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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

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SÉNAT

 

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale
le 30 octobre 2020

 

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 octobre 2020

 

RAPPORT

 

FAIT

 

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte               sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique
relatif au Conseil économique, social et environnemental,

 

par M. Erwan BALANANT,
Rapporteur,

Député
 

 

par Mme Muriel JOURDA,
Rapporteur,

Sénateur
 

 

 

 

 

 

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, sénateur, président ; Mme Yaël Braun‑Pivet, députée, viceprésidente ; Mme Muriel Jourda, sénateur, M. Erwan Balanant, député, rapporteurs.

 

Membres titulaires : MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Jean-Yves Leconte, Jérôme Durain, Xavier Iacovelli, sénateurs ; Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pacôme Rupin, Mme Laurianne Rossi, MM. Philippe Gosselin, Antoine Savignat, députés.

 

Membres suppléants : Mmes Jacky Deromedi, Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Hervé Marseille, Mmes Marie‑Pierre de La Gontrie, Éliane Assassi, M. Jean-Yves Roux, sénateurs ; Mmes Laetitia Avia, Catherine Kamowski, Cécile Untermaier, MM. Christophe Euzet, Bertrand Pancher, députés.

 

Voir les numéros :

 

Assemblée nationale (15ème législ.) :

Première lecture : 3184, 3301 et T.A. 477

 

 

Sénat :

Première lecture : 712 (2019-2020), 13, 14 et T.A. 3 (2020-2021)

Commission mixte paritaire : 98 (2020-2021)

 

 

 


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Mesdames, Messieurs,

 

Conformément au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental s’est réunie au Sénat le vendredi 30 octobre 2020.

Le bureau a été ainsi constitué :

– M. François-Noël Buffet, sénateur, président ;

– Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente.

La commission a désigné :

– Mme Muriel Jourda, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;

– M. Erwan Balanant, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale.

 

*

*     *

 

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l’examen des dispositions restant en discussion.

M. François-Noël Buffet, sénateur, président. – Nous avons le plaisir d’accueillir nos collègues députés pour cette commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Je donne sans plus attendre la parole au rapporteur pour l’Assemblée nationale.

M. Erwan Balanant, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le principal objet de ce projet de loi organique est de redonner du sens à une institution qui, depuis longtemps, ne remplit plus véritablement la mission que lui a confiée le Constituant : représenter un trait d’union entre la société civile organisée et les pouvoirs publics.

Nous connaissons tous les raisons des difficultés rencontrées : le fonctionnement du CESE ne lui permet pas toujours de rendre ses avis en temps utile ; le Parlement n’a pas toujours le temps, ni parfois simplement le réflexe, d’aller consulter ses travaux, même si ceux-ci sont souvent très intéressants ; enfin, notre façon de produire la norme législative ou réglementaire, ou de mener des concertations sur les réformes à conduire, lui laisse trop peu de place.

Si nous nous retrouvons sur ces constats, nous ne partageons que partiellement les solutions à leur apporter.

Les sujets sur lesquels nos deux assemblées s’accordent sont certes nombreux : en premier lieu, la suppression des personnalités qualifiées de la composition du CESE, proposée à l’article 7. Cette réforme permet, en effet, de redonner toute leur place aux représentants des différentes activités de notre pays. Ce sont eux qui fondent la légitimité du Conseil ; nous leur redonnons ainsi la main pour formuler des préconisations qui pourront être utiles au débat public.

Ensuite, nous sommes d’accord sur l’amélioration de certaines procédures, notamment les procédures d’adoption simplifiée des avis du CESE. Je reconnais notamment les apports du Sénat pour clarifier la rédaction de l’article 5 du projet de loi organique.

Le Sénat a également poursuivi nos travaux sur les règles de déontologie qui devront s’appliquer aux membres du CESE comme aux personnes extérieures participant à ses travaux. Nous sommes parfaitement en accord sur la finalité, même si je privilégie, à titre personnel, la nomination d’un déontologue extérieur au CESE pour assurer cette mission.

Enfin, réelle avancée, nos assemblées s’accordent sur la nécessité de redonner du sens à la saisine par voie de pétition du CESE, qui constitue la saisine citoyenne introduite par le Constituant lors de la révision de 2008. En l’état, cette dernière ne fonctionne pas. Le seuil de 500 000 signatures est trop élevé et les modalités de dépôt des pétitions sont dépassées.

Par conséquent, au-delà de leur dématérialisation, l’Assemblée nationale a abaissé ce seuil à 150 000 signataires. Nous y avions également adjoint un critère géographique de domiciliation des pétitionnaires dans au moins 30 départements afin d’exclure les sujets locaux qui ne relèvent pas de la compétence du CESE. Un débat a eu lieu à l’Assemblée pour savoir si cet équilibre était le bon ; ce critère a finalement été supprimé pour laisser une plus grande opportunité aux citoyens de saisir le Conseil.

Par ailleurs, ce droit de pétition serait ouvert dès l’âge de seize ans et non plus à compter de la majorité. Plus qu’un signal, c’est une ambition qu’a souhaité porter la majorité et le Gouvernement pour mieux associer les jeunes à notre démocratie. Ils y ont toute leur place et nous devons saisir chaque occasion de le leur rappeler. Je salue le Sénat pour avoir accepté cette réforme.

Nous nous accordons donc sur plusieurs points importants, ce dont je me félicite, ainsi que sur plusieurs améliorations rédactionnelles sur lesquelles je ne reviendrai pas.

En revanche, nous divergeons sur des sujets essentiels qui justifient cette réforme : la participation de citoyens aux travaux du CESE et la subrogation de ce dernier à certains organes consultatifs.

Mes chers collègues, pour que le Conseil se réforme et trouve sa place au sein de nos institutions, pour qu’il soit mieux connu et mieux utilisé, il nous faut faire bouger certaines lignes. Sinon, cette réforme n’aura plus de portée.

L’Assemblée nationale a donc approuvé deux mesures particulièrement importantes.

La première vise à améliorer les conditions de participation du public aux travaux du CESE, en prévoyant des garanties importantes : les principes de sincérité, d’égalité, de transparence et d’impartialité seraient inscrits dans la loi organique, ainsi que les garanties de bonne information des participants, de représentativité des panels sélectionnés et de reddition de comptes.

Je rappelle que le CESE a déjà recours à la participation citoyenne, ainsi qu’au tirage au sort. Que nous l’inscrivions, ou non, dans la loi organique n’y changera rien. Simplement, nous en fixons les règles et nous en sécurisons les conditions d’organisation. Je regrette que nous ne puissions pas nous entendre sur cet objectif poursuivi au travers des articles 4 et 9 du projet de loi organique.

La seconde mesure donne un plus grand rôle au CESE en matière de consultation : ce dernier pourrait ainsi se substituer à des commissions consultatives, parfois nombreuses, pour apprécier les effets d’une disposition législative ou réglementaire. À ce titre, nous avons clarifié le champ des consultations concernées. En seront notamment exclues les concertations se déroulant dans le cadre du dialogue social et celles entre l’État et les collectivités territoriales. Il nous faudra être vigilants pour ne pas perdre des expertises utiles à nos débats, mais il me semble que cette réforme contribue à redonner une place au CESE dans la construction de la norme.

Nous sommes donc en désaccord sur ces deux mesures qui nous semblaient pourtant mettre en place de bonnes pratiques et donner du sens à cette réforme du CESE. Les supprimer reviendrait à vider le texte d’une grande partie de sa substance et, surtout, à repousser encore la nécessaire réforme de cette institution.

Par conséquent, si je ne peux que constater la qualité du travail réalisé par le Sénat et sa rapporteure, il me semble qu’il sera difficile pour notre commission mixte paritaire de parvenir à un accord.

Mme Muriel Jourda, sénateur, rapporteur pour le Sénat. – Nous arrivons au même constat : nous ne pourrons pas nous entendre. Pour autant, je n’analyse pas tout à fait ce projet de loi organique de la même façon que mon collègue de l’Assemblée nationale.

Certes, nous convenons de l’utilité d’une réforme du CESE. Quelle que soit la qualité de ses membres ou de son travail, 80 % de ses avis sont le fruit d’une autosaisine. Personne ne le sollicite ! La réforme de 2010 n’a pas eu un impact suffisant pour lui faire retrouver sa place dans nos institutions.

Je conviens aussi qu’il ne reste pas grand-chose de ce texte si l’on en retire les deux mesures sur lesquelles nous sommes en désaccord. En effet, une grande partie de la réforme a pour objet d’acter, d’une manière non normative, des pratiques qui existent déjà. On peut citer la consultation des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) par le CESE ou encore les pétitions.

Certes, une seule pétition a atteint le seuil des 500 000 signatures. Néanmoins, le CESE a déjà la possibilité et le désir d’examiner des pétitions qui ne l’ont pas atteint, même s’il n’y est pas obligé.

Enfin, concernant le tirage au sort, le Conseil a déjà travaillé à deux reprises avec un panel de citoyens tirés au sort, de taille trop réduite pour qu’on puisse le qualifier de « représentatif ».

En somme, supprimer ces dispositions du projet de loi organique n’aurait rien changé au travail de l’institution.

Par ailleurs, des éléments plus « normatifs » ne me semblent pas être à l’avantage du CESE. La mesure la plus marquante est la réduction de ses effectifs. Prétendre renforcer une institution en diminuant le nombre de ses membres me laisse toujours dubitative.

En nous appuyant sur le travail de l’Assemblée nationale, nous nous sommes efforcés d’apporter quelques précisions au texte, notamment sur les questions déontologiques. Nous avons choisi de laisser le choix au CESE entre un déontologue et un comité de déontologie. Nous sommes allés dans le même sens que l’Assemblée nationale sur d’autres éléments encore ; peut-être voudra-t-elle bien retenir nos apports.

Un point m’a paru important : l’amélioration de la représentation au CESE des outre-mer, dont les problématiques se distinguent de celles de la métropole mais qui sont également différentes entre les territoires ultramarins eux-mêmes. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne nous paraissait pas satisfaisante car il y était question de « représentation territoriale » pour la répartition des sièges au sein du Conseil. La représentation territoriale, c’est le Sénat ; au CESE, ce sont les corps constitués qui sont représentés. Un amendement de notre collègue Jean-Yves Leconte nous a offert une meilleure solution : une répartition aussi précise qu’auparavant des sièges au sein du collège où sont nommés les représentants des outre-mer. J’espère que l’Assemblée nationale fera bon usage de cette disposition, qui satisferait beaucoup d’acteurs.

Je ne peux que constater un désaccord sur l’article 6, qui prévoit la possibilité pour le Gouvernement de consulter, sur certains projets de loi, le CESE plutôt que d’autres organes consultatifs. Cette disposition m’a paru assez inutile si l’on part du principe qu’il faut réduire le nombre d’organes consultatifs : non seulement elle ne permettait pas de les supprimer, mais elle créait une certaine confusion. Nous avons donc supprimé cet article, mais la volonté gouvernementale de le rétablir semble assez forte.

J’en viens enfin au tirage au sort, qui pose une question de principe sur la nature de la démocratie. Le tirage au sort m’apparaît totalement incompatible avec notre démocratie représentative, qui consiste à choisir des personnes qui prennent des responsabilités et rendent des comptes. On donne du pouvoir aux personnes tirées au sort ; du moins, elles le croient. Pour autant, elles ne répondront jamais de rien. Aujourd’hui, les participants à la convention citoyenne pour le climat demandent des comptes au Président de la République ! Il nous a paru impossible d’inscrire le tirage au sort comme une règle de fonctionnement d’une institution prévue par la Constitution.

M. Jean-Yves Leconte, sénateur. – Le groupe socialiste, écologiste et républicain a voté le texte issu des travaux du Sénat, pour ses avancées, malgré un désaccord sur l’article 4. La capacité donnée au CESE de faire appel à des consultations associant des citoyens tirés au sort nous est apparue comme un outil utile pour cette instance.

Malgré ce point de divergence, nous aurions pu trouver un compromis, au service de cette assemblée qui représente la société civile et qui recherche des accords, dans notre pays qui est plus habitué à régler ses difficultés par le conflit social. Ce compromis n’est manifestement pas possible ; aussi, nous voulons attirer l’attention de nos collègues députés, qui auront désormais la main sur ce texte.

D’abord, deux points d’attention à l’article 6, sur les consultations préalables au dépôt d’un projet de loi : plutôt que d’interdire au Gouvernement de consulter les organismes extérieurs quand le CESE est saisi, mieux vaudrait lui donner la faculté de le faire ou de ne pas le faire, ce qui serait plus souple. Il faut également prévoir le cas où l’instance de consultation n’est pas représentée au CESE et donc ajouter à la liste des exceptions tous les organismes qui ne sont pas représentés au Conseil.

Ensuite, à l’article 4, sur le tirage au sort, il serait utile de prévoir que les résultats d’une consultation font l’objet d’un débat au Parlement lorsque la consultation est demandée par le Gouvernement, ou devant la chambre qui aura sollicité cette consultation.

Si nous sommes d’accord sur le tirage au sort pour consulter des personnes extérieures au CESE, nous pensons que ce serait un mélange des genres d’associer des citoyens tirés au sort au travail des commissions. C’est pourquoi nous avons voté la suppression de cette disposition à l’article 9.

En tout état de cause, nous regrettons qu’un compromis n’ait pas été trouvé sur le tirage au sort car cet outil permet de mieux associer les citoyens aux décisions publiques.

M. Philippe Gosselin, député. – Cette réforme est une évolution plutôt qu’une révolution du CESE. Elle est d’ailleurs opérée à droit constitutionnel constant.

Nous sommes d’accord avec nos collègues sénateurs sur le tirage au sort : il ne faut pas mélanger les genres, en particulier dans le fonctionnement et le travail du CESE.

Je crois que nous devons aussi regarder ce qu’il en est de la représentation des outre-mer. Nous sommes d’accord pour diminuer le nombre de membres du Conseil, mais à condition de ne pas mettre à mal la représentation de la France dans sa diversité. La France est diverse, en particulier par ses outre-mer qui la représentent aux quatre coins du globe : nous devons mettre en valeur nos différences, qui sont une source de richesse.

Mme Nicole Dubré-Chirat, députée. – Effectivement, avec cette réforme à droit constitutionnel constant, nous voulons une évolution du CESE, pas une révolution.

Si cette instance en est venue à travailler surtout par autosaisine, c’est que nous ne la saisissons pas. Nous proposons de diminuer le nombre de ses membres, dans une réforme plus large, voulue par le Président de la République et qui concerne aussi les assemblées parlementaires ; nous voulons également répondre à la forte demande de participation citoyenne : quel organisme est-il mieux placé que le CESE pour faire une place à la participation citoyenne ? Il n’y a pas à craindre pour la démocratie représentative car la participation citoyenne est son complément, pas son concurrent.

Je ne vous convaincrai pas sur le tirage au sort, qui est pourtant une méthode éprouvée, qu’on peut associer à des critères de représentativité dans les panels de citoyens. On l’a vu avec la convention citoyenne pour le climat, des participants qui n’avaient pas d’opinion très établie sur l’écologie se sont mis au travail et sont parvenus à des propositions tout à fait argumentées et recevables. Le tirage au sort, comme outil de participation citoyenne, rendrait le CESE plus visible et plus lisible – je regrette que vous n’en vouliez pas.

M. Philippe Bas, sénateur. – Je me réjouis que nos deux rapporteurs aient réussi à rapprocher leurs points de vue sur de nombreux sujets. Je considère que cette petite réforme ne mérite pas de grandes discussions. Des choses vont dans le bon sens : nous faisons un travail technique d’adaptation pour que les forces vives dialoguent entre elles au sein du CESE. Car il s’agit bien de cela, un dialogue entre les forces vives de la Nation. Des journalistes pressés évoquent parfois « les trois assemblées » mais nous vivons dans un régime où il n’y a que deux assemblées à l’échelon national, qui composent le Parlement. Le vocable compte !

Sur la notion de tirage au sort, je m’inscris en faux contre ce que l’on entend ici ou là. On se trompe quand on présente la convention citoyenne pour le climat comme régie principalement par le tirage au sort. En réalité, son principe réside dans un dévoiement des techniques d’échantillonnage de l’opinion utilisées par les instituts de sondage : on a tiré au sort un échantillon dit « représentatif » de l’opinion en laissant à chacun la possibilité de se récuser soi-même, donc de ne pas participer, ce que n’ont pas manqué de faire des centaines de personnes. Si l’on devait faire une enquête d’opinion avec cette technique, si l’on interrogeait les quelques personnes « volontaires » qui, finalement, se trouvent au bout de ce processus, il n’y aurait quasiment aucune chance que l’opinion de ces quelques personnes soit représentative de l’opinion publique dont elles sont censées être un échantillon. La valeur scientifique d’une telle procédure serait immédiatement contestée devant la commission des sondages ! Or, ce qui s’est passé avec la convention citoyenne pour le climat est pire encore : tant de citoyens se sont récusés que seules se sont engagées des personnes qui avaient des raisons de le faire.

Cela n’aurait peut-être pas d’importance si la transparence avait été faite sur cette méthode de travail et si le Président de la République n’avait pas déclaré à l’avance, sans rien connaître des conclusions auxquelles parviendrait cette convention, qu’elles seraient intégralement reprises. C’est cet engagement qui nous a fait passer d’une modalité technique très contestable, contraire aux pratiques des instituts de sondage, à un système qui place au cœur de la République les décisions d’un aréopage, contre le principe majoritaire lui-même, qui fonde pourtant notre système politique.

Notre République se trouverait ainsi liée par une réunion de citoyens nullement représentative. Contrairement à ce qui a été dit, dès lors que cet aréopage peut avoir un impact sur le processus de décision républicain, il entre en concurrence avec la représentation nationale, issue du suffrage universel. Ce système constitue une régression démocratique très grave et une véritable imposture. C’est pourquoi, malgré tous mes efforts, je ne peux pas me rallier à la position de l’Assemblée nationale.

Mme Yaël-Braun-Pivet, députée, vice-présidente. – Nous avons beaucoup échangé avec Philippe Bas sur le tirage au sort. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une « imposture ». Au contraire, le mécanisme me semble très intéressant. Il ne faut pas craindre une concurrence avec le Parlement. Le système permettra de mieux mesurer l’acceptabilité sociale des réformes.

J’ai échangé avec M. Pech et Mme Tubiana, qui ont coprésidé le comité de gouvernance de la convention citoyenne pour le climat : ses membres n’entendaient pas déposséder le Parlement de ses attributions, mais simplement nous éclairer. Ils nous faisaient confiance pour délibérer ensuite. Ces deux étapes sont d’ailleurs complémentaires. Ainsi, nous serons saisis d’un projet de loi sur les conclusions de la convention citoyenne pour le climat. Nous l’examinerons et l’amenderons conformément à la procédure législative classique ; les citoyens tirés au sort ne seront plus associés à ce stade.

Mieux vaut donc regarder avec bienveillance le tirage au sort. Tout ce qui contribue à renforcer la participation des citoyens à la vie démocratique est positif. Plutôt que de s’opposer à ces expériences, le Parlement doit chercher à les encourager et les encadrer, avec vigilance, pour ne pas courir le risque de se voir « déborder » ou délégitimer.

M. Erwan Balanant, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – En dépit de nos désaccords, cette discussion est constructive. Nous allons conserver certaines des propositions du Sénat.

M. Leconte a raison, il faut faire du CESE un « outil » à la disposition du Gouvernement ou du Parlement pour contribuer à l’élaboration des normes. Il décide de son ordre du jour à 80 % : il convient d’inverser ce ratio au profit des saisines par le Gouvernement ou du Parlement. C’est le sens de la réforme.

L’Assemblée nationale a aussi amélioré la rédaction de l’article 6, qui permet au Gouvernement, lorsqu’il consulte le CESE sur un projet de loi, d’être exonéré des autres consultations prévues par des dispositions législatives ou réglementaires. Nous avons notamment maintenu la consultation des partenaires sociaux et celle des organes où siègent des collectivités territoriales. De plus, cette subrogation sera décidée au cas par cas par le Gouvernement et ne sera donc pas automatique.

Notre débat sur l’outre-mer a été nourri. Nous devrons trouver une solution. La rédaction du Sénat me paraît piégeuse : à vouloir dresser une liste exhaustive des représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale, des outre-mer et de la vie associative, on risque d’en oublier. De plus, il me semble maladroit de faire figurer les outre-mer à cet endroit.

M. Jean-Yves Leconte, sénateur. – C’est déjà le cas à l’heure actuelle, dans l’ordonnance organique du 29 décembre 1958 !

M. Erwan Balanant, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Saisissons l’occasion d’améliorer les choses !

En ce qui concerne le tirage au sort, je suis presque d’accord avec vous, M. Bas ! Mais, justement, si l’on veut éviter une concurrence avec la démocratie représentative, il vaut mieux l’encadrer, et c’est bien ce que nous avons fait. Notre rédaction répond à vos inquiétudes…

M. Jean-Yves Leconte, sénateur. – Pas à l’article 9, en tout cas…

M. Erwan Balanant, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Nous avons travaillé avec des professeurs de droit constitutionnel et des spécialistes du tirage au sort pour apporter des garanties.

Finalement, même si cette CMP n’est pas conclusive, elle constituera une étape importante dans la construction de ce projet de loi organique.

M. François-Noël Buffet, sénateur, président. – En dépit de certains points d’accord, je constate l’échec de la commission mixte paritaire.

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La commission mixte paritaire constate qu’elle ne peut parvenir à l’adoption d’un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.