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N° 3382

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2020.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI,
adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne
en matière économique et financière (n° 3196).

PAR

Mme ValÉria FAURE-MUNTIAN

Députée

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AVIS
 

FAITS

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES

 

AU NOM DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

 

Par M. MICHEL LAUZZANA

Député

 

Par Mme AURORE BERGÉ

Députée

——

TOME III

COMPTES RENDUS

Voir les numéros :

Sénat   : 314 rect. bis, 552, 553, 548 et T.A. 120 (2019‑2020).

Assemblée nationale :  3196.


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SOMMAIRE

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Pages

COmpte rendu des Travaux de la commission des affaires économiques

A. DISCUSSION gÉnÉrale

B. Examen des articles

compte rendu des TRAVAUX de la commission des FINANCES, saisie pour avis

A. discussion gÉnÉrale

B. Examen des articles

compte rendu des TRAVAUX  de la commission des affaires culturelles et de lÉducation, saisie pour avis

A. Discussion gÉnÉrale

B. examen des articles


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   COmpte rendu des Travaux
de la commission des affaires économiques

Au cours de sa réunion du mercredi 30 septembre 2020, la commission des affaires économiques a procédé à la discussion générale puis à lexamen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne en matière économique et financière (no 3196) (Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure).

A.   DISCUSSION gÉnÉrale

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi, modifié début juillet par le Sénat, portant diverses dispositions au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE). Dans la tradition des DDADUE et autres DDOEF – les projets portant « diverses dispositions d’ordre économique et financier » – ce texte est un peu « fourre-tout », si vous me passez l’expression. Les dispositions qu’il contient sont extrêmement variées et n’ont de commun que leur objectif, qui est de mettre en œuvre des textes européens – directives ou règlements.

La grande diversité des thèmes abordés a d’ailleurs conduit notre commission à solliciter l’avis de deux autres commissions, ce qui signifie que nous avons accordé une délégation sur le fond, à la commission des finances pour les articles 8 à 16, 16 bis, 16 ter, 17, 21, 23 et 24, et à la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les articles 24 bis et 24 ter. Permettez-moi de saluer nos deux rapporteurs pour avis, M. Michel Lauzzana pour la commission des finances, et Mme Aurore Bergé, pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Ils interviendront dans la discussion générale et pourront, s’ils le souhaitent, présenter les amendements adoptés par leur commission au cours d’une seule intervention.

Comme le veut l’usage, notre commission s’est engagée à adopter les amendements déposés sur les articles ainsi délégués et à ne rien y ajouter. Tous les amendements portant sur ces articles délégués devaient donc être déposés devant les commissions dont nous avons sollicité l’avis. Certains d’entre vous ont oublié cette règle – notamment le Gouvernement –, ce qui m’a conduit à déclarer irrecevables 9 amendements, qui pourront évidemment être déposés en séance.

Pour nous présenter ce projet de loi, nous pourrons compter sur notre excellente rapporteure, Mme Valéria Faure-Muntian, qui fera aujourd’hui l’une de ses dernières interventions dans notre commission, puisqu’elle a décidé d’aller courir un marathon budgétaire au sein de la commission des finances, et sur M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. À ce propos, j’espère que vous avez toutes et tous téléchargé l’application StopCovid, qui est l’un des moyens de lutter contre le virus. Les Britanniques nous ont battus sur ce terrain, et largement, puisque 11 à 13 millions d’entre eux ont déjà téléchargé l’application. Je vous engage donc à le faire et à inciter les Françaises et les Français à vous imiter.

Si l’examen de ce texte devait se prolonger, ce que je ne souhaite pas, le Gouvernement serait représenté cet après-midi par Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. J’ai décidé, puisqu’il est là et pour ne prendre aucun risque, d’examiner en priorité les articles 4 bis, 26 et 27, qui relèvent tout spécialement des compétences de M. Cédric O, avant de prendre les autres articles dans l’ordre numérique habituel. Sachez que notre commission aura, quoi qu’il arrive, le plaisir d’auditionner très prochainement Mme Olivia Grégoire.

Je vous rappelle, enfin, que les rapporteurs pour avis et les orateurs de groupe disposeront chacun de quatre minutes dans la discussion générale, et les autres orateurs de deux minutes. Nous aurons ensuite 86 amendements à examiner.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir évoqué l’application StopCovid : à l’heure où nous cherchons par tous les moyens à éviter un reconfinement, il faut utiliser tous les moyens à notre disposition. Si plus de 4 000 personnes se sont déjà déclarées positives sur l’application StopCovid, le nombre de notifications est demeuré très faible, parce que nous n’avons pas encore atteint la masse critique qui rendrait cet outil vraiment utile.

Le projet de loi qui vous est soumis comporte 36 articles, dont 7 ont été ajoutés par le Sénat. Les diverses dispositions qu’il contient ont un seul objectif : que la France applique le droit de l’Union européenne de manière exemplaire lorsqu’elle en prendra la présidence au début de l’année 2022. Le recours à un « texte-balai » d’adaptation au droit de l’Union européenne s’est imposé, compte tenu du délai contraint de transposition : certains articles concernent des textes européens adoptés il y a plus de trois ans, et dont l’entrée en vigueur est imminente. La technicité des sujets abordés n’a pas empêché des débats de fond sur des enjeux essentiels, d’abord au Sénat, puis au sein de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, saisies pour avis. Je me félicite que la question de la transition numérique soit au cœur de plusieurs dispositions de ce projet de loi, qu’elles concernent la régulation des plateformes, la protection des consommateurs ou les enjeux cruciaux d’accès aux infrastructures numériques.

Le Sénat a ajouté certaines dispositions, dans une logique de co-construction avec le Gouvernement. Sur la question du maillage territorial des vétérinaires, par exemple, il a adopté un dispositif inédit à la main des collectivités territoriales qui leur permet de verser des aides à l’installation ou au maintien des vétérinaires auprès d’animaux d’élevage dans les zones tendues, identifiées par arrêté. C’est une solution concrète, opérationnelle et décentralisée au service de nos territoires, qui tient à cœur à mon collègue Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Les sénateurs ont aussi travaillé avec le Gouvernement à affiner l’article relatif aux nouveaux pouvoirs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en matière de protection des consommateurs en ligne, notamment via des mesures de déréférencement et de blocage de sites. Il était urgent de muscler notre arsenal législatif en la matière et je remercie les nombreux parlementaires qui se sont mobilisés sur cette question au cours des derniers mois. Je me félicite du recalibrage de ce dispositif, qui lui confère une sécurité juridique accrue, sans rien sacrifier de ses ambitions.

La chambre haute a également adopté des dispositions particulièrement attendues par le secteur de la culture, en transposant la              directive (UE) 2018/1808 sur les services de médias audiovisuels, dite directive « SMA » du 14 novembre 2018, la directive (UE) 2019/790 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique du 17 avril 2019 ainsi que la directive (UE) 2019/789 dite « câble-satellite » du 26 mars 2019. Une étape supplémentaire sera ainsi franchie en faveur de la modernisation du droit d’auteur en Europe, en facilitant la cession de droits pour les services de radiodiffusion par satellite et de retransmission par câble sur le marché unique de l’Union européenne.

Le Sénat a adopté des dispositions prévoyant la transposition du code des communications électroniques par ordonnance, à l’exception du service universel, qui fait l’objet d’une transposition directe. Il s’agit de fixer un cadre pour la mise en œuvre d’un service universel au périmètre élargi, qui comprend désormais une composante relative à l’internet haut débit. Très concrètement, conformément aux exigences européennes, tous les consommateurs devront pouvoir disposer d’un accès adéquat à l’internet haut débit, ainsi que d’un système de communication vocale fixe, et ce, à un tarif abordable. Cette mesure permettra d’accéder à une liste minimale de services, tels que la messagerie électronique, la presse en ligne ou la recherche d’emploi, fixée par le code européen des communications électroniques.

Sur tous ces sujets, je tiens à saluer le travail constructif de la chambre haute, et je souhaite qu’il soit conforté aujourd’hui.

Le Gouvernement souhaite toutefois revenir sur d’autres dispositions adoptées par le Sénat. Celui-ci a introduit un article 4 bis, qui reprend la proposition de loi de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace. Cet article, qui paraît sans lien avec l’objet du projet de loi, puisqu’il ne vise pas à transposer des textes de l’Union européenne, a déjà été longuement discuté au Sénat, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de Mme Sophie Primas. L’avis du Gouvernement sur son opportunité n’a pas changé, dès lors qu’il interfère avec des initiatives européennes importantes des commissaires Margrethe Vestager et Thierry Breton, destinées à renforcer la régulation du numérique, et a priori conformes aux propositions formulées par les autorités françaises depuis deux ans. Nous suivrons de près l’issue de ces négociations mais, en tout état de cause, il nous semble prématuré d’introduire de telles dispositions dans la loi française, alors que la législation européenne doit être présentée au début du mois de décembre.

Je tiens à saluer la rapporteure, Mme Valéria Faure-Muntian, pour son travail et pour son engagement tout particulier sur la question de la protection des consommateurs et, plus globalement, sur le numérique. Ce projet de loi comporte des dispositions multiples et complexes, mais je tiens à rappeler que nous n’avons qu’une ligne directrice, qu’un seul souhait, celui d’une Union européenne qui protège mieux ses consommateurs, qui renforce la lutte contre la concurrence déloyale et qui harmonise les pratiques commerciales entre États membres.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure. Ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne a été présenté en conseil des ministres le 12 février 2020 et examiné par le Sénat au mois de juillet. Son examen par l’Assemblée nationale, qui devait avoir lieu cet été, a été repoussé à cause de la crise sanitaire : nous avons donc eu tout le temps nécessaire pour un travail approfondi.

L’activité législative européenne, particulièrement dynamique dans les matières économiques et financières, vise à mieux protéger les consommateurs, à mieux protéger les fournisseurs dans le secteur agricole et alimentaire, à adapter le droit européen aux spécificités du monde numérique et à approfondir le marché intérieur, en particulier dans le secteur de la génétique animale et des médicaments vétérinaires. Sur certains articles qui ne concernaient pas directement notre commission, nous avons sollicité l’avis de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances.

Ma philosophie, en tant que rapporteure, a été de transposer sans sur-transposer. La sur-transposition, qui est un mal français, a souvent des effets désastreux : elle complexifie le droit, elle introduit une forme d’insécurité juridique, elle fausse la concurrence sur le marché intérieur européen et nuit à la compétitivité des entreprises françaises.

Les dispositions du texte qui relèvent de la commission des affaires économiques visent, globalement, à protéger le consommateur, en adaptant le droit de la consommation à l’ère du numérique. C’est notamment l’objectif de la transposition de la directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, dite « vente de biens » et la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, dite « services numériques ». L’objectif de ces directives est de réduire les disparités de réglementation concernant les contrats de vente dans l’Union européenne. Il s’agit d’améliorer la sécurité juridique dans l’ensemble du marché unique, au bénéfice des entreprises et des consommateurs. Le droit des contrats de vente de biens sera ainsi modifié et adapté à l’ère du numérique. Les vendeurs seront soumis à de nouvelles obligations – notamment en matière de fourniture de mises à jour – et les contenus et services numériques ne relevant pas du contrat de vente d’un bien bénéficieront désormais d’un régime juridique analogue.

Ce projet de loi transpose également la directive (UE) 2019/2161 dite « omnibus » du 27 novembre 2019 : le législateur européen a introduit de nouvelles mesures pour lutter contre les faux avis en ligne et renforcer les obligations d’information pesant sur les plateformes en ligne. Le texte prévoit un renforcement ainsi qu’une harmonisation des sanctions en cas d’infraction au droit de la consommation, ainsi qu’un rehaussement des règles applicables aux annonces de réductions de prix.

Plusieurs dispositions visent également à adapter le droit français aux règles issues du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits. Il est notamment prévu que la DGCCRF puisse notifier à une plateforme en ligne un contenu illicite, sans risquer de violer le secret de l’instruction.

Il s’agit aussi de renforcer la lutte contre les pratiques commerciales déloyales et de responsabiliser les plateformes de vente en ligne. La France dispose déjà, par rapport à ses voisins européens, d’un arsenal législatif très riche pour sanctionner les pratiques commerciales déloyales. Toutefois, la transposition de la directive 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire permettra d’appréhender des pratiques qui ne sont pas couvertes par le code de commerce. Les délais de paiement entre entreprises s’en trouveront notamment modifiés.

Ce projet de loi doit aussi garantir la pleine effectivité du règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, dit règlement « Platform to business », entré en vigueur le 12 juillet 2020. Celui-ci impose une série d’obligations nouvelles aux plateformes et aux moteurs de recherche en ligne pour lutter contre les pratiques déloyales et renforcer les obligations en matière de transparence et de loyauté. Ces nouvelles mesures répondent à une attente forte exprimée par nos concitoyens, ainsi que par le tissu économique français et européen.

Le texte entend également lutter contre les pratiques restrictives de concurrence : il introduit un nouveau dispositif d’astreinte, avec des montants très dissuasifs, pour mieux lutter contre les déséquilibres commerciaux, qu’ils soient le fait de la grande distribution ou des géants du numérique.

Il vise aussi à renforcer le marché unique dans le secteur de la génétique et de la santé animales et des médicaments vétérinaires.

Le projet de loi habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite directive « ECN + », afin de renforcer l’efficacité des procédures mises en œuvre par la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence. La transposition de cette directive améliorera l’efficacité et la rapidité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. L’Autorité de la concurrence disposera désormais de l’opportunité des poursuites et de la possibilité de se saisir d’office pour prononcer des mesures conservatoires. Parallèlement, le texte prévoit un ensemble d’ajustements au code de commerce, afin de renforcer encore l’efficacité et la célérité des procédures. Sont notamment prévues des mesures pour renforcer l’efficacité des visites et saisies, l’élargissement des cas où l’Autorité de la concurrence peut se prononcer en faisant exception au principe de collégialité, la suppression de l’avis de clémence, le renforcement des outils pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles en outre-mer ou encore la généralisation de la procédure simplifiée. Sur ce dernier point, les auditions menées ont montré que des évolutions étaient encore nécessaires pour parvenir à un compromis efficace, entre célérité des procédures et respect des droits de la défense. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

Certaines dispositions visent également à moderniser le droit des communications électroniques. Le projet de loi habilite le Gouvernement à transposer la directive (UE) 2018/1972 portant code européen des communications électroniques. Cela doit renforcer la concurrence, stimuler l’investissement privé et encourager le déploiement des réseaux à très haute capacité. Les dispositions relatives au service universel sont directement transposées dans la loi : conformément à la directive, l’accès au haut débit sera désormais pleinement intégré dans le périmètre du service universel.

Le Sénat a introduit des dispositions intéressantes, notamment dans trois nouveaux articles qui ont trait aux vétérinaires : l’autorisation de la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels, l’encadrement des actes vétérinaires réalisés par les élèves vétérinaires étudiants étrangers mais stagiaires en France et surtout un dispositif innovant de lutte contre la désertification vétérinaire, sur le modèle de la lutte contre les déserts médicaux.

Les sénateurs ont aussi apporté des précisions pour circonscrire le champ des ordonnances et prévoir des délais de transposition en adéquation avec nos engagements européens.

Toutefois, certaines des dispositions introduites au Sénat n’ont pas leur place dans ce projet de loi : c’est le cas de l’article 4 bis, qui reprend la proposition de loi de la sénatrice Mme Sophie Primas visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace. Il introduit un ensemble de règles imposant la neutralité des terminaux, obligeant les plateformes à l’interopérabilité et réformant le contrôle des concentrations pour limiter les acquisitions prédatrices.

Cet article constitue, selon moi, un « cavalier législatif », contraire à l’article 45 de la Constitution, puisqu’il ne consiste pas en la transposition d’un texte européen. Sur la question du numérique, il faut privilégier l’échelon européen – c’est l’une des conclusions que je tire du rapport d’information sur les plateformes numériques que j’ai réalisé avec M. Daniel Fasquelle –, notamment dans le cadre du « Digital Services Act ». Annoncé par la Commission européenne en 2020, ce nouveau paquet européen a pour objectif de moderniser et de revoir considérablement les règles de la directive sur le commerce électronique de 2000, à travers deux volets : premièrement, augmenter et harmoniser les responsabilités qui incombent aux services numériques et, deuxièmement, élaborer une réglementation ex ante des plateformes dites structurantes. Agir dans un cadre purement national à la veille d’annonces de la Commission européenne risquerait de marginaliser la France. Cela irait à rebours de la stratégie pour un marché unique du numérique, lancée il y a cinq ans.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, chers collègues, je vous remercie de m’accueillir ce matin au sein de votre commission.

Parmi les articles dont l’examen a été délégué à la commission des finances, les articles 8 à 11 forment un premier ensemble de dispositions douanières : l’article 8 autorise l’administration des douanes à sanctionner les manquements des transporteurs à leurs obligations de notification des messages sur le statut des conteneurs ; l’article 9 adapte le droit français à la réglementation européenne sur la circulation des produits vitivinicoles ; l’article 10 tire les conséquences de l’ouverture du secteur de la représentation en douane prévue dans le nouveau code des douanes de l’Union européenne ; l’article 11 adapte le code monétaire et financier à la nouvelle réglementation européenne en matière de contrôle des flux d’argent liquide.

Les articles 12 à 16 ter forment un deuxième ensemble de dispositions en matière financière. Il s’agit, tout d’abord, d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnances trois directives de 2019 : une directive portant sur l’émission et la surveillance publique des obligations garanties ; une directive concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement ; une directive portant sur la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif. L’article 15 vise à clarifier l’habilitation du Gouvernement à transposer le « paquet bancaire » européen, conférée par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE ». L’article 16 rétablit la nullité des clauses interdisant la cession de créance, supprimée en 2019, ce qui fragilise certaines opérations de refinancement et l’accès au crédit pour les PME. L’article 16 ter, introduit par le Sénat, étend la nullité des clauses interdisant la cession de créance en matière d’assurance automobile, pour permettre aux assurés de choisir leur réparateur. L’article 16 bis, lui aussi introduit par le Sénat, supprime une référence devenue inutile.

L’article 17 adapte le secret fiscal avec les obligations de transparence imposées par la réglementation européenne en ce qui concerne les aides d’État à caractère fiscal.

L’article 21 renforce le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Il habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance une directive de 2019 facilitant l’utilisation d’informations financières pour la prévention des infractions pénales. Il ratifie aussi l’ordonnance du 12 février 2020 qui transpose la cinquième directive anti-blanchiment.

L’article 23 prévoyait des mesures pour faire face à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ces mesures ayant été adoptées dans la loi du 17 juin 2020 relative à la sortie de la crise sanitaire, le Sénat a supprimé cet article.

Enfin, l’article 24 modifie les règles de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Il vise, tout d’abord, à prolonger l’application des règles actuelles au-delà de l’exercice 2020, jusqu’au terme effectif de la programmation 2014-2020, à savoir en 2023. Il prévoyait également initialement d’habiliter le Gouvernement à modifier par voie d’ordonnance la répartition des compétences de gestion du FEADER entre l’État et les régions pour la prochaine programmation, mais le Sénat a supprimé cette habilitation. L’article 24 est celui qui a posé le plus grand nombre de questions.

Hors cet article, les dispositions que j’ai présentées, bien qu’un peu techniques, ne posent aucun problème majeur. C’est pourquoi la commission des finances vous propose de les adopter toutes, et de maintenir la suppression de l’article 23. Elle vous propose par ailleurs 27 amendements adoptés à mon initiative, qui sont surtout des amendements rédactionnels ou de cohérence, mais aussi 4 amendements de fond, qui alignent les délais d’habilitation à légiférer par ordonnance avec les délais de transposition des directives.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de léducation. Ce projet de loi répond à une urgence dans le monde de la culture. Les dispositions que nous avons examinées au sein de la commission des affaires culturelles sont le fruit d’un combat mené par la France depuis plusieurs années en faveur d’un cadre européen plus protecteur pour nos auteurs, pour nos artistes interprètes et pour leurs œuvres.

Les articles 24 bis et 24 ter habilitent le Gouvernement à transposer par ordonnances les directives relatives au droit d’auteur, aux câbles et satellites et aux services de médias audiovisuels. Nous ne sommes pas, à l’Assemblée nationale, des inconditionnels de la transposition par ordonnance : je crois pouvoir l’affirmer au nom de chacun d’entre nous. Mais, à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Les acteurs du secteur audiovisuel attendent l’application de ces directives depuis trop longtemps. Le Président de la République s’était engagé en mai à ce qu’elles entrent en vigueur avant la fin de l’année et je me félicite que cet engagement puisse être tenu.

Je salue la mobilisation du Gouvernement aussi bien pour ce projet de loi, dont il a su tirer parti pour inclure les sujets qui nous sont chers, que pour son engagement en faveur du monde de la culture, avec la hausse exceptionnelle de près de 5 % du budget de la culture ou le plan de relance.

Le recours aux ordonnances ne nous a pas empêchés de travailler et de faire le point avec toutes les parties prenantes. Les auditions menées en préparation de l’examen en commission nous ont permis d’affiner et d’enrichir le projet de loi. Les amendements qui en sont issus ont reçu l’avis favorable de la commission des affaires culturelles et je me réjouis par avance qu’ils soient intégrés au projet de loi.

L’article 24 bis transpose la directive relative aux droits d’auteur, qui reprend une partie du droit d’auteur à la française, pour l’étendre à toute l’Union européenne, mais elle contient également des avancées majeures pour la protection des œuvres en ligne. Elle instaure la fin du régime d’irresponsabilité des plateformes, qui devront désormais répondre des contenus mis en ligne par leur intermédiaire et assurer le respect des droits d’auteur et des droits voisins attachés à ces contenus.

La transposition permettra également de mieux protéger les auteurs et les artistes interprètes : ils pourront bénéficier d’une rémunération supplémentaire appropriée si leur rémunération initiale est exagérément faible. Ce sujet pourra faire l’objet de discussions lors de l’examen du projet de loi en séance publique, afin de s’assurer que l’habilitation donnée au Gouvernement respecte fidèlement les dispositions votées en commission lors de l’examen du projet de loi audiovisuel.

En outre, nous avons adopté un amendement qui doit permettre à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) d’exercer toute son expertise pour protéger les contenus partagés, encore trop souvent exploités sans l’autorisation des auteurs ou des artistes.

L’article 24 ter assure la transposition de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA). Cette dernière vise principalement à faire contribuer les chaînes et plateformes étrangères qui proposent leurs services en France au financement d’œuvres françaises. C’est une avancée majeure ; elle met fin à une inéquité inacceptable qui n’a fait que s’accroître avec le confinement : alors que les recettes publicitaires de nos services de télévision se sont effondrées, le chiffre d’affaires des plateformes a connu une croissance considérable. Il est donc urgent de faire contribuer ces dernières au financement de la création.

Enfin, l’ordonnance permettra de procéder à des ajustements indispensables : mutualisation de la contribution au cinéma au niveau du groupe ; association des auteurs aux accords entre éditeurs et professionnels du secteur ; renforcement des pouvoirs d’enquête du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et conventionnement des services à la demande avec ce dernier.

Plusieurs amendements discutés devant la commission des affaires culturelles visaient à préciser le champ de l’habilitation afin de respecter les équilibres trouvés en commission lors de l’examen du projet de loi audiovisuel. Ils ont été adoptés et portent notamment sur la préservation de « couloirs » distincts pour l’audiovisuel et le cinéma dans la contribution à la production. La question de l’exploitation mondiale des droits est tout aussi essentielle : seuls les droits au titre de l’exploitation de l’œuvre en France seront pris en compte.

Le projet de loi ne répond pas à tous les enjeux. Ainsi, certaines réformes incontournables pour le secteur ne pourront être traitées par ce véhicule législatif – chronologie des médias, modernisation de la régulation, fusion entre le CSA et la Hadopi. Mais il est essentiel : il nous permet d’avancer, et d’avancer vite. C’est dans cet état d’esprit que la commission des affaires culturelles a travaillé.

Mme Pascale Boyer (LaREM). Je salue et remercie les ministres intervenant sur le projet de loi. Je remercie également Mme la rapporteure Valérie Faure-Muntian pour le travail accompli durant plusieurs semaines.

Ce texte est technique et touche plusieurs secteurs de notre économie et de notre système financier. Il vise à renforcer le marché intérieur de l’Union européenne et permet à la France de se mettre en conformité avec dix-huit directives et quatorze règlements européens. Transversal et touchant à beaucoup de domaines, il a été examiné par trois de nos commissions. Je remercie donc nos collègues des commissions des affaires économiques, des finances, des affaires culturelles et de l’éducation, et plus particulièrement les rapporteurs pour avis, Mme Aurore Bergé et M. Michel Lauzzana.

Le projet de loi vise à assurer une meilleure protection des consommateurs français, en luttant plus efficacement contre les pratiques commerciales déloyales. Il permet de combattre les pratiques abusives de blocage géographique – géoblocage – et englobe les plateformes numériques. Le marché est ainsi mieux contrôlé, avec une augmentation des pouvoirs des autorités de surveillance. Ces nouvelles règles vont également englober la conformité des produits, ainsi que les pratiques commerciales déloyales entre acheteurs et fournisseurs de produits alimentaires ou agricoles. Le marché intérieur est touché dans son intégralité. Les compétences de contrôle des douanes en matière financière sont renforcées. Le paquet « médicaments vétérinaires » est transposé, afin d’accroître la disponibilité de ces médicaments. L’allégement de la charge administrative permettra de stimuler la compétitivité.

Si le projet de loi a été examiné par la commission des finances, c’est qu’il touche au fonctionnement de nos services financiers en encadrant de façon plus stricte certaines opérations financières – obligations sécurisées ; et en luttant contre le financement du terrorisme. Il entre également dans le champ de compétence de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, puisqu’il traite de la communication audiovisuelle et participe au renforcement de notre souveraineté culturelle.

Le projet de loi recourt à plusieurs outils de transposition : ordonnances ou modification directe de notre législation. La transposition du droit européen dans notre droit national n’est pas seulement une obligation de nature constitutionnelle, elle souligne également l’engagement fort de notre majorité envers l’Union européenne. Lors de la présidence française de l’Union européenne à partir de janvier 2022, nous n’aurons plus aucun déficit de transposition.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Notre groupe parlera à deux voix – M. Dino Cinieri prendra également la parole. Le projet de loi vise à transposer plusieurs réformes européennes récentes importantes. Nous devons donc veiller à ce que les adaptations du droit français pour répondre aux exigences européennes ne mettent en cause ni notre dispositif, ni son fonctionnement, ni ses capacités de réaction.

Ainsi, la France s’est dotée d’un dispositif exceptionnel qui garantit la santé des animaux et la sécurité alimentaire, autour de différents piliers : services vétérinaires de l’État, éleveurs et organismes à vocation sanitaire. Ces services sont en constante évolution et leur maillage territorial en fait une véritable force nationale. Même en période de crise sanitaire, l’élevage français offre un haut niveau de qualité sanitaire. En outre, il est en mesure de subvenir à la demande nationale, tout en exportant une part importante de sa production. Monsieur le ministre, il est donc primordial que les transpositions ne nivellent pas par le bas la qualité de notre savoir-faire dans ce secteur.

Pourtant – mon collègue l’exposera plus longuement –, l’article 19 illustre le défaut de rigueur de la transposition : l’article omet des points essentiels. Monsieur le ministre, les réformes européennes doivent être traduites avec la même rigueur que certaines normes françaises sont appliquées !

M. Dino Cinieri (LR). À l’article 19, il conviendrait de modifier le 1° bis du I pour préciser que le Gouvernement est aussi autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin de modifier les règles relatives à la responsabilité des personnes autres que l’État dans la surveillance, la prévention et la lutte contre les maladies animales transmissibles, ainsi que les règles d’organisation de l’enregistrement des exploitations, de l’identification, de la traçabilité des animaux, de la police sanitaire liées aux mouvements et importations, pour les adapter aux évolutions induites par le règlement et les actes de l’Union européenne mentionnés au 1° dudit I, tout en veillant au maintien et au renforcement des dispositifs de gestion sanitaire actuels articulés des services de l’État, des organismes à vocation sanitaire (OVS), des organisations vétérinaires à vocation technique (OVVT) et des laboratoires d’analyses vétérinaires, afin d’assurer le maintien du dispositif actuel de gestion sanitaire. Les réformes européennes doivent être traduites avec la même rigueur que certaines normes françaises sont appliquées !

M. David Corceiro (MoDem). Le projet de loi soumis à notre examen est très important. Même s’il est d’une très grande technicité, sa signification politique est importante. Il est particulièrement technique car il comporte des dispositions couvrant tout le spectre, ou presque, de l’activité économique et financière. Y figurent la protection des consommateurs, le marché numérique, la lutte contre la fraude et le blanchiment, les relations interentreprises, les règles de concurrence et même, la génétique animale.

Cette diversité témoigne de la forte activité législative du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen ces dernières années, qui amène les États membres à adapter leur droit économique et financier avant 2021.

Deux mesures me semblent particulièrement bienvenues : la première, la modification du droit de la consommation, avec l’interdiction du géoblocage – les restrictions à l’accès aux sites en ligne fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou de connexion. Cette transposition crée un régime de sanctions administratives, ainsi que de nouvelles mesures visant à lutter contre les géoblocages injustifiés susceptibles d’affecter les consommateurs à l’échelle nationale. Cette mesure sera saluée par mes collègues et nos concitoyens d’outre-mer, qui se retrouvent encore confrontés en 2020 à des restrictions dans leur navigation sur internet.

La seconde mesure concerne la transparence dans les relations interentreprises. Le projet de loi prévoit des obligations supplémentaires, inscrites dans le code de commerce, pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales entre entreprises au sein de la chaîne agricole et alimentaire. Il s’agit de rétablir la loyauté des transactions lorsque les relations commerciales sont trop déséquilibrées, dans un secteur particulièrement important pour notre pays. Nous pouvons nous réjouir de cette avancée concrète pour les petites entreprises du secteur alimentaire ou agricole.

La signification politique du projet de loi est importante : même si ses dispositions sont de nature très diverse, elles concourent toutes à un objectif commun – le renforcement du marché intérieur de l’Union européenne, au service d’une Union plus protectrice, plus proche des citoyens, défendant un projet global et ambitieux d’approfondissement de la coordination entre les États membres.

Enfin, à compter du 1er janvier 2022, la France assurera la présidence du Conseil de l’Union européenne. Les transpositions opérées par le projet de loi lui permettront de ne présenter aucun déficit de transposition et de disposer d’un droit national conforme aux exigences de l’Union européenne. Notre groupe est profondément attaché à la construction européenne et nous nous réjouissons que la France se prépare avec vigueur à cette échéance majeure. Elle sera d’autant plus importante qu’elle débutera probablement dans un contexte européen et international encore marqué par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Le groupe du Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés demeurera attentif aux priorités de cette présidence.

Nous voterons bien évidemment en faveur de ce projet de loi.

M. Thierry Benoit (UDI-I). En tant que député centriste, et comme d’autres, favorable à la construction européenne, j’aborde le projet de loi avec confiance et enthousiasme. Mon groupe votera donc en faveur de ce texte.

Un tel projet de loi doit être mis en avant au sein de nos travaux parlementaires car nous allons transformer ce texte administratif et technique en dispositifs concrets et opérationnels. En égrenant les différentes thématiques du projet de loi, nous allons démontrer à nos concitoyens que le droit européen change leur quotidien. Ainsi, beaucoup ont déjà évoqué les dispositions relatives à la concurrence. Avec M. Grégory Besson-Moreau et d’autres députés comme Mme Barbara Bessot Ballot, ici présente, nous étions membres de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs. Grâce au projet de loi, nous allons mieux lutter contre les pratiques commerciales déloyales au niveau français, mais aussi européen, en renforçant la coopération entre la DGCCRF et les organismes similaires en Europe.

Le projet de loi s’intéresse aussi aux vétérinaires, aux vaccins, aux aliments médicamenteux. La France a la chance de disposer de la plus importante agence de sécurité de sécurité sanitaire européenne – l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) – et, en son sein, de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), qui emploie des femmes et des hommes d’excellence, les meilleurs en Europe et probablement dans le monde.

Le projet de loi consolide la gestion territoriale de proximité des fonds européens, notamment le FEADER. C’est important.

Enfin, des dispositions concernent l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Je connais moins cette thématique, mais c’est le domaine d’expertise de ma collègue Mme Laure de La Raudière.

Harmonisation, simplification, efficacité : grâce à ce texte, que nous soutiendrons, on apporte une brique supplémentaire à la construction européenne.

Mme Laure de La Raudière (Agir ens). Comme tous les projets de loi de transposition, ce texte est technique. C’est aussi un fourre-tout, mais il est important pour nos concitoyens. Le groupe Agir ensemble est heureux qu’il soit enfin inscrit à l’ordre du jour de nos travaux. Nous saluons les mesures visant à mieux protéger les consommateurs, en augmentant les sanctions applicables et en les harmonisant au niveau européen.

Ce projet de loi permettra également de lutter plus efficacement contre les différences de qualité des produits de consommation au sein de l’Union européenne. C’est important, M. Thierry Benoit l’a rappelé, car les produits français sont déjà soumis à des normes de qualité très exigeantes, souvent plus strictes que celles d’autres pays, et nos organes de contrôle sont très efficaces. Nos producteurs seront les bénéficiaires de ces mesures, à condition que la France ne sur-transpose pas.

S’agissant de la directive dite « omnibus », l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue à l’article 2 est très vague et ne permet pas de savoir quelles sont précisément les intentions du Gouvernement. Ce dernier peut-il assurer les entreprises françaises qu’il n’ira pas encore plus loin que nos voisins européens ? Notre législation en matière de protection de la consommation est – à juste titre pour le consommateur – souvent plus exigeante que celle de beaucoup de pays européens. Certains secteurs, dont la Fédération de la vente directe, sont inquiets. Pourriez-vous nous apporter des précisions ? Nous l’évoquerons à l’occasion des débats sur l’article 2, mais je souhaiterais que nous trouvions une rédaction plus précise pour la séance publique.

Le projet de loi couvre de nombreux champs intéressants, le ministre, les rapporteurs et les orateurs l’ont souligné. Je n’y reviendrai donc pas. Le faible nombre d’amendements illustre notre adhésion générale, et le groupe Agir ensemble votera pour le projet de loi.

M. le président Roland Lescure. Je vous propose que le ministre réponde à vos questions à l’occasion de l’examen des articles.

Mme Laure de La Raudière. Bien sûr.

B.   Examen des articles

La commission passe à lexamen des articles.

Article 4 bis (articles L. 32, L. 104 à L. 113 [nouveaux] et L. 130 du code des postes et des communications électroniques ; articles L. 420-2-1 [nouveau] et L. 450-3 du code de commerce ; articles L. 111-7-3 [nouveau], L. 131-4 et L. 512-1 du code de la consommation) : Instauration dune régulation des plateformes numériques (examen prioritaire)

La commission examine lamendement de suppression CE62 du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Le présent amendement propose de supprimer l’article 4 bis, inséré par le Sénat. Cet article reprend les dispositions de la proposition de loi de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace.

Nous en avons débattu avec elle lors de l’examen de cette dernière. Sur le fond, sa philosophie convient au Gouvernement : nous souhaitons nous aussi mieux réguler les plateformes structurantes, les « voies de contrôle » de certaines grandes entreprises du numérique sur notre vie. Mais un projet de texte européen doit être présenté début décembre et, vous en conviendrez tous, il s’agit du bon niveau de régulation.

Les propositions européennes de régulation des grandes plateformes, y compris des plateformes structurantes et des terminaux – objets de l’article 4 bis – sont extrêmement intéressantes, au bon niveau d’ambition et en ligne avec les propositions du Gouvernement français. Sans parler du caractère cavalier de l’article, qui ne transpose pas de droit européen, ni de sa conventionnalité, il nous semble que cet ajout n’est pas opportun dans le contexte que je viens d’évoquer.

Début décembre, nous aurons connaissance des propositions de la Commission européenne. Attendons au moins jusqu’à cette date, afin d’examiner leur ambition. Les premiers pas en la matière me semblent très positifs, mais s’ils n’étaient pas confirmés, je m’engage à en rediscuter au niveau français, fin décembre ou en janvier.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure. Je partage l’analyse du ministre et suis favorable à cette suppression. L’échelon européen est le bon, comme je l’ai souligné dans le rapport que j’ai rendu avec M. Daniel Fasquelle sur les plateformes numériques. Sur le fond, nous rejoignons bien sûr Mme la présidente Primas, mais il ne faudrait pas ostraciser l’écosystème français.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, larticle 4 bis est supprimé.

Chapitre X
Dispositions relatives aux postes et communications électroniques
(Division et intitulé nouveaux)

Article 26 (articles L. 5-2, L.5-3, L. 5-9 et L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques) : Diverses mesures dadaptation et de simplification du code des postes et des communications électroniques et habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive portant code des communications électroniques (examen prioritaire)

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels et de clarification juridique CE93, CE92, CE103 et CE94 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 26 modifié.

Article 27 (articles L. 35, L. 35-1, section 1 : « Fourniture d’un service universel des communications électroniques abordables aux utilisateurs finals à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers » [nouvelle], L. 35-2, L. 35-2-1 [abrogé], section 2 : « Disponibilité du service universel des communications électroniques » [nouvelle], L. 35-3, L. 35-4, section 3 : « Financement du service universel des communications électroniques » [nouvelle], section 4 : « Missions d’intérêt général et dispositions diverses » [nouvelle], L. 35‑5, L. 35-7 et L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques) : Transposition des dispositions de la directive portant code des communications électroniques relatives au service universel (examen prioritaire)

La commission examine lamendement CE73 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Je vous propose de défendre simultanément les amendements CE73 et CE74, liés. Les services numériques sont essentiels et le code européen des communications électroniques rénove le dispositif du service universel. En conséquence, les amendements visent à préciser les modalités de mise en œuvre, par les acteurs, et du contrôle, par l’ARCEP, de la disponibilité des services d’accès à internet à un tarif abordable en tout point du territoire.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE96, CE97, CE98 de la rapporteure.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, elle adopte aussi lamendement CE74 de M. Éric Bothorel.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE99 de la rapporteure

Puis la commission en vient à lamendement CE61 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Le présent article définit le service universel des télécommunications. Les uns et les autres, nous dénonçons souvent le manque de qualité du réseau cuivre, qui supporte le service universel. Dans nos départements, certaines pannes ne sont réparées qu’au bout d’un mois ou un mois et demi par l’opérateur en charge de ce service !

Il est fondamental que le cahier des charges du service universel précise que la qualité de service se mesure, certes, au niveau national comme actuellement, mais aussi au niveau départemental, afin de mieux cerner la diversité des situations dans nos territoires. En l’état actuel des données agglomérées dont elle dispose, l’ARCEP a bien du mal à évaluer les différences de qualité de service entre Paris et Saint-Denis-des-Puits en Eure-et-Loir, par exemple. Mon amendement, cosigné par M. Éric Bothorel, permettrait de résoudre cette difficulté.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure. Mme Laure de La Raudière, vous le savez, je partage votre préoccupation. Toutefois, la maille départementale me semble complexe à mettre en œuvre. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement partage la philosophie de votre amendement – désigner un opérateur différent en fonction des territoires. Nous souhaitons trouver une rédaction satisfaisante pour la séance publique. Nous nous interrogeons sur le bon niveau, la maille régionale pouvant également être pertinente : souvent, les syndicats mixtes sont interdépartementaux ; certaines désignations peuvent être opérées au niveau régional. En lien avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), je vous propose de réfléchir à une rédaction et, dans cette attente, de retirer votre amendement.

Mme Laure de La Raudière. Je vais le retirer puisque j’ai votre engagement. Le sujet est important : je tire la sonnette d’alarme auprès de l’ARCEP depuis 2008. Mais l’ARCEP n’avait pas cette visibilité. Elle a pris des mesures en 2018 et 2019, mais il a fallu dix ans pour qu’elle prenne en compte la réalité de ce que nous vivons sur le terrain… Il faut que le suivi de la qualité de service du service universel soit plus fin.

Lamendement est retiré.

M. le président Roland Lescure. Malgré le retrait de l’amendement, et contrairement aux prescriptions du Règlement, je vais donner rapidement la parole à M. Vigier !

M. Jean-Pierre Vigier. Vous êtes le meilleur, on le sait !

M. le président Roland Lescure. Peut-on le noter au compte rendu, s’il vous plaît ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, il faut trouver une solution à ce problème auquel nous sommes confrontés au quotidien. Il a des conséquences sur nos concitoyens, voire sur la sécurité.

M. le président Roland Lescure. Trouvons un compromis et associons tous les groupes – enfin, ceux présents aujourd’hui car tous ne semblent pas intéressés par l’Europe…

La commission en vient à lamendement CE69 du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. L’amendement vise à compléter l’article 27 afin de prévoir un décret précisant les conditions du contrôle de la qualité et des tarifs du service universel, sur le modèle de l’actuel article L. 35-2 du code des postes et des communications électroniques.

Le Gouvernement entend maintenir la possibilité pour l’ARCEP d’émettre un avis sur les tarifs proposés par les opérateurs chargés de fournir le service universel ou de s’opposer à leur mise en œuvre par la notification à l’opérateur d’une décision motivée et rendue publique. Un tel mécanisme contribuerait à l’exigence d’un service universel abordable, en garantissant aux bénéficiaires du service universel l’accès à l’internet haut débit et à un service de communications vocales à des tarifs maîtrisés.

Mme Laure de La Raudière. Cela retire-t-il du pouvoir à l’ARCEP, en le transférant au Gouvernement ? En effet, l’ARCEP a déjà cette possibilité, sans que la loi ne le précise – elle a un pouvoir de contrôle. Le Parlement est chargé de définir les compétences des autorités indépendantes. La réponse à cette question est donc importante, d’autant qu’il s’agit d’un projet de loi de transposition et que le rôle des autorités est aussi encadré au niveau européen.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Le rôle de l’ARCEP est effectivement défini dans la loi. Il ne s’agit pas de retirer du pouvoir à l’ARCEP, mais d’aligner les nouvelles dispositions sur les dispositions existantes.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 27 modifié.

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la protection des consommateurs

Article 1er : Habilitation à transposer les directives 2019/770 « services et contenus numériques » et 2019/771 « vente de biens »

La commission adopte lamendement rédactionnel CE75 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 1er modifié.

Article 2 : Habilitation à transposer la directive 2019/2161 dite « omnibus »

La commission est saisie de lamendement CE60 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. L’article 2 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive dite « omnibus ». Le champ d’application de cette directive, qui a trait à la consommation, est très large et la rédaction actuelle de l’article, vague. On ignore tout des intentions du Gouvernement.

La Fédération de la vente directe craint que le délai de rétractation, qui est en France de 14 jours alors même qu’il n’existe pas de contraintes européennes en la matière, soit allongé à trente jours. L’objet du présent amendement est d’exclure ce secteur du champ d’application de l’article.

Si j’ai bien conscience qu’il ne s’agit pas de la solution idoine, il serait bon que d’ici à la séance, on précise sur quels champs portera l’habilitation et quelles sont les intentions du Gouvernement.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure. Ayant auditionné ses représentants, j’ai moi aussi entendu les craintes du secteur, mais je considère qu’il ne faut pas empêcher par principe une meilleure protection du consommateur.

Toutefois, vous avez raison : le dialogue est important, et il serait bon qu’une consultation soit engagée avant la rédaction des ordonnances. J’attends du Gouvernement qu’il s’exprime sur ce point.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. La directive n° 2019/2161 du 27 novembre 2019, dite « directive omnibus », permet aux États membres qui le souhaitent de renforcer la protection des consommateurs contre les pratiques commerciales trompeuses et agressives auxquels ils peuvent se trouver exposés lors de visites non sollicitées de professionnels à leur domicile et d’excursions commerciales. Le présent amendement vise à limiter le champ de l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires à la transposition en droit interne de ladite directive. Il relaie les inquiétudes des professionnels relatives aux contraintes que de nouvelles mesures feraient peser sur les entreprises, s’agissant notamment de l’allongement à trente jours du délai de rétractation.

Certes, les contrats conclus par des professionnels avec des consommateurs lors de visites non sollicitées au domicile de ces derniers sont déjà soumis à des règles encadrant, de manière générale, les contrats hors établissement et prohibant les pratiques commerciales trompeuses et agressives ; il en va de même pour les excursions commerciales. Toutefois, les conditions de leur conclusion continuent, dans un certain nombre de cas, à poser problème ; il suffit de se référer aux pratiques qui ont cours dans le secteur de l’énergie et de la rénovation énergétique et dont la presse s’est largement fait l’écho ces derniers temps. Aussi le Gouvernement entend-il examiner, en concertation avec les parties prenantes, les moyens qui permettraient de mieux protéger les consommateurs contre les pratiques intrusives et abusives utilisées par certains démarcheurs pour arriver à leurs fins. Il convient à ce propos de souligner que seules sont concernées les situations dans lesquelles la vulnérabilité du consommateur est maximale. Ne sont ainsi pas visées les ventes en réunion organisées au domicile d’un consommateur avec son consentement exprès et préalable. Ces questions doivent en outre être étudiées dans le cadre des travaux de suivi de la transposition de la directive « omnibus » organisés par la Commission européenne avec les États membres, et auxquels la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) participera.

Au bénéfice de ces explications, je vous demande, Madame la députée, de retirer votre amendement, à défaut de quoi le Gouvernement y serait défavorable.

Mme Laure de La Raudière. La question est de savoir si l’on peut légiférer par ordonnance sur ce sujet, qui touche à la fois les consommateurs et le secteur d’activité. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Y aura-t-il, ou non, surtransposition ? Nous l’ignorons. Vous dites vous-même, Monsieur le secrétaire d’État, qu’une concertation avec les acteurs va être organisée ; cela signifie que la position du Gouvernement n’est pas encore déterminée, alors même que nous sommes en train de légiférer. Or ces mesures auront un impact tant sur les consommateurs que sur le secteur. Certains collègues estiment – ce que je comprends fort bien – qu’il convient de fixer le délai de rétractation à 30 jours ; d’autres craignent que vous mettiez à mal tout un secteur d’activité. De quel côté la balance va-t-elle pencher ? Je pense que c’est au Parlement qu’il revient de prendre cette décision. Et comme nous n’avons pas obtenu de réponse précise concernant le contenu de l’ordonnance, je maintiens mon amendement.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Je ne suis pas un spécialiste des questions de consommation, mais ce que je comprends, c’est que le texte européen laisse la possibilité aux États membres de « surtransposer » – disons-le ainsi – la directive.

Mme Laure de La Raudière. En effet !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Mais cela ne concerne pas seulement le délai de rétractation. L’objectif de l’administration, en liaison avec l’administration européenne, est de mener une consultation avec le secteur. Ce qui serait en cause, ce pourrait être – mais pas nécessairement – la durée de rétractation, ou les modalités de paiement, ou encore les horaires auxquels les vendeurs passent au domicile. L’objectif est en tout cas de mieux protéger les consommateurs ; j’évoquais la rénovation énergétique : on note une multiplication des abus dans ce secteur. Il faut trouver la bonne martingale, et c’est ce que nous nous proposons de faire d’ici à la rédaction de l’ordonnance. À ce stade, compte tenu des discussions à venir, il m’est difficile d’être plus précis.

Mme Laure de La Raudière. Et je le comprends fort bien.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure. Je comprends vos craintes, Madame de La Raudière. Cependant, l’allongement du délai de rétractation – qui n’est qu’une possibilité, aucune décision n’ayant été prise à ce stade – ne risque pas de mettre à mal tout un secteur : dans le B to B, le délai de paiement est de 30 jours, sans que cela pose le moindre problème. Dans le cadre d’une prestation de services à un particulier, le délai de rétractation commence à courir au moment de l’apposition de la signature sur le contrat ; il faut que les plus vulnérables, notamment les personnes âgées, aient le temps de réagir. Pour ce qui concerne l’achat d’un produit, il court à partir de la livraison de celui-ci. Je ne pense pas qu’un allongement à 30 jours fasse courir de risque à la vente directe à domicile. En revanche, il permettrait, si tel était le souhait du secteur après discussion avec le Gouvernement, de mieux protéger les consommateurs et de mieux encadrer le démarchage à domicile.

Mme Laure de La Raudière. Mais ce n’est pas le problème ! Ce que je dis, c’est qu’il n’y a aucune urgence, vu qu’il n’y a pas d’obligation à transposer la directive. Il s’agit d’une question importante pour les consommateurs, et c’est à nous, parlementaires, de la trancher. Et ne me dites pas que nous le ferons à l’occasion de l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance, ce n’est pas vrai.

Ce que j’aurais dû déposer, c’est un amendement de suppression de l’article, car nous ne sommes pas ici dans notre rôle ; les questions liées à la consommation doivent être tranchées à l’Assemblée, parce qu’elles touchent tous les Français. Cela étant, pour une question de principe, je maintiens le présent amendement.

La commission rejette lamendement.

M. Thierry Benoit. Sauf votre respect, Monsieur le président, je ne suis pas convaincu du rejet de l’amendement ; le résultat que vous avez annoncé ne correspond pas à ce que j’ai observé. Je me permets de vous signaler que nos collègues du MoDem se sont abstenus.

M. le président Roland Lescure. Vous oubliez de comptabiliser la voix de la rapporteure et la mienne, cher collègue – si vous nous permettez d’exercer notre droit de vote ! (Sourires.)

M. Thierry Benoit. Je vous le permets bien volontiers, Monsieur le président, et vous donne acte du résultat du vote. Cela étant, il s’agit d’une question majeure. Le délai de rétractation a déjà été allongé de 7 à 14 jours par la loi relative à la consommation dite « loi Hamon », s’il passe à 30 jours, cela va devenir compliqué.

M. le président Roland Lescure. Nous reviendrons sur cette question en séance publique, si vous le voulez bien, Monsieur Benoit.

La commission adopte larticle 2 sans modification.

Article 3 (articles L. 132-24-1, L. 141-2 [nouveaux] et L. 511-7 du code de la consommation) : Adaptation du droit national au règlement européen sur le blocage géographique injustifié

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE76 et CE77 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 3 modifié.

Article 4 (articles L. 121-23, L. 132-24-2 [nouveaux] et L. 511-15 du code de la consommation) : Lutte contre le blocage géographique injustifié sur le territoire national

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE78, CE79, CE81, CE80 et CE82 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 4 modifié.

(Larticle 4 bis a fait lobjet dune priorité dexamen)

Article 5 (articles L. 521-3-1 [nouveau], L. 522-9-1 et L. 532-5 [nouveau] du code de la consommation) : Introduction de nouveaux pouvoirs au profit de la DGCCRF pour mieux lutter contre la fraude en ligne

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE108 et CE85 de la rapporteure.

Puis elle examine lamendement CE58 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Je défendrai en même temps l’amendement CE59, qui porte article additionnel après l’article 5.

Les 3 000 agents de la DGCCRF se sont particulièrement mobilisés durant la crise sanitaire. Je veux leur rendre un hommage appuyé. Ils ne se sont épargné aucun effort pour contrecarrer les marchands de malheur qui ont saisi cette occasion pour faire fleurir sur la toile des sites qui promettaient de délivrer des masques FFP2, du gel hydroalcoolique, hébergés par Shopify ou d’autres plateformes.

Ces deux amendements visent à leur donner des moyens supplémentaires pour lutter contre ces pratiques. En effet, s’ils sont très efficaces dans la traque et l’identification desdits marchands de malheur, le caractère spontané de la création d’un site et la possibilité de le répliquer facilement font que, si le site n’est pas totalement bloqué, la menace persiste. L’adoption de ces amendements permettrait à la DGCCRF d’exercer sa vigilance envers les sites qui n’affichent pas de mentions légales ou de conditions générales de vente, ce qui est le marqueur traditionnel de ces pratiques – sources de préjudices extrêmement lourds –, notamment en procédant à des blocages et à des suppressions de sites.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure. Avis favorable sur les deux amendements. Je tiens à saluer le travail titanesque accompli par M. Éric Bothorel durant le confinement – ce qui était loin d’être simple –, en vue de mieux protéger le consommateur et de donner à la DGCCRF une plus grande force de frappe.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. S’il arrive à M. Éric Bothorel de dénoncer lui-même certaines pratiques en ligne, il serait dans l’ordre des choses que ce soit l’administration qui fasse ce travail. De quoi s’agit-il ? Par exemple de la mise en vente sur la plateforme Wish, pendant le confinement, d’aérosols anti-covid-19 ou de masques ne respectant pas les normes ; ou, moins sympathique encore, de la vente de jouets qui ne sont pas aux normes, mettant ainsi en danger la vie de nos enfants et de tous nos concitoyens, au moyen de publicités mensongères et de fausses promotions. Il importe d’agir rapidement. Autant l’on peut discuter du juste milieu à trouver s’agissant de la haine en ligne, autant, quand l’administration identifie des produits dangereux pour la santé, il convient de veiller à ce qu’elle puisse agir vite et, le cas échéant, sanctionner, voire fermer certains sites – tout en laissant, bien évidemment, la possibilité d’un recours devant le juge. C’est ce que propose M. Éric Bothorel au travers de ces amendements, sur lesquels le Gouvernement émet un avis extrêmement favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE86 de la rapporteure.

Elle adopte larticle 5 modifié.

Après larticle 5

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement CE59 de M. Éric Bothorel.

Mme Laure de La Raudière. Bravo, M. Bothorel !

M. le président Roland Lescure. Oui, félicitations à M. Bothorel. Il va pouvoir cesser de passer ses nuits sur l’internet à traquer, identifier et dénoncer ce type de pratiques.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Sous réserve que ce ne soit pas une activité pathologique… (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. Quand bien même, il se contentera désormais d’alerter l’administration, qui fera le boulot !

Chapitre II
Dispositions relatives à la surveillance du marché et à la conformité des produits

Article 6 (articles L. 511-12, L. 512-20, articles L. 512-22-1 et L. 512‑33‑1 [nouveaux] du code de la consommation) : Dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne relatives à la surveillance des marchés et à la conformité des produits en ligne

La commission adopte larticle 6 sans modification.

Après larticle 6

La commission est saisie de lamendement CE63 du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Le nouveau règlement européen sur la surveillance du marché et la conformité des produits comporte des dispositions visant à tenir compte de l’évolution des chaînes d’approvisionnement et de l’augmentation du nombre de produits vendus en ligne et à améliorer la surveillance du marché – la vente de produits non conformes exposant les acteurs économiques européens à une concurrence déloyale. Ces dispositions permettront de faciliter l’intervention des autorités de surveillance du marché en vue de garantir la sécurité des consommateurs et le bon fonctionnement de ce marché pour les produits et équipements à risque, comme les appareils à gaz, les appareils à pression ou les produits explosifs.

L’adaptation de la législation nationale à ces nouvelles dispositions, notamment l’introduction de sanctions, nécessite de procéder à divers ajustements techniques du code de l’environnement, en plus des évolutions du code de la consommation prévues à l’article 6. Il est proposé de les réaliser par voie d’ordonnance.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Chapitre III
Dispositions relatives à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales et pour lequité et la transparence dans les relations interentreprises

Article 7 (articles L. 511-12, L. 512-20, L. 512-22-11 [nouveau] et L. 512-33-1 [nouveau] du code de la consommation) : Habilitation du Gouvernement à transposer par voie dordonnance la directive (UE) n° 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne dapprovisionnement agricole et alimentaire et à mettre en œuvre le règlement (UE) n° 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant léquité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services dintermédiation en ligne

La commission adopte successivement les amendements de clarification CE54 et CE55 et lamendement rédactionnel CE89 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 7 modifié.

Chapitre IV
Dispositions en matière de fiscalité et de règlementation douanière

M. le président Roland Lescure. Nous en venons aux articles dont l’examen a été délégué à nos collègues de la commission des finances. Ce que je suggère, c’est que le rapporteur pour avis présente l’ensemble de ses amendements, que l’on recueille les avis et, si certains d’entre vous souhaitent intervenir, qu’on lance la discussion. J’appellerai ensuite successivement les amendements pour les mettre aux voix – en vous rappelant que nous nous sommes engagés à les adopter en l’état.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’article 8 n’a pas été amendé par la commission des finances.

À l’article 9, la commission des finances a adopté un amendement rédactionnel CE11 ainsi qu’un amendement CE12 visant à assurer la cohérence des dispositions du code général des impôts modifiées par l’article.

À l’article 10, la commission des finances a adopté trois amendements rédactionnels CE13, CE14 et CE34.

À l’article 11, la commission des finances a adopté six amendements rédactionnels CE15, CE16, CE33, CE17, CE35 et CE18, ainsi qu’un amendement de coordination CE36 modifiant l’article 1649 quater A du code général des impôts, qui avait été oublié.

À l’article 12, la commission des finances a adopté un amendement rédactionnel CE20, ainsi qu’un amendement CE19 qui aligne le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur le délai de transposition de la directive.

À l’article 13, la commission des finances a adopté un amendement rédactionnel CE22, ainsi qu’un amendement CE21 qui aligne le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur le délai de transposition de la directive.

À l’article 14, la commission des finances a adopté deux amendements rédactionnels CE24 et CE25, ainsi qu’un amendement CE23 qui aligne le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur le délai de transposition de la directive.

La commission des finances n’a pas modifié les articles 15, 16 et 16 bis.

À l’article 16 ter, la commission des finances a adopté deux amendements rédactionnels CE37 et CE26.

À l’article 17, la commission des finances a adopté deux amendements rédactionnels CE27 et CE28.

À l’article 21, la commission des finances a adopté deux amendements rédactionnels CE30 et CE31, ainsi qu’un amendement CE29 qui aligne le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur le délai de transposition de la directive.

À l’article 24, la commission des finances a adopté un amendement rédactionnel CE32 qui corrige une erreur de légistique.

Article 8 (Article 410 du code des douanes) : Sanction des manquements à lobligation de notification des messages sur le statut des conteneurs

La commission adopte larticle 8 sans modification.

Article 9 (Articles 302 L, 302 M, 465 bis, 466, 468, 1794 et 1798 ter du code général des impôts) : Adaptation du droit français à la réglementation européenne
sur les produits vitivinicoles

La commission adopte successivement les amendements CE11 et CE12 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 9 modifié.

Article 10 (Article 65, 86, 87, 89, 92 à 94, 285 quinquies, 396, 410 et 413 bis du code des douanes) : Remplacement des commissaires en douane agréés par les représentants en douane enregistrés

La commission adopte successivement les amendements CE13, CE14 et CE34 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 10 modifié.

Article 11 (Articles L. 152-1, L. 152-1-1 [nouveau], L. 152-1-2 [nouveau], L. 152-4, L. 152-4-1 [nouveau], L. 152-5 [nouveau], L. 721-2, L. 721-2-1 [nouveau], L. 721-2-2 [nouveau], L. 721-3, L. 721­-3-1 [nouveau], L. 721-3-2 [nouveau], L. 721-4, L. 741-4, L. 741‑4-1 [nouveau], L. 741-4-2 [nouveau], L. 741-5, L. 741-5-1 [nouveau], L. 741-5-2 [nouveau], L. 741-6, L. 751-4, L. 751-4-1 [nouveau], L. 751-4-2 [nouveau], L. 751-5, L. 761‑3-2 [nouveau], L. 761-4, L. 761-4-1 [nouveau], L. 761-4-2 [nouveau], L. 761-5, L. 771‑1, L. 771-1-1 [nouveau], L. 771-1-2 [nouveau], L. 771-2, L. 771-2-1 [nouveau], L. 771‑2-2 [nouveau] et L. 771-3 du code monétaire et financier) : Contrôle des mouvements dargent liquide entrant ou sortant du territoire

La commission adopte successivement les amendements CE15, CE16, CE33, CE17, CE35, CE18 et CE36 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 11 modifié.

Chapitre V
Dispositions en matière financière

Article 12 : Habilitation à prendre par voie dordonnance les mesures de transposition de la directive (UE) 2019/2162 du 27 novembre 2019 relative aux obligations garanties

La commission adopte successivement les amendements CE19 et CE20 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 12 modifié.

Article 13 : Habilitation à transposer par voie dordonnance la directive (UE) 2019/2034 du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises dinvestissement

La commission adopte successivement les amendements CE21 et CE22 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 13 modifié.

Article 14 : Habilitation à transposer par voie dordonnance la directive (UE) 2019/1160 du 20 juin 2019 concernant la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif

La commission adopte successivement les amendements CE24, CE23 et CE25 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 14 modifié.

Article 15 (Article 200 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises) : Clarification des termes et modification de la durée de lhabilitation portant transposition du « paquet bancaire »

La commission adopte larticle 15 sans modification.

Article 16 (Articles L. 442-3 et L. 950-1 du code de commerce) : Rétablissement de la nullité des clauses interdisant la cession de créance

La commission adopte larticle 16 sans modification.

Article 16 bis (Article L. 451-1-6 du code monétaire et financier) : Suppression dune référence inutile

La commission adopte larticle 16 bis sans modification.

Article 16 ter (Article L. 211-5-2 [nouveau] du code des assurances) : Nullité des clauses interdisant la cession de créance en matière dassurance automobile

La commission adopte successivement les amendements CE37 et CE26 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 16 ter modifié.

Chapitre VI
Dispositions améliorant le fonctionnement du marché intérieur

Article 17 (Article L. 112 B [nouveaux] du livre des procédures fiscales) : Adaptation du secret fiscal aux règles de transparence applicables aux aides dÉtat à caractère fiscal

La commission adopte successivement les amendements CE27 et CE28 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 17 modifié.

Article 18 : Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance le Règlement (UE) n° 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à lélevage, aux échanges et à lentrée dans lUnion de reproducteurs de race pure, de reproducteurs de porcins hybrides et de leurs produits germinaux et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE56 rectifié et CE44 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 18 modifié.

Article 19 : Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance le règlement (UE) n° 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (« législation sur la santé animale ») et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime

La commission adopte larticle 19 sans modification.

Article 20 (articles L. 642-1-1 et L. 642-6 du code de lénergie) : Suppression du statut dentité centrale de stockage (ECS) attribué à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS)

La commission adopte larticle 20 sans modification.

Chapitre VII
Dispositions relatives à la prévention de lutilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme

Article 21 : Renforcement du dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

La commission adopte successivement les amendements CE29, CE30 et CE31 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 21 modifié.

Chapitre VII bis
Dispositions relatives aux médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux
(Division et intitulé nouveaux)

Article 22 : Habilitation du Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance trois règlements européens adoptés en 2019 formant le paquet « médicaments vétérinaires » et dadapter en conséquence le code rural et de la pêche maritime, le code de la santé publique et le code de la consommation

La commission adopte larticle 22 sans modification.

Article 22 bis (article L. 514116 du code de la santé publique) : Autorisation de la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels

La commission adopte lamendement rédactionnel CE45 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 22 bis modifié.

Article 22 ter (ordonnance n° 2015953 du 31 juillet 2015 relative à la réforme de lordre des vétérinaires, loi n° 471564 du 23 août 1947 relative à linstitution dun ordre national des vétérinaires, ordonnance n° 201178 du 20 janvier 2011 relative aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes nayant pas la qualité de vétérinaire et article L. 2433 du code rural et de la pêche maritime) : Ratification dordonnances relatives à lordre des vétérinaires et stages des étudiants vétérinaires européens

La commission adopte larticle 22 ter sans modification.

Article 22 quater (article L. 15119 [nouveau] du code général des collectivités territoriales et articles L. 24113 et L. 2421 du code rural et de la pêche maritime) : Mesures de lutte contre la désertification vétérinaire

La commission adopte successivement lamendement rédactionnel CE48, lamendement de précision CE53, les amendements rédactionnels CE49, CE50 et CE51, et lamendement de précision CE52 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 22 quater modifié.

Article 23 : Habilitation du Gouvernement à prendre par voie dordonnance diverses mesures tirant les conséquences du Brexit

Larticle 23 demeure supprimé.

Chapitre VIII
Dispositions relatives à la gestion du fonds européen agricole
pour le développement rural

Article 24 (Article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Modalités de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)

La commission adopte lamendement CE32 de la commission des finances.

Puis elle adopte larticle 24 modifié.

M. le président Roland Lescure. Nous passons aux articles dont l’examen a été délégué à nos collègues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Avant l’article 24 bis, sur l’article 24 bis et avant l’article 24 ter, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté trois amendements rédactionnels, CE1, CE2 et CE4. Elle a aussi adopté sur l’article 24 bis un amendement CE3 visant à garantir que la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet sera l’autorité chargée de s’assurer du respect des droits d’auteur et des droits voisins portant sur les contenus partagés par les plateformes en ligne.

La commission a adopté six amendements sur l’article 24 ter. L’amendement CE5 rappelle l’objectif de diversité de souveraineté culturelle qui doit nous guider dans la transposition des directives. L’amendement CE6 intègre dans les objectifs de la transposition la nécessité de protéger les publics vulnérables, en particulier les mineurs et les personnes en situation de handicap. L’amendement CE7 précise le champ de l’habilitation afin de s’assurer que figureront dans les ordonnances les dispositions de la directive relative à l’extension du champ de la contribution au développement de la production aux services visant la France, ainsi que les dispositions relatives à l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap et les dispositions relatives à la visibilité des services d’intérêt général. L’amendement CE8 a pour objet de rappeler les principes essentiels qui doivent permettre d’assurer l’équité entre les acteurs audiovisuels concernés par la contribution au développement de la production : indépendance de la production, définition des œuvres prises en compte au titre de la contribution des diffuseurs, quota d’œuvres francophones et prise en compte de l’étendue territoriale des acquis par les diffuseurs dans le décompte de leurs obligations légales – ce que je disais tout à l’heure à propos des droits monde. L’amendement CE9 reprend la rédaction adoptée par la commission des affaires culturelles lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, s’agissant de l’association des auteurs aux accords qui les intéressent directement entre les éditeurs de services audiovisuels et les organisations professionnelles du secteur. Enfin, l’amendement CE10 précise la nature des données qui pourront être échangées entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour assurer leurs missions, notamment, pour plus de transparence, le nombre d’utilisateurs des plateformes.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Ces amendements sont de très bon aloi et j’y suis globalement favorable. Il faudra juste procéder à quelques adaptations d’ordre légistique. Par exemple, l’amendement CE5 complète en réalité l’intitulé même de la directive, qui comprend les mots « compte tenu de l’évolution des réalités du marché ». Nous ne pouvons pas modifier cet intitulé ! Votre demande de précision s’adresse plutôt aux auteurs de l’ordonnance. Il faudrait trouver une autre formulation.

M. le président Roland Lescure. Nous prenons bonne note de votre remarque, Monsieur le secrétaire d’État. Cela étant, je vous rappelle les règles sur lesquelles nous nous sommes accordés : nous adoptons les amendements tels quels et c’est soit aux députés, soit au Gouvernement de proposer d’éventuelles modifications lors de l’examen du texte en séance.

Avant larticle 24 bis

La commission adopte lamendement CE1 de la commission des affaires culturelles et de léducation.

Article 24 bis : Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2019/790 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et la directive 2019/789 établissant des règles sur lexercice du droit dauteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne dorganismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio

La commission adopte successivement les amendements CE2 et CE3 de la commission des affaires culturelles et de léducation.

Puis elle adopte larticle 24 bis modifié.

Chapitre VIII bis
Dispositions relatives à la modernisation des règles de la communication audiovisuelle et au renforcement de la protection de la souveraineté culturelle

Avant larticle 24 ter

La commission adopte lamendement CE4 de la commission des affaires culturelles.

Article 24 ter : Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2018/1808 relative aux services de médias audiovisuels

La commission adopte successivement les amendements CE5, CE6, CE7, CE8, CE9 et CE10 de la commission des affaires culturelles.

Puis elle adopte larticle 24 ter modifié.

M. le président Roland Lescure. Merci aux deux rapporteurs pour avis et aux commissions concernées. Nous pouvons avoir donné l’impression d’avoir passé les amendements à la vitesse d’une mitraillette, mais il y a beaucoup de travail derrière.

Chapitre IX
Dispositions en matière de concurrence

Article 25 (articles L. 420-2-1, L. 450-4, L. 461-3, L. 461-4, L. 462-2-1, L. 462-8, L. 463-3, L. 464-2, L. 464‑5 [abrogé], L. 464-8, L. 464-9, L. 752-27, L. 954-15 du code de commerce) : Diverses mesures visant à renforcer lefficacité des procédures mises en place par la DGCCRF et lAutorité de la concurrence et habilitation du Gouvernement à transposer la directive « ECN + »

La commission adopte les amendements rédactionnels CE90 et CE91 de la rapporteure.

Elle examine les amendements CE104, CE105, CE106 et CE107 de la rapporteure.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure. Il s’agit des nouvelles règles applicables en matière de procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence. Après consultation de nombreuses parties, le compromis rédactionnel que je vous propose simplifie la procédure et accélère l’action de l’Autorité de la concurrence, sans remettre en question les droits de la défense.

Je propose de supprimer les dispositions introduites par le Sénat permettant le recours au conseiller auditeur avant la notification des griefs, et d’allonger à quatre mois le délai de la procédure simplifiée pour les affaires dans lesquelles le chiffre d’affaires cumulé des entreprises concernées dépasse 200 millions d’euros.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. L’intense travail de consultation mené par la rapporteure permet d’aboutir à un juste équilibre entre les droits de la défense et l’efficacité de la procédure. Compte tenu des précisions apportées, le Gouvernement est favorable à ces amendements.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle adopte larticle 25 modifié.

(Les articles 26 et 27 ont fait lobjet dune priorité dexamen)

Chapitre XI
Dispositions relatives aux marques de produits ou de services
(Division et intitulé nouveaux)

Article 28 (articles L. 712‑9 et L. 811‑1‑1 du code de la propriété intellectuelle) : Ratification de lordonnance n° 20191169 du 13 novembre 2019 relative aux « marques de produits ou de services » et amélioration dans le code de la propriété intellectuelle de linformation relative au renouvellement dune marque

La commission adopte lamendement rédactionnel CE100 de la rapporteure.

Elle adopte larticle 28 modifié.

Après larticle 28

La commission est saisie de lamendement CE70 du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. L’ordonnance n° 2020-535 du 7 mai 2020, prise en application de l’article 74-1 de la Constitution, a étendu à tout l’outre-mer la loi n° 96‑542 du 19 juin 1996 relative au contrôle des précurseurs de drogue.

Elle a ainsi transposé une partie des obligations incombant aux opérateurs ultramarins dans les territoires régis par l’article 74 de la Constitution, sur la base du régime applicable en métropole en vertu des règlements européens (CE) n° 111/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 fixant des règles pour la surveillance du commerce des précurseurs des drogues entre la Communauté et les pays tiers et n° 273/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 relatif aux précurseurs de drogues.

Cette ordonnance permet également de faire appliquer l’ensemble des pouvoirs de recherche d’infractions et de sanctions visés par ces mêmes règlements dans ce domaine, suite à la découverte en Polynésie française de laboratoires clandestins.

Compte tenu du délai de ratification posé par la Constitution, il convient de ratifier expressément cette ordonnance dans les meilleurs délais pour garantir la sécurité juridique des opérateurs concernés.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

La commission adopte lensemble du projet de loi modifié.

 


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   compte rendu des TRAVAUX
de la commission des FINANCES, saisie pour avis

Au cours de sa réunion du mercredi 16 septembre 2020, la commission des finances a examiné pour avis, par délégation de la commission des affaires économiques, les articles 8 à 16, 16 bis, 16 ter, 17, 21, 23 et 24 du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne en matière économique et financière (n° 3196) (M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis).

A.   discussion gÉnÉrale

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, Mmes Cécile Delpirou, Christelle Dubos et Brune Poirson ont rejoint notre commission. Je pense que nous assisterons à d’autres arrivées, mais je souhaitais d’ores et déjà accueillir en notre nom nos trois collègues.

Le premier point de l’ordre du jour appelle l’examen par délégation de la commission des affaires économiques des articles 8 à 16, 16 bis, 16 ter, 17, 21, 23 et 24 du projet de loi adopté par le Sénat portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

La commission des affaires économiques, saisie au fond, se réunira le 30 septembre et le texte sera examiné en séance le mercredi 7 octobre.

Pour notre part, nous avions nommé, avant la suspension des travaux, M. Michel Lauzzana rapporteur pour avis. Il va donc rapporter devant nous les articles qui nous sont délégués.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis.  Les articles dont l’examen a été délégué à notre commission comptent deux ensembles : un ensemble douanier et un ensemble financier, auxquels s’ajoutent les articles 17, 21, 23 et 24 du projet de loi.

Premier ensemble, les articles 8 à 11 forment le chapitre IV du projet de loi, intitulé « Dispositions en matière de fiscalité et de réglementation douanière ».

L’article 8 modifie l’article 410 du code des douanes, afin d’autoriser l’administration des douanes à sanctionner les manquements des transporteurs à leurs nouvelles obligations de notification des messages sur le statut des conteneurs, destinée, comme vous le savez, à alimenter le répertoire créé à cet effet au niveau européen.

L’article 9 modifie le code général des impôts à la suite de l’évolution, en 2018, de la réglementation européenne sur les produits vitivinicoles : il actualise les références aux textes européens et abroge certains articles pour tenir compte des nouvelles obligations concernant les documents d’accompagnement imposés pour les produits de la vigne et du vin.

L’article 10 du projet de loi tire les conséquences de l’ouverture du secteur de la représentation en douane, instaurée dans le nouveau code des douanes de l’Union européenne. Il met fin au monopole des commissaires en douane agréés et définit les conditions et modalités d’enregistrement des représentants en douane.

L’article 11 adapte le code monétaire et financier pour mettre le droit français en cohérence avec la nouvelle réglementation européenne en matière de contrôle des flux d’argent liquide. Outre une nouvelle définition de la notion d’argent liquide, l’article 11 vise à étendre les contrôles aux flux d’argent dit « non accompagné », c’est-à-dire envoyé par la poste ou par le fret ; il renforce les sanctions en modifiant le dispositif de retenue temporaire de l’argent liquide non déclaré, mal déclaré ou susceptible d’être lié à une activité criminelle, de blanchiment ou de financement du terrorisme ; enfin, il met en place des modalités de recours en cas de retenue temporaire.

Deuxième ensemble, les articles 12 à 16 ter forment le chapitre V, intitulé « Dispositions en matière financière ».

Les articles 12 à 14 ont pour objet d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance trois directives.

La première, la directive (UE) 2019/2162 du 27 novembre 2019, porte sur l’émission d’obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties. Le droit français est en grande partie conforme aux dispositions de cette directive qui, par ailleurs, a vocation à réaliser une harmonisation minimale. Le code monétaire et financier pourra donc être modifié à la marge.

Une autre directive (UE) 2019/2034 du 27 novembre 2019 traite de la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement. Les modifications introduites par cette directive sont également, selon l’étude d’impact, marginales. Elles concernent essentiellement la rémunération des preneurs de risques et des dirigeants effectifs des entreprises d’investissement.

Enfin, une directive (UE) 2019/1160 du 20 juin 2019 a trait à la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif. Les modifications qui résulteront de la transposition de la directive devraient réduire les obstacles existant à la distribution transfrontière des fonds et renforcer la création d’un marché unique en la matière.

Larticle 15 vise à clarifier les termes dune habilitation antérieure et à sécuriser celle-ci.

L’article 16 a pour objet de revenir sur la suppression, intervenue en 2019 lors de la refonte du code de commerce, de la nullité des clauses interdisant les cessions de créance. Cette suppression était susceptible de compromettre certaines opérations de refinancement et l’accès au crédit, et de remettre en cause le modèle économique du secteur de l’affacturage.

Cet ensemble de dispositions financières comporte également deux dispositions introduites par le Sénat, avec l’avis favorable du Gouvernement : l’article 16 bis supprime une référence devenue inutile ; l’article 16 ter a pour objet de déclarer nulles les clauses interdisant la cession de créances en matière d’assurance automobile – celles-ci font effectivement obstacle à la liberté conférée à tout assuré par la loi Hamon de choisir le réparateur auquel il souhaite recourir.

À ces deux ensembles, douanier et financier, s’ajoutent les articles 17, 21, 23 et 24 du projet de loi.

L’article 17 modifie le livre des procédures fiscales en vue d’adapter le secret fiscal aux obligations de transparence imposées par la réglementation européenne en ce qui concerne les aides d’État à caractère fiscal.

L’article 21 du projet de loi vise à renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Il prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour transposer la directive (UE) 2019/1153 facilitant l’utilisation d’informations financières aux fins de la prévention de certaines infractions pénales. Un amendement du Gouvernement adopté au Sénat, en séance, prévoit également la ratification de l’ordonnance n° 2020‑115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’article 23 du projet de loi prévoyait d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance diverses mesures permettant de tirer les conséquences de la sortie du Royaume‑Uni de l’Union européenne. Toutefois, les dispositions prévues par cet article ont été adoptées à l’article 59 de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne. En conséquence, le Sénat a supprimé l’article 23.

L’article 24 vise, tout d’abord, à prolonger l’application des règles de gestion du FEADER en vigueur durant la programmation 2014‑2020 au delà de l’exercice 2020 et jusqu’au terme de la programmation.

Il prévoyait également d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures permettant de modifier la répartition de la compétence de gestion du FEADER entre l’État et les régions pour le prochain cadre financier pluriannuel. Le Sénat a supprimé cette habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, considérant que la répartition des responsabilités entre l’État et les régions ne peut être fixée ainsi et qu’elle doit au contraire résulter d’une concertation préalable des acteurs et donner lieu à un débat au Parlement. Je suggère que nous débattions de ce point en séance, car le Gouvernement proposera sans doute un amendement visant à rétablir cette habilitation.

Les dispositions dont nous sommes saisis ne posent pas de difficulté majeure et je vous inviterai, chers collègues, à vous prononcer en faveur de l’adoption de la totalité des articles dont l’examen a été délégué à notre commission et du maintien de la suppression de l’article 23.

Je vous proposerai toutefois quelques amendements. Outre une série d’amendements rédactionnels ou de cohérence, j’ai déposé quatre amendements visant à mettre en cohérence les délais d’habilitation fixés aux articles 12, 13, 14 et 21 avec les délais de transposition des directives concernées. Par ailleurs, un amendement à l’article 24 permettra de corriger une erreur d’ordre légistique figurant dans le texte transmis par le Sénat.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous fait le décompte des textes traitant de la lutte contre le blanchiment qui ont déjà été adoptés ? On a le sentiment – mais peut-être est-il erroné – que l’on a beau légiférer sur le sujet, on n’arrive jamais à rattraper la cavalerie, si je puis dire. Cela fait treize ans que j’en entends parler !

Sur l’article 11 et le contrôle des flux d’argent liquide, un seuil a-t-il été défini ?

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Non, madame Dalloz, je n’ai pas fait le calcul et on a en effet le sentiment que certains ont toujours un temps d’avance. À nous de nous adapter le plus rapidement et le mieux possible, car le blanchiment reste un véritable problème, qui prive l’État d’une manne financière considérable.

Pour ce qui est de l’article 11, le seuil minimal concernant l’argent liquide a été défini à 10 000 euros. Le Sénat a également introduit une nouvelle définition de l’argent liquide, qui peut prendre différentes formes.

M. Vincent Ledoux. Monsieur le rapporteur pour avis, qu’en est-il du point d’achoppement relatif au FEADER ? Il existe en effet une dichotomie entre le surfacique et le non- surfacique. Or les régions estiment, à juste titre, que c’est une incohérence à la fois sur le plan de la gestion et de la méthode d’approche, alors que tous les pays européens autour de nous ont déjà réglé cette question, que l’on dit faire confiance aux régions sur un certain nombre de sujets et qu’on est dans un contexte de transition agroécologique. Pensez-vous qu’il est encore possible d’évoluer sur ce point ? Il est sans doute préférable d’en discuter ici, puisque l’ordonnance nous privera d’un débat parlementaire. Où en est le fameux décroisement des compétences, le transfert des moyens et des ressources aux régions sur ce sujet particulier de l’agriculture ?

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Avec votre question, monsieur Ledoux, nous abordons directement le point qui a posé le plus de difficulté dans ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dit DDADUE. Reprenons l’historique : il existait une lettre d’accord entre les régions et le précédent Premier ministre, M. Édouard Philippe, en date du 30 octobre 2019, pour laisser au ministère de l’agriculture la compétence des aides surfaciques. Après réflexion, quelques régions sont revenues sur leur position – tout d’abord, la région Bretagne, suivie de la région Nouvelle‑Aquitaine –, considérant qu’elles étaient capables de s’occuper des aides surfaciques, qui sont, en volume, plus importantes que les autres aides.

J’étais en relation jusqu’à hier avec les deux cabinets concernés, celui du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et celui du Premier ministre. Comme recommandé au Sénat, les discussions ont repris. Je vous propose donc de voter l’article 24 tel quel et de reporter le débat à la séance, où il pourra avoir lieu avec le ministre, parce que la concertation n’a pas encore abouti. Il vaut mieux un bon accord qu’une situation conflictuelle. Je pense que, dans trois semaines, nous aurons la réponse dans l’hémicycle.

M. Vincent Ledoux. Le transfert des compétences est‑il à l’arrêt ou va‑t‑il reprendre ?

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Au pire, nous reviendrions à la situation antérieure, mais nous verrons ce qui ressortira des négociations.

B.   Examen des articles

La commission en vient à lexamen des articles.

Article 8 : Sanction des manquements à lobligation de notification des messages sur le statut des conteneurs

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 8 sans modification.

Article 9 : Adaptation du droit français à la nouvelle réglementation européenne sur les produits vitivinicoles

La commission adopte lamendement rédactionnel CF2 du rapporteur pour avis.

Elle se saisit de lamendement CF3 du rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de cohérence, qui supprime quelques éléments de la loi – tel le 1° du IV de la section III du chapitre Ier du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts – afin d’éviter que deux structures successives soient intitulées de la même façon.

La commission adopte lamendement CF3.

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 9 modifié.

Article 10 : Remplacement des commissaires en douane par les représentants en douane

La commission adopte successivement lamendement rédactionnel CF4 et les amendements de cohérence CF5 et CF6, tous du rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 10 modifié.

Article 11 : Contrôle des mouvements dargent liquide entrant ou sortant du territoire français depuis ou vers un autre État membre de lUnion européenne

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF7, CF8 et CF29 ainsi que lamendement de cohérence CF9, lamendement rédactionnel CF11, et lamendement de cohérence CF12, tous du rapporteur pour avis.

La commission en arrive à lamendement CF13 du rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Il sagit dun amendement de cohérence avec lensemble de larticle 11. Il vise, en effet, à remplacer, à larticle 1649 quater A du code général des impôts, le renvoi au règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au contrôle de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté, désormais abrogé, par un renvoi au nouveau règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à ce contrôle.

La commission adopte lamendement CF13.

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 11 modifié.

Article 12 : Transposition de la directive (UE) 1019/2162 du Parlement européen et du Conseil concernant lémission des obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties, dites « covered bonds »

La commission examine lamendement CF14 du rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Le projet de loi initial prévoyait d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance dans un délai de douze mois. Cet amendement, comme des amendements analogues déposés à d’autres articles, vise à faire coïncider le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance avec le délai de transposition de la directive. Sinon, les dates ne coïncidaient pas.

M. le président Éric Woerth. Ce texte a effectivement a pris du retard et les délais d’habilitation initialement prévus ne sont donc plus pertinents.

La commission adopte lamendement CF14.

Puis elle adopte lamendement CF15, rédactionnel, du rapporteur pour avis.

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 12 modifié.

Article 13 : Dispositions visant à transposer la directive (UE) 2019/2034 concernant la surveillance prudentielle des entreprises dinvestissement

La commission est saisie de lamendement CF16 du rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Comme précédemment, l’amendement vise à faire coïncider le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance avec le délai de transposition de la directive.

La commission adopte lamendement CF16.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CF17 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Louis Bricout. Sur l’article 13, qui vise la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement, nous nous interrogeons sur les modifications du cadre prudentiel. Le cadre de surveillance est allégé par rapport à celui concernant les investissements bancaires.

Notre interrogation porte sur la part variable qui vient compléter la part fixe de rémunération des preneurs de risque et employés des entreprises d’investissement, qui se trouve désormais déplafonnée. Cela implique également une augmentation des rémunérations. Je pense que cet article mérite une certaine vigilance.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. La directive différencie deux types d’entreprise, celles d’investissement et celles de crédit. Auparavant, elles faisaient partie du même paquet. La différence tient au fait que le risque n’est pas le même, et les régimes prudentiels non plus. Il s’agit plus d’une différenciation que d’une perte de prudentiel.

M. Jean-Louis Bricout. Je comprends bien les motivations de cet amendement, mais cela ouvre une porte sur des abus qui pourraient découler des parts variables.

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 13 modifié.

Article 14 : Habilitation du Gouvernement à prendre par voie dordonnance les mesures nécessaires pour transposer en droit interne la directive (UE) 2019/1160 concernant la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif

La commission adopte lamendement rédactionnel CF19 du rapporteur pour avis.

Elle en arrive à lamendement CF18 du rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Là encore, l’amendement vise à faire coïncider le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance avec le délai de transposition de la directive.

La commission adopte lamendement CF18.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CF20 du rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 14 modifié.

Article 15 : Clarification des termes de lhabilitation portant transposition du paquet bancaire

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 15 sans modification.

Article 16 : Rétablissement dune disposition du code de commerce portant sur la nullité de clauses interdisant la cession de créances, supprimée par lordonnance du 24 avril 2019

La commission se saisit de lamendement CF1 de M. Éric Coquerel. 

Mme Sabine Rubin. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 16. La nullité des clauses interdisant les cessions de créances pour toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services a été supprimée en 2019.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Cette disposition a été supprimée un peu par inadvertance, si j’ose dire. Or on s’est rendu compte qu’il y avait un véritable besoin de la rétablir, en particulier pour les sociétés d’affacturage.

Il est vrai que, dans l’étude d’impact, il est également question de titrisation, ce qui vous a fait bondir, par une sorte de réflexe, mais il s’agit ici de sécuriser le modèle économique des sociétés d’affacturage Ce secteur, très important, permet de financer les petites et moyennes entreprises. Or la suppression intervenue en 2019 introduisait des difficultés, de la complexité et des lourdeurs parce qu’il était devenu nécessaire de vérifier la présence ou l’absence de telles clauses dans chaque contrat.

L’article 16 ne favorise aucunement la titrisation. Au contraire, depuis la crise de 2008‑2009, des ratios prudentiels et des éléments de contrainte ont été posés à cet égard.

La commission rejette lamendement. CF1

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 16 sans modification.

Article 16 bis (Article L. 45116 du code monétaire et financier) : Suppression dune référence inutile

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 16 bis sans modification.

Article 16 ter (Article L. 21152 [nouveau] du code des assurances) : Nullité des clauses interdisant la cession de créances en matière dassurance automobile

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF21 et CF22, tous deux du rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 16 ter modifié.

Article 17 : Dérogation à la règle du secret professionnel en matière fiscale pour la publication dinformations relatives aux bénéficiaires daides dÉtat à caractère fiscal

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF23 et CF24, tous deux du rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 17 modifié.

Article 21 : Détection des infractions pénales graves en lien avec le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme

La commission examine lamendement CF25 du rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Cet amendement vise également à faire coïncider le délai d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance avec le délai de transposition de la directive.

La commission adopte lamendement CF25.

Elle adopte successivement lamendement rédactionnel CF26 et lamendement de précision CF27, tous deux du rapporteur pour avis.

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 21 modifié.

Article 23 : Habilitation du Gouvernement à prendre par voie dordonnance diverses mesures tirant les conséquences du Brexit

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. L’article 23 a été supprimé par le Sénat.

La commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de larticle 23.

Article 24 : Gestion du Fonds européen agricole pour le développement durable

La commission en vient à lamendement CF28 du rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à corriger une erreur de légistique afin que l’article 78 de la loi MAPTAM ainsi que les articles L. 1511-1-2 et L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales continuent de s’appliquer dans leur version initiale, même s’ils sont modifiés ultérieurement.

La commission adopte lamendement CF28.

Elle émet un avis favorable à ladoption larticle 24 modifié.

La commission émet un avis favorable à ladoption de lensemble des articles sur lesquels elle était saisie.

M. le président Éric Woerth. Nous en avons terminé avec cet examen. Merci à notre collègue Michel Lauzzana pour son rapport.

 


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   compte rendu des TRAVAUX
de la commission des affaires culturelles
et de l’Éducation, saisie pour avis

Au cours de sa réunion du mercredi 9 septembre 2020, la commission des affaires culturelles et de léducation a examiné pour avis, sur sollicitation de la commission des affaires économiques, les articles 24 bis et 24 ter du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne en matière économique et financière (n° 3196) (Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis).

A.   Discussion gÉnÉrale

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour émettre un avis sur les articles 24 bis et 24 ter du projet de loi, adopté par le Sénat le 8 juillet dernier, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dont nous avons désigné Aurore Bergé rapporteure pour avis le 29 juillet dernier.

Madame la ministre de la Culture, je vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission, où nous sommes très heureux de vous accueillir ; je vous remercie de vous être rendue disponible ce matin, avant la réunion du conseil des ministres, afin de prendre la parole dans le cadre de la discussion générale sur ces deux articles particulièrement importants pour nous tous.

En effet, les articles 24 bis et 24 ter que nous devons examiner sur délégation de la commission des affaires économiques, adoptés en première lecture par le Sénat à l’initiative du Gouvernement, habilitent celui-ci à transposer par voie d’ordonnances les directives européennes dites « SMA », sur les services de médias audiovisuels, et « droits d’auteur », sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, afin de rendre rapidement applicables des dispositions essentielles pour les auteurs et artistes interprètes ainsi que pour les secteurs de la production et de la diffusion audiovisuelles.

Nous nous étions longuement penchés sur ces sujets lors de l’examen, en mars dernier, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, qui devait venir en discussion en séance publique le 30 mars ; hélas, la Covid-19 en a décidé autrement !

Nous comptons donc sur vous, madame la ministre, pour que les ordonnances prévues par ces deux articles préservent les équilibres des textes élaborés par notre commission. L’examen du projet de loi, qui fait l’objet d’une procédure accélérée, est prévu le 7 octobre prochain en séance publique.

Puisque vous devez nous quitter vers 9 heures 30, le temps de parole des orateurs des groupes a été exceptionnellement ramené à trois minutes afin de vous permettre de leur répondre – je vous remercie par avance de votre compréhension, mes chers collègues.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture. Je veux d’abord vous dire la joie et l’émotion que j’éprouve à me trouver devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation – aux attributions plus resserrées que celles de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales dont j’avais été membre. Je souhaite vous faire part de mon état d’esprit actuel et pour les mois à venir, puisque c’est la première fois que je m’exprime devant vous comme ministre de la Culture.

En raison du conseil des ministres, il ne me sera effectivement pas possible de prendre part à la totalité de la réunion, ce dont je vous prie de m’excuser. J’ai évidemment souhaité être présente pendant la discussion générale afin de vous témoigner mon respect pour votre travail. Je connais la rigueur et la passion qui vous animent et qui caractérisent vos débats ; la manière dont vous vous engagez tous au service des Français est essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie. Vous pouvez compter sur moi pour m’appuyer sur vos travaux chaque fois que cela sera possible, dans un esprit ouvert et constructif – mon parcours politique plaide en faveur de la véracité de mon propos.

Une réforme très ambitieuse du secteur audiovisuel a été engagée fin 2019 dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Votre commission a enrichi puis adopté le texte début mars, mais – vous l’avez rappelé, monsieur le président – son examen a été interrompu par la pandémie ; il n’a pas été retiré de votre ordre du jour, mais son calendrier demeure incertain pour les raisons que nous connaissons.

C’est d’autant plus inquiétant que figurent dans le texte des dispositions capitales et urgentes.

Urgentes, car il fallait en principe transposer la directive dite SMA avant le 19 septembre 2020, et la directive relative au droit d’auteur et aux droits voisins avant juin 2021. En outre, les dispositions en question sont très attendues par les auteurs, les artistes et les professionnels des médias et des industries culturelles de notre pays. Elles l’étaient déjà avant la crise ; elles le sont encore davantage aujourd’hui.

En effet, l’un des principaux objectifs de la directive SMA est de faire contribuer au financement d’œuvres françaises les chaînes et plateformes étrangères qui ciblent la France. Il s’agit de rétablir ainsi l’équité entre tous les acteurs qui diffusent des œuvres audiovisuelles et cinématographiques en France. La question était pendante avant la crise sanitaire ; celle-ci n’a fait qu’accentuer le déséquilibre entre les plateformes, dont le chiffre d’affaires a connu une très forte croissance, et les services de télévision français, dont les difficultés économiques se sont considérablement aggravées en raison de la chute des recettes publicitaires survenue du fait du confinement. Il est donc fondamental que les nouveaux services contribuent au financement de la création cinématographique et audiovisuelle sur le marché français qu’ils ciblent, notamment celle issue de la production indépendante.

Lorsqu’il s’est adressé aux créateurs, en mai dernier, le Président de la République a rappelé que cette évolution était déterminante afin de protéger et d’adapter notre modèle culturel aux nouveaux équilibres du secteur. Voilà pourquoi il s’est engagé à ce que la transposition de la directive SMA intervienne avant la fin de l’année 2020. Il n’est plus possible de perdre du temps.

J’ai donc demandé à mes services d’engager d’ores et déjà la révision du décret sur les services de médias audiovisuels à la demande. Les équipes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) ont organisé une concertation avec les représentants des plateformes et ceux des producteurs et auteurs, afin que le décret puisse être adopté dans la foulée de l’ordonnance de transposition et ainsi bien prendre effet le 1er janvier 2021.

Il n’est pas moins urgent de transposer la directive droit d’auteur. Cette transposition permettra d’abord de mieux protéger les droits de la propriété intellectuelle sur les plateformes de partage de contenus, en obligeant ces dernières à conclure des accords de licence ou à coopérer avec les ayants droit pour empêcher que les œuvres ne soient diffusées sans leur autorisation. Elle confortera par ailleurs le droit des auteurs et des artistes à une rémunération proportionnelle, dont la portée a été renforcée par la directive.

Un troisième élément non moins important, bien que l’on en parle moins, vient compléter le dispositif : la transposition de la directive dite « câble et satellite », qui correspond elle aussi à un enjeu économique majeur, concernant la rémunération des titulaires de droits lorsqu’il est recouru à la technique particulière de diffusion dite de l’« injection directe ».

C’est face à ces urgences que le Gouvernement a, par amendement au projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, demandé au Parlement des habilitations à légiférer par ordonnance pour transposer les directives. Je sais bien que vous n’adorez pas cette pratique, c’est le moins que l’on puisse dire ; mais tout le monde en a bien compris les enjeux. Le Sénat a ainsi adopté les dispositions d’habilitation le 8 juillet dernier. Tout cela ne me plaît pas davantage qu’à vous ; je l’ai également dit à vos collègues sénateurs il y a quelques mois. Mais la transposition par voie d’ordonnance est indispensable.

Il ne s’agit vraiment pas d’une pratique courante en matière audiovisuelle : en général, les textes portant sur ce sujet donnent lieu, grâce aux spécialistes pointus que comptent les assemblées, à des discussions nourries, passionnées et très intéressantes – je l’ai noté en relisant les comptes rendus de vos débats.

Mais cette transposition ne va pas sans garanties, et je veux rappeler celles-ci avec force. Je l’ai indiqué lors de l’examen du projet de loi au Sénat, nous ne sommes pas en terrain inconnu et nous ne vous demandons pas un chèque en blanc. Je m’engage à ce que les ordonnances respectent les équilibres nés de la discussion parlementaire. Je pense notamment à la transposition des articles 17 et 18 de la directive relative au droit d’auteur, qui, je le sais, retiennent à juste titre votre attention.

Par ailleurs, parmi vos propositions d’enrichissement du texte, certaines me semblent tout à fait pertinentes. Mais, vous le savez mieux que personne, leur reprise peut se révéler délicate, car nous sommes contraints par l’objet du projet de loi : seules peuvent y être intégrées les dispositions qui correspondent à la transposition de directives européennes ou qui en sont le corollaire direct.

L’avenir des autres dispositions du projet de loi initial dépendra du programme de travail du Gouvernement et des contraintes de l’ordre du jour du Parlement. Il semble quasi certain que la réforme de l’audiovisuel public, qui constituait l’un des trois piliers du texte initial, ne pourra être examinée du fait de l’ensemble des travaux qui nous sont imposés par la crise économique. D’autres dispositions importantes, tenant à la lutte contre le piratage, à la modernisation de la télévision numérique terrestre et de l’organisation de la régulation en matière audiovisuelle et numérique, pourraient l’être au cours de la session parlementaire. Je fais tout pour qu’elles soient intégrées à votre ordre du jour. Je sais, en effet, combien ces sujets vous tiennent à cœur, et je partage votre désir de moderniser notre cadre juridique.

Pour l’heure, il est nécessaire, pour les professionnels et le soutien à la création, d’assurer la transposition rapide de la directive SMA et des dispositions de la directive droit d’auteur relatives au partage de la valeur et à la rémunération proportionnelle. Je sais que ces sujets suscitent un large consensus ; j’espère donc que vous accorderez au Gouvernement l’habilitation qu’il sollicite de vous.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Nous sommes très heureux, madame la ministre, de vous retrouver pour discuter d’un texte essentiel à l’avenir de la diversité et de la souveraineté culturelles et auquel nous sommes tous particulièrement attachés, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons.

Il est assez inhabituel que les députés eux-mêmes demandent le recours à des ordonnances. C’est pourtant ce que nous avons fait, parce que nous avons agi en responsabilité, afin que des directives essentielles à l’avenir du secteur et de la création française soient transposées dans les meilleurs délais.

Lors de son intervention à vos côtés au festival du film francophone d’Angoulême, le Premier ministre a eu des mots très forts en faveur du cinéma ; je veux l’en remercier. Les moyens du CNC seront renforcés grâce à une aide de 165 millions d’euros ; les salles de cinéma et les distributeurs, particulièrement fragilisés, seront soutenus.

Le recours aux ordonnances ne nous a pas empêchés de travailler lors des auditions qui se sont tenues la semaine dernière. Elles nous ont permis d’enrichir et d’affiner les dispositions du texte ; je tiens à en remercier mes collègues qui y ont pris part, en particulier Béatrice Piron et Sophie Mette, qui étaient à mes côtés, comme rapporteures, lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle.

S’agissant de la directive relative au droit d’auteur, dont la transposition est assurée par l’article 24 bis, le texte comprend des avancées considérables. La plus notable est la fin du régime d’irresponsabilité des plateformes, qui devront désormais répondre des contenus mis en ligne par leur intermédiaire et assurer le respect des droits d’auteur et des droits voisins attachés à ces contenus.

Le texte permettra aussi de transposer les dispositions de la directive relatives à la rémunération des auteurs et des artistes interprètes, afin qu’ils bénéficient d’une rémunération supplémentaire si leur rémunération initiale est exagérément faible. Je me félicite de l’engagement que vous prenez devant notre commission de conserver, dans la rédaction des ordonnances, l’équilibre trouvé lors de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle. Je pense notamment à la nécessité d’une rémunération appropriée à la valeur économique et à la possibilité de maintenir les forfaits.

Concernant l’article 24 bis, je défendrai notamment deux amendements. Le premier fait en sorte que les auteurs et les artistes interprètes conservent la possibilité de ne pas autoriser le partage des contenus sur les plateformes. Le second doit permettre à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, d’exercer toute son expertise pour protéger des contenus encore trop souvent partagés sans l’autorisation des auteurs ou des artistes.

L’article 24 ter permettra de transposer la directive SMA de 2018, qui modifie elle‑même la directive originelle de 2010. Son apport essentiel est bien sûr le passage, pour les plateformes de vidéo en ligne, du principe dit du « pays d’origine » au principe du « pays de destination » : désormais, les services ciblant la France devront contribuer à la production nationale, quand bien même ils seraient situés dans un État étranger.

L’ordonnance permettra également de procéder à des ajustements indispensables : mutualisation de la contribution au cinéma au niveau du groupe, et non plus des services ; association des auteurs aux accords entre éditeurs et professionnels du secteur ; renforcement des pouvoirs d’enquête du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et conventionnement des services à la demande avec celui-ci.

J’ai souhaité déposer plusieurs amendements afin que certains sujets figurent bien dans les textes qui seront repris par le Gouvernement.

Le premier concerne l’étendue territoriale des droits pris en compte au titre de la contribution, question parfois appelée des « droits monde ». Il va de soi que la contribution des plateformes à la production ne pourra être calculée sur la base des droits acquis pour l’exploitation de l’œuvre dans le monde entier, sous peine que l’effet attendu ne soit pratiquement réduit à néant.

Les deux autres points sont la production indépendante, dont les critères doivent être soigneusement définis pour protéger la création, et la part d’œuvres d’expression originale française.

Mes autres amendements apportent des précisions sur le texte des ordonnances à venir. Une, en particulier, est nécessaire : l’audiovisuel et le cinéma doivent demeurer dans deux « couloirs » distincts de soutien à la production. L’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap et la visibilité des programmes d’intérêt général me semblent également mériter une mention.

Enfin, un amendement à la fin de l’article 24 ter doit permettre de renforcer les pouvoirs du CSA et du CNC à l’égard des plateformes, en garantissant qu’ils pourront échanger des informations au sujet non seulement du chiffre d’affaires, mais aussi du nombre d’utilisateurs de la plateforme. Cela permettra d’y voir plus clair, car les données transmises sur les chiffres d’affaires sont parfois surprenantes, pour le dire poliment.

Nous le savons, et vous en êtes vous-même convaincue : il faudra aller plus loin sur certains sujets, dont la chronologie des médias – le Premier ministre s’y est clairement engagé. Il en va de même de la lutte contre le piratage, qu’il s’agisse des œuvres audiovisuelles ou cinématographiques ou encore des droits sportifs, ainsi que de la modernisation de la régulation. Au sein de la commission des affaires culturelles, nous croyons à la complémentarité entre le CSA et la HADOPI, donc à leur fusion.

Néanmoins, le texte permet de traiter des sujets essentiels, et de le faire vite. Or c’est une nécessité absolue.

Pour conclure, je souhaiterais aborder un sujet qui me tient à cœur : la place de la salle de cinéma dans la définition juridique d’une œuvre cinématographique. Je souhaitais que cette place soit reconnue expressément dans le texte ; cela n’est malheureusement pas possible, pour des raisons de recevabilité. J’insiste néanmoins sur mon attachement – je pense pouvoir dire « notre attachement » – à la salle de cinéma face à des acteurs internationaux qui semblent malheureusement s’en détacher. Madame la ministre, quel est votre point de vue à ce sujet et quelle sera votre position face à ceux qui mettent en péril l’équilibre et la diversité du secteur ?

Mme Céline Calvez. Au nom du groupe La République en marche, je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre, dans cette maison que vous connaissez bien, et je vous assure du soutien des parlementaires de la majorité pour donner à la culture la place qu’elle mérite.

Le 5 mars dernier, notre commission adoptait en première lecture le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, qui devait nous permettre de transposer la directive relative au droit d’auteur et aux droits voisins ainsi que celle relative aux services de médias audiovisuels. Ce jour-là, nous n’imaginions pas ce qui nous attendait au cours des mois suivants.

Nous nous retrouvons six mois plus tard pour examiner les deux articles du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière qui permettront de transposer ces directives et, ainsi, d’honorer l’engagement présidentiel de les rendre effectives dès janvier 2021. Parce qu’il y a urgence, ces articles nous permettent d’habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances de transposition.

Ces ordonnances permettront de soutenir l’industrie audiovisuelle et cinématographique française et de mieux protéger les auteurs et les artistes interprètes. Mais protéger n’est pas figer, et respecter les débats du mois de mars ne signifie pas refuser toute évolution que pourrait appeler la situation. Les équilibres d’hier ne sont plus nécessairement ceux d’aujourd’hui ; nous devons pouvoir les réinterroger, tirer les enseignements de la crise sanitaire qui nous a frappés et tenter, autant que faire se peut, d’anticiper les conséquences de la crise économique.

Les deux articles du projet de loi dont nous sommes saisis répondent à une attente des auteurs, des artistes et des professionnels des médias et des industries culturelles. Ils permettront d’assujettir les plateformes installées à l’étranger aux obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique, mais également de garantir le droit des auteurs et des artistes à une rémunération proportionnelle à l’exploitation qui est faite de leurs œuvres, donc, in fine, de mieux protéger les droits des auteurs et des artistes sur les plateformes de partage de contenus.

L’article 24 bis traduit d’abord une victoire au niveau européen : la France a été au cœur des négociations visant à ce que les titulaires de droits soient rémunérés lorsque les plateformes utilisent leurs œuvres. Mais sa transposition ne peut se faire sans concertation avec l’ensemble des acteurs, notamment au vu des implications du caractère proportionnel de la rémunération accordée.

L’article 24 ter permettra quant à lui de défendre la diversité culturelle française, grâce à l’extension de la régulation opérée par le CSA aux plateformes de partage de vidéos, mais aussi grâce à la contribution des services qui ciblent notre territoire au système français de soutien à la création. Il s’agit d’une grande avancée : nous rendons possible la contribution des services de médias audiovisuels à la demande tout en instaurant des règles modernes, en accord avec les usages de nos concitoyens, et qui permettront d’assurer la pérennité de notre création.

Les ordonnances sont justifiées par l’urgence, mais aussi par la confiance que les parlementaires de la majorité ont dans le Gouvernement pour respecter les équilibres issus de nos débats – vous vous y êtes engagée devant les sénateurs, madame la ministre – et, surtout, pour faire coexister tous les acteurs, traditionnels et plus modernes, et protéger celles et ceux qui, aujourd’hui plus encore qu’hier, en ont besoin.

Mme Constance Le Grip. Les membres du groupe Les Républicains sont eux aussi très heureux de votre présence ce matin devant notre commission, madame la ministre ; nous espérons pouvoir vous y accueillir souvent. Vous trouverez en nous des interlocuteurs exigeants, engagés, passionnés, vigilants ; souvent constructifs ; parfois opposants, lorsque nous le jugerons nécessaire.

Les articles 24 bis et 24 ter du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière ont été ajoutés par voie d’amendements gouvernementaux en séance publique au Sénat. Cela a été rappelé, cet ajout était rendu nécessaire par l’interruption de l’examen du projet de loi réformant l’audiovisuel pour cause de pandémie de Covid-19. Ce projet de loi, notre commission en avait très longuement et abondamment débattu, avant de le voter début mars. Or – vous l’avez dit vous‑même, madame la ministre –, son calendrier d’examen reste incertain : il n’a pas été retiré de notre ordre du jour, mais un grand mystère perdure à ce sujet.

Il nous faut donc agir. Il est capital et urgent de transposer les directives SMA, droit d’auteur et câble-satellite. Nous l’avons dit et redit : nous sommes favorables à la transposition rapide de ces trois directives, très attendues par le monde de la culture et de la création alors que les acteurs du secteur culturel sont extraordinairement fragilisés et précarisés. Nous l’avons même écrit, le 2 juin, dans le plan de relance pour la culture que notre formation politique a publié. Vous permettrez à l’ancienne députée européenne que je suis, et qui fut très engagée au Parlement européen au sujet de ces textes, de vivre ce moment de travail parlementaire comme un aboutissement.

Vous nous proposez d’habiliter le Gouvernement à procéder à une transposition par voie d’ordonnance. Vous le savez, le Parlement n’aime pas les ordonnances ; mais le Parlement aime la culture ; nous nous sommes donc faits à l’idée – même si, comme vous l’avez rappelé, la procédure est très inhabituelle en matière culturelle et audiovisuelle. Vous vous êtes engagée au Sénat, et de nouveau devant nous ce matin, à ce que les ordonnances que le Gouvernement soumettra à notre ratification respectent les équilibres nés de nos discussions ici même et consacrés par un vote majoritaire des membres de notre commission. Dont acte.

Nous pensons que le droit des auteurs et des créateurs doit être reconnu, respecté et garanti partout et par tous. Nous estimons que les plateformes numériques de partage doivent participer au financement de la création audiovisuelle et cinématographique française. Nous jugeons qu’il faut des dispositions légales pour renforcer le droit de la propriété intellectuelle, garantir le droit des auteurs et des créateurs et lutter contre le piratage. Nous croyons au droit à une rémunération proportionnelle au fruit de l’exploitation des œuvres.

Pour toutes ces raisons, nous émettrons un avis favorable à l’adoption des articles 24 bis et 24 ter. Nous défendrons plusieurs amendements afin de veiller au respect fidèle de l’esprit et de la lettre des directives européennes que vous nous proposez de transposer.

Mme Michèle Victory. En mars dernier, nous avons longuement examiné le projet de loi tant attendu sur l’avenir de l’audiovisuel. Nous avons tenté de mieux équilibrer ce texte technique et difficile qui essayait d’embrasser l’ensemble des problèmes du monde audiovisuel. Certains de ces problèmes avaient fait l’objet de précédents textes, tandis que d’autres sont apparus plus récemment à la faveur du développement de technologies et de pratiques nouvelles dans la transmission des contenus audiovisuels, le tout au sein d’une économie de marché mal régulée dont les éléments fondamentaux ne correspondent pas à notre vision du partage culturel.

Puis le virus est arrivé, qui a stoppé net notre élan, écarté le débat parlementaire et dessaisi les élus que nous sommes de leur capacité à proposer et à amender. Pas de chance pour l’expression parlementaire, pour le débat constructif que nous voulions poursuivre, pour le vote dans l’hémicycle auquel nous nous préparions. Pas de chance non plus pour les acteurs des filières de l’audiovisuel qui, en plus de la difficulté considérable dans laquelle la crise sanitaire allait les plonger, se trouvaient privés de débat et d’outils législatifs, ces outils censés leur permettre de réagir au déséquilibre né de l’arrivée de nouveaux acteurs trouvant sur le continent européen un marché disponible sans contraintes et exposant auteurs, diffuseurs et internautes à un risque croissant de dérégulation.

La circulation des contenus téléversés par les services audiovisuels non établis en France nécessitait une réforme permettant d’asseoir une contribution juste à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression française. L’Europe l’avait bien compris, qui a enjoint tous les États membres à se saisir des directives à l’ordre du jour de notre débat. Fruit de difficiles négociations, elles ont pour but de responsabiliser les plateformes et de corriger l’asymétrie entre les nouveaux acteurs et ceux des filières traditionnelles.

Plus personne ne le conteste, les plateformes sont incontournables et peuvent être utiles – à condition que nous soyons capables de leur fixer des règles et de les faire respecter dans l’intérêt des auteurs, des créateurs, des artistes et de leurs ayants droit, tout en préservant notre jeunesse et nos publics les plus fragiles face à un déferlement de contenus ; à condition que le droit européen protège mieux les auteurs et permette d’améliorer les revenus qu’ils tirent de leur travail.

La crise est venue nous rappeler la place prépondérante que la culture sous toutes ses formes occupe dans nos vies. Dès le mois de juin, inquiets de voir que le processus législatif n’irait pas à son terme, et malgré l’opposition de principe de nombreux parlementaires à la procédure d’habilitation à légiférer par ordonnance, nous avons accepté de prendre nos responsabilités en reconnaissant qu’il y avait urgence. Nous avons travaillé pendant des semaines et entendu tous les acteurs du monde culturel nous dire qu’ils attendaient de la représentation nationale et du Gouvernement une régulation plus adaptée.

En commission, d’importantes modifications des textes avaient été adoptées, portant sur des éléments qui nous tiennent à cœur. Comme son homologue du Sénat, le groupe Socialistes et apparentés espère vivement que le texte résultant de la transposition sera à la hauteur des enjeux et tiendra compte de ces nombreuses améliorations. Nous regrettons que certains points, comme la lutte contre le piratage, ne puissent y figurer, et que le champ radiophonique, élément structurant du paysage audiovisuel, soit absent du texte. Nous voulons aussi que l’avenir de l’audiovisuel public soit assuré. Nous espérons que le débat reviendra vite et que la confiance nous permettra d’avancer.

M. Bertrand Pancher. Le groupe Libertés et territoires n’a jamais été favorable aux habilitations à légiférer par ordonnance, qui dépossèdent le Parlement de ses rares prérogatives de législateur, en particulier dans des domaines qui imposent de négocier et de se concerter.

Cependant, nous l’avons rappelé dans le cadre de nos échanges, le calendrier est particulier, tout comme le contexte. La crise que traverse le monde culturel est d’une telle ampleur que nous devons trouver rapidement les moyens de protéger ce secteur très exposé.

La transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins permettra de rééquilibrer les rapports de force pour renforcer les droits des auteurs. C’est une bonne nouvelle, en particulier pour leur rémunération.

Rappelons du reste que c’est sous l’influence française, après un long combat, que la directive relative au droit d’auteur a pu être adoptée par le Parlement européen, ce dont nous nous félicitons.

Par ailleurs, les dispositions de la directive SMA permettent d’assujettir les plateformes installées à l’étranger aux obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique. L’enjeu est crucial pour soutenir cette création audiovisuelle. C’est, là encore, une victoire importante de la France obtenue lors de la renégociation de cette directive.

Celle-ci est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que durant le confinement, les revenus des nouvelles plateformes ont fortement augmenté tandis que les chaînes de télévision subissaient les conséquences de la crise du marché publicitaire.

Nous regrettons, bien évidemment, de devoir habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance mais nous soutiendrons tout de même ce texte. Cette habilitation à procéder par ordonnance ne doit pas, cependant, écarter le Gouvernement de l’objectif vers lequel nous devons tendre : la recherche d’un équilibre entre toutes les parties prenantes. Vous le savez, madame la ministre, un accord doit être trouvé entre toutes les forces en présence, faute de quoi la protection des auteurs, des artistes et des journalistes ne sera pas assurée.

Le Gouvernement s’est engagé à respecter la teneur des discussions de la commission des Affaires culturelles lors de l’examen avorté du projet de loi relatif à l’audiovisuel et surtout à trouver un accord avec les parties prenantes. Cette condition est nécessaire et nous espérons que le Gouvernement respectera son engagement.

Mme Géraldine Bannier. Nous sommes réunis pour étudier les articles 24 bis et 24 ter du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

Je remercie Mme la rapporteure pour avis de sa présentation des articles que nous examinerons. Je ne peux que me réjouir de la transposition de la directive sur le droit d’auteur et celle, révisée, sur les services de médias audiovisuels, qui nous permettra de faire entrer le secteur de l’audiovisuel français dans le XXIe siècle.

Nous avions déjà abordé, lors de l’examen en commission du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, les raisons pour lesquelles il était nécessaire d’actualiser les règles du jeu. La directive européenne est le fruit d’un travail patient et il importe, à présent, de l’appliquer le plus rapidement possible.

Il vise en particulier à développer un nouveau dispositif qui permette aux ayants droit de faire valoir la nécessaire protection de leurs œuvres tout en préservant la possibilité, pour les utilisateurs, de contester les mesures de blocage et de retrait. Ces avancées, lancées depuis la loi relative aux droits d’auteur et aux droits voisins de 2000, respectent la conception française de la défense des auteurs. Nous pouvons en être fier car chacun sait, ici, ce que la richesse de notre scène culturelle doit à ce régime.

Rappelons par ailleurs que la France sera l’un des premiers États membres à transposer la directive relative au droit d’auteur. Même si nous avions beaucoup débattu de cette partie du texte – Mme Sophie Mette en était alors rapporteure –, nous avions tous reconnu l’importance de ces dispositions.

Mon groupe a toujours été favorable à une répartition plus équitable des richesses car nous croyons à une société du progrès partagé. Ce texte en est une illustration.

Les mesures qui tendent à renforcer la transparence des informations concernant les auteurs, conformément à la directive, sont à saluer. Je souhaite par conséquent que les ordonnances qui seront prises dans le cadre de cette transposition respectent les objectifs de la directive. Le groupe Modem considère qu’il est urgent de transposer les directives, notamment au regard du contexte actuel, et il soutiendra ce projet de loi.

M. Michel Larive. Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Au printemps dernier, nous avions mené la bataille contre le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, qui visait à libérer l’audiovisuel public. Morcelé en raison de l’agenda parlementaire, ce texte nous revient aujourd’hui par la petite porte sous la forme de deux articles. Malgré le changement de Gouvernement, cet été, le cap fixé par le Président reste le même : détruire méthodiquement le service public de l’audiovisuel.

Madame la ministre, vous ne pouvez dire le contraire puisque, grâce à votre approbation, le 24 août dernier, à minuit, la chaîne France Ô a cessé d’émettre. Les citoyens ultramarins sont les victimes de la casse de l’audiovisuel public souhaitée par ce Gouvernement.

Rappelons que le Gouvernement réclame à l’audiovisuel public français de réaliser 190 millions d’euros d’économie. Le groupe France Télévisions doit en supporter, à lui seul, 160 millions. Comme d’habitude, la masse salariale est la variable d’ajustement, par le biais de plans sociaux ou de fermetures d’antennes. Pour ce qui concerne France Ô, la faiblesse de l’audience aurait été le prétexte à sa fermeture. Or, nous ne cesserons jamais de le marteler, le service public n’a pas vocation à être rentable. Le projet de loi relatif à l’audiovisuel prévoyait de confier à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’ARCOM, autorité administrative indépendante née de la fusion du CSA et de la HADOPI, des pouvoirs dont l’exercice devait être, d’ordinaire, assumé par un juge judiciaire. Nous y étions opposés. Le statut de l’ARCOM n’est pas clair : sera-t-elle ou non créée par le Gouvernement ? Quelle autorité sera chargée d’arbitrer les conflits entre les utilisateurs des plateformes et les plateformes elles-mêmes ? L’utilisation de systèmes de filtrages automatisés par les plateformes comme Facebook ne préserve pas du tout la liberté d’expression sur internet et ne protège pas nos concitoyens contre les risques de censure.

Qui plus est, la transposition de la directive SMA entérine la méthodologie de contrôle des publications par lesdites plateformes, faisant d’internet un lieu de surveillance généralisée. Nous avons le devoir de défendre la libre circulation des informations sur internet. Or, la directive SMA va à l’encontre de ce principe fondamental. Il est impératif de garantir la liberté d’expression sur internet. Nous devons rendre obligatoire une intervention humaine avant tout blocage de contenu sur la toile, comme il est nécessaire de sanctionner les plateformes qui pratiqueront de manière outrageuse la censure.

Enfin, demander à légiférer par ordonnance dans un tel domaine témoigne de votre refus de débattre devant la représentation nationale de sujets aussi importants que la liberté d’expression, la censure, la surveillance généralisée des internautes, ou la reconnaissance faciale. Au-delà du mépris pour les parlementaires que cette méthode illustre, le Gouvernement prive une fois de plus le Parlement de ses droits fondamentaux et remet en cause le fonctionnement même de notre démocratie.

Pour cette raison, le groupe La France insoumise émettra un avis défavorable à ce projet de loi.

Mme Constance Le Grip. C’est dommage !

M. Michel Larive. Il en faut bien, un, de groupe courageux ! Sinon, nous serions en dictature.

Mme Constance Le Grip. Pas forcément.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. On peut voter un texte à l’unanimité sans être en dictature !

Mme Albane Gaillot. Je vous souhaite à mon tour la bienvenue, madame la ministre, au nom du groupe Écologie, démocratie, solidarité. Nous regrettons d’être privés d’un débat autour du projet de loi relatif à l’audiovisuel et de voir le Parlement dessaisi, une nouvelle fois, de ses prérogatives. Cependant, j’ai bien compris que vous vous étiez engagée à maintenir les équilibres du texte tel qu’il est ressorti des travaux de la commission.

Comme mes prédécesseurs, je suis consciente de l’importance de transposer le plus rapidement possible ces directives qui traitent des droits d’auteur et des services de médias audiovisuels.

Au-delà des contraintes européennes, je pense aux auteurs, aux artistes, aux professionnels des médias, aux industries culturelles qui, pour la grande majorité, attendent avec impatience l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Le profond bouleversement des usages et des technologies dans le paysage des médias s’est traduit par l’apparition d’asymétries importantes entre les acteurs traditionnels de l’audiovisuel et les acteurs du numériques, auxquelles notre cadre législatif ne permet pas de répondre.

Nous revenons de loin et il est urgent d’agir, d’autant plus que la crise sanitaire a des conséquences dramatiques pour les professionnels de ce secteur. Pour autant, si la transposition de ces directives est attendue en raison de l’importance des enjeux pour le financement de la production audiovisuelle et cinématographique, la protection des droits de la propriété intellectuelle et la rémunération des artistes-auteurs, elle ne suffira pas pour sortir ces derniers de la précarité, qui a été accrue encore par la crise sanitaire.

Je me permettrai ainsi, madame la ministre, de sortir du cadre législatif pour vous interroger au sujet du plan de relance et de l’affectation de 12 millions d’euros pour l’emploi des artistes-auteurs. Ces mesures sont-elles à la hauteur du désastre que vivent de nombreux artistes-auteurs ? Comment ce budget sera-t-il réparti, sachant que de la rapidité de sa mise à disposition et de son affectation aux artistes-auteurs eux-mêmes, dépendra l’efficacité des mesures ?

Au regard de l’urgence à transposer ces directives, notre groupe sera favorable à ce texte.

M. Pierre-Yves Bournazel. Beaucoup a été dit, aussi ne serai-je pas redondant pour ne pas vous mettre en retard, madame la ministre. Je ne voudrais pas que vous soyez le deuxième ministre de la Ve République à arriver en retard à un conseil des ministres !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Ce sont les ministres de la culture qui arrivent en retard…

M. Pierre-Yves Bournazel. En effet, il s’agissait de Jacques Toubon (Sourires.) Pour ce qui est du fond, nous sommes très heureux que la France soit enfin parvenue à convaincre de nombreux partenaires européens et 2019 est une belle année pour la défense des droits d’auteur et des droits voisins. Il est important, en effet, que les plateformes participent au financement de la création. La filière attendait ces mesures, qu’il s’agisse des entrepreneurs culturels, des auteurs, des artistes, des intermittents, sans parler du public ! L’asymétrie de la régulation n’est plus tenable.

Quant à la forme, oui, il faut légiférer par ordonnance. Notre groupe ne souhaite pas généraliser ce mode de fonctionnement mais, en l’espèce, la situation est urgente. La crise sanitaire nous oblige à agir rapidement pour protéger le secteur culturel.

Madame la ministre, nous connaissons votre passion, votre énergie, votre compétence et votre détermination aussi vous faisons-nous confiance pour faire avancer cette grande cause à laquelle tient tant la majorité présidentielle.

Mme Elsa Faucillon. Bienvenue, madame la ministre. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’était lui aussi opposé, en mars 2019, au projet de loi relatif à l’audiovisuel public. Du reste, nous n’avions pas attendu l’examen de ce texte pour exprimer nos craintes face aux atteintes portées au secteur de l’audiovisuel public depuis de nombreuses années. Au-delà, nous continuons à craindre pour l’audiovisuel public, qui n’avait pas besoin d’un projet de loi pour être démantelé, pour que soient bafoués les contrats d’objectifs et de moyens et son personnel toujours davantage compressé. L’arrêt de France Ô ne fait que confirmer nos préoccupations.

Concernant la directive SMA, nous avions exprimé nos inquiétudes au sujet de la libre circulation et des lacunes de la directive. Vous avez tenté, madame la ministre, de devancer nos critiques et de nous rassurer. Beaucoup l’ont fait avant vous, sans pour autant éteindre nos craintes. Je vous fais confiance, a priori, même si le fait de légiférer par ordonnance et l’insuffisance des mesures que vous prenez par ailleurs, en particulier dans le cadre du plan de relance, ne sont pas de nature à répondre aux enjeux de l’état d’urgence culturel. Ces directives, dont nous avons débattu si longtemps, contiennent des dispositions importantes, notamment pour la protection des auteurs, mais les plateformes ne sont guère visées alors qu’elles se sont gavées pendant la crise et continueront à le faire. De nombreuses mesures seraient à prendre, en particulier au niveau du plan de relance qui ignore les questions éducatives, culturelles, sportives et ne contient aucune mesure pour dégager de nouvelles recettes, laissant à la charge des Français le poids du financement de la crise.

Quelles mesures innovantes, audacieuses, nous permettraient de lever l’état d’urgence culturel et de transformer le système en profondeur ?

Mme Florence Provendier. Je suis heureuse que vous soyez parmi nous, madame la ministre. En mars dernier, nous avons adopté en commission une réforme ambitieuse pour soutenir la richesse et la diversité du secteur audiovisuel. Le travail en commission avait permis de renforcer la place de la radio, média préféré des Français, tout en intégrant les plateformes de streaming musical et de podcast.

En effet, l’arrivée du numérique a profondément transformé le monde de l’audio, au point de déséquilibrer la régulation et de ne plus protéger équitablement les différents acteurs de ce marché prospère. Hélas, les directives européennes n’en tiennent pas compte, ce qui ne nous permet pas d’amender ce projet de loi. Pourtant, la protection des contenus radiophoniques, la promotion des œuvres francophones, la dérégulation de la publicité sur les stations de radio, les enceintes connectées sont autant de sujets qui méritent réflexion, sans parler des quotas.

La crise économique a accéléré les asymétries entre les acteurs, ce qui rend d’autant plus nécessaire une réforme d’ampleur. Elle est prête et nous étions sur le point de l’adopter. J’espère que nous pourrons le faire dans les prochains mois, à l’Assemblée nationale.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour la richesse de ces interventions qui témoigne, une fois de plus, de la finesse d’expertise de votre commission, en particulier de celle de Mme la rapporteure pour avis, Aurore Bergé.

Je comprends que vous ayez soif d’aborder d’autres sujets, notamment celui du plan de relance. Pardonnez-moi cependant de ne pas y répondre ce matin car le sujet, très important, mérite d’être approfondi. Nous y reviendrons, rassurez-vous, mais nous ne pourrions sérieusement en débattre au détour d’un amendement. Il faudra que je vous présente dans les détails le plan de relance, en particulier son volet culturel, et que les divers arguments, analyses, et demandes aient été préparés. Je ne serai donc pas diserte en la matière.

Madame la rapporteure, vous êtes particulièrement attachée à la rémunération des auteurs et vous avez, en toute logique, déposé un amendement très intéressant quant au fond mais que je vous inviterai à retirer. J’adhère pleinement à votre philosophie et vous avez réussi à établir en commission des Affaires culturelles un texte équilibré, notamment pour ce qui est de la rémunération des artistes. Le texte amendé préserve le principe de leur rémunération proportionnelle tout en introduisant suffisamment de souplesse pour prendre en compte les pratiques. En réaffirmant solennellement devant vous ces principes, nous ne fragiliserons pas le calendrier d’adoption de ce texte.

S’agissant de la salle de cinéma, le droit français reconnaît, pour qualifier l’œuvre cinématographique, le fait qu’elle sorte en salle. Si tel n’est pas le cas, il ne s’agit pas d’une œuvre cinématographique. Le droit actuel est clair et en donne une définition solennelle, à laquelle je suis très attachée. Il serait dommage d’envisager cette affaire sous le seul angle juridique. Nous devons également mener des politiques actives pour soutenir la salle de cinéma. Tel est l’objectif d’une mesure annexe au plan de relance : la création d’un fonds de 100 millions d’euros pour inciter à rouvrir les salles de cinéma et atteindre le seuil de rentabilité. Rien ne sert d’ouvrir des salles si les spectateurs ne s’y rendent pas. Il ne suffit pas de définir juridiquement la notion de salle de cinéma : il faut également mener des politiques actives pour les remplir. Nous nous y employons pour préserver la spécificité de la France qui ne compte pas moins de 6 000 salles de cinéma, qui ne projettent pas toutes ce que l’on appelle des blockbusters – le terme de grandes productions conviendrait davantage pour éviter d’employer des termes anglais. Les structures sont au contraire très variées et les petites salles ne manquent pas, dans les villes moyennes, ni les salles d’art et d’essai, caractéristique française que nous devons protéger par tous les moyens. J’y suis très attachée.

Je remarque que Mme Calvez, Mme Le Grip, Mme Victory, M. Pancher, M. Bournazel, Mme Bannier ont soutenu ce texte tout en regrettant le recours aux ordonnances. Cela étant, le recours à cette procédure n’empêche pas qu’à l’issue d’une discussion, je puisse rendre un avis favorable à des amendements dont l’adoption ne fragiliserait pas le texte. Il n’y aura pas d’opposition systématique de ma part. Quant aux amendements qui pourraient déséquilibrer le texte mais dont le fond mérite réflexion, je ferai preuve d’esprit d’ouverture et ne manquerai pas de réaffirmer les principes auxquels nous sommes attachés – je pense à notamment à l’amendement de Mme la rapporteure pour avis évoqué tout à l’heure.

Seul M. Larive s’est opposé fermement à ce texte mais il me semble paradoxal qu’il refuse de soutenir des dispositions qui répondent à sa philosophie politique. En effet, la crise sanitaire a révélé le niveau de dérégulation du système audiovisuel, livré à des coups de boutoir impressionnants. Au contraire, monsieur Larive, vous devriez être l’un des plus fervents défenseurs de notre politique puisque nous cherchons à réguler le marché et à le rendre plus juste.

M. Michel Larive. Je peux exprimer mon opposition.

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Bien sûr, et je peux vous y répondre. C’est la différence, sans doute, entre une opposition systématique et une opposition constructive.

Quant à France Ô, le problème n’est pas celui de la rentabilité mais de la rencontre avec le public ultramarin, auquel nous sommes très attachés. Je travaille avec M. Sébastien Lecornu pour que le public ultramarin se retrouve dans le service public et que les téléspectateurs et les auditeurs du service public reconnaisse la France ultramarine dans toutes ses spécificités et sa diversité.

Il est temps pour moi de vous quitter car je ne souhaite pas rejoindre le club de M. Toubon. (Sourire.)

Je me réjouis de votre large appui et j’examinerai dans un esprit constructif les amendements que vous présenterez. Je remercie Mme la rapporteure pour le travail intelligent et approfondi qu’elle a mené avec le président Bruno Studer. Je suis heureuse d’avoir fait mes débuts à l’Assemblée nationale avec ce texte. (Sourires.)

M. le président Bruno Studer. Merci, madame la ministre, nous nous retrouverons le 30 septembre pour examiner le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal.

Mme Roselyne Bachelot, ministre. C’est un très beau texte qui donnera sans doute lieu à un riche débat.

B.   examen des articles

La commission en vient à lexamen des articles.

Avant larticle 24 bis

La commission adopte lamendement AC25 de la rapporteure pour avis, qui insère lintitulé du Chapitre VIII bis avant larticle 24 bis.

Article 24 bis : Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2019/790 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et la directive 2019/789 établissant des règles sur lexercice du droit dauteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne dorganismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio.

La commission examine lamendement AC27 de la rapporteure pour avis.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Cet amendement de précision, similaire à un amendement de Mme Le Grip qui tend à clarifier la rédaction de la directive
– article 2-6 ou articles 2 à 6 – vise à répondre à des préoccupations partagées par d’autres collègues pour clarifier le périmètre de la directive sur les droits d’auteur concerné par l’habilitation.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC3 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement est rédactionnel et comparable à celui qui vient d’être adopté.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. L’amendement qui vient d’être adopté permet justement de clarifier la rédaction. L’objet de votre amendement s’en approche sans être identique mais nous nous sommes posé les mêmes questions. Je vous invite à le retirer.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement AC10 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Par cet amendement, nous nous opposons à la transposition dans le code de la propriété intellectuelle de l’article 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

Aux côtés d’associations comme La Quadrature du Net, nous alertons sur les conséquences de cette mesure qui entraîne la quasi-obligation de mise en œuvre d’outils de filtrage au téléversement. Ces dispositifs aboutissent à une surveillance généralisée des internautes par une entreprise privée ainsi qu’à des suppressions abusives de contenus. Pourtant, le paragraphe 8 de l’article 17 de la directive précise bien que « Lapplication du présent article ne donne lieu à aucune obligation générale de surveillance ».

Face aux nombreux cas de censure des plateformes de partage en ligne, il est indispensable qu’une personne humaine vérifie les contenus avant d’en bloquer l’accès comme le demandent certaines associations. Cela correspond aux exigences du règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016, qui précise bien, dans le premier paragraphe de l’article 22 que « La personne concernée a le droit de ne pas faire lobjet dune décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage, produisant des effets juridiques la concernant ou laffectant de manière significative de façon similaire. » Cela veut bien dire que, si la directive avait été appliquée jusqu’au bout, une personne physique vérifierait les contenus avant d’en bloquer l’accès. C’est ce que je n’ai pas eu le temps d’expliquer tout à l’heure à la ministre.

M. le président Bruno Studer. C’est pour cela que je vous ai accordé du temps supplémentaire.

M. Michel Larive. Je vous en remercie. Vous êtes bien aimable !

M. le président Bruno Studer. Merci à vous ! Un compliment ne fait jamais de mal.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Outre le fait que nous sommes tenus par l’obligation de transposition, votre amendement ne permettrait pas de transposer l’article 17, ce qui serait bien dommage. En effet, vous allez ainsi empêcher les auteurs et les artistes de bénéficier d’un nouveau régime de responsabilité des plateformes qui les contraignent à faire des efforts pour bloquer le contenu d’œuvres qui auraient été piratées. Vous les empêcherez également de bénéficier d’une transparence attendue depuis longtemps sur les modalités d’exploitation de leurs œuvres.

Vous le voyez, nous avons besoin de la transposition de cette directive. Les artistes et les auteurs l’attendent. Si elle n’était pas adoptée, les plateformes demeureraient des espèces de boîtes noires, y compris pour les utilisateurs, qui ont beaucoup moins de moyens de s’opposer aux décisions des plateformes sur des contenus qui sont bloqués.

Défavorable.

M. Michel Larive. Je parle de la liberté des personnes de diffuser ou non des contenus personnels. Le filtre est posé par les grandes plateformes numériques, notamment outre-Atlantique. En fait, le législateur n’a pas la possibilité de garantir cette transparence, organisée par les plateformes qui sont en fait juge et partie puisqu’elles peuvent à la fois censurer et faire ce qu’elles veulent des données.

Le problème, c’est que vous avez appliqué la directive jusqu’à un certain point alors qu’il fallait l’appliquer jusqu’au bout. C’est ce que je vous propose en introduisant ces deux phrases qui garantissent la protection des données individuelles.

La commission rejette lamendement.

La commission en vient aux amendements identiques AC20 de la rapporteure pour avis et AC5 de Mme Constance Le Grip.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Mon amendement vise à préserver l’objet du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Nous souhaitons que la HADOPI soit bien l’autorité chargée de s’assurer du respect des droits d’auteur et des droits voisins portant sur les contenus partagés sur les plateformes de partage de contenus en ligne. C’est une première brique pour avancer dans la lutte contre le piratage.

Mme Constance Le Grip. Nous souhaitons que la HADOPI soit dotée de moyens supplémentaires lui permettant de garantir la protection des œuvres et qu’elle ait les compétences pour investiguer sur les moyens de filtrage, d’identification et de détection utilisés par les plateformes pour identifier les contenus illicites, en attendant de savoir ce qu’il adviendra de la future instance chargée de la régulation, l’ARCOM.

Bref, nous souhaitons clairement identifier la HADOPI comme compétente pour mettre en œuvre toutes les dispositions de l’article 17 de la directive européenne dont il s’agit d’assurer la transposition.

Mme Michèle Victory. Nous soutiendrons ces amendements parce qu’il est important que la HADOPI – en attendant mieux – dispose de moyens. À défaut, le système de contrôle ne servirait à rien.

La commission adopte ces amendements.

La commission étudie lamendement AC4 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Nous souhaitons que les ordonnances soient les plus fidèles possible aux termes de la directive européenne sur le droit d’auteur, notamment aux articles 17 et 18, tels que précisés respectivement par les considérants 61 à 70 et 73 de la directive.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Je suis tout à fait d’accord avec l’esprit de cet amendement. C’est d’ailleurs de cette manière que nous avons travaillé en première lecture sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle. La difficulté est plutôt d’ordre juridique, puisque pour rester le plus fidèle possible à l’esprit de la directive, les termes juridiques européens peuvent ne pas être tout à fait les mêmes que les termes juridiques français. Le terme de « fidélité » pourrait donc prêter à confusion dans l’interprétation de la loi.

Je vous demande donc de retirer votre amendement, tout en souhaitant, comme vous, que la rédaction des ordonnances réponde aux attentes que nous partageons, comme nous l’a assuré la ministre.

Mme Constance Le Grip. Je maintiens l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 24 bis modifié.

 

Chapitre VIII bis
Dispositions relatives à la modernisation des règles de la communication audiovisuelle et au renforcement de la protection de la souveraineté culturelle

Avant larticle 24 ter

La commission adopte lamendement de coordination AC26 de la rapporteure pour avis.

Article 24 ter : Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2018/1808 relative aux services de médias audiovisuels

La commission examine lamendement AC12 de suppression de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Par cet amendement d’appel, nous souhaitons nous opposer au recours à une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet aussi décisif pour notre souveraineté culturelle.

Les parlementaires ont débattu ici même, au mois de mars, lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, de la transposition dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ainsi que dans le code du cinéma et de l’image animée et le livre des procédures fiscales, de la directive du 14 novembre 2018 dite directive SMA.

Le texte du Gouvernement a été amendé par des députés des différents groupes.

Cette habilitation prive ainsi les parlementaires de leur pouvoir législatif alors que la transposition a été l’objet de vifs débats au sein de la commission, en particulier sur des sujets aussi importants que la reconnaissance faciale pour les mineurs et la préservation de notre souveraineté culturelle face aux géants que je ne souhaite pas nommer.

Nous demandons donc la suppression de cette habilitation afin que le débat parlementaire puisse avoir lieu.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Je suis, bien évidemment, défavorable à votre demande pour la raison simple que nous n’avons pas le temps d’attendre. Nous ne pouvons pas prendre le risque collectivement que la création, les auteurs, les artistes‑interprètes, les producteurs, nos salles de cinéma ne puissent pas bénéficier de la transposition de la directive SMA. Dans la période de crise que nous connaissons, nous devons aller vite – je crois que nous sommes tous conscients de cette urgence. Cela ne nous empêche pas de pouvoir amender le texte. Vous avez mentionné les enjeux de diversité et de souveraineté culturelles : ils font précisément l’objet de mon amendement suivant. J’imagine que vous pourrez donc le voter.

M. Michel Larive. On m’a reproché tout à l’heure une opposition non constructive : voici des propositions. Pourquoi ne pas parler de l’interopérabilité de services qui ont déjà fait leur preuve et qui sont fondés sur un modèle économique plus vertueux que celui de la captation de l’attention par des contenus hiérarchisés et de la publicité ciblée ? Il faut donner aux utilisateurs une nouvelle liberté qui ne serait possible qu’en obligeant les géants commerciaux du web à devenir interopérables avec des hébergeurs libres et décentralisés. Cela prouverait qu’un développement alternatif aux GAFAM est possible, ce qui permettrait aux citoyens d’échapper à la surveillance de masse et à la nocivité de ces géants de l’internet.

C’est de tout cela qu’on aurait pu parler.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. On en reparlera.

La commission rejette lamendement.

Puis elle étudie lamendement AC13 de la rapporteure pour avis.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Cet amendement précise l’esprit même du projet de loi sur l’audiovisuel, à savoir « la nécessité d’assurer la diversité et la souveraineté culturelles » qui doit guider la transposition de la directive et la rédaction des ordonnances par le Gouvernement.

La commission adopte lamendement.

Puis elle passe à lamendement AC8 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Il s’agit de préciser que la directive SMA n’est pas uniquement un texte adaptant les règles à l’évolution du marché audiovisuel mais qu’il prend la mesure de la nécessité d’adapter la réglementation à la protection des publics vulnérables.

L’évolution rapide des usages vers des outils numériques permettant de visionner des contenus audiovisuels très peu régulés pose des problèmes majeurs, notamment pour les enfants qui se trouvent très souvent exposés à des contenus inadaptés, violents ou pornographiques. De même, ils sont exposés à des publicités ciblées rendues possibles par un traitement de leurs données personnelles.

Pour les personnes handicapées, l’accessibilité est un enjeu clé qui permet de respecter le droit de tous à l’information et à la participation à la vie culturelle et sociale. En la matière, la directive SMA est parlante et assigne aux services de vidéos à la demande des obligations ambitieuses.

La France, pionnière dans l’adoption de cette directive, se doit de montrer l’exemple en prenant les mesures appropriées afin de garantir à tous les publics un niveau optimal de protection et d’accessibilité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Je sais l’importance que vous accordez à la protection des mineurs et aux droits des enfants. Avant de transposer la directive, il est important que nous précisions notre attachement à ces principes ainsi qu’aux enjeux pour les personnes en situation de handicap, sujets qui ont fait l’objet de nombreuses discussions en première lecture. Il est donc particulièrement opportun de pouvoir adopter votre amendement, auquel je suis très favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement AC17 de la rapporteure pour avis.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Cet amendement a pour objet de préciser les mesures que nous souhaitons voir transposées à l’occasion de l’ordonnance. Il s’agit notamment des dispositions de la directive relatives à l’extension du champ de la contribution au développement de la production aux services visant la France, c’est-à-dire sur les « droits monde », de celles relatives à l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap, ainsi que de celles relatives à la visibilité appropriée des services de médias audiovisuels d’intérêt général.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AC14 de la rapporteure pour avis.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser la manière dont les ordonnances pourront être rédigées, afin notamment de différencier les catégories de services et la nature de la programmation qui peut exister sur les plateformes.

La commission adopte lamendement.

Puis elle étudie lamendement AC22 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Il convient d’ajouter, à l’alinéa 4 de l’article 24 ter, une mesure de conditionnalité à la mutualisation de la contribution à la production cinématographique pour les groupes éditant plusieurs services, de manière que la négociation professionnelle à l’intérieur de ces groupes puisse trouver toute sa substance, sa pertinence.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Comme vous le savez, la possibilité de mutualisation existe déjà en matière audiovisuelle, mais pas en matière cinématographique. En inscrivant dans la loi les mots « sous réserve de la conclusion d’un accord professionnel », nous vidons pratiquement de sa substance la possibilité que cette mutualisation existe. Nous savons bien que nous nous heurterons à des acteurs qui ne souhaitent pas que la mutualisation soit possible. Nous voulons lutter contre ce qu’on appelle les asymétries de régulation et renforcer les acteurs historiques dont on sait qu’ils sont vertueux et qu’ils participent au financement de la création par rapport à d’autres acteurs qui le seraient moins. C’est la raison même de la transposition de ces directives. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme Constance Le Grip. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC15 de la rapporteure pour avis.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Il s’agit de reprendre la rédaction adoptée par notre commission lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle. Nous pensons en effet qu’il est préférable de faire référence à l’ensemble des professionnels de l’industrie cinématographique et audiovisuelle.

La commission adopte lamendement.

Puis elle passe à lamendement AC23 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Il s’agit de prendre en compte les situations particulières lorsque le contrat de production est conclu avec un auteur de nationalité étrangère domicilié hors du territoire français. Nous sommes attentifs à certaines demandes des professionnels du cinéma qui souhaitent pouvoir continuer à recourir à des talents étrangers et à bénéficier des attributions et de l’accompagnement du CNC.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Pour l’attribution des aides du CNC, votre amendement remplace la condition d’ajout de « clauses types » visant au respect des droits d’auteur par celle du simple respect, par le contrat, des dispositions en vigueur en la matière. Avec ces clauses types, on a atteint un équilibre avec les acteurs du secteur. Je comprends que vous ayez besoin de précisions, mais si nul n’est censé ignorer la loi, avec les clauses types, on peut s’assurer du meilleur respect de la loi.

En outre, au regard de l’engagement pris par le Gouvernement de reprendre dans le texte des ordonnances la précision relative aux auteurs étrangers, nous avons les garanties suffisantes qu’il ne faudrait pas venir fragiliser.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme Constance Le Grip. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC24 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Nous souhaitons que le chiffre d’affaires et le nombre d’utilisateurs en France soient clairement précisés à l’alinéa 8 de l’article 24 ter.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Nous visons le même objectif, mais pas le même alinéa. C’est l’objet de l’amendement suivant AC16. Comme vous, je ne peux me satisfaire que seul le chiffre d’affaires soit pris en compte, pour les raisons de transparence des plateformes que j’ai évoquées devant la ministre. Le chiffre d’affaires et le nombre d’utilisateurs sont nécessaires pour calculer les obligations des plateformes.

Pour la clarté du texte et son efficacité, je vous demande donc de retirer votre amendement au bénéfice de l’amendement AC16 que je considère avoir d’ores et déjà présenté.

Mme Constance Le Grip. J’ai indiqué à Mme la ministre que les Républicains étaient très souvent constructifs dans le cadre des travaux de cette commission. Aussi, je retire mon amendement au profit de l’amendement suivant.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement AC16 de la rapporteure pour avis.

Puis, elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 24 ter modifié.

Enfin, elle émet un avis favorable à ladoption de lensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.