N° 3399

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021
(n° 3360),

 

TOME I

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Par M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur général,

Député

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SOMMAIRE

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 Pages

FICHE  1 : LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE EN 2020

I. EN 2020, LA CRISE ÉCONOMIQUE EN FRANCE ET DANS LE MONDE

A. LE CHOC ÉCONOMIQUE PROVOQUÉ PAR LA CRISE SANITAIRE EST PROFOND

1. Jusquà la crise, une croissance française résiliente dans un environnement mondial incertain

a. Un contexte mondial pré-crise incertain

b. En France, une croissance jusqualors résiliente

2. Leffondrement sans précédent de lactivité économique internationale

3. Le cas de la France

a. La consommation des ménages, facteur de soutien à lactivité

b. Le marché de lemploi déjà dégradé

c. Le déficit extérieur aggravé

d. La situation des entreprises fragilisée

e. La faiblesse de linflation

B. EN FIN DANNÉE, UNE NOUVELLE DONNE ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE

1. La reprise économique internationale est inégale

2. Les premiers signes de rebond de léconomie française restent fragiles

a. La récession pourrait être moins importante que prévue

b. Les conditions de la reprise restent fragiles

i. Le déconfinement partiel de léconomie

ii. Les risques pesant sur la reprise

II. LA MOBILISATION DES LEVIERS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE A PERMIS UNE RÉPONSE AMBITIEUSE

A. FACE AU CHOC, UNE RÉPONSE BUDGÉTAIRE TRÈS EXPANSIONNISTE

1. La réponse budgétaire a été rapide et massive

2. La dégradation sans précédent des comptes publics

B. LA POLITIQUE MONÉTAIRE, SOUTIEN DÉCISIF AU SECTEUR FINANCIER ET À LÉCONOMIE

FICHE  2 : LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE EN 2021

I. LES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021

A. LES DÉTERMINANTS DE LA CROISSANCE

1. Le redressement de la demande intérieure et internationale

a. La demande intérieure reprendrait vigoureusement

b. Les incertitudes sur la reprise du commerce mondial

2. Lamélioration de la situation des entreprises

3. Un marché de lemploi encore fragile

4. Le ralentissement de la dynamique des prix

B. LES RISQUES DAFFAIBLISSEMENT DE LA CROISSANCE POTENTIELLE

II. LAVIS DU HCFP : UNE ANALYSE VALIDANT LESSENTIEL DU CADRAGE GOUVERNEMENTAL MAIS PRUDENTE FACE AUX INCERTITUDES ÉCONOMIQUES

A. UNE APPRÉCIATION GLOBALEMENT POSITIVE

B. LES POINTS DE VIGILANCE SOULEVÉS PAR LE HAUT CONSEIL

FICHE  3 : LE PLF 2021 DANS SON CONTEXTE EUROPÉEN

I. LES RÈGLES EUROPÉENNES DENCADREMENT DES COMPTES NATIONAUX SONT DÉSORMAIS ASSOUPLIES

A. LA SURVEILLANCE EUROPÉENNE DES FINANCES PUBLIQUES

1. Les normes de finances publiques à respecter

2. Le cadre juridique de la surveillance des finances publiques

a. Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance

i. Lobligation délaborer un programme de stabilité ou de convergence

ii. Lévaluation et le suivi des programmes de stabilité ou de convergence

b. Le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance

B. LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

1. Lobjet de la surveillance macroéconomique

2. Le cadre juridique de la surveillance macroéconomique

C. LE CYCLE ANNUEL BUDGÉTAIRE

1. Le semestre européen

a. Le cadre juridique du semestre européen

b. Le calendrier du semestre européen

i. Novembre de lannée N-1

ii. Mars de lannée N

iii. Avril de lannée N

iv. Mai de lannée N

v. Juin et juillet de lannée N

vi. Septembre de lannée N

2. Le semestre national

a. Le cadre juridique du semestre national

b. Le calendrier du semestre national

D. LASSOUPLISSEMENT DES OBLIGATIONS BUDGÉTAIRES ET DE LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE DAIDES DÉTAT

1. La suspension des règles européennes en 2020

2. Lencadrement européen doit sadapter au contexte de crise

a. Lallègement du programme de stabilité français pour 2021

b. Le maintien de la surveillance des orientations des finances publiques nationales

E. LA NÉCESSAIRE RÉVISION DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

II. LES PLANS DURGENCE ET DE RELANCE DE LUNION EUROPÉENNE

A. LES MESURES DURGENCE

1. Les mesures de soutien budgétaires

2. Le programme dachat durgence pandémique de la BCE

B. LAVANCÉE DÉCISIVE DUN PLAN DE RELANCE EUROPÉEN FINANCÉ PAR LÉMISSION DUNE DETTE COMMUNE

1. Lémission de dette commune pour financer les plans de relance des États membres

a. Lémission de 750 milliards deuros de dette commune

b. La suite de la procédure pour les États membres

2. Qui va payer ?

a. Créer de nouvelles ressources propres

b. Augmenter les contributions nationales

C. LES INCERTITUDES LIÉES AUX PROCHAINES ÉCHÉANCES

1. Ladoption du prochain cadre financier pluriannuel

2. La révision de la décision ressources propres

3. Le mécanisme relatif à létat de droit

FICHE  4 : LE PLAN DE RELANCE 2021-2022

I. UN BUDGET DE RELANCE QUI MANIE L’ARME FISCALE, L’ARME BUDGÉTAIRE ET LES EFFETS DE LEVIER

A. UNE MINORATION D’IMPÔTS DE PRODUCTION DE 20 MILLIARDS D’EUROS : LA FISCALITÉ AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ

B. 78 MILLIARDS D’EUROS DE FINANCEMENTS DIRECTS POUR DES MESURES DE SOUTIEN ET D’INVESTISSEMENT

1. Les crédits budgétaires de l’État sont majoritaires

a. La mission Plan de relance

b. Les crédits des missions budgétaires classiques.

c. Le PIA 4

2. La contribution des organismes de sécurité sociale

3. Des financements directs de la Banque des territoires et de Bpifrance

C. 2 MILLIARDS D’EUROS DE GARANTIES PUBLIQUES POUR 350 MILLIARDS D’EUROS D’AUTORISATIONS D’EMPRUNT PRIVÉS

II. UN SÉQUENÇAGE RESSERRÉ DU PLAN DE RELANCE

III. UN EFFET POSITIF SUR LE POTENTIEL DE CROISSANCE ET UN DISPOSITIF D’ÉVALUATION À PRÉCISER

A. LES RÉSULTATS MACROÉCONOMIQUES ATTENDUS

1. Un plan de relance pour consolider la croissance potentielle du pays

2. Points d’attention sur deux volets du plan de relance : le logement et les PME

a. Le volet logement du plan de relance

b. Les mesures en faveur des TPE-PME

B. UN DISPOSITIF D’ÉVALUATION À CONSTRUIRE

1. Un dispositif de suivi annoncé…

a. Un dispositif de pilotage des mesures adapté au plan de relance

b. L’exécution du plan de relance dépendra de la qualité de son suivi

2. Une attention particulière aux résultats environnementaux : le lien avec le « budget vert »

3. Des modalités de suivi en cours d’élaboration

FICHE  5 : LE VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021

I. LE VERDISSEMENT DE LA FISCALITÉ

A. LE CRÉDIT DIMPÔT EN FAVEUR DE LACQUISITION ET DE LA POSE DES BORNES DE RECHARGE DE VÉHICULES ÉLECTRIQUES

B. LA REFONTE DES TAXES SUR LES VÉHICULES À MOTEUR

C. LE RENFORCEMENT DES INCITATIONS À LUTILISATION DÉNERGIES RENOUVELABLES DANS LES TRANSPORTS

D. LADAPTATION DE LA TAXE DAMÉNAGEMENT EN VUE DE LUTTER CONTRE LARTIFICIALISATION DES SOLS

II. LES MESURES AU BÉNÉFICE DES ENTREPRISES

A. LA BAISSE DES IMPÔTS DE PRODUCTION

1. La suppression de la part de CVAE affectée aux régions

2. La révision de lévaluation de la valeur locative des établissements industriels et la modification du coefficient de revalorisation de la valeur locative de ces établissements

B. LA NEUTRALISATION FISCALE DE LACTUALISATION DE LA VALEUR DES ACTIFS

C. LÉTALEMENT DE LA PLUS-VALUE DES OPÉRATIONS DE CESSION-BAIL

D. LA SUPPRESSION DE LA MAJORATION LIÉE À LA NON ADHÉSION À UN ORGANISME DE GESTION AGRÉÉ

E. LA SUPPRESSION DU CARACTÈRE OBLIGATOIRE DE LENREGISTREMENT DE CERTAINS ACTES DE SOCIÉTÉS

F. LA MODERNISATION DES CONTRIBUTIONS À LAMF

G. LEXONÉRATION DE CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE EN CAS DE CRÉATION OU EXTENSION DÉTABLISSEMENT

III. LADAPTATION ET LA RATIONALISATION DE LA FISCALITÉ

A. LA RATIONALISATION DE LA FISCALITÉ

1. Les aménagements du crédit dimpôt recherche et du crédit dimpôt innovation

2. La suppression de taxes à faible rendement

3. La suppression de dépenses fiscales inefficientes

B. LA MISE EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN

1. La clarification des règles de TVA applicables aux offres composites

2. Le report de lentrée en vigueur des règles modifiant le régime de TVA du commerce électronique

3. La mise en conformité avec le droit européen du régime de TVA des gains de course hippique

4. La création dun groupe de TVA et la révision du champ du dispositif du groupement autonome de personnes

C. LA MODERNISATION DES MODALITÉS DE DÉCLARATION, DE PAIEMENT ET DE RECOUVREMENT DE LIMPÔT

1. La simplification de la taxation de lélectricité

2. Lharmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques

3. La prorogation du taux de lintérêt de retard et de lintérêt moratoire

4. Le transfert à la DGFiP de la gestion des taxes durbanisme

5. La sécurisation du droit de communication à la DGFiP des données de connexion

FICHE  6 : LES RECETTES DE LÉTAT

I. LES RECETTES FISCALES DE LÉTAT

A. PASSAGE DES RECETTES FISCALES BRUTES AUX RECETTES FISCALES NETTES

1. La prise en compte des dégrèvements dimpôts locaux

2. Les recettes fiscales de lÉtat hors budget général

B. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1. Méthodologie de lévolution des recettes fiscales dun exercice au suivant

a. Lévolution spontanée

b. Les mesures législatives

c. Les mesures de périmètre et de transfert

2. Évolution générale de 2020 à 2021

C. PRÉSENTATION PAR IMPÔT

1. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

a. En 2020

b. En 2021

2. Limpôt sur le revenu

a. En 2020

b. En 2021

3. Limpôt sur les sociétés

a. En 2020

b. En 2021

4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

a. En 2020

b. En 2021

5. Les autres recettes fiscales

III. LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

IV. 86 MILLIARDS DEUROS DE DÉPENSES FISCALES POUR 2021

FICHE  7 : LES DÉPENSES DE LÉTAT

I. UNE ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE LÉTAT MAÎTRISÉE HORS PLAN DE RELANCE ET LA STABILISATION DES EFFECTIFS

A. UNE PROGRESSION MARQUÉE DES DÉPENSES DE LÉTAT

1. Un nouveau palier de dépenses a été franchi

2. Une gestion des crédits qui sadapte à la crise sanitaire

B. LA MASSE SALARIALE DE LÉTAT : UNE STABILISATION DES EFFECTIFS

1. La stabilisation des effectifs sur le champ de lÉtat et de ses opérateurs

a. Le niveau stable de lemploi de lÉtat et de ses opérateurs en 2021

b. Une prévision de réduction de 10 500 emplois environ sur le quinquennat

c. Lévolution des effectifs des ministères

d. Le ralentissement de la baisse des effectifs au sein des opérateurs de lÉtat

2. Lévolution des rémunérations

a. Leffet du glissement vieillesse technicité et des mesures catégorielles

b. Le gel du point dindice en 2021

II. LE BUDGET DE L’ÉTAT PREND EN CHARGE LA RELANCE ET SOUTIENT LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT

A. LAUGMENTATION GLOBALE DES PLAFONDS DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU BUDGET GÉNÉRAL

B. LE DÉTAIL DE LÉVOLUTION DES CRÉDITS DE CHAQUE MISSION

1. Le financement du plan de relance

2. La poursuite du renforcement du pôle régalien

3. La poursuite de laugmentation des crédits en faveur de lenseignement scolaire

4. La hausse des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

C. LES MESURES DE PÉRIMÈTRE

D. LA CONCRÉTISATION DE LÉVALUATION DE LIMPACT DES DÉPENSES SUR LENVIRONNEMENT

1. Pour la première fois, le budget de lÉtat présente les conséquences environnementales des politiques conduites

2. Le « budget vert » est laboutissement dun travail parlementaire appuyé par celui dune mission dinspection

FICHE  8 :  LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

I. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES JUSQUEN 2019

A. LÉVOLUTION DE LONG COURS

B. LA STRUCTURE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

II. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2020

A. LA RÉSILIENCE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES À LA CHUTE DE LACTIVITÉ

B. LÉTAT SUPPORTE LESSENTIEL DE LA CONTRACTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

III. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2021

A. LE REBOND DE LA DYNAMIQUE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES À LA FAVEUR DE LA REPRISE ÉCONOMIQUE

B. LES NOUVELLES MESURES DE BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

FICHE 9 : LA DÉPENSE PUBLIQUE

I. UN CHOC SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE AUX CONSÉQUENCES EXPANSIONNISTES SUR LA DÉPENSE PUBLIQUE

A. UNE TRÈS FORTE HAUSSE DES DÉPENSES PUBLIQUES

B. APRÈS UNE ÉVOLUTION MAÎTRISÉE, UN CHOC HISTORIQUE SUR LE RATIO DE DÉPENSES EN 2020

1. Une tendance à la baisse du ratio de dépenses publiques depuis 2014

2. Le ratio de la dépense publique atteint un niveau exceptionnel après six ans de recul

C. LA DÉPENSE PUBLIQUE EN MILLIARDS DEUROS COURANTS

II. UNE ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE DIFFÉRENCIÉE SELON LES SOUSSECTEURS DADMINISTRATION PUBLIQUE

A. LA RÉPONSE À LA CRISE ÉCONOMIQUE A MOBILISÉ LES DÉPENSES DE LÉTAT

B. LA PROGRESSION DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE POUR AFFRONTER LA CRISE SANITAIRE

1. Des dépenses soutenues pour amortir le choc sur lemploi et accompagner les besoins de santé

2. LONDAM franchit un seuil atteint une seule fois depuis sa création

C. UNE CONTRACTION TEMPORAIRE DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

FICHE  10 : LE DÉFICIT PUBLIC ET SES COMPOSANTES

I. LA RÉPONSE À LA CRISE ENTRAÎNE DES DÉFICITS HISTORIQUEMENT ÉLEVÉS

A. UN DÉFICIT EXCEPTIONNEL EN 2020

1. Lévolution du déficit public sur longue période

2. La dégradation sans précédent du déficit public en 2020

B. LE SOLDE PUBLIC RESTERAIT DÉGRADÉ EN 2021

1. Le rebond de lactivité doit permettre lamélioration du déficit

2. La situation dégradée du solde de lÉtat

a. LÉtat porte lessentiel du déficit public

i. Lexécution budgétaire de lÉtat en 2019

ii. La prévision actualisée du déficit de lÉtat en 2020

iii. La concentration du déficit public sur lÉtat sest accentuée ces dernières années

b. Un solde des administrations publiques locales peu affecté par la conjoncture

c. La forte mobilisation des déficits sociaux afin dabsorber la crise

II. LE DÉFICIT DE LÉTAT EN COMPTABILITÉ NATIONALE

FICHE N° 11 : LA DETTE PUBLIQUE

I. APRÈS DEUX ANNÉES DE STABILISATION, LENDETTEMENT PUBLIC AUGMENTE FORTEMENT EN 2020

A. UNE DETTE PUBLIQUE ÉLEVÉE MAIS STABILISÉE FIN 2019

1. Un niveau de dette élevé et une évolution divergente par rapport à nos voisins européens depuis 2013

2. La stabilisation du niveau de lendettement public

B. EN 2020, UN NOUVEAU SEUIL DENDETTEMENT PUBLIC EST FRANCHI

1. 2020 : un choc haussier historique sur le ratio de dette publique

2. Un niveau dendettement qui devrait se maintenir durant les prochaines années

a. Une cible de dette publique modifiée avant 2020

b. La projection d’une trajectoire de dette publique stabilisée après la crise

3. Lensemble des administrations publiques verraient leur ratio dendettement augmenter

II. LA SOUTENABILITÉ DE LA DETTE, SANS QUELLE SOIT MENACÉE À COURT TERME, DOIT ÊTRE GARANTIE DE FAÇON DURABLE

A. À COURT TERME, LES RISQUES DINSOUTENABILITÉ SONT LIMITÉS

B. UNE VIGILANCE NÉCESSAIRE À LONG TERME FACE AU NIVEAU DENDETTEMENT

AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR LES AVIS DU HAUT CONSEIL RELATIFS AUX PROJETS DE LOI DE FINANCES ET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

AUDITION DE M. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE LÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA RELANCE, ET DE M. OLIVIER DUSSOPT, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE LÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA RELANCE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021


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   FICHE  1 :
LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE EN 2020

Résumé de la fiche

La crise économique déclenchée par la propagation de l’épidémie de la Covid-19 est historique et d’une ampleur plus forte encore que la grande crise financière de 2008-2009.

En mettant l’économie à l’arrêt, les mesures sanitaires ont désorganisé les chaînes de production et bridé la demande. L’urgence a consisté, partout dans le monde, à placer l’économie en hibernation, afin de protéger la santé des populations, et, dans le même temps, à préparer les conditions de la reprise.

Comme l’ensemble des économies avancées, la France a connu en début d’année une chute de l’activité inédite depuis la création des comptes nationaux en 1948. Le second semestre verrait l’activité repartir mais ce rebond ne permettrait pas de compenser les pertes enregistrées en début d’année.

L’automne 2020 reste marqué par de nombreuses incertitudes qui rendent difficile l’exercice de prévision macroéconomique. La plus importante d’entre elle concerne une éventuelle reprise de l’épidémie, qui rendrait de nouveau nécessaire des mesures sanitaires susceptibles d’affecter substantiellement l’activité économique.

Afin d’absorber le choc, les politiques budgétaire et monétaire ont connu un tournant fortement expansionniste. Au niveau national, l’activation des stabilisateurs automatiques et la mise en œuvre de mesure de soutien ambitieuses ont entraîné une dégradation des comptes publics sans précédents. La Banque centrale européenne, au niveau de la zone euro, a, quant à elle, mis en œuvre des programmes massifs d’achats d’actifs afin de préserver la liquidité de certains marchés sous tensions.

Les prévisions relatives aux finances publiques de lannée à venir sont directement liées au contexte macroéconomique. Les objectifs fixés en termes de solde, de recettes et de dépenses publics doivent découler dhypothèses macroéconomiques crédibles, en termes de croissance, dinflation, de taux dintérêt et demploi.

Ces hypothèses, qui sont considérées comme des données exogènes à la conception du budget à venir, reposent sur des prévisions gouvernementales qui peuvent être comparées aux estimations externes en provenance de divers organismes statistiques ou économiques.

Les principaux indicateurs nécessaires à lélaboration du budget

Le scénario macroéconomique sur lequel repose l’élaboration d’un projet de loi de finances fait intervenir de nombreuses hypothèses macroéconomiques. Quatre d’entre elles sont particulièrement importantes.

Le taux de croissance

La prévision de croissance correspond au taux de croissance en volume du produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire corrigée de la variation des prix. L’hypothèse de croissance permet de bâtir une prévision du montant des recettes fiscales de l’exercice à venir. Le taux de croissance de l’année précédant celle sur laquelle porte le budget doit également être pris en compte car l’exigibilité de certains impôts présente un décalage d’une année avec leur assiette.

Le taux de croissance en valeur du PIB, quant à lui, tient compte de la variation des prix et figure au dénominateur du ratio de calcul du déficit public.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), chargé d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques, consacre généralement, dans ses avis, la majeure partie de ses développements à l’appréciation de l’hypothèse de taux de croissance.

Linflation

La prévision d’inflation est prise en compte dans la prévision des recettes, car elle a un impact immédiat sur certaines bases taxables, comme celle de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également un effet sur la prévision des dépenses, dans la mesure où certaines d’entre elles sont indexées à l’inflation. L’inflation a également pour effet de réduire le rendement mesuré de certaines mesures d’économies tendancielles (telles que les mesures de « gel » des crédits budgétaires en exécution).

Les taux dintérêt

La prévision de taux d’intérêt permet d’anticiper la charge de la dette de l’État, c’est-à-dire le montant des intérêts à servir sur le capital de dette accumulé.

La Banque de France, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique monétaire de la zone euro, communique plusieurs statistiques et études économiques relatives à l’évolution des taux appliqués dans le secteur bancaire et des taux appliqués à la dette publique.

La masse salariale privée

Une grande partie de l’évolution des prélèvements obligatoires (les cotisations sociales, la fraction principale de la contribution sociale généralisée – CSG –, et l’impôt sur le revenu) est liée à l’évolution de la masse salariale dans le secteur privé. Cet indicateur est essentiel pour les prévisions de recettes et de déficit public toutes administrations publiques confondues.

L’enquête emploi de l’INSEE concourt à fournir des données actualisées en continu sur la situation du marché de l’emploi en France.

La crise sanitaire a provoqué un arrêt brutal de lactivité économique internationale. Le présent projet de loi de finances porte, à de multiples égards, les marques de cette crise sans précédent.

Lannée 2020 est celle dune crise économique majeure au niveau national et international (I).

Afin damortir le choc, les finances publiques ont été fortement mobilisées, au prix dune dégradation sans précédent du solde budgétaire et de la dette publique. En complément de la politique budgétaire, la politique monétaire de la Banque centrale européenne a permis un soutien de grande ampleur aux économies de la zone euro (II).

I.   EN 2020, LA CRISE ÉCONOMIQUE EN FRANCE ET DANS LE MONDE

Après un choc économique profond en début d’année (A), un premier rebond de l’activité, encore fragile, devrait être observé à partir de l’automne dans un contexte économique international nouveau (B).

A.   LE CHOC ÉCONOMIQUE PROVOQUÉ PAR LA CRISE SANITAIRE EST PROFOND

Jusqu’à la crise, la croissance de l’économie française s’est montrée résiliente dans un contexte international pourtant incertain (1).

Le déclenchement de la crise sanitaire et les mesures de restriction destinées à freiner l’épidémie ont pourtant entraîné un effondrement sans précédent de l’activité économique, en France et dans le monde (2).

1.   Jusqu’à la crise, une croissance française résiliente dans un environnement mondial incertain

La croissance française restait élevée dans un contexte international pourtant incertain.

a.   Un contexte mondial pré-crise incertain

Avant même le déclenchement de la crise sanitaire à la faveur de la propagation de l’épidémie, le contexte économique mondial apparaissait incertain.

Traduction de cette incertitude, la croissance mondiale a baissé d’un point entre 2018 et 2019 selon les perspectives intermédiaires de l’OCDE publiées en septembre 2020. Le tassement de la croissance a été significatif aux États-Unis (– 0,7 %), en Chine (– 0,5 %) et dans la zone euro (– 0,6 %), particulièrement en Allemagne (– 0,9 %).

Perspectives économiques de l’OCDE

(croissance du PIB réel, en %)

 

2018

2019

Zone

Croissance constatée en septembre 2019

Croissance constatée en septembre 2020

Monde

3,6

2,6

États-Unis

2,9

2,2

Chine

6,6

6,1

Zone euro

1,9

1,3

France

1,7

1,5

Allemagne

1,5

0,6

Source : OCDE, perspectives macroéconomiques de septembre 2019.

À l’occasion de ses prévisions de septembre 2019, l’OCDE relevait déjà que les taux de croissance prévus étaient « les plus faibles enregistrés depuis la crise financière de 2007 ».

Le ralentissement de la croissance mondiale pouvait alors s’expliquer par trois facteurs de risque :

– le regain des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ;

– la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

– le choc d’incertitude lié à ces événements, facteur de risque supplémentaire.

Les tensions entre la Chine et les États-Unis s’inscrivaient alors dans un contexte de ralentissement du commerce international. En 2019, l’expansion du commerce mondial avait fortement ralenti (+ 0,5 %) par rapport à la croissance enregistrée en 2018 (+ 4,4 %) ; il s’agissait alors du rythme le plus faible observé depuis la crise financière de 2008-2009 ([1]).

Le calendrier de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne demeurait un facteur d’incertitude pesant sur les prévisions de croissance. Selon l’OCDE, une sortie sans accord aurait entraîné une récession de l’économie britannique de 2 % entre 2020 et 2021 et un amoindrissement « considérable » de la croissance de la zone euro, avec un effet de l’ordre de – 0,5 point du PIB de la zone. L’impact à court terme du « Brexit » sur l’économie française (– 0,1 %) serait venu du rétablissement des formalités douanières dans les échanges avec le Royaume-Uni.

Enfin, l’incertitude qui découlait de ces deux événements économiques majeurs constituait un canal de risque à part entière. En effet, les tensions liées aux politiques commerciales nuisent à la confiance et à l’investissement des entreprises, ce qui accentue l’incertitude quant à l’anticipation de ce que sera l’action publique (les décisions de politiques monétaires, en particulier) et trouble la perception des risques sur les marchés financiers.

Sur les marchés financiers, le choc d’incertitude a pu se manifester par une volatilité des cours plus importante conduisant à une « fuite des investisseurs vers les placements sûrs » selon l’OCDE. Cette situation renforçait l’attrait des actifs au rendement sûr et pouvait expliquer, en partie, le niveau bas sinon négatif des taux d’intérêt de la dette obligataire des États. L’OCDE estimait alors que près de 30 % de la dette obligataire mondiale s’était négociée à des taux négatifs en août 2019. En revanche, ce détournement de flux d’épargne vers des placements sûrs s’effectuait au détriment du financement de l’économie par l’investissement, au détriment de la croissance.

De même, l’industrie européenne était pénalisée par l’accumulation des incertitudes : les tensions sino-américaines rendaient crédibles les menaces américaines d’appliquer des droits de douane à l’industrie automobile européenne ou, en France, au secteur vinicole. Sur le « Brexit », si la perspective d’une sortie sans accord constituait un risque avéré, l’incertitude planant sur le calendrier de cette sortie biaisait les anticipations des agents économiques, la visibilité sur les perspectives commerciales liées à ce pays étant quasi-nulle.

L’effet cumulé des trois facteurs de risques évoqués ci-dessus avait conduit l’OCDE à revoir à la baisse ses prévisions de croissance de façon significative pour le monde (– 0,4 point), la Chine et les États-Unis (– 0,3 point). L’impact en zone euro était important (– 0,4 point), en particulier pour l’Allemagne (– 0,6 point). La France voyait sa prévision de croissance dégradée de 0,1 point. Le pays devait en effet mieux résister que ses partenaires à la dégradation de la conjoncture internationale.

b.   En France, une croissance jusqu’alors résiliente

Dans ce contexte international incertain, la croissance française se maintenait à un niveau élevé depuis 2017.

La croissance du PIB a marqué, avec la crise financière, un coup d’arrêt en 2008 puis, après une phase de rattrapage en 2010 et 2011, de nouveau en 2012. Depuis, la croissance du PIB s’est redressée progressivement jusqu’à dépasser 1 % à partir de 2015.

L’année 2017 s’est caractérisée par une accélération de la croissance qui n’avait pas été anticipée, portée par la progression de l’investissement des entreprises et des ménages.

Toutefois, la croissance a marqué le pas dès 2018, tout en se maintenant à un niveau supérieur aux moyennes enregistrées depuis 2012, en lien avec la détérioration du cycle économique mondial.

Croissance en volume du produit intÉrieur brut depuis 2012

(en % d’évolution annuelle)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Croissance

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,4

1,7

1,5

Source : INSEE, comptes nationaux.

La France absorbait ainsi mieux la dégradation de la conjoncture mondiale que ses principaux partenaires économiques. En particulier, les performances françaises à l’exportation ont bien résisté au ralentissement de la demande mondiale en 2019, comme en témoigne le haut niveau d’exportation en biens (+ 3,5 % par rapport à 2018). Ces performances à l’exportation sont supérieures à celles des principaux partenaires de la France en zone euro, dont certains ont vu leurs performances se dégrader en 2019.

La Commission européenne soulignait alors que la demande intérieure en zone euro et, en particulier, la consommation des ménages restait un moteur de la croissance économique, soutenue par le dynamisme persistant du marché du travail. La croissance française s’inscrivait dans ce contexte, le climat des affaires résistant mieux que dans d’autres pays et le pouvoir d’achat des ménages étant consolidé.

L’année 2019 est ainsi marquée par un dynamisme persistant de l’activité économique, qui s’inscrit néanmoins dans une baisse tendancielle du taux de croissance français depuis 1974.

Taux de croissance du PIB réel

(en %)

Source : Insee, comptes nationaux.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Croissance

1,7

1,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux.

La trajectoire de l’emploi en France était également encourageante.

En 2019, l’économie française employait 28,5 millions de personnes, soit une hausse de 316 300 emplois par rapport à 2018.

Décomposition des Emplois en France en 2019

Catégorie demployeurs

Nombre demplois

Évolution annuelle

Sociétés financières et non financières

17,1 millions

+ 252 300

Administrations publiques

6,0 millions

– 2 400

Ménages et institutions sans but lucratif au service des ménages

5,3 millions

+ 66 400

Total

28,5 millions

+ 316 300

Source : INSEE, comptes nationaux.

C’était la troisième année consécutive que la croissance de l’emploi dépassait 1 % : cette performance du marché de l’emploi n’avait plus été observée depuis la crise de 2008.

Évolution du nombre d’emplois en France depuis 2008

(en millions d’emplois)

(en %)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Nombre demplois

27,1

26,8

26,8

27,0

27,1

27,2

27,3

27,4

27,6

27,8

28,1

28,5

Hausse annuelle

+ 0,5

– 1,2

+ 0,1

+ 0,7

+ 0,3

+ 0,2

+ 0,5

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,0

+ 1,0

+ 1,3

Source : Insee, enquête emploi

Selon l’INSEE, le taux de chômage au sens du BIT ([2]) s’est établi fin 2019 à 8,4 %, poursuivant la baisse engagée depuis 2016. Ce taux demeurait néanmoins nettement supérieur au taux de chômage constaté avant le déclenchement de la crise financière de 2008 (7,4 %).

Taux de chÔmage depuis 2012

(en % de la population active)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019*

Taux de chômage

9,8

10,3

10,3

10,4

10,0

9,4

9

8,4

Source : INSEE, enquête Emploi.

Jusqu’alors résiliente eu égard à la dégradation du contexte mondial, la croissance française a été percutée de plein fouet par la crise sanitaire.

2.   L’effondrement sans précédent de l’activité économique internationale

La crise économique déclenchée par l’épidémie virale de Covid-19 n’a pas d’équivalent dans l’histoire récente. L’économie mondiale n’aurait pas connu de récession aussi profonde depuis la Grande dépression des années qui a débuté en 1929 ([3]).

L’année 2020 est celle d’une chute sans précédent de l’activité économique.

Cette contraction est particulièrement marquée pour les économies avancées, au sein desquelles la production industrielle a chuté de 20 % entre janvier et avril ([4]). Le repli est particulièrement prononcé en zone euro (– 27,8 %) mais plus limité aux États-Unis (– 16,5 %) et au Japon (– 12,6 %) au cours des quatre premiers mois de 2020.

Au sein des grandes économies émergentes, l’ampleur de la crise est certes sans précédent mais diffère de façon importante selon les pays.

La Chine connaîtrait un ralentissement économique inédit en 2020 mais ne devrait pas entrer en récession (+ 1,8 %), contrairement à l’Inde (– 10,2 %), la Russie (– 7,3 %) ou le Brésil (– 6,5 %). Les perspectives de reprise de l’activité n’y sont d’ailleurs pas synchronisées : alors que l’indice de production indiquait une expansion en Chine dès le mois de mars pour l’industrie manufacturière et en mai pour les services, l’activité en Inde continuait son recul en juin et juillet. Pour leur part, la Russie et le Brésil connaîtraient un fort rebond d’activité en juillet.

À la fin de l’année 2020, le PIB mondial pourrait ainsi avoir reculé de 4,5 %, en l’absence de seconde vague épidémique ([5]). La récession serait particulièrement marquée en zone euro, où elle atteindrait 7,9 % selon l’OCDE et 8,7 % selon la Commission européenne ([6]). Les États-Unis connaîtraient une récession près de deux fois moins importante (– 3,8 %) que prévu ([7]).

Évolution de la croissance mondiale

(croissance du PIB réel, en %)

 

2019

2020

Monde

2,6

– 4,5

États-Unis

2,2

– 3,8

Chine

6,1

1,8

Japon

0,7

– 5,8

Brésil

1,1

– 6,5

Inde

4,2

– 10,2

Russie

1,4

– 7,3

Zone euro

1,3

– 7,9

France

1,5

– 9,5

Allemagne

0,6

– 5,4

Italie

0,3

– 10,5

Royaume-Uni

1,5

– 10,1

Source : OCDE, perspectives macroéconomiques de septembre 2020.

La comparaison de ces chiffres avec les taux de croissance d’avant-crise permet de déterminer quelles sont les économies qui ont le plus ralenti.

Parmi les économies avancées, le Royaume-Uni connaîtrait, entre 2019 et 2020, le plus fort décrochage de son taux de croissance. L’économie française serait touchée dans une ampleur similaire. Les États-Unis, comme l’Allemagne, résisteraient mieux.

L’Inde serait quant à elle durement touchée par la récession économique, La Chine résisterait mieux à la dégradation de la situation économique que le Brésil ou la Russie.

Les échanges mondiaux chuteraient de 10 % en 2020, pesant sur l’activité mondiale ([8]).

Les économies avancées seraient à l’origine de l’essentiel de la chute des échanges mondiaux. Au sein de la zone euro, l’arrêt partiel de l’activité pénaliserait les échanges, en raison de chaînes de production très intégrées. Selon les prévisions d’été de la Commission européenne, tant les exportations (– 11,8 %) que les importations (– 11,5 %) connaîtraient une baisse marquée sur l’ensemble de l’année.

Les marchés financiers résisteraient mieux. Après un premier choc lié à l’amplification de la perception des risques en février et mars, les marchés financiers mondiaux se sont redressés, à la faveur des mesures exceptionnelles des politiques monétaires et budgétaires.

Ainsi, aux États-Unis, les marchés d’actifs financiers ont connu un fort rebond, certaines valorisations dépassant leur niveau d’avant-crise après la réaction de la Réserve fédérale (Fed), qui a diminué ses taux d’intérêt, augmenté la taille de son bilan par des achats d’actifs et mis en place plusieurs facilités afin de constituer des lignes de prêt aux entités économiques en difficulté. Un certain découplage est dès lors apparu entre ces marchés et la reprise plus lente du reste de l’économie

3.   Le cas de la France

Dès le mois de mars et la discussion du premier projet de loi de finances rectificatives pour 2020, il était clair que le choc macroéconomique lié à la crise sanitaire serait de très forte ampleur en France. Les prévisions de récession alors retenues apparaissaient optimistes (– 1 %) et plusieurs signes annonçaient une dégradation historique des perspectives économiques.

La production nationale a été affectée par un choc brutal d’offre, avec la fermeture temporaire de nombreuses entreprises et l’immobilisation progressive de la main-d’œuvre, la mise en place de périodes prolongées d’activité partielle et la chute des exportations dans de nombreux secteurs. La chute de la consommation des ménages liée aux mesures de restriction des déplacements a provoqué, en parallèle, un choc brutal de demande, appelé à se prolonger en raison de l’incertitude entourant la reprise économique.

Le caractère soudain du déclenchement de la crise a pris de court les capacités de prévision économique. Le directeur général de l’Insee annonçait, dans un communiqué du 16 mars, l’ajournement de la publication de la note de conjoncture de l’Institut.

Cette note, finalement publiée le 26 mars, évoque les difficultés de la prévision économique dans le contexte de crise sanitaire, qui ont contraint l’Insee à recourir à de nouvelles méthodes et sources de données pour évaluer la perte d’activité (voir encadré infra).

Ces premières estimations évaluaient le recul de l’activité à un peu plus d’un tiers (35 %), la chute étant concentrée dans les secteurs de l’industrie hors agroalimentaire, la construction et les services marchands. Ce chiffre apparaissait cohérent avec les premières informations disponibles concernant la situation des salariés, répartis en trois tiers environ entre activité sur le lieu habituel de travail, télétravail et placement en activité partielle, et avec la baisse de la consommation des ménages (– 35 %). Ces premiers chiffres ont par la suite été actualisés, mais uniquement à la marge.

Le recours à de nouvelles données pour réaliser des évaluations statistiques

L’évaluation de l’impact de la crise sanitaire sur l’activité économique a conduit l’Insee à recourir à de nouvelles sources de données.

En particulier, l’évolution de l’activité des branches est estimée en mobilisant cinq types de données qualitatives et quantitatives et d’hypothèses : des hypothèses de maintien de l’activité pour les branches de l’économie dont la majorité de la production demeure essentielle, des hypothèses d’arrêt de la production dans certaines branches, des hypothèses comptables, des données remontées des fédérations professionnelles ou d’entreprises sur leur niveau d’activité et des données quotidiennes liées aux transactions par carte bancaire.

Le recours à des données dites « à haute fréquence » s’est développé.

L’exploitation des données d’utilisation des cartes bancaires a permis d’analyser les comportements des consommateurs avant, puis pendant le confinement : des achats d’anticipations massifs ont été réalisés avec, par exemple, des dépenses alimentaires qui ont plus que triplé lundi 16 mars par rapport à l’année précédente, avant que la consommation des ménages ne se stabilise en fort recul par rapport au niveau normal. De façon prévisible, la vente à distance chute moins que la vente « physique » et, si la fréquence des achats diminue, le panier moyen tend à augmenter.

D’autres données haute fréquence ont permis d’évaluer l’ampleur de la chute d’activité. Selon RTE France, le confinement a entraîné une diminution de la consommation d’électricité de l’ordre de 15 à 20 % entre la deuxième semaine du confinement par rapport à la semaine qui l’a précédée, les baisses étant concentrées dans la grande industrie manufacturière (– 27 %) et dans le transport ferroviaire (– 57 %).

Le directeur général de l’Insee a néanmoins souligné que la comparabilité des grands agrégats macroéconomiques est probablement moindre en temps de crise. Les estimations des comptes nationaux du premier trimestre ont dû être calculées à partir d’informations incomplètes sur le mois de mars et la plupart des instituts statistiques nationaux ont mobilisé des indicateurs et des méthodes moins conventionnelles et donc moins immédiatement comparables que d’habitude. La comparaison internationale des indicateurs macroéconomiques doit donc être prise avec prudence.

Source : Insee, Point de conjoncture du 9 avril 2020 et note du directeur général de l’Insee du 6 mai.

Le premier semestre de l’année 2020 est ainsi marqué par une dégradation sans précédent de l’activité économique : au premier trimestre, la production nationale aurait diminué de 5,9 %, avant de chuter de nouveau de 13,8 % au deuxième trimestre. Cela représente une baisse cumulée de 18,9 % sur le premier semestre 2020. Le mois d’avril 2020 resterait ainsi « sans doute dans les annales comme lun des pires mois quait connu léconomie française en temps de paix » ([9]).

Le PIB et ses composantes au premier semestre 2020

 

T1 2020

T2 2020

Évolution entre T2 2020 et T2 2019

PIB (I=i+ii+iii)

 5,9

 13,8

 18,9

dont demande intérieure finale hors stocks (i)

– 6,3

– 12,2

– 16,9

 Consommation des ménages

– 5,8

– 11,5

– 16,1

 Consommation des  administrations publiques

– 3,3

– 10,3

– 12,4

 Formation brute de capital fixe  (FBCF)*

– 10

– 14,9

– 22,4

dont variation de stocks (ii)

0,5

0,9

0,7

dont commerce extérieur (iii)

– 0,1

– 2,5

– 2,8

 Importations

– 5,6

– 16,4

– 21,2

 Exportations

– 6

– 25

– 30,5

* La formation brute de capital fixe (FBCF) se définit comme l’acquisition d’actifs fixes produits (incluant l’achat d’actifs d’occasion) et la production de tels actifs par les producteurs pour leur propre usage, minorées des cessions. Source : OCDE.

Source : Insee, Le PIB et ses composantes au deuxième trimestre 2020.

Toutes les composantes de la production nationale ont été affectées par la crise sanitaire et économique.

a.   La consommation des ménages, facteur de soutien à l’activité

La consommation des ménages, très affectée par les mesures de confinement, retrouverait rapidement son niveau d’avant crise.

Après une chute de 12 % au deuxième trimestre, elle se serait rapidement redressée, pour atteindre 98 % de son niveau d’avant-crise en août. Si la consommation de biens industriels se situe au-delà de ce niveau (+ 3 %), elle reste encore dégradée pour la construction (– 5 %), les services marchands (– 5 %) et non marchands (– 9 %) ([10]).

Écart de niveau de consommation des ménages par rapport au niveau d’avant-crise

(en %) 

Secteur

Écart au 2e trimestre

Écart en août

Agriculture, sylviculture et pêche

– 5

0

Industrie

– 15

3

Construction

– 24

– 5

Services principalement marchands

– 19

– 5

dont commerce

– 24

6

dont transports et entreposage

– 47

– 22

dont hébergement et restauration

– 64

– 18

Services principalement non marchands

– 32

– 9

Total

 17

 2

Source : Insee, Point de conjoncture du 8 septembre 2020.

En août, la reprise de la consommation concerne tous les secteurs d’activité, en étant particulièrement marquée pour les secteurs du commerce, du transport, de l’hébergement et restauration et des services non marchands.

Au total, la consommation des ménages baisserait néanmoins de 8 % en 2020 selon les données retenues par le projet de loi de finances pour 2021. L’investissement des ménages connaîtrait par ailleurs une contraction marquée de – 14,6 % en 2020, l’investissement dans la construction étant particulièrement touché au premier semestre (– 32,2 %).

Le pouvoir d’achat des ménages serait néanmoins été préservé sur l’ensemble de l’année 2020 (– 0,5 %), grâce au maintien des revenus salariaux lié aux mesures d’activité partielle. Cette faible baisse est sans commune mesure avec la baisse de l’activité (– 10 %) évaluée dans le présent projet de loi de finances.

Alors que le pouvoir d’achat était globalement préservé et que leur consommation baissait fortement (– 8 %), l’excédent a été absorbé par une augmentation du taux d’épargne, porté à un niveau très élevé : le taux d’épargne atteindrait ainsi 21,4 % en 2020, en forte hausse par rapport à 2019 (+ 6,4 points). Cette hausse s’expliquerait à la fois par une épargne forcée en lien avec l’absence de débouchés de consommation et par la constitution d’une épargne de précaution pour faire face à l’évolution de la situation sanitaire.

La confiance des ménages se situe néanmoins proche du niveau atteint début 2019, comme le souligne l’évolution de l’indicateur de la confiance des consommateurs calculé par l’Insee, qui se décline en un indicateur de confiance quant à leur situation financière future et un indicateur portant sur l’opportunité de faire des achats importants.

En août, l’indicateur synthétique se stabilise à 94, en dessous de sa moyenne de longue période (100).

Indice synthétique de confiance des ménages

Source : Insee, Enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages, août 2020.

La confiance des ménages, dégradée par rapport à son niveau de mars 2020, se situe néanmoins au mois d’août 2020 au-dessus de son niveau de janvier 2019 (92).

Le maintien d’une demande intérieure dynamique est un déterminant essentiel de la croissance : au niveau global, les pays qui ont connu les reculs les plus marqués de la consommation privée sont ceux où le PIB a le plus diminué au deuxième trimestre 2020. La baisse de la production totale est donc très liée au fléchissement de la consommation des ménages ([11]).

b.   Le marché de l’emploi déjà dégradé

Ce brusque freinage économique a eu un impact particulièrement important sur l’emploi. Les données présentées par le Gouvernement en annexe du présent projet de loi de finances soulignent que l’emploi total baisserait de 920 000 sur l’ensemble de l’année, répartis entre – 800 000 pour l’emploi salarié et – 120 000 sur l’emploi non salarié.

Ces destructions d’emplois se concentreraient sur le premier semestre : selon l’Insee, entre la fin de l’année 2019 et la fin juin 2020, 715 000 emplois salariés auraient été détruits, soit une baisse de 2,8 %. Cette baisse reste néanmoins sans comparaison avec celle de l’activité, qui atteint 18,9 % en cumulé sur le semestre. Une évolution similaire est observée pour la zone euro, ce qui témoigne de la résilience de l’emploi face à la chute de l’activité ([12]).

Évolution de l’emploi total entre 2019 et 2020

(glissement annuel, en milliers)

 

2019

2020

Emploi salarié (I)

290

– 800 (– 795)*

 dont salariés agricoles

5

0

 dont salariés du secteur marchand non agricole

260

– 750

 dont salariés du secteur non marchand

25

– 45

Emploi non-salarié (II)

45

– 120

Emploi total (III=I+II

335

 920

Taux de chômage

8,4

9,5

* La prévision des données d’emploi étant présentée en arrondi, la somme des lignes peut ne pas correspondre avec le total indiqué. En parenthèse, le chiffre correspondant à cette somme.

Source : Insee, enquête emploi et point de conjoncture du 8 septembre 2020.

Le taux de chômage s’élèverait ainsi à 9,7 % de la population active à la fin 2020 ([13]), en hausse de 1,1 point par rapport à fin 2019 À noter que, au cours du confinement, le « halo du chômage » ([14]) a fortement augmenté : il s’agit là d’un effet spécifique au confinement mais pas au marché du travail français.

c.   Le déficit extérieur aggravé

La mise à l’arrêt de l’économie mondiale affecte fortement l’équilibre extérieur de la France. La balance commerciale française serait dégradée, la baisse des exportations (– 18,5 %) étant moitié plus élevée que celle des importations (– 11,5 %).

Les exportations ont été ralenties à la fois par la perturbation de la production nationale en raison des mesures sanitaires – difficulté d’approvisionnement, fermeture temporaire des sites de production – et par la baisse de la demande mondiale (– 11 %), à la faveur notamment de perspectives très dégradées pour certains secteurs. Les exportations aéronautiques et de matériel de transport seraient particulièrement affectées.

La demande adressée à la France diminuerait ainsi un peu plus fortement que l’ensemble du commerce mondial (– 10 %) : les exportations françaises sont en effet fortement exposées aux pays de la zone euro, qui ont été particulièrement affectés par l’épidémie.

Les importations reculeraient moins fortement en raison de deux facteurs : la place importante des services dans la baisse de la demande française en 2020 et l’approvisionnement en produits nécessaires à la lutte contre le virus (masques, respirateurs, tests), qui a contribué à maintenir les importations françaises. La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) estime que ces produits pourraient dégrader la balance commerciale française d’environ dix milliards d’euros par an « si la situation sanitaire devait perdurer » ([15]).

L’impact de la mise à l’arrêt du secteur touristique touche à la fois les importations et les exportations. Les mesures de restrictions du premier semestre ont néanmoins dégradé la balance commerciale, traditionnellement excédentaire, de ce secteur. L’effet sur la croissance est en partie atténué par un certain report des dépenses touristiques des ménages français vers le marché intérieur.

Au total, les exportations seraient, en 2021, inférieures de 8 % à leur niveau de 2019, soit deux fois plus que la baisse des importations (– 4 %). La contribution des échanges commerciaux à la croissance serait négative, à – 2,1 %.

d.   La situation des entreprises fragilisée

La situation des entreprises reste dégradée, comme le soulignent les prévisions d’indicateurs de gestion présentés dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi de finances.

Compte des sociétés non financières

Indicateur

2019

2020

Valeur ajoutée (VA)

4,1

– 12,7

Excédent brut d’exploitation (EBE)*

10

– 23,8

Taux de marge (EBE/VA)

33,2

29

Taux d’épargne (épargne/VA)

23,2

19,7

Taux d’autofinancement (épargne /FBCF)

94,6

83,8

Taux d’investissement (FBCF/VA)

24,5

23,6

* L’EBE est calculé comme l’excédent généré par les activités d’exploitation des entreprises après rémunération de la main-d’œuvre. Il s’agit du capital dont disposent les sociétés non financières pour rémunérer leurs créanciers, payer leurs impôts et financer leurs investissements. Source : Eurostat.

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Le taux de marge baisse de 4,2 points, reflétant la moindre élasticité de la masse salariale (– 2,6 %) et la fin de l’incidence de la réforme du CICE en 2019 (– 1,3%).

Le taux d’épargne se contracterait au cours de l’année (– 3,5 %), ce qui souligne le rôle contracyclique de ce facteur. Les dernières estimations des comptes trimestriels indiquent néanmoins que les entreprises ont peu diminué leurs investissements au regard du très fort recul de l’activité : le taux d’investissement n’aurait baissé que de 0,9 point. Les mesures de soutien du gouvernement et de la BCE limiteraient la sévérité des effets négatifs sur la capacité d’investissement des entreprises. L’évolution modérée de ce taux serait également liée à un « effet dénominateur », la baisse de la valeur ajoutée faisant mécaniquement remonter le quotient qui permet de le calculer (FBCF/VA).

L’investissement a, semble-t-il, pu en outre être préservé au prix d’un endettement plus important, comme le souligne la forte baisse du taux d’autofinancement (– 10,8 points). La baisse de l’épargne des entreprises pour faire face à la dégradation conjoncturelle les contraint en effet à recourir à d’autres sources de financement de leurs investissements dont, en particulier, les prêts garantis par l’État.

e.   La faiblesse de l’inflation

Le contexte économique très dégradé pèse sur le niveau des prix. Le niveau d’inflation attendu en 2020 devrait chuter à + 0,5 % (contre un taux de + 1,2 % attendu en loi de finances initiale) en raison de la baisse des prix énergétiques. L’inflation sous-jacente, c’est-à-dire corrigée de l’évolution des prix des biens énergétiques et alimentaires, diminuerait également à + 0,5 %, après + 0,8 % en 2019, en raison du ralentissement de l’évolution des prix des services en lien avec la baisse de la demande pour ce type de biens.

Après un niveau déjà faible en 2019, le niveau de l’inflation éloigne plus encore l’évolution des prix du niveau que la Banque centrale européenne vise pour les pays de la zone euro – proche de, mais inférieur à 2 %.

Au niveau de la zone, en effet, les prévisions d’été de la Commission européenne anticipent une inflation de + 0,3 %, un niveau très bas malgré les pressions à la hausse liées à la remontée des cours du pétrole depuis mai et à une hausse des prix alimentaires plus élevée que prévue. Néanmoins, plusieurs facteurs continuent de tirer cette prévision vers le bas, en lien avec les mesures de soutien à la demande (baisse de la TVA en Allemagne) et un rebond économique encore limité au regard des pertes d’activité.

Évolution de l’indice des prix par grands postes en France

(en %)

 

Pondération dans le total

2019

2020

Alimentation

16,1

+ 2,5

+ 1,9

Produits manufacturés

24,9

– 0,6

– 0,4

Énergie

8,1

+ 1,9

– 5,3

Services

48,9

+ 1,0

+ 0,9

Tabac

2,1

+ 10,6

+ 13,6

Total hors tabac

97,9

+ 0,9

+ 0,2

Évolutions sous-jacente

60,7

+ 0,8

+ 0,5

Total

100

+ 1,1

+ 0,5

Source : Insee et direction générale du Trésor.

Le ralentissement marqué de la dynamique des prix entre 2019 et 2020 porterait ainsi principalement sur les produits alimentaires et l’énergie. À l’inverse, le prix du tabac, porté par la hausse de la fiscalité, augmenterait de façon marquée.

L’inflation sous-jacente, c’est-à-dire l’évolution des prix hors produits dont les cours sont volatils, s’abaisserait de 0,3 point en 2020 par rapport à 2019, pour s’établir au même niveau que l’inflation totale (+ 0,5 %). La crise économique de 2020 renforcerait ainsi la tendance baissière de la dynamique des prix en France sur la dernière décennie.

Enfin, l’appréciation de l’euro depuis le début de l’année contribuerait à la modération de l’inflation, en pesant sur sa composante importée.

L’inflation s’éloignerait ainsi de sa moyenne depuis 2010 (+ 1,0 %), et la crise contribuerait au tassement de cet indicateur sur longue période : alors que l’inflation a été en moyenne de 7,4 % durant la décennie des années 1980, l’inflation annuelle a baissé à 1,9 % durant les années 1990 puis 1,7 % durant les années 2000.

Ce tassement n’est pas spécifique à l’Europe. Aux États-Unis, en réponse aux effets de la crise sanitaire, la Réserve fédérale a adopté un nouveau régime flexible de ciblage de l’inflation moyenne, considérant qu’un marché du travail solide peut être maintenu sans entraîner un regain d’inflation. La Fed tolérera ainsi une inflation légèrement supérieure à 2 % pendant un temps, après des périodes de faible inflation ([16]).

B.   EN FIN DANNÉE, UNE NOUVELLE DONNE ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE

La seconde partie de l’année 2020 est marquée par un certain rebond économique au niveau international, encore inégal selon les régions du monde (1).

Dans ce contexte, l’économie française reprend au second semestre, dans des conditions encore fragiles (2).

1.   La reprise économique internationale est inégale

Après le rebond initial observé dans de nombreux secteurs d’activité à la suite de l’assouplissement des mesures de confinement, un essoufflement de la reprise à l’échelle mondiale est néanmoins observé depuis le mois de juin, en particulier dans de nombreuses économies avancées.

À l’exception de la Chine, le rebond de l’activité industrielle a été modeste ([17]), en raison de la faiblesse des investissements et de la contraction du commerce international de marchandises. Le tourisme international reste à un niveau exceptionnellement bas : en juillet, les recettes du trafic international de passagers étaient toujours inférieures de 90 % à leur niveau un an auparavant.

Le climat de grande incertitude, une confiance faible et le recul de l’emploi auront sans doute pour effet de maintenir une forte épargne de précaution pendant un certain temps, même si les niveaux de consommation devraient se réorienter progressivement à la hausse.

La situation du marché du travail est nettement dégradée, bien que la destruction d’emplois ait été amortie par les dispositifs d’activité partielle. Le chômage a fortement progressé aux États-Unis et au Canada, les salariés à faible rémunération et les jeunes étant les plus touchés­ l’emploi en zone euro ou au Japon étant plus préservé ([18]). Le chômage en hausse aggraverait le risque de pauvreté et de dénuement de millions de travailleurs informels dans les économies de marché émergentes. La dégradation des marchés de l’emploi tend par ailleurs à freiner le rebond de l’économie et peut entraîner des conséquences, à moyen terme, en matière de perte de compétences.

L’incertitude est forte, également, concernant la situation des entreprises et leur niveau d’endettement accentue le risque de défaut ou de banqueroute, avec des effets retour sur l’emploi et sur le secteur bancaire exposé à ces créances.

Au sein des pays émergents, l’OCDE souligne que nombre d’économies sont devenues vulnérables à l’accroissement de la dette privée et publique ces dernières années, qui les laissent face à des difficultés en matière d’endettement. L’importance de la dette publique et des passifs éventuels, ou encore une assiette fiscale réduite, limitent le recours à la politique budgétaire dans certaines grandes économies de marché émergentes (Inde, Brésil, Mexique, Afrique du Sud). Cette situation fait basculer la charge de la stabilisation vers la politique monétaire mais l’intensification des tensions inflationnistes et les inquiétudes concernant la stabilité financière (Inde) limitent les possibilités pour les banques centrales d’amortir le choc de la pandémie sur l’activité économique.

Le G20 a pris des mesures pour que de nombreux pays à faible revenu bénéficient d’un moratoire sur le paiement des intérêts de prêts bilatéraux publics. Au 1er septembre 2020, 39 pays ont demandé au Club de Paris de bénéficier de ce moratoire ([19]).

2.   Les premiers signes de rebond de l’économie française restent fragiles

Alors que la contraction de l’économie française pourrait être moins importante que prévue (a), les conditions de sa reprise restent fragiles (b).

a.   La récession pourrait être moins importante que prévue

Après un premier semestre marqué par une crise historique et une récession sans précédent, le rebond de l’activité au second semestre ne compenserait pas les pertes accumulées sur l’année. Ainsi, pour 2020, les différents organismes de prévisions économiques retiennent des hypothèses de récession forte mais, dans certains cas, moins importante que prévue.

La Banque de France avait estimé, dans ses projections macroéconomiques de juin 2020, une baisse du PIB de 10,3 % sur l’année, avant de réviser cette hypothèse à – 8,7 % en septembre ([20]). Cette projection plus favorable de 1,6 point s’expliquerait par un choc moins important que prévu au deuxième trimestre et par un rebond économique plus élevé sur les derniers mois. La détérioration du marché du travail serait, en particulier, moins élevée qu’anticipé.

L’OCDE retient une baisse de 9,5 % du PIB français en 2020 dans ses prévisions de septembre, en amélioration de 1,9 point par rapport à celles du mois de juin. Ces estimations plus optimistes reposent sur l’hypothèse d’un seul choc épidémique, c’est-à-dire qu’elles ne prennent pas en compte l’impact économique d’une potentielle « deuxième vague ». Les prévisions distinguent un effet un « single-hit scenario » de vague épidémique unique d’un « double-hit scenario » avec reprise de l’épidémie. En juin, l’OCDE considérait qu’un scénario à deux vagues épidémiques pourrait conduire à une contraction de l’activité en France de 14,1 %.

L’Insee a, quant à lui, maintenu sa prévision d’une diminution du PIB de 9 % en 2020 et souligne que ce chiffre correspond à la plus forte contraction annuelle depuis la création des comptes sociaux en 1948 ([21]).

La Commission européenne, dans ses prévisions macroéconomiques d’été, a accentué l’ampleur de la récession en France (– 10,6 %) par rapport à l’évaluation révisée au printemps (– 8,2 %) ([22]). En effet, le confinement a été imposé plus longtemps que prévu initialement et certains secteurs – restauration, hôtellerie, transport, tourisme – resteraient durablement affectés par les restrictions sanitaires. Ces prévisions se fondent sur une hypothèse similaire à celle du scénario « single-hit » de vague épidémique unique selon laquelle l’épidémie aurait eu ses impacts les plus forts au deuxième trimestre 2020 et que la situation sanitaire ne se dégraderait pas de nouveau.

Les principales prévisions économiques retiennent ainsi, en tout état de cause, un niveau élevé de récession en France en 2020. Les organismes ayant révisé leurs projections au mois de septembre retiennent néanmoins des hypothèses plus favorables qu’avant.

Principales hypothèses d’évolution du PIB en 2020

Organisme

Mois

Ancienne prévision

Prévision actualisée

OCDE

Septembre

– 11,4 %

– 9,5 %

Banque de France

Septembre

– 10,3 %

– 8,7 %

Insee

Septembre

– 9 %

– 9 %

Consensus forecast

Avril

-

– 9,6 %

Commission européenne

Juillet

– 8,2 %

– 10,6 %

Fonds monétaire international (FMI)

Juin

-

– 12,5 %

Source : présent projet de loi de finances.

Aussi, le Gouvernement retient désormais une prévision de récession pour 2020 un peu moins importante que prévue. Alors que la dernière loi de finances rectificatives retenait une hypothèse de – 11 %, le PLF pour 2021 améliore cette prévision d’un point et prévoit une baisse du PIB de 10 %. Seule la Commission européenne et le Fonds monétaire international, qui n’ont pas actualisé leur prévision depuis le mois de juillet, retiennent une hypothèse de récession plus importante que celle présentée dans le projet de budget pour 2021.

Ces prévisions moins pessimistes que prévues se retrouvent dans les déterminants de la production nationale.

Évolution des principales hypothèses macroéconomiques

(en %)

 

LFR 3

PLF 2021

Écart (en points)

Produit intérieur brut

 11

 10

+ 1

Consommation des ménages

– 10

– 8

+ 2

Formation brute de capital fixe

– 19,3

– 14,6

+ 4,9

Importations

– 15,5

– 11,5

+ 4

Exportations

– 15,5

– 18,5

– 3

Variations des stocks et objets de valeur

– 1,1

0

+ 1,1

Indice des prix à la consommation

0,4

0,5

+ 0,1

Déflateur du produit intérieur brut ([23])

1,4

1,8

+ 0,4

Source : présent projet de loi de finances.

À l’exception des prévisions d’exportations, plus fortement dégradées encore entre la troisième loi de finances et le PLF pour 2021, les autres déterminants de l’activité ont été révisés à la hausse. Les exportations françaises sont tirées vers le bas par les difficultés du secteur aéronautique et une reprise économique de nos partenaires commerciaux moins importante que prévue.

En revanche, la consommation des ménages serait plus résiliente que prévu (+ 2 points par rapport aux dernières prévisions) et l’investissement plus élevé d’un quart (+ 4,9 points). Témoin de cette prévision plus optimiste, l’inflation serait relevée de 0,4 % à 0,5 % sur l’année 2020.

b.   Les conditions de la reprise restent fragiles

La reprise de l’économie est néanmoins soumise à de nombreuses incertitudes.

i.   Le déconfinement partiel de l’économie

Les premiers signes de reprise de la croissance économique restent fragiles et de nombreuses incertitudes affectent ces prévisions macroéconomiques. Ainsi, alors que l’activité économique semble particulièrement dynamique depuis la levée du confinement, plusieurs raisons laissent penser qu’elle ne retrouvera pas son niveau d’avant-crise avant plusieurs mois.

Au niveau de l’offre, plusieurs facteurs freinent le retour à la normale : malgré le déconfinement, certains secteurs n’ont pas pu rouvrir et les protocoles de sécurité sanitaire peuvent peser sur la productivité. Les chaînes de valeur internationales demeurent profondément perturbées et les destructions d’emploi viendront diminuer le niveau d’activité potentielle.

Les déterminants de la demande restent également dégradés, que ce soit le commerce extérieur et la demande adressée à la France, l’investissement des entreprises et la consommation des ménages. L’Insee décrit ainsi l’économie française, en septembre, comme « un moteur tout à la fois bridé et dopé ». ([24]).

ii.   Les risques pesant sur la reprise

L’évolution de la situation sanitaire est déterminante. Le déclenchement d’une seconde vague épidémique vendrait stopper le rebond économique dans certaines régions du monde, ce qui contribuerait à désynchroniser la reprise de l’activité et affaiblir les échanges internationaux.

Or, les risques sanitaires liés à une seconde vague épidémique se concrétisent désormais, ce qui peut faire craindre la concrétisation du scénario économique à deux vagues épidémiques (« double-hit scenario ») tel qu’établi par l’OCDE.

Le Gouvernement a fait le choix prudent d’intégrer la perspective d’une résurgence de l’épidémie à l’automne 2020 dans les hypothèses de croissance présentées. Cela constitue un facteur majeur de sincérité, les signaux de diffusion épidémique tendant d’ailleurs à se détériorer à la fin du mois de septembre.

Les déterminants de l’activité sont également soumis à de nombreux aléas de nature économique.

Bien que la consommation des ménages retrouve un niveau proche de celui d’avant-crise au mois d’août, elle resterait largement dégradée en 2020 (– 8 %). Le risque d’ancrage de comportements attentistes, matérialisé par la constitution d’une épargne de précaution importante depuis le déclenchement de la crise sanitaire, freinerait la reprise de l’économie.

La situation des entreprises est un facteur d’incertitude. Alors que beaucoup d’entre elles ont pu bénéficier de mesures de soutien, la sortie progressive des dispositifs d’urgence fait peser un risque d’insolvabilité, voire de faillites important, qui déstabiliserait le tissu productif et briderait les perspectives de reprise.

Les tensions commerciales, qui pesaient déjà sur la croissance en 2019 et au début 2020, sont prégnantes. La relation sino-américaine reste dégradée, en lien avec la situation à Hong Kong et le respect de l’accord de « phase un » de décembre 2019. Celle entre les États-Unis et l’Europe est fragile, notamment dans les secteurs aéronautique et automobile ou en lien avec les éventuelles représailles américaines aux taxes sur les services numériques. Le déroulement du « Brexit » est incertain et pèse sur les perspectives commerciales entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale.

L’ampleur du rebond des économies émergentes déterminera également celui de la reprise des échanges internationaux. Or, ces économies ont subi un triple choc d’offre, de demande et de nature financière entraînant une dépréciation du taux de change dans de nombreux pays. L’impact de la crise sanitaire et économique sur les niveaux d’endettement public, au Brésil et en Inde, et privé, en Turquie et en Chine, est un facteur de risque pour la croissance future ([25]).

Les marchés financiers ont connu un rebond rapide avec le choc brutal lié au déclenchement de l’épidémie et la mise en œuvre des mesures de restriction sanitaire. Depuis, ils suivent une dynamique forte mais il est soupçonné qu’elle soit sans lien avec la situation du reste de l’économie. Le retournement des marchés d’actions, en particulier, n’est pas à exclure. Par ailleurs, la résilience effective du secteur financier, particulièrement du secteur bancaire, doit être prise en compte dans un contexte d’augmentation massive de l’endettement.

Enfin, les prévisions macroéconomiques présentées dans le présent projet de loi de finances reposent sur une hypothèse de gel du prix du pétrole sur son niveau observé sur six semaines du 13 juillet au 10 août. En raison de la volatilité de ce cours, cette hypothèse reste fragile : en particulier, une augmentation des prix, qui dégraderait l’équilibre extérieur de l’économie française, n’est pas à exclure.

II.   LA MOBILISATION DES LEVIERS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE A PERMIS UNE RÉPONSE AMBITIEUSE

Afin d’amortir le choc, la politique budgétaire a connu un tournant fortement expansionniste (A).

La politique monétaire menée par la BCE est, quant à elle, devenue encore plus accommodante (B).

A.   FACE AU CHOC, UNE RÉPONSE BUDGÉTAIRE TRÈS EXPANSIONNISTE

La réponse budgétaire rapide et massive (1) a fortement dégradé les comptes publics (2).

1.   La réponse budgétaire a été rapide et massive

Avec le déclenchement de la crise sanitaire, le Gouvernement a rapidement proposé au Parlement d’adopter des mesures budgétaires exceptionnelles de soutien à l’activité économique.

L’activation des stabilisateurs automatiques en recettes, qui conduisent à diminuer le poids des recouvrements fiscaux sur les ménages et les entreprises, puis la mise en œuvre des premières mesures d’urgence ont conduit à dégrader fortement la composante conjoncturelle du solde public. Cette dégradation est particulièrement manifeste entre la première et la deuxième loi de finances.

Évolution des prévisions de solde conjoncturel

(en % du PIB réel)

 

LFI 2020

LFR 1

LFR 2

LFR 3

Solde conjoncturel

+ 0,1

– 1,3

– 5,3

– 7,0

Évolution par rapport à la dernière prévision

– 1,4

– 4

– 1,7

Source : loi de finances initiale pour 2020 et LFR 1, 2 et 3 pour 2020.

Face à l’ampleur de la chute d’activité, un plan de soutien budgétaire supplémentaire est néanmoins rapidement apparu nécessaire. Il a été mis en œuvre progressivement, à mesure que les perspectives économiques se dégradaient.

montée en charge du plan de soutien budgétaire

Mesures ayant un impact sur le solde public

(en milliards d’euros)

Nature du soutien

Coût LFR 1

Coût LFR 2

Coût LFR 3

Activité partielle

8,5

24,0

31,0

Dépenses de santé exceptionnelles

2,0

8,0

10

Fonds de solidarité pour les entreprises*

1,1

6,8

8,5

Exonération de cotisations sociales**

5

Aide aux ménages les plus fragiles

1

Prime pour les indépendants

1

Autres ouvertures de crédits

1,5

5,5

Décalage de la réforme de l’assurance chômage

0,5

1,5

Avances remboursables pour soutenir les PME

0,5

Crédits pour masques non chirurgicaux

0,5

Remboursement anticipé des créances de carry-back

0,5

Total

11,5

40,8

65

Évolution par rapport à la loi de finances précédente

+ 11,5

+ 29,3

+ 24,2

* Effort public uniquement.

** Compensée par l’État à la sécurité sociale

Source : M. Laurent Saint-Martin, rapport sur le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, juin 2020, n° 3132.

Ce plan de soutien budgétaire atteint 2,9 % du PIB de l’année selon les prévisions de la troisième loi de finances pour 2021.

2.   La dégradation sans précédent des comptes publics

La mise en œuvre de ces mesures de soutien budgétaire exceptionnelles a entraîné une dégradation sans précédent des comptes publics.

L’évolution des prévisions de Déficit public pour 2020

(en % du PIB)

Déficit public 2020

Écart par rapport

au PLF 2021

Déficit effectif

PLF 2021

10,2

 

LFR 3

11,4

– 1,2

LFR 2

9,1

+ 1,1

LFR 1

3,9

+ 6,3

LFI 2020

2,2

+ 8

dont déficit conjoncturel

PLF 2021

6,5

 

LFR 3

7,0

– 0,5

LFR 2

5,3

+ 1,2

LFR 1

1,3

+ 5,2

LFI 2020

– 0,1

+ 6,6

dont déficit structurel

PLF 2021

1,2

 

LFR 3

2,2

+ 1

LFR 2

2,0

+ 0,8

LFR 1

2,2

+ 1

LFI 2020

2,2

+ 1

dont mesures exceptionnelles et temporaires

PLF 2021

2,6

 

LFR 3

2,3

– 0,3

LFR 2

1,7

+ 0,9

LFR 1

0,4

+ 2,2

LFI 2020

0,1

+ 2,5

Source : présent projet de loi de finances, LFR 1, 2 et 3 et loi de finances initiale pour 2020.

L’augmentation du déficit public se reflète dans l’ensemble des soldes des différentes administrations publiques.

Décomposition du solde public en 2020

(en % du PIB réel)

Sous-secteur

Solde

État

– 8,7

Organismes divers d’administration centrale (ODAC)

+ 1,1

Administrations publiques locales (APUL)

– 0,1

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

– 2,6

Solde public

– 10,2

Source : présent projet de loi de finances.

Afin de financer ces mesures d’urgence, les émissions de dette ont fortement augmenté. Le ratio de dette publique progresserait de 19,3 points pour atteindre 117,5 % du PIB en 2020, contre une prévision en loi de finances initiale de 98,7 %, en raison de l’augmentation des dépenses et de la forte contraction du PIB au dénominateur.

B.   LA POLITIQUE MONÉTAIRE, SOUTIEN DÉCISIF AU SECTEUR FINANCIER ET À LÉCONOMIE

Face à la dégradation des perspectives macroéconomiques, la politique monétaire a été assouplie partout dans le monde, par le biais d’une baisse des taux directeurs, la mise en place de programmes d’achat d’actifs et des interventions ciblées dans certains segments des marchés financiers.

Au sein de la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a mis en place un dispositif d’urgence de grande ampleur.

Le 18 mars, la BCE annonce un programme d’achat d’urgence pandémique, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP), à hauteur de 750 millions d’euros dans un premier temps. Quelques jours avant, le conseil des gouverneurs avait décidé qu’une enveloppe temporaire de 120 milliards d’euros serait consacrée à des achats nets d’actifs supplémentaires d’ici la fin de l’année, en plus du programme déjà en place (« asset purchase program », ou « APP »).

Le PEPP doit permettre d’atténuer les risques pesant sur les canaux de transmission de la politique monétaire et la dégradation des perspectives d’activité dans la zone euro en assurant la liquidité de certains marchés d’actifs sous tension. Ce programme devait se poursuivre jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs de la BCE juge que la crise serait terminée et, en tout état de cause, pas avant la fin de l’année 2020.

Ces mesures ont fait l’objet d’adaptations successives. Fin avril, le conseil des gouverneurs décide de l’assouplissement (baisse du taux d’intérêt, élargissement des contreparties éligibles) des conditions des opérations de refinancement de long terme (« targeted long term refinancing operations », ou TLTRO). Une nouvelle série d’opérations de refinancement non-ciblé de long terme (« pandemic emergency long-term refinancing operations », ou PELTRO) est également décidée, afin de soutenir la liquidité dans le système financier de la zone euro.

En juin, l’enveloppe du PEPP est augmentée de 600 milliards pour atteindre 1 350 milliards et son échéance est étendue au moins jusqu’à fin juin 2021. Par ailleurs, la BCE décide de réinvestir les montants issus des remboursements en capital au titre du PEPP au moins jusqu’à fin 2022.

Les écarts de taux entre les pays membres de la zone euro sont restés contenus et, après un début de dissociation courant mars, se sont rapprochés depuis la fin avril aux niveaux connus en 2019. Un même rétrécissement des écarts de taux a également été observé sur les actifs privés. Les mesures décidées par la BCE auraient donc effectivement permis de stabiliser le secteur financier, en évitant notamment les mouvements de panique entraînant la fermeture de certains marchés d’actifs.

Le bilan des banques centrales, outil de politique monétaire

La direction générale du Trésor a étudié l’implication des programmes d’achat d’actifs, qui augmentent la taille du bilan des banques centrales, en matière de politique monétaire. La gestion de la taille de ce bilan serait en effet devenue, avant même la crise sanitaire et les mesures exceptionnelles qu’elle a entraînées, un instrument de politique monétaire à part entière au même titre que les taux directeurs, alors que ceux-ci sont proches de la limite basse. En particulier, les achats d’actifs influencent davantage les taux de long terme que ceux de court terme, à l’inverse des taux directeurs.

Or, pour un impact équivalent sur la croissance et l’inflation, les deux instruments affectent différemment le comportement des acteurs financiers et non financiers, la rentabilité des institutions financières, la charge de la dette publique ou encore les taux de change et les flux de capitaux internationaux.

Ainsi, les baisses de taux directeurs sont en théorie plus favorables à la rentabilité des banques que les achats d’actifs. Ceux-ci permettent néanmoins d’encourager la prise de risque financière : en réduisant le rendement des actifs « sans risque », ils doivent inciter les investisseurs cherchant le rendement à acheter des titres plus risqués. Par ailleurs, les achats d’actifs permettent de réduire la charge de la dette publique – avant-crise, les banques centrales européenne et américaine détenait plus de 20 % de la dette publique de leurs pays respectifs –, en particulier si la dette est principalement émise à des maturités de long terme. En revanche, les taux directeurs auraient plus d’effet sur le taux de change que les programmes d’achat d’actifs.

Direction générale du Trésor, « La taille du bilan des banques centrales, nouvel instrument de la politique monétaire », janvier 2018.

Ainsi, la politique monétaire très accommodante mise en œuvre depuis la crise, avec des taux d’intérêt maintenus très bas et l’augmentation du portefeuille d’obligations d’État et de titres du secteur privé détenus par les banques centrales, a réduit les coûts de service de la dette publique des économies avancées, ce qui permet d’accroître leurs marges de manœuvre budgétaires à court terme et réduit les risques d’instabilité sur les marchés financiers.

La BCE excède-t-elle le mandat qui lui est confié ?

Le mandat confié à la Banque centrale européenne (BCE) est codifié au sein de l’article 127 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE, ex-article 105 TCE).

Cet article stipule que l’objectif principal du Système européen de banques centrales (SEBC) est « de maintenir la stabilité des prix ».

Cet objectif premier n’est cependant pas le seul, la suite de l’article 127 stipulant que, sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC « apporte un soutien aux politiques économiques générales de lUnion, tel que définis à larticle 3 du traité sur lUnion européenne ».

Or, cet article 3 fixe des objectifs larges à l’Union européenne en matière économique : « LUnion établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de lEurope fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein-emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et damélioration de la qualité de lenvironnement ».

Sous réserve de respecter l’objectif premier de stabilité des prix, la BCE pourrait ainsi, aux termes du traité, étendre ses préoccupations au marché de l’emploi, à l’augmentation du revenu par tête et aux considérations environnementales.

Les interrogations concernant l’étendue des mandats confiés aux banques centrales ne sont pas spécifiques à l’Europe. M. Jerome Powell, président de la Réserve fédérale des États-Unis, à l’occasion de l’actualisation du mandat de la Fed, a ainsi indiqué que des considérations liées aux inégalités sociales sont prises en compte au sein de l’objectif d’emploi confié à la Fed.

Mme Christine Lagarde a, quant à elle, insisté pour que le changement climatique soit pris en compte dans la politique monétaire de la BCE, notamment par l’établissement d’une typologie des actifs qu’elle accepte de prendre comme collatéraux et la manière dont elle les valorise.

Sources : Financial Times, « Lagarde puts green policy top of agenda in ECB bond buying », juillet 2020 et M. Jerome Powell, « New Economic Challenges and the Fed’s Monetary Policy Review », août 2020.

*

*     *

 

 

 


—  1  —

   FICHE  2 :
LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE EN 2021

Résumé de la fiche

Les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent le projet de budget pour 2021 doivent être prises avec la précaution qui est de mise dans un contexte économique sanitaire et économique particulièrement incertain.

Le Gouvernement anticipe un rebond important de l’activité en 2021 (+ 8 %), soutenu par une reprise de la demande intérieure des ménages et des entreprises. Le dynamisme de l’investissement des entreprises est une hypothèse soumise à de fortes incertitudes, de même que celle d’une contribution positive du commerce extérieur à la croissance en 2021.

Le marché de l’emploi resterait dégradé, l’économie continuant de détruire des emplois en 2021.

La dynamique des prix, déjà faible, serait ralentie (+ 0,5 %) par une consommation encore atone et par l’appréciation de l’euro qui pourrait se poursuivre.

I.   LES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021

Alors que l’activité se contracterait de façon inédite en 2020, le présent projet de loi de finances prévoit un fort rebond pour 2021.

Composantes de l’Évolution du PIB en 2021

(en % du PIB en volume)

 

2019

2020

2021

Croissance du produit intérieur brut en volume

1,5

 10

8

  dont demande intérieure privée

1,5

– 7,8

6,4

  dont demande publique

0,7

0

1,3

dont variation de stocks

– 0,4

0

– 0,7

  dont commerce extérieur

– 0,3

– 2,1

1

Source : présent projet de loi de finances.

Le rebond de l’économie en 2021 serait porté, pour l’essentiel, par la reprise de la demande intérieure privée et publique. Le Gouvernement prévoit que le commerce extérieur joue un rôle positif sur la croissance en 2021.

A.   LES DÉTERMINANTS DE LA CROISSANCE

L’année 2021 devrait être marquée par un rebond important d’activité, porté par le redressement de la demande intérieure et internationale (1) et l’amélioration de la situation des entreprises (2).

La fragilité du marché de l’emploi (3) et le ralentissement de la dynamique des prix (4) traduiraient néanmoins la dégradation persistante de l’activité.

1.   Le redressement de la demande intérieure et internationale

Si le commerce international pourrait tirer la croissance en 2021 (b), le principal déterminant restera le redressement de la demande intérieure (a).

a.   La demande intérieure reprendrait vigoureusement

Les mesures d’urgence mises en œuvre au fil des lois de finances rectificatives permettraient la quasi-stabilisation du pouvoir d’achat des ménages (– 0,5 %) en 2020 alors que l’activité devrait connaître une chute marquée (– 10 %). La politique mise en œuvre par le Gouvernement a donc joué son rôle contracyclique.

La consommation des ménages devrait repartir l’année prochaine grâce à cette préservation du pouvoir d’achat, soutenant la reprise de l’activité. La reprise des investissements des particuliers serait vigoureuse.

Situation des mÉnages

 

2019

2020

2021

Masse salariale totale (évolution en %)

2,9

– 5,7

5,2

Pouvoir d’achat (évolution en %)*

2,1

– 0,5

1,5

Consommation finale des ménages (évolution en %)

1,5

– 8

6,2

FBCF des ménages hors entrepreneurs individuels (évolution en %)

1,8

– 14,6

12,5

Taux d’épargne (en % du revenu disponible brut)

15,0

21,4

17,8

* Pouvoir d’achat du revenu disponible brut, au sens du déflateur de la consommation.

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Le taux d’épargne des ménages resterait néanmoins élevé, signe de l’incertitude entourant l’évolution de la situation sanitaire et économique, et supérieur de 2,8 points à son niveau de 2019. La préservation du pouvoir d’achat des ménages s’est donc accompagnée de la constitution d’une épargne en partie contrainte et destinée à faire face aux aléas de la situation économique et sanitaire.

L’investissement public connaîtrait un rebond très marqué en 2021 (+ 12,1 %) après une baisse contenue en 2020 (– 3,7 %).

b.   Les incertitudes sur la reprise du commerce mondial

Le Gouvernement fait l’hypothèse que le commerce international contribuerait de façon positive (+ 1 point) à la croissance du PIB en 2021. Cette prévision est fragile, en raison des nombreuses incertitudes qui entourent la reprise des échanges internationaux.

En particulier, le Gouvernement anticipe un rebond des exportations plus élevé (+ 12,6 %) que celui des importations (+ 8,2 %). Il s’agit là d’une hypothèse forte : le Haut Conseil des finances publiques considère que « la contribution des échanges extérieurs à la croissance pourrait être légèrement inférieure à ce que prévoit le Gouvernement » ([26]).

D’une part, la gestion de la crise sanitaire a rendu nécessaire l’importation de volumes importants de matériels sanitaires. La prolongation de l’épidémie pourrait contribuer à une augmentation de la demande intérieure pour ce type de biens. L’importation de ces produits pourrait dégrader la balance commerciale de 10 milliards d’euros environ chaque année si la situation sanitaire reste dégradée ([27]).

La vigueur de la demande adressée à la France dépendra d’autre part de la reprise constatée chez ses partenaires commerciaux, en particulier au sein de la zone euro. Or, certains de nos voisins immédiats connaissent une situation sanitaire non maîtrisée et des incertitudes persistantes entourent les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Par ailleurs, les secteurs portant traditionnellement les exportations françaises resteraient fragilisés, à l’image de l’aéronautique.

Enfin, l’évolution de la parité de l’euro sur les marchés des changes est un facteur susceptible d’influencer le poids des importations et des exportations sur la croissance de l’activité. Depuis le mois d’avril, l’euro connaît ainsi une appréciation significative par rapport au dollar des États-Unis (+ 9,78 %). Son taux de change effectif réel a, quant à lui, progressé de 3 points

Évolution du taux de change effectif réel de l’euro

N.B. : Le taux de change effectif est le taux de change d’une zone monétaire, mesuré comme une somme pondérée des taux de change avec les différents partenaires commerciaux et concurrents. Le taux de change effectif réel prend en compte les indices de prix et leurs évolutions. Le taux de change présenté est le TCE-38, c’est-à-dire le taux de change effectif nominal de l’euro par rapport aux devises des 38 principaux partenaires commerciaux de la zone euro.

Source : Banque centrale européenne, bulletin économique de la BCE, septembre 2020.

L’ensemble de ces éléments pourrait fragiliser l’hypothèse de contribution positive du commerce extérieur à la croissance du PIB en 2021. Pour autant, ils ne remettent pas fondamentalement en cause cette prévision dans la mesure où cette croissance serait en majeure partie portée par la demande intérieure.

2.   L’amélioration de la situation des entreprises

Le présent projet de loi de finances prévoit une nette amélioration de la situation des entreprises, tirant vers le haut leurs investissements. La formation brute de capital fixe (FBCF) des entreprises non financières rebondirait ainsi fortement en 2021 (+ 17,2 %).

Situation des entreprises

 

2019

2020

2021

Valeur ajoutée (VA), évolution en %

4,1

– 12,7

11,6

Formation brute de capital fixe (FBCF) des sociétés non financières, évolution en %

3,7

– 17

17,2

Excédent brut d’exploitation (EBE)*, évolution en %

10

– 23,8

25,3

Taux de marge (EBE/VA), en %

33,2

29

32,5

Taux d’épargne (épargne/VA), en %

23,2

19,7

23,1

Taux d’investissement (FBCF/VA), en %

24,5

23,6

25,1

Taux d’autofinancement (épargne /FBCF), en %

94,6

83,8

92,2

* L’EBE est calculé comme l’excédent généré par les activités d’exploitation des entreprises après rémunération de la main-d’œuvre. Il s’agit du capital dont disposent les sociétés non financières pour rémunérer leurs créanciers, payer leurs impôts et financer leurs investissements. Source : Eurostat.

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Dès lors, le Gouvernement fait l’hypothèse que le taux d’investissement se situera en 2021 à un niveau supérieur (25,1 %) à celui de 2019 (24,5 %), ce qui est une hypothèse volontariste au regard des incertitudes qui pèsent sur la sortie de la crise économique, la reprise de la consommation intérieure et celle de la demande internationale adressée à la France.

Le maintien des taux d’intérêt à un niveau bas sur les titres publics pendant la crise, niveau qui se transmet aux entreprises par le canal du crédit, est cependant de nature à soutenir cet investissement. Le taux d’intérêt annuel moyen sur les nouveaux crédits des sociétés non financières est ainsi passé de 1,3 % en décembre 2019 à 1,0 % en août 2020 ([28]).

Les autres prévisions paraissent également optimistes, dans la mesure où tant le taux de marge, le taux d’épargne et le taux d’autofinancement doivent également augmenter entre 2020 et 2021, ce qui suppose une amélioration sensible de la conjoncture. La baisse des impôts de production de 10 milliards d’euros, prévue dans le présent PLF, permettrait néanmoins de redonner des marges de manœuvre financières aux entreprises.

À l’inverse, les risques d’insolvabilité et de faillites ou les difficultés persistantes de certains secteurs font craindre une dégradation structurelle des capacités productives, fragilisant les hypothèses relatives à l’investissement des sociétés.

3.   Un marché de l’emploi encore fragile

Alors que la situation économique n’est pas stabilisée, le marché du travail français resterait fragile. L’économie française détruirait des emplois en 2020 et en 2021.

Évolution de l’emploi

(en moyenne annuelle, en milliers)

 

2019

2020

2021

Emploi salarié

239

– 430

– 85

  dont salariés agricoles

0

0

5

dont salariés du secteur marchand

225

– 395

– 125

  dont salarié du secteur non marchand

15

– 35

35

Emploi non-salarié

60

– 50

– 35

Emploi total (en milliers)

295

– 480

– 120

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Le taux de chômage atteindrait 9,7 % fin 2020 selon les prévisions de l’Insee ([29]).

4.   Le ralentissement de la dynamique des prix

La crise accentuerait le ralentissement de la dynamique des prix enregistré depuis plusieurs années.

Indicateurs d’évolution des prix

(en %)

 

2019

2020

2021

Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH)

1,1

0,5

0,7

IPCH hors tabac

0,9

0,2

0,6

Alimentation

2,5

1,9

1,1

Produits manufacturés

– 0,6

– 0,4

– 0,5

  Énergie

1,9

– 5,3

1,4

  Services

1

0,9

0,9

Tabac

10,6

13,6

5,0

Indice d’inflation sous-jacent brut

0,8

0,5

0,5

Déflateur du produit intérieur brut

1,2

1,8

0,3

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

En 2021, l’inflation mesurée par l’IPCH serait légèrement plus dynamique qu’en 2020. Néanmoins, l’inflation sous-jacente, qui est corrigée du prix des biens dont le cours est volatil, resterait faible (+ 0,5 %), au même niveau qu’en 2020.

L’inflation prévue en 2021 serait tirée vers le bas par une baisse du prix des produits manufacturés, en lien avec une demande des ménages encore inférieure à son niveau d’avant-crise. Par ailleurs, le ralentissement des tarifs administrés et de la fiscalité applicable au tabac, la baisse des impôts de production et l’appréciation de l’euro contribuerait à la modération de l’inflation (voir supra).

Enfin, l’écart de production resterait négatif en 2021 (– 10,8 % du PIB potentiel), ce qui contribuera au ralentissement de l’inflation. Cette notion est une construction économétrique permettant d’évaluer l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Quand cet écart est positif, des tensions inflationnistes apparaissent, les capacités productives d’une économie tournant « en surrégime ». À l’inverse, quand il est négatif, le PIB effectif est inférieur au PIB potentiel, ce qui contribue à ralentir la dynamique des prix.

B.   LES RISQUES DAFFAIBLISSEMENT DE LA CROISSANCE POTENTIELLE

Les LFR successives pour 2020 n’ont pas retenu de dégradation sensible de la croissance potentielle. L’ampleur de la crise devrait néanmoins dégrader, dans une ampleur qu’il reste à déterminer, les capacités de croissance de l’économie française.

En particulier, l’impact de la crise sur l’investissement privé risque de dégrader durablement les capacités de production de l’économie. La situation des entreprises reste fragile, alors que leur endettement a beaucoup augmenté. Par ailleurs, les destructions d’emplois pourraient entraîner des pertes en capital humain qui seraient aggravées par les difficultés de certains secteurs industriels fragilisés.

Aussi, la Commission européenne avait été amenée, dans ses prévisions macroéconomiques du printemps 2020, à détériorer la croissance du PIB potentiel français pour 2020 de 0,4 point puis de 0,1 point à partir de 2021.

Le Gouvernement retient d’ailleurs, dans sa saisine du Haut Conseil des finances publiques, un niveau de PIB potentiel en baisse de 1,5 point en 2020 et de plus de 2 points en 2021 par rapport aux hypothèses de la LPFP. Le décrochage est illustré dans le graphique ci-dessous.

Évaluation révisée du PIB Potentiel

Source : commission des finances.

II.   LAVIS DU HCFP : UNE ANALYSE VALIDANT LESSENTIEL DU CADRAGE GOUVERNEMENTAL MAIS PRUDENTE FACE AUX INCERTITUDES ÉCONOMIQUES

L’avis du Haut Conseil des finances publiques apporte, depuis 2013, un éclairage indépendant sur la crédibilité des prévisions macroéconomiques du Gouvernement qui sous-tendent les différents textes financiers.

Aux termes de larticle 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le HCFP doit rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances et les projets de lois de financement de la sécurité sociale.

A.   UNE APPRÉCIATION GLOBALEMENT POSITIVE

Cet avis a été rendu alors que les incertitudes macroéconomiques sont fortes. Le Haut Conseil remarque que le Gouvernement, comme les principaux organismes de prévision, élabore ses scénarios macroéconomiques sous l’hypothèse d’une amélioration de la situation sanitaire.

Or, un rebond de l’épidémie et une nouvelle dégradation de la situation sanitaire sont aujourd’hui constatés. L’OCDE a d’ailleurs élaboré un scénario à vague épidémique unique (récession de 9,5 % en France en 2020) et un scénario à deux vagues (récession de 14,1 %).

Le Haut Conseil remarque néanmoins que les prévisions du Gouvernement sont proches de celles réalisées par d’autres organismes, bien que la croissance retenue par lui serait un peu inférieure en 2020 mais un peu supérieure en 2021 par rapport à ces prévisions. Aussi, l’hypothèse pour 2020 est qualifiée de « prudente » et celle pour 2021 de « volontariste ».

En 2021, la situation des finances publiques pourrait d’ailleurs être meilleure que prévue par le Gouvernement, en raison de dépenses moins élevées sur l’activité partielle ou sur la charge d’intérêts de la dette ([30]).

Avis du Haut conseil sur les prÉvisions
des principaux indicateurs économiques

Indicateurs du scénario macroéconomique

Prévision du Gouvernement

Appréciation

du HCFP sur les prévisions

Croissance pour 2020

- 10,0 %

« prudente »

Croissance pour 2021

+ 8,0 %

« volontariste »

Inflation pour 2020

+ 0,5 %

« plausible mais un peu basse »

Inflation pour 2021

+ 0,7 %

« plausible mais un peu basse »

Emploi et masse salariale pour 2020

+ 3,3 %

« plausible »

Emploi et masse salariale pour 2021

+ 2,8 %

« plausible »

Prélèvements obligatoires pour 2020

43,8 % du PIB

« cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu »

Prélèvements obligatoires pour 2021

44,0 % du PIB

« cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu »

Évolution en volume de la dépense publique, hors crédits d’impôt 2020

+ 0,7 %

« vraisemblable »

Évolution en volume de la dépense publique, hors crédits d’impôt 2021

+ 0,7 %

« vraisemblable »

Déficit public pour 2020

10,2 % du PIB

« atteignable, mais affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques »

Déficit public pour 2021

6,7 % PIB

« atteignable, mais affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques »

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-5 du 21 septembre 2019.

L’avis du HCFP sur le présent projet de loi de finances souligne néanmoins certaines fragilités dans les prévisions du Gouvernement :

– comme évoqué supra, la contribution des échanges extérieurs à la croissance pourrait être légèrement inférieure à ce que prévoit le Gouvernement, avec un rattrapage moins élevé en 2021 ;

– la prévision d’investissement serait un peu trop élevée, alors que la reprise de l’investissement productif des entreprises serait freinée par la fragilisation de leurs bilans, en lien avec la hausse de l’endettement et les perspectives de débouchés peu porteuses dans certains secteurs durablement affectés par la crise ;

– la prévision d’emploi pour 2020 paraît élevée, compte tenu de l’impact de la dégradation actuelle de la situation sanitaire sur certains secteurs intensifs en main-d’œuvre, comme l’hébergement-restauration et les services culturels et de loisirs ([31]). À l’inverse, l’emploi en 2021 pourrait être plus dynamique que ce qu’anticipe le Gouvernement ;

– le montant exact des financements européens, prévu à 17,3 milliards d’euros en droits constatés et à 10 milliards en crédits décaissés en 2021, reste incertain.

En particulier, selon le HCFP, le solde public effectif pour 2021 serait atteignable mais la prévision est affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques.

L’avis remis par le HCFP est donc globalement encourageant concernant les prévisions macroéconomiques retenues par le Gouvernement pour le présent projet de loi de finances, même s’il ne peut que constater les incertitudes fortes caractérisant l’exercice.

B.   LES POINTS DE VIGILANCE SOULEVÉS PAR LE HAUT CONSEIL

Le HCFP retient trois points d’attention concernant le projet de budget : les évolutions du solde structurel et de la croissance potentielle, la caducité de la trajectoire pluriannuelle de finances publiques et les risques sur la soutenabilité de l’endettement public.

● Le solde structurel s’éloignerait définitivement, en 2021, de la trajectoire prévue en loi de programmation des finances publiques 2018-2022 : il s’établirait à – 3,6 % du PIB potentiel, contre – 1,2 % en LPFP. Cet écart de 2,4 points constitue un écart important au sens de l’article 23 de la loi organique de 2012 ([32]), qui justifierait, en temps normal, le déclenchement du mécanisme de correction ([33]).

Le Haut Conseil considère néanmoins que la loi de programmation de janvier 2018 constitue désormais une référence dépassée, qu’il s’agisse du scénario macroéconomique ou des finances publiques. D’ailleurs, le calcul du solde structurel en 2021 par le Gouvernement repose sur l’estimation du PIB potentiel retenue dans cette loi, alors même que l’exécutif considère que la crise entraînera une dégradation du PIB potentiel en 2020 et 2021. Selon le HCFP, cette révision à la baisse de la croissance potentielle conduirait à dégrader le solde structurel pour 2021 de 1,2 point de PIB par rapport à la prévision de – 3,6 % du PLF.

Dès lors, le Haut conseil estime nécessaire l’adoption dès le printemps 2021 d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques fixant des trajectoires adaptées et crédibles d’évolution du PIB et du PIB potentiel ainsi que des finances publiques.

● Le ratio de dette publique reculerait en 2021 à 116,2 points de PIB par rapport à 2020 (117,5 %). Le Haut Conseil souligne que cette baisse est fragile et pourrait être remise en cause car très dépendante des évolutions du PIB au dénominateur. Ce ratio s’établirait en 2021 à un niveau supérieur de 18,1 points à celui atteint en 2019 (98,1 %).

Alors que cette augmentation massive intervient « après une décennie quasi-ininterrompue de hausse de la dette », le Haut Conseil considère que, dans un contexte de croissance potentielle affaiblie rendant plus difficile la réduction du déficit, « la soutenabilité à moyen terme des finances publiques constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance ».

*

*     *

 

 

 

 


—  1  —

   FICHE  3 :
LE PLF 2021 DANS SON CONTEXTE EUROPÉEN

Résumé de la fiche

Les règles européennes traditionnelles d’encadrement des finances publiques et des déséquilibres macroéconomiques, éléments essentiels de coordination économique, ont été assouplies afin de permettre aux États membres de faire face à la crise économique et sanitaire.

Alors que la situation de leurs finances publiques serait fortement dégradée en 2021 et sans doute au-delà, la question de la révision des règles du pacte de stabilité et de croissance se posera, en lien avec des réflexions engagées dès avant la crise.

La réponse de l’Union européenne ne s’est pas limitée à l’assouplissement des règles budgétaires et macroéconomiques, mais comprend des mesures ambitieuses de soutien conjoncturel. Par ailleurs, un accord historique doit permettre la mise en place de l’instrument Next Generation EU, qui contribuerait au financement des plans nationaux de relance.

Les incertitudes restent néanmoins fortes sur les perspectives de mise en place de cet outil, en lien avec les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. En particulier, la nécessaire révision de la décision sur les ressources propres, essentielle pour permettre à la Commission d’emprunter aux meilleures conditions, peut être bloquée par l’opposition d’un État membre.

Le Parlement européen tient à ce que la dette européenne soit remboursée par de nouvelles ressources propres et à la mise en place d’un mécanisme de protection du budget de l’Union en cas de violation de l’état de droit.

Chaque projet de loi de finances doit être replacé dans un contexte européen structuré par plusieurs dispositifs de surveillance multilatérale des finances publiques et des politiques macroéconomiques de chaque État membre.

Les finances publiques nationales sont soumises à des normes qui résultent des engagements européens pris par la France dans le cadre de l’intégration économique et monétaire de l’Union européenne. L’application de ces règles a néanmoins été assouplie afin de donner aux États membres les marges de manœuvre nécessaires à la gestion de la crise (I).

L’Union européenne a elle-même adopté des mesures d’urgence ambitieuses, complétées par un accord historique autorisant la Commission européenne à emprunter des fonds, au nom des États-membres, afin de financer les plans de relance nationaux. Les incertitudes restent fortes sur la mise en œuvre de ce programme (II).

I.   LES RÈGLES EUROPÉENNES DENCADREMENT DES COMPTES NATIONAUX SONT DÉSORMAIS ASSOUPLIES

A.   LA SURVEILLANCE EUROPÉENNE DES FINANCES PUBLIQUES

1.   Les normes de finances publiques à respecter

La stratégie française en matière de finances publiques s’inscrit a priori dans un cadre européen. Trois grandes catégories de normes s’imposent aux États membres : la norme relative au déficit excessif, la norme relative à l’équilibre des comptes publics et la norme relative à l’ajustement structurel minimal.

En premier lieu, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit les déviations budgétaires excessives, évaluées suivant deux critères cumulatifs : le déficit public et la dette publique. Le déficit public est excessif lorsqu’il dépasse 3 % du PIB. La dette publique est excessive lorsqu’elle dépasse 60 % du PIB. À défaut de respecter ces deux critères, l’État membre s’expose à l’ouverture d’une procédure de déficit excessif (PDE). ([34])

Le critère de dette est considéré comme respecté si celle-ci diminue suffisamment, c’est-à-dire d’au moins un vingtième par an – en moyenne sur les trois dernières années – de la fraction qui excède 60 % du PIB ([35]).

Le « six-pack » de novembre 2011 prévoit toutefois une règle transitoire pour les PDE qui étaient en cours à la date de son adoption, ce qui était le cas de la France. En vertu de cette règle transitoire, durant les trois années suivant le retour sous les 3 %, le respect du critère de dette est considéré comme respecté si la progression du solde structurel est positive.

En deuxième lieu, la norme relative à l’équilibre des comptes publics est prévue par l’article 3 du TSCG, qui érige en principe l’équilibre ou l’excédent des budgets des administrations publiques. L’équilibre est réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB et à un point de PIB pour les autres.

Le solde structurel des administrations publiques

Le solde public effectif peut se décomposer en deux parties : une partie conjoncturelle, qui représente les effets du cycle économique sur les dépenses et les recettes publiques, et une partie structurelle, correspondant au niveau du solde effectif si la production de l’économie se situait à son niveau potentiel (c’est-à-dire le volume maximal de biens et de services que l’économie produit lorsqu’elle utilise toutes ses capacités).

Le solde structurel s’établit donc en corrigeant le solde public effectif des effets de la conjoncture économique, ainsi que des situations ou mesures exceptionnelles (mesures « one-off » selon la terminologie de la Commission européenne) ou temporaires, qui n’ont pas d’impact durable sur le solde. L’intérêt de cet outil d’analyse est d’identifier les mesures liées directement à une décision discrétionnaire de politique économique.

Toutes les dépenses sont supposées structurelles, c’est-à-dire indépendantes de la conjoncture économique, à l’exception des dépenses liées à l’indemnisation du chômage, qui sont intégrées au calcul du solde conjoncturel car leur évolution est cyclique.

Parmi les recettes, seules les recettes non fiscales, comme les dividendes, sont considérées comme structurelles. Tous les prélèvements obligatoires sont supposés varier en fonction de la conjoncture.

Source : Annexe méthodologique du programme de stabilité 2019-2022.

En dernier lieu, la norme relative à l’ajustement structurel minimal est une norme dynamique. Pour respecter les règles du Pacte de stabilité et de croissance, les États membres doivent déterminer un objectif à moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent ([36]), et définir une trajectoire d’ajustement en vue de l’atteindre.

Le solde structurel doit alors converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

Cette règle d’ajustement structurel est également encadrée par une règle en dépenses et en recettes. L’évolution des dépenses publiques est définie en fonction de la croissance potentielle estimée par la Commission européenne. Ainsi, les États n’ayant pas encore atteint leur OMT doivent compenser les réductions de recettes discrétionnaires par des réductions de dépenses équivalentes ([37]). La Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne peuvent cependant estimer que l’effort d’ajustement peut être plus limité en période de conjoncture économique défavorable ([38]).

Depuis 2018, la France est sortie de la procédure pour déficit excessif prévue par le TFUE. La supervision européenne de ses finances publiques relève donc normalement du volet préventif du Pacte de stabilité. Comme la France détient un déficit structurel supérieur à son objectif de moyen terme (– 0,4 point de PIB) et qu’elle possède un niveau de dette supérieur à 60 % du PIB, les règles européennes prévoient que la réduction du déficit structurel doit être strictement supérieure à 0,5 point de PIB par an (soit au moins 0,6 point de PIB).

Enfin, une déviation de la trajectoire d’ajustement est autorisée, à hauteur de 0,5 point de PIB sur une année, ou cumulée sur deux ans (soit 0,25 point par an en moyenne).

Normes de finances publiques applicables aux États membres
dont la dette publique excède 60 % du PIB

Normes

Modalités de surveillance et de sanction

Traité source

Limite du déficit structurel

à 0,5 % du PIB

Volet préventif
du PSC

TSCG

Trajectoire d’ajustement structurel supérieure

à 0,5 point de PIB par an

TSCG

 

TFUE

Limitation de l’augmentation annuelle des dépenses au taux de croissance potentielle sauf compensation par des mesures discrétionnaires en matière de recettes

Compensation des réductions de recettes par des réductions de dépenses (règle applicable aux États n’ayant pas encore atteint leur objectif budgétaire de moyen terme)

Réduction de la dette publique qui excède 60 % du PIB d’au moins un vingtième par an en moyenne sur trois ans

Volet correctif

du PSC

« Procédure pour déficit excessif »

Limite du déficit nominal à 3 % du PIB

TFUE

Source : commission des finances.

2.   Le cadre juridique de la surveillance des finances publiques

Le PSC constitue l’armature juridique de la surveillance des finances publiques. Il comporte un volet préventif et un volet correctif, tous deux assortis d’un régime de sanctions.

a.   Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance

Le volet préventif s’articule autour du programme de stabilité (États de la zone euro) ou de convergence (États hors zone euro) que les États membres doivent transmettre à la Commission avant le 30 avril. Ces programmes font l’objet d’une évaluation et d’un suivi par les instances européennes.

i.   L’obligation d’élaborer un programme de stabilité ou de convergence

Les États membres déterminent, dans leur programme de stabilité ou de convergence, un OMT et une trajectoire d’ajustement, ainsi que les moyens mis en œuvre pour atteindre ces différents objectifs.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([39]) a fixé, pour la France, un OMT de – 0,4 point de PIB mais pas la date de sa réalisation. En 2022, ce solde devait, selon la loi de programmation, atteindre – 0,8 % du PIB potentiel.

Ces programmes doivent reposer sur un scénario macroéconomique plausible.

Contenu obligatoire d’un programme de stabilitÉ ou de convergence

Objectif de moyen terme (OMT)

Solde structurel compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent

Trajectoire dajustement

− Au moins 0,5 point de PIB par an

− Supérieure à 0,5 point de PIB par an lorsque la dette publique est supérieure à 60 % du PIB

Moyens mis en œuvre

− Cadrage économique comprenant les principales hypothèses concernant l’évolution prévisible de l’économie et les variables économiques importantes

− Description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique qui sont mises en œuvre et/ou envisagées pour réaliser les objectifs du programme

− Analyse de l’incidence que tout changement des principales hypothèses économiques aurait sur la situation budgétaire et la dette

Source : commission des finances.

En France, contrairement à d’autres États de l’Union européenne, le programme de stabilité ne fait pas l’objet d’un vote obligatoire par le Parlement. Lors de la présentation des neuf programmes de stabilité de la France, de 2011 à 2019, le Gouvernement a procédé à cinq déclarations, suivies d’un débat et d’un vote en séance publique. Ce n’a pas été le cas en 2020, à la faveur de la crise sanitaire et de la discussion du deuxième projet de loi de finances rectificatives pour l’année.

La mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances a préconisé, en septembre 2019, que « soit inscrite au niveau organique la possibilité dorganiser un débat annuel sur le programme de stabilité avant sa transmission à la Commission européenne » ([40]) afin de renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement. Ce débat en séance publique, qui serait suivi d’un vote, pourrait se substituer au débat d’orientation des finances publiques (DOFP).

ii.   L’évaluation et le suivi des programmes de stabilité ou de convergence

La conformité de la trajectoire de chaque État membre au regard des recommandations européennes est évaluée dans les trois mois par la Commission européenne. L’État membre peut être invité à modifier son programme si le Conseil de l’Union européenne, agissant sur recommandation de la Commission, adopte une recommandation en ce sens ([41]).

Par ailleurs, durant la phase d’exécution, la Commission peut adresser aux États membres un avertissement en cas d’écart important par rapport à la trajectoire d’ajustement. Le Conseil peut alors adopter des recommandations qui peuvent donner lieu, en l’absence d’actions suivies d’effet de la part de l’État membre, à des sanctions ([42]) consistant en un dépôt portant intérêts de 0,2 % de son PIB.

b.   Le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance

L’ouverture d’une PDE est décidée par le Conseil de l’Union européenne sur recommandation de la Commission. L’État membre doit prendre des actions suivies d’effet et en rendre compte régulièrement à la Commission. En l’absence d’actions suivies d’effet, l’État membre peut être mis en demeure par le Conseil de corriger son déficit excessif et d’améliorer chaque année son solde structurel d’au moins 0,5 % du PIB ([43]). À l’issue de la procédure et en l’absence d’actions suivies d’effet, l’État membre s’expose à des sanctions pouvant aller de 0,2 % à 0,5 % de son PIB ([44]).

La surveillance des finances publiques dans le cadre du PSC

Volet Préventif

Orientations du Conseil

Le Conseil adopte ses orientations généralement en février sur la base de l’examen annuel de la croissance élaboré par la Commission

Programme de stabilité ou programme de convergence

Ces programmes sont transmis par les États membres à la Commission avant le 30 avril

Évaluation et suivi

− les programmes sont évalués dans les trois mois de leur transmission

− un avertissement et des recommandations peuvent être adoptés en cas d’écart important avec la trajectoire d’ajustement

Volet correctif

Ouverture de la procédure pour déficit excessif

Sur décision du Conseil, agissant sur recommandation de la Commission, le Conseil adopte des recommandations en vue de la correction du déficit excessif

Actions suivies d’effet

− l’État membre remet un rapport sur les actions suivies d’effet qu’il a entreprises en vue de remédier au déficit excessif

− la Commission évalue les actions suivies d’effet

Mise en demeure

En l’absence d’actions suivies d’effet, le Conseil peut, sur recommandation de la Commission, adresser une mise en demeure

Sanctions

Sanction du volet préventif

Dépôt portant intérêts de 0,2 % du PIB

Sanctions du volet correctif

Dépôt ne portant pas intérêts de 0,2 % du PIB, voire amendes de 0,2 % du PIB à 0,5 % du PIB si l’État membre enfreint à plusieurs reprises les règles du volet correctif

Source : commission des finances.

La France faisait l’objet d’une procédure de déficit excessif depuis le 27 avril 2009. Le Conseil de l’Union européenne avait alors accordé un délai à la France jusqu’en 2012 pour corriger son déficit. Le 2 décembre 2009, le Conseil a accordé un nouveau délai à la France jusqu’en 2013. Le 21 juin 2013, ce délai a été reporté à 2015. Enfin, le 10 mars 2015, ce délai a été porté à 2017.

Le Conseil a clôturé la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet lors de sa réunion du 22 juin 2018.

En juin 2019, la Commission a recommandé la clôture de la procédure pour déficit excessif pour l’Espagne. Jusqu’à l’ouverture en février 2020 d’une procédure de déficit excessif concernant la Roumanie, plus aucun État membre n’était concerné par la procédure.

B.   LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

Depuis 2011, les politiques économiques des États membres sont surveillées, au même titre que l’évolution de leurs finances publiques, selon une procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM). L’objet de cette surveillance est d’éviter le retour de profondes divergences économiques (en matière de compétitivité, de réaction aux chocs exogènes, de santé financière) ayant contribué à déséquilibrer fortement l’union économique et monétaire après la crise de 2008.

Tout comme le pacte de stabilité et de croissance, la prévention des déséquilibres macroéconomiques comporte un volet préventif et un volet correctif. Seul le volet correctif peut déboucher sur des sanctions.

Le programme national de réforme et le programme de stabilité font partie des documents que les instances européennes examinent pour déterminer les éventuelles mesures préventives à mettre œuvre ou pour décider de l’ouverture d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs.

LA SURVEILLANCE DES DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES

Prévention

Mécanisme d’alerte

Tableaux de bord

Le rapport sur le mécanisme d’alerte (RMA) est un rapport annuel de la Commission qui désigne les États membres dont elle considère qu’ils peuvent être touchés par un déséquilibre. Le rapport est généralement publié en novembre en même temps que l’examen annuel de la croissance

Bilan approfondi

La Commission procède à un bilan approfondi (en février) pour chaque État membre exposé à un déséquilibre macroéconomique

Mesures préventives

Sur recommandations de la Commission (en mai), le Conseil adresse ses recommandations (en juillet) à l’État membre en situation de déséquilibre macroéconomique

Correction

Ouverture de la procédure concernant les déséquilibres excessifs

Sur recommandation de la Commission, le Conseil adresse ses recommandations à l’État membre en situation de déséquilibre excessif

Plan de mesures correctives

L’État membre doit alors adresser un plan de mesures correctives dans le délai imparti par le Conseil

Suivi des mesures correctives

L’État membre soumet des rapports d’avancement qui sont évalués par la Commission

Clôture de la procédure concernant les déséquilibres excessifs

Le Conseil, sur recommandation de la Commission, abroge les recommandations émises dès qu’il estime que l’État membre concerné ne présente plus de déséquilibres excessifs

Sanction

Dépôt portant intérêt

Un dépôt de 0,1 % du PIB portant intérêt est imposé par décision du Conseil, statuant sur recommandation de la Commission, si le Conseil conclut que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures correctives recommandées.

Amende annuelle

Une amende annuelle de 0,1 % du PIB est imposée par décision du Conseil, statuant sur recommandation de la Commission lorsque deux recommandations successives sont prises constatant l’insuffisance du plan de mesures correctives ou lorsque deux recommandations successives sont prises constatant que les mesures correctrices n’ont pas été prises.

Source : commission des finances

1.   L’objet de la surveillance macroéconomique

La surveillance macroéconomique a pour but de sortir du prisme exclusif des finances publiques qui limitait auparavant l’intelligence du dialogue économique entre les instances européennes et les États membres.

Son but est de détecter et de corriger à un stade précoce les déséquilibres macroéconomiques, en prêtant une attention particulière à ceux qui pourraient avoir des retombées sur d’autres États membres.

Le déséquilibre est défini assez largement comme « toute tendance donnant essor à des développements macroéconomiques ayant un effet préjudiciable ou susceptibles davoir un effet préjudiciable sur le bon fonctionnement de léconomie dun État membre, de lUnion économique et monétaire ou de lUnion dans son ensemble » ([45]).

Le déséquilibre est considéré comme excessif lorsqu’il est « grave », notamment lorsqu’il compromet ou est susceptible de compromettre, « le bon fonctionnement de lUnion économique et monétaire » ([46]).

En d’autres termes, la surveillance macroéconomique doit inciter à une meilleure coordination des politiques économiques des États membres au bénéfice de l’ensemble de l’Union européenne et en particulier de la zone euro.

Sa finalité est moins normative que la surveillance des finances publiques issue du pacte de stabilité et de croissance : le volet préventif ne peut faire l’objet de sanctions et les sanctions du volet correctif sont moins fortes. Elles sont d’ailleurs restées, à ce jour, non usitées.

2.   Le cadre juridique de la surveillance macroéconomique

La surveillance multilatérale de l’Union européenne au titre des déséquilibres macroéconomiques est régie par deux règlements :

– le règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ;

– le règlement (UE) n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro.

Le volet préventif de la prévention des déséquilibres macroéconomiques (PDM) peut aboutir à l’adoption de mesures sous forme de recommandations du Conseil lorsqu’un État membre est jugé en situation de déséquilibre macroéconomique au terme d’un bilan approfondi de la Commission européenne.

Le volet correctif n’a encore jamais été activé. Il débute par l’ouverture d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs et par l’adoption d’un plan de mesures correctives qui fait l’objet d’un suivi. Les sanctions théoriques sont limitées à 0,1 % du PIB.

C.   LE CYCLE ANNUEL BUDGÉTAIRE

La surveillance des finances publiques se déroule dans le cadre du cycle annuel budgétaire qui se décompose en un semestre européen et un semestre national.

L’entrée en vigueur des deux règlements du « two-pack » a conduit à transformer le semestre européen en un cycle budgétaire annuel, ce qui a permis l’approfondissement et la continuité de l’échange d’informations et de la coordination entre les États membres et les institutions européennes.

C’est dans ce cadre que la France transmet son programme de stabilité en avril pour préparer le semestre européen qui débute en novembre.

1.   Le semestre européen

a.   Le cadre juridique du semestre européen

Le semestre européen, instauré en 2011, est une période d’environ six mois qui débute chaque année en novembre au titre de l’année suivante, et qui permet un dialogue économique entre les instances européennes et les États membres. Son objet est de coordonner et de surveiller les politiques économiques et budgétaires des États membres ainsi que leurs réformes structurelles.

À ce titre, le semestre européen regroupe trois types de procédures de coordination.

Les trois axes de la coordination des politiques des États membres
durant le semestre europÉEN

Objet de la coordination

Cadre juridique de la coordination

réformes structurelles

stratégie « Europe 2020 »

politiques budgétaires – finances publiques

pacte de stabilité et de croissance (PSC)

politiques économiques

prévention des déséquilibres macroéconomiques (PDM)

Source : commission des finances.

Le semestre européen comprend ainsi ([47]) :

– la formulation, et la surveillance de la mise en œuvre, des grandes orientations des politiques économiques (GOPÉ) dans l’examen annuel de la croissance auquel procède la Commission européenne ;

– la formulation, et l’examen de la mise en œuvre, des lignes directrices pour l’emploi par la Commission européenne ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de stabilité ou de convergence des États membres ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de réforme nationaux des États membres ;

– la surveillance pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques.

L’institution d’un semestre européen a indéniablement amélioré la coopération entre les États membres et les institutions européennes, tout en renforçant le caractère multilatéral du processus.

b.   Le calendrier du semestre européen

i.   Novembre de l’année N-1

Le semestre européen est lancé par la Commission européenne avec la publication d’une série de documents (le « paquet » de novembre) qui sert de base à la discussion.

Le document le plus important est l’« examen annuel de la croissance » qui expose les grandes orientations des politiques économiques. Il est soumis à l’examen des autres institutions et alimente les discussions préalables au Conseil européen de printemps.

ii.   Mars de l’année N

Les priorités de l’examen annuel de la croissance sont approuvées par le Conseil européen.

La Commission publie, ensuite, une série de rapports par pays analysant les politiques économiques des États membres.

Sur ces différentes bases, le Conseil européen définit les lignes directrices de l’Union européenne dont les États membres doivent tenir compte. Il peut également transmettre des orientations à certains membres.

iii.   Avril de l’année N

Les États membres de la zone euro transmettent ensuite, avant la fin avril, aux autorités européennes leur programme de stabilité (ou programme de convergence pour les autres États membres), ainsi que leur programme national de réforme.

le rÔle des États membres durant le semestre europÉEN

Document transmis par les États membres

Objet de la coordination

Programme de stabilité ou de convergence

Politiques budgétaires

Programme national de réforme

Politiques économiques et réformes structurelles

Source : commission des finances.

iv.   Mai de l’année N

La Commission publie ses recommandations stratégiques par pays en se fondant sur son évaluation des situations économiques et des programmes nationaux.

v.   Juin et juillet de l’année N

Enfin, le Conseil adopte ses recommandations par pays en juin ou juillet, lesquels constituent l’aboutissement du semestre européen.

vi.   Septembre de l’année N

L’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) prévoit l’organisation d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires.

Les conférences de larticle 13

La conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance dans l’Union, communément désignée sous l’appellation « Conférence de larticle 13 », constitue un cadre de discussion et d’échange d’informations en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions du TSCG, en vue de renforcer la coopération entre les parlements nationaux et le Parlement européen. L’objectif est de contribuer au renforcement de la légitimité démocratique de la gouvernance économique et de la politique budgétaire européennes.

Elle a remplacé l’ancienne rencontre des présidents des commissions budgétaires et des finances des parlements nationaux, qui était organisée par le parlement du pays assurant la présidence du Conseil de l’Union européenne.

La conférence se tient deux fois par an, une première fois à Bruxelles au cours du premier semestre de chaque année civile dans le cadre de la semaine parlementaire européenne, et une seconde fois au cours du second semestre, dans l’État membre assurant la présidence du Conseil de l’UE.

2.   Le semestre national

a.   Le cadre juridique du semestre national

À l’issue du semestre européen, les États membres doivent élaborer leur budget, selon leurs règles propres, en tenant compte des orientations de l’Union européenne.

Le semestre national est, du point de vue des procédures européennes, régi par le « two-pack », c’est-à-dire un ensemble de deux règlements du 21 mai 2013 qui ont été adoptés en vue de renforcer la surveillance budgétaire de la zone euro :

– le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 472/2013 du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière, qui a organisé une surveillance renforcée des États membres qui sollicitent une aide multilatérale ;

– le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 473/2013 du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro, qui a prévu l’obligation de se doter d’un organisme indépendant pour évaluer les hypothèses macroéconomiques des stratégies budgétaires.

b.   Le calendrier du semestre national

Les États membres doivent envoyer leur « plan budgétaire » pour l’année suivante avant le 15 octobre. Les États membres faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif doivent également présenter un « programme de partenariat économique », conformément au TSCG. Ce programme décrit les mesures et les réformes structurelles engagées pour assurer une correction durable des déficits excessifs.

La Commission donne son avis avant le 30 novembre et demande, le cas échéant, des modifications.

Pour ce qui est des États membres faisant l’objet d’une procédure de déficit excessif, l’avis de la Commission évalue si la correction du déficit est conforme aux recommandations du Conseil de l’Union européenne.

Cette évaluation se fait également sur la base d’un rapport sur l’action engagée en réponse à la recommandation issue de la procédure de déficit excessif, transmis par le pays concerné.

L’Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances des États membres de la zone euro, examine ensuite les avis sur les projets de plans budgétaires ainsi que la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble, sur la base d’une évaluation réalisée par la Commission, afin de disposer d’une vision agrégée du contexte budgétaire de la zone.

L’État membre transmet, enfin, sa loi de finances à la Commission avant la fin de l’année.

D.   LASSOUPLISSEMENT DES OBLIGATIONS BUDGÉTAIRES ET DE LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE DAIDES DÉTAT

1.   La suspension des règles européennes en 2020

● Le 20 mars 2020, la Commission européenne a proposé l’activation de la clause dérogatoire générale prévue dans le Pacte de stabilité et de croissance. Cette mesure inédite, jamais activée depuis son ajout en 2011 au pacte de stabilité et de croissance, permet aux États membres de déroger à leurs obligations budgétaires pour favoriser l’adoption de plans ambitieux pour un soutien maximal à tous les niveaux.

Le 23 mars suivant, les ministres des finances de l’Union se sont accordés sur le déclenchement de cette clause, qui a vocation à s’appliquer aussi longtemps que nécessaire pour permettre la mise en œuvre des mesures nationales destinées à contenir l’épidémie de Covid-19 et à en atténuer les effets socio-économiques négatifs.

L’activation de la clause dérogatoire générale ne suspend pas, pour autant, les procédures d’encadrement budgétaire et macroéconomique mais permet à la Commission et au Conseil « de prendre les mesures nécessaires de coordination des politiques dans le respect du pacte, tout en sécartant des obligations budgétaires qui sappliqueraient normalement » ([48]).

La clause dérogatoire générale

La clause dérogatoire générale est prévue à la fois au sein des volets préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance.

S’agissant du volet préventif, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1466/97 disposent qu’ « en période de grave récession économique affectant la zone euro ou lensemble de lUnion, les États membres peuvent être autorisés à sécarter temporairement de la trajectoire dajustement en vue de la réalisation de lobjectif budgétaire à moyen terme [...], à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme ».

S’agissant du volet correctif, l’article 3, paragraphe 5, et l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1467/97 disposent qu’en cas de grave récession économique dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’Union, le Conseil peut également décider, sur recommandation de la Commission, d’adopter une trajectoire budgétaire révisée.

● Parallèlement à ce volet budgétaire, la Commission a assoupli la réglementation en matière daides dÉtat, offrant ainsi aux différents gouvernements la possibilité d’aider plus facilement, et directement, leurs entreprises, notamment à travers des subventions ou des abandons de créances ([49]).

Cette possibilité repose sur le b du 3 de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui prévoit que peuvent être compatibles les aides destinées à « remédier à une perturbation grave de léconomie dun État membre ».

2.   L’encadrement européen doit s’adapter au contexte de crise

a.   L’allègement du programme de stabilité français pour 2021

Le programme de stabilité, traditionnellement remis en avril de l’exercice en cours, comporte classiquement de nombreuses informations sur les perspectives budgétaires. En particulier, il a vocation à actualiser la trajectoire des finances publiques de la LPFP 2018-2022, ce qui donne un point de comparaison actualisé au moment du DOFP.

Le programme de stabilité publié en avril 2020 indique d’emblée, dans son introduction, que « du fait de lincertitude particulièrement forte, le programme de stabilité davril 2020 se concentre sur la réponse directe à la crise actuelle et sur lannée 2020 uniquement, conformément aux lignes directrices édictées par la Commission européenne dans ses lignes directrices du 6 avril 2020 ».

Les perspectives macroéconomiques pour 2021 sont donc présentées de façon synthétique, sans chiffrage prospectif qui n’aurait guère eu de sens au vu de l’ampleur des aléas qui caractérisaient alors, plus encore qu’aujourd’hui, la fin de l’exercice 2020.

L’actualisation de la trajectoire des finances publiques pour 2021 et 2022 n’y est pas présentée non plus, pour les mêmes raisons.

En outre, la publication du programme de stabilité donne habituellement au Gouvernement l’occasion de faire une déclaration au Parlement sur le projet de programme de stabilité, suivi d’un vote sur cette déclaration. En 2020, ce débat n’a pas eu lieu, puisqu’y fut substituée la discussion du deuxième projet de loi de finances rectificative, concomitante à la publication du programme de stabilité.

Le programme national de réforme pour 2020 a également été transmis, au mois de mai, à la Commission européenne. Il porte sur la période entre mars 2019 et mars 2020, donc avant que la crise sanitaire ne produise ses premiers effets massifs en France, et s’attache à décrire les premières mesures de réponse à la crise mais également l’impact des réformes mises en œuvre depuis 2017, soit :

– un marché du travail du travail plus dynamique, soutenu par un droit du travail plus simple, un système de formation professionnelle rénové et un investissement massif dans les compétences ;

– un modèle social fortement redistributif, rénové pour assurer une plus grande égalité d’opportunité et de destin ;

– une économie plus compétitive grâce à une baisse des cotisations sur le travail et un environnement des entreprises simplifié et sécurisé ;

– des mesures de soutien à l’investissement et à l’innovation pour améliorer la compétitivité et dynamiser les gains de productivité ;

– un renforcement de l’attractivité du territoire.

b.   Le maintien de la surveillance des orientations des finances publiques nationales

Le 20 mai 2020, le Conseil a adopté ses recommandations concernant la France, à partir des propositions de la Commission européenne. Celle-ci a construit ses préconisations autour de la notion de « durabilité compétitive », fondée sur quatre piliers : la stabilité, l’équité, la viabilité environnementale et la compétitivité.

Les recommandations du Conseil concernant le programme national de réforme
de la France pour 2020 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2020

Le Conseil recommande que la France s’attache, en 2020 et 2021 :

– compte tenu de l’activation de la clause dérogatoire générale, à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre la pandémie, stimuler l’économie et soutenir la reprise qui s’ensuivra ; lorsque la situation économique le permettra, à mener des politiques budgétaires visant à parvenir à des positions budgétaires à moyen terme prudentes et à garantir la soutenabilité de la dette, tout en renforçant les investissements ; à renforcer la résilience du système de santé en garantissant un approvisionnement adéquat en produits médicaux indispensables et une répartition équilibrée des professionnels de la santé, et en investissant dans la santé en ligne ;

– à atténuer les conséquences de la crise sur le plan social et de l’emploi, notamment en promouvant l’acquisition de compétences et un soutien actif pour tous les demandeurs d’emploi ;

– à garantir une mise en œuvre effective des mesures de soutien à la liquidité des entreprises, en particulier pour les petites et moyennes entreprises ; à mettre en œuvre le plus rapidement possible et en priorité les projets d’investissement public parvenus à maturité et à promouvoir des investissements privés afin de favoriser la reprise économique ; à concentrer les investissements sur la transition verte et numérique, en particulier sur les transports durables, une production et une consommation d’énergie propre et efficace, les infrastructures énergétiques et numériques, ainsi que la recherche et l’innovation ;

– à continuer à améliorer l’environnement réglementaire, à réduire les charges administratives pesant sur les entreprises et à simplifier le système fiscal.

Ces recommandations sont de nature qualitative et s’écartent des obligations budgétaires qui s’appliquent normalement. Néanmoins, le Conseil considère que, lorsque les conditions économiques le permettront, « les politiques budgétaires devraient viser à parvenir à des positions budgétaires à moyen terme prudentes et à garantir la soutenabilité de la dette, tout en renforçant les investissements ».

La surveillance budgétaire continue ainsi de s’exercer. En avril 2020, le Conseil a d’ailleurs adopté une recommandation ouvrant la procédure pour déficit excessif à l’encontre de la Roumanie, dont la « stratégie budgétaire » pour 2020-2022 comprenait un objectif de déficit public supérieur à la référence de 3 % sur toute la durée de prévision. La loi établissant cette stratégie budgétaire a été adoptée fin décembre 2019, avant le déclenchement de la crise sanitaire. Le pays doit, selon le Conseil de l’Union européenne, mettre fin à cette situation d’ici 2022 au plus tard ([50]).

E.   LA NÉCESSAIRE RÉVISION DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

L’encadrement budgétaire européen n’est pas suspendu mais fait l’objet d’un assouplissement concernant l’appréciation des politiques budgétaires menées depuis le déclenchement de la crise sanitaire.

Inévitablement, la sortie de la clause dérogatoire générale sera envisagée à terme, alors que les finances publiques de la France resteront très dégradées – au moins en 2021 – eu égard aux règles qui pourraient de nouveau alors s’appliquer. La prévision de déficit à – 6,7 % du PIB et le ratio de dette publique qui atteindrait 117,5 % du PIB s’éloignent sensiblement tous deux des références du pacte de stabilité et de croissance (3 % et 60 % respectivement). En tout état de cause, la trajectoire d’ajustement que la France doit réaliser pour atteindre ces objectifs est définitivement caduque.

La question de la révision des règles européennes d’encadrement des finances publiques nationales est posée. Lors de son audition en commission des finances à propos de l’avis du Haut conseil sur troisième projet de loi de finances rectificatives pour 2020, M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil, considérait ainsi que « Le système devra être repensé après cette pandémie, compte tenu des traces durables quelle laissera sur le paysage des finances publiques : il nest plus possible de rester accrochés aux ancres de Maastricht, il faut engager dès maintenant le débat sur la révision du pacte de stabilité et de croissance […]

« Le pacte de stabilité et de croissance doit dabord être plus lisible. Or il est terriblement complexe. Ensuite, il doit être intelligent et pas automatique : si lon est incapable dapporter des éléments dintelligence collective ou de jugement, on risque daboutir à des décisions parfaitement contre-productives. Enfin, il doit être sérieux tout en étant de nature à soutenir la croissance dans une période où nous en aurons besoin pour nos économies et pour lemploi ».

Le secrétaire d’État aux affaires européennes a quant à lui déclaré qu’« on ne peut pas imaginer remettre en place le même pacte de stabilité et de croissance […] Nous sommes dans une période où il faudra, encore plus quavant la crise, investir pour nos économies » ([51]).

La Commission avait elle-même initié, le 5 février, un réexamen de la gouvernance économique de l’UE et un débat sur son avenir, en application des dispositions des paquets législatifs « six-pack » et « two-pack » qui imposent à la Commission de procéder tous les cinq ans à ce réexamen et d’établir un rapport sur leur application. Cette revue devait permettre d’évaluer l’efficacité du cadre de surveillance économique au regard de trois grands objectifs :

– assurer la viabilité des finances publiques et une croissance économique durable, et prévenir les déséquilibres macroéconomiques ;

– permettre une coordination plus étroite des politiques économiques ;

– promouvoir la convergence des performances économiques des États membres.

Les règles du pacte de stabilité, affinées au fil des années, auraient eu des effets positifs selon la Commission européenne qui souligne que, début 2020, aucun État membre n’est soumis à la procédure pour déficit excessif, contre 24 en 2011. Par ailleurs, le déficit public a diminué de 6,4 % en 2010 à 0,9 % en 2019. Enfin, le taux de chômage a décru de 9,7 % à 6,2 % pendant la même période.

Conclusions du réexamen des règles de gouvernance économique de l’UE

Le réexamen conclut que le cadre de surveillance a soutenu la correction des déséquilibres macroéconomiques existants et le désendettement public, choses qui ont, à leur tour, contribué à créer les conditions d’une croissance durable, plus résiliente et moins vulnérable aux chocs économiques. Il a également favorisé une convergence soutenue des performances économiques des États membres et une coordination plus étroite des politiques budgétaires au sein de la zone euro. Ces règles sont d’autant plus importantes que, en l’absence d’une capacité centrale de stabilisation, la possibilité de diriger l’orientation budgétaire de l’ensemble de la zone euro repose exclusivement sur la coordination des politiques budgétaires nationales.

Cependant, certains États membres conservent une dette publique élevée, tandis que l’orientation budgétaire au niveau national a souvent été procyclique. En outre, la composition des finances publiques n’est pas devenue plus propice à la croissance, les gouvernements nationaux ayant régulièrement préféré augmenter les dépenses courantes plutôt que préserver l’investissement.

Enfin, le cadre budgétaire est devenu excessivement complexe, parce qu’il poursuit de nombreux objectifs, tout en devant tenir compte d’un large éventail de scénarios possibles. À ce degré de complexité, il a perdu en transparence et en prévisibilité, il est devenu plus difficilement communicable et moins propre à emporter l’adhésion politique.

Source : Commission européenne, communiqué de presse du 5 février 2020, « La Commission présente un réexamen de la gouvernance économique de l’UE et lance un débat sur son avenir »

Ces conclusions pourront être revues et débattues, une fois la crise sanitaire stabilisée, au regard des politiques budgétaires très expansionnistes menées par les États membres et recommandées par les institutions européennes, qui ont contribué à une forte dégradation des comptes publics. Les trois objectifs présentés ci-dessus restent néanmoins valables mais pourraient être complétés par un quatrième sur le financement de la transition écologique et numérique ainsi qu’un cinquième concernant la simplicité et la lisibilité des règles adoptées.

II.   LES PLANS DURGENCE ET DE RELANCE DE LUNION EUROPÉENNE

A.   LES MESURES DURGENCE

1.   Les mesures de soutien budgétaires

L’action de l’Union européenne ne s’est toutefois pas cantonnée à des aménagements juridiques, même si ces derniers étaient nécessaires. L’Union a en effet mis en œuvre plusieurs mesures de soutien dans le cadre de la crise sanitaire et économique, en particulier un paquet de 540 milliards d’euros décliné en trois volets :

 240 milliards deuros dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité (MES), au titre de prêts aux États membres, le déblocage des fonds se faisant sans conditionnalité sils sont utilisés pour le financement des coûts directs et indirects des soins de santé, de guérison et de prévention face à la pandémie ;

 100 milliards deuros dans le cadre du programme SURE (« Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency ») au titre du soutien des mesures prises en matière dactivité partielle ;

 200 milliards deuros mobilisés par effet de levier à partir du fonds paneuropéen de garantie de 25 milliards deuros créé par la Banque européenne dinvestissement (BEI).

L’Union et ses États membres ont mobilisé des ressources pour un total de l’ordre de 4 200 milliards d’euros selon les données publiées par la Commission européenne présentées dans le tableau suivant.

Synthèse de la réponse économique européenne
À la crise liée au covid-19

(en milliards d’euros)

Mesure

Montant

Mesures nationales de liquidités
(incluant celles prises dans le cadre de lassouplissement des règles daide dÉtat)

3 045

Mesures nationales prises dans le cadre de l’assouplissement des règles budgétaires

575

Mécanisme européen de stabilité

240

Financement d’investissements par la BEI

200

Programme SURE

100

Soutien budgétaire européen direct

70

Total

4 230

Source : Commission européenne.

2.   Le programme d’achat d’urgence pandémique de la BCE

La Banque centrale européenne (BCE) a, elle aussi, mis en œuvre une réponse massive aux besoins nés de la crise.

Dès le 18 mars 2020, la BCE a ainsi lancé le programme d’achat d’urgence pandémique, ou PEPP (pour « Pandemic Emergency Purchase Programme ») lui permettant d’acheter des actifs à hauteur de 750 milliards d’euros.

Le 4 juin 2020, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé une extension significative du PEPP, notamment à travers une augmentation de 600 milliards d’euros de l’enveloppe du programme ([52]). Cette décision a pour effet de porter le PEPP à un total de 1 350 milliards d’euros.

La décision de la Cour constitutionnelle allemande du 5 mai 2020
sur les programmes d’achat de titres de la BCE

Les mesures prises par la BCE, en particulier le PEPP, ont reçu au début du mois de mai dernier une attention particulière à la suite d’une décision rendue par la Cour constitutionnelle allemande (« Bundesverfassungsgericht », ou BVerfG) considérant que le programme d’achat de dettes publiques (« Public Sector Purchase Programme », ou PSPP) était disproportionné par rapport à ses effets et excédait ainsi les compétences dévolues à l’institution (1).

La BVerfG, dans un communiqué de presse en anglais paru le 5 mai 2020 (2), a pris soin d’indiquer que sa décision ne concernait pas les mesures d’assistance prises par l’Union européenne ou la BCE dans le cadre de la crise liée au coronavirus.

La BCE, le jour même, a indiqué dans un communiqué avoir pris note de la décision de la cour allemande, ajoutant qu’elle continuerait à prendre toutes les mesures nécessaires à l’exercice de son mandat (3). Elle a également rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait déjà jugé, en 2018, que l’action de la BCE dans le cadre du PSPP relevait bien de son mandat en matière de stabilité des prix (4).

La CJUE, quant à elle, a rappelé le 8 mai 2020 qu’elle était seule compétente pour constater qu’un acte d’une institution de l’Union européenne était contraire au droit de l’Union – ce, afin de garantir l’application uniforme de ce dernier –, et que ses décisions rendues à titre préjudiciel lient le juge national quant à la solution à donner au litige (5).

(1) BVerfG, jugement du second sénat, 5 mai 2020, affaires 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15 et 2 BvR 980/16 (lien en allemand ; lien en anglais).

(2) BVerfG, La décision de la BCE sur le programme dachat de dettes publiques excède les compétences de lUnion européenne, communiqué de presse du 5 mai 2020 (lien en allemand ; lien en anglais).

(3) BCE, communiqué de presse, 5 mai 2020.

(4) CJUE, grande chambre, 11 décembre 2018, Henrich Weiss e.a., Bernd Lucke e.a., Peter Gauweiler e.a., Johann Heinrich von Stein e.a., C-493/17.

(5) CJUE, Communiqué de presse à la suite de larrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 5 mai 2020,  58-20, 8 mai 2020.

B.   LAVANCÉE DÉCISIVE DUN PLAN DE RELANCE EUROPÉEN FINANCÉ PAR LÉMISSION DUNE DETTE COMMUNE

1.   L’émission de dette commune pour financer les plans de relance des États membres

a.   L’émission de 750 milliards d’euros de dette commune

Le Conseil européen de juillet 2020 a entériné la proposition d’autoriser la Commission européenne à emprunter, au nom de l’Union, les fonds nécessaires pour « relever les défis posés par la pandémie de Covid-19 » ([53]).

L’instrument « Next Generation EU » serait financé par des émissions obligataires à hauteur de 750 milliards d’euros, répartis entre 390 milliards d’euros de subventions et 360 milliards d’euros de prêts. Les plans de relance nationaux seraient financés par une « Facilité pour la reprise et la résilience », dotée de 672,5 milliards d’euros.

Actions financées par l’émission obligataire de la Commission européenNe

Instrument

Objectif

Milliards d’euros constants

Facilité pour la reprise et la résilience

Principal instrument du plan de relance européen destiné à financer les plans de relance des États membres

360 milliards de prêts

312,5 milliards de subventions

REACT-EU

Instrument de cohésion économique des pays de l’Union

47,5

Horizon Europe

Programme européen de recherche et d’innovation

5

InvestEU

Outil de mobilisation de l’investissement public et privé

5,6

Développement rural

Instrument de la politique agricole commune (PAC) de nature environnementale et sociale

7,5

Fonds pour une transition juste

Outil d’accompagnement des mutations économiques et industrielles liées à la transition écologique

10

RescEU

Mécanisme européen de protection civile

1,9

Total

750

Source : relevé de conclusions du Conseil européen de juillet 2020.

Les conclusions de la réunion du Conseil européen de juillet expriment un compromis politique sur les caractéristiques de l’instrument de dette commune mais n’ont pas de valeur juridique. Elles constituent néanmoins un accord de haut niveau qui guide les négociations entre institutions européennes.

● Concernant l’autorisation donnée à la Commission européenne d’emprunter sur les marchés, les conclusions du Conseil européen indiquent que :

– l’ensemble des émissions obligataires doivent avoir été réalisées d’ici 2026 ;

– le remboursement sera programmé de manière à garantir la réduction constante et prévisible des engagements jusqu’au 31 décembre 2058. Les montants non utilisés pour payer des intérêts comme prévu serviront à des remboursements anticipés avant la fin du CFP 2021-2027 ;

– les montants dus par l’Union au cours d’une année donnée pour le remboursement du principal ne dépassent pas 7,5 % du montant maximal de 390 milliards d’euros prévus pour les subventions.

● L’accord adopte également un calendrier resserré pour les versements, en particulier ceux prévus pour la Facilité pour la reprise et la résilience :

– les engagements juridiques de l’ensemble du programme doivent être pris d’ici au 31 décembre 2023. Les paiements correspondants seront effectués au plus tard le 31 décembre 2026 ;

– 70 % des subventions seraient engagées en 2021 et 2022, le reste d’ici la fin 2023. Le volume maximal des prêts pour chaque État membre ne doit pas, en principe, excéder 6,8 % du revenu national brut (RNB) de l’État bénéficiaire ;

– l’allocation des subventions se ferait selon une clé de répartition prenant en compte la population des États membres, l’inverse du PIB par habitant et le taux d’emploi relatif pour la période 2015-2019 ([54]).

Ces paramètres peuvent évoluer au cours de la négociation entre institutions européennes.

b.   La suite de la procédure pour les États membres

Afin de bénéficier des fonds européens, les États membres devront élaborer un plan pour la reprise et la résilience établissant un programme de réforme et d’investissement pour les années 2021-2023 ([55]).

Ces plans seraient ensuite transmis à la Commission d’ici au 30 avril 2021, en annexe au programme national de réformes. Les États membres pourraient néanmoins déposer une version provisoire de ce plan en même temps que leur projet de budget, donc avant le 15 octobre 2020.

La Commission disposerait alors de deux mois pour les évaluer au regard des critères de recommandations par pays, ainsi que de renforcement du potentiel de croissance, de la création d’emplois et de la résilience économique et sociale, en plus d’une contribution effective à la transition verte et numérique.

L’évaluation des plans nationaux proposée par la Commission seraient ensuite approuvée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée.

2.   Qui va payer ?

a.   Créer de nouvelles ressources propres

Dans sa résolution adoptée à propos des conclusions du Conseil européen de juillet 2020, le Parlement européen rappelle qu’il n’existe que trois possibilités concernant le remboursement de l’instrument de relance : effectuer des coupes au sein des programmes budgétaires jusqu’en 2058, augmenter les contributions des États membres et créer de nouvelles ressources propres.

Le Parlement considère que cette troisième option est la seule envisageable, afin « de contribuer au remboursement de la dette de lUnion tout en sauvant le budget de lUnion et en allégeant la pression fiscale qui pèse sur les finances nationales et les citoyens de lUnion » ([56]).

La position adoptée par le Conseil européen invite effectivement la Commission européenne à introduire de nouvelles ressources propres :

– une contribution nationale sur les emballages plastiques non recyclés sera mise en place à partir du 1er janvier 2021. Elle sera composée d’une contribution nationale calculée en fonction du poids des déchets d’emballage plastique non recyclés (0,80 euro par kilogramme). Cette nouvelle ressource pourrait rapporter 7 milliards d’euros par an ([57]). La France devrait acquitter 1 219 millions d’euros en 2021 au titre de cette contribution, ce qui se traduit par une augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ([58]) ;

– la Commission est invitée à travailler à des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (entre 5 et 14 milliards d’euros par an) et à une redevance numérique (1,3 milliard par an), qui doivent être introduites au plus tard au 1er janvier 2023.

La Commission doit également proposer une révision du système d’échange de quotas d’émission (SEQE), qui couvre actuellement les émissions de dioxyde de carbone, de protoxyde d’azote et des perfluocarbones, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime. Cette mesure pourrait rapporter 10 milliards d’euros par an, mais aucun calendrier n’est fixé.

Enfin, l’Union doit s’efforcer de mettre en place d’autres ressources propres au cours du prochain CFP, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières.

Ces nouvelles ressources pourraient représenter, en retenant les hypothèses les plus favorables, un total de 125,5 milliards d’euros sur les sept années du prochain CFP ([59]).

Le produit des nouvelles ressources propres introduites après 2021 sera utilisé pour le remboursement anticipé des emprunts contractés pour l’instrument Next Generation EU.

La proposition de la Commission européenne relative à l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) n’a pas été reprise dans les conclusions du Conseil européen. Celle-ci estimait le rendement de cette assiette, associée à un taux d’appel de 3 %, à 12 milliards d’euros par an sur la période 2021‑2027 ([60]).

L’objectif de ces nouvelles ressources propres serait de rembourser l’emprunt à partir de prélèvements sur des bases taxables encore peu mises à contribution, ou qui porte sur des activités contraires aux objectifs climatiques de l’Union.

b.   Augmenter les contributions nationales

En l’absence de nouvelles ressources propres qui couvriraient l’ensemble des montants empruntés, les États membres seraient amenés à augmenter leurs contributions au titre du revenu national.

Cette solution aurait un impact particulièrement important pour la France, alors que le Conseil européen de juillet 2020 a acté une augmentation conséquente des rabais accordés à certains États membres. Dès 2021, la contribution française au budget de l’Union européenne augmenterait de 700 millions d’euros afin de financer les réductions de contributions négociées par certains États membres.

Réductions forfaitaires des contributions nationales

(en millions d’euros)

 

Rabais CFP 2014-2020*

Rabais CFP 2021-2027

Augmentation

Allemagne

3 358

3 671

9 %

Pays-Bas

1 510

1 921

27 %

Suède

693

1 069

54 %

Danemark

141

377

167 %

Autriche

132

565

328 %

* Sur le CFP 2014-2020, le chiffre agrège les différents « rabais » au titre de la ressource RNB, de la correction liée au financement du rabais britannique et des taux réduits de TVA dont certains de ces pays bénéficiaient.

Source : Commission européenne, document de travail « Financing the EU budget : report on the operation of the own resources system » mai 2018 et conclusions du Conseil européen de juillet 2020.

Ainsi, si le remboursement des sommes empruntées au titre de l’instrument Next Generation EU se fait, en l’absence de nouvelles ressources propres, par l’augmentation de la contribution RNB, la France pourrait être amenée à contribuer à hauteur de 55,9 milliards d’euros ([61]).

C.   LES INCERTITUDES LIÉES AUX PROCHAINES ÉCHÉANCES

1.   L’adoption du prochain cadre financier pluriannuel

L’accord trouvé au sein du Conseil européen de juillet porte également sur le cadre financier pluriannuel (CFP), outil de programmation budgétaire juridiquement contraignant de l’Union. Cet accord diffère de la proposition présentée par la Commission européenne en mai 2018.

Comparaison entre la proposition de la Commission et l’accord trouvÉ en Conseil européen

(montants en milliards d’euros de 2018)

Politiques

Proposition Commission

Accord Conseil européen

Évolution

CFP

NGEU

Total

CFP

NGEU

Total

Marché unique, innovation et numérique

140,7

69,8

210,5

132,8

10,6

143,4

 32 %

  dont Horizon Europe

80,9

13,5

94,4

75,9

5

80,9

– 14 %

  dont Fonds InvestEU

1,3

30,3

31,6

2,8

5,6

8,4

– 73 %

  dont instrument de solvabilité**

 

26

26

Disparaît

Cohésion et valeurs

374,5

610

984,5

377,8

720

1 097,8

12 %

  dont REACT-EU

 

50

50

 

47,5

47,5

– 5%

  dont Facilité pour la reprise et la résilience

0,8

560

560,8

 

672,5

672,5

20 %

prêts

 

250

250

 

360

360

44 %

subventions

 

310

310

 

312,5

312,5

– 11 %

Ressources naturelles et environnement

357

45

402

356,4

17,5

373,9

 7 %

  dont politique agricole et maritime

340,2

15

355,2

n.d.

7,5

n.d.

n.d.

dont paiements liés à la PAC

258,3

 

258,3

258,6

 

258,6

0,1 %

  dont Fonds pour une transition juste

10

30

40

7,5

10

17,5

– 56 %

Migration et gestion des frontières

31,1

 

31,1

22,7

 

22,7

 27 %

Résilience, sécurité et défense

19,4

9,7

29,1

13,2

1,9

15,1

 48 %

  dont mécanisme de protection civile de lUnion (rescEU)

1,1

2

3,1

n.d.

1,9

n.d.

n.d.

dont programme de santé

1,7

7,7

9,4

Disparaît

Voisinage et monde

102,7

15,5

118,2

98,4

 

98,4

 17 %

  dont instrument de voisinage, de coopération et développement et de coopération internationale

75,5

10,5

86

70,8

 

70,8

– 18 %

  dont aide humanitaire

9,8

5

14,8

9,8

 

9,8

– 34 %

Administration publique européenne

74,6

 

74,6

73,1

 

73,1

 2 %

Total

1 100

750

1 850,0

1 074,3

750,0

1 824,3

 1 %

N.B. : seuls les instruments abondés par Next Generation EU (NGEU) ont été indiqués. Aussi, la somme des sous-totaux ne correspond pas au montant des rubriques indiquées en gras.

* Cet instrument de solvabilité proposé par la Commission devait venir soutenir les entreprises en difficulté. Il n’a pas été retenu au sein de l’accord en Conseil européen.

Source : commission des finances.

Le cadre financier pluriannuel doit encore être approuvé par le Parlement européen. Au mois de septembre 2020, il fait encore l’objet de trilogues entre la Commission européenne, le Conseil de l’Union et le Parlement européen.

2.   La révision de la décision ressources propres

La mise en œuvre du plan de relance implique une modification du règlement sur les ressources propres ([62]) afin de relever temporairement le montant des plafonds de ces ressources propres de 0,6 point de pourcentage.

Le plafond des ressources propres détermine en effet le montant maximum de ressources pour une année donnée qui peut être demandé aux États membres pour financer les dépenses de l’UE. Le plafond des paiements, quant à lui, est le montant maximum pouvant être décaissé. La différence entre ces deux plafonds constitue la marge de manœuvre, que la Commission européenne utilise comme garantie de l’emprunt. L’augmentation du plafond des ressources propres doit permettre d’accroître cette marge de manœuvre afin que la Commission puisse bénéficier des conditions les plus favorables pour ses émissions obligataires.

Cependant, la révision de la décision sur les ressources propres implique une procédure lourde, conformément à l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : adoption à l’unanimité du Conseil de l’Union après consultation du Parlement européen, puis approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Cela implique la ratification par 18 parlements nationaux, ainsi que par certains parlements régionaux.

Dès lors, un État membre peut bloquer la procédure de révision de la décision sur les ressources propres, que ce soit au niveau du Conseil ou, par la suite, au moment de la ratification par des parlements nationaux ou régionaux.

Le Parlement européen est simplement consulté dans le cadre de cette procédure. Il a néanmoins indiqué que, sans accord sur la réforme du système de ressources propres de l’Union et la création d’un ensemble de nouvelles ressources propres d’ici la fin du CFP 2021-2027 couvrant au moins les coûts en principal et intérêts liés à l’instrument « Next Generation EU », il n’approuverait pas le projet de cadre financier pluriannuel.

Le Parlement souhaite également l’adoption d’un calendrier légalement contraignant pour l’introduction de ces nouvelles ressources propres d’ici la fin de la période de programmation. Ce calendrier contraignant pourrait concerner la mise en place de la révision du SEQE, de la taxe sur les transactions financières et de l’ACCIS.

3.   Le mécanisme relatif à l’état de droit

Le relevé de conclusion de la réunion du Conseil de juillet souligne « limportance que revêt la protection des intérêts financiers de lUnion » et « limportance que revêt létat de droit ».

La mise en place d’un mécanisme destiné à protéger le budget de l’Union lorsqu’il existe une menace systémique pour les valeurs consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) est un sujet de débat sur le prochain CFP.

Les valeurs de l’Union de l’article 2 du TUE

L’article 2 du TUE stipule que L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le Parlement européen a fait de la mise en place d’un tel mécanisme un élément de négociation concernant le prochain cadre financier pluriannuel. Il regrette en particulier que le Conseil européen « ait considérablement affaibli les efforts de la Commission et du Parlement visant à garantir le respect de létat de droit, des droits fondamentaux et de la démocratie dans le cadre du CFP et de linstrument Next Generation EU » ([63]).

 

*

*     *

 

 

 


—  1  —

   FICHE  4 :
LE PLAN DE RELANCE 2021-2022

Résumé de la fiche

Présenté le 3 septembre 2020, par le Gouvernement, le plan de relance de l’économie française de 100 milliards d’euros s’appuie sur un ensemble de leviers d’intervention :

– 20 milliards d’euros de baisse d’impôts de production ;

– 78 milliards d’euros de financements directs par l’État, les organismes de sécurité sociale et le secteur financier public. Le volet budgétaire de la relance repose pour l’essentiel sur la mission Plan de relance doté de 36 milliards d’euros d’autorisations d’engagements et sur la mise en place d’un programme d’investissement d’avenir (PIA 4) doté de 11 milliards d’euros ;

– 2 milliards d’euros de garanties.

Les mesures détaillées par le Gouvernement s’articulent autour de trois axes : l’écologie, la compétitivité des entreprises et la cohésion sociale à laquelle contribue un soutien à l’emploi notamment des plus jeunes.

Pour des répercussions rapides sur l’économie, un décaissement rapide des crédits est prévu : 52 % des 100 milliards d’euros doivent avoir un effet sur le solde public en 2021. L’intégralité des 36 milliards d’euros d’autorisations d’engagement de la mission plan de relance devraient être autorisés en loi de finances initiale pour 2021.

L’impact macroéconomiques du plan de relance est évalué à 1,5 point de produit intérieur brut (PIB) pour 2021. Un dispositif de suivi et d’évaluation a été annoncé mais son contenu et son fonctionnement restent à préciser. Le Parlement devrait y être associé.

I.   UN BUDGET DE RELANCE QUI MANIE L’ARME FISCALE, L’ARME BUDGÉTAIRE ET LES EFFETS DE LEVIER

Après des mesures d’urgence ayant contribué à amortir le choc infligé à l’économie française par la crise sanitaire, le plan de relance présenté par le Gouvernement, le 3 septembre 2020, mobilise différents outils de politique économique pour continuer de soutenir ménages et entreprises et les aider à se projeter vers l’avenir.

Le plan de relance de 100 milliards d’euros présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 s’étendra sur deux ans. Il alliera baisse d’impôts, financements directs à l’économie et garanties de l’État.

Répartition du plan de relance selon les outils et les acteurs qui le financent

(en milliard d’euros)

Plan de relance

100

Minoration d'impôts

20

Baisse des impôts de production

20

Financements directs

78

État

64

Crédits engagés en 2020

15

Mission budgétaire Plan de relance

36

Programme d'investissement d'avenir (PIA 4)

11

Autres vecteurs budgétaires

2

Administrations de sécurité sociale

9

Ségur de la santé - investissement public

6

Unédic - activité partielle de longue durée

2

CNAF - majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire

1

Hors administrations publiques

5

Banque des territoires

3

Bpifrance

2

Garanties de l'État

2

Source : Dossier de presse de présentation générale du PLF pour 2021.

A.   UNE MINORATION D’IMPÔTS DE PRODUCTION DE 20 MILLIARDS D’EUROS : LA FISCALITÉ AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ

Le projet de loi de finances pour 2021 propose une baisse des impôts de production dont le coût brut pour les finances de l’État s’élève à 10 milliards d’euros par an. Sur la période 2021-2022 retenue pour le plan de relance cela représentera une minoration d’impôts de 20 milliards d’euros. La mesure sera pérenne au-delà.

L’objectif de la mesure est double : stimuler sans délai la compétitivité des entreprises françaises, notamment industrielles, et favoriser l’implantation de nouvelles activités sur le territoire.

Les impôts de production portent sur les facteurs de production des entreprises, indépendamment de leurs bénéfices (masse salariale, immobilisations, chiffre d’affaires, principalement). Ces impôts sont plus nombreux et leur montant est nettement plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l’Union européenne. Ils ont ainsi représenté 77 milliards d’euros en 2018 et 3,2 % du PIB, contre 1,6 % en moyenne dans l’Union européenne. Les entreprises industrielles supportent presque 20 % de ce poids ([64]).

Un consensus s’était dégagé avant la crise de la Covid-19 pour affirmer que ces impôts étaient particulièrement nocifs en raison des distorsions qu’ils engendraient sur les prix ([65]). Dans un contexte de crise économique, il a été estimé que ces impôts, parce qu’ils portent sur le haut du compte d’exploitation, pouvaient fragiliser davantage la trésorerie des entreprises et affecter négativement leur probabilité de survie ([66]). Le rapporteur général a complété ces constats dans son rapport d’application des mesures fiscales (RALF) consacré à la question des impôts de production en juillet 2020 ([67]) .

Le projet de loi de finances pour 2021 comporte trois mesures permettant de diminuer significativement le poids des principaux impôts production pour un total de 10 milliards d’euros par an.

Décomposition des effets budgétaires des mesures de baisse d’impôts de production du PLF 2021

(en milliards d’euros)

Impôt

Mesure

Minoration

Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

Réduction de moitié pour toutes les entreprises redevables, soit la suppression de la part affectée aux régions.

7,2

Taxe foncière sur les propriétés bâties acquittée par les entreprises (TFPB)

Modernisation des paramètres de la méthode comptable d’évaluation servant au calcul des impôts fonciers de la plupart des établissements industriels (32 000 entreprises exploitant 86 000 établissements).

1,8

Cotisation foncière des entreprises (CFE)

1,5

Total

 

10,5

Source : Dossier de presse de présentation générale du PLF pour 2021

D’après les estimations communiquées par le Gouvernement ([68]) , la baisse des impôts profitera pour 41 % aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), à 33 % aux PME et TPE à 26 % aux grandes entreprises. Les deux principaux secteurs bénéficiaires seraient celui de l’industrie (37 % du gain) – qui représente 14 % de la valeur ajoutée nationale – et celui du commerce (15 % du gain).


RÉpartition du bÉnÉfice de la baisse des impôts de production selon la taille des entreprises

Source : Dossier de presse de présentation générale du PLF pour 2021

Sans que leurs conséquences soient comptabilisées dans les 100 milliards d’euros du plan de relance, le présent projet de loi de finances comporte une série de mesures fiscales qui vont dans le sens d’un soutien aux entreprises : neutralisation temporaire des conséquences fiscales des réévaluations libres d’actifs des entreprises, rétablissement temporaire du dispositif d’étalement de la plus-value réalisée lors d’une opération de cession-bail d’immeuble par une entreprise, suppression progressive de la majoration de 25 % appliquée à certains revenus des professionnels non adhérents d’un organisme de gestion agréé (OGA) ou assimilé.

B.   78 MILLIARDS D’EUROS DE FINANCEMENTS DIRECTS POUR DES MESURES DE SOUTIEN ET D’INVESTISSEMENT

Le soutien budgétaire à l’économie rassemble la majeure partie des moyens consacrés au plan de relance. Il sera porté par l’État à hauteur de 64 milliards d’euros, par les organismes de sécurité sociale pour 9 milliards d’euros et par une mobilisation de 5 milliards d’euros des fonds propres de la Banque des territoires et Bpifrance. Ils financeront les volets de soutien et d’investissement des trois priorités fixées par le Gouvernement : écologie, compétitivité et cohésion sociale.

1.   Les crédits budgétaires de l’État sont majoritaires

Les 64 milliards d’euros de crédits portés par l’État se répartissent entre la mission Plan de relance, les autres missions budgétaires classiques et la mission Investissement d’avenir qui accueillera un nouveau plan d’investissement d’avenir (PIA 4).

a.   La mission Plan de relance

La mission Plan de relance est construite autour de trois programmes dont la responsabilité incombe à des sous-directeurs de la direction du Budget :

– le programme 362 Écologie a pour objectif d’accompagner la transition vers une économie verte et durable (51 % des autorisations d’engagement – AE) ;

– le programme 363 Compétitivité a pour but de créer conditions favorables à la relocalisation d’entreprises, au développement de leurs activités, à la préservation de l'emploi des salariés ainsi que d’amplifier la modernisation de l’État (16 % des AE) ;

– le programme 364 Cohésion a pour objectif de promouvoir la cohésion territoriale et sociale notamment en soutenant l’emploi (33 % des AE).

Les actions de la mission reprennent les mesures du plan de relance présentées le 3 septembre. Pour chaque mesure, le Gouvernement a publié, un document rassemblant des fiches détaillant les politiques publiques menées et les indicateurs associés, les territoires bénéficiaires, le coût et le financement prévus ([69]).

Les autorisations d’engagement (AE) de la mission Plan de relance qui s’élèvent à 36,4 milliards d’euros seront intégralement autorisées par la loi de finances initiale pour 2021. Les ouvertures de crédits de paiement (CP) seraient étalées dans le temps selon le calendrier présenté au II de la présente fiche. Le tableau ci-dessous récapitule la ventilation des crédits envisagée pour 2021.

Répartition par action des AE et CP de la mission plan de relance pour le PLF 2021

(en millions d’euros)

 

AE 2021

Part de la mission

CP 2021

Part de la mission

Programme 362 – Écologie

18 358

50 %

6 586

30 %

action 1 – Rénovation thermique

6 295

17 %

2 825

13 %

action 2 – Biodiversité, lutte contre l'artificialisation

1 250

3 %

427

2 %

action 3 – Décarbonation de l’industrie

1 000

3 %

281

1 %

action 4 – Économie circulaire et circuits courts

500

1 %

84

0 %

action 5 – Transition agricole

1 124

3 %

390

2 %

action 6 – Mer

250

1 %

45

0 %

action 7 – Infrastructures et mobilité vertes

3 607

10 %

1 300

6 %

action 8 – Technologies vertes

3 732

10 %

911

4 %

action 9 – Dotation régionale d'investissement

600

2 %

324

 

Programme 363 – Compétitivité

6 004

17 %

3 996

18 %

action 1 – Financement des entreprises

904

2 %

757

3 %

action 2 – Souveraineté technologique / résilience

1 567

4 %

923

4 %

action 3 – Plan de soutien à l’export

104

0 %

70

0 %

action 4 – Mise à niveau numérique de l'État, des territoires et des entreprises

1 829

5 %

1 110

5 %

action 5 – Culture

1 600

4 %

1 095

5 %

action 6 – Commandes militaires

0%

42

0%

Programme 364 – Cohésion

11 997

33 %

11 410

52 %

action 1 – Sauvegarde de l’emploi

4 988

14 %

4 988

23 %

action 2 – Jeunes

3 466

10 %

4 179

19 %

action 3 – Handicap

100

0 %

93

0 %

action 4 – Formation professionnelle

1 476

4 %

1 314

6 %

action 5 – Recherche

428

1 %

286

1 %

action 6 – Coopération sanitaire

50

0 %

50

0 %

action 7 – Cohésion territoriale

1 290

4 %

413

2 %

action 8 – Soutien aux personnes précaires

200

1 %

87

0 %

Total mission

36 359

100 %

21 992

100 %

Source : projet annuel de performance

Au total, pour l’ensemble de la mission, la différence de 3,3 milliards d’euros entre AE et CP. Le Gouvernement n’a pas fourni d’explication détaillée de cet écart au rapporteur général. Il s’expliquerait par l’ouverture d’autorisations d’engagement en lois de finances rectificative pour 2020 ou par des ouvertures sur d’autres missions.

b.   Les crédits des missions budgétaires classiques.

D’autres missions budgétaires portent des crédits intégrés au plan de relance à hauteur de 15,1 milliards d’euros en AE et 12,5 milliards d’euros en CP (hors PIA 4) d’après des informations fournies par le Gouvernement. Le détail et la date d’ouverture de ces crédits n’ont pas été communiqués.

c.   Le PIA 4

Il est proposé d’ouvrir 11,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagements (AE) en 2021 sur le programme d’investissement d’avenir 4 (PIA 4). La taille cible de ce nouveau PIA est de 20 milliards d’euros sur cinq ans.

Mesures du plan de relance financÉes par le PIA4

(en milliard d’euros)

Action du plan de relance

AE

Innover pour la transition écologique

3,4

Investissements prioritaires pour la souveraineté

2,6

Soutenir les écosystèmes denseignement supérieur

2,5

Soutien aux entreprises innovantes

2,0

Stratégie numérique pour les industries culturelles et créatrices

0,4

Soutien en fonds propres dans le cadre du plan Climat

0,5

Total

11,4

Source : commission des finances d’après le dossier de presse du plan de relance du 3 septembre 2020 (lien).

Le PIA 4 sera composé de deux nouveaux programmes au sein de la mission Investissement d’avenir. Sur les 20 milliards d’euros du PIA 4, les trois premières années ont été intégrées au plan de relance afin de permettre le financement d’innovations en matière de transition écologique (3,4 milliards d’euros), d’investissements prioritaires pour la souveraineté – technologie quantique, cybersécurité, santé – (2,6 milliards d’euros), d’entreprises innovantes (2 milliards d’euros), d’écosystèmes d’innovation de l’enseignement supérieur et de la recherche (2,5 milliards d’euros), de la transformation numérique des industries culturelles et créatrices (0,5 milliard d’euros) et des fonds propres d’entreprises dans le cadre du Plan climat de Bpifrance.

Les deux dernières années du PIA 4, hors plan de relance, auront vocation à financer les nouvelles stratégies d’accélération entérinées par la nouvelle gouvernance du PIA, ainsi qu’à prolonger les aides aux entreprises innovantes et aux écosystèmes d’innovation.

Plan de relance et aides d’État

Pour affronter la crise de la Covid-19, les États peuvent soutenir davantage les entreprises grâce à un assouplissement temporaire du cadre régissant le recours aux aides d’État.

Sauf exception, les aides d’État sont interdites et sanctionnées par le droit européen (article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou TFUE) en raison de l’atteinte qu’elles portent aux principes de libre concurrence du marché intérieur.

En cas de « circonstances extraordinaires » ou de « perturbations graves », ce même article permet un assouplissement des règles. Dès le 19 mars et à plusieurs reprises ensuite, la Commission européenne a défini un cadre temporaire de recours aux aides d’État. Il a permis aux États-membres d’octroyer des subventions, des prêts garantis par l’État (PGE) et des prêts à taux bonifiés ainsi que des aides à la lutte sanitaire, aux recapitalisations et aux start-up.

Cette possibilité a été largement utilisée, puisque la Commission estimait à plus de 2 190 milliards d’euros début juin 2020 les montants des aides d’État autorisées, en majorité sous forme de PGE et prêts à taux bonifiés.

La répartition des aides entre État est hétérogène. Elle semblerait davantage liée aux marges de manœuvre budgétaire dont disposent les États qu’aux conséquences infligées par la crise à leur économie. En montant, les aides d’État autorisées jusqu’à juillet 2020 concernent d’abord l’Allemagne (58 % du total), la France (14 %) et l’Italie (13 %). Le montant des aides publiques versées in fine peut être très inférieur, s’agissant notamment des garanties.

Au regard de l’importance des montants d’aides autorisés, des risques de distorsions de concurrence sur le marché intérieur, pouvant conduire à une surenchère de subventions, sont à considérer. Il existe donc aussi un risque de divergence entre les économies de l’UE résultant de la capacité des États à financer ces aides.

Source : Banque de France, Émilie Hermet et Dorothée de Franclieu, Aides d’État et Covid–19 : un dilemme européen, Bloc‑notes Éco – billet n° 181, 25 septembre 2020 (lien).

2.   La contribution des organismes de sécurité sociale

Trois mesures du plan de relance sont portées par des organismes de sécurité sociale à hauteur de 8,6 milliards d’euros.

Les conclusions du Ségur de la santé prévoient un plan d’investissement de 19 milliards d’euros, dont 13 milliards d’euros découlent de la mesure de reprise de dette des établissements de santé déjà annoncée par le Premier Ministre en novembre 2019. 6 milliards d’euros correspondent à un nouvel effort intégré au plan de relance, qui se répartiront ainsi :

– 2,1 milliards d’euros seront consacrés, en cinq ans à la transformation, à la rénovation, à l’équipement et au rattrapage numérique dans les établissements médico-sociaux ;

– les projets hospitaliers prioritaires et les projets ville-hôpital bénéficieront d’une enveloppe de 2,5 milliards d’euros sur cinq ans ;

– 1,4 milliard d’euros en faveur de l’interopérabilité et la modernisation des outils numérique seront dépensés sur trois ans.

En outre, l’Unédic prendra en charge 2,2 milliards d’euros du financement de l’activité partielle de longue durée (APLD) ([70]) . 5,0 milliards sont demandés sur l’action 1 Sauvegarde de l’emploi du programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance pour assurer la part de financement par l’État de cette mesure.

Enfin, la majoration de 100 euros de l’allocation de rentrée scolaire, versée à 3 millions de familles en août 2020, a représenté un coût de 600 millions d’euros pour la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

3.   Des financements directs de la Banque des territoires et de Bpifrance

Les 100 milliards d’euros du plan de relance intègrent 5 milliards d’euros de soutien de la Banque des territoires et de Bpifrance, toutes deux filiales de la Caisse des dépôts et des consignations. Ce montant s’inscrit dans un plan plus large annoncé par la Caisse des dépôts.

Au titre du plan de relance, 3 milliards d’euros sont issus du plan de relance propre à la Banque des territoires. Dans le cadre du programme Action Cœur de Ville, ils seront consacrés à un programme d’investissements et de prêts pour créer 100 foncières de redynamisation territoriale, permettant la restructuration de 6 000 commerces à horizon 2025.

La contribution de la Caisse des dépôts à la relance

Annoncé le 7 septembre 2020, le plan de relance de la Caisse des dépôts mobilisera 26 milliards d’euros de fonds propres. 20 milliards seront décaissés en deux ans, et les 6 milliards resteront à mobiliser après 2022.

Quatre axes structurent ce plan d’investissement :

– la promotion de la transition écologique à hauteur de 6,3 milliards d’euros ;

– le soutien des secteurs de l’habitat et de la construction pour 11 milliards d’euros ;

 le financement des entreprises à hauteur de 8,3 milliards d’euros ;

– une contribution de 500 millions d’euros à la cohésion sociale.

À ce plan d’investissement, s’ajoute un changement de doctrine de l’utilisation de l’épargne réglementée dont résulte une enveloppe de prêts supplémentaires d’environ 12 milliards d’euros. Ce changement s’appuie sur la collecte importante de l’épargne réglementée en 2020 : sur les 85 milliards d’euros épargnés par les Français en 2020, 28,6 milliards d’euros ont été placés sur leurs livrets A et livrets de développement durable et solidaire (LDDS) dont les encours atteignent 439,5 milliards d’euros en septembre. Le Fonds d’épargne, consacré jusqu’alors quasi-uniquement au financement du logement social, connaîtra des modifications non négligeables :

– il sera en mesure de financer de nouveaux acteurs : les Agences de l’eau, de grandes fondations et associations reconnues d’utilité publique qui portent des projets liés à la transition énergétique, ou les ports maritimes ;

– les projets liés à la transition énergétique pourront faire l’objet d’un financement intégral ;

– la tarification des prêts sera plus attractive : les projets éligibles bénéficieront d’une tarification au taux du livret A majoré de 0,6 % (contre une majoration actuelle de 0,75 % à 1,3 % selon la nature du projet).

Enfin, la Banque des territoires et Bpifrance ont annoncé un plan Climat de 40 milliards d’euros mobilisés sous forme de prêts. Il visera à développer les énergies renouvelables et financer l’innovation dans les technologies vertes.

Bpifrance participera à hauteur de 2 milliards d’euros au plan de relance de l’État. Il s’agira de proposer des « produits Climat » (prêt vert, prêt économie d’énergie, intervention en fonds propres) qui constitueront des financements pour les entreprises.

C.   2 MILLIARDS D’EUROS DE GARANTIES PUBLIQUES POUR 350 MILLIARDS D’EUROS D’AUTORISATIONS D’EMPRUNT PRIVÉS

Plusieurs dispositifs exceptionnels de garantie ont été mis en place en 2020. Ces outils ont permis de protéger les entreprises du risque de liquidité particulièrement élevé durant la crise. Cet outil a également pour avantage d’offrir des effets de leviers importants.

Le plan de relance mobilise 2,3 milliards d’euros au titre de trois instruments de garanties qui se traduisent par des ouvertures de crédits sur le programme P114 Appels en garantie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État.

Garanties de l’État inscrites dans le plan de relance

(en milliards d’euros)

Type de garantie

Coût budgétaire total

PLF 2021
Programme 114

Montant des autorisations d'emprunt

Effet de levier

PGE

3,6

1,3

300

83

Garanties du fonds paneuropéen de garantie

0,94*

0,73

37,6

40

Dispositifs de réassurance publique

0,46

0,28

15

33

* Champ : quote-part française x taux de sinistralité

Source : commission des finances de l’Assemblée nationale d’après des données fournies par le Gouvernement.

Le premier dispositif est le programme de prêts garantis par l’État (PGE), prévu à l’article 6 de la loi de finances rectificatives du 23 mars 2020 ([71]), pour un plafond total autorisé de 300 milliards d’euros. Sur la base d’un montant de PGE octroyé à fin d’année de 140 milliards d’euros et d’une modélisation réalisée par la Banque de France, les pertes brutes sont à ce stade estimées à 6,4 milliards d’euros sur 2020-2026 (soit 4,6 % de l’encours total garanti). Les primes générées s’élèveraient elles à 2,9 milliards d’euros. Le taux de sinistralité nette sur toute la période considérée serait donc de 3,6 milliards d’euros. Pour le projet de loi de finances 2021, le montant inscrit sur le programme 114 à ce titre est de 1,3 milliard d’euros. Il correspond aux avances sur indemnisations versées par l’État en 2021 aux établissements prêteurs lorsque se manifeste un événement de crédit (entrée en procédure collective, restructuration de prêt, non-paiement).

L’article 33 de la loi de finances rectificatives du 30 juillet 2020 ([72]) autorise la garantie de l’État pour le Fonds paneuropéen de garantie géré par la Banque européenne d’investissement (BEI). Ce fonds est garanti à hauteur de 25 milliards d’euros par les États membres de l’Union européenne. La quote-part de garantie pour la France s’élève à 4,7 milliards d’euros. La sinistralité moyenne attendue par la BEI est de l’ordre de 20 % compte tenu de la vulnérabilité des entreprises ciblées. L’impact budgétaire attendu à ce stade en 2021 est de 0,7 milliard d’euros inscrits sur le programme 114.

Enfin, plusieurs dispositifs de réassurance publique ont également été mis en place dès le début de la crise :

– Les articles 5 et 7 ([73]) de la LFR 1 pour 2020 et l’article 34 de la LFR 3 ([74]) ont étendu les possibilités d’assurance-crédit pour les opérations à l’exportation et domestique ;

– L’article 15 de la LFR 2 pour 2020 porte de 2 à 5 milliards d’euros le plafond d’encours maximal de réassurance publique d’opérations d’assurance-crédit export.

Garanties de l’État sur les encours réassurés au titre des risques d’assurance-crédit

(en milliards d’euros)

Opérateur

Dispositif

LFI

LFR 1

LFR 2

LFR 3

Total

Bpifrance Assurance Export

Réassurance des opérations d’assurance-crédit export (CAP/CAP + Francexport)

1

2

5

5

Caisse centrale de réassurance

Réassurance des opérations d’assurance-crédit domestiques (CAP/CAP + France)

10*

8**

8

Réassurance de portefeuille (CAP Relais)

2

2

Total

15

* Champ : PME et ETI

** Champ : toutes entreprises

Source : commission des finances

La sinistralité attendue (nette des primes touchées par les administrations publiques) serait faible pour la majorité des dispositifs. Le coût budgétaire estimé pour l’ensemble de ces dispositifs est de 182 millions d’euros en 2020, puis 278 millions d’euros en 2021.

La relance monétaire

Dès le 18 mars, la Banque centrale européenne a annoncé un programme d’achat d’urgence pandémique ou Pandemic Emergency purchase programme dont l’enveloppe atteint désormais 1 350 milliards d’euros. À cet assouplissement dit quantitatif, s’est ajouté un assouplissement qualitatif pour les opérations de refinancement de long terme.

Le soutien monétaire important mis en place par la BCE permet d’assurer des conditions accommodantes de crédit sur l’horizon de prévision et ainsi d’éviter une vague massive de défauts, ce qui concourt à la résistance de l’appareil productif. Par son action, la BCE maintient également des conditions d’emprunt favorables pour l’ensemble des États de la zone euro et prévient donc un éventuel épisode de défaut public en zone euro. Ce soutien permet donc globalement d’éviter le creusement de déséquilibres, et soutient la reprise de l’activité et le rythme de retour de l’économie vers son niveau d’avant-crise.

II.   UN SÉQUENÇAGE RESSERRÉ DU PLAN DE RELANCE

Après avoir rassuré et soutenu les ménages et les entreprises lors de la période de confinement, le Gouvernement a fait le choix de les aider à se projeter vers l’avenir par le plan de relance. Le séquençage du plan de relance est donc crucial. C’est pour cela qu’il a été annoncé rapidement que le calendrier de sa mise en œuvre est resserré : 52 % des 100 milliards d’euros annoncés seront engagés d’ici la fin de l’année 2021.

Effet du plan de relance sur les dépenses publiques dans le temps

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances d’après des données transmises par le Gouvernement.

Sur la mission Plan de relance en particulier, le principe retenu par le Gouvernement est celui d’une rapidité d’engagement et d’exécution. Cela se traduit par :

– la mise en œuvre dès 2020 de dispositifs de relance (ouvertures d’AE), dont les CP pourront être accueillis et exécutés en 2021 sur la mission Plan de relance ;

– l’ouverture au terme de l’exercice 2021 de l’ensemble des autorisations d’engagement portés par la mission ;

– la possibilité de redéployer des crédits vers d’autres mesures en cas de lenteurs injustifiées dans l’exécution. Les critères de redéploiement sont en cours de.

L’objectif poursuivi est de concentrer les paiements sur 2021 puis 2022. En évoquant les paiements, ce n’est pas le versement à un tiers depuis la mission Plan de relance qui est visé mais bien le paiement au bénéficiaire final pour maximiser les effets sur l’économie réelle.

Répartition en AE et CP des crÉdits de la mission Plan de relance

(en millions d’euros)

 

AE 2021

CP 2021

CP 2022

CP 2023

CP 2024

Total CP (2021-2024)

Programme 362 – Écologie

18 358

6 586

6 113

3 618

2 672

18 989

action 1 – Rénovation thermique

6 295

2 825

2 175

725

403

6 128

action 2 – Biodiversité, lutte contre l'artificialisation

1 250

427

565

209

50

1 251

action 3 – Décarbonation de l’industrie

1 000

281

206

247

624

1 358

action 4 – Économie circulaire et circuits courts

500

84

130

114

172

500

action 5 – Transition agricole

1 124

390

483

229

99

1 201

action 6 – Mer

250

45

49

46

69

209

action 7 – Infrastructures et mobilité vertes

3 607

1 300

1 284

506

718

3 808

action 8 – Technologies vertes

3 732

911

1 221

1 542

537

4 211

action 9 – Dotation régionale d'investissement

600

324

276

 

 

 

Programme 363 – Compétitivité

6 004

3 996

2 062

423

93

6 574

action 1 – Financement des entreprises

904

757

137

 –

894

action 2 – Souveraineté technologique / résilience

1 567

923

707

201

12

1 843

action 3 – Plan de soutien à l’export

104

70

15

9

9

103

action 4 – Mise à niveau numérique de l'État, des territoires et des entreprises

1 829

1 110

697

131

12

1 950

action 5 – Culture

1 600

1 095

464

42

1 601

action 6 – Commandes militaires

42

42

40

60

184

Programme 364 – Cohésion

11 997

11 410

1 917

604

62

13 993

action 1 – Sauvegarde de l’emploi

4 988

4 988

 –

 –

4 988

action 2 – Jeunes

3 466

4 179

1 342

175

5 696

action 3 – Handicap

100

93

26

 –

119

action 4 – Formation professionnelle

1 476

1 314

108

54

1 476

action 5 – Recherche

428

286

142

 –

428

action 6 – Coopération sanitaire

50

50

 –

 –

50

action 7 – Cohésion territoriale

1 290

413

257

367

59

1 096

action 8 – Soutien aux personnes précaires

200

87

42

8

3

140

Totale mission

36 359

21 992

10 092

4 645

2 827

39 556

Source : projet annuel de performance pour 2021, données transmises par le Gouvernement pour les années ultérieures.

Au-delà de 2021 aucun nouveau crédit budgétaire ne devrait être engagé. Au-delà de 2022, les crédits de paiement restants financeront des projets de long terme comme des rénovations énergétiques complexes. Les plans d’investissements prévus sur cinq ans notamment celui du Ségur ou du PIA 4 se poursuivront également au-delà de 2022.

III.   UN EFFET POSITIF SUR LE POTENTIEL DE CROISSANCE ET UN DISPOSITIF D’ÉVALUATION À PRÉCISER

A.   LES RÉSULTATS MACROÉCONOMIQUES ATTENDUS

1.   Un plan de relance pour consolider la croissance potentielle du pays

La combinaison d’une politique monétaire souple et d’une politique budgétaire expansionniste sont nécessaires pour préserver la confiance et limiter l’incertitude dans le contexte actuel. Deux critères seront cruciaux pour évaluer le succès du plan de relance : le moment du retour à un niveau d’activité comparable à celui de la fin de l’année 2019 et les nouvelles perspectives offertes aux acteurs économiques par l’investissement dans la transition écologique et dans la réindustrialisation du pays.

Les conséquences d’une politique budgétaire expansionniste

Le multiplicateur de dépenses publiques correspond à la hausse du produit intérieur brut (PIB) généré par une unité supplémentaire de dépenses publiques (consommation et investissements publics).

Un multiplicateur inférieur à un est jugé faible car il signifie qu’une variation de dépenses publiques fait baisser les autres composantes du PIB, comme la consommation et l’investissement privé. Cela peut être dû à une hausse de l’épargne des ménages en anticipation de futures hausses de fiscalité, d’une hausse des importations nettes ou encore d’un retour de l’inflation qui conduit à un resserrement de la politique monétaire.

La théorie économique identifie plusieurs situations où le multiplicateur budgétaire est supérieur à un :

– en période de récession, les dépenses publiques peuvent mobiliser des ressources inutilisées au sein de l’économie ;

– lorsque les taux d’intérêt sont très faibles et que la politique monétaire dispose de marges de manœuvre réduites.

Ces deux conditions étant remplies, la plupart des institutions financières estiment que les multiplicateurs budgétaires pourraient être particulièrement élevés dans la période actuelle.

Source : Banque de France, Mme Giulia Sestieri, La politique budgétaire est-elle plus efficace à la borne zéro ?, bloc-notes éco n° 178, août 2020 (lien).

Les mesures évaluées par le Gouvernement peuvent alimenter l’offre et la demande via six canaux macroéconomiques par lesquels l’économie française bénéficiera du plan de relance à horizon 2025 :

– un volet « demande », pour environ un tiers du total : – investissement public, pouvoir d’achat, autres dépenses publiques ;

– un volet « offre » pour environ deux tiers : fiscalité des entreprises, innovation, compétences et emploi, même si, pour une grande partie d’entre elles, les mesures de ce second volet soutiennent aussi la demande agrégée.

Concernant les effets du plan sur l’activité, le Gouvernement envisagerait le scénario suivant :

 En 2020, les effets du plan de relance seraient négligeables en raison d’un décaissement limité du plan à cet horizon (8 %) ;

 En 2021, le plan de relance devrait soutenir l’activité à hauteur de 1,5 point de PIB ;

– À horizon 2022, la mise en œuvre du plan de relance permettra de retrouver le niveau de PIB d’avant crise.

Au total, sur la période 2020-2025, les mesures évaluées - d’un montant total de 5 points de PIB, en cumulé, en incluant la pérennisation de la baisse des impôts de production - permettraient de rehausser le niveau de PIB de 4 points. Les mesures du volet demande seront le moteur de la relance sur la période 2020-2022, générant environ 75 % des « effets PIB » du plan sur cette période. Par la suite, sur la période 2023-2025, les mesures du volet offre (y compris la pérennisation de la baisse des impôts de production) prendront le relais, engendrant plus de 90 % des « effets PIB » du plan sur cette période.

2.   Points d’attention sur deux volets du plan de relance : le logement et les PME

a.   Le volet logement du plan de relance

Le soutien au secteur de la construction et du bâtiment, dont l’activité a été fortement ralentie en raison du confinement, obéit aux objectifs de transformation écologique et de cohésion sociale. Ainsi, 3,25 milliards d’euros seront consacrés à la rénovation énergétique des logements, à l’accompagnement de la construction de logement et à la réhabilitation des friches urbaines par les collectivités territoriales, ainsi qu’à la mise à l’abri des personnes en situation de grande précarité.

RÉcapitulatif des mesures en faveur du logement prévues par le plan de relance

(en millions d’euros)

Mesures du plan de relance

Coût

Rénovation énergétique et réhabilitation lourde des logements sociaux

500

Rénovation énergétique des logements privés

2 000

Densification et renouvellement urbain : fonds de recyclage des friches et du foncier artificialisé

300

Densification et renouvellement urbain : aide à la densification

350

Soutien exceptionnel aux personnes en grande précarité : augmentation des capacités d'hébergement

100

Total

3 250

Source : Le détail des mesures est présent dans l’annexe au dossier de presse France relance du 3 septembre 2020 (lien) et dossier de presse du ministère chargé du logement du 7 septembre 2020 (lien).

Les artisans et les entreprises du secteur du logement et de la construction seront concernés par ces mesures, permettant de redynamiser le tissu des PME et TPE locales.

b.   Les mesures en faveur des TPE-PME

D’après le chiffrage du Gouvernement, 25 milliards d’euros, soit un quart, des moyens du plan de relance bénéficieront aux TPE/PME ([75]).

Le tableau ci-dessous recense les mesures du plan de relance devant bénéficier directement et principalement aux TPE/PME. Lorsqu’un chiffrage précis était possible, par exemple pour la baisse des impôts de production, c’est le montant concernant directement cette catégorie d’entreprises qui a été inscrit. De nombreuses mesures du plan de relance bénéficiant aux TPE et PME dans des proportions non déterminées ne figurent pas dans ce tableau, comme l’activité partielle de longue durée, les effets des investissements publics, etc. Il s’agit d’un recensement spécifique et a minima.

RÉcapitulatif des mesures du plan de relance en faveur Des très petites et moyennes entreprises

(en millions d’euros)

 

Mesure du plan de relance

Coût

Soutien à la transformation

Programme d’investissements d’avenir : soutenir les entreprises innovantes

1 950

Numérisation des TPE, PME et ETI

400

Transition écologique et rénovation énergétique des TPE/PME

200

Fonds de soutien à l’émergence de projets du Tourisme durable

50

Soutien à l'activité et à l'emploi

Baisse des impôts de production

6 600

Renforcement des fonds propres des TPE/PME et ETI

3 000

Plans de soutien aéronautique et automobile

1 400

Nouveaux produits Climat de Bpifrance

2 500

Aide à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans

1 100

Relocalisation : soutien aux projets industriels dans les territoires

400

Plan de relance de la Banque des Territoires : constitution de 100 foncières pour la restructuration de 6 000 commerces d’ici 2025

306

Soutien à l’export

247

Préservation de l'emploi dans la recherche et développement

300

Soutien des PME du secteur culturel

280

Volontariat territorial en entreprise « vert »

8

Soutien aux commerces et à l’artisanat

150

Total

 

18 891

Source : Annexe au dossier de presse France relance du 3 septembre 2020 (lien)

Enfin, dans le cadre du projet de loi de finances, des mesures fiscales en faveur des TPE/PME sont proposées. À titre d’exemple, l’exonération des aides perçues par les indépendants, introduit après l’article 3, va alléger leurs charges, tandis que le dispositif de neutralisation fiscale des réévaluations libres d’actifs, prévu à l’article 5, est une mesure plus qu’opportune qui va renforcer les fonds propres des entreprises et en particulier des PME – il en va de même de l’article 7 concernant la suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé. Lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances, la commission a en outre adopté un amendement du rapporteur général permettant de relever de 7,63 millions d’euros à 10 millions d’euros le plafond de chiffre d’affaires sous lequel est applicable le taux réduit d’IS pour les PME ([76]) .

B.   UN DISPOSITIF D’ÉVALUATION À CONSTRUIRE

1.   Un dispositif de suivi annoncé…

a.   Un dispositif de pilotage des mesures adapté au plan de relance

La présentation du plan de relance le 3 septembre s’est accompagnée de l’annonce d’un dispositif de suivi consacré : « le Gouvernement fera du suivi de l’exécution du plan de relance une priorité de la dernière partie du quinquennat » ([77]). Les contours de ce suivi ont été esquissés :

– des comités de suivi vont être créés pour s’assurer de l’exécution des mesures, à l’échelle nationale et locale. Au niveau national, un comité, présidé par le ministre de l’économie, des finances et de la relance, assumera le pilotage du plan de relance tandis qu’un comité de suivi, présidé par le Premier ministre, assurera le suivi de son exécution ;

– un tableau de bord des projets dans les territoires et des indicateurs de suivi seront régulièrement rendus publics ;

– le Premier ministre s’est engagé à ce qu’il soit rendu compte au Parlement de l’exécution du plan de relance, tous les deux mois.

b.   L’exécution du plan de relance dépendra de la qualité de son suivi

D’après la direction du Budget, un dispositif spécifique de suivi opérationnel des mesures du plan sera mis en œuvre, en complément au dispositif de mesure de la performance de la mission Plan de relance et de ses trois programmes budgétaires dédiés.

Ces indicateurs serviront directement au pilotage du plan et à l’orientation des moyens vers les dispositifs les plus efficients. Au-delà des moyens mis en œuvre, c’est bien l’efficience qui sera recherchée au regard des objectifs du plan et de la finalité de chacun des programmes.

Dans un contexte évolutif, il est nécessaire que la politique économique soit réactive. Cette adaptabilité sera facilitée par :

– l’existence du système d’information financière de l’État Chorus. Tous les acteurs concernés par le plan de Relance pourront mobiliser les crédits budgétaires alloués directement à partir de la mission Plan de relance. Ce n’était pas le cas en 2009, chaque ministère disposant alors de son propre système d’information financière ;

– les crédits ouverts par la loi de finances seront, pour les mesures qui le nécessitent, mis à disposition des responsables locaux, dans une logique de subsidiarité. Les sous-préfets à la relance auront pour charge de s’assurer de la bonne déclinaison territoriale du plan et disposeront d’une faculté d’alerte sur l’avancement des projets.

2.   Une attention particulière aux résultats environnementaux : le lien avec le « budget vert »

Une double évaluation à l’aune des critères environnementaux est prévue pour le plan de relance.

Le plan dans son ensemble fera l’objet d’une cotation spécifique selon la méthodologie du budget vert dans le rapport relatif à l’impact environnemental du budget de l’État, annexé au PLF. A priori, ce travail de cotation ferait apparaître que sur les 100 milliards d’euros du plan, 30 milliards d’euros de dépenses sont classés comme au moins une fois favorables à un objectif environnemental. Il s’agit en particulier des dépenses de rénovation thermique, d’infrastructures et de mobilité vertes, de préservation de la biodiversité, de soutien aux technologies innovantes favorisant la transition écologique.

La mission Plan de relance fera l’objet d’une cotation particulière au sein des documents budgétaires. Au sein des crédits de paiement ouverts sur la mission « Plan de relance » en PLF 2021 (22 milliards d’euros de crédits de paiement), 6,6 milliards d’euros de dépenses auraient un impact favorable sur l’environnement. Ces crédits recouvrent l’ensemble des actions appartenant au programme Écologie du plan de relance. Aucun crédit de la mission relance n’est défavorable à l’environnement.

3.   Des modalités de suivi en cours d’élaboration

Le dispositif d’évaluation du plan de relance reste à construire.

À ce stade, sur les trois volets du plan de relance, aucun objectif chiffré précis n’est fourni. Sur le volet écologie, l’impact agrégé des mesures en termes d’émissions de CO2 par exemple n’est pas précisé. Le nombre d’emplois maintenus ou créés grâce aux mesures du plan de relance n’est pas estimé. Enfin, les faillites évitées, le nombre d’entreprises créées, l’évolution des exportations ne font pas plus l’objet d’une objectivation.

Le comité de pilotage, dont la première réunion s’est tenue le 21 septembre, n’associe à ce stade que des membres de l’exécutif et de l’administration. L’ordre du jour concernait :

– la mise en place d’une plateforme sur internet qui donne accès aux ménages, aux entreprises et aux collectivités, à toutes les informations pratiques sur les mesures du plan de relance ;

– la définition des indicateurs transversaux de suivi du plan de relance ainsi que le travail sur des indicateurs spécifiques par mesure pour évaluer l’efficacité du plan.

Disposer de ces éléments pourrait utilement éclairer le débat et le vote du PLF 2021. Par ailleurs, le Parlement devrait être associé à la définition du contenu du document de suivi qui lui est destiné. La participation de parlementaires au suivi de l’exécution du plan de relance est par ailleurs indispensable.

Le plan de relance de 2009

Le 4 décembre 2008, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, annonçait un plan de relance de deux ans pour faire face aux conséquences économiques qu’a engendrées la crise bancaire.

Les moyens mobilisés étaient divers : crédits budgétaires, mesures fiscales, prêts, garanties d’emprunt.

Il a représenté un effort total de 34 milliards d'euros, assumé par l’État, les collectivités locales et les entreprises publiques, soit 2 points de PIB. Le volet fiscal du plan de relance (crédit d’impôt recherche, amortissement accéléré, créances de report en arrière de déficit) s’est élevé à 18 milliards d’euros– le reste correspondant à des crédits budgétaires (12 milliards) et à un dispositif de compensation de la TVA pour les collectivités locales (4 milliards).

Une mission budgétaire ad hoc Plan de relance de l’économie a été créée par la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009. Fondée sur trois programmes, pilotés par des sous-directeurs de la direction du budget, elle s’est éteinte au bout de deux ans.

En 2010, sur demande de l’Assemblée nationale, conformément à l’article 58 alinéa 2 de la LOLF, la Cour des comptes avait proposé une communication relative à la « mise en œuvre du plan de relance de l’économie française ».

L’impact macroéconomique du plan sur le PIB aura été un peu supérieur à 0,5 point. La Cour avait estimé que l’évaluation de l’impact de l’effort global consenti a été rendue difficile par l’insuffisance quantitative (dépenses fiscales) comme qualitative (dépenses budgétaires) des indicateurs de performances retenus, le choix ayant été fait de privilégier, pour l’essentiel, une simple logique de suivi d’exécution, pour veiller à la rapidité de mise en œuvre du plan.

Source : Cour des comptes, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française, juillet 2010 (lien).

 

 


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   FICHE  5 :
LE VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021

Résumé de la fiche

Le présent projet de loi de finances pour 2021 est un budget de relance, notamment par la dépense budgétaire. Il contient, par rapport à l’année dernière, un nombre modéré de dispositions fiscales mais traduit les mêmes priorités : verdir et rationaliser la fiscalité, soutenir les entreprises, moderniser l’impôt et traduire nos obligations européennes.

Le PLF 2021 propose ainsi quatre mesures de verdissement de la fiscalité en lien avec les propositions de la Convention citoyenne sur le climat.

Les entreprises bénéficieraient d’un allègement de fiscalité de 10 milliards d’euros avec la baisse des impôts de production dans le cadre du plan de relance.

Diverses mesures visent également à soutenir les entreprises en renforçant leur trésorerie, à l’image de la neutralisation fiscale de l’actualisation de la valeur de leurs actifs, l’étalement de la plus-value réalisée à l’occasion des opérations de cession-bail ou la suppression de la majoration liée à la non-adhésion à un organisme de gestion agréé (OGA). Une exonération de taxe foncière est également prévue afin de favoriser leurs investissements dans les territoires.

La rationalisation de la fiscalité se poursuit par la suppression de sept petites taxes et de deux dépenses fiscales inefficientes. ainsi que par l’unification de la gestion et du recouvrement des taxes sur la consommation finale d’électricité, des taxes d’aménagement et des taxes d’urbanisme.

La mise en conformité du droit français avec le droit européen justifie également la présence de quatre mesures relatives à la TVA.

Enfin, la modernisation des modalités de déclaration, de paiement et de recouvrement se poursuit, cinq mesures étant proposées sur ce sujet dans le présent projet de loi de finances.

Ces différentes mesures fiscales sont réparties au sein de 25 articles dont 20 articles en première partie et 5 articles en seconde partie.

La répartition des articles fiscaux entre les première et seconde parties obéit aux critères de l’article 34 de la LOLF ([78]) : les mesures affectant le solde budgétaire de l’État pour l’année 2020 relèvent de la première partie, tandis que les autres mesures (affectant le solde budgétaire de l’État à compter de 2022 ou affectant les ressources d’autres administrations publiques) relèvent de la seconde partie.

Les articles de la première partie sont commentés dans le tome 2 du présent rapport. Ceux de la seconde partie sont commentés dans le tome 3.

Les développements qui suivent procèdent à une synthèse du volet fiscal du présent projet de loi de finances.

Les mesures fiscales de la premiÈre partie du PLF 2021

Article

Intitulé

2

Indexation sur l’inflation du barème applicable aux revenus de l’année 2020 et des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source

3

Baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à hauteur de la part affectée aux régions et ajustement du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée

4

Modernisation des paramètres de la méthode d’évaluation de la valeur locative des établissements industriels et modification du coefficient de revalorisation de la valeur locative de ces établissements

5

Neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs

6

Étalement de la plus-value réalisée lors d’une opération de cession-bail d’immeuble par une entreprise

7

Suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé

8

Aménagement du crédit d’impôt recherche et du crédit d’impôt innovation

9

Clarification des règles de TVA applicables aux offres composites

10

Report de l’entrée en vigueur des règles modifiant le régime de TVA du commerce électronique

11

Mise en conformité avec le droit européen du régime de TVA des gains de course hippique

12

Maintien d’un crédit d’impôt en faveur de l’acquisition et de la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique

13

Simplification de la taxation de l’électricité

14

Refonte des taxes sur les véhicules à moteur

15

Renforcement des incitations à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports

16

Suppression de taxes à faible rendement

17

Suppression des dépenses fiscales inefficientes

18

Suppression du caractère obligatoire de l’enregistrement de certains actes de société

19

Harmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques

20

Prorogation du taux de l’intérêt de retard et de l’intérêt moratoire

21

Modernisation des contributions à l’AMF

Source : présent projet de loi de finances.

Les mesures fiscales de la seconde partie du PLF 2020

Article

Intitulé

42

Exonération de contribution économique territoriale en cas de création ou d’extension d’établissement

43

Adaptation de la taxe d’aménagement en vue de lutter contre l’artificialisation des sols

44

Transfert à la DGFiP de la gestion des taxes d’urbanisme

45

Création d’un régime de groupe de TVA et révision du champ du dispositif du groupement autonome de personnes

46

Sécurisation du droit de communication à la DGFiP des données de connexion

Source : présent projet de loi de finances.

I.   LE VERDISSEMENT DE LA FISCALITÉ

A.   LE CRÉDIT DIMPÔT EN FAVEUR DE LACQUISITION ET DE LA POSE DES BORNES DE RECHARGE DE VÉHICULES ÉLECTRIQUES

Alors que le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) arrive à échéance au 31 décembre 2020, l’article 12 vise à maintenir un avantage fiscal équivalent pour la pose de bornes de recharge pour véhicule électrique en créant un nouveau crédit d’impôt.

En effet, le dispositif « MaPrimeRenov’ » ne couvrira pas ce geste, qui ne constitue pas une dépense d’amélioration de l’habitat pouvant être prise en charge par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Le nouveau crédit d’impôt permettra aux contribuables propriétaires, locataires et occupants à titre gratuit de bénéficier d’un crédit d’impôt du fait de l’installation de systèmes de charges de véhicule sur l’emplacement de stationnement affecté à leur résidence principale. Son montant atteindrait 75 % des dépenses éligibles supportées pour cette installation, dans la limite de 300 euros par dispositif de charge.

Le nouveau crédit d’impôt prendrait en compte la composition du foyer : le bénéfice est limité à un seul dispositif pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et à deux systèmes pour un couple soumis à imposition commune.

B.   LA REFONTE DES TAXES SUR LES VÉHICULES À MOTEUR

L’article 14 du projet de loi de finances propose de parachever la réforme de la fiscalité des véhicules routiers entamée avec la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

L’article fixe, dans cette optique, le barème 2021 du malus CO2 à l’immatriculation en prévoyant un renforcement des incitations environnementales avec l’abaissement du seuil et la hausse du plafond du malus, en lien avec les propositions de la Convention citoyenne sur le climat.

Il prévoit également la rationalisation des procédures et méthodes de taxation des impôts sur l’utilisation des véhicules à moteur (taxe spéciale sur les véhicules routiers, taxe sur les véhicules de société).

Enfin, l’article finalise le cadre fiscal et technique fixant les modalités de mise en œuvre des nouvelles méthodes de détermination des émissions de CO2.

C.   LE RENFORCEMENT DES INCITATIONS À LUTILISATION DÉNERGIES RENOUVELABLES DANS LES TRANSPORTS

L’article 15 du projet de loi de finances vise à renforcer les incitations fiscales pour l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports, dans la ligne de l’objectif européen de 14 % d’utilisation d’énergie produite à partir de sources renouvelables en 2030.

Il prévoit pour cela d’augmenter les taux cibles de la taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants (TIRIB) de 0,1 % pour les gazoles et 0,6 % pour les essences.

Afin de lutter contre la déforestation importée, il plafonne, pour la TIRIB, l’incitation fiscale pour le soja à son niveau de 2017 (0 % dans les essences et 0,35 % dans les gazoles) et réserve une fraction de l’avantage fiscal aux matières premières avancées (1 % dans les essences et 0,2 % dans les gazoles).

L’article étend également le champ de la TIRIB, et donc de l’incitation à l’incorporation de biocarburants, à de nouvelles formes d’énergie et de transport à l’avantage fiscal :

– aux carburéacteurs (qui formeraient une troisième filière aux côtés des essences et des gazoles) pour lesquels un taux de 1 % est fixé ;

– à l’électricité d’origine renouvelable fournie par les bornes de recharge ouvertes au public, qui serait comptabilisée au quadruple de sa valeur ;

– à l’hydrogène d’origine renouvelable utilisé pour les besoins de raffinage en France, avec une comptabilisation double, comme pour les matières premières avancées.

Enfin, il prévoit d’aligner sur deux ans (2021 et 2022) les trois tarifs différents de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les essences traditionnelles (supercarburants sans plomb E5 et E10 et essence contenant un additif antirécession de soupape).

D.   LADAPTATION DE LA TAXE DAMÉNAGEMENT EN VUE DE LUTTER CONTRE LARTIFICIALISATION DES SOLS

Le Conseil de défense écologique du 27 juillet 2020 a exprimé la volonté de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030. Dans cette optique, l’article 43 du projet de loi de finances propose trois mesures destinées à inciter :

– à la renaturation par l’élargissement de l’emploi de la part départementale de la taxe d’aménagement affectée aux espaces naturels sensibles à des opérations de renaturation, c’est-à-dire de transformation de terrains abandonnés ou laissés en friche en espaces naturels ;

– à la densification et à la sobriété foncière par l’exonération de taxe d’aménagement des places de stationnement intégrées au bâti ;

– à la densification par l’élargissement des motifs d’emploi de la taxe d’aménagement à des actions de renouvellement urbain. En effet la législation actuelle prévoit qu’une démonstration de la stricte proportionnalité du taux appliqué au service rendu est nécessaire, alors qu’elle est techniquement difficile à établir.

II.   LES MESURES AU BÉNÉFICE DES ENTREPRISES

A.   LA BAISSE DES IMPÔTS DE PRODUCTION

Traduction de l’important volet fiscal du plan relance de l’économie, les articles 3 et 4 prévoient la diminution des impôts de production à hauteur de 10,5 milliards d’euros dès 2021.

1.   La suppression de la part de CVAE affectée aux régions

L’article 3 propose, dans cette optique, d’abaisser le taux de la CVAE à hauteur de la part affectée aux régions, soit une baisse du taux de la CVAE de moitié. Les taux théoriques et effectifs de la cotisation passeraient ainsi de 1,5 % à 0,75 %.

Cette perte de recettes pour les régions serait compensée par l’affectation d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) correspondant au montant de CVAE perçue en 2020.

Afin d’éviter une neutralisation de cette baisse, l’article prévoit également d’abaisser le plafond de la contribution économique territoriale (CET) de 3 % à 2 %.

Le taux de taxe additionnelle à la CVAE, affectée au réseau des chambres de commerce et d’industrie, serait doublé afin de neutraliser l’effet de la réforme proposée sur les ressources de ce réseau.

Enfin, les règles d’affectation de la CVAE seraient adaptées afin de maintenir à l’identique les ressources perçues par le bloc communal et les départements.

La baisse de la CVAE permettra d’alléger l’impôt dû par les entreprises de 7,2 milliards d’euros dès 2021.

2.   La révision de l’évaluation de la valeur locative des établissements industriels et la modification du coefficient de revalorisation de la valeur locative de ces établissements

L’article 4 vise à moderniser les taux d’intérêt applicables au prix de revient des établissements industriels. La règle de revalorisation annuelle de la valeur locative des établissements industriels est modifiée afin de la rapprocher de celle applicable aux locaux professionnels.

La modernisation de la méthode comptable permettra un allégement des contributions dues par les entreprises au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) d’environ 3,3 milliards d’euros.

Le dispositif devrait également entraîner un allègement de la taxe additionnelle à la CFE (TA-CFE), affectée au réseau des CCI, à partir de 2023. Celui-ci n’affecterait néanmoins pas les ressources du réseau du fait de la baisse des plafonds de taxes affectées aux CCI sur les prochaines années.

L’article proposé prévoit de neutraliser, par la création d’un PSR ad hoc, les effets de la modernisation de ce calcul sur les ressources des collectivités territoriales ainsi que les conséquences de ces nouvelles dispositions sur le calcul des indicateurs financiers utilisés dans le calcul des dotations et fonds de péréquation à compter de 2022.

B.   LA NEUTRALISATION FISCALE DE LACTUALISATION DE LA VALEUR DES ACTIFS

L’article 5 introduit une mesure de neutralisation fiscale destinée à inciter les entreprises à réévaluer leurs actifs.

Cette procédure de réévaluation permet aux entreprises de donner une image plus fidèle de leur patrimoine, en actualisant la valeur des actifs immobilisés, inscrits en principe à leur bilan à leur valeur historique. Cela peut leur permettre de renforcer leurs capitaux propres et donc de bénéficier de meilleures conditions de financement.

Or, alors que cette réévaluation est susceptible de générer une imposition immédiate des plus-values qui se matérialisent avec cette opération, l’article propose une mesure temporaire de neutralisation des conséquences fiscales des réévaluations d’actifs. La neutralisation serait néanmoins facultative, dans la mesure où certaines entreprises peuvent avoir intérêt à inclure immédiatement leurs plus-values latentes dans leur résultat imposable.

L’article propose, en parallèle, un régime d’étalement de l’imposition des écarts de réévaluation et, pour les immobilisations non-amortissables, un régime de sursis d’imposition des écarts de réévaluation jusqu’à la cession ultérieure de ces biens.

C.   LÉTALEMENT DE LA PLUS-VALUE DES OPÉRATIONS DE CESSION-BAIL

L’article 6 vise à rétablir le dispositif d’étalement de la plus-value de cession d’un immeuble dans le cadre d’une opération de cession-bail, opération par laquelle une entreprise propriétaire d’un bien immobilier professionnel le vend à une société de crédit-bail immobiliser (crédit-bailleur) et, simultanément, le prend en crédit-bail immobilier et devient locataire (crédit-preneur).

L’article propose d’ouvrir la possibilité pour les entreprises d’étaler l’imposition de la plus-value réalisée par ce type de cession sur la durée du contrat de crédit-bail afin d’améliorer leur trésorerie. L’étalement de la plus-value, qui ne pourrait dépasser quinze ans, assure la neutralité fiscale de l’opération pour l’entreprise, qui réintègre la plus-value au fur et à mesure de la déduction des loyers de crédit-bail.

Ce lissage de l’imposition de la plus-value des entreprises permet donc aux entreprises d’obtenir rapidement des liquidités en réalisant les plus-values latentes associées à leurs immeubles, sans devoir s’acquitter immédiatement de la totalité de l’impôt dû au titre de ces plus-values.

Le dispositif resterait temporaire et s’éteindrait au 31 décembre 2022.

D.   LA SUPPRESSION DE LA MAJORATION LIÉE À LA NON ADHÉSION À UN ORGANISME DE GESTION AGRÉÉ

L’article 7 propose de supprimer la majoration de 1,25 appliquée au résultat des titulaires de revenus industriels et commerciaux, non commerciaux et agricoles passibles de l’impôt sur le revenu, soumis à un régime réel d’imposition et qui ne sont pas adhérent d’un organisme de gestion agréé (OGA).

La suppression de cette majoration apportera un soutien en trésorerie aux entreprises qui y étaient soumises.

E.   LA SUPPRESSION DU CARACTÈRE OBLIGATOIRE DE LENREGISTREMENT DE CERTAINS ACTES DE SOCIÉTÉS

L’article 18 vise à simplifier les obligations pesant sur les entreprises pour l’enregistrement de certains actes auprès de l’administration.

Il prévoit ainsi de supprimer l’enregistrement obligatoire des actes de sociétés à très faible enjeu budgétaire et dont le périmètre est facilement identifiable par les usagers et les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Les actes constatant des augmentations de capital, des réductions de capital, des constitutions de groupements d’intérêts économiques (GIE) et des amortissements de capital ne seraient plus soumis à l’obligation d’enregistrement.

Par ailleurs, pour les actes de sociétés devant être enregistrés, l’article rend possible leur dépôt au greffe du tribunal avant l’exécution de la formalité d’enregistrement au service des impôts, même lorsque celle-ci est obligatoire.

F.   LA MODERNISATION DES CONTRIBUTIONS À LAMF

L’article 21 réforme les contributions dues par les prestataires de services d’investissement à l’Autorité des marchés financiers au titre de l’activité de régulation dont elle est chargée.

Les contributions seraient ainsi allégées pour les prestataires de petite taille avec la création d’un forfait réduit. En contrepartie, la contribution due par les sociétés de gestion les plus importantes serait augmentée, ainsi que le nombre de sociétés redevables.

Enfin, l’article prévoit de nouvelles contributions dues par les émetteurs de jetons et les prestataires de services sur actifs numériques, afin de prendre en compte leur émergence sur les marchés financiers, en lien avec le développement des crypto-actifs.

G.   LEXONÉRATION DE CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE EN CAS DE CRÉATION OU EXTENSION DÉTABLISSEMENT

L’article 42, placé en seconde partie, prévoit d’accorder aux entreprises nouvellement créées ou qui réalisent des investissements fonciers une exonération temporaire de cotisation foncière (CFE), à la condition d’une délibération en ce sens des collectivités concernées. Il prolonge ainsi de trois ans la durée au cours de laquelle les créations et extensions d’établissement ne sont pas prises en compte pour l’établissement de cette cotisation.

En permettant aux collectivités locales de décaler l’entrée dans l’imposition des nouveaux investissements fonciers des entreprises, la mesure doit permettre de stimuler cet investissement et favoriser l’implantation ou l’extension d’activités sur les territoires.

III.   LADAPTATION ET LA RATIONALISATION DE LA FISCALITÉ

A.   LA RATIONALISATION DE LA FISCALITÉ

1.   Les aménagements du crédit d’impôt recherche et du crédit d’impôt innovation

L’article 8 propose des aménagements du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt innovation (CII) qui portent à la fois sur l’assiette et le taux de ces crédits d’impôts.

Dans le calcul des dépenses entrant dans le champ du CIR, il supprime le doublement d’assiette pour la sous-traitance d’opérations de recherche et développement (R&D) à des organismes publics, instauré en 2004 afin de favoriser la synergie entre recherche publique et recherche privée.

Par ailleurs, il prévoit de supprimer le taux majoré de CIR de 50 % et d’abaisser à 35 %, au lieu de 40 %, le taux majoré de crédit d’impôt innovation (CII) applicable aux dépenses éligibles exposées en Corse.

L’article propose enfin de supprimer la possibilité, inscrite dans la loi, d’adresser des demandes de rescrit à des organismes autres que le ministère de la recherche. Alors que, dans la pratique, l’ensemble de ces demandes de rescrit sont effectivement adressées au ministère, la loi prévoit toujours cette possibilité, alors même que les opérateurs de recherche, dont l’Agence nationale de la recherche (ANR), ne sont plus organisés pour traiter ces demandes.

2.   La suppression de taxes à faible rendement

Poursuivant l’effort de réduction du nombre de taxes à faible rendement opéré par les lois de finances pour 2019 et 2020, l’article 16 supprime sept nouvelles « petites taxes » :

– le droit sur les déclarations et notifications de produit du tabac ;

– la taxe générale sur les activités polluantes – lubrifiants, huiles et préparation lubrifiantes ;

– le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français ainsi que le prélèvement complémentaire portant sur ces jeux ;

– la taxe sur les hydrofluorocarbones ;

– le prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, location ou exploitation d’œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence et la taxe spéciale portant sur ces films.

Les derniers rendements connus de ces petites taxes atteignent 25,6 millions d’euros.

Avec le projet de loi de finances pour 2021, 46 petites taxes auront ainsi été supprimées depuis 2019 pour un montant total de 435,6 millions d’euros.

3.   La suppression de dépenses fiscales inefficientes

La simplification de la loi fiscale est également poursuivie par la suppression de deux dépenses fiscales inefficientes.

L’article 17 prévoit ainsi de supprimer :

– l’exonération d’impôt sur le revenu et de toute cotisation ou contribution sociale sur les sommes perçues dans le cadre de l’attribution du prix « French Tech Ticket ». Ce prix n’étant plus décerné depuis 2017, la dépense fiscale est en effet devenue obsolète ;

– l’exonération de taxe intérieure de consommation pour les huiles végétales pures (HVP) utilisées comme carburant agricole ou pour l’avitaillement des navires de pêche professionnels. Les HVP n’étant plus utilisés comme carburants, cette dépense fiscale n’a plus d’objet.

À l’issue des lois de finances pour 2018, 2019, 2020 et 2021, 24 dépenses fiscales auront ainsi été supprimées, 9 soumises à évaluation et 10 bornées dans le temps.

B.   LA MISE EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN

1.   La clarification des règles de TVA applicables aux offres composites

L’article 9 reprend les principes jurisprudentiels dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) régissant le traitement des offres commerciales constituées de plusieurs éléments relevant de régimes de TVA différents.

La règle retenue consiste à apprécier de façon indépendante chaque opération soumise à TVA, sans que celle-ci puisse être artificiellement décomposée en plusieurs éléments. Le taux applicable à cette offre unique serait le plus élevé des taux appliqués à ces différents éléments, sauf pour les éléments de l’offre qui présentent un caractère accessoire.

L’article prévoit néanmoins des dérogations pour le régime des agences de voyages et l’application du taux particulier de 2,1 %.

Enfin, il généralise à l’ensemble des services numériques les règles législatives de détermination de la base imposable introduite pour contenir les pratiques d’optimisation.

2.   Le report de l’entrée en vigueur des règles modifiant le régime de TVA du commerce électronique

L’article 10 modifie la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 147 de la loi de finances pour 2020 qui transpose les directives européennes relatives au commerce électronique modifiant la directive relative au système commun de TVA.

Aux termes de ces directives, la réforme de la TVA applicable au commerce électronique devait entrer en vigueur au 1er janvier 2021. Néanmoins, face aux impacts de la crise sanitaire, le Conseil de l’Union européenne a décidé de reporter de six mois cette date d’entrée en vigueur au 1er juillet 2020. Le présent article s’aligne sur ce nouveau calendrier.

3.   La mise en conformité avec le droit européen du régime de TVA des gains de course hippique

L’article 11 prévoit la mise en conformité au droit européen de l’imposition à la TVA des gains de cours hippique.

Alors que, en France, les gains réalisés par les entraîneurs mettant à disposition des chevaux à l’occasion des courses hippiques sont soumis à la TVA, la Cour de justice de l’Union européenne considère que l’aléa auquel ils sont soumis, à savoir le résultat de la course, doit conduire à rendre ces sommes non imposables.

Le présent article propose d’aligner le droit français sur le droit européen concernant le traitement de ces situations.

4.   La création d’un groupe de TVA et la révision du champ du dispositif du groupement autonome de personnes

L’article 45 transpose l’article 11 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, aux termes duquel chaque État membre peut considérer comme un seul assujetti des personnes établies sur le territoire de ce même État membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur le plan financier, économique et de l’organisation.

Le mécanisme de l’assujetti unique, déjà appliqué par vingt États membres, permet de renforcer la neutralité économique de l’impôt sur les choix organisationnels des groupes.

Cette constitution en assujetti unique resterait facultative. Les assujettis optant pour ce régime doivent désigner l’un d’eux comme tête de groupe afin de remplir l’ensemble des obligations liées à la taxe et procéder au paiement dont ils restent solidairement tenus.

C.   LA MODERNISATION DES MODALITÉS DE DÉCLARATION, DE PAIEMENT ET DE RECOUVREMENT DE LIMPÔT

1.   La simplification de la taxation de l’électricité

L’article 13 vise à simplifier et adapter la gestion des différentes taxes dues par les fournisseurs d’électricité au titre de la consommation finale d’énergie, poursuivant le processus d’unification du recouvrement des impositions par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

La gestion de ces taxes est partagée entre la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), les services communaux, les services départementaux, les préfectures et les comptables assignataires de ces collectivités. Ce processus donne ainsi lieu, chaque trimestre, à l’émission de 8 800 déclarations auprès de 3 100 comptables assignataires différents. L’article prévoit dès lors de regrouper la gestion de ces taxes au sein d’un guichet unique auprès de la DGFiP.

Le présent article doit également permettre d’harmoniser les tarifs d’accise sur l’électricité au niveau national avec, dès le 1er janvier 2021, un premier alignement des dispositifs juridiques, en particulier des tarifs, de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICCFE) et des taxes communales (TCCFE) et départementales (TDCFE).

La gestion des TICCFE et des TDCFE serait transférée à la DGFiP au 1er janvier 2022. Un nouvel alignement des taux des TCCFE serait également réalisé avant le transfert de leur gestion à la DGFiP au 1er janvier 2023.

2.   L’harmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques

L’article 19 vise à poursuivre l’harmonisation des procédures de recouvrement forcé mises en œuvre par les comptables publics de la DGFiP et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) sur quatre points :

– la simplification des délais de prescription de l’action en recouvrement forcé ;

– l’extension de la mise en demeure de payer à toutes les créances publiques ;

– l’unification des règles d’imputation d’un paiement partiel sur une créance publique unique ;

– l’extension de la compétence des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes à toutes les créances publiques.

3.   La prorogation du taux de l’intérêt de retard et de l’intérêt moratoire

L’article 20 proroge le taux mensuel de l’intérêt de retard dû par les contribuables à l’État et de l’intérêt moratoire dû par l’État aux contribuables, taux fixé à 0,2 % par l’article 55 de la loi° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificatives pour 2017. En l’absence d’intervention législative, en effet, ce taux reviendrait dès le 1er janvier 2021 à son niveau en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017, soit 0,4 %.

4.   Le transfert à la DGFiP de la gestion des taxes d’urbanisme

L’article 44 organise le transfert de la gestion des taxes d’urbanisme des directions départementales des territoires (DDT) à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette dernière n’assure, aujourd’hui, que le recouvrement de ces taxes.

Le transfert serait effectif au deuxième semestre 2022 et concernerait :

– la taxe d’aménagement perçue par les communes ou EPCI, la métropole de Lyon, les départements, la collectivité de Corse et la région Île-de-France ;

– la composante « logement » de la redevance pour archéologie préventive ;

– la taxe pour création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage affectée à la région Île-de-France.

L’ensemble de ces prélèvements atteint un total de 1,9 milliard d’euros.

L’article propose également des mesures de simplification procédurales, avec le décalage de l’exigibilité de la taxe d’aménagement à l’achèvement des travaux. Ceci permettra de fusionner les obligations déclaratives avec celles liées aux changements fonciers et de réduire les tâches de gestion à faible valeur ajoutée.

Le Gouvernement est également habilité, aux termes du présent article, à légiférer par voie d’ordonnance afin de définir le cadre normatif du transfert des taxes d’urbanismes.

Enfin, l’article prévoit d’abroger le versement pour sous-densité (VSD). La lutte contre l’étalement urbain serait dorénavant portée par une mesure d’adaptation de la taxe d’aménagement portée par l’article 43 du projet de loi de finances.

5.   La sécurisation du droit de communication à la DGFiP des données de connexion

L’article 46 a pour objet de placer l’exercice du droit de communication de l’administration fiscale auprès des opérateurs de téléphonie et d’internet sous l’autorisation d’un contrôleur des demandes des données de connexion, sur le modèle du dispositif instauré pour l’Autorité des marchés financiers et pour l’Autorité de la concurrence et les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

 

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*     *

 

 


—  1  —

   FICHE  6 :
LES RECETTES DE LÉTAT

Résumé de la fiche

Les recettes nettes du budget général de l’État sont prévues à 296,1 milliards d’euros en 2021. Elles sont composées essentiellement par des recettes fiscales nettes qui sont estimées à 271,2 milliards pour 2021, en hausse de 24,4 milliards d’euros par rapport à 2020.

Les recettes d’impôt sur le revenu augmenteraient de 2,2 milliards d’euros pour atteindre 74,9 milliards d’euros, du fait de son évolution spontanée portée par l’augmentation de la masse salariale.

Le rendement de l’IS serait en forte progression du fait de la hausse du bénéfice fiscal en sortie de crise. La poursuite de la baisse du taux de l’impôt (– 3,7 milliards) et la mesure de remboursement immédiat des reports en arrière des déficits (– 0,7 milliard) serait compensée en partie par l’effet retour sur l’IS de la baisse des impôts de production (+ 1,4 milliard).

La part du produit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) revenant à l’État s’établirait à 18,3 milliards d’euros, sous l’effet d’un rebond de la consommation de carburant et d’une mesure de périmètre liée à la clôture du compte d’affectation spéciale Transition énergétique au 1er janvier 2021.

Les recettes non fiscales progresseraient fortement en 2021, à 24,9 milliards d’euros, soit une hausse de 8,6 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2020. Ce dynamisme s’explique par la prise en compte de financements européens évalués à 10 milliards d’euros et des sommes résultants de la tarification de la garantie accordée par l’État dans le cadre des PGE.

Enfin, les dépenses fiscales pour 2021 sont estimées à 85,9 milliards d’euros, en baisse de 3,2 milliards d’euros.

Les recettes nettes du budget général de l’État sont prévues à 296,1 milliards d’euros en 2021, au lieu de 263,1 milliards d’euros en 2020 et 295,3 milliards d’euros en 2019. Ces recettes seraient fortement affectées par la contraction de l’économie en 2020 mais rebondiraient de façon dynamique en 2021.

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État 2019-2021

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de lÉtat

Exécution
2019

Prévision révisée
2020

Prévision
2021

impôt sur le revenu (IR)

71,7

72,7

74,9

impôt sur les sociétés (IS)

33,5

29,9

37,8

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

11,3

7,8

18,3

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

129,0

111,3

89,0

autres recettes fiscales nettes

35,8

25,1

51,2

sous-total recettes fiscales nettes

281,3

246,8

271,2

recettes non fiscales

14

16,3

24,9

Total

295,3

263,1

296,1

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Après prise en compte des prélèvements sur recettes – qui sont en réalité des dépenses au sens de la comptabilité nationale – il est prévu que les recettes nettes hors fonds de concours du budget général s’établissent à 226 milliards d’euros en 2021 au lieu de 197,5 milliards d’euros en 2020, un niveau inférieur à celui de 2019.

Recettes nettes de l’État 2019-2021

(en milliards d’euros)

Recettes

Exécution

2019

Prévision révisée

2020

Prévision

2021

Recettes nettes du budget général de l’État (1)

295,3

263,1

296,1

Prélèvements sur recettes (Union européenne) (2)

21

23,4

26,9

Prélèvements sur recettes (collectivités territoriales) (3)

40,9

42,2

43,2

Recettes nettes de l’État hors fonds de concours

(1 – 2 – 3)

233,4

197,5

226

Source : commission des finances.

Cette approche, retenue au sein du tome I de l’annexe Voies et moyens annexée au présent projet de loi de finances, présente néanmoins un risque de confusion entre les ressources du budget général de l’État et celles de l’État.

En particulier, les tableaux précédents éludent les recettes fiscales des budgets annexes et des comptes spéciaux et minorent la catégorie « autres recettes fiscales » des dégrèvements et remboursements d’impôts locaux.

Les développements qui suivent sur les recettes fiscales retiendront donc, parallèlement à la présentation habituelle, une autre présentation plus conforme à la réalité économique et budgétaire des impositions affectées à l’État (I).

Les principales données budgétaires relatives aux recettes non fiscales (II), aux prélèvements sur recettes (III) et aux dépenses fiscales (IV) seront ensuite présentées successivement.

I.   LES RECETTES FISCALES DE L’ÉTAT

L’analyse des recettes fiscales de l’État suppose au préalable d’indiquer les clés de passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes (A). Les recettes fiscales nettes sont ensuite présentées de façon générale (B) puis par principaux impôts (C).

A.   PASSAGE DES RECETTES FISCALES BRUTES AUX RECETTES FISCALES NETTES

Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général ([79]).

Remboursements et dégrèvements

En 2021, le montant des recettes fiscales brutes du budget général est prévu à 397,3 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements devraient s’élever à 126,1 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 271,2 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop-versés lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (119,2 milliards d’euros) se décomposeraient ainsi en 2021 :

– 82,6 milliards d’euros au titre de la mécanique de certains impôts, dont 56,6 milliards d’euros au titre des crédits de TVA et 15,7 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– 22,4 milliards d’euros au titre de soutien à des politiques publiques via des remboursements ou des crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû ;

– 14,2 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

Enfin, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteindraient 6,9 milliards. Ceux prévus au titre de la taxe d’habitation atteindraient 778 millions d’euros en 2021, contre 14,4 milliards d’euros en 2020.

Les dégrèvements et remboursements d’impôts diminueraient de 9,8 milliards d’euros en 2021 par rapport à 2020, ce qui augmente d’autant les recettes fiscales nettes de l’État.

Les recettes fiscales nettes du seul budget général ne rendent pas compte du montant total des recettes fiscales nettes affectées à l’État. Certes, le montant de 271,2 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses à l’article 32 du présent projet de loi de finances. Mais, sur un plan économique, cette présentation budgétaire est incomplète, le montant des recettes fiscales nettes perçues par l’État étant en réalité plus important.

Deux raisons expliquent cette différence entre la présentation retenue par les documents budgétaires et la réalité économique.

1.   La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux

En premier lieu, la présentation budgétaire habituelle déduit du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux. La Cour des comptes a critiqué cette présentation et recommandé que les remboursements et dégrèvements dimpôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de lÉtat ([80]). En effet, ceux-ci nont rien à voir avec la mécanique des impôts dÉtat et il nest donc pas pertinent de les en soustraire. Comme pour les prélèvements sur recettes, les dégrèvements et remboursements des impôts locaux devraient figurer en dépenses.

Cette observation de la Cour des comptes doit se doubler du constat que les dégrèvements des impôts locaux ont eu tendance à croître ces dernières années sous l’effet de plusieurs réformes, notamment avec la montée en puissance du dégrèvement sur la taxe d’habitation sur les résidences principales finançant in fine sa suppression jusqu’en 2020 pour 80 % des ménages. Toutefois, à compter de 2021, le produit de la TH sera transféré à l’État. Son produit résiduel jusqu’en 2022 ne sera donc plus dégrevé au bénéfice des collectivités territoriales – elles bénéficieront alors d’une compensation ad hoc.

En 2021, les remboursements et dégrèvements dimpôts locaux pris en charge par lÉtat sont estimés à 6,9 milliards deuros au lieu de 23,0 milliards deuros en 2020. En réintégrant ce montant aux recettes de lÉtat, la ligne « autres recettes fiscales nettes » ressortirait à 58,1 milliards deuros au lieu de 51,2 milliards deuros.

2.   Les recettes fiscales de lÉtat hors budget général

En second lieu, cette présentation budgétaire ne tient pas compte des recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État. Cette fraction de la fiscalité est donc souvent omise dans l’analyse politique et économique des comptes de l’État, alors qu’elle n’est pas négligeable.

Pour 2021, le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État est prévu à 0,87 milliard d’euros.

Impôts affectés à des budgets annexes et comptes spéciaux de l’état

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte daffectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2021

BA

Contrôle et exploitation aériens

Taxe de l’aviation civile

367,1

Taxe de solidarité

0

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

126

CAS

Financement des aides aux collectivités pour lélectrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution

377

Total

870,1

Source : Présent PLF, état A.

Au total, si l’on réintègre les recettes affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux (870,1 millions d’euros) ainsi que les dégrèvements et remboursements d’impôts locaux (6,9 milliards d’euros), le montant effectif des recettes fiscales nettes de l’État ne serait donc pas de 271,2 milliards d’euros mais de 279,0 milliards d’euros.

Recettes nettes de l’État en 2021

(en milliards d’euros)

Recettes nettes de lÉtat

Prévision

2021

impôt sur le revenu (IR)

74,9

impôt sur les sociétés (IS)

37,8

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

18,3

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

89,0

autres recettes fiscales

51,2

Dont dégrèvements dimpôts locaux

6,9

Dont fiscalité affectée aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

0,87

sous-total recettes fiscales nettes

279,0

recettes non fiscales

24,9

Total

303,9

Source : commission des finances

Le montant consolidé des recettes fiscales affectées à l’État ne figure pourtant dans aucun document budgétaire. Il serait possible d’améliorer l’information du Parlement en l’indiquant plus explicitement.

La présentation budgétaire traditionnelle est retenue dans l’analyse qui suit pour plus de clarté et surtout pour garantir un lien avec les documents budgétaires du Gouvernement. Ponctuellement, et de manière explicite, cette présentation sera replacée dans le contexte économique du montant effectif des recettes fiscales nettes de l’État.

B.   PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont estimées :

– à 246,8 milliards d’euros en 2020, en baisse de 34,5 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2019 et de 46,2 milliards d’euros par rapport à la LFI 2020 ;

– et à 271,2 milliards d’euros en 2021, en hausse de 24,4 milliards d’euros par rapport à 2020.

Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2009

214,3

2010

237,0

2011

255,0

2012

268,4

2013

284,0

2014

274,3

2015

280,1

2016

284,1

2017

295,6

2018

295,4

2019

281,3

2020 (LFI)

293,0

2020 (révisé)

246,8

2021 (prévision)

271,2

Source : Gouvernement.

1.   Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

Les recettes fiscales sont évaluées à législation constante en fonction de la croissance du PIB, ce qui permet de déterminer leur « évolution spontanée ». Par la suite, cette évaluation est corrigée des mesures fiscales (nouvelles et antérieures) et des mesures de périmètre devant produire des effets durant l’année faisant l’objet du projet de loi de finances.

a.   L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative l’affectant n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 5 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 105 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Pour calculer cette évaluation, une hypothèse d’élasticité de chaque impôt à la croissance est déterminée.

La croissance spontanée des dépenses est comparée à l’évolution du PIB en valeur plutôt qu’en volume. En 2021, l’évolution du PIB en volume est de – 10 % mais de – 8,4 % en valeur.

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB en valeur est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, l’évolution spontanée est de + 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

Si le rendement de la TVA est nécessairement lié à l’activité tant celle-ci s’appuie en partie sur la consommation, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse, en principe, proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique. La crise économique actuelle modifie ce type d’analyse : comme vu infra, le produit de l’IR se maintient en 2020 et 2021, notamment du fait du choix des pouvoirs publics de garantir une très grande partie des revenus salariaux.

b.   Les mesures législatives

Les mesures législatives sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances.

Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures législatives ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures législatives permet de mesurer l’impact des réformes fiscales décidées par le Parlement.

c.   Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

2.   Évolution générale de 2020 à 2021

● Les recettes fiscales nettes s’établiraient en 2020 à 246,8 milliards deuros.

Entre 2019 et 2020, hors contrecoup de la bascule du CICE en allègement de charges (+ 17,1 milliards d’euros), les mesures nouvelles ont diminué les recettes fiscales nettes de 18,9 milliards d’euros, en lien avec la réforme du barème de l’impôt sur le revenu (– 5,0 milliards), la dernière tranche de dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers (– 3,8 milliards) et la baisse du taux d’impôt sur les sociétés (– 2,5 milliards).

La crise sanitaire a néanmoins entraîné, en 2020, une baisse des recettes fiscales nettes de 46,2 milliards d’euros par rapport à la prévision de LFI. L’évolution spontanée des recettes fiscales atteindrait – 11,6 %, soit un niveau plus bas que le recul de l’activité (– 8,4 %) en valeur.

Cette surréaction du rendement des recettes fiscales à l’activité est illustrée par une baisse des recettes de l’impôt sur les sociétés (– 18,3 milliards), de la TVA (– 14,7 milliards) et de la TICPE (– 4,8 milliards).

● En 2021, les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 271,2 milliards deuros, en hausse de 24,4 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2020. Elles se situeraient toujours à un niveau inférieur de 10,1 milliards d’euros à celui constaté en 2019.

Les mesures nouvelles pour 2021 réduiraient les recettes fiscales de 5,4 milliards d’euros, en lien avec la mise en place de la première tranche d’exonération de la taxe d’habitation pour les 20 % de foyers encore redevables (– 2,4 milliards) et la poursuite de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés (– 3,7 milliards).

La baisse des impôts de production dans le cadre du plan de relance contribuerait également à cette diminution des recettes fiscales nettes, à hauteur de – 10 milliards d’euros. Elle serait néanmoins compensée par la rebudgétisation du CAS Transition énergétique prévue au 1er janvier 2021 (+ 6,5 milliards d’euros) et l’effet retour de la baisse des impôts de production sur la hausse des recettes d’impôt sur les sociétés (+ 1,4 milliard).

L’évolution spontanée des recettes s’établirait à + 12,1 %, portée par le rebond du rendement de l’impôt sur les sociétés, de la TVA et de la TICPE.

Des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2020 aux recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2021

(en milliards d’euros)

Recettes fiscales

nettes 2020

(révisée)

Évolution

spontanée

Mesures

Recettes fiscales

nettes 2021

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

246,8

29,9

3,4

 2,4

 6,5

271,2

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

C.   PRÉSENTATION PAR IMPÔT

Les impôts les plus importants sur le plan budgétaire sont étudiés ci-après. La part de ces impôts dans les recettes fiscales totales du budget général a baissé entre 2020 et 2021, leur part passant de 90,6 % à 81,1 %, en raison de la forte progression des autres recettes fiscales nettes (voir supra, tableau sur les recettes nettes du budget général de l’État 2019-2021).

Principaux impÔts affectés À l’État en 2021

Impôt

Rendement net

(en milliards deuros)

Part des recettes fiscales du budget général de lÉtat

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (part « État »)

89,0

33 %

Impôt sur le revenu (IR)

74,9

28 %

Impôt sur les sociétés (IS)

37,8

14 %

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

18,3

7 %

Sous-total

220

81 %

Autres recettes fiscales nettes

51,2

19 %

Total

271,2

-

Source : commission des finances.

1.   La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

La TVA est un impôt dÉtat partagé avec la sécurité sociale. Elle joue à ce titre un rôle de variable dajustement dans les transferts financiers entre lÉtat et la sécurité sociale. Depuis 2018, les régions bénéficient également d’une fraction de la TVA ([81]).

répartition du produit de la TVA depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Part État

133,4

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

111,3

89,0

Part sécurité sociale

10,6

9,2

12,7

11,8

11,7

11,5

10,1

41,5

44,5

49,4

Part administrations publiques locales

4,2

4,3

4,0

37,2

Total

144,0

145,5

151,0

153,6

156,1

163,9

171,1

174,8

159,8

175,6*

* Effets d’arrondis au dixième.

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1 et réponses au questionnaire du Rapporteur général.

a.   En 2020

La crise économique entraîne une forte baisse des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : avec la baisse de la consommation et de l’investissement, la croissance spontanée des recettes TVA s’établirait à – 9,2 %. Cela représente une dégradation plus forte que celle du PIB en valeur (– 8,4 %).

Le rendement de TVA pour 2020 atteindrait 111,3 milliards deuros.

b.   En 2021

Les recettes nettes de TVA au bénéfice du budget général de l’État continueraient de baisser en 2021 pour atteindre 89 milliards deuros.

Cette baisse s’explique pour l’essentiel par une mesure massive de périmètre, avec la hausse des transferts aux collectivités territoriales au titre des compensations prévues en LFI 2020 pour la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (23,2 milliards d’euros au bénéfice des départements, des EPCI et de la ville de Paris).

La réforme des impôts de production proposée par le PLF 2021 s’accompagne en outre d’une compensation aux régions de 9,7 milliards d’euros via le transfert d’une fraction de TVA.

Partage du produit de la TVA en 2021

(en milliards d’euros)

Part État

89,0

Part Sécurité sociale

49,4

Part APUL

Compensation de la réforme de la TH aux communes, EPCI et à la ville de Paris

23,2

TVA affectée aux régions

14

dont effet 2021 de la compensation de la baisse des impôts de production

+ 9,7

TVA des APUL

37,2

Total

175,6

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

La croissance spontanée des recettes serait néanmoins plus dynamique (+ 9,3 %) que le rebond attendu de l’économie en 2021.

Des recettes nettes de TVA 2020 aux recettes nettes de tva 2021 (part État)

(en milliards d’euros)

TVA 2020

Évolution

spontanée

Mesures

TVA 2021

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

111,3

11,0

2,0

0,0

– 33,2

89,0

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

2.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu (IR) est affecté intégralement au budget général de l’État. Il a progressé de 19,8 milliards d’euros depuis 2010.

Rendement net de lIR depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020*

2021

Rendement net

55,1

58,5

59,5

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

71,8

72,7

74,9

* Prévision actualisée

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

a.   En 2020

Le rendement de l’IR est estimé, en 2020, à 72,7 milliards d’euros, en hausse de 0,9 milliard par rapport à 2019.

Les ressources liées à l’impôt sur le revenu ont résisté au contexte économique dégradé, à la faveur de la préservation du revenu des ménages en lien avec les mesures d’urgence. Par ailleurs, l’assiette du prélèvement à la source (PAS) conserverait un certain dynamisme du fait de revenus moins sensibles à la conjoncture (pensions de retraite) et de son caractère contemporain seulement partiel, en particulier pour le calcul de l’imposition du revenu des indépendants. Par ailleurs, les contribuables n’auraient que faiblement augmenté leur niveau de modulation par rapport à 2019.

L’impact de la réforme du barème de l’IR (– 5 milliards) est compensé par un effet de trésorerie, avec le décalage budgétaire de 5 milliards correspondant à l’encaissement en janvier 2020 de la majorité du PAS prélevé sur les rémunérations de décembre 2019. En effet, seuls 11 mois d’IR ont été encaissés en 2019, le mois de décembre 2019 étant encaissé en janvier 2020.

b.   En 2021

Le rendement de l’IR est prévu pour 2021 à 74,9 milliards d’euros, en hausse de 2,2 milliards d’euros par rapport à 2020.

Cette évolution serait portée par la croissance spontanée de l’impôt en lien avec la reprise de l’activité et l’augmentation de la masse salariale soumise à IR (+ 1,9 %). Les recettes de prélèvement forfaitaire obligatoire et de plus-values immobilières seraient en hausse (+ 0,5 milliard). Les comportements de modulation par les contribuables auraient un impact similaire à celui observé en 2019 (+ 0,8 milliard).

Des recettes nettes d’IR 2020 aux recettes nettes d’IR 2021

(en milliards d’euros)

IR 2020

Évolution

spontanée

Mesures

IR 2021

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

72,7

1,4

0

0,9

74,9*

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

3.   L’impôt sur les sociétés

L’IS est affecté intégralement au budget général de l’État.

Rendement net de lIS depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Rendement net

51,4

53,0

41,3

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

33,4

29,9

37,8

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

a.   En 2020

Les recettes en 2020 de l’impôt sur les sociétés diminueraient de 3,5 milliards d’euros par rapport à 2019, pour s’établir à 29,9 milliards d’euros.

À la faveur de la crise sanitaire, la croissance spontanée de recettes d’impôt sur les sociétés serait fortement négative (– 46,2%) en raison de la chute attendue du bénéfice fiscal des entreprises (– 24 %).

La baisse serait compensée sous l’effet des mesures nouvelles qui augmentent le rendement de l’IS de 11,9 milliards d’euros avec l’effet retour de la bascule entre CICE et baisse de cotisations, malgré la baisse du taux d’impôt sur les sociétés (– 2,5 milliards) et de la mesure de remboursement immédiat des reports en arrière des déficits (– 0,4 milliard).

b.   En 2021

Pour 2021, le rendement de l’IS remonterait à 37,8 milliards d’euros, en augmentation de 7,9 milliards par rapport à 2020.

En raison du rebond économique, la croissance spontanée serait élevée (+ 38,1 %), en lien avec la hausse de 31,5 % du bénéfice fiscal. Néanmoins, une fois neutralisé l’effet retour de l’IS de la baisse des impôts de production, cette progression serait moins importante et s’établirait à + 27,5 %.

Les mesures nouvelles diminueraient le rendement de l’IS de 3,5 milliards d’euros, avec la poursuite de la baisse du taux de l’impôt (– 3,7 milliards) et la mesure de remboursement immédiat des reports en arrière des déficits (– 0,7 milliard).

Des recettes d’IS 2020 aux recettes d’IS 2021

(en milliards d’euros)

IS 2020

Évolution

spontanée

Mesures

IS 2021

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

29,9

11,4

1,4

– 4,9

37,8

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

4.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est partagée entre l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétence.

Affectation de la TICPE 2019-2021

(en milliards d’euros)

Année

2019

exécution

2020

prévision

2021

prévision

État budget général

11,4

7,8

18,3

État Cas Transition énergétique

6,7

6,3

-

Sous-total État

18,1

14,1

18,3

Collectivités territoriales

12,0

11,1

11,4

Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF)

1,2

1,6

1,3

Total

31,3

26,8

31

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

a.   En 2020

Le rendement net de la TICPE revenant au budget général de l’État est prévu à 7,8 milliards d’euros pour 2020 alors que son rendement global devrait s’élever à 26,8 milliards d’euros.

Les recettes tirées de la TICPE sont fortement affectées par la crise, leur croissance spontanée entre 2019 et 2020 s’établissant à – 13,8 %, en lien avec la baisse de consommation des produits pétroliers pendant le confinement. Par ailleurs, le système de garantie des ressources aux départements et régions augmenterait les transferts de l’État.

Enfin, les remboursements de TICPE sont revus à la hausse pour atteindre + 0,4 milliard d’euros, en raison du passage à un rythme trimestriel des remboursements liés aux consommations de gazole des transporteurs routiers.

b.   En 2021

Pour 2021, la part de TICPE du budget général de l’État est prévue à 18,3 milliards d’euros, en augmentation de 10,5 milliards, avec l’impact de trois effets principaux :

– un rebond de la consommation de carburants, qui retrouverait un niveau proche de celui de 2019 ;

– une mesure de transfert, en lien avec la clôture du CAS Transition écologique, qui doit augmenter les recettes affectées au budget général de l’État de 6,5 milliards d’euros ;

– une mesure nouvelle de suppression du taux réduit pour certains usages du gazole non routier (GNR), qui augmenterait les recettes de 0,4 milliard d’euros.

Les remboursements seraient revus à la baisse en 2021 (– 0,3 milliard), en raison du contrecoup de la trimestrialisation et de l’effet en année pleine de la mesure de baisse de deux centimes par litre du remboursement aux transporteurs routiers sur le gazole.

Des recettes de TICPE 2020 aux recettes de tICPE 2021 (part État)

(en milliards deuros)

TICPE 2020

Évolution

spontanée

Mesures

TICPE 2021

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

7,8

1,9

2,1

6,6

18,3*

* Effet darrondi au dixième.

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

5.   Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales nettes sont calculées comme la somme de recettes brutes qui comprennent les droits de mutation à titre gratuit, l’impôt sur la fortune immobilière ou les taxes intérieures de consommation hors TICPE, nettes des remboursements et dégrèvements, qui regroupent les contentieux fiscaux, les admissions en non-valeur ou les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

● En 2020, les autres recettes fiscales nettes atteindraient 25,1 milliards d’euros, en baisse de 10,1 milliards par rapport à 2019, à la fois en raison d’une croissance spontanée négative (– 11,8 %, soit – 4,2 milliards) et de mesures nouvelles (– 6,4 milliards), dont le dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables (– 3,8 milliards) ainsi que les principaux contentieux (– 3,1 milliards).

L’évolution spontanée négative serait portée par la baisse des retenues à la source des capitaux mobiliers (– 1,2 milliard), des autres taxes intérieures (– 0,8 milliard) et des produits des jeux (– 0,4 milliard).

● La hausse de ces autres recettes fiscales serait très forte en 2021, avec + 26,1 milliards d’euros. Le rebond de l’économie entraînerait une croissance spontanée bien plus élevée (+ 15,3 %) que celle de l’activité et des mesures nouvelles auraient un impact positif à hauteur de 22,2 milliards d’euros. Ces mesures nouvelles comprennent la suppression du dégrèvement de la taxe d’habitation (TH) ainsi que la rebudgétisation temporaire de la TH sur les résidences principales.

L’impact de la croissance spontanée sur ces autres recettes fiscales s’élèverait à 3,8 milliards, porté par le rebond des taxes intérieures de consommation hors TICPE (+0,7 milliard), des retenues à la source sur les capitaux mobiliers (+ 0,5 milliard) ainsi que des produits des jeux (+ 0,4 milliard).

II.   LES RECETTES NON FISCALES DU BUDGET GÉNÉRAL

● En 2020, les recettes non fiscales augmenteraient de 2,3 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2019 pour s’établir à 16,3 milliards d’euros, selon les prévisions d’exécution actualisées par le présent projet de loi de finances.

Ceci s’explique par :

– les amendes prononcées par l’Autorité de la concurrence (+ 2,4 milliards d’euros), notamment l’amende infligée à la société Apple (1,1 milliard d’euros) ;

– le produit des amendes et condamnations pécuniaires (+ 1,7 milliard d’euros), notamment la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) mise en œuvre contre la société Airbus ;

– la rémunération des prêts garantis par l’État (+0,5 milliard d’euros) ;

– les intérêts et avances des programmes d’investissement d’avenir (PIA) reversés au budget général (+ 0,4 milliard) ;

– la hausse du versement, composé du dividende et du montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés, de la Banque de France (+ 0,3 milliard)

Ces hausses seraient néanmoins compensées, en partie, par la baisse du produit des participations de l’État (– 1,4 milliard), l’annulation des prélèvements sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations (– 0,5 milliard) et la baisse de son dividende (– 0,1 milliard), ainsi que la baisse du reversement du compte de commerce Soutien au commerce extérieur au budget général (– 0,6 milliard).

● En 2021, le produit des recettes non fiscales augmenterait de 8,6 milliards d’euros par rapport à 2020 pour atteindre 24,9 milliards d’euros. Cette hausse très importante serait portée par :

– les financements apportés par l’Union européenne dans le cadre de l’instrument Next Generation EU pour 10 milliards d’euros, bien que les conditions institutionnelles externes de cette attribution à la France demeurent à réunir (voir la fiche n° 3) ;

– la tarification des prêts garantis par l’État (+ 1,9 milliard d’euros) ;

– les produits des participations de l’État dans les entreprises publiques (+ 1,5 milliard d’euros) ;

– la récupération des créances d’EDF et des comptes historiques des opérateurs auprès de la Caisse des dépôts, liée à la suppression des dernières dispositions de l’ancien mécanisme de recouvrement de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) prévue à l’article 29 du PLF 2021 (+ 0,3 million d’euros) ;

– les frais d’assiette et de recouvrement (+ 0,3 milliard d’euros) ;

– le reversement des intérêts des PIA au budget général (+ 0,2 milliard).

La hausse de ces ressources serait en partie compensée par la baisse des amendes prononcées par l’Autorité de la concurrence par rapport à 2020 (– 2,2 milliards d’euros), ainsi que par celle du produit des autres amendes et condamnations pécuniaires (– 2,2 milliards), et des versements de la Banque de France (– 0,8 milliard) et de la Caisse des dépôts (– 0,3 milliard) ([82]).

Selon l’état A annexé au projet de loi de finances, ces recettes non fiscales se décomposeraient, principalement, en :

– 4,8 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 1,3 milliard d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 2,0 milliards d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 862 millions d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 1,7 milliard d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 14,3 milliards d’euros de produits divers, qui incluent en particulier une prévision de versement des financements européens de 10 milliards d’euros et un total de 2,6 milliards d’euros perçus au titre de divers produits de la rémunération de la garantie de l’État. Les ressources tirées de ces divers produits ont fortement augmenté (+ 2,4 milliards d’euros) par rapport au montant prévu en LFI 2020 (210,4 millions d’euros), reflétant l’impact du dispositif de prêts garantis par l’État.

III.   LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

Il est prévu que les prélèvements sur recettes (PSR) augmentent de 7,4 milliards d’euros en 2021 par rapport au montant prévu en LFI 2020, ce qui réduit d’autant le montant des ressources du budget général.

Évolution des prÉLÈvements sur recettes depuis 2019

(en milliards d’euros)

Bénéficiaire du prélèvement sur recettes

2019

2020

(prévision initiale)

2020 (prévision actualisée)

2021

Variation 2021/2020*

Union européenne

21,0

21,5

23,4

26,9

+ 3,5 (+5,4)

Collectivités territoriales

40,9

41,2

42,2

43,2

+ 1 (+ 2)

Total

61,9

62,7

65,5

70,1

+ 4,6 (+ 7,4)

*Évolution par rapport à la prévision actualisée pour 2020. Entre parenthèses, l’évolution par rapport à la prévision initiale de la LFI 2020.

Source : présent projet de loi de finances.

Le PSR en faveur de l’Union européenne augmenterait de 3,5 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2020 et de 5,4 milliards par rapport à la LFI 2020 pour s’établir à 26,9 milliards d’euros.

Le PSR en faveur des collectivités augmenterait de 2 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale pour 2020, du fait de l’addition de plusieurs facteurs, dont les principaux sont les suivants :

– une baisse de 2,2 milliards d’euros d’allocations compensatrice, en lien avec la réforme de la taxe d’habitation ;

– une hausse de 3,3 milliards d’euros avec la création d’un nouveau prélèvement sur recettes (PSR) par l’article 4 du présent PLF ;

– une augmentation de 0,5 milliard d’euros sur le FCTVA ([83]) ;

– une augmentation de 0,4 milliard du fait de la création d’un nouveau PSR au titre de la garantie des recettes 2020 du bloc communal et des autorités organisatrices de la mobilité.

IV.   86 MILLIARDS D’EUROS DE DÉPENSES FISCALES POUR 2021

Le tome II de l’annexe relative aux Évaluations des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour lÉtat une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de lapplication de la norme, cest-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Le présent projet de loi de finances prévoit des dépenses fiscales de 85,9 milliards d’euros.

DÉpenses fiscales 2018-2021

(en milliards d’euros)

Année

2018

exécution

2019

exécution

2020

prévision actualisée

2021

prévision

Montant des dépenses fiscales

99,0

99,9

89,1

85,9

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

Le coût total des dépenses fiscales diminuerait ainsi de 3,2 milliards d’euros par rapport à 2020.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 dispose que « le rapport entre, dune part, le montant annuel des dépenses fiscales et, dautre part, la somme des recettes fiscales du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements, et des dépenses fiscales ne peut excéder 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour lannée 2020, 26 % pour lannée 2021 et 25 % pour lannée 2022 ».

Les données annexées au présent projet de loi de finances permettent de confirmer que les plafonds de la LPFP sont respectés depuis 2018 et continueraient à l’être en 2021.

Taux de dÉpenses fiscales dans les recettes nettes de l’État

(en % et en milliards d’euros)

 

2019

2020

2021

Montant des recettes fiscales nettes (en milliards deuros)

281,3

246,8

271,2

Montant des dépenses fiscales (en milliards deuros)

99,9

89,1

85,9

Total

381,2

335,9

357,1

Taux de dépenses fiscales plafond prévu par la LPFP (en %)

28

27

26

Taux de dépenses fiscales exécuté (2019) ou prévisionnel (2020 et 2021) (en %)

26

27

24

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluation des voies et moyens, tome II.

Bien qu’il en soit dénombré 475 dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, le coût des dépenses fiscales est en réalité concentré sur un faible nombre d’entre elles.

Les 15 dépenses fiscales les plus coûteuses représentent à elles seules plus de 50 % du montant total des dépenses fiscales. Le CICE, malgré sa suppression, continue d’avoir des effets du fait de créances passées. Il demeure la première dépense fiscale du budget général.

Les 15 dÉpenses fiscales les plus coûteuses en 2021

(en millions d’euros)

Dépenses fiscales

Montant

Crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi

8,0

Crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR)

6,4

Abattement de 10 % sur les pensions

4,3

Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile

3,8

Taux de TVA de 10 % pour certains travaux de rénovation

3,4

Taux de TVA de 10 % sur les ventes à consommer sur place

3,0

Exonérations de l’épargne versée au titre de l’intéressement ou de la participation

2,2

TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

2,1

Exonération d’IR pour les heures supplémentaires

2,1

Exonération des prestations familiales et autres allocations

2,0

Exonération en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste

1,9

Déduction d’IR pour des dépenses de réparations et d’amélioration

1,7

Exclusion de TICPE pour le carburant des départements d’outre-mer

1,7

Réduction d’impôt au titre des dons

1,5

Tarif réduit (remboursement) pour le gazole non routier, le fioul lourd et les gaz de pétrole liquéfié utilisés pour les travaux agricoles et forestiers

1,4

Total

45,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

 

*

*     *

 

 

 


—  1  —

   FICHE  7 :
LES DÉPENSES DE LÉTAT

Résumé de la fiche

En 2021, les dépenses de l’État s’écartent sensiblement de la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Elles connaissent une progression de 42,7 milliards deuros soit une hausse de près de 10 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Principalement liée à la crise sanitaire et au financement du plan de relance, dont la mission associée permettra de prévoir 22 milliards deuros de crédits de paiement pour l’année 2021, la hausse des dépenses de l’État reste limitée à 10,3 milliards deuros sagissant de la norme de dépense pilotable.

La stabilité des effectifs de l’État et ses opérateurs se confirme encore cette année. Après un schéma d’emploi affichant une hausse de 17 équivalent temps plein (ETP) en 2020, les prévisions de recrutement de lÉtat et ses opérateurs en 2021 sont établies à  117 ETP. Cette moindre réduction des effectifs est justifiée à la fois par une forte demande sociale et la nécessité de mettre en œuvre les objectifs du plan de relance.

Les moyens alloués à la relance n’empêchent pas de continuer à soutenir fortement les priorités du Gouvernement, les crédits de paiement alloués à certaines missions évoluant substantiellement (missions Défense, Solidarité, insertion et égalité des chances, Enseignement scolaire, Investissements davenir, Écologie, développement et mobilités rurales, Sécurités, Justice).

Le taux de mise en réserve des crédits hors dépenses de personnel serait fixé à 3 % pour la quatrième année consécutive, signe de la pérennisation de l’amélioration de la pratique budgétaire. Pour accroître la rapidité d’exécution du plan de relance, la mission qui lui est consacrée sera exonérée de mise en réserve.

Enfin, le présent projet de loi de finances est le premier budget national à disposer dune cotation environnementale intégrale. Elle obéit à la méthode dite du « budget vert », élaborée par la mission du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF) ([84]) à la suite de propositions notamment parlementaires.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([85]) (LPFP 2018‑2022) a prévu une faible évolution de la dépense de l’État sur les années 2018 à 2022. Si les exercices budgétaires 2018 et 2019 ont été conformes à l’objectif de modération de la dépense de l’État, tout en diminuant la prévision du nombre de suppressions d’emplois et en augmentant fortement les crédits alloués aux politiques publiques considérées comme prioritaires, l’exécution budgétaire de 2020 et la prévision pour 2021 s’éloignent substantiellement de la trajectoire définie par la LPFP.

Pour faire face à la crise sanitaire, le Gouvernement a recours à une politique budgétaire expansionniste, qui se reflète dans les dépenses prévues pour l’année 2021 au titre du plan de relance. Le reste du budget prolonge la logique établie depuis 2018 : renforcement des moyens des missions prioritaires et maîtrise de la dépense.

I.   UNE ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE LÉTAT MAÎTRISÉE HORS PLAN DE RELANCE ET LA STABILISATION DES EFFECTIFS

A.   UNE PROGRESSION MARQUÉE DES DÉPENSES DE LÉTAT

La dépense totale de l’État devrait progresser de 42,7 milliards d’euros en 2021, soit une hausse de près de 10 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2020 ([86]). Les efforts de bonne gestion et de sincérité budgétaire se poursuivent.

1.   Un nouveau palier de dépenses a été franchi

En 2021, la norme de dépenses pilotables de l’État, dont les crédits de la mission Plan de relance sont exclus, augmenterait de 10,3 milliards deuros à périmètre constant par rapport à LFI pour 2020. Il s’agit de l’augmentation la plus importante de la norme depuis 2017. Comparée à la loi de finances pour 2020 telle que résultant de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (LFR 3) ([87]), la hausse de la norme pilotable est limitée à 3,6 milliards d’euros.

Évolution de la norme de dépenses pilotables à périmètre depuis 2017

(en milliards deuros)

Source : présent projet de loi de finances.

L’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) rassemble, d’une part, les dépenses sous la norme de dépenses pilotables et, d’autre part, les dépenses dont l’évolution est considérée, selon les règles édictées par la LPFP 2018‑2022, ne pas être directement pilotable par le Gouvernement. Il augmenterait de 42,7 milliards deuros entre la LFI 2020 et 2021, ce qui représente près de six fois la hausse observée entre 2019 et 2020. Toutefois, par rapport à l’exécution 2020 actualisée par la troisième loi de finances rectificative pour 2020, lODETE serait en diminution de 17,4 milliards deuros.

Cet accroissement substantiel est porté par trois postes de dépenses en particulier : le plan de relance (+ 22 milliards d’euros), le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (+ 5,4 milliards d’euros) et une augmentation des transferts aux collectivités locales (+ 4,1 milliards d’euros).

Norme de dépenses de l’État entre 2017 et 2021

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

LFI 2020

LFI 2020 (modifiée par la LFR 3)

PLF 2021 (constant)

Écart PLF 2021 constant/LFI 2020

Crédits budgétaires

245,1

246,9

253

259

265,6

270,3

+ 11,3

Taxes et recettes affectées

19,1

18,6

18,7

19,5

19,6

18,7

– 0,8

Budgets annexes et comptes spéciaux

6,8

6,8

6,6

6,8

6,8

6,6

– 0,2

Retraitement des flux internes à l’État

– 5,8

– 5,8

– 5,8

– 5,8

– 5,8

– 5,9

– 0,1

Norme de dépenses pilotables

265,1

266,4

272,5

279,4

286,1

289,7

+ 10,3

Transferts aux collectivités territoriales

44,8

45,5

46,1

46,7

47,7

50,8

+ 4,1

Dépenses du CAS Pensions*

55,8

56,7

57,3

58

58

58,7

+ 0,7

Autres dépenses des comptes spéciaux

1,3

1,6

2,1

1,2

1,2

0,1

– 1,1

Prélèvement sur recettes au profit de l’UE

16,4

20,6

21

21,5

23,4

26,9

+ 5,4

Charge de la dette - y compris reprise de dette SNCF Réseau par l’État

41,7

41,5

40,3

38,6

36,6

37,1

– 1,5

Investissements d’avenir

– 0,1

1

0,9

2,1

2,1

3,9

+ 1,8

Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement (nouveau)

0

0

0

0

0

1

+ 1,0

Plan de relance (nouveau)

0

0

0

0

0

22

+ 22,0

Plan d’urgence face à la crise sanitaire (nouveau)

0

0

0

0

52,4

0

Objectif de dépenses totales de lÉtat

425,0

433,4

440,1

447,3

507,4

490,0

+ 42,7

* Hors pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre.

Source : présent projet de loi de finances.

2.   Une gestion des crédits qui s’adapte à la crise sanitaire

Les efforts du Gouvernement pour assainir la gestion budgétaire continuent mais s’adaptent à la situation sanitaire.

Depuis 2017, le Gouvernement a entamé une démarche de « sincérisation » budgétaire qui se poursuit au sein de ce projet de loi de finances :

– le taux de mise en réserve des crédits hors titre 2 a été abaissé de 8 % à 3 %. Cette diminution l’a obligé à présenter au Parlement une programmation des dépenses plus sincères que lors des programmations précédentes. Cela l’a conduit à majorer les dotations de plusieurs programmes à partir de la confection du projet de loi de finances pour 2018 ;

– malgré la crise économique, le Gouvernement na pas eu recours à des décrets davance et a préféré en 2020 solliciter l’autorisation parlementaire à trois reprises pour adapter les moyens de l’État ;

– pour accroître la lisibilité et la sincérité budgétaire des dépenses consacrées aux politiques publiques de lécologie plusieurs mesures sont prévues à compter de 2021 : le compte d’affectation spéciale Transition énergétique est supprimé, le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport est intégré au budget de l’État tout comme le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM).

L’abandon de la pratique du décret d’avance

En 2018, pour la première fois depuis 1985, aucun décret d’avance n’a été pris. Le Gouvernement n’a pas fait usage de cette procédure prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([88]) consistant à ouvrir des crédits en cours de gestion sur des programmes pour majorer leurs plafonds de crédits, afin que les gestionnaires de programme puissent couvrir leurs besoins en engageant des dépenses ou en procédant à leur règlement. Pour nécessaire que soit son existence, cette procédure porte fortement atteinte à la portée de l’autorisation parlementaire en ce que l’autorisation parlementaire de dépenser prend précisément la forme de plafonds de dépenses limitatifs par programme.

Aucun décret d’avance n’est intervenu en gestion en 2018, 2019 et, et à ce jour, en 2020 malgré des circonstances exceptionnelles et une forte incertitude sur le calibrage des moyens mis en œuvre, ce qui tend à prouver que l’usage qui a été fait de cette dérogation par le passé était sans doute excessif.

Pour permettre une mobilisation rapide des crédits et soutenir les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales par temps de crise, plusieurs missions ont été ou seront exonérées de mise en réserve :

– la mission Plan durgence face à la crise sanitaire qui a permis en 2020 de financer les principales mesures de soutien à l’économie portées par les différentes lois de finances rectificatives (dispositif d’activité partielle, fonds de solidarité pour les entreprises, soutien financier en garantie de l’État pour certaines entreprises et compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises) ;

– en 2021, les missions Plan de relance et Investissement davenir.

B.   LA MASSE SALARIALE DE LÉTAT : UNE STABILISATION DES EFFECTIFS

En 2021, les dépenses de personnel du budget général de l’État s’élèveraient à 135,3 milliards deuros, dont 91,2 milliards deuros hors contributions au compte d’affectation spéciale Pensions (CAS « Pensions »). La masse salariale hors pensions augmenterait ainsi de 1,45 milliard deuros (+ 1,6 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. L’augmentation serait donc quasi identique à celle prévue par le projet de loi de finances pour 2020 entre 2019 et 2020 (+ 1,48 milliard d’euros).

La croissance de la masse salariale reste toutefois maîtrisée. À titre de comparaison, les dépenses de personnel hors CAS « Pensions » ont augmenté de 4,4 milliards d’euros en 2017 (+ 3,6 %).

1.   La stabilisation des effectifs sur le champ de l’État et de ses opérateurs

a.   Le niveau stable de l’emploi de l’État et de ses opérateurs en 2021

En 2021, le schéma d’emplois présenté par le Gouvernement pour l’État et ses opérateurs s’établit à  157 ETP, confirmant une stabilisation des effectifs après une hausse prévisionnelle de 17 ETP en 2020, après des baisses estimées à 4 164 ETP en 2019 et 1 660 ETP en 2018.

Prévisions des schÉmas d’emplois pour les années 2018 à 2021
à champ constant

(en équivalents temps plein)

 

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

Cumul 2018/2021

État

– 324

– 1 571

+ 192

– 11

– 1 714

Opérateurs de lÉtat

– 1 336

– 2 593

– 175

– 146

– 4 250

Ensemble État et opérateurs de lÉtat

– 1 660

– 4 164

+ 17

– 157

– 5 964

Source : projets de loi de finances pour 2019, 2020 et 2021.

Selon les prévisions des lois de finances initiale pour 2018 à 2020 et selon le présent projet de loi de finances, le schéma d’emplois de l’État et de ses opérateurs serait de  5 964 ETP entre 2018 et 2021. Encore ce chiffre ne prend‑il en compte que les prévisions pour l’année 2018 et non la consommation effective d’ETP ([89]).

La distinction entre les ETP et les ETPT

Les équivalents temps plein (ETP) correspondent aux effectifs physiques, c’est-à-dire aux agents rémunérés, corrigés de la quotité de temps travaillé. Ils ne tiennent pas compte de la durée d’emploi sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 % (quotité de travail : 70 %) correspond à 0,7 ETP, qu’il ait travaillé 8 ou 12 mois dans l’année.

Les équivalents temps plein travaillés (ETPT) correspondent aux effectifs physiques pondérés par la quotité de travail des agents (temps plein, temps partiel, etc.) et la période d’activité sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 %, qui a travaillé du 1er juillet au 31 décembre correspond à 0,35 ETPT (1 × 0,7 × 6 mois/12 mois = 0,35 ETPT).

Les consommations d’emplois et les plafonds des autorisations d’emplois sont exprimés en ETPT. À l’inverse, les schémas d’emplois sont exprimés en ETP.

Ainsi, les schémas demplois traduisent les flux d’entrées et de sorties, tandis que les plafonds demplois illustrent le stock d’emplois.

N.B. : depuis lexercice 2015, les modalités de décompte des emplois sont homogènes entre lÉtat et ses opérateurs : la fixation dun plafond demplois en ETPT et une trajectoire de schémas demplois en ETP.

b.   Une prévision de réduction de 10 500 emplois environ sur le quinquennat

Le Gouvernement a abaissé sa prévision de réduction nette de 50 000 emplois sur le champ de l’État et de ses opérateurs sur le quinquennat. Cette prévision avait été traduite législativement à l’article 10 de la LPFP 2018‑2022 qui dispose que le nombre d’emplois en 2022 exprimé en équivalents temps plein travaillé (ETPT) doit être au moins inférieur de 50 000 au nombre d’ETPT ([90]) en 2018. Le Gouvernement a ensuite prévu à partir de 2020 une diminution nette de 10 500 ETP sur la même période 2018-2022.

Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2020 devant la commission des finances de l’Assemblée le 27 septembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics avait précisé que cette baisse nette se décomposait en une diminution brute d’environ 27 000 ETP et une création brute d’emplois d’environ 17 000 ETP. Environ 10 000 suppressions de postes brutes devaient être assumées par le seul ministère de l’action et des comptes publics.

Cet abaissement de la prévision de réduction de postes tirait les conséquences des conclusions du Grand débat national lors duquel s’était exprimée une demande forte pour renforcer certains services publics.

Ainsi, à supposer que le schéma d’emplois s’établisse à – 5 807 ETP pour les années 2018-2020 sur le champ de l’État et des opérateurs (voir supra), l’atteinte de la prévision de – 10 500 ETP d’ici 2022 implique une diminution nette de 4 693 ETP sur les années 2021 et 2022, soit une baisse moyenne nette de 2 346 ETP par an. Force est de constater que cette proportion nest pas atteinte pour 2021.

c.   L’évolution des effectifs des ministères

Le présent projet de loi de finances prévoit une infime diminution des effectifs de l’État hors opérateurs en 2021, à hauteur de 11 ETP. Entre 2018 et 2021, le schéma d’emplois s’établirait à – 1 714 ETP, soit une moyenne annuelle de – 429. Cette quasi-stabilisation intervient après trois années d’augmentation sensible des effectifs de l’État : entre 2015 et 2017, le schéma d’emplois a atteint + 32 478, soit une moyenne annuelle de + 10 826.

Schéma d’emplois de l’État (hors opérateurs) depuis 2009

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir des projets de lois de règlement et du présent projet de loi de finances.

Bien que les effectifs de l’État ne diminuent que faiblement en 2021, la quasi-stabilité du schéma d’emploi masque des évolutions contrastées entre les ministères, tenant compte de la volonté du Gouvernement de renforcer le domaine régalien de l’État.


Plafond et schéma d’emploi de l’État demandés par le PLF 2021

 

Ministère ou budget annexe

Plafond demploi (ETPT)

Schéma demploi

(en ETP à champ constant)**

Agriculture et alimentation

29 565

– 185

Armées

272 224

+ 300

Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

291

Culture

9 541

– 30

Économie, finances et relance

130 906

– 2 135

Éducation nationale, jeunesse et sports

1 024 350

– 38

Enseignement supérieur, recherche et innovation

6 794

+ 15

Europe et affaires étrangères

13 563

Intérieur

293 170

+ 1 359

Justice

89 882

+ 1 500

Outre-mer

5 618

+ 35

Services du Premier ministre

9 642

+ 153

Solidarités et santé

4 819

+ 29

Transition écologique

36 241

– 779

Travail, emploi et insertion

7 804

– 221

Budget général

1 934 410

+ 3

Contrôle et exploitation aériens

10 544

Publications officielles et information administrative

594

– 14

Budgets annexes

11 138

– 14

Total général

1 945 548

– 11

 

** Le schéma demplois, exprimé en ETP, ne correspond pas à lécart dune année sur lautre du plafond demplois, exprimé en ETPT. Voir la différence entre ETP et ETPT dans lencadré cidessus.

Source : loi de finances pour 2020 et présent projet loi de finances.

Les suppressions de postes les plus fortes interviendraient en 2021 principalement dans trois ministères :

– le ministère de l’économie, des finances et de la relance (– 2 135 ETP) ;

– le ministère de la transition écologique (– 779 ETP) ;

– le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion (– 221 ETP).

À l’inverse, le Gouvernement propose d’accroître significativement les effectifs de trois ministères :

– le ministère de la justice (+ 1 500 ETP) ;

– le ministère de l’intérieur (+ 1 359 ETP) ;

– le ministère des armées (+ 300 ETP).

La règle d’ajustement des plafonds des autorisations d’emplois introduite
en loi de programmation des finances publiques

L’article 11 de la LPFP 2018-2022 a prévu qu’à compter de l’exercice 2019, le plafond des autorisations d’emplois de l’État spécialisé par ministère (exprimé en ETPT) ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d’emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus.

Cette disposition vise à instaurer un ajustement mécanique des plafonds d’emplois par rapport à la consommation d’emplois. Ainsi, il ne pourrait plus y avoir de déconnexion substantielle entre un plafond d’emplois d’un ministère et le niveau de consommation de celui-ci. Cela a pour objet d’accroître la lisibilité et la portée des plafonds d’emplois votés par le Parlement. En effet, le Parlement avait pu voter au cours des années récentes des augmentations de plafonds d’emplois pour certains ministères, qui ne se traduisaient pas in fine par une augmentation des emplois consommés.

Le Gouvernement a apporté des précisions dans le projet de loi de règlement pour 2018 : l’écart entre les plafonds d’emplois votés en loi de finances pour 2018 et la consommation effective des emplois s’est établie à 1,3 % pour l’ensemble des ministères, soit 26 287 ETP.

d.   Le ralentissement de la baisse des effectifs au sein des opérateurs de l’État

Le solde négatif du schéma d’emplois de l’État et de ses opérateurs est largement porté par la diminution de 146 ETP sur le champ des opérateurs de l’État.

Schéma d’emplois des opérateurs depuis 2009
(en équivalents temps plein)

Source : projets de loi de finances.

Comme pour le périmètre de l’État, l’évolution nette globale des effectifs traduit des choix du Gouvernement.

Plafond et schéma d’emploi des opérateurs de l’État
demandés par le PLF 2021

Ministère ou budget annexe

Plafond demploi (ETPT)

Schéma demploi

(en ETP à champ constant)**

Agriculture et alimentation

14 922

– 190

Armées

8 209

– 14

Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

323

– 6

Culture

19 628

– 35

Économie, finances et relance

8 275

– 28

Éducation nationale, jeunesse et sports

3 780

– 82

Enseignement supérieur, recherche et innovation

249 530

+ 685

Europe et affaires étrangères

6 253

Intérieur

2 878

+ 10

Justice

673

Mer

525

– 1

Outre-mer

127

Services du Premier ministre

516

– 63

Solidarités et santé

8 450

+ 47

Transformation et fonction publiques

1 080

– 26

Transition écologique

22 615

– 168

Travail, emploi et insertion

56 563

– 275

Budget général

404 347

– 146

Contrôle et exploitation aériens

805

Publications officielles et information administrative

0

Budgets annexes

805

Total général

405 152

– 146

Source : présent projet de loi de finances.

Les baisses d’effectifs les plus importantes concernent les opérateurs rattachés aux ministères suivants :

– le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion (– 275 ETP) ;

– le ministère de l’agriculture et de l’alimentation (– 190 ETP) ;

– le ministère de la transition écologique (– 168 ETP).

À l’inverse, les opérateurs rattachés aux ministères de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation voient leurs effectifs croître (+ 685 ETP, notamment pour le recrutement dans les universités), des solidarités et de la santé (+ 47) et de l’intérieur (+ 10 ETP) devraient voir leurs effectifs progresser en 2019.

Les schémas d’emplois du projet de loi de finances, tant pour l’État que pour ses opérateurs, sont présentés à titre indicatif dans l’exposé général des motifs, dans le dossier de presse que fournit le Gouvernement à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances ou dans l’exposé des motifs des articles du projet de loi fixant les plafonds des emplois de l’État ou des opérateurs. En effet, seuls les plafonds d’emplois, exprimés en ETPT, sont fixés par le dispositif même du projet de loi de finances.

À la différence des plafonds d’emplois de l’État, présentés par ministère ([91]), les plafonds d’emplois des opérateurs de l’État sont ventilés par mission. La règle de plafonnement des emplois des opérateurs n’a pas valeur organique. Le tableau ci‑dessous énumère les plafonds proposés par l’article 38 du présent projet de loi.

Plafonds des emplois des opérateurs de l’État

(en équivalents temps plein travaillé)

Mission de rattachement

LFI 2019

LFI 2020

PLF 2021

Action extérieure de l’État

6 530

6 324

6 253

Administration générale et territoriale de l’État

358

355

361

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14 003

13 882

13 720

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

1 317

1 278

1 228

Cohésion des territoires

281

639

661

Culture

14 461

15 483

16 530

Défense

6 564

6 937

6 981

Direction de l’action du Gouvernement

597

592

516

Écologie, développement et mobilité durables

19 578

19 312

19 158

Économie

2 563

2 496

2 533

Enseignement scolaire

3 276

3 183

3 048

Immigration, asile et intégration

1 984

2 173

2 171

Justice

617

625

673

Médias, livre et industries culturelles

3 004

3 102

3 098

Outre-mer

127

127

127

Recherche et enseignement supérieur

259 387

259 762

259 825

Régimes sociaux et de retraite

307

294

293

Santé

1 624

134

131

Sécurités

279

293

299

Solidarité, insertion et égalité des chances

8 198

8 027

8 319

Sport, jeunesse et vie associative

657

692

732

Travail et emploi

54 089

54 445

56 563

Transformation et fonction publiques

1 195

1 106

1 080

Contrôle et exploitation aériens

812

805

805

Contrôle de la circulation et du stationnement routier

41

47

47

Total

401 849

402 113

405 152

Source : lois de finances initiale pour 2019 et 2020 et présent projet de loi de finances.

2.   L’évolution des rémunérations

a.   L’effet du glissement vieillesse technicité et des mesures catégorielles

Selon l’exposé général des motifs, la croissance des rémunérations d’activité de 1,45 milliard deuros en 2021 s’expliquerait essentiellement par :

– le solde du glissement vieillesse technicité (GVT), traduisant l’effet mécanique des progressions de carrière sur la masse salariale, à hauteur de 0,4 milliard deuros ;

– l’impact de mesures catégorielles en 2020 à hauteur de 0,7 milliard deuros et, en particulier, de la poursuite de la mise en œuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) pour 0,1 milliard d’euros.

L’évolution des rémunérations reste toutefois maîtrisée, notamment du fait du gel du point d’indice.

b.   Le gel du point d’indice en 2021

Pour les années 2018 à 2020, le Gouvernement a gelé la valeur du point d’indice de la fonction publique. Selon la Cour des comptes, une augmentation de 1 % de la valeur du point d’indice correspond à un surcoût annuel de 2,1 milliards deuros pour l’ensemble des administrations publiques, dont 880 millions pour l’État et ses opérateurs ([92]).

Ces trois gels successifs sont intervenus après deux augmentations réalisées le 1er juillet 2016 (+ 0,6 %) et le 1er février 2017 (+ 0,6 %) ([93]), qui rompaient avec une période prolongée de gel du point d’indice depuis 2010.

Le 24 juillet 2020, Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et la fonction publiques, a annoncé le gel du point d’indice pour l’année 2021. Par convention, on considère que cette mesure engendre un niveau d’économies d’autant plus important que l’inflation est élevée. L’impact depuis 2018 du gel du point d’indice serait d’autant moins fort que le niveau du taux d’inflation (indice des prix à la consommation y compris tabac) est estimé à la baisse : 0,5 % et 0,7 % pour les années 2020 et 2021.

ÉVOLUTION DE LINFLATION ET DU POINT DINDICE DE LA FONCTION PUBLIQUE

(en %)

Source : commission des finances.

À l’inverse, cette mesure a un impact défavorable sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui est d’autant plus fort que l’inflation est élevée. Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour remédier à cette situation. Il s’agit en particulier de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA) et du minimum de traitement.

La GIPA prend la forme d’une compensation versée aux agents dont le traitement augmente moins vite que l’inflation. Les paramètres de ce dispositif sont liés d’une part à l’évolution de la valeur du point d’indice et d’autre part à des facteurs extérieurs tels que l’inflation et la valeur du SMIC. La Cour des comptes a relevé que la GIPA a représenté un coût annuel pour l’État de 150 à 200 millions d’euros entre 2012 et 2015.

II.   LE BUDGET DE L’ÉTAT PREND EN CHARGE LA RELANCE ET SOUTIENT LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT

A.   LAUGMENTATION GLOBALE DES PLAFONDS DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU BUDGET GÉNÉRAL

En 2021, les crédits du budget général de l’État augmenteraient de 41 milliards deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, soit une croissance de 13,4 % en valeur. Ils s’établiraient à 378,7 milliards d’euros, y compris contribution au CAS « Pensions ».

Crédits de paiement* du budget général

(en milliards d’euros)

Mission

LFI 2020*

PLF 2021 (constant***)

Écart

Action extérieure de l’État

2 868

2 935

+ 66,4
+ 2,3%

Administration générale et territoriale de l’État

3 970

4 211

+ 240,7
+ 6,1 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 942

2 973

+ 31,5
+1,1 %

Aide publique au développement

3 268

4 904

+ 1 635,9
+ 50,1 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 160

2 090

– 70,1
– 3,2 %

Cohésion des territoires

15 154

15 991

+ 837,8
+ 5,5 %

Conseil et contrôle de l’État

705

719

+ 13,8
+ 2,0 %

Crédits non répartis

140

323

+ 182,5
+ 130,4 %

Culture

2 961

3 209

+ 248,0
+ 8,4 %

Défense

46 076

47 695

+ 1 618,9
+ 3,5 %

Direction de l’action du Gouvernement

791

860

+ 69,4
+ 8,8 %

Écologie, développement et mobilité durables

13 246

20 763

+ 7 517,1
+ 56,7 %

Économie

2 357

2 655

+ 298,0
+ 12,6 %

Engagements financiers de l’État

38 504

39 247

+ 743,0
+ 1,9 %

Enseignement scolaire

74 014

75 925

+ 1 910,4
+ 2,6 %

Gestion des finances publiques

10 234

10 102

– 131,8
– 1,3 %

Immigration, asile et intégration

1 812

1 849

+ 36,6
+ 2,0 %

Investissements d’avenir

2 057

3 977

+ 1 919,2
+ 93,3 %

Justice

9 389

10 058

+ 669,3
+ 7,1 %

Médias, livre et industries culturelles

587

606

+ 19,7
+ 3,4 %

Outre-mer

2 372

2 435

+ 62,5
+ 2,6 %

Pouvoirs publics

994

994

– 0,5
– 0,1 %

Recherche et enseignement supérieur

28 664

28 488

– 175,9
– 0,6 %

Régimes sociaux et de retraite

6 228

6 153

– 74,2
– 1,2 %

Plan de relance

21 992

+ 21 992

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

+ 0,0
+ 0,0 %

Relations avec les collectivités territoriales

3 468

3 915

+ 446,7
+ 12,9 %

Santé

1 128

1 329

+ 201,0
+ 17,8 %

Sécurités

20 485

20 700

+ 215,1
+ 1,0 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

26 282

26 119

– 163,0
– 0,6  %

Sport, jeunesse et vie associative

1 217

1 369

+ 152,2
+12,5 %

Transformation et fonction publiques

645

714

+ 69,4
+ 10,8 %

Travail et emploi

12 984

13 381

+ 396,4
+ 3,1 %

Total

337 704

378 682

+ 40 977,9
+ 12,1 %

* La mission Remboursement et dégrèvements dont les crédits de paiement s’élèvent à 126 milliards d’euros pour 2021, ne figure pas dans ce tableau. Budgétairement, ces crédits sont comptabilisés comme une moindre recette et non comme une dépense. Ils ne figurent pas dans l’ODETE.

** Au format de la LFI 2020 non modifiée par la LFR 3.

*** Au format du PLF 2021.

Source : présent projet de loi de finances.

Sur les trente-trois missions du budget général :

– vingt-six missions voient leurs crédits augmenter, dont quatorze de plus de 5 % ;

– sept missions voient leurs crédits diminuer ou stagner.

B.   LE DÉTAIL DE LÉVOLUTION DES CRÉDITS DE CHAQUE MISSION

Près des deux tiers de la hausse des crédits budgétaires est due au plan de relance intégré au budget 2021. Les autres augmentations de crédits financent les priorités du gouvernement.

1.   Le financement du plan de relance

L’année 2021 sera la première année de mise en œuvre de la mission ad hoc intitulée Plan de relance. Prévue pour une durée de deux ans, elle permettra d’engager 36,4 milliards deuros (AE) dès 2021. Les crédits de paiement (CP) de la mission seront décaissés en majeure partie la même année à hauteur de 22 milliards d’euros puis progressivement jusqu’en 2024.

Un nouveau programme d’investissement d’avenir, le PIA 4, participera également au financement du plan de relance. À ce titre, 11 milliards d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrites dans le PLF 2021 sur la mission Investissements davenir – 1,8 milliard d’euros de crédits de paiement seraient déboursés en 2021 ([94]) .

La fiche 4 du présent rapport s’intéresse particulièrement au plan de relance et à ses effets sur la dépense publique.

2.   La poursuite du renforcement du pôle régalien

● Les crédits de la mission Justice augmenteraient de 670 millions d’euros (+ 7,1 %, pour atteindre 10,1 milliards d’euros de crédits de paiement), en revenant à la lettre, et même au-delà, de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice ([95]).

Le schéma d’emplois serait de + 1 500 ETP contre une programmation de + 1 260 ETP dont + 1 092 ETP pour l’administration pénitentiaire, + 318 ETP pour les services judiciaires, + 40 ETP pour la protection judiciaire de la jeunesse et + 50 ETP pour la conduite et le pilotage de la politique de la justice.

Évolution des crédits (hors CAS Pensions) et des créations d’emplois

au sein de la mission justice selon la loi de programmation 2018‑2022

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Crédits de paiement de la mission Justice

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

Augmentation annuelle des crédits de paiement

+ 0,3

+ 0,4

+ 0,3

+ 0,3

Créations nettes d’emplois au sein du ministère (en ETP)

+ 1 100

+ 1 300

+ 1 620

+ 1 260

+ 1 220

Source : loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L’augmentation des crédits permettra notamment d’accroître les moyens de fonctionnement des juridictions pour une justice de proximité, de poursuivre l’effort de création de nouvelles places de prison et de financer le plan de transformation numérique du ministère et.

● La mission Défense bénéficie d’un accroissement de ses crédits de 1,7 milliard d’euros (+ 3,9 %), en cohérence avec les prévisions de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM 2019-2025) ([96]). Cette hausse intervient après une augmentation du même montant en 2020. La trajectoire de la LPM est donc respectée.

Évolution des crédits de la mission Défense
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

32,4

34,2

35,9

37,5

39,2

41,0

44,0

+ 1,8

+ 1,7

+ 1,7

+ 1,7

+ 1,7

+ 3,0

Note : lécart pour les années 2019 et 2020 aux montants des plafonds de crédits de la mission Défense provient de lexclusion des contributions au CAS Pensions.

Source : projets de loi de finances pour 2018 et 2019, présent projet de loi de finances et LPM 2019-2025.

Les crédits contribueront en priorité au renouvellement des équipements, à l’amélioration des conditions d’entraînement, au soutien des soldats et de leurs familles, à la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire et à l’amélioration des actions opérationnelles des armées.

Les effectifs de la mission seront renforcés de 300 ETP notamment dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense. Par ailleurs, la première étape de la nouvelle politique de rémunération des militaires sera lancée en 2021.

● Les crédits demandés pour la mission Sécurités sont accrus de 200 millions d’euros par rapport à la LFI 2020, pour atteindre 13,9 milliards d’euros en 2021. La hausse des crédits résulte en particulier de l’augmentation de la masse salariale : 2 000 recrutements supplémentaires dans les forces de sécurité sont prévus en 2021.

Le renforcement des moyens de la mission financera aussi la modernisation de l’équipement des forces de sécurité et des opérations de constructions et de rénovations de commissariats et de casernes de gendarmerie.

3.   La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de l’enseignement scolaire

Les crédits de la mission Enseignement scolaire croîtraient de 1,9 milliard deuros (dont 1,4 milliard d’euros hors CAS pensions) pour s’établir à 74,0 milliards d’euros. Il s’agit de la mission dont l’allocation de crédits est, de loin, la plus élevée.

L’accroissement prévu pour 2021 résulte notamment de la sanctuarisation des effectifs pour poursuivre les efforts en faveur du premier degré. Ce budget prévoit une revalorisation de 500 millions d’euros (coût en année pleine) des personnels de l’éducation nationale et notamment des enseignants en début de carrière et des directeurs d’école, dont le coût s’élèvera à 400 millions d’euros en 2021. Enfin, les moyens au titre de l’école inclusive sont renforcés, notamment par le recrutement complémentaire de 4 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

4.   La hausse des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

La mission Écologie, développement et mobilité durables verrait ses crédits augmenter de 1 milliard d’euros en 2020 (+ 5,6 %) pour atteindre 20,7 milliards d’euros en faveur de la production d’énergies renouvelables, de la prévention des risques naturels, des aires protégées et de la biodiversité, et du développement du secteur ferroviaire.

Les crédits de la mission seront complétés durant les deux prochaines années par l’effort de 30 milliards d’euros du plan de relance en faveur de la transition écologique.

C.   LES MESURES DE PÉRIMÈTRE

Le présent projet de loi de finances prévoit plusieurs mesures techniques de changement de périmètre par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, pour un montant de 1,7 milliard d’euros à la baisse sur le champ des dépenses de l’État.

Mesures de changement de périmètre

Mesures de périmètre

Projet de loi de finances pour 2021

Suppression, budgétisation de taxes et autres recettes affectées ou modifications de la répartition entre taxes et autres recettes affectées et crédits budgétaires - Autres ajustements liés à une évolution de la fiscalité

+ 642,7 millions deuros

Fin de la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique en prime pour les ménages modestes. Compensations à l’IEOM de la baisse de ressources financières en parallèle de l’intégration des recettes sur le budget général. Compensation à l’INERIS, à l’école de l’air et à l’ONAC de la taxe sur les salaires et des taxes liées à l’externalisation de la fonction restauration-hébergement du ministère des Armées.

Plafonnement des redevances versées à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Plafonnement de la fraction de taxe affectée aux agences de l’eau qui alimente le programme Ecophyto géré par l’Office français de la biodiversité.

Modification de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales ou compensation par le budget de l’État de la suppression ou de l’allégement d’impôts locaux

+ 60,5 millions deuros

Recentralisation du RSA à Mayotte et à La Réunion. Remplacement par des contractuels au sein des sapeurs-pompiers de Paris : transfert du SDIS vers l’État.

Clarification de la répartition des compétences entre l’État et des tiers (administrations de sécurité sociale et opérateurs, notamment)

 187,7 millions deuros

Transfert de l’Allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) vers la sécurité sociale et aux CAF des compétences résiduelles en matière de famille que porte la DGCS sur le programme 304. Transferts de la sécurité sociale vers l’État du fonds CMU, d’effectifs et de crédits en lien avec la création de pôles sociaux au sein des tribunaux. Extension en année pleine des mesures 2020 de régulation de l’accès aux soins des demandeurs d’asile. Plan d’investissement de l’agence de santé de Wallis et Futuna financé sur les crédits du Ségur de la santé. Reprise des missions de l’INTS par l’INSERM. Transfert du soutien à l’innovation de la mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur vers le PIA.

Paiement de loyers budgétaires

Mesures de périmètre relatives aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales ou en faveur de l’Union européenne

 2 227,9 millions deuros

Ajustement du PSR concernant les compensations anciennement versées par l’État dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation. Impact sur le PSR au profit des collectivités locales de la recentralisation du RSA à Mayotte et la Réunion.

Incidence totale sur les dépenses de lÉtat

– 1 712,4 millions deuros

Source : exposé général des motifs du présent projet de loi de finances.

D.   LA CONCRÉTISATION DE LÉVALUATION DE LIMPACT DES DÉPENSES SUR LENVIRONNEMENT

Les mouvements sociaux de la fin de l’année 2018 et les débats sur le financement par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) d’actions favorisant la transition énergétique ont mis en lumière la nécessité de rendre lisibles les financements publics affectés à la transition écologique et d’évaluer l’impact des dépenses publiques sur l’environnement.

1.   Pour la première fois, le budget de l’État présente les conséquences environnementales des politiques conduites

Le présent projet de loi de finances intègre pour la première fois une cotation intégrale des dépenses selon leur impact environnemental, suivant une démarche de budgétisation verte ou de « budget vert ». La France est ainsi le premier pays au monde à réaliser une évaluation environnementale à l’échelle de tout un budget national.

Le périmètre retenu est très large : il s’étend aux dépenses du périmètre de l’objectif total de dépenses de l’État (ODETE) c’est-à-dire au périmètre des crédits budgétaires du budget général, des budgets annexes et de la plupart des comptes spéciaux, des prélèvements sur recettes, des taxes affectées plafonnées, et des dépenses fiscales.

Le premier résultat de cet exercice via la méthodologie exposée ci-après est le suivant : sur les 488,4 milliards d’euros d’ODETE pour l’année 2021, 52,8 milliards d’euros de dépenses (au sens large) non neutres ont été comptabilisées, soit 9 % d’entre elles. Elles recouvrent :

– 38,1 milliards d’euros favorables à au moins un objectif environnemental ;

– 4,7 milliards d’euros de dépenses mixtes qui occasionnent à la fois au moins un effet favorable et un effet défavorable ;

– 10 milliards d’euros qui ont au moins un impact défavorable. Ce périmètre recouvre principalement des dépenses fiscales (7,2 milliards d’euros), en particulier les exonérations ou taux réduits sur les taxes intérieures de consommation (TIC) des produits énergétiques relatives aux carburants, ainsi que des dépenses budgétaires, à l’image des dépenses en faveur du transport aérien.

Pour l’instant, la traduction de cet exercice se borne en l’insertion de fiches à la suite de la présentation des missions concernées dans le dossier de presse de présentation du projet de loi de finances. Aucune évaluation n’est détaillée dans les projets annuels de performance présentant les missions.

2.   Le « budget vert » est l’aboutissement d’un travail parlementaire appuyé par celui d’une mission d’inspection

● À l’initiative de Mme Bénédicte Peyrol ([97]) et conformément à l’article 206 de la loi de finances pour 2019, les annexes générales aux projets de loi de finances ont été enrichies à compter de la loi de finances pour 2020 d’un rapport intitulé Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de lenvironnement et du climat. Par souci de lisibilité, il s’est substitué à trois annexes ([98]) et comporte :

– un état de l’ensemble des financements publics en faveur de l’écologie, de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique ;

– un état évaluatif des moyens financiers publics et privés mis en œuvre pour financer la transition énergétique et leur adéquation avec les engagements européens de l’accord de Paris et de l’agenda 2030 du développement durable de l’Organisation des nations unies (ONU) ;

– un état détaillant la stratégie en matière de fiscalité écologique et énergétique permettant d’évaluer la part de cette fiscalité dans les prélèvements obligatoires, les mesures d’accompagnement et l’efficacité des dépenses fiscales en faveur de l’environnement. Il devra préciser, selon les termes de l’article 206 de la loi de finances pour 2019, l’impact de cette fiscalité sur le pouvoir d’achat des ménages et sur les coûts de production et les marges des entreprises ;

– un bilan des actions de maîtrise de la demande d’énergie, des mesures de promotion des énergies renouvelables et de l’évolution de l’impact sur l’environnement de la consommation d’énergie ;

– un scénario d’évolution de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ;

– une version intégrée de la manière dont les instruments fiscaux incitent les acteurs économiques à la prévention des atteintes portées à l’environnement.

● Parallèlement, une mission commune du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF) a rendu sa proposition de méthode pour une budgétisation environnementale ou « green budgeting » ([99]). L’objectif de la budgétisation environnementale est d’évaluer la compatibilité des budgets nationaux avec les objectifs environnementaux. Cette approche recoupe donc celle de l’annexe mentionnée ci‑dessus.

Les conclusions de la mission ont été utiles pour appréhender les enjeux budgétaires et fiscaux en matière environnementale. Ils chiffrent ainsi à 52,9 milliards d’euros en 2017 la fiscalité environnementale française, soit 2,3 % du PIB et 5,0 % des prélèvements obligatoires. À titre de comparaison, la fiscalité environnementale représentait la même année 2,4 % du PIB et 5,9 % des prélèvements obligatoires des pays de la zone euro. Sur ce montant, seuls 33 milliards d’euros relèvent des finances de l’État et donc du projet de loi de finances.

La mission a proposé une méthode pour évaluer les dépenses (y compris les dépenses fiscales) ayant un impact sur l’environnement, par une cotation comprise entre ‑1 et 3, selon que la dépense est défavorable ou très favorable sur six objectifs environnementaux :

– la lutte contre le changement climatique ;

– l’adaptation au changement climatique et la prévention des risques naturels ;

– la gestion de la ressource en eau ;

– l’économie circulaire, la gestion des déchets et la prévention des risques technologiques ;

– la lutte contre les pollutions ;

– la biodiversité et la gestion durable des espaces naturels, agricoles et sylvicoles.

Elle avait appliqué cette méthode aux dépenses de l’État telles que prévues par le projet de loi de finances pour 2019. D’après cette première analyse transversale mais encore partielle et fragile par certains aspects :

– entre 33 et 36 milliards d’euros de dépenses auraient eu un impact favorable sur au moins l’un des six objectifs, dont 30 milliards d’euros n’auraient eu aucun impact défavorable sur un des autres objectifs ;

– environ 25 milliards d’euros de dépenses auraient eu un impact défavorable sur l’un au moins des objectifs, dont 19 à 21 milliards d’euros n’auraient aucun impact favorable sur un autre objectif.

*

*     *

 

 

 

 


—  1  —

   FICHE  8 :
LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Résumé de la fiche

Les prélèvements obligatoires (PO) sont en tendance longue orientés à la hausse depuis 1974.

Après avoir atteint 44,1 % du PIB en 2019, en baisse continue depuis 2017, le taux de prélèvement obligatoire rebondirait en 2020 de 0,7 point pour s’établir à 44,8 %. Les recettes seraient en effet plus résilientes que l’activité, ce qui fait mécaniquement augmenter le ratio des PO sur le PIB. Un effet inverse jouerait en 2021, ce qui, couplé à la poursuite de la politique de baisse des prélèvements entamée en 2017, contribuerait à retrouver un taux plus bas (43,8 %) que celui de 2019 dès l’année prochaine.

Les recettes de l’État tendent, globalement, à évoluer de façon plus dynamique que l’activité, en raison d’une élasticité de l’impôt sur les sociétés et de la TVA supérieure à l’unité. À l’inverse, l’impôt sur le revenu serait particulièrement stable et réagirait peu à la contraction de l’économie en 2020, en lien avec la préservation de la masse salariale financée par la puissance publique.

Les ressources des organismes divers d’administration centrale, des administrations publiques locales et de celles de sécurité sociale résisteraient globalement à la dégradation de l’activité.

Malgré l’augmentation du montant des prélèvements obligatoires en 2021, leur poids dans le PIB diminuerait mécaniquement avec le rebond de l’activité, poursuivant la politique entreprise depuis 2017 d’allègement des prélèvements obligatoires.

Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts et cotisations sociales recouvrées par les administrations publiques et les institutions européennes.

En comptabilité nationale, le taux de PO est calculé net des crédits d’impôt, afin de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques.

Les prélèvements obligatoires connaissent, en tendance longue, une progression presque continue.

I.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES JUSQUEN 2019

La part des prélèvements obligatoires dans le PIB connaît une hausse régulière (A) afin de financer les différents sous-secteurs d’administration publique (B).

A.   LÉVOLUTION DE LONG COURS

Les prélèvements obligatoires (PO) ont fortement augmenté entre 1974 et 1982, essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 4 points de produit intérieur brut (PIB) sur cette période, passant de 13,1 à 17,1 % du PIB. Le taux de PO a dépassé 40 % du PIB en 1982.

Ce taux a ensuite progressé par pallier, selon trois périodes que l’on peut ainsi définir :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les PO ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 et 42,1 % du PIB, avec une moyenne de 41,3 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41,2 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,7 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,7 % du PIB.

Les prÉlÈvements obligatoires depuis 1974

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

33,7

35,1

37,1

37,0

37,2

38,9

39,6

39,8

40,3

41,1

41,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

41,9

41,3

42,1

41,2

40,9

40,9

41,2

40,7

41,3

41,9

42,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

43,2

43,4

43,3

44,0

43,2

42,9

42,2

42,0

42,2

42,6

43,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

42,3

42,1

41,2

41,5

42,7

43,9

44,9

44,8

44,5

44,6

45,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Solde

44,8

44,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, base 2014.

La progression des PO dans la richesse nationale est donc une tendance lourde. Le point le plus haut a été atteint en 2017 avec 45,1 % du PIB.

Au cours des deux précédentes législatures, les oscillations à la baisse et à la hausse ne sont pas corrélées à la couleur de la majorité politique. La hausse a été dune ampleur comparable durant la période 2007-2012 (+ 1,6 point) et durant la période 2012-2017 (+ 1,3 point).

Cependant, de 2017 à 2019, la baisse des prélèvements obligatoires a été sensible (– 1 point).

PrÉlÈvements obligatoires

Année

En milliards deuros

En % du PIB

2002

669,5

42,2

 

2007

820,8

42,3

 

2012

916,3

43,9

2013

950,5

44,9

2014

962,2

44,8

2015

978,4

44,5

2016

995,3

44,6

2017

1 036,8

45,1

2018

1 057,4

44,8

2019

1 069,8

44,1

Source : INSEE, base 2014.

B.   LA STRUCTURE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Le tableau qui suit donne la répartition des PO prévue en 2020 pour chacun des sous-secteurs d’administration.

DÉcomposition des prÉlÈvements obligatoires en 2019

(en milliards d’euros)

Fiscalité globale

Fiscalité par sous-secteur (2019)

Principaux impôts

Exécution 2019

 

709,5

État

 

Organismes divers d’administration centrale (ODAC)

 

Union européenne

 

329,4

TVA (part État)

129,0

Impôt sur le revenu (IR)

71,7

Impôt sur les sociétés (IS)

33,5

TICPE (part État)

11,3

Impôts transférés aux ODAC

8,6

Impôts transférés à l’UE (TVA)

4,5

Droits de succession et de donation

15,3

Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité

7,8

Autres

47,7

Administrations publiques locales (APUL)

 

156,1

Taxe foncière (bâti et non bâti)

35,6

CVAE-CFE-IFER

28,5

Taxe d’habitation

23,4

TICPE (part APUL)

2,0

Taxe départementale sur les mutations à titre onéreux

12,9

Versement transport

8,2

TVA (part APUL)

4,3

Autres

44,8

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

 

232,2

CSG-CRDS

134,3

Taxe sur les salaires

14,0

Droits de consommation sur les tabacs

12,6

TVA (part ASSO)

41,5

Prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placements

10,6

Forfait social

5,2

Contribution sociale de solidarité des sociétés

3,9

Autres

10,1

 

Cotisations sociales (2019)

360,3

 

 

Total des prélèvements obligatoires (2019)

1 069,8

Source : commission des finances. Les données des deux premières colonnes sont issues de la comptabilité nationale de l’INSEE, tandis que les données de la dernière colonne proviennent de données issues de la comptabilité budgétaire de différentes annexes au PLF 2021.

Le tableau précédent cumule des sources chiffrées issues des comptabilités nationale (INSEE) et budgétaire (annexes au présent PLF). Les données fournies par le Gouvernement dans ces annexes sont, en effet, lacunaires et nuisent à la bonne information du Parlement. Les lignes relatives aux « autres PO » comprennent des impositions ayant pourtant une réelle incidence budgétaire.

Il en est ainsi des droits de succession et de donation – qui constituent par ordre d’importance le cinquième impôt de l’État. De même, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) est le sixième impôt de l’État par l’importance budgétaire mais il est globalisé parmi les autres taxes intérieures de consommation (TIC).

Dans l’ensemble des prélèvements obligatoires, les cotisations sociales représentent une proportion de 33,7 % et les impôts une proportion de 66,3 %.

II.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2020

En 2020, la baisse du taux de PO initiée en 2017 serait interrompue, du fait des conséquences de la crise sanitaire et économique sans précédent auquel le pays fait face.

Alors que, globalement, la chute des prélèvements obligatoires serait moins forte que celle de l’activité (A), l’État serait amené à supporter l’essentiel de cette baisse des recettes publiques (B).

A.   LA RÉSILIENCE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES À LA CHUTE DE LACTIVITÉ

La hausse du taux de PO serait de 0,7 point de PIB en 2020, après une baisse de même niveau en 2019 liée au cumul, pendant cet exercice, du bénéfice du CICE et de l’allégement de charges sociales destiné à se substituer à ce crédit d’impôt.

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017 avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations sociales. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC.

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continuent de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.

En 2020, le taux de PO s’établirait ainsi à 44,8 % de la production nationale annuelle, soit un montant de prélèvements de 996,6 milliards d’euros. Ce taux est en hausse, alors même que ces prélèvements diminueraient en valeur absolue de 72,8 milliards d’euros, en raison de la baisse proportionnellement plus importante encore du PIB.

Les prélèvements obligatoires seraient, dès lors, plus résilients que l’activité, ce que traduit l’hypothèse d’une élasticité globale des PO infra-unitaire (0,8) retenue par le Gouvernement. Cette moindre chute par rapport au PIB en valeur contribuerait de + 0,7 point à la hausse du taux de PO en 2020.

La notion délasticité des prélèvements obligatoires au PIB

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, le rendement de la recette ne progressera que de la moitié de la hausse du PIB. Enfin, le rendement d’un prélèvement obligatoire dont l’élasticité est supérieure à l’unité croîtra plus que proportionnellement au PIB.

Les prélèvements obligatoires réagissent de façon différente à l’activité (– 8,4 % du PIB en valeur). Alors que les recettes de l’impôt sur les sociétés et la TVA surréagissent à la dégradation de l’activité, les prélèvements affectés aux organismes divers d’administration centrale et à la sécurité sociale sont moins affectés. Les recettes d’impôt sur le revenu (– 0,5 %) et celles affectées aux administrations locales (– 1,7 %) apparaissent particulièrement résilientes.

Évolution spontanÉe des prÉlÈvements obligatoires en 2020

(en %)

Prélèvements obligatoires (PO)

Évolution spontanée en 2020

État

Impôt sur les sociétés

– 46,2

Impôt sur le revenu

– 0,5

TVA

– 9,2

Total

 10,4

Organismes divers dadministration centrale

 7,9

Administrations publiques locales

 1,7

Administrations de sécurité sociale

Cotisations

– 7,4

Prélèvements sociaux

– 4,1

Total

 6,3

Total des PO

 6,8

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

L’effet global des mesures nouvelles ayant un impact limité (– 0,3 milliard d’euros, en raison notamment de l’effet CICE sur l’IS), l’évolution spontanée des prélèvements obligatoires (– 6,8 %) est égale à leur croissance effective.

La hausse du taux de prélèvements obligatoires en 2020 ne traduit donc pas un choix discrétionnaire de politique publique mais exprime l’impact conjoncturel de la crise sur le calcul du ratio des prélèvements obligatoires sur la production nationale.

B.   LÉTAT SUPPORTE LESSENTIEL DE LA CONTRACTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Parmi les quatre sous-secteurs d’administrations publiques, l’État est le seul qui verrait, en 2020, ses recettes baisser plus fortement que l’activité.

● L’élasticité des recettes fiscales nettes de l’État au PIB s’établirait ainsi à 1,4 ; elles chutent donc plus rapidement que l’activité économique globale. L’impôt sur les sociétés est particulièrement touché (– 42,6 %), d’autant que cette évolution spontanée est accentuée d’environ six points par un important contentieux à l’IS.

À l’inverse, la crise n’aurait que peu de d’effet sur les recettes d’impôt sur le revenu : la croissance spontanée de ses recettes s’établirait à – 0,5 %, soit un niveau inférieur à l’évolution négative de la masse salariale (– 1,4 %) et de l’activité. Les dispositifs de soutien comme l’activité partielle ont en effet permis de préserver l’assiette de l’impôt, dont une part non négligeable dépend d’ailleurs peu de la conjoncture (pensions de retraite, revenus fonciers).

Les mesures nouvelles diminueraient les PO affectés à l’État de 0,3 milliard d’euros, évolution qui agrège l’effet haussier de la disparition du CICE (17 milliards) compensée par l’impact des autres mesures de baisses d’impôt sur le revenu (– 5 milliards) et de l’impôt sur les sociétés (– 4,7 milliards) et le transfert de recettes vers d’autres administrations en 2020.

Transferts de recettes de l’État vers d’autres sous-secteurs d’administration

(en milliards d’euros)

 

2020

2021

Administrations publiques locales

– 4,3

– 10,8

Administrations de sécurité sociale

– 2,9

– 0,7

Organismes divers d’administration centrale

– 0,5

0,5

Total

– 7,8

– 11,0

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

● Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) bénéficieraient de recettes moins dynamiques que l’activité (– 7,9 %), soit une élasticité de 0,9. En effet, certaines recettes plafonnées ont une évolution spontanée nulle par construction, à législation inchangée.

L’impact positif des mesures nouvelles en 2020 est lié à la création de France compétence qui se traduit par 1,8 milliard d’euros de transfert de la recette de la taxe d’apprentissage depuis les administrations locales.

● Les administrations publiques locales bénéficieraient de recettes très résilientes à l’activité (– 1,7 %), soit une élasticité de 0,2. La taxe foncière (+ 2,9 %) et la taxe d’habitation (+ 3,5 %) continueraient d’avoir une croissance spontanée positive. Les recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) baisseraient de 3,3 % seulement, alors que la chute des droits de mutation à titre onéreux serait plus prononcée (– 10 %).

Les mesures nouvelles auraient, avec la création de France compétences, un impact négatif de 1,8 milliard d’euros, l’effet étant symétrique sur les recettes des ODAC.

● La résilience à l’activité des ressources des administrations de sécurité sociale serait également marquée (– 6,3 %), à la fois au niveau des cotisations (– 7,4 %) et des prélèvements sociaux (– 4,1 %), de nouveau grâce à une contraction de la masse salariale moins élevée que celle de l’activité.

Des effets haussiers et baissiers, en lien avec des mesures nouvelles (– 1,2 milliard), sont à l’œuvre avec en particulier :

– les exonérations de cotisations sociales (– 5,2 milliards) ;

– la hausse de la fiscalité sur le tabac (+ 2 milliards) ;

– la surtaxe sur les organismes complémentaires (+ 1,0 milliard) ;

– la suppression du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (+ 0,6 milliard).

III.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2021

Les prélèvements obligatoires devraient atteindre 1 054,8 milliards d’euros en 2021, soit 43,8 % du PIB.

Évolution PRÉVISIONNELLE des recettes publiques sur la pÉriode 2019 à 2021

En milliards d’euros

(en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

 

 

 

 

 

 

 

PIB

2 297,2

+ 2,3 %
en volume

2 360,7

+ 1,8 %
en volume

2 425,7

+ 1,5 %
en volume

2 223

– 10,0 %
en volume

2 408

+ 8 %
en volume

 

 

 

 

 

 

 

Recettes publiques

1 230,1

(53,5 %)

1 260,5

(53,4 %)

1 274,9

(52,6 %)

1 186

(53,4 %)

1 269

(52,7 %)

dont prélèvements obligatoires*

1 036,8

(45,1 %)

1 057,4

(44,8 %)

1 069,8

(44,1%)

997

(44,8 %)

1 055

(43,8 %)

dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29

(1,3 %)

36,4

(1,5 %)

35,8

(1,5 %)

25

(1,1 %)

22

(0,9 %)

dont autres recettes

168,4

(7,3 %)

171,3

(7,3 %)

174,0

(7,2 %)

169

(7,6 %)

192

(8,0 %)

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales (3,1 Md€ en 2015, 3,6 Md€ en 2016, 4,0 Md€ en 2017, 4,6 Md€ en 2018, 4,7 Md€ en 2019, 4,3 Md€ en 2020, 4,6 Md€ en 2021 et 4,8 Md€ en 2022).

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du Rapporteur général.

A.   LE REBOND DE LA DYNAMIQUE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES À LA FAVEUR DE LA REPRISE ÉCONOMIQUE

Après une hausse de 0,7 point en 2020, le taux de prélèvements obligatoires sur le PIB diminuerait d’un point en 2021. Cette baisse du ratio correspondrait à une augmentation de 58,2 milliards d’euros (+ 5,8 %) de leur montant total, qui atteindrait 1 054,8 milliards d’euros.

Le Gouvernement retient une même hypothèse d’élasticité (0,8) sur ces deux années : si les prélèvements obligatoires ont mieux résisté que l’activité 2020, ils progresseront, à l’inverse, à un rythme moins élevé en 2021 que le rebond de la croissance.

Évolution spontanée des prélèvements obligatoires

(en %)

Prélèvements obligatoires (PO)

Évolution spontanée en 2020

Évolution spontanée en 2021

État

Impôt sur les sociétés

– 46,2

+ 38,1

Impôt sur le revenu

– 0,5

+ 2,3

TVA

– 9,2

+ 9,3

Total

 10,4

+ 9,6

Organismes divers dadministration centrale

 7,9

+6,5

Administrations publiques locales

 1,7

+ 3,2

Administrations de sécurité sociale

Cotisations

– 7,4

+ 7,7

Prélèvements sociaux

– 4,1

+ 3,3

Total

 6,3

+ 6

Total des PO

 6,8

+ 6,6

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

De façon symétrique à 2020, la croissance spontanée des recettes de l’État serait plus forte (+ 9,6 %) que celle de l’activité et des recettes des ODAC, des APUL et des ASSO.

B.   LES NOUVELLES MESURES DE BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Le dynamisme des PO lié à la reprise de l’activité serait en partie compensé par les mesures nouvelles d’allègement prévues dans le présent PLF et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, détaillées dans le tableau ci-dessous.

Principales mesures législatives sur les prÉlÈvements obligatoires
pour 2021 (toutes APU)

(en milliards deuros)

Mesures

Rendement

Mesures de baisse

 

Suppression des impôts de production

– 10,0

Poursuite de la baisse du taux d’IS de 33 % à 25 %

– 3,7

Poursuite de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales

– 2,4

CICE - montée en charge et hausse de taux de 6 % à 7 %

– 1,3

Effets retardés de l’exonération et de la défiscalisation des heures supplémentaires

– 0,2

Contrecoup de la réforme de la taxation des plus-values brutes à long terme

– 0,2

Mesures de hausse

 

Contrecoup de l’exonération en 2020 de cotisations pour les secteurs touchés par la crise sanitaire

5,2

Retour IS de la suppression des impôts de production

1,4

Rebudgétisation progressive du CITE

0,6

Effets retardés de la bascule cotisations CSG

0,6

Suppression de la niche TICPE sur le gazole non-routier

0,3

Poursuite de la réforme de la fiscalité du tabac (effet net)

0,3

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi.

Ces mesures nouvelles ont un impact négatif prononcé de – 14,8 milliards d’euros sur les recettes de l’État ainsi que sur celles des ODAC (– 3,4 milliards), alors qu’elles soutiendraient les recettes de la sécurité sociale (+ 8,7 milliards d’euros) et des administrations locales (+ 2,1 milliards).

*

*     *

 


—  1  —

   FICHE N° 9 :
LA DÉPENSE PUBLIQUE

Résumé de la fiche

Les années 2020 et 2021 marquent un arrêt à la modération de la progression de la dépense publique observée ces dernières années.

La dépense publique hors crédits d’impôts progresserait de 6,3 % en volume en 2020 et de 0,4 % en 2021, s’écartant des projections de la loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. La hausse de la dépense en 2020 s’explique essentiellement par les mesures durgence et de soutien à léconomie face à la crise sanitaire dont le niveau s’élève à 64,5 milliards deuros en 2020. La moindre croissance en 2021 serait liée au contrecoup des mesures de soutien et d’urgence en 2020, même si le plan de relance devrait mobiliser 37,4 milliards d’euros pour sa première année de mise en œuvre.

Le ratio de dépense publique atteindrait un niveau inédit de 62,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020. Il reculerait à 58,5 % en 2021, soit encore 4,5 points de plus qu’en 2019. La contraction du PIB couplée à l’augmentation substantielle des dépenses expliquent cette évolution.

Par sous-secteurs d’administrations, la variation des dépenses est différenciée en 2020 et 2021 :

– en 2020, ce sont les administrations publiques centrales et de sécurité sociale dont les dépenses ont le plus progressé, avec une croissance en volume respectivement de 11,4 % et 5,4 %. Pour l’État, cette évolution s’explique principalement par les mesures portées par la mission Plan durgence face à la crise sanitaire. Le financement de l’activité partielle et des prestations de santé sont à l’origine de la croissance des dépenses de la sécurité sociale. À l’inverse, les dépenses des administrations publiques locales se contracteraient en raison d’une diminution de l’investissement ;

– en 2021, un mouvement inverse serait observé. Les dépenses de l’État baisseraient par rapport à 2020, et celles des administrations de sécurité sociale (ASSO) connaîtraient une évolution moindre que celle observée en 2020. Malgré la mise en œuvre du plan de relance et le dynamisme des dépenses de santé, de l’indemnisation du chômage et des mesures du Ségur de la santé, les dépenses des administrations centrales décroîtraient de – 1,6 %, tandis que celles des ASSO ne progresseraient que de 0,8 %. À l’inverse la reprise de l’investissement local après l’installation des exécutifs locaux et la disponibilité du secteur de la construction porteraient la croissance des dépenses locales à 2,8 %

I.   UN CHOC SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE AUX CONSÉQUENCES EXPANSIONNISTES SUR LA DÉPENSE PUBLIQUE

La dépense publique est attendue en forte hausse en 2020 et 2021, résultant à la fois de l’effet mécanique de la chute de l’activité et des mesures massives de soutien à l’économie mises en œuvre.

Il existe plusieurs indicateurs permettant d’appréhender l’évolution de la dépense de l’ensemble des administrations publiques. Les montants des masses financières en jeu et leurs liens avec des facteurs exogènes puissants imposent d’utiliser une pluralité de grilles de présentation de la dynamique de la dépense. Cette pluralité d’approche est d’autant plus nécessaire en cette période où les prévisions économiques doivent être analysées avec précaution.

Le Haut conseil des finances publiques, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour l’année 2021, a jugé « vraisemblables » les prévisions du Gouvernement en termes de dépenses publiques ([100]).

A.   UNE TRÈS FORTE HAUSSE DES DÉPENSES PUBLIQUES

D’après les hypothèses présentées par le présent projet de loi de finances, la dépense publique croîtrait de 6,3 % en volume en 2020, après 1,8 % en 2019. En 2021, l’accroissement de la dépense serait plus mesuré, avec la combinaison de deux effets opposés :

– la fin des mesures d’urgence d’une part, dont l’impact en 2020 sur les dépenses publiques est estimé à 64,5 milliards d’euros ;

– les décaissements du plan de relance dont l’effet sur les dépenses publiques en 2021 s’élèverait à 22 milliards d’euros.

La progression de la dépense publique, en 2021, serait ramenée à 0,4 % en volume ([101]) .


Évolution de la dÉpense publique, hors crÉdits d’impôt ([102])

(en %)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Taux de croissance en valeur (LPFP)

1,8

1,5

1,7

1,8

2,0

1,9

Taux de croissance en volume (LPFP)

0,8

0,5

0,6

0,4

0,2

0,1

Taux de croissance en valeur (PLF 2020)

2,4

1,4

2,1

1,8

1,8

1,8

Taux de croissance en volume (PLF 2020)

1,4

– 0,3

1,1

0,8

0,5

0,2

Taux de croissance en volume (DOFP 2020)

1,4

– 0,3

0,5

0,5

0,5

0,2

Taux de croissance en valeur (PLF 2021)

2,4

1,4

2,7

6,5

1,0

 

Taux de croissance en volume (PLF 2021)

1,4

– 0,3

1,8

6,3

0,4

 

PLF : projet de loi de finances ; DOFP : débat d’orientation des finances publique ; LPFP : loi de programmation des finances publiques.

Source : rapport économique, social et financier 2021.

taux de croissance en volume de la dÉpense publique hors crÉdits d’impôt

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014, et rapport économique, social et financier 2021.

Les méthodes de calcul de l’évolution en volume des dépenses publiques

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2018, la Cour des comptes a présenté deux méthodes de calcul de l’évolution en volume des dépenses publiques, en retenant pour déflateur :

– soit lindice des prix à la consommation (IPC), hors tabac ;

– soit le prix du PIB.

Le prix du PIB s’écarte de l’indice des prix à la consommation, en fonction notamment, de l’évolution des prix des importations, des exportations et de la formation brute de capital fixe. Ainsi, l’IPC évalue l’évolution des prix des biens consommés dans l’économie, tandis que le prix du PIB évalue l’évolution des prix des biens produits dans l’économie domestique. Le prix des biens importés (produits pétroliers par exemple) est directement intégré dans l’IPC et indirectement dans le prix du PIB.

La première méthode est celle retenue usuellement par le Gouvernement. Néanmoins, le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 19 septembre 2018 (1), a souligné que la seconde méthode est conforme à la présentation retenue pour la mesure de l’effort structurel. Ces deux méthodes peuvent donner lieu à des résultats divergents. Ainsi, l’IPC hors tabac s’est établi en 2018 à 1,6 % (avec une contribution des prix de l’énergie de 0,8 point) et le prix du PIB à 0,8 %. Compte tenu du taux dévolution en valeur des dépenses publiques, hors crédits dimpôts, de 1,4 % en 2018, lapplication des deux méthodes donne des résultats aux sens contraires :

– une baisse des dépenses publiques en volume à hauteur de – 0,3 % avec l’IPC hors tabac ;

– une augmentation des dépenses publiques en volume à hauteur de 0,6 % avec le prix du PIB.

Il est essentiel de conserver une permanence dans le choix des méthodes, qui permet de disposer d’éléments de comparaison crédibles. Mais, chaque méthode présente des faiblesses. L’IPC hors tabac peut en effet avoir tendance à survaloriser l’évolution des prix de l’énergie. À l’inverse, le prix du PIB peut sous-évaluer l’impact des prix de l’énergie sur le niveau des dépenses publiques (consommations intermédiaires liées aux dépenses d’énergie, fluides et carburants).

(1) Avis n° HCFP-2018-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2019, 19 septembre 2018.

B.   APRÈS UNE ÉVOLUTION MAÎTRISÉE, UN CHOC HISTORIQUE SUR LE RATIO DE DÉPENSES EN 2020

1.   Une tendance à la baisse du ratio de dépenses publiques depuis 2014

Depuis 1974, il n’y a eu que trois périodes de plusieurs années successives de baisses du ratio de dépenses publiques mais malgré plusieurs crises jamais la part de dépense publique dans la richesse nationale (ou ratio de dépense publique) n’avait atteint un niveau similaire à celui de 2020.

Le ratio de dépense publique a fortement progressé à la suite de la crise économique et financière en 2008-2009. Il avait atteint un maximum en 2013 à 56,5 %. Cette part a été réduite six durant années, à compter de 2014. La crise de la Covid-19 a interrompu cette dynamique baissière. En 2020, le ratio de dépense publique s’élèverait à 62,8 %, en hausse de 8,8 points par rapport à 2019.

Évolution de la part de la dÉpense publique hors crÉdits dimpôt dans le PIB depuis 1974

(en vert, les baisses de la part de dépense publique)

(en % du PIB)

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

39,8

44,5

45

44,2

45,2

45,5

46,4

49,0

50,2

50,7

51,6

+ 4,7

+ 0,5

 – 0,8

+ 1,0

+ 0,3

+ 0,9

+ 2,6

+ 1,2

+ 0,5

+ 0,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

52,3

51,9

51,3

50,6

49,4

50,1

51,2

52,6

55,2

54,6

54,8

+ 0,6

 – 0,4

 – 0,6

 – 0,7

 – 1,2

+ 0,7

+ 1,1

+ 1,4

+ 2,6

 – 0,6

+ 0,2 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

54,8

54,5

52,9

52,6

51,6

51,7

52,6

53,1

52,8

53,0

52,5

+ 0,1

 – 0,3

 – 1,6

 – 0,3

 – 1,0

+ 0,1

+ 0,9

+ 0,5

 – 0,3

+ 0,2

– 0,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

52,0

52,5

56,3

56

55,5

56,3

56,5

56

55,3

55,2

55

 – 0,5

+ 0,5

+ 3,8

 – 0,3

 – 0,5

+ 0,8

+ 0,2

 – 0,5

 – 0,7

 – 0,1

– 0,2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2018

2019

2020 (p)

2021

(p)

 

 

 

 

 

 

 

54,4

54,0

62,8

58,5

 

 

 

 

 

 

 

 – 0,6

 – 0,4

+ 8,8

 – 4,3

 

 

 

 

 

 

 

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE, base 2014, Rapport économique social et financier pour 2021.

L’objectif de baisse du ratio de dépenses publiques établi par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 avait été révisé à la baisse par le programme de stabilité de juin 2019, l’établissant à 2,9 points. Entre 2017 et 2019, une baisse de 1 point a été observée.

Prévisions de la part de la dÉpense publique hors crÉdits d’impÔts dans le PIB depuis la loi de programmation

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évol.
2017/2022

Dépense publique, hors crédits d’impôt (LPFP)

54,7

54,0

53,4

52,6

51,9

51,1

– 3,6

Évolution du ratio

– 0,7

– 0,6

– 0,8

– 0,7

– 0,8

Dépense publique, hors crédits d’impôt (Pstab 2019)

55,0

54,4

53,8

53,3

52,8

52,1

– 2,9

Évolution du ratio

– 0,6

– 0,6

– 0,5

– 0,5

– 0,7

Source : commission des finances.

2.   Le ratio de la dépense publique atteint un niveau exceptionnel après six ans de recul

La forte progression du ratio de dépenses publiques en 2020 s’explique par deux effets :

– une hausse du numérateur pour financer les mesures d’urgence et de soutien à l’économie, et les dépenses de santé ;

– une baisse du dénominateur liée au recul du PIB.

En 2021, cette dynamique devrait être enrayée avec une progression très limitée des dépenses publiques et une forte croissance du PIB. Le ratio atteindrait 58,5 %, un niveau qui resterait supérieur de 4,5 points à celui observé en 2019.

Évolution du ratio de dÉpenses publiques hors crédits d’impôts

 

(en % du PIB)

 

Source : INSEE, base 2014, comptes de la nation et rapport économique, social et financier 2021.

D’après la trajectoire pluriannuelle présentée par le Gouvernement, le ratio de dépenses publiques resterait élevé durant plusieurs années. Le retour au niveau de 2019 n’étant envisagé que pour 2025. Il s’agirait d’une évolution assez rapide comparée à celle observée après la crise financière de 2008. En 2019, le ratio de dépenses publiques qui s’élevait à 54 % du PIB demeurait toujours supérieur de 1,5 point à celui de 2008 ([103]) .

C.   LA DÉPENSE PUBLIQUE EN MILLIARDS DEUROS COURANTS

D’après les données fournies au Rapporteur général par le Gouvernement, la dépense publique hors crédits d’impôts augmenterait de 85,1 milliards d’euros courants en 2020 et de 14 milliards d’euros en 2021.

L’évolution de la dépense publique peut être présentée en milliards d’euros courants. Il s’agit sûrement de la présentation la plus lisible, mais elle n’est pas toujours la plus pertinente. La Cour des comptes ([104]), suivie sur ce point par la mission d’information relative à l’application de la LOLF ([105]) (MILOLF), recommande une présentation d’un objectif de dépenses publiques en euros courants dans les lois de programmation des finances publiques. L’article liminaire des lois de finances pourrait actualiser chaque année cet objectif. À court terme, les documents annexés au PLF de l’année N – en particulier le rapport économique, social et financier – gagneraient à présenter une estimation du montant de la dépense publique en milliards d’euros de l’année N‑1 et une prévision pour l’année N, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Néanmoins, il faut garder à l’esprit que le montant en euros courants de la dépense publique est extrêmement sensible aux hypothèses macroéconomiques et en particulier aux hypothèses d’inflation et de croissance. Cette analyse ne peut donc qu’être complémentaire de celle de l’évolution en volume (qui neutralise l’effet de l’inflation) et de celle de l’évolution du poids de la dépense publique dans le PIB.

Évolution annuelle de la dÉpense publique

(en milliards d’euros)

Année

Dépense publique,

y compris crédits dimpôt

Augmentation

annuelle

Dépense publique,

hors crédits dimpôt

Augmentation

annuelle

2002

838,3

835,7

2003

868,7

30,4

865,6

29,9

2004

902,9

34,2

899,6

33,9

2005

941,1

38,2

936,8

37,2

2006

977,2

36,1

970,5

33,7

2007

1 020,5

43,3

1 010,3

39,8

2008

1 061,9

41,4

1 046,7

36,4

2009

1 106,7

44,8

1 089,6

42,9

2010

1 135,0

28,3

1 117,3

27,7

2011

1 158,7

23,7

1 141,6

24,3

2012

1 192,2

34,2

1 176,3

34,7

2013

1 211,6

18,8

1 195,7

19,4

2014

1 230,0

18,3

1 204,6

8,9

2015

1 248,7

18,7

1 216,3

11,7

2016

1 264,3

15,6

1 232,6

16,3

2017

1 294,0

29,7

1 262,2

29,6

2018

1 318,6

24,7

1 279,4

17,2

2019

1 347,9

29,3

1 309,9

30,5

2020 (p)

1 414,0

66,1

1 395,0

85,1

2021 (p)

1 425,0

11,0

1 409,0

14.0

Note : les données pour les années 2020 et 2021 sont présentées avec un niveau de précision moindre que les autres car il s’agit de prévisions.

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE base 2014, comptes de la nation publiés le 29 mai 2020 pour les années 2002 à 2019 et d’après les données fournies par le Gouvernement pour les années 2020 et 2021.

II.   UNE ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE DIFFÉRENCIÉE SELON LES SOUSSECTEURS DADMINISTRATION PUBLIQUE

L’évolution de la dépense publique en 2020 et 2021 suit une dynamique particulière liée à la réaction des différents secteurs d’administration publique à la crise sanitaire.

Évolution de la dÉpense publique en volume
hors crÉdits d’impÔt, par sous-secteur

(taux d’évolution en volume à champ constant)

Sous-secteur

2019

2020

2021

Administrations publiques

+1,3 %

+ 6,3 %

+ 0,4 %

Administrations publiques centrales

+ 11,4 %

– 1,6 %

Administrations publiques locales

+ 3,8  %

– 0,3 %

+ 2,8 %

Administrations de sécurité sociale

+ 1,1  %

+ 5,4 %

+ 0,8 %

Note : ces données sont présentées à champ constant, c’est-à-dire incluant la création de France Compétences.

Source : Rapport économique, social et financier 2021, p 99

À champ constant, lévolution de la dépense publique, hors crédits d’impôt, sétablirait à + 6,3 % en 2020. Elle est portée principalement par l’État qui a financé les mesures d’urgence et de soutien à l’économie et par les administrations de sécurité sociale en raison de l’accélération des dépenses de santé. En 2021, le contrecoup de ces mouvements conduirait à une moindre croissance de + 0,4 %, malgré le dynamisme retrouvé des dépenses des administrations publiques locales.

A.   LA RÉPONSE À LA CRISE ÉCONOMIQUE A MOBILISÉ LES DÉPENSES DE LÉTAT

En 2020, la hausse de 11,4 % en volume des dépenses des administrations publiques centrales s’explique par les mesures prises en réaction à la crise sanitaire. Parmi les postes les plus coûteux, on peut citer :

– les dépenses de soutien exceptionnelles votées pour la mission Plan durgence face à la crise sanitaire qui sélèvent à 42,7 milliards deuros. Elles incluent l’activité partielle financée aux deux tiers par l’État soit 20,5 milliards d’euros (le reste étant porté par l’Unédic), le fonds de solidarité pour 8 milliards d’euros, les compensations d’exonérations de cotisations sociales qui s’élèvent à 5,2 milliards d’euros et la dotation au compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat estimée à 9 milliards d’euros ;

– une hausse de 6,6 milliards deuros des crédits des ministères du fait des mesures de soutien votés à l’occasion des deuxième et troisième lois de finances rectificatives (notamment 880 millions d’euros d’aide exceptionnelle de solidarité, 600 millions d’euros pour le soutien à la demande du secteur automobile ou 400 millions d’euros pour l’embauche des jeunes en apprentissage).

En 2021, la diminution de  1,6 % en volume des dépenses sexplique par le contrecoup des mesures de 2020 qui n’est que partiellement compensée par le début de la mise en œuvre du plan de relance :

– la mission Plan durgence s’éteint, diminuant de 42,7 millions d’euros les dépenses de l’État ;

– elle est relayée par la mission Plan de relance qui occasionnera des décaissements de 22 milliards deuros et le nouveau programme d’investissement d’avenir (PIA 4) dont les premiers versements s’élèveront à 1,9 milliard deuros ;

– une hausse des crédits des ministères de 10,8 milliards deuros, dont une partie financera le plan de relance – en plus de renforcer les moyens des missions prioritaires. Sur les 33 missions du budget général de l’État, 26 connaissent une hausse de leurs crédits de paiement en 2021.

B.   LA PROGRESSION DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE POUR AFFRONTER LA CRISE SANITAIRE

1.   Des dépenses soutenues pour amortir le choc sur l’emploi et accompagner les besoins de santé

En 2020, les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) augmenteraient de + 5,4 % en volume notamment en raison du versement des prestations de chômage et des dépenses de santé. Ainsi :

– le versement des indemnités de lactivité partielle assumé pour un tiers par l’Unédic représenterait 10,3 milliards d’euros. Les mesures de maintien de droits pour les chômeurs et le report au 1er janvier 2021 d’une partie des mesures prévues dans le cadre de la réforme de lassurance-chômage ont conduit à des dépenses supplémentaires de 1,6 milliard d’euros ;

– les dépenses de santé, sous objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), augmenteraient substantiellement de 10,1 milliards deuros par rapport au niveau voté en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 ([106]).

Les prévisions pour 2021, se caractérisent par une hausse plus faible de + 0,8 % en volume des dépenses des ASSO. Cette estimation est ainsi justifiée :

– Les dépenses de l’Unedic reculeraient de 10,6 milliards d’euros. Cela s’explique pour l’essentiel par une réduction de l’activité partielle dont 2,2 milliards d’euros seraient assumés par l’Unédic en 2021 contre 10,3 milliards d’euros en 2020 ;

– En revanche, le reste des dépenses, notamment les dépenses de santé, augmenteraient principalement en raison des mesures annoncées à l’issue du Ségur de la santé (7,3 milliards d’euros dépensés en 2021, hors investissement).

2.   L’ONDAM franchit un seuil atteint une seule fois depuis sa création

S’agissant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), le Gouvernement prévoit pour l’exercice 2021 un taux fixé à 3,5 % pour un montant total de 224,6 milliards deuros. En 2020, la progression de l’ONDAM devrait s’élever à 6,5 % contre une prévision de 2,45 % en LFSS pour 2020.

Ce nouveau palier de dépense intervient à la suite d’une longue séquence de maîtrise de l’évolution des dépenses d’assurance maladie comme retranscrit par le tableau ci-après.

Évolution des dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM

(en %)

Source : rapport sur les comptes de la sécurité sociale présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2020 et rapport économique, social et financier 2021.

La construction de l’ONDAM pour l’année 2021 intègre une prévision de dépenses de 4,3 milliards deuros en lien avec la crise sanitaire au titre de la poursuite des examens de dépistage de la Covid-19, de la mise à disposition de masques en faveur des publics vulnérables et cas contacts, de la possible campagne de vaccination et du maintien de l’allocation d’un financement exceptionnel à Santé publique France.

Les travaux du Ségur de la Santé ont abouti le 13 juillet 2020 à un accord entre le Gouvernement et une majorité d’organisations syndicales. L’ensemble des mesures décidées représenteront 10,1 milliards deuros de dépenses nouvelles dans le champ de lONDAM sur la période 2020-2022. Elles s’articulent autour de quatre piliers :

– la transformation et la revalorisation des métiers des soignants constituent le principal poste de dépenses, pour un total de 8,3 milliards d’euros dont 5,8 milliards d’euros intégrés à l’ONDAM en 2021.

– un plan d’investissement de 19 milliards d’euros en faveur de la santé. Ils comprennent 13 milliards d’euros de reprise de dette des établissements de santé, annoncée par le Premier Ministre en novembre 2020 et 6 milliards d’euros de dépenses nouvelles. Intégrées au plan de relance, ces dépenses nouvelles serviront à financer des investissements sur cinq ans répartis entre les établissements de santé (2,5 milliards d’euros), les établissements médico-sociaux (2,1 milliards d’euros) et le numérique (1,4 milliard d’euros).

Comme chaque année, des mesures d’économies sont prévues en 2021 sur le champ de l’ONDAM s’élevant à 4 milliards deuros. L’économie réalisée est calculée par rapport au tendanciel de l’évolution de l’ONDAM correspondant à l’évolution de l’agrégat avant mesures nouvelles d’économies.

Économies attendues en 2020

(en millions d’euros)

Mesure

Montant

Structuration de loffre de soins

805

Structurer des parcours de soins efficients (chirurgie ambulatoire, alternatives à l’hospitalisation, réduction des hospitalisations évitables, etc.)

265

Améliorer la performance interne des établissements de santé et médico-sociaux

540

Actions sur les tarifs des produits de santé et remises

1 290

Pertinence et qualité des actes et des produits de santé

975

Pertinence et adaptation tarifaire de la biologie

140

Pertinence et adaptation tarifaire de la radiologie (protocole)

40

Maîtrise médicalisée et structure de prescription des produits de santé (volume, génériques, biosimilaires)

570

Promotion des génériques et biosimilaires

110

Pertinence et adaptation tarifaire sur les autres actes

115

Pertinence et efficience des prescriptions darrêts de travail et de transports

310

Transports

125

Indemnités journalières

185

Contrôle et lutte contre la fraude

80

Gestion dynamique du panier de soins remboursé

35

Contribution exceptionnelle des organismes complémentaires dans le cadre de la crise sanitaire

500

Total ONDAM

3 995

Source : Rapport économique, social et financier 2021.

C.   UNE CONTRACTION TEMPORAIRE DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

La dépense locale reculerait de – 0,7 % en 2020 avant une reprise de 3,1 % en 2021 principalement en raison de variations de l’investissement.

Le ralentissement de l’investissement local en 2020, qui recule de – 5,8 %, serait amplifié par rapport au cycle électoral communal habituel. La cause de cette évolution est imputable à l’atonie du secteur de la construction durant le confinement et par la prise de fonction retardée de certains exécutifs locaux. En 2021, ces freins disparaîtraient et l’investissement connaîtrait un rebond de + 7,5 %.

Les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales resteraient contenues. Bien que le dispositif de contractualisation avec les collectivités locales prévu sur 2018-2020 ait été suspendu pour 2020 ([107]), ces dépenses ne croîtraient que de + 1,2 % jusqu’en 2021.

dÉpense des administrations publiques locales

Dépense

Niveaux 2019

Évolution

Milliards deuros

Pourcentage

2019

2020

2021

Total des dépenses (1 + 2)

271,1

100 %

4,5 %

 0,7 %

3,1 %

Dépenses hors investissement* (1)

206,3

76 %

1,7 %

0,8 %

1,9 %

dont consommations intermédiaires hors services dintermédiation financière indirectement mesurés (SIFIM)

50,4

19 %

2,2 %

0,3 %

2,9 %

dont rémunérations des salariés

83,0

31 %

1,7 %

1,2 %

1,5 %

dont prestations sociales et transferts sociaux

26,8

10 %

1,0 %

1,6 %

4,2 %

Dépenses de fonctionnement des collectivités locales**

186,9

69 %

1,5 %

1,2 %

1,2 %

Investissement* (2)

64,8

24 %

14,5 %

 5,8 %

7,5 %

dont formation brute de capital fixe (FBCF) hors Société du Grand Paris

50,8

19 %

14,2 %

 9,2 %

7,9 %

* Investissement au sens de la formation brute de capital et des transferts en capital (= subventions d’équipement).

** Ligne pour information. Champ portant sur l’ensemble des collectivités locales (pas sur l’ensemble des administrations publiques locales).

Source : annexe au présent projet de loi de finances, rapport économique, social et financier 2021.

Le cadre des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales fixé par la LPFP

 Rompant avec la logique de baisse des dotations à l’œuvre jusqu’en 2017, la LPFP a fixé le principe de la stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales sur la période 2018‑2022.

Son article 13 prévoit toutefois que les collectivités territoriales contribuent à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées. Il fixe en effet un objectif national dévolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour chacune des années 2018 à 2022, correspondant à un taux de croissance annuel de 1,2 % en valeur, appliqué à la base des dépenses réelles de fonctionnement de 2017.

Le même article fixe un objectif national d’évolution du besoin de financement des collectivités territoriales, correspondant à une diminution de celui-ci à hauteur de 13 milliards deuros cumulés en 2022.

 


—  1  —

   FICHE N° 10 :
LE DÉFICIT PUBLIC ET SES COMPOSANTES

Résumé de la fiche

Le déficit public pour 2021 est prévu à 6,7 % du produit intérieur brut (PIB), en baisse de 3,5 points de PIB par rapport à 2020 (10,2 % du PIB). Le Haut Conseil des finances publiques estime que cette prévision est « atteignable », mais que celle-ci est « affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques ». 

Le déficit public pour 2021 serait porté essentiellement par l’État, les comptes des autres administrations publiques étant moins dégradés.

Le déficit budgétaire de l’État pour 2021 – c’est-à-dire la différence entre les encaissements et les décaissements de l’année – est prévu à 152,8 milliards d’euros au lieu de 195,2 milliards d’euros pour 2020 (selon les données d’exécution actualisées par le présent PLF), soit une diminution de 42,4 milliards d’euros.

Le déficit de l’État en comptabilité nationale pour 2021 – c’est-à-dire selon le principe des créances et dettes constatées, non forcément encaissées ou décaissées – est toutefois moins important de 20,4 milliards d’euros, puisqu’il est évalué à 132,4 milliards d’euros, en raison en particulier des intérêts d’emprunt résultant de primes d’émission et de la comptabilisation du plan de relance européen.

L’article liminaire du présent projet de loi de finances comprend un tableau de synthèse mentionnant les objectifs de déficit public et de déficit structurel pour 2021.

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2019 À 2021

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2019

Prévision

2020

Prévision

2021

Solde structurel (1)

– 2,2

– 1,2

– 3,6

Solde conjoncturel (2)

0,2

– 6,5

– 2,8

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 1,0

– 2,6

– 0,2

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 3,0

 10,2

 6,7

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4 – 3)

– 2,0

– 7,6

– 6,5

N.B. : les chiffres étant arrondis au dixième, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : article liminaire du présent projet de loi de finances.

Article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative
à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

« La loi de finances de lannée, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour lannée sur laquelle elles portent, létat des prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques, avec lindication des calculs permettant détablir le passage de lun à lautre.

« Le tableau de synthèse de la loi de finances de lannée indique également les soldes structurels et effectifs de lensemble des administrations publiques résultant de lexécution de la dernière année écoulée et des prévisions dexécution de lannée en cours.

« Il est indiqué, dans lexposé des motifs du projet de loi de finances de lannée, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. »

Le présent article fixe ainsi, pour 2021, un objectif de déficit public de 6,7 % du produit intérieur brut (PIB), après 10,2 % en 2020, un niveau sans précédent depuis la création des comptes nationaux en 1948 (I).

Le déficit public est porté par une composante structurelle qui se dégrade (– 3,6 % du PIB potentiel), compensée par une amélioration du solde structurel (– 2,8 %) et un allègement du poids des mesures exceptionnelles et temporaires (– 0,2 %) (II).

I.   LA RÉPONSE À LA CRISE ENTRAÎNE DES DÉFICITS HISTORIQUEMENT ÉLEVÉS

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Cette mesure est également la référence à partir de laquelle la France évalue le respect de ses engagements européens.

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’inscrit dans un champ d’analyse macroéconomique. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) qui joue un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen. Ce sont ainsi les résultats de la comptabilité nationale qui permettent de savoir si la France respecte au non la règle selon laquelle le déficit ne peut excéder 3 % du PIB prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

A.   UN DÉFICIT EXCEPTIONNEL EN 2020

En 2021, le déficit public prévu par le Gouvernement s’établit à 6,7 % du PIB, après une dégradation sans précédent en 2020.

1.   L’évolution du déficit public sur longue période

Le dernier excédent public constaté date de 1974. Cette année-là, alors que les effets du premier choc pétrolier commencent à se faire sentir, les comptes publics affichent un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB.

Depuis 1975, les comptes publics de la France sont en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020*

2021*

 

 

 

 

 

 

 

Solde

– 2,5

– 3,0

– 10,2

– 6,7

 

 

* prévisions du présent projet de loi de finances.

Source : Insee, base 2014 et prévisions du présent projet de loi de finances.

Avant 2020, le point le plus bas de solde effectif avait été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit de 7,2 % du PIB. En 2020, la prévision de déficit serait encore plus élevée.

Les données qui figurent dans le tableau ci-dessous sont à jour des comptes nationaux annuels publiés par l’Insee en mai 2019. Les prévisions pour 2020 et 2021 sont issues du Gouvernement.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2014 À 2021

En milliards d’euros

(en % du PIB)

Agrégat

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

 

 

 

 

PIB

2 149,8

+ 1,0 %
en volume

2 198,4

+ 1,1 %
en volume

2 234,1

+ 1,1 %
en volume

2 297,2

+ 2,3 %
en volume

2 360,7

+ 1,8 %
en volume

2 425,7

+ 1,5 %
en volume

2 223

-10,0 %
en volume

2 408

+ 8,0 %
en volume

 

 

 

 

Recettes publiques

1 146,0

(53,3 %)

1 169,0

(53,2 %)

1 185,2

(53,0 %)

1 230,1

(53,5 %)

1 260,5

(53,4 %)

1 274,9

(52,6 %)

1 186

(53,4 %)

1 264

(52,5 %)

dont prélèvements obligatoires*

962,2

(44,8 %)

978,4

(44,5 %)

995,3

(44,6 %)

1 036,8

(45,1 %)

1 057,4

(44,8 %)

1 069,8

(44,1 %)

997

(44,8 %)

1 055

(43,8 %)

dont crédits dimpôt enregistrés en recettes

21,3

(1,0 %)

26,7

(1,2 %)

25,9

(1,2 %)

29,0

(1,3 %)

36,4

(1,5 %)

35,8

(1,5 %)

25

(1,1 %)

22

(0,9 %)

dont autres recettes

164,6

(7,7 %)

167,0

(7,6 %)

167,6

(7,5 %)

168,4

(7,3 %)

171,3

(7,3 %)

174,0

(7,2 %)

169

(7,6 %)

192

(8,0 %)

 

 

 

 

Dépenses publiques

1 230,0

(57,2 %)

1 248,7

(56,8 %)

1 266,4

(56,7 %)

1 298,0

(56,5 %)

1 314,6

(55,7 %)

1 347,9

(55,6 %)

1 414

(63,6%)

1 425

(59,2 %)

dont crédits dimpôt enregistrés en dépenses

25,4

(1,2 %)

32,4

(1,5 %)

31,7

(1,4 %)

31,8

(1,4 %)

39,4

(1,7 %)

38,1

(1,6%)

19

(0,8 %)

16

(0,7 %)

dont dépenses hors crédits dimpôt

1 204,6

(56,0 %)

1 216,3

(55,3 %)

1 234,8

(55,3 %)

1 266,2

(55,1 %)

1 275,2

(54,0 %)

1 309,9

(54,0 %)

1 395

(62,8 %)

1 409

(58,5 %)

 

 

 

 

Déficit public

83,9

(3,9 %)

79,7

(3,6 %)

81,3

(3,6 %)

68,0

(3,0 %)

54,1

(2,3 %)

73,0

(3,0 %)

227,7

(10,2 %)

160,7

(6,7 %)

 

 

 

 

Dette publique

2 039,8

(94,9 %)

2 101,3

(95,6 %)

2 188,5

(98,0 %)

2 258,6

(98,3 %)

2 314,9

(98,1 %)

2 380,0

(98,1 %)

2 613

(117,5 %)

2 799

(116,2 %)

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales (3,1 Md€ en 2015, 3,6 Md€ en 2016, 4,0 Md€ en 2017, 4,6 Md€ en 2018, 4,7 Md€ en 2019, 4,3 Md€ en 2020, 4,6 Md€ en 2021 et 4,8 Md€ en 2022).

Source : Insee, base 2014.

La barre des 3 % de déficit public a été franchie à cinq périodes :

– une première fois, très brièvement, en 1986 ;

– une deuxième fois, pour une période de six années entre 1992 et 1997 ;

– une troisième fois, pour une période de quatre années entre 2002 et 2005 ;

– une quatrième fois entre 2008 et 2016 soit au total neuf années consécutives :

– une cinquième fois à partir de 2020.

L’année 2017 a marqué le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009. Depuis lors, la réduction du déficit public, hors mesures exceptionnelles, avait été tendancielle, jusqu’à la crise déclenchée en 2020.

DÉficit public depuis 2010

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019*

2020

2021

En

% du PIB

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,6

3,0

2,5

3,0*

10,2

6,7

En

milliards deuros

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

81,3

68,0

54,1

73,0

222,7

160,7

*Hors mesures exceptionnelles (impact du CICE), le déficit public de 2019 s’établit à 2,2 % du PIB.

Source : Insee, comptes nationaux jusqu’en 2019, présent projet de loi de finances pour les années 2020 et 2021.

2.   La dégradation sans précédent du déficit public en 2020

L’effort continu de réduction du déficit public depuis la crise financière de 2008-2009 a dû être interrompu afin de faire face à la crise sanitaire.

Évolution du déficit public depuis 2000

(en % du PIB)

Source : Insee, comptes nationaux jusqu’en 2019, prévisions du présent PLF pour les années 2020 et 2021.

Le niveau de déficit prévu pour 2020 par le présent PLF (– 10,2 % du PIB), même revu à la baisse par rapport à la troisième loi de finances rectificatives de l’année (– 11,5 %), serait le plus élevé enregistré depuis la création des comptes nationaux en 1948.

B.   LE SOLDE PUBLIC RESTERAIT DÉGRADÉ EN 2021

Le présent projet de loi de finances prévoit une amélioration sensible du solde public en 2021, essentiellement porté par l’État.

1.   Le rebond de l’activité doit permettre l’amélioration du déficit

Selon la prévision présentée par le Gouvernement, le déficit s’améliorerait de 3,5 points en 2021 pour s’établir à – 6,7 % du produit intérieur brut. De 227,7 milliards d’euros, le déficit diminuerait ainsi de 67 milliards d’euros en 2021 pour atteindre 160,7 milliards d’euros.

L’amélioration du déficit public en 2021 est permise par un rebond des recettes de 78 milliards d’euros, partiellement « compensé » par la progression des dépenses (+ 11 milliards d’euros).

Le Gouvernement prévoit une amélioration progressive de ce déficit selon une trajectoire détaillée dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Évolution du déficit public jusqu’en 2025

(en % du PIB)

Année

2021

2022

2023

2024

2025

Solde public

6,7

4,9

4,0

3,4

2,9

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Le projet de budget pour 2021 acte, en tout état de cause, la caducité de la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022.

trajectoire de solde public de la loi de programmation des finances publiques pour les annÉes 2018 à 2022

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Dans son avis sur le présent projet de loi de finances ([108]), le Haut conseil des finances publiques (HCFP) recommandait l’adoption d’une nouvelle loi de programmation dès le printemps prochain. Il conviendra en effet d’attendre que la situation sanitaire et économique soit stabilisée afin que cet exercice de programmation puisse être crédible.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constitution et « sinscrivent dans lobjectif déquilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

2.   La situation dégradée du solde de l’État

Parmi les quatre sous-secteurs d’administration publique, l’État est celui qui supporte la majeure partie du déficit public.

Solde public par sous-secteur

(en points de produit intérieur brut)

Sous-secteur

2018

2019

2020

2021

État

– 2,8

– 3,5

– 8,7*

– 5,5

Organismes divers d’administration centrale

– 0,1

– 0,1

+ 1,1*

– 0,1

Administrations publiques locales

0,1

0,0

– 0,1

0,0

Administrations de sécurité sociale

0,5

0,6

– 2,6

– 1,0

Solde public

 2,3

 3,0

 10,2

 6,7

* Y compris reprise de dette SNCF réseau de 2020 (25 milliards d’euros), opération neutre pour les administrations publiques car enregistrée en dépenses pour l’État et en recettes pour les ODAC. Retraité de cette opération, le solde de l’État atteindrait – 7,6 % du PIB et celui des ODAC serait de 0,0 %.

En raison d’effets d’arrondis, la somme des soldes des sous-secteurs d’administration publique peut ne pas correspondre au solde public global.

Source : rapport économique, social et financier.

a.   L’État porte l’essentiel du déficit public

Le solde budgétaire de lÉtat est constitué par la somme du solde du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

i.   L’exécution budgétaire de l’État en 2019

En 2019, pour le budget général, les dépenses nettes, y compris les prélèvements sur recettes, se sont élevées à 387,1 milliards deuros et les recettes nettes à 295,3 milliards. Le solde des budgets annexes et des comptes spéciaux est positif, à hauteur de 4,2 milliards deuros. Le déficit budgétaire de lÉtat ressortait ainsi à 92,7 milliards deuros (73,0 milliards hors impact de la transformation du CICE).

ExÉcution 2019

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

330,3

Recettes fiscales nettes

281,3

PSR au profit de l’Union européenne

21,0

Recettes non fiscales

14,0

PSR au profit des collectivités territoriales

40,9

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

+ 4,3

Déficit à financer

(I  II  III)

 92,7*

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : loi de règlement pour 2019.

ii.   La prévision actualisée du déficit de l’État en 2020

La loi de finances pour 2020, adoptée avant le déclenchement de la crise sanitaire, prévoyait un déficit du budget de l’État de 93,1 milliards d’euros.

La mise en œuvre des mesures d’urgence a entraîné une forte dégradation de ce solde. Selon les données actualisées disponibles dans le présent PLF, le solde budgétaire serait de – 187,1 milliards d’euros, soit une dégradation de 94,4 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale.

prÉvision actualisÉe pour 2020

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

384,6

Recettes fiscales nettes

246,8

PSR au profit de l’Union européenne

23,4

Recettes non fiscales

16,3

PSR au profit des collectivités territoriales

42,2

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 8,1

Déficit à financer

(I  II  III)

195,2

Source : présent projet de loi de finances.

En 2020, les dépenses de l’État progresseraient de 54,3 milliards d’euros par rapport à 2019 alors que les recettes fiscales connaîtraient, en parallèle, une chute marquée de 34,5 milliards d’euros.

prÉvision 2021

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

378,7

Recettes fiscales nettes

271,2

PSR au profit de l’Union européenne

26,9

Recettes non fiscales

24,9

PSR au profit des collectivités territoriales

43,2

Soldes des comptes spéciaux (III)

 0,1

Déficit à financer

(I  II  III)

 152,8

Source : présent projet de loi de finances.

Alors que les dépenses de l’État reflueraient en 2021 (– 5,9 milliards d’euros) malgré une hausse des prélèvements sur recettes (+ 4,5 milliards), les recettes fiscales profiteraient du rebond de l’activité (+ 24 milliards), ce qui permet de diminuer le déficit à financer entre 2020 et 2021.

passage du solde 2020 actualisÉ au solde plf 2021

(en milliards d’euros)

 

2020

Prévision actualisée

Variation

2021

PLF

 

2020

Prévision actualisée

Variation

2021

PLF

Dépenses (I)

 

 

 

Recettes (II)

 

 

 

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

384,6

– 5,9

378,7

Recettes fiscales nettes

246,8

+ 24,4

271,2

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

23,4

+ 3,5

26,9

Recettes non fiscales

16,3

+ 8,6

24,9

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

42,2

+ 1

43,2

Soldes des comptes spéciaux (III)

 8,1

+ 8

– 0,1

Déficit à financer

(I  II  III)

195,2

 42,4

152,8

Source : commission des finances.

iii.   La concentration du déficit public sur l’État s’est accentuée ces dernières années

On observe une tendance nette à la concentration du déficit public sur le déficit de l’État. En comptabilité nationale, la part de l’État dans le déficit public est ainsi passée de 82 % en 2012 à près de 94 % en 2016. Il devient même supérieur au déficit public de 2017 à 2019. Le déficit de l’État en 2019 représente ainsi 117 % du déficit public.

DÉcomposition du solde public par sous-secteur d’administration
depuis 2010 (comptabilitÉ nationale)

(en milliards d’euros)

Année

Solde public

État

ODAC

APUL

ASSO

2010

– 137,4

– 122,9

11,3

– 2,0

– 23,9

2011

– 106,1

– 92,4

– 0,2

– 0,8

– 12,7

2012

– 104,0

– 85,1

– 2,6

– 3,7

– 12,7

2013

– 86,5

– 70,2

1,3

– 8,5

– 9,1

2014

– 83,9

– 74,3

2,6

– 4,8

– 7,4

2015

– 79,7

– 73,3

– 2,5

– 0,1

– 3,8

2016

– 81,3

– 75,9

– 6,1

3,0

– 2,2

2017

– 68,0

– 70,1

– 4,4

1,6

4,9

2018

– 54,1

– 65,9

– 2,5

2,7

11,7

2019

– 73

– 84,1

– 2,3

– 0,9

14,4

En raison d’arrondis au dixième, la somme des soldes État, ODAC, APUL et ASSO peut ne pas correspondre au solde public.

Source : Insee, comptes nationaux et Rapport économique, social et financier 2021.

 

b.   Un solde des administrations publiques locales peu affecté par la conjoncture

Le solde des administrations publiques locales se dégraderait en 2020 à – 2,2 milliards d’euros (– 0,1 % du PIB) avant de remonter à + 1,1 milliard en 2021, comptabilisé comme à l’équilibre en raison des effets d’arrondis.

La dégradation du solde des APUL en 2020 est liée à la baisse de 1,2 % des recettes des APUL, plus forte que celle des dépenses qui se replient sous l’effet du calendrier électoral et des restrictions sanitaires (– 0,7 %).

En 2021, un double rebond des recettes et des dépenses d’investissements expliquerait la stabilité du solde des administrations publiques locales.

c.   La forte mobilisation des déficits sociaux afin d’absorber la crise

Les comptes de la sécurité sociale se sont améliorés de manière continue entre 2010 et 2018. Ces régimes constituent l’essentiel de la catégorie des administrations de sécurité sociale (ASSO).

Ainsi, les déficits sociaux, composés du solde du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), périmètre que retient la Cour des comptes ([109]) pour estimer le déficit de la sécurité sociale, se sont établis à 1,9 milliard d’euros en 2019 au lieu de 20,9 milliards d’euros en 2011, soit une baisse de 19 milliards d’euros. Après un point haut en 2018 (– 1,2 milliard), le solde est de nouveau à la baisse, traduisant une tendance à l’aggravation des déficits avant même le déclenchement de la crise sanitaire.

Évolution des dÉficits sociaux de 2011 À 2019

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Maladie

– 8,6

– 5,9

– 6,8

– 6,5

– 5,8

– 4,8

– 4,9

– 0,7

– 1,5

ATMP*

– 0,2

– 0,2

+ 0,6

+ 0,7

+ 0,7

+ 0,8

+ 1,1

0,7

1,0

Famille

– 2,6

– 2,5

– 3,2

– 2,7

– 1,5

– 1,0

– 0,2

0,5

1,5

Vieillesse

– 6,0

– 4,8

– 3,1

– 1,2

– 0,3

+ 0,9

+ 1,8

0,2

– 1,4

FSV**

– 3,4

– 4,1

– 2,9

– 3,5

– 3,9

– 3,6

– 2,9

– 1,8

– 1,6

Sous-total régime général + FSV

 20,9

 17,5

 15,4

 13,2

 10,8

 7,8

 5,1

– 1,2

 1,9

Régimes obligatoires de base + FSV

 22,6

 19,1

 16,0

 12,8

 10,3

 7,0

 4,8

– 1,5

 1,7

* Accident du travail et maladie professionnelle.

** FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Cour des comptes

Néanmoins, le déficit des comptes sociaux ne constitue pas le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui prend également en compte le fonds de réserve pour les retraites (FRR) et les régimes complémentaires. Sur la longue période, le solde des ASSO tend à s’améliorer, passant de – 23,9 milliards d’euros en 2010 à + 14,4 milliards en 2019.

Le solde de la sécurité sociale se dégraderait néanmoins à – 57,5 milliards en 2020 en raison des mesures d’urgence décidées en réponse à la crise sanitaire pour atteindre – 2,6 % du PIB. Les dépenses de santé et d’activité partielle progresseraient fortement tandis que le repli de l’activité entraînerait une baisse des recettes.

Évolution des dÉpenses et recettes des ASSO

(en % du PIB)

 

2019

2020

2021

Solde

0,6

 2,6

 1,0

Évolution des dépenses

2,0

6,2

1,2

 dont évolution des prestations

2,3

5,4

1,8

Évolution des recettes

2,4

– 5,2

6,7

 dont évolution des cotisations sociales

– 4,4

– 9,3

9,2

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent PLF.

En 2021, le solde s’améliorerait à – 25 milliards d’euros grâce à la reprise de l’activité qui augmente les recettes sociales et au ralentissement de la progression des dépenses en contrecoup des mesures exceptionnelles et temporaires de 2020.

Ces dépenses ne diminueraient pas pour autant, en raison de la mise en œuvre de mesures nouvelles liées au Ségur de la santé et un Ondam prévoyant des dépenses supplémentaires en lien avec la gestion de l’épidémie.

DÉcomposition du solde des administrations de sÉCURITÉ sociale

(en milliards deuros)

Année

2019

2020

2021

Total Administrations de sécurité sociale (ASSO)

14,4

-57,5

-25,0

Recettes

635,6

602,4

642,9

Dépenses

621,2

660,0

667,9

 

 

 

Régime général + Fonds de solidarité vieillesse

-2,4

-44,2

-33,5

Recettes

440,6

420,2

445,7

Dépenses

443,1

464,4

479,2

 

 

 

 

Unédic

-1,8

-20,5

-6,2

Recettes

39,2

35,8

39,6

Dépenses

41,0

56,4

45,8

 

 

 

 

Régimes complémentaires

3,0

-5,1

-1,0

Recettes

92,7

87,1

93,0

Dépenses

89,7

92,2

94,0

 

 

 

 

Cades

15,8

15,8

14,5

Recettes

18,5

17,9

18,5

Dépenses

2,7

2,1

4,0

 

 

 

 

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

-1,9

-1,1

-1,6

Recettes

0,9

1,2

0,7

Dépenses

2,8

2,3

2,3

 

 

 

 

Organismes divers de sécurité sociale

-0,2

-0,7

0,8

Recettes

97,5

102,7

110,6

Dépenses

97,7

103,4

109,9

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

II.   LE DÉFICIT DE LÉTAT EN COMPTABILITÉ NATIONALE

Le déficit budgétaire de l’État est prévu pour 2021 à 152,8 milliards d’euros par l’article 32 du présent projet de loi de finances. Le déficit de l’État, en comptabilité nationale, serait toutefois inférieur de 20,4 milliards d’euros, puisqu’il est évalué à – 132,4 milliards d’euros par le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

La distinction entre comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de lannée au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de lannée au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

Traditionnellement, l’examen du projet de loi de finances avait pour but de débattre uniquement du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui de la comptabilité la plus observée et la plus commentée car elle permet de mesurer le déficit budgétaire et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

Depuis 2013, l’examen du projet de loi de finances permet, grâce à l’examen de son article liminaire et grâce au RESF, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

Les résultats de la comptabilité nationale sont désormais au cœur du débat public : c’est à partir d’eux qu’il est possible de savoir si la France respecte ou non les règles européennes relatives à son déficit public (qui doit en principe être inférieur à 3 %) ou à son solde structurel (qui doit en principe être inférieur à – 0,5 %). Plusieurs retraitements – exposés dans le RESF annexé au présent projet de loi de finances – sont nécessaires pour passer du solde budgétaire au solde en comptabilité nationale.

L’écart entre le solde 2021 en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale s’explique par cinq principaux effets :

– la comptabilisation des primes de garantie versées à l’État par les établissements de crédit dans le cadre des prêts garantis par l’État (PGE), versées quasi intégralement en 2021 en comptabilité de caisse, alors qu’elles sont comptabilisées sur la durée de vie de la garantie en comptabilité nationale ;

– la différence entre les paiements et les livraisons de matériel militaire, la comptabilité nationale prenant en compte les dépenses militaires au moment de la livraison et non au moment du décaissement des crédits ;

– l’effet de trésorerie lié aux primes et décotes à l’émission et l’enregistrement des intérêts courus non échus (ICNE) ;

– le décalage relatif à la comptabilisation des recettes de subventions de l’Union européenne au titre du plan de relance (17,3 milliards de droits constatés en 2021, contre 10 milliards reçus effectivement) ;

– les crédits d’impôts restituables et reportables, comptabilisés en comptabilité nationale sur la base du montant intégral de la créance reconnue par l’administration fiscale et pas uniquement sur le montant budgétaire décaissé, d’où l’apparition d’un écart entre les deux comptabilités.

Principales ClÉs de passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire
au solde en comptabilitÉ nationale

(en milliards d’euros)

Les retraitements qui dégradent le solde en comptabilité nationale

Les retraitements qui améliorent le solde en comptabilité nationale

Primes de garantie

– 1,9

Intérêts d’emprunt résultant de primes d’émission

+ 10,7

Comptabilisation du plan de relance européen

+ 7,3

Différence entre les paiements et les livraisons de matériel militaire

– 1,7

Crédits d’impôts restituables et reportables

+ 6,4

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

 


—  1  —

   FICHE N° 11 :
LA DETTE PUBLIQUE

Résumé de la fiche

Après une stabilisation en 2018 et 2019, le ratio dendettement atteindrait 117,5 % du produit intérieur brut en 2020. En euros courant, la dette s’établirait à 2 613 milliards d’euros.

Alors qu’il n’avait cessé d’augmenter depuis 2007, le léger recul de ce ratio en 2018 et sa stabilisation en 2019 à 98,1 % du PIB avaient constitué une rupture importante. Désormais éloigné pour plusieurs années de cet ordre de grandeur et malgré un reflux, le ratio d’endettement serait de 116,2 % en 2021.

L’objectif de réduction de la loi de programmation des finances publiques ([110]) de – 5,3 points du PIB du niveau de la dette publique entre 2017 et 2022 ­ devient inopérant. Selon les prévisions associées au présent projet de loi de finances, le niveau de dette atteint en 2022 serait plus élevé de 18,5 points que celui constaté en 2017.

Paradoxalement, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles, la charge dintérêts de la dette publique ([111]) serait stable car la France continue de bénéficier de taux dintérêt particulièrement bas. Selon le présent projet de loi de finances, la charge de la dette publique en 2020 en comptabilité nationale s’établira à 36,2 milliards deuros, puis 37,1 milliards d’euros en 2021.

L’hypothèse d’une menace sur la soutenabilité de la dette à terme n’est pas à évacuer. En juin 2020, une mission d’information parlementaire menée par le rapporteur général a étudié ce risque et les réponses possibles en cas de matérialisation d’épisode d’insolvabilité ([112]).

I.   APRÈS DEUX ANNÉES DE STABILISATION, LENDETTEMENT PUBLIC AUGMENTE FORTEMENT EN 2020

A.   UNE DETTE PUBLIQUE ÉLEVÉE MAIS STABILISÉE FIN 2019

1.   Un niveau de dette élevé et une évolution divergente par rapport à nos voisins européens depuis 2013

L’accumulation de déficits publics depuis 1974 a eu pour effet la constitution d’un encours de dette conséquent. L’indicateur usuel pour apprécier la croissance de la dette publique est le montant de l’encours de la dette publique à une date donnée rapporté au PIB ([113]). Il permet d’appréhender la soutenabilité de la dette publique.

La dette publique française s’est établie à 2 380 milliards deuros en 2019, soit 98,1 % du PIB. Comme l’ensemble des pays de la zone euro, la France a vu son ratio d’endettement s’accroître considérablement entre 2008 et 2012, sous le double effet de l’accumulation de l’encours de dette (effet numérateur) et de la chute du niveau du PIB (effet direct par le dénominateur et effet indirect par le numérateur par la moindre augmentation des recettes de prélèvements obligatoires corrélées à la croissance). En revanche, à partir de 2012, la trajectoire de l’endettement français a divergé de celle de ses partenaires européens.

Comparaison des ratios de dette de la France,
de la zone euro et de l’Allemagne

(en % du PIB)

Source : INSEE, base 2015 – zone euro à 19, Eurostat.

Si les différences de niveau d’endettement ne sont pas significatives selon la théorie économique, la divergence des trajectoires de dette révèle les fragilités des finances publiques françaises. Autrement dit, un niveau élevé de dette publique rapporté au PIB ne révèle pas forcément de fragilités quant à la soutenabilité de la dette, notamment si ce ratio suit une tendance baissière. Lobjectif de réduction de lendettement porté par le Gouvernement était donc nécessaire.

2.   La stabilisation du niveau de l’endettement public

Dans la période récente, la croissance de l’endettement a été plus modérée, avant que le ratio ne recule pour la première fois depuis dix ans en 2018. On ne compte que huit occurrences de recul du ratio d’endettement depuis 1978.

La dette publique depuis 1978

(en vert, les périodes de baisse de la dette publique)

(en pourcentage du PIB au 31/12 de lannée)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Ratio

nd

nd

nd

nd

21,2

21,2

20,8

22,0

25,4

26,7

29,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

30,7

31,3

33,7

33,6

34,4

35,6

36,5

40,2

46,6

49,9

56,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

60,0

61,4

61,4

60,5

58,9

58,3

60,3

64,4

65,9

67,4

64,6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

64,5

68,8

83,0

85,3

87,8

90,6

93,4

94,9

95,6

98,0

98,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020 (p)

2021 (p)

Solde

98,1

98,1

117,5

116,2

Source : INSEE, base 2014, comptes de la nation et rapport économique social et financier 2021.

● Le ralentissement de l’accroissement de la dette a précédé l’amorce de son recul :

– entre 2007 et 2011, la dette a crû de + 23,3 points ;

– le rythme de la progression a été divisé par deux entre 2012 et 2016 à + 10,6 points.

– entre 2017 et 2019, le niveau d’endettement a décru de – 0,3 point.

● Ce recul de la dette dans la richesse nationale est intervenu précocement par rapport aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui envisageaient une croissance de la dette en 2018 et 2019. Ce recul s’explique à la fois par une croissance relativement dynamique et une faible évolution de l’encours de dette (voir supra) liée notamment à la modération de l’évolution des dépenses publiques

Comparaison du ratio de dette publique Aux prévisions de la LPFP 20182022
pour les années 2017 à 2019

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

Dette publique – LPFP

96,7

96,9

97,1

Variation

+ 0,2

+ 0,2

Dette publique – présent PLF

98,3

98,1

98,1

Variation

– 0,2

* Chiffres exécutés.

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent projet de loi de finances.

Malgré cette évolution plus favorable, le niveau de la dette a été supérieur à celui prévu par la LPFP en raison de traitements comptables. En particulier, le reclassement comptable de SNCF Réseau en administration publique par l’INSEE à compter de 2016 a entraîné une révision à la hausse du ratio de dette publique de 1,7 point en 2017. Le point de départ de la trajectoire du ratio de dette publique pour les années 2017 à 2022 a donc été rehaussé à due concurrence de l’impact du reclassement de SNCF Réseau.

Le reclassement de SNCF Réseau en administration publique
et son impact sur la dette publique

En septembre 2018, l’INSEE a annoncé avoir décidé, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique à compter de l’année 2016 (1). En effet, la part des coûts de production de SNCF Réseau couverte par des recettes marchandes était passée sous le seuil de 50 % à partir de 2016.

Compte tenu de la situation déficitaire et d’endettement de l’entreprise, le reclassement a eu un impact mécanique haussier sur le déficit et la dette notifiés pour les années 2016 et 2017. L’impact sur le déficit a été de 3,2 milliards d’euros en 2016 et de 2,2 milliards d’euros en 2017. La dette notifiée a été majorée de 37 milliards deuros fin 2016 et de 39,5 milliards deuros fin 2017.

(1) INSEE, Communiqué de presse, Notification à Eurostat : publication des révisions du déficit et de la dette des administrations publiques par l’INSEE, 6 septembre 2018.

● L’analyse de l’évolution de la dette en euros courants témoigne également de la rupture de tendance constatée en 2018. La dette publique na en effet augmenté que de 56,3 milliards deuros en 2018, évolution la plus faible depuis 2006. L’évolution de 65,1 milliards d’euros en 2019 est un peu plus conséquente mais demeure en deçà des moyennes constatées ces dernières années.

évolution de la dette publique en euros courants

(en milliards d’euros)

Année

Encours de dette
au 31/12

Augmentation annuelle

Augmentation

cumulée

Augmentation annuelle moyenne

2007

1 252,9

+ 58,8

+ 614

+ 123

2008

1 370,3

+ 117,4

2009

1 608,0

+ 237,7

2010

1 701,1

+ 93,1

2011

1 808,0

+ 106,9

2012

1 892,5

+ 84,5

+ 381

+ 76

2013

1 977,7

+ 85,2

2014

2 039,8

+ 62,1

2015

2 101,3

+ 61,4

2016

2 188,5

+ 87,2

2017

2 258,6

+ 70,1

+ 191

+ 64

2018

2 314,9

+ 56,3

2019

2 380,0

+ 65,1

Source : INSEE, base 2014.

● En 2019, la dette était portée à 80 % par l’État, à 3 % par les organismes divers d’administration centrale ([114]), à près de 9 % par les administrations publiques locales (APUL) ([115]) et à environ 8 % par les administrations de sécurité sociale (ASSO).

DÉcomposition de la dette publique française

(en milliards d’euros)

Sous-secteur dadministration publique

Au 31/12/2018

Au 31/12/2019

En % de lensemble au 31/12/2019

État

1 841,8

1 911,8

80,3 %

Organismes divers d’administration centrale

63,3

64,9

2,7 %

Administrations locales

205,7

210,3

8,8 %

Administrations de sécurité sociale

204,1

193,1

8,1 %

Ensemble des administrations publiques

2 314,9

2 380,0

100,0 %

En % du PIB

98,1

98,1

4,1 %

Source : INSEE, « Les comptes des administrations publiques en 2019 », 29 mai 2020.

B.   EN 2020, UN NOUVEAU SEUIL DENDETTEMENT PUBLIC EST FRANCHI

1.   2020 : un choc haussier historique sur le ratio de dette publique

La dégradation du déficit public en 2020 couplée à la chute du PIB a pour effet de dégrader le ratio de dette publique. Il passerait ainsi de 98,1 % du PIB en 2019 à 117,5 % du PIB en 2020. En euros courants, la hausse représenterait 233 milliards d’euros et la dette sétablirait à 2 613 milliards deuros.

L’augmentation exceptionnelle du ratio de dette publique n’est pas propre à la France, même si elle y est un peu plus marquée. Elle atteint l’ensemble des pays de l’Union européenne et en particulier l’ensemble des États de la zone euro. D’après les dernières prévisions de la Banque centrale européenne ([116]), l’endettement des pays de la zone euro passerait de 84,1 % en 2019 à 100,7 %, soit une hausse de 16,6 points.

Évolution du ratio de dette publique

(en points de PIB)

Note : pour lannée 2020, le ratio présenté est prévisionnel.

Source : Eurostat pour les années 2007 à 2019 ; Rapport économique, social et financier et projections macroéconomiques de la BCE de septembre 2020 pour l’année 2020.

2.   Un niveau d’endettement qui devrait se maintenir durant les prochaines années

Le contexte actuel rend particulièrement difficile l’exercice de prévision du ratio de dette publique.

La crise entraîne une divergence très substantielle entre la trajectoire de ratio de dette publique prévue par la LPFP 2018-2022 et la trajectoire désormais envisagée.

a.   Une cible de dette publique modifiée avant 2020

La LPFP a fixé pour objectif une réduction de plus de 5 points du ratio de dette publique entre 2017 et 2022. Après avoir été portée à 7,8 points par le programme de stabilité d’avril 2018, cette cible a été nettement abaissée par le Gouvernement à l’occasion de la présentation du programme de stabilité d’avril 2019, puis à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques de juin 2019 qui l’a fixée à 1,4 point. Le projet de loi de finances pour 2020 a diminué à nouveau la réduction prévisionnelle du ratio de dette publique entre 2017 et 2022 pour l’établir à 0,7 point de PIB. La révision du ratio depuis l’adoption de la LPFP s’explique :

– par des révisions à la baisse des taux de croissance du PIB. Celle-ci a un effet direct haussier sur le ratio de dette publique, toutes choses égales par ailleurs, par la minoration du dénominateur. Elle a également un effet indirect sur le numérateur par la minoration des recettes publiques, dont l’évolution spontanée est corrélée à la croissance ;

– par les mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages décidées en décembre 2018 puis en avril 2019, à la suite des conclusions du Grand débat national.

Trajectoires du ratio de dette publique

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évolution 2017/2022

Dette publique – LPFP

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

– 5,3

Variation du ratio de dette publique

 

+ 0,2

+ 0,2

– 1,0

– 1,9

– 2,8

Dette publique – programme de stabilité 2019

98,4

98,4

98,9

98,7

98,1

96,8

– 1,6

Variation du ratio de dette publique

 

+ 0,5

– 0,2

– 0,6

– 1,3

Dette publique – débat d’orientation des finances publiques 2019

98,4

98,4

98,9

98,9

98,3

97,0

– 1,4

Variation du ratio de dette publique

 

+ 0,5

– 0,6

– 1,3

Dette publique – PLF pour 2020

98,4

98,4

98,8

98,7

98,6

97,7

– 0,7

Variation du ratio de dette publique

 

– 

+ 0,4

– 0,1

– 0,1

– 0,9

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, programme de stabilité 2019, tome I du rapport du Gouvernement préparatoire au débat d’orientation des finances publiques 2019, projet de loi de finances pour 2020.

b.   La projection d’une trajectoire de dette publique stabilisée après la crise

Selon le scénario du Gouvernement, le ratio de dette publique reculerait légèrement en 2021 à 116,2 %. Le niveau dendettement est désormais prévu à des niveaux similaires jusquen 2025.

Trajectoires du ratio de dette publique

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évolution 2017/2022

Dette publique – LPFP

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

– 5,3

Variation du ratio de dette publique

 

+ 0,2

+ 0,2

– 1,0

– 1,9

– 2,8

Dette publique – présent PLF

98,3

98,1

98,1

117,5

116,2

116,8

+ 18,5

Variation du ratio de dette publique

 

– 0,2

+ 19,4

– 1,3

+ 0,6

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, programme de stabilité 2019, tome I du rapport du Gouvernement préparatoire au débat d’orientation des finances publiques 2019, présent projet de loi de finances.

D’après le consensus économique actuel ([117]), le risque d’affaiblissement économique est jugé plus grave que celui d’un accroissement de la dette. Des tendances structurelles et la politique monétaire de la BCE laissent attendre des taux d’intérêt bas à moyen terme ce qui permettrait de demeurer sur une trajectoire stabilisé et soutenable avec un niveau de dette plus élevé (cf. infra).

3.   L’ensemble des administrations publiques verraient leur ratio d’endettement augmenter

En 2020, lensemble des sous-secteurs des administrations publiques verraient leur contribution au ratio dendettement augmenter, en particulier les administrations publiques centrales (+ 14,7 points) et les administrations de sécurité sociale (+ 3,7 points). Ce sont, en effet, elles qui ont assumé la hausse des dépenses publiques observée en 2020 avec une croissance en volume qui devrait s’établir respectivement à 11,4 % et 5,4 %. Les dépenses publiques locales se contracteraient à l’inverse de – 0,3 %, notamment en raison du recul de l’investissement.

En 2021, tous les sous-secteurs observeraient un léger reflux de leur contribution au ratio d’endettement.

Évolution du ratio d’endettement par sous-secteur d’administration

(en points de PIB)

Année

2019

2020

2021

Ratio dendettement au sens de Maastricht

98,1

117,5

116,2

Dont contribution des administrations publiques centrales (APUC)

81,5

96,2

95,7

Dont contribution des administrations publiques locales (APUL)

8,7

9,7

9,0

Dont contribution des administrations de sécurité sociale (ASSO)

8,0

11,7

11,5

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, page 137.

II.   LA SOUTENABILITÉ DE LA DETTE, SANS QUELLE SOIT MENACÉE À COURT TERME, DOIT ÊTRE GARANTIE DE FAÇON DURABLE

Dans le contexte de la crise sanitaire, le choix de recourir à l’emprunt a été assumé. S’il n’existe pas de niveau étalon du ratio de dette publique au‑delà duquel l’endettement peut être considéré comme insoutenable, l’évolution de la dette rapportée au PIB est un critère de soutenabilité important, même s’il n’est pas le seul. C’est pour cette raison que le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale a souhaité conduire une mission dinformation consacrée à la dette publique dont les conclusions ont été présentées le 23 juin 2020 ([118]).

A.   À COURT TERME, LES RISQUES DINSOUTENABILITÉ SONT LIMITÉS

La soutenabilité de la dette publique désigne la capacité pour un État à honorer ses engagements financiers dans le futur. La situation des finances publiques est soutenable si l’on ne projette pas, dans le futur, une situation d’insolvabilité, c’est-à-dire une situation dans laquelle l’État ne pourrait pas faire face à ses échéances de remboursement.

Pour que le ratio dette publique / PIB ([119]) soit stabilisé, il faut que le déficit public soit suffisamment faible pour que la croissance du PIB permette, par un effet dénominateur, de neutraliser l’effet numérateur. Le niveau de déficit pour lequel le ratio est stable est appelé déficit public stabilisant. En 2017 et en 2018, les déficits publics constatés, respectivement de 2,8 % et 2,5 % du PIB ont été proches des déficits publics stabilisants, hors flux de créances (2,6 et 2,4 % du PIB ([120])). La stabilisation du ratio de dette publique en 2018, malgré un déficit public légèrement supérieur au déficit public stabilisant, s’explique par la contribution positive des flux de créances à la réduction du ratio de déficit public (– 0,1 point).

Le calcul du solde public stabilisant

L’évolution du ratio dette publique / PIB entre l’année N et l’année N – 1 est déterminée, par construction, par l’évolution de l’encours de dette publique entre N – 1 et N en euros courants et par la croissance du PIB en euros courants entre ces deux années.

Or, la variation de la dette publique entre les années N – 1 et N en euros courants est égale au déficit public de l’année N en euros courants, moyennant le retraitement des flux de créances ([121]). C’est en effet le déficit en euros de l’année N qui explique la progression du stock de dette en euros entre l’année N – 1 et l’année N.

La croissance en pourcentage du stock de dette entre l’année N – 1 et l’année N est donc égale au rapport entre le déficit de l’année N en euros et le stock de dette de l’année N – 1 en euros. Pour que le ratio de dette soit stable, il faut que ce taux de croissance de l’encours de dette entre l’année N‑1 et l’année N soit égal au taux de croissance du PIB.

Il découle de ce constat que le déficit public exprimé en pourcentage du PIB stabilisant le ratio de dette publique, hors flux financiers, est égal au produit du taux de croissance du PIB en valeur entre lannée N – 1 et lannée N et du rapport entre le stock de dette de lannée N  1 et le PIB de lannée N.

Plusieurs facteurs écartent la menace d’une situation d’insoutenabilité.

● La crise ne remet pour linstant pas en cause la faiblesse des taux dintérêt observée depuis les années 1980 dans l’ensemble des pays de l’OCDE.

Comparaison des principaux taux d’intérêt nominaux de référence À 10 ans

(en pourcentage)

Source : Fred Economic Data.

Des causes structurelles expliquent cette tendance au long cours. Le taux d’intérêt réel est en effet le prix qui équilibre au niveau mondial l’épargne et l’investissement. Or, l’offre d’épargne s’accroît depuis les années 1990, sous l’effet notamment du vieillissement de la population. Parallèlement, l’investissement diminue en raison de la baisse de la productivité et du remplacement dans les pays avancés d’activités capitalistiques par des services qui le sont moins. Ces deux tendances s’accompagnent donc d’une baisse tendancielle du taux d’intérêt.

Malgré la crise et l’élévation du taux d’endettement les taux dintérêt dans le monde devraient rester globalement à un niveau faible pour ces raisons structurelles.

Historique des taux de l’OAT À 10 ANS française

(en %)

Source : commission des finances, d’après les données de la Banque de France, extraction le 11 juin 2020.

● Cette tendance de fond a été amplifiée par la politique monétaire. La politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) menée depuis l’après‑crise de 2009, et singulièrement depuis 2014, a eu un effet baissier sur les taux d’intérêt de la dette française, comme sur celle de l’ensemble des États de la zone euro. En outre, la BCE a réagi très rapidement à la crise sanitaire. Dès le 18 mars, elle a annoncé un programme dachat durgence pandémique, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP). Cette action a été décisive pour maintenir les taux à des niveaux faibles et contenir les écarts de taux entre les pays membres.

● La France parvient à financer sa dette à un moindre coût parce que les investisseurs ont confiance dans sa signature, condition nécessaire au financement de la dette publique dans de bonnes conditions. Les hypothèses de taux d’intérêt du gouvernement sont de 0 % pour le taux obligataire à 10 ans en 2020 et 0.5 % pour celui de 2021. Pour rappel, il s’est élevé à 0,1 % en moyenne en 2019. Ainsi, la charge dintérêt de la dette se maintiendrait à des niveaux exceptionnellement bas en 2020 et 2021, au moment où le stock de dette augmente très significativement.

Charge de la dette et de la trésorerie de lÉtat

(en milliards deuros)

Source : rapports annuels de performance de la mission Engagements financiers de lÉtat pour les années 2011 à 2020, loi de finances initiale pour 2021.

● Pour limiter les risques d’insoutenabilité de la dette des États-membres, une dette mutualisée au sein de la zone euro est pour la première fois envisagée. Le Conseil européen des 17 au 21 juillet 2020 a entériné la proposition dautoriser la Commission européenne à emprunter, au nom de lUnion, les fonds nécessaires pour « relever les défis posés par la pandémie de Covid-19 » ([122]). Les plans de relance nationaux et européen seraient ainsi financés en partie par des émissions obligataires de 750 milliards d’euros. La fiche 3 du présent rapport détaille le processus relatif à cet emprunt.

B.   UNE VIGILANCE NÉCESSAIRE À LONG TERME FACE AU NIVEAU DENDETTEMENT

Les risques liés au niveau d’endettement du pays ne sont pas à écarter de façon définitive. Comme l’a rappelé le Haut conseil des finances publiques dans son avis du 28 septembre sur le présent projet de loi de finance ([123]) « dans un contexte de croissance potentielle affaiblie rendant plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme de la dette publique constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance ».

Laugmentation du stock de dette à refinancer peut conduire à linsolvabilité. La perception d’un risque de défaut réévalué à la hausse par le marché pourrait se traduire par une augmentation des taux dintérêt servis par la France au titre de sa dette, via une hausse du prix des émissions.

S’agissant de l’État en France, le Gouvernement fournit tous les ans au Parlement, au moment de l’examen du projet de loi de finances, une estimation de l’impact d’une hausse d’un point du taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe de taux, c’est-à-dire sur l’ensemble des maturités de la dette. En octobre 2020, le Gouvernement estime qu’une augmentation de 1 % des taux d’intérêt sur toutes les maturités aurait un impact de 2,5 milliards d’euros la première année, de 6 milliards d’euros la deuxième année et de 14,9 milliards d’euros la cinquième année.

Impact dun choc de taux de 1 % sur la charge
de la dette nÉgociable de lÉtat

(en milliards deuros)

Note : le graphique présente l’impact sur la charge de la dette de l’État en comptabilité nationale.

Source : projet annuel de performance de la mission Engagements financiers de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2021, octobre 2020, p. 34.

Même en labsence de matérialisation du risque dinsolvabilité, lendettement constitue une perte de souveraineté. La dette constitue en effet une dépense qui réduit la possibilité pour lÉtat de disposer de marges de manœuvre financière pour mener sa politique budgétaire de façon autonome. En 2019, les dépenses de charge de la dette de lÉtat se sont ainsi élevées à 40,3 milliards deuros, soit 12 % de lensemble des dépenses du budget général de lÉtat (336 milliards deuros) et 2,2 % de lencours de la dette négociable (1 823 milliards deuros). Le remboursement de la dette en 2021 (37,1 milliards deuros) aura le même impact sur le solde public que les mesures du plan de relance (37,4 milliards deuros en 2021) ([124])


—  1  —

   AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR LES AVIS DU HAUT CONSEIL RELATIFS AUX PROJETS DE LOI DE FINANCES ET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Lors de sa réunion du 28 septembre 2020, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur lavis du Haut Conseil relatifs aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

M. le président Éric Woerth. Chers collègues, nous recevons M. Pierre Moscovici en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). En application de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il revient au Haut Conseil des finances publiques d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques qui fondent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ainsi que sur la cohérence entre l’article liminaire du PLF et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées par la loi de programmation.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité devant votre commission en tant que président du Haut Conseil des finances publiques pour vous présenter les principales conclusions de notre avis relatif au PLF et au PLFSS pour l’année 2021.

C’est la deuxième fois que je viens devant vous en tant que président du Haut Conseil. À l’occasion de ma première audition, qui a eu lieu une semaine après ma nomination et était relative au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020(PLFR 3), je vous avais fait part de mon attachement sincère au Haut Conseil, que j’ai porté sur les fonts baptismaux en 2012, alors que j’étais ministre de l’économie et des finances.

J’avais également souligné, en référence à mon parcours personnel, la double orientation nationale et européenne du Haut Conseil. Chargé de veiller à la sincérité des prévisions macroéconomiques et de finances publiques établies par le gouvernement français, le HCFP est en outre compétent pour apprécier la cohérence de la trajectoire des finances publiques au regard de nos engagements européens.

Je vous avais indiqué mon souhait d’approfondir les relations entre le Haut Conseil et le Parlement. Éclairer le législateur est au cœur de la mission du Haut Conseil. Disposer d’un tiers de confiance indépendant est, j’en ai la conviction, nécessaire à la qualité et la sincérité des prévisions gouvernementales sur lesquelles sont établis les textes financiers qui vous sont soumis.

Pour qu’il puisse assurer pleinement sa mission, le Haut Conseil doit disposer d’un mandat et de moyens adaptés à cet enjeu démocratique, ainsi qu’aux enjeux de finances publiques que nous impose la crise sanitaire et économique. J’aurai l’occasion d’y revenir dans quelques instants en partageant avec vous certaines réflexions sur la modernisation de la gouvernance des finances publiques.

Je ne serai pas plus long dans ce propos introductif et en viens à la saisine du Haut Conseil.

Dans la continuité du troisième projet de loi de finances rectificative, le PLF pour 2021 est marqué par le choc économique de très grande ampleur qui a touché l’économie mondiale au premier semestre 2020 en raison de la crise sanitaire.

La chute de l’activité du fait de l’impact de l’épidémie et des mesures de restrictions sanitaires présente le même profil dans la plupart des économies du monde : ce n’est ni un V avec une reprise rapide après une chute profonde, ni un W avec une sorte de double chute, mais une racine carrée. Cela signifie que le PIB mondial s’est très nettement replié au premier semestre avant de connaître un rebond vigoureux mais incomplet, au cours du second, et que, selon l’ensemble des prévisions, le retour à la normale de l’activité devrait être lent – vers fin 2021 ou mi-2022, à conditions sanitaires relativement inchangées, bien sûr. Si les économies dans le monde enregistrent un recul et un rebond de l’activité d’ampleur et de temporalité diverses, le profil d’ensemble est très largement partagé, au moins dans les grandes économies. En particulier, l’activité au sein de la zone euro se serait située fin juin près de 15 % en dessous de son niveau d’avant-crise. Selon le consensus des prévisionnistes, cet écart devrait se résorber progressivement mais l’activité de la zone dans son ensemble ne retrouverait son niveau d’avant-crise qu’à la mi-2022.

D’après les dernières données disponibles, le rebond de l’économie mondiale ne serait ainsi que partiel. Plusieurs indicateurs signalent en effet depuis juillet que le rattrapage, très fort au début de l’été, commence à s’essouffler, freiné par certains secteurs des services comme le transport aérien, l’hôtellerie ou la restauration, pour lesquels les restrictions d’origine sanitaire perdurent, voire s’accroissent.

Les perspectives de l’économie mondiale restent soumises à l’évolution des conditions sanitaires. Les incertitudes sur la maîtrise de l’épidémie comme sur le développement d’un vaccin demeurent exceptionnellement élevées, ce qui fragilise inévitablement les exercices de prévisions macroéconomiques et de finances publiques, sachant que nous sommes sur un terrain qui n’est pas particulièrement solide.

Le contexte général étant posé, je vais vous présenter les trois principaux messages du Haut Conseil des finances publiques. Le premier porte sur les prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement, que nous estimons, dans l’ensemble, plausibles pour les années 2020 et 2021 consolidées. Le deuxième tient à la nécessité impérative d’adopter, dès le printemps 2021, une nouvelle loi de programmation de finances publiques (LPFP). Le dernier a trait à la soutenabilité de la dette publique, qui doit constituer la boussole de la stratégie de finances publiques à moyen terme de la France.

Premier message, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement : il suit, à linstar de celui adopté par la plupart de nos partenaires, une évolution en racine carrée. Pour 2020, le Gouvernement prévoit en conséquence un recul du PIB français de 10 % en volume, un chiffre en légère amélioration par rapport à la prévision du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui était de moins 11 %. Cette prévision avait dailleurs été jugée prudente par le Haut Conseil. Pour 2021, le Gouvernement prévoit un rebond de lactivité de 8 %.

Le Haut Conseil considère que le scénario macroéconomique d’ensemble à l’horizon 2021 est plausible. Ce qualificatif de plausible, nous l’appliquons aux prévisions d’activité économique, ainsi qu’à celles en matière d’inflation, d’emploi et de masse salariale. En 2021, l’activité s’établirait 2,7 % en dessous de son niveau de 2019, à un montant proche des autres prévisions disponibles. Elle dépendra très étroitement de l’évolution de la situation sanitaire, principal facteur d’incertitude.

Si nous estimons que le scénario macroéconomique d’ensemble est plausible d’ici à 2021, la chronique annuelle de l’évolution de l’activité pourrait être légèrement différente de celle prévue par le Gouvernement. Pour 2020, nous considérons ainsi que, sauf aggravation marquée de la situation sanitaire d’ici à la fin de l’année, compromettant la reprise du travail dans notre pays, la prévision d’activité est prudente, c’est-à-dire que le recul du PIB pourrait être moindre que prévu. La quasi-totalité des prévisionnistes que nous avons consultés sont un peu moins pessimistes que le Gouvernement. À l’inverse, le rebond pourrait être d’une ampleur plus limitée que ce qui est prévu dans le PLF pour 2021 ; c’est aussi ce que disent la plupart des prévisionnistes. Mais si l’on prend ensemble 2020 et 2021, la prévision du Gouvernement nous paraît plausible et ne s’écarte pas de manière significative du consensus.

Cela repose sur l’hypothèse forte d’une amélioration de la situation sanitaire tout au long de l’année 2021, mais aussi sur l’hypothèse volontariste d’un effet important des mesures du plan de relance sur la croissance, que le Gouvernement estime à 1,1 point de PIB, auquel s’ajouteraient les effets attendus des plans de relance chez nos partenaires. Par exemple, l’effet du plan de relance sur l’investissement public local pourrait être en 2021 un peu moins fort que prévu par le projet de loi de finances, en raison des délais inhérents à l’instruction des dossiers d’investissement et du niveau élevé d’utilisation des capacités de production du secteur du bâtiment.

Sur le fondement de ces hypothèses économiques, le Gouvernement prévoit un niveau de déficit absolument inédit depuis plus de soixante-dix ans : il s’établirait à 10,2 % du PIB en 2020, puis à 6,7 % du PIB en 2021. Ces prévisions sont proches de celles que le Gouvernement vous a présentées à l’été lors du débat d’orientation des finances publiques. Par rapport à ces dernières, le PLF prévoit un solde public en amélioration de 1,2 point en 2020 mais, symétriquement, en dégradation de 1,2 point en 2021. Cette prévision prend en compte la révision des hypothèses macroéconomiques et les nouvelles mesures de soutien de l’activité décidées dans le cadre du plan de relance. Le Haut Conseil estime que le solde public nominal prévu pour 2020 et 2021 est atteignable. Cette prévision est néanmoins affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques.

Au-delà du déterminant sanitaire, nous nous sommes attachés à identifier les principaux risques qui affectent les prévisions de recettes et de dépenses sur la base des informations dont nous disposons.

S’agissant des prévisions de prélèvements obligatoires, que nous estimons cohérentes avec le scénario macroéconomique, nous relevons que le Gouvernement ne prend que faiblement en compte les risques de pertes de recettes liées aux mesures de report d’échéances fiscales et sociales accordées en 2020. Il fait aussi l’hypothèse que les exonérations temporaires de cotisations pour les entreprises des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire ne seront pas prolongées en 2021. Si l’une ou l’autre de ces hypothèses ne se vérifie pas, les recettes publiques seront dégradées.

S’agissant des prévisions de dépenses publiques, que nous estimons vraisemblables, des risques à la hausse comme à la baisse existent. Du côté baissier, la mise en œuvre des investissements prévus dans le cadre du plan de relance pourrait être plus lente qu’attendu, ce qui se traduirait par un report de dépenses sur 2022 et les années ultérieures. D’autre part, la charge d’intérêts pourrait être un peu moins élevée que dans la prévision du PLF pour 2021 du fait d’hypothèses d’évolution des taux d’intérêt par le Gouvernement qui sont, comme à l’accoutumée, relativement conservatrices ou prudentes.

Du côté haussier, nous relevons un risque sur le niveau attendu des dépenses de santé. Le PLFSS pour 2021 prévoit en effet une enveloppe de 4,3 milliards d’euros pour faire face à la crise sanitaire en 2021, contre des dépenses actuellement estimées à 10,1 milliards d’euros pour 2020. Par exemple, les dépenses associées à une éventuelle campagne de vaccination pourraient se révéler supérieures à celles prévues par le PLFSS pour 2021, qui sont de 1,5 milliard d’euros.

En dépit de ces aléas, le Haut Conseil estime dans l’ensemble que les prévisions de finances publiques sont atteignables.

J’en viens au deuxième message du Haut Conseil : celui de la nécessité d’adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques. C’est sans doute notre message principal de politique publique. Qu’il s’agisse du scénario macroéconomique ou de finances publiques, la LPFP du 22 janvier 2018 est définitivement caduque, nous le savons tous. D’abord, l’estimation du PIB potentiel retenue par cette loi, adoptée deux ans avant la crise, est obsolète. L’ampleur du choc subi par l’économie française devrait avoir un impact durable sur l’appareil productif, notamment sous l’effet du recul de l’investissement. Dans les documents fournis au Haut Conseil, le Gouvernement considère d’ores et déjà que le niveau du PIB potentiel devrait être révisé à la baisse de 1,5 point en 2020, puis de plus de 2 points en 2021 par rapport aux hypothèses de la LPFP.

Plus généralement, la trajectoire financière de la LPFP n’anticipait évidemment pas le choc sur les finances publiques que nous observons en 2020 et que nous constaterons encore en 2021. La LPFP prévoyait ainsi un déficit public égal à 1,5 point de PIB en 2020 et à 0,9 point en 2021, des prévisions bien éloignées de celles présentées par le PLF pour 2021.

Caduque, cette loi de programmation constitue pourtant, aux termes de la loi organique de 2012, la référence pour le PLF qui vous est soumis et pour l’exercice du mandat du Haut Conseil, et ce à double titre.

D’une part, le Haut Conseil doit s’appuyer sur la croissance potentielle telle qu’établie par la loi de programmation en vigueur. Le solde structurel est ainsi calculé dans le PLF pour 2021 avec la même hypothèse de croissance potentielle que dans la loi de programmation, même si, nous venons de le voir, cette hypothèse n’est absolument plus pertinente. Ainsi, la révision à la baisse de la croissance potentielle, telle qu’estimée actuellement par le Gouvernement, conduirait à accroître de plus d’un point en 2021 le déficit structurel.

D’autre part, le Haut Conseil doit comparer la trajectoire financière prévue par le PLF à celle de la LPFP. À cet égard, le Haut Conseil constate que l’écart de solde structurel prévu en 2021 par rapport à la loi de programmation de 2018 s’élève à moins 2,4 points de PIB, soit un écart important au sens de la loi organique de décembre 2012. Le solde structurel présenté par le Gouvernement se dégraderait ainsi de 1,2 point entre 2019 et 2021 et s’établirait à moins 3,6 points de PIB en 2021, ce qui est bien éloigné de l’objectif de déficit structurel de moins 1,2 point fixé par la LPFP.

Puisque les anciens repères économiques et financiers sont devenus inadaptés, le Haut Conseil estime tout à fait nécessaire d’en changer aussitôt que possible – pas à l’issue de la crise, mais dès que la situation sera stabilisée et l’horizon plus lisible. Il invite ainsi le Gouvernement à présenter dès le printemps 2021 un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques. Cette LPFP permettra d’établir une stratégie de finances publiques de moyen terme. À cet effet, elle fixera notamment une nouvelle trajectoire d’évolution du PIB et du PIB potentiel, ainsi que de finances publiques, conformément à la loi organique de 2012.

Le troisième message du Haut Conseil a trait à la soutenabilité de la dette. Selon le scénario du Gouvernement, la dette publique s’élèverait à 117,5 points de PIB en 2020, soit une hausse de près de 20 points par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Le ratio de dette publique reculerait ensuite légèrement en 2021, à 116,2 points. Cette perspective d’une baisse limitée du ratio de dette publique est liée au très fort rebond du PIB attendu par le Gouvernement. Elle est fragile et pourrait être remise en cause, notamment si le rebond de l’activité était moindre qu’escompté.

En tout état de cause, la dette connaîtrait une augmentation massive par rapport à la situation d’avant-crise, résultant à la fois du choc économique inédit et de la réponse budgétaire apportée pour y faire face. Le ratio de dette publique s’établirait ainsi, en 2021, 18 points de PIB au-dessus de son niveau d’avant-crise et 22 points au-dessus de celui prévu par la loi de programmation. Cela ne fait que confirmer et accélérer des évolutions intervenues depuis longtemps, après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette. Or le contexte de croissance potentielle affaiblie rend plus difficile la réduction du déficit. La soutenabilité à moyen terme de la dette publique constitue donc un enjeu central de la stratégie financière de la France. Elle appelle à cet égard la plus grande vigilance. Je sais tous les débats que la dette peut susciter, et je vous ai déjà dit que, quelles que soient les possibilités qu’offre une nouvelle politique monétaire, ou une nouvelle politique européenne, ni la monétisation absolue, ni la mutualisation absolue, ni l’annulation de la dette, qui pèserait sur les épargnants, ne sont plausibles. La question de la dette doit donc être traitée, raison pour laquelle nous vous appelons à la vigilance.

Dans la continuité de ce message sur la dette, et avant de répondre à vos questions, je tiens à partager avec vous quelques réflexions sur la gouvernance des finances publiques et particulièrement sur le mandat du HCFP. La crise sanitaire qui a touché la France et le monde en 2020 s’est traduite par un choc massif sur les finances publiques, notamment sur l’encours de la dette publique. Compte tenu de cette situation, je suis persuadé qu’une refondation de la stratégie financière est indispensable pour assurer la soutenabilité de la dette publique et le meilleur usage des deniers publics. La Cour des comptes s’est d’ailleurs exprimée à ce sujet dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, publié en juin dernier.

La mise en œuvre et le respect à long terme de cette stratégie appellent un renforcement de la gouvernance financière. Je vous rappelle qu’en 2012, à la suite de la crise financière de 2008 puis de celle des dettes de la zone euro, les gouvernances française et européenne des finances publiques avaient été refondées pour éviter que les difficultés rencontrées alors ne se reproduisent. Dans le prolongement du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, la loi organique de 2012 avait introduit dans le droit français un ensemble de dispositifs visant à assure une maîtrise durable des finances publiques ; elle avait notamment fondé le Haut Conseil des finances publiques, que j’ai l’honneur de présider.

Après le choc que nous venons de connaître, totalement inédit depuis la Seconde Guerre mondiale, il m’apparaît nécessaire de compléter l’architecture élaborée en 2012 pour franchir une nouvelle étape dans l’amélioration du pilotage des finances publiques en France. La Cour des comptes s’exprimera sur ce sujet à la fin de l’automne. Mon propos n’est pas d’anticiper ici ce prochain rapport, que je vous présenterai le moment voulu, si vous m’y conviez ; c’est bien en ma qualité de président du Haut Conseil que je tiens aujourd’hui à m’adresser à vous.

Depuis sa création, notre jeune institution budgétaire indépendante a contribué à l’amélioration du réalisme des hypothèses macroéconomiques. Ce constat, conforme aux attentes du législateur de 2012, a été étayé par des analyses économiques de grande qualité du Haut Conseil, réalisées de manière indépendante. Toutefois, notre mandat, significativement plus réduit que celui de nos homologues européens, est insuffisant pour assurer pleinement la surveillance indépendante de la trajectoire de finances publiques et éclairer les autorités et les citoyens sur les risques liés à la situation de nos finances publiques. C’est la raison pour laquelle je me contenterai de répondre aux questions entrant dans le cadre de notre mandat ; je répondrais volontiers aux autres questions, mais je ne pourrai le faire que lorsque notre mandat sera étendu.

Je vous citerai à cet égard trois exemples de limites de notre mandat actuel. Première limite : la loi organique de 2012 n’a pas formellement confié au HCFP la mission d’apprécier le réalisme des prévisions de finances publiques, qu’il s’agisse des recettes, des dépenses ou du déficit public. Dans l’exercice de son mandat actuel, nous ne pouvons faire abstraction de ces considérations et elles font régulièrement l’objet de développements dans nos avis. Notre analyse reste toutefois limitée dans sa portée par la loi organique.

Deuxième limite : le Haut Conseil n’est pas non plus compétent pour examiner le réalisme de l’évaluation de l’impact financier ou socio-économique de mesures, quand bien même cette évaluation serait déterminante pour apprécier le réalisme de la trajectoire de finances publiques.

Troisième limite, et ce sera là mon dernier exemple, mais il y en a d’autres : le mécanisme de correction ex post n’a pas fait la preuve de son efficacité. Son déclenchement par le Haut Conseil en cas d’écart significatif à la trajectoire de solde structurel est trop tardif, puisqu’il intervient seulement une fois l’écart à la trajectoire constaté et ne semble pas permettre d’assurer le plein respect des trajectoires financières programmées.

Un ensemble d’ajustements de la gouvernance des finances publiques est donc nécessaire. À cet effet, j’ai demandé au rapporteur général du Haut Conseil, M. Éric Dubois, de réfléchir aux évolutions souhaitables du mandat de notre institution budgétaire indépendante. Il faut aussi que les moyens soient progressivement adaptés à ces nouveaux enjeux. Le PLF pour 2021 prévoit un accroissement très significatif des moyens humains du Haut Conseil, et je m’en réjouis. Je pense toutefois que le mandat et les moyens devraient aller de pair ; j’aurai l’occasion de revenir devant vous pour présenter les propositions qui iraient dans ce sens, si vous en convenez.

M. le président Éric Woerth. Je n’ai pas d’opposition à une éventuelle extension du mandat du HCFP, bien au contraire : disposer d’un avis plus global et plus cohérent constituerait un progrès et irait dans le sens de ce qui existe déjà dans d’autres démocraties. La seule limite, c’est le respect des compétences des uns et des autres : il faut éviter tout chevauchement.

Pour en revenir à 2021, vous évoquez dans votre avis le caractère incertain des recettes provenant des financements européens. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Comment l’appréciez-vous et quelles conséquences cela pourrait-il avoir ?

Vous n’évoquez pas le cantonnement de la dette, probablement parce qu’il n’est pas évoqué dans les documents budgétaires que nous avons reçus ce matin – nous n’avons eu que peu de temps pour en prendre connaissance. Avez-vous une opinion sur ce point ?

La soutenabilité de la dette est une question très importante. Quelle lecture faites-vous de l’ambition du Gouvernement de financer la relance par l’activité ? S’il n’y a pas de programme de financement de cette relance – ce que je regrette –, c’est parce que, selon le Premier ministre, la relance paiera la relance. Ce n’est pas ce que vous semblez dire lorsque vous appelez l’attention sur la soutenabilité de la dette. Cela met en jeu l’avenir : on ne peut pas brûler ses vaisseaux pour le futur, même quand on a affaire à une crise de l’ampleur que nous connaissons actuellement.

Dernière question : pourquoi le Gouvernement est-il plus pessimiste que le consensus des prévisionnistes pour 2020, et plus optimiste que lui pour 2021 ? Ce n’est pas classique d’être ainsi à fronts renversés ; si vous avez une opinion sur ce point, je serais heureux de l’entendre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avant d’aborder les trois messages de votre avis, je souhaite commenter la trajectoire de reprise en racine carrée que vous avez présentée. Si l’on peut y souscrire facilement, plusieurs économistes présentent actuellement une autre courbe, en K, que je trouve assez juste : tandis qu’une partie de l’économie redémarre assez bien et, nous l’espérons, vite et fort grâce au plan de relance, une autre partie subit encore de plein fouet la crise, souvent pour des raisons administratives liées aux conditions sanitaires. Cette courbe en K présente un intérêt : elle oblige les commissaires aux finances que nous sommes à rester très vigilants, pendant que nous discutons du plan de relance pour 2021 et 2022, face aux difficultés économiques qui restent présentes, avec cette branche descendante de la lettre K qu’il faudra toujours soutenir pendant cette crise.

Concernant les trois messages que vous évoquez, le Haut Conseil valide les nouvelles prévisions pour 2020. Vous les considérez prudentes, atteignables, malgré les incertitudes. Il est vrai que celles-ci sont majeures et rendent la prévision économique complexe ; le rebond de l’activité dépend entre autres de la situation sanitaire, qui n’est pas stabilisée – personne ne peut l’anticiper. En plus des risques internes, l’économie française est dépendante des perspectives de reprise économique au sein de l’Union européenne, ainsi qu’à l’international. Ces risques sont un point essentiel de l’analyse du Haut Conseil. Nous devrons discuter du PLF alors que les prévisions restent fragiles ; c’est la particularité de la séquence que nous vivons. Mais, dans ce contexte, votre analyse me paraît tout à fait sérieuse et précieuse.

Je retiens que vous validez les principales hypothèses macroéconomiques pour 2021 présentées par le Gouvernement concernant le rebond de notre activité, l’inflation et l’emploi. Je retiens également que les conséquences qu’en tire le Gouvernement pour les finances publiques vous apparaissent plausibles, pour reprendre votre terminologie. L’estimation du déficit public en 2021 serait atteignable, bien que très dépendante des évolutions sanitaires.

Concernant votre deuxième message portant sur la loi de programmation, j’y souscris totalement : il nous faudra une nouvelle LPFP le plus tôt possible car celle de 2018 est bien évidemment caduque. La question de savoir quand il faut examiner une nouvelle loi de programmation n’est pas simple : il ne faut pas qu’elle intervienne après la crise, vous avez raison, mais elle ne peut pas non plus être votée avant la fin de la crise sanitaire puisque, par définition, elle serait caduque quelques semaines plus tard. La vraie difficulté sera donc de savoir à quel moment nous aurons une visibilité sanitaire suffisante pour envisager un horizon de développement économique relativement sérieux et crédible. Comme vous, je souhaite une LPFP au premier trimestre 2021. Toutefois, si les conditions sanitaires n’étaient pas satisfaisantes à cette période, je préférerais que la LPFP soit examinée un peu plus tard dans l’année. En tout cas, l’exercice est effectivement à renouveler.

Quant à votre inquiétude sur la soutenabilité de l’endettement public de la France, c’est une question qui me tient à cœur. Nous en avions parlé au printemps dernier, avant le PLFR 3. Le Parlement devra, avec votre concours, mieux travailler sur l’évolution de la soutenabilité de notre endettement. Nous sommes d’accord avec le président Woerth sur ce point : le Parlement doit se saisir une fois par an au minimum du débat sur la dette. Il faut que nous nous équipions d’indicateurs plus complets que le seul ratio dette sur PIB, devenu caduc en ces temps de crise, l’effet dénominateur d’un PIB en chute rendant l’analyse de tout ratio sur PIB très complexe. Nous devons examiner la dette non seulement selon une trajectoire pluriannuelle, mais aussi de façon qualitative, en tenant compte de la valeur de la signature de la France pour ses créanciers et pour les investisseurs internationaux. C’est en effet extrêmement important pour savoir si notre pari sur la croissance pour financer la reprise de l’activité et le remboursement de notre endettement à long terme est crédible.

La priorité, aujourd’hui, c’est la relance : nous devons profiter du faible coût de la dette pour investir de façon ambitieuse. Mes questions seront d’ordre technique, et auront trait aux missions du Haut Conseil. Concernant la dégradation du PIB potentiel et du solde structurel entre 2020 et 2021, avez-vous pu analyser les fondements de ces hypothèses et par quels canaux la crise agirait sur la dégradation de ces indicateurs ? De même, s’agissant du gain de croissance envisagé par le Gouvernement, le Haut Conseil a-t-il disposé du temps et des moyens suffisants pour procéder à une analyse fine ?

M. Daniel Labaronne. Le Haut Conseil estime que les hypothèses macroéconomiques sont prudentes pour ce qui concerne la consommation, mais un peu surévaluées s’agissant de l’investissement et des exportations. Avez-vous une idée de ce que pourrait être la contribution du commerce extérieur à la croissance ? On apprend dans les manuels de macroéconomie que lorsque, dans une économie, le montant de l’épargne est supérieur au montant de l’investissement privé et public, alors cette économie connaît généralement un excédent de sa balance commerciale – ce fut longtemps le cas de l’Allemagne. Or, en France, si l’épargne l’emporte vraisemblablement sur l’investissement, on n’enregistre pas pour autant d’excédent de la balance commerciale. Comment expliquer ce paradoxe ? Notre appareil de production rencontrerait-il des obstacles structurels à l’export ?

La crise que nous traversons touche à la fois l’offre et la demande, provoquant une diminution du PIB potentiel et une dégradation des investissements en capital matériel et humain. Cette diminution du PIB, conséquence d’une crise conjoncturelle, va entraîner une augmentation du déficit structurel. N’est-ce pas là encore paradoxal ? Ne faudrait-il pas revoir notre approche tant du PIB potentiel que du déficit structurel ?

Vous dites que, du fait de l’affaiblissement de la croissance potentielle, se pose la question de la soutenabilité des finances publiques. Celle-ci ne dépend-elle pas aussi d’autres facteurs, tels que la crédibilité de la politique publique, la solidarité des États membres de l’Union européenne ou l’engagement de la Banque centrale européenne à travers son programme d’achat d’actifs ?

Mme Véronique Louwagie. Le Haut Conseil note que le niveau de l’investissement public en 2020 est revu à la baisse par rapport aux prévisions du troisième projet de loi de finances rectificative : entre 2019 et 2020, la diminution serait de 4,9 milliards d’euros plutôt que de 2,4 milliards. Comment l’expliquez-vous ?

Vous indiquez en outre que l’investissement public – qui revêt une importance particulière pour les entreprises – risque d’être moins élevé en 2021 que prévu par le Gouvernement. Sur quoi se fonde ce jugement ?

Le solde structurel s’améliorerait en 2020 et se dégraderait en 2021. Vous estimez que son calcul est affecté par le choix fait par le Gouvernement d’enregistrer les mesures en dépenses temporaires ou structurelles. Le constat que vous dressez est assez factuel. Avez-vous réfléchi à d’autres possibilités d’enregistrement des dépenses que celles qui ont été retenues ?

S’agissant de la dette, que pensez-vous de l’évolution des taux d’intérêt ? Avez-vous émis des hypothèses différentes de celles qui ont été retenues ?

M. Jean-Paul Mattei. Le Haut Conseil qualifie de prudente, quoique comportant quelques incertitudes – ce qui est tout à fait compréhensible dans le contexte actuel –, la prévision d’activité pour 2020 faite par le Gouvernement ; je noterai toutefois vos interrogations concernant les méthodes classiques de prévision, notamment en matière d’emploi. Il juge d’autre part volontariste la prévision d’un rebond de 8 % de l’activité en 2021. Qu’entendez-vous par là ? Avez-vous intégré dans votre estimation les effets du plan de relance, doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros sur deux ans ? Disposez-vous d’informations sur les prévisions de nos voisins européens ?

Pour abonder dans le sens du président Woerth, cantonner la dette liée à l’épidémie de Covid-19 dans un instrument ad hoc, sur le modèle de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), ne permettrait-il pas de donner à nos concitoyens une meilleure vision de l’effort budgétaire, exceptionnel compte tenu du contexte, actuellement fourni ?

Mme Valérie Rabault. Il est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2021 20 milliards d’euros de recettes en plus et 10 milliards d’euros de dépenses en moins au titre du plan de relance par rapport à ce qui avait été prévu dans le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Qu’en pensez-vous ?

Vous faites état, à l’alinéa 56 de l’avis, d’une « légère diminution » – de 18 milliards d’euros quand même ! – des dépenses de l’État par rapport à 2020. Or, si certaines dépenses ont dû baisser du fait d’une moindre activité, d’autres, au contraire, devraient augmenter, en raison du plan de relance – à moins que ce dernier ne soit moins important qu’annoncé par le Gouvernement… Sur quel champ porte la diminution constatée ?

À l’alinéa 65, il est indiqué que le montant du plan de relance pour 2021 serait de 44,2 milliards d’euros. On est loin des chiffres annoncés par le Gouvernement ! Qu’en est-il réellement ?

Chaque année, le groupe Socialistes et apparentés dépose des amendements sur le solde structurel. D’ordinaire, nous estimons que les prévisions en la matière ne sont pas sincères. Cette année, le Gouvernement semble avoir fait un choix inhabituel, en transférant une partie de la composante conjoncturelle à la composante structurelle. Qu’en pensez-vous ? Sachant que le Haut Conseil doit s’appuyer sur la croissance potentielle prévue, n’aurait-il pas été souhaitable que cet indicateur soit recalculé, ce qui aurait supposé que le Gouvernement révise la loi de programmation des finances publiques en vigueur – qui, chacun ici en conviendra, est obsolète ?

M. Charles de Courson. Vous préconisez, comme je le fais depuis un an et demi, une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Toutefois, le Gouvernement a-t-il le choix ? Il me semble que les dispositions de la loi organique relatives à l’écart entre le solde structurel indiqué dans la loi de finances et celui prévu par la loi de programmation en font, non pas une possibilité, mais une obligation.

Vous indiquez que le déficit structurel s’établira en 2021 à 3,6 points de PIB au lieu de 1,2, comme prévu dans la loi de programmation. En réalité, ce sera plutôt 4,8, si l’on tient compte du ralentissement économique et de la diminution du PIB potentiel, lequel est très inférieur à ce qui était prévu dans la loi de programmation. Il faudrait en tirer les conclusions ! En effet, le déficit structurel n’a pas été réduit pendant les trois années précédentes. S’il s’établit à 1,2 en 2020, c’est pour une raison très simple, qui est bien expliquée dans l’avis du Haut Conseil : les recettes se sont effondrées plus vite que les dépenses et une partie de celles-ci ont été enregistrées comme des mesures conjoncturelles ; il s’agit d’un simple effet mécanique.

Vous jugez tout à fait excessifs les 17,3 milliards d’euros de fonds européens prévus en recettes pour 2021 ; je partage votre opinion. Aux dernières nouvelles, on nous a octroyé 37 milliards d’euros. Il semble difficilement concevable qu’on consomme plus de 45 % de cette somme en 2021. Qu’en pensez-vous ?

Quant à la soutenabilité de la dette publique, je me permets d’indiquer que 22 points de PIB, cela représente, en gros, 500 milliards d’euros. Si vous rapportez cette somme aux 30 millions de Français actifs – ce sont ceux qui créent de la richesse qui remboursent la dette –, cela fait une augmentation de la dette publique de 17 000 euros par actif. Il est dommage que vous n’alliez pas jusqu’au bout du raisonnement : ce qu’il faut faire, ce sont des économies ! On les attend toujours.

M. Éric Coquerel. Vous souhaitez qu’on élargisse les attributions du Haut Conseil des finances publiques. Surtout pas ! En Europe, les organismes indépendants ont déjà bien trop de pouvoir par rapport aux élus, à commencer par la Banque centrale européenne ou, notamment en matière de politique de la concurrence, les commissaires européens – dont vous avez été. Je ne suis pas pressé qu’un organisme indépendant dispose de pouvoirs accrus pour évaluer les politiques budgétaires décidées par les gouvernements !

Vous dites que l’avis que vous rendez ne porte que sur les prévisions économiques et non sur le contenu du projet de loi de finances, mais je vous signale que la Cour des comptes, à laquelle le Haut Conseil est rattaché, a indiqué le 30 juin qu’il faudrait faire rapidement des économies en réduisant la dépense publique. C’est un choix. La Cour estimant à 250 milliards d’euros le coût de la crise du Covid-19 d’ici à la fin 2020, on pourrait tout aussi bien s’interroger sur les 135 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales. Or est prévue une baisse de 10 milliards d’euros des impôts sur la production, ce qui est une autre manière de creuser le déficit. Personnellement, je préférerais une réforme fiscale plutôt qu’une baisse des dépenses publiques.

Vous vous interrogez sur la soutenabilité d’une dette atteignant 2 415 milliards d’euros. Même les économistes les plus libéraux affirment qu’en réalité, la dette liée à la crise du Covid-19, on ne la paiera pas. Vous semblez dire l’inverse. Comment pensez-vous pouvoir la rembourser – d’autant que, comme vous le dites, les taux d’intérêt risquent d’être relevés ? Si c’était la Banque centrale européenne qui rachetait leur dette aux États, et non les marchés, il y aurait moins de risque que les taux intérêt augmentent !

Mme Émilie Cariou. Nous prenons acte de la difficulté d’établir des prévisions de solde budgétaire dans la période exceptionnelle que nous vivons et entendons les alertes que vous lancez concernant l’insuffisante prise en compte de la baisse des recettes – notamment parce que certaines exonérations temporaires de cotisations risquent d’être reconduites – et la nécessité d’adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Cela dit, compte tenu des mesures prises après la crise des gilets jaunes, de la forte hausse de la prime d’activité, de la montée en puissance des lois de programmation telles que la loi de programmation militaire ou le projet de loi de programmation de la recherche que nous venons d’adopter, ainsi que des annonces faites dans le cadre de la réforme des retraites, il me semble que, dès avant la crise sanitaire, nous n’étions plus dans les clous.

Pour ce qui est de la dette, pensez-vous que la décision du Gouvernement de baisser massivement les impôts de production, ce qui pèsera sur le budget à hauteur de 10 milliards d’euros par an, soit une solution ? Il me semble qu’il s’agit, non pas d’une mesure d’urgence ayant des effets à court terme, mais d’une mesure de compétitivité à long terme qui ne trouvera aucune compensation dans le budget de l’État. Ne craignez-vous pas que cela dégrade encore les comptes publics ?

Le Gouvernement table sur la croissance pour contrer la progression de la dette publique. Or, dans une enquête publiée la semaine dernière, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) note que les entreprises sont confrontées à une crise de la demande. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait donner une autre dimension au plan de relance, afin d’en faire le plan d’urgence susceptible de sortir le pays de la crise ?

Mme Patricia Lemoine. Quelques remarques concernant la méthode, pour commencer. Vous soulignez la cohérence du Gouvernement quant aux hypothèses macroéconomiques sur lesquelles il fonde le projet de loi de finances. À l’exception du déficit public, qui sera plus élevé que prévu, tous les indicateurs macroéconomiques sont stables, voire meilleurs qu’annoncé lors du débat d’orientation des finances publiques en juillet dernier. C’est, pour le groupe Agir ensemble, une dimension à saluer, car nous attachons une importance particulière à la sincérité budgétaire.

La situation exceptionnelle que nous connaissons nous oblige à co-construire un budget exceptionnel, fondé sur des hypothèses macroéconomiques elles-mêmes exceptionnelles. Le déficit public s’élèvera à 10,2 points de PIB en 2020 et 6,7 en 2021, alors qu’il était de 2,1 hors CICE en 2019. La dette publique atteindra 117,5 points de PIB en 2021. Nous partageons vos inquiétudes concernant la soutenabilité de cette dette ainsi que l’idée qu’il faudrait définir une nouvelle trajectoire budgétaire si nous voulons maintenir un niveau d’endettement soutenable.

Nous n’avons pas eu le temps d’étudier en profondeur le contenu du projet de loi de finances pour 2021. Les mesures du plan de relance qu’il reprend sont-elles conformes aux souhaits que vous aviez exprimés en juin dernier dans le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques – pour rappel, vous appeliez à des mesures ciblées et temporaires qui ne seraient pas financées par la dette ?

M. Julien Aubert. Le chiffre de 100 milliards d’euros avancé pour le plan de relance vous semble-t-il plausible, vraisemblable ou volontariste ?

S’agissant du rapport temporel entre le rendement des trois principaux impôts d’État et la croissance, peut-on tirer des enseignements de la crise que nous venons de vivre ? Cela pourrait-il modifier l’élasticité des recettes au PIB, donc avoir des conséquences structurelles dans les années à venir sur la manière dont on appréhende cette élasticité ?

Vous appelez à un élargissement des compétences du Haut Conseil des finances publiques. Pensez-vous qu’il serait bon que vous ayez la capacité de fixer vous-mêmes les prévisions de croissance et de croissance potentielle, qui s’imposeraient ensuite au Gouvernement pour ses projections budgétaires ?

M. Jean-René Cazeneuve. S’agissant de la nouvelle loi de programmation des finances publiques, je suis tout à fait d’accord sur le fond : elle est nécessaire. En revanche, je resterai prudent quant au timing : pour pouvoir la faire, il faudrait que les indicateurs soient moins volatils. Fixer l’échéance à l’année prochaine me paraît plutôt raisonnable.

J’imagine que vous intégrez dans votre réflexion les finances des collectivités territoriales. Préconisez-vous une limitation de leurs dépenses au moyen d’une nouvelle forme de contractualisation ?

M. Pierre Moscovici. Monsieur le président Woerth, si nous évoquons des incertitudes concernant les financements européens, c’est pour deux raisons. D’une part, il demeure des incertitudes politiques, notamment s’agissant d’une éventuelle conditionnalité des versements au respect de l’État de droit, ce qui fait débat ; m’étant rendu la semaine dernière au Parlement européen, je puis vous assurer que cela peut être un facteur de retard. D’autre part, il faudra monter une tuyauterie qui permette de dépenser rapidement ces 17,3 milliards d’euros ; c’est aussi dans l’ingénierie que les choses se joueront. C’est pourquoi la Cour des comptes étudiera l’an prochain l’impact des différentes politiques publiques engagées en réponse à la crise du Covid-19.

Le Haut Conseil ne s’est pas exprimé sur le cantonnement de la dette. Cependant, la Cour des comptes l’avait fait en juin, et c’est pourquoi je me permets de répondre sur ce point – je précise que toutes les réponses que je fais s’inscrivent dans le cadre de mon mandat, quelle que soit mon envie de répondre à vos questions, voire de ferrailler, si j’ose dire. L’aspect positif, c’est que la partie de la dette qui serait cantonnée serait reconnue et, pour le coup, remboursée ; on peut de surcroît imaginer qu’une ressource serait définie en regard. Ce qui serait en revanche négatif – je le dis sans faire de procès d’intention –, c’est de considérer qu’à partir du moment où l’on cantonnerait, par exemple, 20 points de dette, on repartirait avec une dette publique de 100 points de PIB : non, le montant total de la dette resterait le même, et il ne faudrait pas que ce soit une incitation à ne pas maîtriser le reste.

S’agissant de la relance par l’activité et de la soutenabilité de la dette publique, j’entends vos questionnements, qui reflètent fort logiquement vos positionnements politiques. La Cour et le Haut Conseil considèrent qu’il s’agit d’une question centrale. Nous ne devons pas caresser l’illusion que la Banque centrale européenne absorbera la totalité de la dette ; ce serait pour le coup imprudent. Si une percée est enregistrée avec le plan européen, qui, pour la première fois, prévoit une mutualisation partielle de la dette, cela ne signifie pas pour autant que cela débouchera un jour sur une mutualisation totale ; les conditions dans lesquelles ce plan a été adopté et les précautions prises par un certain nombre de pays font plutôt penser le contraire. La dette peut-elle être entièrement annulée ? Attention au piège : en définitive, ce seraient les épargnants qui seraient spoliés. La question de la dette doit donc être examinée sur le moyen terme et la relance par l’activité est sans doute un préalable, voire une urgence. Reste à savoir si ce sera suffisant : c’est un débat que nous avons devant nous.

Pourquoi considérer que la prévision d’activité pour 2020 est prudente et celle pour 2021 volontariste ? D’abord, le printemps 2020 fut moins mauvais et le rebond de l’été meilleur qu’attendu ; pour enregistrer une récession de 10 %, il faudrait une rechute assez forte au quatrième trimestre : voilà pourquoi nous considérons que la prévision est prudente – ce n’est pas un jugement de valeur. Pourquoi le Gouvernement l’a-t-il fait ? Ce sera au ministre de vous répondre. Probablement s’agit-il d’un réflexe de prudence intégrant la possibilité d’une dégradation brutale de la situation sanitaire qui impacterait le quatrième trimestre. Quant à 2021, je le répète, tout dépendra de la mise en œuvre du plan de relance, de son impact et de l’évolution de la situation sanitaire.

Pour ce qui concerne la nouvelle loi de programmation des finances publiques, je reprendrai la formule du rapporteur général : il faut qu’elle arrive le plus tôt possible. Cela ne signifie pas qu’il faille attendre que tout soit derrière nous, crise sanitaire et crise économique, mais il faut avoir une visibilité suffisante – concernant, par exemple, un éventuel vaccin et son efficacité. D’un autre côté, il convient aussi de tenir compte du cycle politique : cette loi doit advenir suffisamment tôt pour être crédible, sinon nous risquons de vivre longtemps sans loi de programmation des finances publiques, de nous éloigner des textes que vous avez votés, notamment de la loi organique de 2012, et de ne plus avoir de boussole, ce qui ne me semble pas bon. C’est pourquoi nous nous sommes permis de suggérer le printemps 2021 – si possible plutôt que quoi qu’il en coûte, serais-je tenté d’ajouter. Je pense qu’il est nécessaire que nous fixions un cap et que le Parlement soit attentif à cette question.

Pour ce qui est de l’impact de la crise sur le potentiel de croissance, nous pensons que son évaluation est réaliste parce que s’il y a moins d’investissements, il y a moins de capacités de production. La structure productive doit être adaptée : il y a trop de capacités de production dans certains secteurs, pas assez dans d’autres. Cela rejoint ce que vous disiez sur la courbe en K, monsieur le rapporteur général : ne prenons pas les prévisions de croissance comme un bloc ; certains secteurs seront terriblement touchés. Cela signifie que même avec une croissance assez forte, et même si l’on retrouve le niveau d’activité de 2019, on restera loin du niveau d’emploi de la fin 2019 – alors que c’est ce à quoi nos concitoyens sont très attachés. Vous avez donc raison de manifester votre préoccupation pour la jambe descendante du K et pour un certain nombre de secteurs, d’autant qu’il y a aussi une perte de capital humain liée à un chômage élevé. Voilà pourquoi nous pensons que la croissance potentielle peut être atteinte.

Sans doute, monsieur Labaronne, existe-t-il, et depuis fort longtemps, des problèmes structurels, notamment de spécialisation, en matière de commerce extérieur. Cela étant, si l’épargne des ménages s’est fortement accrue – d’aucuns parlent de sur-épargne –, celle des entreprises et des administrations a baissé. Il y a donc une certaine cohérence.

Si nous sommes prudents pour ce qui concerne l’investissement public, madame Louwagie, c’est, d’une part, parce que les délais d’instructions peuvent être longs, d’autre part, parce qu’on risque de buter sur la capacité de certains secteurs, notamment celui du BTP, déjà fortement sollicités à répondre rapidement à un surcroît de demande.

La baisse de 18 milliards d’euros des dépenses de l’État enregistrée entre la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021 provient notamment d’une baisse de 51 milliards d’euros correspondant au coût du plan d’urgence pour faire face à la crise sanitaire, compensée partiellement par la mise en œuvre du plan de relance, à hauteur de 22 milliards d’euros, et par l’augmentation des crédits des ministères et des dotations à l’Union européenne, à hauteur respectivement de 4 milliards et de 3,5 milliards d’euros.

Pour ce qui est du calcul du solde structurel pour 2020, les mesures qui ont été prises pour faire face à la crise sanitaire ont été enregistrées comme des dépenses temporaires et exceptionnelles, alors qu’elles auraient pu être comptabilisées dans le solde structurel – c’est d’ailleurs le choix qu’avait fait la Commission européenne pour ses prévisions au printemps dernier.

L’amélioration des finances publiques en 2020 résulte de l’amélioration de la conjoncture par rapport aux prévisions, avec une base taxable plus importante, donc plus de recettes que prévu, et moins de dépenses, notamment celles liées au dispositif de l’activité partielle, qui ne peut être maintenu trop longuement à un niveau élevé.

Je serai, sans grande surprise, en désaccord avec vous, monsieur Coquerel, s’agissant du mandat du Haut Conseil des finances publiques – tout comme je l’aurais été s’agissant de celui de la Commission européenne. Il ne s’agit pas d’imposer des lectures qui viendraient d’ailleurs ou d’instruments non démocratiques, il s’agit au contraire d’éclairer vos débats et vos décisions par une approche plus ambitieuse et plus approfondie des déterminants des différentes composantes que j’ai évoquées. Je crois qu’il serait très positif pour le Parlement de disposer d’un outil plus puissant – sans aller pour autant jusqu’à établir les prévisions, même si c’est le cas dans certains pays, comme l’Espagne. Vous disiez, monsieur le président de la commission des finances, qu’il fallait éviter les chevauchements ; soyez assuré que le jour où je viendrai vous rendre visite avec des propositions, je tiendrai compte de mon expérience de la structure de l’État français et de ma connaissance des rôles respectifs des uns et des autres ! Je pense que l’on peut faire des choses plus claires et plus fortes sans pour autant remettre en cause le rôle du ministère des finances. Tout cela doit se passer en bonne intelligence. Il reste que nous ne sommes plus en 2012 : le contexte est aujourd’hui très changeant.

On a beaucoup parlé du solde structurel et de la croissance potentielle ; nombre d’entre vous ont souligné la très grande incertitude qui pesait sur ces données. Cela signifie – disant cela, j’ai bien conscience d’outrepasser ma mission de président du Haut Conseil, et même celle de premier président de la Cour des comptes, et je vous prie de m’en excuser – qu’il ne faut pas s’interdire d’engager une réflexion plus approfondie sur ce que devraient être les règles de finances publiques après la crise. Le pacte de stabilité et de croissance a été, vous le savez, suspendu en 2020, en raison de l’activation de ce que l’on appelle la clause dérogatoire générale. Je me suis rendu à la Commission européenne la semaine dernière : il sera également suspendu en 2021. Néanmoins, on ne peut pas vivre éternellement sans règles ; toutefois, ce ne pourra pas être exactement les mêmes. Il faudrait tenir compte du manque de robustesse de certains concepts : si la croissance potentielle est aussi vulnérable et si le solde structurel, qui est théoriquement indépendant de la croissance, est lui-même très volatil, c’est qu’il y a des choses à repenser – je le disais déjà lorsque j’étais commissaire européen. L’essentiel, c’est la soutenabilité de la dette publique, car nos concitoyens ne sont pas fous : ils savent bien qu’une dette, à un moment donné, ça se rembourse – au moins en partie.

M. le président Éric Woerth. Merci, monsieur le président du Haut Conseil. Nous aurons l’occasion de reparler de tout cela avec vous.

 

 


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   AUDITION DE M. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE LÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA RELANCE, ET DE M. OLIVIER DUSSOPT, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE LÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA RELANCE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021

Lors de sa réunion du 28 septembre 2020, la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance, et de M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2021.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, ainsi qu’Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, qui viennent nous présenter le projet de loi de finances pour 2021 (PLF 2021), adopté ce matin en conseil des ministres. Avec cette audition, qui suit celle du président du Haut Conseil des finances publiques, s’ouvre la période traditionnellement consacrée à l’examen des textes budgétaires.

L’examen de la première partie du projet de loi de finances aura lieu, en commission, le mardi 6 octobre, à 9 heures, 17 h 15 et 21 heures et se poursuivra le mercredi 7 octobre. Le délai de dépôt des amendements expirera le vendredi 2 octobre, à 17 heures.

En séance publique, la discussion de cette même première partie commencera le lundi 12 octobre et s’achèvera le lundi 19 octobre par le traditionnel débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Le vote solennel sur l’ensemble de la première partie aura lieu le mardi 20 octobre, après les questions au Gouvernement.

L’examen de la seconde partie en commission commencera le mardi 20 octobre, à l’issue du vote solennel sur la première, et durera jusqu’au vendredi 23 octobre. La commission se saisira successivement des missions inscrites à l’ordre du jour de la séance publique à compter du lundi 26 octobre. L’examen des articles non rattachés aura lieu le mercredi 4 novembre et le jeudi 5 novembre, en vue d’une discussion en séance publique à partir du jeudi 12 novembre. Le vote solennel sur la première lecture du projet de loi de finances pour 2021 aura lieu le mardi 17 novembre.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance. Je suis très heureux de vous retrouver, sain et sauf, après une semaine de confinement qui me permet de témoigner que le coronavirus est tout sauf anodin. Je ne saurais trop vous recommander de respecter les consignes sanitaires et les mesures de distanciation physique décidées par le Gouvernement.

Je me contenterai de formuler des remarques générales sur le projet de loi de finances pour 2021, Olivier Dussopt fournissant davantage de précisions.

Il faut d’abord insister sur la situation très particulière dans laquelle nous nous trouvons, sans équivalent dans notre histoire contemporaine. Elle combine un choc économique très violent pour notre économie, dont nous nous remettons tout juste, et surtout la persistance d’un virus dont personne ne sait quand il disparaîtra – de France, d’Europe et d’ailleurs –, ce qui nous oblige à vivre avec, donc à relancer l’activité économique sans attendre. Cela complique les choses, mais il serait totalement irresponsable d’attendre sa disparition totale et le retour à la normale pour soutenir et relancer la machine économique.

La priorité est d’assurer la protection de ceux qui sont touchés par le virus et dont l’activité économique en est directement affectée. Me semble donc absolument prioritaire le soutien aux secteurs économiques actuellement fermés, ou dont l’activité est ralentie, dont les acteurs désespèrent de revenir à la normale et se demandent de quoi demain sera fait. Nous avons soutenu ces secteurs dès le premier jour de la crise. Nous avons réagi vite et fort ; nous avons fait et continuerons à faire le maximum. Tel est l’engagement que je prends, au nom du Gouvernement, devant la représentation nationale. Tout ce qui doit être fait – pour soutenir les entrepreneurs et les salariés, les auto-entrepreneurs, les commerçants, les artisans, les patrons de très petites entreprises, de cafés, de bars et de restaurants, les propriétaires de salles de sport, ceux qui travaillent dans l’événementiel ainsi que dans le secteur de la culture – sera fait, comme nous l’avons fait depuis le premier jour.

Nous avons instauré – vous l’avez voté et je vous en remercie – un prêt garanti par l’État, auquel ont recouru un très grand nombre d’entreprises. Il s’agit, à 90 %, de TPE et de PME, auxquelles 120 milliards d’euros de prêts ont été accordés. Chacun de ces entrepreneurs a contracté un prêt de l’ordre de 100 000, 150 000 ou 200 000 euros, dont l’amortissement est différé pendant un an. Ils sont parfois incapables de le rembourser, et je mesure parfaitement, à l’approche de l’échéance, leur inquiétude relative au taux qui leur sera appliqué s’ils demandent un allongement de la maturité du prêt.

Je leur garantis que le taux du prêt sera compris entre 1 % et 2,5 %, en fonction de la durée de son extension, qui pourra atteindre cinq ans. Je réunirai les représentants de la Fédération bancaire française dans les prochains jours, pour m’assurer que ces taux seront respectés. Ainsi, le restaurateur ayant souscrit un prêt garanti par l’État de 110 000 euros, s’il doit demander un délai supplémentaire, aura la certitude que le taux n’excédera pas 2,5 %. Avec la garantie de l’État, dont la rémunération n’excédera pas 100 points de base, l’entrepreneur ne sera pas exposé sur ses biens propres. C’est donc une garantie significative que nous offrons.

Nous avons également créé un fonds de solidarité pour les plus petites entreprises. Décaissé à hauteur de 6 milliards d’euros au profit de 1,7 million d’entreprises, il a connu un immense succès. Toutefois, j’ai bien conscience que, pour de nombreux restaurateurs, pour ceux qui travaillent dans le secteur de la culture, pour certains propriétaires de bar ou d’hôtel, les 1 500 euros du premier étage du fonds de solidarité sont insuffisants. Nous avons donc décidé, avec le Premier ministre, de porter le niveau maximal de l’aide versée dans ce cadre à 10 000 euros pour les entreprises ayant fait l’objet d’une fermeture administrative, ainsi que pour celles des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et de la culture au sens général du terme ayant perdu jusqu’à 80 % de leur chiffre d’affaires.

L’interprétation de ces règles sera souple. Pour faire simple, nous veillerons à faire en sorte que ceux n’ayant plus de quoi vivre – parce que leur activité s’est effondrée, parce que la fréquentation a chuté, parce que les règles administratives commandent la fermeture de leur établissement – aient accès à ces sommes à concurrence de 10 000 euros. Nous avons décidé d’agir sur le premier étage, car il est géré par la direction générale des finances publiques, et donne lieu à un versement automatique, selon un mécanisme rapide et efficace.

Ainsi, nous faisons le maximum pour que le restaurateur de Marseille ou d’Aix-en-Provence, inquiet de devoir fermer alors même qu’il a pris des mesures et consenti des investissements pour protéger ses clients, sache que l’État ne le laisse pas tomber. Je précise que l’augmentation du plafond des aides versées dans le cadre du premier étage du fonds de solidarité représente un coût budgétaire de 150 millions d’euros par mois, soit des sommes très importantes.

Nous avons également utilisé les exonérations de charges sociales et fiscales, qui ont représenté 30 milliards d’euros. Nous les maintiendrons pour les établissements fermés administrativement. Pour le chômage partiel, 31 milliards d’euros ont été dépensés. Nous maintiendrons son indemnisation à 100 %, sans reste à charge, pour les secteurs dont les entreprises ont été fermées administrativement. S’agissant des secteurs de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration (HCR), leurs entreprises auront droit au chômage partiel jusqu’au 31 décembre de cette année, avec un reste à charge limité à 15 %.

Rappeler toutes ces mesures me semblait essentiel compte tenu du désarroi, voire de la colère, de certains entrepreneurs. Nous avons pris des décisions justifiées par la situation sanitaire du pays, mais nous ne laisserons tomber personne, ni entrepreneur, ni salarié.

Chacun connaît le contexte de crise économique dans lequel s’inscrit le présent projet de loi de finances, caractérisé par une récession que nous avons réévaluée à 10 % pour 2020. Il y a quelques semaines, on m’a reproché d’être trop prudent par rapport à la réévaluation de la Banque de France, qui prévoit une récession de 8,7 %, et à celles d’autres organismes qui s’étaient également montrés plus optimistes. Je maintiens ce chiffre prudent pour les mêmes raisons que celles indiquées il y a quelques semaines, et qui se sont malheureusement vérifiées : l’insécurité sanitaire commande la prudence dans les chiffres et les évaluations – de même, d’ailleurs, que les incertitudes internationales, notamment les élections américaines.

Nous avons évalué la croissance attendue en 2021 à 8 %, dont 1,5 % attribuable au fonds de relance européen et aux mesures prises pour relancer l’activité économique. J’ai toujours pour objectif que nous retrouvions, dans le courant de l’année 2022, le niveau d’activité d’avant la crise.

Les mesures que nous avons prises depuis le mois de mars pour soutenir l’économie, notamment la demande, ont été efficaces. Je ne laisserai pas dire que le Gouvernement s’est contenté de prendre des mesures de soutien de l’offre. Si je reste convaincu que, sur le long terme, c’est bien l’offre française qu’il faut améliorer – tel est l’objectif du plan de relance et du présent PLF –, nous n’en avons pas moins pris des mesures massives de soutien à la demande. Les 30 milliards d’euros consacrés au chômage partiel, c’est du soutien à la demande ! Si la France est l’un des seuls pays de l’OCDE où le recul du pouvoir d’achat a été limité à 0,6 %, alors même que la croissance chutait de 10 %, c’est parce que nous avons soutenu la demande ainsi que l’emploi, et évité des licenciements par centaines de milliers.

Nous avons notamment pris des mesures de soutien à la demande dans l’aéronautique et l’industrie automobile. Je rappelle que, aux mois de juin et juillet, 520 000 voitures ont été vendues en France, ce qui en fait le pays européen où on en a vendu le plus, dépassant même de 25 % les chiffres observés aux mois de mai et juin 2019.

Ces mesures de soutien à la demande sont donc bien réelles ; elles sont chiffrables et elles ont été efficaces. C’est pourquoi nous les maintiendrons dans le projet de loi de finances, qui prévoit notamment de fortes incitations à l’achat de véhicules. Ainsi, nous maintiendrons le bonus écologique sur les véhicules électriques, à hauteur de 7 000 euros jusqu’à la fin de l’année 2020, de 6 000 euros en 2021 et de 5 000 euros en 2022. Nous déploierons 100 000 bornes de recharge sur le territoire français dès l’année prochaine. Nous maintiendrons la prime à la conversion pour les véhicules hybrides rechargeables à hauteur de 2 000 euros jusqu’à la fin de l’année 2020, et de 1 000 euros en 2021. Nous la maintiendrons à hauteur de 3 000 euros pour les ménages modestes. Tout cela, me semble-t-il, constitue une illustration claire de notre détermination à prendre des mesures ciblées sur la demande.

La relance mobilisera 100 milliards d’euros. Notre objectif est de décaisser cette somme le plus rapidement possible. Nous voulons avoir décaissé, et non pas seulement engagé, 10 milliards d’euros dès la fin de l’année 2020. Plusieurs dispositifs sont déjà prêts, notamment l’aide exceptionnelle pour l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans, l’aide à l’embauche en contrat d’apprentissage, et les appels à projets dédiés à la rénovation énergétique des bâtiments publics, dont le délai court jusqu’au 9 octobre.

Citons également notre action en faveur de la relocalisation industrielle, dans le cadre d’appels à projet à hauteur d’un milliard d’euros. Par exemple, je me suis récemment rendu dans le Nord, où j’ai visité une magnifique usine spécialisée dans les levures et les procédures de fermentation. Cette entreprise envisage de procéder à deux investissements majeurs, de 250 millions d’euros chacun, permettant de créer 400 emplois sur place. L’entreprise Lesaffre sera soutenue, au titre des crédits consacrés à la relocalisation industrielle. Ces aides publiques directes, destinées à financer de nouvelles lignes de production, seront décaissées avant le 31 décembre 2020.

Par ailleurs, nous prévoyons de réduire les impôts de production au cours des deux prochaines années, pour une dépense budgétaire de 20 milliards d’euros. Au total, nous décaisserons 42 des 100 milliards d’euros prévus dans le cadre du plan de relance au cours des seize mois à venir. Autrement dit, quasiment 50 % des crédits du plan de relance seront décaissés d’ici à la fin de l’année 2021, pour garantir la rapidité de la relance économique et du retour de la croissance.

Parmi les grandes orientations du fonds de relance et de la mission budgétaire afférente, trois méritent d’être soulignées.

La première – je le revendique – consiste à soutenir l’investissement. Dans l’histoire de notre pays, les plans de relance ayant soutenu exclusivement la demande ont été des échecs, que nous avons payés cher par la détérioration de la compétitivité française et le déclassement de l’outil productif français. On ne peut pas être pour la relocalisation et la reconquête industrielles et contre une politique de l’investissement. Il faut faire preuve d’un minimum de cohérence.

Réussir la reconquête industrielle du pays suppose de l’investissement, de l’innovation et des nouvelles technologies. Ceux qui prétendent que c’est en relançant la demande que nous soutiendrons l’industrie française seront ses fossoyeurs, car on ne relance pas une industrie sans innover, sans investir et sans développer de nouvelles technologies. Ceux-là mêmes qui me demandent, au téléphone, de soutenir tel site industriel ou d’investir dans tel outil de production, réclamant de l’investissement, de l’innovation, de l’argent public et des nouvelles lignes de production, devraient avoir l’humilité de reconnaître que ce plan aidera à financer les innovations et les investissements qu’ils réclament sur leur territoire. Un peu de cohérence ne nuit pas pour défendre notre politique.

Oui, nous pouvons, demain, ouvrir dans le Nord une usine de batteries lithium-ion liquides, qui ouvrira la voie à la fabrication de batteries lithium-ion solides et permettra à la France d’assurer enfin son indépendance en matière de production de batteries électriques. Oui, cela vaut le coup de consacrer 7 milliards d’euros à l’hydrogène, car nous pouvons être demain la première nation – et l’Europe le premier continent – au monde à produire un avion propulsé à l’hydrogène d’ici à 2035. Il s’agit d’un bel objectif que nous pouvons partager.

Oui, cela vaut le coup d’investir dans le calcul quantique, car nous pouvons être la première nation en Europe à fabriquer, grâce à Atos, un ordinateur quantique. Oui, cela vaut le coup d’investir dans l’hydrogène, car nous pouvons bâtir en France, en moins de trois ans, la plus grande usine de production d’électrolyseurs au monde. Oui, cela vaut le coup d’investir dans la nanoélectronique, car nous avons, du côté de Grenoble, à Crolles, l’une des usines les plus performantes au monde en matière de nanotechnologies. Oui, cela vaut le coup d’investir dans le secteur du médicament, et plus généralement dans la santé de demain.

Dans les secteurs que je viens de citer, nous pouvons être les meilleurs en Europe et parmi les meilleurs au monde. Cela suppose de faire le choix stratégique que nous proposons : adopter un plan de relance préparant l’avenir des prochaines générations, et non concentré sur le seul moment présent.

Notre deuxième choix est la poursuite de la baisse des impôts. Nous estimons que les Français ont déjà trop payé d’impôts ; surtout, si nous voulons que les entreprises françaises soient compétitives et que les investisseurs étrangers investissent en France et y implantent des usines, il faut poursuivre la baisse des impôts. Nous diminuerons donc les impôts de production de 10 milliards d’euros à partir du 1er janvier 2021, et nous tiendrons la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, que nous ramènerons à 25 % pour toutes les entreprises, sans exception, d’ici à 2022. À la fin de l’année 2021, nous aurons baissé les impôts de 45 milliards d’euros en quatre ans, soit la plus forte baisse d’impôts – ménages et entreprises confondus – depuis vingt ans.

La troisième grande orientation du plan de relance est l’ambition environnementale. Nous voulons que la relance soit une relance verte. Nous voulons accélérer la décarbonation de notre économie. Pour ce faire, nous avons prévu un budget vert, sur lequel Olivier Dussopt reviendra.

Nous sommes la première nation au monde à présenter un budget vert, et cela peut constituer un motif de fierté collective. Nos dépenses budgétaires sont en partie des crédits verts, qui augmentent de 30 % en 2021 par rapport à l’année précédente. Symétriquement, nous réduisons les dépenses brunes, même si, sur certaines dépenses, nous pouvons et devons faire mieux. Un budget vert permet de disposer d’indicateurs précis, clairs, fiables et transparents, qui permettent à la représentation nationale et aux citoyens de s’exprimer sur le budget et d’identifier ce qui peut être amélioré pour accélérer la transition écologique. L’ambition environnementale est au cœur du projet de loi de finances pour 2021, et plus généralement de la relance économique.

Enfin, s’agissant de l’exécution de ce budget particulier en ce qu’il inclut une relance de l’économie si indispensable pour notre pays, elle sera suivie à trois niveaux.

Le Premier ministre présidera un conseil national de la relance, qui associera aux élus locaux des parlementaires ainsi que des représentants syndicaux et patronaux, afin d’assurer la bonne exécution stratégique du plan de relance.

Je présiderai un comité de pilotage, qui se réunira sur une base hebdomadaire, et dont le secrétariat général sera assuré par Bruno Parent. Il donnera accès aux citoyens, sur un site internet dédié, à des indicateurs de suivi de la réalisation du plan de relance – nombre d’emplois créés, réduction des émissions de CO2, nombre de rénovations énergétiques réalisées. Ces indicateurs seront publiés, de façon transparente, sur le site internet du plan de relance à partir du mois d’octobre.

Enfin, des comités de suivi régionaux associeront les présidents de région et les préfets de région, afin d’assurer la bonne exécution territoriale, jusqu’au niveau départemental, des mesures du plan de relance.

Telles sont les observations générales que je souhaitais formuler sur ce projet de loi de finances singulier, qui comporte un volet de relance essentiel pour notre pays. Ma conviction profonde est que la France peut sortir plus forte de cette crise économique. En suivant la direction adoptée d’emblée, qui scelle la transformation de l’économie française en une économie plus décarbonée, plus compétitive et plus respectueuse des formations et des qualifications des salariés, nous sortirons plus forts de cette crise économique.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Je développerai quatre points pour caractériser ce projet de loi de finances par rapport à ceux qui l’ont précédé.

Le premier point concerne les 100 milliards d’euros du plan de relance. Sur ces 100 milliards d’euros, 86 relèvent directement de l’État et 14 d’autres opérateurs. Dans le détail, 8,7 milliards d’euros sont apportés par l’UNÉDIC et par la sécurité sociale, l’une au titre du financement de l’allocation pour activité partielle de longue durée, l’autre au titre de l’application de certaines dispositions des accords du Ségur de la santé. Par ailleurs, 5,7 milliards sont apportés par Bpifrance et par la Banque des territoires, dans le cadre de leur participation au plan de relance.

L’effort de l’État, à hauteur de 86 milliards d’euros, se décompose en deux masses.

D’abord, une baisse d’impôts de 20 milliards d’euros, dont 10 milliards sur les impôts de production dès le 1er janvier prochain. Ces baisses d’impôts seront intégralement compensées pour les collectivités territoriales. La diminution du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) affecté aux régions sera compensée par le transfert d’une fraction du produit de la TVA, conformément à l’accord, signé cet après-midi, entre le chef du Gouvernement et les représentants des régions. Pour le bloc communal, la baisse du produit de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) sera compensée par un prélèvement sur recettes, dynamique dès lors qu’il sera indexé sur l’évolution des valeurs locatives sur lesquelles porte la fiscalité dont nous voulons exonérer les entreprises.

Ensuite, le plan prévoit 66 milliards d’euros de crédits, eux aussi « traçables » : 11,5 milliards sont prévus dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), et un peu plus de 16 milliards dans le cadre des missions traditionnelles du projet de loi de finances. En effet, nous avons parfois fait le choix de demander à un ministère de porter directement des crédits du plan de relance. Tel est le cas du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou encore du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, auquel nous avons demandé de porter directement les crédits de la relance consacrés à l’insertion par l’activité économique. Au demeurant, certains de ces crédits ont déjà fait l’objet d’un vote du Parlement lors de l’adoption de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, notamment les mesures de soutien aux collectivités territoriales.

Enfin, près de 37 milliards d’euros sont contenus dans la mission budgétaire dédiée au plan de relance, pilotée par le ministère de l’économie, des finances et de la relance, et articulée en trois programmes : un programme consacré à l’écologie, doté de 18,4 milliards d’euros ; un programme consacré à la cohésion sociale, doté de 12 milliards ; un programme consacré à la compétitivité, doté de 6 milliards d’euros.

Vous avez peut-être remarqué qu’il manque 2 milliards ; ceux-ci correspondent à des crédits « évolutifs ». Il s’agit notamment des provisions inscrites dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (LFR 3), affectées au mécanisme de garantie des recettes des collectivités territoriales. Ils seront définitivement stabilisés lorsque nous connaîtrons exactement leurs recettes de l’année 2020.

Ce plan de relance de 100 milliards d’euros est notamment constitué d’autorisations d’engagement, qui, s’agissant des crédits budgétaires, seront toutes inscrites dans le projet de loi de finances pour 2021. S’agissant de la mission budgétaire dédiée à la relance, à hauteur de 36,4 milliards d’euros, nous avons prévu 22 milliards d’euros de crédits de paiement en 2021 ; les autres seront affectés au cours des exercices ultérieurs.

Deuxième caractéristique de ce budget : il traduit les engagements que nous avons pris en matière de maîtrise des dépenses publiques, et permet de les tenir.

Si l’on considère le présent projet de loi de finances à périmètre constant, en se concentrant sur les missions que nous reconduisons et en faisant abstraction des mesures prises pour la relance, on constate qu’il est assez proche de ce que nous avons présenté lors du débat d’orientation des finances publiques. Il comporte 700 millions d’euros supplémentaires, destinés à financer des mesures très sectorielles, telles que la revalorisation du traitement des enseignants et du budget du ministère de la justice. L’augmentation des crédits du projet de loi de finances par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, à périmètre constant, est de 7,8 milliards d’euros.

La maîtrise de la dépense publique se traduit aussi par la stabilité du schéma d’emplois de l’État pour 2021, celui-ci accusant seulement une légère diminution de 157 équivalents temps plein (ETP) sur un peu plus de 2,5 millions d’agents.

Tenir nos engagements, c’est aussi financer nos priorités. C’est la raison pour laquelle ce PLF accentue les efforts faits en direction des ministères régaliens, en augmentant les crédits du ministère des armées de 1,7 milliard d’euros, conformément à la loi de programmation militaire, ceux du ministère de l’intérieur à hauteur de 433 millions d’euros, et ceux du ministère de la justice à hauteur de 610 millions d’euros, soit une hausse inédite de 8 %, visant à rattraper en termes d’exécution la loi de programmation de la justice, mais aussi à financer les dispositions annoncées en matière de justice de proximité.

Le deuxième axe d’engagement de ce budget est la préparation de l’avenir. Le budget du ministère de l’éducation nationale augmente de 1,4 milliard d’euros et celui du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de 500 millions d’euros, pour tenir compte des engagements pris dans le cadre du projet de loi de programmation de la recherche, ainsi que de mesures en direction de la vie étudiante, notamment l’aide aux étudiants. Préparer l’avenir, c’est aussi veiller au budget du ministère de la transition écologique, qui augmente, indépendamment de la relance, de 900 millions d’euros, preuve de la priorité que nous lui donnons. Les crédits du ministère de la culture augmentent de 150 millions d’euros et le budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations de 40 %.

Nous tenons particulièrement à la sincérisation de la loi de finances. Nous continuons le travail de nettoyage des petites taxes et vous proposons d’en supprimer sept. Je sais que plusieurs d’entre vous travaillent sur d’autres pistes que nous regardons avec attention. Nous pourrions, à la fin de 2021, avoir supprimé soixante petites taxes, pour un total de 747 millions d’euros, afin de donner plus de lisibilité à notre panorama fiscal. Nous vous proposerons aussi de rebudgétiser le fonds Barnier pour un montant de 137 millions d’euros. Enfin, concernant le taux de mise en réserve, nous restons sur la même ligne. Il n’est plus qu’à 3 %, alors qu’il était à 7 % ou 8 % il y a quatre ans. Nous avons prévu une réserve encore plus basse, à hauteur de 0,5 %, pour des dépenses incompressibles, comme l’allocation adulte handicapé ou la prime d’activité.

Enfin, le projet de loi de finances nous permet de continuer à faire baisser les impôts. À la fin de 2021, la baisse d’impôts aura atteint 45 milliards d’euros. Une fois que, le mois prochain, 80 % des ménages auront constaté qu’ils ne paient plus de taxe d’habitation, nous débuterons la baisse de cette taxe pour les 20 % de ménages restants. Cela représente 2,4 milliards d’euros de baisse pour l’année prochaine. De la même manière, nous allons poursuivre la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, pour un effort supérieur à 3 milliards d’euros. Les 45 milliards d’euros sont répartis pour moitié entre les ménages et les entreprises, et comprennent la baisse des impôts de production prévue dans le plan de relance.

Troisième caractéristique du budget : la priorité donnée à la transition écologique. En plus de l’augmentation des crédits du ministère à périmètre constant, le plan de relance nous permet de consacrer plus de 30 milliards d’euros à la transition écologique, dont 18,4 milliards consacrés à la mission Plan de relance. Nous vous présentons cette année un budget vert. Un rapport spécial portant sur l’intégralité du budget sera publié demain. Chaque mission et chaque programme ont été examinés à l’aune de six critères, permettant de nuancer l’appréciation, pour voir quelles étaient les dépenses favorables à l’environnement et celles qui lui étaient défavorables. Dans le PLF 2021, environ 40 milliards d’euros de dépenses sont favorables, selon au moins un critère, sans jamais être défavorables aux autres ; à l’inverse, 10 milliards d’euros de dépenses sont défavorables à l’environnement selon au moins un critère, sans jamais être favorables aux autres. Nous allons utiliser cet outil pour améliorer la pertinence et l’efficacité de nos politiques publiques en matière de préservation de l’environnement. Cette méthode d’un budget vert, développée par les services du Gouvernement, est née d’une initiative parlementaire – les travaux de Bénédicte Peyrol et de Laurent Saint‑Martin nous ont largement encouragés.

Quatrième point : la trajectoire des finances publiques. À la fin de l’année, le déficit estimé sera de 10,2 % du PIB et l’endettement de 117,5 %. Cela s’explique par deux facteurs principaux liés à la crise : les recettes des prélèvements obligatoires ont chuté de 6,8 %, ce qui représente une perte de 70 milliards d’euros toutes administrations confondues, dont 46 milliards d’euros pour le seul État, alors que, dans le même temps, les dépenses d’intervention de l’État ont augmenté de 6,5 % en valeur, contre une augmentation de 2,2 % en 2019. En 2021, notre objectif est de contenir le déficit à 6,7 % et de ramener l’endettement à 116,5 % du PIB.

La capacité à financer le plan de relance, comme celle de l’État à se financer lui‑même, sont assurées, dans la mesure où il garde une crédibilité affirmée sur les marchés financiers. Elle est due au respect de la trajectoire des finances publiques sur trois points : en 2019, notre déficit a été de 2,1 % hors effet conjoncturel du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), soit en dessous de 3 % pour la troisième année consécutive ; le poids de la dépense publique a diminué, passant de 55,5 % en 2017 à 54,1 % en 2019 – s’il augmentera bien évidemment en 2020, nous nous fixons un objectif de 58 % pour 2021 et autour de 54 % en 2022 ; le taux de prélèvements obligatoires a baissé, de 45,1 % en 2017 à 44,1 % en 2019. De ce point de vue, nous aurons un léger ressaut en 2020, dans la mesure où, mécaniquement, les prélèvements obligatoires baissent moins vite que l’activité. Néanmoins, en prenant en compte la reprise et les mesures de baisses d’impôt, nous prévoyons un taux de 43,8 % en 2021.

Nous avons pleinement conscience du niveau de la dette et de celui du déficit qui la nourrit. Mais si nous sommes capables de la financer et d’inscrire une charge de la dette stable voire en légère baisse l’année prochaine, nous devons veiller à prendre les mesures nécessaires pour la rembourser et avoir des éléments de gouvernance pour travailler à son cantonnement.

Enfin, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, que vous aviez adoptée fin 2017, présente une trajectoire qui a été fortement modifiée. Nous aurons l’occasion dans les prochains mois de revenir vers vous, avec le soutien du Haut Conseil des finances publiques, pour un exercice de prévision pluriannuelle des finances publiques, afin que la trajectoire sur laquelle nous nous appuierons officiellement soit plus conforme à la réalité.

M. le président Éric Woerth. Nous dansions sur un volcan, nous voilà sur des sables mouvants ! La volatilité économique est inouïe, et l’écart entre vos prévisions du troisième PLFR, cet été, et celles pour la fin d’année considérable. Le déficit prévisionnel de l’État passe ainsi de 225 milliards d’euros environ à 195 milliards d’euros. On voit dans votre budget à peu près aussi bien qu’à travers mes lunettes couvertes de buée… Il suscite de nombreuses questions, non que vous soyez insincères, mais parce que la situation est totalement imprévisible. Vous auriez pu adjoindre à votre budget des scénarios, au moins deux : l’un dans lequel l’épidémie perdure et l’autre dans lequel elle s’arrête. Cela nous aurait donné des points de repère. Ce n’est pas parce que notre pays est à la croisée des chemins, qu’il faut l’emmener vers des impasses budgétaires. La question de la soutenabilité de la dette est fondamentale. Vous auriez pu approfondir les différents scénarios sans entrer dans les détails d’une loi de programmation, qui viendra quand elle viendra. Un cadrage financier montrant que la relance n’était pas uniquement financée par la relance aurait été particulièrement rassurant.

Je me demande également pourquoi les prévisions du Gouvernement sont plus pessimistes que le consensus pour l’année 2020 et plus optimistes pour l’année 2021. Y a‑t‑il un effet volontariste, pour faire sortir l’épargne de précaution, ou est‑ce pour d’autres raisons qui m’échappent ?

Le cantonnement de la dette dite Covid n’étant évoqué ni dans le PLF ni dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), est‑ce à dire que vous y avez renoncé ou que le temps n’est pas encore venu de l’évoquer ? J’y suis, pour ma part, assez défavorable. Étant donné que nous allons certainement de crise en crise et que les risques sont fondamentaux, il me semble assez compliqué d’isoler une dette.

En réalité, la vraie question n’est pas tant celle du rattrapage que de la relance, soit de l’augmentation de la croissance potentielle, ce qui diffère des mesures d’urgence que vous avez prises avec notre soutien. Nous avons perdu 370 milliards d’euros de production qu’aucun plan de rattrapage ne permettra de récupérer. C’est pourquoi il nous faut des réformes. Notre pays a‑t‑il renoncé à toute idée de réforme, si compliqué que soit le contexte social ? Prévoyez‑vous des réformes structurelles parallèlement à votre plan de relance ?

Enfin, alors que vous avez parlé d’investissement dans l’industrie et les services, de relocalisation et, partant, de souveraineté, je souhaitais savoir si l’État avait une opinion sur le projet de fusion entre Veolia et Suez.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce projet de loi de finances était très attendu. Plus qu’un budget de crise, c’est le budget de la relance. L’enjeu est de taille : comment faire repartir l’économie ? Comment faire de la France un pays économiquement et socialement plus fort au sortir de la crise, avec des marchés d’avenir et des emplois pérennes ? Comment faire en sorte que la crise ne soit pas seulement une souffrance économique et sociale mais une occasion de devenir une puissance plus importante et plus compétitive ? Le plan de relance doit permettre de créer les conditions dont nous avons besoin aussi bien pour l’offre que la demande. Comme vous, je partage l’idée que c’est par l’offre que se recréera l’emploi et qu’il ne faut pas oublier les secteurs qui ont le plus souffert. Le plan de relance le fait prioritairement, en facilitant l’accès au travail des jeunes notamment – une dynamique que je salue.

Le budget ne contient pas que le plan de relance ; il finance également à la hausse des politiques publiques prioritaires, notamment le budget de la justice, celui de la sécurité ou de l’éducation nationale. Il sera nécessaire de veiller au solde structurel, pour que le plan de relance soit crédible.

La situation sanitaire reste incertaine. Dans quelle mesure le projet de budget anticipe‑t‑il de nouvelles restrictions ? Avez‑vous vu prévu d’avoir recours en 2021 au fonds de solidarité et à l’activité partielle de longue durée ?

Par ailleurs, le plan de relance doit être financé en partie par des émissions de dette de la Commission européenne – je salue de nouveau ce succès européen. Quelles sont les perspectives de décaissement des fonds européens en faveur de la France ? Pourriez‑vous esquisser un premier calendrier ?

L’un des facteurs déterminants de la réussite sera la capacité à décaisser rapidement les fonds prévus par le projet de loi de finances en général et le plan de relance en particulier. Autant je ne m’inquiète pas trop pour les 10 milliards d’euros de 2020, autant les perspectives pour 2021 et 2022 semblent ambitieuses. Vous avez décrit la méthode d’emploi des crédits du plan de relance, à laquelle je souscris, mais pourriez‑vous nous donner des précisions sur la rénovation thermique des bâtiments publics ? Pour avoir été rapporteur spécial du programme 348, je sais que nous avions mis un milliard d’euros en autorisations d’engagement dès le budget de 2018 pour la rénovation des cités administratives. Or les retards cumulés dans ces projets avaient fait décaler les crédits de paiement d’une année sur l’autre. Comment définir une méthode afin d’accélérer l’exécution des crédits ?

Enfin, s’agissant de la dette, pensez‑vous que le cantonnement, que j’approuve, nous permettrait de réduire son coût ?

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, je ne peux que vous donner raison sur l’extrême volatilité de la situation économique et sanitaire. Mais, comme le dit l’adage, gouverner c’est prévoir. Nous prenons des mesures, depuis plusieurs mois, qui nous permettent de faire face aux aléas sanitaires. Prenons l’exemple du fonds de solidarité que nous avions calibré à 9 milliards d’euros. Nous avons décaissé 6 milliards d’euros au titre du premier volet et 120 millions d’euros au titre du deuxième. Il reste environ 3 milliards d’euros disponibles, parce que nous avions anticipé que, d’ici à la fin de l’année, nous pourrions avoir à faire face à des dépenses supplémentaires. C’est cela qui nous permet d’augmenter le plafond de 1 500 à 10 000 euros, sur le premier volet, pour tous les restaurateurs et hôteliers d’Aix-en-Provence, de Marseille ou d’ailleurs, qui sont confrontés à une fermeture administrative. Nous nous gardons les marges de manœuvre nécessaires pour adapter les dispositifs à la situation.

S’agissant de la dette, sa soutenabilité est fondamentale. Je m’inscris en faux contre tous ceux qui prétendent que nous pourrions lever de la dette tout en disant que nous ne la rembourserions jamais. C’est totalement irresponsable ! Nous aurions du mal à trouver des investisseurs pour une dette qui ne serait jamais remboursée. Les besoins de financement sont de 282 milliards d’euros sur l’année, dont 260 à moyen et à long terme. Le remboursement doit se faire de trois manières : par le retour de la croissance ; par un usage responsable des finances publiques – c’est ainsi que nous stabiliserons l’emploi public dans la fonction publique d’État en 2021, alors que nous aurions pu céder à la tentation d’embauches publiques pour faire face au chômage ; par le maintien de réformes de structure, comme celle d’Action logement.

Pour ce qui est des estimations, plutôt que de regarder les estimations de récession pour 2020 et celles de croissance pour 2021, il faut examiner le niveau d’activité. Il y a quelques mois, on estimait que la perte du niveau d’activité entre 2019 et 2021 serait de l’ordre de 4 points de PIB. Selon nos évaluations de récession et de croissance, la perte d’activité ne serait que de 2,7 points de PIB, preuve que la relance permet d’éviter une dégradation trop forte de notre économie. Les autres prévisions, en provenance de l’OCDE, de l’INSEE, de la Banque de France, de l’Union européenne ou du FMI, oscillent entre 1,9 et 4. Ce qui compte plus que tout, c’est le niveau d’activité que la France retrouvera d’ici à la fin de la crise.

Nous sommes favorables au cantonnement de la dette, qui donne de la visibilité aux investisseurs jusqu’en 2042, et garantit, de ce fait, un meilleur financement.

Concernant Veolia et Suez, l’État ne cédera à aucune précipitation ni à aucune pression. Nous prendrons le temps nécessaire pour examiner l’offre de Veolia ou toute autre offre qui pourrait se présenter. Il n’y a pas d’urgence à réaliser cette opération, qui doit se faire selon les conditions fixées par le Premier ministre : la préservation de l’emploi, la préservation de l’empreinte industrielle et une majorité française. Nous voulons nous assurer que ces conditions soient remplies et prendrons du temps pour cela. Je veux appeler chacun au sens des responsabilités. Alors que nous sommes dans une période de crise économique qui inquiète profondément les Français, ce n’est pas le moment que deux champions industriels se livrent une guerre. Le rôle de l’État est un rôle d’arbitre, pour pacifier la situation et trouver des solutions répondant aux intérêts des deux parties.

L’expérience nous a appris qu’il était très difficile de décaisser rapidement l’argent prévu pour la rénovation thermique des bâtiments publics. Nous avons créé trois dispositifs qui devraient changer la donne : définition d’une date butoir au 9 octobre pour le dépôt des offres ; possibilité de réallouer les fonds si le décaissement ne se faisait pas suffisamment vite ; garantie de transparence totale sur leur emploi.

M. Olivier Dussopt, ministre chargé des comptes publics. Pour ce qui concerne l’écart entre la prévision de la troisième loi de finances rectificative et celle du PLF 2021, le déficit prévisionnel de l’État passe en effet de 225 à 195 milliards d’euros, principalement parce que les recettes fiscales se tiennent beaucoup mieux que ce que nous avions imaginé et craint.

Il en résulte une trentaine de milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires par rapport à l’estimation de la LFR 3. En particulier, l’impôt sur le revenu se maintient à un niveau correct, avec une recette supérieure de 3,2 milliards d’euros aux prévisions. Les recettes de l’impôt sur les sociétés seraient supérieures de 14 milliards d’euros. Pour la TVA, l’écart serait de plus 5,1 milliards d’euros, signe encourageant quant à la capacité de l’économie à résister et à faire preuve de résilience.

Cela nous a obligés à adapter nos prévisions. Bruno Le Maire l’a dit, nous avons retenu une prévision prudente de 10 % de récession et de 10,2 % de déficit. Les aléas de l’épidémie montrent que la prudence est de bon aloi.

Je partage, par ailleurs, l’attention que le rapporteur général porte aux déficits structurels. Comme nous l’avons évoqué, au-delà de la relance, nous devons faire preuve de maîtrise sur les dépenses figurant dans les différentes missions du PLF, ce qui constituera un vrai travail dans les semaines et les mois à venir.

S’agissant du déblocage des fonds européens et de notre capacité à les percevoir, un encaissement de 10 milliards d’euros est prévu en 2021. Notre objectif est d’encaisser un peu plus de 12 milliards d’euros en 2022, et le reste sur les années suivantes, principalement 2023 et 2024. De nombreux financements européens parviennent, en effet, aux États lorsque les opérations sont achevées.

La date butoir pour la rénovation thermique des bâtiments publics est proche. Pour les bâtiments d’État et universitaires, nous avons fixé une méthode selon laquelle les préfets de région instruiront l’éligibilité des dossiers dès lors qu’ils portent sur une dépense de moins de 5 millions d’euros et de moins de 8 millions d’euros en Île-de-France. Seuls les dossiers d’un montant supérieur seront instruits par la Conférence nationale de l’immobilier public, instance interministérielle, ce qui nous permettra d’aller vite.

Parmi les conditions d’éligibilité, nous avons inscrit la capacité des porteurs de projets de notifier la totalité des marchés publics des opérations au cours de l’année 2021, de manière à assurer une bonne réalisation des projets d’investissement.

M. Daniel Labaronne. Au nom du groupe La République en marche, je salue un budget maîtrisé, sérieux, ambitieux, qui donne trois motifs de satisfaction.

D’abord, les textes budgétaires ont été concertés avec l’ensemble des acteurs économiques et sociaux de notre pays, ce qui constitue une méthode très positive. Le budget repose sur une exigence de sincérité, qui respecte le Parlement et responsabilise les gestionnaires de programmes. Le Haut Conseil des finances publiques l’a saluée. Le budget conforte également la crédibilité de notre politique publique et de la maîtrise de nos finances, au moment où nous devons redonner confiance, non seulement aux acteurs économiques, mais également aux investisseurs qui financent notre dette. Le sérieux de notre politique budgétaire favorise ainsi sa soutenabilité.

Ensuite, je salue la priorité donnée à l’éducation nationale et aux fonctions régaliennes de l’État – justice, intérieur, défense –, dans la période très troublée que nous traversons. La présentation d’un budget vert constitue également un motif de satisfaction.

Enfin, je salue tout autant la cohérence du plan de relance de 100 milliards d’euros avec la stratégie et l’ambition économiques que nous soutenons depuis le début de la législature. Cette stratégie s’appuie, d’une part, sur un soutien de la demande, avec une politique visant à baisser les impôts des ménages, à mieux rémunérer le travail et à préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens durant la crise ; d’autre part, sur un soutien de l’offre avec des mesures pour baisser les impôts de production, miser sur l’innovation et l’investissement productif, et engager notre pays dans la transition écologique et numérique.

La bonne exécution du plan de relance constitue, en revanche, un point de vigilance. La mise en œuvre des mesures de ce plan doit être aussi rapide, aussi simple et aussi efficace que celle du plan d’urgence. Nous serons en particulier attentifs à sa territorialisation, pour que ces mesures bénéficient à l’ensemble des territoires métropolitains et ruraux.

Mme Véronique Louwagie. Le PLF a une tonalité particulière cette année, compte tenu de la situation sanitaire, économique et sociale, et alors que des hommes et des femmes souffrent. Trois sujets attirent plus particulièrement notre attention.

Premièrement, la France a été plus touchée que les autres pays par le confinement. La reprise y est plus lente qu’ailleurs. Dans cette commission, nous avons souvent émis le regret que le Gouvernement n’ait pas profité des années de croissance pour engager les réformes nécessaires, et aujourd’hui notre pays se trouve un peu plus en difficulté. C’est probablement la raison pour laquelle les Français, inquiets, épargnent pour se protéger de l’avenir : 60 milliards d’euros d’épargne contrainte cumulée sur le seul premier semestre, c’est énorme.

Pouvez-vous dire un mot de la réforme des retraites ou de la dépendance, que ce budget n’évoque pas ?

Deuxièmement, ce PLF est un plan de dépenses, dont le financement n’a pas été présenté. Monsieur le ministre de l’économie, vous avez évoqué en quelques mots la manière dont vous envisagez de réduire la dette. Pour cela, il faut diminuer nos déficits. Une de nos charges, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, augmente de manière importante, passant d’un montant compris entre 18 et 21 milliards d’euros ces cinq dernières années à 26,9 milliards d’euros en 2021. Quelle sera son évolution dans les années à venir ?

Enfin, s’agissant du plan de relance, attendu dans les territoires où les plans sociaux vont s’enchaîner, vous affichez votre volonté de décaisser rapidement des montants élevés de crédits en 2020 et 2021, mais que pourrez-vous changer afin que les mesures votées soient applicables rapidement ? Face aux intentions que vous avez affichées, j’ai de sérieux doutes sur les moyens qui seront mis en œuvre.

M. Christophe Jerretie. Comme les ministres, je veux souligner la nécessité de tenir compte de l’imprévisibilité de ce budget, la crise sanitaire n’étant pas maîtrisée – elle l’est aussi difficilement dans le reste du monde.

Depuis mars, nous avons opté pour un fort interventionnisme de l’État, qui a été salutaire pour le monde économique, pour le monde de l’entreprise ainsi que pour notre société. Avez-vous fixé le moment où il faudra limiter cet interventionnisme, aujourd’hui nécessaire, ou attendez-vous de voir comment la crise évolue ?

Avec Jean-Noël Barrot, je souhaitais vous interroger plus précisément sur les impôts de production. Pourquoi avoir retenu une baisse de moitié de la CVAE plutôt que la suppression totale de la CFE ? Pensez-vous que la baisse des impôts de production pourrait avoir un effet positif sur l’impôt sur les sociétés ?

Enfin, vous avez donné la cartographie thématique du plan de relance et mes collègues ont évoqué la territorialisation des mesures. Les petits territoires et les petites entreprises auront toutefois davantage de difficulté à accéder aux appels à projets et à disposer des fonds s’ils ne sont pas accompagnés. Avez-vous imaginé un accompagnement, soit pour les petites collectivités, soit pour les petites entreprises, qui en auront certainement le plus besoin ? Nous devons éviter que les mesures ne se concentrent sur les grands acteurs. N’oubliez pas que ce sont les petits acteurs qui relèveront le pays, notamment en matière immobilière et dans le bâtiment et les travaux publics (BTP).

Mme Valérie Rabault. L’exercice est, en effet, plus compliqué cette année que d’habitude.

Sur les 100 milliards d’euros annoncés du plan de relance, 35 milliards d’euros seulement figurent dans le budget pour 2021. Confirmez-vous ce chiffre ?

M. Dussopt a déjà partiellement répondu à ma question portant sur les écarts avec les prévisions de la LFR 3. Les recettes augmentent de 20 milliards d’euros et les dépenses baissent de 10 milliards d’euros. Pouvez-vous détailler ces montants ?

Dans le tableau de l’exposé des motifs figurant en page 12, la ligne Exonération de cotisations pour les secteurs touchés par la crise fait état de moins 4,4 milliards d’euros en 2020 et plus 4,4 milliards d’euros en 2021. Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas d’exonération et qu’il s’agit seulement d’un report des cotisations des entreprises ?

Je partage entièrement l’avis de M. Le Maire selon lequel les dépenses doivent être engagées rapidement. À ma connaissance, peu d’argent a été décaissé à ce stade sur les 20 milliards d’euros votés dans la LFR 3 pour soutenir les entreprises. Comment comptez-vous décaisser ces montants ? Dans le secteur des travaux publics, notamment, les appels d’offres ont chuté de 40 %, ce qui signifie que le carnet de commandes de ces entreprises est en train de fondre.

En page 14, la ligne Divers présente 12,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Pouvez-vous préciser s’il s’agit bien de fonds européens ?

M. Éric Coquerel. Si je me réjouis de voir Bruno Le Maire rétabli, je crains fort que la France ne sorte pas aussi renforcée qu’il le dit par ce plan de relance et ce PLF.

Nicolas Doze, l’économiste libéral qui intervient dans ce temple du libéralisme qu’est BFM Business, évoquait récemment les bras de fer de lutte des classes et les « effets d’aubaine » que représentent les rachats de boîtes par leurs propres patrons, utilisant l’argent du Gouvernement, soit pour se débarrasser de dettes, soit pour supprimer des postes. Tout cela renvoie aux scandales de sociétés qui préparent des restructurations financières sans lien avec le Covid-19, tout en ayant utilisé l’argent de l’État. Je pense notamment à Bridgestone.

Vous continuez coûte que coûte à mener une politique de l’offre. De ce point de vue, vous êtes fidèle à vos idées car, lorsqu’il y a deux ans, nous vous demandions comment les entreprises allaient investir sans contraintes, vous mettiez en avant le bon sens. Je ne vois toujours pas de bon sens dans le court-termisme capitaliste. Nous savons même que le CICE a conduit à 100 000 créations ou du moins non-disparitions d’emplois, pour un coût d’un million d’euros par emploi. Et vous proposez toujours la même mesure, sans aucune condition écologique et sociale.

D’autres solutions existent pourtant, comme de mettre la priorité sur la reconstruction d’une souveraineté sanitaire. L’État ne donnerait alors plus d’argent à Sanofi, qui supprime cette année 600 emplois dans la recherche et développement, et dont les effectifs ont été divisés par deux depuis 2007, tout en touchant les montants du CICE, du crédit d’impôt recherche et maintenant du plan de relance.

Deuxième problème de la politique de l’offre : vous envisagez toujours la relocalisation sous le même aspect des coûts à baisser. Vous ne menez aucune analyse du problème structurel qu’est le libre-échange plus que permis dans le cadre de l’Union européenne et des traités. Vous proposez donc de baisser les impôts de production des entreprises, toujours sans contrepartie – bonjour les conséquences sur les collectivités locales !

On sait pourtant que, sur les 250 milliards d’euros de déficit que la Cour des comptes prévoit d’ici à la fin de 2020, 135 milliards d’euros sont déjà dus à la diminution des recettes. Vous dites avoir baissé ces impôts depuis longtemps et l’assumer – il y a eu 45 milliards d’euros de baisses d’impôts depuis le début du quinquennat. Mais, sur les 22 milliards d’euros que vous attribuez à la baisse d’impôts pour les ménages, on trouve la flat tax, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la réforme de l’impôt sur le revenu, autrement dit rien pour les plus modestes.

Et puis, 30 milliards d’euros, c’est très faible. D’ailleurs, je n’en retrouve que 21,9 milliards dans les crédits de la mission Plan de relance. Cela représente un point de PIB, quand la récession s’élève à 10 points de PIB.

Enfin, il est étonnant que vous parliez de budget vert et de transition écologique quand, la même année, vous supprimez 947 emplois du ministère de l’écologie, ce qui fait 3 700 emplois disparus en trois ans. Drôle de manière d’assurer une transition écologique !

M. Charles de Courson. Étant donné la dérive des finances publiques, la loi organique vous oblige-t-elle à déposer rapidement un projet de loi de programmation des finances publiques ? Si oui, quand ? La réponse à cette question n’est jamais claire.

Le déficit structurel s’aggrave fortement, à 3,6 % du PIB en 2021, voire 4,8 % si l’on prend en compte un affaiblissement du niveau de la production potentielle. Face à une telle aggravation, où sont les économies que vous devriez proposer dans des secteurs qui ne pénalisent pas la compétitivité des entreprises ?

S’agissant de la baisse des impôts de production à hauteur de 10 milliards d’euros – à laquelle je suis favorable –, pourquoi la diminution ne porte-t-elle pas sur la baisse de la CFE et de la TFPB sur les bâtiments industriels plutôt que sur la CVAE, qui n’est pas un impôt fixe alors que les deux autres le sont ?

Enfin, la poursuite de la baisse des impôts, je suis pour. Mais pourquoi augmentez-vous de 1,5 milliard d’euros les prélèvements sur les complémentaires santé – c’est un impôt nouveau – et ajoutez 1,3 milliard d’euros de prélèvements sur Action logement ?

Mme Émilie Cariou. Nous venons de l’évoquer avec le président du Haut Conseil des finances publiques, construire un budget et des prévisions dans des circonstances sanitaires aussi incertaines représente un énorme défi.

Monsieur Le Maire, vous faites des annonces, notamment à l’intention des TPE, des commerçants et des indépendants. Celles sur le fonds de solidarité, en particulier, semblent bienvenues car, jusqu’à présent, la part la plus importante de l’effort que vous annonciez dans le plan de relance portait sur la baisse des impôts de production, laquelle ne bénéficiera pas aux TPE, exonérées de CVAE, et très peu aux PME, car elles bénéficient de la compensation barémique. Pouvez-vous préciser les aides complémentaires que vous apporterez aux PME, notamment aux TPE, à travers le fonds de solidarité, car elles ne figurent pas clairement dans les documents budgétaires ?

S’agissant de la réindustrialisation, sur laquelle vous avez insisté, le choix que vous avez fait relève d’un plan de compétitivité. Nous considérons que ces mesures auront un effet sur le long terme mais qu’elles ne constituent pas un plan ciblé de court terme de soutien aux activités en souffrance. Ainsi, la baisse de la CVAE bénéficiera plus massivement aux grandes entreprises, notamment celles de la finance dont les activités dégagent une plus grande valeur ajoutée que l’industrie. Ce choix ne manque-t-il pas en partie sa cible, en n’aidant pas nécessairement les bons secteurs ?

Vous indiquez, par ailleurs, avoir pratiqué une politique de la demande en prenant en charge le chômage partiel. Vous ne décrivez pourtant qu’une partie de la réalité sociale du pays, puisque, depuis le début de la crise sanitaire, nous déplorons une augmentation très sensible du nombre des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), dont le montant est bien en dessous du seuil de pauvreté. Pensez-vous compléter l’effort consenti en matière de chômage partiel par d’autres mesures de soutien aux ménages les plus précaires ?

Enfin, je salue l’augmentation de certains budgets régaliens, notamment celui de la justice, qui bénéficie d’une augmentation substantielle cette année. Nous serons naturellement attentifs à la manière dont ces nouveaux crédits seront déployés.

M. Benoit Potterie. Le présent PLF est d’une importance capitale, en raison du contexte actuel et de la nécessité d’organiser la relance de notre économie. Nous n’avons pas encore pu étudier dans le détail l’ensemble du texte mais sa structure et ses mesures phares vont dans le bon sens.

Une rapide lecture confirme la priorité que le Gouvernement a donnée au régalien, ce que le groupe Agir Ensemble salue unanimement. La hausse de 8 % du budget de la justice est un très bon signal. De la même façon, la transition écologique sera au cœur de la relance, avec d’importants investissements et, pour la première fois, l’existence d’un budget vert.

Même si je suis certain que nous aurons un débat riche sur la conditionnalité des aides aux entreprises, tâchons d’être pragmatiques et ne nous enfermons pas dans un dogmatisme qui mettrait la relance économique en péril. Il est bon que les entreprises qui bénéficient d’aides de l’État modernisent leur gouvernance pour permettre la parité, qu’elles s’engagent à mieux associer les employés aux résultats de l’entreprise et à lutter contre le réchauffement climatique. Mais, eu égard au contexte actuel, soyons raisonnables, et demandons-leur des engagements qu’elles peuvent tenir, sans imposer un frein supplémentaire à leur redémarrage économique.

De la même façon, ne refaisons pas l’erreur d’instaurer une fiscalité écologique punitive, qui serait aussi mal reçue par nos concitoyens que contre-productive.

Messieurs les ministres, je vous remercie pour vos propos rassurants sur l’allongement des maturités des PGE, les aides au secteur de l’événementiel et les mesures de soutien aux bars et restaurants. Il faudra que les conditions d’accès aux aides soient simples et rapides.

Enfin, j’appelle votre attention sur la situation dramatique des traiteurs. Bien que non concernés par la fermeture administrative, ils subissent un effondrement de leur activité. Avec souvent plus de 20 salariés et un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros, ils ne bénéficient pas du fonds de solidarité. Des mesures sont-elles prévues pour les aider ?

M. Fabien Roussel. M. le ministre revient en pleine forme puisqu’il n’a pas hésité à traiter de fossoyeurs ceux qui pensent qu’il faut soutenir la demande – donc augmenter les salaires. Le message était visiblement adressé aux députés communistes.

Nous aurons ce débat dans le cadre du PLF, car nous pensons à ceux qui essaient de vivre dignement avec le SMIC horaire, ce qui est très difficile, surtout lorsqu’il n’est pas à taux plein, avec le coût des masques, les factures de gaz ou d’électricité qui augmentent, bref quand le pouvoir d’achat faiblit. Nous pensons aussi aux étudiants qui tâchent de travailler parallèlement à leurs études et demandent des colis alimentaires pour vivre décemment. Un plan de soutien devrait contenir davantage d’aides en direction de ces publics.

Nous devrions aussi réfléchir ensemble à la manière d’accompagner les entreprises qui relocalisent leur activité et soutiennent l’emploi en France, afin qu’elles puissent, dans le même temps, soutenir la demande en augmentant les salaires. Ayons au moins ce débat, car les salaires sont bas dans notre pays.

L’emploi, précisément, pâtit de tous ces plans de licenciement que de grandes entreprises mettent en œuvre alors même qu’elles bénéficient du plan de soutien ou bénéficieront demain du plan de relance et de la baisse des impôts. Ces entreprises font des plans sociaux et vont délocaliser leurs activités à l’étranger, ce qui aura pour effet de faire augmenter non seulement le chômage, mais aussi les importations, avec des camions qui introduiront en France des produits qu’il est possible d’y produire. Vous connaissez bon nombre de ces entreprises : Bridgestone, qui importera demain des pneus fabriqués en Pologne et en Hongrie, alors que nous pouvons les produire en France, mais aussi Verallia, Cargill ou Airbus, dont les cockpits sont produits au Portugal alors que nous pouvons les fabriquer dans la Somme.

Aurons-nous un débat, au cours du PLF, afin d’interdire – vous en avez le pouvoir – ces plans de licenciement quand ils conduisent à des délocalisations ? Ce qui est produit en France ne doit pas être délocalisé, et surtout pas à l’aide d’un plan de relance ou de soutien.

Par ailleurs, est-il prévu de conditionner strictement les aides publiques à des engagements des grands groupes à maintenir les emplois, à lutter en faveur du climat et à continuer de produire en France ? Il nous faut des conditions encadrées, sur lesquelles nous devons avoir un droit de regard, car des milliards d’euros sont aujourd’hui donnés à de grands groupes et cela se traduit par des licenciements et des délocalisations.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. La territorialisation est un point très important du plan de relance. Dans les comptes rendus réguliers que nous ferons de sa mise en place, nous veillerons à fournir une cartographie des mesures, pour que les Français voient clairement quel territoire a bénéficié de quelle aide, pour la rénovation énergétique des bâtiments, le soutien au développement industriel ou la relocalisation industrielle, de façon à garantir un équilibre entre les territoires.

Nous n’avons pas évoqué une mesure, pourtant très importante, qui concerne l’aide au commerce de proximité. Des foncières seront rachetées par la Caisse des dépôts et consignations, ce qui permettra de récupérer des commerces en grande difficulté, voire fermés. Ils seront réhabilités, rénovés et remis à la location à un tarif préférentiel. Nous nous assurerons, bien évidemment, que toutes les villes bénéficient de ces mesures, en particulier les petites et moyennes.

La France a été durement touchée par la crise sanitaire, qui frappe à l’aveugle les différents pays. En termes de reprise d’activité, nous faisons quasiment jeu égal avec l’Allemagne, confrontée au ralentissement du commerce mondial. Nous obtenons de meilleurs résultats que l’Espagne et l’Italie, particulièrement touchées du fait de la part plus élevée du tourisme dans leur produit national brut (PNB).

L’essentiel est que la reprise économique se fasse au même rythme dans l’ensemble de la zone euro, et qu’il n’y ait pas de gagnants ni de perdants. Le vrai risque est que les divergences s’accroissent entre les pays, alors même que nous avons élaboré un plan de relance qui doit favoriser la coordination des plans et la solidarité.

S’agissant des réformes, j’ai toujours estimé que celle des retraites était nécessaire, pour l’équilibre des comptes publics, pour garantir aux générations qui viennent le même système de retraite que celui dont nous disposons aujourd’hui, et pour gagner en simplicité et en équité. Je reste très favorable à cette réforme.

S’agissant de l’accompagnement, il faut garantir aux petites communes d’accéder aux mêmes appels à projets que les métropoles. Il reviendra aux sous-préfets à la relance de s’assurer qu’un petit projet avec des financements modestes, tel que la rénovation d’un barrage à Saint-Pée-sur-Nivelle, évaluée à 3 millions d’euros, parviendra au ministère de l’économie, des finances et de la relance, même si le ministre n’a pas une maison dans la commune, pourvu qu’il réponde aux critères d’accélération de la transition écologique que nous avons fixés. Les sous-préfets à la relance auront pour tâche de garantir, dans tous les territoires, notamment les communes rurales, que même un projet modeste puisse être exécuté le plus rapidement possible. Le critère de choix est la rapidité d’exécution.

Pour ce qui concerne la CVAE, nous estimons que la baisse des impôts de production que nous avons retenue est centrée sur les entreprises industrielles. Nous avons écarté la solution de facilité consistant à supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), car elle aurait bénéficié davantage aux établissements financiers qu’aux entreprises industrielles.

La rapidité d’engagement des crédits est le défi le plus important que nous ayons à relever. Trois éléments doivent nous la garantir. D’abord, nous prenons beaucoup de mesures de guichet pour lesquelles les crédits peuvent être décaissés rapidement et qui sont efficaces. La prime automobile a ainsi rencontré un tel succès que nous y avons mis fin plus tôt que prévu, le nombre de 200 000 véhicules ayant été atteint très vite. Nous sommes le pays d’Europe qui a vendu le plus de voitures au cours des deux derniers mois, grâce à ces mesures bien ciblées auxquelles nous avions travaillé avec l’ensemble des industriels du secteur – c’est la preuve que cette méthode porte ses fruits. De même, MaPrimeRénov et la prime à l’embauche des jeunes fonctionnent parce que ce sont des mesures de guichet.

Ensuite, nous avons décidé de simplifier plusieurs procédures, et nous pourrons aller encore plus loin sur cette voie au cours des semaines qui viennent. Ainsi, pour tous les projets de rénovation immobilière représentant un montant inférieur à 5 millions d’euros, la décision est prise localement : nous ne nous en mêlons même pas.

Enfin, disposition entièrement inédite, nous appliquons une clause d’extinction des crédits. Si un projet, par exemple la rénovation énergétique d’une université, ne fait pas l’objet d’un décaissement dans un délai donné – que nous allons fixer prochainement –, les crédits seront réalloués à un autre projet de même nature dans une autre université. Ce sera le rôle du comité de pilotage et du conseil national de la relance réuni autour du Premier ministre que de s’assurer que le décaissement des crédits est rapide.

Monsieur Coquerel, je reviens effectivement en forme, et en si bonne forme que je suis d’accord avec vous sur plusieurs sujets ! Le covid a dû débloquer quelque chose chez moi… mais cela ne se reproduira pas si souvent !

Je vous confirme ma fidélité à la politique de l’offre, parce qu’elle a donné des résultats. Fin 2019, la croissance atteignait 1,5 % – l’une des meilleures de la zone euro –, le taux de chômage 8 % – le plus bas depuis douze ans –, et notre pays était devenu le plus attractif d’Europe pour les investissements directs étrangers. Ces résultats sont spectaculaires ; pourquoi renoncerions-nous à ce qui les a rendus possibles ?

J’en suis d’accord avec vous, cela n’exclut pas des politiques de soutien à la demande – dont font partie nos mesures de chômage partiel à hauteur de 30 milliards d’euros – et ne signifie pas que nous ne soyons pas décidés à faire modifier plusieurs principes du commerce international. Un exemple très concret : cela ne sert à rien d’engager des milliards d’euros pour réduire les émissions de CO2 en France et en Europe si, dans le même temps, l’on continue d’importer des produits fabriqués en Chine ou ailleurs en Asie et fortement émetteurs de CO2. Il est donc impératif d’instaurer une taxe carbone aux frontières.

Vous voyez que je prends ma part de responsabilité. Dans la situation très particulière que nous vivons, chacun doit être prêt à faire évoluer ses convictions. Je suis le premier à dire que le libre-échange tel qu’il existe aujourd’hui ne fonctionne pas et qu’il doit se transformer. Je crois au commerce international, indispensable pour nous enrichir tous, mais ses règles doivent être équitables, ce qu’elles ne sont pas aujourd’hui. Nous sommes le premier gouvernement à assumer de recourir à des aides d’État – un milliard d’euros destinés à la relocalisation industrielle et correspondant à une subvention, non à un prêt. Quand nous donnons 50, 60, 80 millions d’euros à une grande entreprise qui ouvre une nouvelle ligne de production en France, c’est de l’aide d’État. Et je suis fier de vous dire que, comme les États-Unis ou la Chine, nous l’apportons aux entreprises industrielles du pays qui font le choix de produire sur le territoire national plutôt qu’à l’étranger.

S’agissant, enfin, de la sécurité sanitaire, je vous rejoins entièrement, il faut que la France se dote des moyens d’une plus grande autonomie dans l’approvisionnement en différents principes actifs de médicaments, car aucun Français ne peut accepter que l’on explique à un patient admis à l’hôpital que son opération est impossible faute de curare. Nous devons garantir aux Français la souveraineté du pays en la matière.

Je précise que le prélèvement sur les complémentaires santé ne correspond pas à une augmentation de taxes, mais à la compensation légitime de leurs moindres dépenses pendant la crise.

L’aide complémentaire, dans le cadre du fonds de solidarité, aux TPE et PME auxquelles nous avons imposé une fermeture administrative et qui ont subi une perte importante de leur chiffre d’affaires représente 150 millions d’euros par mois.

Nous avons à traiter quelques domaines très spécifiques dont je vais essayer de m’occuper cette semaine. D’abord, le secteur de l’événementiel, que le fonds de solidarité n’aide pas puisque ledit secteur n’a, de toute façon, aucune perspective – ni manifestation, ni rassemblement – d’ici à la fin de cette année et ne reçoit aucune commande en vue de l’année prochaine, chacun attendant de connaître la situation sanitaire pour organiser quoi que ce soit. Ensuite, les traiteurs employant plus de 20 salariés, qui ne relèvent donc pas du fonds de solidarité et dont le manque à gagner est considérable à cause de l’annulation des mariages, des baptêmes, de toutes les fêtes et réceptions. Je recevrai les représentants de ces deux secteurs, et nous allons nous efforcer de trouver des solutions pour tous ceux qui n’entrent pas dans les cas prévus mais ont besoin de soutien au même titre que l’ensemble des secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire.

Concernant les salaires, nous avons essayé d’apporter des solutions au problème. La première est la prime d’activité, revalorisée de 100 euros par mois au niveau du SMIC pour améliorer la rémunération nette mensuelle des salariés les plus modestes. Cela représente un effort de près de 10 milliards d’euros par an pour les finances publiques : ce n’est pas négligeable. La deuxième est la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, de 2 000 euros, qui peut être versée jusqu’à la fin de l’année et est désocialisée et défiscalisée. Fin juillet, elle concernait 4,3 millions de bénéficiaires et représentait 2,05 milliards d’euros – des chiffres qui n’avaient encore jamais été publiés. Cette mesure importante en faveur du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes a donc été efficace. Elle est allée à tous ceux qui travaillent et qui, comme vous l’avez parfaitement dit, ont permis au pays de tourner correctement pendant le confinement et la crise sanitaire.

Je rappelle que nous avons, en outre, supprimé la taxe de 20 % sur l’intéressement et facilité le développement de la participation. J’appelle toutes les entreprises à jouer davantage ce jeu, car il est essentiel aux équilibres sociaux de notre pays que l’immense majorité des salariés puisse bénéficier du résultat de ses efforts : quand une entreprise réussit, c’est d’abord grâce à ses salariés ; l’intéressement et la participation doivent donc être fortement mobilisés pour améliorer la rémunération de ceux qui travaillent. Nous avons également développé l’actionnariat salarié, et je suis ouvert à des propositions visant à le rendre encore plus attractif.

Ma philosophie consiste à associer toujours davantage le salarié aux résultats de l’entreprise et à son fonctionnement, parce que c’est l’un des éléments clés de la réconciliation entre les Français. Il faut arrêter d’opposer salariat et capital, salariés et entrepreneurs, et montrer très concrètement, par les mesures que nous prenons, que nous sommes tous dans le même bateau.

M. Olivier Dussopt, ministre chargé des comptes publics. En ce qui concerne la territorialisation, certains crédits sont par nature territorialisés : les milliards d’euros de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et des appels à projets pour la rénovation thermique des bâtiments des collectivités ; les 600 millions d’euros confiés aux régions, notamment pour la rénovation thermique des lycées et les mobilités ; surtout, les 7,3 milliards d’euros qui viennent abonder les contrats de plan État-région et iront directement à des projets territorialisés.

Le ressaut significatif – de près de 5,4 milliards d’euros – du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’explique par deux raisons principales de portée comparable, auxquelles s’ajoute une troisième, très marginale. Celle-ci concerne un mécanisme de compensation solidaire de pertes de recettes pour l’union douanière européenne. Les deux autres raisons sont, d’une part, le cadre financier pluriannuel arrêté par les États membres, comportant une montée en puissance du budget européen négociée précédemment, 2021 étant la première année du cadre 2021-2027, et, d’autre part, le fait que les États membres aient choisi, pour préserver le niveau du budget européen après le Brexit, de se répartir le montant de la contribution britannique.

En autorisations d’engagement, la mission Plan de relance est dotée de 36,4 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 11 milliards d’euros du programme d’investissements d’avenir (PIA) et 2 milliards d’euros d’autres crédits, dont certains sont considérés comme évaluatifs, car inscrits de manière prévisionnelle dans la LFR3. À ces 49 milliards d’euros, il convient d’adjoindre les montants qui seront déployés par l’UNEDIC, la sécurité sociale et Bpifrance. En autorisations d’engagement, la somme dépasse donc nettement la moitié du montant du plan de relance. En crédits de paiement, on relève pour l’État 22 milliards d’euros de crédits de paiement de la mission Plan de relance, plus 2 milliards d’euros rattachés à d’autres missions du PLF et les crédits de paiement liés au déblocage du PIA. Il faut ajouter à cela 10 milliards d’euros de baisse des impôts de production.

En ce qui concerne la modification de la prévision entre la LFR3 et le PLF 2021, pour l’État, la situation est assez simple : nos recettes fiscales sont de 20 milliards d’euros plus élevées que prévu et les dépenses envisagées dans le cadre du compte d’affectation spéciale Participations financières de lÉtat n’ont pas été effectuées, mais nous conservons cet outil pour 2021 afin de nous laisser la possibilité d’intervenir : il sera engagé à hauteur de 50 % environ, ce qui préserve une marge de 10 milliards d’euros. Si l’on considère le déficit public dans son ensemble, les choses sont un peu plus complexes : en 2020, nous devons également y intégrer les effets du Ségur sur les rémunérations et la révision du niveau de l’ONDAM en fonction des dépenses supplémentaires dans le secteur de la santé – mais je sors du champ du budget de l’État.

S’agissant des exonérations, trois chiffres sont à garder en mémoire, mais sans les faire correspondre les uns avec les autres bien qu’ils soient de niveau comparable. Le montant exact des exonérations pour 2020, que nous avions évalué à 3,9 milliards d’euros, est de 5,2 milliards d’euros, en raison d’un effet d’assiette – l’activité ayant été plus importante que prévu – mais également de l’extension des critères d’attribution lors du débat parlementaire. Les effets de la sinistralité sur les échéances sociales ayant fait l’objet d’un report peuvent être évalués à 4,5 milliards d’euros. Enfin, le chiffre assez proche que vous avez cité pour 2021 correspond au ressaut de cotisations lié à la reprise d’activité. Il n’y a aucun mécanisme de compensation entre ces postes ni aucune annulation d’exonérations.

Pour ce qui est des écarts en matière d’ajustement structurel, ils ne sont pas suffisants pour nous obliger à déposer un projet de loi de programmation des finances publiques. Cependant, l’écart structurel plus marqué en 2021 pourrait soulever à nouveau la question. Indépendamment de toute obligation, nous considérons qu’il nous faut une loi de programmation pluriannuelle et que nous devons travailler sur la gouvernance. En l’état actuel du calendrier parlementaire, aucune date n’est fixée, mais le Haut Conseil des finances publiques nous encourage à prévoir cet exercice.

Mme Aude Bono-Vandorme. En 2020, les crédits de la mission Défense ont augmenté de 1,7 milliard d’euros, conformément à la trajectoire définie par la loi de programmation militaire (LPM) : la promesse a été tenue. Au cours des trois dernières années, le budget de cette mission aura ainsi bénéficié de 5 milliards d’euros de crédits supplémentaires au total.

Aux termes de la LPM, les ressources de la défense doivent continuer d’augmenter de près de 3,5 milliards d’euros en crédits de paiement d’ici à 2022. Le budget inscrit dans le PLF pour 2021 est-il conforme à la LPM, qui prévoyait 39,3 milliards en crédits de paiement hors charges de pension ?

Deux problèmes récurrents ressortent des auditions que j’ai conduites comme rapporteure spéciale du budget opérationnel de la défense, aggravés par la crise du coronavirus : le recrutement et la fidélisation des militaires. Peut-on espérer qu’ils seront bien pris en considération dans le cadre du PLF ?

Concernant la livraison du matériel, pouvez-vous nous assurer que les conséquences de la crise sanitaire n’entraveront pas la montée en puissance de nos armées et que l’exécution des crédits budgétaires alloués sera suivie au même titre et avec la même exigence que ceux de la mission Plan de relance ?

M. Fabrice Brun. Que pensez-vous de la possibilité, pour les entreprises qui le souhaitent, de bénéficier d’un différé de remboursement du prêt garanti par l’État (PGE) de vingt-quatre mois au lieu de douze ?

Allez-vous adopter notre proposition de transformer le PGE en apport de fonds propres par l’intermédiaire de titres participatifs pour les entreprises qui en auraient besoin ? Car si l’on pense souvent à la trésorerie, il faut aussi agir efficacement sur les fonds propres.

Les deux dernières questions que je vous adresse m’ont été posées par les acteurs touristiques ardéchois à Chassiers, vendredi dernier. Êtes-vous favorables à la suppression de la taxe de séjour au forfait, déconnectée de la fréquentation touristique réelle ? Dans ce domaine aussi, le covid a eu l’effet d’un révélateur. Allez-vous accéder à la demande d’un crédit d’impôt sur investissement ou d’un mécanisme de suramortissement pour soutenir l’ensemble de la filière, en amont de laquelle on compte beaucoup de fournisseurs, donc d’emplois ?

M. Jean-Paul Mattei. Le secteur du bâtiment neuf a connu un véritable décrochage l’année dernière. Pouvez-vous garantir la stabilité du cadre fiscal incitant à la construction neuve ou à la rénovation lourde et, ainsi, à l’amélioration des performances énergétiques ?

L’URSSAF a systématiquement reporté les charges des indépendants pour contrer l’effet du covid. Mais ceux qui ont pu poursuivre leur activité sont exposés à un risque élevé de décrochage en 2021, parce que les charges de l’année ne seront pas déduites de leur revenu d’activité. Ne pourrions-nous envisager l’annulation collective de ces charges en dessous d’un certain niveau de revenu d’activité ?

Enfin, j’ai un doute concernant l’application des mesures de relance en 2022 : ne risque-t-on pas de mal investir en allant trop vite ?

M. Jean-Louis Bricout. Les premières mesures prises face à la crise, notamment de pouvoir d’achat, grâce au chômage partiel, me semblaient adaptées à la situation – aux problèmes de trésorerie des entreprises et à l’exigence de sauvegarde de l’emploi –, malgré des lacunes qui ont motivé nos propositions sectorielles d’ajustement.

Aujourd’hui, en revanche, vous n’apportez à la crise que des solutions fondées sur la politique de l’offre et la compétitivité, de long terme et destinées aux grandes entreprises. On ne tient pas assez compte du besoin de réponses immédiates, notamment pour les TPE et PME, dont il faudrait soulager la dette liée au Covid, améliorer les fonds propres et remplir les carnets de commandes par une politique ciblant davantage la demande. Il faudrait également réagir à l’urgence sociale et au besoin de pouvoir d’achat par une relance fondée sur la consommation.

En ce qui concerne le décaissement des crédits, on craint aussi un décalage dans le temps, qu’il s’agisse du plan de rénovation des bâtiments publics – le rapporteur général en a parlé – ou des projets des collectivités, notamment les plus petites.

M. Michel Castellani. La Corse fait partie des territoires dont il convient de souligner la situation particulièrement délicate et l’ampleur des besoins. La chambre de commerce de l’île a estimé à 2,2 milliards d’euros l’effort nécessaire pour soutenir valablement l’économie. L’ancien Premier ministre avait annoncé un plan destiné à la Corse, à Lourdes et à l’outre-mer et le Président de la République, lors de sa récente visite dans l’île, s’est dit lui-même disposé à travailler à un plan de relance spécifique.

Le plan de relance étant intégré au PLF, confirmez-vous la prorogation du crédit d’impôt pour investissements (C2I) en Corse, très attendue sur l’île ? Pensez-vous étendre le délai de remboursement du PGE ? Envisagez-vous d’intégrer aux secteurs concernés la para-hôtellerie, ce qui est également très attendu ?

Plus généralement, comptez-vous associer les territoires aux déclinaisons particulières du plan de relance, notamment l’exécutif de Corse en ce qui concerne notre île ?

M. François Jolivet. J’aimerais vous interroger au sujet du contenu de l’article 47 du PLF, qui porte prélèvement exceptionnel sur le groupe Action logement à hauteur d’un milliard d’euros.

Le produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, qui avait été affecté à Action logement afin de compenser l’exonération de la participation des employeurs à l’effort de construction pour les entreprises de 20 à 50 salariés, continue-t-il bien de l’être ?

Selon l’exposé des motifs, un effort d’un milliard d’euros n’est pas difficile pour Action logement puisque le groupe dispose d’une trésorerie de près de 6 milliards d’euros au 1er janvier 2020. Quelles sont les raisons qui ont poussé le Gouvernement à opérer ce prélèvement ? Est-ce un prélèvement de rendement ? À la limite, cela pourrait se comprendre, l’idée étant qu’Action logement contribue au redressement des comptes publics. Cela étant, des rapports de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS), de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances pointent des difficultés au sein d’Action logement. En outre, il se dit qu’en contrepartie de ce prélèvement, la participation des employeurs à l’effort de construction tomberait de 0,45 % à 0,15 % de la masse salariale. Pourriez-vous mettre fin à cette rumeur ?

M. Nicolas Forissier. La contraction du commerce mondial et les difficultés de plusieurs pays exportateurs ont été évoquées. Le déficit commercial de la balance des biens, qui s’élevait à un peu moins de 60 milliards d’euros l’année dernière, est estimé à près de 80 milliards d’euros en 2020 et à 68 milliards d’euros l’année prochaine. Ces estimations sont-elles prudentes, généreuses, réalistes ? Concernant le sujet essentiel du commerce extérieur, nous avons besoin de visibilité.

Comme rapporteur spécial des crédits du commerce extérieur, je répète depuis des années qu’il faudrait mettre 200 millions d’euros sur la table pour stimuler celui-ci et lui rendre ses lettres de noblesse. Vous lui allouez 247 millions d’euros : j’en suis très heureux. Mais comment ces crédits seront-ils utilisés, et quel suivi, pour quelle efficacité opérationnelle, le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre à leur sujet ? Ne faut-il pas cibler certaines filières, en particulier l’exportation agricole et agro-alimentaire, qui a connu une décélération très marquée et très inquiétante ces dernières années ?

Mme Dominique David. Je salue l’architecture de la maquette budgétaire : la nouvelle mission Plan de relance rendra vraiment visible la mise en œuvre du plan, malgré le très grand nombre de ses mesures. Mais l’application dépendra des différents ministères, notamment par le lancement d’appels à projets qui, si j’ai bien compris, sont relayés par les différents services de l’État dans les territoires. Je crains que ne se recrée ainsi une conception en silo de la relance.

Ainsi, l’école d’architecture de Bordeaux va bénéficier d’un programme de rénovation très ambitieux après avoir répondu à un appel à projets du ministère de la culture. Elle voudrait en même temps lancer une formation en apprentissage, ce qui a du sens eu égard aux objectifs de la relance, mais ce projet, qui dépend du ministère du travail, ne compte pas parmi les axes de relance de la culture.

Je redoute aussi que les appels à projets ne figent les situations par des critères dont on a vu, pendant la période d’urgence sanitaire, combien ils pouvaient être lacunaires.

Comment satisfaire l’impératif de transversalité nécessaire à la bonne exécution du plan de relance jusqu’au dernier kilomètre, si j’ose dire ?

L’apurement de la dette des opérateurs de l’État s’accompagnera-t-il d’un plan de restructuration permettant de ne pas continuer à creuser cette dette ? Comment la dette antérieure à la crise sera-t-elle comptabilisée ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez annoncé la continuation des exonérations de charges fiscales et sociales, le maintien des mesures de financement du chômage partiel et l’augmentation du fonds de solidarité. Ces dispositions ne figurent pas dans le PLF mais seront inscrites dans le PLFR4, c’est bien cela ?

Juridiquement, le PGE ne pourra jamais abonder les fonds propres d’une entreprise. Mais compte tenu de la grande inquiétude de certaines entreprises concernant leur cotation bancaire, n’y aurait-il pas un moyen de considérer le montant accordé au titre du PGE comme des quasi-fonds propres ?

S’agissant des réductions de CFE et de CVAE, existe-t-il un échantillonnage par chiffre d’affaires ou par taille d’entreprise ?

Mme Zivka Park. Le transport aérien a été durement affecté par la crise, ce qui a fortement rejailli sur les recettes fiscales des collectivités dans les territoires accueillant un aéroport, comme ma circonscription. Outre ce problème, la baisse du trafic aérien et même, pendant un temps, sa quasi-extinction ont empêché la collecte de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, dont le produit permet d’insonoriser les bâtiments riverains des aéroports. Dans quelle mesure pourra-t-on compenser ces pertes, qui s’élèvent à 50 millions d’euros environ, de manière à assurer l’insonorisation dans des délais convenables ?

M. Xavier Roseren. C’est par l’investissement et la maîtrise des nouvelles technologies que nous parviendrons à décarboner notre économie. Plusieurs mesures visent à favoriser l’investissement de nos entreprises, notamment la baisse pérenne des impôts de production, à hauteur de 10 milliards d’euros dès 2021. Cette baisse a reçu, de la part des industriels de la vallée de l’Arve, un accueil très favorable.

Le plan de relance prévoit également une garantie publique des fonds d’investissement responsable labellisés « France Relance » : plus de 3 milliards d’euros soutiendront ainsi le financement des entreprises et notamment leurs fonds propres. En outre, un milliard d’euros sera consacré à la relocalisation industrielle.

Enfin, le PIA4 mobilisera 11 milliards d’euros d’ici à 2022, en vue de soutenir l’innovation et les technologies d’avenir.

Je salue ces aides à l’investissement et m’interroge sur la place qui sera réservée aux parlementaires dans les comités de suivi territoriaux.

M. Éric Alauzet. Depuis la fin des années 70, cinq plans de relance ont été engagés – le premier par Raymond Barre –, qui se sont tous montrés inefficaces : à chaque fois, inéluctablement, la courbe des recettes a décroché par rapport à celle des dépenses, creusant indéniablement le déficit. En tout cas, si nous ne mobilisons pas massivement, à ce moment unique, l’argent public en vue de faire de la transformation et de la transition, nous ne le ferons pas à un autre moment. Vous avez bien raison de prendre ce risque. D’ailleurs, les pays qui font le plus d’efforts sont ceux qui ont le mieux maîtrisé leur dette et fait le plus d’économies. Petit clin d’œil à ceux qui s’étonnent que vous puissiez aujourd’hui dépenser des milliards alors que vous affirmiez hier que c’était impossible : c’est précisément parce que nous avons fait des économies que nous pouvons – plus que l’Italie et l’Espagne, mais moins que l’Allemagne –nous mobiliser sur la crise.

Avez-vous prévu d’intégrer dans le périmètre du budget vert les garanties que notre pays apporte aux opérations d’extraction, de transport, de transformation et de production d’énergie à partir d’hydrocarbures, notamment de pétrole ?

Comment mesurer l’effet à court terme des mesures d’investissement et d’offre par rapport à la demande ?

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance. Je confirme que le budget de la défense est conforme à la trajectoire inscrite dans la loi de programmation 2019-2025, soit une marche supplémentaire – et considérable – de 1,7 milliard d’euros lui permettant d’atteindre 39,2 milliards d’euros. C’est bien là le signe que le Gouvernement attache une importance toute particulière à la mission Défense et au budget opérationnel de la défense.

Le remboursement des PGE est un sujet absolument majeur pour la trésorerie des entreprises. L’extension de douze à vingt-quatre mois n’est pas possible, car elle constituerait une infraction directe au droit européen. En revanche, un étalement sur six ans s’avère possible aux conditions que j’ai indiquées, notamment un taux d’intérêt particulièrement attractif, compris entre 1 % et 2,5 %, intégrant les 100 points de base de la garantie de l’État.

Les apports en fonds propres, point également capital, pourraient passer par une autre option consistant à souscrire un nouveau prêt participatif en quasi-fonds propres, qui ne pèsera pas sur l’endettement des entreprises. Il ne peut fonctionner que si l’État apporte sa garantie, que nous avons évaluée à 3 milliards d’euros, ce qui devrait permettre de lever de 15 milliards à 20 milliards d’euros de fonds propres. Je suis d’accord avec vous, il y a de la part des entreprises une attente extrêmement forte.

Je confirme que l’annulation de charges sociales est prévue dans tous les secteurs administrativement fermés, dont ceux touchés par les dernières décisions du Gouvernement, ainsi que dans ceux dont le chiffre d’affaires aurait baissé de 80 % ou plus en raison des décisions que nous avons prises.

S’agissant de la nécessité de prendre des mesures immédiates, MaPrimeRénov, la rénovation énergétique des bâtiments publics, la DSIL pour les collectivités locales, la prime pour l’embauche, l’allocation de rentrée scolaire qui a été versée fin août, l’abaissement du ticket de restaurant universitaire de 3 euros à un euro, sont autant de mesures d’application immédiate de soutien de la demande et du pouvoir d’achat.

Je confirme la prorogation du crédit d’impôt pour investissement en Corse.

Le plan de relance soutient massivement, à hauteur de 147 millions d’euros, le commerce extérieur. Nous présenterons mercredi, avec Franck Riester, les grandes lignes des mesures. Cibler le soutien par filière me paraît une excellente idée et un gage d’efficacité. Les chiffres de notre commerce extérieur sont fortement affectés par la situation des secteurs qui, comme l’aéronautique, avec en particulier Airbus, se trouvent dans une situation très difficile, ainsi que par les taxes qui pèsent sur certains produits français – par exemple, outre-Atlantique, le vin est taxé à hauteur de 25 % en raison des sanctions américaines.

Je suis tout à fait d’accord qu’il est d’une nécessité absolue de travailler sur le dernier kilomètre. Ce point essentiel figure bien au rang des objectifs de notre plan de relance.

Sur les 9 milliards d’euros du fonds de solidarité, nous en avons dépensé 6. Pour le moment, nous allons utiliser les 3 milliards d’euros qui restent disponibles pour le renforcer. Si des besoins supplémentaires venaient à s’exprimer, il faudra les dégager.

Le secteur du transport aérien prend effectivement de plein fouet la crise économique. Avec la métallurgie et le tourisme, c’est l’un des plus touchés. Nous avons élaboré un plan de soutien doté de 18 milliards d’euros, qui porte sur 300 000 emplois. Il est en cours de déploiement et doit permettre au secteur de s’adapter aux différentes exigences actuelles.

Je suis évidemment favorable à l’association des parlementaires au suivi du décaissement du plan de relance au niveau local – il est même important qu’ils y soient associés.

Enfin, les garanties export feront effectivement partie des réflexions que nous allons engager dans le cadre du budget vert, conformément à l’objectif de verdissement de notre politique publique. Les travaux menés par certains parlementaires sur le sujet revêtent, dans cette perspective, une importance extrême.

M. Olivier Dussopt, ministre chargé des comptes publics. Un prélèvement d’un milliard d’euros est effectivement prévu sur la trésorerie d’Action logement. C’est un peu supérieur à ce qui se faisait traditionnellement. Il ne s’agit pas d’une nouveauté mais d’un mode de financement du budget de l’État devenu presque traditionnel. Cette année, nous prévoyons également la fin de l’affectation à son bénéfice de la taxe spéciale sur les compagnies d’assurances – soit 0,3 milliard d’euros –, considérant qu’il s’agissait d’une forme de surcompensation et que l’effort était soutenable.

Parallèlement, des discussions sont ouvertes sur une réforme structurelle d’Action logement, tenant compte de ses modalités d’organisation et de son paritarisme. Le PLF ne comporte pas de dispositions sur ce point, dans la mesure où les discussions n’en sont qu’au début. Il ne modifie pas non plus le taux de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC). Si cette réforme structurelle permettait de rendre les mêmes services sur la base d’un prélèvement moindre, cela serait évidemment une très bonne chose.

Pour compléter la réponse de Bruno Le Maire sur le C2I, celui-ci est effectivement prorogé, mais je me dois de préciser que la Commission européenne s’est opposée à la majoration de son taux, de 35 % à 40 %, que vous aviez votée l’année dernière. C’est pourquoi le PLF proroge le dispositif au taux de 35 %.

La baisse des impôts de production bénéficie à hauteur de 26 % aux grandes entreprises, de 42 % aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de 30 % aux PME. L’étude des secteurs gagnants fait apparaître qu’elle bénéficie à raison de 30 % à l’industrie manufacturière, de 15 % au commerce et, dans une proportion équivalente, à ceux de l’énergie, des transports et de l’entreposage réunis. Le choix d’utiliser en les combinant la CVAE et la CFE a pour objectif de concentrer les effets positifs sur les ETI et sur les PME ainsi que sur l’industrie.

S’agissant du budget vert, le rapport qui sera présenté demain fait apparaître comme neutres les dispositions prenant la forme de garanties en raison de la diversité des opérateurs. Les garanties défavorables à l’environnement seront progressivement remplacées par des dispositifs plus favorables à celui-ci.

Enfin, la proposition visant à supprimer la taxe de séjour au forfait nous pose problème parce que le choix des modalités de prélèvement de cette taxe relève d’une délibération des collectivités locales. À ce stade, nous n’avons pas ouvert de discussions avec elles en vue de supprimer une des modalités qui leur est proposée. C’est la raison pour laquelle cette suppression n’apparaît pas dans le projet de loi de finances pour 2021. Je n’ai pas de religion à ce sujet, et je prendrai connaissance avec intérêt de ce qu’en disent les acteurs touristiques de Chassiers.

M. le président M. Éric Woerth. Merci, messieurs les ministres.

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([1])  Direction générale du Trésor, « Perspectives mondiales à l’automne 2020 : quel rebond après une chute historique ? », septembre 2018.

([2]) Un chômeur au sens du Bureau international du travail (BIT) est une personne en âge de travailler (c’est-à-dire ayant 15 ans ou plus) qui n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence, est disponible pour travailler dans les deux semaines et a entrepris des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent (ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois). Un chômeur au sens du BIT n’est donc pas forcément inscrit à Pôle Emploi et inversement.

([3])  OCDE, Prévisions économiques de juin 2020.

([4])  Direction générale du Trésor, « Perspectives mondiales à l’automne 2020 : quel rebond après une chute historique ? », septembre 2020.

([5])  OCDE, Rapport intermédiaire sur les perspectives économiques, septembre 2020.

([6])  Commission européenne, Prévisions économiques d’été, juillet 2020.

([7])  OCDE, op. cit.

([8])  Direction générale du Trésor, « Perspectives mondiales à l’automne 2020 : quel rebond après une chute historique ? », septembre 2020.

([9])  Insee, point de conjoncture du 17 avril 2020 : la baisse de l’activité atteint 30 % en avril 2020 par rapport à un niveau « normal » pour ce mois.

([10])  Insee, Point de conjoncture du 8 septembre 2020.

([11])  OCDE, Rapport intermédiaire sur les perspectives économiques, septembre 2020.

([12])  Insee, Point de conjoncture du 8 septembre 2020.

([13])  Insee, Note de conjoncture, octobre 2020.

([14])  Le halo du chômage désigne les personnes sans emploi qui souhaitent travailler mais qui ne sont pas en recherche active et/ou ne sont pas disponible pour travailler. En d’autres termes, le confinement a « découragé » les chercheurs d’emplois, qui ne sont plus comptabilisés comme tels.

([15])  Direction générale des douanes et des droits indirects, « Évolutions récentes des échanges extérieurs des produits liés à la lutte contre les crises sanitaires », août 2020.

([16]) M. Jerome Powell, « New Economic Challenges and the Fed’s Monetary Policy Review », août 2020.

([17])  OCDE, Rapport intermédiaire sur les perspectives économiques, septembre 2020.

([18])  Ibid.

([19])  Source : https://clubdeparis.org/fr/communications/communique-presse/etat-avancement-mise-oeuvre-initiative-suspension-du-service-dette

([20])  Banque de France, projections macroéconomiques France, septembre 2020.

([21])  Insee, Point de conjoncture du 8 septembre 2020.

([22])  Commission européenne, prévisions économiques européennes d’été, juillet 2020.

([23])  Le déflateur du PIB, ou prix du PIB, est un indice de progression des prix utilisé, au même titre que l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), pour mesurer l’inflation. Il s’écarte néanmoins de l’indice des prix à la consommation en fonction, notamment, de l’évolution des prix des importations, des exportations et de la formation brute de capital fixe (FBCF). Le déflateur est ainsi une manière de passer du PIB en valeur au PIB en volume.

([24])  Insee, Point de conjoncture du 8 septembre 2020.

([25])  Direction générale du Trésor, « Perspectives mondiales à l’automne 2020 : quel rebond après une chute historique ? », septembre 2020.

([26])  HCFP, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.

([27])  DGDDI, Évolutions récentes des échanges extérieurs des produits liés à la lutte contre les crises sanitaires, août 2020.

([28])  Banque de France, taux des crédits nouveaux aux sociétés non financières, hors renégociation.

([29]) Insee, Note de conjoncture, octobre 2020.

([30])  Les hypothèses de taux à 10 ans du Gouvernement (0,20 % fin 2020 et 0,70 % fin 2021) étant supérieures à la prévision moyenne du Consensus Forecast en septembre 2020 (0,0 % fin 2020).

([31])  Insee, Note de conjoncture, octobre 2020.

([32]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([33])  Voir le commentaire de l’article liminaire du présent projet de loi de finances.

(1) Ces règles de dette et de déficit sont aujourd’hui codifiées à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et précisées par le protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs.

(2) Article 2 § 1 bis du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le b) du paragraphe 2 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011.

([36]) Le seuil de – 0,5 point de PIB défini par l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prime sur le seuil de – 1 point de PIB défini par l’article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

([37]) Article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 précité.

([38]) Ibid.

([39]) Article 2 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([40]) M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relatives aux lois de finances (MILOLF), XVe législature, 11 septembre 2019.

([41]) Article 5, paragraphe 2, du règlement précité.

([42]) Article 6 du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 9 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 précité.

([43]) Article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le paragraphe 6 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 précité.

([44]) Article 12 du règlement précité, dans sa version modifiée par le paragraphe 11 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 précité.

([45]) Article 2 du règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques.

([46]) Idem.

([47]) Article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 3 de l’article 1er du règlement n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

([48])  Commission européenne, communication de la Commission au Conseil sur l’activation de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, n° COM(2020) 123, 20 mars 2020.

([49])  Commission européenne, communication relative à l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19,° 2020/C 91 I/01, 20 mars 2020.

([50])  Conseil de l’Union européenne, Recommandation du 2 avril 2020 en vue de mettre un terme à la situation de déficit public excessif de la Roumanie, n° 2020/C 116/01.

([51])  Les Échos, « La France appelle à changer en profondeur les règles budgétaires européennes », 22 septembre 2022.

([52]) BCE, Décisions de politique monétaire, communiqué de presse, 4 juin 2020.

([53])  Conseil européen, relevé de conclusion de la réunion des 17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020.

([54])  Commission européenne, proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une Facilité pour la reprise et la résilience, 28 mai 2020.

([55])  Ibid.

([56])  Parlement européen, résolution du Parlement européen du 23 juillet 2020 sur les conclusions extraordinaires du Conseil européen du 17 au 21 juillet 2020.

([57])  Les évaluations des recettes tirées des nouvelles ressources propres citées sont issues de la Commission européenne dans sa proposition de plan de relance du 27 mai 2020. Source : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/factsheet_3_fr_29.05.pdf et Commission européenne, proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne, n  2018/0135 (CNS).

([58])  Article 31 du présent projet de loi de finances.

([59])  Cette somme est calculée à partir de l’hypothèse selon laquelle la réforme du SEQE interviendrait au 1er janvier 2023 – ce qui constitue une hypothèse optimiste au regard des conclusions du Conseil européen qui ne donne pas d’échéance à la Commission européenne autre que la fin du CFP (2027) pour proposer cette réforme.

([60])  Commission européenne, proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne, n  2018/0135 (CNS).

([61])  La clé de la contribution de la France au titre du RNB atteint 17,9 %, L’application de ce taux au total des subventions prévues (312,5 milliards d’euros) correspond à 55,9 milliards d’euros. Ce calcul doit être corrigé de l’impact de la contribution au titre du plastique, qui entraîne une augmentation de 1,2 milliard d’euros de la contribution française en 2021. Le calcul ne prend pas en compte le montant des intérêts à acquitter sur ces sommes empruntées.

([62]) Règlement n° 608/2014 du Conseil du 26 mai 2014 portant mesures d’exécution du système de ressources propres de l’Union européenne.

([63])  Parlement européen, résolution du 23 juillet 2020.

([64]) Conseil d’analyse économique, MM. Philippe Martin et Alain Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, juin 2019 (lien).

([65]) Conseil d’analyse économique, MM. Philippe Martin et Alain Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, juin 2019 (lien).

Conseil d’analyse économique, Mme Camille Urvoy, Impôts sur la production : quel impact sur la compétitivité ?, juin 2019 (lien).

([66]) Conseil d’analyse économique, M. Philippe Martin et Mme Hélène Paris, Éclairage complémentaires sur les impôts, juillet 2020 (lien).

([67]) Rapport d’information (n° 3279, XVe législature) de M. Laurent Saint-Martin sur l’application des mesures fiscales, 29 juillet 2019, (lien).

([68]) Dossier de presse France relance du 3 septembre 2020, p. 121, (lien).

([69]) Gouvernement, dossier de presse Plan de relance, annexe mesures, 3 septembre 2020 (lien).

([70]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, p. 127.

([71]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([72]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([73]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([74]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([75]) Dossier de presse du plan de relance du 3 septembre 2020, p. 10, (lien)

([76]) Amendement n° CF1448.

([77]) Site de présentation du plan de relance, 3 septembre 2020, (lien).

([78]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([79]) Pour la dernière loi de finances, voir Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, annexe 37 : Remboursements et dégrèvements, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2301, 10 octobre 2019.

([80]) Cour des comptes, Note danalyse de lexécution budgétaire 2019, mission Remboursements et dégrèvements, avril 2019. La recommandation n° 4, reconduite depuis 2018, préconise de « modifier la présentation du tableau déquilibre des ressources et des dépenses dans les lois de finances en déduisant des recettes fiscales brutes de lÉtat les seuls remboursements et dégrèvements relatifs à des impôts dÉtat pour la détermination des recettes fiscales nettes ».

([81]) Article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([82])  En raison d’effets d’arrondi au dixième, la somme des augmentations et des baisses détaillées dans le développement précédent peut ne pas correspondre au montant global d’évolution (8,6 milliards d’euros). Ce chiffre est néanmoins repris par souci de cohérence avec les données présentées dans le présent projet de loi de finances.

([83]) Le fonds de compensation pour la TVA verse des dotations, à un taux forfaitaire, visant à compenser la charge de TVA que les collectivités et leurs groupements supportent sur leurs dépenses réelles d’investissement.

([84])  Conseil général de l’environnement et du développement durable et Inspection générale des finances (IGF), Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale, septembre 2019.

([85]) Articles 9 et 15 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([86]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([87]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([88]) Article 13 de la loi n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([89])  Il serait d’ailleurs souhaitable que l’exposé général des motifs du projet de loi de règlement de l’année N présente dans un tableau le schéma d’emplois de l’État et des opérateurs sur le modèle du tableau figurant pages 6 et 7 du dossier de presse accompagnant le présent projet de loi de finances afin de permettre une comparaison aisée entre les objectifs de la loi de finances pour l’année N et la consommation effective des ETP cette même année.

([90]) Par dérogation au principe selon lequel les variations d’emplois sont exprimées en ETP, l’article 10 de la LPFP a fixé un objectif exprimé en ETPT.

([91]) Conformément au III de l’article 7 et au 6° du I de l’article 34 de la loi organique n° 2011‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([92]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 152.

([93]) Décret n° 2016-670 du 25 mai 2016 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation.

([94]) Rapport économique, social et financier pour 2021, p 112.

([95])  Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([96]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, article 3.

([97]) Amendement n° II‑2407 (Rect) au PLF pour 2019 (n° 1255). Cette initiative a été inspirée des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle rapportés par Mme Bénédicte Peyrol et M. Christophe Bouillon dans le rapport d’information (n° 1626) sur les outils publics encourageant l’investissement privé dans la transition écologique, Assemblée nationale, XVe législature, janvier 2019.

([98]) L’annexe générale présentant l’ensemble des crédits inscrits dans le projet de loi de finances en faveur de la protection de la nature et de l’environnement ; l’annexe générale sur le financement de la transition énergétique ; et le document de politique transversale sur la lutte contre le changement climatique.

([99]) Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des finances, Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale, septembre 2019.

([100]) Avis n° HCFP - 2020 – 5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, 28 septembre 2020.

([101]) Le passage du taux de croissance en valeur au taux de croissance en volume s’obtient ici en retranchant au taux de croissance en valeur l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac, selon la méthode usuelle du Gouvernement.

([102])  Depuis septembre 2014, le système européen des comptes nationaux (SEC) enregistre les crédits d’impôts dits restituables comme un surplus de dépenses. Le Gouvernement fait généralement le choix d’une double présentation de la dépense publique dans les documents budgétaires. Pour neutraliser les effets de périmètre liés à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et à la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique en prime, le présent rapport expose la dépense publique hors crédits d’impôts.

([103]) Rapport économique, social et financier 2021, p 88.

([104]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, pp. 132 et suivantes.

([105])  M. Laurent Saint‑Martin, rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (n° 2210), Assemblée nationale, XVe législature, p. 39‑40.

([106]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([107]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([108])  Haut conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, 21 septembre 2021.

([109]) Cour des comptes, Les résultats de la sécurité sociale, juin2020.

([110]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

([111]) Il faut distinguer, d’une part, la charge de la dette publique française qui, exprimée en comptabilité nationale, est la charge d’intérêts de l’ensemble des administrations publiques et, d’autre part, la charge d’intérêts de la dette de l’État, qui est exprimée en comptabilité budgétaire et dont les crédits sont portés par le programme 117 du budget général.

([112]) Rapport (n° 3124, XVème législature) de M. Laurent Saint-Martin en conclusion des travaux d’une mission d’information relative à la dette publique, 23 juin 2020.  

([113]) Remarquons que cet indicateur mêle une approche par « stock » (l’encours de dette) et une approche par « flux », le PIB étant assimilable à la richesse nationale d’une année.

([114]) Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) définis par la comptabilité nationale recoupent largement les opérateurs de l’État, notion de comptabilité budgétaire.

([115]) Les administrations locales regroupent les collectivités territoriales et des organismes divers d’administration locale, notamment les établissements publics locaux.

([116]) projections macroéconomiques de la BCE de septembre 2020

([117]) Voir par exemple, Conseil d’analyse économique, Une stratégie économique face à la crise, note n° 57, juillet 2020 (lien).

([118]) Rapport (n° 3124, XVe législature) de M. Laurent Saint-Martin en conclusion des travaux d’une mission d’information relative à la dette publique, 23 juin 2020.

([119]) On remarquera que le PIB est assimilable à la richesse nationale annuelle. Le ratio dette publique / PIB revient donc à faire le rapport entre un « stock » et un « flux ».

([120]) Selon les comptes nationaux de l’INSEE, base 2014, le programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 et le programme de stabilité pour les années 2019 à 2022.

([121]) Les flux de créances sont des opérations neutres sur le déficit en comptabilité nationale, mais qui ont un effet sur le niveau de la dette. Les principaux postes affectant les flux de créances sont les décalages entre le solde budgétaire et le solde de l’État en comptabilité nationale, comme la comptabilisation des crédits d’impôts reportables, les opérations financières, les corrections en droits constatés sur les dépenses et les recettes.

([122])  Conseil européen, relevé de conclusion de la réunion des 17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020.

([123]) Haut conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, septembre 2020.

([124]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, page 81.