N° 3399

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020.

 RAPPORT 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 38
 

 

SANTÉ

 

 

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Véronique LOUWAGIE

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES CRÉDITS ET SUR LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION SANTÉ

A. une hausse SUBSTANTIELLE des crédits non liée au contexte sanitaire

1. Des crédits en forte augmentation

2. La gestion financière de la crise sanitaire ne passe pas directement par la mission Santé

a. La mission Santé comprend une seule dépense liée à la crise sanitaire

b. La gestion financière de la crise sanitaire repose sur des crédits relevant de l’assurance-maladie mais partiellement gérés par l’État

B. Une maquette budgétaire globalement stable et une information budgétaire améliorée mais encore imparfaite.

1. Une maquette budgétaire globalement stable, une information budgétaire améliorée

a. Une maquette budgétaire globalement stable

b. Une information budgétaire améliorée

2. Une information encore imparfaite

a. L’absence de certaines informations relatives au programme 183

b. L’absence de certaines informations relatives au programme 204

II. LE PROGRAMME 183 PROTECTION MALADIE

A. L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT : Une dépense toujours plus élevée, une réforme inachevée

1. Une dépense toujours plus élevée

a. 140 millions d’euros de crédits supplémentaires pour l’AME de droit commun

b. Les causes de la progression attendue des dépenses

2. Une réforme inachevée

a. La réforme prévue a été en grande partie mise en œuvre

b. Une réforme inachevée en matière de lutte contre la fraude

c. Une réforme inachevée en matière financière

B. LE FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE : des dépenses et une activité stabilisées

C. LEs dépenses fiscales rattachées au programme 183

II. LE PROGRAMME 204 PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS : DES DÉPENSES ACCRUES MAIS SANS LIEN AVEC LA CRISE SANITAIRE

A. des dépenses accrues sans lien avec la crise sanitaire

1. Le poids prédominant de l’action n° 19 Modernisation de l’offre de soins et l’important effort accompli en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna

a. Un effort sans précédent en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna

b. Les autres dépenses de l’action n° 19

2. L’action n° 11 Pilotage de la politique de santé publique : des crédits en progression incluant un nombre très limité de dépenses liées à la crise sanitaire

a. Les dépenses liées à la crise sanitaire : des dépenses trop limitées ?

i. Les dépenses en faveur de nouveaux outils numériques en santé

ii. L’absence de budgétisation de certaines dépenses relatives à la crise sanitaire

b. Les autres mesures financées par l’action n° 11

c. Le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine : une amélioration partielle, des ajustements à prévoir

3. Les autres crédits de la mission

a. L’action n° 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

b. Les autres dépenses : les actions n° 12 Santé des populations, n° 15 Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation, n° 16 Veille et sécurité sanitaire et n° 17 Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins

B. Les dépenses fiscales rattachées au programme 204

III. LE VOLET SANTÉ DU PLAN DE RELANCE EST ESSENTIELLEMENT PORTÉ PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. Un important plan d’investissement en santé porté par le PLFSS

B. La formation aux métiers de la santé et du soin : une dépense complémentaire incluse dans la mission Plan de relance

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

annexe 1 : extrait du rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration sur la procédure d’admission au séjour pour soins

annexe 2 : comparaison de l’aide médicale d’état et de la Complémentaire santé solidaire (ex CMU-c)

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 42 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.


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   PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

La mission Santé comprend les dépenses de santé ne figurant pas dans le budget de la sécurité sociale et ne participe que très marginalement au financement des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Moins de 0,5 % des crédits de cette mission sont rattachés à la crise sanitaire.

La mission Santé est composée de deux programmes :

– le programme 183 Protection maladie finance l’aide médicale de l’État (AME) dédiée aux soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière et participe au financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ;

– le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, finance la politique de modernisation de l’offre de soins, le pilotage de la politique de santé publique, des mesures de prévention et d’autres actions sanitaires.

Les crédits demandés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 au titre de la mission Santé s’établissent à 1 329,2 millions d’euros en crédits de paiement (CP) et 1 323,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit un montant en hausse d’environ 200 millions d’euros par rapport à 2020.

Les crédits du programme 183 s’établissent à 1 069 millions d’euros en CP et en AE et sont en croissance d’environ 140 millions d’euros par rapport à 2020. Le coût prévisionnel de l’AME continue de croître et la réforme engagée en 2020 n’a pas permis de maîtriser cette dépense.

Les crédits du programme 204 s’établissent à 260 millions d’euros en CP (et 255 millions d’euros en AE) et sont en progression d’environ 60 millions d’euros par rapport à 2020 en raison principalement de l’engagement d’un plan d’investissement pour l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna. Le programme 204 se distingue également par le fonctionnement toujours insatisfaisant du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine.

La rapporteure présentera des amendements intéressant le fonctionnement de l’AME et le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine.

Le plan de relance comprend deux mesures relatives à la santé pour un montant de 6 150 millions d’euros sur la période 2020-2022. Il s’agit d’une dépense de 150 millions d’euros (prévue dans la mission Plan de relance) correspondant à un effort de formation aux métiers de la santé et du soin et d’une dépense (relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale) de 6 000 millions d’euros en faveur d’un plan d’investissement dans les secteurs sanitaire et médico-social et dans le numérique en santé.

 


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   DONNÉES CLÉS

ÉVOLUTION EN 2021 DES CRÉDITS DE LA MISSION PAR RAPPORT À 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI 2020

LFR 2020
(si pertinent)

PLF 2021

Évolution (en %)

LFI 2020

LFR 2020
(si pertinent)

PLF 2021

Évolution (en %)

183 - Protection maladie 

927,3

 

1 069

+ 15,3 %

927,3

 

1 069

+ 15,3 %

204 - Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

197,6

5

254,9

+ 28,9

200,9

5

260,2

+ 30 %

Totaux

1 124,9

5

1 323,9

+ 17,7 %

1 128,2

5

1 329,2

+ 17,9 %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Opérateurs dans le périmètre du rapport spécial (2) :

● Institut national du cancer (INcA) : 42,52 millions d’euros en CP et 40,52 millions d’euros en AE (programme 204) ;

● Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSeS) : 22,55 millions d’euros en CP et en AE (programme 204).

Mesure de périmètre et de transfert (2) :

● Programme 183 Protection maladie. L’extension en année pleine des mesures de régulation de l’accès aux soins des demandeurs d’asile conduit à transférer 30 millions d’euros des administrations de sécurité sociale vers le budget de l’État. Cette mesure figure à l’article 30 du projet de loi de finances.

● Programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Une mesure de périmètre à hauteur de 45 millions d’euros majore les crédits du programme au titre d’un plan d’investissement en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna. Cette dotation est financée par le Ségur de la santé.

 

 


Nombre d’équivalents temps plein travaillé (ETPT) :

● Institut national du cancer : 131 emplois sous plafond (– 3 ETPT par rapport à 2020).

Prévision de rattachement des fonds de concours :

● Aucun rattachement de fonds de concours n’est prévu en 2021. En revanche, le ministère des solidarités et de la santé poursuivra en 2021 la gestion du fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d’offre de soins » créé pour financer des dépenses rendues nécessaires par la crise sanitaire. Ce fonds de concours est alimenté par des crédits de l’assurance maladie versés, en 2020, sur le programme 204 par Santé publique France à hauteur de 700 millions d’euros. Les montants non consommés en 2020 seront reportés en 2021.

Dépenses fiscales :

● Programme 183 : trois dépenses fiscales, 497 millions d’euros ;

● Programme 204 : sept dépenses fiscales, 569 millions d’euros.

 

 


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   INTRODUCTION

Le budget de la mission Santé réunit les dépenses de santé ne figurant pas dans la loi de financement de la sécurité sociale et ne participe en particulier que très marginalement au financement des politiques publiques mises en œuvre dans le cadre de la crise sanitaire.

Cette mission repose sur les programmes 183 Protection maladie et 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins.

Le programme 183 est dédié à la gestion de l’aide médicale d’État (AME) et, subsidiairement, au financement du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) tandis que le programme 204 soutient la politique de modernisation de l’offre de soins, le pilotage de la politique de santé publique, des mesures de prévention et d’autres actions sanitaires. Les crédits de la mission Santé soutenant les politiques de prévention sont complétés par des dépenses figurant dans vingt-trois autres programmes budgétaires ([1]).

L’examen des crédits de la mission Santé figurant au projet de loi de finances (PLF) pour 2021 reposera sur une analyse générale des montants proposés (I), sur une analyse par programme (II) et sur un examen des crédits du plan de relance soutenant ces politiques publiques (III).

 

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I.   OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES CRÉDITS ET SUR LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION SANTÉ

La mission Santé se caractérise, d’une part, par une hausse substantielle de ses crédits non liée au contexte sanitaire et, d’autre part, par une maquette budgétaire stable et une information budgétaire améliorée mais encore imparfaite.

A.   une hausse SUBSTANTIELLE des crédits non liée au contexte sanitaire

1.   Des crédits en forte augmentation

Le PLF prévoit de doter la mission Santé de 1 329,2 millions d’euros en CP et de 1 323,9 millions d’euros en AE soit une hausse de plus de 200 millions d’euros (200,8 millions d’euros) par rapport aux crédits ouverts par la LFI 2020.

L’augmentation attendue des crédits s’explique par :

– la hausse de 141,5 millions d’euros des crédits dédiés au financement de l’aide médicale d’État ;

 l’accroissement de 59,3 millions d’euros des crédits dédiés au financement de six actions du programme 204. Les mesures ainsi soutenues concernent :

● un important plan d’investissement en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna (+ 45 millions d’euros) ;

● une dépense attachée à la crise sanitaire et prévoyant le développement des systèmes d’information de santé publique (+ 4,4 millions d’euros) ;

● des dépenses sans lien avec la crise sanitaire et prévoyant le relèvement du montant des actions juridiques et contentieuses (+ 3,6 millions d’euros), l’accroissement des dépenses de fonctionnement de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna (+ 3 millions d’euros), le financement de l’académie de l’Organisation mondiale de la santé (+ 2 millions d’euros) ainsi que la hausse des crédits en faveur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (+ 2 millions d’euros).

Le poids limité du contexte sanitaire dans la progression des dépenses de la mission Santé s’explique par les modalités de gestion financière de cette crise.

2.   La gestion financière de la crise sanitaire ne passe pas directement par la mission Santé

La gestion financière des aspects sanitaires de la crise du Covid 19 repose sur les crédits de l’assurance-maladie et non sur le budget de l’État. Moins de 0,5 % des crédits de la mission Santé sont ainsi rattachés à la gestion de la crise sanitaire.

a.   La mission Santé comprend une seule dépense liée à la crise sanitaire

La maquette budgétaire de la mission Santé comprend une seule sous-action dédiée à la gestion des situations d’urgence sanitaire. L’action 16 Veille et sécurité sanitaire du programme 204 comporte une sous-action intitulée Gestion des alertes et des crises sanitaires qui était dotée de 110 000 euros dans la LFI 2020. Cette sous-action est dédiée, selon le projet annuel de performances, « à financer plusieurs numéros verts gérés par la plate-forme téléphonique SITEL de réponse aux alertes sanitaires d’ampleur nationale » ([2]) et à financer le maintien de la certification ISO9001 acquise en 2005 par la direction générale de la santé (DGS) pour ses activités de réception et de traitement des alertes sanitaires et de gestion des situations sanitaires exceptionnelles. Cette sous-action est indirectement liée à la gestion de la crise sanitaire.

La seule dépense de la mission Santé expressément rattachée à la crise sanitaire est la sous-action Développement et exploitation des systèmes d’information de santé publique de l’action n° 11 Pilotage de la politique de santé publique du programme 204 qui finance, à hauteur de 7,9 millions d’euros, des outils numériques dont certains (Si Victimes, SI-DEP) sont utilisés en réponse à la pandémie.

Les crédits de fonctionnement de la direction générale de la santé (DGS) relèvent pour leur part du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

b.   La gestion financière de la crise sanitaire repose sur des crédits relevant de l’assurance-maladie mais partiellement gérés par l’État

La gestion financière de la crise sanitaire repose sur des crédits relevant de l’assurance-maladie dont une partie est employée par l’État après alimentation d’un fonds de concours.

L’achat des matériels utiles pour lutter contre la pandémie (médicaments, masques, respirateurs, blouses, etc.) relève de Santé publique France, un établissement public financé, depuis le 1er janvier 2020, par l’assurance-maladie. En mars 2020, cet opérateur a reçu une dotation exceptionnelle de 4 milliards d’euros au titre de la prévention épidémique et de la constitution de stocks stratégiques.

Santé publique France a versé une partie de cette dotation (700 millions d’euros) à un fonds de concours intitulé « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d’offre de soins ». Quatre arrêtés ont procédé aux ouvertures de crédits correspondantes ([3]). Ce fonds de concours a servi à abonder en cours d’exercice l’action 16 Veille et sécurité sanitaire du programme 204 géré par la Direction générale de la santé (DGS). À la date du 14 octobre 2020, le progiciel Chorus (relatif aux dépenses de l’État) indique que 435,94 millions d’euros ont été dépensés au titre de cette action.

Les crédits ainsi dépensés ont servi à l’achat et à la distribution de différents matériels (masques, tests, respirateurs, automates, consommables, réactifs, etc.), de services (transports aériens, fret, colisage, numéro vert, développement des systèmes d’information [dont Stop covid], etc.), de prestations intellectuelles (études) et à l’attribution d’une dotation complémentaire en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna. Au 31 août 2020, 69 marchés (dont 67 nouveaux marchés 2020) ont été passés dans ce cadre par la DGS qui n’a disposé, pour les réaliser, que d’un renfort très limité en personnel (2 EPTP).

Ces dépenses pourront être complétées par d’autres achats dans la limite des 700 millions d’euros ouverts par fonds de concours. Les crédits ouverts en 2020 sur ce support seront automatiquement reportés en 2021.

La gestion financière de la crise sanitaire repose ainsi sur des crédits relevant de l’assurance-maladie dont la gestion est en partie confiée à l’État au moyen du fonds de concours précité. Cette organisation tire la conséquence du transfert à l’assurance maladie du financement de Santé publique France intervenu le 1er janvier 2020. Jusqu’à cette date, cet établissement était financé par la mission Santé mais une modification de son financement a été décidée par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

En 2020, le programme 204 n’a donc pas bénéficié de crédits ouverts par une loi de finances rectificatives en vue d’acquérir des matériels utiles dans la lutte contre la pandémie. Les seuls crédits complémentaires ouverts en 2020 en faveur de ce programme s’établissent à 5 millions d’euros et correspondent au financement d’un dispositif d’indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le SARS-CoV2 et qui ne bénéficient pas d’une couverture obligatoire au titre des risques « accidents du travail » et « maladies professionnelles » ([4]).

Le PLF 2021 ne remet pas en cause cette orientation et ne dote pas la mission Santé de crédits importants en lien avec la crise sanitaire. Le PLFSS pour 2021 prévoit en revanche une « dotation supplémentaire exceptionnelle de l’assurance maladie à l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France) de 4,8 milliards d’euros pour lui permettre de faire face principalement aux achats de masques chirurgicaux et FFP2, d’équipements de protection individuelle à destination des professionnels de santé (blouses, tabliers, etc.), des molécules utilisées en réanimation, des respirateurs et les matériels médicaux associés et des réactifs pour les tests PCR » ([5]).

Le PLFSS n’évoque pas la création d’un nouveau dispositif de fonds de concours pour gérer ces crédits. Le fonds de concours créé en 2020 demeurera en l’état et pourra continuer à fonctionner sur la base des crédits non consommés de la dotation initiale de 700 millions d’euros.

 

 

 

Combien coûte Stop covid ?

Autorisée par l’article 11 de la loi n° 2020‑546 du 11 mai 2020 et le décret n° 2020-650 du 29 mai 2020, l’application pour smartphone Stop Covid vise « à briser les chaînes de contamination du Covid-19 » en permettant « aux personnes qui la téléchargent de bénéficier d’une alerte automatique au cas où elles auraient été en contact avec une personne qui s’est préalablement enregistrée comme positive au virus » ([6]).

L’application Stop Covid est financée par le fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d’offre de soins » et non par le programme 204.

D’après les éléments communiqués par le ministère des solidarités et de la santé, « le développement de la première version de l’application et sa mise à disposition […] santé ont été réalisés pro bono par l’Inria (chef de file du consortium et maître d’œuvre) et ses partenaires (Lunabee, Orange, Cap Gemini, 3DS Outscale). L’estimation des coûts pris en charge par le consortium pour cette phase de développement est de 2 500 000 € TTC ».

Depuis le développement et la mise à disposition de l’application, le ministère des solidarités et de la santé prend en charge les coûts suivants dans le cadre d’un marché public passé sans publicité et sans mise en concurrence en raison de l’urgence impérieuse :

– coût de l’« infogérance / exploitation / maintien en condition opérationnelle / maintien en condition de sécurité » : 1 128 000 euros TTC pour 12 mois (durée ferme du marché) ;

– coût des licences : 69 876 euros TTC (sur 12 mois également) ;

– coût du support utilisateur : 60 000 euros TTC par mois ;

– coût de l’animation du déploiement : 36 000 euros TTC par mois ;

– coût de l’hébergement : 48 000 euros TTC par mois.

Un premier bon de commande couvrant la période du 2 juin 2020 au 2 janvier 2021 a été émis sur la base de ces prix pour un montant total de 1 800 000 euros TTC.

Ces éléments financiers sont susceptibles d’être modifiés après le remplacement de cette application Stop Covid par une nouvelle application (Tous Anti-Covid) depuis la fin octobre 2020.

 

 

 

B.   Une maquette budgétaire globalement stable et une information budgétaire améliorée mais encore imparfaite.

La maquette budgétaire de la mission Santé est stable et l’information budgétaire apportée au Parlement connaît une amélioration réelle mais encore imparfaite.

1.   Une maquette budgétaire globalement stable, une information budgétaire améliorée

a.   Une maquette budgétaire globalement stable

La structuration générale de la maquette de la mission repose, comme pour les exercices précédents, sur deux programmes décomposés en dix actions réparties entre le programme 183 Protection maladie (deux actions) et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins (huit actions) ([7]).

La performance de ces différentes actions est appréciée sur la base de onze indicateurs (deux pour la mission, quatre pour le programme 183 et cinq pour le programme 204 ([8])), soit un indicateur de moins que lors du PLF 2020. L’indicateur de délai de traitement des autorisations de mise sur le marché a effectivement été supprimé après le transfert du financement de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à l’assurance-maladie.

Le périmètre de la mission connaît trois modifications.

La première concerne le programme 183 et prévoit un financement de 30 millions d’euros de l’assurance maladie vers le budget de l’État pour tenir compte de la réduction (de douze à six mois) du maintien des droits à l’assurance maladie pour les assurés étrangers dont le titre de séjour a expiré. Décidée par le décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019, cette mesure fait basculer une nouvelle population dans le régime de l’AME et diminue les dépenses de l’assurance maladie. La contribution précitée de 30 millions d’euros compense cette nouvelle situation.

La deuxième modification du périmètre de la mission concerne le programme 204 et a trait au financement (à hauteur de 45 millions d’euros) d’un plan d’investissement en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna effectué sur la base d’une dotation du Ségur de la santé.

La troisième modification du périmètre de la mission est relative aux crédits de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSèS). Jusqu’en 2020, cet établissement a perçu une taxe affectée (la contribution pour les déclarations et notifications des produits du tabac) à hauteur de 2 millions d’euros. La suppression de cette taxe conduit à la budgétisation de cette somme et à relever les crédits de cette agence.

La maquette n’appelle pas d’observations particulières de la rapporteure hormis une interrogation sur l’intérêt de conserver dans le programme 204 une action non dotée de crédit (action 18, projets régionaux de santé).

b.   Une information budgétaire améliorée

Les programmes 183 Protection maladie et 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins bénéficient d’informations plus complètes.

S’agissant du programme 183, le projet annuel de performances comporte pour la troisième année consécutive des indicateurs dédiés, d’une part, au délai moyen d’instruction des dossiers et, d’autre part, au pourcentage des dossiers d’AME contrôlés. Ces deux indicateurs sont pertinents et permettent d’effectuer des comparaisons dans le temps. La rapporteure partage ainsi le constat de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) selon lequel « la qualité des indicateurs du programme 183 a favorablement évolué ces dernières années » ([9]). Cependant, la mesure du pourcentage des dossiers contrôlés mériterait d’être complétée par une présentation du résultat de ces contrôles. 

S’agissant du programme 204, celui-ci bénéficie de la première publication d’une annexe budgétaire relative à la prévention et la promotion de la santé. Ce jaune budgétaire, créé par l’article 179 (29 °) de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, prend la suite d’un document de politique transversale (un « orange budgétaire ») portant sur la prévention en santé créé par l’article 262 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Ce précédent document constituait un premier progrès mais présentait l’inconvénient de limiter son périmètre au seul budget de l’État alors que la nouvelle annexe budgétaire présente l’ensemble des moyens dédiés à la politique de prévention et de promotion de la santé de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.

2.   Une information encore imparfaite

L’absence de certaines informations ne permet cependant pas d’apprécier pleinement la nature des dépenses des programmes 183 et 204.

a.   L’absence de certaines informations relatives au programme 183

Les dépenses d’AME nécessitent d’être parfaitement connues pour répondre au problème d’acceptation dont elles souffrent auprès de certains de nos concitoyens. La rapporteure considère qu’en dépit des progrès accomplis trois points de friction demeurent.

En premier lieu, comme la Cour des comptes, elle observe que « les hypothèses qui sous-tendent [la] programmation [budgétaire] restent mal documentées » ([10]). Sur ce point, les échanges réalisés avec la direction de la sécurité sociale permettent néanmoins de disposer des informations utiles.

En deuxième lieu, la rapporteure souligne que le coût réel de l’AME est sous-estimé et imparfaitement pris en compte par le programme 183. Dans leur récent rapport sur l’AME, l’IGAS et l’IGF ont relevé que « la complexité des règles de facturation empêche […] les hôpitaux d’imputer à l’AME ou aux soins urgents l’intégralité des soins aux étrangers en situation irrégulière. Ceci conduit à une sous-évaluation de la dépense hospitalière que la mission estime supérieure à 8 %, à quoi s’ajoutent des frais de gestion de l’ordre de 8 %. » ([11]). De manière plus générale, le coût de l’ensemble des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière est inconnu puisqu’aucun document n’agrège le coût de l’AME, de la prise en charge hospitalière des personnes en situation irrégulière à Mayotte, de la protection maladie accordée aux étrangers en situation irrégulière dans les six mois suivants la fin de leur titre de séjour et des soins en centre de rétention.

Enfin, s’agissant de l’AME, aucun document ne présente les pathologies traitées et les nationalités des bénéficiaires des soins. Seules des extractions ponctuelles sont effectuées, comme cela fut le cas en 2019 par l’IGAS et l’IGF. La rapporteure observe pourtant que des informations de ce type sont rendues publiques dans le cadre de la procédure d’admission au séjour pour soins (dite procédure « Étrangers malades ») gérée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Le rapport annuel sur la procédure d’admission au séjour pour soins : un exemple de transparence, une source d’inspiration pour l’AME

Définie par le 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la procédure d’admission au séjour pour soins (communément appelée procédure « Étrangers malades ») permet la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger présent sur le territoire français, de manière régulière ou irrégulière, depuis au moins un an et dont l’« état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir […] des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ».

La décision de délivrer ce titre de séjour est prise par l’autorité administrative après un avis rendu par un collège de médecins appartenant au service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Cette procédure, propre à la France et à la Belgique, a conduit à l’attribution de près de 10 000 titres de séjour en 2018-2019 (4 701 en 2018 et 4 900 titres en 2019 (chiffre provisoire)).

Le Parlement dispose d’informations précises sur ce dispositif. Le 11° de l’article L. 313-11 prévoit effectivement que « chaque année, un rapport présente au Parlement l’activité réalisée […] par le service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ». Deux rapports ont été remis à ce jour par l’OFII. Chacun de ces documents comporte des éléments précis sur la nationalité des demandeurs (nombre, nature et sort des demandes) et sur les pathologies prises en charge. Pour 2018, ce rapport indique ainsi que « les ressortissants algériens restent les principaux demandeurs d’un titre de séjour pour soins en France » et que la demande albanaise est « la seule nationalité, parmi les principales, en augmentation en 2018 » ([12]).

Si le régime juridique de la procédure d’admission au séjour pour soins diffère de celui de l’AME, la rapporteure spéciale regrette qu’un tel document n’existe pas encore pour l’AME. Aussi, dans le respect du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, elle déposera un amendement proposant la remise annuelle au Parlement d’un rapport portant sur l’AME.

b.   L’absence de certaines informations relatives au programme 204

L’information sur le programme 204 pourrait être complétée en certains points.

Le projet annuel de performances ne comporte ainsi aucun tableau pluriannuel permettant d’apprécier la trajectoire budgétaire envisagée pour l’indemnisation des victimes de la Dépakine et de ses dérivés alors même que l’Assemblée nationale avait, dans sa résolution n° 294 adoptée à l’unanimité le 19 juin 2019, souhaité que « la budgétisation complète du dispositif soit réévaluée à la lumière des éléments nouveaux présentés et déclinée de façon précise dans un cadre pluriannuel afin de favoriser l’information éclairée de la représentation nationale et d’améliorer le suivi du décaissement des crédits » ([13]).

La rapporteure regrette également l’absence de remise au Parlement du rapport sur le financement et l’évolution du financement des centres de référence maladies rares pourtant prévue (le 29 juin 2020 au plus tard) par l’article 278 de la loi de finances pour 2020.

II.   LE PROGRAMME 183 PROTECTION MALADIE

Le programme 183 finance principalement l’aide médicale de l’État qui représente 99 % de ses crédits et, subsidiairement, la participation de l’État au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

Le PLF dote ce programme d’un crédit de 1 069 millions d’euros en CP et en AE, soit un montant en progression de 141,5 millions d’euros par rapport à la LFI 2020.

Évolution des dÉpenses du programme 183

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution 2020-2021

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide médicale de l’État (action n° 2)

919,5

919,5

1 061

1 061

+ 141,5

+ 141,5

+ 15,4 %

+ 15,4 %

AME de droit commun

848

848

989,5

989,5

+ 141,5

+ 141,5

+ 16,7%

+ 16,7%

Soins urgents

70

70

70

70

-

-

-

-

Autres dispositifs

1,5

1,5

1,5

1,5

-

-

-

-

Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (action n° 3)

8

8

8

8

-

-

-

-

Programme 183 Protection maladie

927,5

927,5

1 069

1 069

+ 141,5

+ 141,5

+ 15,3 %

+ 15,3 %

Source : projet annuel de performances.

A.   L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT : Une dépense toujours plus élevée, une réforme inachevée

Créée en 1999, l’AME apporte une couverture maladie minimale gratuite aux personnes étrangères en situation irrégulière présentes sur le territoire français (à l’exception de Mayotte où ce dispositif ne s’applique pas). La gestion de ce dispositif est confiée à la Caisse nationale de l’assurance maladie. L’aide médicale de l’État recouvre trois dispositifs dont le plus important est l’AME de droit commun (qui comprend 92,5 % des crédits ouverts).

Les trois composantes de l’AME

 L’AME de droit commun relève de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) et s’adresse aux étrangers en situation irrégulière résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné au 1° de l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale ([14]). Ce dispositif permet une prise en charge à 100 % des frais de santé remboursables par l’assurance maladie dans la limite des tarifs de la sécurité sociale avec dispense d’avance de frais. L’AME ne couvre pas le même panier de soins que la Complémentaire santé solidaire (ex CMU-c) ([15]).

 L’AME dédiée aux soins urgents relève de l’article L. 251-4 du CASF. Ce dispositif s’adresse, d’une part, aux étrangers en situation irrégulière résidant en France sans remplir les conditions d’accès à l’AME de droit commun et, d’autre part, aux demandeurs d’asile majeurs durant un délai de 3 mois après le dépôt de leur demande d’asile et avant leur accès à la protection universelle maladie. L’AME Soins urgents finance des soins hospitaliers dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération durable de l’état de santé des intéressés. Le coût de ce dispositif est partagé entre l’État (qui accorde une dotation forfaitaire à la Cnam) et l’assurance maladie (qui prend en charge les dépenses allant au-delà de ce forfait).

 Les autres formes d’AME (réunies sous l’appellation « AME humanitaire ») concernent trois dispositifs d’ampleur limitée dont le coût est pris en charge par l’État :

* les soins hospitaliers prodigués (sur décision du ministre de la santé) à des personnes françaises ou étrangères ne résidant pas en France (article L. 251-1 du CASF) ;

* les évacuations sanitaires d’étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de La Réunion et de métropole ;

* l’aide médicale (soins infirmiers et médicaments) accordée aux personnes étrangères placées en garde à vue (article L. 251-1 du CASF et décret n° 2009-1026 du 25 août 2009) ou, sous certaines conditions, en rétention.

Les données disponibles sur l’« AME humanitaire » sont limitées ([16]) et la rapporteure proposera par amendement de modifier les modalités de gestion de « l’AME Garde à vue » en vue de confier ce dispositif au ministère de la justice qui finance déjà les consultations de médecins auprès des personnes étrangères placées en garde à vue.

Le PLF prévoit d’accorder un crédit de 1 061 millions d’euros au titre de l’action n° 2 Aide médicale d’État du programme 183 qui recouvre et finance les différentes composantes de l’AME. Ce crédit est en progression de 141,5 millions d’euros par rapport à la LFI 2020 (+ 15,4 %). La croissance de cette dépense résulte notamment de la réforme inachevée de ce dispositif.

1.   Une dépense toujours plus élevée

a.   140 millions d’euros de crédits supplémentaires pour l’AME de droit commun

Le poids financier de l’AME suit une trajectoire de hausse régulière : en cinq ans, le coût de l’ensemble des composantes de l’AME (AME de droit commun, Soins urgents et AME « humanitaire ») est passé de 825,1 millions d’euros à une prévision de 1 061 millions d’euros, soit une croissance de 235,9 millions d’euros représentant une hausse de 28,6 %.

2016-2021 : le coût de l’AME

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performances et des données de la Cour des comptes.

La forte augmentation attendue en 2021 se concentre sur la seule AME de droit commun. Le projet annuel de performances indique ainsi que les montants de l’AME Soins urgents (70 millions d’euros) et de l’AME « humanitaire » (1,5 million d’euros) sont stables. La rapporteure nuance cependant cette affirmation puisque, selon les éléments fournis par la direction de la sécurité sociale, « la dépense de soins urgents, après prise en compte du coût du nouvel accès aux soins urgents des demandes d’asile pendant les trois premiers mois de leur présence sur le territoire, est estimée à 104 millions d’euros en 2020 ». Le surcroît de dépenses observé en 2020 (+ 34 millions d’euros par rapport à la dotation en LFI) est susceptible de se retrouver en 2021.

 

b.   Les causes de la progression attendue des dépenses

La hausse attendue des dépenses de l’AME de droit commun (+ 141,5 millions d’euros) résulte d’un effort de sincérité budgétaire, des effets du contexte sanitaire, de l’évolution spontanée de la dépense et de la récente modification des conditions de la couverture maladie de certains étrangers.

L’effort de sincérité budgétaire est réel. Après plusieurs exercices de sous-budgétisation chronique, le Gouvernement s’attache – comme en 2019 et 2020 – à présenter une prévision sérieuse de l’évolution de la dépense d’AME. Tout comme la Cour des comptes, la rapporteure avait dénoncé ces erreurs répétées de prévision et soutient cet effort de sincérité budgétaire.

Le contexte sanitaire pèse également de différentes manières sur la dépense d’AME. En 2020, le contexte sanitaire a conduit certains bénéficiaires de l’AME à réduire – comme le reste de la population – leur consommation de soins et à reporter certaines interventions en 2021. Un rattrapage de soins est ainsi anticipé.

L’évolution spontanée de la dépense explique également la croissance attendue de l’AME. Le nombre de bénéficiaires poursuit ainsi sa progression « naturelle ». Ainsi, si 208 974 bénéficiaires étaient recensés au 31 décembre 2011, 334 500 l’étaient au 31 décembre 2019. Les premiers temps de la crise sanitaire n’ont pas infléchi cette tendance puisque, selon les données transmises par la direction de la sécurité sociale, 349 844 bénéficiaires étaient recensés au 31 mars 2020 (+ 15 344 par rapport au 31 décembre 2019).

En dix ans, le nombre de bénéficiaires de l’AME a crû de près de 150 000 unités (+ 140 870). Cette évolution devrait se confirmer en 2021. Si le projet annuel de performances ne mentionne pas le nombre anticipé de bénéficiaires de l’AME l’an prochain, celui-ci devrait continuer de croître en raison de la récente modification des conditions de la couverture maladie de certains étrangers.

Une mesure récente contribue ainsi à faire « basculer » une nouvelle catégorie d’étrangers dans l’AME. Ainsi, et en application du décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019 ([17]), les étrangers dont la validité du titre de séjour est échue ne bénéficient plus de la Protection universelle maladie que pour une durée de six mois après l’expiration de leur titre de séjour (contre douze mois auparavant) ce qui, au-delà de six mois, les fait dépendre de l’AME de droit commun ([18]).

2011-2020, évolution du nombre de bénéficiaires
de l’aide médicale d’État de droit commun

Source : commission des finances (d’après les documents budgétaires et la direction de la sécurité sociale).

Si l’évolution attendue de la dépense d’AME de droit commun en 2021 résulte de ces différents éléments, elle témoigne surtout de l’inachèvement de la réforme de ce dispositif.

2.   Une réforme inachevée

En dépit du contexte sanitaire, la réforme de l’AME annoncée en 2019 et partiellement incluse dans la LFI 2020 a été en grande partie mise en œuvre. Si ce point mérite d’être souligné, la rapporteure souligne cependant l’absence d’effets immédiats de cette réforme sur la maîtrise des dépenses et l’insuffisance des mesures prises.

a.   La réforme prévue a été en grande partie mise en œuvre

Comme le tableau suivant l’indique, la plupart des mesures annoncées ont été mises en œuvre ou sont sur le point de l’être :

Mesure prise

Conditions de mise en œuvre et observations

Principales mesures (art. 264 de la LFI 2020 et mesures d’application)

Subordination de l’accès à l’AME à une durée ininterrompue de résidence en France de plus de trois mois

Disposition opérante depuis le 1er janvier 2020

Dépôt de la première demande d’AME effectué par le demandeur et non plus par un tiers ou par courrier. Un décret doit déterminer les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette règle notamment pour les mineurs isolés et les personnes à mobilité réduite.

Disposition partiellement opérante depuis le 1er janvier 2020. Le dépôt de la première demande se fait bien en personne mais :

– Le décret précisant les conditions de dérogation n’a pas encore été publié,

– L’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 a suspendu jusqu’au 31 juillet 2020 l’obligation de dépôt physique d’une première demande d’AME et a prolongé de trois mois les droits à l’aide médicale arrivant à expiration entre le 12 mars 2020 et le 31 juillet 2020

Subordination de la réalisation des « prestations programmées et ne revêtant pas un caractère d’urgence » à un délai d’ancienneté du bénéfice de l’AME qui ne peut excéder neuf mois (principe du « délai de carence pour les soins non-urgents ») ([19]). Un décret en Conseil d’État doit définir les frais concernés, le délai d’ancienneté et les conditions de mise en œuvre de ces dispositions.

Décret non encore publié (en cours d’examen au Conseil d’État)

Autres mesures

Renforcement du contrôle des attestations d’hébergement

Mesure effective depuis l’été 2019

Regroupement de l’instruction des demandes d’AME dans trois CPAM (Paris, Bobigny et Marseille)

Mesure effective depuis décembre 2019

Redéfinition des caractéristiques de la carte AME

Mesure effective (arrêté du 31 décembre 2019)

Accès de certains agents des CPAM au fichier « Visabio » ([20]) du ministère de l’intérieur

Mesure effective depuis septembre 2020

Renforcement du contrôle des « liens financiers préalables » (dettes hospitalières antérieures au bénéfice de l’AME)

En cours de déploiement

La rapporteure regrette que la réforme opérée ait exclu de recentrer l’AME sur les seuls soins vitaux, c’est-à-dire sur les soins de première urgence dispensés aux étrangers en situation irrégulière (hors mineurs et femmes enceintes) et recouvrant notamment les vaccinations, le traitement des maladies contagieuses et les soins liés à la maternité. Comme le relève le rapport de l’IGAS et de l’IGF, les dispositifs en vigueur dans les huit autres pays européens étudiés par cette mission (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède et Suisse) se limitent à la prise en charge des pathologies nécessitant des soins urgents ou plus largement essentiels, à la prise en charge des femmes enceintes et des mineurs et à la prévention des infections (vaccinations obligatoires, tuberculose, VIH…). Seule la France propose une couverture sanitaire aussi large.

La rapporteure prend cependant acte de la réforme engagée mais considère que celle-ci aurait pu, à périmètre constant (c’est-à-dire hors recentrage sur les soins urgents), être plus ambitieuse, notamment en matière de lutte contre la fraude et en matière financière.

b.   Une réforme inachevée en matière de lutte contre la fraude

Trois mesures complémentaires auraient pu être prises.

En premier lieu, la rapporteure regrette que le Gouvernement n’ait pas retenu la recommandation n° 9 du rapport de l’IGAS et de l’IGF visant à imposer un délai maximum de deux mois pour retirer une carte AME ; délai au-delà duquel les cartes seraient détruites et les droits clos. Ce rapport a ainsi relevé qu’une « part importante des cartes d’AME est retirée par le bénéficiaire dans un délai supérieur à deux mois après notification de la décision par la CPAM. Cette situation […] soulève des interrogations […] et peut s’expliquer dans certains cas par le fait que la personne réside dans son pays d’origine et ne prévoit un retour en France et un retrait de la carte d’AME qu’en cas de besoin de soins » ([21]). La rapporteure rappelle que les citoyens français disposent d’un délai maximal de trois mois pour retirer, sous peine de destruction, une carte nationale d’identité (article 5 du décret modifié n° 55-1397 du 22 octobre 1955) ou un passeport (article 12 du décret modifié n° 2005-1726 du 30 décembre 2005). La situation des bénéficiaires de l’AME mériterait d’être alignée sur celle des nationaux ([22]).

En deuxième lieu, des faiblesses persistantes sont observées dans la vérification de l’identité d’un tiers attestant sur l’honneur héberger un demandeur de l’AME. Comme la direction de la sécurité sociale l’a confirmé à la rapporteure, le décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d’admission des demandes d’AME ne permet pas d’imposer la présentation d’une pièce d’identité (ou d’un titre de séjour) pour vérifier l’identité d’un hébergeur. La présentation d’une quittance de loyer, d’une facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone établie au nom de l’hébergeant et datant de plus de trois mois, suffit, alors même que ces pièces sont aisément falsifiables ([23]).

La rapporteure déplore enfin que le droit actuel ne permette pas de mesurer précisément l’existence, ou non, du phénomène de « tourisme médical ». Ce sujet fait régulièrement l’objet de controverses mais ces controverses dureront tant qu’aucune donnée ne permettra de confirmer ou d’infirmer sa réalité.

La rapporteure considère que plusieurs éléments concordants laissent supposer l’existence de ce « tourisme médical ». Une récente étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé ([24]) indique ainsi que 10 % des bénéficiaires de l’AME interrogés dans le cadre de cette enquête citent un motif lié à la santé pour justifier leur migration en France (ce motif pouvant être combiné à d’autres motifs). Le rapport 2019 de l’IGAS et de l’IGF considère en outre que « l’hypothèse d’une migration pour soins […] n’est clairement pas un phénomène marginal » ([25]).

Cependant, seul le recueil de données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME et sur les soins dispensés permettrait de corroborer ou d’infirmer ces éléments. Le croisement de ces données permettrait ainsi de savoir si des nationalités se spécialisent (ou non) dans certains soins et si des filières de migration pour soins existent (ou non). Seules ces données permettront d’objectiver cette situation et de sortir de cette controverse sans fin.

La rapporteure a cherché à connaître les raisons expliquant l’absence actuelle de données de ce type en matière d’AME et a contacté en ce sens la direction de la sécurité sociale et la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il ressort de ces échanges qu’à l’heure actuelle, le recueil de la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME s’écarterait des informations devant être recueillies pour ouvrir ou refuser les droits à l’AME. Cette position repose sur le principe de « minimisation des données » recueillies posé par l’article 5c du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

La rapporteure ne conteste pas cette analyse et admet que la nationalité d’un demandeur d’un bénéficiaire de l’AME et les soins dispensés ne soient pas recueillis dans ce cadre juridique. En revanche, elle considère que ces données pourraient être recueillies si la finalité du traitement de données utilisé par la CNAM ne se limitait plus à l’ouverture des droits mais était élargie pour inclure notamment une référence à la lutte contre les tentatives de dévoiement et de fraude à l’AME.

La rapporteure entend donc déposer un amendement modifiant la finalité du traitement des données utilisé dans le cadre de l’AME afin de préciser le cadre juridique existant en vue de permettre de disposer de données objectives sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME et sur les soins dispensés aux bénéficiaires.

Elle note que les informations ainsi recueillies devraient être portées chaque année à la connaissance du Parlement et mises à la disposition du ministère de l’intérieur afin de pouvoir lutter contre d’éventuelles filières de migration pour soins. Elle rappelle que le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l’intérieur coopèrent déjà en matière de lutte contre le dévoiement de l’AME. Ainsi, le personnel de la CNAM dispose depuis 2020 d’un accès au logiciel VISABIO géré par le ministère de l’intérieur dans le cadre des procédures d’instruction de demande de visas.

Cette consultation permet aux agents de la CNAM de vérifier si un demandeur d’AME a éventuellement dissimulé son arrivée récente (de moins de trois mois) sur le territoire dans le cadre d’une procédure de visa.

De ce fait, si le ministère de l’intérieur recueille des données et les met à disposition du ministère des solidarités et de la santé pour lutter contre la fraude à l’AME, pourquoi le ministère des solidarités et de la santé ne recueillerait-il pas des données permettant au ministère de l’intérieur de lutter contre d’éventuelles filières de tourisme médical ?

c.   Une réforme inachevée en matière financière

La réforme de l’AME n’a pas traité la question de l’apurement de la dette de l’État vis-à-vis de l’assurance maladie.

Les difficultés de financement observées sur les différentes composantes de l’AME ont conduit à l’apparition d’une dette de l’État vis-à-vis de l’assurance maladie. Cette dette s’explique par des retards successifs de remboursement pour l’AME de droit commun (la CNAM avance le remboursement des dépenses des bénéficiaires de l’AME puis se fait rembourser par l’État) et par une insuffisance de financement pour l’AME Soins urgents (l’État ne finance les soins urgents que dans la limite d’une dotation forfaitaire de 70 millions d’euros). Le montant cumulé de cette dette s’établit à 15,2 millions d’euros au 31 décembre 2019 en recul par rapport aux exercices antérieurs :

Évolution de la dette de l’État à l’égard de l’assurance maladie
au titre de l’AME

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Certains éléments font cependant craindre l’alourdissement de cette dette. Ainsi, comme indiqué précédemment, si une dotation de 70 millions d’euros a été accordée en 2020 au titre des soins urgents, la dépense réelle attendue sur cet exercice est estimée par la direction de la sécurité sociale à 104 millions d’euros.

La rapporteure considère que la CNAM n’a pas à supporter les difficultés de financement de l’AME et appelle à l’apurement de cette dette. À ce titre, elle invite le Gouvernement à agir en ce sens dans le cadre du PLF ou du prochain projet de loi de finances rectificative.

B.   LE FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE : des dépenses et une activité stabilisées

L’utilisation de l’amiante est interdite en France depuis le 1er janvier 1997 et le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante a été créé (sous la forme d’un établissement public administratif) par l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 dans le but d’assurer la réparation des préjudices subis par les victimes de l’amiante. Des fonds comparables existent en Belgique, en Italie et aux Pays‐Bas.

Le PLF prévoit un crédit de 8 millions d’euros en CP et en AE au titre de la contribution de l’État au fonctionnement du FIVA. Ce versement, inchangé depuis 2017, complète la dotation principale (260 millions d’euros en 2020, 220 millions d’euros attendus en 2021) versée par la branche AT-MP (accidents du travail / maladies professionnelles) du régime général de la sécurité sociale et les recettes encaissées par le FIVA au titre des actions subrogatoires engagées à l’encontre des responsables de l’exposition à l’amiante (36,6 millions d’euros en 2019). La dotation de l’État finance les dépenses de gestion de l’établissement (personnel, frais de fonctionnement et dépenses d’investissement).

Depuis la création du FIVA et jusqu’au 31 décembre 2019, 105 974 victimes ont déposé un dossier de demande d’indemnisation et 195 908 autres demandes (ayants droit, indemnisations complémentaires suite à une aggravation) ont été enregistrées. Près de 250 000 offres (248 653) ont été faites aux demandeurs et les dépenses d’indemnisation cumulées sur cette période atteignent 6 193 millions d’euros. En 2019, le FIVA a enregistré 19 725 demandes, soit plus d’un millier de demandes supplémentaires par rapport aux deux années précédentes. Cette tendance n’a pas été confirmée en 2020 en raison du contexte sanitaire mais un rattrapage est attendu en 2021.

La rapporteure considère que le FIVA est une institution qui a fait ses preuves et dont le fonctionnement est satisfaisant.

C.   LEs dépenses fiscales rattachées au programme 183

Trois dépenses fiscales sont rattachées au programme 183 Protection maladie pour un montant estimé à, au moins, 497 millions d’euros en 2021.

Dépenses fiscales rattachées au programme 183

Dépense fiscale

Coût estimé en 2021

Exonération totale pour les prestations et rentes viagères servies aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles et à hauteur de 50 % pour les indemnités temporaires 

490 millions d’euros

Exonération des indemnités versées aux victimes de l’amiante 

7 millions d’euros

Déduction de l’actif successoral des rentes ou indemnités versées ou dues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou une maladie

Dépense non chiffrable

Source : projet annuel de performances.

La Cour des comptes, dans sa note d’exécution budgétaire 2019 sur la mission Santé, a recommandé de « procéder à la revue des dépenses fiscales rattachées à la mission afin de pouvoir évaluer leur efficacité, et étudier, le cas échéant, leur suppression ou leur évolution » (recommandation n° 2) ([26]).

Interrogé sur ce point, le ministère des solidarités et de la santé a indiqué que – pour les dépenses fiscales d’exonération – cette préconisation « revêt une dimension assez théorique » puisqu’elle vise à évaluer « l’efficacité d’une dépense fiscale qui n’a pas une vocation comportementale […] mais de prendre en compte et de manière exclusive un impératif d’équité » en réparation d’un préjudice ([27]).


II.   LE PROGRAMME 204 PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS : DES DÉPENSES ACCRUES MAIS SANS LIEN AVEC LA CRISE SANITAIRE

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins finance la politique de modernisation de l’offre de soins, le pilotage de la politique de santé publique, des mesures de prévention et d’autres actions sanitaires. Le PLF dote ce programme d’un crédit de 260,2 millions d’euros en CP et de 254,9 millions d’euros en AE, soit des montants en progression de 59,3 millions d’euros en CP et de 57,3 millions d’euros en AE par rapport à la LFI 2020.

Évolution des dÉpenses du programme 204

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution 2020-2021

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Pilotage de la politique de santé publique (action n° 11)

63,7

63,7

72,1

74,1

+ 8,4

+ 10,4

+ 13,2 %

+ 16,3 %

Santé des populations (action  12)

1

1

1,2

1,2

+ 0,2

+ 0,2

+ 21,2 %

+ 21,8 %

Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades (action  14)

51,6

53,6

50,6

52,6

– 1

– 1

– 1,9 %

– 1,8 %

Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation (action  15)

25,5

25,5

26,2

26,2

+ 0,7

+ 0,7

+ 2,7 %

+ 2,7 %

Veille et sécurité sanitaire (action 16)

1,6

1,6

1,6

1,6

-

-

-

-

Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins (action  17)

4,2

4,2

4,2

4,2

-

-

-

-

Projets régionaux de santé (action  18)

0

0

0

0

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Modernisation de l’offre de soins (action  19)

49,9

51,3

98,9

100,3

+ 49

+ 49

+ 98 %

+ 95, %

Programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

197,6

200,9

254,9

260,2

+ 57,3

+ 59,3

+ 29 %

+ 29,5 %

Source : projet annuel de performances.

L’accroissement des crédits prévu en 2021 rompt avec la diminution régulière des moyens du programme 204 observée ces dernières années en raison notamment de la réduction progressive du champ des dépenses et du nombre d’opérateurs financés ([28]).

Évolution des CRÉDITS DE PAIEMENT du programme 204

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires et les notes d’analyse budgétaire de la Cour des comptes.

Cette rupture de tendance n’est pas une conséquence de la crise sanitaire (cf. supra) mais résulte d’un effort financier particulier accompli en faveur de certaines actions et structures dont, au premier chef, l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna.

A.   des dépenses accrues sans lien avec la crise sanitaire

L’action n° 19 Modernisation de l’offre de soins occupe une place prédominante au sein du programme 204.

1.   Le poids prédominant de l’action n° 19 Modernisation de l’offre de soins et l’important effort accompli en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna

Le PLF prévoit un crédit de 100,3 millions d’euros en CP et 98,9 millions d’euros en AE au titre de l’action n° 19 Modernisation de l’offre de soins dédiée, selon le projet annuel de performances, « à l’adéquation de l’offre de soins aux besoins de la population à travers la recherche d’une plus grande efficience » ([29]). Ce montant est en très forte croissance (+ 49 millions d’euros) par rapport à la LFI 2020 en raison d’un effort particulier effectué en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna.

a.   Un effort sans précédent en faveur de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna

L’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna est un établissement public à caractère administratif regroupant deux hôpitaux et plusieurs dispensaires. Dans le PLF, l’essentiel des crédits de l’action n° 19 (92,8 millions d’euros sur 100,3 millions d’euros en CP et 91,5 millions d’euros sur 98,9 en AE) sont affectés au financement de cette agence dans le but de répondre aux difficultés sanitaires de ce territoire et à l’impasse de financement déplorée depuis plusieurs années par la rapporteure et la Cour des comptes.

La population wallisienne et futunienne (estimée à 11 600 habitants en 2019) rencontre des difficultés particulières en matière sanitaire (forte obésité, présence de maladies vectorielles et infectieuses, en particulier la dengue) et les infrastructures locales de santé sont fragiles (deux dispensaires de Wallis sont situés en zone submersible) et insuffisamment équipées. Ces difficultés ont été exposées en avril 2019 dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier. Ce document pointe une « situation sanitaire alarmante » marquée par une espérance de vie inférieure de 6,5 ans à celle de métropole, appelle à un « sursaut de la part de tous » et souligne que « des décisions urgentes sont indispensables » ([30]).

La rapporteure a utilisé ses pouvoirs spéciaux pour obtenir communication du rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier sur la situation de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna

L’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances reconnaît aux rapporteurs spéciaux des commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat le pouvoir d’obtenir communication de « tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l’administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État et du respect du secret de l’instruction et du secret médical ».

Sur cette base, la rapporteure spéciale a demandé le 17 septembre 2020 à l’IGAS communication du rapport que cette institution a consacré en avril 2019, avec le Contrôle général économique et financier, à l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna.

Ce rapport, qui formule 36 propositions, lui a été remis le 30 septembre 2020 et a été, conformément à l’article 146 (2) du Règlement de l’Assemblée nationale ([31]), communiqué à Mme Jeanine DUBIÉ, rapporteure pour avis des crédits de la mission Santé de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

L’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna fait face depuis plusieurs exercices à un financement insuffisant. En 2018, la LFI a ouvert 34,3 millions d’euros en CP alors que les dépenses s’étaient élevées à 38,2 millions d’euros en 2017. En 2019, la LFI a ouvert 36,8 millions d’euros en CP alors que les dépenses s’étaient élevées à 40,25 millions d’euros en 2018.

En 2020, la LFI a opéré une première mise à niveau en ouvrant 43,8 millions d’euros de CP alors que les dépenses s’étaient élevées à 42 millions d’euros en 2019. Le PLF prolonge et amplifie très largement ce rattrapage en prévoyant un crédit de 92,8 millions d’euros en CP et 91,5 millions d’euros en AE. Ce montant couvre les dépenses de fonctionnement de l’agence (portées à 46,5 millions d’euros en CP) et l’engagement d’un plan d’investissement de 45 millions d’euros destiné à soutenir notamment, dans le cadre d’un schéma directeur immobilier, la reconstruction de l’hôpital de Futuna, la rénovation de l’hôpital de Wallis, l’aménagement de lits dédiés aux soins de suite et de réadaptation (pour pallier l’absence d’EHPAD) et le déplacement des deux dispensaires situés en zone submersible.

La rapporteure salue le très important effort budgétaire accompli et note que le montant du plan d’investissement envisagé se rapproche de la proposition n° 29 du rapport IGAS - CGEF préconisant de « mettre en place un programme d’investissements sur 5 ans d’un montant de 44,70 millions d’euros pour mettre à niveau l’agence de santé de Wallis et Futuna dans l’ensemble de ses missions ». La rapporteure s’interroge cependant sur le niveau élevé des CP inscrits au PLF au regard des délais associés aux opérations de construction d’infrastructures (passation des marchés publics, démarches d’urbanisme, travaux, etc.). Si un haut niveau d’AE se comprend en raison du caractère pluriannuel des dépenses engagées, le niveau des CP ouverts semble excessif au regard des possibilités réelles de consommation des crédits en 2021.

b.   Les autres dépenses de l’action n° 19

L’action n° 19 finance d’autres mesures. Elle soutient ainsi, à hauteur de 3,35 millions d’euros en AE et CP, une mission de conception des politiques d’offre de soins et des actions de modernisation finançant des études, le programme PHARE de performance des achats hospitaliers et des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage en matière informatique.

L’action 19 contribue également au fonctionnement de l’Agence du numérique en santé (à hauteur de 0,5 million d’euros en CP et en AE), ce montant complétant les crédits ouverts par la loi de financement de la sécurité sociale (123,9 millions d’euros en CP et 116,8 millions d’euros en AE en 2020) et à la gestion du processus de délivrance des certifications professionnelles dans le champ sanitaire (3,64 millions d’euros en CP et en AE).

2.   L’action n° 11 Pilotage de la politique de santé publique : des crédits en progression incluant un nombre très limité de dépenses liées à la crise sanitaire

Le PLF dote l’action n° 11 Pilotage de la politique de santé publique de 74,1 millions d’euros en CP et 72,1 millions d’euros en AE dont une partie limitée est liée à la crise sanitaire. Cette action finance des mesures d’information et de communication auprès du public et des professionnels de la santé, le partenariat avec des associations ainsi que les frais liés au dispositif d’indemnisation des accidents médicaux dont celui de la Dépakine.

a.   Les dépenses liées à la crise sanitaire : des dépenses trop limitées ?

i.   Les dépenses en faveur de nouveaux outils numériques en santé

La seule dépense du programme 204 expressément rattachée à la crise sanitaire est celle dédiée au développement et à l’exploitation des systèmes d’information de santé publique qui bénéficie d’un crédit de 7,9 millions d’euros en forte progression par rapport à la LFI 2020 (+ 4,4 millions d’euros).

Le projet annuel de performances rattache explicitement certaines des dépenses de cette sous-action à la pandémie. Un crédit de 2,4 millions d’euros est par exemple prévu pour servir au « développement de nouveaux outils de gestion de crise comme le Système d’Information de Dépistage (SI-DEP) qui permet de centraliser les résultats d’examens biologiques de dépistage de la Covid-19 afin de les mettre à disposition des organismes chargés de déterminer les personnes ayant été en contact avec des personnes infectées (contact-tracing), de réaliser des enquêtes sanitaires en présence de cas groupés pour rompre les chaînes de contamination, d’orienter et d’accompagner les personnes concernées, et de faciliter le suivi épidémiologique aux niveaux national et local ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation » ([32]).

Le système d’information VIC (Victimes) initialement conçu pour recenser les victimes d’attentats ou d’évènements sanitaires graves évoluera également en vue d’être relié au système d’information du Samu pour améliorer la régulation des interventions d’urgence. Le coût de cette adaptation destinée à corriger certaines insuffisances apparues lors de la pandémie n’est pas connu.

La totalité des crédits de la sous-action de « développement et d’exploitation des systèmes d’information de santé publique » n’est cependant pas affectée à des actions en lien avec la crise sanitaire. Ainsi, cette sous-action finance par exemple également le développement du projet SI Amiante (utilisé dans la lutte contre le saturnisme et l’insalubrité dans les immeubles bâtis) et du projet Géo’DAE (base nationale de recensement géolocalisé des défibrillateurs cardiaques).

ii.   L’absence de budgétisation de certaines dépenses relatives à la crise sanitaire

La crise sanitaire aurait pu justifier l’inscription de « crédits spécifiques Covid-19 » au sein de la sous-action Actions juridiques et contentieuses de l’action n° 11.

Dotée d’un crédit de 57,2 millions d’euros en AE et CP, cette sous-action prend en charge, d’une part, le coût des litiges amiables et contentieux de toute nature mis à la charge de l’État en matière sanitaire et, d’autre part, la dotation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) chargé de gérer différents dispositifs d’indemnisation pour le compte de l’État.

Cette sous-action ne bénéficie pas de crédits spécifiques attachés à la crise sanitaire alors que deux considérations auraient pu le justifier.

En premier lieu, la responsabilité financière de l’État est susceptible d’être engagée par des tiers au titre de certaines décisions prises par les autorités sanitaires (par exemple les agences régionales de santé) durant la pandémie. Aucun crédit n’est prévu dans le PLF au titre de ces possibles « contentieux Covid ». Certes, la longueur des délais d’instruction et de jugement rend peu probable l’engagement de dépenses dès 2021 (ce qui peut justifier l’absence de crédit de paiement) mais l’inscription d’autorisations d’engagement aurait pu être envisagée en prévision de contentieux à venir.

Aucun crédit spécifique n’est non plus prévu en faveur de l’ONIAM alors même que cet établissement devra gérer un dispositif d’indemnisation relatif à la crise sanitaire. Ainsi, l’article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a introduit un article L. 3131-20 dans le code de la santé publique créant un dispositif d’indemnisation. Ce nouvel outil est destiné à assurer la prise en charge de dommages résultant des mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire. La gestion de ce dispositif est confiée à l’ONIAM. Selon la DGS, « ce nouveau dispositif doit s’entendre comme visant à la réparation, par l’ONIAM, des dommages consistant en un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale imputable à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 » (relatifs à l’état d’urgence sanitaire) ([33]). Si la nature de ces dommages demeure encore à préciser, il est regrettable que le PLF ne prévoit aucun crédit (même en AE) au titre du financement de ce dispositif d’indemnisation.

La rapporteure regrette l’absence d’inscription de crédits au titre de ces deux probables dépenses. En revanche, elle ne conteste pas l’absence d’ouverture de crédits supplémentaires au titre du dispositif d’indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le SARS-CoV2 créé par l’article 73 de la loi  n° 2020–935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

La création d’un dispositif d’indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le SARS-CoV2

L’article 73 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a créé un dispositif d’indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le SARS-CoV2 qui ne bénéficient pas d’une couverture obligatoire au titre des risques « accidents du travail » et « maladies professionnelles ». Ce dispositif est d’application directe et ne nécessite pas de décret d’application (son fonctionnement se faisant par renvoi aux modalités de l’assurance volontaire ATMP).

L’article 28 de cette même loi a ouvert 5 millions d’euros de crédit (en CP et en AE) sur le programme 204 au titre de cette dépense. Ce montant correspond, selon la DGS, au traitement de 400 dossiers. À la date du 23 septembre 2020, ces crédits n’ont pas été consommés et leur report sera demandé.

Une partie des dépenses engagées dans le cadre de ce dispositif ont vocation à être reconduites sur plusieurs exercices. Tel devrait être le cas des prestations d’incapacité permanente (versées de manière viagère jusqu’au décès de la victime) et d’indemnisation des ayants droit (le conjoint, partenaire de PACS ou concubin étant indemnisé jusqu’à son remariage ou son décès, et l’enfant jusqu’à ses 21 ans).

Pour l’heure, aucun bilan du nombre de demandes reçues dans le cadre de ce nouveau dispositif a été établi. Une adaptation des crédits ouverts par la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 est donc prématurée. Cet ajustement pourra en revanche intervenir ultérieurement lorsque des premiers éléments quantitatifs seront réunis.

La rapporteure sera vigilante sur les conditions d’application de ce dispositif.

b.   Les autres mesures financées par l’action n° 11

L’action n° 11 finance d’autres actions relatives au pilotage, au soutien et aux partenariats relayant la politique de santé publique.

Un crédit de 6 millions d’euros en CP et 4 millions d’euros en AE regroupe des subventions en faveur d’associations, le financement d’études et recherches en santé publique et le soutien apporté à des actions internationales. Le financement pluriannuel apporté par la France à l’Académie de l’OMS s’inscrit dans ce cadre à hauteur de 2 millions d’euros en CP ([34]).

L’action n° 11 finance surtout les dépenses d’« actions juridiques et contentieuses » (à hauteur de 57,2 millions d’euros en CP et en AE) (cf. supra) incluant une dotation en faveur de l’ONIAM. Le montant de ce crédit est supérieur de 4 millions d’euros à celui ouvert par la LFI 2020 en raison de la revalorisation des montants dédiés au contentieux de l’indemnisation de la vaccination. Ce crédit couvre également le fonctionnement du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine sur lequel la rapporteure exerce un contrôle étroit.

c.   Le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine : une amélioration partielle, des ajustements à prévoir

La Dépakine (et ses dérivés) est un médicament utilisé dans le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires dont la prise in utero (pendant une grossesse) est susceptible d’être à l’origine de graves malformations et de troubles du développement neurologique chez l’enfant. Le laboratoire Sanofi est le premier producteur de ce médicament.

La loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a créé un dispositif d’indemnisation, entré en vigueur le 1er juin 2017, destiné à « faciliter l’indemnisation amiable des dommages résultant de la prescription de valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés pendant une grossesse et d’assurer la réparation intégrale des préjudices imputables à cette prescription » ([35]). Le fonctionnement de ce dispositif a été modifié par l’article 266 de la loi de finances pour 2020 mais la crise sanitaire a retardé la mise en œuvre de cette réforme. Cette situation porte préjudice aux victimes qui peinent toujours à être indemnisées. La rapporteure prend acte de cette situation, déplore le refus persistant du laboratoire Sanofi de participer au mécanisme d’indemnisation amiable prévu par le Législateur et présentera des amendements proposant d’ajuster certains aspects de ce dispositif.

i.   Une réforme mise en œuvre de manière décalée en raison de la crise sanitaire

La loi de finances pour 2020 a modifié en trois points le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine dont le premier bilan était peu satisfaisant ([36]). Le collège d’experts et le comité d’indemnisation de l’ONIAM précédemment constitués sous forme de deux instances distinctes ont été fusionnés en une entité unique dans les conditions précisées par le décret n° 2020-564 du 13 mai 2020. Une présomption d’imputabilité des dommages à un manque d’information de la mère a été instituée ([37]). Enfin, le délai imparti à l’ONIAM pour présenter une offre d’indemnisation à la victime a été abaissé de trois à un mois lorsque l’ONIAM soumet une offre en substitution du responsable des dommages.

En complément de ces adaptations législatives, le ministère des solidarités et de la santé avait envisagé d’engager une campagne d’information à destination des femmes ayant pris du valproate de sodium afin de leur faire connaître le dispositif d’indemnisation. Le contexte sanitaire ne lui a cependant pas permis de respecter cet objectif.

La crise sanitaire et la difficulté à recruter certains profils médicaux siégeant au sein du collège ont par ailleurs retardé la mise en œuvre de la réforme. Les arrêtés de composition de l’instance n’ont été publiés qu’à l’été 2020 et le collège unique ne s’est réuni pour la première fois que le 23 septembre 2020 sous la présidence d’un magistrat de l’ordre judiciaire recruté à cet effet ([38]).

En dépit du décalage observé dans la constitution du collège unique, la rapporteure souligne l’investissement de l’ONIAM pour préparer la mise en œuvre de la réforme en pleine crise sanitaire. Cet établissement a notamment décidé de prendre en charge, sur ses crédits, la rémunération du magistrat présidant le collège unique afin d’accélérer son recrutement. La rapporteure observe également avec satisfaction que le collège prévoit un rythme de travail soutenu (quatre réunions en octobre, onze en novembre et sept en décembre), ce que Mme Marine Martin, présidente de l’APESAC (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant) a également souligné lors de son audition. Une simplification des démarches d’instruction et d’indemnisation, notamment s’agissant des frais de déplacement, serait cependant utile au regard de la difficulté des familles à réunir des pièces administratives et médicales parfois anciennes.

ii.   Les victimes peinent toujours à être indemnisées

La mise en œuvre progressive de la réforme et la crise sanitaire ont ralenti le fonctionnement du dispositif d’indemnisation. Selon la DGS, le rythme mensuel de dépôt des demandes est passé de 20 en 2019 à 12 en 2020. De ce fait, le nombre de dossiers reçus et d’indemnisations accordées demeure limité. Ainsi :

– À la date du 22 septembre 2020, 2 758 demandes d’indemnisation ont été reçues émanant de victimes directes (713) et de victimes indirectes (2 045) ;

– À la date du 31 août 2020 :

● 129 dossiers ont fait l’objet d’une offre ;

● au moins une offre a été acceptée dans 53 dossiers ;

 le montant des indemnisations versées (offres partielles et offres définitives) s’établit à 9,8 millions d’euros depuis 2018 dont 4,5 millions d’euros ont été versés au titre de l’année 2020. Par ailleurs, 12 millions d’euros d’indemnisation ont été engagés mais ne sont pas acquittés ;

● la prévision d’indemnisation s’élève à 12 millions d’euros pour 2020 et à 36,6 millions d’euros pour 2021.

Ces nombres sont faibles au regard du nombre de victimes supposées et des prévisions initiales d’indemnisation. En 2017, la CNAM et l’ANSM ont ainsi estimé que le nombre d’enfants ayant développé une malformation majeure était compris entre 2 150 et 4 100 ([39]) et que le nombre d’enfants atteints de troubles mentaux ou du comportement entre 1967 et 2016 du fait de l’exposition in utero au valproate de sodium était compris entre 16 600 et 30 400 ([40]). Le chiffrage initial du dispositif d’indemnisation s’établissait à 466,2 millions d’euros pour une période de 6 ans, soit 77,7 millions d’euros par an.

La trajectoire du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine demeure toujours très éloignée des objectifs initiaux et contraste avec l’efficacité du dispositif d’indemnisation des victimes du benfluorex (Mediator). Comme le rappelle le rapport sur la soutenabilité pour les finances publiques et la gestion du dispositif d’indemnisation prévu pour les victimes de la Dépakine, « s’agissant du benfluorex, le nombre de dossiers déposés en trois mois (de septembre à décembre 2011) avoisinait les 6 000 dossiers, pour un nombre total au 31 janvier 2019 de 9 463 » ([41]). La trajectoire peu satisfaisante du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine tient également au refus persistant du laboratoire Sanofi de participer au processus d’indemnisation des victimes.

iii.   Des ajustements complémentaires à prévoir

La rapporteure déplore le refus persistant du laboratoire Sanofi de participer au dispositif d’indemnisation amiable voulu, à l’unanimité, par le Législateur. Ce choix contraste avec celui effectué par les laboratoires Servier qui contribuent au fonctionnement du dispositif d’indemnisation des victimes du Mediator.

Le choix de Sanofi pénalise les victimes et contraint l’ONIAM à se substituer à ce laboratoire pour indemniser les victimes. En cas d’accord sur le montant d’une offre d’indemnisation, et dans les conditions prévues par le code de la santé publique, l’ONIAM indemnise ainsi la victime en lieu et place de Sanofi avant de se retourner contre ce laboratoire en émettant un titre de recette. En 2019, 21 titres de recettes ont été émis contre Sanofi pour un montant de 5,14 millions d’euros et, au 30 juin 2020, 23 autres titres de recette ont été émis pour un montant supplémentaire de 1,75 million d’euros. Aucun de ces titres de recettes n’a été acquitté par Sanofi qui a choisi d’en contester la légalité devant les tribunaux.

 

 

La mise en examen de la société Sanofi pour « tromperie aggravée » et « blessures involontaires » (février 2020), les trois décisions du tribunal administratif de Montreuil rendues le 2 juillet 2020 (opérant un partage de responsabilités entre l’État, des médecins et des laboratoires) ([42]) et la mise en examen supplétive de Sanofi pour « homicides involontaires » (20 juillet 2020) n’ont pas conduit cette entreprise à modifier sa position.

La rapporteure déplore le refus persistant de la société Sanofi de participer au dispositif d’indemnisation. Ce choix nuit aux victimes, contraint l’ONIAM à supporter d’importants frais et méconnaît la volonté unanime du Parlement de favoriser un dispositif d’indemnisation amiable. Pour ces motifs, la rapporteure déposera deux amendements modifiant les articles L. 1142-24-16 et L. 1142-24-17 du code de la santé publique dans le but d’accroître sensiblement le montant de la somme que le juge, saisi par une victime ou par l’ONIAM, peut infliger à l’assureur ou à la personne responsable des dommages.

3.   Les autres crédits de la mission

a.   L’action n° 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

Le PLF dote l’action n° 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades d’un crédit de 52,6 millions d’euros en CP et en AE soit un montant en retrait de 1,8 % par rapport à la LFI 2020.

Comme le projet annuel de performances l’indique, « cette action rassemble les crédits du programme dédiés aux politiques publiques destinées à améliorer la prévention des maladies chroniques et la qualité de vie des malades et de leurs proches. Cette action concerne donc une très grande diversité de pathologies (maladies neurodégénératives, maladies liées au vieillissement, cancers, santé mentale, santé sexuelle-VIH, IST, hépatites, tuberculose, etc.) et une population de tous âges et leurs déterminants majeurs que sont les addictions » ([43]).

La principale mesure tient au financement de l’Institut national du cancer à hauteur de 40,52 millions d’euros en AE et CP. Cette subvention pour charges de service public représente une part importante du budget de cet établissement fixé à 93 millions d’euros en 2020 ([44]) mais est en retrait par rapport à 2020 alors que cet opérateur est engagé dans la préparation de la stratégie décennale de lutte contre les cancers dont l’article 1er de la loi du 8 mars 2019 lui a confié la charge ([45]). Le schéma d’emplois de l’INcA s’établit à 131 ETPT et est également en retrait de 3 postes par rapport à 2020.

Le cancer et le Covid 19 : des reports de soins nombreux et inquiétants

Lors de son audition, M. Norbert Ifrah, président de l’INcA, a souligné les importantes conséquences de l’épidémie de Covid sur les activités liées au cancer et notamment le nombre d’actes non effectués. À ce jour, près de 45 000 actes de chirurgie pour traitement d’un cancer ont été décalés ou n’ont pas eu lieu par absence de diagnostic et 12 % des chimiothérapies auraient été annulées ou reportées.

La récente publication du quatrième volet de l’étude EPI Phare de pharmaco-épidémiologie portant sur la dispensation sur ordonnance en pharmacie d’officine de médicaments remboursés pendant le confinement et la période de post-confinement (soit du 16 mars au 13 septembre 2020) confirme ces craintes. Cette étude comptabilise «  250 000 préparations pour coloscopie, – 500 000 produits iodés pour scanner,
 280 000 produits de contraste pour IRM. La chute, non rattrapable, de ces trois derniers actes indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves en poussée, conduit avec l’ensemble de la filière de cancérologie et de médecine de spécialité à des retards conséquents de prise en charge ». Cet « effondrement de la consommation » est potentiellement lourd de conséquences ([46]).

Le récent rapport d’étape de la mission indépendante nationale sur l’évaluation de la gestion de la crise Covid-19 et sur l’anticipation des risques pandémiques invite le Gouvernement à engager sans tarder une étude approfondie sur la question des reports de soins et ses conséquences « pour établir un état des lieux et pour remédier aux problèmes identifiés » ([47]). La rapporteure partage cette analyse et appuie cette proposition.

Les autres dépenses de l’action n° 14 intéressent la santé sexuelle ([48]) (à hauteur de 4,83 millions d’euros en CP et en AE), la prévention des addictions (à hauteur de 3 millions d’euros en CP et en AE) et le traitement d’autres maladies chroniques (à hauteur de 1,1 million d’euros en CP et en AE).

b.   Les autres dépenses : les actions n° 12 Santé des populations, n° 15 Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation, n° 16 Veille et sécurité sanitaire et n° 17 Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins

Les autres dépenses du programme 104 sont réparties entre quatre actions dont le montant cumulé représente 33,2 millions d’euros en CP et en AE.

L’action n° 15 Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation s’établit à 26,2 millions d’euros en CP et en AE et contribue principalement au financement de l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSèS) à hauteur de 22,5 millions d’euros en CP et en AE ([49]). Ce montant, en progression par rapport à la LFI 2020, intègre un montant de 2 millions d’euros compensant la suppression de la taxe sur les produits de tabac dont le produit était précédemment destiné à cet opérateur.

Cette action finance également la mise en œuvre du programme national nutrition santé 2019-2023 et plusieurs plans et stratégies de santé publique dans le domaine de la santé-environnement (plan national santé environnement « Mon environnement, ma santé », plan eau DOM, etc.) à hauteur de 4,1 millions d’euros en CP et en AE.

L’action n° 17 Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins finance à hauteur de 4,1 millions d’euros en CP et en AE des actions relatives aux comités de protection des personnes participant aux recherches impliquant la personne humaine.

L’action n° 16 Veille et sécurité sanitaire finance à hauteur de 1,6 million d’euros en CP et en AE des dispositifs de préparation aux crises sanitaires, de prévention des risques infectieux émergents et de gestion des alertes et des crises sanitaires.

L’action n° 12 Santé des populations finance à hauteur de 1,2 million d’euros en CP et en AE des actions participant à la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé 2018-2022 et du plan « priorité prévention » (actions en direction des migrants, dépistage et prévention des violences, etc.).

 

B.   Les dépenses fiscales rattachées au programme 204

Sept dépenses fiscales sont rattachées au programme 204 pour un montant estimé à 569 millions d’euros en 2021.

dépenses fiscales rattachées au programme 204

Dépense fiscale

Coût estimé en 2021

Exonération des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses »

475 millions d’euros

Taux de 10 % pour les prestations de soins dispensées par les établissements thermaux autorisés

34 millions d’euros

Exonération d’impôt sur le revenu, à hauteur de 60 jours par an, de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins par les médecins ou leurs remplaçants installés dans certaines zones rurales ou urbaines

25 millions d’euros

Exonérations des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses »

18 millions d’euros

Déduction forfaitaire de 3 % déclarée par les médecins conventionnés

11 millions d’euros

Déduction forfaitaire au titre du groupe III déclarée par les médecins conventionnés

6 millions d’euros

Exonération de taxe sur la publicité télévisée sur les messages passés pour le compte d’œuvres d’utilité publique à l’occasion de grandes campagnes nationales

0

Source : projet annuel de performances.

Le montant de ces dépenses fiscales est en croissance par rapport aux exercices précédents (551 millions d’euros en 2020, 539 millions d’euros en 2019 et 515 millions d’euros en 2018) en raison de l’accroissement du coût estimé de l’exonération des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses » (+ 15 millions d’euros) probablement dû au contexte sanitaire.


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III.   LE VOLET SANTÉ DU PLAN DE RELANCE EST ESSENTIELLEMENT PORTÉ PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Le plan de relance comprend deux mesures relatives à la santé pour un montant de 6 150 millions d’euros sur la période 2020-2022. Il s’agit d’une dépense de 150 millions d’euros (prévue dans la mission Plan de relance) correspondant à un effort de formation aux métiers de la santé et du soin et d’une dépense (relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale) de 6 000 millions d’euros en faveur d’un plan d’investissement dans les secteurs sanitaire et médico-social et dans le numérique en santé.

A.   Un important plan d’investissement en santé porté par le PLFSS

Comme l’indique le dossier de présentation du plan de relance ([50]), « dans le cadre du Ségur de la Santé, 6 milliards d’euros du plan de relance sont consacrés à l’investissement dans les secteurs sanitaire et médico-social ainsi que dans le numérique en santé »

Ces montants seront ainsi répartis :

– 2 100 millions d’euros sur cinq ans pour la transformation, la rénovation, l’équipement et le rattrapage numérique des établissements médico-sociaux,

– 2 500 millions d’euros sur cinq ans pour l’investissement en santé dans les territoires (projets hospitaliers prioritaires et projets ville-hôpital),

– 1 400 millions d’euros sur trois ans pour la modernisation des outils numériques en santé.

Ces dépenses seront inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

 

 

 

B.   La formation aux métiers de la santé et du soin : une dépense complémentaire incluse dans la mission Plan de relance

La mission Plan de relance inclut un axe dédié aux « formations sur les métiers d’avenir ». Dans ce cadre, et dans le prolongement du Ségur de la Santé, « des parcours supplémentaires visant les métiers du soin et de la santé seront financés […] afin de former des jeunes éloignés de l’emploi vers ce secteur en tension : + 6 000 places en formation d’infirmiers sur 3 ans (de 2020 à 2022), + 6 600 places dans les formations d’aides-soignants (sur 2021 & 2022) et + 3 400 places dans les formations d’auxiliaires de vie (sur 2021 & 2022) » ([51]).

Le coût de cette mesure est estimé à 150 millions d’euros pour l’État et fera l’objet d’un cofinancement complémentaire de la part des régions ([52]). La répartition de ce crédit sur 2020 et 2021 n’est en revanche pas connue.

 

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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 22 octobre 2020, et contrairement aux recommandations de la rapporteure, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Santé. Aucun des amendements examinés n’a été adopté.

Le compte rendu de cette réunion sera prochainement disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

 

 

 

 


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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante :

– Mme Pascale Romenteau, directrice

– M. Daniel Jubenot, directeur-adjoint

Institut national du cancer :

 M. le Professeur Norbert Ifrah, président

– M. Thierry Breton, directeur général

Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) :

– M. Sébastien Leloup, directeur

– Mme Aude de Martin de Viviés, directrice adjointe

Ministère de la solidarité et de la santé  Direction de la sécurité sociale (DSS) :

– M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale

– Mme Julie Pougheon, adjointe au sous-directeur de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail

– Mme Anna Gomez-Colombani, adjointe auprès de la cheffe du bureau de la synthèse financière

– Mme Sara Donati, chargée de mission à la sous-direction de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail

Ministère de la solidarité et de la santé  Direction générale de la santé (DGS) et direction générale de l’offre de soins (DGOS) :

– Mme Martine Laborde-Chiocchia, sous-directrice de la stratégie et des ressources (DGOS)

– Mme Clothilde Huyghe, adjointe au chef du bureau de l’administration générale (DGOS)

– Mme Véronique Deffrasnes, secrétaire général, cheffe de service (DGS)

– M. Grégoire Rullier, chef du bureau budget (DGS)

– M. Nicolas Morizot, responsable des achats (DGS)


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   annexe 1 : extrait du rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration sur la procédure d’admission au séjour pour soins

Motifs des demandes enregistrées en 2018

Groupes de pathologies (chapitre CIM-10)

%

Effectifs

Troubles mentaux et du comportement

24,3 %

6 689

Certaines maladies infectieuses et parasitaires

23,8 %

6 547

Maladies de l’appareil circulatoire

20,4 %

5 627

Maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques

16,5 %

4 540

Tumeurs

11,4 %

3 148

Maladies du système ostéoarticulaire, des muscles et du tissu conjonctif

7,5 %

2 076

Maladies du système nerveux

7,0 %

1 936

Facteurs influant sur l’état de santé et motifs de recours aux services de santé

6,4 %

1 767

Maladies de l’appareil génito-urinaire

5,3 %

1 472

Malformations congénitales et anomalies chromosomiques

3,5 %

957

Maladies du sang est des organes hématopoïétiques et certains troubles du système immunitaire

3,2 %

882

Maladies de l’appareil digestif

3,2 %

871

Maladie de l’œil et de ses annexes

2,7 %

747

Maladies de l’appareil respiratoire

2,7 %

746

Lésions traumatiques, empoisonnements et certaines autres conséquences de causes externes

1,9 %

528

Symptômes, signes et résultats anormaux d’examens cliniques et de laboratoire, non classés ailleurs

1,4 %

388

Maladies de l’oreille et de l’apophyse mastoïde

0,9 %

235

Maladies de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané

0,6 %

165

Certaines affections dont l’origine se situe dans la période périnatale

0,6 %

164

Causes externes de morbidité et de mortalité

0,5 %

126

Grossesse, accouchement et puerpéralité

0,1 %

41

Nombre de rapports médicaux rédigés

 

27 541

Source : Procédure d’admission au séjour pour soins, Service médical de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Rapport au Parlement, 2018. Deuxième rapport établi en application de l’article L. 313-11 (11°) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, p.41.


   annexe 2 : comparaison de l’aide médicale d’état et de la Complémentaire santé solidaire (ex CMU-c)

Champ de la couverture

AME

C2S

Prestations de ville et hospitalières

Prise en charge dans la limite du TRSS, hors cures thermales et PMA.

Dépassements d’honoraires autorisés et à la charge du bénéficiaire de l’AME.

Prise en charge dans la limite du TRSS*, y compris cures thermales et PMA.

Dépassements d’honoraires interdits.

Forfait journalier hospitalier

Prise en charge intégrale.

Prise en charge intégrale.

Médicaments

Prise en charge des médicaments remboursables, hors médicaments à 15 % et des princeps.

Prise en charge de tous les médicaments remboursables.

Soins dentaires prothétiques et d’orthopédie dento-faciale

Prise en charge dans la limite du TRSS

Dépassements à la charge du bénéficiaire de l’AME.

Prise en charge au-delà du TRSS, à hauteur des tarifs plafonds définis pour la C2S.

Optique

Prise en charge dans la limite du TRSS

Dépassements à la charge du bénéficiaire de l’AME.

Prise en charge au-delà du TRSS, à hauteur des tarifs définis pour la C2S (équivalent au 100 % Santé).

Audiologie

Prise en charge dans la limite du TRSS

Dépassements à la charge du bénéficiaire de l’AME.

Prise en charge au-delà du TRSS, à hauteur des tarifs plafonds définis pour la C2S (équivalent au 100 % Santé).

Dispositifs médicaux (hors optique et audiologie)

Prise en charge dans la limite du TRSS

Dépassements à la charge du bénéficiaire de l’AME.

Prise en charge dans la limite du TRSS, avec tarifs maximum imposés à hauteur du TRSS pour certains dispositifs.

Dispense d’avance de frais

Oui.

Oui.

Exonération pour les participations forfaitaires et franchises médicales

Oui.

Oui.

* tarif de responsabilité de sécurité sociale

Source : direction de la sécurité sociale.


([1]) La liste de ces programmes figure dans la nouvelle annexe budgétaire Prévention et promotion de la santé (pages 15 à 18). En 2019, la dépense correspondante s’établit à 3 166,8 millions d’euros.

([2]) Projet annuel de performances de la mission Santé, page 48.

([3]) Ces 700 millions d’euros ont été ouverts par les quatre arrêtés suivants :

– arrêté du 27 mars 2020 portant ouverture de crédits de fonds de concours (231 millions d’euros) ;

– arrêté du 3 avril 2020 portant ouverture de crédits de fonds de concours (269 millions d’euros) ;

– arrêté du 15 avril 2020 portant ouverture de crédits de fonds de concours (100 millions d’euros) ;

– arrêté du 27 avril 2020 portant ouverture de crédits de fonds de concours (100 millions d’euros).

([4]) Ce dispositif a été institué par l’article 73 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 et le crédit de 5 millions d’euros a été ouvert par l’article 28 (état B) de cette même loi.

([5]) Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, annexe 7, ONDAM et dépenses de santé, page 10.

([6]) Site servicepublic.fr et communiqué de presse du 14 septembre 2020 du ministère des solidarités et de la santé.

([7]) Actions du programme 183 : Aide médicale de l’État (action n° 2) et Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (action n° 3).

Actions du programme 204 : pilotage de la politique de santé publique (action n° 11), santé des populations (action n° 12), prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades (action n° 14), prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation (action n° 15), veille et sécurité sanitaire (action n° 16), politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins (action n° 17), projets régionaux de santé (action n° 18, non alimentée) et modernisation de l’offre de soins (action n° 19).

([8]) Indicateurs de la mission : état de santé perçue - pourcentage de la population de 16 ans et plus se déclarant en bonne ou très bonne santé générale, espérance de vie ;

Indicateurs du programme 183 : délai moyen d’instruction des demandes d’AME, pourcentage des dossiers d’AME contrôlés, pourcentage des décisions présentées aux victimes de pathologies graves dans le délai légal de six mois et pourcentage des offres payées dans le délai réglementaire de deux mois ;

Indicateurs du programme 204 : taux de couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes de 65 ans et plus, taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal pour les personnes de 50 ans à 74 ans, prévalence du tabagisme quotidien en population de 15 ans à 75 ans, pourcentage d’unités de distribution d’eau potable présentant des dépassements des limites de qualité microbiologique et pourcentage de signalements d’événements nationaux et internationaux susceptibles d’appeler en urgence l’intervention du ministère chargé de la santé traités en une heure.

([9]) L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales octobre 2019, p. 3.

([10]) Cour des comptes, mission Santé, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019, p. 13.

([11]) Op. cit., page 2.

([12]) Procédure d’admission au séjour pour soins. Service médical de l’office français de l’immigration et de l’intégration rapport au Parlement. Année 2018, p. 28. Un exemple des données figurant dans ce rapport figure en annexe 1.

([13]) Assemblée nationale, résolution n° 294 relative à la simplification du dispositif d’indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés, 19 juin 2019, page 3.

([14]) Ce plafond varie selon le lieu de résidence et la composition du foyer. Depuis le 1er avril 2020, le plafond de ressources annuel pour une personne vivant en métropole s’établit à 9 032 €, soit 753 € par mois. Pour une personne vivant en outre-mer, il s’établit à 10 052 €, soit 838 € par mois. Ce plafond est revalorisé au 1er avril de chaque année, par application d’un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’INSEE l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation (article L. 161-25 du code de la sécurité sociale). Ce plafond de ressources ne s’applique pas à « l’AME humanitaire » qui peut être attribuée à titre exceptionnel par le ministre chargé de l’action sociale à une personne ne résidant pas en France, présente sur le territoire français et dont l’état de santé le justifie.

([15]) Cf. annexe 2.

([16]) S’agissant des hospitalisations de patients évacués par l’hôpital de Mayotte vers des établissements de santé de la Réunion et de métropole, la dernière donnée disponible date de 2018. Lors de cet exercice, 322 patients sans couverture sociale résidant à Mayotte ont fait l’objet d’une évacuation sanitaire.

([17]) Décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019 relatif aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France.

([18])  L’article 265 de la loi de finances pour 2020 a modifié la couverture maladie des demandeurs d’asile. Depuis le 1er janvier 2020, les intéressés ne peuvent plus bénéficier de la Protection universelle maladie (PUMA) qu’à l’issue d’un délai de carence de trois mois. Durant cette période, les intéressés relèvent de l’AME Soins urgents, ce qui explique la revalorisation de 40 à 70 millions d’euros de la dotation forfaitaire de l’État opérée dans la LFI 2020 et reconduite dans le PLF 2021. Cette mesure ne pèse donc pas sur le coût de l’AME de droit commun.

([19]) L’exposé sommaire de l’amendement n° II-2155 déposé par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 indiquait que ce délai de carence concernerait « notamment […] les prothèses de hanche, de genou, la chirurgie de la cataracte, ou encore certains actes de kinésithérapie ou prestations de transport ». Ce délai de carence ne concerne pas les mineurs et, pour les majeurs, il ne s’applique pas si l’absence de réalisation de ces prestations est susceptible d’avoir « des conséquences vitales ou graves et durables sur l’état de santé de la personne ». Dans cette hypothèse, leur prise en charge précoce est possible sous réserve de l’accord préalable du service du contrôle médical.

([20]) Le fichier Visabio est un traitement de données à caractère personnel intéressant les étrangers sollicitant la délivrance d’un visa. L’accès de certains agents des CPAM à ce fichier doit permettre de renforcer la lutte contre la fraude en identifiant les étrangers entrés régulièrement en France sous couvert d’un visa et qui, durant la période de validité de ce visa, sollicitent indûment le bénéfice de l’AME ou des soins urgents.

([21]) Op. cit., page 20.

([22]) La rapporteure a adressé une question écrite sur ce sujet au ministre des solidarités et de la santé (question écrite n° 32422, 29 septembre 2020).

([23]) Extrait de l’article 4 du décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005 : « 2° Pour la justification de la présence ininterrompue depuis trois mois sur le territoire français du demandeur, le visa ou le tampon comportant la date d’entrée en France figurant sur son passeport ou, à défaut : […] d) Une quittance de loyer ou une facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone établie au nom de l’hébergeant, datant de plus de trois mois, lorsque le demandeur est hébergé à titre gratuit par une personne physique ».

([24]) Institut de recherche et documentation en économie de la santé, Questions d’économie de la santé, n° 245 - novembre 2019, Le recours à l’Aide médicale de l’État des personnes en situation irrégulière en France : premiers enseignements de l’enquête Premiers pas. Florence Jusot (Université Paris Dauphine, PSL, Leda-Legos, Irdes), Paul Dourgnon (Irdes), Jérôme Wittwer (Université de Bordeaux, Bordeaux Population Health (Inserm U1219), Équipe Emos), Jawhar Sarhiri (Irdes), pages 4 et 6.

([25]) Op. cit., page 2.

([26]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la mission Santé, page 37.

([27]) Réponse au questionnaire de la rapporteure.

([28]) Plusieurs dépenses ont été transférées du budget de l’État vers les lois de financement de la sécurité sociale comme en 2017 la part de l’État dans le financement du Fonds d’intervention régional (133 millions d’euros) et en 2018 les subventions pour charges de service public de l’Agence de biomédecine (13 millions d’euros) et de l’École des hautes études en santé publique (7,4 millions d’euros). Cette évolution s’est poursuivie en 2020 avec le transfert du financement de Santé publique France (153 millions d’euros) et de l’ANSM. (118 millions d’euros) vers l’assurance maladie. À l’inverse, quelques nouvelles dépenses ont été incluses dans le périmètre de la mission comme, depuis 2018, le financement du dispositif d’indemnisation des victimes de valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine).

([29]) Projet annuel de performances, page 33.

([30]) Rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier sur la situation de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna (non publié), pp.  4-6.

([31]) Cet article dispose que : « Le rapporteur spécial peut demander à la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de lui adjoindre un de ses membres pour l’exercice de ce contrôle. Il communique les documents dont il est saisi aux rapporteurs pour avis du même budget désignés par les autres commissions permanentes ».

([32]) Projet annuel de performances, page 36.

([33]) Réponse au questionnaire de la rapporteure.

([34]) Le projet d’Académie de l’OMS prévoit notamment l’aménagement d’un campus à Lyon dans le but d’instituer « des environnements d’apprentissage de haute technologie, un centre de simulation d’excellence pour les situations d’urgence sanitaire et des espaces de collaboration pour l’élaboration conjointe, la recherche et l’innovation en matière de formation » (projet annuel de performances, page 34).

([35]) Oniam, rapport d’activité 2019, page 45.

([36]) La rapporteure renvoie sur ce point à ses travaux antérieurs notamment ses rapports n° 1302 (annexe 38) sur le projet de loi de finances pour 2019, n° 2301 (annexe 38) sur le projet de loi de finances pour 2020 et n° 3011 (annexe 38) sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019.

([37]) Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1142-24-12 du code de la santé publique disposent ainsi que « les malformations congénitales sont présumées imputables à un manque d’information de la mère sur les effets indésirables du valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés lorsqu’il a été prescrit à compter du 1er janvier 1982 » et que « les troubles du développement comportemental et cognitif sont présumés imputables à un manque d’information de la mère sur les effets indésirables du valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés lorsqu’il a été prescrit à compter du 1er janvier 1984 ».

([38]) Arrêté du 12 juin portant nomination du président du collège, arrêté du 24 juillet 2020 portant nomination des membres du collège, arrêté du 30 juillet portant nomination de la présidente suppléante et arrêté du 29 juillet 2020 fixant le montant des indemnités susceptibles d’être allouées aux membres du collège d’experts chargé d’instruire les demandes des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés.

([39]) ANSM, CNAM, rapport « Exposition in utero à l’acide valproïque et aux autres traitements de l’épilepsie et des troubles bipolaires et risque de malformations congénitales majeures (MCM) en France », 1er août 2017.

([40]) ANSM, CNAM, rapport « Risque de troubles neuro-développementaux précoces (avant l’âge de 6 ans) associé à l’exposition in utero à l’acide valproïque et aux autres traitements de l’épilepsie en France - Étude de cohorte à partir des données du SNDS », 22 juin 2018.

([41]) Ministère des solidarités et de la santé, rapport sur la soutenabilité pour les finances publiques et la gestion du dispositif d’indemnisation prévu pour les victimes de la Dépakine, novembre 2019, page 24.

([42]) Saisi de requêtes présentées par des femmes ayant suivi un traitement antiépileptique (par administration de Dépakine) durant leurs grossesses, menées entre 1981 et 2008, le tribunal administratif de Montreuil a reconnu, dans trois décisions, la responsabilité pour faute de l’État dans l’exercice des pouvoirs de police sanitaire relative aux médicaments. Le tribunal a cependant considéré que les faits du producteur du médicament (Sanofi) - qui a la charge d’élaborer le résumé et la notice - et du médecin prescripteur du médicament exonéraient partiellement l’État de sa responsabilité. Cf. communiqué de presse du Tribunal administratif de Montreuil du 2 juillet 2020 et décisions n° 1704275, n° 1704392 et n° 1704394.

([43]) Projet annuel de performance, page 39.

([44]) Les autres principales ressources de l’INcA sont constituées d’une subvention pour charges de service public versée par le ministère de la recherche, d’un financement spécifique supplémentaire de 5 millions d’euros alloué par ce même ministère en soutien à l’effort de recherche contre les cancers pédiatriques et de versements du fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives.

([45]) Loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli

([46]) Epi-Phare, usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de la Covid-19 – point de situation jusqu’au 13 septembre 2020, étude pharmaco-épidémiologique à partir des données de remboursement du SNDS. Dr Alain Weill, Jérôme Drouin, David Desplas, Dr Francois Cuenot, Dr Rosemary Dray-Spira, Pr Mahmoud Zureik. Page 5. Epi-Phare est un groupement d’intérêt scientifique réunissant l’Agence nationale de sécurité du médicament et la Caisse nationale d’assurance maladie.

([47]) Mission indépendante nationale sur l’évaluation de la gestion de la crise Covid-19 et sur l’anticipation des risques pandémiques, rapport d’étape, 13 octobre 2020, page 3.

([48])  Ce poste recouvre les dépenses prévention des infections sexuellement transmissibles - virus de l’immunodéficience humaine, interruption volontaire de grossesse - contraception et les programmes sur les hépatites virales et la tuberculose.

([49]) Cette subvention représente environ 20 % du budget de l’ANSES qui reçoit des subventions ou des transferts de six autres programmes. La contribution la plus importante (64,8 millions d’euros) provient du programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dépendant de la mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Ces subventions et transferts proviennent des programmes 111 (amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail) 113 (paysages, eau et biodiversité), 181 (prévention des risques), 190 (recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables), 200 (remboursements et dégrèvements d’impôts d’État) et 206 (crédits évaluatifs).

([50]) Dossier de présentation du plan de relance, page 259.

([51]) Projet annuel de performances de la mission Plan de relance, page 104.

([52]) Dossier de présentation du plan de relance, page 227.