N° 3399

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 29
 

 

JUSTICE

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Patrick HETZEL

 

Député

____


 

 


SOMMAIRE

___

Principales analyses du rapporteur spÉcial

donnÉes clÉs

INTRODUCTION

I. Une augmentation des moyens de la mission Justice qui compense LES retards pris sur la trajectoire dÉfinie dans la loi de programmation et de rÉforme pour la justice

A. L’augmentation des crÉdits et des EMPLOIS de la mission Justice

1. L’augmentation des crédits budgétaires

2. L’augmentation des emplois et de la masse salariale

B. Un rattrapage NÉcessaire qui ne comble toutefois pas l’ensemble des retards pris par la justice en France

1. Un rattrape nécessaire des retards pris sur la trajectoire définie dans la loi de programmation et de réforme pour la justice

2. La hausse du budget ne doit pas masquer l’augmentation des restes à payer

3. Le budget de la justice judiciaire demeure inférieur à celui des pays européens comparables

II. Le programme 166 Justice judiciaire : DES MOYENS CONSOLIDÉS dans un contexte de fort engorgement des juridictions

A. L’augmentation des crédits et des emplois des juridictions

1. Une augmentation des emplois affectés aux juridictions orientée vers le renforcement de la justice de proximité

a. Le schéma d’emplois 2021 prévoit une création nette de 318 ETP

b. Une hausse des emplois qui doit renforcer la justice de proximité

2. Une hausse des crédits budgétaires portée par l’augmentation des frais de justice et par l’immobilier judiciaire

a. Une plus grande sincérité dans les prévisions de dépenses des frais de justice

b. Les dépenses de l’immobilier judiciaire portées par la nouvelle programmation judiciaire

c. Les crédits de fonctionnement courant en légère hausse

3. Un nouvel opérateur rattaché au programme 166

B. Les indicateurs de performance confirment le fort engorgement des juridictions

II. Le programme 107 Administration pénitentiaire : La hausse des crÉdits dÉdiÉs aux programmes immobiliers ne lÈve pas les incertitudes

A. Le renforcement des moyens de l’administration pÉnitentiaire est portÉ par la nÉcessaire mise en œuvre du « plan prisons »

1. L’augmentation des emplois dans une administration encore largement sous dotée

2. Une augmentation des crédits hors titre 2 portée par l’immobilier pénitentiaire

a. Une augmentation de 163 millions d’euros des crédits destinés aux programmes de l’immobilier pénitentiaire

b. La nécessité de renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires

c. Le renouvellement d’un marché de gestion déléguée

d. Les dépenses allouées à la prévention de la récidive

e. Des moyens consolidés pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP)

B. Une baisse de la population carcÉrale qui ne doit cependant pas masquer la dÉtÉrioration des indicateurs relatifs à l’immobilier pÉnitentiaire

1. Une baisse inédite de la population carcérale qui doit permettre d’améliorer les conditions de détention

2. La détérioration des indicateurs relatifs aux opérations immobilières

III. Programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse : une progression des crédits modÉrÉe qui ne doit pas empêcher d’avancer sur les rÉformes en cours

A. Une progression modÉrÉe des crÉdits affectÉs À la protection judiciaire de la jeunesse

1. Une hausse annoncée de 40 emplois

2. Les crédits hors titre 2 principalement portés par les projets immobiliers

B. Des performance qui restent tributaires des rÉformes en cours

IV. Programme 101 AccÈs au droit et à la justice : La hausse annoncÉe de l’aide juridictionnelle dans un contexte de dÉgradation des indicateurs de performance

A. Une hausse du budget de l’aide juridictionnelle dont les modalitÉs demeurent À clarifier

1. Une augmentation de l’aide juridictionnelle qui reste à préciser

2. Un renforcement des mesures d’aide aux victimes

B. La dÉgradation des indicateurs de performance relatifs À l’aide juridictionnelle se poursuit

V. Programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice : la nécessitÉ d’accÉler le plan de transformation numérique du ministère de la justice

A. l’augmentation des moyens du programme 310 guidÉe par la nÉcessitÉ de renforcer le plan de transformation numÉrique

1. Une création nette de 50 emplois est annoncée

2. Les crédits hors titre 2 portés par le plan de transformation numérique

a. La poursuite du plan de transformation numérique du ministère de la justice

b. Les autres dépenses

B. Les indicateurs de performance ne laissent entrevoir que de modestes amÉliorations

EXAMEN EN COMMISSION


— 1 —

   Principales analyses du rapporteur spÉcial

 

En 2021, la mission Justice bénéficiera de 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 10 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse, respectivement, de 32 % et de 7 % par rapport à la loi de finances pour 2020. Les crédits de paiement de la mission atteignent 8,2 milliards d’euros hors contribution au CAS Pensions, soit une augmentation de 607 millions d’euros (+ 8 %).

Le projet de loi de finances prévoit également un schéma d’emplois en augmentation de 1 500 équivalents temps plein (ETP), dont 1 092 ETP pour l’administration pénitentiaire, 318 ETP pour la justice judiciaire, 40 ETP pour la protection judiciaire de la jeunesse et 50 ETP pour la conduite et le pilotage de la politique de la justice.

En outre, dans le cadre du renforcement de la justice de proximité, est prévue une création exceptionnelle de 950 ETP à compter de la fin de gestion 2020, qui s’ajoutent aux 1 520 ETP ouverts en loi de finances pour 2020. Parmi ces emplois, 714 seront des emplois de juristes assistants et de renforts de greffe, 86 des éducateurs pour la protection judiciaire de la jeunesse et 100 viendront renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Si l’augmentation des crédits et des emplois est bienvenue, le rapporteur tient à souligner que celle-ci ne constitue qu’un rattrapage nécessaire des retards pris sur la trajectoire définie dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Par ailleurs, le dernier rapport d’évaluation de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) montre que le budget de la justice demeure inférieur en France (69,50 euros par habitant) à celui des autres pays européens comparables (131,20 euros par habitant en Allemagne, 92,60 euros en Espagne et 83,17 euros en Italie).

Sur le programme 166 Justice judiciaire, la hausse des crédits de paiement (+ 6 %) s’accompagne d’une plus grande sincérité dans les prévisions de dépense des frais de justice, traditionnellement sous-budgétisés (+ 127 millions d’euros). L’évolution des crédits suit également la progression des dépenses de l’immobilier judiciaire (+ 6 %). Toutefois, les indicateurs de performance confirment le fort engorgement des juridictions.

Le programme 107 Administration pénitentiaire bénéficie de crédits en très forte augmentation avec 6,3 milliards d’euros en AE (+ 75 %) et 4,3 milliards d’euros en CP (+ 8 %). La hausse est principalement destinée à financer le plan de construction de 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027. Néanmoins, les derniers exercices budgétaires ainsi que les indicateurs de performance montrent la difficulté du ministère à consommer l’intégralité de ses crédits d’investissement.

Le programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse connaît une hausse modérée de ses crédits, principalement portés par la construction de cinq nouveaux centres éducatifs fermés. Toutefois, les performances du programme restent tributaires des réformes en cours, à commencer par la réforme de l’ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs qui doit entrer en vigueur en mars 2021.

Le programme 101 Accès au droit et à la justice bénéficie d’une hausse de ses crédits de 10 % en AE et en CP. L’aide juridictionnelle augmente de 49,7 millions d’euros. Cette enveloppe comprend 25 millions d’euros pour financer des mesures non encore précisées qui seront retenues à la suite de mission Perben. Le rapporteur spécial fait siennes les propositions de la mission visant à revaloriser l’aide juridictionnelle.

Les crédits du programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice augmentent du fait de la progression des crédits destinés au plan de transformation numérique du ministère de la justice (142 millions d’euros en AE et 200 millions d’euros en CP en 2021). Le rapporteur spécial soutient volontiers la réalisation des projets de modernisation du ministère qui, s’ils sont menés à leur terme, paraissent susceptibles d’améliorer la qualité du service public de la justice.

 


— 1 —

   donnÉes clÉs

 

Évolution des crÉdits de paiement par rapport À la trajectoire
dÉfinie dans la loi de programmation 2018-2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les notes d’analyse de l’exécution budgétaire de la Cour des comptes et les annexes budgétaires au projet de loi de finances pour 2021.

 

Évolution des emplois par rapport À la trajectoire
dÉfinie dans la loi de programmation 2018-2022

(en ETP)

Source : commission des finances d’après les notes d’analyse de l’exécution budgétaire de la Cour des comptes et les annexes budgétaires au projet de loi de finances pour 2021.

 


— 1 —

   INTRODUCTION

Le présent rapport spécial analyse les crédits de la mission Justice du projet de loi de finances pour 2021, qui comprend l’ensemble des moyens humains, matériels et financiers dont dispose le ministère de la justice.

La mission Justice finance trois programmes « métiers » qui concourent à l’organisation et au fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire (programme 166), des services pénitentiaires (programme 107) ainsi que des services de la protection judiciaire de la jeunesse (programme 182).

Le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice rassemble les moyens de l’état-major, des directions législatives et des services d’intérêt commun du ministère. Le programme 101 finance la politique de soutien à l’accès au droit et à la justice. Enfin, le programme 335 vise à garantir l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature.

Comme les années précédentes, près de 80 % des crédits de paiement sont concentrés sur l’administration pénitentiaire et la justice judiciaire.

RÉpartition des crédits de paiements de la mission Justice en 2021

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2021.

Le périmètre de la mission Justice ne comprend pas les juridictions administratives, dont les crédits sont inscrits au programme 165 de la mission Conseil et contrôle de l’État.

Comme les années précédentes, le budget de la justice est en hausse, notamment en raison de la consolidation des moyens confiés à l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) pour la mise en œuvre des programmes de construction judiciaire et pénitentiaire.

Après une année 2020 marquée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19, le ministère de la justice poursuivra, en 2021, la mise en œuvre de la loi de programmation et de réforme pour la justice ([1]). La réforme de l’ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs et le nouveau code de de justice pénal des mineurs entreront en vigueur en mars 2021. Un renforcement de la justice de proximité est également annoncé ; il conviendra de s’en assurer lors de l’exécution budgétaire.

Néanmoins, l’efficacité d’un système judiciaire ne tient pas uniquement à l’importance des crédits et des emplois dont il dispose : encore faut-il que l’augmentation des moyens s’accompagne d’une amélioration significative des performances du ministère de la justice.

 

 


—  1  —

I.   Une augmentation des moyens de la mission Justice qui compense LES retards pris sur la trajectoire dÉfinie dans la loi de programmation et de rÉforme pour la justice

La loi de finances pour 2020 ([2]) ne respectait pas la trajectoire prévue dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, qui venait pourtant d’être adoptée. Le rapporteur spécial, qui avait appelé le Gouvernement à veiller au respect des engagements pris devant le Parlement, note avec satisfaction le rattrapage de ces retards pour 2021. Toutefois, cela n’a rien d’exceptionnel, puisqu’il s’agit uniquement de respecter une loi votée.

A.   L’augmentation des crÉdits et des EMPLOIS de la mission Justice

L’augmentation des moyens de la mission Justice prévue en 2021 procède à la fois d’une augmentation des crédits budgétaires et d’une hausse des emplois à la disposition du ministère de la justice.

1.   L’augmentation des crédits budgétaires

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une forte augmentation des crédits de la mission Justice par rapport à la loi de finances pour 2020.

Évolution des crédits de la mission Justice entre 2020 et 2021

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Programme 166 – Justice judiciaire

3 610,3

3 798,3

+ 5,2 %

3 500,6

3 720,8

+ 6,3 %

Programme 107 – Administration pénitentiaire

3 582,4

6 267,1

+ 74,9 %

3 958,8

4 267,6

+ 7,8 %

Programme 182 – Protection judiciaire de la jeunesse

930,9

955,8

+ 2,7 %

893,6

944,5

+ 5,7 %

Programme 101 – Accès au droit et à la justice

530,5

585,2

+ 10,3 %

530,5

585,2

+ 10,3 %

Programme 310 – Conduite et pilotage de la politique de la justice

452,3

463,3

+ 2,4 %

500,5

534,8

+ 6,9 %

Programme 335 – Conseil supérieur de la magistrature

5,97

4,4

– 25,9 %

4,9

5,3

+ 7,2 %

Total

9 112,4

12 074,1

+ 32,5 %

9 388,9

10 058,2

+ 7,1 %

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2021.

Les autorisations d’engagement dépassent 12 milliards d’euros (+ 32,5 %) et les crédits de paiement 10 milliards d’euros (+ 7,1 %).

À l’exception du programme 355 Conseil supérieur de la magistrature, l’ensemble des programmes de la mission bénéficient d’une augmentation de leurs autorisations d’engagement et de leurs crédits de paiement. Les évolutions les plus dynamiques concernent :

– le programme 107 Administration pénitentiaire, avec la mise en œuvre du plan de construction de 15 000 places supplémentaires dans les prisons ;

– le programme 101 Accès au droit et à la justice, avec une hausse des crédits de l’aide juridictionnelle de 49,7 millions d’euros ;

– le programme 166 Justice judiciaire, avec un renforcement de la justice de proximité à hauteur de 200 millions d’euros pour lutter contre les délits et les incivilités du quotidien et consolider l’action judiciaire de proximité ;

– le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice, avec la poursuite du plan de transformation numérique du ministère de la justice.

Le projet de loi de finances pour 2021 prolonge ainsi le mouvement d’augmentation des moyens de la mission Justice ininterrompu depuis 2014.

Évolution des crédits de paiement de la mission Justice (2014-2020)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance et le projet de loi
de finances pour 2020.

2.   L’augmentation des emplois et de la masse salariale

L’article 37 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation du plafond des autorisations d’emplois du ministère de la justice de 87 617 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2020 à 89 882 ETPT en 2021. Cette hausse (+ 2,6 %) intervient dans la continuité des lois de finances votées depuis 2014.

Évolution du plafond d’emplois de la mission Justice (2014-2020)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance et le projet de loi de finances pour 2020.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un schéma d’emplois en augmentation de 1 500 équivalents temps plein (ETP) sur l’ensemble de la mission Justice, dont 1 092 ETP pour l’administration pénitentiaire, 318 ETP pour la justice judiciaire, 40 ETP pour la protection judiciaire de la jeunesse et 50 ETP pour la conduite et le pilotage de la politique de la justice.

Dans le cadre du renforcement de la justice de proximité annoncé par le Gouvernement, est aussi prévue une création exceptionnelle de 950 ETP à compter de la fin de gestion 2020, qui s’ajoutent aux 1 520 ETP ouverts en loi de finances pour 2020. Parmi ces emplois, 714 seront des emplois de juristes assistants et de renforts de greffe, 86 des éducateurs pour la protection judiciaire de la jeunesse et 100 viendront renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Au total, le nombre des emplois créés sur la mission Justice dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 s’élève donc à 2 450 ETP.

 

Le montant des dépenses de personnel atteint 5,95 milliards d’euros ou 4,09 milliards d’euros hors contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions. L’augmentation de la masse salariale résulte notamment d’une enveloppe de mesures catégorielles pour un montant de 51 millions d’euros visant à :

– poursuivre la mise en œuvre des revalorisations prévues dans le cadre de l’accord relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) et du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) ;

– accompagner la réforme de l’organisation judiciaire et renforcer l’attractivité du ministère public ;

– permettre l’application du relevé de conclusions du 29 janvier 2018 relatif à l’administration pénitentiaire ;

– renforcer l’action sociale du ministère de la justice (+ 7 % en 2021).

B.   Un rattrapage NÉcessaire qui ne comble toutefois pas l’ensemble des retards pris par la justice en France

L’augmentation des crédits et des emplois prévue dans le projet de loi de finances pour 2021 permet de rattraper les retards pris en 2020 sur la trajectoire définie dans la loi de programmation et de réforme pour la justice. Toutefois, la France demeure fortement en retard par rapport à d’autres pays européens.

1.   Un rattrape nécessaire des retards pris sur la trajectoire définie dans la loi de programmation et de réforme pour la justice

La loi de programmation et de réforme pour la justice prévoit de porter les crédits de paiement de la mission Justice de 7,0 à 8,3 milliards d’euros – hors contribution au CAS Pensions – ainsi que la création de 6 500 emplois entre 2018 et 2022. De fait, avec 7,584 milliards d’euros (hors CAS Pensions) et + 1 520 EPT prévus, la loi de finances pour 2020 ne respectait pas la trajectoire définie, tant du point de vue l’autorisation de dépenses (– 115 millions d’euros) que de la création d’emplois (– 100 ETP).

Ce décrochage provenait des retards pris dans la mise en œuvre de certains projets immobiliers et des difficultés de l’administration pénitentiaire à trouver des terrains appropriés du fait d’un manque de candidatures aux appels d’offres et des oppositions locales à l’établissement de nouvelles structures sur les sites identifiés. Cette situation regrettable ne pouvait que jeter un doute sur le réalisme des objectifs fixés et la portée des engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement.

De surcroît, l’analyse de l’exécution budgétaire 2018 et 2019 montre que le budget de la justice a toujours été inférieur à la trajectoire prévue dans la loi de programmation 2018-2022, à l’exception du nombre d’emplois créé en 2018.

Évolution des crÉdits et des emplois par rapport À la trajectoire
dÉfinie dans la loi de programmation 2018-2022

 

 

LPJ

Exécution /
LFI / PLF

Différence

Crédits de paiements
(en millions d’euros)

2018

7 000

6 861

– 139

2019

7 300

7 161

– 139

2020

7 700

7 585

– 115

2021

8 000

8 203

+ 203

Emplois
(en ETP)

2018

1 100

1 136

+ 36

2019

1 300

1 086

– 214

2020

1 620

1 520

– 100

2021

1 260

1 500

+ 240

Source : commission des finances d’après les notes d’analyse de l’exécution budgétaire 2018-2019 de la Cour des comptes et les annexes budgétaires au projet de loi de finances pour 2021.

Dans le projet de loi de finances pour 2021, les crédits de paiement de la mission Justice atteignent 8,203 milliards d’euros hors contribution au CAS Pensions, soit une augmentation de 607 millions d’euros ([3]) (+ 8 %) par rapport à la loi de finances pour 2020. Le budget prévu respecte donc la trajectoire définie dans la loi de programmation et de réforme pour la justice (8,0 milliards d’euros prévus en 2021). De même, s’agissant des emplois, le schéma d’emplois de 1 500 ETP prévus dans le projet de loi de finances pour 2021 excède légèrement l’objectif de création de 1 260 ETP prévus en 2021.

Ces moyens supplémentaires doivent permettre de continuer la mise en œuvre de la loi de programmation et de réforme pour la justice tout en tenant compte des nouvelles contraintes imposées par la crise sanitaire. En outre, le Gouvernement a annoncé un renforcement de la justice de proximité à hauteur de 200 millions d’euros qui inclut la création de 950 ETP supplémentaires en 2021.

Bien que le rapporteur spécial n’entende pas minorer l’augmentation des crédits et des emplois prévue dans le projet de loi de finances pour 2021, celle-ci ne constitue qu’un rattrapage normal des retards pris en 2018-2020. Il n’y a donc là rien d’exceptionnel, puisqu’il s’agit uniquement de respecter une loi votée. Le rapporteur note avec satisfaction que le Gouvernement a entendu son appel à respecter la trajectoire fixée dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, condition nécessaire, bien que non suffisante, à l’amélioration du service public de la justice.

Évolution des crÉdits de paiement par rapport À la trajectoire
dÉfinie dans la loi de programmation 2018-2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les notes d’analyse de l’exécution budgétaire 2018-2019 de la Cour des comptes et les annexes budgétaires au projet de loi de finances pour 2021.

Évolution des emplois par rapport À la trajectoire
dÉfinie dans la loi de programmation 2018-2022

(en ETP)

Source : commission des finances d’après les notes d’analyse de l’exécution budgétaire 2018-2019 de la Cour des comptes et les annexes budgétaires au projet de loi de finances pour 2021.

Par ailleurs, l’analyse de l’exécution des derniers exercices budgétaires laisse entrevoir des risques de sous-consommation, d’une part, des crédits, et notamment des crédits liés aux investissements immobiliers et, d’autre part, des emplois, en raison de l’insuffisance chronique des dépenses de personnel budgétées. Dès lors, il conviendra de veiller à ce que les engagements soient réellement tenus dans les faits et à ce que les autorisations de crédits et d’emplois soient bien consommées en intégralité.

2.   La hausse du budget ne doit pas masquer l’augmentation des restes à payer

Le rapporteur spécial constate que les restes à payer de la mission Justice non seulement demeurent très élevés, mais sont en hausse sensible. Le montant des engagements juridiques non couverts par des crédits de paiement au 31 décembre 2020 est estimé à 7,5 milliards d’euros, en hausse de 13,1 % par rapport au montant indiqué dans les projets annuels de performance 2020 (6,6 milliards d’euros).

Évolution des restes À payer de la mission Justice

(en millions d’euros)

 

Crédits de paiement

 

PLF 2020

PLF 2021

Évolution

Programme 166 – Justice judiciaire

1 625

1 899

+ 16,9 %

Programme 107 – Administration pénitentiaire

4 574

5 093

+ 11,3 %

Programme 182 – Protection judiciaire de la jeunesse

79,8

125,2

+ 56,9 %

Programme 101 – Accès au droit et à la justice

1,4

2,27

+ 62,1 %

Programme 310 – Conduite et pilotage de la politique de la justice

378,8

407,9

+ 7,7 %

Programme 335 – Conseil supérieur de la Magistrature

0,3

1,37

+ 334,9 %

Total

6 659,3

7 528,7

+ 13,1 %

Source : commission des finances d’après les projets annuels de performance annexés aux projets de loi de finances pour 2020 et 2021.

Les engagements non couverts par des crédits de paiement sont particulièrement importants pour l’administration pénitentiaire (5,1 milliards d’euros) et pour la justice judiciaire (1,9 milliard d’euros). Si les montants sont bien moindres pour la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que pour l’accès au droit et à la justice, ils n’en augmentent pas moins de 56,9 % et de 62,1 %.

Ces restes à payer représentent près de 75 % des crédits de paiement ouverts dans le projet de loi de finances pour 2021. La hausse des crédits et des emplois de la justice prévue pour 2021 ne doit donc pas masquer l’augmentation des restes à payer, qui risquent de contraindre les marges de manœuvre en gestion et de limiter la capacité du ministère à s’engager sur de nouveaux projets.

3.   Le budget de la justice judiciaire demeure inférieur à celui des pays européens comparables

S’agissant du budget de la justice judiciaire, hors dépenses de l’administration pénitentiaire, le rapporteur spécial souligne que l’augmentation du budget prévue en 2021 ne permettra pas à la France de combler son retard sur les autres pays européens.

Le dernier rapport d’évaluation de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) ([4]) montre que la France a dépensé, en 2018, 69,50 euros par habitant pour la justice judiciaire (tribunaux, ministère public, aide juridictionnelle). Ce montant est en hausse par rapport aux chiffres communiqués en 2018 (65,90 euros par habitant en 2016) et confirme les ambitions dessinées dans la loi de programmation et de réforme pour la justice.

Toutefois, la France demeure en dessous de la moyenne des quarantesept États membres de la CEPEJ (71,50 euros) et plus encore si on la compare avec les pays ayant un produit intérieur brut par habitant similaire (131,20 euros par habitant pour l’Allemagne, 92,60 euros pour l’Espagne, 83,70 euros pour le Belgique et 83,17 euros pour l’Italie).

Le rapporteur spécial ne peut que reprendre à son compte les conclusions de la CEPEJ, qui s’appuie elle-même sur le rapport sur l’indépendance du système judiciaire publié par la Commission de Venise en 2010 : l’« État a le devoir d’allouer des ressources financières suffisantes au système judiciaire. Même en temps de crise, le bon fonctionnement et l’indépendance des juges ne doivent pas être mis en péril. »


II.   Le programme 166 Justice judiciaire : DES MOYENS CONSOLIDÉS dans un contexte de fort engorgement des juridictions

La crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19 est venue aggraver l’engorgement déjà très fort des juridictions et retarder la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation et de réforme pour la justice, qui devaient notamment accompagner la fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance en des tribunaux judiciaires soutenus par des tribunaux de proximité intervenue le 1er janvier 2020. Dans ce contexte, il était indispensable de renforcer les moyens des juridictions en 2021.

A.   L’augmentation des crédits et des emplois des juridictions

En 2021, le programme 166 Justice judiciaire bénéficiera de 3,79 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,72 milliards d’euros en crédits de paiement, en augmentation, respectivement, de 5,2 % et de 6,3 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

Évolution des crédits du programme 166 Justice judiciaire

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Action 01 – Traitement et jugement des contentieux civils

1 026,3

1 062,2

+ 3,5 %

1 026,3

1 062,2

+ 3,5 %

Action 02 – Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

1 214,8

1 362,4

+ 12,1 %

1 214,8

1 362,4

+ 12,1 %

Action 03 – Cassation

60,8

62,2

+ 2,2 %

60,8

62,2

+ 2,2 %

Action 05 – Enregistrement des décisions judiciaires

13,0

13,3

+ 2,3 %

13,0

13,3

+ 2,2 %

Action 06 – Soutien

1 118,0

1 120,5

+ 0,2 %

1 008,3

1 042,9

+ 3,4 %

Action 07 – Formation

155,3

159,1

+ 2,4 %

155,3

159,1

+ 2,4 %

Action 08 – Support à l’accès au droit et à la justice

21,99

18,7

– 14,9 %

22,0

18,7

– 14,9 %

Total

3 610,3

3 798,3

+ 5,2 %

3 500,6

3 720,8

+ 6,3 %

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

1.   Une augmentation des emplois affectés aux juridictions orientée vers le renforcement de la justice de proximité

Les dépenses de personnel du programme 166 prévues en 2021 s’élèvent à 2,452 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en hausse de 66 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020 (+ 2,8 %). Hors contribution au CAS Pensions, les crédits de titre 2 s’élèvent à 1,732 milliard d’euros et augmentent de 50,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020 (+ 3 %). La hausse de ces dépenses doit financer une augmentation des emplois ainsi qu’un renforcement de la justice de proximité.

a.   Le schéma d’emplois 2021 prévoit une création nette de 318 ETP

L’augmentation des dépenses de personnel résulte d’un schéma d’emplois autorisant la création en 2021 de 318 ETP supplémentaires, qui doivent venir renforcer l’équipe autour du magistrat et combler certaines vacances de postes dans les greffes.

En conséquence, le plafond d’emplois du programme 166 prévu pour 2021 s’élève à 34 687 ETPT, en augmentation par rapport au projet de loi de finances pour 2020 (+ 2,8 %), même si 500 des ETPT créés relèvent de « corrections techniques ».

La hausse des crédits de titre 2 résulte aussi de l’achèvement du processus de transfert du contentieux social géré au niveau des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l’incapacité (+ 14,8 millions d’euros hors contribution au CAS Pensions), de l’augmentation des moyens permettant un recours plus étendu aux magistrats à titre temporaire et magistrats honoraires juridictionnels (13,1 millions d’euros) et de la mise en œuvre de mesures catégorielles au profit des personnels de greffe (+ 10,4 millions d’euros).

Il convient de souligner la baisse des crédits de titre 2 sur l’action 08 Support à l’accès au droit et à la justice (– 14,9 %), qui finance les dépenses du service de l’accès au droit et à la justice. En 2021, ces personnels sont transférés sur le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice.

b.   Une hausse des emplois qui doit renforcer la justice de proximité

Dans le cadre du renforcement annoncé de la justice de proximité, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création de 764 emplois de juristes assistants et de renforts de greffe. Outre les 150 emplois créés dès 2020 (50 juristes assistants et 100 contractuels de catégorie B), 614 nouveaux emplois seront créés dans les tribunaux judiciaires et les tribunaux de proximité afin de renforcer les parquets et de les doter de nouveaux délégués du procureur.

Le rapporteur spécial salue ce renforcement annoncé de la justice de proximité et de la lutte contre la délinquance du quotidien, qu’il avait appelé de ses vœux lors des débats sur le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice. Toutefois, il regrette que les ambitions aient été revues à la baisse et que, contrairement aux annonces faites par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le 15 juillet 2020, il ne soit plus question de mettre en place de véritables juges de proximité.

Le rapporteur spécial estime que les moyens déployés devraient au contraire être mis au service d’une réelle justice de proximité. Cela supposerait l’affectation d’au moins un nouveau magistrat et d’un juge d’instruction à temps plein dans chaque tribunal judiciaire, y compris chaque tribunal de proximité, pour lutter contre la tendance à l’éloignement de la justice dans les territoires ruraux. Or, rien ne le garantit aujourd’hui.

2.   Une hausse des crédits budgétaires portée par l’augmentation des frais de justice et par l’immobilier judiciaire

Les crédits du programme 166 hors titre 2 s’élèvent à 1,269 milliard d’euros, en progression de 14 % par rapport à 2020.

a.   Une plus grande sincérité dans les prévisions de dépenses des frais de justice

La hausse des crédits du programme 166 résulte tout d’abord de l’augmentation des frais de justice qui s’élèvent à 618,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2021, en hausse de 127 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020. Ces dépenses représentent l’intégralité des crédits hors titre 2 des actions 01 et 02.

Sur l’action 01 Traitement et jugement des contentieux civils, la part de l’action civile dans le montant des frais de justice est en baisse (7,8 % des crédits prévus en 2021 contre 10,1 % en loi de finances pour 2020) en raison d’une moindre activité dans les tribunaux de commerce, avec un nombre de demandes d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation en baisse.

Sur l’action 02 Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, les frais de justice pénale – qui représentent 92 % de la dotation globale en frais de justice pour un montant de 569,83 millions d’euros en 2021 – sont quant à eux en hausse de 30 % par rapport à la loi de finances pour 2020. Cette augmentation tient compte du dynamisme de l’exécution 2019 et des mesures nouvelles prévues dans le cadre du renforcement de certaines politiques pénales (lutte contre les violences faites aux femmes, mise en place du test salivaire lors des contrôles routiers, développement des expertises psychiatres et psychologues, renforcement du rôle des procureurs dans le cadre de la justice de proximité, amélioration de l’accueil des victimes du terrorisme).

Le rapporteur spécial salue l’augmentation des autorisations de dépenses prévues pour les frais de justice, après une sousbudgétisation persistante qui avait été dénoncée par la Cour des comptes ([5]).

Néanmoins, il souligne que l’amélioration de la connaissance et la maîtrise des frais de justice doivent demeurer un objectif prioritaire. À ce titre, les économies annoncées sur l’action 02 grâce à la montée en charge de la plate‑forme nationale d’interceptions judiciaires (PNIJ), à l’harmonisation des tarifs de géolocalisation pour les prestataires (– 16,70 millions d’euros) ainsi qu’à la baisse des coûts de traduction par l’acquisition et la mise en œuvre d’un logiciel de traduction automatique (– 4 millions d’euros) sont les bienvenues.

b.   Les dépenses de l’immobilier judiciaire portées par la nouvelle programmation judiciaire

En 2021, les dépenses d’investissement de l’immobilier des juridictions, qui figurent sur l’action 06 Soutien, s’élèveront à 294,33 millions d’euros en autorisations d’engagement et 226,83 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 6 % par rapport à 2020, pour poursuivre la programmation et accompagner la réforme de l’organisation des tribunaux.

Les crédits d’investissement immobilier hors partenariat public privé (173,9 millions d’euros) continuent de progresser (+ 8 %). Ils reposent, d’une part, sur les opérations prévues au niveau déconcentré pour la mise à niveau des palais de justice et la mise en accessibilité des bâtiments (75 millions d’euros en autorisations d’engagement et 104 millions d’euros en crédits de paiement).

Ces crédits reposent aussi, d’autre part, sur les opérations confiées à l’APIJ – 186 millions d’euros en autorisations d’engagement et 69,9 millions d’euros en crédits de paiement – pour financer la montée en charge de la nouvelle programmation judiciaire (NPJ) initiée en 2018. Cela inclut notamment l’extension du tribunal judiciaire de Bobigny programmée à partir de 2021 pour une livraison en 2025 (120 millions d’euros en autorisations d’engagement).

Les crédits dédiés aux contrats de partenariat public privé s’élèvent à 33,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 52,9 millions d’euros en crédits de paiement, principalement pour les palais de justice de Paris et de Caen.

c.   Les crédits de fonctionnement courant en légère hausse

Les crédits de fonctionnement prévus sur l’action 06 Soutien s’élèvent à 390,12 millions d’euros en autorisations d’engagement et 380,09 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation, respectivement, de 6 % et 4 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

Les dépenses de fonctionnement courant des juridictions, qui comprennent toutes les dépenses qui ne relèvent pas de l’immobilier (affranchissement, achat d’équipements et services, frais de déplacement, frais de documentation), s’élèvent à 163,80 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une hausse de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2020 (155,60 millions d’euros). Ces crédits permettront d’accompagner l’augmentation des effectifs mais également de combler certains des manques révélés par la crise sanitaire (renforcement des outils informatiques, outils de visioconférence pour les audiences dans les tribunaux).

Les dépenses de l’immobilier occupant des juridictions (fluides, loyers, nettoyage, entretien) s’élèvent à 226,32 millions d’euros en autorisations d’engagement et 216,28 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse, respectivement, de 7 % et 2 % par rapport à la loi de finances pour 2020 (211,42 millions d’euros). La différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement s’explique par la recherche d’économies sur le moyen terme conduisant à la négociation de baux de plus longue durée générant un besoin d’autorisations d’engagement plus important.

3.   Un nouvel opérateur rattaché au programme 166

Les dépenses d’intervention du programme 166 Justice judiciaire s’élèvent à 1,72 million d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour 2021. Elles comprennent la subvention allouée par la direction des services judiciaires au Conseil national des barreaux pour la formation des élèves avocats (1,67 million d’euros) ainsi que la subvention prévue pour la Fédération des conciliateurs de France (50 000 euros).

S’agissant des opérateurs, la subvention pour charges de service public versée sur l’action 07 Formation à l’École nationale de la magistrature (ENM) s’élève à 33,2 millions d’euros pour 2021, un montant inchangé par rapport à 2020. Le montant du plafond des emplois rémunérés par l’opérateur n’est pas modifié (224 ETPT) tandis que le nombre d’emplois de l’ENM rémunérés par l’État sur le programme 166 demeure fixé à 1 169 ETP.

Par ailleurs, le programme 166 est doté d’un nouvel opérateur : l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Cela fait suite à une réflexion initiée par nos collègues MM. Saint‑Martin et Warsmann ([6]) ainsi qu’à une recommandation de la Cour des comptes ([7]). L’AGRASC est un établissement public administratif, créé en 2010 et placé sous la double tutelle des ministères de la justice et du budget, qui facilite les saisies et la confiscation en matière pénale.

L’agence n’est financée par aucun crédit budgétaire mais par une fraction du produit des avoirs confisqués (plafonnée à 1,3 million d’euros) et par le produit des intérêts perçus sur le stock des avoirs confisqués et saisis (7,8 millions d’euros en 2020). Le plafond des emplois rémunéré par l’opérateur est fixé à 45 ETPT.

B.   Les indicateurs de performance confirment le fort engorgement des juridictions

La hausse des crédits et des emplois affectés à la justice judiciaire s’inscrit dans un contexte d’engorgement croissant des juridictions. Les indicateurs de performance du programme 166 montrent que la dégradation des délais de jugement se poursuit.

S’agissant des procédures civiles (indicateur 1.1), le projet annuel de performance du programme 166 Justice judiciaire annexé au projet de loi de finances pour 2021 montre un écart significatif entre les prévisions présentées par le Gouvernement lors du vote de la loi de finances pour 2020 et les prévisions actualisées, avec une hausse de 12,7 % dans les tribunaux judiciaires, de 20 % dans les tribunaux de commerce et même de 21,5 % dans les cours d’appel. L’indicateur recule ainsi à des niveaux équivalents à ceux de 2019.

DÉlai moyen de traitement des procÉdures civiles,
hors procÉdures courtes

(en mois)

 

Réalisation 2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision 2021

Tribunaux judiciaires (dont tribunaux de proximité)

11,4

10,2

11,5

+ 12,7 %

11

Tribunaux de commerce

9

7,5

9

+ 20,0 %

8,7

Conseils de prud’hommes

16,4

15

16

+ 6,7 %

15,5

Cours d’appel

15,8

13

15,8

+ 21,5 %

15,3

Cour de cassation

16,7

15,5

16,8

+ 8,4 %

16,5

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

L’indicateur 1.3 confirme l’allongement du délai moyen de traitement des procédures pénales par rapport aux prévisions 2020, de 7,8 % dans les juridictions (hors Cour de cassation) et de 9,2 % pour les convocations par un officier de la police judiciaire (COPJ) devant le tribunal correctionnel.

DÉlai moyen de traitement des procÉdures pÉnales

 

Réalisation
2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision
 2021

Cour de cassation
(en jours)

251

250

265

+ 6,0 %

250

Autres juridictions (crimes)
(en mois)

41,5

38,5

41,5

+ 7,8 %

41,3

COPJ devant le tribunal correctionnel (en mois)

9,7

8,7

9,5

+ 9,2 %

9

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Surtout, le délai théorique d’écoulement du stock des procédures (indicateur 1.4), est en hausse. Certes, il diminue pour les cours d’assises, en raison de la baisse de la criminalité et de la délinquance pendant la période de confinement mais il augmente, par rapport aux prévisions 2020, de 10,3 % dans les tribunaux judiciaires et de 13,7 % dans les cours d’appel (civil). Or, il s’agit du « seul indicateur qui permette d’évaluer si le volume du stock constitue une problématique préoccupante pour les juridictions concernées. Plus ce délai augmente plus le risque est grand » ([8]).

Délai théorique d’écoulement du stock des procédures

(en mois)

 

Réalisation
2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision
 2021

Cours d’appel (civil)

41,1

13,5

14

+ 3,7 %

13,7

Tribunaux judiciaires

10,5

9

10,5

+ 16,7 %

10,3

Conseils de prud’hommes

15,7

12,4

15,5

+ 25,0 %

15,2

Cours d’assises

12,3

13

12,3

– 5,4 %

12

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

L’augmentation des délais de jugement n’est pas une surprise. Il est vrai que la crise liée à l’épidémie de la covid-19 est venue perturber le fonctionnement des juridictions, notamment pendant la période de confinement, avec un ralentissement inévitable. Néanmoins, la crise ne doit pas tout excuser, car la situation était déjà critique auparavant. L’engorgement des juridictions est un problème structurel et le rapporteur spécial alerte sur ce sujet depuis plusieurs années.

Plus que jamais, il est indispensable et urgent que le ministère de la justice se saisisse pleinement des moyens supplémentaires qui lui sont octroyés pour réduire l’engorgement des juridictions.

Quant aux objectifs pour 2021, ils accréditent l’idée d’une amélioration des performances des juridictions, tant du point de vue du délai moyen de traitement des procédures civiles que du traitement des procédures pénales. La mise en œuvre des mesures proposées dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice doit permettre de maîtriser le stock d’affaires en instance et de réduire légèrement le délai théorique d’écoulement du stock des procédures (de 10,5 à 10,3 mois pour les tribunaux judiciaires et de 14 à 13,7 mois pour les cours d’appel).

Bien que moins ambitieux qu’en 2020, ces objectifs pour 2021 – compte tenu de la situation – peuvent sembler réalistes et atteignables. Ils devront donc impérativement être atteints, et le rapporteur spécial sera très vigilant sur ce point.

Il convient toutefois de noter que l’indicateur relatif au nombre de juridictions en difficulté (indicateur 1.2) – celles dépassant de 15 % le délai moyen de traitement cible des procédures civiles – ne prévoit qu’une très légère amélioration en 2021 pour les tribunaux judiciaires (30 %) et pour les cours d’appel (42 %).


II.   Le programme 107 Administration pénitentiaire : La hausse des crÉdits dÉdiÉs aux programmes immobiliers ne lÈve pas les incertitudes

Dans son rapport sur l’exécution du budget de la justice en 2019, le rapporteur spécial avait alerté sur la dégradation des conditions de détention. Il tient à rappeler que seule la mise en œuvre d’un programme immobilier ambitieux peut améliorer significativement les conditions de vie des détenus et leur réinsertion ainsi que la sécurité des personnels pénitentiaire. À l’évidence, ceci suppose déjà que le plan de construction de 15 000 places de prison d’ici à 2027, adossé à la loi de programmation et de réforme pour la justice, soit effectivement mis en œuvre. À ce titre, la hausse des crédits alloués à l’administration pénitentiaire est un signal encourageant mais non suffisant.

A.   Le renforcement des moyens de l’administration pÉnitentiaire est portÉ par la nÉcessaire mise en œuvre du « plan prisons »

En 2021, le programme 107 Administration pénitentiaire est doté de 6,26 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 4,26 milliards d’euros en crédits de paiement, en augmentation, respectivement, de 74,9 % et de 7,8 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

Évolution des crédits du programme 107 Administration pénitentiaire

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Action 01 – Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

2 377,8

3 403,4

+ 43,1 %

2 475,8

2 744,5

+ 10,9 %

Action 02 – Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

815,1

2 471,7

+ 203,2 %

1 114,9

1 145,6

+ 2,8 %

Action 04 – Soutien et formation

389,53

392,0

+ 0,6 %

368,1

377,5

+ 2,5 %

Total

3 582,4

6 267,1

+ 74,9 %

3 958,8

4 267,6

+ 7,8 %

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Hors contribution au CAS Pensions, le programme 107 bénéficie d’un budget de 3,33 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse de 275 millions d’euros (+ 9 %) par rapport à la loi de finances pour 2020.

1.   L’augmentation des emplois dans une administration encore largement sous dotée

Les dépenses de personnel prévues en 2021 s’élèvent à 2,751 milliards d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, en augmentation de 119 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020. Hors contribution au CAS Pensions et hors mesures de transfert, les crédits de titre 2 s’élèvent à 1,814 milliard d’euros et augmentent de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

La hausse des dépenses de personnel résulte principalement d’un schéma d’emplois positif qui prévoit de créer 1 092 ETP supplémentaires en 2021, sur les postes suivants :

– 300 emplois doivent venir combler les vacances de postes des personnels de surveillance ;

– 90 ETP au titre de la compensation de la sous-exécution de 2019 ;

– 300 emplois viendront renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ;

– 415 emplois pour la constitution d’équipes dédiées au pilotage et la préparation de l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires ;

– 13 emplois sont restitués au titre des gains générés par le plan de transformation numérique.

En conséquence, le plafond d’autorisation d’emplois du programme 107 pour 2021 est élevé à 43 345 ETPT (+ 2,4 %).

L’augmentation des crédits de titre 2 procède aussi des mesures catégorielles comprenant celles décidées dans le cadre du relevé de conclusions du 29 janvier 2018 en faveur des personnels pénitentiaires.

En outre, dans le cadre du renforcement de la justice de proximité, le Gouvernement a annoncé la création de 100 ETP supplémentaires dans les SPIP à compter de la fin de gestion 2020. Il est vrai que le renforcement de la lutte contre la petite délinquance affectera nécessairement les services pénitentiaires en charge de l’exécution des peines.

Ces créations d’emplois sont indispensables. Dans un rapport remis au Parlement en octobre 2020 ([9]), la Cour des comptes a mis en évidence le caractère structurel des heures supplémentaires dans les établissements pénitentiaires (10 % du total des heures travaillées) et dans la rémunération des surveillants pénitentiaires. Le coût total des heures supplémentaires indemnisées s’élève à 1,6 milliard d’euros dans la fonction publique d’État, dont 5,6 % pour le ministère de la justice. Cette situation est, selon elle, due à un manque d’effectifs chroniques dans l’administration : « rapporté au nombre de postes de surveillants, le manque d’effectifs est estimé à environ 15 % » ([10]). Elle entraîne des risques humains et opérationnels préjudiciables pour le fonctionnement des prisons.

En outre, la Cour des comptes indique que « sur la période 2012-2018, les plafonds d’emploi n’ont jamais été atteints. Le différentiel est particulièrement important pour les surveillants (de – 662 à – 1 537), ce qui souligne la difficulté de pourvoir aux emplois prévus sur ces postes » ([11]). En conséquence, le rapporteur spécial souligne que, si les augmentations d’emplois prévues pour 2021 sont bienvenues, il faudra impérativement qu’elles se réalisent.

2.   Une augmentation des crédits hors titre 2 portée par l’immobilier pénitentiaire

En 2021, les crédits hors titre 2 s’élèveront à 3,517 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,517 milliard d’euros en crédits de paiement, en augmentation, respectivement, de 2,566 milliards d’euros et de 189,8 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

a.   Une augmentation de 163 millions d’euros des crédits destinés aux programmes de l’immobilier pénitentiaire

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit des dépenses d’investissement pour l’immobilier pénitentiaire de 556 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 163,1 millions d’euros (+ 41,5 %) par rapport à la loi de finances pour 2020.

Ces dépenses reposent principalement sur la poursuite de la mise en œuvre du plan de construction de 15 000 nouvelles places de prison. Porté par l’APIJ, le plan est doté de 1,086 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 340,5 millions d’euros en crédits de paiement pour 2021.

Une partie des dépenses financeront les opérations menées au titre de la construction des 7 000 premières places de prison qui doivent être livrées d’ici 2022. Cela inclut la mise en place de 2 000 places dans les structures d’accompagnement vers la sortie pour désengorger les maisons d’arrêt. Les crédits financeront aussi les premières mesures liées à la construction des 8 000 places de prison attendues entre 2022 et 2027 (sécurisation du foncier, études préalables).

Les investissements immobiliers comprennent aussi les opérations menées au niveau déconcentré par les directions interrégionales des services pénitentiaires pour la maintenance des établissements pénitentiaires et leur mise aux normes réglementaires (150 millions d’euros) ainsi que les loyers des établissements construits en partenariat public privé (65 millions d’euros), au premier rang desquels l’établissement de Paris‑La Santé.

Le rapporteur spécial ne peut que saluer les efforts annoncés. Néanmoins, tout n’est pas qu’une question de moyens. Les derniers exercices budgétaires ont montré la difficulté du ministère de la justice à consommer l’intégralité des crédits prévus pour ses investissements immobiliers. C’est aussi le pilotage du « plan prisons » qu’il convient d’améliorer significativement.

À ce titre, le rapporteur souligne que le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) – organe chargé de réaliser des contre-expertises sur les grands projets d’investissement et placé sous l’autorité du Premier ministre – émet lui-même un avis réservé sur la réalisation du « plan prison » ([12]). Toutes les incertitudes sont donc loin d’être levées.

b.   La nécessité de renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires

Conformément aux orientations fixées dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit aussi une augmentation des dépenses de sécurisation des établissements pénitentiaires, avec 66,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 63,7 millions d’euros en crédits de paiement (+ 10 % par rapport à la loi de finances pour 2020).

Ces crédits doivent permettre de poursuivre la mise en place de la vidéosurveillance au sein des établissements pénitentiaires, de renouveler les portiques de détection, de déployer des dispositifs de lutte contre les drones malveillants et de poursuivre le déploiement des systèmes de brouillage des moyens de communication illicites en détention. Seront également prévues la mise en place d’équipes locales de sécurité pénitentiaire, la création de quartiers de prise en charge de la radicalisation et l’ouverture d’unités pour détenus violents.

c.   Le renouvellement d’un marché de gestion déléguée

La forte progression des autorisations d’engagement sur l’action 02 Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (+ 203 %) est due à la gestion des marchés publics multi‑techniques et multi-services couvrant les missions d’intendance et de logistique dans les établissements en gestion déléguée.

En 2021, les marchés de gestion déléguée dits « MGD 2015 » seront renouvelés, pour un coût de 1,595 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 199,5 millions d’euros en crédits de paiement. Le montant des autorisations d’engagement prévu est légèrement supérieur au montant prévu dans la loi de finances pour 2015 lors de la conclusion du MGD 2015 ([13]). Un marché doit aussi être conclu en vue de l’ouverture d’un établissement à Saint Laurent du Maroni.

Les dépenses liées à l’exécution des autres marchés de gestion déléguée s’élèvent à 24,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 122,3 millions d’euros en crédits de paiement. Pour l’ensemble des marchés, des avenants aux contrats seront conclus en 2021 pour prendre en compte la mise en service de structures ou d’installations nouvelles (caméras de vidéosurveillance).

d.   Les dépenses allouées à la prévention de la récidive

Pour prévenir la récidive et favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice, le Gouvernement entend s’appuyer sur les nouveaux outils mis en place par la loi de programmation et de réforme pour la justice. Il s’agit de développer les peines alternatives à l’incarcération et d’éviter les courtes peines d’emprisonnement au profit de peines permettant un réel suivi (travail d’intérêt général, sursis probatoire, placement à l’extérieur).

À ce titre, l’action 01 financera les dispositifs d’aménagement de peine et les alternatives à l’incarcération, notamment le placement à l’extérieur (8 millions d’euros) et la surveillance électronique (31,5 millions d’euros en crédits de paiement), ce qui inclut 4,7 millions d’euros pour financer le bracelet anti-rapprochement mis en place par la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille ([14]) (ces crédits seront complétés par une contribution de 2,7 millions d’euros du fonds de transformation de l’action publique).

La réinsertion passe également par le développement des activités en détention, placées sous la responsabilité de l’Agence du travail d’intérêt général et de la réinsertion professionnelle (ATIGIP). Le projet de loi de finances prévoit ainsi une légère augmentation des crédits alloués sur l’action 02 du programme 107 (79,9 millions d’euros en 2021) pour développer le travail et la formation professionnelle des personnes détenues.

e.   Des moyens consolidés pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP)

Parmi les crédits de l’action 04 Soutien et formation, les dépenses des SPIP progressent légèrement de 39 millions d’euros à 42,5 millions d’euros en crédits de paiement. En outre, une enveloppe de 4,7 millions d’euros est prévue pour accompagner le recrutement des nouveaux agents prévus dans le cadre du renforcement de la justice de proximité.

S’agissant de la formation, la subvention pour charges de service public versée à l’École nationale d’administration pénitentiaire diminue de 34,2 millions d’euros en 2020 à 33,2 millions d’euros en 2021. Toutefois, l’opérateur voit son plafond d’autorisation d’emplois augmenter de 265 à 267 ETPT et bénéficiera en 2021 de 3 ETP supplémentaires (deux officiers et un adjoint administratif) transférés depuis le plafond d’emplois du ministère de la justice afin de permettre la création d’un département de formation dédié au renseignement pénitentiaire.

B.   Une baisse de la population carcÉrale qui ne doit cependant pas masquer la dÉtÉrioration des indicateurs relatifs à l’immobilier pÉnitentiaire

Si la baisse du nombre de détenus a mécaniquement amélioré les conditions de détention, seule la mise en œuvre d’un programme immobilier ambitieux peut réellement produire des effets durables. Or, les indicateurs ne montrent pas d’amélioration des performances dans ces domaines.

1.   Une baisse inédite de la population carcérale qui doit permettre d’améliorer les conditions de détention

Entre le 1er janvier 2020 et le 1er juillet 2020, le nombre des personnes détenues est passé de 72 500 à 59 600. Il a été réduit de 6 % pour les prévenus et de 22 % pour les condamnés. Cette évolution est la conséquence de la crise sanitaire, du ralentissement de l’activité judiciaire pendant le confinement et de l’application de dispositifs exceptionnels de libération des détenus mis en place en application de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ([15]).

Évolution de la population carcÉrale (2018-2020)

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire transmis en application de l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances.

En conséquence, le taux d’occupation des prisons est passé de 115,7 % au 1er janvier 2020 à 96,7 % 1er juillet 2020. La baisse du nombre de condamnés ayant été plus importante que celle des détenus, la proportion des prévenus est passée de 29,8 % à 33,9 % entre ces deux dates.

Le projet annuel de performance du programme 107 confirme la réduction conjoncturelle du taux d’occupation des établissements pénitentiaires en 2020 (indicateur 2.1) par rapport aux prévisions données lors du projet de loi de finances de l’année dernière. Pour les maisons d’arrêt et les quartiers maison d’arrêt, le taux d’occupation est ainsi réduit de 139 % fin 2019 à 120 % fin 2020. Pour les centres de détention et quartiers centre de détention, il reste stable à 89,5 %. Cette évolution représente un changement de perspective au regard du mouvement de hausse continue de la population carcérale observée depuis l’exercice 2015.

Taux d’occupation des Établissements pÉnitentiaires

(en pourcentage)

 

Réalisation 2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision 2021

Taux d’occupation des places en maison d’arrêt
et quartiers maison d’arrêt

139

135

120

– 11,1 %

127

Taux d’occupation des places en centre de détention et quartiers centre de détention

89,5

95

89,5

– 5,8 %

93

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Toutefois, s’agissant des prévisions pour 2021, le rapporteur spécial note que l’administration pénitentiaire anticipe une dégradation du taux d’occupation des établissements pénitentiaires. Le taux d’occupation des centres de détention s’élèverait à 93 %, soit un niveau supérieur au taux réalisé en 2019. Le taux d’occupation des maisons d’arrêt devrait lui aussi augmenter à 127 %, tout en restant inférieur au taux de 2019 (139 %) du fait de l’ouverture de nouveaux établissements et de structures d’accompagnement vers la sortie.

Le taux de personnes détenues bénéficiant d’une cellule individuelle (indicateur 2.1) connaîtrait une légère hausse de 40,5 % fin 2020 à 40,9 % fin 2020. L’administration pénitentiaire prévoit une hausse à 41,5 % en 2021. Le retard de livraison des nouveaux établissements de Lutterbach et de Koné consécutif à la suspension des chantiers lors du confinement et aux mesures d’hygiène strictes imposées sur les chantiers, a conduit à retenir une prévision 2021 relativement prudente.

Compte tenu de la baisse de la population carcérale enregistrée en 2020 et du rôle joué par l’encellulement individuel dans la réinsertion et la prévention de la récidive, on aurait pu s’attendre à une augmentation plus conséquente. Pour le rapporteur spécial, cela ne fait que confirmer la nécessité d’un programme immobilier cohérent et à la hauteur des besoins.

Par ailleurs, le rapporteur spécial tient à souligner la baisse du taux de détenus radicalisés ayant suivi un programme de prévention de la radicalisation violente (indicateur 3.3) qui, bien qu’il reste stable par rapport à 2019, se situe bien en deçà de la prévision communiquée lors du projet de loi de finances pour 2020 (24 % contre 60 %).

Il est regrettable que la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19 ait contraint à la suspension et à la reprogrammation des programmes de prévention de la radicalisation violente. Le rapporteur note que la prévision pour 2021 garde l’ambition affichée en 2020 (60 %), ce qui constitue un élément encourageant, à condition que les objectifs annoncés soient tenus. Il faudra que le Gouvernement se saisisse de ce sujet d’importance.

2.   La détérioration des indicateurs relatifs aux opérations immobilières

Au-delà des indicateurs de performance du programme 107, le rapporteur spécial juge utile de mentionner ici l’indicateur 1.1 du programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice relatif au respect des coûts et des délais des grands projets immobiliers.

S’agissant de l’immobilier pénitentiaire, l’indicateur indique que la baisse du taux d’écart budgétaire agrégé ([16]) par rapport aux prévisions 2020 et à 2019 est uniquement liée à l’intégration de nouvelles opérations passées en commande au conseil d’administration de l’APIJ (SAS de Colmar, de Ducos et Saint‑Laurent du Maroni), qui fait baisser mécaniquement le taux d’écart. Ce constat vaut d’ailleurs aussi pour l’immobilier judiciaire.

Respect des coÛts et des dÉlais des grands projets immobiliers

(en pourcentage)

 

Réalisation 2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision 2021

Taux d’écart budgétaire agrégé (immobilier
judiciaire)

8,2

12,49

6,21

– 50,3 %

6,17

Taux d’écart calendaire agrégé (immobilier
judiciaire)

22,78

13,07

10,07

– 23,0 %

9,73

Taux d’écart budgétaire agrégé (immobilier
pénitentiaire)

10,88

13,02

11,01

– 15,4 %

11,01

Taux d’écart calendaire agrégé (immobilier
pénitentiaire)

9,81

9,24

11,41

+ 23,5 %

11,41

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

En outre, l’indicateur confirme bien les retards pris dans le domaine de l’immobilier pénitentiaire. Malgré la commande de nouvelles opérations, qui devraient théoriquement entraîner sa baisse, le taux d’écart calendaire agrégé ([17]) augmente à 11,41 %, en hausse par rapport aux prévisions 2020 mais aussi par rapport à 2019. Les prévisions 2021 n’anticipent aucune amélioration.

Le ministère de la justice indique que le calendrier des opérations du programme a dû être ajusté pour prendre en compte l’impact de l’épidémie de la covid-19. En moyenne, les opérations en phase d’études ont subi un retard d’un mois et demi, tandis que les opérations dont le chantier avait déjà débuté (Lutterbach, Bordeaux-Gradignan, Basse-Terre et la SAS de Caen) subissent un décalage d’au moins deux mois du fait du confinement. Un retard de livraison de quelques mois est donc d’ores et déjà à prévoir.

Cela ne peut que conduire le rapporteur à renouveler ses doutes quant à la réalisation effective du programme de construction de 15 000 nouvelles places de prison, qui constitue pourtant un engagement pris dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice.


III.   Programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse : une progression des crédits modÉrÉe qui ne doit pas empêcher d’avancer sur les rÉformes en cours

La crise liée à l’épidémie de la covid-19 n’est pas sans effet sur le programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse. Outre le report de la réforme de l’ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs, avec une entrée en vigueur du nouveau code de justice pénal des mineurs prévues en mars 2021, la crise entraîne aussi des retards dans l’avancement du programme de construction de nouveaux centres éducatifs fermés, censés améliorer les conditions d’accueil des mineurs et les conditions de travail des professionnels.

A.   Une progression modÉrÉe des crÉdits affectÉs À la protection judiciaire de la jeunesse

En 2021, le programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de 955,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 944,5 millions d’euros en crédits de paiement, en augmentation, respectivement, de 2,7 % et de 5,7 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

Évolution des crédits
du programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Action 01 – Mise en œuvre des décisions judiciaires

774,0

802,1

+ 3,6 %

742,1

792,6

+ 6,8 %

Action 02 – Soutien

117,0

113,9

– 2,6 %

112,3

112,5

+ 0,13 %

Action 04 – Formation

39,87

39,8

– 0,16 %

39,1

39,5

+ 0,94 %

Total

930,9

955,8

+ 2,7 %

893,6

944,5

+ 5,7 %

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Hors contribution au CAS Pensions, les crédits de paiement prévus en 2021 s’élèvent à 789,8 millions d’euros, en augmentation de + 53,2 millions d’euros, soit + 7,2 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

1.   Une hausse annoncée de 40 emplois

Les dépenses de personnel prévues en 2021 s’élèvent à 544,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en hausse de 18,5 millions d’euros (+ 3,5 %) par rapport à la loi de finances pour 2020. Hors contribution au CAS Pensions, les crédits de titre 2 s’élèvent à 396,4 millions d’euros et augmentent de 4,5 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

La progression des dépenses de personnel en 2021 est principalement liée au schéma d’emplois positif qui prévoit la création de 40 nouveaux ETP dont 13 emplois pour renforcer l’encadrement et l’accompagnement des jeunes et 20 emplois pour la participation aux cellules de recueil d’informations préoccupantes.

Elle résulte aussi de la budgétisation d’une indemnité de fin de contrat pour les agents contractuels, de l’augmentation de la prévision de dépenses en matière de compte épargne temps et de mesures catégorielles (mise en œuvre du protocole PPCR, revalorisations indemnitaires).

En outre, dans le cadre du renforcement de la justice de proximité, le projet de loi de finances prévoit le recrutement de 86 éducateurs spécialisés contractuels à compter de la fin de gestion 2020.

En conséquence, le plafond d’autorisation d’emplois du programme 182 pour 2021 est porté à 9 272 ETPT, en hausse de 154 ETPT par rapport à la loi de finances pour 2020.

2.   Les crédits hors titre 2 principalement portés par les projets immobiliers

Les crédits hors titre 2 s’élèvent à 401,2 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 1,6 % par rapport à la loi de finances pour 2020) et 389,9 millions d’euros en crédits de paiement (+ 9,1 %), hors fonds de concours et attributions de produits.

Sur l’action 01 Mise en œuvre des décisions judiciaires, la progression la plus importante concerne les crédits du secteur associatif habilité qui augmentent de 237,3 millions d’euros en 2020 à 265,3 millions d’euros en 2021. L’augmentation tendancielle de la dépense prend en compte une augmentation de 1 % des dépenses de personnel et l’augmentation de la valeur du point pour les personnels encadrés ainsi qu’une hausse de 0,8 % des dépenses d’exploitation courante et de structure.

Le second poste le plus important repose sur les dépenses immobilières du secteur public, qui s’élèvent à 58,2 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 22,8 %) et à 48,8 millions d’euros en crédits de paiement (+ 8 %). Ces dernières comprennent des dépenses de fonctionnement liées à l’immobilier occupant (paiement des loyers, réparation des dégradations, respect des normes imposées aux établissements recevant du public). Elles englobent aussi des dépenses d’investissement liées à l’immobilier propriétaire, qui incluent la construction de cinq nouveaux centres éducatifs fermés entre 2019 et 2021.

Les dépenses du secteur public hors immobilier (alimentation, actions de formation et d’insertion, déplacements, entretien des parcs informatique et automobile, frais postaux et de télécommunication) sont en légère baisse avec 32,35 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 6,2 %) et 32,27 millions d’euros en crédits de paiement (– 1,6 %).

Enfin, les crédits d’intervention du secteur public (subventions versées aux associations intervenant dans le champ de la protection de l’enfance, gratifications allouées aux jeunes placées, rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, indemnités versées aux familles d’accueil) augmentent de 1 million d’euros pour atteindre 12,7 millions d’euros en 2021.

Les dépenses de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et de ses neuf pôles territoriaux de formation, portées par l’action 04 Formation, sont stables avec 39,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 0,16 %) et 39,5 millions d’euros en crédits de paiement (+ 0,94 %).

B.   Des performance qui restent tributaires des rÉformes en cours

Le projet annuel de performance du programme 182 annexé au projet de loi de finances pour 2021 montre que la crise sanitaire a entraîné une moindre réactivité dans la mise en œuvre des décisions judiciaires tant pour le secteur public que pour le secteur associatif, avec un allongement des délais moyens de prise en charge imputables aux services du secteur public et du secteur associatif habilité (indicateur 1.1) par rapport aux prévisions du projet de loi de finances pour 2020. Toutefois, les mesures judiciaires d’investigation éducative (MJIE) demeurent prises plus rapidement en 2020 (16,7 jours estimés) qu’en 2019 (17,9 jours).

Délais moyens de prise en charge imputables aux services
du secteur public et du secteur associatif habilité

(en jours)

 

Réalisation 2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision 2021

Mesures de milieu ouvert (hors MJIE) tous
fondements juridiques confondus

18,5

10

21

+ 110,0 %

18

MJIE tous fondements juridiques confondus

17,9

12

16,7

+ 39,2 %

13

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

La situation est plus critique concernant le taux d’inscription des jeunes pris en charge dans un dispositif d’insertion sociale et professionnelle ou de formation (indicateur 1.2). Parmi l’ensemble des jeunes pris en charge, le nombre de jeunes inscrits dans un dispositif d’insertion sociale et professionnelle ou de formation (hors investigation, travail d’intérêt général et réparations) est tombé à 55 %, loin des 90 % attendus – le rapporteur spécial avait souligné lors du projet de loi de finances pour 2020 que cette prévision lui semblait assez optimiste – et même en dessous du niveau de 2019 (65 %). Pour 2021, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse vise un taux de 70 %, similaire à celui réalisé en 2018 (72 %).

S’agissant des mineurs incarcérés, l’activité a fortement baissé durant le confinement pour atteindre un niveau particulièrement bas à la fin du mois d’avril 2020 : 660 mineurs détenus (dont 613 en métropole et 47 en outre-mer). Au 1er juillet 2020, 670 mineurs étaient écroués dont 85,1 % en détention provisoire. Au total, les mineurs incarcérés représentent 1,1 % de la population carcérale en France, dont deux tiers en quartiers pour mineurs et un tiers en établissements pénitentiaires pour mineurs. La durée moyenne de leur détention est de trois mois.

Dans cette perspective, les prévisions pour 2021 prévoient une progression modérée du taux d’occupation et de prescription de placement dans les établissements de la PPJ (indicateur 2.1), avec des taux d’occupation et de prescription similaires à ceux de 2019.

Délai moyen de traitement des procédures civiles,
hors procédures courtes

(en pourcentage)

 

Réalisation 2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision 2021

Taux d’occupation des établissements de placement éducatif du secteur public

70

73

65

– 11,0 %

73

Taux de prescription des établissements de placement éducatif du secteur public

89

90

87

– 3,3 %

90

Taux d’occupation des centres éducatifs renforcés (secteurs public et associatif)

79

85

76

– 10,6 %

85

Taux de prescription des centres éducatifs renforcés (secteurs public et associatif)

87

90

89

– 1,1 %

90

Taux d’occupation des centres éducatifs fermés (secteurs public et associatif)

74

80

68

– 15,0 %

80

Taux de prescription des centres éducatifs fermés (secteurs public et associatif)

87

89

83

– 6,7 %

89

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

De fait, la réalisation des objectifs assignés à la protection judiciaire de la jeunesse est tributaire des conditions de mise en œuvre de la réforme de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Le nouveau code de justice pénal des mineurs doit entrer en vigueur en mars 2021. Il réorganise les étapes d’intervention des juges des enfants pour favoriser une prise de décision plus rapide et plus compréhensible pour le mineur, sa famille et la victime. La réforme vise également à diminuer la détention provisoire chez les mineurs incarcérés, le régime pénitentiaire ne devant constituer que l’ultime recours pour les mineurs.

Les résultats dépendent aussi de la création effective des 40 ETP et des 86 éducateurs annoncés ainsi que de la construction de nouveaux centres éducatifs fermés, sensés améliorer les conditions d’accueil des mineurs et les conditions de travail des professionnels.

Enfin, les performances de la protection judiciaire de la jeunesse seront influencées par le déploiement de l’application « Parcours », appelée à succéder aux applications « Game » et « Images » qui ne répondent plus aux besoins des professionnels, pour améliorer le suivi des jeunes et de leur prise en charge. L’application devrait être déployée à compter de la fin de l’année 2020, d’abord dans le secteur public, puis ultérieurement dans les établissements et services du secteur associatif habilité. Le projet de loi de finances lui consacre un budget de 4,92 millions d’euros en 2021.

 


IV.   Programme 101 AccÈs au droit et à la justice : La hausse annoncÉe de l’aide juridictionnelle dans un contexte de dÉgradation des indicateurs de performance

Dans la continuité de l’avance exceptionnelle accordée en 2020 aux avocats durement touchés par la crise de la covid-19, le projet de loi de finances annonce une augmentation de 49,7 millions d’euros des crédits de l’aide juridictionnelle, sans toutefois en donner les contours précis. Cette hausse ne doit d’ailleurs pas cacher la dégradation des indicateurs de performance.

A.   Une hausse du budget de l’aide juridictionnelle dont les modalitÉs demeurent À clarifier

En 2021, le programme 101 Accès au droit et à la justice bénéficiera de 585,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en hausse de 55 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020 (+ 10,3 %).

Évolution des crÉdits du programme 101 AccÈs au droit et à la justice

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Action 01 – Aide juridictionnelle

484,3

534,0

+ 10,3 %

484,3

534,0

+ 10,3 %

Action 02 – Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

8,6

9,5

+ 9,5 %

8,6

9,5

+ 9,5 %

Action 03 – Aide aux victimes

28,8

32,1

+ 11,4 %

28,8

32,1

+ 11,4 %

Action 04 – Médiation familiale et espaces de rencontre

8,8

9,7

+ 10,4 %

8,8

9,7

+ 10,3 %

Action 05 – Indemnisation des avoués

0

0

0

0

Total

530,5

585,2

+ 10,3 %

530,5

585,2

+ 10,3 %

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Le programme 101 ne comprend pas de dépenses de personnel et 99,5 % des crédits sont des dépenses d’intervention au profit des justiciables bénéficiant de l’aide juridictionnelle, des associations apportant une aide aux victimes d’infraction pénale, des conseils départementaux de l’accès au droit et des associations œuvrant dans ce domaine ainsi que des associations gérant un espace de rencontre entre parents et enfants et de celles intervenant en matière de médiation familiale.

1.   Une augmentation de l’aide juridictionnelle qui reste à préciser

Les dépenses du programme 101 sont concentrées sur l’action 01 Aide juridictionnelle, avec 534 millions d’euros prévus en 2021, en hausse de 49,7 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020 (+ 10,3 %).

L’année 2021 sera la première année pleine d’application de la réforme de l’aide juridictionnelle prévue dans la loi de finances pour 2020 (adoption du revenu fiscal de référence comme critère principal d’éligibilité à l’aide juridictionnelle, introduction d’une possibilité de demander en ligne l’aide juridictionnelle, réorganisation des bureaux d’aide juridictionnelle, entrée en vigueur du décret d’application le 1er janvier 2021). En outre, des crédits supplémentaires sont prévus pour financer les premiers effets de la réforme de la justice pénale des mineurs.

Par ailleurs, le projet de loi de finances intègre d’ores et déjà une enveloppe de 25 millions d’euros pour financer « les diverses mesures affectant l’aide juridictionnelle (amélioration de la rétribution des avocats, extension de l’aide juridictionnelle à de nouveaux publics ou de nouvelles matières, etc.) que retiendra le Gouvernement à la suite de la mission confiée au printemps 2020 à M. Dominique Perben au sujet de l’avenir de la profession d’avocat » ([18]). Néanmoins, il ne précise pas ce que contient cette enveloppe.

En tout état de cause, une hausse de 49,7 millions d’euros en 2021 ne suffira pas à combler le retard de la France vis-à-vis des autres pays européens. Le rapport Perben ([19]) indique que l’aide juridictionnelle souffre d’un sous‑financement chronique. Avec un budget de 5,06 euros par habitant consacré à l’aide juridictionnelle, la France se situe en dessous de la moyenne européenne de 6,50 euros par habitant. Cette tendance est confirmée par le dernier rapport d’évaluation de la CEPEJ ([20]), qui montre que la France fait partie des pays où le tarif de rémunération des avocats est le plus faible.

Dès lors, les mesures mentionnées dans le projet annuel de performance ne doivent pas s’en tenir à des annonces mais doivent se traduire concrètement dans les faits. Aussi le rapporteur spécial fait sienne les propositions de la mission Perben visant à revaloriser l’unité de valeur utilisée pour calculer le montant de la rétribution versée à l’avocat intervenant au titre de l’aide juridictionnelle, en l’augmentant de 32 euros à 40 euros, ce qui coûterait moins de 100 millions d’euros. Il appelle également à revaloriser certaines des missions exercées par les avocats (assistance éducative, médiation, modes alternatifs, procédure participative de mise en état).

2.   Un renforcement des mesures d’aide aux victimes

Outre l’aide juridictionnelle, l’augmentation des crédits du programme 101 bénéficie aussi à l’aide aux victimes, avec 32,1 millions d’euros prévus en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 11,4 % de plus qu’en loi de finances pour 2020. Il s’agit notamment de financer les mesures prises dans le cadre du Grenelle de lutte contre les violences conjugales – accompagnement des personnes bénéficiant d’un téléphone « grave danger » ou de celles dont le conjoint se voit imposer un bracelet anti-rapprochement. Ces crédits se rajoutent aux 5 millions d’euros destinés au financement des bracelets anti-rapprochements et des bracelets électroniques financés sur le programme 107 Administration pénitentiaire.

Les dépenses liées à la médiation familiale et aux espaces de rencontre parents-enfants augmentent de 10,4 % pour atteindre 9,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Les crédits prévus en 2021 permettront de poursuivre l’effort financier engagé au profit des espaces de rencontre afin de faire face à la complexité croissante des prises en charge et d’enrayer l’allongement progressif des délais d’attente qu’entraîne la saturation des structures spécialisées.

Enfin, les dépenses liées au développement de l’accès et du réseau judiciaire de proximité atteignent 9,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (+ 9,5 %) pour financer les 101 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD), les 147 maisons de justice et du droit, les 30 antennes de justice animées par les CDAD, les associations nationales d’accès au droit ainsi que le développement des « maisons France services ».

B.   La dÉgradation des indicateurs de performance relatifs À l’aide juridictionnelle se poursuit

Dans son rapport sur l’exécution 2019 ([21]), le rapporteur spécial avait déjà alerté sur la dégradation des indicateurs de performance relatifs à l’aide juridictionnelle. Les annexes au projet de loi de finances pour 2021 ne démontrent aucune amélioration.

La crise liée à l’épidémie de la covid-19 a entraîné un allongement du délai moyen de traitement des demandes d’aide juridictionnelle (indicateur 1.1) au‑delà de 50 jours, contre 36 jours prévus dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 et 41 jours en 2019. Dans ce contexte, le projet annuel de performance du programme 101 annexé au projet de loi de finances pour 2021 vise un délai moyen de traitement de 45 jours (supérieur au délai de 2019) ainsi qu’une légère amélioration de la part des dossiers traités en moins de quarante-cinq jours (65 % contre 63,7 en prévision actualisée 2020 mais 69,8 jours en 2019).

Délai de traitement des demandes d’aide juridictionnelle

(en jours)

 

Réalisation
2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision 2021

Délai moyen de traitement des demandes d’aide
juridictionnelle
(en jours)

41,1

36

50,8

+ 41,1 %

45

Part des dossiers dont le délai de traitement est inférieur à 45 jours
(en pourcentage)

69,8

71

63,7

– 10,3 %

65

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

L’année 2020 a également entraîné une hausse du coût de traitement d’une décision d’aide juridictionnelle (indicateur 2.1) qui atteint 13,80 euros en prévision actualisée pour 2020, contre 11,14 en 2019. La prévision 2021 est similaire à celle effectuée lors du PLF 2020 à 12,50 euros.

Enfin, tandis que la prévision 2020 visait un accroissement du taux de mise en recouvrement des frais avancés par l’État au titre de l’aide juridictionnelle (indicateur 2.2), la prévision actualisée pour 2020 est diminuée de moitié (6 % contre 3 %) et s’avère même inférieure à 2019 (3,7 %). La prévision 2021 est plus modeste que l’année passée (4 %).

L’affaiblissement continu du taux de recouvrement des frais avancés par l’État au titre de l’aide juridictionnelle, qui répond pourtant au souci d’une bonne gestion des deniers publics et d’un traitement équitable des justiciables, semble revêtir un caractère plus structurel et donc préoccupant.

Comme les années précédentes, l’évolution des indicateurs montre donc une stagnation de la démarche de performance. Dans ce contexte, le déploiement de nouveaux outils de gestion paraît être une des conditions indispensables à la poursuite de la rationalisation de la gestion des procédures d’admission à l’aide juridictionnelle.

Le projet de système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) devrait permettre de saisir une demande en ligne afin d’offrir aux justiciables une voie d’accès à la justice plus rapide et d’alléger les charges de gestion et de traitement de dossiers sur format papier des juridictions.

 


V.   Programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice : la nécessitÉ d’accÉler le plan de transformation numérique du ministère de la justice

L’année 2021 est la quatrième année consécutive de mise en œuvre du plan de transformation numérique du ministère de la justice, initié en 2018, qui doit permettre d’optimiser la gestion des dossiers et des procédures dans les juridictions et de dématérialiser l’accès à la justice pour les usagers en application des orientations de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ([22]).

Sur ce point, le rapporteur spécial tient à souligner, une nouvelle fois, que la justice française est en retard. Dans son dernier rapport d’évaluation ([23]), la CEPEJ montre que le recours aux technologies de l’information et de la communication, qui permet d’améliorer l’efficacité des juridictions, est, pour ce qui concerne la justice civile et la justice pénale, moins important en France que dans les pays européens comparables. Sur une échelle de 1 à 10 notant le recours par la justice aux usages du numérique dans les juridictions, la note de la France atteint 5,19 contre 6,42 en Italie et 8,5 en Espagne.

Le rapporteur spécial note toutefois que les constats émis dans son rapport rendu lors du Printemps de l’évaluation 2020 sont partagés par les annexes au projet de loi de finances pour 2021 : « si la période de confinement stricte du 17 mars au 11 mai 2020 a permis de souligner l’ensemble des précédentes politiques menées, notamment en termes d’équipements de matériel des juridictions et de développement d’un réseau (VPN) pouvant permettre un accès à distance aux applicatifs métiers, elle a également été l’occasion de mettre en lumière les différentes marges de progrès qui doivent devenir les futurs objectifs de la direction des services judiciaires » ([24]).

L’année 2021 doit donc permettre d’accélérer le plan de transformation numérique.

A.   l’augmentation des moyens du programme 310 guidÉe par la nÉcessitÉ de renforcer le plan de transformation numÉrique

En 2021, le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice bénéficiera de 463,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 534,8 millions d’euros en crédits de paiement, en augmentation, respectivement, de 2,4 % et de 6,9 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

Hors contribution au CAS Pensions, le programme 310 bénéficie d’un budget de 494,2 millions d’euros, en hausse de 33,1 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 7,2 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

Évolution des crédits du
programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Action 01 – État major

11,1

11,0

– 0,7 %

11,1

11,0

– 0,7 %

Action 02 – Activité normative

26,4

27,3

+ 3,4 %

26,4

27,3

+ 3,4 %

Action 03 – Évaluation, contrôle, études et recherche

20,0

21,0

+ 4,9 %

20,2

21,0

+ 4,2 %

Action 04 – Gestion de l’administration centrale

135,4

156,6

+ 15,7 %

150,6

156,9

+ 4,2 %

Action 09 – Action informatique ministérielle

213,3

196,6

– 7,8 %

246,2

267,8

+ 8,8 %

Action 10 – Politiques RH transversales

46,06

50,7

+ 10,2 %

46,1

50,7

+ 10,2 %

Total

452,3

463,3

+ 2,4 %

500,5

534,8

+ 6,9 %

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

1.   Une création nette de 50 emplois est annoncée

Les dépenses de personnel du programme 310 s’élèvent à 188,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en augmentation de 5,7 millions d’euros (+ 3,1 %) par rapport à la loi de finances pour 2020. Hors contribution au CAS Pensions, les crédits de titre 2 s’élèvent à 147,6 millions d’euros (+ 3,17 %).

L’augmentation des dépenses est principalement destinée à financer le schéma d’emplois positif prévoyant la création de 50 ETP supplémentaires. Cette hausse fait suite aux augmentations prévues dans les projets de loi de finances pour 2020, 2019 et 2018. Les emplois sont créés dans le cadre de la poursuite du plan de transformation numérique du ministère de la justice, à raison de 34 ETP en catégorie « personnels d’encadrement » et 16 en catégorie B « administratifs et techniques ». Ces moyens conséquents mis à la disposition du ministère doivent permettre de renforcer le pilotage du plan de transformation numérique et d’accélérer sa mise en œuvre.

Le plafond d’emploi 2021 du programme 310 est fixé à 2 554 ETPT pour 2021 (+ 5 %). Outre les créations d’emplois, le programme fait aussi l’objet de mesures de transferts avec 11 ETPT qui sortent et 50 ETPT qui entrent au titre du rattachement budgétaire du service de l’accès au droit et à la justice (bureau de l’aide juridictionnelle, bureau de l’accès au droit et de la médiation, bureau de l’aide aux victimes et de la politique associative, cellule chargée de la synthèse des crédits du programme 101) du programme 166 Justice judiciaire à l’action 04 Gestion de l’administration centrale du programme 310.

2.   Les crédits hors titre 2 portés par le plan de transformation numérique

En 2021, les crédits hors titre 2 du programme 310 s’élèvent à 275,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 346,6 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 7 % en autorisations d’engagement et 9 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2020.

a.   La poursuite du plan de transformation numérique du ministère de la justice

En 2019, les crédits de l’action 09 Action informatique ministérielle, hors dépenses de personnel (36 millions d’euros pour 557 ETPT), sont fixés pour 2021 à 160,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 7,3 % par rapport à la loi de finances pour 2020) et 231,8 millions d’euros en crédits de paiement (+ 12,5 %).

Outre le plan de transformation numérique, l’action 09 finance l’exploitation et le développement de la Plateforme nationale d’interception judiciaire (PNIJ), dont les crédits augmentent par rapport à 2020 pour atteindre 18,2 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 10 %) et 31,2 millions d’euros en crédits de paiement (+ 6,1 %).

Évolution des crédits de l’action 08
Action informatique ministérielle (hors titre 2)

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

PTN

156,6

142,0

– 9,3 %

176,6

200,6

+ 13,6 %

– dont fonctionnement :

102,8

86,2

– 16,1 %

70,0

86,2

+ 23,1 %

– dont grands projets informatiques :

53,80

55,8

+ 3,7 %

106,6

114,4

+ 7,3 %

PNIJ

16,55

18,2

+ 10,0 %

29,4

31,2

+ 6,1 %

Total

173,2

160,6

– 7,3 %

206,0

231,8

+ 12,5 %

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Les crédits du plan de transformation numérique s’élèvent pour 2021 à 142 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 200,6 millions d’euros en crédits de paiement. Si les autorisations d’engagement baissent par rapport à la loi de finances pour 2020 (– 9,3 %), l’effort consenti en crédits de paiement est sensiblement accentué (+ 13,6 %). Toutefois, l’augmentation des crédits porte davantage sur les moyens en fonctionnement (+ 16,2 millions d’euros) que sur les investissements (+ 7,8 millions d’euros).

Outre le soutien et l’accompagnement des utilisateurs, qui représente 1 % des dépenses, le plan de transformation numérique est structuré autour de deux grands axes.

Le premier axe du plan de transformation numérique, qui représente environ 34 % des dépenses, vise à moderniser les outils et les infrastructures informatiques du ministère : mise à disposition d’ultraportables et de téléphones sécurisés, renforcement des réseaux et des serveurs, développement de l’accès à distance et de la visioconférence, installation de bornes wifi et de la fibre optique.

La modernisation se poursuivra en 2021 en vue, notamment, d’accroître le parc de visioconférence pour répondre aux demandes d’équipement des salles d’audience dans les tribunaux et de continuer la modernisation du parc des PC afin de finaliser la migration vers Windows 10 débutée en 2020.

Le deuxième axe du plan, qui représente 65 % des dépenses, vise à développer les systèmes applicatifs en vue de dématérialiser les procédures mises en œuvre par le ministère de la justice, à la fois dans le domaine de la justice civile et pénale, dans celui de la protection judiciaire de la jeunesse, dans le domaine de l’aide juridictionnelle et dans le domaine pénitentiaire.

Dans le cadre du projet « Portalis » de dématérialisation de la chaîne civile, ont notamment été mis en place le portail du service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) pour renseigner les justiciables sur l’ensemble des procédures civiles enregistrées sur le territoire national et le portail du justiciable qui permet au justiciable de suivre les principales informations sur l’état d’avancement de sa procédure civile ou pénale.

En 2021, les évolutions applicatives se poursuivront, avec :

– pour le programme « Portalis » : la refonte des outils permettant d’instruire les dossiers des juges aux affaires familiales et l’initialisation du portail des auxiliaires de justice destiné aux relations entre les juridictions et les avocats ;

– pour la procédure pénale numérique (PPN) : la dématérialisation des procédures dites « petits X » ([25]) et des procédures de la filière correctionnelle ;

– dans le domaine pénitentiaire, la finalisation du projet expérimental intitulé « numérique en détention » (NED) – qui vise à améliorer les relations entre les personnes détenues et leur famille pour faciliter leur réinsertion tout en allégeant le travail des surveillants pénitentiaires – avec l’organisation d’un retour d’expérience et, le cas échéant, une éventuelle généralisation ;

– la mise en place de la plateforme « TIG-360 », qui permet d’optimiser le recours au travail d’intérêt général, devrait être parachevée ;

– l’application « Astrea » de gestion du casier judiciaire national devrait finaliser le module « palier 2 », qui permet l’enregistrement, la gestion et la restitution des décisions prononcées à l’encontre des personnes morales ;

– la dématérialisation de l’aide juridictionnelle (SIAJ) devrait être débutée afin de faciliter la demande, l’attribution et la gestion de l’aide juridictionnelle ;

 la brique d’archivage électronique « Projae-Axone » sera mise en service.

Le rapporteur spécial soutient volontiers la réalisation de ces projets qui, s’ils sont menés à leur terme, sont susceptibles d’améliorer l’efficacité des services et à faciliter les rapports avec les usagers du service public de la justice.

b.   Les autres dépenses

Les crédits de l’action 10 du programme 310, qui regroupe l’ensemble des dépenses liées aux politiques de ressources humaines transverses du ministère, augmentent de 10,2 % pour renforcer le soutien aux agents par le développement de l’action sociale, de la santé et de la sécurité au travail. Toutefois, cette hausse comprend aussi un transfert de certaines dépenses jusqu’ici catégorisées dans les dépenses de fonctionnement courant (formation, subventions des organisations syndicales) pour 10,7 millions d’euros.

Sur l’action 04 Gestion de l’administration pénitentiaire, l’augmentation des crédits de paiement procède principalement du transfert des crédits du service de l’accès au droit et à la justice jusque-là rattachés au programme 166 (3,76 millions d’euros). La forte augmentation des autorisations d’engagement (+ 15,7 %) résulte d’une stratégie d’économie à moyen terme consistant à signer des engagements pluriannuels plus longs (sur neuf ans), notamment pour les renouvellements des baux de plusieurs délégations interrégionales du secrétariat général en 2021.

La subvention versée par le programme 310 à l’Agence pour l’immobilier de la justice (APIJ) baisse légèrement de 13,41 millions d’euros à 13,39 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour tenir compte de d’économies permises par la rationalisation des méthodes et des procédures, mais le plafond des emplois rémunérés par l’opérateur est maintenu à 136 ETPT auxquels s’ajoutent 2 emplois hors plafond.

B.   Les indicateurs de performance ne laissent entrevoir que de modestes amÉliorations

Si les crédits dédiés au plan de transformation numérique du ministère sont en légère hausse, il reste toutefois à évaluer les effets des mesures mises en œuvre depuis 2018 afin de s’assurer de la proportionnalité des dépenses engagées.

La crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19 a mis en évidence la nécessité de renforcer la transformation numérique de la justice. Elle a aussi joué un rôle de catalyseur pour le ministère. Ainsi, l’indicateur 1.3 relatif au respect des coûts et des délais des grands projets informatiques montre un taux d’écart calendaire agrégé (1 % prévu fin 2020) en baisse par rapport aux prévisions du projet de loi de finances pour 2020 (1,4 %) mais aussi par rapport au taux de 2019 (12,65 %). Il est vrai que, dans le même temps, le taux d’écart budgétaire agrégé (14 %) dépasse la prévision (7 %), mais il demeure inférieur au niveau de 2019 (20,96 %).

Respect des coÛts et des dÉlais des grands projets informatiques

(en pourcentage)

 

Réalisation 2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision 2021

Taux d’écart budgétaire agrégé

20,96

7

14

+ 100,0 %

20

Taux d’écart calendaire agrégé

12,65

1,4

1

– 28,6 %

15

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Malgré ces résultats positifs, le rapporteur s’étonne des taux d’écart envisagés pour 2021 (20 % pour l’écart budgétaire agrégé et 15 % pour l’écart calendaire agrégé) qui ne semblent pas indiquer d’accélération du plan de transformation numérique. Le ministère indique que l’écart budgétaire est principalement porté uniquement par le projet « Portalis », du fait des modifications de trajectoire dans la feuille de route technique qui ont induit des surcoûts, tandis que l’écart calendaire est principalement porté par le projet « Projae » dont le marché n’a pu être notifié dans les délais prévus.

Concernant la performance des systèmes d’information et de communication, l’indicateur 1.4 fournit plusieurs informations intéressantes. La part des utilisateurs satisfaits de leur environnement de travail – mesurée à partir d’une enquête de satisfaction réalisée auprès des agents du ministère de la justice, les agents satisfaits étant ceux qui ont fait un état de satisfaction compris entre 7 et 10 sur 10 –, n’est que de 27,9 %, soit un niveau inférieur à la prévision (35 %). Même si, du fait de la crise, le ministère a dû faire face à des contraintes exceptionnelles, cela prouve que les marges de progression demeurent importantes.

Performance des systÈmes d’information et de communication

(en pourcentage)

 

Réalisation
2019

Prévision
PLF 2020

Prévision 2020 actualisée

Écart prév. 2020 / prév. actualisée

Prévision
 2021

Part des utilisateurs satisfaits de leur environnement de travail

35

27,9

– 20,3 %

35

Part des sollicitations du support utilisateurs résolues au niveau 1

50

52

+ 4,0 %

55

Proportion de sites dont le débit réseau a été optimisé

64

59,6

– 6,9 %

65

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Toutefois, la part des sollicitations du support utilisateurs résolues au niveau 1, c’est-à-dire résolues et clôturées par le centre de services informatiques sans qu’il ne soit besoin faire appel à un autre intervenant, est légèrement supérieure à la prévision (52 % contre 50 %), ce qu’il convient de saluer.

Enfin, parmi les 1 551 sites du ministère de la justice raccordés au réseau interministériel de l’État, la proportion d’entre eux dont le débit réseau a été optimisé atteint 59,6 %, contre une prévision de 64 %. Sur ce point, le rapporteur souligne que l’usage de l’informatique est appelé à augmenter (centralisation des applications, dématérialisation croissante, recours à la visioconférence), ce qui ne peut générer que des besoins de débits et de réseaux plus importants. Ces besoins doivent être correctement anticipés afin de pouvoir y répondre le plus rapidement possible.

Par ailleurs, le rapporteur spécial constate que l’indicateur 3.2 du programme 166 Justice judiciaire relatif à la transformation numérique de la justice, créé en 2020 pour mesurer le taux d’usagers accédant à leur dossier en ligne ainsi que le taux de saisine en ligne, n’est toujours pas renseigné, ni pour les prévisions 2020 et 2021, ni pour la réalisation lors des années antérieures. Compte tenu de la situation, la transformation numérique de la justice est un enjeu majeur et cet indicateur pourrait fournir des informations pertinentes pour autant qu’il soit renseigné sur le long terme.

 


—  1  —

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le mercredi 21 octobre 2020, la commission des finances a entendu M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial, sur les crédits de la mission Justice.

Après avoir rejeté différents amendements de crédits, la commission a adopté les crédits de la mission.

 

Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

 

 

 

*

*     *


([1]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([2]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([3]) Le projet de loi de finances prévoit une augmentation de + 617,7 millions d’euros (+ 8,1 %) mais ce chiffre comprend 10 000 euros de transferts et mesures de périmètre.

([4]) Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), rapport d’évaluation sur les systèmes judiciaires européens, cycle d’évaluation 2020 (données 2018), publié le 22 octobre 2020.

([5]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 pour la mission Justice, avril 2020.

([6]) Rapport « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner » remis par MM. Laurent Saint‑Martin et Jean-Luc Warsmann à Mme Madame Nicole Belloubet, Garde des sceaux, M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur et M. Gérard Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, novembre 2019.

([7]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 pour la mission Justice, avril 2020.

([8]) Projet annuel de performance du programme 166 justice judiciaire annexé au projet de loi de finances pour 2021, page 37.

([9]) Cour des comptes, « Les heures supplémentaires dans la fonction publique », communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, octobre 2020.

([10]) Cour des comptes, ibid., page 66.

([11]) Cour des comptes, ibid., page 64.

([12]) Voir l’annexe au projet de loi de finances pour 2021 (« jaune budgétaire ») relative à l’évaluation des grands projets d’investissement publics, page 31.

([13])Le rapport annuel de performance du programme 107 annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2015, page 47, indique : « La consommation en gestion déléguée s’élève à 1 115,50 M€ en AE et 335,90 M€ en CP pour une dotation initiale de 1 541,80 M€ en AE et 335,20 M€ en CP […]. La consommation importante en AE s’explique par l’engagement du MGD 2015 ».

([14]) Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

([15]) Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([16]) Le taux d'écart budgétaire agrégé correspond au pourcentage de différence entre le coût initialement estimé et le coût constaté de réalisation d’un projet d’investissement.

([17]) Le taux d'écart calendaire agrégé correspond au pourcentage de différence entre la durée initialement estimée et la durée constatée de réalisation d’un projet d’investissement.

([18]) Projet annuel de performance du programme 101 Accès au droit et à la justice annexé au projet de loi de finances pour 2021, présentation stratégique, page 186.

([19]) Mission relative à l’avenir de la profession d’avocat, présidée par M. Dominique Perben, rapport à Monsieur le Gard des sceaux, ministre de la justice, juillet 2020.

([20]) CEPEJ, ibid., publié le 22 octobre 2020.

([21]) Annexe n° 29 Justice de M. Patrick Hetzel au rapport n° 3011 de M. Laurent Saint-Martin fait au nom de la commission des finances, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020.

([22]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([23]) CEPEJ, ibid., publié le 22 octobre 2020.

([24]) Projet annuel de performance du programme 166 Justice judiciaire annexé au projet de loi de finances pour 2021, présentation stratégique, page 27.

([25]) D’après les réponses au questionnaire budgétaire transmis en application de l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, il s’agit, typiquement, de l’« atteinte aux biens, d’un préjudice faible, et pour lequel le contenu de la plainte et les premiers éléments d’enquête ne laissent aucune chance d’identifier l’auteur ».