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N° 3399

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

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ANNEXE N° 7
 

 

ANCIENS COMBATTANTS, mémoire ET LIENS AVEC LA NATION

 

 

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Jean-Paul DUFRÈGNE

 

Député

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SOMMAIRE

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Pages

Principales observations du rapporteur spÉcial

Données clés

INTRODUCTION

I. DES CRÉDITS EN AUGMENTATION POUR LA JEUNESSE ET LA MÉMOIRE

A. Un budget confortÉ en faveur des Liens armÉes-jeunesse

1. Deux facteurs de hausse des crédits de la journée défense et citoyenneté (JDC)

2. Une augmentation des crédits du service militaire volontaire (SMV)

B. Une hausse relative des crédits des politiques mémorielles

1. Une évolution limitée des crédits consacrés aux commémorations et aux actions de mémoire

2. Une hausse importante des crédits dédiés à la rénovation et à l’entretien des sépultures de guerre et des lieux de mémoire

II. UN EFFRITEMENT DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECONNAISSANCE ET À LA RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT

A. Pension militaire d’invalidité et retraite du combattant : une mesure d’amélioration unique et restreinte

1. Une amélioration limitée de la situation des conjoints des bénéficiaires de la pension militaire d’invalidité

2. Retraite du combattant : des attentes déçues

B. Une stagnation Des subventions aux opérateurs et des crédits de solidarité

1. Une hausse artificielle des crédits de l’ONAC-VG

2. Une hausse modeste des crédits en faveur de l’institution nationale des invalides

3. Une baisse des autres dépenses de solidarité

C. Un financement peu lisible des Actions en faveur des rapatriés du fait de la mise à contribution de l’ONAC-VG

III. DES DISPOSITIFS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE AUX MOYENS QUASIMENT CONSTANTS

A. Une lÉgÈre diminution des crÉdits en faveur des victimes des lÉgislations antisÉmites

1. Un ralentissement de l’indemnisation des victimes de spoliations

2. Des crédits stables pour l’indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites

B. Des crÉdits stables pour l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

COMMENTAIRE DE L’ARTICLE 54 RATTACHÉ À LA MISSION ANCIENS COMBATTANTS

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la date limite pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires était fixée au 10 octobre 2020.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial.

 

 

 

 

 


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   Principales observations du rapporteur spÉcial

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation comporte trois programmes qui traduisent les liens entre l’armée et la Nation, la reconnaissance que celle-ci témoigne à ceux qui se sont engagés pour défendre la République tout au long du XXe et du XXIe siècles, et les réparations qu’elle doit à ceux qui se sont battus et ont souffert pour la France ainsi qu’à ceux qui ont subi les horreurs de la Seconde Guerre mondiale.

Le budget du programme, en diminution régulière, continue sa chute en 2021 : en baisse d’environ 3 %, les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de la mission sont légèrement inférieurs à 2,1 milliards d’euros. Cette diminution est en grande partie liée à la baisse du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d’invalidité (PMI), qui constituent les deux premiers postes de dépense du programme. Toutefois, les économies réalisées ne bénéficient qu’à des mesures de revalorisation très limitées, portées par l’article 54 du projet de loi de finances rattaché à la mission.

Si la hausse des crédits en faveur des liens entre l’armée et la jeunesse et de la politique de la mémoire peut être saluée et si l’indemnisation des victimes de la Seconde Guerre mondiale se poursuit à moyens quasiment constants, il est regrettable que la retraite du combattant ne fasse l’objet d’aucune revalorisation.

En ce qui concerne la pension militaire d’invalidité, si l’extension de la majoration de la pension de réversion à un nombre plus conséquent de conjoints survivants est souhaitable, cette mesure, dont les crédits sont à peine de 1 million d’euros, n’est en aucun cas suffisante pour répondre au problème de l’écart dramatique entre les pensions de certains invalides et la somme largement inférieure accordée à leur veuve.

 

 


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  Données clés

Évolution des crÉdits de la mission par programme entre 2020 et 2021

(en euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution 2020-2021 (en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

167 – Liens entre la Nation et son armée

29 410 670

29 396 092

38 917 512

38 796 542

+ 32,32

+ 31,98

169 – Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 023 277 073

2 036 977 073

1 954 150 913

1 957 850 913

– 3,42

– 3,88

158 – Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

93 536 957

93 536 957

93 138 212

93 138 212

– 0,43

– 0,43

Mission Anciens combattants

2 146 224 700

2 159 910 122

2 086 206 637

2 089 785 667

– 2,8

– 3,25

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Évolution des crédits de paiement du programme 169

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.


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   INTRODUCTION

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation finance les actions en faveur du monde combattant, les politiques de transmission et de mémoire impliquant l’armée, la jeunesse et la Nation, et la réparation des actes subis par les victimes de la Seconde guerre mondiale.

À l’heure où la crise sanitaire continue d’ébranler le monde combattant et les politiques soutenues par le programme, contraignant à l’annulation des commémorations au format traditionnel et des journées défense et citoyenneté, anéantissant les moments de vie sociale des anciens combattants et la transmission de la mémoire aux plus jeunes, le budget de la mission pour 2021 aurait dû apporter une réponse plus ambitieuse aux revendications des combattants et de leurs familles.

Or, ses crédits diminuent de 2,8 % en AE et de 3,3 % en CP, pour atteindre 2 086 millions d’euros en AE et 2 090 millions d’euros en CP. Si cette dynamique est pour partie la conséquence d’une diminution du nombre de bénéficiaires des prestations de reconnaissance et de réparation en faveur du monde combattant, elle est également le fruit de l’absence de toute revalorisation de ces prestations, qui serait pourtant permise par les économies réalisées et qui fait l’objet d’une attente légitime.

Plus spécifiquement, les crédits en faveur des liens entre la Nation et son armée augmentent significativement. Le budget consacré à la reconnaissance et à la réparation en faveur du monde combattant est en nette diminution. Les crédits dévolus à l’indemnisation des victimes de persécutions antisémites et d’actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale sont en baisse.


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I.   DES CRÉDITS EN AUGMENTATION POUR LA JEUNESSE ET LA MÉMOIRE

Le programme 167 Liens entre la Nation et son armée finance d’une part les politiques publiques destinées à resserrer le lien entre l’armée et la jeunesse et d’autre part les actions et les lieux de mémoire. Son budget augmente d’environ 32 % par rapport à 2020 pour atteindre 38,9 millions d’euros en AE et 39 millions d’euros en CP.

Évolution des autorisations d’engagement du programme 167 par action

(en euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Variation
2020-2021

Action 01 – Liens armées-jeunesse

18 460 670

21 367 512

+ 15,75 %

Action 02 – Politique de mémoire

10 950 000

17 550 000

+ 60,27 %

Programme 167

29 410 670

38 917 512

+ 32,32 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

A.   Un budget confortÉ en faveur des Liens armÉes-jeunesse

L’action 01 Liens armées-jeunesse voit son budget atteindre 21,4 millions d’euros en AE et 21,3 millions d’euros en CP, en hausse de 15,8 %. Cette hausse bénéficie aux deux politiques publiques qu’elle finance : la journée défense et citoyenneté (JDC) et le service militaire volontaire (SMV).

1.   Deux facteurs de hausse des crédits de la journée défense et citoyenneté (JDC)

L’opération stratégique « Journée défense et citoyenneté » finance une partie du coût de cette politique publique, dont le coût complet, qui devrait s’élever en 2021 à environ 109,9 millions d’euros en AE, est en réalité près de sept fois supérieur aux montants attribués par la mission Anciens combattants. La mission Défense est en effet le principal financeur de cette journée obligatoire pour tous les jeunes Français, à hauteur de 91,5 millions d’euros pour 2021 ; cependant, le PLF 2021 prévoit une hausse de 2,3 millions d’euros en AE et de 2,4 millions d’euros en CP de la contribution de la mission Anciens combattants au financement de la JDC, qui devrait atteindre 18,4 millions d’euros en AE et 16,3 millions d’euros en CP.

Cette augmentation est d’abord due à la revalorisation de l’indemnité de transport des jeunes participants : la lettre-chèque qui leur est remise passe de 8 à 20 euros, car le montant, trop faible, défavorisait les jeunes les plus éloignés du lieu de leur JDC, notamment dans les zones rurales. Cette mesure contribue à la majeure partie de la hausse constatée, puisqu’elle est la cause d’une augmentation de 1,75 million d’euros du financement de la JDC par le programme 167.

Le restant de la hausse des crédits de la JDC est la conséquence des reports rendus nécessaires par la crise sanitaire. En effet, l’organisation de ces journées a été totalement interrompue entre le début du confinement et la fin du mois d’août 2020. Pour rattraper les journées reportées dans le respect des consignes sanitaires, celles-ci ont été allégées : les jeunes ne sont désormais présents que 3 h 30 sur le lieu de convocation, ce qui permet d’organiser une session le matin et une autre l’après-midi afin de diviser les effectifs présents dans une même salle par deux. Si les conditions le permettent, ce rattrapage devra se poursuivre jusqu’au mois de mai 2021, ce qui entraînera une hausse des dépenses liées à la JDC pour l’année à venir.

Les indicateurs de performance de la journée défense et citoyenneté sont stables tant en termes d’intérêt du point de vue du jeune et d’impact sur l’image des armées que de coût moyen par participant, et devraient le rester. L’objectif est donc de renforcer l’interactivité et de moderniser cette journée pour atteindre d’ici à 2023 une cible d’un point supérieure aux 84 % de satisfaction constatés ces dernières années.

2.   Une augmentation des crédits du service militaire volontaire (SMV)

Les crédits dédiés au financement du service militaire volontaire (SMV) augmentent de 0,5 million d’euros pour atteindre 3 millions d’euros ([1]). Cette évolution s’explique par la hausse de la cible d’incorporation annuelle du dispositif, qui passe de 1 000 à 1 200 jeunes. Le dispositif a prouvé son efficacité ([2]), avec un taux d’insertion professionnelle toujours supérieur à 70 %, et le rapporteur spécial salue donc cette augmentation, qu’il appelle à poursuivre au cours des années à venir.

Les financements du dispositif sont divers : ainsi, en 2019, 89 % du coût de la formation professionnelle des 1 000 volontaires formés a été financé par des ressources extrabudgétaires, grâce à des financements par les régions ou par France Compétences. Les régiments et centres du SMV se sont aussi vus attribuer des subventions à partir du fonds social européen (FSE) pour la période 2014-2020, pour un montant total de 18,74 M€. Il en résulte une illisibilité du coût du SMV, dans l’ensemble et par participant, qui devrait être plus clairement renseigné.

B.   Une hausse relative des crédits des politiques mémorielles

Le budget de l’action 02 Politique de mémoire connaît une progression importante et atteint 17,6 millions d’euros, soit 60,3 % de plus qu’en 2020. Cette hausse ne doit pas être surestimée après deux années 2019 et 2020 où le budget consacré à la mémoire était extrêmement réduit. Elle bénéficiera à la rénovation des lieux de mémoire et des sépultures.

Évolution des autorisations d’engagement de l’action 02

(en euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

1.   Une évolution limitée des crédits consacrés aux commémorations et aux actions de mémoire

Les crédits consacrés à la politique de mémoire augmentent de 0,9 million d’euros pour atteindre 6,9 millions d’euros. La totalité de cette hausse bénéficie aux actions de mémoire menées par le ministère des armées.

Si cette hausse légère est préférable aux baisses successives des crédits des actions de mémoire ouverts lors des exercices précédents, elle ne répond toujours pas aux attentes du monde combattant. L’année 2020 a, du fait de la crise sanitaire, particulièrement complexifié la tenue des commémorations, qui sont pourtant des temps forts essentiels pour les anciens combattants mais également pour la transmission aux jeunes générations. La stagnation du budget qui leur est dédié pourrait ne pas permettre le financement de la montée en puissance des alternatives développées du fait de la crise sanitaire et d’une reprise forte de ces événements une fois la période critique achevée.

En 2021, les commémorations concerneront particulièrement la mémoire des soldats morts pour la France en opérations extérieures, avec les anniversaires des engagements de la France lors de la guerre du Golfe et en Afghanistan. Par ailleurs, le centenaire de l’inhumation du soldat inconnu sous l’Arc-de-Triomphe devrait être également un moment fort de l’année mémorielle.

2.   Une hausse importante des crédits dédiés à la rénovation et à l’entretien des sépultures de guerre et des lieux de mémoire

Le budget de la rénovation et de l’entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN) par les services de l’État et pas ses partenaires, en particulier l’ONAC-VG, sont portés à 10,7 millions d’euros. Versée depuis le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, une subvention de 2,5 millions d’euros, en hausse de 0,3 million, est attribuée à l’ONAC-VG pour l’entretien des lieux de mémoire du ministère des armées et complète les crédits de cette action.

La programmation pluriannuelle de rénovation des sépultures de guerre fixe la liste des cimetières nationaux et des carrés militaires à rénover et le calendrier des travaux à conduire. Les principaux chantiers programmés pour 2021 sont la création d’un local technique et le traitement des abords et de l’accessibilité PMR de la chambre à gaz au Struthof, des travaux de réfection des ateliers et du mur d’enceinte extérieur à Montluc, mais aussi des travaux au mémorial du Quai Branly. En ce qui concerne les sépultures, des restaurations d’envergure sont prévues, par exemple dans les nécropoles de la Doua (Rhône), de Saint-Mandrier (Var) ou à l’ossuaire de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne).


II.   UN EFFRITEMENT DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECONNAISSANCE ET À LA RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT

Cette année encore, le budget du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant diminue. Du fait d’une baisse de 3,42 %, il n’atteint désormais plus que 1 954 millions d’euros en AE et 1 957 millions d’euros en CP. Cet effritement est pour partie lié à la baisse des effectifs des bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d’invalidité, mais il est aussi la conséquence d’un manque d’ambition, alors même que des mesures de revalorisation sont très attendues par le monde combattant.

Évolution des crédits de paiement du programme 169 depuis 2014

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.


Évolution des crédits de paiement du programme 169 par actions

(en millions d’euros)

 

2019 (RAP)

2020 (LFI)

2021 (PLF)

Variation 2020/21

Action 1 - Dette viagère

1 673,8

1 571,9

1 495,7

– 4,85 %

01.10 - PMI

965,3

911,7

850,9

– 6,67 %

01.11 - Retraite du combattant

708,5

660,2

644,8

– 2,33 %

Action 2 - Gestion droits PMI

129,6

121

117,2

– 3,14 %

02.21 - Soins médicaux gratuits

50,5

45,4

40,5

– 10,79 %

02.22 - Remboursement SNCF

2,2

1,8

1,3

– 27,78 %

02.23 - Remboursement sécu. soc.

76,9

73,8

75,4

+ 2,17 %

Action 3 - Solidarité

335,5

325,4

320,2

– 1,6 %

03.31 - Majoration rentes mutualistes

234,7

226,1

221,2

– 2,17 %

03.32 - Subventions associations AC

0,3

0,3

0,3

0 %

03.33 - Frais de pèlerinage

0

0

0,1

---

03.34 - Action sociale ONAC-VG

26,4

26

25

– 3,85 %

03.35 - Subventions ONAC-VG

57,6

45,5

55,9

+ 22,86 %

03.36 - Subventions INI

14,8

25,8

16

– 37,98 %

03.37- Subventions CNCCL

1,7

1,7

1,7

0,00 %

Action 7 - Actions en faveur des rapatriés

23,3

18,6

24,8

+ 33,33 %

Total programme 169

2 162,3

2 037,0

1 957,85

– 3,89 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

A.   Pension militaire d’invalidité et retraite du combattant : une mesure d’amélioration unique et restreinte

Les crédits dévolus au financement de la pension militaire d’invalidité et des droits qui y sont liés ainsi que de la retraite du combattant sont en forte baisse malgré une mesure d’extension du bénéfice d’une majoration de la pension de réversion des conjoints survivants de grands invalides de guerre.

1.   Une amélioration limitée de la situation des conjoints des bénéficiaires de la pension militaire d’invalidité

La pension militaire d’invalidité est concédée pour indemniser la gêne fonctionnelle consécutive aux maladies ou aux blessures reconnues imputables au service ou à un fait de guerre. Elles peuvent être versées à des militaires ou à des victimes de guerre civiles. Cette pension d’ayant-droit est complétée par une pension d’ayant-cause, concédée sous certaines conditions aux conjoints survivants, orphelins et ascendants d’un militaire décédé au combat ou d’un invalide pensionné.

Le budget consacré au financement de la pension militaire d’invalidité pour 2021 s’élève à 850,9 millions d’euros, en baisse de 60,8 millions d’euros en 2020. Au regard de cette diminution de 6,7 %, le million d’euros consacré à une extension de la majoration de la pension de réversion versée aux conjoints survivants paraît bien modeste.

Cette mesure, portée par l’article 54 rattaché au projet de loi de finances, concernera moins de 197 conjoints survivants ; l’analyse détaillée de son impact figure dans le commentaire de l’article ci-dessous. Son coût modeste ne peut dispenser, cependant, d’engager la réflexion sur le niveau de la pension militaire d’invalidité : si la valeur du point a été régulièrement augmentée de 0,6 %, pour la dernière fois en 2020, le montant de celle-ci progresse moins vite que l’inflation. Le rapporteur spécial sera vigilant quant à la réunion très attendue de la commission tripartite, et espère qu’elle permettra de revoir les modalités de réévaluation du point d’indice afin d’éviter cette diminution progressive du montant réel de la PMI, une fois corrigé de l’inflation.

Par ailleurs, alors que, depuis le 1er janvier 1954, l’article 16 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre prend en compte les aggravations de la situation des invalides en leur octroyant des pensions correspondant à des degrés d’invalidité supérieurs à 100 %, le calcul de la pension de réversion reste fondé au mieux sur le montant d’une PMI à 100 %. Le rapporteur spécial invite donc à la réflexion sur la prise en compte des degrés supérieurs d’invalidité dans la pension de réversion, la seule solution de la majoration qui concerne une minorité de conjoints survivants, ne pouvant s’avérer équitable et satisfaisante.

Les crédits de l’action 01 qui financent la pension militaire d’invalidité sont complétés par l’action 02 Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité, dont les crédits diminuent de 3,2 % pour atteindre 117,2 millions d’euros. Ceux-ci financent les soins médicaux gratuits et l’appareillage des mutilés, les réductions auxquels les invalides peuvent prétendre dans les transports et le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre qui ne détiennent pas déjà la qualité d’assuré social.

2.   Retraite du combattant : des attentes déçues

La retraite du combattant est un avantage personnel versé en témoignage de la reconnaissance nationale par l’État, à condition d’être titulaire de la carte du combattant. Elle est généralement perçue à partir de 65 ans, ou dès 60 ans sous conditions. Ce n’est pas une retraite professionnelle. Elle est incessible, insaisissable et ne bénéficie pas du droit à réversion. Malgré l’extension, en 2020, de l’attribution de la carte du combattant aux forces françaises présentes en Algérie entre 1962 et 1964, les crédits finançant la retraite du combattant baissent de 15,5 millions d’euros et ne comptent désormais plus que pour 644,8 millions d’euros.

Dans le même temps, le montant de cette allocation de reconnaissance accordée aux anciens combattants stagne. La revalorisation de cette « retraite » est pourtant une attente forte et légitime du milieu combattant, alors même qu’elle n’a pas été revalorisée depuis le 1er septembre 2017. En 2020, la somme versée à chacun de ses bénéficiaires est de 763,36 euros.

Le coût d’une revalorisation d’un point de la retraite du combattant au 1er janvier 2021 pour les finances publiques serait pourtant limité puisqu’il est estimé à 9,2 millions d’euros. Au regard de l’économie de 70,1 millions d’euros réalisée sur les crédits de paiement de la mission Anciens combattants entre 2020 et 2021, ce montant paraît faible et il serait pleinement justifié de reconsidérer la possibilité d’une revalorisation d’un ou plusieurs points cette année.

Le rapporteur a déposé un amendement en ce sens mais il n’a malheureusement pas été adopté par la commission.

Des dépenses fiscales en baisse malgré l’élargissement des conditions d’attribution de la demi-part supplémentaire à certaines veuves

Six dispositifs de dépenses fiscales sont liés au programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant. Il s’agit de la déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant, dont le coût est évalué à 34 millions d’euros en 2021, de la demi-part supplémentaire pour les contribuables de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant et leurs veuves à hauteur de 540 millions d’euros, de l’exonération de la retraite du combattant, des pensions militaires d’invalidité, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l’allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l’armée française en Algérie et à leurs veuves pour 150 millions d’euros, de l’exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d’opérations militaires ou d’actes de terrorisme dont le coût et la réduction de droits en raison de la qualité du donataire ou de l’héritier, dont les coûts respectifs sont inconnus, et de l’exonération des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires français et à leurs ayants droit pour 1 million d’euros.

En 2021, le coût total de ces dépenses fiscales est en baisse de 25 millions d’euros par rapport à 2020 pour atteindre 725 millions d’euros. Cette baisse est d’autant plus considérable qu’elle a lieu malgré l’entrée en vigueur, en 2021, de nouvelles conditions d’attribution d’une demi-part fiscale supplémentaire aux veuves de plus de 74 ans de bénéficiaires de la retraite du combattant.

En effet, l’article 158 de la loi de finances pour 2020, adopté grâce à un amendement n° II-2570 soutenu par le rapporteur spécial a fixé que les veuves âgées de plus de soixante-quatorze ans bénéficient également, à compter du 1er janvier 2021, de la demi-part si leur conjoint est décédé avant ses soixante-quatorze ans mais qu’il a bénéficié de la retraite du combattant. Cette disposition, dont le coût a été estimé à 30 millions d’euros et le nombre de bénéficiaires à 50 000, ne devrait être applicable que sur les revenus perçus en 2021, et non en 2020 alors même que les dépenses fiscales chutent en 2021. Le rapporteur spécial regrette cette économie réalisée sur un an au détriment des veuves nouvellement bénéficiaires et attire l’attention sur la situation des conjoints survivants d’un combattant décédé avant son soixante-cinquième anniversaire, qui devrait lui aussi pouvoir bénéficier de la demi-part.

B.   Une stagnation Des subventions aux opérateurs et des crédits de solidarité

Les crédits de l’action 03 Solidarité, qui financent principalement la majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et des victimes de guerre ainsi que les subventions aux opérateurs et aux associations d’anciens combattants, augmentent de 1,5 % en autorisations d’engagement pour atteindre 316,5 millions d’euros mais baissent de 1,6 % en crédits de paiement, pour un montant de 320,2 millions d’euros.

1.   Une hausse artificielle des crédits de l’ONAC-VG

Le financement de l’office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG) par le programme 169 à travers une subvention pour charges de service public (SCSP) augmente de 7,8 millions d’euros pour atteindre 55,9 millions d’euros. Cette augmentation sensible est néanmoins en trompe-l’œil : l’année 2020 avait été celle d’un important prélèvement sur la trésorerie de l’opérateur, à hauteur de 9,9 millions d’euros ; par ailleurs, 2,5 millions qui étaient jusqu’alors versés par le programme 167 pour l’entretien des lieux de mémoire sont désormais intégrés à la SCSP. Les crédits de la dotation « Action sociale en faveur du monde combattant » passent de 26 à 25 millions d’euros. Son plafond d’emploi diminue de 45 ETPT dans le cadre de sa réorganisation.

Le rapporteur spécial note que le maillage territorial de l’office a pour l’heure été maintenu et sera attentif à ce que cela soit également le cas à l’avenir. Le contrat d’objectif et de performances 2020-2025 prévoit d’accélérer la numérisation de l’office, d’améliorer l’accompagnement des anciens combattants des OPEX, qui sont de plus en plus nombreux, et de renforcer la prise en charge des victimes d’actes de terrorisme, notamment des nouveaux pupilles de la Nation. Malgré une évolution positive des crédits de l’ONAC-VG du fait de la hausse des crédits dédiés aux actions en faveur des rapatriés, sa situation financière pourrait être affectée par une baisse des ressources liées au Bleuet de France en 2020 du fait de la crise sanitaire, qui sont estimées à 1 million d’euros.

 

Une mission toujours essentielle : l’accompagnement des pupilles de la Nation

L’accompagnement des enfants qui se sont vus attribuer le statut de pupille de la Nation constitue une activité historique de l’ONAC-VG et plus particulièrement de ses services départementaux. Ce statut, institué en 1917, a été étendu en 1990 aux enfants de parents victimes d’actes de terrorisme, puis en aux enfants des militaires et des agents publics reconnus morts pour le service de la Nation. La tragique actualité nous en a rappelé l’impérieuse nécessité.

L’adoption par la Nation est prononcée par jugement du tribunal judiciaire. Les enfants et jeunes gens adoptés ont droit à la protection et au soutien matériel et moral de l’État, exercé pour son compte par l’ONAC-VG. La Nation assure la charge totale ou partielle de leur entretien et de leur éducation en cas de besoin ou d’insuffisance des ressources de la famille. Le suivi des pupilles de la Nation s’effectue jusqu’à leurs 21 ans et au-delà lorsque ceux-ci poursuivent leurs études : en matière d’entretien et d’éducation, l’ONAC-VG leur accorde des subventions en complément des aides du droit commun et chaque fois que la situation le requiert.

L’office intervient également dans le domaine de l’emploi et de la fiscalité à travers des conseils, de l’information sur les droits, des prêts et subventions. Le 12 octobre 2020, 918 pupilles âgés de moins de 21 ans ou poursuivant des études supérieures sont suivis par l’ONAC-VG ; ils étaient 894 en 2019, pour un montant de 3 millions d’euros. Cet effectif et ce budget augmentent régulièrement du fait des attentats terroristes perpétrés ces dernières années.

Ce suivi individualisé se traduit par le versement de subventions, allouées en complément des aides éventuelles de droit commun : subventions d’entretien pour les plus jeunes, subventions pour frais de santé, subventions pour les vacances… Une priorité est accordée au financement des études, notamment pour ceux qui poursuivent des études supérieures, afin de garantir leur avenir. Les subventions qui leur sont allouées complètent les bourses de l’Éducation Nationale ou pallient leur absence. Elles permettent à certains d’entre eux de poursuivre des stages ou des études à l’étranger.

Enfin l’office peut soutenir les pupilles à la recherche d’un premier emploi, ou pour une première installation, par l’octroi d’une aide financière ou d’un prêt social. Si ces différentes subventions sont allouées en fonction de critères financiers basés notamment sur le calcul du quotient familial, d’autres aides sont attribuées de façon systématique : il s’agit des étrennes, variant de 200 € à 800 € selon l’âge de l’enfant, qui sont versées jusqu’à son vingt-et-unième anniversaire. Une aide exceptionnelle à la majorité est allouée lors du dix-huitième anniversaire du pupille.

Parallèlement, l’ONAC-VG accompagne dans la durée les pupilles majeurs de 21 ans. En 2018, le montant des aides attribuées aux 1 217 pupilles qui ont fait appel à l’office, pour la plupart des pupilles des guerres de 39-45 et d’Algérie, a atteint 1,3 million d’euros, essentiellement pour des difficultés financières et de l’aide au maintien à domicile. Bien que l’office ne détienne pas d’outil lui permettant de recenser l’ensemble des pupilles de la Nation, leur nombre était estimé à environ 200 000 en 2018.

 

2.   Une hausse modeste des crédits en faveur de l’institution nationale des invalides

La subvention accordée à l’institution nationale des invalides (INI) augmente modestement pour intégrer la prime d’attractivité territoriale des soignants en Ile-de-France et atteint 12,3 millions d’euros en AE et 16 millions d’euros en CP. Cette somme correspond d’une part à la subvention pour charge de service public de l’établissement et d’autre part, à hauteur de 3,7 millions d’euros en CP, à une dotation pour travaux d’infrastructures. En effet, les espaces intérieurs de certains bâtiments, à l’hôtel des Invalides, doivent être reconfigurés. Les travaux prévus concernent les espaces de bureaux et les espaces hospitaliers et doivent permettre à la fois l’augmentation des surfaces et la mise aux normes de protection contre les incendies. Ceux-ci devaient commencer en septembre 2020, mais ils ont été reportés du fait de la crise sanitaire ; ils devraient débuter vers le mois de novembre.

Le coût du projet était initialement estimé à 51,5 millions d’euros dont 11,50 M€ financés par l’INI et 40 millions par le programme ; cependant, il ressort de l’analyse des offres que le coût global doit être réévalué et s’élève désormais à 56,30 M€. Le choix d’une solution de financement de ce surcoût de près de 5 millions d’euros n’est pas encore effectué ; le rapporteur spécial sera attentif à ce que celle-ci soit équitable et ne dégrade pas inconsidérément la situation financière de l’INI.

3.   Une baisse des autres dépenses de solidarité

Hors dotations et subventions, l’action 03 finance la majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre ainsi que les indemnités et frais de voyage sur les tombes des familles de militaires. La majoration des rentes mutualistes, dont les crédits diminuent de 4,9 millions d’euros pour atteindre 221,2 millions d’euros, est un dispositif ouvrant droit à la majoration de la retraite mutualiste du combattant dans la limite d’un plafond de 125 points, soit 1 835 euros par bénéficiaire.

Les subventions versées aux associations d’anciens combattants, de victimes de guerre et d’actes de terrorisme augmentent de 19 % pour atteindre 0,3 million d’euros.

Une subvention pour charges de service public est également accordée au conseil national des communes « Compagnon de la Libération » pour 1,7 million d’euros, stable par rapport à 2020.


C.   Un financement peu lisible des Actions en faveur des rapatriés du fait de la mise à contribution de l’ONAC-VG

Les crédits de l’action 07 Actions en faveur des rapatriés sont gérés par l’ONAC-VG. En 2021, 24,8 millions d’euros seront consacrés aux aides en faveur des harkis et des rapatriés, en hausse de 33,3 % par rapport à l’exercice précédent.

Trois types d’aides aux harkis et aux rapatriés sont ainsi financés, qui font chacun l’objet d’une subvention distincte versée à l’ONAC-VG depuis l’action 07 du programme 169 : l’allocation de reconnaissance ; l’allocation viagère ; divers soutiens, comprenant notamment des aides à la formation professionnelle à la formation ou encore des aides au désendettement.

La dotation prévue par le PLF 2021 pour les allocations de reconnaissance et viagère est de 18,9 millions d’euros. On observe une diminution continue des bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance ; néanmoins l’accroissement des bénéficiaires d’allocations viagères implique une estimation en hausse de 0,3 million d’euros par rapport à l’enveloppe disponible en 2020. Les « aides en faveur des rapatriés » bénéficient en 2021 de 5,9 millions d’euros ; pour porter cette somme à 8 millions d’euros, un financement complémentaire sera effectué en mettant à contribution la trésorerie de l’ONAC-VG à hauteur de 2,1 millions d’euros.

Or, si le niveau de trésorerie de l’office est toujours satisfaisant à 14,7 millions d’euros malgré le prélèvement sur trésorerie exceptionnel ayant eu lieu en 2020, il est regrettable que cette contribution serve à financer des dépenses pérennes que l’État devrait par principe assumer plutôt qu’à financer des revalorisations ou des actions nouvelles.

Une problématique spécifique : l’indemnisation des supplétifs
de statut civil de droit commun

Dans une décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnelles les dispositions de l’article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 qui réservaient le bénéfice de l’allocation de reconnaissance aux seuls ressortissants de statut civil de droit local possédant la nationalité française. Il en découlait que le droit à l’allocation de reconnaissance, que le législateur avait entendu accorder aux seuls anciens supplétifs de statut civil de droit local, pouvait désormais, sous certaines conditions être ouvert aux supplétifs de statut civil de droit commun. 9 000 bénéficiaires potentiels auraient ainsi été en droit de demander une allocation de reconnaissance.

La distinction entre les anciens supplétifs de statut civil de droit local et ceux de statut civil de droit commun était justifiée par une volonté constante du législateur de réserver ces dispositifs aux anciens harkis originaires d’Afrique du Nord, pour lesquels les conditions du rapatriement furent extrêmement dures. La loi du 18 décembre 2013 de programmation militaire pour les années 2014-2019 a donc modifié l’article 9 de la loi du 16 juillet 1987, et a rétabli la condition d’appartenance à la population sous statut civil de droit local et a prévu la validation rétroactive des décisions de rejet opposées aux demandes d’allocations et de rente formées par les anciens supplétifs de statut civil de droit commun, sous réserve qu’elles n’aient pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée.

Cependant, la décision du Conseil constitutionnel du 19 février 2016 a reconnu aux anciens supplétifs de statut civil de droit commun le droit au bénéfice de l’allocation de reconnaissance mentionnée à l’article 9 de la loi du 16 juillet 1987 précitée à la double condition qu’ils en aient fait la demande entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 et aient engagé une procédure contentieuse à laquelle le juge administratif a donné droit et non définitivement close à la date du 19 février 2016. 22 décisions ont été contestées devant une juridiction administrative. Parmi ces 22 procédures, 8 ont abouti à une annulation (et donc une injonction de verser l’allocation de reconnaissance), 1 à une obligation de réexamen s’étant soldée par un nouveau rejet (appelé de contingent et non ex harki), 12 ont confirmé le rejet opposé au plaignant et 2 sont toujours en cours.

Par amendement au PLF 2019, les sénateurs ont prévu une dotation de 106 834 € pour permettre de verser l’allocation de reconnaissance aux 26 personnes n’ayant pu engager un recours contentieux.

Si la secrétaire d’État a demandé à l’office de prendre contact avec les anciens harkis d’origine européenne dont la situation lui a été signalée, afin de voir dans quelle mesure ces derniers peuvent bénéficier des aides dédiées aux rapatriés et anciens combattants et si quatre d’entre eux ont ainsi bénéficié de nouveaux secours sociaux au titre d’anciens combattants, pour un montant de 9 800 €, cela ne correspond pas à la revendication d’une importante proportion de ces 26 personnes souhaitant bénéficier d’une allocation de reconnaissance, qui n’a ni le même but, ni la même justification que les aides aux personnes nécessiteuses. Il serait donc justifié d’accorder à ces personnes une somme de quelques milliers d’euros en reconnaissance de leur engagement dans les forces supplétives, ce que le rapporteur spécial a proposé dans un amendement qui n’a malheureusement pas été adopté.


III.   DES DISPOSITIFS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE AUX MOYENS QUASIMENT CONSTANTS

Les crédits du programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale baissent de 0,4 % en 2021 pour atteindre 93,5 millions d’euros, soit un peu plus de 4 % des crédits de la mission. Leur poids symbolique est néanmoins considérable. L’indemnisation des victimes de la Seconde Guerre mondiale devrait donc se poursuivre, malgré un ralentissement des demandes d’indemnisation de victimes de spoliations.

ÉVolution des crédits du programme 158 par action

(en euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

2020-2021

Évolution

2020-2021

01 - Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation

42 482 860

41 962 848

– 520 012

– 1,22 %

02 - Indemnisation des victimes d’actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

51 054 097

51 175 364

+ 121 267

+ 0,24 %

Programme 158 – Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

93 536 957

93 138 212

 398 745

 0,43 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

A.   Une lÉgÈre diminution des crÉdits en faveur des victimes des lÉgislations antisÉmites

L’action 01 Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation finance deux dispositifs d’indemnisation dont le principe et l’évolution diffèrent considérablement.

1.   Un ralentissement de l’indemnisation des victimes de spoliations

La première de ces politiques de réparation est l’indemnisation des victimes de spoliations. Le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 modifié a institué auprès du Premier ministre la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), chargée de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation.

 

 

En 2021, les crédits prévus pour ces indemnisations, fondés sur des estimations incertaines, sont de 6 millions d’euros, soit 1,8 million d’euros de moins que l’an dernier. Depuis octobre 2000, début de la campagne d’indemnisation, et jusqu’au 30 juin 2020, 22 383 dossiers proposent une indemnisation mise à la charge de l’État français pour un total de 500,26 millions d’euros.

Par ailleurs, en 2018, la France a décidé de modifier son organisation publique pour renforcer la mission de restitution en ce qui concerne particulièrement les biens culturels. Dans cette nouvelle configuration, une procédure spécifique de recherche des propriétaires ou de leurs héritiers a été mise en place en vue de restituer, ou, à défaut, d’indemniser les biens culturels ayant été spoliés pendant l’Occupation, notamment ceux conservés par les institutions publiques. Sept dossiers ont abouti à la restitution de quatorze œuvres d’art depuis le début des travaux de la commission d’indemnisation des victimes de spoliations ; par ailleurs, 52,3 millions d’euros ont été accordés pour l’indemnisation de la spoliation de biens culturels mobiliers.

2.   Des crédits stables pour l’indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites

La seconde de ces politiques de réparation est l’indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites. Pour 2021, le budget prévu est de 34,1 millions d’euros. Instituée par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 modifié, cette mesure de réparation concerne toute personne, mineure de moins de vingt-et-un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, déporté de France en raison des persécutions antisémites, est décédé ou a disparu en déportation.

D’octobre 2000 au 30 juin 2020, 13 651 décisions d’indemnisation ont été prises. Les bénéficiaires ont le choix entre un capital au montant fixe de 27 440,82 euros et une rente viagère dont le montant mensuel s’élève à 615,08 € en 2020. La quasi-totalité des dossiers ont d’ores et déjà été traités et la direction des missions de l’ONAC-VG, chargée d’instruire les demandes reçues, enregistre un nombre restreint de nouvelles demandes (6 en 2019). Pour cette raison, la prévision 2021 est en légère diminution malgré la revalorisation de 2,5 % du montant de la rente viagère chaque année.

Pour plus de lisibilité, le rapporteur spécial appelle à distinguer dans la présentation du budget ces deux dispositifs, qui diffèrent considérablement dans leur principe et dans leur mise en œuvre.

 

B.   Des crÉdits stables pour l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

L’action 02 Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale met en œuvre une politique de réparation en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 a en effet institué une aide financière dont ceux-ci peuvent bénéficier.

En 2021, un montant de 51,2 millions d’euros est prévu pour ces orphelins, dont l’aide prend la même forme que pour ceux dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, à savoir alternativement une rente viagère dont le montant mensuel s’élève à 615,08 € en 2020 ou le versement d’un capital au montant fixe de 27 440,82 euros. Sur les 22 773 indemnisations accordées depuis 2004, 8 856 l’ont été sous forme de rente viagère. 6 841 crédirentiers étaient recensés au 31 décembre 2019.

 


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   COMMENTAIRE DE L’ARTICLE 54
RATTACHÉ À LA MISSION ANCIENS COMBATTANTS

Article 54

Revalorisation du seuil à partir duquel est ouvert l’octroi d’une allocation pour conjoints survivants de très grands invalides

L’article 54 du projet de loi tend à abaisser l’indice de pension militaire d’invalidité à partir duquel le conjoint survivant d’un invalide peut obtenir la majoration de sa pension de réversion.

Si le rapporteur spécial ne peut que saluer l’amélioration de la situation de certains conjoints survivants de grands invalides qu’apportera l’élargissement des bénéficiaires de la majoration, il tient à souligner l’ambition et l’impact modestes de cet élargissement, lesquels ont pu être surévalués.

I.   L’ÉTAT ACTUEL DU DROIT

À l’heure actuelle, la pension militaire d’invalidité dont bénéficie un invalide et la pension de réversion octroyée à son conjoint après son décès sont calculées différemment. Un dispositif de majoration de la pension de réversion des veuves de grands invalides permet de réduire cet écart mais ne bénéficie qu’à très peu de personnes.

A.   PENSION MILITAIRE D’INVALIDITÉ ET PENSION DE RÉVERSION : DES RÈGLES DE CALCUL DIFFÉRENTES

La pension militaire d’invalidité est attribuée aux militaires blessés en service et aux victimes de guerre ou d’actes de terrorisme remplissant les conditions définies par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Le montant de cette pension dépend d’un indice exprimé en points qui est déterminé par le taux d’invalidité du bénéficiaire et par son grade.

Sous certaines conditions, une pension de réversion peut être versée aux conjoints survivants des bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité. Les conditions d’attribution et le montant de cette pension sont fixés par les articles L. 141-1 et suivants du CPMIVG.

Ainsi, l’article L. 141-16 du CPMIVG prévoit que le conjoint survivant d’un invalide pensionné à un taux de 85 % ou plus bénéficie d’une pension correspondant au moins à la moitié de la pension allouée à un invalide pensionné au taux de 100 % ; lorsque ce taux est compris entre 60 et 80 %, la pension de conjoint ou partenaire survivant correspond au tiers de la pension d’un invalide pensionné au taux de 100 %.

Or, le taux d’invalidité peut parfois être largement supérieur à 100 % : des degrés supplémentaires existent en effet pour les invalidités les plus graves. Les pensions militaires d’invalidité versées peuvent alors atteindre des montants élevés, mais la règle de calcul de la pension de réversion du conjoint survivant reste la même : il touchera la moitié de la pension d’un invalide pensionné au taux de 100 %, ce qui correspond à une somme d’environ 600 euros.

Ces règles différentes peuvent engendrer, dans les cas où la pension versée au grand invalide était très élevée, un effondrement des revenus du conjoint survivant à la mort du pensionné.

B.   UN ÉCART PERSISTANT MALGRÉ LE DISPOSITIF DE MAJORATION DONT BÉNÉFICIENT LES CONJOINTS SURVIVANTS DE GRANDS INVALIDES

Pour limiter l’écart entre le montant de la pension militaire d’invalidité perçue par un grand invalide et la somme dont bénéficie son conjoint survivant, le législateur a prévu une majoration de la pension de réversion pour les conjoints de certains grands invalides. Les articles L. 141-18 et L. 141-21 du CPMIVG disposent que cette pension peut être majorée « lorsque l’invalide était, à son décès, titulaire d’une pension dont l’indice (…) était égal ou supérieur à 10 000 points ». La majoration auquel le conjoint survivant peut alors prétendre est fixée par l’article D. 141-8 du CPMIVG à 360 points d’indice, soit une somme de 5 284,80 euros au premier janvier 2020.

La majoration de la pension de réversion n’est donc cependant possible que pour les veuves et les veufs dont le conjoint bénéficiait d’une pension militaire d’indice supérieur au seuil de 10 000, cet indice dépendant lui-même du taux d’invalidité du militaire. Le seuil de 10 000 est le fruit de plusieurs abaissements successifs : de 12 000 à la création de la majoration par la loi de finances pour 2011, l’indice de pension nécessaire pour y prétendre a été porté à 11 000 par la loi de finances pour 2012 puis à 10 000 par la loi de finances pour 2014.

Au 31 décembre 2019, la majoration de la pension de réversion bénéficiait à 70 conjoints survivants pour un montant de 5 284,80 euros : seule une fraction minime des 50 282 orphelins et conjoints d’invalides bénéficie donc de la majoration.


II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’article 54 du projet de loi de finances pour 2021 rattaché à la mission Anciens combattants propose d’élargir le bénéfice de la majoration de la pension de réversion à des conjoints survivants d’invalides dont l’indice de PMI est compris entre 6 000 et 10 000. S’il s’agit d’une initiative vertueuse, l’ampleur de son impact ne doit pas être surestimée.

A.   UN ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES ÉLIGIBLES À LA MAJORATION DE LEUR PENSION DE RÉVERSION

Le dispositif prévu par l’article 54 du projet de loi de finances consiste en l’abaissement de l’indice minimal de pension militaire d’invalidité à compter duquel le conjoint survivant du bénéficiaire peut toucher une pension de réversion majorée. À l’heure actuelle, le seuil de 10 000 points est trop restrictif pour permettre à un nombre suffisant de conjoints survivants de grands invalides de bénéficier de la majoration de leur pension de réversion.

En remplaçant le nombre 10 000 par le nombre 6 000 aux articles L. 141‑18 et L. 141-21 du CPMIVG (alinéas 2 et 3 de l’article 54), l’article rattaché diminue la valeur de l’indice de la pension du conjoint décédé nécessaire pour prétendre à la majoration d’une pension de réversion et élargit donc le champ des bénéficiaires éligibles à ce dispositif.

197 personnes supplémentaires au maximum pourraient désormais en bénéficier ; le coût de la mesure, compris dans les crédits du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant serait de 1 million d’euros.

B.   UN DISPOSITIF AUX EFFETS LIMITÉS

Si la mesure aura un effet réel pour les personnes concernées, son ampleur ne doit pas être surévaluée car elle devrait s’avérer limitée.

D’une part, le projet de loi de finances surévalue le nombre de personnes concernées par la mesure : 197 personnes est en réalité un maximum inatteignable. En effet, ce nombre est calculé « sur l’effectif de pensionnés possédant le nombre de points requis compris entre 6 000 et 10 000 ». Cela signifie que le statut marital de ces personnes n’est pas considéré. Cela conduit en conséquence à surévaluer le nombre de personnes qui pourront bénéficier de la mesure : pour atteindre ce nombre, chaque grand invalide dont l’indice de pension est compris entre 6 000 et 10 000 devrait d’une part être marié, et d’autre part décéder avant son conjoint, ce qui n’est évidemment pas toujours le cas. Par ailleurs, tous des bénéficiaires de la mesure ne se feront pas nécessairement connaître. En conséquence, l’effectif concerné par la mesure, de même que le budget de celle-ci, sont manifestement surévalués et devraient être sous-consommés.

Surtout, le nombre de personnes concernées par la mesure est restreint par rapport aux effectifs touchés par une disproportion entre la PMI touchée par un invalide et la pension de réversion versée à son conjoint survivant : les 270 hypothétiques bénéficiaires de la majoration de la pension de réversion après mise en œuvre du dispositif proposé sont à considérer au regard des 4 017 pensions militaires d’invalidité versées au 31 décembre 2019 dont l’indice est supérieur à 100 %, qui constituent les cas où la pension de réversion est plus de deux fois inférieure à la pension touchée par l’invalide.

Le rapporteur souhaite donc que ce dispositif vertueux, au coût certainement surévalué, puisse être étendu pour permettre la majoration des pensions d’un nombre plus conséquent de conjoints survivants, et plaide en faveur d’une réflexion plus approfondie sur le mode de calcul de la pension de réversion du conjoint survivant, dont le montant devrait être tout simplement proportionnel à celui touché par le grand invalide.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du vendredi 23 octobre 2020, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Anciens combattants.

Le compte rendu de cette réunion sera bientôt disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Malgré l’avis contraire du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits de la mission.

Elle a également adopté l’article 54 sans modification.

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG)

– Mme Véronique Peaucelle Delelis, directrice générale

Table ronde associations d’Anciens combattants

 Union nationale des combattants (UNC), M. Hervé Longuet, président

 Fédération nationale des anciens des missions extérieures (FNAMEOPEX), M. Laurent Attar Bayrou, président

 Comité d’entente des grands invalides de guerre (CEGIG), M. Paul Dodane, président

 Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT), M. Paul Dodane, viceprésident

 Union fédérale (UFAFACVG), Mme Gisèle Grosz, spécialisée dans l’évolution de la pension des conjoints survivants

 

Ministère des armées

 Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration

 M. Christophe Magnenet, chargé de mission

 

 

 


([1])  Lorsqu’ils ne sont pas distingués, les montants respectifs des autorisations d’engagement et des crédits de paiement sont identiques.

([2])  Voir à ce sujet l’encart à la page 9 du rapport spécial de M. Jean-Paul Dufrègne annexé au projet de loi de finances pour 2020 enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019.