la nécessité de traiter rapidement les demandes d’autorisation d’emploi en prévoyant un délai moyen de traitement de quarante-cinq jours. Si une des Parties constate de la part de l’autre Partie, un délai de traitement moyen des demandes, plus long que son propre délai de traitement, elle peut demander à organiser des consultations avec la Partie en cause afin de réduire ce délai. Au cas où aucune solution ne serait trouvée dans les soixante jours, la Partie concernée peut, moyennant un préavis de trente jours adressé à l’autre Partie différer la délivrance ou le renouvellement d’autorisations d’emploi.

S’agissant des personnes à charge des agents officiels français, trois procédures sont décrites :

– la demande officielle écrite des personnes à charge des agents officiels français en poste à l’ambassade à Washington DC, dans un poste consulaire français aux États‑Unis ou dans une mission permanente française auprès d’une organisation internationale (autre que les Nations unies) doit être adressée par l’ambassade de France à Washington DC au bureau des missions étrangères du département d’État des États-Unis ;

– la demande officielle écrite des personnes à charge d’agents officiels français affectés auprès de la mission permanente française auprès des Nations unies doit être adressée à la mission permanente des États‑Unis auprès des Nations unies ;

– la demande officielle écrite des personnes à charge de membres du personnel de l’OTAN français en mission sur le territoire américain doit être adressée par l’ambassade de France ou le bureau de liaison désigné de cette dernière au bureau des missions étrangères du Département d’État.

Trois procédures analogues sont décrites pour les personnes à charge des agents officiels américains :

– la demande officielle écrite des personnes à charge d’agents officiels américains en poste à l’ambassade des États‑Unis à Paris ou dans un poste consulaire américain en France doit être adressée par l’ambassade des États‑Unis à Paris au protocole du ministère des affaires étrangères ;

– la demande officielle écrite des personnes à charge d’agents officiels américains en mission permanente auprès d’une organisation internationale ayant son siège ou un bureau en France doit être adressée par le service du protocole de l’organisation internationale au protocole du ministère des affaires étrangères ;

– la demande officielle écrite des personnes à charge des membres du personnel de l’OTAN américains en mission sur le territoire français doit être adressée par l’ambassade des États‑Unis à Paris au service français compétent.

3.   Immunités civiles, administratives et pénales et régime fiscal

Les immunités civile, administrative et pénales sont prévues à l’article 4 du présent accord. Conformément aux conventions de Vienne de 1961 et 1963, celui-ci stipule que les immunités de juridiction civile ou administrative ne s’appliquent pas dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle rémunérée. Toutefois, l’immunité de juridiction pénale continue de s’appliquer dans le cadre des activités professionnelles.

L’article 4 en son paragraphe 3 précise, par ailleurs, que les personnes à charge restent soumises à la législation de l’État d’accueil en matière d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

4.   Clause territoriale

Une clause territoriale est prévue à l’article de 5 du présent accord. Celui‑ci s’applique aux personnes à charge des agents des missions officielles implantés aux États-Unis d’Amérique en incluant leurs territoires et sur le territoire métropolitain français ainsi que dans les collectivités territoriales suivante : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, et La Réunion.

5.    Règlement des différends et dispositions finales

L’article 6 prévoit que tout différend survenant en lien avec le présent accord sera résolu par la voie diplomatique au moyen de négociations entre les Parties.

Bien que le présent accord ne mentionne pas l’existence d’une durée indéterminée, l’article 7 se conforme aux modalités communément édictées dans le cadre des accords bilatéraux : une entrée en vigueur de l’accord trente jours après la date de la dernière des notifications par laquelle l’une des Parties communique à l’autre l’accomplissement des procédures internes requises pour son approbation.

 


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   examen en comMission

Lors de sa réunion du mercredi 1er juillet 2020, la Commission examine le projet de loi, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels (n° 2746).

Mme la présidente Marielle de Sarnez. L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires et l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels poursuivent le même objectif, celui de permettre, sur la base de la réciprocité, aux membres de la famille de ces agents d’exercer une activité professionnelle sur le territoire de l’État d’accueil, pendant le temps d’affectation des personnels diplomatiques et consulaires.

Ils sont très similaires à d’autres accords que nous avons examinés depuis le début de la législature, qui visent à adapter au mieux le cadre d’expatriation des agents en poste diplomatique et consulaire à l’étranger. Cette question est devenue l’une des priorités du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, priorité que notre commission soutient largement.

M. Hubert Julien-Laferrière, rapporteur. Notre commission est saisie d’un projet de loi visant à autoriser l’approbation de deux accords sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels, conclus respectivement avec le Turkménistan et les États-Unis d’Amérique. Ce texte a été examiné par le Sénat le 4 mars.

Les deux accords partagent un objectif commun, celui de faciliter, sur la base de la réciprocité, l’accès au marché du travail local des membres de la famille des agents en mission officielle. Ils trouvent leur origine dans la volonté du ministère de l’Europe et des affaires étrangères de faciliter l’expatriation de ses agents, en prenant en compte l’évolution sociologique des familles. Depuis le début de la législature, notre commission a ainsi été saisie de plusieurs projets de loi dont le vote a permis l’approbation d’accords bilatéraux du même type, notamment avec la Bolivie, le Chili, le Congo, la République dominicaine, l’Équateur, le Nicaragua et le Pérou. Un tel accord est en cours de finalisation avec l’Ukraine. Des accords similaires devraient être signés prochainement avec la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et le Sri Lanka.

La conclusion d’un tel accord permet à l’État d’accueil de délivrer, sur la base de la réciprocité, des autorisations de travail dérogatoires aux personnes à charge des agents officiels, en créant la possibilité d’exercer une activité salariée, tout en conservant le statut diplomatique. Ces accords ont pour ambition d’offrir aux agents français et à leurs proches de meilleures conditions d’expatriation et de vie familiale, en leur permettant une insertion professionnelle et sociale plus satisfaisante dans leur pays de résidence.

Ils sont par ailleurs susceptibles de bénéficier aux réseaux diplomatique, consulaire et culturel français, en leur permettant de disposer de certaines compétences, qui peuvent parfois faire défaut sur place.

Le premier accord, noué entre la France et le Turkménistan, comprend des stipulations classiques, qui n’ont pas vocation à se concrétiser dans l’immédiat puisqu’à ce jour, aucune demande relative à l’accès au marché du travail local n’a été enregistrée, les agents français en poste au Turkménistan étant célibataires, du moins géographiquement. Cette situation pourrait évoluer grâce à la conclusion du présent accord.

Le second accord, noué entre la France et les États-Unis, bien que similaire au précédent quant à son objectif, s’en distingue cependant sur plusieurs points. Tout d’abord, il a été négocié à partir de 2016, à la demande des États-Unis, qui avaient fait part de leur insatisfaction à l’égard du précédent arrangement, datant de 1987.

Dans les faits, cet arrangement franco-américain était déséquilibré, asymétrique et incomplet. Les délais d’obtention des autorisations – deux à trois mois – étaient excessivement longs. En règle générale, les Américains qui sollicitaient une telle autorisation de travail l’obtenaient trop tardivement, quand l’emploi visé était déjà pourvu.

En juillet 2016, seules deux personnes à charge d’agents officiels américains travaillaient ainsi en France quand plus de 80 personnes à charge d’agents officiels français travaillaient aux États-Unis. L’arrangement de 1987 se révélait donc déséquilibré, au net avantage de la France, en raison du nombre élevé d’autorisations délivrées aux conjoints d’agents français aux États-Unis, par rapport aux conjoints américains en France.

De plus, l’arrangement était asymétrique, les États-Unis excluant les conjoints d’agents français qui n’étaient pas de nationalité française et les personnes pacsées avec un agent officiel.

Enfin, il était incomplet car il ne prenait pas en compte les conjoints des agents affectés dans des structures de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), situées dans chacun des deux pays.

Le présent accord franco-américain se distingue des autres conventions du même type par les dispositifs spécifiques et inédits qu’il prévoit, notamment, à la demande des Américains, la possibilité de délivrer des autorisations de travail ouvertes, c’est-à-dire sans promesse d’embauche préalable, pour les personnes à charge des agents des missions officielles.

La France a saisi l’occasion de cette négociation pour inclure dans le présent accord les membres de la famille des militaires de l’OTAN stationnés dans chacun des deux pays. Cette extension de la définition des agents officiels aux personnels de l’OTAN était très attendue par les personnels militaires français affectés à Norfolk, dans l’État de Virginie, aux États-Unis. Actuellement, 53 conjoints et 84 enfants âgés de seize à vingt et un ans pourraient bénéficier des dispositions prévues dans le présent accord.

Le processus de ratification étant déjà achevé pour les parties turkmène et américaine, je vous invite à voter sans réserve, en septembre, ce projet de loi autorisant l’approbation de ces deux accords, qui permettront d’améliorer les conditions d’expatriation de nos agents.

M. Alain David. Hormis Total, combien de grandes entreprises françaises sont-elles installées au Turkménistan, un pays très fermé ?

M. Michel Fanget. Ces accords constituent une véritable avancée pour la modernisation de nos services diplomatiques et consulaires. Ils correspondant à une nécessité pragmatique car on ne peut pas demander aux agents de partir à l’étranger en les contraignant à faire un choix entre leur vie familiale et leur activité professionnelle.

Les négociations avec les États-Unis avaient été longues et difficiles. L’accord conclu est véritablement un accord de mieux-disant, qui permettra d’accroître le nombre de nos concitoyens pouvant exercer une activité professionnelle en territoire américain.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés approuve donc ces accords, qui constituent des avancées concrètes pour nos ressortissants à l’étranger et sécurisent leur implantation.

Mme Anne Genetet. Nous avons déjà voté quelques projets de loi de cette nature. Je suis très souvent interpellée dans ma circonscription par des conjoints d’agents officiels, qui ne peuvent pas exercer d’activité professionnelle. De plus, lors de mon expatriation aux États-Unis en 1986 et 1987, je me souviens avoir reçu un visa de travail afin d’assurer mon « autosuffisance » – l’expression est savoureuse – et ne pas dépendre de mon conjoint. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères étant le ministère où le taux de divorce des agents est le plus élevé, les conjoints d’agents doivent absolument pouvoir travailler.

Le rapport indique en page 7 que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a recours à des « notes verbales, non juridiquement contraignantes, ayant valeur d’une déclaration d’intention ». Cela concerne certains de nos postes en Asie-Pacifique, comme dans ma circonscription, au Cambodge, en Inde, au Japon ou à Singapour. On comprend l’importance d’un accord bilatéral, mais moins le fait de recourir à ces substituts. Quelle est la plus-value de ces notes verbales ? Peut-on espérer que des accords bilatéraux, comme ceux que nous examinons aujourd’hui soient rapidement conclus avec les États d’Asie et du Pacifique ?

M. Jacques Maire. L’application de l’État de droit pose problème au Turkménistan. Le pays, vous le savez, est particulier. Son président, qui participait à un festival équestre, a ainsi imposé le silence sur sa chute, juste après la ligne d’arrivée. De grosses entreprises françaises, comme Bouygues, y sont présentes, mais on relève des atteintes à la vie privée des agents. Je peux citer deux exemples, que j’ai vécus. Le régime a délibérément tenté de mettre en difficulté une chargée d’affaires enceinte, en la convoquant à des heures tardives. Il a poursuivi, emprisonné voire expulsé de jeunes expatriés au motif qu’ils avaient tenu la main d’une personne locale de sexe opposé.

Si l’enjeu économique et l’intérêt de la communauté française sont certains, de quelles garanties disposons-nous dans ce partenariat économique important pour nous assurer que le respect de l’État de droit conduira à des comportements plus civilisés ?

M. Hubert Julien-Laferrière, rapporteur. Il est certain que les entreprises françaises ne se précipitent pas au Turkménistan. Bouygues Bâtiment International y compte toutefois près de 150 expatriés. Vinci Construction, Total, Thales et Schneider y sont implantés.

Il est difficile de demander à nos agents de choisir entre leur carrière et leur vie familiale. Aussi, même pour un pays comme le Turkménistan, il importe de signer un tel accord, afin de faciliter la vie familiale et professionnelle de nos agents.

Les notes verbales, non contraignantes, existent en effet. Un accord est cependant préférable car plus formel et solennel. Certaines dispositions nécessitent une approbation parlementaire, c’est pourquoi le présent projet de loi est nécessaire.

Enfin, je comprends la préoccupation envers le Turkménistan, qui dépasse le cadre de cet accord. Si la convention semble nécessaire pour les agents français, elle n’empêche pas de se poser la question de l’État de droit dans ce pays.

M. Jean-Michel Clément. Dans des pays comme le Turkménistan, où la démocratie a été mise de côté, puisque son président a écarté tout opposant potentiel, certains conjoints de Français expatriés, travaillant pour de grandes entreprises, ont rencontré des difficultés à travailler et à vivre en sécurité. Il est dommage que des accords de cette nature soient limités à des personnels du réseau diplomatique et ne prévoient pas d’ouvrir le champ des possibles à tous les ressortissants, qu’ils relèvent ou non de ce réseau.

L’accord aura en effet pour conséquence une inégalité de traitement, voire une discrimination, entre le conjoint d’un diplomate et celui d’un salarié expatrié, alors que tous deux se trouvent confrontés à des situations professionnelles identiques. J’ignore s’il aurait été possible d’insérer de telles dispositions dans l’accord, mais elles auraient du moins pu y trouver un écho. Je ne m’inquiète pas pour les États-Unis, mais dans un pays comme le Turkménistan, de telles dispositions auraient été nécessaires.

Le groupe Libertés et territoires approuvera naturellement les deux accords.

M. Hubert Julien-Laferrière, rapporteur. Sans parler de discrimination, on peut dire que les conjoints des agents diplomatiques bénéficient d’un statut particulier. Je ne vois cependant pas d’autre solution pour permettre aux familles des agents officiels de travailler dans de bonnes conditions dans le pays.

Bien que les questions de l’État de droit et de la démocratie restent entières, elles n’exonèrent pas de travailler, avec d’autre pays, à ce que le Turkménistan se démocratise.

 

Lors de sa réunion du mercredi 23 septembre 2020, la Commission vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des ÉtatsUnis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels (n° 2746).

Mme Isabelle Rauch, vice-présidente. Je vais maintenant appeler les deux projets de loi que nous avons examinés lors de notre séance du 1er juillet dernier. Nous étions alors réunis en visioconférence et n’avions pas pu passer au vote après les deux discussions générales.

Le second projet de loi autorise l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États‑Unis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels. Nous avons entendu le rapport de notre collègue Hubert Julien‑Laferrière le 1er juillet dernier. Ce texte a été adopté par le Sénat le 4 mars 2020. Notre rapporteur a proposé d’adopter le projet de loi.

La commission adopte, à l’unanimité, l’article unique et le projet de loi sans modification.

 


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   ANNEXE : TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

 

Article 1er
(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires, signé à Achgabat le 15 avril 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi (1).

Article 2
(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats‑Unis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels (ensemble une annexe), signé à Washington le 30 mai 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi (1).

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2746)

 


([1]) L’article 28, paragraphes 1 et 2, de l’accord sur l’Espace économique européen prévoit la libre circulation des travailleurs entre les États membres de l’Union européenne et les États de l’Association européenne de libre‑échange, et l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

([2] Le salaire moyen est d’environ 908 manats turkmènes, soit 235 euros par mois au taux officiel mais 25 euros au taux de change parallèle.

([3]) En comptabilisant les militaires et leurs conjoints, ce sont au minimum 150 personnes qui sont concernées. Ce nombre devrait demeurer constant sur les cinq prochaines années.