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N° 3399

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

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ANNEXE N° 8
 

 

COHÉSION DES TERRITOIRES :

 

LOGEMENT ET HÉBERGEMENT D’URGENCE

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. François JOLIVET

 

Député

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SOMMAIRE

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Pages

Principales observations du rapporteur spécial

Introduction

Première partie : Analyse des crédits budgétaires

I. Le programme 109 Aide à l’accès au logement : la dégradation de la conjoncture économique entraîne une augmentation du budget des aides au logement

A. La mise en œuvre de la contemporanéité des aides au logement, retardée depuis juillet 2019, est prévue pour le 1er janvier 2021

B. La participation d’Action Logement au financement du Fonds national d’aide aux logements pour la deuxième année consécutive risque de fragiliser le modèle économique du logement social français

1. Le besoin de financement du FNAL augmente

2. La contribution des salariés au fonds national d’aide à la pierre n’est pas la bonne méthode pour réformer Action logement

a. Le groupe Action logement est engagé dans le financement d’une multitude de projets

b. Les prélèvements successifs risquent de fragiliser le premier bailleur social de France

c. Si la réforme de la gouvernance semble nécessaire, celle-ci aurait dû précéder la contribution et non pas être mise en œuvre a posteriori

II. Le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables : Une hausse des crédits pour 2021 nécessaire mais qui pourrait être insuffisante si la crise sanitaire perdure

A. Une hausse des crédits pour 2021 pour accélérer la mise en œuvre du logement d’abord

1. Les crédits de l’action 12 sont en hausse

a. L’hébergement d’urgence

b. Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

c. La diversité des offres de logements adaptés

2. Cette augmentation des crédits soutient la politique du Logement d’abord

a. Ce plan, lancé en 2017, produit déjà des résultats

b. La persistance des nuitées hôtelières coûte cher

c. Les objectifs de création de places en logement adapté ne sont pas tenus

3. La revalorisation du forfait journalier des pensions de famille, attendue, doit accélérer la création de places

B. L’enveloppe présentée dans ce projet de budget n’est pas dimensionnée pour faire face à l’accélération de la propagation du virus

1. La première vague a mis en tension les structures d’hébergement d’urgence et de réinsertion et a nécessité l’ouverture de crédits supplémentaires

2. Le budget présenté ne prévoit pas de moyens suffisants pour faire face à une seconde vague

III. Les crédits du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat restent stables

A. La priorité donnée à la rénovation énergétique des bâtiments privés

1. MaPrimeRénov’ est un outil d’accélérateur de la transition écologique dont l’élargissement doit être suivi avec attention

a. La transformation du CITE en MaPrimeRénov’ en 2020

b. L’élargissement de MPR en 2021 : une mesure bienvenue mais des points de vigilance

i. L’élargissement de la prime concerne les bénéficiaires et les travaux éligibles

ii. Des points de vigilance persistent

B. Les bailleurs sociaux sont fragilisés par la crise

1. Les crédits du FNAP restent stables

2. Le montant de la réduction de loyer de solidarité est stabilisé à 1,3 milliard d’euros

3. La crise sanitaire va ralentir le rythme de nouvelles opérations

Deuxième partie : Le modèle de financement du logement social, qui repose sur l’épargne réglementée des Français, doit être repensé

A. Le logement social est aujourd’hui financé en partie par l’épargne réglementée

B. La nécessité de changer le modèle pour parvenir à garantir une épargne réglementée rémunérée à un taux supérieur à l’inflation

C. Il est temps de lancer une réflexion sur la doctrine d’emploi des fonds d’épargne pour maintenir l’équilibre du système

a. Doit-on mettre fin au système du financement du logement social reposant sur les fonds d’épargne ?

b. Comment procurer à la CDC des marges supplémentaires pour garantir une rémunération de l’épargne liquide des épargnants supérieure à l’inflation ?

Examen EN commission

personnes auditionnées  par le rapporteur spécial

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 91 % des réponses pour les programmes 109 et 135 étaient parvenues au rapporteur spécial contre 44 % s’agissant des réponses pour le programme 177.

 


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   Principales observations du rapporteur spécial

Les trois programmes de la mission Cohésion des territoires analysés dans ce rapport sont les suivants : Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ; Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ; Aides à l’accès au logement. Ce sont les supports de la politique du logement en France, dans différents champs, avec un fil conducteur : faciliter l’accès des citoyens et des résidents au logement.

Les crédits du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables augmentent de 10 % dans le PLF pour 2021. Le forfait journalier des pensions de famille est revalorisé à hauteur de 18 euros, alors qu’il stagnait depuis 2007. La revalorisation doit accélérer la création de places en pensions de famille, qui reste une des solutions pour réduire le nombre de personnes hébergées dans des structures d’urgence. 

Le rapporteur spécial salue la mobilisation des associations et des services de l’État pendant le confinement et les mois suivants pour garantir la prise en charge des personnes sans-abri et mal logées. Des moyens financiers importants ont été débloqués pour financer les ouvertures de places et les dispositifs de chèques-services : 200 millions en LFR 3 et 250 millions d’euros supplémentaires prévus dans le PLFR 4. 

Il s’inquiète néanmoins des potentielles conséquences du second confinement sur les structures d’hébergement et de réinsertion et craint que le budget de 2,2 milliards d’euros ne soit insuffisant pour couvrir leurs frais.

Les crédits du programme 109 Aide à l’accès au logement s’élèvent à 12,48 milliards d’euros. Le programme finance le fonds national d’aide au logement (FNAL), dont le budget prévisionnel pour 2021 s’établit à 16 milliards d’euros. La contribution de l’État au FNAL devrait être en hausse de 439 millions d’euros en 2021 par rapport à 2020.

La réforme du calcul des aides au logement, prévue initialement pour être mise en œuvre en 2019, a été reportée à plusieurs reprises. Le basculement devrait s’effectuer au 1er janvier 2021. 1,2 milliard d’économies étaient attendues en 2020 de la mise en place de ce nouveau mode de calcul : le report explique l’ouverture en PLFR 4 de crédits supplémentaires (à hauteur de 1,8 milliard d’euros). En 2021, la dégradation de la conjoncture économique réduit le montant des économies attendues à hauteur de 750 millions d’euros. 

Une nouvelle fois, Action Logement est mis à contribution pour abonder le budget des aides au logement, à hauteur d’un milliard d’euros. Cette nouvelle ponction sur la trésorerie d’une société à la fois partenaire de l’État dans les politiques publiques – NPRU, Action cœur de ville, Garantie Visale – et important bailleur social inquiète le rapporteur spécial, qui craint que ces mises à contributions régulières ne fragilisent in fine l’écosystème du logement social français.

 

Les crédits du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat s’établissent à hauteur de 528 millions d’euros, en augmentation de 53 %. Cela s’explique par la compensation budgétaire apportée aux établissements publics fonciers de la part de taxe spéciale d’équipement (TSE) assises sur la taxe d’habitation sur les résidences principales.

L’Agence nationale de l’habitat (ANAH), en charge de l’attribution de MaPrimeRénov’, se voit attribuer 29 ETPT supplémentaires, qui instruiront les dossiers des nouveaux bénéficiaires de cette aide à la rénovation thermique des logements.

L’élargissement temporaire de MaPrimeRénov’ aux propriétaires bailleurs, aux ménages des 9ème et 10ème déciles, ainsi qu’aux copropriétés est salué par le rapporteur spécial : le budget supplémentaire accélérera la transformation des passoires thermiques. Il sera néanmoins attentif à ce que cette massification des aides ne se fasse pas au détriment des autres programmes portés par l’ANAH, qui sont également essentiels.  

Le rapporteur spécial salue la place du logement dans le plan de relance : 4 milliards d’euros sont prévus pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, 500 millions d’euros pour la rénovation énergétique des bailleurs sociaux, 300 millions d’euros pour abonder un fonds friches pour dépolluer les sols ou encore 350 millions d’euros qui seront versés aux maires qui densifient leurs opérations.

 

 

 

 


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   Introduction

La mission Cohésion des territoires regroupe six programmes, dont trois examinés dans ce rapport, qui portent les crédits relatifs au logement, à la construction, à l’hébergement d’urgence et pour partie à l’aménagement du territoire. Ils sont dotés pour 2021 de 15,178 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), et de 15,204 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse des AE de 5,6 % (831 millions d’euros) à périmètre constant.

Le ministère de la cohésion des territoires participe également aux efforts de maîtrise des dépenses publiques en diminuant ses moyens de fonctionnement interne : en 2021, il connaît une baisse de 797 ETPT par rapport à 2020.

Les crédits finançant ces ETPT se trouvent sur le programme 217, Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité, aussi cette baisse n’est-elle pas étudiée ici.

Les crédits prévus dans ces trois programmes doivent être mis en perspective avec les moyens budgétaires importants prévus pour le logement dans la mission Plan de relance, qui seront détaillés infra.

   Première partie : Analyse des crédits budgétaires

I.   Le programme 109 Aide à l’accès au logement : la dégradation de la conjoncture économique entraîne une augmentation du budget des aides au logement

Le programme 109 Aide à l’accès au logement porte les crédits finançant les aides au logement accordées directement ou indirectement aux personnes ayant des difficultés pour accéder à un logement. Le programme comporte trois actions.

L’action 02, Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté, retrace les crédits alloués aux associations promouvant l’insertion par le logement des personnes en difficulté. L’agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) et les 79 branches locales (ADIL) sont les principales bénéficiaires de ces subventions. 8,4 millions d’euros sont budgétés dans le PLF 2021, ce qui est stable par rapport à la loi de finances pour 2020.

L’action 03, Sécurisation des risques locatifs, prévoit les crédits pour le financement de la Garantie des risques locatifs (GRL), soit 1 million d’euros. Ce dispositif permet d’élargir l’accès au logement : les bailleurs peuvent souscrire, s’ils le souhaitent, un contrat d’assurance contre le risque d’impayés et de dégradations auprès d’un assureur participant au dispositif GRL. Il a été remplacé en 2016 par un nouveau dispositif, VISALE (Visa pour le logement et l’emploi), financé par Action Logement. Les crédits qui subsistent sur cette action sont liés aux contrats conclus avant 2016. 

L’action 01, Aides personnelles, porte 99,9 % des crédits du programme 109. Abondée à hauteur de 12,47 milliards dans le PLF 2021, elle finance les aides personnelles au logement.

A.   La mise en œuvre de la contemporanéité des aides au logement, retardée depuis juillet 2019, est prévue pour le 1er janvier 2021

L’article 78 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la Sécurité sociale pour 2019 a prévu la modernisation du versement des prestations sociales. L’APL était la première prestation concernée par cette réforme : la mise en œuvre de la contemporanéité des ressources des APL devait intervenir initialement dès juillet 2019.

La contemporanéité du calcul des ressources ouvrant droit aux APL signifie que les droits aux prestations sont calculés tous les trimestres, sur la base des revenus perçus sur les douze derniers trimestres glissants, au lieu d’être calculés sur les revenus de l’année N-2.

La prestation versée est donc plus en adéquation avec le niveau de revenus des allocataires que dans le système actuel. La formule de calcul de l’aide n’est pas impactée par la réforme.

Elle a été reportée à trois reprises en 2019 pour des raisons essentiellement techniques : la complexité du chantier informatique avait notamment été sous-estimée lors de l’élaboration du calendrier de mise en œuvre de la réforme. 

Alors que la réforme devait finalement entrer en vigueur au 1er avril 2020, la décision a été prise de la différer, au vu des bouleversements induits par la crise sanitaire.

Le nouveau mode de calcul sera donc effectif au 1er janvier 2021. Une campagne de communication sera organisée fin novembre auprès des allocataires pour les sensibiliser aux conséquences de cette réforme. Cette date correspond habituellement au moment où les prestations sont renouvelées : la surprise sera donc moindre pour les bénéficiaires, qui voient déjà leurs prestations changer à cette période de l’année.

Chaque année, dans le système en vigueur, 1,5 million d’allocataires voient leurs prestations baisser, dont 400 000 allocataires pour qui la prestation disparaît. À l’inverse, 800 000 allocataires voient leur aide augmenter. Si les simulations sur les allocataires n’ont pu être communiquées au rapporteur spécial, il est estimé que l’impact sur les allocataires devrait être similaire à celui qui existe aujourd’hui.

Lors de la préparation de la loi de finances 2020, il était prévu que la réforme entraîne des économies évaluées à 1,2 milliard d’euros. Le retournement de la conjoncture économique dû à l’ampleur de la crise sanitaire aura pour conséquence une baisse des ressources des foyers. Le recalcul tous les trimestres des allocations logement est protecteur pour les foyers mais aura un impact haussier sur le budget des aides au logement. La mise en place de la réforme devrait ainsi entraîner des économies estimées à 750 millions d’euros.  

Le rapporteur souligne l’importance de cette réforme en temps de crise : le montant de la prestation sera ajusté tous les trimestres aux évolutions du niveau de ressources des allocataires.

Cette réforme respecte la tradition française des mécanismes de solidarité, elle joue pleinement son rôle d’amortisseur de crise.

Cela alors que l’aide au logement constitue déjà une prestation centrée sur les ménages modestes : s’agissant des locataires, 96 % des bénéficiaires d’aides au logement disposent d’un revenu imposable à 2 SMIC, et 70 % inférieur à 1 SMIC, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

 

 

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

La réforme de la contemporanéité revient donc à ajuster au plus près du niveau de ressources des ménages le montant d’une prestation ciblée sur les ménages modestes : cela constitue une réelle mesure contra cyclique pour les ménages dont les ressources diminueront à cause de la crise économique.

B.   La participation d’Action Logement au financement du Fonds national d’aide aux logements pour la deuxième année consécutive risque de fragiliser le modèle économique du logement social français

1.   Le besoin de financement du FNAL augmente 

L’action 1 porte la subvention de l’État au Fonds national d’aide au logement, qui finance l’intégralité des aides au logement depuis 2016. Les charges prévisionnelles du FNAL pour 2021 sont les suivantes :

– 7 112 millions pour financer les prestations APL (aide personnalisée au logement), soit une augmentation de 7 % (+ 467 millions) par rapport à la LFI pour 2020 ;

– 4 879 millions pour financer les prestations ALS (allocation de logement à caractère social) soit une augmentation de 7 % (+ 327 millions) par rapport à la LFI pour 2020 ;

– 3 730 millions pour financer les prestations ALF (allocation de logement à caractère familial) soit une diminution de 2,4 % (– 91 millions) par rapport à la LFI pour 2020 ;

– 320 millions pour couvrir les frais de gestion de ces trois prestations.

Au 31 décembre 2019, 6,5 millions de personnes bénéficiaient des aides au logement, soit 100 000 personnes de moins qu’en 2018. 2,96 millions recevaient l’APL, 2,4 millions l’ALS et 1,2 million l’ALF.

Les charges prévisionnelles du FNAL augmentent de 4,6 % par rapport à la loi de finances pour 2020, pour s’établir à 16 023 millions d’euros.

Cette augmentation doit cependant être mise en perspective avec les prévisions de l’année 2020 : une économie d’1,2 milliard d’euros était attendue de la mise en œuvre de la réforme des APL, qui a été retardée. La contribution de l’État à l’équilibre du FNAL, qui devait s’établir à 12,028 milliards d’euros, sera donc ajustée en conséquence. La comparaison doit donc être faite avec les charges prévisionnelles du FNAL de la LFI pour 2020, soit 15 318 millions, augmentées des économies attendues mais non réalisées : les charges du FNAL devraient donc être proches de 16 718 millions d’euros.

1,855 milliard d’euros de crédits supplémentaires sont ouverts en AE et CP par le projet de loi de finances rectificative déposé le 4 novembre sur le bureau de l’Assemblée nationale. 1,2 milliard d’euros viennent financer les économies non réalisées et 600 millions d’euros s’expliquent par la dégradation du contexte économique.

Les principales évolutions prévues pour 2021 sont les suivantes. 

1 milliard d’euros de recettes doivent être versés par Action logement au FNAL, en vertu de l’article 47 du présent projet de loi. C’est une augmentation de 500 millions par rapport au prélèvement prévu par la loi de finances initiale pour 2020.

La réforme des aides au logement devrait générer 750 millions d’euros d’économies, soit 450 millions d’euros de moins que les prévisions de 2020.

Les dépenses augmentent tendanciellement en raison de la revalorisation des paramètres des APL au niveau de l’indice des prix à la consommation (IPC) de l’année N-1 (soit 0,2 % cette année) pour les ressources et de l’indice de référence des loyers (IRL) du 2ème trimestre pour les paramètres de dépenses.

L’État doit également compenser la baisse de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces annexées à ces catégories de locaux, pour un montant de 47 millions d’euros, ainsi que la baisse du produit du prélèvement mis à la charge des employeurs à hauteur de 187 millions d’euros.

Enfin, 9 millions d’euros supplémentaires seront versés pour permettre un partage de l’APL lorsque des enfants sont en résidence alternée aux domiciles des parents.

Les ressources du FNAL s’établissent donc ainsi :

– le produit du prélèvement mis à la charge des employeurs en application de l’article L. 834-1 du code de la sécurité sociale : 2 444 millions d’euros ;

– le produit de la surtaxe sur les plus-values immobilières : 43 millions d’euros ;

– une fraction du produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces annexées à ces catégories de locaux : 69 millions d’euros ;

– la dotation de l’État, qui assure l’équilibre du fonds : 12 467 millions d’euros, soit 439 millions d’euros de plus qu’en 2020.  

2.   La contribution des salariés au fonds national d’aide à la pierre n’est pas la bonne méthode pour réformer Action logement

a.   Le groupe Action logement est engagé dans le financement d’une multitude de projets  

Le groupe Action logement est géré de manière paritaire. Il est constitué de deux sociétés :

 la société Action logement services (ALS) est une société par actions qui assure la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et la distribution des aides et services aux entreprises ;

 la société Action logement immobilier (ALI) a pour mission de construire et financer les logements sociaux et intermédiaires. Elle est détentrice des titres de participations dans l’ensemble de ses filiales.

La participation de l’employeur à l’effort de construction (PEEC) pèse sur les entreprises du secteur industriel et commercial employant au moins 50 salariés, à hauteur de 0,45 % des rémunérations versées par les entreprises sur le dernier exercice écoulé.

En 2019, la contribution nette des entreprises s’élevait à 1 742 millions d’euros et le remboursement des prêts consentis aux ménages et aux bailleurs représentait 1 275 millions d’euros. 1 446 millions d’euros ont été fléchés vers les bailleurs sociaux, dont 928 millions sous forme de prêts.

Le groupe a présenté le 25 avril 2019 un plan d’investissement volontaire (PIV) qui prévoit l’engagement de 9 milliards d’euros sur la période 2019-2022, dont le déploiement est illustré par le tableau ci-après.  


Tableau emploi-ressources du PIV

AXES PLAN D'INVESTISSEMENT Après contribution impact RLS

Dispositif

Investissement Montant (M€)

Nombre estimé Lgts/familles

prêts bonifiés

fonds propres

subventions

TOTAL en M€

AXE I - AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS

50 000

500

-

500

1 000

Financement travaux de rénovation - Propriétaires Occupants (PO) salariés modestes (500 M€ par transfert de la convention quinquennale)

25 000

 

 

500

500

Financement des travaux de rénovation pour des logements locatifs (PB) salariés modestes

25 000

500

 

 

500

AXE II - FACILITER LA MOBILITÉ

100 000

-

20

130

150

Prime de 1 000 € aux ménages qui déménagent pour se rapprocher de leur lieu de travail

100 000

 

 

100

100

Création d'espaces de co-working

 

 

20

30

50

AXE III - POUR UN HABITAT PLUS INCLUSIF

227 500

-

550

1 000

1 550

Financement de travaux d'adaptation des logements au vieillissement et à la dépendance/ handicap

200 000

 

 

1 000

1 000

Rénovation des établissements médico-sociaux (secteur privé non lucratif) et soutien aux gestionnaires associatifs et communaux

27 500

 

550

 

550

AXE IV - TRANSFORMATION DES LOCAUX VACANTS EN LOGEMENTS

24 000

600

600

-

1 200

Achat de locaux d'activités obsolètes, bureaux, emprises industrielles pour les transformer en logements

24 000

600

600

 

1 200

AXE V - AMELIORER L'HABITAT DANS LES DOM

42 000

1 500

-

-

1 500

Amélioration des logements sociaux (rénovation, amiante, énergétique)

17 000

500

 

 

500

Aide à l'accession sociale dans le neuf, locatif privé

25 000

1 000

 

 

1 000

AXE VI - PRODUIRE DAVANTAGE DE LOGEMENTS MOINS CHERS

46 500

500

1 320

900

2 720

Produire davantage de logements sociaux

14 000

 

320

 

320

Soutenir la restructuration des bailleurs sociaux

14 000

 

300

 

300

Produire davantage de logements locatifs pour les classes moyennes

4 500

500

500

 

1 000

Développer l'accession sociale à la propriété grâce aux Organismes Fonciers Solidaires (OFS)

14 000

 

200

 

200

Contribution équilibre exploitation OLS - FNAP (dont 350 M€ par transfert convention quinquennale)

 

 

 

900

900

AXE VII - INVERSER LA SPIRALE DE DÉGRADATION DE L'HABITAT ANCIEN

47 750

400

245

300

945

Intervention sur les copropriétés dégradées et très dégradées (plan "Initiative Copropriétés")

2 500

 

95

50

145

Rénovation d'immeubles insalubres pour éradiquer l'habitat indigne dans les quartiers anciens - AFL

4 000

150

150

 

300

Démolir les logements sociaux vétustes en zone détendue et y reconstruire un habitat plus attractif

41 250

250

 

250

500

TOTAL PLAN D'INVESTISSEMENT Nombre bénéficiaires et Montant M€

537 750

3 500

2 735

2 830

9 065

Outre ce plan d’investissement volontaire, Action logement continue de mettre en œuvre la convention quinquennale 2018-2022. Celle-ci détaille les objectifs d’Action logement en termes de construction de logements, mais également la participation du groupe aux politiques publiques.

Ainsi, s’agissant du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPRU), Action logement devait verser 3,2 milliards d’euros de subventions à l’Agence nationale de la rénovation urbaine, 2,2 milliards d’euros de prêts bonifiés aux organismes de logements sociaux et 2 milliards d’euros d’équivalent-subvention.

Action logement est également financeur du programme Action cœur de ville : il est prévu qu’il engage 1,5 milliard d’euros dans le volet logement porté par les collectivités territoriales. Au 1er juillet 2020, 364 millions d’euros avaient été engagés sur des opérations en cours pour remettre 6 600 logements sur le marché.  

En plus de ces engagements, le groupe Action logement, avec 42 038 logements programmés en 2019, représente 38 % du nombre total de logements agréés sur l’année ([1]). C’est donc un acteur incontournable du secteur de la construction mais aussi de la politique de la ville et du logement social.  

b.   Les prélèvements successifs risquent de fragiliser le premier bailleur social de France

La contribution d’Action logement au fonds national d’aide au logement interroge le rapporteur. L’année passée, une contribution exceptionnelle de 500 millions d’euros avait déjà été apportée par Action logement au fonds national d’aide au logement.

Le rapporteur spécial avait alors souligné que ce prélèvement ne figurait pas dans le plan d’investissement volontaire signé par Action logement le 25 avril 2019. Il avait également alerté sur l’importance de ne pas fragiliser ce pilier du secteur du logement social.

Le PLF 2021 réitère l’exercice, en doublant le montant de la contribution : l’article 47 du projet de loi prévoit une contribution d’un milliard au Fonds national d’aide au logement, qui permet à l’État de réduire à due concurrence la subvention d’équilibre versée à ce même fonds.

À cela s’ajoute la suppression de l’affectation à Action logement d’une fraction de la taxe sur les conventions d’assurance, prévue par l’article 24 du même projet de loi de finances : la perte de recettes s’établirait à 300 millions d’euros pour 2021.

 

Or, le rapporteur craint que cette ponction supplémentaire de 1,3 milliard d’euros sur la trésorerie d’Action logement entrave la capacité du groupe à mener à bien son plan d’investissement volontaire et à atteindre ses objectifs de construction de logements, alors même que la crise sanitaire a fragilisé l’ensemble du secteur du logement social et ralenti les opérations de constructions.

De plus, alors même que la crise sanitaire fragilise l’ensemble du secteur du logement social, les ressources de la PEEC auraient pu être attribuées aux organismes de logement social sous forme de subventions. 

La trésorerie importante d’Action logement, qui s’élève à 9 milliards d’euros au 31 décembre 2019, est souvent présentée comme une justification de ces prélèvements. Cependant, cette trésorerie n’est qu’une photographie qui ne reflète pas le niveau d’engagement du groupe : Action Logement est engagé à hauteur de 23,3 milliards d’euros sur la période 2018-2022.

Ces ponctions répétées font diminuer le niveau de trésorerie du groupe, qui anticipe une perte de 50 % de ses réserves d’ici 2023 et qui craint une augmentation du niveau de l’endettement obligataire du groupe de nature à dégrader la confiance des investisseurs.

c.   Si la réforme de la gouvernance semble nécessaire, celle-ci aurait dû précéder la contribution et non pas être mise en œuvre a posteriori

Le rapporteur spécial s’interroge ainsi sur le processus choisi pour réformer le « 1 % Logement » : si des réformes semblent nécessaires pour permettre une meilleure allocation des ressources, les engager après avoir puisé 1,3 milliard d’euros dans la trésorerie du groupe semble contre-productif. Pourtant, des solutions existent : à titre d’exemple, le rapporteur est favorable à la transformation d’une partie des prêts consentis aux bailleurs sociaux en subventions, afin de favoriser les équilibres économiques des opérations de construction de logement social.

Alors que des articles de presse, dès septembre, faisaient état des conclusions d’un rapport de l’Inspection des finances sur le groupe ([2]), censé rester confidentiel, les dirigeants d’Action logement affirment ne pas avoir été destinataires de ce rapport, ni inclus dans les discussions autour du montant de leur contribution.

Les difficultés constatées dans l’engagement des crédits ne semblent également pas toutes imputables à Action logement : les interlocuteurs du rapporteur ont ainsi assuré qu’une dotation initiale en fonds propres de 740 millions d’euros devait être versée en 2019 à ALI pour financer le plan d’investissement volontaire. Le retrait de cette dotation aurait été demandé par l’État, qui souhaitait attendre l’adoption d’une disposition fiscale dans le projet de loi de finances pour 2020.

De même, la nomination d’un nouveau directeur général tarde, et l’État aurait une nouvelle fois demandé un report du conseil d’administration en août 2020, pour manque de consensus sur la personnalité à nommer. Action Logement ne peut être tenu comptable de ces reports, qui expliquent en partie l’engagement progressif de son plan d’investissement volontaire.

Le prélèvement sur Action Logement s’apparente à une simple mesure de rendement qui ne prend pas en compte la situation du logement social dans sa globalité.

Le rapporteur ne conteste pas la nécessité de faire évoluer et donc d’aider Action logement : il réfute par contre la méthode utilisée. Selon lui, la bonne méthode aurait été de fixer d’abord des objectifs mesurables à Action logement, de moderniser ensuite sa gouvernance - la gouvernance initialement imaginée par l’État ne fonctionne pas - et enfin de vérifier que la trajectoire financière permet d’atteindre les objectifs, et donc le cas échéant d’adapter le niveau de ressources. 

Le rapporteur rappelle son attachement à la participation des entreprises à l’effort de construction qui constitue une ressource essentielle du logement social.   

Le rapporteur présentera donc un amendement visant à réduire le montant de la contribution versée par Action logement à hauteur de 210 millions d’euros.

II.   Le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables : Une hausse des crédits pour 2021 nécessaire mais qui pourrait être insuffisante si la crise sanitaire perdure

2,174 milliards d’euros en AE et 2,2 milliards d’euros en CP sont demandés dans le projet de loi de finances pour 2020. Le programme 177 est composé de trois actions.

L’action 11 Prévention de l’exclusion porte 2,4 % des crédits du programme, en augmentation de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, et finance les prestations à destination des personnes sans domicile âgées ou en situation de handicap. L’allocation versée aux gestionnaires des aires d’accueil des gens du voyage, dite « aide au logement temporaire 2 » (ALT 2) est également financée par cette action, pour un montant de 15,2 millions d’euros.

L’action 14 Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale porte 0,4 % des crédits du programme, soit 9 millions d’euros. Deux dispositifs sont financés : le pilotage et l’animation du secteur accueil, hébergement et insertion (AHI), pour 8,9 millions d’euros, et le soutien financier aux fédérations des centres sociaux.  

L’action 12, Hébergement et logement adapté, porte 97,2 % des crédits du programme qui augmentent de 10,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Cette hausse s’inscrit dans la continuité de l’augmentation des moyens dédiés à l’hébergement d’urgence et au logement adapté depuis 2017. Néanmoins, alors qu’un reconfinement national a été annoncé le 28 octobre, cette augmentation pourrait s’avérer insuffisante pour couvrir les dépenses supplémentaires occasionnées. 

A.   Une hausse des crédits pour 2021 pour accélérer la mise en œuvre du logement d’abord  

L’augmentation des crédits de l’hébergement d’urgence s’inscrit dans la continuité de l’augmentation des moyens alloués à cette politique depuis 2017, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

La diminution en LFI 2019 s’explique par une mesure de périmètre : les crédits dédiés au financement des centres d’hébergement d’urgence pour les migrants (CHUM) en Île-de-France, soit 118,7 millions d’euros, ont été transférés vers le programme 303 Immigration et asile.

1.   Les crédits de l’action 12 sont en hausse  

Les crédits de l’action augmentent de 200 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

La politique d’insertion des personnes sans-abri se divise en deux volets : l’hébergement, c’est-à-dire la prise en charge dans l’urgence des personnes vulnérables, et l’insertion dans un logement, politique plus structurelle et ancrée dans le long terme. Ces deux aspects sont complémentaires.

Cette séparation des deux aspects est faite ici dans une visée théorique. Dans la réalité, les mêmes structures prennent à la fois en charge des personnes dans l’urgence et travaillent ensuite à leur insertion dans la société.

a.   L’hébergement d’urgence

Les crédits pour assurer l’hébergement d’urgence comprennent les financements des structures ainsi que les crédits fléchés vers la veille sociale.

La veille sociale représente la première étape de prise en charge : c’est le premier contact avec les personnes sans-abri, qui permet de leur proposer une orientation vers la structure adaptée. Elle est assurée par le « 115 », numéro vert pour les personnes sans-abri ; les équipes mobiles ; les accueils de jour et les services intégrés d’accueil et d’information (SIAO).

Les crédits fléchés vers la veille sociale augmentent de 12,2 % dans le PLF pour 2021, pour s’établir à 166,5 millions d’euros. 150 ETPT supplémentaires seront notamment recrutés pour renforcer les SIAO. L’augmentation inclut 5 millions d’euros issus de la stratégie pauvreté.

Les personnes sans-abri sont ensuite orientées vers différents types de structures d’hébergement d’urgence selon les profils et les disponibilités :

 des centres d’hébergement d’urgence (CHU) qui constituent une solution immédiate et de courte durée pour les personnes sans-abri. Ils proposent des prestations de première nécessité et facilitent leurs démarches pour obtenir un logement moins temporaire ; ils peuvent être spécialisés dans l’accueil de publics spécifiques (femmes jeunes, personnes âgées…) ;

 des nuitées d’hôtel : en cas de manque de place en CHU, les personnes sans-abri, notamment les familles, sont orientées vers des hôtels : 50 879 nuitées étaient financées au 31 décembre 2019 ;

 des places d’hébergement de stabilisation et d’insertion destinées à des personnes déjà dans des dispositifs d’hébergement, avec l’objectif de favoriser leur autonomisation ;

 l’ouverture de places temporaires est également une possibilité pour faire face aux situations exceptionnelles, notamment en période hivernale.

Les crédits ouverts pour l’hébergement d’urgence augmentent de 13,9 % en AE dans le PLF pour 2021. Ils comprennent la pérennisation des 7 000 places ouvertes à l’hiver 2019-2020, pour un coût total de 67,3 millions d’euros. À cela s’ajoute la pérennisation de 7 000 places ouvertes pendant la crise sanitaire. Parmi ces 14 000 places pérennisées, 1 000 seront dédiées aux femmes victimes de violences, avec un forfait de 25 euros par jour. Ces nouvelles places s’ajoutent aux 5 000 places déjà existantes. 

Crédits du plan de relance

100 millions d’euros sont prévus pour développer et améliorer les structures d’hébergement et de logement temporaire, dont 37 millions d’euros en crédits de paiement pour 2021.

Sur ces 100 millions d’euros, 50 millions d’euros financeront la création de places d’hébergement supplémentaires et des travaux d’humanisation des centres d’hébergement. 30 millions financeront des expérimentations de rachats d’hôtels pour les transformer en résidences sociales.

Les crédits alloués à la veille sociale ainsi qu’à l’hébergement d’urgence sont ainsi en constante augmentation depuis 2015 : cette augmentation s’explique à la fois par l’augmentation du flux et par la nécessité de prendre en charge des publics aux problématiques de plus en plus complexes.

Évolution des crédits consacrés à la veille sociale
et à l’hébergement d’urgence de 2015 au PLF pour 2021

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

PLF pour 2021

Évolution 2017/2021

Crédits de la veille sociale

89,1

90

121,7

126,5

134,7

148,3

166,5

37 %

Crédits de l'hébergement d'urgence

383,3

482,9

617,8

826,6

751,1

784,8

891,5

44 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

 

b.   Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

Les CHRS permettent l’hébergement des personnes présentant des difficultés d’ordre économique et social. Ces personnes bénéficient également d’une prise en charge sociale afin de les aider à retrouver leur autonomie. Les CHRS disposent de 44 722 places, dont 8 096 places d’hébergement d’urgence et 36 575 places d’hébergement de stabilisation ou d’insertion.

Les CHRS sont engagés depuis 2018 dans un processus de convergence tarifaire.

La convergence tarifaire des CHRS

Les CHRS sont engagés depuis 2018 dans un processus de convergence tarifaire. Cette réforme était justifiée par l’hétérogénéité des tarifs pratiqués d’une structure à une autre pour une même place.

L’arrêté interministériel du 2 mai 2018 a fixé les tarifs plafonds pour 2018 par « groupes homogènes d’activité et de missions » (GHAM). Ceux-ci, au nombre de douze, sont divisés selon la nature des missions réalisées et le fait que l’activité soit exercée en hébergement diffus ou en hébergement regroupé.

Le coût moyen d’une place (moyenne en diffus et regroupé) en 2018 était de 15 076 euros par an en CHRS, soit une diminution de 248 euros par rapport à 2017. À titre de comparaison, le coût moyen d’une nuitée hôtelière est de 6 523 euros par an : ce coût ne comprend pas de prestation alimentaire ou d’accompagnement social.

Selon l’enquête réalisée en 2019 auprès des structures d’hébergement, 24 % des CHRS ont été impactés par les tarifs plafonds et ont connu une diminution de leurs budgets.

L’objectif initial était d’aboutir à 57 millions d’économies sur quatre ans. En 2020, il était prévu que la convergence tarifaire permette la réalisation de 5,1 millions d’euros d’économies. Le Gouvernement, au vu de la crise sanitaire, a décidé de suspendre cette mesure pour l’année 2020. Elle est cependant reconduite pour 2021.

En contrepartie de cette convergence, 10 millions fléchés de la stratégie pauvreté viennent abonder les financements accordés aux CHRS, pour la deuxième année consécutive. Cependant, ces 10 millions ne sont pas systématiquement alloués aux CHRS ayant le plus souffert de la convergence tarifaire : ce n’est donc pas tout à fait une compensation.

Les crédits prévus pour les CHRS au titre de l’année 2021 s’élèvent donc à 648,2 millions d’euros, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à la LFI pour 2020.

c.   La diversité des offres de logements adaptés

Après la gestion de l’urgence, les personnes vulnérables sont, dans la mesure du possible, orientées vers des dispositifs pour favoriser leur insertion dans un logement de manière permanente. Les dispositifs de logement adapté constituent une solution alternative à l’hébergement pour des personnes n’ayant pas l’autonomie nécessaire pour entrer dans un logement ordinaire.

Les maisons-relais et pensions de famille sont une forme de logement autonome, avec un hôte présent quotidiennement. Elles permettent aux personnes accueillies de se réadapter progressivement à la vie sociale.

Les crédits prévus pour les maisons-relais et les pensions de famille s’élèvent à 154,4 millions d’euros, soit une augmentation de 22,7 %, qui finance la revalorisation du forfait journalier des pensions de famille (détaillée infra), la création de 2 000 nouvelles places d’ici 2021 et la pérennisation des places créées en 2020. Au 31 décembre 2019, le parc comptait 19 029 places réparties dans 911 pensions de famille.

L’intermédiation locative est un dispositif qui permet à une association de louer un bien du parc privé pour le sous-louer, à un tarif social, à des ménages au niveau de ressources faible. Le tarif couvre le différentiel entre le tarif marchand et le tarif social, les dépenses de fonctionnement de l’association et celles de l’accompagnement social des personnes accueillies.

Les crédits prévus pour financer les places en intermédiation locative s’élèvent à 148,8 millions d’euros, soit une augmentation de 23,7 % par rapport à la LFI pour 2020, qui doit financer la création de 8 850 places supplémentaires. Au 31 décembre 2019, le parc comptait 47 128 places en intermédiation locative.

Les résidences sociales accueillent les personnes éprouvant des difficultés à trouver un logement décent et indépendant. Elles comportent à la fois des locaux privatifs et des espaces communs, ainsi qu’un certain nombre de services. Les crédits alloués aux résidences sociales s’élèvent à 26 millions d’euros dans le PLF pour 2021. Cette enveloppe comprend les dépenses versées au titre de l’aide à la gestion locative sociale (AGLS).

Au 31 décembre 2019, le parc comptait 1 516 résidences sociales, offrant plus de 137 084 places, auxquelles s’ajoutent 43 955 places en foyers ayant vocation à devenir des résidences sociales.

Aide au logement temporaire (ALT) : un dispositif essentiel

L’aide au logement temporaire se divise en deux volets.

L’ALT1 est une aide aux organismes logeant temporairement des personnes défavorisées qui ne peuvent être hébergées en CHRS. Au 31 décembre 2019, 18 311 places étaient cofinancées par l’ALT1 et 21 242 places d’hébergement étaient exclusivement financées par elle. 74,8 millions d’euros sont prévus dans le PLF pour 2021, une enveloppe en hausse d’un million par rapport à la LFI pour 2020.

L’ALT2 finance le fonctionnement des aires d’accueil des gens du voyage. Elle est versée au gestionnaire de l’aire.

2.   Cette augmentation des crédits soutient la politique du Logement d’abord

Cette augmentation des moyens budgétaires appuie la politique du Logement d’abord engagée par le Gouvernement en 2017, qui vise à concrétiser deux principes :

– l’inconditionnalité de l’accueil et de la continuité de la prise en charge, prévue à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles ;

– l’aide à l’accès au logement, fixé par le II de l’article L. 301-1 du code de la construction et l’habitation.

L’objectif du plan est de mettre en place « un accès direct au logement avec un accompagnement social adapté aux besoins des personnes ».

Le plan Logement d’abord

Cinq priorités ont été identifiées dans le cadre du plan quinquennal Logement d’abord, lancé en septembre 2017 :

1.– produire et mobiliser plus de logements abordables et adaptés aux besoins des personnes sans-abri et mal logées ;

2.– promouvoir et accélérer l’accès au logement et faciliter la mobilité résidentielle des personnes défavorisées ;

3.– mieux accompagner les personnes sans domicile et favoriser le maintien dans le logement ;

4.– prévenir les ruptures dans les parcours résidentiels et recentrer l’hébergement d’urgence sur ses missions de réponse immédiate et inconditionnelle ;

5.– mobiliser les acteurs et les territoires pour mettre en œuvre le principe du logement d’abord.

a.   Ce plan, lancé en 2017, produit déjà des résultats

Le plan Logement d’abord, lancé en septembre 2017, a déjà produit des résultats.

Bilan au 31 décembre 2019 des principaux indicateurs
du plan Logement d’abord

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Selon les chiffres transmis par la DGCS au rapporteur spécial, les indicateurs de la mise en œuvre du plan progressent :

– en 2019, le nombre d’attributions de logements sociaux à des ménages de l’hébergement généraliste a augmenté de 20 % par rapport à 2017 ;

– le programme « un chez-soi d’abord », qui permet à des ménages sans abri souffrant de troubles psychiques sévères d’accéder à un logement, s’est déployé sur quatre nouveaux sites (Nantes, Montpellier, Strasbourg et Nice) ;

– l’accélération du nombre de logements avec un bas niveau de quittance, dit « PLAI adaptés » se poursuit : 1 213 logements avaient été financés en 2019 contre 716 en 2017.

Si ces indicateurs sont encourageants, des obstacles dans la réalisation des objectifs du plan demeurent.

b.   La persistance des nuitées hôtelières coûte cher

Les places d’hôtel sont la variable d’ajustement au manque de places dans les structures d’hébergement d’urgence. Un plan de réduction des nuitées hôtelières a été lancé en 2015 avec l’objectif d’éviter 10 000 nuitées hôtelières, en finançant le développement de dispositifs alternatifs pérennes tels que l’intermédiation locative et l’ouverture de nouvelles places d’hébergement.

Le plan Logement d’abord s’inscrit dans la continuité de ce plan. Les efforts engagés ne suffisent cependant pas à réduire le nombre de nuitées hôtelières financées par le programme 177 : en 2019, 50 879 nuitées d’hôtel ont été financées, soit 34 % de plus qu’en 2015 (37 962 nuitées). Cela représente une enveloppe de 331 millions d’euros en 2019.

Une nuitée hôtelière est chère, mais elle est surtout synonyme de moindre prise en charge des familles et personnes hébergées. Ainsi, malgré les efforts conduits par le ministère et les associations pour améliorer le quotidien des personnes résidant en hôtel, peu de familles sont accompagnées régulièrement.

Les efforts doivent donc être accentués pour engager une véritable réduction du nombre de nuitées hôtelières.

c.   Les objectifs de création de places en logement adapté ne sont pas tenus

Le Gouvernement, engagé dans le plan quinquennal Logement d’abord, a fixé des objectifs précis en termes de création de places en logement adapté : 40 000 ouvertures de places en intermédiation locative et 10 000 places supplémentaires en pensions de famille sur la période 2018-2020.

Les crédits dédiés aux logements adaptés augmentent une nouvelle fois cette année pour accompagner la trajectoire d’accélération du nombre de places. Les autorisations d’engagement demandées sont en hausse de 18,1 %. Si la mise en œuvre a été assez lente sur les deux premières années, l’exercice 2019 et les prévisions pour 2020 laissent prévoir une réelle montée en puissance de l’intermédiation locative.

La mise en œuvre des pensions de familles est cependant plus lente, comme l’illustre le tableau de l’évolution du nombre de places créées en intermédiation locative et dans les pensions de famille depuis 2016.

Évolution du nombre de places créés en intermédiation locative
et dans les pensions de famille depuis 2016

 

Places
en 2016

Places ouvertes fin 2019

Objectifs de création de places en 2020

Objectifs de création de places en 2021

Objectif de création de places sur l'ensemble du quinquennat

Total réalisé sur la période 2018-2022

Taux d'atteinte de l'objectif au 31 décembre 2019

Taux d'atteinte de l'objectif fin 2021 si les prévisions de 2021 sont atteintes

Intermédiation locative

28 610

47 128

8 850

8 850

40 000

14 408

36 %

58 %

Pensions de famille

15 446

19 029

2 300

2 000

10 000

2 641

26 %

46 %

Source : annexe 4 de la circulaire D20006369 du 3 juin 2020, Hébergement d’urgence et logement d’abord.

Selon la direction générale de la cohésion sociale, « plusieurs fragilités » sont identifiées au sein des pensions de famille :

– le modèle de financement favorise la création de structures allant jusqu’à 30 places, alors le nombre de places recommandé est de 25 ;

– le gel du forfait depuis 2007 ne facilite par le recrutement et la stabilité des hôtes ;

– le vieillissement des pensionnaires pose de nouveaux enjeux, notamment en termes de perte d’autonomie et de prises en charge de maladies liées à l’âge.

La crise sanitaire a par ailleurs ralenti fortement la création de nouvelles places en pensions de famille : sur les six premiers mois, seules 82 places de pensions de familles ont été ouverts, alors que l’objectif pour l’année 2020 était l’ouverture de 2 000 places.

La revalorisation du forfait journalier, financée par le présent projet de loi de finances, doit participer à redynamiser la création de pensions de famille. 

 

3.   La revalorisation du forfait journalier des pensions de famille, attendue, doit accélérer la création de places

Les pensions de famille, qui sont une forme de résidence sociale, proposent un hébergement collectif à des personnes présentant un faible niveau de ressources, en situation d’isolement ou d’exclusion lourde. L’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit que cet accueil est sans condition de durée.

La pension de famille est un véritable logement. Le cadre légal la concernant prévoit que les pensions de famille accueillent des adultes de plus de 25 ans. Le rapporteur spécial s’inquiète des possibles ruptures de parcours engendrées par une limite d’âge aussi fixe : des jeunes adultes ayant vocation à rester durablement en pension de famille pourraient utilement y entrer avant 25 ans.

Au 31 décembre 2019, 19 029 places étaient ouvertes dans 911 pensions de famille, soit une augmentation du nombre de places de 6,6 % par rapport à 2018.

Répartition régionale des pensions de famille
et de leurs places au 31 décembre 2019

Région

Enquête AHI au 31/12/19

Nombre de pensions de famille

Nombre de places de pensions de famille

Auvergne Rhône-Alpes

93

1 979

Bourgogne Franche-Comté

48

949

Bretagne

46

889

Centre-Val-de-Loire

38

810

Corse

2

56

Grand Est

87

1 730

Hauts de France

105

2 245

Ile-de-France

143

3 443

Normandie

43

909

Nouvelle-Aquitaine

80

1 691

Occitanie

85

1 598

Pays de la Loire

51

857

Provence-Alpes-Côte d'Azur

64

1 401

Guadeloupe

4

102

Martinique

13

213

Guyane

2

39

La Réunion

4

83

St Pierre et Miquelon

0

0

Mayotte

3

35

Total

911

19 029

Source : réponses au questionnaire budgétaire.  

L’étude menée en 2015 ([3]) par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) auprès de plusieurs structures permet de mieux cerner les publics de ces pensions et les initiatives pouvant être reproduites.

Une pension de famille est gérée par un hôte, qui organise la vie quotidienne et régule les activités de groupe. Il est rare qu’ils vivent sur place, mais l’étude montre que dans 83 % des structures, une présence quotidienne est assurée, avec des retours pouvant être imposés les samedis, soirs ou week-ends.

La mission de l’hôte est cependant plus large que la simple animation de la structure : il est l’interlocuteur privilégié de l’ensemble des partenaires sociaux et médicaux du dispositif, et réalise un accompagnement individuel des résidents, qui va de l’aide à l’accès aux soins à l’insertion professionnelle.

Le rapporteur spécial alertait l’année dernière sur l’impérative nécessité de revaloriser le forfait journalier accordé aux hôtes des pensions de famille. 

Ce forfait a été fixé à 16 euros en 2007 et n’avait pas été, jusqu’alors, revalorisé. Cette stagnation du forfait a freiné l’ouverture des pensions de famille. Selon les éléments transmis par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), les structures ont perdu 0,3 ETP en dix ans du fait de l’inflation. La stagnation du tarif a notamment entraîné une désincitation à l’ouverture de structures de tailles modestes.

Le rapporteur spécial se félicite donc que ce projet de loi de finances prévoit une enveloppe pour financer une revalorisation de ce forfait à hauteur de 18 euros par jour. Cette revalorisation devrait permettre d’accélérer le rythme de création de places en pensions de famille.

B.   L’enveloppe présentée dans ce projet de budget n’est pas dimensionnée pour faire face à l’accélération de la propagation du virus

Le confinement de la population française du 17 mars au 11 mai et la circulation persistante du virus sur le territoire ont mis en tension les structures d’hébergement d’urgence.

1.   La première vague a mis en tension les structures d’hébergement d’urgence et de réinsertion et a nécessité l’ouverture de crédits supplémentaires

Les services de l’État et les associations gestionnaires se sont mobilisés pour garantir une prise en charge appropriée des personnes sans domicile pendant la crise.

Le rapporteur spécial a salué, dans son rapport du printemps, le renforcement des dispositifs existants et la mise en place de dispositifs spécifiques pour l’accueil des personnes sans abri.

La trêve hivernale a été prolongée jusqu’au 10 juillet 2020. 7 000 places supplémentaires ont été pérennisées à compter du 10 juillet et 12 000 nuitées hôtelières supplémentaires ont été mobilisées. Des centres d’hébergement spécialisés (CHS) ont été ouverts pour accueillir des personnes sans-abri atteintes d’une forme légère de covid-19 : 3 600 places étaient ouvertes au 30 avril 2020. Des chèques services utilisables pour acheter des produits de première nécessité ou de la nourriture ont été distribués, notamment aux personnes hébergées en hôtel, et des masques ont été achetés pour le personnel et les résidents des structures d’hébergement et de logement. 

Le rapporteur souhaite alerter, dans le cadre de son rapport spécial, sur le problème de recrutement de salariés dans le secteur du médico-social. Ce sont ces salariés qui ont permis l’ouverture de ces dispositifs exceptionnels et l’accompagnement des personnes sans-abri et mal logées pendant la période du confinement. Une prime a été versée aux personnels du secteur de l’hébergement, mais cela n’exonère pas d’une réflexion sur le moyen terme sur la revalorisation de ces carrières.

La sortie des dispositifs de crise a été très progressive. Le graphique ci-dessous, transmis par la direction générale de la cohésion sociale, illustre l’évolution du parc non pérenne d’hébergement du 25 mars au 25 août.

Évolution du parc non pérenne d’hébergement du 25 mars au 25 août

Source : réponse au questionnaire budgétaire, DGCS.

Au 13 octobre, 28 000 places non pérennes restaient ouvertes et donc mobilisables en cas de besoin.

200 millions d’euros ont été ajoutés par la LFR 3 pour l’hébergement d’urgence, qui ont servi à financer :

 le maintien des places hivernales au-delà du 31 mars et les places ouvertes pour desserrer les centres d’hébergement, pour 123 millions d’euros ;

 la distribution de chèques services pour un montant de 50 millions d’euros ;

 la prime de 1 000 euros versée aux personnels du secteur de l’hébergement, pour un montant de 20 millions d’euros ;

 l’achat de masques pour les personnels, résidents et bénévoles des secteurs hébergement et logement, pour un montant de 7 millions d’euros. 

Des crédits devraient être ajoutés dans la LFR 4 : la directrice générale de la cohésion sociale, lors de son audition le 13 octobre dernier, estimait ce besoin de crédits supplémentaires à 387,7 millions d’euros.

Les crédits supplémentaires ouverts dans le PLFR 4 s’élèvent à 249,9 millions d’euros. Cela couvrira notamment le remboursement exceptionnel des surcoûts subis par les associations pendant la crise sanitaire (30 millions d’euros), mais également le montant des dépenses inhérentes à la crise Covid-19 non couverts par les crédits ouverts en LFR 3, estimés à 128 millions d’euros en juillet 2020 et compensées à hauteur de 190 millions d’euros par le PLFR 4, ainsi que le financement des opérations de mise à l’abri pour 30 millions d’euros.

2.   Le budget présenté ne prévoit pas de moyens suffisants pour faire face à une seconde vague

Le 28 octobre, un confinement national a été annoncé pour une durée provisoire de quatre semaines. Le rapporteur spécial alerte sur la probabilité d’une prochaine mise en tension des associations.

Il souligne par ailleurs que la crise sanitaire n’explique pas l’ensemble des dépassements de crédits : les besoins induits par la campagne hivernale 2019-2020, antérieure à la crise sanitaire, s’élèvent à 98,3 millions d’euros.  

Ainsi, malgré un effort réalisé en 2017 pour sincériser le budget de l’hébergement d’urgence, des abondements de crédits restent régulièrement nécessaires en gestion, comme l’illustre le tableau ci-dessous.

Ouverture de crédits en cours de gestion sur le programme 177 depuis 2017

 

Crédits prévus en LFI

Ouvertures en cours de gestion

Total

2017

1 741

276

2 017

2018

1 953

60

2 013

2019

1 873

180,7

2 054

2020

1 965

449,9

2 165

2021

2 174

 

2 174

L’ampleur de la crise sanitaire va peser sur la campagne hivernale 2020-2021, il est donc probable que l’augmentation des crédits présentée dans le présent budget soit insuffisante pour faire face aux deux facteurs d’inflation des crédits de l’hébergement d’urgence : l’un structurel, inhérent aux besoins toujours croissants du programme, et l’autre conjoncturel, lié à l’évolution rapide de la crise sanitaire.

III.   Les crédits du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat restent stables

Le programme 135 regroupe les crédits dédiés au logement, à la construction, à l’urbanisme et à l’aménagement. Il se décline en six actions.

L’action 1, Construction locative et amélioration du parc porte 3,6 % des crédits du programme, soit 19 millions d’euros. À ces crédits s’ajoutent 452 millions d’euros versés au programme par voie de fonds de concours par le Fonds national d’aide à la pierre. Les crédits budgétaires financent la rénovation des cités minières du Nord et du Pas-de-Calais (10 millions d’euros) ; le système national d’enregistrement de la demande de logement social (5 millions d’euros) et l’accueil des gens du voyage (4 millions d’euros).  

L’action 2 Soutien à l’accession à la propriété porte 0,8 % des crédits du programme, soit 4,1 millions d’euros qui financent les frais de gestion des dispositifs financiers relatifs à l’accession à la propriété, tels que le prêt à taux zéro (PTZ) et les prêts d’accession sociale (PAS).

L’action 3 Lutte contre l’habitat indigne, porte 2,9 % des crédits du programme, soit 15,5 millions d’euros.

L’action 4 Réglementation, politique technique et qualité de la construction porte 41,3 % des crédits du programme, soit 218 millions d’euros, qui financent les mesures liées aux contentieux de l’habitat (36 millions d’euros) ; aux contentieux de l’urbanisme (3,8 millions d’euros), à la qualité de la construction (5 millions d’euros) ; à la rénovation thermique des logements privés (170 millions d’euros) et aux observatoires des loyers (3,6 millions d’euros).

L’action 5 Soutien porte 4,9 % des crédits du programme : ces crédits, 26 millions d’euros, sont alloués notamment des études en matière de logement et des activités de formation continue des agents des services déconcentrés.

L’action 7 Urbanisme et aménagement porte 46,4 % des crédits du programme, soit 245 millions d’euros. Ces crédits financent notamment les opérations d’urbanisme et les établissements publics fonciers. Les crédits de l’action sont en augmentation de 315 % : l’action prévoit en effet la compensation budgétaire apportée aux établissements publics fonciers de la part de taxe spéciale d’équipement (TSE) assises sur la taxe d’habitation sur les résidences principales, qui disparaît progressivement.

 

Crédits du plan de relance

300 millions d’euros viendront doter un « fonds friches » pour accorder des aides publiques aux opérations de dépollution des friches industrielles.

Une enveloppe de 350 millions d’euros sur deux ans sera accordée aux maires qui densifient leurs villes : l’aide sera délivrée automatiquement dès qu’un seuil de densité défini aura été dépassé. Ce seuil sera déterminé en prenant en compte la densité moyenne constatée des programmes de logement autorisés en 2019 sur les communes présentant des caractéristiques similaires ([4]).

Deux mesures seront détaillées ici : les évolutions de la prime de transition énergétique et la situation des bailleurs sociaux.

A.   La priorité donnée à la rénovation énergétique des bâtiments privés

L’action 4 Réglementation, politique technique et qualité de la construction porte, entre autres, les crédits versés à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements : 170 millions d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2021, soit un montant stable par rapport à la loi de finances pour 2020. Ces crédits financent le programme « Habiter Mieux » de l’agence. C’est également l’ANAH qui accorde les subventions de MaPrimeRénov’, dont les critères ont été adaptés provisoirement dans le cadre du plan de relance.

Si le rapporteur spécial salue l’élargissement de MaPrimeRénov’, il appelle à la vigilance sur les modalités de cet élargissement et souligne l’importance que cet élargissement ne se fasse pas au détriment des autres programmes portés par l’ANAH.  

1.   MaPrimeRénov’ est un outil d’accélérateur de la transition écologique dont l’élargissement doit être suivi avec attention  

a.   La transformation du CITE en MaPrimeRénov’ en 2020

Les dispositifs de soutien public à la rénovation énergétique ont été remaniés en 2020 afin d’accompagner plus efficacement les ménages dans leurs travaux.

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) permettait aux ménages de réduire leur impôt sur le revenu en déduisant une partie des coûts occasionnés par leurs travaux de rénovation énergétique. En 2019, l’ensemble des ménages, sans conditions de ressources, était éligible. 850 000 foyers en avaient bénéficié, pour un montant de 1,06 milliard d’euros. Les trois gestes les plus sollicités étaient : l’isolation des parois vitrées (290 000 gestes) ; l’installation d’une chaudière performante (270 000 gestes) et l’isolation des murs par l’extérieur (220 000 gestes).

En loi de finances pour 2020, le CITE a été supprimé et remplacé par une prime de rénovation énergétique. Le versement d’une prime présente l’avantage d’éviter aux ménages de faire une avance de trésorerie pour financer les travaux. Les ménages appartenant aux 9ème et 10ème déciles ne pouvaient plus bénéficier ni du crédit d’impôt ni de la prime à compter du 1er janvier 2020 ([5]).

Il était prévu que la bascule entre le crédit d’impôt et la prime se fasse en deux temps.

Cette prime devait concerner en 2020 seulement les ménages aux revenus modestes et très modestes ([6]) : 390 millions d’euros étaient budgétés dans la loi de finances pour 2020 sur le programme 174, Énergie, climat et après-mines. Les ménages intermédiaires ([7]) pouvaient encore bénéficier du CITE en 2020 : 350 millions étaient prévus dans la loi de finances initiale.  

L’ANAH a été dotée de 34 ETPT supplémentaires en 2020 pour conduire cette nouvelle mission. Malgré la crise sanitaire, l’instruction des premières demandes a démarré en avril, comme prévu. Début octobre, 108 000 dossiers avaient été déposés auprès de l’ANAH.

L’objectif était d’arriver à 200 000 aides distribuées en 2020 : sachant que des dossiers demandent des aides pour plusieurs gestes, la directrice de l’ANAH estimait lors de son audition par le rapporteur spécial que l’objectif serait atteint. 

Des crédits supplémentaires ont été attribués à l’ANAH pour faire face aux demandes : 100 millions d’euros ont été ouverts par la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR 3) et 85 millions d’euros ont été transférés depuis ce programme. C’est donc 575 millions d’euros qui étaient ouverts en 2020 pour financer MaPrimeRénov’. Les prévisions de dépenses en crédits de paiement pour 2020 s’élevaient à 270 millions d’euros ([8]) .

La prime devait être étendue aux ménages ayant des revenus intermédiaires en 2021 : 740 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont ouverts sur le programme 174 Énergie, climat et après-mines à ce titre.  

b.   L’élargissement de MPR en 2021 : une mesure bienvenue mais des points de vigilance

i.   L’élargissement de la prime concerne les bénéficiaires et les travaux éligibles

● La liste des personnes pouvant bénéficier de la prime a été élargie

Elle pourra être attribuée sans condition de ressources : les ménages appartenant aux 9ème et 10ème déciles pourront également en bénéficier. Les copropriétés et les propriétaires bailleurs seront également éligibles à la prime en 2021. Un amendement déposé par le Gouvernement en séance sur la mission Plan de relance ([9]) prévoit l’éligibilité de ces bénéficiaires jusqu’au 31 décembre 2022. 

Cet élargissement est une des mesures du plan de relance déployé par le Gouvernement. Les crédits afférents sont donc ouverts sur la mission Plan de relance : une enveloppe de 2 milliards d’euros sur deux ans est prévue, dont 915 millions d’euros en crédits de paiement pour 2021.

La répartition prévisionnelle de cette enveloppe par bénéficiaires est présentée ci-après.

Répartition budgétaire des crédits alloués à MaPrimeRénov’ et objectifs en nombre de bénéficiaires

 

Répartition budgétaire

Objectifs en nombre de bénéficiaires

Propriétaires-occupants

1 390 Md€

435 000

Propriétaires-bailleurs

143 M€

55 000

Syndicats de copropriétaires (dont copropriétés fragiles)

100 M€

32 000

TOTAL (inclus le geste par geste, la rénovation globale, le forfait AMO et les bonifications passoires et BBC)

1 630 M€

522 000

dont forfait rénovation globale pour les ménages Violets (D4-D8) et Roses (D9-D10) 
et effet du Coup de pouce CEE rénovation globale sur tous les ménages

360 M€

70 000

dont forfait AMO 

20 M€

150 000

dont Bonus « sortie de passoire thermique »

83 M€

67 000

dont bonus « rénovation BBC »

6 M€

6 000

 Source : contribution de la direction de l’aménagement, du logement et de la nature aux travaux du rapport spécial.

Ces 1 630 millions d’euros seraient financés par le programme 174 à hauteur de 740 millions d’euros et par le programme 362 Écologie à hauteur de 830 millions d’euros.

● Le barème des travaux éligibles a été revu

Pour encourager la rénovation globale, un forfait sera attribué aux ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs qui engagent une rénovation globale, à condition que le gain énergétique associé soit supérieur à 55 %.

Deux autres mesures sont prévues pour encourager la rénovation des passoires thermiques : les ménages pourront bénéficier d’un bonus si la rénovation entreprise conduit à ce que leur logement obtienne l’étiquette énergie A ou B. Un deuxième bonus est prévu pour les ménages dont le logement perd son statut de passoire thermique (étiquette énergie F ou G) après la rénovation.

Le montant de la prime sera variable en fonction des revenus des ménages. Quatre profils sont prévus, qui ouvrent des droits différents.  

Profils pour bénéficier de MaPrimeRénov’ en fonction des plafonds de ressources hors Île-de-France et en Île-de-France

À titre d’exemple, le bonus « sortie de passoire » est de 1 500 euros pour un profil « Bleu » et seulement de 500 euros pour un profil « Rose ».

L’objectif d’instituer un barème différencié en fonction des revenus est de favoriser une diminution du reste à charge des ménages les plus modestes. Emmanuelle Wargon, ministre du logement, a précisé fin septembre ([10]) que la prime pourrait financer jusqu’à 90 % du devis des ménages modestes, contre 40 % seulement pour les ménages les plus aisés.

Le rapporteur spécial se félicite que le plan de relance ait fait prendre à MaPrimeRénov’ une nouvelle ampleur. Il appelle cependant à la vigilance sur plusieurs points.

ii.   Des points de vigilance persistent

Les effectifs de l’agence sont une nouvelle fois renforcés dans le projet de loi de finances pour 2021 : 29 ETPT travailleront au niveau central pour garantir la bonne instruction des dossiers. Ce renfort est essentiel pour ne pas affaiblir une agence dont le périmètre d’action est élargi à chaque loi de finances. 

Il faudra être très vigilant sur le rythme de décaissement des crédits alloués à MaPrimeRénov’ et sur les barèmes, quitte à moduler les montants des forfaits, comme l’a fait l’ANAH en juillet 2020. Alertée sur « la recrudescence de pratiques commerciales agressives et frauduleuses » sur les travaux d’isolation thermique par l’extérieur, elle a diminué le montant des remboursements pour ce type de travaux et engagé des contrôles exceptionnels ([11]).  

Un forfait d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) a été introduit dans le barème de MaPrimeRénov’, pour un montant de 150 euros : tout ménage peut faire appel à un tiers (une entreprise différente de celle qui conduit les travaux) pour l’accompagner dans ses démarches : choisir les artisans, sélectionner les travaux à effectuer, réaliser les démarches administratives.

Le rapporteur spécial, s’il se félicite de l’introduction de ce forfait dans le dispositif, s’interroge sur son montant. Dans le cas d’une rénovation globale, le montant d’une AMO peut s’établir à 1 000 euros : le forfait couvrirait donc 15 % de ce coût, ce qui pourrait être désincitatif pour un ménage modeste. Il sera donc attentif au nombre de forfaits AMO demandés sur la prochaine année pour proposer un éventuel ajustement en 2021 : MaPrimeRénov’ doit pouvoir bénéficier à tous les ménages, notamment ceux pour qui ces nouveaux dispositifs sont complexes à appréhender.

Enfin, le rapporteur spécial alerte sur la nécessité pour l’ANAH de conserver un lien avec les territoires. L’activité de l’agence se fait habituellement en partenariat avec les collectivités territoriales, via des opérations programmées. À titre d’exemple, dans l’Indre, une opération programmée d’amélioration de l’habitat est en cours sur le territoire de la communauté d’agglomération Châteauroux Métropole. L’ANAH et la communauté d’agglomération sont co-financeurs. L’objectif est d’améliorer 965 logements en quatre ans.

Ce partenariat, qui n’a pas lieu d’être sur une aide nationale comme MaPrimeRénov’, est essentiel pour maintenir une dynamique de rénovation et de réhabilitation dans les territoires. La montée en puissance de MaPrimeRénov’ ne doit donc pas se faire au détriment des autres programmes portés par l’agence.

B.   Les bailleurs sociaux sont fragilisés par la crise

1.   Les crédits du FNAP restent stables

Le Fonds national d’aide à la pierre a été créé le 1er juillet 2016. Il est géré selon une gouvernance tripartite. Ainsi, son conseil d’administration est composé de trois collèges : l’État, les bailleurs sociaux et les collectivités locales. Cet établissement public ne dispose pas d’effectifs propres et s’appuie sur la DHUP pour fonctionner.

Le FNAP soutient la production de logements sociaux en répartissant les crédits de son enveloppe entre les régions. Chaque préfet de région se voit notifier par le ministre ses objectifs de production, accompagnés des financements proportionnés.

Les ressources prévisionnelles du FNAP pour 2021 s’élèvent à 455,5 millions d’euros, répartis ainsi :

 une fraction de la cotisation versée par les bailleurs à la Caisse de garantie du logement social, reversée ensuite au FNAP : la modulation de cette cotisation par l’article a diminué celle-ci de 300 millions d’euros, elle s’établit donc à 75 millions d’euros dans ce PLF ;

 une contribution d’Action Logement : le plan d’investissement volontaire 2020-2022 prévoit que celle-ci soit de 350 millions d’euros, contre 50 millions d’euros avant le PIV ;

 une fraction du prélèvement « SRU » sur les communes ne respectant pas le taux minimum de logements sociaux imposé par la loi à hauteur de 0,4 million d’euros ;

–– le produit de la majoration « SRU », à hauteur de 28 millions d’euros ;

 une partie des fonds non engagés des fonds d’aménagement urbains (FAU), supprimés en 2017, pour un montant de 2,1 millions d’euros. 

Le FNAP soutient la construction des bailleurs sociaux. Il n’est plus abondé par l’État depuis 2019.

2.   Le montant de la réduction de loyer de solidarité est stabilisé à 1,3 milliard d’euros

2021 est la quatrième année d’application de la « réduction de loyer de solidarité » prévue par l’article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et appliquées par tous les organismes de logement social.

Les loyers de ces logements sont diminués de manière progressive selon la composition familiale du foyer et la zone géographique du logement. En contrepartie de cette diminution de loyer, l’aide personnalisée au logement des locataires est réduite par l’État à hauteur de 98 % du montant de la RLS appliquée.

Comme indiqué dans le rapport spécial pour la loi de finances pour 2018, cette « réduction de loyer de solidarité » est en réalité une forme de « prélèvement forfaitaire » sur l’autofinancement des organismes de logement social.

Un mécanisme de péréquation a été mis en place pour éviter de pénaliser les organismes ayant une proportion plus grande d’allocataires des APL grâce à une modulation des cotisations versées par les organismes à la CGLLS.

À la RLS s’ajoutent les possibilités ouvertes par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

Cette loi assouplit les conditions dans lesquelles les bailleurs sociaux peuvent vendre un logement : une clause peut maintenant être incluse dans les contrats de vente. Cette clause diffère le transfert de la propriété de la quote-part des parties communes au nouveau propriétaire. Le bailleur demeure alors responsable de l’entretien de ces parties communes. La loi ELAN oblige également les organismes de logement social gérant moins de 12 000 logements à se regrouper. 340 bailleurs sociaux sont concernés.

Le montant des économies générées par la RLS pour 2018 était de 800 millions d’euros pour une mise en œuvre sur 11 mois. En 2019, l’application de la RLS sur 12 mois ainsi que l’indexation des paramètres de plafond de ressources s’est traduite par un rendement de 890 millions d’euros. En 2020, l’indexation du montant des plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la RLS avait été suspendue, ce qui avait limité le rendement des économies prévues à 1,3 milliard au lieu des 1,5 milliard d’euros initialement prévues. En effet, l’indexation des plafonds de ressources entraîne une augmentation du nombre de bénéficiaires de la RLS.

L’article 48 du projet de loi prévoit de nouveau la suspension de cette indexation, ce qui limite de nouveau le montant des économies prévues pour la RLS à 1,3 milliard d’euros.  

3.   La crise sanitaire va ralentir le rythme de nouvelles opérations

La Caisse des dépôts et consignations s’est mobilisée dès le début de la crise sanitaire pour mettre en place des mesures d’urgence pour les organismes de logements sociaux : une ligne de 2 milliards d’euros a été mise en place pour garantir aux bailleurs sociaux un accès à la liquidité, et dans certains très précis, l’instauration d’un moratoire sur les intérêts des prêts de la Caisse des dépôts. Les bailleurs sociaux se sont eux fortement mobilisés pour maintenir le lien avec leurs locataires.

Les mises en service ont été retardées, mais l’effet est surtout spectaculaire s’agissant des engagements de nouvelles opérations.

Selon les éléments recueillis par le rapporteur, le nombre d’agréments sera, en 2020, très inférieur à 100 000, alors même que le pacte d’investissement pour le logement social signé en 2019 prévoit la construction de 110 000 logements par an et la rénovation de 125 000 logements par an. Le volume de prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations pour financer la construction dans le secteur du logement social a ainsi diminué de 11 %.

Dans son étude sur le logement social, Perspectives ([12]), publiée en septembre 2020, la Caisse des dépôts et consignations anticipe une baisse de production de logements de 20 % par rapport aux objectifs du pacte d’investissement, soit 20 000 constructions de logements en moins et 25 000 réhabilitations en moins.

L’étude prévoyait également une possible relance de l’activité du secteur à partir de 2021, avec un retour aux objectifs de 110 000 agréments et de 125 000 rénovations. Cependant, cette hypothèse était conditionnée à « l’absence de nouvelle période de confinement généralisé ». L’entrée de la France dans un nouveau confinement à partir du 30 octobre, pour une période minimale de quatre semaines, fragilise l’hypothèse d’un retour à la normal dès 2021.

À première vue, le confinement de mars et le report des élections municipales n’ont pas significativement retardé les regroupements prévus par la loi ELAN : selon les informations du rapporteur, la moitié des projets seraient finalisés et seuls 7 % des organismes concernés, soit une vingtaine, n’auraient pas de solutions à cette date.

Crédits du plan de relance

460 millions d’euros sont prévus dans la mission Plan de relance pour financer les travaux de rénovation énergétique et les travaux de réhabilitation lourde de logements locatifs sociaux. 40 000 logements pourraient être concernés par le volet « réhabilitation lourde ». 

40 millions d’euros seront dédiés à l’émergence d’une filière industrielle de solution de rénovation énergétique globale à haute performance : l’objectif est de garantir une consommation énergétique nulle sur trente ans.

Enfin, la Caisse des dépôts et consignations a elle aussi présenté un plan de relance le 7 septembre 2020. Sur les 26 milliards d’euros mobilisés par la Caisse des dépôts, 11,1 milliards d’euros seront dédiés au logement. Parmi les mesures annoncées, l’acquisition de 40 000 logements acquis en vente en état future d’achèvement (VEFA), dont 6 000 en outre-mer, est à saluer. Cela soutiendra le secteur de la construction, et notamment du logement social, puisque 15 000 logements sur les 40 000 annoncés seront des logements sociaux. À cela s’ajoutent la souscription de titres participatifs auprès des bailleurs sociaux pour 900 millions d’euros et le soutien à la rénovation urbaine à hauteur de 400 millions d’euros.


—  1  —

   Deuxième partie : Le modèle de financement du logement social, qui repose sur l’épargne réglementée des Français, doit être repensé

Le rapporteur spécial réitère le propos présenté l’année dernière : alors que le taux d’épargne a augmenté pendant le confinement, il est urgent de revoir la doctrine de fonds d’emploi des fonds d’épargne.

A.   Le logement social est aujourd’hui financé en partie par l’épargne réglementée

Le financement du logement social repose sur plusieurs piliers : les subventions versées par l’intermédiaire du Fonds national d’aide à la pierre (FNAP), les différentes exonérations fiscales dont bénéficient les organismes de logement social et les prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations.

Le financement du logement social par les fonds d’épargne est prévu par l’article L. 221-7 du code monétaire et financier, qui prévoit que « les sommes centralisées en application de l'article L. 221-5 ainsi que, le cas échéant, le produit des titres de créances et des prêts mentionnés au II du présent article sont employés en priorité au financement du logement social ».

Les prêts accordés au secteur peuvent être utilisés pour construire, acquérir ou rénover des logements par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts, qui transforme l’épargne en prêts à long terme. Le régime financier de ces prêts est identique quelle que soit la forme juridique prise par le bailleur social (OPH, ESH) et les opérations menées. En 2018, la mobilisation de l’épargne réglementée au bénéfice du logement social représentait 11,6 milliards d’euros, pour 283 000 prêts en cours et 86 000 logements construits ou acquis.  

L’ancienne formule pour calculer le taux de rémunération du livret A prenait en compte l’inflation majorée de 0,25 point de pourcentage. Cette formule n’est aujourd’hui plus appliquée : le taux de rémunération du livret A a été gelé à hauteur de 0,75 % jusqu’au 31 janvier 2020 (selon un arrêté du 27 novembre 2017), et une nouvelle formule est entrée à vigueur à compter de février.

La nouvelle formule prévoit qu’en cas d’écart entre l’inflation et les taux monétaires supérieurs à 0,25 point, la majoration soit suspendue. L’application de cette formule a conduit à une baisse du taux de rémunération du livret A de 25 points, pour arriver à 0.50 %. L’impact sur les épargnants devrait être assez modéré : à titre d’exemple, pour un encours moyen de livret A de 4 800 euros, le manque à gagner est proche de 1 euro par mois.

Cette diminution du taux de rémunération était indispensable pour résorber le décalage entre les taux proposés par la Caisse des dépôts et consignations et ceux du marché.

Alors que les taux négatifs semblaient relever de la conjoncture, de plus en plus de voix s’élèvent pour expliquer que les taux négatifs doivent être analysés comme un élément structurel, résultant notamment du vieillissement de la population et d’un « gel » des avoirs.

Ils permettent certes aux États de réduire leurs dépenses d’intérêts. Mais la persistance de ces taux bas, voire négatifs, fragilise le modèle du logement social et le principe même d’une épargne réglementée orientée vers ces financements.

Ainsi, le livret A offre une rémunération déconnectée de celle permise par les taux du marché, et réduit la compétitivité des prêts proposés par la Caisse des dépôts et consignations.

B.   La nécessité de changer le modèle pour parvenir à garantir une épargne réglementée rémunérée à un taux supérieur à l’inflation

Les bouleversements rencontrés sur les marchés financiers aboutissent à un paradoxe.

Les grandes entreprises et leurs actionnaires bénéficient directement de cette manne financière à taux négatif, ce qui leur permet d’avoir une rentabilité au moins supérieure à l’inflation. À l’inverse, les épargnants subissent des pertes financières, puisque la rémunération de leur placement ne pourra atteindre le taux de l’inflation.

Le modèle du livret A n’est pas soutenable à long terme pour la Caisse des dépôts, ni pour les banques.

Pour la Caisse des dépôts, le modèle résiste encore aujourd’hui parce qu’elle dispose d’encours à des taux plus élevés. Mais à long terme, si les taux négatifs durent, le modèle ne sera pas soutenable.

C.   Il est temps de lancer une réflexion sur la doctrine d’emploi des fonds d’épargne pour maintenir l’équilibre du système

a.   Doit-on mettre fin au système du financement du logement social reposant sur les fonds d’épargne ?

Dans ce contexte, la question de permettre à des investisseurs privés de prendre des participations dans le logement social se pose. Néanmoins, il convient d’être très vigilant. Le temps du logement social est très différent de celui de l’investisseur privé : leur intérêt à investir étant directement lié au contexte des taux, les investisseurs privés pourraient reprendre leurs participations dès qu’une meilleure opportunité d’investissement se présente.

De plus, le rapporteur invite à la plus grande prudence concernant le modèle du logement social, alors que l’ANCOLS est engagée dans le contrôle d’une possible surcompensation, afin de vérifier que les avantages dont bénéficient les bailleurs sociaux sont correctement proportionnés.

En effet, si le droit européen laisse la possibilité aux États de verser des aides d’État pour compensation de service public, l’État doit vérifier que « le montant de la compensation n’excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts nets occasionnés par l’exécution des obligations de service public, y compris un bénéfice raisonnable » ([13]).

Les bailleurs pourraient être invités à recourir au financement offert par le marché. Cela aurait pour conséquence de rompre avec le principe d’universalité garantit par la Caisse des dépôts qui offre les mêmes taux à tous les organismes quelle que soit leur situation financière et le territoire sur lequel ils agissent.

Le rapporteur spécial considère qu’il faut garantir ce principe d’universalité des taux.

b.   Comment procurer à la CDC des marges supplémentaires pour garantir une rémunération de l’épargne liquide des épargnants supérieure à l’inflation ?

Placée sous la surveillance et la garantie du Parlement, la Caisse des dépôts et consignations est la seule institution financière en Europe à pouvoir se prévaloir de la protection de la nation, ce qui lui confère indépendance et autonomie. Groupe public, elle est constituée d’un établissement public et de filiales. Depuis 1816, sa mission première est de « recevoir, conserver et rendre les valeurs qui nous sont confiées ».

Cette définition de la Caisse des dépôts révèle son indépendance vis-à-vis de l’exécutif et son lien étroit avec le Parlement. Cette recherche de marge supplémentaire ne peut se faire que sous le contrôle du Parlement.

Il faut donc envisager des placements nouveaux pour la Caisse des dépôts et consignations.

Il serait nécessaire que ces nouveaux placements contribuent à permettre une rémunération de l’épargne liquide réglementée supérieure à l’inflation. L’existence d’un placement présentant un risque modeste, associé à une rémunération, même faible, est essentielle.

Une possibilité serait de rechercher une diversification des investissements de long terme ayant trait à l’exercice de missions de service public, sur une logique similaire à celle du logement social. Les pistes sont nombreuses tant la puissance publique a eu recours à divers modes d’exploitation de ses propres biens par des tiers, procurant d’ailleurs à ces tiers des rémunérations élevées.

Les partenariats publics privés pour des infrastructures de transports, pour des immeubles de bureaux mais aussi des concessions de long terme pour des infrastructures de transport : les exemples sont aussi nombreux qu’ils sont coûteux.

Votre rapporteur considère que la Caisse des dépôts pourrait, sous le contrôle du Parlement, permettre aux Français de reprendre ou de prendre le contrôle de leurs équipements publics.

L’État peine aujourd’hui à entretenir son patrimoine immobilier, même lorsque celui-ci présente une importance stratégique. En témoigne l’état du parc immobilier des forces de sécurité intérieure. Les crédits prévus dans le plan de relance pour rénover les bâtiments publics ne suffiront pas à rattraper des années de sous-investissements dans nos infrastructures publiques.

Il est devenu urgent de distinguer, au sein des infrastructures publiques, le propriétaire et l’occupant.

Le modèle économique de gestion du patrimoine immobilier prévoit que le produit des cessions des biens de l’État permet de financer les opérations structurantes et les travaux d’entretien sur les biens restants.

Or, le nombre de biens cessibles se raréfie : le modèle apparaît peu soutenable à moyen terme. Le rapporteur spécial de la mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État, Jean-Paul Mattei, appelle ainsi à « sortir de l’impasse du « tout-cession » » et précise que « la vente des biens immobiliers, pas plus que la réduction des surfaces occupées, ne saurait être tenue pour l’alpha et l’oméga de la politique d’optimisation du patrimoine immobilier public » ([14])

La Cour des comptes, dans sa note d’exécution budgétaire pour 2017 sur cette même mission, tirait un constat similaire : « la capacité de l’État à poursuivre les cessions immobilières à un rythme et pour des montants suffisamment élevés pour pouvoir continuer à financer la réalisation de travaux de gros entretien est incertain à long terme » ([15])

Il semble donc que l’État n’a aujourd’hui plus les moyens budgétaires nécessaires pour jouer correctement son rôle de propriétaire. Pourtant, ce parc immobilier est un véritable atout pour la puissance publique.

Jean-Paul Mattei, rapporteur spécial pour la commission des finances, fait plusieurs propositions pour diversifier les modes de valorisation du patrimoine immobilier de l’État. Dans son rapport pour le projet de loi de finances pour 2019, il propose notamment « le développement de foncières ».

Au vu de ces éléments, le rapporteur propose de définir une nouvelle doctrine d’emploi des fonds d’épargne : une foncière publique pourrait être créée au sein de la Caisse des dépôts, et sous le contrôle du Parlement.

Cette foncière aurait pour rôle principal d’investir et d’entretenir les grandes infrastructures publiques, en s’appuyant sur les fonds d’épargne.

L’utilisation des fonds d’épargne pour financer des investissements de long terme est cohérente : l’épargne réglementée est un placement à la main de l’État, dans lequel nos concitoyens ont confiance.

Le rapporteur a bien conscience que cette proposition entraînerait des changements majeurs dans l’organisation de la Caisse des dépôts. Pour cette raison, il suggère de circonscrire dans un premier temps les interventions de cette foncière sur un segment restreint de l’immobilier de l’État. La rénovation des casernes domaniales de la gendarmerie pourrait ainsi être engagée, ainsi que celle des casernes des CRS.

Le rapporteur a pu constater à de nombreuses reprises l’importance stratégique des casernes et les implications nombreuses du manque d’entretien des bâtiments.

Alors que la crise sanitaire a renforcé l’encours du livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS), qui s’élevait à 442,4 milliards d’euros en août 2020, il est nécessaire de réfléchir à une nouvelle doctrine d’emplois de ces fonds, pour à la fois mieux entretenir notre patrimoine commun et mieux rémunérer l’épargne des Français.

 

 

 

 

 


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   Examen EN commission

Au cours de sa troisième réunion du 23 octobre 2020, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Cohésion des territoires.

Le compte rendu de cette réunion sera bientôt disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Suivant les recommandations du rapporteur, la commission a adopté les crédits de la mission, après avoir adopté l’amendement de crédit N°II-CF1124 qui transfère 10 millions d’euros en AE et en CP du programme Politique de la ville vers le programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat. L’objectif est de financer un dispositif de soutien aux propriétaires dont les logements ont subi des dommages causés par les mouvements de terrain différentiels.

 


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   personnes auditionnées
par le rapporteur spécial

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) 

– M. Alexis Rouque, délégué général, Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles, M. Pascal Boulanger, vice-président trésorier

Caisse de garantie des logements sociaux (CGLLS) 

– Denis Burckel, directeur général

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

– M. Akim Taïrou, directeur général par intérim

Fédération française du bâtiment (FFB) 

– M. Olivier Salleron, président, M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques, M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) 

– M. Vincent Mazauric, directeur général, Mme Isabelle Sancerni, présidente du CA, M. Jérome Lepage, adjoint du directeur des prestations légales et sociales, Mme Patricia Chantin, directrice de cabinet adjointe en charges des relations parlementaires

Action logement 

– M. Bruno Arcadipane, président, M. Bruno Arbouet, directeur général, Mme Valérie Jarry, directrice des relations institutionnelles, M. Philippe Lengrand, vice-président

Agence nationale de l’habitat (ANAH) :

– Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale, M. Grégoire Frèrejacques, directeur général adjoint

Caisse des dépôts

– Mme Marianne Laurent, directrice des prêts de la banque des territoires, M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles


CDC Habitat

– Mme Anne Sophie-Grave, directrice auprès du président du directoire, M. Vincent Mahe, secrétaire général, Mme Anne Fremont, directrice de cabinet du président du directoire et directrice des relations institutionnelles

USH

– M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières, Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Direction du budget

– M. Laurent Pichard, sous-directeur de la 4e sous-direction du budget 

– M. Mehdi Aouat, chef du bureau du logement, de la ville et des territoires 

– Mme Ingrid Barrat, adjointe au chef de bureau

Association Aurore 

– M. Florian Guyot, directeur général

Direction générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) et Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) :

 DGALN : Mme Stéphanie Dupuy-Lyon, directrice générale 

 DHUP : M. François Adam, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages ; M. Emmanuel Rousselot, sous-directeur du financement et de l'économie du logement et de l'aménagement (FE) ; Mme Amélie Pinel, cheffe de bureau du budget du logement et de l'aménagement (FE2) ; Mme Jennifer Labarthe, chargée du suivi et de la coordination des audits et contrôles externes (FE2)

Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

– Mme Virginie Lasserre, directrice générale


([1]) Communiqué de presse du ministère de la cohésion des territoires – « Près de 110 000 logements sociaux agréés en 2019 ».

([2]) « L’exécutif veut refonder Action Logement et puiser 1 milliard d’euros dans sa trésorerie », Les Échos, 7 septembre 2020.

([3]) « Les pensions de famille et résidences accueil : du modèle aux réalités d’aujourd’hui » – Novembre 2015, DIHAL.

([4]) Rapport de MM. Éric Woerth et Laurent Saint-Martin sur la mission Plan de relance, p. 42.

([5]) Une exception était prévue : les ménages exclus du CITE pouvaient toujours en bénéficier au titre des dépenses engagées pour l’acquisition et la pose d’un système de charge pour véhicule électrique.

([6]) Pour un foyer de deux personnes vivant en Île-de-France, le plafond annuel de ressources applicable au 1er janvier 2019 était de 36 572 euros.

([7]) Pour un foyer de deux personnes, les revenus doivent être au moins égaux à 36 792 euros et inférieurs à 44 124 euros.  

([8]) Rapport de MM. Eric Woerth et Laurent Saint-Martin sur la mission Plan de relance, p36.

([9]) Amendement n° 885.  

([10]) Entretien au Journal du dimanche, le 26 septembre 2020 – « La ministre du Logement annonce que l’aide à la rénovation énergétique sera accessible à tous ».

([11]) Communiqué de presse de l’ANAH daté du 13 juillet 2020.

([12]) Perspectives, l’étude sur le logement social – Édition 2020.

([13])  Décision Almunia de la Commission européenne du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l’Union.

([14]) Rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, Annexe n° 27, Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

([15]) Note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État, 2017.