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N° 3527

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 novembre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,

DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

relative à la sécurité globale ( 3452)

PAR M. Jean-Michel Fauvergue et Mme Alice Thourot

Députés

——

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET
DES FORCES ARMÉES

PAR Mme Anissa KHEDHER

Députée

——

 

Voir le numéro : 3452.


1

 

SOMMAIRE

___

Pages

avant–propos........................................................ 9

I. Présentation de la proposition de loi

1. Renforcer le rôle de proximité des polices municipales (titre Ier)

2. Mieux encadrer le secteur de la sécurité privée (titre II)

3. Adapter le recours aux technologies de la vidéoprotection et de la captation d’images (titre III)

4. Mieux protéger ceux qui nous protègent (titres IV et VI)

5. Améliorer la sécurité dans les transports et la sécurité routière (titre V)

II. Les principaux apports de la commission

1. La sécurisation du cadre d’action des brigades canines municipales

2. La facilitation de la mise en œuvre de contrôles sur les polices municipales

3. De nouvelles modalités d’encadrement de la sous-traitance

4. Un encadrement plus rigoureux du domaine de la sécurité privée

5. Une exception au port de l’uniforme pour les gardes du corps

6. L’autorisation de détecter des drones aux abords immédiats des lieux surveillés

7. Deux habilitations à légiférer par ordonnances dans le domaine de la sécurité privée

8. Élargir, dans des conditions encadrées, la vidéoprotection et les déports d’images

9. Plusieurs modifications au régime des caméras individuelles

10. Un meilleur encadrement et un élargissement des finalités de recours aux drones

11. La protection de la loi assurée à d’autres catégories de personnels en charge de la sécurité des Français

12. L’affirmation des différents acteurs du continuum de sécurité

13. La réglementation stricte du commerce des engins pyrotechniques

Examen des articles

TITRE Ier DISPOSITIONS RELATives aux polices municipales

Article 1er Expérimentation dans le domaine de la police municipale

Article 2 (art. L. 511-1 du code de la sécurité intérieure) Suppression d’un seuil restreignant les capacités des policiers municipaux à procéder à des inspections visuelles de bagages et à des palpations de sécurité

Article 3 (art. L. 3441-1 du code de la santé publique) Transport de personnes en état d’ivresse manifeste

Article 4 (art. L. 511-2, L. 531-1 à L. 535-5 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) Création d’une police municipale à Paris

Article 5 (art. L. 512-1 du code de la sécurité intérieure) Suppression d’un seuil freinant la possibilité de mise en commun de policiers municipaux

Article 6 (art. L. 412-57 [nouveau] code des communes) Recrutement des policiers municipaux et souscription d’un engagement de servir

Article 6 bis (art. L. 511–5–2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Encadrement des brigades canines des polices municipales

Article 6 ter (art. L. 511–3 du code de la sécurité intérieure) Suppression de l’avis préalable de la commission consultative des polices municipales avant l a mise en œuvre d’un contrôle sur une police municipale

TITRE II DISPOSITIONs RELATives au secteur de la sécurité privée

Article 7 (art. L. 612-5-1 et L. 617-2-1 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) Encadrement de la sous-traitance

Article 8 (art. L. 634-3-2, L. 634-3-3 [nouveaux] et L. 632-3 du code de la sécurité intérieure) Habilitation de certains agents du CNAPS à constater par procès-verbal une infraction et à recueillir ou relever l’identité de son auteur présumé

Article 8 bis (art. L. 634-4 du code de la sécurité intérieure)  Pénalités financières pour les personnes physiques salariées

Article 9 (art. L. 634-4-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Publicité des sanctions disciplinaires les plus graves

Article 10 (art. L. 612-20, L. 612-22, L. 612-23, L. 622-19, L. 622-21 et L. 622-22 du code de la sécurité intérieure) Liste des infractions incompatibles avec l’exercice d’une activité privée de sécurité et ajout de nouvelles conditions

Article 11 (art. L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure) Conditions de délivrance d’un agrément dirigeant

Article 11 bis (art. L. 612-6, L. 612-7, L. 612-16, L. 612-17, L. 612-25, L. 617-3, L. 622-6, L. 622-7, L. 622-14, L. 622-15 et L. 624-4 du code de la sécurité intérieure) Soumission des dirigeants des établissements secondaires à l’obtention d’un agrément

Article 12 (art. 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 433-3 du code pénal) Circonstance aggravante pour violences commises par ou à l’encontre d’une personne exerçant une activité privée de sécurité et nouveau délit de menaces ou d’actes d’intimidation

Article 13 (art. L. 613-4, L. 613-8 et L. 614-3 du code de la sécurité intérieure et art. L. 6342-4 du code des transports) Éléments d’identification communs des tenues portées par les agents

Article 13 bis (art. L. 614-3 du code de la sécurité intérieure) Exception au port d’une tenue pour les personnels exerçant une activité de protection physique des personnes

Article 14 (art. L. 613-1 du code de la sécurité intérieure) Missions de surveillance sur la voie publique contre les actes terroristes

Article 15 (art. L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite) Régime dérogatoire de cumul emploi-retraite pour les policiers nationaux exerçant dans le domaine de la sécurité privée

Article 16  (art. L. 625-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Interdiction d’exercer une activité de formation en cas de retrait de la carte professionnelle ou d’interdiction temporaire d’exercice

Article 16 bis (art. L. 612-20 et L. 622-19 du code de la sécurité intérieure) Exception à l’obtention d’une certification professionnelle par validation des acquis de l’expérience dans le secteur de la sécurité privée

Article 17 (art. L. 612-22 et L. 622-21 du code de la sécurité intérieure) Condition de maîtrise de la langue française et de production d’une lettre d’intention d’embauche pour l’obtention d’une autorisation d’accès à la formation professionnelle

Article 18 (art. L. 613-2 et L. 613-3 du code de la sécurité intérieure) Suppression de l’habilitation spécifique et de l’agrément pour réaliser des palpations de sécurité

Article 19 Remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de réglementer certaines activités privées de sécurité

Article 19 bis (art. L. 611-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Habilitation des agents de sécurité privée à détecter les drones aux abords des biens dont ils ont la garde

Article 19 ter (art. L. 612-20, L. 613-7-1 A [nouveau], L. 617-1, L. 617-7 du code de la sécurité intérieure et art. L. 1634-4 du code des transports) Encadrement des modalités d’exercice de l’activité cynotechnique privée de pré-détection d’explosifs

Article 19 quater Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure  visant à adapter les modalités d’organisation, de fonctionnement  et d’exercice des missions du CNAPS

Article 19 quinquies Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure relative aux modalités de formation, d’examen et d’obtention des certifications professionnelles et aux conditions d’exercice et de contrôle des activités de formation

TITRE III Vidéoprotection et captation d’images

Article 20 (art. L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure) Extension du déport de la vidéoprotection aux agents de police municipale et aux agents de la ville de Paris

Article 20 bis (art. L. 126–1–1 du code de la construction et de l’habitation) Extension du régime de déport de la vidéosurveillance des bailleurs vers les forces de l’ordre

Article 20 ter (art. L. 12251–4–2 [nouveau] du code des transports) Extension du déport de la vidéoprotection à certains agents des services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF

Article 21 (art. L. 241-1 du code de la sécurité intérieure) Modifications du régime juridique applicable aux caméras mobiles

Article 22 (art. L. 242-1 à L. 242-3 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) Création d’un régime juridique encadrant le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques

TITRE IV Dispositions relatives aux forces de sécurité intérieure

Article 23 (art. 431 [nouveau] du code de procédure pénale) Suppression des crédits de réduction de peine à la suite d’infractions sur des personnes exerçant certaines missions de service public

Article 24 (art. 35 quinquies [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Diffusion du visage ou de tout élément permettant l’identification d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie

Article 25 (art. L. 315-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Accès des policiers et des gendarmes armés en dehors des heures de service à des établissements recevant du public

Article 26 (art. L. 2338-3 du code de la défense) Clarification des règles d’usage des armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile

Article 27 (art. L. 4115 et L. 4116 du code de la sécurité intérieure, art. 21 du code de procédure pénale, art. 36 de la loi d’orientation et de programmation n° 9573 du 21 janvier 1995 relative à la sécurité) Terminologie

Article 27 bis (art. 21 et 441 du code de procédure pénale) Correction d’une erreur de référence dans le code de procédure pénale

TITRE V Sécurité dans les transports et sécurité routière

Article 28 (art. L. 225111 du code des transports) Prestations du service interne de sécurité de la SNCF dans les gares ferroviaires et les gares routières adjacentes

Article 28 bis (art. L. 16231 [nouveau] du code des transports) Vidéoprotection embarquée sur les matériels roulants des entreprises de transport

Article 28 ter (art. L. 1632-2 du code des transports) Transmission aux forces de l’ordre des flux de vidéoprotection des emprises et véhicules de transports publics

Article 28 quater (art. L. 163221 [nouveau] du code des transports) Transmission aux forces de l’ordre des flux de vidéoprotection des emprises et véhicules de transports publics

Article 28 quinquies (art. 2 de la loi n° 2016339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs) Port de caméras mobiles par les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP

Article 29 (art. L. 2343, L. 2344 et L. 2349 du code de la route) Contrôles d’alcoolémie au volant

Article 29 bis (art. L. 1304 du code de la route) Prérogatives des gardes particuliers assermentés

TITRE VI Dispositions diverses

Article 30 A (art. L. 557101 et L. 557102 [nouveaux] du code de l’environnement) Traçabilité et réglementation du commerce des articles pyrotechniques

Article 30 (art. L. 557601 [nouveau] du code de l’environnement) Sanction pénale pour achat, détention, utilisation et vente  d’articles pyrotechniques

Article 30 bis (art. L. 1324 du code de la sécurité intérieure) Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance

TITRE VII Dispositions outre-mer

Article 31 (art. L. 2851, L. 2861, L. 2871, L. 2881, L. 3441, L. 3451, L. 3461, L. 3471, L. 4421, L. 4451, L. 4461, L. 4471, L. 5451, L. 5461, L. 6432, L. 6441, L. 6451, L. 6461, L. 6471 et L. 6481 du code de la sécurité intérieure) Coordinations outre-mer dans le code de la sécurité intérieure

Article 31 bis (art. 7111 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale ; art. L. 38221 du code de la santé publique ; art. L. 67631, L. 67731 et L. 67831 du code des transports) Coordinations outre-mer dans différents codes

Article 31 ter (art. L. 2431, L. 2441 et L. 2451 du code de la route) Coordinations outre-mer dans le code de la route

Article 31 quater (art. 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Coordination outre-mer en droit de la presse

Article 31 quinquies (art. 31 de la loi n° 9573 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité) Coordination outre-mer pour la terminologie dans la police nationale

TITRE VII Disposition relative à la compensation  de la charge pour l’État

Article 32 Gage financier

AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION

De la défense nationale et des forces armées

Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

COMPTES RENDUS DES DÉBATS

Première réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9 heures 30 (discussion générale et article premier)

Seconde réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 21h (article premier à article 7)

Première réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 9h30 (article 8 à article 21)

Seconde réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 14h30 (article 21 à article 32)

COMPTE RENDU DES Débats DE LA COMMISSION de la dÉfense nationale et des forces armées

Personnes entendues


1

 

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

L’examen de cette proposition de loi, relative à la sécurité globale, par l’Assemblée nationale, est l’aboutissement d’un travail entamé il y a plus de deux ans et demi.

Par une lettre de mission datée du 19 mars 2018, le Premier ministre a chargé vos deux rapporteurs d’éclairer les conditions de la refondation des partenariats entre les forces de sécurité de l’État et les autres acteurs de la sécurité, dans le cadre d’un continuum de sécurité à repenser.

En effet, si, en application de l’article L. 111–1 du code de la sécurité intérieure, « l’État a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, (...) au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens », il est également prévu qu’il associe d’autres acteurs à la politique de sécurité parmi lesquels les collectivités territoriales et les représentants des professions de sécurité.

Le rapport de la mission parlementaire, auquel il convient de se référer, a été remis au Gouvernement le 11 septembre 2018 ([1]). Il défend, pour mieux assurer la sécurité des Français, le concept de sécurité globale, correspondant à l’idée d’une participation de tous – police nationale, gendarmerie, police municipale, sécurité privée, sécurité dans les transports – à la construction et à la mise en œuvre d’un dispositif où chacun est mobilisé en vue de l’objectif commun. Il propose un certain nombre de préconisations opérationnelles, relevant du domaine législatif, réglementaire voire de l’organisation des services. Il a donné lieu, en janvier 2020, au dépôt, à l’Assemblée nationale, d’une première proposition de loi reprenant une grande part des mesures préconisées.

Par la suite, certaines thématiques supplémentaires se sont imposées, au premier rang desquelles une meilleure protection de ceux qui nous protègent au quotidien, parfois au péril de leur propre vie. De même, le recours accru, durant le confinement, à de nouvelles technologies telles que les caméras aéroportées, a conduit vos rapporteurs à estimer nécessaire et urgente l’introduction dans la loi d’un cadre juridique dédié, assurant un équilibre entre la sauvegarde des libertés individuelles et la protection de l’ordre public.

La conséquence logique de cette réflexion a été le dépôt, le 20 octobre 2020, d’un nouveau texte, reprenant la matrice du premier, mais enrichi de dispositions nouvelles ([2]). L’importance de cette proposition de loi, qui s’inscrit dans le prolongement de différentes initiatives prises depuis le début de la législature, a justifié que le Gouvernement l’inscrive sur une semaine d’ordre du jour relevant de ses initiatives et engage la procédure accélérée, afin que la navette parlementaire puisse aboutir à la promulgation d’un texte dans les meilleurs délais.

Cette proposition de loi se structure autour de cinq axes principaux.

Le titre Ier a trait aux polices municipales. Il permet, en particulier, la mise en œuvre d’une expérimentation sur l’élargissement du domaine d’intervention des policiers municipaux annoncée par le Premier ministre lors de son discours à Nice, le 25 juillet dernier. Il crée également une police municipale parisienne, mesure très attendue depuis plusieurs années.

Le titre II concerne la sécurité privée. Il a notamment trait aux conditions de sous-traitance dans ce secteur, aux pouvoirs de sanction du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), aux modalités de délivrance de la carte professionnelle pour les employés et de l’agrément pour les dirigeants, aux sanctions en cas d’atteinte à leur personne, à leur identification sur le terrain, à leur présence sur la voie publique, aux conditions spécifiques s’appliquant aux ressortissants étrangers et à la compétence des agents en matière de palpations.

Le titre III adapte le régime des caméras individuelles de la police et de la gendarmerie nationales à leurs nouveaux besoins opérationnels. Il crée le régime juridique de captation d’images par des moyens aéroportés, aujourd’hui pratiquée en l’absence de cadre dédié.

Les titres IV et VI comportent diverses dispositions destinées à mieux protéger ceux qui nous protègent, les membres des différentes forces de sécurité intérieure. Ils règlementent le commerce des mortiers d’artifice trop souvent employés comme armes par destination ; ils encadrent la diffusion des images prises à l’occasion d’une intervention de police afin de protéger l’identité des agents ; ils durcissent les modalités d’exécution des peines auxquelles sont condamnés leurs agresseurs ; ils les autorisent à conserver leurs armes de service dans les établissements recevant du public.

Enfin, le titre V améliore la sécurité dans le domaine des transports.

À l’initiative de vos rapporteurs, du Gouvernement et de députés, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements complétant cette proposition de loi, sans remettre toutefois en cause ses grands équilibres.

*

*     *

I.   Présentation de la proposition de loi

1.   Renforcer le rôle de proximité des polices municipales (titre Ier)

L’article 1er de la proposition de loi fixe le cadre d’une expérimentation permettant aux communes dont les polices municipales répondent à un certain nombre de critères – liés à leur taille et leur organisation – de demander à ce que leurs agents exercent plusieurs compétences de police judiciaire limitativement énumérées.

L’article 2 permet aux agents de police municipale affectés à la sécurité d’une manifestation de procéder à des inspections visuelles de bagages et à des palpations de sécurité quelle que soit la taille de la manifestation (alors que le seuil est aujourd’hui d’au moins 300 spectateurs).

L’article 3 clarifie les règles relatives au transport de personnes en état d’ivresse manifeste afin de prévoir explicitement que les agents de police municipale puissent y participer.

L’article 4 crée le cadre légal permettant de doter la ville de Paris d’une police municipale.

L’article 5 facilite la mise en commun entre les communes de policiers municipaux par la suppression du seuil de 80 000 habitants au-dessus duquel cette possibilité n’est pas ouverte aujourd’hui.

L’article 6 fixe le cadre du recrutement des policiers municipaux en instaurant, notamment, un engagement de servir la commune ou l’EPCI qui a pris en charge la formation de l’agent.

2.   Mieux encadrer le secteur de la sécurité privée (titre II)

L’article 7 interdit le recours total à la sous-traitance d’un marché de sécurité privée et l’encadre dès le second degré en contraignant le sous-traitant à justifier ce recours et en le conditionnant à l’agrément de l’ensemble des sous‑traités et du donneur d’ordre.

L’article 8 permet à certains agents du CNAPS assermentés de constater les infractions mentionnées dans le livre VI du code de la sécurité intérieure consacré aux activités privées de sécurité.

L’article 9 prévoit une sanction complémentaire de publication pour les sanctions disciplinaires les plus graves prononcées par le CNAPS.

Les article 10 et 11, concernant respectivement les salariés et les dirigeants, interdisent automatiquement l’exercice d’une activité privée de sécurité à toute personne condamnée pour un motif grave, énuméré à cet article. Ils habilitent en conséquence les agents du CNAPS à consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire.

L’article 12 créé une circonstance aggravante pour les faits de violence dont les agents de sécurité privée seraient victimes ou pour ceux dont ils seraient les auteurs. Il étend également le périmètre du délit de menaces ou d’actes d’intimidation à ces mêmes agents.

L’article 13 prévoit l’apposition d’éléments d’identification communs sur les tenues des agents, selon des modalités définies par décret.

L’article 14 permet au préfet d’autoriser les agents de sécurité privée, à titre exceptionnel, à exercer des missions de surveillance sur la voie publique contre les actes terroristes, dans la continuité de celles qu’ils exercent déjà en matière de surveillance contre les vols, dégradations et effractions.

L’article 15 instaure une exception au principe de limitation du cumul emploi-retraite au bénéfice des retraités de la police nationale poursuivant une activité dans le secteur de la sécurité privée.

L’article 16 interdit d’exercer une activité de formateur en cas de retrait de la carte professionnelle ou de prononcé d’une interdiction temporaire d’exercice.

L’article 17 conditionne l’obtention d’une autorisation d’accès à la formation, pour les ressortissants étrangers, à la justification de leur niveau de français. Cet article oblige également les étudiants à produire une lettre d’intention d’embauche pour accéder aux formations aux métiers les plus sensibles.

L’article 18 supprime l’habilitation et l’agrément nécessaires pour que les agents de sécurité privée procèdent à des palpations de sécurité, dans des conditions strictement encadrées par le code de la sécurité intérieure.

Enfin, l’article 19 ordonne la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur l’opportunité de réglementer certaines activités privées qui ne sont pas contrôlées par le CNAPS.

3.   Adapter le recours aux technologies de la vidéoprotection et de la captation d’images (titre III)

L’article 20 étend les possibilités de déport des images de vidéoprotection vers les services des polices municipales et, à Paris, vers les différents agents de la ville de Paris chargés d’un service de police.

L’article 21 modifie le cadre juridique actuellement applicable aux caméras mobiles pour les policiers nationaux et les gendarmes, notamment afin de prévoir une nouvelle finalité justifiant l’enregistrement – l’information du public sur les circonstances de l’intervention –, une possibilité de transmission en temps réel des images et un accès direct aux images par les personnes ayant procédé à l’enregistrement.

L’article 22 crée un cadre juridique dédié réglementant le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques.

4.   Mieux protéger ceux qui nous protègent (titres IV et VI)

L’article 23 ferme le bénéfice des crédits de réduction de peine aux détenus qui se sont rendus coupables d’infraction sur les forces de sécurité intérieure.

L’article 24 prohibe la diffusion de l’image des policiers nationaux et des militaires de la gendarmerie en intervention à des fins malveillantes.

L’article 25 prévoit la possibilité pour les policiers nationaux et les militaires de la gendarmerie de conserver leur arme lorsqu’ils accèdent à un établissement recevant du public.

L’article 26 clarifie le régime d’usage de leurs armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile.

L’article 27 modifie la dénomination des adjoints de sécurité de la police nationale, qui deviennent des policiers adjoints.

L’article 30 réprime pénalement le commerce d’engins pyrotechniques en violation des conditions d’âge et d’habilitation de l’acquéreur exigées par le code de l’environnement, alors que ces mortiers d’artifice sont toujours plus fréquemment utilisés comme armes par destination contre les policiers et les gendarmes.

5.   Améliorer la sécurité dans les transports et la sécurité routière (titre V)

L’article 28 élargit les compétences du service de sécurité interne de la SNCF aux commerces installés dans les gares et à certains transports routiers.

L’article 29 simplifie les modalités de contrôles d’alcoolémie au volant par les forces de l’ordre.

II.    Les principaux apports de la commission

1.   La sécurisation du cadre d’action des brigades canines municipales

L’article 6 bis résulte de l’adoption par la Commission d’un amendement de sa présidente, Mme Yaël Braun–Pivet. Il a reçu un avis favorable de vos rapporteurs et du Gouvernement. Il vise à sécuriser la création de brigades canines de police municipale en les dotant d’un cadre juridique clair.

2.   La facilitation de la mise en œuvre de contrôles sur les polices municipales

L’article 6 ter a été introduit par la Commission à l’initiative du Gouvernement avec un avis favorable de vos rapporteurs. Il supprime l’avis préalable de la commission consultative des polices municipales avant la vérification de l’organisation et du fonctionnement d’un service de police municipale par un service d’inspection générale de l’État.

3.   De nouvelles modalités d’encadrement de la sous-traitance

Par amendement du Gouvernement, la commission des Lois a modifié la double condition permettant le recours à la sous-traitance dès le second rang, mentionnée à l’article 7. Elle a supprimé les agréments prévus par cet article, habilité l’entrepreneur principal à contrôler les motifs avancés par chaque sous-traitant et responsabilisé le donneur d’ordre en exigeant de lui qu’il s’assure que les motifs de recours ont été validés par l’entrepreneur principal.

4.   Un encadrement plus rigoureux du domaine de la sécurité privée

La commission des Lois – par amendements du Gouvernement – a modifié l’article 8 et créé un nouvel article 8 bis afin, d’une part, de permettre aux agents assermentés du CNAPS de constater certaines infractions au droit du travail lors de leurs contrôles et, d’autre part, de prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre des salariés.

Créé par amendement du Gouvernement, l’article 11 bis conditionne l’exercice d’une activité de direction d’un établissement secondaire à l’obtention d’un agrément, sur le même modèle que ceux exigés pour diriger un établissement principal.

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit, à l’article 19 bis, les modalités de formation, de certification et d’exercice des unités cynotechniques privées de pré-détection de matières explosives.

Par amendement du Gouvernement, elle a adopté un nouvel article 16 bis écartant les dispositions du code du travail relatives à la validation des acquis de l’expérience pour obtenir une qualification dans un métier de la sécurité privée. 

5.   Une exception au port de l’uniforme pour les gardes du corps

Par amendement de vos rapporteurs, la Commission a introduit un article 13 bis prévoyant une exception au port d’une tenue pour les agents de sécurité privée chargés de la protection physique d’une personne.

6.   L’autorisation de détecter des drones aux abords immédiats des lieux surveillés

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement introduisant l’article 19 ter, qui autorise les agents de sécurité privée à détecter les drones circulant aux abords immédiats des biens dont ils ont la garde.

7.   Deux habilitations à légiférer par ordonnances dans le domaine de la sécurité privée

Les articles 19 quater et 19 quinquies – issus d’amendements du Gouvernement – habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de modifier le fonctionnement du CNAPS et de revoir les modalités de formation et de certification, ainsi que les conditions d’exercice et de contrôle des activités des organismes de formation.

8.   Élargir, dans des conditions encadrées, la vidéoprotection et les déports d’images

L’article 20 bis – adopté par la Commission suite à l’adoption d’un amendement de vos rapporteurs – élargit les circonstances dans lesquelles le déport d’images peut être opéré aux cas d’occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des habitants ou qui empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité ou nuisent à la sécurité des lieux.

L’article 20 ter a été introduit par la Commission suite à l’adoption d’un amendement du Gouvernement. Il permet aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, de manière encadrée, de pouvoir visionner les images déportées vers les salles d’information et de commandement de l’État, sous le contrôle des services de la police et de la gendarmerie nationales.

Les articles 28 ter et 28 quater résultent d’amendements du Gouvernement et de M. Rémi Delatte. Ils facilitent le déport d’images de vidéoprotection recueillies par des opérateurs de transports publics vers les forces de sécurité intérieure.

L’article 28 bis, issu d’un amendement de Mme Aude Luquet, autorise le déploiement de caméras de vidéoprotection sur les matériels roulants des compagnies de transport public de voyageurs à des fins de sécurité technique et de détection des accidents.

9.   Plusieurs modifications au régime des caméras individuelles

À l’article 21, la Commission a précisé, à l’initiative de M. Paul Molac, que les images servant à l’information du public sur les circonstances d’une intervention ne pourront être utilisées « que dans le respect de la protection de la vie privée des individus ».

La Commission, sur proposition de vos rapporteurs, a en outre encadré les conditions dans lesquelles les agents peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent et a élargi aux policiers municipaux les apports de l’article 21.

L’article 28 quinquies, issu d’un amendement du Gouvernement, pérennise le port de caméras individuelles par les agents des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP.

10.   Un meilleur encadrement et un élargissement des finalités de recours aux drones

À l’article 22, la Commission a adopté, sur proposition de vos rapporteurs, un amendement prévoyant qu’une information générale du public sur l’emploi de dispositifs aéroportés de captation d’images est organisée par le ministre de l’intérieur. Cette modalité d’information existe également s’agissant des caméras individuelles.

Également sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a adopté un amendement précisant que les enregistrements issus des drones peuvent être utilisés à des fins de pédagogie et de formation des agents, dans le cadre d’un décret en Conseil d’État.

La Commission a en outre adopté deux amendements du Gouvernement visant à élargir les finalités de recours aux caméras aéroportées à :

– la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants ;

– la protection des intérêts de la défense nationale et des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale.

Enfin, la Commission a adopté un amendement de Mme Isabelle Florennes visant à élargir le recours aux caméras aéroportées à la surveillance des rodéos motorisés.

11.   La protection de la loi assurée à d’autres catégories de personnels en charge de la sécurité des Français

À l’initiative de vos rapporteurs, le bénéfice des crédits de réduction de peine a été fermé aux détenus jugés coupables d’une infraction visant un agent contractuel de la gendarmerie ou de la police nationale, un agent des douanes ou un agent de l’administration pénitentiaire. Il en va de même en cas d’infraction à l’encontre d’un policier municipal à la suite de l’adoption de trois amendements identiques de MM. Stéphane Mazars, Dimitri Houbron et Ian Boucard (article 23).

Suivant la même logique, un amendement de vos rapporteurs a interdit, à l’article 24, la diffusion d’éléments permettant l’identification, à des fins malveillantes, d’un agent contractuel de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.

12.   L’affirmation des différents acteurs du continuum de sécurité

Votre Commission s’est attachée à sécuriser les prérogatives et les habilitations dont bénéficient des acteurs méconnus du continuum de sécurité :

– à l’article 27 bis issu d’un amendement de M. Raphaël Gérard, en réaffirmant les compétences judiciaires des gardes champêtres ;

– à l’article 29 bis résultant d’un amendement de la présidente Mme Yaël Braun‑Pivet, en conférant un pouvoir aux gardes particuliers assermentés dans la constatation des infractions routières ;

– à l’article 30 bis issu de deux amendements de M. Rémy Rebeyrotte, en généralisant aux communes de cinq mille habitants les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et en confiant à un agent municipal le soin d’en animer les travaux.

13.   La réglementation stricte du commerce des engins pyrotechniques

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un article 30 A portant réglementation du commerce des mortiers d’artifice. Ces dispositions prévoient l’enregistrement des transactions ainsi que la possibilité pour le commerçant de refuser la vente s’il suspecte chez l’acquéreur une intention malveillante.


1

 

Examen des articles

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATives aux polices municipales

 

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux prérogatives
des polices municipales

Article 1er
Expérimentation dans le domaine de la police municipale

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe le cadre d’une expérimentation permettant aux communes dont les polices municipales répondent à un certain nombre de critères – liés à leur taille et leur organisation – de demander à ce que leurs agents exercent plusieurs compétences de police judiciaire limitativement énumérées.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les compétences des policiers municipaux ont été élargies par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme à certaines opérations de contrôle, avec l’accord du maire, dans le cadre des périmètres de protection.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trois amendements visant à prévoir que la candidature d’une commune à l’expérimentation fait l’objet d’une communication en conseil municipal, préciser le contenu du décret et prévoir que les agents de police municipale puissent se voir communiquer les informations nécessaires issues du fichier des véhicules assurés.

1.   L’état du droit : les missions des agents de police municipale

Les agents de police municipale exercent à la fois des missions de police administrative et des missions de police judiciaire.

 Les missions de police administrative

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, les agents de police municipale sont chargés de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques. Ils ont donc pour mission la protection de l’ordre public municipal tel qu’il est défini par l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

Cela se traduit, notamment, par l’exécution des arrêtés de police du maire ([3]). Par construction, ces missions sont différentes d’une municipalité à l’autre en fonction des circonstances locales, de l’état de la délinquance et de l’impulsion politique donnée par le maire.

 Les missions de police judiciaire

En application du 2° de l’article 21 du code de procédure pénale, les agents de police municipale ont la qualité d’agents de police judiciaire adjoints (APJA) ([4]). Ils exercent leurs fonctions sur le territoire communal.

Depuis une dizaine d’années, les compétences de police judiciaire des agents de la police municipale se sont considérablement accrues.

Les agents de police municipale peuvent ainsi verbaliser la grande majorité des contraventions prévues par le code de la route ([5]). Pour la constatation de certaines de ces infractions, ils disposent d’ailleurs d’un accès direct aux données du système national des permis de conduire et du système d’immatriculation des véhicules ([6]). Ils peuvent également prescrire la mise en fourrière d’un véhicule ([7]).

De même, ils peuvent constater par procès-verbal (PV) certaines infractions à la police des transports publics ferroviaires ou guidé ([8]).

En outre, ils peuvent dresser de nombreuses contraventions prévues par le code pénal ne nécessitant pas d’actes d’enquête et ne réprimant pas des atteintes à l’intégrité des personnes. Cela concerne notamment ([9]) :

– la divagation et l’excitation d’animaux dangereux ;

– les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes ;

– les menaces de destruction, lorsqu’elles concernent des biens appartenant à la commune ;

– l’abandon d’ordures, déchets, matériaux et autres objets ;

– les atteintes volontaires ou involontaires et mauvais traitements à animal.

Ils constatent par rapport le délit d’attroupement portant atteinte à la libre circulation dans les parties communes des immeubles ([10]).

Plus récemment, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 leur a conféré un pouvoir de verbalisation en cas de non-respect du confinement, dans un champ d’attribution d’ordinaire propre à l’État.

Les agents de police municipale sont par ailleurs habilités en leur qualité d’APJA à relever l’identité des contrevenants pour dresser les procès-verbaux. Lorsque le contrevenant refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, les agents de police municipale doivent en rendre compte immédiatement à tout OPJ territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner de lui présenter sur-le-champ le contrevenant ou retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ([11]). De jurisprudence constitutionnelle constante, les policiers municipaux ne peuvent procéder à des contrôles d’identité dans le cadre de leur mission de police judiciaire faute d’être placés à la disposition des OPJ ([12]).

2.   Le choix de ne pas faire évoluer le statut judiciaire des agents de police municipale

L’article 92 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) du 8 février 2011 prévoyait initialement de conférer la qualité d’agent de police judiciaire (APJ) aux membres du cadre d’emplois des directeurs de police municipale, afin qu’ils puissent seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions.

Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire à l’article 66 de la Constitution, car la « police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire ». Il a considéré qu’en conférant la qualité d’APJ aux directeurs de police municipale sans les mettre à la disposition des officiers de police judiciaire », le contrôle qu’exerce le procureur de la République sur la police judiciaire « serait par trop distendu » ([13]).

Comme vos rapporteurs le notaient en 2018 dans leur rapport au Gouvernement, « contrairement à une idée régulièrement avancée, la plupart des policiers municipaux ne souhaitaient pas que leur qualification judiciaire et donc leurs prérogatives en la matière soient revues à la hausse. Concrètement, ils se satisfont de leur statut d’agent de police judiciaire adjoints (APJA au sens de l’article 21 du code de procédure pénale) et ne souhaitent pas évoluer. La mission se reconnaît dans ce diagnostic. En effet, la force principale des policiers municipaux est de pouvoir se projeter sur le terrain pour effectuer leurs diverses missions. L’image du policier bloqué dans son bureau pour remplir des pages de procédures ne s’applique pas à eux justement parce qu’ils ne sont pas agents de police judiciaire (et encore moins officiers de police judiciaire). Renforcer les compétences judiciaires impliquerait de renforcer la dimension procédurale de la fonction et l’éloignerait de ses missions et finalités premières. La mission propose donc de maintenir en l’état la situation actuelle. » ([14])

3.   Les dispositions de la proposition de loi

Le 25 juillet 2020, le Premier ministre, M. Jean Castex, a insisté, dans son discours à Nice, sur le renforcement de l’action de proximité et annoncé une expérimentation sur l’extension des compétences de la police municipale, demandant au législateur d’en fixer le cadre afin d’offrir aux maires un outil souple, opérationnel et respectueux des compétences de chacun.

Le paragraphe I du présent article organise les conditions de l’expérimentation, qui pourrait durer trois ans à compter de l’entrée en vigueur des mesures d’application de la loi, lesquelles doivent intervenir au plus tard le 30 juin 2021.

Les communes pouvant entrer dans le champ de l’expérimentation sont celles qui comprennent :

– au moins 20 agents de police municipale ;

– un directeur ou un chef de service de police municipale.

Un arrêté conjoint des deux ministres de l’intérieur et de la justice déterminera les communes autorisées, si elles le demandent, au regard des circonstances locales, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État.

Le bilan final de l’expérimentation fera l’objet d’un rapport remis au Parlement par le Gouvernement au plus tard neuf mois avant son terme.

Le paragraphe II permet que, dans ce cadre, par dérogation aux règles du code de procédure pénale qui prévoient une transmission par l’intermédiaire des OPJ, les agents de police municipale pourront adresser directement leurs rapports et PV simultanément au maire et, par l’intermédiaire des directeurs ou des chefs de service de police municipale, au procureur de la République.

Cette disposition est la concrétisation de la proposition n° 33 du rapport parlementaire précité.

Cela représentera un gain d’efficacité, « tant pour le policier municipal que pour le policier national ou le gendarme qui se borne, dans ces cas de figure, à faire office de facteur ». ([15])

Le paragraphe III permet l’immobilisation et la mise en fourrière du véhicule par le directeur ou le chef de police municipale, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, en cas de constatation d’un délit ou d’une contravention de la cinquième classe pour lequel la peine de confiscation du véhicule est encourue. En l’état du droit, cette possibilité n’est offerte qu’aux OPJ et APJ, également sur autorisation préalable du procureur de la République.

Le paragraphe IV permet de procéder à des saisies des objets ayant servi à la commission d’infractions commises sur la voie publique que les agents de police municipale sont compétents pour constater, pour lesquelles la peine de confiscation de l’objet est prévue. Les objets saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés, en présence de la personne. La saisie est constatée par procès-verbal.

Le paragraphe V permet aux agents de police municipale de constater des infractions limitativement énumérées qui ne nécessitent pas la réalisation d’actes d’enquête :

– vente à la sauvette (article 446-1 du code pénal) ;

– conduite sans permis (article L. 221-1 du code de la route) ;

– conduite sans assurance (article L. 324-2 du code de la route) ;

– occupation illicite de hall d’immeuble (article L. 126-3 du code de la construction) ;

– consommation de produits stupéfiants (article L. 3421-1 du code de la santé publique) ;

– violation de domicile, lorsque le local appartient à la commune (article L 226-4 du code pénal) ;

– occupation illicite de terrain municipal (article 322-4-1 du code pénal) ;

– destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui et tag (article 322-1 du code pénal).

Ils pourront par ailleurs constater dans les mêmes conditions (territoire communal, sans acte d’enquête) plusieurs infractions, dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État, relatives :

– aux débits de boissons ;

– à la lutte contre l’alcoolisme ;

– à la répression de l’ivresse publique ;

– à la protection des mineurs.

Le paragraphe VI étend les capacités des agents de police municipale en matière de relevé d’identité. Il est prévu que les PV pourront comporter les déclarations spontanées des personnes faisant l’objet du relevé d’identité.

Le paragraphe VII crée un cadre juridique ad hoc pour les chefs et les directeurs de police municipale dirigeant des services de police municipale participant à l’expérimentation.

Les chefs et les directeurs de police municipale

Les chefs de service de police municipale constituent un cadre d’emplois de police municipale de catégorie B, comprenant trois grades. Ils sont chargés d’assurer l’encadrement des agents de police municipale, dont ils coordonnent l’activité. Ils ont vocation à exercer les fonctions d’adjoint au directeur de police municipale.

Jusqu’en 2006, seuls les cadres d’emplois d’agents et de chefs de service de police municipale existaient, ce qui avait conduit certaines communes à créer des emplois de catégorie A pour assurer l’encadrement de la filière.

Le décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 a institué un cadre d’emplois de catégorie A qui comprend deux grades, soit celui de directeur de police municipale et celui de directeur principal de police municipale. Au sein d’une police municipale, la création d’un emploi de directeur n’est possible qu’à compter d’un certain seuil fixé à au moins vingt agents relevant des cadres d’emplois de police municipale. Les directeurs de police municipale assurent la direction fonctionnelle et opérationnelle des services de la police municipale. À ce titre, ils participent notamment à la conception et assurent la mise en œuvre des stratégies d’intervention de la police municipale et assurent l’encadrement des fonctionnaires des cadres d’emplois des chefs de service de police municipale et des agents de police municipale dont ils coordonnent les activités.

              L’extension ainsi délimitée des compétences des policiers municipaux, sans création d’un statut autonome d’officier municipal judiciaire, implique qu’elles s’exercent sous le contrôle du procureur de la République. Assurer un contrôle direct et effectif de l’autorité judiciaire est requis pour assurer la conformité du dispositif à la jurisprudence constitutionnelle de 1991 précitée.

Il est donc prévu une procédure d’habilitation sur le modèle de celle des OPJ ainsi que l’affirmation du principe selon lequel les directeurs et chefs de police municipale sont placés sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et le contrôle de la chambre de l’instruction du siège de leur fonction.

Pour exercer les compétences prévues au II (transmission directe des PV au procureur) et III (immobilisation d’un véhicule), les chefs et directeurs doivent remplir plusieurs conditions :

– être habilités personnellement par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort duquel est affecté le fonctionnaire ;

– avoir suivi une formation ;

– avoir satisfait à un examen technique.

Cette habilitation est valable pour toute la durée des fonctions, y compris en cas de changement d’affectation au sein d’une même cour d’appel.

Les conditions d’octroi, de retrait et de suspension de l’habilitation sont fixées sur le modèle de ce qui est prévu aux articles 16-2 et 16-3 du code de procédure pénale pour les OPJ et par décret en Conseil d’État.

4.   La position de la Commission

Outre six amendements rédactionnels de vos rapporteurs, la Commission a adopté deux amendements du groupe MoDem à cet article visant à :

– prévoir que la candidature d’une commune à cette expérimentation fait l’objet d’une communication en conseil municipal ;

– préciser, par décret, les critères d’évaluation de l’expérimentation communs à toutes les communes concernées aux fins de la remise d’un rapport au Gouvernement.

Elle a également adopté un amendement du Gouvernement prévoyant que les agents de police municipale puissent se voir communiquer les informations nécessaires issues du fichier des véhicules assurés. Cet ajout était en effet indispensable pour permettre aux agents de police municipale de contrôler le respect de l’obligation d’assurance prévue par le code de l’assurance.

*

*     *

Article 2
(art. L. 511-1 du code de la sécurité intérieure)
Suppression d’un seuil restreignant les capacités des policiers municipaux à procéder à des inspections visuelles de bagages et à des palpations de sécurité

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet aux agents de police municipale affectés à la sécurité d’une manifestation de procéder à des inspections visuelles de bagages et à des palpations de sécurité quelle que soit la taille de la manifestation (alors que le seuil est aujourd’hui d’au moins 300 spectateurs).

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 1er de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a institué des périmètres de protection, permettant de sécuriser des lieux ou des évènements soumis à un risque de terrorisme. Affectés à ces périmètres après accord du maire de la commune, les agents de police municipale peuvent procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement du propriétaire, à leur fouille.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

–––––––

Aux termes de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, les policiers municipaux qui sont affectés sur décision du maire à la sécurité d’une manifestation sportive, récréative ou culturelle, à celle des périmètres de protection ou à la surveillance de l’accès à un bâtiment communal peuvent procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.

Ils peuvent également procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité.

Ces manifestations sportives, récréatives ou culturelles à l’occasion desquelles les agents de police municipale peuvent procéder à ces inspections visuelles et ces fouilles sont celles qui sont mentionnées à l’article L. 613-3 du présent code, soit celles qui rassemblent plus de 300 spectateurs.

Ce seuil paraissant inutilement restrictif, le présent article le supprime. Il s’agit de la concrétisation de la proposition n° 35 du rapport précité remis en 2018 par vos rapporteurs sur le continuum de sécurité.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 3
(art. L. 3441-1 du code de la santé publique)
Transport de personnes en état d’ivresse manifeste

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article clarifie les règles relatives au transport de personnes en état d’ivresse manifeste afin de prévoir explicitement que les agents de police municipale puissent y participer.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 3341-1 du code de la santé publique n’a pas fait l’objet d’évolution récente.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de précision présenté par vos rapporteurs.

1.   L’état du droit

L’article L. 3341-1 du code de la santé publique prévoit qu’une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics est, par mesure de police, conduite à ses frais dans le local de police ou de gendarmerie le plus proche ou dans une chambre de sûreté le temps de son dégrisement.

Cette disposition a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012. Elle ne méconnaît pas l’exigence selon laquelle toute privation de liberté doit être nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs de préservation de l’ordre public et de protection de la santé qu’elles poursuivent.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré qu’eu égard à la brièveté de la privation de liberté engendrée par le placement en cellule de dégrisement, privation organisée à des fins de police administrative, l’absence d’intervention de l’autorité judiciaire ne méconnaissait pas les exigences de l’article 66 de la Constitution ([16]).

En outre, l’ivresse publique et manifeste (IPM) est sanctionnée par une contravention de 2ème classe, pouvant atteindre150 euros ([17]).

En l’état du droit positif, aucun texte ne mentionne le rôle des services de police municipale dans les procédures d’IPM, ce qui n’est pas sans poser des difficultés. Comme cela a été souligné par le rapport parlementaire précité sur le continuum de sécurité, « au fil du temps, elles ont été progressivement impliquées dans leur prise en charge, entraînant des problèmes d’organisation, de disponibilité et de coût. En effet, le transport de la personne en état d’ébriété de la voie publique à l’hôpital est de la compétence des forces de police et de gendarmerie nationales, de même que la charge de l’examen médical. L’intervention des polices municipales relèverait donc d’une opération de police administrative et d’une mission de préservation de l’ordre public. Des conventions de coordination permettent déjà d’associer les polices municipales à la procédure en lui permettant de renforcer les forces de sécurité de l’État pour les transferts à l’hôpital. Cette procédure est cependant chronophage et coûteuse. Depuis quelques mois, des communes ont voté des délibérations visant à facturer leur intervention auprès des personnes concernées. Toutefois, la légalité de ces délibérations a fait l’objet de débats devant les juridictions, dont rien n’indique qu’ils sont clos ». ([18])

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Conformément à la proposition n° 38 du rapport précité sur le continuum de sécurité, le présent article ajoute explicitement les policiers municipaux à la liste des agents susceptibles d’intervenir dans le cadre d’une procédure d’IPM.

Par ailleurs, il est proposé de préciser que la personne doit être soumise à un examen médical préalablement à son placement en cellule de dégrisement.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement de vos rapporteurs visant à préciser que la cellule de dégrisement se situe dans un local de la police « nationale » afin de lever une ambiguïté éventuelle entre locaux de police municipale d’une part et nationale d’autre part.

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Chapitre II

Dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement
des polices municipales

Article 4
(art. L. 511-2, L. 531-1 à L. 535-5 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure)
Création d’une police municipale à Paris

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée le cadre légal permettant de doter la ville de Paris d’une police municipale.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 28 février 2017 ([19]) a conféré au maire de Paris les pouvoirs de police en matière de verbalisation du stationnement payant et gênant, organisation des manifestations festives, sportives et culturelles non itinérantes, gestion des fourrières et salubrité des bâtiments.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement octroyant à la ville de Paris la faculté, afin de dispenser la formation de policiers municipaux parisiens, de passer des conventions avec les centres de formation de la police et de la gendarmerie nationales.

1.   L’état du droit

Parmi les villes françaises de plus de 100 000 habitants, seules celles de Brest et de Paris ne sont pas dotées d’un service de police municipale et n’ont pas recruté de policiers municipaux.

À Paris, cette situation est liée à la spécificité du régime juridique du statut de la capitale mais elle s’est progressivement rapprochée du droit commun.

La loi du 31 décembre 1975 a ainsi réformé le statut de la capitale en prévoyant notamment l’élection d’un maire à Paris auquel ont pu ensuite être transférées certaines compétences exercées par le préfet de police ([20]).

Le maire de Paris a ensuite vu ses prérogatives se renforcer au cours des dernières années. Il est ainsi devenu compétent en matière de salubrité sur la voie publique, bon ordre dans les foires et marchés, sous réserve des prérogatives du préfet de police en matière de protection des lieux sensibles comme les institutions de la République.

La loi du 28 février 2017 précitée a constitué une nouvelle étape dans l’extension des compétences du maire initiée par les lois précédentes : elle a conféré au maire de Paris les pouvoirs de police en matière de verbalisation du stationnement payant et gênant, d’organisation des manifestations festives, sportives et culturelles non itinérantes, de gestion des fourrières et de salubrité des bâtiments.

Une conséquence importante de la loi du 28 février 2017 a été le transfert à la Ville de la pleine responsabilité sur les 1 600 agents de surveillance de Paris (ASP) précédemment affectés à la police du stationnement sous l’autorité du préfet de police.

La création d’une police municipale parisienne a été annoncée à la fin du mois de janvier 2019 par la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo. Cette annonce a fait l’objet d’une communication et d’un débat au Conseil de Paris les 4 et 5 février 2019.

Comme l’a souligné la Cour des comptes dans un récent rapport, la mairie de Paris a regroupé des agents de plusieurs services municipaux en créant en 2016 la direction de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) qui a succédé à la direction de la prévention et de la protection constituée en 1996. La nouvelle direction contribue, par des actions de prévention, de médiation, de dissuasion et, si nécessaire, de verbalisation, à la régulation de l’espace public et à la tranquillité des parisiens. Depuis le 1er janvier 2018, la Ville a intégré dans ses effectifs les agents transférés de la préfecture de police. L’effectif total de la DPSP devrait atteindre 3 400 agents ([21]), par création ou par transfert ([22]) .

Selon le projet annoncé par la maire de Paris, les missions de la future police municipale seraient de trois ordres : lutter contre les incivilités dans l’espace public, veiller à la tranquillité publique, assurer la régulation des déplacements et la protection des piétons et des cyclistes.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Le paragraphe I du présent article est relatif aux missions des agents de la police municipale parisienne tandis que le paragraphe II a trait à leur statut particulier.

Le 1° du I complète l’article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, qui dispose que les fonctions d’agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux, afin d’indiquer qu’à Paris, il s’agira de fonctionnaires de la Ville de Paris.

Le du I insère un nouveau chapitre III consacré aux « agents de police municipale exerçant leurs fonctions sur le territoire de la ville de Paris » au sein du titre III du livre V du code de la sécurité intérieure.

L’article L. 533-1 prévoit que les fonctions d’agent de police municipale ne peuvent être exercées à Paris que par des fonctionnaires de la ville de Paris.

L’article L. 533-2 dispose que les corps de la police municipale à Paris sont créés par décret en Conseil d’État après avis du Conseil de Paris.

L’article L. 533-3 prévoit que les agents de la police municipale parisienne bénéficient d’une formation initiale et continue assurée par la ville de Paris (dans la mesure où Paris n’est pas adhérente du centre national de la fonction publique territoriale qui assure les formations des policiers municipaux). Il est néanmoins prévu que le contenu et la durée de ces formations sont équivalents à ceux des formations dispensées aux autres policiers municipaux.

S’agissant des pouvoirs des policiers municipaux parisiens, l’article L. 533‑4 dispose qu’ils peuvent constater par PV les contraventions aux arrêtés du préfet de police relatifs au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques (à l’exception toutefois des interdictions de manifestations sur la voie publique).

L’article L. 533-5 dispose que les attributions dévolues en matière de police municipale au préfet sont exercées à Paris par le préfet de police : il s’agit en particulier de l’agrément des policiers municipaux et de l’autorisation de port d’arme.

Aux termes du II du présent article, les statuts particuliers des corps de la police municipale de Paris sont fixés par référence aux cadres d’emplois de la police municipale.

Sont également prévues les conditions dans lesquelles les agents peuvent être dispensés de tout ou partie de la formation initiale lors de la constitution initiale du corps, à raison de la reconnaissance de leur expérience professionnelle.

3.   La position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels de vos rapporteurs, la Commission a adopté un amendement de M. Buon Tan octroyant à la ville de Paris la faculté, afin de dispenser la formation de policiers municipaux parisiens, de passer des conventions avec les centres de formation de la police et de la gendarmerie nationales.

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*     *

Article 5
(art. L. 512-1 du code de la sécurité intérieure)
Suppression d’un seuil freinant la possibilité de mise en commun
de policiers municipaux

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article facilite la mise en commun entre les communes de policiers municipaux par la suppression du seuil de 80 000 habitants au-dessus duquel cette possibilité n’est pas ouverte aujourd’hui.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a assoupli les conditions de mutualisation des agents de police municipale (article 61) et des gardes-champêtres (article 63) au niveau intercommunal en confiant au président de l’établissement de coopération intercommunale (EPCI) un pouvoir d’initiative partagé avec les maires pour le recrutement d’agents de police municipale au niveau intercommunal.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Comme l’indiquait le rapport précité de vos rapporteurs sur le continuum de sécurité, « le niveau pertinent de coordination et d’articulation entre les forces de sécurité de l’État et les personnels des polices municipales doit être le bassin de vie. Or, le ressort des polices municipales est, par nature, celui de la commune. Pour être pleinement efficace, leur périmètre devrait dépasser ce cadre pour embrasser celui des EPCI, qui correspondent davantage à l’objectif cible. » ([23])

Le code de la sécurité intérieure permet déjà, à des degrés divers, de mutualiser des polices municipales, par le biais de :

– la mise en commun d’agents de police municipale entre les communes formant un ensemble d’un seul tenant de moins de 80 000 habitants (article L. 512‑1). La mise en commun des policiers municipaux s’effectue alors dans un cadre conventionnel : pendant l’exercice de leurs fonctions sur le territoire d’une commune, les agents sont placés sous l’autorité du maire de cette commune ;

– le recrutement d’agents de police municipale par un EPCI à fiscalité propre, en vue de les mettre à disposition des communes. Ceux-ci sont placés sous l’autorité du maire de la commune sur le territoire de laquelle ils exercent leurs fonctions. En tout état de cause, il n’y a jamais de délégation du pouvoir de police générale des maires ;

– l’utilisation en commun de policiers municipaux entre communes limitrophes, ou appartenant à une même agglomération, lors d’une manifestation exceptionnelle, à l’occasion d’un afflux important de population ou en cas de catastrophe naturelle (article L. 512-3) ;

– l’affectation d’agents de police municipale à des missions de maintien du bon ordre dans les transports en commun sur le territoire des communes contiguës desservies par le réseau de transport (article L. 512-1-1).

Selon la Cour des comptes, une quarantaine de dispositifs de mutualisation existait en 2018.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article modifie l’article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure afin de supprimer le seuil de 80 000 habitants au–delà duquel des communes formant un seul tenant ne peuvent mettre en commun des agents de police municipale.

Il s’agit de la mise en œuvre de la proposition n° 18 du rapport sur le continuum de sécurité précité.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 6
(art. L. 412-57 [nouveau] code des communes)
Recrutement des policiers municipaux
et souscription d’un engagement de servir

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe le cadre du recrutement des policiers municipaux en instaurant, notamment, un engagement de servir la commune ou l’EPCI qui a pris en charge la formation de l’agent.

       Dernières modifications législatives intervenues

Il s’agit d’une mesure nouvelle, qui n’a donc pas fait l’objet de modifications législatives.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs.

1.   L’état du droit

 Des fonctionnaires territoriaux

Les agents de police municipale sont des fonctionnaires territoriaux recrutés dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l’article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Les trois cadres d’emplois de la police municipale sont régis par décret ([24]).

Il faut noter que « la grande majorité des policiers municipaux appartient au cadre d’emplois qui relève de la catégorie C (plus de 90 %), tandis que moins de 1 % sont des fonctionnaires de catégorie A » ([25]).

 Une formation spécifique

La formation des policiers municipaux est destinée aux agents recrutés sur une liste d’aptitude à l’issue d’un concours ainsi qu’à ceux recrutés par la voie du détachement.

Les gardiens-brigadiers bénéficient d’une formation initiale de six mois organisée par le CNFPT ([26]) . Cette durée est de neuf mois pour les cadres d’emplois de chef de service et des directeurs de police municipale.

Comme l’a noté la Cour des comptes récemment, les délais de départ en formation ainsi que leur durée font aussi l’objet d’insatisfactions majeures de la part des maires. Les employeurs critiquent notamment le fait qu’un agent nouvellement recruté ne puisse être opérationnel avant au minimum un an, soit au terme de la formation initiale et de la formation préalable à l’armement si l’agent est armé, pour laquelle l’attente peut être longue. Sur ce point, le CNFPT s’est engagé à proposer une place en formation initiale dans un délai de quatre mois après réception de l’arrêté de nomination et dans un délai de deux mois après réception de la demande de port d’arme s’agissant des formations à l’armement.

Une formation adaptée pour les policiers nationaux et les gendarmes

L’article L. 511-7 du CSI, introduit par l’article 60 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique, prévoit désormais une dispense totale ou partielle de formation obligatoire pour les policiers et les gendarmes intégrant la police municipale. Celle-ci permet aux agents nommés dans le cadre d’emplois de policier municipal « d’être dispensés de tout ou partie, de cette formation [initiale] à raison de la reconnaissance de leurs expériences professionnelles antérieures ». ([27])

Sur les 1 400 agents de police municipale recrutés annuellement, 70 % sont d’anciens gendarmes ou policiers nationaux.

 Une réflexion à mener sur l’opportunité de créer une école nationale des polices municipales

La commission d’enquête créée à l’Assemblée nationale sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité a indiqué que : « La création d’une école nationale des polices municipales permettrait (…) d’aller plus loin dans l’homogénéisation des formations (…). Elle contribuerait également à l’acculturation commune avec les forces de sécurité de l’État en favorisant les échanges. (…) Cette école, qui relèverait du ministère de l’Intérieur, pourrait être constituée à partir des structures actuelles du CNFPT, qui serait associé à son pilotage et à sa gestion. Les services du ministère de l’Intérieur seraient chargés de l’élaboration des différents modules de formation initiale et continue, ce qui contribuerait à les rapprocher de ceux des policiers et gendarmes nationaux. L’association indispensable du CNFPT aux structures de pilotage et de gestion de l’école nationale permettrait de capitaliser sur l’expérience accumulée » ([28]).

 Des difficultés de fidélisation

Il existe une forte concurrence entre les communes pour attirer des agents d’une filière professionnelle de la sécurité qui est globalement sous tension. Cela entraîne, par ailleurs, des problèmes de fidélisation des agents. Comme l’a noté la Cour des comptes dans le récent rapport précité : « une concurrence entre collectivités s’est installée, alimentée notamment par la disparité des régimes indemnitaires. Il n’est, ainsi, pas rare qu’une commune mette plus de six mois avant de pouvoir recruter un agent de police municipale. » ([29])

Or, le droit actuel de la fonction publique territoriale tel qu’il est défini à l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ne parait pas satisfaisant puisqu’il prévoit qu’en cas de mutation de l’agent dans les trois ans suivant sa titularisation, c’est la commune ou l’EPCI qui doit verser l’indemnité correspondant au coût de la formation. Il n’y a donc pas de responsabilisation de l’agent en tant que tel.

Pourtant, comme cela a été noté dans le rapport présenté par vos rapporteurs sur le continuum de sécurité, « former un policier municipal constitue un investissement, pour la société mais aussi, au premier chef, pour la collectivité qui le recrute et prend en charge sa formation. C’est également un investissement qui ne porte ses fruits que dans la mesure où l’élève devenu professionnel exerce pendant un certain temps ses fonctions, en particulier au profit de la commune (ou de l’intercommunalité) qui a assumé financièrement les conséquences d’un recrutement. » ([30])

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article insère un nouvel article L. 412-57 à la sous–section 5 du chapitre 2 du titre Ier du livre IV du code des communes.

Les alinéas 2 et 3 ne modifient pas le droit en vigueur. Ils disposent que le recrutement du policier municipal intervient après inscription sur une liste d’aptitude. Les candidats inscrits sur liste d’aptitude sont ensuite recrutés par une commune ou un EPCI et nommés en qualité de gardiens de police municipale stagiaire pour une durée d’un an.

L’alinéa 4 instaure un engagement de servir la commune ou l’EPCI qui a pris en charge la formation de l’agent pour une durée minimale de trois ans à compter de la date de sa titularisation et qui ne peut excéder cinq ans.

L’alinéa 5 définit les conséquences de la rupture d’un tel engagement de servir. Dans ce cas, le policier municipal doit rembourser à la commune ou l’EPCI une somme correspondant au montant du traitement net et des indemnités qu’il a perçus au cours de sa formation.

L’alinéa 6 prévoit néanmoins plusieurs exceptions à ce principe du remboursement. Ainsi, le policier municipal peut–il en être dispensé pour des motifs impérieux, tels que son état de santé ou de nécessités d’ordre familial.

L’alinéa 7 renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’application du présent article.

Il s’agit de la concrétisation de la proposition n° 25 du rapport précité sur le continuum de sécurité.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs.

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Article 6 bis
(art. L. 511–5–2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Encadrement des brigades canines des polices municipales

Introduit par la Commission

     Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par la Commission à l’initiative de sa présidente, Mme Yaël Braun–Pivet. Il vise à sécuriser la création de brigades canines de police municipale en les dotant d’un cadre juridique clair.

En 2019, 178 brigades canines de police municipale ont en effet été recensées en France. Pourtant, un flou juridique persiste s’agissant de leur encadrement. Dans son rapport d’octobre 2020 sur les polices municipales, la Cour des comptes s’en est d’ailleurs fait l’écho.

L’article 6 bis prévoit donc le principe de l’instauration de brigades canines de police municipale dont les modalités d’organisation et de fonctionnement seraient déterminées par un décret en Conseil d’État, de même que la doctrine d’emploi ainsi que les conditions de formation des maîtres-chiens.

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Article 6 ter
(art. L. 511–3 du code de la sécurité intérieure)
Suppression de l’avis préalable de la commission consultative des polices municipales avant l              a mise en œuvre d’un contrôle sur une police municipale

Introduit par la Commission

     Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article additionnel est issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la Commission.

L’article 1er de la proposition de loi permettra d’accorder, à titre expérimental, des prérogatives plus importantes aux agents de police municipale et à leur hiérarchie (chef de service et directeur de police municipale). En conséquence, il est prévu de renforcer le contrôle de l’autorité judiciaire. Toutefois, la question restait pendante du renforcement du contrôle administratif des services de police municipale.

En effet, l’article L. 513-1 du code de la sécurité intérieure permet au ministre de l’intérieur de décider, sur proposition du maire, du président d’EPCI, du préfet ou du procureur de la République, de la vérification de l’organisation et du fonctionnement d’un service de police municipale par un service d’inspection générale de l’État. Toutefois, ce dispositif est peu usité car subordonné à un avis préalable de la commission consultative des polices municipales (CCPM), qui ne se réunit qu’une fois par an en moyenne ce qui diffère d’autant le déclenchement d’éventuelles vérifications. Cette commission a par ailleurs davantage vocation à traiter des enjeux nationaux plutôt que des situations locales.

Il est donc proposé, par le présent article, de supprimer cet avis préalable de la CCPM, afin de faciliter la mise en œuvre de contrôles sur les polices municipales lorsque cela parait opportun.

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TITRE II
DISPOSITIONs RELATives au secteur de la sécurité privée

 

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l’encadrement du secteur de la sécurité privée

Article 7
(art. L. 612-5-1 et L. 617-2-1 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure)
Encadrement de la sous-traitance

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article interdit la sous-traitance totale d’un contrat ou marché concernant une activité privée de sécurité. Il réglemente la sous-traitance à partir du deuxième rang en imposant le respect d’une double condition : d’une part, la justification de l’incapacité du sous-traitant d’assurer lui‑même la prestation demandée et, d’autre part, l’obtention d’un agrément de tous les sous-traitants de rangs supérieurs et du donneur d’ordre final.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ([31]) a modifié l’article premier de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ([32]), qui définit le régime général applicable à tous les contrats publics ou privés, afin d’interdire la sous-traitance totale des marchés publics. Elle demeure toutefois autorisée pour les contrats d’entreprise.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de nature rédactionnelle ainsi qu’un amendement du Gouvernement modifiant la double condition permettant le recours à la sous-traitance à partir du second rang.

1.   L’état du droit

Le régime juridique général de la sous-traitance est régi par les dispositions de la loi du 31 décembre 1975, dont l’article 15 dispose qu’elles sont d’ordre public.

Son article premier la définit comme « l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ». Il pose le principe de la faculté de sous-traiter tout ou partie de l’exécution du contrat d’entreprise conclu avec le maître de l’ouvrage.

Le recours à la sous-traitance peut s’avérer nécessaire dans le secteur de la sécurité privée, notamment dans le cadre des marchés de grande ampleur pour lesquels le savoir-faire de groupes spécialisés peut être requis.

Toutefois, la sous-traitance « en cascade » est une faiblesse structurelle du secteur. Vos rapporteurs constatent qu’elle contribue à déresponsabiliser l’entrepreneur principal remportant le marché et exerce une pression sur les prix vers le bas. Comme ils l’observaient dans leur rapport au Gouvernement, « les exemples de marchés passés à des prix inférieurs au coût de revient sont régulièrement cités en exemples de mauvaises pratiques qui prospèrent, entraînant en conséquence d’autres mauvaises pratiques qui se révèlent néfastes pour le secteur. Tous le soulignent, tous disent souhaiter lutter contre, mais aucun des moyens permettant d’agir efficacement n’a encore été mis en œuvre. » ([33])

L’article 2 de la loi du 31 décembre 1975 encadre de manière minimale le recours à la sous-traitance « à la chaîne ». Il prévoit que, dans un tel cas de figure, chaque sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l’égard de ses propres sous-traitants.

En outre, à partir du deuxième rang ([34]), son article 3 impose à l’entrepreneur principal de présenter au maître de l’ouvrage chacun des sous-traitants qu’il a choisis afin d’obtenir son agrément. Cet agrément porte à la fois sur la personne du sous-traitant et sur les conditions de paiement de chaque contrat. Le maître d’ouvrage peut également demander à l’entrepreneur principal de lui communiquer l’ensemble des contrats de sous-traitance qu’il a contractés.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article encadre davantage le recours à la sous-traitance pour les activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires, visées à l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure.

Il créé un nouvel article L. 612-5-1 dont le premier alinéa interdit à l’entreprise chargée de l’exécution d’un contrat ou d’un marché de sous-traiter totalement l’exécution de ses prestations.

Les trois autres alinéas de cet article encadrent plus strictement le recours à la sous-traitance à partir du deuxième rang pour ces mêmes activités, en la soumettant à une double condition :

– l’entreprise sous-traitante ne peut elle-même sous-traiter une partie de l’exécution d’une opération qui lui a été confiée qu’à la condition « de justifier de l’absence d’un savoir-faire particulier, de moyens ou de capacités techniques non satisfaits ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectifs » ;

– elle doit faire accepter tous les sous-traitants avec qui elle envisage de contracter par l’ensemble des sous-traitants de rang supérieur. Cet accord doit être obtenu par écrit, préalablement à la signature du contrat avec le sous‑traitant de rang inférieur.

Enfin, le présent article créé un nouvel article L. 617-2-1 du code de la sécurité intérieure qui sanctionne la violation de ces règles d’une amende de 45 000 euros.

Cet encadrement doit permettre de professionnaliser le secteur de la sécurité privée, dans le respect du principe constitutionnel de la liberté du commerce et de l’industrie.

3.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement proposant une nouvelle rédaction de la condition encadrant la sous‑traitance à partir du second rang.

Cet amendement supprime la nécessité d’obtenir un agrément de chacune des entreprises s’étant vue sous-traiter la prestation de sécurité et le remplace par un processus plus simple consistant, pour l’entrepreneur principal, à contrôler les justifications avancées par les entreprises qui sous-traitent la prestation.

Afin de réduire les risques de contournement du dispositif par les entreprises, il impose également au donneur d’ordre de s’assurer que les motifs avancés ont bien fait l’objet d’une validation par l’entrepreneur principal.

Enfin, il renforce la transparence dans ce secteur souvent opaque en obligeant à mentionner, dans chaque contrat de sous-traitance, l’identité de toutes les entreprises auxquelles a été confiée ou sous-traitée la prestation de sécurité.

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Article 8
(art. L. 634-3-2, L. 634-3-3 [nouveaux] et L. 632-3 du code de la sécurité intérieure)
Habilitation de certains agents du CNAPS à constater par procès-verbal une infraction et à recueillir ou relever l’identité de son auteur présumé

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise les agents du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), commissionnés par son directeur et assermentés, à constater par procès-verbal transmis au procureur de la République les infractions prévues au livre VI du code de la sécurité intérieure consacré aux activités privées de sécurité, lors de leurs opérations de contrôle. Il les autorise également à recueillir ou à relever l’identité et l’adresse de l’auteur présumé de l’infraction et prévoit, en cas de refus ou d’impossibilité de justifier son identité, une procédure faisant intervenir un officier de police judiciaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les prérogatives de contrôle des agents du CNAPS ont été élargies par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ([35]), qui leur permet désormais de contrôler les personnes exerçant des activités de formation à la sécurité privée.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements de nature rédactionnelle, ainsi qu’un amendement du Gouvernement habilitant les agents du CNAPS assermentés à constater des infractions constitutives de travail illégal et d’emploi d’étranger non autorisé à travailler.

1.   L’état du droit

Créé par la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ([36]), le CNAPS est un établissement public administratif sous tutelle du ministère de l’Intérieur ([37]), chargé de la régulation de l’activité des 175 000 agents et des 11 000 entreprises du secteur de la sécurité privée ([38]).

a.   Organe régulateur de la profession, le CNAPS est chargé d’accomplir trois missions

L’article               L. 632-1 du code de la sécurité intérieure énumère les trois principales missions du CNAPS :

– une mission de police générale, pour laquelle le CNAPS est chargé de la délivrance, la suspension et le retrait des agréments, autorisations et cartes professionnelles nécessaires à l’exercice d’une activité de sécurité privée ;

– une mission disciplinaire, aujourd’hui prédominante ;

– une mission de conseil et d’assistance à la profession ([39]).

Le CNAPS peut également émettre des avis et des propositions sur les politiques publiques concernant les métiers de la sécurité privée. Il remet chaque année un rapport d’activité au ministre de l’Intérieur.

b.   La réalisation de ces missions fait intervenir plusieurs acteurs

Le CNAPS est dirigé par un conseil d’administration, appelé collège ([40]). Cette instance est notamment chargée de délibérer sur les orientations générales de l’établissement, son budget et son fonctionnement.

Onze commissions locales d’agrément et de contrôle (CLAC) – sept en métropoles, quatre en outre-mer – sont chargées de délivrer les autorisations nécessaires à l’exercice de la profession et de prononcer les sanctions disciplinaires. Une commission nationale d’agrément et de contrôle (CNAC) statue sur les recours formés contre les décisions des CLAC dans le cadre d’un recours administratif préalable obligatoire.

Les services du CNAPS sont dirigés par un directeur, nommé par décret sur proposition du ministre de l’Intérieur. Il est chargé de la gestion administrative et budgétaire de l’établissement et organise ses missions de contrôle, conformément aux orientations décidées par le collège. Il a autorité sur les services centraux du CNAPS ainsi que sur ses délégations territoriales, chargées de l’instruction des dossiers de demandes d’autorisation, d’agrément et de carte professionnelle et des contrôles.

L’article L. 632-3 du code de la sécurité intérieure permet aujourd’hui au CNAPS de procéder au recrutement de salariés soumis aux dispositions du droit du travail, d’agents contractuels de droit public et de fonctionnaires détachés auprès de lui. Au 31 décembre 2019, le CNAPS comptait 218 agents, dont 33,5 % de fonctionnaires et 66,5 % de contractuels ([41]). Il n’y a donc aucun salarié soumis aux dispositions du droit du travail parmi ses effectifs.

c.   Une mission disciplinaire prédominante

Les articles L. 634-1 à L. 634-3-1 du code de la sécurité intérieure précisent les modalités des contrôles pouvant être réalisés par les membres du CNAPS, de la CNAC et des CLAC.

Des contrôles sur place peuvent être organisés dans les locaux à usage professionnel de l’employeur, du donneur d’ordres ou du prestataire de formation, ainsi que sur les sites d’intervention où les agents exercent leurs activités, sur information du procureur de la République et en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut s’opposer à ce contrôle. Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention, saisi à la requête du président de la CNAC ou d’une CLAC, peut l’autoriser, la visite s’effectuant alors sous son autorité.

Les membres et les agents de la CNAC ou des CLAC peuvent également demander communication de tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission et recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement et justification utiles.

Ces agents sont soumis au secret professionnel, mais ils ne sont pas assermentés. Leurs prérogatives étaient en outre confrontées à une faiblesse puisqu’il n’existait pas de délit d’entrave à contrôle, aujourd’hui prévu depuis l’adoption de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ([42]).

En 2019, 1 733 contrôles ont été réalisés et 1 687 sanctions ont été prononcées par les CLAC ([43]). D’un point de vue pratique, ces contrôles n’ont pas lieu aléatoirement, mais font l’objet d’une politique de ciblage à partir des orientations générales votées par le collège du CNAPS.

Une mission de contrôle critiquée par la Cour des comptes en 2018

Dans son rapport public annuel 2018, la Cour des comptes a relevé d’ « importantes lacunes dans les contrôles disciplinaires » diligentés par le CNAPS. Selon la Cour, « le CNAPS échoue à mettre à jour les manquements structurels les plus graves. En effet, tenu à un objectif quantitatif, l’établissement se focalise sur des cibles où les irrégularités sont nombreuses mais mineures. » En 2016, seuls 1,1 % des manquements relevés avaient faits l’objet d’une dénonciation par le CNAPS au procureur de la République.

La Cour des comptes a également observé des manquements déontologiques de la part d’agents du CNAPS, qui avaient diligenté un contrôle dans un centre de formation ne relevant pas de la compétence de l’établissement pour régler un différend personnel. Structurellement, la Cour relevait que « la participation des membres issus de la profession aux commissions compétentes induit des risques déontologiques particulièrement mal maîtrisés, notamment dans le cadre des audiences disciplinaires. En dépit des règles de déport, l’établissement a été confronté à un manque d’impartialité de la part de représentants de la profession. Plusieurs décisions disciplinaires ont ainsi été annulées en raison de la participation à la séance d’un représentant du secteur qu’un différend commercial opposait aux personnes mises en cause. »

 

 

Les cinq étapes d’un contrôle

Source : rapport annuel 2019 du CNAPS

2.   Le dispositif proposé

Le du présent article s’inspire des dispositions existantes en matière de police de l’environnement ([44]) pour créer un nouvel article L. 634-3-2 permettant aux agents du CNAPS, commissionnés par son directeur et assermentés, de rechercher et constater par procès-verbal, à l’occasion des opérations de contrôle qu’ils conduisent, les infractions prévues dans le livre VI du code de la sécurité intérieure, consacré aux activités privées de sécurité. Transmis au procureur de la République, ces procès-verbaux peuvent comporter les déclarations spontanées des personnes présentes lors du contrôle. Les conditions d’application de cet article sont fixées par décret pris en Conseil d’État.

Le droit français habilite de nombreux acteurs à dresser procès-verbal

Le code de procédure pénale habilite les officiers de police judiciaire ([45]), les agents de police judiciaire ([46]) et les agents de police judiciaire adjoints – pour certaines contraventions au code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ainsi que pour l’infraction d’outrage sexiste – ([47]) à dresser procès verbal.

D’autres fonctionnaires et agents disposent également de cette compétence. C’est notamment le cas des agents des services de l’État chargés des forêts, agents en service à l’Office national des forêts ainsi que ceux de l’établissement public du domaine national de Chambord ([48]), gardes particuliers assermentés, qui peuvent constater par procès-verbal tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde ([49]), agents des douanes ([50]) et des services fiscaux ([51]).

Il créé également un nouvel article L. 634-3-3 qui habilite ces mêmes agents à recueillir ou à relever l’identité et l’adresse de l’auteur présumé de l’infraction, dans le cadre de l’établissement du procès-verbal.

Les procès-verbaux peuvent comporter les déclarations spontanées des personnes présentes lors du contrôle.

Recueil, relevé et contrôle d’identité

Le droit français établit une distinction entre le recueil, le relevé et le contrôle d’identité, qui font intervenir différents types d’acteurs.

L’opération de recueil d’identité permet à tout agent doté, par un texte législatif ou réglementaire, de pouvoirs de police judiciaire, de demander au contrevenant de décliner verbalement son identité, sans que ce dernier ne soit contraint de présenter de pièce justificative. Aucune mesure coercitive ne peut être prise à l’encontre du contrevenant. Cette procédure n’est encadrée par aucune disposition du code de procédure pénale.

Le relevé d’identité est une opération dont les modalités sont précisées à l’article 78-6 du code de procédure pénale. Elle permet à certains agents de police judiciaire adjoints de demander au contrevenant de lui présenter un document d’identité afin de rédiger un procès-verbal. En cas de refus du contrevenant, l’agent ne peut contraindre la personne contrôlée et doit en référer à un officier de police judiciaire territorialement compétent qui pourra procéder à un contrôle d’identité.

Prévue à l’article 78-2 du code de procédure pénale, le contrôle d’identité judiciaire est une opération plus lourde qui consiste, pour un agent de la force publique, à demander à une personne de justifier de son identité par tout moyen. Elle ne peut être réalisée que par les officiers de police judiciaire ou, sous leur contrôle, par les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints.

En cas de refus d’obtempérer ou d’impossibilité de justifier son identité, cet article instaure une procédure similaire à celle de l’article 78-6 du code de procédure pénale : l’agent doit rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police ou de la gendarmerie nationales territorialement compétent. Ce dernier peut ordonner sans délai de lui présenter la personne ou de la retenir avant son arrivée ou celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle. À défaut de cet ordre, l’agent du CNAPS ne peut pas retenir l’auteur présumé de l’infraction.

L’article L. 634-3-3 punit de deux mois de prison et de 7 500 euros d’amende le fait de ne pas demeurer à disposition de l’agent du CNAPS pendant le temps requis par cette procédure, ainsi que le refus de suivre l’agent pour se voir présenter un officier de police judiciaire.

Enfin, le du présent article prend acte de la réalité des recrutements réalisés par le CNAPS en supprimant la possibilité inusitée de recruter des salariés soumis au droit du travail, actuellement mentionnée à l’article L. 632-3 du code de la sécurité intérieure.

3.   Des dispositions complétées par la Commission

Outre deux amendements de nature rédactionnelle, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de vos rapporteurs, un amendement du Gouvernement permettant aux agents désignés par le directeur du CNAPS et assermentés dans les conditions du présent article de constater plusieurs infractions au droit du travail, visées aux articles L. 8211-1, L. 8251-1 et L. 8251‑2 ([52]).

En effet, les agents du CNAPS sont régulièrement confrontés à ce type d’infractions. Ils pourront désormais les constater par procès-verbal transmis au procureur de la République afin que ce dernier puisse, s’il y a lieu, ouvrir une enquête.

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Article 8 bis
(art. L. 634-4 du code de la sécurité intérieure)
Pénalités financières pour les personnes physiques salariées

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

La commission des Lois a adopté, sur avis favorable des rapporteurs, un amendement du Gouvernement permettant au CNAPS de prononcer des pénalités financières à l’encontre de personnes physiques salariées, dans le cadre de sa mission disciplinaire.

1.   L’état du droit

a.   Le CNAPS dispose d’un pouvoir de sanction au titre de sa mission disciplinaire

L’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure permet au CNAPS de prononcer plusieurs sanctions à l’encontre des personnes physiques et morales exerçant une activité privée de sécurité, dès lors que ses agents constatent un manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles ou déontologiques ([53]). Toutefois, il ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans, dans la mesure où aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction n’a été réalisé avant cette date.

Le second alinéa de cet article établit une typologie des sanctions disciplinaires pouvant être prononcées à ce titre. Le CNAPS peut prononcer un avertissement, un blâme ou une interdiction d’exercice de l’activité privée de sécurité ou de la formation aux activités privées de sécurité pendant une durée ne pouvant excéder cinq ans. Il peut également appliquer des pénalités financières, prononcées en fonction de la gravité des manquements commis et ne pouvant excéder 150 000 euros, exclusivement à l’encontre des personnes morales et des personnes physiques non salariées. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense ([54]).

Au titre de sa mission disciplinaire, le CNAPS, par l’intermédiaire de ses commissions locales d’agrément et de contrôles (CLAC), a prononcé 1 508 sanctions en 2018, dont 347 interdictions temporaires d’exercice, et 1 687 sanctions en 2019, dont 324 interdictions temporaires d’exercer ([55]).

b.   Un pouvoir de sanction avalisé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel

Saisi par l’Union fédérale des enquêteurs de droit privé, le Conseil d’État, dans une décision du 12 février 2014, a estimé « qu’aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce que soit confiée à une même autorité des fonctions administratives et un pouvoir de sanction, dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l’impartialité des décisions. » ([56])

Plus récemment, la cour administrative d’appel de Paris a refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité défendant que l’institution du CNAPS était contraire aux « grands principes constitutionnels » du fait de prérogatives concurrentes à celles du juge pénal. Le juge administratif a estimé que la question était dépourvue de caractère sérieux, le pouvoir de sanction du CNAPS étant strictement encadré, notamment en matière de pénalités financières ([57]).

2.   Le dispositif proposé

L’amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois modifie l’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure afin de permettre au CNAPS de prononcer des pénalités financières, à l’encontre du personnel salarié, pour les faits qui leur sont imputables.

Vos rapporteurs pleinement à cette disposition qui renforcera la portée dissuasive des sanctions prononcées par le CNAPS et contribuera, en sanctionnant mieux les manquements individuels aux obligations prévues par le code de la sécurité intérieure, à professionnaliser les salariés du secteur.

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*     *

Article 9
(art. L. 634-4-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Publicité des sanctions disciplinaires les plus graves

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la publicité des sanctions principales les plus graves prononcées par le CNAPS dans le cadre de sa mission disciplinaire. En cas de refus de publication, une mise en demeure pouvant être assortie d’une astreinte journalière pourra être prononcée.

       Dernières modifications législatives intervenues

Il s’agit d’une disposition nouvelle.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements de nature rédactionnelle ainsi qu’un amendement de coordination rédactionnelle du Gouvernement qui habilite les CLAC à prononcer la nouvelle sanction créée par le présent article.

1.   L’état du droit

Dans son rapport public annuel 2018, la Cour des comptes a constaté que « la portée pédagogique et dissuasive des sanctions disciplinaires [de l’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure] est affaiblie par leur insuffisante publicité. La publication des décisions d’interdiction temporaire d’exercer est loin d’être systématique et aucune publication n’était prévue jusqu’en 2017 s’agissant des autres sanctions. »

La publicité de ces sanctions est aujourd’hui limitée à une mention dans le recueil des actes administratifs départementaux, qui recense les décisions des services de l’État et de certaines autorités administratives. Depuis 2017, seule la violation d’une interdiction temporaire d’exercer peut faire l’objet d’une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision ([58]).

2.   Le dispositif proposé

Il est proposé de renforcer la publicité des sanctions afin d’inciter les professionnels à adopter des comportements plus vertueux.

À cet effet, le présent article insère dans le code de la sécurité intérieure un nouvel article L. 634‑4‑1 instaurant, sur décision de la commission d’agrément et de contrôle, une sanction complémentaire d’obligation de publication de la sanction, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.

Cette publicité pourra être effectuée en tout ou partie sur le site du CNAPS, mais la commission de contrôle pourra également prévoir une telle publication, aux frais de la personne sanctionnée, sur les supports qu’elle désigne.

En cas d’inexécution, le quatrième alinéa de ce nouvel article permet au CNAPS de mettre en demeure la personne sanctionnée, voire d’assortir sa mise en demeure d’une astreinte journalière ne pouvant excéder 300 euros.

Cette nouvelle sanction est accompagnée de garanties visant à en assurer la proportionnalité              . Le premier alinéa dispose qu’elle ne saurait s’appliquer qu’aux sanctions les plus graves, écartant les blâmes et les avertissements, et le troisième alinéa précise que la publication ne peut intervenir qu’à l’expiration du délai de recours administratif préalable obligatoire devant la CNAC ou à l’issue de ce recours.

En outre, si la sanction principale fait l’objet d’un recours contentieux, le dernier alinéa dispose que le CNAPS le précise sans délai sur son site internet et actualise ensuite les informations relatives à ce recours.

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*     *

Chapitre II

Dispositions relatives aux conditions et modalités d’exercice de la profession

Article 10
(art. L. 612-20, L. 612-22, L. 612-23, L. 622-19, L. 622-21 et L. 622-22
du code de la sécurité intérieure)
Liste des infractions incompatibles avec l’exercice d’une activité privée de sécurité et ajout de nouvelles conditions

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article :

– établit une liste des infractions incompatibles avec la détention de la carte professionnelle délivrée aux agents exerçant une activité privée de sécurité et aux employés des agences de recherche privée ([59]) ;

– ajoute deux nouvelles conditions que doivent remplir les ressortissants étrangers pour obtenir une carte professionnelle ;

– complète les motifs pouvant justifier le retrait de cette carte ;

– habilite les agents du CNAPS à consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire dans le cadre des enquêtes administratives diligentées en amont de la délivrance de titres.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure a été modifié en 2014 ([60]) afin d’y mentionner la possibilité pour un ressortissant étranger, même sans titre de séjour, d’exercer une activité de protection des navires. Les autres articles visés n’ont pas fait l’objet de modifications législatives.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté cinq amendements rédactionnels. Avec le soutien de vos rapporteurs, elle a également intégré à cet article un amendement de Mme Ali ajoutant le délit de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine à la liste des infractions empêchant l’exercice d’une activité privée de sécurité, ainsi qu’un amendement de M. Pacôme Rupin excluant les « tags » mentionnés au second alinéa de l’article 322-1 du code pénal de cette même liste.

1.   L’état du droit

a.   Chargé d’une mission de police générale, le CNAPS assure la délivrance de plusieurs titres, dont les cartes professionnelles

Le CNAPS délivre huit types de titres aux personnes exerçant une activité privée de sécurité : l’autorisation préalable ou provisoire d’entrée en formation, l’autorisation de stage, l’agrément palpation, l’agrément dirigeant, associé ou gérant, l’autorisation d’exercer pour les entreprises de sécurité privée, l’autorisation d’exercice pour les organismes prestataires de formation, l’autorisation de fonctionnement pour les services internes de sécurité ainsi que la carte professionnelle.

 L’obtention d’une carte professionnelle nécessite le respect de plusieurs critères

Les articles L. 612-20 et L. 622-19 du code de la sécurité intérieure ([61]) subordonnent la délivrance d’une carte professionnelle au respect de cinq conditions :

– l’absence de condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;

– un comportement ou des agissements qui ne doivent pas être « contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État et sont incompatibles » avec l’exercice des fonctions pour lesquelles la carte professionnelle est nécessaire, ces exigences faisant l’objet d’une enquête administrative diligentée par les agents du CNAPS ([62]) ;

– pour un ressortissant étranger, la détention d’un titre de séjour permettant d’exercer une activité sur le territoire national ([63]) ;

– ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;

– la justification de son aptitude professionnelle, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État ([64]).

La carte professionnelle, dont la durée est de cinq ans à partir de la date de délivrance ([65]), doit être demandée auprès de la commission locale d’agrément et de contrôle (CLAC) dans le ressort duquel le demandeur a son domicile ou, pour les personnes morales, dans celle compétente à Paris ([66]). Les services du CNAPS sont chargés de la vérification du respect des conditions d’obtention et de l’instruction du dossier, qu’ils transmettent ensuite à la CLAC territorialement compétente afin qu’elle rende sa décision.

Seuls les manquements à certaines conditions peuvent emporter le retrait de cette carte ([67]). En cas d’urgence, le président de la CLAC, ainsi que le préfet dans le département en cas de nécessité tenant à l’ordre public, peuvent procéder au retrait de la carte professionnelle.

Le déroulé d’une demande d’instruction

Source : rapport annuel d’activité 2019 du CNAPS.

 Les conditions de délivrance de la carte professionnelle devraient être renforcées

Dans son rapport annuel 2018, la Cour des comptes a déploré « un contrôle trop peu rigoureux de la moralité et de l’aptitude professionnelle » ainsi qu’une « quasi-absence de sélection des demandeurs de titres ». Selon elle, « l’analyse des conditions d’entrée dans la profession s’inscrit plus dans une démarche d’aide au retour à l’emploi que dans une logique d’exigence de moralité et de professionnalisme ».

Ainsi, les services du CNAPS et de la CLAC d’Île-de-France, qui représentaient 40 % de l’activité de police du CNAPS en 2018, estimaient, lors de la parution du rapport, que la mention de certains délits commis par les demandeurs, tels que les délits d’escroquerie et d’abus de confiance, ne faisaient pas obstacle à l’exercice d’une activité privée de sécurité. Or, « cette doctrine aboutit à délivrer des cartes et autorisations à des individus ayant des antécédents judiciaires relatifs à des faits parfois graves et manifestement incompatibles avec l’exercice d’une activité de sécurité ».

La notion de « motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions » permet aujourd’hui de recruter des agents ayant déjà fait l’objet de condamnations délictuelles ou criminelles, ce qui ne contribue pas à renforcer la sélectivité et l’exigence dans le recrutement nécessaires à la crédibilité de la profession.

b.   Le code de la sécurité intérieure prévoit deux exceptions à l’obligation de détention d’une carte professionnelle

Les agents exerçant une activité privée relevant du premier ou du second titre du livre VI du code de la sécurité intérieure doivent détenir une carte professionnelle. Il existe néanmoins deux exceptions, dont le régime juridique est légèrement différent selon qu’elles concernent les activités du premier ou du second titre.

 Une première exception : l’autorisation préalable d’accès à la formation

Les postulants à un emploi dans le cadre de leur formation ou d’un stage en entreprise n’ont pas besoin d’une carte professionnelle, mais ils doivent obtenir une autorisation préalable d’accès à la formation. Ces autorisations sont délivrées, sous la forme dématérialisée d’un numéro d’enregistrement, par la commission locale d’agrément et de contrôle dans le ressort de laquelle le demandeur a son domicile ([68]). Elles ont une durée de validité de six mois ([69]).

L’article L. 612-22, qui concerne les formations à une activité de sécurité privée, et l’article L. 622-21 à propos des formations à une activité d’agent de recherches privées, conditionnent cette obtention au respect de plusieurs conditions légèrement différentes.

Les conditions d’obtention d’une autorisation préalable d’accès à la formation

Conditions préalables à remplir

Formation à une activité

de sécurité privée (L. 612-22)

Formation à une activité d’agent de recherches privées

(L. 622-21)

Absence de condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire

X

X

Enquête administrative menée par les agents du CNAPS ([70])

X

X

Ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée

X

 

Justification de son aptitude professionnelle

 

X

À titre d’exemple, la jurisprudence administrative a confirmé des refus de délivrance d’autorisation pour des faits ayant donné lieu, entre autres, à des mises en cause pour violence sur dépositaire de l’autorité publique avec incapacité inférieure à huit jours et outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ([71]) ou relatifs à l’usage de faux documents administratifs, de travail clandestin et de conduite de véhicule malgré l’annulation du permis de conduire ([72]). Toutefois, l’ancienneté des faits considérés ainsi que le comportement de l’intéressé peuvent entraîner l’illégalité d’une décision de refus ([73]).

Vos rapporteurs estiment que l’existence de conditions légèrement différentes entre ces deux articles suscite des complications inutiles.

 L’autorisation provisoire

Une seconde exception existe également du fait de la possibilité de délivrer des autorisations provisoires, qui permettent à une entreprise d’embaucher un employé sans attendre la délivrance de sa carte professionnelle. Elle est mentionnée aux articles L. 612-23 et L. 622-21 du code de la sécurité intérieure, qui en conditionnent l’obtention au respect des mêmes conditions que celles requises pour l’autorisation préalable d’accès à la formation.

2.   Le dispositif proposé

a.   Les modifications relatives aux conditions de délivrance d’une carte professionnelle

Le présent article vise à renforcer les dispositions des articles L. 612-20 et L. 622-19 du code de la sécurité intérieure.

Le concerne les activités privées de sécurité. Il est proposé de durcir les conditions de moralité exigées en y inscrivant une liste de condamnations automatiquement incompatibles avec l’exercice d’une activité privée de sécurité. Souhaitée par le CNAPS, cette énumération permettra d’améliorer la sélectivité du personnel du secteur. Les alinéas 5 à 45 du a) énumèrent ces motifs ([74]).

Par coordination, le b) inscrit dans la loi la possibilité conférée aux agents du CNAPS de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire dans le cadre de l’enquête administrative, afin de vérifier l’absence des condamnations nouvellement énumérées.

Le c) conditionne l’obtention d’une carte professionnelle pour les ressortissants étrangers ([75]) à la détention, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour afin de mieux tracer les demandes de carte professionnelle formulées. Vos rapporteurs constatent que l’enquête administrative menée par le CNAPS est difficile à réaliser pour certains demandeurs, présents en France depuis peu de temps. Ce délai permettra de garantir que les enquêtes soient réalisées dans de bonnes conditions et sur la base d’éléments probants.

La maîtrise de la communication est essentielle pour remplir des activités privées de sécurité et elle implique de maîtriser la langue française. Cet impératif est d’autant plus nécessaire que la présente proposition de loi ambitionne de mieux associer le secteur de la sécurité privée aux opérations menées par les forces de l’ordre.

Le contrôle du niveau d’expression des ressortissants étrangers est aujourd’hui vérifié par les organismes de formation, qui demandent la production d’un certificat de maîtrise du français de niveau B1, correspondant à une maîtrise intermédiaire.

Le d) permet au CNAPS de contrôler lui-même cette obligation en exigeant de tout étranger, y compris ressortissant d’un pays européen, de fournir un document attestant de la connaissance de la langue française, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.

Enfin, le e) modifie le huitième alinéa de l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, qui précise quelles sont les conditions dont l’absence peut entraîner a posteriori un retrait de la carte professionnelle. Alors que seules trois conditions sont actuellement visées, le e) y ajoute l’absence de titre de séjour pour un ressortissant étranger et l’incapacité à justifier de son aptitude professionnelle.

Le du présent article concerne les activités des agences de recherche privées visées à l’article L. 622-19. Les a), b), c) et d) dupliquent les dispositions du I. Le e) uniformise les conditions dont l’absence peut entraîner a posteriori un retrait de la carte professionnelle avec celles de l’article L. 612-20.

b.   Les modifications relatives aux conditions de délivrance d’une autorisation d’accès à la formation professionnelle et d’une autorisation provisoire d’exercice

Le et le f) du modifient le régime juridique d’autorisation d’accès à la formation professionnelle et d’autorisation provisoire d’exercice, en uniformisant dans les deux cas les conditions nécessaires à leur délivrance. L’obtention de ces deux documents nécessitera désormais de remplir les cinq conditions suivantes :

– l’absence de condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;

– une enquête administrative favorable ;

– pour un ressortissant étranger, la détention d’un titre de séjour lui permettant d’exercer une activité sur le territoire national ([76]) ;

– pour un ressortissant étranger, la détention d’un titre de séjour pendant au moins cinq ans ([77]) ;

– ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée.

3.   Des dispositions complétées par la Commission

Outre cinq amendements rédactionnels, la commission des Lois a adopté, avec le soutien de vos rapporteurs, deux propositions d’ajustement de l’énumération des infractions empêchant systématiquement l’exercice d’une activité privée de sécurité :

– un amendement de Mme Ali, qui y ajoute le délit de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine prévu à l’article 225-14 du code pénal, puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ;

– un amendement de M. Pacôme Rupin dont l’objet est d’écarter le second alinéa de l’article 322-1 du code pénal de cette énumération, qui sanctionne les inscriptions, signes ou dessins réalisés sans autorisation préalable sur les façades, véhicules, voies publiques ou mobilier urbain, punis d’une amende de 3 750 €, voire d’une simple peine de travail d’intérêt général quand le dommage qui en résulte est léger.

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Article 11
(art. L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure)
Conditions de délivrance d’un agrément dirigeant

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article conditionne l’obtention d’un agrément dirigeant à l’absence d’infraction pour les motifs cités à l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, tel que modifié par l’article 10 de la présente proposition de loi. Il habilite également les agents du CNAPS à consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire dans le cadre des enquêtes administratives diligentées en amont de la délivrance de l’agrément.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance du 26 avril 2016 ([78]) confie la réalisation des enquêtes administratives, auparavant réalisées par les agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle, à des agents du CNAPS.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté trois amendements rédactionnels, dont deux identiques.

1.   L’état du droit

Les dirigeants des sociétés de sécurité privée et des agences de recherches privées doivent détenir un agrément afin d’exercer leur activité ([79]).

Les articles L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure conditionnent la délivrance de cet agrément au respect de plusieurs conditions :

– être de nationalité française, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ([80]) ;

– l’absence de condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions ;

– ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;

– ne pas avoir fait l’objet d’une faillite personnelle, une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise ou une incapacité d’exercer une fonction élective.

Les deux articles imposent également le respect d’autres conditions qui leur sont spécifiques. Ainsi, l’article L. 612-7, s’appliquant aux dirigeants des sociétés de sécurité privée, conditionne l’obtention d’un agrément à l’absence d’exercice d’une activité incompatible, par sa nature, avec les activités privées de sécurité ([81]). Il impose de ne pas exercer l’activité d’agent de recherches privées et de justifier de son aptitude professionnelle. Les unités cynophiles doivent obtenir une qualification professionnelle particulière.

L’article L. 622-7, qui concerne les dirigeants des agences de recherches privées, impose de ne pas exercer d’activité de sécurité privée et de détenir une qualification professionnelle.

En outre, le dernier alinéa de ces deux articles précise que la délivrance de l’agrément nécessite au préalable la conduite d’une enquête administrative, diligentée dans les mêmes conditions que celle mise en œuvre pour les agents dans le cadre d’une demande de carte professionnelle.

Le juge administratif a estimé que l’accumulation de certains faits, même en l’absence de condamnations pénales, peut justifier un refus de délivrance de l’agrément, s’ils sont suffisamment graves et récents. Cela a notamment été le cas des faits d’abus de biens sociaux et d’infractions à la législation du travail ([82]) ou d’exercice d’un travail dissimulé, même lorsque la condamnation de l’intéressé en raison de cette infraction pénale a été effacée du bulletin n° 2 du casier judiciaire ([83]).

2.   Le dispositif proposé

Le présent article complète les dispositions des articles L. 612-7 et L. 6227 du code de la sécurité intérieure en conditionnant l’obtention d’un agrément dirigeant à l’absence de condamnation pour motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions de dirigeant. Le a) du I et le a) du II énumèrent ces motifs en procédant à un renvoi au 1° de l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, modifié par l’article 10 de la présente proposition de loi ([84]).

Par coordination, le b) du I et le b) du II permettent aux agents du CNAPS de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire afin de rendre possible l’examen de la moralité au regard de l’inscription des condamnations visées au 1° du même article.

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Article 11 bis
(art. L. 612-6, L. 612-7, L. 612-16, L. 612-17, L. 612-25, L. 617-3, L. 622-6, L. 622-7, L. 622-14, L. 622-15 et L. 624-4 du code de la sécurité intérieure)
Soumission des dirigeants des établissements secondaires
à l’obtention d’un agrément

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, adopté par amendement du Gouvernement, soumet les dirigeants des établissements secondaires et des services internes de sécurité ([85]) à l’obtention d’un agrément, comme cela est déjà le cas pour les dirigeants des établissements principaux.

––

Le code de la sécurité intérieure soumet déjà les établissements secondaires, au même titre que les établissements principaux, à la détention d’une autorisation administrative distincte délivrée par le CNAPS ([86]).

En revanche, la détention d’un agrément pour les exploitants individuels et les dirigeants et gérants est uniquement nécessaire lorsqu’ils dirigent un établissement principal. Ceux des succursales des grandes entreprises privées de sécurité exercent pourtant une autorité hiérarchique sur les agents qui y travaillent, ce qui justifie l’exercice d’un contrôle administratif similaire.

Avec un avis favorable de vos rapporteurs, la commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement qui renforce le contrôle exercé par le CNAPS sur les établissements secondaires, en soumettant leurs dirigeants à un contrôle similaire à celui des entrepreneurs principaux.

Ainsi, l’article 11 bis dispose que tout dirigeant d’un établissement secondaire doit obtenir un agrément délivré dans les conditions précisées aux articles L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure (1° et 7°). Cet agrément est également nécess              aire pour diriger ou gérer un service interne de sécurité (5°).

L’article prévoit le retrait de l’autorisation administrative délivrée par le CNAPS si le dirigeant de l’établissement n’a plus d’agrément ou ne respecte plus les conditions exigées pour l’obtenir (3° et 9°). Il permet également de suspendre l’agrément pour les mêmes raisons ou lorsque le dirigeant fait l’objet de poursuites pénales (4° et 10°). Il prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende en cas de violation de ces dispositions (6° et 11°).

Enfin, il remédie à une difficulté légistique dans la rédaction des articles L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure en prévoyant que tous les dirigeants de ces établissements justifient d’une aptitude professionnelle, y compris ceux qui n’exercent pas une activité privée de sécurité. Lorsque tel est le cas, ils doivent en outre être détenteurs d’une carte professionnelle (2° et 8°).

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Article 12
(art. 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 433-3 du code pénal)
Circonstance aggravante pour violences commises par ou à l’encontre d’une personne exerçant une activité privée de sécurité et nouveau délit de menaces ou d’actes d’intimidation

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article créé deux nouvelles circonstances aggravantes pour des faits de violence commis par ou à l’encontre d’une personne exerçant une activité privée de sécurité ou un membre de sa famille proche. Il instaure une nouvelle infraction en cas de menaces ou d’actes d’intimidation commis à l’encontre de cette même personne lorsque, dans les deux cas, la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 ont été modifiés par la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ([87]), qui a créé deux nouvelles circonstances aggravantes pour les violences intrafamiliales et, pour les faits de violence les moins graves, en cas de dissimulation de tout ou partie du visage. L’article 433-3 du même code a été modifié par la loi du 28 février 2018 relative à la sécurité publique ([88]), qui a aggravé les sanctions pénales encourues.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté trois amendements rédactionnels.

1.   L’état du droit

a.   Le code pénal prévoit quatre principales infractions pour faits de violences volontaires, qui peuvent s’accompagner de circonstances aggravantes

Le code pénal sanctionne distinctement les différents faits de violence selon qu’ils ont entraîné la mort sans intention de la donner, une mutilation ou une infirmité permanente, une incapacité totale de travail de plus de huit jours ou de moins de huit jours, voire n’ayant entraîné aucune incapacité de travail.

Ces sanctions peuvent être complétées de plusieurs circonstances aggravantes, qui désignent des faits pour lesquels le code pénal prévoit une sanction plus importante, et alourdissent la peine encourue.

Les principales infractions pour faits de violence

Articles du code pénal

Qualification pénale

Peine encourue

Peine encourue avec circonstance aggravante

222-7

222-8

Violences mortelles sans intention de donner la mort

15 ans de réclusion criminelle

30 ans de réclusion criminelle

222-9

222-10

Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente avec circonstances aggravantes

10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

20 ans de réclusion criminelle

222-11

222-12

Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, avec circonstances aggravantes

3 ans d’emprisonnement, 45 000 € d’amende

10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

222-13

Violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail

Contravention de Vème ou de IVème classe ([89])

7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende

Source : commission des Lois

b.   La liste de ces circonstances aggravantes s’est allongée au fil du temps

Le code pénal prévoit aujourd’hui plus d’une dizaine de circonstances aggravantes pouvant s’appliquer à l’ensemble des faits de violence ([90]). Il en existe également d’autres spécifiques aux faits de violence les moins graves visés aux articles 222-11 et 222-13 du code pénal ([91]), qui prévoient la possibilité d’un cumul de circonstances aggravantes ([92]).

Enfin, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ([93]), la circonstance aggravante de racisme et d’homophobie a été généralisée à l’ensemble des crimes et des délits([94]).

c.   Les menaces et actes d’intimidation à l’encontre de personnes exerçant une activité publique

L’article 433-3 du code pénal constitue en délit le fait de proférer des menaces et des actes d’intimidation à l’encontre de personnes exerçant une activité publique.

Cet article, qui protège à la fois des personnes dépositaires de l’autorité publique et des personnes particulièrement exposées ([95]), punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens. Il porte la peine à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas de menaces de mort ou d’atteinte aux biens dangereuse pour les personnes, voire à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsqu’il est fait usage d’actes d’intimidation pour obtenir de ces personnes toute décision favorable.

Pour être caractérisés, il faut néanmoins que les faits aient été réalisés dans l’exercice ou du fait des fonctions de la victime, lorsque sa qualité est apparente ou connue de l’auteur.

d.   Une meilleure protection des personnes exerçant une activité privée de sécurité est nécessaire

Les dispositions précitées garantissent aux personnes détentrices de l’autorité publique une protection dans le cadre de l’accomplissement de leurs missions de service public. Sa rédaction a évolué afin de protéger également des personnes privées dont la profession les expose particulièrement à des faits de délinquance. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ([96]), les faits de violence ainsi que les menaces proférées à l’encontre des gardiens d’immeubles assermentés ou d’agents exerçant des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation pour le compte d’un bailleur sont une circonstance aggravante.

Vos rapporteurs observent néanmoins qu’à ce jour, les agents privés de sécurité ne bénéficient pas d’une telle protection, alors même que leur profession les expose quotidiennement à des faits de violences, menaces et actes d’intimidation.

Cette protection doit être mise en place et s’accompagner d’une responsabilisation de ces agents, qui doivent être sanctionnés plus lourdement lorsqu’ils commettent des violences dans le cadre de leurs fonctions, comme c’est déjà le cas lorsque leur auteur est dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article renforce les sanctions encourues en cas de violences proférées par, ou à l’encontre, des personnes exerçant une activité privée de sécurité ou d’agent de recherches privées ([97]), ainsi que celles relatives aux menaces ou actes d’intimidation qu’elles subissent.

Le créé une circonstance aggravante pour les violences visées aux articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal lorsqu’elles sont commises à l’encontre de ces personnes dans l’exercice ou du fait de leur fonction, et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.

Le instaure une circonstance aggravante au sein de ces mêmes articles pour les violences commises à l’encontre du conjoint et des ascendants de cette personne, et sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile.

Le créé une circonstance aggravante lorsque les faits de violence sont commis par une personne exerçant une activité privée de sécurité, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.

Le a) du complète l’article 433-3 du code pénal en punissant de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de menacer de commettre un crime ou un délit contre les personnes exerçant une activité privée de sécurité dans l’exercice de leur fonction, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de son auteur.

Le b) prévoit une sanction similaire lorsque les faits sont réalisés à l’encontre du conjoint, des ascendants ou descendants en ligne directe, ainsi que contre toute autre personne vivant habituellement au domicile de ces personnes.

Enfin, le c) porte la peine à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende pour les actes d’intimidation commis à l’encontre d’une personne exerçant une activité privée de sécurité dans le but d’obtenir un avantage favorable.

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Article 13
(art. L. 613-4, L. 613-8 et L. 614-3 du code de la sécurité intérieure
et art. L. 6342-4 du code des transports)
Éléments d’identification communs des tenues portées par les agents

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article complète les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à la tenue des agents de surveillance et de gardiennage, des agents chargés du transport de fonds et des membres de services de sécurité des bailleurs d’immeuble, en prévoyant un ou plusieurs éléments d’identification communs. Il créé également une obligation nouvelle d’identification des agents de sûreté aéroportuaire chargés d’opérations d’inspection‑filtrage destinées à protéger l’aviation civile.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement supprimant le II de cet article, relatif à l’obligation d’identification des agents de sûreté aéroportuaire réalisant des opérations d’inspection-filtrage dans l’aviation civile.

1.   L’état du droit

a.   Les agents de sécurité privée doivent porter une tenue identifiable

Dès les débats autour de la loi règlementant la sécurité privée en 1983 ([98]), le législateur a voulu prévenir tout risque de confusion entre les forces de l’ordre et les agents privés de sécurité, en imposant à ces derniers le port d’une tenue distinctive.

Ainsi, l’article L. 614-3 du code de la sécurité intérieure prévoit que les agents de surveillance et de gardiennage doivent porter une tenue particulière dans l’exercice de leurs fonctions, qui ne doit pas entraîner de confusion avec celles des agents des services publics, notamment de la police et de la gendarmerie nationale, des douanes et des polices municipales. Cette tenue comporte au moins deux insignes reproduisant la dénomination ou le sigle de l’entreprise ou, le cas échéant, du service interne de sécurité. Ces éléments identifiants doivent être placés de telle sorte qu’ils restent apparents en toutes circonstances ([99]).

Toutefois, l’article R. 613-2 prévoit une exception pour les employés chargés de la protection des personnes ou de la surveillance contre le vol à l’étalage, qui peuvent exercer leurs fonctions en civil.

L’article L. 613-8 du code de la sécurité intérieure prévoit également le port d’une tenue pour les agents chargés du transport de fonds. Une exception est néanmoins prévue pour les convoyeurs de fonds faisant partie de l’équipage d’un véhicule banalisé servant au transport de billets, bijoux ou métaux précieux, qui peuvent exercer leur activité en tenue civile ([100]).

Enfin, l’article L. 614-3 du code de la sécurité intérieure dispose que les agents des services de sécurité des bailleurs d’immeuble sont identifiables, sans confusion avec les autres agents des services publics, sauf dispense dans des cas exceptionnels définis par décret en conseil d’État. Ce décret n’a néanmoins jamais été pris.

b.   L’article L. 6342-4 du code des transports définit les modalités des opérations d’inspection-filtrage, sans imposer de tenue spécifique aux agents de sûreté aéroportuaire

L’article L. 6341-2 du code des transports dresse une liste des entreprises et organismes chargés de la mise en œuvre, dans leur domaine d’activité respectif, des mesures de sûreté destinées à protéger l’aviation civile contre les actes d’intervention illicites, lorsqu’elles ne sont pas réalisées par l’État ([101]).

Le II de cet article autorise également les agents de ces entreprises et organismes à procéder à des opérations d’inspection-filtrage. Il conditionne la réalisation de ces opérations à la détention d’un agrément préalable délivré par le représentant de l’État dans le département et par le procureur de la République. Les opérations doivent être réalisées sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes. En outre, elles nécessitent le consentement de la personne contrôlée et doivent être réalisées par une personne du même sexe.

Cet article ne prévoit néanmoins pas d’obligations particulières liées à la tenue de ces agents.

c.   Mieux reconnaître les professionnels de la profession

L’obligation de pouvoir identifier les agents chargés d’une activité privée de sécurité, quand elle existe, nécessite de doter les professionnels d’un uniforme qui n’est aujourd’hui pas nécessairement représentatif de la profession, mais met avant tout en avant l’entreprise pour laquelle ils travaillent.

Une solution consiste à inscrire une identification commune sur ces uniformes, tout en conservant les éléments distinctifs permettant de reconnaître les entreprises pour lesquelles ils travaillent. Cette identification commune constituerait par ailleurs un symbole fort de reconnaissance et de fierté à l’endroit de cette profession.

2.   Le dispositif proposé

Le I du présent article modifie les dispositions des articles L. 613-4, L. 613‑8 et L. 614-3 du code de la sécurité intérieure pour y préciser que les tenues déjà prévues dans le cadre de l’exercice des fonctions des professionnels comportent un ou plusieurs éléments d’identification communs. Il renvoie les modalités d’application de cet article à un arrêté du ministre de l’Intérieur.

Le II créé une nouvelle obligation d’identification pour les agents chargés des opérations d’inspection-filtrage visés par l’article L. 6342-4 du code des transports. Ils doivent porter une tenue comportant un ou plusieurs éléments d’identification communs selon des modalités définies par un arrêté du ministre de l’Intérieur.

3.   Des dispositions modifiées par la Commission

Sur l’avis favorable de vos rapporteurs, la commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement portant suppression du II de l’article 13 relatif à la tenue des agents de sûreté aéroportuaire.

Vos rapporteurs observent que la rédaction de cette disposition pouvait incidemment s’appliquer aux agents des douanes, également visés au II de l’article L. 6342-4 du code des transports.

Par ailleurs, les agents de sûreté aéroportuaire sont soumis au port d’un uniforme commun depuis la publication de l’arrêté du 12 septembre 2013 fixant les conditions de mise en œuvre de l’uniforme prévu à l’article R. 213-5-2 du code de l’aviation civile.

Enfin, les obligations relatives aux éléments d’identification communs prévues au I de l’article s’appliqueront également aux agents de sûreté aéroportuaire.

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Article 13 bis
(art. L. 614-3 du code de la sécurité intérieure)
Exception au port d’une tenue pour les personnels exerçant une activité de protection physique des personnes

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

La commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs qui inscrit dans la loi l’exception au port d’une tenue pour les agents chargés de la protection physique des personnes.

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L’exercice d’une activité privée de protection physique des personnes nécessite de faire preuve de discrétion. Le port obligatoire d’un uniforme exposerait à la fois les agents et les personnes qu’ils protègent.

Alertés par cette situation en amont de l’examen de la proposition de loi en commission, vos rapporteurs ont souhaité l’adoption d’un amendement précisant, à l’article L. 614-3 du code de la sécurité intérieure, que les agents chargés d’une activité de protection des personnes ne sont pas soumis à l’obligation générale du port d’un uniforme.

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Article 14
(art. L. 613-1 du code de la sécurité intérieure)
Missions de surveillance sur la voie publique contre les actes terroristes

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet aux agents chargés d’activités de surveillance et de gardiennage d’exercer des missions de surveillance contre les actes terroristes sur la voie publique, à titre exceptionnel et sur autorisation du préfet.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure a été modifié par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ([102]) pour permettre aux agents d’exercer leurs activités au sein des périmètres de protection créés par cette même loi.

1.   L’état du droit

a.   Les lieux d’exercice des missions de surveillance et de gardiennage sont strictement définis

L’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure définit limitativement les espaces au sein desquels les agents de surveillance et de gardiennage exercent leurs fonctions.

Dans sa rédaction initiale, son premier alinéa leur donnait compétence uniquement à l’intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux où ils ont la garde. Dans une réponse à une question écrite formulée par un parlementaire, le ministère de l’Intérieur a précisé la notion de « limite des lieux gardés ». Celle-ci « permet aux agents d’assurer leur mission de surveillance sur des espaces non bâtis tels que des parkings privés ou des terrains et dépendances de propriétés, sans pour autant pouvoir y intégrer une portion de voie publique, même immédiate. » ([103])

La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a modifié l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure afin de permettre aux agents de surveillance et de gardiennage d’exercer leurs missions dans les périmètres de protection créés par cette même loi ([104]).

En outre, l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure autorise ces agents à assister les membres de la force publique afin de réaliser, au sein de ces périmètres, des inspections et fouilles de bagages ainsi que des palpations de sécurité, sous l’autorité d’un officier de police judiciaire.

b.   Des modalités d’intervention sur la voie publique sont aménagées pour certaines missions, dont l’énumération mériterait d’être étendue

Le second alinéa de l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure permet aux agents de réaliser sur la voie publique des missions, même itinérantes, de surveillance contre les vols, dégradations et effractions des biens dont ils ont la garde.

Ces missions, dont l’objectif est « de s’assurer que la présence d’agents privés sur la voie publique est justifiée par des circonstances spécifiques, exposant les biens surveillés à un risque avéré d’agression » ([105]), doivent néanmoins faire l’objet d’une autorisation délivrée à titre exceptionnel par le préfet, sur requête écrite du client de l’entreprise chargée de cette surveillance.

Cet encadrement strict inscrit cette disposition dans le respect de l’interdiction d’exercice d’une mission de surveillance générale de la voie publique, rappelée régulièrement par la jurisprudence constitutionnelle et administrative.

Le principe d’interdiction d’exercice d’une mission de surveillance générale de la voie publique confiée à des personnes privées

Par une décision fondatrice de 1932, le Conseil d’État a estimé que les pouvoirs de police municipale ne se délèguent pas, et ne peuvent donc pas être confiés à une fédération de propriétaires privés ([106]). Plus récemment, il a jugé que des agents de surveillance et de gardiennage ne peuvent pas exercer de mission de surveillance générale dans la voie publique ([107]).

En 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution une disposition de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ([108]) qui confiait de telles missions à des agents privés de sécurité, estimant que l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen interdit « la délégation à une personne privée des compétences de police administrative inhérentes à l’exercice de la “force publique” nécessaire à la garantie des droits » ([109]), cette méconnaissance pouvant faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité ([110]).

Saisi des dispositions de l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure modifiées par la loi du 30 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la possibilité de déléguer à des agents privés de sécurité des missions de surveillance de la voie publique à titre exceptionnel au sein des périmètres de protection. Il a néanmoins émis une réserve d’interprétation, estimant qu’il incombe aux pouvoirs publics de « prendre les dispositions afin de s’assurer que soit continûment garantie l’effectivité du contrôle exercé sur ces personnes par les officiers de police judiciaire » ([111]).

Alors que l’ensemble du territoire est désormais placé au niveau Vigipirate « urgence attentat », nécessitant une intense mobilisation des forces de sécurité intérieure, l’association des forces privées de sécurité, déjà sur place, et donc déjà opérationnelles, doit permettre de renforcer le dispositif sécuritaire actuellement déployé.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article modifie le second alinéa de l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure afin de permettre aux agents de surveillance et de gardiennage d’exercer sur la voie publique, à titre exceptionnel et sous autorisation, des missions, même itinérantes, de surveillance contre les actes de terrorisme.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 15
(art. L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite)
Régime dérogatoire de cumul emploi-retraite pour les policiers nationaux exerçant dans le domaine de la sécurité privée

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article instaure un régime dérogatoire aux règles de cumul emploi‑retraite en vigueur au profit des policiers nationaux souhaitant exercer une activité dans le domaine de la sécurité privée, afin de leur permettre de la cumuler sans plafonnement avec leur pension.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ([112]) a instauré un régime de cumul emploi-retraite libéralisé permettant aux fonctionnaires de cumuler intégralement leurs pensions avec l’exercice d’une autre activité professionnelle. La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir professionnel ([113]) a restreint ce cumul en y instaurant un plafond.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement de nature rédactionnelle ainsi qu’un amendement des rapporteurs limitant les dispositions de cet article aux catégories actives de la police nationale.

1.   L’état du droit

L’article 88 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale a ouvert à l’ensemble des retraités, y compris les retraités de la fonction publique, un cumul sans restriction du plafonnement d’une pension de retraite et d’une activité professionnelle.

Ce cumul a fait l’objet d’un encadrement par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite. Désormais, il n’est permis que si ces revenus ne dépassent pas le tiers du montant annuel brut de la pension reçue, majoré de 7 095,19 euros. En cas d’excédent, celui-ci est déduit de la pension versée.

L’article L. 84 du code des pensions civiles et militaires prévoit néanmoins deux catégories d’exception à ce principe.

Le I de cet article autorise un cumul total de certaines activités avec une pension de retraite, parmi lesquelles les activités artistiques, la participation à des activités juridictionnelles ou à des instances consultatives ou délibératives et les vacations dans certains établissements publics.

Le II de cet article prévoit également des exceptions liées à la qualité du pensionné, qui bénéficient notamment aux militaires, mais pas aux policiers. Or, il paraît souhaitable de permettre aux fonctionnaires de police de bénéficier de cette dérogation qui profite déjà aux gendarmes. Par ailleurs, l’absence de ce cumul contribue au vieillissement de ce corps, les fonctionnaires de police prenant leur retraite de plus en plus tard.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article complète le I de l’article L. 86-1 en y insérant un I bis, qui créé un régime dérogatoire pour les retraités de la police nationale afin de leur permettre de cumuler entièrement leur pension avec une activité de sécurité privée. Cette exception, qui doit permettre de faire bénéficier le secteur de la sécurité privée des compétences et expériences des policiers, est d’autant plus légitime que les gendarmes peuvent déjà cumuler librement leur pension avec l’exercice d’une telle activité.

3.   Des dispositions modifiées par la Commission

Outre un amendement de nature rédactionnelle, la commission des Lois a adopté un amendement de vos rapporteurs limitant le bénéfice de l’exception au cumul emploi-retraite aux seules catégories actives de la police nationale.

Vos rapporteurs considèrent que les ressemblances et les similarités entre ces métiers et ceux exercés par les agents de sécurité privée justifient la création d’une telle exception, ce qui est moins le cas des autres métiers de la police nationale.

Leur amendement vise également à garantir la constitutionnalité de cette disposition. Le Conseil constitutionnel estime que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. » ([114]) En ciblant spécifiquement les catégories actives de la police nationale, vos rapporteurs entendent s’assurer du caractère proportionné de l’exception au cumul emploi-retraite qu’ils mettent en place.

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Article 16
(art. L. 625-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Interdiction d’exercer une activité de formation en cas de retrait de la carte professionnelle ou d’interdiction temporaire d’exercice

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article créé une nouvelle disposition interdisant l’exercice d’une activité de formation en cas de retrait de la carte professionnelle ou d’une interdiction temporaire d’exercice.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

1.   L’état du droit

L’article L. 625-1 du code de la sécurité intérieure impose aux exploitants individuels et aux personnes morales de droit privé, établis sur le territoire français et n’ayant pas conclu de contrat d’association avec l’État, d’obtenir une autorisation d’exercice selon des modalités fixées par l’article L. 625-2 du même code.

Depuis la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, l’ensemble des organismes de formation aux activités de sécurité privée font désormais l’objet de ce contrôle administratif.

Dans son dernier rapport annuel, le CNAPS fait état de 244 autorisations d’exercice délivrées en 2019, dont 101 autorisations provisoires de six mois et 143 autorisations d’exercice de cinq ans. « Au 31 décembre 2019, 627 établissements étaient certifiés et autorisés par le CNAPS (591 autorisations d’exercice délivrées pour 5 ans, et 36 autorisations d’exercice provisoire délivrées à de nouveaux acteurs de la formation), représentant 426 organismes de formation. » ([115])

 La délivrance de cette autorisation nécessite de respecter trois critères

L’obtention d’une autorisation est conditionnée au respect de trois critères, précisés par l’article L. 625-2 du code de la sécurité intérieure :

– le demandeur doit être titulaire d’une déclaration d’activité, enregistrée dans les conditions fixées aux articles L. 6351-1 à L. 6351-8               du code du travail ;

– la personne physique qui dirige l’organisme doit également respecter plusieurs conditions, précisées aux 1° à 4° de l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure ([116]) ;

– l’organisme doit avoir fait l’objet d’une certification dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ([117]). Celle-ci vise à garantir le respect de certains standards minimaux en matière de formation ([118]).

 L’autorisation peut être suspendue ou retirée

L’autorisation délivrée par la commission d’agrément peut être suspendue, voire retirée. Les conditions de suspension sont précisées à l’article L. 625-5 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit qu’elle peut être prononcée par le président de la commission d’agrément et de contrôle, en cas d’urgence, pour une durée maximale de six mois. L’autorisation peut être suspendue si la personne morale ou son dirigeant fait l’objet de poursuites pénales.

En outre, l’article L. 625-4 permet le retrait de cette autorisation si la personne physique ou morale ne remplit plus les trois conditions posées par l’article L. 625-2 du code de la sécurité intérieure ou si la direction ou la gestion de l’organisme de formation est exercée, non pas par ses représentants légaux, mais par une personne interposée agissant directement ou indirectement.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article cherche à mieux contrôler la profession de formateur. Il créé un nouvel article L. 625-2-1 du code de la sécurité intérieure, qui interdit l’emploi ou l’affectation d’un individu à une activité de formation professionnelle s’il a fait l’objet d’un retrait de carte professionnelle ou d’une interdiction temporaire d’exercice de l’activité privée de sécurité.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 16 bis
(art. L. 612-20 et L. 622-19 du code de la sécurité intérieure)
Exception à l’obtention d’une certification professionnelle par validation des acquis de l’expérience dans le secteur de la sécurité privée

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Inséré par amendement du Gouvernement, l’article 16 bis écarte les dispositions du code du travail relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE) pour obtenir une qualification dans le secteur de la sécurité privée.

1.   L’état du droit

Les articles L. 612-20 et L. 622-19 du code de la sécurité intérieure conditionnent l’exercice d’une activité de sécurité privée ou de détective privé à la justification de l’aptitude professionnelle du dirigeant ou du salarié. Il existe néanmoins une dispense de justification d’aptitude professionnelle qui bénéficie à certains policiers, gendarmes et militaires, selon des modalités précisées dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure ([119]).

La partie réglementaire du code de la sécurité intérieure prévoit trois modalités pour apporter cette justification ([120]), dont l’obtention d’une certification professionnelle par VAE, pour toute personne ayant exercé une activité professionnelle salariée ou non salariée pendant au moins un an, de façon continue ou non ([121]).

Alors que, dans le secteur de la sécurité privée, la formation professionnelle fait l’objet d’un contrôle exercé par le CNAPS depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ([122]), la VAE repose exclusivement sur l’appréciation d’un jury professionnel, qui se prononce en examinant le dossier du candidat et à l’issue d’un entretien avec lui ([123]).

Ces modalités ne manquent pas de susciter d’importantes disparités selon les sessions d’examen et les organismes de formation. De surcroit, elles permettent en pratique aux candidats de s’exonérer des exigences de formation prévues par le code de la sécurité intérieure.

2.   Le dispositif proposé

Cet article a pour objet d’écarter le recours à la VAE pour justifier de son aptitude professionnelle à exercer ces métiers sensibles, en prévoyant, aux articles L. 612-20 et L. 622-19 du code de la sécurité intérieure, une dérogation aux dispositions du livre IV de la sixième partie du code du travail, qui en fixe le cadre juridique.

Vos rapporteurs souscrivent aux dispositions de ce nouvel article motivé tant par des enjeux de sécurité dans l’accès à ce secteur d’activité que par l’objectif partagé de montée en compétences de ses salariés et dirigeants.

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Article 17
(art. L. 612-22 et L. 622-21 du code de la sécurité intérieure)
Condition de maîtrise de la langue française et de production d’une lettre d’intention d’embauche pour l’obtention d’une autorisation d’accès à la formation professionnelle

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article conditionne l’accès à la formation professionnelle des ressortissants européens et étrangers pour l’exercice d’une activité privée de sécurité à un justificatif attestant de la connaissance de la langue française et, lorsque ces activités sont exercées par un agent armé ou pour les opérations d’inspection-filtrage, à la production d’une lettre d’intention d’embauche. Il impose également de justifier d’une connaissance suffisante de la langue française pour accéder à une formation d’agent de recherches privées.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs précisant que les entreprises rédigeant une lettre d’intention d’embauche doivent exercer l’activité pour laquelle le bénéficiaire de cette lettre souhaite suivre une formation. Elle a également adopté un amendement de nature rédactionnelle.

  1. L’état du droit

L’ensemble des agents exerçant une activité privée de sécurité privée ou d’agent de recherches privées doivent détenir une carte professionnelle, dont l’une des conditions d’obtention est la justification d’une aptitude professionnelle.

Hors exceptions, cette justification nécessite l’obtention d’une certification professionnelle se rapportant à l’activité exercée ou d’un certificat de qualification professionnelle ([124]). Les enseignements devant être maitrisés pour obtenir cette certification sont précisés dans le code de la sécurité intérieure ([125]).

L’accès à une formation permettant aux élèves d’obtenir cette certification est néanmoins conditionnée à l’obtention d’une autorisation préalable délivrée par la commission locale d’agrément et de contrôle territorialement compétente, pour une durée de six mois ([126]).

  1. L’autorisation préalable de l’article L. 612-22

L’article L. 612-22 du code de la sécurité intérieure, qui concerne les formations aux activités de sécurité privée, dispose que « l’accès à une formation en vue d’acquérir l’aptitude professionnelle est soumis à la délivrance d’une autorisation préalable, fondée sur le respect des trois conditions fixées au 1°, 2° et 3° de l’article L. 612-20 », c’est-à-dire :

– l’absence de condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;

– un comportement ou des agissements qui ne doivent pas être « contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État et sont incompatibles » avec l’exercice des fonctions pour lesquelles la carte professionnelle est nécessaire, ce comportement ou ces agissements étant déterminés par les résultats d’une enquête administrative du CNAPS ;

– ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée.

À titre d’exemple, la jurisprudence administrative a confirmé des refus de délivrance d’autorisation pour des faits ayant donné lieu, entre autres, à des mises en cause pour violence sur dépositaire de l’autorité publique avec incapacité inférieure à huit jours et outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ([127]), et des faits ayant entraîné le prononcé de condamnations judiciaires pour conduite de véhicule sans permis et sans assurance ([128]). Toutefois, l’ancienneté des faits considérés ainsi que le comportement de l’intéressé peuvent justifier l’illégalité d’une décision de refus ([129]).

  1. L’autorisation préalable de l’article L. 622-21

L’article L. 622-21 du code de la sécurité intérieure, qui s’applique aux formations d’agent de recherches privées, conditionne également l’accès à une formation en vue d’acquérir l’aptitude professionnelle à une autorisation préalable. Cette autorisation nécessite de respecter les deux premières conditions ci-dessus, ainsi que la justification de son aptitude professionnelle. Cette dernière condition est supprimée par l’article 10 de la présente proposition de loi.

  1. Le dispositif proposé

Les premier et dernier alinéas du présent article complètent les dispositions des articles L. 612-22 et L. 622-21 du code de la sécurité intérieure en y insérant un nouvel alinéa qui prévoit, dans la continuité de l’article 10 de la proposition de loi, que tous les ressortissants européens et étrangers doivent justifier d’une connaissance de la langue française suffisante pour exercer les activités e de sécurité visées à ces articles. Ils renvoient à un décret en Conseil d’État le soin de définir les modalités d’application de cette disposition.

Le deuxième alinéa subordonne la délivrance d’une autorisation préalable pour l’exercice d’une activité privée de sécurité à la production d’une lettre d’intention d’embauche, émise par une entreprise titulaire de l’autorisation d’exercer ([130]) ou par une entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d’une activité de sécurité privée, dans les deux cas exposés ci-après :

– pour accéder à une formation permettant d’acquérir l’aptitude professionnelle à réaliser les opérations d’inspection-filtrage mentionnées à l’article L. 6342-4 du code des transports et dont l’exercice requiert une certification au titre du règlement (UE) 2015/1998 ([131]) ;

– pour accéder à une formation permettant d’exercer une de ces activités en étant armé ([132]).

3. Des dispositions complétées par la Commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission des Lois a adopté un amendement de vos rapporteurs qui complète les dispositions conditionnant la délivrance d’une autorisation préalable pour l’accès à la formation à la production d’une lettre d’intention d’embauche.

Afin d’éviter de possibles contournements de cette règle, cet amendement précise que les entreprises rédigeant la lettre d’embauche doivent exercer l’activité pour laquelle l’individu poursuit une formation.

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Article 18
(art. L. 613-2 et L. 613-3 du code de la sécurité intérieure)
Suppression de l’habilitation spécifique et de l’agrément pour réaliser des palpations de sécurité

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie le régime juridique des palpations de sécurité réalisées en cas de menaces graves pour la sécurité publique ou dans le cadre d’un périmètre de protection et pour accéder à l’enceinte de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, en supprimant l’habilitation et/ou l’agrément nécessaires pour mener ces opérations.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure a fait l’objet d’une modification par la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités ([133]) afin de permettre aux agents de surveillance et de gardiennage d’être associés aux missions de surveillance générale de la voie publique dans les périmètres de protection créés par la même loi.

1. L’état du droit

 Les palpations de sécurité réalisées en cas de menace grave pour la sécurité publique ou dans le cadre d’un périmètre de protection

L’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure permet aux personnes effectuant des activités privées de surveillance et de gardiennage de procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. Il rend également possible les palpations de sécurité, sous une triple condition :

– ces agents doivent avoir été spécialement habilités à cet effet et agréés par le préfet, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État ([134]) ;

– ces opérations ne peuvent avoir lieu qu’en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ([135]) ou lorsqu’un périmètre de protection a été institué ;

– elles requièrent le consentement exprès de la personne concernée.

Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution ([136]).

 Les fouilles réalisées pour accéder à l’enceinte de manifestations sportives, récréatives ou culturelles

L’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, déclaré conforme à la Constitution ([137]), permet aux agents de surveillance et de gardiennage de procéder à des inspections visuelles des bagages ainsi qu’à leur fouille dans les mêmes conditions que celles de l’article L. 613-2.

Ils peuvent également procéder à des palpations de sécurité pour l’accès à des lieux de manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs. Ils doivent néanmoins avoir au préalable été agréés par la commission d’agrément et de contrôle territorialement compétente.

Ces palpations sont réalisées sous le contrôle d’un officier de police judiciaire et avec le consentement exprès de la personne concernée. Elles doivent être diligentées par une personne du même sexe.

2. Le dispositif proposé

Le modifie l’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure afin de supprimer l’habilitation spéciale et l’agrément du préfet pour réaliser des palpations de sécurité, en cas de menaces graves pour la sécurité publique ou dans le cadre des périmètres de protection.

Le modifie l’article L. 613-3 du même code afin de supprimer l’agrément délivré par les commissions d’agrément et de contrôle nécessaire pour réaliser des palpations de sécurité pour l’accès aux enceintes dans lesquelles sont organisées des manifestations de plus de 300 spectateurs.

La suppression de ces dispositions, qui complexifient inutilement l’association des agents privés de sécurité à ces opérations de contrôle, doit permettre à l’avenir de renforcer les synergies entre le secteur des activités privées et les forces de l’ordre, notamment en vue des grands événements accueillis en France en 2023 et 2024.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 19
Remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de réglementer certaines activités privées de sécurité

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la remise au Parlement d’un rapport examinant l’opportunité de réglementer certaines activités pour contrôler la moralité et l’aptitude professionnelle des agents exerçant certaines activités privées de sécurité.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

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L’exercice d’une activité privée de sécurité mentionnée au livre VI du code de la sécurité intérieure ([138]) nécessite de satisfaire à des conditions de moralité et d’aptitude professionnelle appréciées par le CNAPS. Toutefois, certaines activités ne sont pas concernées par cette régulation. Il s’agit plus particulièrement de celles relatives à la conception, l’installation et la maintenance des dispositifs de sécurité électronique, la fourniture de services de conseil dans les domaines de la sécurité et de la sûreté ainsi que la fourniture de services de sécurité à l’étranger.

L’intégration de nouvelles filières dans le périmètre de contrôle du CNAPS, souhaitée par vos rapporteurs, pourrait avoir des conséquences importantes sur ces secteurs et nécessite de mener au préalable une réflexion sur ce sujet.

Le présent article prévoit la transmission au Parlement, dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la loi, d’un rapport du Gouvernement afin d’étudier les possibilités de réglementation de ces activités. Ce rapport permettra également de mesurer les conséquences de cette régulation pour le CNAPS.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 19 bis
(art. L. 611-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Habilitation des agents de sécurité privée à détecter les drones
aux abords des biens dont ils ont la garde

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article, issu d’un amendement du gouvernement, permet aux agents de sécurité privée de détecter les drones circulant aux abords immédiats des biens dont ils ont la garde, à l’exclusion de toute intervention.

1.   L’état du droit

Les drones sont des engins volants sans passager pilotés à distance. Le code des transports encadre leur utilisation, notamment pour prévenir le survol illégal de certains terrains sensibles ou protégés – à l’instar des prisons ou des centrales nucléaires. L’article L. 6211-4 du code des transports renvoie au pouvoir réglementaire la détermination de ces espaces ([139]).

La violation d’une interdiction de survol est punie de six mois d’emprisonnement et 15 000 € d’amende lorsqu’elle est le résultat d’une négligence ou d’une maladresse. L’engagement volontaire ou le maintien du drone dans une de ces zones est sanctionné d’un an de prison et de 45 000 € d’amende. Une peine complémentaire de confiscation du drone peut également être prononcée ([140]).

Afin d’identifier plus facilement les aéronefs concernés, le code des postes et des communications électroniques prévoit, depuis 2018, une obligation d’émission d’un signalement lumineux et d’un dispositif de signalement électronique ou numérique pour tous les drones de plus de 800 grammes ([141]).

2.   Le dispositif proposé

Sur l’avis favorable de vos rapporteurs, la commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement qui autorise les agents de sécurité privée à détecter la présence de drones aux abords des biens dont ils ont la garde en ayant recours aux moyens radioélectriques, électroniques ou numériques en leur possession.

Cette disposition nécessite néanmoins de remplir une condition et est limitée par une réserve. D’une part, les aéronefs concernés doivent représenter une menace pour la sécurité des personnes et des biens. D’autre part, les agents de sécurité privée ne disposent que d’un pouvoir de détection des drones. Ils ne peuvent donc pas constater une infraction. Ils sont en revanche autorisés à transmettre les informations recueillies aux forces de sécurité intérieure.

Vos rapporteurs souscrivent à cette disposition, qui s’inscrit dans le dispositif de sécurisation des sites sensibles, comme le seront ceux accueillant les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Elle facilitera la collecte de preuves en cas de survol illégal et permettra aux agents de sécurité privée et aux gestionnaires des sites protégés d’être plus réactifs en cas de menaces. En outre, elle contribuera à mieux protéger les sites sensibles contre la menace d’espionnage industriel.

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Article 19 ter
(art. L. 612-20, L. 613-7-1 A [nouveau], L. 617-1, L. 617-7 du code de la sécurité intérieure et art. L. 1634-4 du code des transports)
Encadrement des modalités d’exercice de l’activité cynotechnique privée
de pré-détection d’explosifs

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article, issu d’un amendement du Gouvernement, précise le régime juridique applicable aux activités cynotechniques privées de pré-détection d’explosif réalisées par des agents de sécurité privée.

1.   L’état du droit

Les attentats terroristes survenus au cours des dernières années ont entraîné un fort recours aux équipes cynotechniques de pré-détection d’explosifs. Comme l’observaient vos rapporteurs dans leur rapport au Gouvernement, « depuis les attaques subies en 2015, le recours à des unités spécialisées en la matière est croissant. Si l’État s’est doté de moyens, la permanence de la menace justifie le déploiement de personnels privés. Les concertations avec la branche professionnelle et les grands opérateurs ont permis d’estimer le besoin en équipes privées certifiées à un nombre compris entre 700 et 1000 d’ici à 2024, année où l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques entraînera un recours massif à ces dispositifs. Une mobilisation accrue est donc nécessaire. ».

Pour parer à cette difficulté, la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ([142]) autorise déjà des équipes cynotechniques privées à intervenir dans les transports publics, « dans le seul but de mettre en évidence l’existence d’un risque lié à la présence de matières explosives, dès lors que cette équipe a fait l’objet d’une certification technique relative à l’environnement spécifique de travail dans lequel elle est amenée à intervenir » ([143]).

Le même article renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des conditions de formation et de qualification des équipes cynotechniques et les conditions de délivrance et de contrôle de la certification technique nécessaires à l’exercice de cette activité.

Il existe, en outre, un encadrement minimal de l’utilisation des chiens dans l’exercice d’une activité privée de sécurité. L’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure prévoit ainsi qu’un tel agent doit avoir obtenu une qualification spécifique pour exercer son activité. Cette certification est soumise à des enseignements supplémentaires ainsi qu’à une formation initiale pratique ([144]).

Vos rapporteurs estiment toutefois essentiel de préciser les exigences de formation et de certification attendues de ces professionnels, et partagent l’objectif du Gouvernement d’un meilleur encadrement juridique de cette filière, dont le développement va se poursuivre avec la Coupe du monde de rugby et les Jeux Olympiques et Paralympiques accueillis en France en 2023 et 2024.

2.   Le dispositif proposé

Sur l’avis favorable de vos rapporteurs, la commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement précisant le régime juridique applicable aux agents de sécurité privée exerçant une activité cynotechnique de pré-détection d’explosif.

Le 2° du I créé un nouvel article L. 613-7-1 A qui permet cette activité, tout en l’encadrant :

– les agents doivent avoir fait l’objet d’une certification et être soumis à un contrôle régulier de compétences, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État ([145]). Le b) du 1° prévoit le retrait de la carte professionnelle en cas de violation de cette obligation ;

– cette activité n’est pas compatible avec celles des agents de sécurité privée réalisant des inspections visuelles ou des fouilles de bagages et des palpations de sécurité, en cas de menace grave à la sécurité publique ou dans le cadre d’un périmètre de protection ou de grandes manifestations, prévues aux articles L. 6132 et L. 613-3 du code de la sécurité intérieure ;

– elle ne peut pas s’exercer sur des personnes physiques ;

– les chiens ne peuvent pas être utilisés pour d’autres finalités que l’identification d’un risque lié à la présence de matières explosives.

En conséquence, le a) du 1° procède à un ajustement rédactionnel des conditions ayant trait à la justification de l’aptitude professionnelle et à l’obtention d’une qualification spécifique pour les agents de sécurité privée ayant recours à un chien dans le cadre de leurs fonctions, mentionnées à l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure.

Le 3° prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende en cas d’utilisation du chien à d’autres fins que celles précisées à cet article, lorsque l’agent exerce son activité sans respecter les exigences de certification – le 4° prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende pour son employeur – ou s’il exerce cette activité sur une personne physique.

Le II modifie le code des transports afin d’y inscrire des sanctions similaires lorsqu’elles sont réalisées dans les transports publics. Enfin, le III prévoit une entrée en vigueur de cette dernière disposition lors de l’entrée en vigueur du décret prévu au nouvel article L. 613-7-1 A du code de la sécurité intérieure.

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Article 19 quater
Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure
visant à adapter les modalités d’organisation, de fonctionnement
et d’exercice des missions du CNAPS

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure visant à adapter les modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du CNAPS, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi.

––

Créé par la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011, le CNAPS demeure un établissement public administratif jeune, dont le fonctionnement doit être révisé. C’est l’objectif de cet article, issu d’un amendement du Gouvernement adopté sur l’avis favorable de vos rapporteurs, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de procéder à des modifications des modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du CNAPS.

Plusieurs pistes sont envisagées par le Gouvernement, dont la révision de la composition des membres du collège du CNAPS. Dans leur rapport au Gouvernement, vos rapporteurs avaient fait des propositions dans ce sens en suggérant d’y intégrer deux parlementaires, un second siège pour les directions générales de la police et de la gendarmerie nationales et des représentants des donneurs d’ordre.

Cette habilitation devrait aussi permettre de faciliter l’exercice des missions de police administrative et disciplinaire du CNAPS. À cet égard, vos rapporteurs proposaient de simplifier l’enchevêtrement de compétences entre le CNAPS, la CNAC et les CLAC. Ils suggéraient également de systématiser le dépaysement des dossiers disciplinaires examinés par les CLAC, de faire de la CNAC une autorité indépendante lorsqu’elle se réunit en formation de jugement et d’établir des standards communs pour les décisions administratives qu’elle rend.

Dans tous les cas, les modifications qui seront apportées tendront vers une plus grande efficience du CNAPS, désirée par l’ensemble de la profession.

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Article 19 quinquies
Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure relative aux modalités de formation, d’examen et d’obtention des certifications professionnelles et aux conditions d’exercice et de contrôle des activités de formation

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure concernant les modalités de formation, d’examen et de certification, et les conditions d’exercice et de contrôle des activités des organismes de formation, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la publication de la loi.

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Dans leur rapport au Gouvernement, vos rapporteurs soulignaient « les efforts entrepris depuis quelques années afin de moraliser le secteur de la formation aux métiers de la sécurité. Lui aussi se révélait foisonnant, proposant des offres très hétérogènes dont beaucoup ne correspondaient pas aux critères attendus. Une action est conduite par le CNAPS afin de le professionnaliser et de le mettre réellement au niveau. La mission s’en félicite et souligne qu’il est impératif de poursuivre les efforts entrepris afin de rationaliser l’offre de formation. À cet égard, la politique de contrôle des structures dispensant les formations doit être poursuivie. »

Ils formulaient plusieurs recommandations, dont la poursuite des efforts entrepris par le CNAPS et l’exercice d’un contrôle administratif sur les personnels qui dispensent les formations. Le contrôle de l’évaluation des candidats dans le dispositif de formation est également souhaitable.

La mise en place d’un meilleur encadrement dans ce domaine est essentiel : bien que le CNAPS soit habilité à contrôler les organismes de formation depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, la qualification des agents n’est aujourd’hui toujours pas à la hauteur des tâches qui leur seront confiées demain.

Cet article, proposé par amendement du Gouvernement adopté sur l’avis favorable de vos rapporteurs, habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de vingt-quatre mois après l’entrée en vigueur de la proposition de loi, afin de renforcer ces exigences, que vos rapporteurs estiment incontournables. Le travail de consultation que le Gouvernement prévoit de mener et l’ampleur de la réforme proposée en justifient pleinement le recours.

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TITRE III
Vidéoprotection et captation d’images

Article 20
(art. L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure)
Extension du déport de la vidéoprotection aux agents de police municipale et aux agents de la ville de Paris

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend les possibilités de déport des images de vidéoprotection vers les services des polices municipales et, à Paris, vers les différents agents de la ville de Paris chargés d’un service de police.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 73 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a permis aux commerçants, après information du maire de la commune concernée et autorisation des autorités publiques compétentes, de mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéoprotection aux fins d’assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Les dispositions du chapitre II (articles L. 252-1 à L. 252-7) du titre V du livre II du code de la sécurité intérieure fixent les conditions d’autorisation et de fonctionnement des systèmes de vidéoprotection.

L’autorisation est délivrée par le préfet après avis de la commission départementale de vidéoprotection, pour une durée de cinq ans renouvelable. Elle précise les conditions relatives à la qualité des personnes chargées de l’exploitation du système et de celles visionnant les images. Elle fixe également la durée de conservation des images qui ne peut excéder un mois hormis le cas d’une enquête de flagrant délit, d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire.

Le dernier alinéa de l’article L. 251-2 prévoit qu’après information du maire de la commune concernée et autorisation des autorités publiques compétentes, des commerçants peuvent mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéoprotection aux fins d’assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol.

Dans ce cas, l’article L. 252-2 prévoit que le visionnage de ces images ne peut être assuré que par des agents de l’autorité publique individuellement désignés et habilités des services de police et de gendarmerie nationale.

Le 1° du présent article ouvre cette faculté aux policiers municipaux, aux agents de la ville de Paris chargés d’un service de police, aux contrôleurs et agents de surveillance de Paris ainsi qu’aux policiers municipaux parisiens.

La collecte d’images n’est pas élargie, il s’agit seulement d’une modification des personnes autorisées à les visionner.

Par coordination, le 2° du présent article modifie l’article L. 252-3 afin de préciser que l’autorisation d’installation d’un système de vidéoprotection peut prescrire que les agents individuellement désignés et dûment habilités destinataires des images et enregistrements puissent être des policiers municipaux, des agents de la ville de Paris chargés d’un service de police, des contrôleurs et agents de surveillance de Paris ainsi que des policiers municipaux parisiens.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 20 bis
(art. L. 126–1–1 du code de la construction et de l’habitation)
Extension du régime de déport de la vidéosurveillance des bailleurs
vers les forces de l’ordre

Introduit par la Commission

     Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article additionnel est issu d’un amendement de vos rapporteurs adopté par la Commission.

Le cadre juridique actuel de mise en œuvre des déports d’images vidéos depuis les immeubles collectifs à usage d’habitation à l’attention des forces de sécurité intérieure n’offre qu’une possibilité limitée de réactivité. En effet, cette transmission n’est pour l’instant possible qu’en cas de commission imminente d’une atteinte grave aux personnes ou aux biens.

Cela ne permet pas de prendre en compte l’ensemble des situations qui peuvent constituer des nuisances quotidiennes pour les habitants, telles que les agressions, intrusions ou dégradations.

En conséquence, le 1° du présent article permet d’élargir les circonstances dans lesquelles le déport d’images peut être opéré aux cas d’occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des habitants ou qui empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité ou nuisent à la sécurité des lieux. Le 2° du présent article précise que ce déport d’images peut intervenir dès que les circonstances l’exigent. Par ailleurs, le 3° du présent article prévoit un dispositif d’urgence permettant aux forces de l’ordre de disposer à leur initiative de la transmission d’images en cas d’alerte.

Ces évolutions maintiennent les garanties existantes :

– l’accord préalable de la majorité des copropriétaires pour permettre la transmission des images ;

– l’existence d’une convention conclue entre le gestionnaire de l’immeuble et le préfet précisant les conditions et modalités des transferts d’images ;

– le dispositif d’information des personnes.

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Article 20 ter
(art. L. 12251–4–2 [nouveau] du code des transports)
Extension du déport de la vidéoprotection à certains agents des services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF

Introduit par la Commission

     Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article additionnel est issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la Commission. Il permet aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, qui bénéficient d’un statut particulier et de prérogatives spécifiques prévues par le code des transports ([146]), de pouvoir visionner les images déportées vers les salles d’information et de commandement de l’État, sous le contrôle des services de police et de gendarmerie nationales.

Sont prévues plusieurs garanties pour que cette coordination ne se traduise pas par une délégation de missions de surveillance générale de la voie publique. Les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ne pourront visionner ces images qu’au sein des salles de commandement placées sous la responsabilité de l’État, ils seront placés sous le contrôle direct de personnels de la police et de la gendarmerie nationales et devront avoir fait l’objet d’une habilitation préfectorale.

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Article 21
(art. L. 241-1 du code de la sécurité intérieure)
Modifications du régime juridique applicable aux caméras mobiles

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie le cadre juridique actuellement applicable aux caméras mobiles pour les policiers nationaux et les gendarmes, notamment afin de prévoir une nouvelle finalité justifiant l’enregistrement – l’information du public sur les circonstances de l’intervention –, une possibilité de transmission en temps réel des images et un accès direct aux images par les personnes ayant procédé à l’enregistrement.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique a étendu, de manière expérimentale, l’usage des caméras individuelles aux sapeurs-pompiers et aux personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a précisé que les images servant à l’information du public sur les circonstances de l’intervention ne pourront être utilisées « que dans le respect de la protection de la vie privée des individus ». Elle a en outre encadré les conditions dans lesquelles les agents pourront avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent et a élargi aux policiers municipaux les apports du présent article.

1.   L’état du droit

Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure comporte, en l’état du droit, un chapitre unique relatif aux caméras mobiles composé de deux articles : le premier (article L. 241-1) concerne les policiers nationaux et les gendarmes, le second les policiers municipaux.

Après des premiers usages expérimentaux et localisés en 2008-2009, une expérimentation des caméras-piétons a été lancée sur une plus grande échelle à partir du mois de mai de l’année 2013 dans plusieurs zones de sécurité prioritaires ainsi que, en zone de gendarmerie, dans des « unités sensibles » avec pour objectif d’apaiser les relations entre la police et la population et de sécuriser les interventions de voie publique.

Au regard de son bilan positif, le dispositif a été pérennisé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

L’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure issue de la loi du 3 juin 2016 prévoit que l’enregistrement audiovisuel des interventions, déclenché à l’initiative de l’agent, a pour finalités :

– la prévention des incidents au cours des interventions ;

– le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;

– la formation et la pédagogie des agents.

Le double enjeu de la protection des forces de sécurité en intervention et de l’amélioration des relations entre forces de sécurité et population font du développement de l’usage des caméras individuelles comme de l’amélioration des dispositifs existants une priorité. C’est dans ce cadre que le Président de la République a annoncé, le 14 juillet dernier, sa volonté de doter l’ensemble des policiers et gendarmes de caméras individuelles. Dès juillet 2021, toutes les patrouilles de police et de gendarmerie devraient en être équipées.

Il faut noter qu’outre les policiers nationaux, les gendarmes et les policiers municipaux, d’autres catégories d’agents peuvent être équipés de caméras individuelles, à titre expérimental :

– les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, depuis la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs ([147]) ;

– les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, les militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon des marins-pompiers de Marseille et les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire, depuis la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique.

2.   Un cadre juridique et opérationnel pouvant encore être amélioré

Ce dispositif, bien que largement salué, fait l’objet de critiques portant sur le caractère excessivement restrictif du cadre juridique applicable et à la qualité, jugée insuffisante, des matériels.

Le ministre de l’intérieur, lors de son audition par la commission des Lois sur les crédits de la mission « Sécurités » le 19 octobre dernier, a relayé plusieurs souhaits d’amélioration exprimés par les policiers et les gendarmes : « Le policier ou le gendarme ne peut pas utiliser les images pour revoir ce qui s’est passé, soit afin de retrouver quelqu’un très rapidement – il n’y a pas de caméras de vidéoprotection absolument partout, ni de centre de supervision urbain (CSU) dans toutes les communes de France, en particulier en milieu rural –, soit pour pouvoir bien décrire ce qu’on a vu car, lorsqu’on est en intervention, en état de stress extrême, on peut confondre certaines choses et on n’a pas la même vision que la caméra – pour cela, il faudrait que les policiers et les gendarmes puissent avoir accès aux images : c’est interdit à l’heure actuelle –, soit pour permettre au ministère de l’intérieur de lutter contre les images sauvages mises en ligne par des gens qui filment les policiers et les gendarmes, à 5 centimètres de leur visage, et qui publient sur Twitter ou Facebook des images tronquées, susceptibles de montrer que la police ou la gendarmerie n’a pas fait correctement son travail dans le respect de la déontologie, alors qu’une vue d’ensemble révélerait que la scène est plus complexe et que les policiers ou les gendarmes ont utilisé la force d’une manière proportionnelle ». ([148])

3.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article modifie l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure relatif aux caméras individuelles portées par les policiers nationaux et les gendarmes.

Le a) insère une nouvelle finalité pour le recours à l’enregistrement : « l’information du public sur les circonstances de l’intervention ».

Le b) ajoute une possibilité de transmission en temps réel des images captées et enregistrées par les caméras mobiles au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention. Cette possibilité est toutefois limitée aux cas où la sécurité des personnes et des biens est menacée.

Il faut noter que cette possibilité de transmission en temps réel a été prévue à l’article L. 2251-4-1 du code des transports s’agissant des agents de la RATP et de la SNCF.

Le c) supprime la phrase en vertu de laquelle « les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent ». Il s’agit d’une demande forte et récurrente des agents, car cet accès leur serait très utile dans le cadre de la rédaction des PV par exemple.

En conséquence de l’intégration de cette possibilité d’accès direct, le d) prévoit que les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements lorsqu’ils sont consultés dans le cadre de l’intervention. Cette garantie est indispensable pour assurer la proportionnalité de l’atteinte au principe du respect de la vie privée.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté plusieurs amendements à cet article :

– sur proposition de M. Paul Molac, la Commission a précisé que les images servant à l’information du public sur les circonstances de l’intervention ne pourront être utilisées « que dans le respect de la protection de la vie privée des individus » ;

– sur proposition du groupe MoDem, la Commission a adopté un amendement visant à élargir le champ d’application de l’une des dispositions de ce chapitre aux caméras embarquées dans des véhicules motorisés. Cet amendement a été adopté malgré la demande de retrait de vos rapporteurs. En effet, pour vos rapporteurs, la réflexion sur le sujet des caméras embarquées mérite une réflexion plus globale qui ne semblait pas encore aboutie au stade de la Commission ;

– sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a encadré les conditions dans lesquelles les agents peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent. En effet, le principe du non-accès direct avait été identifié en 2016 par le Conseil d’État comme une garantie importante. Il importait donc de limiter cet accès direct aux seuls cas où il est absolument nécessaire : les procédures judiciaires (rédaction d’un PV, par exemple pour se remémorer exactement les circonstances de l’infraction) ou lors d’une intervention: (pour faire un signalement d’une personne en fuite, par exemple) ;

– sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a élargi aux policiers municipaux les apports du présent article.

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Article 22
(art. L. 242-1 à L. 242-3 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure)
Création d’un régime juridique encadrant le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée un cadre juridique dédié réglementant le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’usage des caméras aéroportées ne fait pas l’objet, en l’état du droit, d’un cadre juridique législatif.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements visant à encadrer plus rigoureusement le régime juridique relatif aux caméras aéroportées. Par ailleurs, trois amendements visant à élargir les finalités de recours aux caméras aéroportées ont été adoptés.

1.   L’état du droit

Le recours à la captation d’images par les autorités publiques est possible au moyens de différents dispositifs :

– la vidéoprotection, qui fait l’objet d’un cadre juridique depuis le milieu des années 1990, codifié aux articles L. 251-1 et suivants du code de la sécurité intérieure ;

– les caméras individuelles, qui font l’objet de plusieurs dispositions juridiques en fonction de la catégorie d’agents autorisée à y recourir ;

– les dispositifs aéroportés, qu’il s’agisse d’outils conventionnels – avions ou hélicoptères dotés de caméras – ou de dispositifs innovants comme les drones – aéronefs ne circulant sans personne à bord. Il n’existe cependant pas de cadre juridique législatif encadrant l’usage de ces caméras aéroportées par les autorités publiques.

La loi n° 2016-1428 du 24 octobre 2016 renforçant la sécurité de l’usage des caméras aéroportées civiles les a incluses dans la catégorie des aéronefs sans pilote, afin de sécuriser l’usage de l’espace aérien et les zones considérées comme réglementées ou dangereuses.

Pourtant, sur le plan opérationnel, l’utilité de ces drones n’est pas douteuse. Ils peuvent notamment servir en matière de police administrative (prévention de la délinquance, maintien de l’ordre, police des attroupements), de sécurité civile (secours, lutte contre les incendies) et de police judiciaire (collecter des éléments de preuve de la commission d’une infraction).

L’emploi des caméras aéroportées au sein de la police nationale relève des règles applicables aux aéronefs civils, notamment prévues par le code des transports et le code de l’aviation civile, avec plusieurs dérogations au cadre général ([149]). La réglementation des caméras aéroportées civils va être affectée par la réglementation européenne prise en application du règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile, même si des règles dérogatoires pour les services de police subsisteront.

En outre, la police nationale s’est dotée d’une doctrine d’emploi, fixée par une circulaire du 27 juillet 2018 relative à l’emploi des aéronefs télépilotés dans la police nationale.

La gendarmerie nationale opère des caméras aéroportées depuis 2005. Elles sont utilisées pour renseigner la chaine de commandement, informer les autorités, appuyer les unités, communiquer et soutenir les opérations. Le cadre juridique est différent de celui encadrant les caméras aéroportées de la police nationale puisqu’elles relèvent de la réglementation militaire ([150]).

Les caméras aéroportées restent encore peu utilisées, mais le développement de leur usage nécessite l’élaboration d’un cadre relatif à l’exploitation des images collectées ainsi qu’aux scénarios d’emploi, comme l’a montré une décision récente du Conseil d’État.

2.   La jurisprudence du Conseil d’État du 18 mai 2020

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’utilisation de caméras aéroportées par les services de l’État a soulevé, de manière inédite, la question du cadre juridique et des garanties applicables en la matière.

Des caméras aéroportées ont ainsi été utilisées pour contrôler le respect du confinement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid 19, par la préfecture de police à Paris et par quelques polices municipales.

Le Conseil d’État a toutefois ordonné à l’État de cesser sans délai la surveillance par drone du respect, à Paris, des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de déconfinement ([151]), tant qu’un texte réglementaire n’aura pas été pris après avis de la CNIL ou que les caméras aéroportées utilisées par la préfecture de police ne seront pas dotés de dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées. Le juge a en effet considéré que le dispositif en question constituait un traitement de données à caractère personnel.

Dès lors, au regard de cette jurisprudence et afin d’assurer la sécurité juridique des dispositifs existants ou envisagés, il parait important de définir un cadre juridique permettant de recourir à cette technologie tout en respectant les garanties de protection de la vie privée et des données à caractère personnel.

La CNIL, auditionnée par vos rapporteurs, a souligné qu’il serait utile que le législateur fixe un cadre spécifique.

En effet, de la même manière que le législateur a été amené à poser un cadre juridique encadrant l’utilisation de la vidéoprotection et des caméras individuelles, il est fondé, au titre de l’article 34 de la Constitution, à définir les conditions permettant d’assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public.

3.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article insère au sein du titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure un nouveau chapitre consacré aux « caméras aéroportées », composé de sept articles.

Le nouvel article L. 242-1 dispose que ce nouveau chapitre détermine les conditions dans lesquelles les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale, les services d’incendie et de secours et les formations militaires de la sécurité civile peuvent procéder au traitement d’images au moyen de caméras aéroportées.

Le nouvel article L. 242-2 précise que, en cas de mise en œuvre sur la voie publique, le recours aux caméras aéroportées est réalisé de telle sorte que ne soient pas visualisées les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.

Il s’agit de la reprise d’une condition qui prévaut en matière de vidéoprotection et qui a été considérée par le Conseil constitutionnel comme l’une des garanties de nature à sauvegarder l’exercice des libertés individuelles ([152]).

En outre, il est prévu que les images pourront être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.

Le nouvel article L. 242-3 impose une obligation d’information du public par tout moyen approprié de la mise en œuvre de caméras aéroportées et de l’autorité responsable.

Cette obligation d’information existe également s’agissant des caméras individuelles (article L. 241-1) et de la vidéoprotection (article L. 251-3). Cette « information claire » a aussi été considéré comme une garantie de nature à sauvegarder l’exercice des libertés individuelles par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée de 1995. L’information est d’autant plus importante en l’absence du recueil du consentement des personnes filmées.

Une exception est toutefois prévue à ce principe, lorsque les circonstances l’interdisent – exception également prévue pour les caméras individuelles – ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.

Le nouvel L. 242‑4 dispose que les traitements d’images au moyen de caméras aéroportées ne peuvent être mis en œuvre de manière permanente.

En outre, l’autorité responsable doit tenir un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris le cas échéant au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel. Cette obligation existe également s’agissant de la vidéoprotection (article R. 252-11) et des caméras individuelles (article R. 2421-2).

Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements sont conservés pour une durée de trente jours. Cette durée est de six mois pour les caméras individuelles (article L. 241-2) et d’un mois pour la vidéoprotection (article L. 252-5).

Les nouveaux articles L. 242‑5 et L. 242-6 déterminent les finalités pouvant justifier le recours aux caméras aéroportées par respectivement :

– les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale ;

– les services d’incendie et de secours, les formations militaires de la sécurité civile, la brigade des sapeurs‑pompiers de Paris et le bataillon des marins‑pompiers de Marseille.

finalités permettant le recours aux caméras aéroportées

 

Finalités des caméras aéroportées

Finalités de la vidéoprotection

Mise en œuvre par les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale

 

La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au publics, lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public, ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public

Non

La prévention d’actes de terrorisme

Oui

Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves

Limité à la constatation des infractions aux règles de la circulation et des infractions relatives à l’abandon d’ordures, de déchets, de matériaux ou d’autres objets

La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords

Oui

La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale

Oui

La régulation des flux de transport

Oui

La surveillance des littoraux et des zones frontalières

Non

Le secours aux personnes

Oui

La formation et la pédagogie des agents

Non

Mise en œuvre par les services d’incendie et de secours, les formations militaires de la sécurité civile, la brigade des sapeurspompiers de Paris et le bataillon des marinspompiers de Marseille

 

La prévention des risques naturels ou technologiques

Oui

Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie

Oui

La formation et la pédagogie des agents.

Non

Source : commission des Lois.

                                          Le nouvel article L. 242-7 renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les modalités d’application du chapitre.

4.   La position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels de vos rapporteurs et de Mme Ménard, la Commission a adopté plusieurs modifications de fond à cet article.

Elle a adopté, sur proposition de vos rapporteurs, un amendement prévoyant qu’une information générale du public sur l’emploi de dispositifs aéroportés de captation d’images est organisée par le ministre de l’intérieur. Cette modalité d’information existe également s’agissant des caméras individuelles (article L. 241-1).

Également sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a adopté un amendement précisant que les enregistrements issus des drones peuvent être utilisés à des fins de pédagogie et de formation des agents, dans le cadre d’un décret en Conseil d’État. Cela permet de lever une ambiguïté de la rédaction initiale qui pouvait laisser penser que le recours aux drones était possible pour la finalité autonome de la formation, ce qui aurait constitué une atteinte disproportionnée à la vie privée.

La Commission a en outre adopté deux amendements du Gouvernement visant à élargir les finalités de recours aux caméras aéroportées à :

– la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants ;

– la protection des intérêts de la défense nationale et des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale.

Enfin, la Commission a adopté un amendement de Mme Isabelle Florennes visant à élargir le recours aux caméras aéroportées à la surveillance des rodéos motorisés.

*

*     *

TITRE IV
Dispositions relatives aux forces de sécurité intérieure

Article 23
(art. 431 [nouveau] du code de procédure pénale)
Suppression des crédits de réduction de peine à la suite d’infractions sur des personnes exerçant certaines missions de service public

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 23 supprime le bénéfice des crédits de réduction de peine pour les personnes condamnées à la suite de certaines infractions commises à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a permis au juge de l’application des peines de retirer une partie des crédits de réduction de peines obtenus par les détenus lorsque ceux-ci refusent de suivre leur traitement après avoir été condamnés pour certains crimes ou délits commis à l’encontre du conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a étendu le périmètre des exclusions de crédits de réduction de peine aux auteurs d’infractions visant également les agents contractuels de la police et de la gendarmerie nationale, les personnels de l’administration pénitentiaire et des douanes, et les membres d’une police municipale.

1.   L’état du droit

L’article 721 du code de procédure pénale permet à chaque condamné de bénéficier d’un crédit de réduction de peine automatiquement calculé sur la durée de la condamnation prononcée : trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d’un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois. Pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut excéder deux mois.

Toutefois, ces crédits de réduction de peine peuvent être retirés par la juridiction de jugement prononçant une nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit pendant une période consécutive à la libération et correspondant à la durée de la réduction octroyée alors.

Ils peuvent également être retirés par le juge de l’application des peines :

– sur saisine du chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République, en cas de mauvaise conduite du condamné en détention ;

– lorsque le détenu refuse de suivre le traitement qui lui est proposé pendant son incarcération alors que sa condamnation résulte d’un crime ou d’un délit (meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle) commis sur un mineur ou, depuis la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, sur son conjoint, concubin ou partenaire.

Enfin, l’article 721‑1‑1, introduit dans le code de procédure pénale en 2016 ([153]), a exclu de tout bénéfice des crédits de réduction de peine les condamnés à une peine privative de liberté pour acte de terrorisme ([154]). Le législateur entendait alors, en réponse aux attentats commis sur le sol français, instituer à l’encontre de leurs auteurs « un véritable régime complet d’application des peines spécifique aux personnes condamnées pour terrorisme qui soit plus rigoureux que le régime de droit commun » ([155]).

Comme l’a souligné récemment la présidente de la commission des Lois, la diminution ou la suppression des crédits de réduction de peine a pour effet de rendre les condamnés concernés inéligibles aux mesures de suivi post-sentenciel qui viennent normalement s’imputer sur les reliquats de peine ainsi aménagés ([156]).

Les mesures de retrait ou d’exclusions des crédits de réduction de peine de l’article 721 du code de procédure pénale ne font pas obstacle à l’attribution des réductions supplémentaires de la peine prévues à l’article 721‑1 du même code. Ces dernières supposent de la part des condamnés des « efforts sérieux de réadaptation sociale ». Elles ne sont pas automatiques : elles sont accordées par le juge de l’application des peines après avis de la commission de l’application des peines.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 23 de la proposition de loi crée au sein du code de procédure pénale un nouvel article 721‑1‑2 étendant le régime d’exclusion des crédits de réduction de peine prévu pour les condamnés pour acte de terrorisme aux auteurs de certaines infractions commises au préjudice d’une personne investie d’un mandat électif public, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire.

Les infractions visées sont le meurtre ([157]), les tortures ou actes de barbarie ([158]), les violences ([159]) ainsi que les menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique ([160]).

Comme les condamnés pour acte de terrorisme, les condamnés visés par le présent article pourront toujours prétendre aux réductions supplémentaires de peine accordées sur décision du juge de l’application des peines.

3.   Une disposition étendue par la Commission

À l’occasion des débats en commission des Lois, vos rapporteurs ont rappelé que l’article 23 avait pour but de mettre un frein aux agressions dont sont trop souvent victimes les membres des forces de sécurité intérieure et les élus en raison de leur présence sur le terrain auprès de personnes promptes à s’abstraire du respect de la loi. Ainsi ne s’agit-il pas de réprimer une atteinte à l’autorité publique, dont un grand nombre de personnels sont par ailleurs investis, mais bien de tirer les conséquences du risque d’atteinte accru qu’encourent ces agents.

Conformément à cette logique, la commission des Lois a jugé nécessaire que le bénéfice des crédits de réduction de peine soit également fermé aux auteurs d’infractions contre d’autres personnels en charge de la sécurité des Français. Elle a adopté à cette fin :

 un amendement des rapporteurs incluant dans le périmètre de l’article 23 les infractions commises à l’encontre des agents contractuels de la police et de la gendarmerie nationales, ainsi que des personnels de l’administration pénitentiaire et des douanes ;

– trois amendements identiques respectivement déposés par M. Stéphane Mazars et les membres du groupe La République en marche, M. Dimitri Houbron et M. Ian Boucard, étendant ce régime dérogatoire aux personnes détenues à la suite d’une infraction à l’encontre d’un agent de police municipale.

*

*     *

Article 24
(art. 35 quinquies [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)
Diffusion du visage ou de tout élément permettant l’identification d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 24 de la proposition de loi modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin de réprimer pénalement le fait de diffuser, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 95‑73 d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 interdit la divulgation de l’identité de certains agents de la force publique.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a étendu l’interdiction de diffusion d’éléments d’identification à l’ensemble des personnels de la police et de la gendarmerie nationales, incluant ainsi les agents contractuels. Elle a également précisé que la divulgation du numéro d’identification individuel d’un agent (dit « numéro RIO ») ne qualifiait pas le délit créé par le présent article.

1.   L’état du droit

a.   Le droit national

La liberté d’expression est proclamée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Ce droit fondamental a vu son contenu actualisé par le Conseil constitutionnel, qui l’étend aux contenus numériques ([161]).

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse donne corps à la liberté d’expression et de communication en déterminant les limites caractérisant l’abus de droit par les impératifs d’ordre public et de protection des personnes. Elle réprime ainsi de peines d’emprisonnement la diffamation, l’injure ou encore la contestation de crime contre l’humanité ([162]).

La liberté de parole ne peut, non plus, se muer en appel à la violence contre les personnes. La provocation directe à commettre des atteintes volontaires à la vie, des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et des agressions sexuelles est réprimée :

– de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, si elle n’est suivie d’aucun effet ([163]) ;

– des peines prévues par le code pénal pour la complicité des actes commis, si la provocation a été suivie d’effet ([164]).

Cette restriction est cependant limitée puisqu’elle suppose un caractère « direct » de la provocation, c’est-à-dire que son auteur incite à la commission d’une infraction déterminée. N’est pas concernée, en conséquence, la provocation « qui tendrait à susciter non pas l’entreprise criminelle mais un mouvement d’opinion de nature à créer à son tour un état d’esprit susceptible de permettre la naissance de l’entreprise criminelle » ([165]).

Par ailleurs, la bonne protection de l’ordre public justifie que soient préservées les identités des fonctionnaires et des militaires que leur activité exposerait à des représailles. Le législateur a pris acte de cet impératif dès 1995 : l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 réprime « le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la défense ou d’agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat » ([166]). Ce délit expose tout contrevenant à une amende de 15 000 euros.

Protectrice de la liberté d’expression, la loi du 29 juillet 1881 impose un régime procédural original, caractérisé par de courts délais de prescription et des exigences élevées de formalisme à peine de nullité. La principale conséquence est que les infractions réprimées par cette loi ne peuvent donner lieu à une comparution immédiate devant les juridictions répressives. Cet enjeu a été décisif dans la décision du Parlement d’extraire du droit de la presse le délit d’apologie du terrorisme pour en faire une infraction de droit commun ([167]) : « l’objectif de cette modification est “d’améliorer l’efficacité de la répression de la propagande terroriste, en permettant que ces actes soient soumis aux règles de procédure de droit commun et à certaines des règles prévues en matière de terrorisme, en considération du fait qu’il ne s’agit pas en l’espèce de réprimer des abus de la liberté d’expression, mais de sanctionner des faits qui sont directement à l’origine des actes terroristes” » ([168]).

Catégories de personnels dont l’anonymat est protégé ([169])

I. - Services et unités relevant de la police nationale :

1° L’unité de coordination de la lutte antiterroriste.

2° Au titre de la direction centrale de la police judiciaire :

― la sous-direction antiterroriste ;

― le service interministériel d’assistance technique ;

― la brigade de recherche et d’intervention criminelle nationale et la brigade de recherches et d’investigations financières nationale ;

― les brigades de recherche et d’intervention.

3° La direction centrale du renseignement intérieur.

4° Au titre de la direction centrale de la sécurité publique :

― les groupes d’intervention de la police nationale ;

― la section du traitement de l’information de la sous-direction de l’information générale.

5° Au titre de la direction centrale de la police aux frontières, l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi des étrangers sans titre.

6° L’unité de recherche, d’assistance, d’intervention et de dissuasion (RAID).

7° Au titre de la préfecture de police :

― les services de la direction du renseignement chargés de la prévention de la violence, du terrorisme et des dérives sectaires ;

― la section antiterroriste de la brigade criminelle de la direction régionale de la police judiciaire ;

― la brigade anti-commando.

8° Le groupe de sécurité de la présidence de la République du service de protection des hautes personnalités.

II. ― Unités relevant de la gendarmerie nationale :

1° Le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale.

2° Les groupes de pelotons d’intervention.

3° Les pelotons d’intervention interrégionaux de la gendarmerie.

4° Les groupes d’observation et de surveillance.

5° Le bureau de la lutte antiterroriste de la sous‑direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale.

6° Le groupe appui opérationnel de l’office central de lutte contre la délinquance itinérante.

Il est donc possible d’apporter des limites à la liberté d’expression et de communication dès lors qu’un intérêt général le justifie. Mais le Conseil constitutionnel se montre particulièrement vigilant, la considérant « d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ». En conséquence, « les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi » ([170]).

b.   Le droit européen

La liberté d’expression est considérée comme l’un des fondements de la société démocratique par la Cour européenne des droits de l’homme et, par là même, comme l’un des fondements de sa jurisprudence ([171]). L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales la proclame expressément, mais reconnaît en son second paragraphe que « l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

La Cour a notamment « reconnu à plusieurs reprises le rôle crucial joué par les médias s’agissant de faciliter l’exercice par le public du droit de recevoir et de communiquer des informations et des idées et de contribuer à la réalisation de ce droit. À la fonction de la presse qui consiste à diffuser des informations et des idées sur des questions d’intérêt général s’ajoute le droit pour le public d’en recevoir. S’il en allait autrement, la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de "chien de garde" » ([172]). Toutefois, la Cour admet des restrictions dès lors que l’ingérence incriminée correspond à un besoin social impérieux, qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, et que les motifs fournis par les autorités nationales pour la justifier sont pertinents et suffisants. Elle commande, en ce cas, de témoigner de retenue dans l’usage de la voie pénale.

Quant au droit de l’Union européenne, il prévoit la possibilité de déroger aux dispositions de protection de la vie privée et de la confidentialité des données personnelles dès lors que la liberté d’information de communication est en jeu : « pour tenir compte de l’importance du droit à la liberté d’expression dans toute société démocratique, il y a lieu de retenir une interprétation large des notions liées à cette liberté, telles que le journalisme » ([173]). La Cour de justice de l’Union européenne considère, par ailleurs, que le fait qu’une personne « ne soit pas un journaliste de profession n’apparaît pas de nature à exclure [que l’enregistrement et la diffusion d’une vidéo] puissent relever de cette disposition » ([174]). La finalité de divulgation au public d’informations, d’opinions ou d’idées, l’emporte donc sur le droit au respect de la vie privée. Il n’en va cependant pas de même face à l’impératif de prévention des infractions dont pourraient être victimes des personnes physiques, en l’occurrence des membres des forces de sécurité.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Les nouveaux moyens de communication ont mené à la multiplication des captations d’image à l’occasion d’opérations de police. Cette évolution ne pose aucune difficulté : les membres de la police et de la gendarmerie nationales, qui, conformément aux règles légales et aux principes républicains, mettent en œuvre les actes de puissance publiques que commandent les autorités judiciaires et administratives, n’ont rien à craindre de la présence de journalistes venus rapporter l’information. L’utilisation de ces documents à des fins de procédure disciplinaire ou pénale à fins de sanction d’éventuels manquements ne soulève pas davantage d’objection.

L’actualité montre cependant une dérive qui tend à utiliser les films et photographies qui dévoilent les identités des personnels, non envers le fonctionnaire ou le militaire sous le regard des autorités de l’État, mais contre la personne physique qui porte l’uniforme dans une intention délictuelle ou criminelle envers elle, voire envers ses proches. Comme l’a indiqué Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur chargée de la citoyenneté, il est fondamental de « protéger les policiers qui nous protègent » ([175]).

C’est dans cet objectif que l’article 24 de la proposition de loi modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il réprime d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police.

Cette rédaction prend en compte les exigences de constitutionnalité et de conventionalité :

– la diffusion à des fins journalistiques demeure libre et sans entrave, tandis que l’interdiction porte explicitement sur les opérations menées dans le but que soit porté atteinte à l’intégrité de l’agent visé ;

– il reste loisible de diffuser des opérations filmées ou captées, à la seule condition de ne pas permettre l’identification des fonctionnaires de façon à empêcher toute agression, de sorte qu’un simple floutage des visages ou un rognage de l’image respecte les prescriptions de la loi ;

– l’interdiction prévaut seulement dans le cadre d’une opération de police, et non dans des tâches protocolaires, administratives ou autres ;

– le manquement à l’obligation posée entraîne une sanction pénale modérée, par ailleurs selon les procédures de la loi du 29 juillet 1881 qui ne permettent pas la comparution immédiate ;

– l’interdiction ne fait pas obstacle à la communication d’éléments d’identification aux autorités administrative et judiciaire dans le cadre d’une procédure qu’elles diligentent, puisque son but consiste à empêcher l’agression, non la justice.

Dans ces conditions, le dispositif de l’article 24 apparaît :

– nécessaire, puisque la prévention des infractions dont sont victimes les personnels des forces de l’ordre concourt à l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’ordre public ;

– proportionné, puisqu’il ne réprime que les communications effectuées dans le but répréhensible de faciliter la commission de violences sur des personnes physiques, sans aucunement remettre en cause le droit de la presse et la liberté d’informer ;

– adapté, puisque les éléments d’identification demeurent à la disposition des autorités administrative et judiciaire dans le cadre des procédures prévues par la loi.

3.   Une disposition approuvée par la Commission

Les débats en Commission ont souligné que le délit institué à l’article 24 concernait bien la diffusion d’éléments d’identification des personnels de police et de gendarmerie nationales. Il n’emporte aucune conséquence du seul fait de la prise d’images, de leur détention ou même de leur cession. Il a également été rappelé que le délit exige pour être constitué une intention malveillante dont il reviendra à l’autorité de poursuite de rapporter la preuve, de sorte qu’il n’obère aucunement la liberté d’information et de communication ou l’activité des journalistes professionnels.

La commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs étendant la protection conférée par l’article 24 à l’ensemble des personnels de la police et de la gendarmerie nationales, ajoutant ainsi les agents contractuels aux fonctionnaires et militaires mentionnés dans la rédaction initiale. Les adjoints de sécurité, futurs policiers adjoints aux termes de l’article 27, et les gendarmes adjoints volontaires, peuvent voir leur identité dévoilée sur les réseaux sociaux tout autant que les autres membres des forces de sécurité intérieure. Il importe, en conséquence, qu’ils soient protégés de la même façon.

Le même amendement a également précisé que l’interdiction de diffusion des éléments d’identification d’un agent ne concernait pas le numéro d’identification individuel d’un agent (dit « numéro RIO ») ([176]). En effet, cette information ne peut conduire à identifier le nom, l’adresse ou l’identité d’un fonctionnaire ou d’un militaire à des fins malveillantes. Elle doit demeurer visible pour permettre la mise en jeu de la responsabilité disciplinaire ou pénale d’un agent dont l’action se verrait contestée sur la base de la loi.

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Article 25
(art. L. 315-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Accès des policiers et des gendarmes armés en dehors des heures de service à des établissements recevant du public

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la possibilité pour les policiers nationaux et les militaires de la gendarmerie de conserver leur arme lorsqu’ils accèdent à un établissement recevant du public.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de vos rapporteurs.

1.   L’état du droit

Les policiers nationaux actifs et les gendarmes reçoivent en dotation une arme individuelle, qu’ils portent en service, dont l’usage est assujetti aux règles de la légitime défense et aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

L’évolution du contexte sécuritaire depuis 2015, caractérisé par l’accroissement de la menace terroriste, a encouragé les autorités publiques à définir des conditions du port de l’arme de dotation hors service afin d’accroître la sécurité de la population par une capacité de riposte accrue.

Il a, dans un premier temps, été décidé que les policiers et les gendarmes pourraient porter leur arme hors service pendant la période limitée de l’état d’urgence. Depuis 2016, cette possibilité a été inscrite dans le droit commun ([177]).

Le port d’arme hors service est subordonné à une déclaration préalable par le fonctionnaire de police ou le militaire de la gendarmerie à son chef de service. Par ailleurs, l’agent doit avoir effectué les trois tirs réglementaires au cours de l’année glissante et au moins une séance de tir dans les quatre derniers mois.

Par décision expresse du chef du service d’accueil prise après accord du directeur de l’école, les élèves peuvent être individuellement autorisés à porter l’arme individuelle hors service pendant les périodes de stage en service opérationnel.

Pour autant, comme cela avait été souligné dans le rapport de vos rapporteurs sur le continuum de sécurité, il n’existe pas d’obligation pour les responsables des établissements recevant du public d’autoriser l’accès aux policiers et aux gendarmes armés. Une telle obligation représenterait pourtant une garantie supplémentaire de sécurisation des sites.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article insère dans le code de la sécurité intérieure un nouvel article L. 315-3 disposant que l’accès à un établissement recevant du public ne peut pas être refusé à un policier ou un gendarme portant son arme hors service.

Les conditions d’application de cet article sont renvoyées à un arrêté du ministre de l’intérieur.

Il s’agit de la mise en œuvre de la préconisation n° 12 du rapport de vos rapporteurs sur le continuum de sécurité.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de vos rapporteurs.

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Article 26
(art. L. 2338-3 du code de la défense)
Clarification des règles d’usage des armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie l’article L. 2338-3 du code de la défense afin de clarifier le régime d’usage de leurs armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile. La formulation actuelle est en effet ambiguë et suscite des difficultés d’interprétation quant à leur mise en œuvre.

       Dernières modifications législatives intervenues

La rédaction en vigueur résulte d’une modification intervenue à l’occasion de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles, les militaires peuvent être déployés sur le territoire national sur réquisition de l’autorité civile, conformément aux dispositions de l’article L. 1321-1 du code de la défense, à l’image de l’opération Sentinelle.

Les forces armées ainsi requises font partie de la force publique et peuvent, à ce titre, être confrontées à des situations d’intervention identiques à celles que connaissent la police et la gendarmerie nationales et doivent disposer des mêmes moyens pour y faire face.

À cet égard, la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a unifié le régime d’usage de l’arme des agents de la force publique, qu’ils soient policiers, gendarmes, douaniers ou militaires déployés sur le territoire national et requis par l’autorité civile. L’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure énumère ainsi limitativement les cas et les conditions d’usage de l’arme ; y renvoient les articles L. 56 du code des douanes, s’agissant des douaniers, et L. 2338-3 du code de la défense, s’agissant des militaires déployés sur le territoire national requis par l’autorité civile.

Ce dispositif a néanmoins été affecté par une modification apportée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire 2019-2025 ([178]). L’objet de l’amendement sénatorial était de conférer au ministre de la défense la compétence pour définir les normes techniques applicables aux matériels utilisés par les militaires pour l’immobilisation des véhicules, à la place du ministre de l’intérieur ([179]). Mais a de ce fait été introduite une ambiguïté quant aux conditions d’usage des armes par les militaires sur le territoire national, prévues au même alinéa.

Dans sa nouvelle rédaction, le deuxième alinéa de cet article prévoit en effet que : « Les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions […] peuvent faire usage de leurs armes et de moyens techniques appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de la défense, pour immobiliser les moyens de transport dans les mêmes conditions ». Les termes : « pour immobiliser les moyens de transport » peuvent être compris comme se rapportant soit au seul usage des moyens techniques appropriés à cette fin, soit également à l’usage de l’arme.

En conséquence, une lecture stricte de ces dispositions laisse penser que les cas d’usage des armes par les militaires engagés en opération intérieure sont désormais restreints à la seule hypothèse de l’immobilisation des moyens de transport.

Or, rien dans l’exposé sommaire de l’amendement (qui ne portent que sur l’autorité compétente pour définir par arrêté les moyens techniques appropriés pouvant être utilisés pour immobiliser les véhicules) ni dans les débats parlementaires ne permet de penser que telle était l’intention du législateur.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article vise à remédier à l’incertitude juridique née de la difficulté d’interprétation de l’article L. 2338-3 du code de la défense, dans sa rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018 précitée.

Il réécrit le deuxième alinéa de l’article L. 2338-3 du code de la défense afin de réaffirmer la possibilité pour les militaires agissant en opérations intérieures de faire usage de leurs armes dans les cinq cas et dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 27
(art. L. 4115 et L. 4116 du code de la sécurité intérieure, art. 21 du code de procédure pénale, art. 36 de la loi d’orientation et de programmation n° 9573 du 21 janvier 1995 relative à la sécurité)
Terminologie

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 27 renomme « policiers adjoints » les actuels adjoints de sécurité.

       Dernières modifications législatives intervenues

La fonction d’adjoint de sécurité a été créée par la loi n° 97‑940 du 16 octobre 1997 relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement des rapporteurs portant rédaction globale de l’article 27 et procédant à toutes les coordinations nécessaires au changement de terminologie proposé.

1.   L’état du droit

Les adjoints de sécurité ont été créés par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes. Ce texte a introduit dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité un article 36 permettant au ministère de l’intérieur de recruter des « agents âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans recrutés en qualité de contractuels de droit public pour une période maximale de cinq ans non renouvelable afin d’exercer des missions d’adjoints de sécurité auprès des fonctionnaires des services actifs de la police nationale ». Ces dispositions sont codifiées aux articles L. 411‑5 et L. 411‑6 du code de la sécurité intérieure ([180]).

Le statut des adjoints de sécurité est régi par les articles 130‑1 à 134‑6 du règlement général d’emploi de la police nationale ([181]). Ils sont subordonnés aux personnels de la police nationale sous l’autorité desquels ils sont placés ([182]). Ils ne peuvent participer à une arrestation programmée, ni prendre part à une opération de maintien de l’ordre ([183]).

Les adjoints de sécurité ont la qualité d’agents de police judiciaire adjoints ([184]). Leurs missions sont énumérées à l’article R. 411‑5 du code de sécurité intérieure qui leur confie, notamment, des tâches d’assistance et de soutien des fonctionnaires de la police nationale, mais aussi la possibilité de constater par procès-verbal diverses contraventions aux dispositions du code de la route déterminées par voie réglementaire.

Article R. 4115 du code de sécurité intérieure

Les adjoints de sécurité concourent aux missions du service public de la sécurité assurées par les fonctionnaires des services actifs de la police nationale sous les ordres et sous la responsabilité desquels ils sont placés.

Ils sont chargés de renforcer ces services pour faire face aux besoins non satisfaits en matière de prévention, d’assistance et de soutien, particulièrement dans les lieux où les conditions de la vie urbaine nécessitent des actions spécifiques de proximité.

À cet effet, ils ont pour tâches, notamment dans le cadre de la police de proximité :

1° De participer aux missions de surveillance générale de la police nationale ;

2° De contribuer à l’information et à l’action de la police nationale dans ses rapports avec les autres services publics nationaux et locaux ;

3° De faciliter le recours et l’accès au service public de la police, en participant à l’accueil, à l’information et à l’orientation du public dans les services locaux de la police ;

4° De soutenir les victimes de la délinquance et des incivilités, en les aidant dans leurs démarches administratives, en liaison avec les associations et les services d’aide aux victimes ;

5° De contribuer aux actions d’intégration, notamment en direction des étrangers ;

6° D’apporter une aide au public sur les axes de circulation, à la sortie des établissements d’enseignement, dans les îlots d’habitation et dans les transports en commun ;

7° D’exercer des missions de police judiciaire dans les conditions fixées par l’article 21 du code de procédure pénale.

Ces missions sont exercées dans le respect des principes républicains et du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale prévu au chapitre IV du titre III du présent livre.

Les adjoints de sécurité ne peuvent pas participer à des missions de maintien de l’ordre.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

Une mission conjointe de l’inspection générale de l’administration, de l’inspection générale de la police nationale et de l’inspection générale de la gendarmerie nationale a été chargée d’évaluer les dispositifs des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires ([185]).

Dans son rapport remis en mai 2015, elle a préconisé un changement d’appellation au motif :

– que l’appellation actuelle ne renvoie pas suffisamment explicitement aux missions de police confiées à ces personnels ;

– qu’elle est susceptible de nuire à l’attractivité du dispositif, un certain nombre de personnes intéressées par une carrière dans la police nationale pouvant penser à tort que les fonctions d’adjoints de sécurité recouvrent seulement des tâches peu gratifiantes ou de nature supplétive ;

– que cette dénomination ne favorise pas la communication sur la réalité des fonctions exercées par l’adjoint de sécurité, dans la perspective d’une reconversion dans le secteur privé à l’issue du contrat.

L’article 27 de la proposition de loi met en œuvre cette recommandation. Il renomme les adjoints de sécurité en « policiers adjoints », appellation similaire à celle des gendarmes adjoints volontaires.

3.   Une disposition adoptée par la Commission

La Commission a adopté un amendement des rapporteurs portant rédaction globale de l’article 27 et procédant à toutes les coordinations nécessaires au changement proposé dans la dénomination des actuels adjoints de sécurité.

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Article 27 bis
(art. 21 et 441 du code de procédure pénale)
Correction d’une erreur de référence dans le code de procédure pénale

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 27 bis, issu d’un amendement de M. Raphaël Gérard adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, corrige une erreur de référence au sein du code de procédure pénale à propos de la compétence des gardes champêtres pour le constat des contraventions aux règlements et arrêtés de police municipale.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure a abrogé l’article L. 2213‑8 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions figurent désormais à l’article L. 521‑1 du code de la sécurité intérieure. Son article 3 précise bien que « les références à des dispositions abrogées par la présente ordonnance sont remplacées par des références aux dispositions correspondantes du code de la sécurité intérieure », mais il semble que les Gouvernements successifs n’aient pas, à la date de l’examen de la présente proposition de loi par la commission des Lois, procédé aux diligences nécessaires au sein du code de procédure pénale.

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TITRE V
Sécurité dans les transports et sécurité routière

Article 28
(art. L. 225111 du code des transports)
Prestations du service interne de sécurité de la SNCF dans les gares ferroviaires et les gares routières adjacentes

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 28 de la proposition de loi permet au service de sécurité de la SNCF d’exercer ses missions auprès des entreprises présentes dans les gares et dans les véhicules de transports routiers exploités en complément des véhicules de transports ferroviaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a notamment permis aux exploitants d’installations de service et aux autorités organisatrices de transport ferroviaire de solliciter des prestations de sécurité auprès du service interne de la SNCF.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement restreignant aux lignes de bus de substitution les possibilités d’intervention du service de sécurité de la SNCF en matière de transport routier.

1.    L’état du droit

La sûreté des transports publics en général, et des transports ferroviaires en particulier, est une préoccupation de longue date des politiques publiques : on trouve trace dès le 15 juillet 1845 d’une loi sur la police des chemins de fer signée du roi Louis-Philippe. Parmi les services et les unités chargés d’assurer la sécurité des voyageurs et des personnels des opérateurs de transport, le service de sureté ferroviaire de la SNCF est un acteur incontournable.

La Surveillance générale (SUGE) a été constituée en 1939, à la suite de la faillite des entreprises ferroviaires privées, de leur nationalisation et de leur agrégation au sein de la société nationale des chemins de fer français. L’ensemble des services chargés de la découverte et de la répression des vols dans les anciennes compagnies fut rassemblé de la même façon. Chargées après la Seconde Guerre mondiale de la répression des actes dommageables au patrimoine de la compagnie, les équipes se sont depuis réorientées vers la sécurisation des trains et des gares ainsi que la lutte contre les atteintes aux voyageurs et aux personnels. Elle n’est pas composée de forces de l’ordre à proprement parler, mais de cheminots assermentés et assujettis à un code de déontologie ([186]), agréés au relevé d’identité et détenteurs d’une autorisation de port d’arme. La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a consacré son existence à l’article L. 2251-1 du code des transports.

L’article L. 2241‑1 du même code habilite ses agents à établir des procès-verbaux pour constater les infractions aux dispositions relatives à la sécurité, ainsi que les contraventions prévues par les règlements relatifs à la police ou à la sûreté du transport et à la sécurité de l’exploitation des systèmes de transport ferroviaire ou guidé.

L’activité du service interne de sécurité de la SNCF a été étendue à l’ensemble des entreprises ferroviaires utilisatrices du réseau ferré national qui peuvent donc bénéficier de ses prestations ([187]). Par la suite, le périmètre des bénéficiaires de ces prestations a été élargi aux gestionnaires d’infrastructure, aux exploitants d’installations de service et aux autorités organisatrices de transport ferroviaire ([188]).

L’article L. 2251‑1‑1 du code des transports précise que ces prestations de sécurité sont mises à disposition « dans des conditions transparentes, équitables et sans discrimination entre les entreprises ferroviaires ». Elles s’exercent dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ferroviaire et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 28 de la proposition de loi prévoit deux extensions des compétences du service interne de sécurité de la SNCF.

Le I ouvre la possibilité de solliciter ses services aux titulaires d’une convention d’occupation du domaine public ferroviaire dans une gare de voyageurs ou une autre installation de service reliées au réseau ferré national, autrement dit principalement aux entreprises et aux commerces qui ont contracté en ce sens avec Gares & Connexions ([189]).

Le II permet l’exercice de ces missions dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport routier, de façon à assurer également la sécurité des biens et des personnes dans les gares routières. Le développement des déplacements en autobus et de l’intermodalité nécessite, en effet, d’organiser autrement la sécurité des voyageurs ([190]).

3.   Des dispositions à l’ampleur restreinte par la Commission

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement, avec un avis favorable des rapporteurs, limitant la compétence du service de sécurité de la SNCF dans les gares routières.

Alors que la rédaction initiale de la proposition de loi permettait une intervention dans toutes les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport routier de personnes et de marchandises et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés, la commission des Lois a considéré ce périmètre excessif. Il est préférable que le service interne de sécurité de la SNCF prenne exclusivement en charge les liaisons routières opérées en application du 2° de l’article L. 2121-3 du code des transports, c’est-à-dire en substitution des services de transport ferroviaire de voyageurs organisés par les régions (transport express régional, TER).

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Article 28 bis
(art. L. 16231 [nouveau] du code des transports)
Vidéoprotection embarquée sur les matériels roulants
des entreprises de transport

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 28 bis, issu d’un amendement de Mme Aude Luquet adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, prévoit, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le déploiement d’un système de vidéoprotection embarqué sur les matériels roulants des entreprises de transport.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

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Issu d’un amendement de Mme Aude Luquet adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, l’article 28 bis introduit au sein du code des transports un nouvel article L. 1623‑1 autorisant le déploiement de caméras embarqués sur les matériels roulants des entreprises de transport dans le cadre d’une expérimentation menée pour une durée de trois ans. L’enregistrement, permanent, ne pourrait toutefois être exploité qu’aux fins d’assurer la prévention et l’analyse des accidents de transport. Sont limitativement énumérées les finalités du dispositif : l’amélioration de la connaissance de l’accidentologie ferroviaire ainsi que celle des transports guidés et routiers, la prévention de la réalisation ou de la réitération d’accident de transport ainsi que la formation des personnels de conduite et leur hiérarchie.

Dans le domaine des transports, il est d’usage de différencier la sécurité, qui a pour objet de prévenir la survenance d’un accident dû à des défaillances, matérielles ou humaines, ou à des causes naturelles et la sûreté, qui vise à protéger les personnes et les biens transportés, les matériels et installations liés à l’exploitation contre des actes de malveillance et de délinquance. C’est donc sur des motivations de sécurité technique, et non de sûreté au sens de préservation de l’ordre public, que repose l’article 28 bis.

Le dispositif autorise la prise d’images sur la voie publique et dans des lieux et établissements ouverts au public, au moyen de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants. Il est accompagné des garanties classiquement attachées à tout dispositif de vidéoprotection – information générale du public, définition des modalités par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

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Article 28 ter
(art. L. 1632-2 du code des transports)
Transmission aux forces de l’ordre des flux de vidéoprotection des emprises et véhicules de transports publics

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 28 ter, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, facilite la transmission aux forces de l’ordre des images réalisées en vue de la protection des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs.

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L’article L. 1632‑2 du code des transports autorise, sur décision conjointe de l’autorité organisatrice de transport et de l’exploitant, la transmission aux forces de l’ordre des images réalisées en vue de la protection des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes. La transmission ne doit toutefois concerner ni l’entrée des habitations privées ni la voie publique et, si elle s’effectue en temps réel, elle est limitée au temps nécessaire à l’intervention.

Issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, l’article 28 ter facilite ces transmissions en aménageant leur régime juridique. Il met fin à une triple limitation :

– l’exigence de circonstances qui font redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes ;

– une communication pour la seule durée de l’intervention des forces de l’ordre ;

– une transmission en temps réel.

En supprimant ces contraintes, le Gouvernement entend permettre une intervention plus rapide des forces de l’ordre, conformément au souhait exprimé par les opérateurs de transports publics. Il résulte effectivement de ces modifications une possibilité de transmission aux forces de l’ordre en continu, voire le cas échéant en différé, des images captées par les systèmes de vidéoprotection concernés.

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Article 28 quater
(art. L. 163221 [nouveau] du code des transports)
Transmission aux forces de l’ordre des flux de vidéoprotection des emprises et véhicules de transports publics

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 28 quater, issu d’un amendement de M. Rémi Delatte adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, prévoit une transmission facilitée des images réalisées en vue de la protection des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs.

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L’article 28 quater est issu d’un amendement de M. Rémi Delatte adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs. Il poursuit des objectifs similaires à ceux de l’article 28 ter, qui résulte d’un amendement du Gouvernement. Il lève les obstacles à la transmission aux forces de l’ordre des images de vidéoprotection collectées par les opérateurs de transports publics. À cette fin, il crée dans le code des transports un nouvel article L. 1632‑2‑1 instituant un régime de déport symétrique à celui qu’organise l’actuel article L. 1632‑2.

L’article 28 quater complète ainsi les évolutions opérées à l’article 28 ter. Vos rapporteurs veilleront, en séance publique, à éliminer les redondances qui peuvent naître de cette communauté d’objectifs.

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Article 28 quinquies
(art. 2 de la loi n° 2016339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes
dans les transports collectifs de voyageurs)
Port de caméras mobiles par les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 28 quinquies, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, pérennise le port de caméras mobiles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la régie autonome des transports parisiens (RATP).

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs avait prévu le port de caméras mobiles par les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP dans le cadre d’une expérimentation.

1.   L’état du droit

L’article 2 de la loi n° 2016‑339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs a inséré dans le code des transports un nouvel article L. 2251-4-1 autorisant les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à se doter de caméras mobiles.

L’expérimentation a commencé le 1er janvier 2017 pour une durée de trois ans ([191]). Elle fait l’objet d’un bilan de sa mise en œuvre dans les deux ans suivant son entrée en vigueur, afin d’évaluer l’opportunité du maintien de cette mesure.

Les règles applicables à ces dispositifs sont identiques à celles prévalant pour les autres agents publics qui en sont équipés : enregistrement non permanent possible uniquement dans les emprises et les véhicules des deux compagnies, ayant pour finalités la prévention des incidents, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs ainsi que la formation des agents, port apparent, information des personnes enregistrées sauf si les circonstances l’interdisent, information générale du public.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

L’article 28 quinquies est issu d’un amendement du Gouvernement bénéficiant d’un avis favorable des rapporteurs et pérennisant l’expérimentation. Les différents éléments communiqués par le Gouvernement témoignent d’un effet favorable de ces dispositifs. La SNCF a tiré un premier bilan positif ([192]), comme la RATP ([193]).

L’article 28 quinquies supprime donc les II et III de l’article 2 de la loi précitée du 22 mars 2016, prévoyant respectivement la limitation de l’expérimentation à une durée de trois ans et la réalisation d’un bilan de sa mise en œuvre.

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Article 29
(art. L. 2343, L. 2344 et L. 2349 du code de la route)
Contrôles d’alcoolémie au volant

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 29 de la proposition de loi simplifie les modalités des contrôles d’alcoolémie au volant par les forces de l’ordre.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi 2019222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a autorisé les agents de police judiciaire à soumettre un conducteur à un éthylotest sans se placer sous les ordres et la responsabilité d’un officier de police judiciaire. Elle a également permis de requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine comme remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang à des fins d’analyse de l’alcoolémie.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté l’article 29 sans modification.

1.   L’état du droit

Le chapitre IV du titre III du livre II du code de la route est consacré à la conduite sous l’influence de l’alcool. L’article L. 234‑1 énonce les comportements interdits au volant, à savoir l’ivresse manifeste et un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,8 gramme par litre ou par une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,4 milligramme par litre ([194]).

Les peines encourues en cas de violation de ces dispositions sont définies aux articles L. 234‑1 et L. 234‑2 : deux ans d’emprisonnement et 4 500 euros d’amende, mais aussi immobilisation du véhicule, réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire et diverses peines complémentaires ([195]). Toute récidive donne lieu de plein droit à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé d’un dispositif homologué d’anti-démarrage par éthylotest pendant trois ans au plus ([196]).

Les articles L. 234‑3 à L. 234‑9 précisent la procédure applicable au contrôle de l’alcoolémie au volant :

– l’article L. 234‑3 donne compétence aux officiers (OPJ) ([197]) ou agents de police judiciaire (APJ) ([198]) de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétents et, sur l’ordre et sous la responsabilité desdits OPJ, aux agents de police judiciaire adjoints (APJA) ([199]), pour soumettre à un dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré (éthylotest) le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ou dans la commission d’une infraction routière ;

– l’article L. 234‑4 ordonne aux officiers ou agents de police judiciaire, dès lors que le dépistage est positif ou que le conducteur refuse de s’y soumettre, de procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de l’état alcoolique au moyen d’un éthylomètre ou d’une analyse sanguine.

– l’article L. 234‑9 autorise les OPJ et APJ de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétents et, sur l’ordre et sous la responsabilité des OPJ, les APJA, à soumettre toute personne qui conduit un véhicule à un dépistage par éthylotest, même en l’absence d’infraction préalable ou d’accident. Lorsque le dépistage permet de présumer un état alcoolique, il est procédé à des vérifications au moyen d’un éthylomètre. En cas d’impossibilité résultant d’une incapacité physique attestée par un médecin requis, une analyse sanguine est réalisée ;

– l’article L. 234‑8 punit de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende, ainsi que de diverses peines complémentaires, le refus de se soumettre à une vérification au moyen de l’éthylomètre ou à une analyse sanguine.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 29 de la proposition de loi modifie la procédure applicable au contrôle de l’alcoolémie au volant afin de la rendre à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits des personnes.

Le  permet aux officiers et agents de police judiciaire de procéder directement aux vérifications destinées à établir l’état alcoolique d’un conducteur au moyen d’un éthylomètre ou d’une analyse sanguine, dès lors que ledit conducteur est impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel ou dans la commission d’une infraction routière sanctionnée d’une suspension du permis de conduire. Le dépistage préalable par un éthylotest devient une simple possibilité à laquelle les officiers et agents peuvent choisir de recourir, ou non. En revanche, l’éthylotest demeure une étape préalable obligatoire dans toutes les autres situations.

Le  précise que le cas dans lequel le conducteur n’est pas en capacité physique de satisfaire aux épreuves de dépistage, par exemple en raison d’une déficience de son souffle qui ne permet pas le bon fonctionnement de l’éthylotest, donne la possibilité aux officiers et agents de police judiciaire de procéder aux vérifications par éthylomètre ou par analyse sanguine. L’état de santé doit être constaté par un médecin requis à cet effet.

Enfin, le  dispose que, en l’absence d’infraction préalable ou d’accident, les OPJ et APJ peuvent soumettre tout conducteur à des vérifications destinées à établir son état alcoolique, qui peuvent éventuellement être précédées d’un éthylotest. Les APJA peuvent procéder à un dépistage par éthylotest sur l’ordre et sous la responsabilité d’un OPJ.

 

Accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel ou infraction routière sanctionnée d’une suspension du permis de conduire

Accident de la circulation sans dommage corporel ou infraction routière non sanctionnée d’une suspension du permis de conduire

Aucun accident ni infraction

Contrôle par OPJ ou APJ

Éthylomètre ou analyse sanguine possibles sans éthylotest préalable

Éthylotest préalable obligatoire

Éthylomètre ou analyse sanguine possibles sans éthylotest préalable

Contrôle par APJA

Éthylotest préalable obligatoire

Éthylotest préalable obligatoire

Éthylotest préalable obligatoire

Incapacité du conducteur à subir l’éthylotest attestée par un médecin requis

Éthylomètre ou analyse sanguine possibles sans éthylotest préalable

Éthylomètre ou analyse sanguine possibles sans éthylotest préalable

Éthylomètre ou analyse sanguine possibles sans éthylotest préalable

3.   Des dispositions adoptées par la Commission

La Commission a adopté l’article 29 sans modification.

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Article 29 bis
(art. L. 1304 du code de la route)
Prérogatives des gardes particuliers assermentés

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 29 bis, issu d’un amendement de la présidente Yaël Braun‑Pivet adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, confère aux gardes particuliers assermentés le pouvoir, circonscrit aux limites des terrains dont ils ont la garde, de constater par procès-verbal certaines contraventions en matière de police de la circulation et de la sécurité routières.

1.   L’état du droit

Un garde particulier est un agent chargé d’une mission de police judiciaire. Il assure la surveillance des propriétés ou des droits de chasse ou de pêche, et il est doté pour cela du pouvoir d’établir des procès-verbaux d’infraction. Cette prérogative vaut exclusivement sur le territoire confié à sa surveillance.

Pour exercer ses fonctions, le garde est commissionné par le propriétaire ou le titulaire de droits particuliers sur la propriété. La commission désigne nominativement le garde particulier, indique précisément la nature des infractions qu’il est chargé de constater, et précise le territoire qu’il a la charge de surveiller ([200]). Toute personne physique ou morale ayant un droit de propriété ou de jouissance – propriétaire, locataire, fermier, détenteur de droits de chasse ou de pêche – peut charger un garde particulier de surveiller ses biens.

L’accès à la profession est subordonné à un agrément du préfet du département dans lequel se situe la propriété désignée dans la commission. Il est également soumis à des conditions de moralité et d’honorabilité ainsi qu’à des exigences d’aptitude techniques. Le garde particulier ne peut détenir par ailleurs des fonctions de police judiciaire ([201]).

Les gardes particuliers assermentés disposent d’une compétence judiciaire pour la mise en œuvre de polices spécialisées. Il en va ainsi dans le domaine de la chasse ([202]), en matière forestière ([203]) ou encore pour la préservation de la voirie routière ([204]).

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

L’article 29 bis découle de l’adoption par la commission des Lois d’un amendement de la présidente Yaël Braun‑Pivet ayant reçu un avis favorable des rapporteurs. Il poursuit l’objectif d’un meilleur concours des gardes particuliers assermentés au continuum de sécurité.

Si ces agents disposent aujourd’hui d’une compétence en matière de police de la voirie, ils ne peuvent constater des infractions routières que lorsqu’elles sont connexes à celles de la police de la conservation du domaine public routier. Ils n’interviennent donc qu’en cas d’atteinte à l’intégrité ou à l’usage de ce domaine.

Il paraît opportun d’étendre la mission des gardes particuliers à certaines contraventions au code de la route qui, si leur constatation n’exige aucun acte d’enquête, sont sources de nuisances directes pour les occupants des propriétés concernées. Seraient notamment visées les infractions aux règles concernant la circulation, l’arrêt et le stationnement des véhicules.

L’article 29 bis modifie à cette fin l’article L. 130‑4 du code de la route pour permettre aux gardes particuliers assermentés de constater par procès-verbal les contraventions prévues par la partie réglementaire dudit code ou par d’autres dispositions réglementaires, dans la mesure où elles se rattachent à la sécurité et à la circulation routières.

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TITRE VI
Dispositions diverses

Article 30 A
(art. L. 557101 et L. 557102 [nouveaux] du code de l’environnement)
Traçabilité et réglementation du commerce des articles pyrotechniques

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 30 A, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, organise une traçabilité des transactions commerciales portant sur des articles pyrotechniques, et autorise les commerçants à refuser de conclure une vente en cas de caractère suspect.

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L’article 30 de la présente proposition de loi tire les conséquences de l’emploi de plus en plus fréquent d’engins pyrotechniques de type « mortiers d’artifice » comme armes par destination contre les forces de sécurité intérieure. Il réprime ainsi pénalement leur commerce en cas de violation des conditions d’âge ou de connaissances techniques posées par la réglementation.

Le Gouvernement a souhaité compléter cette disposition pénale d’un encadrement du commerce de ces engins pyrotechniques. Il a présenté en ce sens un amendement qui a reçu l’avis favorable des rapporteurs et qui est désormais l’article 30 A de la proposition de loi.

L’article 30 A introduit deux nouveaux articles dans le code de l’environnement, qui règlementent les transactions d’articles pyrotechniques relevant des catégories définies par arrêté du ministre de l’intérieur et qui entrent en vigueur au plus tard le 1er juillet 2021 :

– l’article L. 557‑10‑1 oblige un commerçant à enregistrer toute transaction et à consigner l’identité de l’acquéreur dans un registre qu’il tient à la disposition des agents habilités de l’État ;

– l’article L. 557‑10‑2 autorise ce commerçant à refuser de conclure toute transaction visant à acquérir de tels articles, dès lors qu’il est raisonnable de considérer que celle-ci présente un caractère suspect. Un signalement est ensuite adressé à l’autorité administrative.

Ces précautions sont courantes pour les objets dangereux qui peuvent provoquer un trouble à l’ordre public. Le régime retenu pour les transactions suspectes fait ainsi écho aux prescriptions du code de la sécurité intérieure en matière de commerce des armes ([205]). Comme l’indiquait, en 2018, notre collègue Christophe Euzet, rapporteur de la commission des Lois lors de l’adoption de ces dispositions, « la possibilité de décliner la vente s’inscrit dans le cadre établi à l’article L. 12111 du code de la consommation selon lequel est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime » ([206]).

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Article 30
(art. L. 557601 [nouveau] du code de l’environnement)
Sanction pénale pour achat, détention, utilisation et vente
d’articles pyrotechniques

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 30 sanctionne pénalement le fait de se procurer, de détenir ou d’utiliser un article pyrotechnique en violation de la réglementation en vigueur.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2015‑1567 du 2 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques a transposé la directive 2014/68/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des équipements sous pression.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté l’article 30 sans modification.

1.   L’état du droit

La section 1 du chapitre VII du titre V du livre V du code de l’environnement édicte un certain nombre de limitations à la vente et à l’achat de produits et équipements à risque. Sont notamment concernés les produits explosifs, les appareils et systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphères explosibles, les appareils et matériels concourant à l’utilisation des gaz combustibles et les appareils à pression.

L’article L. 557-8 dudit code prévoit que la détention, la manipulation ou l’utilisation, l’acquisition et la mise à disposition sur le marché de certains produits et équipements « peuvent être interdites ou subordonnées à des conditions d’âge ou de connaissances techniques particulières des utilisateurs ».

L’article 557‑9 du même code ajoute que « les opérateurs économiques ne mettent pas à disposition sur le marché aux personnes physiques ne possédant pas les connaissances techniques particulières ou ne répondant pas aux conditions d’âge mentionnées à l’article L. 5578 les produits ou les équipements faisant l’objet des restrictions mentionnées à ce même article ».

Conformément à l’article 7 de la directive 2013/29/UE du 12 juin 2013 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’articles pyrotechniques, ces restrictions peuvent être décidées « pour des motifs d’ordre public, de sûreté, de santé et de sécurité, ou de protection de l’environnement ». Leur violation est réprimée d’une contravention de cinquième classe ([207]).

2.   Les dispositions de la proposition de loi

De récents événements ont montré que certains types d’engins pyrotechniques, tels que les mortiers d’artifice, sont de plus en plus souvent employés comme armes par destination à l’encontre des forces de sécurité intérieure ([208]). Longs tubes contenant une charge explosive pouvant atteindre 80 km/h au départ et parcourir plusieurs dizaines de mètres de distance, leur utilisation est à la fois spectaculaire et particulièrement dangereuse. Si les commerces de détail et les magasins spécialisés ne semblent pas particulièrement en défaut au regard de la réglementation, c’est qu’il est aisé de se les procurer en ligne sans justifier d’un âge minimal ou des habilitations exigées par la loi ([209]).

L’article 30 tire les conséquences de cette situation en insérant dans le code de l’environnement un nouvel article L. 557‑60‑1 réprimant pénalement :

– pour les opérateurs économiques, la mise sur le marché d’articles pyrotechniques auprès de personnes physiques ne possédant pas les connaissances techniques particulières ou ne répondant pas aux conditions d’âge exigées par la réglementation ;

– pour les particuliers, l’acquisition, la détention, la manipulation ou l’utilisation desdits articles pyrotechniques.

Ce délit est réprimé de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende, peines doublées lorsque l’infraction est commise au moyen d’un réseau de communications électroniques de façon à décourager l’achat sur internet (I). Les dispositions contraires sont abrogées (II).

En raison de son insertion à la section 6 du chapitre VII du livre V du titre V du code de l’environnement, cette infraction pourra être recherchée et constatée par les officiers et agents de police judiciaire, les inspecteurs de l’environnement et les agents des douanes ([210]).

3.   Une disposition adoptée par la Commission

La commission des Lois a adopté l’article 30 sans modification.

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Article 30 bis
(art. L. 1324 du code de la sécurité intérieure)
Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 30 bis, issu de deux amendements de M. Rémy Rebeyrotte adoptés par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, abaisse le seuil de population communale à partir duquel la loi prévoit la constitution d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Un agent public territorial est chargé du suivi, de l’animation et de la coordination des travaux de cette instance.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a chargé le maire du pilotage de la politique locale de lutte contre la délinquance.

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Héritiers des conseils communaux de la prévention de la délinquance (CCPD), les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ont été créés en 2002 ([211]). Ils prennent appui sur la mission confiée au maire par l’article L. 132‑1 du code de la sécurité intérieure : celui-ci « concourt par son pouvoir de police à l’exercice des missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance ». Ainsi, le maire « anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en œuvre » ([212]).

Dans les communes de plus de dix mille habitants et dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville ([213]), le maire préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ([214]). Ses règles de constitution et de fonctionnement sont déterminées dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure ([215]).

Le CLSPD constitue le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité et de la prévention de la délinquance dans la commune. Il favorise l’échange d’informations entre les responsables des institutions et organismes publics et privés concernés. Il est consulté sur la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des actions de prévention de la délinquance prévues dans le cadre de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville. Il réunit à cette fin, outre le maire :

– le préfet du département ;

– le procureur de la République ;

– le président du conseil départemental ;

– le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance ;

– des représentants des services de l’État ;

– des représentants d’associations, établissements ou organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques.

Attachée à soutenir les élus locaux dans leur rôle de prévention de la délinquance sur les territoires, la commission des Lois a confié à nos collègues Stéphane Peu et Rémy Rebeyrotte une mission d’information sur l’évolution et la refondation des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance ([216]). Les travaux ont commencé en septembre dernier. Ils ont permis à M. Rémy Rebeyrotte de présenter deux amendements que la Commission a adoptés avec l’avis favorable des rapporteurs et qui sont à l’origine de l’article 30 bis :

 – le abaisse de dix mille à cinq mille le seuil de population communale à partir duquel la réunion d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est obligatoire, en considération de l’efficacité de ces instruments et de l’existence de problématiques liées à la préservation de l’ordre public dans les communes de cinq à dix mille habitants ;

– le prévoit, dans les communes de plus de 10 000 habitants, la mise en place d’un coordonnateur pour chaque conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. En 2018, 574 des 805 CLSPD avaient assigné un agent à ces fonctions, essentielles au bon fonctionnement de l’instance.

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TITRE VII
Dispositions outre-mer

Article 31
(art. L. 2851, L. 2861, L. 2871, L. 2881, L. 3441, L. 3451, L. 3461, L. 3471, L. 4421, L. 4451, L. 4461, L. 4471, L. 5451, L. 5461, L. 6432, L. 6441, L. 6451, L. 6461, L. 6471 et L. 6481 du code de la sécurité intérieure)
Coordinations outre-mer dans le code de la sécurité intérieure

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 31 prévoit l’application des dispositions précédentes modifiant le code de la sécurité intérieure aux territoires ultramarins dotés de l’autonomie.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a tiré les conséquences des amendements adoptés aux articles précédents, qui nécessitent diverses coordinations au sein du code de la sécurité intérieure. Elle a, à cette fin, adopté un amendement du Gouvernement avec l’avis favorable des rapporteurs.

1.   L’état du droit

L’article 74 de la Constitution prévoit que le statut des collectivités qu’il régit détermine « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Ces collectivités sont en principe soumises au principe dit de « spécialité législative », en vertu duquel les lois et règlements n’y sont applicables que sur mention expresse. Il en va ainsi de la Polynésie française ([217]), de Saint‑Barthélemy et Saint‑Martin ([218]), de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ([219]) et des îles Wallis et Futuna. La Nouvelle-Calédonie est également soumise au principe de spécialité législative mais sur le fondement de l’article 77 de la Constitution précisé par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999.

Les statuts de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon prévoient toutefois que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit en dérogation au principe de spécialité. On parle de « régime de l’Atlantique » ou de régime du « tout est applicable sauf... » ([220]). Il n’y a alors pas lieu, pour les textes concernés, de prévoir une mention particulière d’applicabilité.

La large autonomie dont dispose la Polynésie française, en vertu du statut de 2004 qui régit ce territoire, laisse toutefois subsister la compétence de l’État en matière de sécurité et d’ordre publics ([221]). L’article 7 précise que, dans ces domaines, « sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ».

Le droit applicable à la Nouvelle-Calédonie est très similaire : il confère expressément à l’État la responsabilité d’édicter les règles applicables en matière de maintien de l’ordre ([222]) et de procédure pénale ([223]), sous réserve d’en prévoir l’application par une mention expresse ([224]).

Enfin, la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer, dispose, en son article 4, que « le territoire des îles Wallis et Futuna est désormais régi (…) par les lois de la République et par les décrets applicables, en raison de leur objet, à l’ensemble du territoire national et, dès leur promulgation dans le territoire, par les lois, décrets et arrêtés ministériels déclarés expressément applicables aux territoires d’outre-mer ou au territoire des îles Wallis et Futuna ». Ce statut, ancien, ne confère que peu de compétences aux autorités locales, au contraire des textes élaborés au cours des vingt dernières années. Les prescriptions dispensées de mention expresse pour leur application sont les lois nécessairement destinées à régir l’ensemble du territoire de la République ([225]), des approbations et des ratifications de traités et accords internationaux, des ratifications d’ordonnances ([226]) et des textes destinés à ne s’appliquer que dans une ou plusieurs collectivités d’outre-mer ([227]).

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 31 de la proposition de loi prévoit l’application des dispositions précédentes relatives aux polices municipales en Polynésie française () et en Nouvelle-Calédonie ().

Il permet également l’application en Polynésie française des modifications apportées au régime applicable aux activités économiques de sécurité privée ().

3.   Une disposition complétée par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement procédant aux diverses coordinations nécessitées par les articles et amendements précédents pour la bonne application outre-mer du code de la sécurité intérieure.

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Article 31 bis
(art. 7111 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale ; art. L. 38221 du code de la santé publique ; art. L. 67631, L. 67731 et L. 67831 du code des transports)
Coordinations outre-mer dans différents codes

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 31 bis, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, prévoit l’application des dispositions précédentes modifiant le code pénal, le code de procédure pénale, le code de la santé publique et le code des transports aux territoires ultramarins dotés de l’autonomie.

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Article 31 ter
(art. L. 2431, L. 2441 et L. 2451 du code de la route)
Coordinations outre-mer dans le code de la route

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 31 ter, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, prévoit l’application des dispositions précédentes modifiant le code de la route aux territoires ultramarins dotés de l’autonomie.

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Article 31 quater
(art. 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)
Coordination outre-mer en droit de la presse

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 31 quater, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, prévoit l’application des dispositions précédentes modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse aux territoires ultramarins dotés de l’autonomie.

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Article 31 quinquies
(art. 31 de la loi n° 9573 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité)
Coordination outre-mer pour la terminologie dans la police nationale

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 31 quinquies, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois avec l’avis favorable des rapporteurs, prévoit l’application aux territoires ultramarins dotés de l’autonomie des dispositions précédentes modifiant la loi n° 95‑73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

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TITRE VII
Disposition relative à la compensation
de la charge pour l’État

Article 32
Gage financier

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 32 a pour objet de compenser la charge éventuelle qui pourrait résulter de la mise en œuvre des dispositions qui précèdent. Le I prévoit, pour ce qui concerne le budget de l’État, la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs, prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. Au regard des collectivités territoriales, le II procède à une majoration de la dotation globale de fonctionnement dont le montant est compensé par une hausse de la contribution sur les boissons non alcooliques contenant des sucres ajoutés mentionnée à l’article 1613 ter du même code.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement levant le gage sur la présente proposition de loi et supprimant, en conséquence, l’article 32.


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AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION

De la défense nationale et des forces armées

Huit ans après les attentats commis par Mohammed Merah, cinq ans après ceux perpétrés contre Charlie Hebdo et ceux du 13 novembre 2015, notre pays a de nouveau été frappé par les attaques de fanatiques islamistes.

La fin de « l’État islamique » et la mort de son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, le 27 octobre 2019 n’ont pas éteint la menace terroriste. L’attaque terroriste qui a frappé la ville de Nice, jeudi 29 octobre, a amené le chef de l’État à décider de porter les effectifs de l’opération Sentinelle de 3 000 à 7 000 hommes. Lancée le 12 janvier 2015, l’opération Sentinelle s’est traduite par le déploiement massif de militaires sur le territoire national, l’articulation de leur rôle avec celui des forces de sécurité intérieure constituant un enjeu de premier ordre.

C’est dans ce contexte qu’intervient l’examen de la proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale, déposée par les membres des groupes La République en marche et apparentés et Agir ensemble. Ce texte vise à renforcer l’intégration de tous les acteurs de la sécurité autour d’un continuum de sécurité associant les forces de sécurité intérieure, les polices municipales mais aussi les agents privés de sécurité.

Renvoyée à la commission des Lois, cette proposition de loi intéresse la commission de la Défense à deux égards : premièrement, elle modifie, en son article 26, le régime juridique relatif à l’emploi, par les militaires, de leurs armes sur le territoire national – question ô combien cruciale à l’heure de la remontée en puissance de l’opération Sentinelle – ; deuxièmement, elle définit, en son article 22, un nouveau cadre juridique pour l’emploi par les autorités publiques de caméras aéroportées, c’est-à-dire de prises de vues aériennes à partir de drones – pratique à laquelle peuvent recourir les forces armées dans le cadre de certaines de leurs interventions sur le territoire national. C’est donc fort logiquement que la commission de la Défense s’est saisie de ces deux articles, à l’initiative de sa présidente, Mme Françoise Dumas.

I.   La participation des forces armées aux opérations de sécurité intérieure et de sécurité civile sur le territoire national

S’il est plus visible depuis 2015, le recours aux armées pour la protection du territoire national n’est pas nouveau en soi. Ainsi, dans les milieux maritime et aérien, les armées assurent déjà « en première ligne » la protection du territoire. L’armée de l’air et de l’espace tient ainsi la posture permanente de sûreté aérienne – la police du ciel – ses équipages étant primo intervenants en cas de menaces d’origine aérienne. En mer, les bâtiments de la marine nationale sont en charge de conduire la mission interministérielle de sauvegarde maritime. En outre, dans le milieu terrestre, les armées ont depuis longtemps pour mission de renforcer les forces de sécurité intérieure en cas de crise.

C’est ainsi que les armées constituent de longue date le principal « réservoir de forces » à la disposition du gouvernement pour gérer les crises de sécurité publique, telles que les attentats de 2015, agissant comme ultima ratio de l’État.

En outre, elles interviennent régulièrement dans le cadre d’opérations de sécurité civile.

A.   Le cadre général d’intervention des forces armées sur le territoire national

Ainsi que le souligne une récente étude de la Fondation pour la recherche stratégique ([228]), « la réquisition de la force armée − et son corollaire, à savoir la séparation radicale entre les autorités requérantes et les autorités requises – est un principe affirmé dès la Révolution et consiste en une réquisition de troupes. » Si le principe de la réquisition a été abandonné s’agissant de l’action des forces de gendarmerie, les forces armées stricto sensu continuent d’y être soumises, en application des dispositions du code de la défense.

Plus généralement, le concours des armées ne peut être requis pour des missions de sécurité intérieure, ou de sécurité civile, que lorsque les autres moyens des administrations ‒ y compris ceux de la gendarmerie nationale ‒ s’avèrent inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles. Ce principe est communément appelé « règle des quatre “i” ».

L’intervention des forces armées sur le territoire national peut donc se faire selon deux modalités :

● d’une part, dans le cadre de demandes de concours, qui font l’objet d’une compensation financière en contrepartie de la prestation fournie – à l’exception de la sauvegarde des biens et des personnes – et qui ne peuvent prendre effet que lorsque la règle des quatre « i » est vérifiée. Certains départements ministériels ou les services déconcentrés de l’État peuvent être amenés à solliciter à titre occasionnel un renforcement ou un complément de la part des armées. La demande est transmise par le préfet de zone de défense et de sécurité à l’officier général de la zone (OGZDS) ;

● d’autre part, dans le cadre d’une réquisition par une autorité administrative ou judiciaire, qui trouve son fondement notamment à l’article L. 1321-1 du code de la défense, selon lequel « aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». Il en ressort des dispositions du code de la défense que les réquisitions administratives sont délivrées dans le cadre :

– du maintien de l’ordre public ;

– d’une atteinte à la sécurité publique en situation d’urgence ;

– de la lutte contre le terrorisme ;

– d’une crise majeure sur le territoire national.

En la matière, les réquisitions administratives sont adressées par le préfet de zone de défense et de sécurité, voire par le préfet de département, à l’officier général de la zone. En cas d’urgence, les réquisitions peuvent être délivrées directement au commandant de la formation ou de l’organisme requis, qui en informe alors l’OGZDS.

B.   L’opération Sentinelle

En 2015, le lancement de l’opération Sentinelle marque un changement de paradigme en ce qu’elle se traduit par un engagement durable et massif des armées sur le sol national, justifié par la permanence et l’intensité exceptionnelles de la menace terroriste. Sur le sol national, celle-ci se caractérise en effet par sa haute intensité – si les attentats terroristes les plus récents ont pris la forme d’actions « simples », ceux de 2015 ont présenté pour nouveauté l’utilisation de techniques et de matériels inspirés des actes de guerre – et son inscription dans la durée – la menace terroriste perdure depuis le printemps 2012.

En conséquence, alors que la contribution des armées au plan Vigipirate s’établissait en moyenne à 1 000 hommes environ jusqu’aux attentats de janvier 2015, cet effectif a été porté à 10 000 militaires dès leur lendemain. Et ce n’est que lors du Conseil de défense du 29 avril 2015 que le président de la République a décidé de pérenniser ce déploiement et de lui conférer l’appellation d’« opération Sentinelle » : jusqu’à cette date, le seul cadre de l’engagement est le plan Vigipirate. Si l’armée de terre est la principale contributrice à l’opération Sentinelle, les autres forces y contribuent également. C’est en particulier le cas de l’armée de l’air, qui mobilise une centaine de personnels en permanence, principalement dans les aéroports de Nice, de Bordeaux et d’Orly.

Le niveau d’engagement maximal – 10 000 hommes déployés – a été atteint à trois reprises, pendant une durée totale de vingt semaines : au moment des attentats contre Charlie Hebdo, en janvier 2015, de ceux de Saint-Denis et de Paris en novembre 2015 et de Nice en juillet 2016. À deux reprises, l’armée de terre a projeté ces 10 000 hommes au-delà de la durée maximale d’un mois prévue par le contrat opérationnel.

Puis, pour tenir compte de l’évolution de la menace et des incidences de l’opération Sentinelle sur les forces, le président de la République a autorisé, lors du Conseil de défense du 14 septembre 2017, l’expérimentation d’un nouveau dispositif, dit « Sentinelle rénové ». Il s’agissait d’améliorer les capacités d’intervention de l’armée de terre sur le territoire national en cas de crise, sans augmenter sa contribution en effectifs.

Ce nouveau dispositif s’articule en trois niveaux : un échelon « socle », dit dispositif opérationnel permanent (DOP), déployé de 3 500 hommes, un échelon de manœuvre de 3 500 soldats, dit échelon de renforcement programmé (ERP), permettant un déploiement dynamique adapté à la menace, avec des unités en alerte à douze heures et d’autres à 72 heures, et une réserve stratégique de 3 000 militaires en cas de crise majeure. Avec cette nouvelle organisation, les forces armées peuvent réagir rapidement et efficacement face à des situations de crise sur le territoire national et répondre à des besoins très variés. Ainsi, l’armée de terre a déployé plus de 5 000 soldats, en décembre 2018, à la suite de l’attentat perpétré sur le marché de Noël de Strasbourg.

L’opération Sentinelle repose désormais sur ce modèle, qui permet de moins fixer les unités sur le terrain grâce à une alerte plus réactive. C’est d’ailleurs cette souplesse qui a permis au chef de l’État d’annoncer, la semaine dernière, une remontée en puissance rapide des effectifs de l’opération Sentinelle.

C.   Les autres contributions des forces armées aux opérations conduiteS sur le territoire national

● Si elle en constitue la partie la plus visible, l’opération Sentinelle ne résume pas à elle seule la participation des forces armées aux opérations de sécurité intérieure. Le présent avis n’ayant pas vocation à recenser l’ensemble de ces contributions, la rapporteure exposera ci-dessous quelques exemples illustrant leur diversité.

D’abord, les forces sont aussi engagées dans d’autres missions intérieures, telles les opérations Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal et Titan de protection du Centre spatial Guyanais, toutes deux en Guyane.

Ensuite, elles sont chargées des postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime. Rappelons à ce titre que la base aérienne 942 de Lyon Mont-Verdun se trouve au cœur de la mise en œuvre de la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A), puisque c’est en son sein qu’est installé le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes de l’armée de l’air. Si elle est confiée à l’armée de l’air, la mise en œuvre de la police du ciel n’en demeure pas moins résolument interministérielle. Bien que les équipages chargés de la police du ciel soient assermentés afin de pouvoir constater des infractions en vol, il existe une parfaite continuité entre la police du ciel et les missions de police exercées par les forces de sécurité intérieure : une fois l’aéronef impliqué posé, il revient en effet aux forces de sécurité intérieure d’instruire et de constater une éventuelle infraction.

Afin de renforcer de manière ponctuelle la protection aérienne de certains événements, l’armée de l’air peut également être amenée à déployer des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA), comme ce fut le cas pour le Sommet du G7 de Biarritz, du 24 au 26 août 2019. De tels dispositifs sont également mis en place à l’occasion des cérémonies du 14 juillet ou de grands événements culturels et sportifs. Un DPSA prend la forme d’une bulle de protection planifiée, permettant d’interdire à tout aéronef l’accès à un espace aérien pour qu’il ne constitue pas une menace.

En matière de police du ciel, l’échelle des menaces est large, allant d’un avion militaire hostile ou d’un avion civil détourné à un drone malveillant. Les armées et les forces de sécurité intérieure, pleinement intégrées dans ces DOSA, peuvent également être amenées à déployer leurs propres drones pour des actions de surveillance et de sécurisation.

De manière similaire, la marine nationale met en place des dispositifs particuliers de sauvegarde maritime (SPASME), comme ce fut le cas autour de Biarritz pour le Sommet du G7 ou des cérémonies du Soixante-quinzième anniversaire du Débarquement.

Plus largement, la marine nationale participe aux opérations de sécurité intérieure dans le cadre de l’action de l’État en mer (HEM). Celle-ci regroupe l’ensemble des missions relevant, en mer, de l’État, à l’exception des missions liées à la défense nationale, à savoir : des missions de puissance publique, de sécurité et secours en mer, liées à l’environnement, de contrôle sanitaire et des conditions de travail en mer et de gestion du patrimoine marin. C’est notamment dans le cadre de l’AEM que la marine nationale est chargée de la mission de lutte contre la pêche illégale, dite « Polpêche ».

Enfin, les forces soutiennent également l’action des forces de sécurité intérieure au travers de dispositifs spécifiques comme le groupe interarmées d’hélicoptères (GIH), stationné à Villacoublay. Deux appareils sont placés en alerte permanente à une heure, les équipages et leurs hélicoptères pouvant aussi être prépositionnés en cas d’événements spécifiques à l’instar de sommets politiques de grande envergure ou de crise de sécurité publique inscrite dans la durée. En mars et en juin 2019, les hélicoptères du GIH ont assuré le transport d’unités du RAID à la prison de Condé-sur-Sarthe.

● En outre, les armées sont régulièrement engagées dans le cadre d’opérations de sécurité civile et de secours aux populations. Au-delà de l’emblématique opération Résilience, qui a fait l’objet de maints travaux de la part de la commission de la Défense, rappelons ainsi que les armées sont chargées de la mission de recherche et de sauvetage (SAR) des aéronefs en détresse, et qu’elles contribuent aux actions de secours en mer dans le cadre de l’AEM. En outre, la participation des forces armées à des opérations de sécurité civile peut également découler de protocoles spécifiques. C’est notamment le cas de l’opération Héphaïstos, campagne annuelle de lutte contre les feux de forêts.

II.   Les dispositions de la proposition de loi dont s’est saisie la commission de la Défense

A.   L’article 22 : la définition d’un cadre pour l’emploi de caméras aéroportées par les autorités publiques

● L’article 22 de la proposition de loi propose la création d’un nouveau chapitre intitulé « Caméras aéroportées » au sein du titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure, titre consacré aux caméras mobiles.

Composé de sept nouveaux articles, L. 242-1 à L. 242-7, ce nouveau chapitre entend fixer un nouveau régime juridique afin d’encadrer le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques.

À ce jour, les autorités publiques peuvent capter des images au travers de trois grands types d’outils :

– les caméras individuelles, dont l’usage est encadré par plusieurs dispositions juridiques, et notamment le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction actuelle. Ainsi, l’article L. 241-1 du code autorise-t-il « les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale [à] procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées » dans des conditions définies par les deux articles du chapitre unique composant ce titre IV ;

– la vidéoprotection, plus communément désignée sous le nom de « caméras de vidéosurveillance », qui fait l’objet du titre V du livre du code de la sécurité intérieure ;

– des dispositifs aéroportés, qu’il s’agisse d’aéronefs classiques – avions ou hélicoptères équipés de caméras fixes ou emportant un personnel doté d’un dispositif de captation – ou de drones aériens. En l’état actuel du droit, si le législateur a progressivement enrichi le patrimoine juridique de dispositions encadrant l’usage privé de drones, aucun régime juridique n’encadre ce type de prise de vue par les autorités publiques.

Pourtant, les forces de sécurité intérieure recourent aujourd’hui de manière régulière à ce type d’outils : elles se sont dotées de drones, leurs parcs croissant progressivement. Dans leur rapport d’information sur l’action aérospatiale de l’État, publié à l’été 2019, nos collègues Jean-Jacques Ferrara et Christophe Lejeune ([229]) indiquaient que la gendarmerie nationale disposait d’un parc de drones, perçus comme un outil utile au maintien de l’ordre. Employée pour des missions d’information, d’anticipation de commandement, d’appui aux unités, y compris dans le soutien logistique, et de communication, la flotte d’aéronefs sans pilotes à bord de la gendarmerie nationale comportait alors 150 drones, dont :

– des nano-drones, employés notamment par le GIGN ;

– des drones « du quotidien », pour la plupart de fabrication chinoise et dont les données ne bénéficient pas nécessairement d’une protection renforcée. C’est notamment le cas des drones employés à Notre-Dame-des-Landes ;

– des drones spécialisés, à l’image des drones de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale ou de la gendarmerie des transports aériens ;

– de 25 drones « durcis », dont les données bénéficient d’une protection renforcée.

Aujourd’hui, selon l’avis budgétaire de M. Stéphane Mazars sur les crédits inscrits à la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2021, la gendarmerie nationale possède 300 drones ([230]) .

Quant à la police nationale, elle disposait, à l’été 2019, d’un parc de 30 drones de type Phantom 4 et Mavic Pro. Selon le rapport précité, « les drones de la police nationale assurent des missions techniques, notamment au profit des personnels de la police scientifique et technique, du ressort du maintien de l’ordre – des drones Mavic pro ont par exemple été employés dans le cadre des manifestations du mouvement des « gilets jaunes » à La Réunion en 2018 – mais aussi de police judiciaire, pour des missions d’observation, des drones étant employés à Montgenèvre, point de passage migratoire à la frontière franco-italienne, ou de surveillance, notamment des points de rencontre des réseaux de trafics de stupéfiants. » Le directeur général de la police nationale a publié, à l’été 2018, une doctrine d’emploi afin de préciser les modalités de recours aux drones comme de montée en puissance de cette capacité. Aujourd’hui, selon l’avis de M. Mazars précité, la police nationale dispose d’un parc de 262 drones, répartis sur l’ensemble du territoire national, outre-mer inclus.

Les images apportent une aide décisive aux forces de sécurité intérieure dans la conduite de leurs missions. Ainsi, alors que les derniers mois ont été marqués par la recrudescence de rodéos motorisés, l’identification des auteurs de ces rodéos par les caméras de vidéosurveillance est essentielle pour les appréhender. L’utilisation des drones permettra aux forces de l’ordre de disposer d’outils technologiques modernes et performants pour suivre les auteurs des rodéos et les arrêter plus rapidement. Ils pourront aussi avoir à terme un effet dissuasif sur cette nuisance, facteur de dégradation de la qualité de vie des habitants qui les subissent quotidiennement, voire plusieurs fois par jour.

En outre, ainsi que le relevaient nos collègues précités, l’emploi de drones au profit de la direction générale des douanes et des droits indirects fait actuellement l’objet de trois expérimentations, dont l’une en Andorre, reposant sur le déploiement d’un drone captif en vue de faciliter la surveillance de trafics illicites de cigarettes.

Les armées peuvent également être amenées à recourir à ce type d’outils, en particulier dans le cadre des dispositifs particuliers de sûreté aérienne ou de sauvegarde maritime qu’elles déploient pour assurer la sécurisation d’événements de grande ampleur, en coordination avec les services du ministère de l’Intérieur.

Enfin, les opérateurs de la sécurité civile recourent également parfois à des dispositifs de captation d’images aéroportés, tant le cadre d’actions de prévention que de protection et de secours.

Pour le législateur, il est donc urgent de fixer un cadre juridique à l’emploi de ces caméras aéroportées, d’autant qu’une récente décision du Conseil d’État a interdit aux services de l’État de poursuivre l’utilisation des caméras aéroportées en l’absence de cadre juridique assurant un équilibre entre le maintien de l’ordre public et le respect des libertés publiques. Cette décision ([231]) est intervenue alors que des drones vidéos étaient utilisés pour contrôler le respect du confinement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19, par la préfecture de police à Paris et par certaines polices municipales.

La rapporteure pour avis ne détaillera pas ici l’ensemble des dispositions de la proposition de loi, dont l’analyse étayée peut être retrouvée dans le rapport au fond de nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot.

● Plus précisément, ce nouveau chapitre prévoit, au nouvel article L. 242- 5, que les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images, afin d’assurer :

– la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique, ou dans des lieux ouverts au public, lorsque les circonstances font craindre des troubles grave à l’ordre public ;

– la prévention d’actes de terrorisme ;

– le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;

– la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;

– la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;

– la régulation des flux de transport ;

– la surveillance des littoraux et des zones frontalières ;

– le secours aux personnes ;

– la formation et la pédagogie des agents.

De même, ainsi que le prévoit le nouvel article L. 242-6, dans l’exercice de leurs missions, les services de l’État chargés des opérations de sécurité civile – services d’incendie et de secours, formations militaires de la sécurité civile, brigade des sapeurs-pompiers de Paris, bataillon des marins-pompiers de Marseille – peuvent également procéder à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images, à partir de caméras aéroportées, afin d’assurer la prévention des risques naturels ou technologiques, le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ainsi que la formation et la pédagogie des agents.

Les autres articles de ce nouveau chapitre fixent également un certain nombre de garde-fous, à même de garantir le respect des libertés publiques.

Ainsi, le nouvel article L. 242-2 dispose que lorsqu’elles sont mises en œuvre sur la voie publique, de telles captations ne peuvent conduire à la visualisation de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. En outre, il précise qu’en aucun cas les images captées ne peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.

De même, le nouvel article L. 242-3 dispose que le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.

Enfin, selon le nouvel article L. 242-4, les opérations de traitement d’image ne peuvent être mises en œuvre de manière permanente. Pour l’assurer, les services compétents doivent tenir un registre des traitements mis en œuvre, la durée des enregistrements réalisés ainsi les personnes ayant accès aux images, y compris le cas échéant au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel. Par ailleurs, ce nouvel article dispose que les enregistrements ne peuvent être conservés que pour une durée de trente jours, sauf s’ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.

De manière assez classique, le nouvel article L. 242-7 renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation des modalités d’application de ce nouveau chapitre.

B.   L’article 26 : l’usage des armes par les militaires déployés sur le territoire national

● L’article 26 de la proposition de loi modifie l’article L. 2338-3 du code de la défense afin de clarifier les règles d’usage des armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile. Il procède ainsi la réécriture du deuxième alinéa de cet article. La rédaction actuelle, qui résulte de la loi n° 2018-607 de programmation militaire du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM), suscite en effet des difficultés d’interprétation.

En effet, s’agissant des règles d’ouverture du feu, en l’état actuel, les soldats de la force Sentinelle peuvent faire usage de leurs armes pour mettre hors d’état de nuire toute personne armée représentant un danger imminent pour eux ou pour autrui. Le cadre d’usage des armes a été étendu par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, qui a unifié le régime d’usage de l’arme des agents de la force publique et permet aux militaires, selon les circonstances, de réagir pour mettre hors d’état de nuit les terroristes.

Or, à l’occasion de l’examen de la LPM, une modification introduite à l’article L. 2338-3 du code de la défense à l’initiative du Sénat a produit des effets insoupçonnés alors. Dans sa rédaction issue de la LPM, cet article prévoit ainsi que « Les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions […] peuvent faire usage de leurs armes et de moyens techniques appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de la défense, pour immobiliser les moyens de transport dans les mêmes conditions ».

Or, ces dispositions pourraient conduire à ne considérer que les militaires ne seraient fondés à recourir à leurs armes que dans le seul cas où ils auraient à immobiliser des moyens de transport. L’article 26 de la proposition de loi corrige donc cette ambiguïté.

Ce faisant, il prévoit de laisser à un arrêté conjoint du ministre de l’Intérieur et du ministre des Armées le soin de préciser les normes techniques des matériels utilisés pour immobiliser un véhicule dans les conditions de l’article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure, lorsque ces militaires sont engagés, sur réquisition, sur le territoire national : ce projet d’arrêté conjoint apporte une complexité juridique qui n’apparaît pas justifiée, alors que la rédaction issue de la LPM ne confiait cette responsabilité qu’au ministre des Armées. En outre, pour la rapporteure pour avis, il est important de souligner que le principe de nécessaire libre disposition de la force armée doit plaider pour que les choix capacitaires faits pour équiper les armées, même lorsqu’ils sont très modestes, restent à la main de la ministre des Armées, chargée notamment de la préparation et des conditions d’emploi des forces armées selon l’article L. 1142-1 du code de la défense.

C’est pourquoi la rapporteure pour avis a proposé un amendement permettant de revenir à un seul arrêté de la ministre des Armées, adopté par la commission de la Défense.


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Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

Réunion du lundi 2 novembre 2020

Lors de sa réunion du lundi 2 novembre 2020, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, sur la proposition de loi relative à la sécurité globale (n° 3452) (Mme Thourot et M. Fauvergue, rapporteurs).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9792372_5fa007fc1fe69.commission-des-lois--m-gerald-darmanin-ministre-de-l-interieur-2-novembre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La proposition de loi relative à la sécurité globale a été déposée par nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, qui en sont les rapporteurs. Ceux-ci ont étroitement travaillé avec le ministère de l’Intérieur et c’est pour cela que nous avons souhaité vous entendre, Monsieur le ministre, à ce propos, même si nous disposons de peu de temps. Vous serez parmi nous, cela étant, à partir de mercredi pour l’examen des articles et des amendements.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. La proposition de loi relative à la sécurité globale porte sur trois sujets principaux, sur lesquels le Gouvernement présentera des amendements et examinera avec attention les suggestions des parlementaires.

Elle prévoit, en premier lieu, un renforcement des polices municipales et de leurs prérogatives. Les policiers municipaux ont toute leur place dans le continuum de sécurité et peut-être n’ont-ils pas été respectés comme ils le devraient jusqu’à présent. Cette proposition de loi vient rehausser leurs pouvoirs : c’est une bonne chose. La police municipale ne doit toutefois pas être confondue avec la police nationale. Elle est appelée à jouer un rôle important en matière de sécurité, mais les pouvoirs d’enquête, les mesures de privation de liberté et les actions de lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la grande criminalité doivent rester des compétences exclusives des agents de l’État. Il ne s’agit pas de décharger la police nationale sur les polices municipales, mais de donner aux secondes les mêmes droits sur des sujets concrets, du quotidien. De cette façon, nous pourrons renforcer leurs moyens d’action en maintenant la spécificité du modèle français, qui n’est pas celui d’une police fédérale comme aux États-Unis.

J’accorde une importance particulière à l’article 1er qui autorise une expérimentation souhaitée par le Gouvernement : toute police municipale composée de plus de vingt policiers encadrés par un directeur ou un chef de service pourra disposer de compétences nouvelles, notamment se placer sous l’autorité du procureur de la République et constater des infractions si aucun acte d’enquête n’est requis. Cette mesure va révolutionner l’action des polices municipales.

Cette réforme respecte la liberté des collectivités locales. Je pense qu’une police municipale doit être formée, armée et disposer de caméras de vidéoprotection. C’est ainsi que j’ai procédé lorsque j’étais maire. Cependant, par respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, je ne souhaite pas que soit obligatoire l’armement des polices municipales. Si un maire considère qu’il ne faut pas le faire, il n’en répond que devant ses électeurs. Généraliser les polices municipales armées se ferait contre une partie des élus municipaux ; l’imposer par la loi serait contre-productif puisque certains maires préféreraient revenir sur l’existence même d’une force municipale pour ne pas avoir à l’armer. Dans ces conditions, nous n’aurions pas bien travaillé pour la République. Nous pouvons avoir une opinion ; nous ne pouvons pas l’imposer aux élus locaux.

La deuxième catégorie de dispositions concerne la sécurité privée, essentielle dans le continuum de sécurité. Elle mérite une place plus importante et un meilleur contrôle. La sous-traitance doit être limitée et les recrutements encadrés, notamment en cas d’antécédents judiciaires. Les sociétés de sécurité privée doivent pouvoir soulager les forces publiques. Certaines procédures administratives sans justification sont supprimées. Je souscris à cette modernisation d’une filière qui souffre, en raison du confinement, mais qui est essentielle. Les agents de sécurité privée font souvent preuve de courage et sont fréquemment les premiers à donner des informations aux forces de police lors des interventions.

La troisième série de mesures traite des caméras de vidéoprotection et des drones – les caméras aéroportées. Les images sont partout car les maires installent des caméras de vidéoprotection en nombre et parce que les images viennent aider les interventions de police. Dans la lutte contre le terrorisme, pour réprimer les graves troubles à l’ordre public comme afin de combattre le trafic de stupéfiants ou les rodéos urbains, un drone est plus efficace qu’une centaine de policiers. L’urbanisme des quartiers, l’intelligence des guetteurs, parfois même les caméras que mettent en place les malfaiteurs, entravent les enquêtes. Je suis donc favorable à la réglementation de l’utilisation des drones par la police, d’ailleurs exigée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés ainsi que par le Conseil d’État.

Les images peuvent également être utilisées contre les forces de l’ordre. Je remercie les députés de mettre en application ma promesse aux forces de sécurité de ne pas les jeter en pâture sur les réseaux sociaux. Rappelez-vous le drame de Magnanville : nous ne savons pas si les réseaux sociaux ont inspiré cet attentat, mais un policier et une policière ont été égorgés devant leur enfant. Des fonctionnaires, qui font un travail extrêmement difficile, sont exposés à toutes les menaces. Je ne souhaite pas que les policiers soient cagoulés lors des manifestations car la police de la République agit par principe à visage découvert, sauf exceptions très limitées. Mais nous devons protection à ces personnels. Nous connaissons tous des policiers ou des gendarmes insultés lorsqu’ils vont en famille au supermarché ou au club de sport. Il nous revient de les préserver.

La généralisation des caméras-piétons est prévue dans le projet de loi de finances, mais leurs images ne peuvent être visionnées en direct par les enquêteurs. Ce serait pourtant pratique pour relever l’immatriculation d’un véhicule ou dresser le signalement d’un délinquant. Ces images permettraient surtout aux policiers d’établir leurs rapports car, lors d’une intervention violente, il n’est pas toujours possible d’être objectif. Souvent, dans des enquêtes, des policiers sont soupçonnés de mentir car leurs constats ou leurs déclarations ne reflètent pas exactement la réalité, mais je mets au défi quiconque d’intervenir face à des dealers violents, en pleine nuit, en gardant toute sa lucidité. Visionner ces images permettra aux policiers de rédiger leur rapport ; les auteurs de cette proposition de loi débloquent cette possibilité et je m’en réjouis.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. À propos de la diffusion d’éléments d’identification des forces de l’ordre, il est important de rassurer les citoyens, les journalistes et les parlementaires : dans un strict but d’information, la diffusion des images ne sera pas interdite. Il est important de préciser ce point pour que la volonté des auteurs de cette proposition de loi et le soutien que leur apporte le Gouvernement ne soulèvent pas de doute.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cette proposition de loi, que les députés de la majorité soumettent au Parlement, est le résultat d’un travail de longue haleine : nous nous y consacrons depuis deux ans. Nous avons mené plus de deux cents auditions dans toute la France. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’apporter ainsi votre soutien à ce texte.

M. Éric Diard. Je tiens effectivement à féliciter M. Fauvergue et Mme Thourot de leur travail remarquable.

Les députés du groupe Les Républicains sont favorables au renforcement des pouvoirs de la police municipale, en maintenant sa distinction avec les forces nationales. Nous devrons débattre de la question de l’armement, notamment dans les métropoles. Que serait-il arrivé, à Nice, si les policiers municipaux n’avaient pas été armés ?

Nous sommes très prudents au sujet des sociétés de sécurité. Il faut distinguer les organes tels que la surveillance générale (SUGE), qui est le service de sécurité de la SNCF, de sociétés de sécurité privées dont les pratiques doivent être moralisées. Les Jeux Olympiques de 2024 créent un besoin ; il s’agit donc d’un dossier important.

Nous souhaitons également aborder la question de la reconnaissance faciale, qui soulève un problème constitutionnel.

L’article 23 exclut les réductions automatiques de peine dont bénéficient les auteurs de violences contre certains agents publics. Nous souhaitons ajouter les policiers municipaux à la liste prévue, qui comprend les pompiers, les gendarmes, les élus et la police nationale.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je demanderai à tous de ne pas oublier les agents de l’administration pénitentiaire !

Mme Isabelle Florennes. Au nom du groupe MODEM et Démocrates apparentés, je remercie les auteurs de la proposition de loi. L’inscription de ce texte à l’ordre du jour était attendue et essentielle.

Nous soutiendrons le renforcement des polices municipales. Je ne serai pas l’oratrice principale de mon groupe, au sein duquel nous discutons encore de certains aspects du texte, mais j’interviendrai sur la question des rodéos motorisés, qui a déjà fait l’objet d’une proposition de loi. Nous devons renforcer les moyens des forces de l’ordre, notamment en ce qui concerne la confiscation et le traçage des véhicules. Par ailleurs, j’ai déposé un amendement permettant la surveillance des rodéos motorisés par des caméras aéroportées.

Mme Cécile Untermaier. Je voudrais exprimer, au nom du groupe Socialistes et apparentés, un regret sur les conditions d’examen de cette proposition de loi. Il n’y a ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État, alors que les sujets abordés sont très importants – il est notamment question des libertés publiques.

Deuxième observation, qui va dans le sens de vos propos, monsieur le ministre : la police municipale doit rester une police de proximité ; il faut garder une frontière claire avec la force publique nationale. Soyons prudents ! En rapprochant les polices municipale et nationale, étape après étape, on crée une confusion ou, en tout cas, on suscite une attente – voir la police municipale devenir, en quelque sorte, une police nationale de proximité.

Quant aux propos que vous teniez tout à l’heure sur la lutte contre le terrorisme, l’instruction est obligatoire mais l’école ne l’est pas. Il faut sans doute changer le dispositif actuel. Le recours à d’autres formes d’instruction, sans que ce soit nécessairement pour des motifs religieux en lien avec l’islamisme politique, est plus fréquent que je ne le pensais. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu’il y a 50 000 enfants déscolarisés, ce qui est considérable. Mme George Pau-Langevin, qui a rédigé un rapport sur le sujet, m’a confié que les services académiques sont dans l’incapacité de savoir qui cela concerne – ils ne connaissent que les enfants scolarisés. Nous devons travailler sur cette question.

M. Dimitri Houbron. Le groupe Agir ensemble apporte tout son soutien à cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, votre mission est particulièrement compliquée, surtout dans la situation actuelle, et nous tenterons de vous aider par des textes relevant de l’initiative parlementaire comme celui-ci. Je tiens à saluer mes collègues pour le travail qu’ils ont mené – je sais toutes les heures qu’ils y ont consacrées et tous les déplacements qu’ils ont effectués.

J’aimerais avoir votre avis, en tant qu’ancien ministre du budget, sur la manière dont il convient de soutenir le développement de polices municipales dans des communes qui mutualiseraient des moyens dans le cadre d’un schéma territorial de sécurité. Pourrait-on leur apporter un appui plus important ? Le financement est le nerf de la guerre dans les petites communes.

Selon un maire de ma circonscription, il serait compliqué, compte tenu de la législation actuelle – mais je n’ai pas eu le temps de vérifier –, d’installer des moyens de vidéoprotection à titre temporaire, dans un lieu donné, pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets. J’aimerais également vous entendre sur ce point.

M. Paul Molac. Je pense que vous faites fausse route en ce qui concerne l’instruction et la scolarisation, monsieur le ministre. Interdire l’instruction dans la famille est une erreur. À peu près 50 000 enfants seraient déscolarisés, mais combien dans les quartiers sensibles ? On dit qu’ils seraient 1 000 ou 2 000 – la question a été posée à M. Blanquer, mais il n’a pas su y répondre précisément. Cela représenterait environ 5 % du total. Supprimer cette liberté serait disproportionné.

S’agissant de la proposition de loi, je serai vigilant sur certains points. Je suis d’accord avec l’idée de flouter les forces de l’ordre – leurs personnels ont aussi une vie privée. En revanche, je pense que les enregistrements doivent être utilisés non seulement pour disculper des fonctionnaires de police, ce qui est déjà arrivé – je pense à la diffusion d’une vidéo choquante, en réalité tronquée, dans laquelle on voyait une personne enlever ses prothèses : heureusement, quelqu’un avait filmé en amont, car on s’apercevait alors que les policiers essayaient de l’aider et que la personne en question s’énervait –, mais aussi dans l’hypothèse où ils n’ont pas fait ce qu’il fallait.

Je suis un peu inquiet du recours à l’armée. J’ai fait quelques études d’histoire : la dernière fois qu’on lui a donné des pouvoirs, cela ne s’est pas très bien passé. Il faut faire attention : les forces armées ne sont pas faites pour le maintien de l’ordre. Elles n’y sont pas formées et elles n’ont pas les armes qui conviennent.

M. Meyer Habib. À l’inverse de M. Molac, je pense que tout ce qui va dans le sens de la sécurité des Français, et donc de leur liberté, va dans le bon sens. C’est le cas de l’excellent travail de nos collègues. J’aimerais qu’il n’y ait ni police ni armée et que nous vivions tous dans la béatitude, mais ce n’est malheureusement pas le cas : nous avons subi 270 morts. L’armée est a minima dissuasive, et c’est extrêmement important.

Le port d’arme par les fonctionnaires de police en dehors de leurs heures de service peut également aider. Cela existe dans d’autres pays d’une manière encadrée.

S’agissant de la vidéoprotection, j’observe que tout est filmé aujourd’hui, en permanence, et pas seulement par des caméras : tout le monde a un téléphone portable. Le monde a changé. Il n’y a pas de raison que les fonctionnaires soient handicapés parce qu’ils n’auraient pas le droit de filmer.

Je vous soutiens totalement en ce qui concerne la préservation de l’image des fonctionnaires de police. C’est également essentiel.

Nous voyons des images invraisemblables en provenance des quartiers perdus de la République. Des petites filles de trois ans portent des voiles, ce qui est terrifiant. Je sais que les choses sont en train de changer depuis que vous avez pris vos fonctions, monsieur le ministre. Aucun endroit ne doit rester hors la loi – même si c’est plus facile à dire qu’à faire.

M. Stéphane Peu. Pour ce qui est de l’instruction à domicile, je me range plutôt du côté du ministre. Il nous semble important, au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, de couper court à des pratiques néfastes. Il faut une règle : la meilleure est de rendre l’école obligatoire pour tous.

Je voudrais aussi remercier les auteurs de la proposition de loi. Mon groupe n’a pas encore arrêté sa position sur ce texte, mais il est sûr que nous défendrons beaucoup d’amendements.

Je suis tout à fait partisan d’une clarification des rôles respectifs de la police nationale et des polices municipales, et d’un renforcement de ces dernières – j’ai parfois été minoritaire dans ma famille politique sur cette question. Seulement, la République est une et indivisible : il ne peut pas y avoir une sécurité de riches et une sécurité de pauvres. Quand des officiers de police judiciaire ont 300 dossiers en moyenne dans un département comme la Seine-Saint-Denis et que leurs collègues de Paris en ont 80, il existe une inégalité de traitement qu’on ne peut dépasser en ayant recours à de la sécurité privée et aux polices municipales – ce n’est, d’ailleurs, pas souhaitable.

Nous regardons d’un œil favorable les objectifs de la proposition de la loi, mais nous serons exigeants quant à l’existence d’une police nationale et républicaine, en tout point du territoire et en toute égalité de traitement.

M. Ugo Bernalicis. Le groupe La France insoumise s’oppose à cette proposition de loi qui, en réalité, renforce la confusion des genres entre la police nationale, la police municipale, qui reçoit des prérogatives judiciaires sans la formation nécessaire, et les sociétés de sécurité privée, auxquelles on délègue des pouvoirs d’abord en matière de terrorisme, en ce qui concerne les fouilles, puis d’une manière de plus en plus étendue.

Le ministre a présenté sa petite liste de courses pour intégrer ses éléments de communication politique dans une proposition de loi, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État. La manipulation est grossière.

On essaie de nous rassurer en nous disant que les journalistes pourront continuer à faire leur travail, mais il ne sera plus possible de filmer les policiers en cours d’intervention à moins de les flouter, ce qui signifie que cela ne passera plus par les réseaux sociaux en diffusion directe. Ce n’est pas acceptable dans une démocratie et je ne pense pas que cette disposition passerait le cap du Conseil constitutionnel.

Quant à l’alignement, en ce qui concerne l’usage des armes des militaires, sur les policiers et les gendarmes, alors qu’il y a déjà eu une extension, on voit bien que vous voulez, sous couvert du vocable de « continuum de sécurité », gommer des différences fondamentales entre la paix publique qui est l’affaire de forces civiles de sécurité intérieure et des problématiques militaires.

Nous nous opposerons à la quasi-intégralité des dispositions de cette proposition de loi. Il faudrait plutôt remettre en cause la doctrine actuelle afin de retrouver une vraie police de proximité.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Je répondrai simplement à deux personnes, à commencer par M. Bernalicis pour qu’il sache que, s’il est opposé à la quasi-intégralité de cette proposition de loi, je suis opposé à la quasi-intégralité de ce qu’il dit.

Monsieur Bernalicis, je remarque votre ton condescendant et votre manque de respect envers le travail parlementaire. Vous faites partie de ceux qui prônent une nouvelle République dans laquelle le Parlement aurait quasiment tous les pouvoirs. Mais lorsque des députés font des propositions et des choix, vous imaginez immédiatement qu’ils sont infantilisés. C’est particulièrement insultant.

Par ailleurs, votre non-défense des forces de l’ordre, pour ne pas dire autre chose car je tiens à rester poli, me laisse coi. Vous n’avez pas l’excuse d’être mal renseigné puisque vous avez travaillé au ministère de l’intérieur – ce qui rend votre discours encore plus désolant. Nous pourrions vous croire dans un autre monde si vous étiez élu d’une circonscription épargnée par les problèmes de sécurité, mais ils y pullulent au contraire. Vous savez dans quelles conditions travaillent les policiers ou les gendarmes. Ils risquent leur vie, pour des salaires peu élevés, dans des opérations désolantes comme des refus d’obtempérer à 3 heures du matin ou des interventions de police secours dont certains ne reviennent pas, laissant des enfants qu’ils ne pourront plus embrasser.

Imaginez que ces policiers, en train d’interpeller une personne agressive envers un voisin ou qui vient de commettre un délit, se retrouvent parfois encerclés par une dizaine d’individus qui, au lieu de les aider comme cela pouvait arriver dans le temps ou, à la rigueur, de ne rien faire, collent leurs téléphones à quelques centimètres de leurs visages pour les filmer tout en commentant la scène en les insultant ! Ces vidéos sont téléchargées sur les réseaux sociaux où les policiers sont jetés en pâture. Certains sont agressés quand ils sont retrouvés, quand ce ne sont pas leurs enfants. Ces agressions physiques, ces lettres de menace, ces insultes ont parfois obligé des personnels à déménager. Vous ne pouvez pas tenir de tels propos, monsieur Bernalicis, insultants pour la police nationale et la gendarmerie. Je vous le dis très simplement : la démagogie a une limite, celle de la décence, surtout au regard du nombre d’attaques perpétrées contre ceux qui protègent notre société et nos concitoyens, quelle que soit leur opinion politique ou religieuse. Les policiers de la République protègent même les députés de la France insoumise !

Monsieur Houbron, la mutualisation des moyens des communes est prévue dans la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite « loi Lecornu ». La proposition de loi prévoit de modifier le seuil des 80 000 habitants pour la mise en commun des agents de police municipale rattachés à différentes communes afin, justement, d’imaginer un schéma territorial. L’ancien ministre du budget gardera pour lui son opinion ; vous interrogerez son successeur.

Pour ce qui est de la lutte contre les dépôts sauvages, les maires peuvent acheter des caméras nomades et la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, défendue par Mme Brune Poirson, permet de verbaliser des infractions constatées par vidéoprotection. Sans doute peut-on encore améliorer le dispositif, mais le travail mené sous cette législature me semble avoir résolu les problèmes auxquels était confronté le maire de votre circonscription.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous vous remercions de cette audition. La proposition de loi sera examinée par la Commission à partir de mercredi.


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COMPTES RENDUS DES DÉBATS

Lors de ses réunions des mercredis 4 et jeudi 5 novembre 2020, la Commission examine la proposition de loi relative à la sécurité globale (n° 3452) (Mme Thourot et M. Fauvergue, rapporteurs).

Première réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9 heures 30 (discussion générale et article premier)

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9805691_5fa265805755c.commission-des-lois--projet-de-loi-relatif-a-la-prorogation-de-chapitres-du-code-de-la-securite--p-4-novembre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Lundi, le ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, était présent parmi nous pour exprimer la position du Gouvernement sur ce texte. Il nous rejoindra ultérieurement pour participer à l’examen des articles.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cela fait désormais près de trois ans qu’Alice Thourot et moi travaillons sur le sujet du continuum de sécurité ou, comme nous préférons l’appeler, de la sécurité globale. Si cette expression peut surprendre, elle a l’avantage d’être la seule à embrasser l’ensemble des 430 000 membres des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des entreprises privées de sécurité, qui concourent, à des degrés et par des chemins différents, à garantir la protection des personnes et des biens dans notre pays.

La mission qui nous a été confiée sur ce thème en mars 2018 par le Premier ministre a permis de prendre la mesure des changements survenus dans le paysage sécuritaire français depuis trois décennies. Le rapport qui a conclu ces travaux formule plus de quatre‑vingts propositions pour repenser son architecture et son fonctionnement, pour bâtir cette coproduction de sécurité dont nous avons grandement besoin. À la suite de sa publication, nous avons décliné ces réflexions dans le droit en rédigeant une première version de notre proposition de loi, déposée au début de l’année. Nous avons ensuite continué de la travailler et de l’enrichir : nous avons retiré certains éléments qui relevaient de la compétence du pouvoir réglementaire et avons abordé de nouvelles thématiques dont la nécessité est devenue évidente au fil des mois. La version que nous vous présentons aujourd’hui conclut de longs mois de déplacements et de consultations. La discussion parlementaire qui s’engage sera un moment d’enrichissement, de nombreux amendements restant à discuter. Nous vous remercions tous d’avoir fait l’effort d’investir le sujet.

Vingt ans après la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, le titre Ier de cette proposition de loi actualise et modernise le droit applicable en la matière. Le 25 juillet dernier, dans son discours à Nice, le Premier ministre a insisté sur le renforcement de l’action de proximité. Il a annoncé une expérimentation sur l’extension des compétences de la police municipale, demandant au législateur d’en fixer le cadre afin d’offrir aux maires un outil souple, opérationnel et respectueux des compétences de chacun. L’article 1er met en œuvre de cette ambition.

Le titre Ier comporte également plusieurs des recommandations du rapport que j’évoquais à l’instant. Sur plusieurs aspects, il ne s’agit pas d’un grand soir de la police municipale, mais plutôt d’améliorations concrètes et pratiques visant à sécuriser l’action des agents. C’est le cas, par exemple, de l’article 3 portant sur les ivresses publiques et manifestes, de l’article 2 visant à encadrer des manifestations municipales ou encore, à l’article 5, de la suppression d’un seuil afin de favoriser le développement des polices municipales au niveau des bassins de vie.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Le titre II traite de la sécurité privée, sujet majeur de notre rapport, qui devient, en cohérence, un titre important de notre proposition de loi. Nos propositions en la matière peuvent se résumer à trois objectifs : structurer la filière ; protéger les agents ; les associer à la coproduction de sécurité dans le respect des prérogatives des forces de l’ordre.

Alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 nécessiteront de recruter massivement dans ce secteur un personnel qualifié et à la probité irréprochable, l’effort de structuration de la filière apparaît essentiel. Il ne pourra être mené qu’en durcissant les conditions de moralité exigées, qui doivent pouvoir être mieux contrôlées et mieux sanctionnées. Ainsi proposerons-nous, pour la première fois, d’encadrer strictement le recours à la sous‑traitance en cascade, véritable plaie pour ce secteur régulièrement dénoncée depuis de nombreuses années. Nous vous suggérerons également de mieux encadrer certains sous-secteurs qui échappent à la régulation dans des circonstances peu satisfaisantes. Nous faciliterons enfin la reprise d’activité des retraités de la police nationale dans le secteur de la sécurité privée afin de favoriser le transfert de compétences et de permettre à la filière, qui manque aujourd’hui d’encadrement intermédiaire, de profiter de l’expérience de ces fonctionnaires à la retraite selon les mêmes règles que pour les militaires de la gendarmerie nationale.

Notre second objectif est de mieux protéger et reconnaître les 170 000 agents qui exercent ces métiers, souvent dans des conditions difficiles. Demain, les violences, menaces et actes d’intimidation qu’ils subissent feront l’objet de sanctions aggravées qui traduisent dans le droit notre détermination à assurer leur protection. Guidés par l’objectif constant d’équilibrer notre texte, nous avons voulu y inscrire une disposition miroir qui punit davantage ces personnels lorsqu’ils commettent des violences dans le cadre de leurs fonctions.

Notre dernier objectif est d’associer davantage les acteurs de la sécurité privée à la sécurité globale. Nous leur permettrons de lutter, à titre exceptionnel, contre les actes de terrorisme touchant les biens dont ils ont la garde, comme ils peuvent déjà le faire en cas de vol et d’effraction. Nous faciliterons également leur participation aux opérations de palpations de sûreté, en maintenant des garanties très strictes qui permettent ces évolutions dans le respect de notre État de droit.

Le titre III comporte plusieurs dispositions relatives à la captation d’images et à la vidéoprotection. Certaines sont très attendues. Je pense notamment à l’article 21 qui modifie le cadre juridique applicable aux caméras mobiles pour les policiers nationaux et les gendarmes afin de prévoir une nouvelle finalité justifiant l’enregistrement – l’information du public sur les circonstances de l’intervention –, une possibilité de transmission en temps réel des images et un accès direct au film par les personnes ayant procédé à l’enregistrement. Ces avancées sont importantes pour les agents de terrain. Je vous proposerai d’ailleurs un amendement pour les étendre aux agents de police municipale.

Je pense également à l’article 22 qui crée un cadre juridique dédié, réglementant le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques. Au cours de l’état d’urgence sanitaire et dans les circonstances induites par l’épidémie de covid-19, leur usage par les services de l’État a soulevé, de manière inédite, la question des règles applicables. Nous vous proposons donc pour la première fois un cadre d’utilisation des drones.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Le titre IV comporte des dispositions qui concernent les forces de police et de gendarmerie nationales : il s’agit de protéger ceux qui nous protègent. Comme la discussion le montrera, les bonnes idées ne doivent pas être cantonnées. Nous vous proposerons que certaines initiatives couvrent également d’autres professionnels et d’autres agents.

Je pense particulièrement à l’article 23 portant sur les crédits de réduction de peine. Vous le savez, un individu condamné à une peine d’emprisonnement peut bénéficier de remises automatiques, sans considération de son comportement, du seul fait du temps qui passe. Le Parlement a déjà banni ce principe en 2016 pour les auteurs d’actes de terrorisme. Nous vous proposons de faire de même pour les agresseurs de policiers et de gendarmes. Nous verrons, par amendement, s’il est opportun de faire évoluer ce périmètre.

L’article 24 est très attendu par les forces de sécurité. Il interdit leur exposition sur les réseaux sociaux, où des individus mal intentionnés diffusent leur visage, d’autres fournissent leur adresse, en espérant que d’autres encore leur rendent la vie impossible – voire pire. Un policier, un gendarme, fait son travail au nom de l’État et sous le regard de la justice. Il n’a pas à subir, dans sa vie privée et dans sa sphère familiale, les représailles des voyous et des truands. Pas d’inquiétude : les journalistes pourront toujours faire leur travail. Nous ne voulons sanctionner que les intentions malveillantes. Pas d’inquiétude encore : les actes répréhensibles pourront toujours être punis comme ils doivent l’être, c’est-à-dire devant les tribunaux, puisque les voies de droit resteront ouvertes aux plaignants.

Je voudrais maintenant vous parler de la possibilité pour les policiers nationaux et les militaires de la gendarmerie de conserver leur arme lorsqu’ils accèdent à un établissement recevant du public. Cela peut paraître anecdotique à certains, baroque à d’autres. Nous pensons, quant à nous, que cela peut sauver des vies. Ce dispositif sera encadré, mais il est de nature à mieux sécuriser certains événements.

Je conclurai mon propos en évoquant la dernière disposition de la proposition de loi, qui régule le commerce des mortiers d’artifices. Alors que les premiers consommateurs de ces produits devraient être les communes le soir du 14 juillet, nous savons tous qu’en réalité, les acheteurs sont majoritairement les voyous, de plus en plus nombreux, qui se servent de ces engins pyrotechniques comme armes de substitution contre les policiers et les gendarmes, contre les commissariats et les casernes. C’est un véritable problème et c’est un commerce que nous devons réglementer. Nous devons empêcher l’achat de ces produits par ceux qui n’en feront manifestement pas un usage festif normal. Nous devons aussi et surtout responsabiliser les professionnels qui manquent à leurs obligations en mettant ces objets dans les mains de ceux qui en feront usage malveillant.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Enfin, dans le titre V relatif à la sécurité dans les transports et sécurité routière, nous vous proposerons deux dispositions très ponctuelles : l’une pour permettre la sécurisation des gares routières et des commerces des gares ferroviaires par les personnels spécialisés de la SNCF, l’autre pour simplifier la procédure des contrôles d’alcoolémie. Ce sont des sujets plus techniques, mais néanmoins attendus sur le terrain.

Voici, mes chers collègues, en quelques mots, le résultat et la philosophie de nos travaux. Nous sommes, Jean-Michel Fauvergue et moi-même, fiers du travail accompli, d’autant plus fiers de voir ce texte venir à l’ordre du jour car c’est une initiative parlementaire. Avoir, sur ces points, le soutien du Gouvernement signifie que les questions sont réelles. Nous comptons sur vous pour y répondre en responsabilité. Nous vous remercions de contribuer à cette œuvre commune.

Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis de la commission de la Défense nationale et des forces armées. C’est un honneur pour moi de représenter ce matin la commission de la Défense nationale et des forces armées, saisie pour avis des articles 22 et 26 de la proposition de loi. En son nom, j’aimerais remercier nos collègues rapporteurs pour la qualité et la profondeur des travaux qu’ils mènent depuis des mois sur le continuum de sécurité.

Ces dernières semaines, notre pays a été meurtri par des attaques terroristes. Ensemble, unis, nous avons réaffirmé notre volonté de faire bloc, de ne pas céder à ceux qui s’attaquent à notre société, à notre République et à ses valeurs.

Hier, en commission de la Défense, nous avons adopté les articles 22 et 26 de votre proposition de loi, considérant qu’ils apportent, en particulier en ce qui concerne le régime juridique de l’utilisation des caméras aéroportées, des avancées concrètes pour nos militaires engagés sur le territoire national contre le terrorisme. Nous avons également adopté un amendement à l’article 26, que je vous soumettrai au cours de la discussion. Enfin, nous avons souligné notre souhait d’élargir la protection fonctionnelle des agents des forces de sécurité intérieure aux cas d’attaques involontaires. Ce point tient beaucoup à cœur aux membres de la commission de la Défense, en particulier à sa présidente, Mme Françoise Dumas. L’article 40 de la Constitution nous empêchant de créer une nouvelle charge, nous n’avons pas déposé d’amendement en ce sens. Mais j’espère trouver le soutien des membres de la commission des Lois pour porter, à nos côtés, ce message au Gouvernement.

M. Éric Poulliat. Comme le soulignaient dans leur rapport de septembre 2018 nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, aujourd’hui rapporteurs de cette proposition de loi, l’articulation et les conditions de la collaboration des acteurs de la sécurité contribuent à la qualité de coproduction de sécurité dans le cadre d’une sécurité globale. Ce sont près de 448 000 femmes et hommes qui assurent notre sécurité au quotidien. Parmi ceux-ci, nos 250 000 personnels des forces de sécurité sont, chaque jour, mobilisés pour protéger nos concitoyens, lutter contre la délinquance et la menace terroriste. Ils agissent de plus en plus en proximité, en particulier dans le cadre de la police de sécurité au quotidien et des quartiers de reconquête républicaine mis en œuvre en 2018.

Trente ans après le début de leur montée en puissance, nos polices municipales comptent près de 23 000 agents. Reconnues pour leur professionnalisme et appréciées de nos concitoyens, elles ont plus que jamais montré leur importance il y a quelques jours lors de l’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice. C’est la raison pour laquelle il convient de resserrer leur coopération avec les forces de sécurité et de l’État.

Le secteur de la sécurité privée mobilise, lui, près de 175 000 agents répartis en 2018 dans 3 700 entreprises, des sociétés dont les prestations sont hétérogènes. Ce secteur doit, de fait, être accompagné dans une plus grande structuration et un réhaussement de ses exigences. L’enjeu est majeur. Aujourd’hui en difficulté du fait de la crise du covid-19, la filière sera particulièrement mobilisée pour la Coupe du monde de rugby de 2023 et les JO de 2024.

Particulièrement attendue par les forces de l’ordre, cette proposition de loi comprend de nombreuses mesures bien perçues par l’ensemble des acteurs car, effectivement, nos forces de sécurité attendent que l’on renforce leurs possibilités de coopérer entre elles, en réaffirmant les compétences de chacun, en structurant les secteurs qui doivent l’être et en intégrant l’enjeu des nouvelles technologies.

La proposition de loi se fixe trois grands objectifs. Le premier est d’accompagner la montée en compétence et la structuration de nos services de sécurité. Les polices municipales verront leurs compétences renforcées, en complément des forces de sécurité de l’État, pour constater – entre autres – la conduite de véhicule sans permis ou l’usage de stupéfiants. Cette proposition de loi sera également l’occasion d’acter la création d’une police municipale à Paris. Le secteur de la sécurité privée sera, pour sa part, réorganisé autour d’exigences renforcées, notamment en matière de formation des agents et de contrôle par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Le deuxième objectif consiste à soutenir nos forces de l’ordre. Leurs agents sont aujourd’hui des cibles – a fortiori avec la menace terroriste que nous connaissons – comme nous l’ont tristement montré l’assassinat d’une policière municipale à Montrouge et le double meurtre de policiers à Magnanville. Ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre ne les distinguent pas en fonction de leur corps d’origine ou du fait qu’ils soient ou non en service ; ils passent à l’acte. Conformément à l’engagement du Président de la République devant les forces de sécurité, il nous faut prévoir des peines plus fermes pour ceux qui s’en prennent à eux, tout en durcissant les sanctions contre les agents qui commettraient des infractions. Nous devons également sanctionner l’utilisation malveillante d’images des forces de l’ordre pour les menacer personnellement et, en même temps, garantir la possibilité pour les citoyens de communiquer aux autorités administrative et judiciaire d’éventuelles preuves d’abus. Enfin, il faut protéger nos forces de sécurité des nouvelles armes, mortiers et engins pyrotechniques, utilisées contre elles, comme ce fut le cas à Champigny-sur-Marne le 10 octobre dernier.

Le dernier objectif est de répondre aux enjeux opérationnels en adaptant le cadre juridique à l’utilisation des nouveaux outils technologiques et de la captation d’images dans le respect des libertés publiques. Cette nécessité fait suite aux demandes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et du Conseil d’État. Enfin, il faut autoriser nos policiers et nos gendarmes à conserver leurs armes hors service lorsqu’ils accèdent à un établissement recevant du public. Nous ne serons jamais à l’abri d’un nouveau Bataclan et nous devons tout faire pour l’empêcher.

Cette proposition de loi, vous l’avez compris, vise à mieux protéger les Français, ceux qui nous protègent dans un contexte où la menace terroriste est vivace et où la réaffirmation de l’autorité de la République est plus que jamais nécessaire. Attendue par les acteurs de terrain, elle améliorera la coordination entre les forces de sécurité, qu’elles soient issues de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des polices municipales ou de la sécurité privée. C’est une étape supplémentaire d’amélioration de la protection des Français tout en respectant les libertés publiques. L’objectif est clair : créer ce continuum de sécurité et lutter contre la rupture de sécurité. Députés de la majorité, membres du groupe La République en marche, nous souscrivons à cet objectif et nous soutenons cette proposition de loi qui réaffirme la place de l’État et donne un cadre juridique respectueux des libertés publiques à de nouvelles pratiques correspondant aux besoins opérationnels de nos forces de sécurité.

M. Éric Diard. Chers collègues rapporteurs, vous avez rendu au Gouvernement, en septembre 2018, un rapport sur la sécurité globale. Nous voici réunis pour apporter, grâce à cette proposition de loi, un aboutissement aux conclusions de ce rapport de qualité, qui nous invite à mieux penser l’organisation de nos forces de sécurité et à les faire coopérer, à tous les échelons, de manière à fluidifier leur action et à améliorer leur efficacité.

La proposition de loi apporte des avancées dans le domaine de la sécurité. Ainsi les dispositions relatives aux polices municipales leur accordent-elles des compétences nouvelles, comme celle de dresser des procès‑verbaux pour un ensemble de nouveaux délits. Elles offrent aux communes la possibilité de mutualiser leurs effectifs de police municipale pour effectuer des missions qu’elles ont préalablement discutées par voie de convention. Toutefois, ce texte ne traite pas de sujets pourtant majeurs. Nous y reviendrons, mais je souligne l’armement des policiers municipaux, qu’il faudrait rendre obligatoire pour les agglomérations les plus peuplées, tandis qu’il faudrait, pour les communes moins denses, laisser au représentant de l’État le soin d’apprécier la pertinence d’imposer cet armement. Je rappelle que l’auteur du terrible attentat qui a frappé Nice, le 29 octobre dernier, a été stoppé dans son parcours par des agents de la police municipale au professionnalisme et au courage desquels je tiens à rendre un hommage appuyé.

A contrario, ce texte nous semble étendre excessivement les compétences des sociétés privées de sécurité. Si elles jouent effectivement un rôle dans la sécurité des Français, nous devons établir une nette distinction entre nos forces de l’ordre, qui sont composées d’agents publics, et les opérateurs privés qui n’ont ni passé un concours ni signé un contrat avec la collectivité. La sécurité est sans doute l’une des compétences régaliennes les plus importantes en cette période. Il faut veiller à ne pas la privatiser.

Dans une proposition de loi intitulée « sécurité globale », il aurait également fallu apporter des réponses plus fortes à la menace terroriste qui pèse toujours sur notre pays, comme nous le rappellent tragiquement les deux dernières semaines. Je pense notamment à l’extension du champ des enquêtes administratives menées par le service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) et à une expérimentation sur la reconnaissance faciale en matière de vidéoprotection. Nous regrettons que les amendements présentés à ce sujet par notre groupe aient été déclarés irrecevables au titre des articles 40 et 45 de la Constitution. Ces propositions portaient un dispositif essentiel en matière de sécurité globale puisqu’elles permettaient, entre autres, l’identification des personnes recherchées grâce au réseau de caméras dans les transports publics.

Le groupe Les Républicains considère enfin nécessaire de conférer une meilleure reconnaissance à nos policiers municipaux. Cette reconnaissance passe par deux mesures : faire des directeurs de police municipale des officiers de police judiciaire et étendre l’article 23 de la proposition de loi aux policiers municipaux. En effet, lorsqu’on s’attaque à un policier, qu’il soit national ou municipal, c’est à la République que l’on s’attaque et la réponse doit être d’une égale fermeté. Le groupe Les Républicains reconnaît les avancées de votre proposition de loi. Mais nous vous invitons à adopter nos amendements afin d’en faire une véritable loi relative à la sécurité globale.

Mme Laurence Vichnievsky. Je remercie les rapporteurs pour leur important travail qui a nourri cette proposition de loi. La sécurité est l’une des priorités du Gouvernement et l’une des préoccupations majeures des Français – nous les comprenons ! – confrontés aux règlements de comptes entre bandes, aux attaques de commissariats, aux caillassages de policiers ou de pompiers, aux lynchages de conducteurs d’autobus, aux agressions d’enseignants par les élèves et les parents d’élèves et, que dire car nous changeons d’échelle, aux récents attentats de Conflans‑Sainte‑Honorine et de Nice. Nous avons la nécessité et l’obligation de mieux mobiliser nos forces de sécurité.

J’ai une préférence pour les forces régaliennes. Vous le comprendrez aisément et cela me semble une bonne idée de prévoir une expérimentation pour étendre les compétences des polices municipales. Il est toutefois certain que nous devons mobiliser l’ensemble des forces disponibles et ne pas nous priver de l’apport, nécessairement plus modeste en cette matière, des agents de sécurité. Les principales dispositions de votre texte visent à mieux les structurer et les contrôler. C’est, à mon sens, une bonne idée avant d’imaginer étendre leur compétence, ce que vous envisagez de façon très modérée.

Nous devons également protéger nos forces de sécurité tout en respectant nos libertés fondamentales. C’est toujours une équation difficile à résoudre. Vous vous employez à le faire.

Le groupe MoDem et démocrates apparentés s’associe pleinement à la démarche qui est la vôtre. Toutefois, il déposera plusieurs amendements qui, à notre sens, améliorent ce texte. Je passe rapidement sur les amendements à l’article 1er relatifs à une communication améliorée au conseil municipal et à de meilleurs critères pour la procédure d’évaluation de cette expérimentation lorsqu’il s’agira d’en dresser le bilan.

Nous prévoyons l’introduction d’une clause de revoyure à bref délai s’agissant de la transmission directe des procédures de la police municipale au parquet sans filtre des officiers de police judiciaire. À mon sens, cette innovation se heurte à trois obstacles. Premièrement, elle court‑circuite les officiers de police judiciaire territorialement compétents, qui perdent de fait leurs prérogatives de supervision et de contrôle ; or, c’est le rôle de directeur départemental de la sécurité publique de connaître l’ensemble des infractions commises sur son territoire et il est le seul à avoir cette vision globale. Deuxièmement, cette disposition entre en contradiction avec l’article 21-2 du code de procédure pénale, toujours en vigueur et qui prévoit que les agents de police municipale rendent compte immédiatement aux officiers de police judiciaire des infractions dont ils ont connaissance. Troisièmement, les magistrats du parquet, surchargés, ne pourront pas faire face à tant d’interlocuteurs puisqu’il y a beaucoup de polices municipales, et ils renverront bien souvent ces procès-verbaux pour enquête.

Nous proposons également des améliorations en matière de vidéoprotection. Il s’agit pour nous de sécuriser le stockage et le traitement des données captées par des caméras individuelles, en termes tant de confidentialité que d’intégrité.

Nous souhaitons, sur l’article 24, limiter l’interdiction de diffusion de vidéos permettant d’identifier les policiers ou des gendarmes agissant dans le cadre d’une opération aux seuls cas où ces diffusions auraient pour but de porter à l’intégrité physique des intéressés. Prévoir les atteintes à l’intégrité psychique nous paraît disproportionné par rapport à la liberté d’expression, à la libre circulation de l’information et au contrôle des citoyens par l’emploi des forces de l’ordre.

Quant à l’article 25, cette disposition fait débat, y compris au sein de mon groupe. Je fais partie de ceux qui ne sont pas favorables à ce qu’un policier ou un gendarme hors service puisse s’imposer dans un établissement recevant du public en conservant son arme de service. Nous craignons une banalisation du port d’arme, au profit aujourd’hui de la police nationale, demain des policiers municipaux et des agents privés de sécurité, et après-demain de tout titulaire d’un port d’arme. L’actuelle législation nous paraît équilibrée.

Pour conclure, notre groupe est unanimement opposé à l’amendement du Gouvernement prévoyant de l’habiliter à modifier par voie d’ordonnance le régime juridique de la vidéoprotection. C’est au Parlement qu’il revient de légiférer dans un domaine aussi sensible, qui touche de si près aux libertés individuelles. Il s’agit pour l’Assemblée nationale d’exercer les prérogatives qui sont les siennes. Je crains que ce ne soit une condition du vote final de mon groupe.

Mme Marietta Karamanli. Je remercie les rapporteurs, avec lesquels j’ai eu l’occasion de travailler lors de différentes missions sur ce sujet des forces de police. Je voulais tout d’abord indiquer, au nom du groupe Socialistes et apparentés, que nous ne pouvons que regretter qu’une telle proposition de loi n’ait fait l’objet d’aucun avis préparatoire du Conseil d’État, du Défenseur des droits ou encore de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Sur le fond, la première partie vise à revoir le statut des policiers municipaux, dont les limites sont mises en lumière par un rapport de la Cour des comptes publié hier. L’article 1er lance une expérimentation dans certaines grandes villes pour que les policiers municipaux disposent des pouvoirs étendus sur l’immobilisation de véhicule et la saisie d’objets, et pour qu’ils puissent faire des constats avec relevé d’identité en cas de délits tels que l’usage de stupéfiants, la conduite sans permis, les tags ou l’introduction dans un bâtiment communal.

L’encadrement légal des drones, rendu nécessaire par une ordonnance du juge des référés du Conseil d’État, est prévu par l’article 22. Ils pourront être utilisés pour constater des infractions, surveiller les littoraux et les frontières, ou réguler des flux de transport. Mais ils ne doivent pas remplacer l’humain.

Il est créé, à l’article 24, un nouveau délit de presse visant à punir d’un an de prison la diffusion « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, [de] l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme « lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ». L’objectif est le floutage intégral des vidéos d’interventions policières, la simple diffusion du matricule d’un policier devenant un délit. Je me bornerai à rappeler que la liberté d’expression va de pair avec la liberté d’informer dans le respect des personnes.

À partir de ces deux éléments, les dispositions prévues dans cette proposition de loi sont à mettre en relation avec la stratégie en matière de maintien de l’ordre de l’Allemagne, ce pays loué par de nombreux observateurs pour sa rigueur et son souci de l’ordre. La stratégie allemande intègre la protection des manifestants, le dialogue et la désescalade de la violence. Ce n’est pas le cas en France et ce n’est pas en cassant les instruments de la transparence que l’on brisera la violence des manifestants et la méfiance d’une partie d’entre eux.

S’agissant de l’article 21, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a autorisé policiers et gendarmes à filmer leurs interventions au moyen de caméras mobiles. Mais l’agent porteur de la caméra ne peut accéder aux images, celles-ci ne pouvant être exploitées qu’a posteriori, en conformité avec l’avis de la CNIL. Cet article modifie l’utilisation des caméras piétons ; les images transmises permettront l’analyse automatisée et en temps réel des images et, donc, des participants. Pour l’ordre public, les communications orales peuvent suffire. On peut se poser également la question de savoir si l’identification faciale ne servira pas à des mesures de garde à vue préventive.

S’agissant de l’article 24, il existe un principe de fond : celui de la transparence de la responsabilité de l’agent public. Sans ce principe, les affaires comme celle de Geneviève Legay ou d’Alexandre Benalla n’auraient été ni documentées ni connues. Cet article 24 va dans le sens d’un oubli d’affaires où la violence a frappé sans distinction des circonstances, au motif d’un intérêt supérieur.

L’extension des compétences détenues par les policiers municipaux ne s’accompagne d’aucune mesure liée à leur formation et à leur évolution de carrière. Comme certains élus et professionnels le font remarquer, cela risque de conduire à ce que des personnes sans doute moins formées et certainement moins rémunérées fassent le travail d’autres mieux formées et mieux rémunérées. La comparaison des grilles de traitement entre policiers municipaux et nationaux met en évidence ces différences et ces difficultés. De plus, on justifiera ainsi l’absence ou l’insuffisance de créations de postes dans la police d’État et cela permettra de transférer des missions vers les collectivités territoriales sans les ressources correspondantes. Ce sujet suscite une réelle inquiétude des élus locaux. Au-delà de leur souhait de protéger au mieux leurs concitoyens, ils se demandent si l’État sera en mesure de leur octroyer les crédits nécessaires. Ce texte porte donc atteinte à l’autonomie des collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés a déposé un certain nombre d’amendements. Notre position finale dépendra de la discussion que nous aurons avec les rapporteurs à leur sujet.

M. Dimitri Houbron. Je tiens à saluer le travail de nos rapporteurs pour améliorer, en lien avec le ministère de l’intérieur, la sécurité de nos concitoyens. La première mission de l’État est bien de les protéger et d’assurer la sécurité de notre pays, parce qu’il n’y a pas de liberté, pas d’égalité si la sécurité de nos concitoyens n’est pas assurée. Nous vivons dans un monde plein d’incertitudes, dans lequel la nature de la menace a profondément changé et où ce qui fait le quotidien de nos forces de l’ordre a profondément évolué. Outre le risque terroriste qui s’est encore manifesté voilà à peine quelques jours, la violence est de plus en plus présente, aggravée par la crise sanitaire. Alors que les missions de nos forces de sécurité se compliquent, que les menaces s’accentuent, nous devons adapter nos organisations et notre législation pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

La proposition de loi répond à ces enjeux. Tout d’abord, elle donne de vraies compétences complémentaires aux polices municipales au service d’une ambition de sécurité globale, si nécessaire aujourd’hui. Il est évident que les policiers municipaux ne sont pas là pour remplacer la police nationale, mais bien pour la soutenir et l’accompagner dans un objectif commun. La proposition de loi s’attache ensuite à encadrer la sécurité privée, richesse indispensable mais dont les règles méritent d’être clarifiées. Elle vise également à fixer un régime légal clair de l’usage d’outils technologiques tels que les drones. Elle ambitionne enfin de mieux protéger ceux qui nous protègent.

Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à ceux qui incarnent la République au quotidien, qui, chaque jour, par leur engagement héroïque, reflètent nos valeurs, des valeurs qui garantissent à chacun, quels que soient sa condition, son rang ou son quartier, le droit de vivre en sécurité et de bénéficier de la protection de l’État. Merci à eux ! Pour toutes ces raisons, le groupe Agir ensemble soutiendra avec force cette proposition de loi. L’heure grave nous pousse à l’humilité, et surtout à la responsabilité.

M. Paul Molac. Cette loi comporte trois parties. La première s’intéresse aux polices municipales. Il nous semble effectivement nécessaire de mettre en adéquation le pilotage de la politique de sécurité, donc les actions menées sur les territoires. L’expérimentation que vous proposez sur trois ans nous semble bien encadrée et l’élargissement des domaines d’action de la police municipale bienvenu lorsque celui-ci vient compléter les missions de la police nationale. À ce titre, la participation de la police municipale à la sécurisation des manifestations sportives, récréatives ou culturelles sans critère de seuil nous paraît une bonne chose. La question de l’armement ou des polices à l’échelon intercommunal est laissée aux maires ; cela nous semble avoir du sens puisque c’est à eux qu’il revient de coordonner les actions et d’évaluer les besoins dans leurs territoires.

La deuxième partie relative aux agences et entreprises privées de sécurité nous pose davantage de problèmes puisqu’une telle loi pourrait se solder par une confusion accrue entre les forces régaliennes et les entreprises qui ne répondent pas aux mêmes contraintes légales et qui ne suivent pas les mêmes formations initiale et continue. On peut craindre certaines dérives sur des aspects régaliens comme dresser des procès-verbaux ou recueillir l’identité et l’adresse des auteurs, qui nous semblent relever de la police nationale et de la gendarmerie. J’ai, par ailleurs, bien entendu les arguments de notre rapporteur sur la possibilité d’avoir recours à la sous-traitance, mais il reste malgré tout trois niveaux de sous‑traitance, ce qui paraît beaucoup et risque de favoriser une certaine opacité.

La dernière partie de cette loi concerne les forces de police. C’est sans doute celle qui pose le plus de problèmes dans la mesure où ses dispositions pourraient porter atteinte à la liberté d’informer. L’usage des caméras piétons présente le double objectif d’éviter des débordements de la part des citoyens, mais également des forces de l’ordre. Les images doivent donc être prises dans le respect de la vie privée des individus filmés et leur publicité doit être encadrée. Si l’utilisation d’images d’intervention des forces de l’ordre dans le seul but de nuire pose problème, je ne suis pas sûr que ce que vous proposez soit proportionné par rapport à la liberté d’informer. Voilà ce qui nous gêne. En ce moment, une vidéo circule dans laquelle on voit un policier qui gaze un journaliste. C’est un acte répréhensible. Cette vidéo est passée directement sur les réseaux sociaux. Cette immédiateté ne serait plus possible puisqu’il faudrait au préalable passer par un logiciel pour flouter tous les visages. Sur la vidéo dont je parlais, on ne reconnaissait pas les policiers et les gendarmes parce qu’ils portaient des masques, mais on voit bien qu’il y a là deux principes en contradiction. Cela nous semble disproportionné et, ce faisant, vous vous attaquez à la loi de 1881 qui est, tout de même, un totem.

S’agissant des drones, il faut strictement encadrer leur usage, en particulier sur la question de la proportionnalité, mais aussi sur le traitement des images recueillies afin qu’elles ne puissent être utilisées pour la reconnaissance faciale. Des pays le font, qui ne sont pas forcément des modèles de démocratie.

Quant à donner aux forces de l’ordre la possibilité de conserver leur arme de service dans les établissements recevant du public, j’appelle votre attention sur plusieurs dérives possibles. Si un fonctionnaire se rend dans une discothèque avec son arme de service, on peut risquer un vol ou une utilisation inadaptée. Par ailleurs, je me souviens qu’à une époque, dans la police nationale, il était interdit d’emmener son arme à la maison pour éviter les suicides et les problèmes conjugaux. Je ne suis donc pas sûr que cette mesure ne soit pas dangereuse pour les fonctionnaires eux-mêmes.

M. Christophe Naegelen. Permettez-moi, pour commencer, de féliciter nos collègues pour cette proposition de loi qui fait suite à leur rapport et à de nombreux autres travaux menés en commun. La nécessité de renforcer le rôle de nos policiers municipaux est évidente mais il convient surtout d’agir en collaboration avec la police et la gendarmerie nationales pour créer un véritable continuum de sécurité sur l’ensemble du territoire. Il est important, pour ce faire, d’étendre leurs compétences. Outre les avancées déjà contenues dans le texte, cet aspect fera l’objet d’amendements du groupe UDI visant à élargir la possibilité d’amendes pour certaines contraventions qui devraient relever de la compétence de la police nationale, mais aussi à améliorer le partage d’informations et de fichiers entre la police et la gendarmerie nationales, et les policiers municipaux.

Il s’agit également de faire preuve de bon sens : le contrôle d’identité devrait être possible pour des policiers municipaux. Il conviendrait aussi de leur délivrer une formation commune : dès lors que leurs compétences et leurs pouvoirs seront élargis, il serait normal qu’un policier municipal, partout dans notre territoire, soit formé de la même manière. Il avait été question, un temps, de créer une école de la police municipale. Cela figure peut-être de manière détournée dans ce texte, mais travailler sur ce sujet me semble important afin de créer un socle commun.

Concernant l’armement des policiers municipaux, la décision doit être encore laissée aux conseils municipaux, en discussion avec leurs agents et peut‑être en introduisant des exceptions dans certaines zones. Néanmoins, il ne faut absolument pas exclure les maires et les élus municipaux de ce processus de décision.

Accroître l’utilisation des nouvelles technologies, tels que les drones, paraît essentiel. Il faudra néanmoins être vigilant, non seulement sur l’usage du matériel, mais également sur la provenance de ce matériel. Nous sommes en pleine élection américaine : quand on voit le American Business Act qui fait que tout le matériel de défense américain doit être fabriqué aux États‑Unis, il y a sans doute matière à réflexion pour l’équipement de nos policiers et gendarmes – voire celui de nos militaires, même si je digresse. Nous devons également être attentifs à assurer leur formation pour guider ces drones : le tout n’est pas d’avoir du matériel, il faut également prévoir une formation pour l’utiliser de manière correcte.

J’ai quelques interrogations concernant les prérogatives des agents privés de sécurité dans cette proposition de loi. Nous aurons l’occasion d’en débattre. S’agissant de la palpation notamment, notre groupe considère qu’il serait cohérent de conserver une habilitation pour les agents de sociétés privées

Enfin, je vous ferai part d’une déception. Quand on parle de sécurité globale, il est bien d’englober tous nos policiers et gendarmes. Je regrette que certains amendements aient été déclarés irrecevables. Ce n’est pas du fait des rapporteurs, certes, mais je le dis parce qu’il serait bien que nous réussissions à les travailler ensemble afin de les déposer en séance publique. Je pense notamment au maintien du statut d’officier de police judiciaire pour les gendarmes à la retraite, dont nous avions eu l’occasion de discuter.

Notre groupe sera favorable à cette proposition de loi, dès lors que nous parviendrons dans la discussion à apporter ces quelques améliorations.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Juger de la recevabilité d’un amendement ne relève effectivement pas des rapporteurs. C’est moi qui ai estimé hier ces amendements irrecevables. Je précise que le titre de la proposition de loi ne détermine aucunement le champ de notre discussion.

Mme Danièle Obono. « Vas-y, écrase-les, tant pis ! » Ces mots ont été prononcés hier par un policier demandant expressément à son collègue, au volant d’un camion, de rouler sur des journalistes venus rendre compte de la mobilisation de lycéens et de professeurs contre le protocole sanitaire. Comme il est désormais coutume sous ce Gouvernement, les journalistes et les manifestants ont été gazés. Plusieurs faits de violences policières ont été rapportés. Malgré la violation des libertés d’information et de manifestation, certaines victimes ont au moins pu déposer plainte contre leurs agresseurs, identifiables grâce aux images rapportées par les médias. Si la proposition de loi que nous examinons avait été en vigueur, les auteurs de ces violences n’auraient pu être identifiés et les diffuseurs de ces images auraient été poursuivis en justice. Il en aurait été de même des nombreuses plaintes déposées auprès de l’inspection générale de la police nationale pour les violences survenues lors des manifestations des gilets jaunes, contre la réforme des retraites et pour l’égalité, mais aussi lors les frasques d’un célèbre garde du corps jupitérien, M. Alexandre Benalla, dont le visage avait été reconnu grâce à des films.

La proposition de loi s’ajoute à la triste et longue liste des coups portés par ce Gouvernement et cette majorité contre l’État de droit et les libertés fondamentales. Après la prolongation de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT », ce texte vient draper l’autoritarisme macroniste d’un voile opaque pour masquer l’action du pouvoir et pour qu’il n’ait plus à rendre des comptes. Cette absence de transparence est généralisée puisque le pays est, selon le porte-parole du Gouvernement, dirigé par un conseil de défense, sorte de gouvernement composé de militaires qui décide sans rendre compte à personne. Or, lorsque le pouvoir n’a plus de responsabilité, la démocratie n’est plus. Nous voyons comment cette stratégie s’étend aujourd’hui avec cohérence à l’ensemble des champs. Incapables de répondre à l’urgence sanitaire, sociale et économique, le Gouvernement et sa majorité développent une escalade sécuritaire que nous regrettons.

Il ne saurait non plus exister de démocratie sans séparation des pouvoirs. Or, il est évident que cette proposition de loi est dictée par le Gouvernement qui s’est saisi de l’actualité mais également des travaux de nos collègues, pour mettre en œuvre et intégrer à ce texte les pires trouvailles liberticides, réfléchies puis reléguées un temps au fond d’un tiroir place Beauvau.

Le groupe La France insoumise considère que ce texte pose un certain nombre de problèmes. Ainsi, nous nous opposons au développement de la sécurité privée, qui est assumé et revendiqué, au détriment du service public. Nous nous opposons à la confusion entretenue et développée entre police nationale, sécurité privée et police municipale, ainsi qu’à l’extension de la délégation des prérogatives de la police judiciaire à cette dernière. Plutôt que de développer le recours à la sécurité privée en matière de paix publique, la priorité, selon nous, est de recruter et de mieux former des fonctionnaires.

Nous sommes contre l’usage des drones sans finalité précise, contre la reconnaissance faciale et la transmission en direct d’images de manifestants, contre l’extension du port d’armes pour les policiers et gendarmes, contre l’usage par les militaires de l’opération Sentinelle de leur arme – de guerre, rappelons-le – dans les mêmes conditions que des policiers, tout comme nous sommes contre l’ensemble des dispositions contenues dans ce texte.

Nous alertons sur la confusion désormais entretenue entre les nécessaires et importantes tâches de sécurité intérieure et le fait d’impliquer l’armée et les militaires, comme si la paix sociale devait se jouer sur le terrain d’une guerre contre sa propre population. De ce point de vue, il semble préférable d’instaurer un récépissé de contrôle d’identité pour éviter les situations de tension qui posent problème en termes de droit à la sécurité des populations, mais qui mettent également les fonctionnaires de police dans des situations difficiles. Cette solution, proposée par un certain nombre d’associations, a fait preuve de son efficacité pour apaiser les relations avec la population, mais aussi pour améliorer le travail d’enquête des forces de police.

Vous l’aurez compris, c’est à toute la doctrine de ce Gouvernement et aux priorités qu’il définit pour l’action des forces de sécurité que nous nous opposons. Nous vous proposerons une alternative globale, mais également des mesures précises.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pour le groupe GDR, nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter M. Stéphane Peu par visioconférence.

Mme Emmanuelle Ménard. Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Cette proposition de loi relative à la sécurité globale est nécessaire, indispensable, mais pour aller droit au but, j’axerai mon propos sur deux points particuliers.

Le premier concerne la police municipale puisque les attaques terroristes qui ont frappé notre territoire depuis quelques années et l’évolution de la délinquance de voie publique, qualifiée à tort de « petite délinquance », ont déjà obligé le législateur à élargir le périmètre de compétence de la police municipale. Notre pays doit optimiser les compétences et les moyens de cette force de police, d’autant que l’engagement de nombreuses communes à équiper leurs agents avec du matériel moderne, associé à leur connaissance du terrain, en fait une force moderne particulièrement bien formée à la lutte contre toutes les formes de délinquance. Force d’appoint aujourd’hui, la police municipale doit devenir une véritable force auxiliaire de la police et de la gendarmerie nationales. Votre proposition de loi est un progrès. À mon sens, elle ne va pas encore assez loin. J’aurai des suggestions à vous faire pour l’améliorer.

Lorsque je parle de police municipale, j’englobe – ce sera mon second point – les gardes champêtres qui jouent également un rôle important dans la sécurité de notre pays. Ils sont malheureusement trop souvent mis de côté. Je le regrette et je constate que c’est encore le cas aujourd’hui puisque tous les amendements que j’ai déposés les concernant ont été qualifiés de cavalier législatif.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pas tous !

Mme Emmanuelle Ménard. En tout cas, une partie d’entre eux ! Il faudra m’expliquer pourquoi, dans une proposition de loi sur la sécurité globale, il est possible de consacrer tout un chapitre à la sécurité privée sans évoquer les gardes champêtres. C’est regrettable parce ces fonctionnaires demeurent essentiels dans nos campagnes. Peu nombreux mais particulièrement utiles, ils représentent l’autorité publique au cœur de nos villages comme au sein des espaces ruraux, éloignés des grands centres urbains et des métropoles. On les retrouve également en ville où leur rôle en termes de police de l’environnement est très utile. Ils remplissent des missions qui couvrent plus de cent cinquante domaines de compétence. Souvent oubliés en qualité d’acteur de sécurité, ils jouent un rôle primordial dans le cadre de la sécurité de proximité. L’émergence de nouveaux enjeux, la protection de l’environnement et de la biodiversité ou même la délinquance rurale, a entraîné un bouleversement de leurs conditions de travail nécessitant un ajustement de leurs prérogatives. J’espère que nous aurons l’occasion d’en discuter, si ce n’est ici tout au moins en séance publique puisque, si mes amendements ont été déclarés irrecevables, je les déposerai à nouveau dans dix jours.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pour expliquer la façon dont j’ai procédé à l’examen de recevabilité des amendements, l’exemple des gardes champêtres me semble approprié. Le texte ne parle absolument pas d’eux. Lorsque j’ai pu trouver une accroche sur une compétence particulière visée par le texte, par exemple une compétence étendue à la police municipale que vous vouliez conférer aux gardes champêtres, j’ai considéré qu’il y avait un lien indirect. C’est la raison pour laquelle certains amendements relatifs aux gardes champêtres ont pu être raccrochés à la compétence que vous visiez. Mais lorsque ce lien n’apparaissait pas et que je ne trouvais pas d’autre accroche, je les ai déclarés irrecevables. Je suis tout à fait disposée à reprendre tous les amendements si vous le souhaitez, avec vous comme avec tout collègue qui souhaiterait des explications sur les décisions d’irrecevabilité, qui ont été délicates sur ce texte.

À cet égard, je tiens à préciser que j’ai déclaré des irrecevabilités pour des amendements de l’ensemble des groupes. Particulièrement équitable, j’ai visé tout le monde, y compris le Gouvernement puisque j’ai déclaré cinq de ses amendements irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous remercions nos collègues qui sont intervenus car nous voyons que les débats seront constructifs. Je vous remercie par avance de tous les amendements dont nous pourrons discuter. Nos débats seront nourris sur bien des sujets, mais je dirai dès à présent un mot des gardes champêtres car c’est un sujet qui nous tient également à cœur. Lors de l’élaboration de notre rapport, nous les avions reçus en audition et nous avions eu l’occasion d’en rencontrer ; je suis moi-même élue d’une circonscription rurale. Nous voulions donc expliquer que, si le texte ab initio ne comportait pas de dispositions relatives aux gardes champêtres, c’est parce que toutes les mesures proposées à leur propos relevaient du domaine réglementaire et non législatif. En revanche, nous étudierons avec attention vos propositions, qui sont nombreuses, car nous sommes extrêmement sensibles à cette profession et à vos arguments quant à son utilité dans notre territoire. C’était, me semble-t-il, une précision importante à apporter.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je m’associe aux remerciements adressés par la rapporteure à l’ensemble des groupes et des orateurs dont les interventions prouvent que cette proposition de loi et cette matière intéressent. Il importe de passer au corps du sujet, à savoir l’examen des amendements.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous précise que M. Fauvergue rapporte sur les titres Ier, IV et VI tandis que Mme Thourot s’est occupée des titres II, III et V. Bien évidemment, les deux rapporteurs peuvent intervenir lorsqu’ils le souhaitent.

La Commission en vient à l’examen des articles.

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES aux polices municipales

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux prérogatives
des polices municipales

Article 1er : Expérimentation dans le domaine de la police municipale

La Commission est saisie de l’amendement CL84 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans la mesure où, depuis un décret entré en vigueur le 1er janvier 2015, le poste de directeur de police municipale n’existe que dans les communes et EPCI dont les services de police municipale comptent au moins vingt agents, il apparaît inutile de préciser ce seuil dès lors que l’expérimentation, que j’encourage, ne pourra avoir lieu que dans les communes employant un directeur de police municipale. Ces mots me semblent donc superfétatoires.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Si, en effet, seules les communes disposant de plus de vingt agents de police municipale peuvent avoir un directeur de la police municipale, l’article 1er vise également celles ayant un chef de service de police municipale auxquelles ce seuil n’est pas applicable. La précision du nombre d’agents que vous nous demandez de supprimer est donc utile.

Je vous demanderai de retirer votre amendement, à défaut je serai au regret d’émettre un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL27 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard. Cet amendement vise à permettre à l’ensemble des communes qui le souhaitent de participer à l’expérimentation proposée dans cet article 1er, qui me semble fort intéressante. C’est sans doute dans cet esprit que l’avait proposé les rapporteurs, mais un mot insuffisamment précis peut être détourné et je préfère employer le mot « obtenir » afin de garantir le fait que toutes les communes pourront faire l’objet de cette expérimentation.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La rédaction renvoie à un arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice pour déterminer les communes autorisées à la mettre en œuvre au regard des circonstances locales. Les critères seront à préciser, mais il faut pouvoir tenir compte de circonstances locales justifiant l’extension de compétences judiciaires – au titre, par exemple, de la délinquance, de la maturité de la police municipale ou la qualité de son interaction avec les forces de sécurité intérieure.

Nous pourrons profiter ultérieurement de la présence du ministre pour recueillir son avis.

Cette manière de procéder me semble la bonne s’agissant d’une expérimentation. D’ailleurs, la rédaction était similaire s’agissant de l’expérimentation des caméras individuelles par les agents de police municipale, par l’article 114 de la loi du 3 juin 2016 : les maires demandent, et l’État autorise.

Je vous demande donc de retirer votre amendement ou j’émettrai un avis défavorable.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Le mécanisme prévu par l’article 1er dans le cadre de l’expérimentation vise à permettre des transmissions au parquet par le chef de service de la police municipale locale. Il faut donc absolument avoir l’aval du parquet, ce qui doit être négocié en amont avec le ministère de la justice. Il s’agit de travailler ensemble. C’est la raison pour laquelle un arrêté conjoint des ministres de l’intérieur et de la justice est essentiel pour engager ce travail collaboratif.

De manière générale, sur l’expérimentation prévue par l’article 1er, nous avons déjà reçu des demandes de candidatures de communes intéressées. Les élus locaux sont vraiment en attente et en demande d’un tel dispositif.

Mme Laurence Vichnievsky. Je soutiens nos rapporteurs sur ce point. Comme je le répéterai à propos d’un amendement que j’ai déposé, la France compte quelque 35 000 communes. Certaines n’ont pas de police municipale, mais imaginez‑vous un procureur de la République en relation avec 20 000 directeurs de police municipale ? C’est un problème majeur. Dans le cadre d’une expérimentation, je crois pour l’instant raisonnable de poser des limites.

M. Arnaud Viala. Au contraire de ma collègue, je soutiens Ian Boucard car cette expérimentation est précisément lancée pour permettre que l’échelon local, donc les collectivités locales et leurs polices municipales, s’impliquent dans le maintien de la sécurité lorsqu’elles en ont les moyens et qu’elles le désirent. Si, dès l’écriture de la loi, on objecte qu’un certain nombre d’obstacles seraient difficiles à franchir en raison de l’incapacité de la justice à absorber le flux, on freinera l’élan suscité par ce texte. Madame la rapporteure, vous dites vous-même qu’alors qu’il n’est même pas encore voté, des communes se portent candidates.

Comme l’auteur de l’amendement, je pensais qu’il s’agissait d’un problème de rédaction ; en réalité, au détour de la discussion de cet amendement, nous découvrons qu’il s’agit d’un problème d’intention du législateur. Je soutiens donc fermement l’amendement.

Mme Emmanuelle Ménard. À mon tour de soutenir l’amendement de M. Boucard : le danger est que cette expérimentation se fasse un peu à la carte, comme cela s’est déjà produit. Je vous rappelle l’expérimentation qui avait été décidée voilà deux ans par le ministre Castaner pour l’accès au fichier des personnes recherchées, qui n’avait été étendue qu’à seulement onze communes. Cela n’avait pas donné beaucoup de résultats et, finalement, ces communes n’avaient pas toutes eu accès au fichier dont il était question.

Si la décision de retenir telle ou telle commune est soumise au bon vouloir du ministre, cela risque encore de créer des inégalités. Or votre expérimentation est vraiment attendue par les polices municipales sur le terrain. Elle l’est d’ailleurs également par la police nationale et la gendarmerie qui souffrent lorsqu’elles sont en manque d’effectifs : elles ont besoin que les pouvoirs des polices municipales soient renforcés afin d’être secondées au mieux et au plus près du terrain.

Cette expérience a intérêt à être menée le plus largement possible. Il serait sans doute utile de renverser cette proposition et de dire que les communes sont automatiquement retenues pour expérimenter dès lors qu’elles remplissent les critères retenus.

M. Ian Boucard. Je ne suis pas surpris lorsque vous dites, madame la rapporteure, que Plaine Commune a déjà fait une proposition pour entrer dans le dispositif parce que nous savons que de plus en plus de maires de communes souhaitent s’impliquer fortement dans la sécurité de leurs concitoyens. C’est naturel au vu de la situation du pays.

Ce qui m’inquiète dans vos propos est que, finalement, une fois la loi rédigée, une négociation interviendra entre deux ministères, entre quelques fonctionnaires et seules quelques communes en France feront l’objet de cette expérimentation, qui paraît pourtant nécessaire. De deux choses l’une : soit vous estimez que ce dispositif est une bonne chose, et il devra s’imposer à la fois au ministère de l’intérieur et au ministère de la justice. Si vous pensez au contraire qu’il sera difficile à mettre en place – et j’entends la remarque de ma collègue Vichnievsky –, il faut en trouver un autre qui permette d’expérimenter sans surcharger les procureurs.

Il n’est pas possible de faire une loi en disant que, de toute façon, cela ne fonctionnera pas. Sinon, ne la faisons pas !

M. Thomas Rudigoz. On ne fait pas une loi pour qu’elle ne puisse pas s’appliquer. Ce point de la loi constitue, à mon sens, une avancée importante, mais les termes en sont clairs : il s’agit d’une expérimentation et non d’inscrire définitivement dans la loi ces nouvelles mesures pour les polices municipales. Nous souhaitons expérimenter pour voir si elles seront efficaces, si elles dérouleront dans des bonnes conditions et dans le respect du droit de nos concitoyens.

Ce texte est guidé par une volonté d’équilibre, quelque peu éloignée de ce que nous avons pu entendre dans la bouche de certains orateurs lors de la discussion générale. Il ne faut pas se lancer dans des procès d’intention. Comme l’a dit la rapporteure Alice Thourot, de nombreuses demandes émanent de communes – de toutes sensibilités, si j’ai bien compris. Le ministre est favorable au fait d’accepter le plus grand nombre d’expérimentations, mais comprenez qu’à ce stade l’aval doive être donné par le ministère de l’intérieur, en lien avec le ministère de la justice.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Combien de communes avec une police municipale répondent aux critères et pourraient se porter candidates à l’expérimentation ? Comment envisagez-vous la sélection, à partir de quelle évaluation au-delà des critères définis ? Il importe que cette expérimentation se tienne dans les meilleures conditions possibles.

M. Didier Paris. J’appuie la démarche des rapporteurs. Une expérimentation ne vaut que si elle est soit à la carte, soit limitée dès le départ – à l’instar de ce qui a été fait pour la loi du 23 mars 2019, quand un décret a fixé les départements spécifiques entrant dans l’expérimentation des cours criminelles sur laquelle travaille actuellement notre collègue Stéphane Mazars. Il est normal que la vision ne soit pas d’emblée absolue. Par ailleurs, laisser une place à la volonté politique d’entrer ou non dans une forme de l’expérimentation paraît pertinent. Mais à cette volonté doit répondre une capacité technique des parquets locaux. La logique d’un arrêté conjoint intérieur/justice est nécessaire et apporte les garanties suffisantes au bon fonctionnement de l’expérimentation et à l’équilibre du dispositif.

Mme Marietta Karamanli. Comment les agents de la police municipale pourront-ils exercer ces compétences qui demandent une formation spécifique et un cadre juridique très précis ? L’extension des compétences de police judiciaire n’est pas rien.

M. Éric Pauget. Ce texte suscite un espoir et toutes les municipalités qui ont une police municipale de plus de vingt agents demanderont à entrer dans l’expérimentation. Je soutiens donc l’amendement. En l’état, le dispositif prévu suscitera d’une part des frustrations et, de l’autre, des différences de territoire. Dans un territoire comme les Alpes maritimes, par exemple, où toutes les communes disposent d’une police municipale, comment justifier que certaines bénéficieront de l’expérimentation et d’autres non, d’autant que la petite délinquance passe les frontières ?

Mme Cécile Untermaier. Mon groupe ne soutient pas cet amendement. Une expérimentation dans un domaine aussi sensible justifie un encadrement. Je rejoins la préoccupation des rapporteurs. Qui dit police judiciaire dit aussi déontologie, formation et écart des conflits d’intérêts, a fortiori dans un dispositif de proximité. Quelles garanties pouvez-vous apporter dans ce domaine ? Par ailleurs, que devient le directeur départemental de la police nationale ou de la gendarmerie au regard de la police municipale telle qu’elle sera expérimentée ?

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Nous aurons l’occasion de répondre à la question relative aux nouveaux pouvoirs de politique judiciaire et de décrire le dispositif dans le cadre de l’examen d’amendements à venir.

Vous demandez à substituer « obtenir » à « demander à ce que ». Le texte entend respecter la volonté et le pouvoir du maire. Nous avons entendu ces élus. Nous leur offrirons des capacités complémentaires pour leur police municipale, mais c’est à eux qu’il reviendra de faire l’acte volontaire de s’investir dans les nouveaux pouvoirs conférés par la loi. Nous avons pu le constater très récemment, les maires ont parfois une aptitude à se saisir de pouvoirs, y compris qu’ils n’ont pas… Par définition, une expérimentation s’adresse à un ensemble restreint. S’il apparaît que le dispositif fonctionne, il passera dans le droit actif d’autres communes.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Après avoir échangé avec les élus locaux durant deux ans, nous avons souhaité encourager et rendre possibles des dispositifs, mais jamais les imposer – car le pouvoir d’avoir ou non une police municipale et de lui confier telle ou telle mission appartient aux maires. La décision d’entrer dans le cadre de l’expérimentation relève d’une volonté politique.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL86 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est urgent d’améliorer la loi concernant nos polices municipales. L’expérimentation est attendue. La rendre effective dans seulement huit mois serait dommage. Je propose donc la date du 31 mars 2021.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Il existe des délais incompressibles, ne serait-ce que ceux de la navette parlementaire et d’une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel. Le délai que nous avons fixé sera nécessaire. Je vous demande donc de retirer votre amendement. Dans le cas contraire, mon avis sera défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL228 de Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Si le choix de participer à l’expérimentation relève du pouvoir de police du maire, il est important que la candidature d’une commune à l’expérimentation puisse être rendue publique, notamment en faisant l’objet d’une communication en conseil municipal.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL160 de M. Sylvain Maillard.

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Aucun des cosignataires n’est présent. Comme je l’ai annoncé en Conférence des Présidents, compte tenu de l’impossibilité actuelle pour nos collègues non membres de la Commission de participer à ses travaux, dans un tel cas, je considère que l’amendement est défendu car le voir tomber serait particulièrement injuste.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL268 de Mme Ramlati Ali.

Elle est saisie des amendements CL89 et CL90 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Comme avec l’amendement CL27 défendu par M. Boucard, il s’agit d’inverser la logique de l’alinéa 2, pour que ce ne soient pas les ministères qui décident qui a le droit de mettre en place l’expérimentation, mais les communes elles-mêmes, dès lors qu’elles remplissent les conditions posées à l’alinéa premier. Les maires étant au plus près du terrain, ils sont le mieux à même d’apprécier le bien-fondé du dispositif pour leur territoire. Qui plus est, ils travaillent en lien étroit avec leur police municipale. On ne saurait donc imaginer qu’ils décident d’entrer dans le dispositif sans l’accord de cette dernière.

Il s’agit également d’assurer un caractère de quasi-automaticité dès lors que le maire demande à entrer dans l’expérimentation et que sa commune remplit les conditions.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La notion de circonstances locales est bien connue du droit administratif, notamment dans le code de la sécurité intérieure. Je demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL156 de M. Sylvain Maillard.

Elle est saisie de l’amendement CL193 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Notre groupe souhaite que le rapport d’évaluation de l’expérimentation soit plutôt transmis au préfet, car cet échelon est le plus proche et peut le relayer au Gouvernement.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Le préfet est le représentant de l’État dans le département et le rapport doit être élaboré par le Gouvernement. Les modalités d’organisation interne de l’État peuvent être détaillées dans un texte d’une valeur normative moindre qu’une loi. Mon avis est défavorable, à moins que vous ne retiriez l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL229 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Notre groupe est favorable à l’expérimentation. Pour autant, nous souhaitons que soient d’ores et déjà définis les critères précis de son évaluation, afin que le rapport qui sera rendu soit vraiment utile.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CL99 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Un cahier des charges, plus souple que les critères, permettrait de faciliter l’expérimentation. Il ne s’agit pas d’alourdir le dispositif, mais d’accompagner les polices municipales.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’expérimentation est déjà très cadrée. Qui plus est, nous venons d’adopter un amendement relatif aux retours d’expérience. Je vous demande donc de retirer votre amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je le retire, mais je pense qu’il est vraiment besoin d’accompagner les communes dans cette expérimentation.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL218 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Nous demandons la suppression des alinéas 4 et 5 relatifs à la transmission directe des procès-verbaux de la police municipale au procureur. Pour rappel, l’article 21-2 du code de procédure pénale prévoit que les agents de police municipale rendent compte immédiatement aux OPJ des infractions dont ils ont connaissance. Par ailleurs, cette obligation de rendre compte est préconisée à dessein, l’objectif étant que les directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) disposent d’une connaissance globale et précise des infractions commises sur leur territoire. Ces derniers peinent déjà à assurer l’ensemble de leurs engagements, faute de moyens et d’effectifs. Si on les court-circuite, ils n’auront plus cette connaissance et ne pourront ni faire de rapprochement avec d’autres infractions déjà commises par le même contrevenant, ni compléter les procédures. Le procureur de la République est un contrôleur et non un directeur d’enquêtes.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’alinéa 4 de l’article 1er prévoit une dérogation à l’article 21-2 du code de procédure pénale dans le cadre de l’expérimentation. Il s’agit de permettre à des directeurs ou des chefs de service de la police municipale d’avoir un rapport direct avec le parquet et de transmettre directement les procès-verbaux de leurs agents au procureur de la République, avec une copie aux OPJ, policiers et gendarmes. Il ne s’agit pas de renforcer les pouvoirs judiciaires des policiers municipaux.

Par ailleurs, les nouveaux pouvoirs conférés aux policiers municipaux relèvent principalement de l’amende forfaitaire, laquelle est directement transmise à l’ANTAI, l’Agence nationale des traitements automatisés des infractions, par un procès-verbal informatisé. Cette amende forfaitaire repose sur le volontariat, et une procédure n’est engagée qu’en cas de refus. Le dispositif sera le même, avec une transmission directe par voie informatique, sans contrôle du procureur ou de l’OPJ. La procédure sera contrôlée par les magistrats de l’ANTAI, à Rennes. Cette mesure n’augmentera donc ni le nombre de dossiers ni la paperasse procédurale qui empêche déjà les policiers et les gendarmes d’aller sur la voie publique. Aujourd’hui, pour une heure sur le terrain, un OPJ ou un APJ en passe sept en procédure. Je demande donc le retrait de l’amendement. Sinon, notre avis sera défavorable.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous proposons une simplification administrative dans le cadre de l’expérimentation. En effet, une transmission automatique est déjà effectuée au parquet, le plus souvent par la police nationale.

Mme Isabelle Florennes. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés est favorable aux alinéas 4 et 5. L’expérimentation répond à une demande exprimée depuis plusieurs années par le terrain.

Mme Cécile Untermaier. Notre groupe soutient l’amendement, qui rejoint celui relatif à la définition d’un cahier des charges. Tous les dossiers ne sont pas anodins, certains sont compliqués. Pour ces derniers, admet-on que le DDSP ou la gendarmerie soient écartés ? Je ne dis pas que les policiers municipaux ne sont pas capables de traiter des dossiers difficiles. De la prudence et des garanties sont indispensables, ne serait-ce qu’au regard de l’impartialité.

M. Philippe Latombe. Le groupe MoDem n’a pas signé l’amendement car il est partagé sur ce point – d’où l’amendement de repli qui sera présenté plus tard, et que notre groupe a cette fois signé.

Au soutien de cet amendement, j’observe que, dans la mesure où la police municipale constate des délits, les procureurs recevront systématiquement les procès-verbaux et déclencheront des actes d’enquête. Par ailleurs, certaines polices municipales sont très actives. Cette activité sera alors en grande partie déportée vers les procureurs, qui ne pourront pas avoir autant d’interlocuteurs en gestion. Aussi souhaitons-nous maintenir le filtre de l’OPJ. Si vous considérez que c’est utile, peut-être pourrez-vous nous proposer, pour la séance, un dérivatif pour la seule partie contraventionnelle.

M. Thomas Rudigoz. Notre groupe s’oppose à cet amendement, qui est en contradiction avec l’esprit de la proposition de loi et avec l’avancée que nous souhaitons apporter aux prérogatives et aux pouvoirs des polices municipales. Nous verrons, à l’issue de l’expérimentation, s’il est pertinent ou non de procéder ainsi.

Le rapporteur a mis en lumière la thrombose des procès-verbaux pour les OPJ et les commissariats. J’entends aussi ce que disent nos collègues du MoDem s’agissant des parquets. Mais l’augmentation des délits est un problème de société. En donnant aux polices municipales la possibilité d’être plus réactives pour transmettre au parquet, nous sommes dans l’esprit de cette loi pour un traitement plus rapide de la sécurité publique et quotidienne. Enfin, l’alinéa 5 prévoit une transmission en copie aux OPJ de la police et de la gendarmerie nationales.

M. Didier Paris. Je comprends les alinéas 4 et 5, car les policiers municipaux exercent une activité de terrain fondamentale et remarquable. Or la loi, dans son ensemble, vise à rapprocher cette action de la chaîne judiciaire. C’est important, y compris pour valoriser les postes de ces agents. Cela étant, je ne souhaite pas que la thrombose déjà constatée dans les commissariats à réception des procès-verbaux des polices municipales se trouve reportée à l’échelon du parquet. Dans la logique du renforcement des responsabilités des polices municipales, nous pourrions envisager, en vue de la séance, une évolution qui permettrait aux policiers municipaux de transmettre directement au parquet les procédures dont ils considèrent qu’elles ne méritent pas de passer par le filtre des OPJ.

M. Stéphane Mazars. Je suis sensible à l’argument selon lequel la transmission directe permet aux acteurs essentiels de nos circonscriptions d’avoir une vision globale de l’état de la délinquance sur le terrain. Cela étant, j’observe que l’objectif d’informer les OPJ et le DDSP est déjà atteint avec la copie systématique des procès-verbaux de constatation qui seront directement transmis au procureur de la République. Les témoignages du terrain montrent que, lorsque les procès-verbaux établis par les policiers municipaux sont transmis aux OPJ, ceux-ci, pris par leur propre agenda, effectuent parfois un tri au terme duquel tout ne remonte pas au procureur, duquel relève pourtant l’opportunité des poursuites. Je suis donc favorable à la transmission directe au procureur, en charge de la politique pénale dans un territoire.

Mme Emmanuelle Ménard. L’argument de l’encombrement des parquets me semble peu recevable. Très souvent, les procureurs demandent déjà la transmission des procédures. Une transmission à la police nationale est également effectuée. Dans la plupart des cas, la collaboration entre les services est réelle.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Pas plus qu’aujourd’hui, les policiers municipaux ne pourront traiter un flagrant délit constaté sur la voie publique et nécessitant des actes d’enquête. Ils appelleront les APJ ou les OPJ, qui se saisiront de l’affaire. La loi ne changera rien à la situation actuelle. En revanche, le texte donne aux policiers municipaux un nouveau pouvoir d’amende forfaitaire délictuelle – en cas d’absence de permis de conduire, de défaut d’assurance, de vente à la sauvette ou d’usage de stupéfiants –, suivant le mode électronique que je décrivais tout à l’heure. Le procureur de la République et les intervenants du parquet restent présents à tous les étages, et le dispositif est partout cadré. La rédaction du texte a été travaillée avec le ministère de la justice et nous souhaitons la conserver en l’état.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL249 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Cet amendement de repli de mon groupe vise à prévoir une clause de revoyure à un an.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je ne suis pas favorable au fait d’ajouter, pour ce seul point, un rapport au bout d’un an. Cela n’empêche pas les parlementaires d’effectuer leur travail d’évaluation de la loi avec un point régulier, comme nous le faisons, à l’initiative de notre présidente de la commission des Lois, chaque année en septembre.

M. Philippe Latombe. La vraie question est celle du déport du volume des procédures, qui pourrait engorger les procureurs. L’objectif de cette revoyure à un an est de réagir en urgence, le cas échéant, aux effets délétères de la mesure – ce que les procureurs seront à même d’indiquer un an après l’application de la loi – certains le font déjà. L’esprit de la loi est précisément la simplification. En cas d’engorgement, il faut pouvoir intervenir avant le terme de l’expérimentation.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL152 de M. Raphaël Gérard.

Elle examine l’amendement CL165 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à étendre au-delà du dispositif expérimental la capacité donnée aux policiers municipaux qui sont agents de police judiciaire adjoints d’immobiliser et de mettre en fourrière un véhicule, dans un objectif de pragmatisme et d’efficacité.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Dans l’expérimentation, c’est le directeur ou le chef de police municipale qui sera dûment habilité par le parquet. Mon avis sera défavorable si l’amendement est maintenu.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte successivement les amendements de précision rédactionnelle CL349, CL350 et CL351 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CL166 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à étendre le champ d’application de l’alinéa 8 au territoire de l’ensemble des communes qui ont signé une convention intercommunale, pour que les policiers municipaux puissent constater les infractions dans toutes les zones de compétence concernées.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Nous avons affirmé à plusieurs reprises, y compris dans notre rapport, l’importance que nous attachons à l’intercommunalité en matière de police municipale. Les communes qui ont fait le choix de la mutualisation ne sont pas exclues de l’expérimentation. La formulation « territoire communal » couvre les communes pour lesquelles les policiers municipaux ont compétence. Elle est utilisée à l’article L. 511-1 qui liste les missions de la police municipale. Je vous demande donc de retirer votre amendement. Sinon, nous émettrons un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne le retire pas, car la précision est importante. La police municipale de Béziers, par exemple, est habilitée par convention à agir sur le territoire du village voisin de Cers. Je ne suis pas certaine que la formulation retenue à l’alinéa 8 lui permettra de continuer à le faire. Cette précision, qui ne mange pas de pain, pourrait être utilement apportée pour éviter d’éventuelles contestations.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Traditionnellement, lorsque la police municipale d’une commune agit, dans le cadre d’une mutualisation, sur le territoire d’une autre commune, elle passe sous l’autorité du maire de cette dernière. Si les conventions intercommunales prévoient expressément une action globale, cet amendement n’a pas d’utilité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL194 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de supprimer les alinéas 10 et 11 habilitant les agents de police municipale à constater les infractions en matière de conduite sans permis et de défaut d’assurance. Ce rôle relève des missions de la police nationale et de la gendarmerie.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Les nouveaux pouvoirs donnés à la police municipale visent à réprimer des infractions avec les amendes pénales forfaitaires ou contraventionnelles. Les maires l’ont demandé à plusieurs reprises, pour lutter contre ces petits délits et ces incivilités qui pourrissent la vie des citoyens. Nous sommes au cœur de la sécurité du quotidien. Je vous demanderai de retirer votre amendement, ou mon avis sera défavorable.

Mme Cécile Untermaier. Une conduite sans permis ou sans assurance n’est pas anodine et peut avoir des implications importantes vis-à-vis des victimes potentielles. Comment s’appliquera le dispositif ? Les policiers municipaux dresseront-ils un procès-verbal qu’ils transmettront au procureur ?

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La loi le prévoit déjà, même si ce pouvoir n’est pas très utilisé. Les amendes forfaitaires pénales sont directement transmises à l’agence de traitement de Rennes, sauf si la procédure est plus compliquée, en cas de rébellion ou de conduite en état d’ivresse par exemple. Le cas échéant, elle nécessite des actes d’enquête et les policiers municipaux appellent l’OPJ territorialement compétent. La procédure n’est pas banale, mais nous donnons à la police municipale les pouvoirs de s’en emparer, au regard du critère de compétence.

Mme Laurence Vichnievsky. Le sujet n’est pas celui de la banalité ou non des procédures qui peuvent être confiées aux policiers municipaux, c’est celui des compétences, de la formation et du statut des OPJ, des APJ et des agents de police municipale. Confier telle ou telle procédure va de pair avec un statut, des garanties et des compétences spécifiques, qui ne sont pas les mêmes pour tous les acteurs. Cela se justifie, sans porter atteinte à la dignité des uns ou des autres. C’est aussi pour cela que nous serons si attentifs aux prérogatives qui pourront être concédées, même a minima, aux agents de sécurité privée.

M. Stéphane Mazars. Nous sommes au cœur de l’esprit de la proposition de loi et du continuum de sécurité. Il s’agit de faire monter en charge nos policiers municipaux dans le traitement de la délinquance. La conduite sans permis n’est pas une infraction banale. C’est un délit passible d’une peine d’emprisonnement. En revanche, la procédure peut être assez banale, lorsque les faits sont établis de manière évidente et incontestés. Il est alors possible de pratiquer l’amende forfaitaire délictuelle, transmise directement par le policier municipal à l’ANTAI. Mais en cas de contestation, d’outrage ou de rébellion, la procédure devient complexe et l’OPJ prend le relais dans le cadre de la transmission du dossier par le policier municipal.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL306 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. L’amendement propose de donner compétence aux policiers municipaux pour constater par procès-verbal les délits de rodéos motorisés, même si la loi du 3 août 2018 a utilement renforcé l’arsenal législatif permettant de lutter contre ces comportements à risque qui se multiplient au détriment de la tranquillité et de la sécurité des citoyens. Les policiers municipaux ont la connaissance du terrain. Il faut leur permettre de venir en renfort de la police et de la gendarmerie, afin que le continuum de sécurité entre ces différentes forces soit total et que l’efficacité soit maximale.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Les rodéos motorisés sont effectivement une vraie plaie pour nos concitoyens et nous devons lutter contre eux de manière efficace. Mais nous devons également faire attention à ne pas mettre nos policiers municipaux dans une situation impossible à gérer, voire dangereuse. Nous savons que ces rodéos peuvent conduire à des courses-poursuites, elles-mêmes génératrices d’autres phénomènes comme des violences urbaines lorsqu’elles se terminent mal pour les auteurs du rodéo. Qui plus est, ces pilotes sont rarement casqués et toute chute peut être très dangereuse. Ces interpellations ne me paraissent pas du ressort de la police municipale, qui ne doit pas être conduite à provoquer des accidents. Mon avis est donc défavorable.

M. Buon Tan. Nous parlons du pouvoir de dresser procès-verbal, pas de la course-poursuite. Lorsque nous constatons un délit, nous devons faire appel au commissariat du quartier. Le temps que la police arrive, les fauteurs ne sont plus là. D’où l’importance de donner aux policiers municipaux, lorsqu’ils sont sur place, le pouvoir d’agir tout de suite, de façon dissuasive.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Les policiers municipaux n’ont pas vocation à accomplir des actes d’enquête. Or souvent, dans ce type d’infraction, ces actes sont nécessaires. En tout état de cause, nous sommes très sensibles à ce sujet et nous sommes prêts à retravailler aux moyens de lutte contre les rodéos motorisés d’ici la séance.

M. Éric Diard. Sébastien Huyghe et moi-même trouvons cet amendement intéressant et opportun, car – les rapporteurs l’ont reconnu – la loi sur les rodéos est un échec.

Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Rémy Rebeyrotte. Non !

M. Éric Diard. Le fléau des rodéos s’est développé. Il faut avancer dans cette lutte et travailler aux moyens, qui sont insuffisants. La piste des drones est très intéressante. Sébastien Huyghe et moi-même sommes favorables à cet amendement, mais je vous remercie de cette ouverture pour l’hémicycle.

M. Thomas Rudigoz. Il faut déjà mener à bien l’expérimentation des nouvelles compétences, avant d’élargir son champ d’application. Je note les propos d’ouverture de la rapporteure Thourot. Les rodéos et les interpellations qu’ils entraînent sont source d’importantes difficultés. Nous avons tous entendu les témoignages de notre police et de notre gendarmerie sur le terrain. Il est très délicat de confier de telles responsabilités à nos polices municipales.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement concerne le constat des délits, pas nécessairement des courses-poursuites. Que faire quand un individu tombe devant la police municipale en se livrant à un rodéo urbain, dont on ne peut pas nier l’aspect de provocation ? La police municipale ne serait en mesure de constater l’infraction que de visu mais pas en droit ? C’est la question de l’efficacité de notre politique de sécurité qui est posée.

S’agissant des outils, le drone est intéressant pour constater ces infractions, de même que la vidéoprotection, laquelle est très souvent aux mains des polices municipales.

M. Éric Pauget. Cet amendement est très important, car le sujet des rodéos est l’un de ceux à propos desquels nous sommes le plus attendus. En milieu urbain, les primo-arrivants sont souvent les polices municipales. J’ai entendu la proposition de Mme la rapporteure.

M. Rémy Rebeyrotte. Il a certes fallu un peu de temps, mais la loi du 3 août 2018 a désormais une certaine efficacité et des condamnations fermes sont prononcées. Essayons déjà de faire appliquer l’ensemble du dispositif par les polices nationales et de gendarmerie. Peut-être, ensuite, faudra-t-il conduire une réflexion en la matière.

Pour revenir à la transmission directe des procès-verbaux de la police municipale vers les procureurs, j’y vois beaucoup d’intérêt car elle déchargera un peu les OPJ dont nous manquons cruellement et qui sont très sollicités.

Mme Isabelle Florennes. Nous sommes très intéressés par ce sujet, auquel j’ai travaillé personnellement pour inclure des dispositions comme la surveillance par drone. Dans un certain nombre de communes, les policiers municipaux sont déjà associés au repérage des rodéos. Il faudrait que nous arrivions en séance avec un dispositif plus complet.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je confirme que le texte relatif aux rodéos urbains est appliqué. Une condamnation à neuf mois de prison dont cinq avec sursis probatoire a ainsi été prononcée à Chalon-sur-Saône, par exemple, ainsi que l’interdiction au pilote de conduire tout véhicule à moteur pendant huit mois et la confiscation de sa moto.

Les rodéos urbains polluent le quotidien de nombreux Français. J’invite les députés qui le souhaitent à travailler avec nous d’ici la séance pour trouver une solution plus efficace de lutter contre ces pratiques, au-delà de cet article.

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Une évaluation de la loi devrait débuter courant 2021.

La Commission rejette l’amendement CL306.

Seconde réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 21h (article premier à article 7)

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Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous reprenons nos travaux. Nous en étions aux amendements à l’article 1er. Le ministre de l’Intérieur doit nous rejoindre.

Article 1er : Expérimentation dans le domaine de la police municipale (Suite)

La Commission est saisie de l’amendement CL269 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. La proposition de loi permet aux polices municipales de procéder à des contrôles en matière de code de la route. Il est prévu notamment la verbalisation en cas de défaut d’assurance. Je propose d’ajouter la possibilité de verbaliser un défaut de contrôle technique. En effet, lorsque les policiers arrêtent un véhicule, ils procèdent automatiquement au contrôle du permis de conduire, de l’assurance, du contrôle technique et de l’état général du véhicule. 

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. C’est l’article R. 323‑1 du code de la route qui vise une infraction et il s’agit seulement d’une contravention. Or, sur la base de l’article L. 511‑1, les agents de police municipale constatent également, par procès-verbaux, les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État. Il s’agit de toutes les contraventions, à l’exception de celles prévues aux articles R. 121‑1 à R. 121‑5, R. 221‑18, R. 222‑2, R. 234‑1, R. 314‑2, R. 411‑32, R. 412‑17, R.412‑51, R. 412‑52 et R. 413‑15.

Cet amendement est donc satisfait.

M. Éric Pauget. Après la longue énumération des exceptions prévues et pour ne pas jouer la répétition, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL327 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. La proposition de loi vise à étendre à la police municipale la possibilité de délivrer les contraventions pour usage de stupéfiants qui a été mise en place pour la police nationale au 1er septembre 2020. Il nous semble que c’est un peu précipité. Je sais que cette mesure a été instaurée à titre expérimental à Rennes et à Reims. L’expérimentation étant relativement récente, nous considérons qu’il n’est pas nécessaire, pour l’heure, de l’étendre aux polices municipales.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je ne partage pas votre constat. La lutte contre les stupéfiants est une priorité du Gouvernement et de la majorité qui le soutient. Nous devons au contraire renforcer les moyens de constater cette infraction afin de mieux lutter contre cette plaie et ce fléau qu’est la drogue.

M. Éric Poulliat. Il ne s’agit pas d’une contravention, mais bien d’une amende forfaitaire délictuelle (AFD). La commission des Lois a déjà eu connaissance d’un premier retour d’évaluation. Je continue de suivre et d’évaluer cette expérimentation, sur laquelle nous ferons régulièrement le point, Mme la présidente étant très attachée à ce travail d’évaluation.

Il ne s’agit pas d’une criminalisation supplémentaire, mais bien d’une forfaitisation par procès-verbaux électroniques, qui est bien accueillie. J’invite M. Molac à prendre connaissance du retour qui en a été fait il y a quelques semaines en commission des Lois. Étendre ce dispositif qui fonctionne bien et qui simplifie la procédure est une bonne chose. C’est un système efficace de lutte contre la consommation de stupéfiants.

Mon collègue Robin Reda était favorable à une dimension contraventionnelle et non délictuelle. Étant en quelque sorte à l’origine de la proposition de cette amende forfaitaire, je suis ravi que l’on ait retenu la dimension délictuelle. Les polices municipales seront à même, j’en suis convaincu, de se saisir de cette forfaitisation au même titre que les autres AFD à l’encontre de la conduite sans permis ou sans assurance. Ce dispositif viendra outiller avantageusement les policiers municipaux dans le cadre de leurs missions de police de la route et de la voie publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL307 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. Cet amendement vise à renforcer les compétences dont disposent les policiers municipaux afin de lutter contre la prostitution.

Le développement de la prostitution porte, dans certains cas, une atteinte grave à la tranquillité et à la sécurité de nos concitoyens, y compris des plus jeunes. Certains quartiers voient, en effet, se développer une prostitution à proximité immédiate des établissements scolaires, sans qu’il soit possible d’y mettre fin. C’est le cas dans ma circonscription, où l’on a observé la présence de prostituées le long de l’enceinte d’une école. Aussi me semble-t-il indispensable et urgent d’intensifier la lutte contre de tels comportements.

Cet amendement vise à sanctionner les récidivistes. Dans ma circonscription, après le passage de la police municipale, les prostituées disparaissent deux ou trois jours avant de revenir. Une présence régulière de la police municipale de proximité éviterait leur présence.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La constatation de récidive en matière de prostitution nécessite des actes d’enquête. Or ceux-ci n’entrent pas dans le projet d’expérimentation tel qu’il est présenté.

M. Buon Tan. Il s’agit d’un amendement d’appel. Peut-être est‑ce compliqué sur le plan de la procédure mais nous ne disposons d’aucune autre solution. Je présenterai au cours de nos travaux un amendement qui permettrait d’accéder aux fichiers, dont la consultation pourrait suffire. Si l’on dispose de l’identité de la personne et que le fichier indique qu’elle est multirécidiviste, il serait possible, sur ce seul fait, de la sanctionner. Je suis disposé à retirer l’amendement pour réfléchir à une meilleure rédaction.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL15 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Cet amendement vise à profiter de la possibilité qui est donnée aux policiers municipaux de constater les délits de squats opérés dans des locaux appartenant à la municipalité pour étendre cette compétence à l’ensemble des délits de squats sur le territoire communal. Quitte à donner la possibilité à un policier municipal de constater un squat dans un local de la commune, habituellement désaffecté, pourquoi ne pas lui donner cette possibilité pour l’ensemble des squats de cette commune ?

Au surplus, cette capacité donnée à la police municipale permettra une meilleure application des dispositifs existants contre les squatteurs, quand on sait qu’un délai de flagrance, de 48 heures, est déterminant pour permettre leur expulsion rapide au profit des habitants ou des propriétaires de l’habitation squattée.

Il semble nécessaire de rappeler la mésaventure de la famille Kaloustian, cet été, qui a découvert que sa maison secondaire à Théoule-sur-Mer était occupée et qui a connu bien de la peine à la récupérer. Un cas similaire a eu lieu à Toulouse en 2018.

Grâce à cet amendement, qui permettrait aux policiers municipaux de constater les délits prévus à l’article 226-4 du code pénal lorsque les squats interviennent sur l’ensemble du territoire municipal, nous pourrions éviter le renouvellement de tels drames personnels.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Vous proposez d’élargir la liste des infractions pouvant être constatées par les agents de la police municipale dans le cadre de l’expérimentation aux squats de toutes les catégories de locaux.

L’expérimentation du constat d’un certain nombre d’infractions par les agents de police municipale repose sur le fait que ce constat ne doit pas nécessiter d’actes d’enquête. Cela ne sera plus le cas si l’on étend largement la possibilité ouverte par l’article 1er de permettre à la police municipale de constater l’introduction par voie de fait puis le maintien dans le domicile d’autrui.

Vous avez cité une affaire qui s’est déroulée cet été. Rendez-nous grâce du fait que, dans le cadre de la loi relative à l’accélération et à la simplification de l’action publique, des dispositions ont été ajoutées afin, précisément, de mieux lutter contre ces squats, en particulier des résidences secondaires.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL308 de M. Bon Tuan.

M. Buon Tan. Cet amendement propose de permettre aux policiers municipaux d’accéder à certains fichiers de la police nationale et de la gendarmerie nationale que sont le fichier national des immatriculations, le fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et le fichier des personnes recherchées (FPR).

Ces fichiers jouent un rôle fondamental dans la lutte contre un certain nombre d’infractions, qu’il s’agisse de délinquances au quotidien ou de faits plus graves – de violences ou d’agressions sexuelles. Ils permettent aux forces de sécurité de développer une connaissance fine des territoires, des acteurs et des réseaux impliqués dans ces actes et de lutter efficacement contre la récidive.

Seuls trois fichiers sont ici mentionnés. De nombreux autres qui dépendent du pouvoir réglementaire mériteraient d’être mis à la disposition de la police municipale, par exemple les fichiers des personnes recherchées et les fichiers des permis de conduire.

Alors que les policiers municipaux verront, dans le cadre de l’expérimentation prévue par l’article 1er, leurs compétences renforcées en matière de lutte contre certains délits, il est indispensable de leur permettre l’accès à ces fichiers. Un tel accès renforcera l’efficacité et la pertinence de leurs actions, tout en permettant d’accroître leur coopération avec les forces de l’ordre nationales. Il leur permettra surtout d’amplifier la lutte contre les infractions du quotidien et la récidive qui minent certains de nos territoires.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La constatation de cette infraction me semble nécessiter, par construction, des actes d’enquête. Or cela entre en contradiction avec le principe des infractions retenues dans le cadre de cette expérimentation.

Par ailleurs, dans le rapport que nous avons remis et à partir duquel nous avons construit la proposition de loi, nous avons indiqué être favorables – le ministre l’est aussi – à la consultation d’un certain nombre de fichiers par les policiers municipaux. Ce point relève cependant largement du domaine réglementaire. C’est la raison pour laquelle il ne figure pas dans cette expérimentation. mais l’extension de leur consultation devrait intervenir rapidement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL40 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. À la liste des nouveaux délits que les agents de police municipale pourront constater, cet amendement vise à ajouter l’affichage sauvage. Ce fléau pour les villes engendre en effet un coût élevé de nettoyage. Il serait donc logique que la police municipale puisse combattre ce phénomène, qui n’est pas une priorité, ce que l’on peut comprendre, de la police nationale.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait dès lors que l’article L. 581-40 prévoit que, pour l’application des articles que vous visez, sont habilités à procéder à toutes les constatations, outre les officiers de police judiciaire, les agents habilités par les collectivités locales à constater les infractions au code de la route en matière d’arrêt et de stationnement de véhicules automobiles, c’est-à-dire les policiers municipaux.

Mme Emmanuelle Ménard. L’affichage sauvage est une infraction au code de l’environnement. Aussi pourrions-nous réintroduire les gardes champêtres qui, dans certains domaines, notamment dans le champ des infractions au code de l’environnement, ont davantage de compétences que les polices municipales. Mon objectif n’est pas d’en retirer aux polices municipales, mais peut-être serait-ce l’occasion de faire référence aux gardes champêtres et de « raccrocher » un certain nombre de compétences, les gardes champêtres étant, malheureusement, les grands oubliés de cette proposition de loi, ce qui, convenons-en, est fort regrettable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Madame Ménard, je vous ai remis un tableau indiquant que j’avais déclaré recevable la moitié de vos amendements sur les gardes champêtres. Nous allons donc pouvoir en discuter.

Cet amendement a été rédigé de telle sorte qu’il se rattache à un alinéa de l’article 1er. Il est nécessairement recevable. En revanche, les amendements que j’ai déclarés irrecevables étaient des amendements portant articles additionnels ou qui créaient de nouvelles compétences.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL328 M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je propose de supprimer l’alinéa 17 car je le trouve disproportionné, en ce sens que l’on demande aux policiers municipaux de constater par procès-verbaux les contraventions relatives, entre autres, aux débits de boissons.

Le renvoi à un décret en Conseil d’État quant à la liste précisant les contraventions visées n’est pas satisfaisant non plus. Nous devrions l’établir nous-mêmes, d’autant que l’on nous reprochera, éventuellement, à l’avenir, de ne pas avoir été suffisamment prévoyants et précis dans la loi, ainsi que cela s’est déjà produit dans cette commission.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Vous souhaitez supprimer l’alinéa qui autorise, dans le cadre de l’expérimentation, les agents de police municipale à constater sur le territoire communal, sans acte d’enquête, plusieurs contraventions, dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État. Ces constatations sont relatives aux débits de boissons, à la lutte contre l’alcoolisme, à la répression de l’ivresse publique et à la protection des mineurs.

S’agissant des contraventions, il me semble tout à fait logique de recourir à la liste par décret en Conseil d’État, à l’instar de ce qui existe d’ores et déjà à l’article L. 511‑1 s’agissant des contraventions au code de la route que les agents de la police nationale sont autorisés à constater. Donc demande de retrait ou avis défavorable.

M. Philippe Latombe. Je viens à l’appui du rapporteur. La demande émane en effet de la police nationale, car les procès-verbaux prennent beaucoup de temps.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL167 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous avons déjà débattu de ce sujet ce matin. M. le rapporteur m’avait expliqué que mon amendement était satisfait. Je suis donc prête à revoir la rédaction de celui-ci car si le cas du policier municipal recruté par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’est pas des plus fréquents, il n’en reste pas moins que des polices municipales intercommunales existent. Le policier municipal recruté par un EPCI peut exercer ses fonctions sur l’ensemble des communes de ce groupement, il n’officie plus sur le seul territoire communal. Entendez-vous mon argument et accepteriez-vous, éventuellement, de modifier l’alinéa 17 ?

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. En l’état, mon avis est défavorable, mais il va de soi que vous pouvez revoir votre amendement en vue de la séance.

M. Éric Pauget. Ce sujet est très important. Les intercommunalités et les rassemblements de communes vont en effet se développer. Votre texte prévoit une expérimentation reposant sur vingt agents de police. Je connais des communes qui en comptent moins mais qui, ayant passé une convention intercommunale, se retrouvent avec une équipe qui dépasse vingt fonctionnaires de police. Il conviendrait de travailler sur le périmètre des intercommunalités afin d’améliorer à l’avenir les pouvoirs des policiers municipaux à l’échelle intercommunale lorsqu’une convention de coopération est signée.

M. Christophe Naegelen. Je viens en soutien de Mme Ménard. Dans les Vosges, dans la vallée de la Moselle plus précisément, il existe une police intercommunale. C’est ainsi que deux policiers intercommunaux interviennent sur sept villages. Dans ce cas précis, comment cela se passe-t-il ? Le texte présenté comporte‑t‑il un trou dans la raquette, auquel cas, il conviendrait d’ajouter la notion d’intercommunalité, ou cette notion est-elle déjà prise en compte ?

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL44 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Dans la même logique, le présent amendement vise à ajouter aux possibilités d’action des policiers municipaux le constat des délits relatifs au port et transport d’armes de catégorie D.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Les contraventions en matière de port et transport d’armes sont assez limitées, car l’essentiel des infractions dans ce domaine est du ressort du délit et nécessite des actes d’enquête. Il peut néanmoins être intéressant d’y réfléchir d’ici à la séance, peut-être sous une forme rédactionnelle différente. Si vous acceptiez de le retirer, nous pourrions y travailler ensemble, éventuellement en lien avec le ministre.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL144 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Il s’agit d’ajouter le dépôt sauvage d’ordures à la liste des délits que pourront verbaliser les policiers municipaux.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’article R. 15-33-29-3 du code de procédure pénale. Les agents de police municipale peuvent dresser de nombreuses contraventions prévues par le code pénal ne nécessitant pas d’actes d’enquête et ne réprimant pas des atteintes à l’intégrité des personnes. Cela concerne notamment la divagation et l’excitation d’animaux dangereux, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, les menaces de destruction, lorsqu’elles concernent des biens appartenant à la commune, l’abandon d’ordures, déchets, matériaux et autres objets, les atteintes volontaires ou involontaires et mauvais traitements à animal.

L’amendement est retiré.

M. Christophe Naegelen. Je retire également l’amendement CL145.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements CL270 et CL271 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Ces amendements proposent d’autoriser les directeurs ou les chefs de service de police municipale à procéder à des dépistages de l’imprégnation alcoolique – amendement CL270 – ou de l’usage de stupéfiants par un conducteur – amendement CL271.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. S’agissant de l’amendement CL270, l’article 29 de la proposition de loi simplifie les modalités des contrôles d’alcoolémie. Il propose un cadre intéressant, à la fois opérationnel et respectueux des droits des personnes. J’ajoute que l’article L.234-3 du code de la route autorise déjà les agents de police judiciaire adjoints à soumettre à des épreuves de dépistage à l’imprégnation alcoolique sous contrôle des officiers de police judiciaire (OPJ). Même argumentaire pour l’amendement CL271. Demande de retrait ou avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL309 de M. Bon Tuan.

M. Bon Tuan. Je suis désolé, j’ai commis une inversion entre l’amendement CL308 et l’amendement CL309, auquel vous avez d’ores et déjà répondu. J’en viens donc à l’amendement CL308.

Cet amendement propose d’ajouter à la liste de ces délits les vols et vols avec circonstances aggravantes, par exemple, les vols avec violences, de plus en plus nombreux aujourd’hui et de plus en plus de violents.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La réponse est identique : demande de retrait ou avis défavorable.

M. Bon Tuan. L’amendement est-il satisfait ou une raison justifie-t-elle cet avis défavorable ?

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La constatation de cette infraction nécessitant des actes d’enquête, nous nous situons aux limites de l’expérimentation.

Mme Laurence Vichnievsky. Si l’on devait confier la verbalisation des vols avec violences aux policiers municipaux, on devrait débattre de la transmission directe des procès-verbaux aux procureurs.

M. Bon Tuan. On parle bien du constat, non de la verbalisation.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Oui.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL272 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Cet amendement autorise les directeurs de police municipale ou les chefs de service à procéder à des contrôles d’identité et non pas uniquement à des relevés comme vous le prévoyez dans le texte. La nuance n’est pas négligeable. Les polices municipales souhaitent pouvoir effectuer des contrôles d’identité.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La différence entre un contrôle et un relevé d’identité est essentielle. Actuellement, les OPJ et les APJ, sous l’autorité des premiers, ont le droit de procéder à des contrôles d’identité. Les APJA que sont les policiers municipaux et d’autres, tels que les agents de sécurité, ne peuvent, pour l’heure, de procéder à ces contrôles.

Vous dites que les policiers municipaux demandent à réaliser des contrôles d’identité. De l’enquête, d’une durée de six mois, que nous avons réalisée pour élaborer notre rapport, il ressort que les agents de police municipale et leurs syndicats, dans leur grande majorité, ne réclament pas de nouvelles qualifications judiciaires, pour la simple et bonne raison qu’ils souhaitent continuer à intervenir sur le terrain et non à faire de la procédure toute la journée, derrière les bureaux.

Au surplus, la jurisprudence constitutionnelle est constante : les policiers municipaux ne peuvent procéder à des contrôles d’identité en l’état. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Laurence Vichnievsky. Ces amendements proposent l’extension de la verbalisation s’agissant en fait d’infractions souvent complexes et nécessitant des enquêtes très fouillées. Il suffit d’assister à des audiences portant sur des vols avec violences au tribunal correctionnel pour le mesurer. Elles ne peuvent absolument pas relever de la police municipale.

S’agissant des contrôles d’identité, j’ajoute que même les officiers de police judiciaire ne peuvent pas procéder à des contrôles d’identité de leur propre initiative ; ce n’est possible que sur réquisition du procureur de la République.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL381 du Gouvernement.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Ce premier amendement du Gouvernement vise à accroître les pouvoirs de la police municipale afin que celles-ci puissent constater le défaut d’assurance du véhicule. Pour ce faire, les polices municipales doivent avoir accès au fichier des véhicules assurés.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Nous sommes particulièrement favorables à cet amendement, qui reprend une disposition que nous avions proposée dans notre rapport.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL352, CL353 et CL354 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL58 et CL59 de M. Christophe Blanchet.

La Commission examine l’amendement CL195 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Ce matin, nous avons longuement évoqué la question des compétences, de la formation et du statut des agents de la police municipale. Nous souhaitons – et cela a été exprimé par plusieurs groupes – renvoyer à un décret en Conseil d’État la nature et le contenu des certifications et formations complémentaires dont doivent bénéficier les agents de police municipale pour exercer les compétences prévues dans le cadre de l’expérimentation.

En effet, si l’article 1er est relativement précis quant aux obligations d’habilitation et de réussite à un examen technique pour les directeurs et chefs de service de police municipale, de nombreuses imprécisions subsistent s’agissant des agents.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je comprends le sens de votre amendement. Toutefois, seuls les chefs de police municipale ou les responsables des services de sécurité des mairies disposeront des nouveaux pouvoirs. Les policiers municipaux conserveront leurs pouvoirs d’APJA, aux termes de l’article 21 du code de procédure pénale. Les directeurs de police municipale ou chefs de police municipale seront personnellement habilités, en vertu d’une décision du procureur général près la cour d’appel, après avoir suivi une formation et satisfait à un examen technique. Votre amendement est satisfait. Donc demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marietta Karamanli. Je partage vos propos portant sur les directeurs de police municipale ou les chefs de police municipale. Mais, à plusieurs reprises, dans nos travaux de ce matin, nous avons relevé la nécessité de préciser les compétences, voire les certifications des agents. Il convient de le prévoir dans le texte.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Les agents de la police municipale passent un concours et suivent ensuite une formation dans le cadre de leurs qualifications d’APJ adjoint. Ils ont donc acquis ces qualifications que le texte ne remet pas en cause.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL158 et CL159 de M. Sylvain Maillard.

Article 2 (art. L. 511-1 du code de la sécurité intérieure) : Suppression d’un seuil restreignant les capacités des policiers municipaux à procéder à des inspections visuelles de bagages et à des palpations de sécurité.

La Commission examine l’amendement CL310 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. L’article 2 a pour objet d’autoriser les agents de police municipale à assurer la sécurité de toutes les manifestations sportives ou culturelles, et à saisir les objets potentiellement dangereux qui pourraient servir à commettre des infractions. Il permet aux policiers municipaux de procéder à des inspections visuelles des bagages et sacs, et, si la personne donne son accord, d’effectuer une fouille ainsi qu’une palpation de sécurité, mais les policiers municipaux ne disposent pas du pouvoir de procéder eux-mêmes à des saisies. Le fait est regrettable, car la sécurisation des événements serait d’autant mieux assurée s’ils en avaient la possibilité. Cet amendement propose donc de leur permettre de procéder à de telles saisies en établissant un procès-verbal.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La logique de cette proposition de loi est d’octroyer, à titre expérimental, un certain nombre de compétences aux polices municipales. C’est l’objet de l’article 1er que nous venons de voter. Le titre Ier comprend, par ailleurs, différentes mesures de clarification ou de simplification.

En l’état, la rédaction de votre amendement est trop imprécise et laisse une trop large part à la subjectivité. Elle n’établit pas de lien avec la possibilité d’une confiscation judiciaire prévue par la loi. En outre, l’amendement vise à généraliser sans expérimenter, ce qui est contraire à notre logique de base. Je vous invite donc à retirer votre amendement pour le retravailler d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL45 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Nous vous présentons une rédaction alternative à l’amendement CL44 à l’article 1er. Il s’agit d’étendre les contraventions en matière de port d’arme de catégorie D.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Pourquoi pas, même si le champ contraventionnel en la matière est relativement limité. Le port d’une arme, y compris une arme blanche, relève en effet largement d’une procédure délictuelle. Je vous invite à retirer votre amendement pour le retravailler d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL71 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement donne la possibilité aux agents de police municipale, dans certaines circonstances et sous certaines conditions bien établies, d’exercer leur mission en tenue civile et armés lorsque cela s’avère nécessaire. C’est d’ores et déjà possible pour les gardes champêtres.

Cela peut s’avérer utile notamment face à la recrudescence d’agressions physiques, ou heureusement le plus souvent verbales, à l’encontre des élus locaux et des maires. Opérer en civil leur permettrait de passer plus facilement inaperçus lors d’une mission de protection. L’amendement ne porte pas sur une fonction de garde du corps, mais sur la protection des élus au cours de leurs déplacements sur le territoire de la commune. Bien sûr, la mesure doit être très encadrée mais la possibilité devrait leur être accordée.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. J’ignore les raisons qui ont conduit à autoriser les gardes champêtres à travailler en civil. Mais ainsi qu’en attestent les résultats de notre enquête sur six mois, le principe, pour la police municipale, est de travailler en tenue, d’être visible des populations et à leur contact, afin d’assurer des missions de proximité.

En l’état du droit, le second alinéa de l’article L. 511-4 du code de la sécurité intérieure dispose expressément que le port de la carte professionnelle et celui de la tenue sont obligatoires pour les polices municipales pendant le service.

Vous proposez de faire évoluer cette situation. Cela ne me paraît pas opportun au regard des attributions et du rôle des policiers municipaux qui doivent, encore une fois, être visibles, au service de la population. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. J’entends votre argument. Peut-être la rédaction de mon amendement gagnerait-elle à être améliorée en réservant cette possibilité aux directeurs des polices municipales mais je puis vous assurer que, parfois, c’est un vrai besoin. C’est une demande forte de ces policiers amenés à effectuer des missions de protection car la discrétion renforcerait leur efficacité. La municipalité peut se retrouver contrainte de faire appel à des sociétés de sécurité privée pour assurer le maintien de l’ordre dans les manifestations à risque.

Je vais vous donner un exemple, pour dissiper tous les fantasmes. Dans le sud de la France, il y a des corridas. Or les associations anti-corridas peuvent être parfois très virulentes. Je peux vous assurer pour en avoir fait l’expérience qu’on peut se retrouver à deux ou trois face à 200 ou 300 personnes dont les responsables sont, certes, dans le dialogue mais ne sont pas toujours en mesure de contrôler leurs militants, bien moins sympathiques. Or, dans pareil cas, la présence de la police municipale en tenue peut exacerber leur agressivité, contrairement à celle de deux ou trois personnes en civil susceptibles d’intervenir si nécessaire. Cette demande ne me semble ni folle ni disproportionnée.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je vous entends, mais la limite entre l’action de la police municipale et les polices régaliennes se situe précisément là. La police d’État et les gendarmes sont susceptibles de travailler en civil dans le cadre d’enquêtes ou de missions de protection, mais ce ne sont nullement les missions des polices municipales, même si vous réclamez cette mesure, je l’ai bien compris, à titre dérogatoire.

M. Thomas Rudigoz. Vous dites, madame Ménard, que vous ne voulez pas que nous considérions votre demande comme un fantasme et citez l’exemple de la police à Béziers ou dans le sud de la France. Depuis très longtemps, nous disposons, à Lyon, d’une grande police expérimentée, formée et armée. Pour avoir été maire d’arrondissement, je connais très bien cette police municipale. Or, jamais, ô grand jamais, je n’ai entendu les polices municipales de la ville de Lyon exprimer une telle demande alors qu’elles sont parfois confrontées à des situations d’une grande complexité. Les exemples que vous citez sont étonnants. De qui souhaitez-vous la protection ? S’il s’agit du maire, il pourra bénéficier, s’il est inquiété, d’une protection assurée par le ministère de l’intérieur qui le décidera en fonction des risques encourus, et sa police municipale, en tenue, assurera cette protection lors de ses déplacements.

Comme l’a indiqué le rapporteur, depuis le début de nos travaux, nous voulons un texte équilibré. Nous procédons à des avancées importantes qui, parfois, peuvent interpeller certains de nos collègues. Mais nous n’avons nullement pour objectif de faire de la police municipale une seconde police nationale ou l’équivalent des forces de l’ordre nationales. À cet égard, votre proposition est excessive.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL35 de Mme Brigitte Kuster.

M. Raphaël Schellenberger. Brigitte Kuster se bat depuis de longues années en faveur de la création d’une police municipale à Paris. Dans cette perspective, elle demande d’adapter le code de la sécurité intérieure à la possibilité d’armer la police municipale dans la mesure où l’autorité administrative de tutelle de la future police municipale de Paris ne sera pas le préfet de département mais le préfet de police de Paris. C’est, en quelque sorte, un amendement rédactionnel dans la perspective de la création de la police municipale de Paris.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’article 4 prévoit un cadre juridique adapté à Paris. À cet égard, l’alinéa 9 précise que les attributions dévolues par le titre Ier du livre V au représentant de l’État dans le département sont exercées à Paris par le préfet de police. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Raphaël Schellenberger. Il s’agit d’un amendement de Mme Kuster qui est très attachée à cette question de la police municipale parisienne. Dans l’attente de l’article 4, nous le maintenons.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL104 de Mme Emmanuelle Ménard, CL113 de M. Éric Ciotti, CL325 et CL274 de M. Éric Pauget.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL104, s’il est adopté, permettra, aux policiers municipaux d’accéder à un certain nombre de renseignements essentiels pour assurer la sécurité de nos concitoyens – comme leur propre sécurité, d’ailleurs – lors des missions qu’ils sont amenés à effectuer.

Il faut ainsi, après l’accès au fichier des permis de conduire et cartes grises, leur permettre d’accéder directement au fichier des objets et des véhicules signalés (FOVES) et au fichier des personnes recherchées (FPR). Que les policiers municipaux soient actuellement obligés de passer par les services territorialement compétents de la police nationale ou de la gendarmerie pour y avoir accès, présente un double inconvénient. En premier lieu, il s’agit évidemment d’un frein au bon déroulement d’une mission pour la police municipale ; cela contraint, en outre, la police nationale et la gendarmerie à mettre des effectifs à disposition pour traiter leurs demandes. En second lieu, cet accès indirect peut s’avérer risqué pour les agents qui peuvent se retrouver parfois face à une personne dangereuse. Or n’en étant pas informés immédiatement, ils ne sont pas en mesure d’adapter leur intervention à la dangerosité de l’individu qu’ils ont en face d’eux.

M. Éric Ciotti. L’amendement CL113 vise également à doter les polices municipales, qui accomplissent des missions essentielle – l’intervention des policiers municipaux de Nice qui ont agi avec courage et efficacité l’a démontré –, de moyens d’action supplémentaires. Il s’agit de leur permettre d’accéder à deux fichiers extrêmement importants, le FPR et le FOVES, qui comprend les véhicules volés. Ces outils sont indispensables à l’action du quotidien. Les policiers municipaux sont confrontés dans leurs interventions à la nécessité de savoir à qui ils ont affaire. Or, actuellement, ils doivent, préalablement, passer par la police municipale.

Des extensions ont été opérées : par le décret du 14 août 2013 pour le FPR avec un accès très limité, réservé aux cas exceptionnels, notamment celui des personnes disparues ou au titre d’un danger exceptionnel, assorti d’une autorisation à l’initiative des forces de police ; par un arrêté du 7 juillet 2017 pour le FOVES, lourd à utiliser, et limitant le recours et l’accès à ces fichiers aux besoins d’en connaître. Dans le cadre de cette proposition de loi, dont l’ambition vise à accroître l’efficacité et les moyens des polices municipales, nous ferions par conséquent œuvre utile en leur permettant d’accéder à ces outils indispensables à leur action.

M. Éric Pauget. Mes amendements visent à donner aux polices municipales un accès direct à plusieurs fichiers : au titre de l’amendement CL325, le fichier des personnes recherchées ainsi que le fichier des véhicules signalés ; au titre de l’amendement CL274, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), que je propose à titre expérimental, car j’ai bien conscience qu’il revêt un caractère particulier.

Dans la mesure où le texte vise à renforcer les pouvoirs de la police municipale, il faut tendre vers plus d’efficience. Au titre du maillage des territoires, notamment des quartiers, il convient que les polices municipales disposent des outils permettant de renforcer l’action de la police nationale ou de la gendarmerie dans le cadre du continuum de sécurité. C’est l’idée qui sous-tend l’accès des polices municipales à ces différents fichiers.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’accès aux fichiers par les polices municipales ne nous a pas laissés indifférents, Mme Thourot et moi-même. Nous avons souligné à plusieurs reprises dans notre rapport, pour les raisons que vous avez évoquées, l’importance pour les policiers municipaux d’accéder directement aux fichiers sans passer par la police nationale ou la gendarmerie nationale. Cela engendre en effet une perte de temps et des dangers sur le terrain, la police municipale ignorant à qui elle a affaire. Surtout, ces demandes encombrent les policiers nationaux et les gendarmes qui, pendant qu’ils effectuent ces recherches, ne font pas autre chose.

Nous n’avons cependant pas prévu cette disposition dans la proposition de loi car elle relève du domaine réglementaire. Je vous invite donc à retirer ces amendements.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Je m’engage, avant l’adoption définitive de la proposition de loi, à ouvrir l’accès de ces fichiers aux policiers municipaux, notamment dans l’esprit évoqué par M. le député Ciotti, s’agissant des deux fichiers cités dans son amendement. Mais cette mesure, relevant du pouvoir réglementaire, n’a pas sa place dans la loi. Je formule donc un avis défavorable sur le principe, mais un avis favorable sur le fond.

Mme Emmanuelle Ménard. Nos policiers municipaux m’ont fait part de deux problématiques. Premièrement, s’ils peuvent avoir accès au fichier national des immatriculations, ils sont obligés de l’acheter, ce qui n’est pas le cas de la police nationale ou de la gendarmerie. Pourquoi une telle obligation ?

La seconde problématique, plus gênante, est d’ordre pratique : après avoir acheté ces fichiers, ils ne peuvent les consulter que depuis un poste fixe ; ils n’y ont pas accès, au même titre que la police nationale ou la gendarmerie, par le biais d’une tablette ou d’un téléphone. Aussi sont-ils obligés, en cas de contrôle, de se rendre au poste de police municipale avec toutes les difficultés pratiques que cela implique. Dans un souci d’efficacité, il serait bon qu’ils aient accès aux fichiers dans les mêmes conditions que leurs collègues de la police nationale ou de la gendarmerie sur le terrain.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Sur le premier point, vous avez raison. J’ai d’ailleurs engagé des démarches pour que les mairies n’aient plus à acheter ces fichiers, dont l’accès avait été ouvert sur autorisation de mon prédécesseur, Christophe Castaner. Nous allons supprimer la licence qu’il fallait payer jusqu’à présent.

Sur le second point, je suis un peu étonné. Si la police municipale de Béziers agit sur le modèle des Monty Python en procédant à des allers-retours pour contrôler quelqu’un qui reste sur place c’est qu’elle est mal organisée. Que je sache, le téléphone existe depuis un certain temps déjà ! Il suffit que le policier municipal appelle son collègue qui, en général, reste devant les caméras de vidéosurveillance. Il peut même appeler un agent assermenté qui n’est pas toujours un policier municipal. Essayez le téléphone à Béziers, vous allez voir, cela marche bien !

Mme Emmanuelle Ménard. Ce n’est pas très pratique, vous l’admettrez !

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. C’est un problème de portabilité. Si la portabilité des fichiers sur des tablettes ou des téléphones peut être étudiée, se pose également la question de savoir qui accède à ces fichiers. Vous le savez, ces fichiers ne pouvant être consultés qu’à des fins professionnelles, le mode de consultation doit être étudié pour répondre aux dispositions que nous impose la CNIL, ce qui est bien naturel s’agissant d’informations personnelles mises à disposition. Indépendamment de cela, madame Ménard, ce serait mentir que de dire que les policiers municipaux sont obligés de retourner au poste de police pour consulter le poste fixe. Votre démonstration n’était objectivement pas très honnête. En général, le policier municipal appelle son collègue resté au poste, qui visionne les caméras de vidéoprotection au centre de supervision urbaine (CSU), ou encore un agent assermenté, qui n’est pas toujours un policier municipal. C’est ainsi que cela se passe.

Si vous voulez me faire dire qu’il faudrait pourvoir à la portabilité des fichiers sur des tablettes sécurisées, je vous répondrai que cela dépend de la portabilité des appareils. Il faut que nous en parlions avec le préfet, mais ne faites pas croire que les policiers municipaux de Béziers font des allers-retours entre le lieu de l’arrestation et le poste central. Ce n’est pas ainsi que votre police s’organise.

M. Éric Ciotti. J’ai entendu le propos de M. le rapporteur. L’objectif est que ces dispositions entrent dans la loi, ou dans le règlement puisque vous en soulignez le caractère réglementaire. En contrepartie de l’engagement ferme et définitif de M. le ministre, qui, je l’espère, aura un peu plus de valeur que ses chiffres sur les étrangers figurant sur le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, FSPRT, je retire l’amendement CL113.

Mme Emmanuelle Ménard. Je retire également mon amendement.

M. Éric Pauget. L’amendement CL274 propose l’accès au FIJAIT à titre expérimental. Je voudrais savoir si le décret que prendra le ministre l’intégrera.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Le FIJAIT relève du domaine législatif. Il ne me semble pas nécessaire que les polices municipales y aient accès, dans la mesure où il s’agit de données sensibles.

M. Éric Pauget. Mon amendement ne demande pas qu’elles aient accès aux données, mais de pouvoir accéder au fichier. Si un voyant s’allume…

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. En tant que tel, il s’agit d’une première donnée.

M. Éric Pauget. Oui, mais sans avoir accès aux informations.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Certes, mais si je consulte le fichier pour obtenir des informations sur vous et si je vois le voyant rouge s’allumer, j’obtiendrai une première information.

M. Éric Pauget. Dans ce cas, le directeur de police municipale le signale aux forces de la police nationale. C’est un élément de proximité qui apporte une information.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Cela veut bien dire ce que cela veut dire : les polices municipales auraient accès à des données sensibles, notamment sur des éléments terroristes, qui figureraient dans ce fichier. Or tel n’est pas l’esprit de la démarche engagée par le Gouvernement et les rapporteurs. Je ne suis pas favorable à l’accès au FIJAIT, quand bien même serait-il aménagé. Mais il appartient, bien sûr, à la commission, d’en décider.

Les amendements CL104, CL113, CL325 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement CL274.

Article 3 (art. L. 3441-1 du code de la santé publique) : Transport de personnes en état d’ivresse manifeste

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL355 du rapporteur et CL273 de M. Éric Pauget.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’amendement a pour objet de préciser que les personnes en état d’ivresse publique et manifeste doivent être menées, après examen médical, dans une cellule de dégrisement de la police nationale ou de la gendarmerie.

La Commission adopte l’amendement CL355.

En conséquence, les amendements CL273, CL329 de M. Paul Molac et CL311 de M. Buon Tan tombent, et l’article 3 est ainsi rédigé.

Chapitre II

Dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement
des polices municipales

Avant l’article 4

La Commission est saisie de l’amendement CL8 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. L’amendement vise à conférer aux directeurs de police municipale la qualité d’agent de police judiciaire (APJ).

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’article 92 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) du 8 février 2011 prévoyait initialement de conférer la qualité d’APJ – définie par l’article 20 du code de procédure pénale – aux membres du cadre d’emplois des directeurs de police municipale, afin qu’ils puissent seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions. Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire à l’article 66 de la Constitution, car la « police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire ». En effet, selon le juge constitutionnel, si l’on conférait la qualité d’APJ aux directeurs de police municipale sans les mettre à la disposition des officiers de police judiciaire, le contrôle qu’exerce le procureur de la République sur la police judiciaire serait par trop distendu.

Contrairement à une idée régulièrement avancée, la plupart des maires et des policiers municipaux ne souhaitent pas – comme Alice Thourot et moi-même l’avons constaté dans le cadre de notre mission – que leur qualification judiciaire, et donc leurs prérogatives en la matière, soient revues à la hausse. Concrètement, ils se satisfont du statut d’agent de police judiciaire adjoint et ne souhaitent pas le voir évoluer. En effet, la force principale des policiers municipaux est de pouvoir se projeter sur le terrain. Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. Éric Ciotti. Je soutiens cet amendement, pour l’avoir défendu en 2011, en tant que rapporteur de la LOPPSI. Avec Brice Hortefeux, alors ministre de l’intérieur, nous avions souhaité doter nos polices municipales de prérogatives très étendues. Nos initiatives avaient été, globalement, censurées par le Conseil constitutionnel. Le problème vient donc de loin, madame la présidente… Sur ce sujet aussi, il faudra réfléchir à une meilleure intégration des problématiques de sécurité dans notre Constitution. Ce débat devra un jour venir devant le peuple français.

M. Éric Diard. Nous retirons l’amendement.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL155 de M. Sylvain Maillard.

Article 4 (art. L. 511-2, L. 531-1 à L. 535-5 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Création d’une police municipale à Paris

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL356 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL153 de M. Sylvain Maillard.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL357 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL198 de Mme George Pau-Langevin.

M. Jérôme Lambert. L’amendement déposé par George Pau-Langevin au nom du groupe Socialistes et apparentés propose que la police municipale de Paris soit créée selon les dispositions du droit commun, et non dans le cadre d’un statut particulier, qui nécessiterait, entre autres, un décret en Conseil d’État. Lorsque Mme Karamanli a proposé tout à l’heure que les agents des polices municipales fassent l’objet d’un décret particulier, il lui a été répondu que ce domaine relevait du droit commun. Nous ne comprenons pas pourquoi, contrairement au corps des employés municipaux de la ville de Paris, la police municipale parisienne devrait bénéficier d’un statut particulier, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur sa gestion.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Le présent article crée le cadre légal permettant de doter la ville de Paris d’une police municipale. L’absence de police municipale à Paris était liée à la spécificité du régime juridique du statut de la capitale, mais celui-ci s’est progressivement rapproché du droit commun. Cela étant, il me paraît pertinent de garder le décret en Conseil d’Etat plutôt que de s’en remettre à une délibération du Conseil de Paris.

Votre amendement vise à encadrer la création de ces corps. Je rappelle qu’il existe à Paris un corps spécifique : celui des agents de surveillance de Paris (ASP) – distinct des agents de surveillance de la voie publique (ASVP) – qui sont APJA au sens de l’article 21 du code de procédure pénale. Cela n’existe nulle part ailleurs. Votre proposition ne garantit pas la prise en compte des différences entre les corps parisiens et les corps homologues de la fonction publique territoriale, s’agissant notamment des conditions de recrutement, de formation et d’intégration des personnels à la création des corps.

Par cohérence, il apparaît souhaitable de créer ces corps par décret en Conseil d’État, afin d’aligner l’ensemble des règles statutaires de la police municipale parisienne – concernant le recrutement, la formation, le déroulement de la carrière, l’échelonnement indiciaire – sur celles de la police municipale de droit commun. L’objectif est de parvenir à un statut identique de nature à favoriser la mobilité, notamment en petite couronne. Cela permettrait d’encadrer, en particulier, les conditions de formation et d’intégration des fonctionnaires de la ville de Paris en charge de la sécurité, afin d’éviter d’éventuels écueils. Cette stricte homologie serait également garante de la mobilité des fonctionnaires au sein des cadres d’emplois de la fonction publique territoriale, et inversement. Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Pacôme Rupin. Je comprends qu’on soulève la question du rattachement de la police municipale de Paris au droit commun. Toutefois, je voudrais rappeler deux spécificités du territoire parisien. Premièrement, la préfecture de police y joue un rôle historique et institutionnel particulier, puisqu’il s’agit de la capitale. Il faudra donc veiller à la bonne articulation entre la préfecture de police et les agents de la police municipale de Paris, dans un cadre distinct de celui du droit commun applicable sur le reste du territoire. Deuxièmement, il existe à Paris une fonction publique territoriale spécifique, exorbitante du droit commun. Dès lors que les agents de la police municipale y feront leur entrée, il sera essentiel d’encadrer leur formation. C’est pourquoi j’approuve la rédaction de l’article, qui permettra de répondre à ces spécificités du territoire parisien.

Mme Danièle Obono. En un sens, Pacôme Rupin a employé des arguments qui se rapprochent de ceux que nous invoquons pour contester la création de la police municipale. Son périmètre d’intervention se superposera à celui des agents actuels. La sécurité publique relève, à notre sens, des fonctions de la police nationale et doit le rester. Paris compte un nombre élevé de policiers et de policières, du même niveau que des capitales comparables, voire plus peuplées – je pense à Londres ou à Berlin, où on compte six à sept agents et agentes pour 1 000 habitants et habitantes.

Par ailleurs, nous considérons qu’il s’agit d’une forme de désengagement de l’État, qui privatise et rend les collectivités territoriales responsables de missions qu’il devrait continuer à assumer. Certaines tâches dévolues aux agents, qu’ils appartiennent à la police nationale ou aux polices municipales, devraient être confiées à d’autres agents de l’État ou personnels des collectivités, qu’il s’agisse, par exemple, des gardiens et gardiennes d’immeuble, pour assurer le vivre ensemble dans les quartiers, ou des éducateurs de prévention spécialisée.

Il n’y a, de notre point de vue, aucune raison de développer encore davantage des fonctions de police, et ce d’autant moins que certains problèmes, liés aux violences policières, ne sont pas résolus. Je rappelle que, le 28 octobre dernier, l’État a de nouveau été condamné pour faute lourde en raison de violences survenues à Paris dans un commissariat du douzième arrondissement.

Pour toutes ces raisons, il ne faut pas créer une police municipale à Paris.

M. Stéphane Peu. Je n’ai pas été très convaincu par les arguments du rapporteur et de Pacôme Rupin sur la nécessité d’avoir un dispositif spécifique, qui justifierait un décret en Conseil d’État. La spécificité de Paris est d’abord liée à son statut, qui est en tous points semblables – c’est la loi – à celui de Lyon et de Marseille. Il n’y a aucune raison que, comme Lyon et Marseille, Paris ne puisse pas, par une décision souveraine de son conseil municipal, décider d’avoir sa propre police. Surtout, la rédaction de l’article nous fera perdre du temps. Nous avons déjà débattu de la création de la police municipale à Paris, en 2019, six mois avant les élections municipales, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dit « Engagement et proximité ». La majorité nous avait expliqué que les conditions de la création de cette police n’étaient pas réunies, car les élections municipales étaient trop proches – M. Griveaux était alors candidat – et que cela donnerait un avantage à la maire sortante. Il y a toujours un argument pour retarder la création de la police municipale parisienne. En l’occurrence, la rédaction que vous proposez rendra le processus beaucoup plus long, sans que cela soit véritablement étayé.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Il ne faut pas minimiser la portée de la mesure introduite par la proposition de loi de M. Fauvergue et de Mme Thourot : ceux qui voteront ce texte contribueront à une avancée historique. Depuis très longtemps, tous pouvoirs confondus, on a refusé à Paris d’avoir une police placée sous les ordres des élus municipaux. C’est bien ce gouvernement qui donnera un avis favorable à ce qui constituera une vraie révolution.

Le sujet n’est pas de savoir si on oblige Paris à avoir une police municipale. Le Conseil de Paris prendra une délibération sur le sujet et, le cas échéant, créera cette police selon les conditions qu’il fixera – elle pourrait, ainsi, ne pas être armée.

Monsieur Peu, vous affirmez que Paris a le même statut que Lyon et Marseille. C’est inexact, s’agissant de la fonction publique parisienne. Des administrateurs issus de l’École nationale d’administration (ENA) peuvent choisir, de longue date, d’exercer leurs fonctions au sein de l’administration de la ville de Paris. Par ailleurs, des corps sui generis de fonctionnaires – notamment celui des administrateurs – ont été créés par décret en Conseil d’État. Il n’y a donc aucun régime d’exception : nous ne faisons que tenir compte des spécificités de la fonction publique parisienne.

La question est de savoir comment on institue cette police municipale. L’État doit ici jouer son rôle. Le régime du décret en Conseil d’État est extrêmement protecteur des libertés publiques – je m’étonne que l’aile gauche de la Commission exprime des réserves à ce sujet. Le pouvoir de police, rappelons-le, entraîne une restriction des libertés. Il faut donc se pencher sur les modalités de création de la police municipale parisienne. Tout incite à l’adoption de l’article présenté par les rapporteurs.

Je nourris un désaccord de fond, sur ce sujet, avec Mme Obono et n’entrerais pas dans le débat qu’elle a lancé – notamment sur le fait de savoir s’il y a assez de policiers à Paris.

M. Peu et Mme Pau-Langevin estiment que nous freinons le lancement de la police municipale parisienne. À cela, je réponds que nous la créons, et qu’elle sera instituée dans des conditions propres à la fonction publique parisienne.

M. Sacha Houlié. La loi « Engagement et proximité » avait pour objet de renforcer les pouvoirs du maire en tant qu’OPJ sans créer de nouveau statut pour la police municipale. La proposition de loi institue une police municipale à Paris et crée, en conséquence, un nouveau statut. Sur ce texte, j’assume un esprit totalement jacobin. L’État délègue une compétence purement régalienne à la Ville de Paris qui dispose, en tant que collectivité locale, d’un statut particulier, puisqu’elle est à la fois une commune et un département. Cela justifie, au regard de ces spécificités, la création d’un statut de la fonction publique différencié par rapport aux autres collectivités locales.

M. Jérôme Lambert. Le débat montre que le sujet suscite de l’intérêt et des questionnements. Il est vrai que l’administration de la ville de Paris comporte des corps spécifiques, mais est-il pour autant nécessaire que la future police municipale – si le Conseil de Paris en décide ainsi – soit aussi un corps particulier ? Qu’est-ce qui justifierait cette particularité ? Où réside la singularité de la préfecture de police ? Elle gère des policiers sur un territoire, comme cela se rencontre à Marseille, où on trouve les mêmes policiers, avec le même statut. Il n’y a pas de corps de police spécifiques à Paris et à Marseille, des mutations pouvant intervenir entre l’une et l’autre villes. Nous proposons de faire les choses simplement, de faire confiance aux élus de Paris. N’insiste-t-on pas, aujourd’hui, sur la nécessité de faire confiance aux élus locaux ? Nous travaillons tous dans l’intérêt commun.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL197 de Mme George Pau-Langevin..

M. Jérôme Lambert. La création d’un corps de police municipale parisien dans le cadre de cette procédure particulière peut nuire à la libre administration de la ville de Paris, car le Conseil d’État fixera les conditions statutaires. Nous préférons que Paris gère son corps de policiers municipaux comme Lyon, Marseille, Quimper et toutes les autres villes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements CL313 et CL314 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. Je fais partie de ceux qui sont convaincus, depuis de très nombreuses années, qu’il faut une police municipale à Paris, et je me réjouis que la proposition de loi prévoie sa création. L’amendement CL313 vise à ce que la publication du décret en Conseil d’État intervienne « au plus tard un mois après l’avis du Conseil de Paris ».

L’amendement CL314 vise à renforcer la qualité de la formation des futurs agents de la police municipale parisienne, en permettant à la ville de Paris de conclure des conventions avec les centres de formation de la police nationale et de la gendarmerie nationale. L’article 4 de la proposition de loi prévoit que la formation des policiers municipaux parisiens sera assurée directement par la ville de Paris, et non par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), comme c’est le cas pour les policiers municipaux des autres villes de France. Le CNFPT a cependant la faculté de passer des conventions avec la police et la gendarmerie. Il semble donc légitime et judicieux de conférer également cette possibilité à la ville de Paris, afin d’assurer une formation initiale et continue de la meilleure qualité possible aux policiers municipaux parisiens.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Il ne me semble pas opportun d’inscrire dans la loi le délai proposé par l’amendement CL313. En revanche, nous pouvons profiter de la présence du ministre en Commission pour lui demander de nous garantir que le décret sera pris rapidement. Par ailleurs, je suis favorable à l’amendement CL314.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Le délai d’un mois me paraît court, s’agissant d’un décret en Conseil d’État, mais nous nous engageons à faire vite. Je donne un avis défavorable sur l’amendement CL313, bien que je comprenne sa philosophie. Voilà quasiment un siècle qu’on attend la création d’une police municipale à Paris, on peut sans doute patienter encore quelques semaines… Je suis favorable à l’amendement CL314, qui offre une faculté à la ville de Paris.

L’amendement CL313 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL314.

Elle en vient à l’amendement CL217 de M. Dimitri Houbron.

M. Dimitri Houbron. Je voudrais souligner qu’il s’agit d’une avancée historique pour Paris. La création de la police municipale parisienne a été défendue depuis de nombreuses années, notamment – dès 2013 – par Pierre-Yves Bournazel. Si la question ne porte pas principalement sur son armement, puisque c’est à la ville qu’il reviendra de trancher ce point, le groupe Agir ensemble y voit toutefois un intérêt certain. Les événements récents, en particulier à Nice, nous montrent que l’armement de la police municipale est indispensable pour protéger nos concitoyens et nos agents. L’amendement vise à ce que la formation à l’armement des policiers municipaux de la ville de Paris soit dispensée, compte tenu de sa spécificité et de son exigence, par le CNFPT, comme c’est le cas pour l’ensemble des policiers municipaux sur le territoire national.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Il s’agit de dispositions classiques s’agissant de la ville de Paris. Comme le prévoit la proposition de loi, la formation des futurs policiers municipaux parisiens sera assurée par un centre de formation adapté. La proposition de loi apporte des garanties puisque l’alinéa 8 dispose que le contenu et la durée des formations dispensées aux agents de la police municipale parisienne seront équivalents à ceux des autres polices municipales.

Alice Thourot et moi-même avons auditionné des représentants de la ville de Paris, qui nous ont dit que des formateurs, venant du CNFPT et respectant les standards de cette institution, instruisaient des personnes appelées à devenir formatrices. Des spécialistes viennent aussi de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ce qui offre des garanties supplémentaires.

J’ajoute que, dans les polices municipales, à l’issue d’une formation générale de six mois, est assurée une formation à l’armement de deux semaines pour une arme létale, à laquelle s’ajoute une session de dix jours pour l’emploi d’un pistolet à impulsion électrique et d’une semaine pour l’usage de bâtons télescopiques. La formation de la future police municipale de Paris sera alignée sur ces standards. Demande de retrait, ou avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL47 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Le texte prévoit que les agents de la police municipale sont des fonctionnaires de la ville de Paris, formés par elle. Il faut se réjouir du consensus politique existant entre la ville et le Gouvernement. Pour la première fois, un gouvernement accepte la création d’une police municipale parisienne, alors que le pouvoir de police relevait, jusqu’à présent, de la prérogative exclusive du préfet de police. On peut tous saluer cette avancée. Monsieur Peu, vous avez évoqué la tentative de création de cette police municipale, par voie d’amendement, lors de l’examen du projet de loi « Engagement et citoyenneté ». Cette initiative, à mon sens, ne répondait pas aux exigences que nous posons dans ce texte. Le fait d’avoir attendu l’issue des élections municipales et l’expression démocratique des Parisiens n’est pas insultant. Dans le respect des choix qui ont été exprimés, la majorité parlementaire souhaite, en accord avec la maire de Paris, la création d’une police municipale. Cela se fait de manière tout à fait logique.

L’amendement vise à ce que les formations dispensées par la ville de Paris soient contrôlées périodiquement par le CNFPT, qui forme l’ensemble des polices municipales de France.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. J’indique, pour compléter ce que j’ai déjà à ce sujet, que la police municipale parisienne sera la plus importante de France. Son effectif sera de l’ordre de 4 000 à 5 000 agents, qui seront formés par un centre de formation adéquat, dépendant de la Ville de Paris. Les formations seront harmonisées. Un contrôle périodique de ce centre de formation par le CNFPT semble difficile à mettre en place, dépourvu de cohérence avec son organisation et contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. En outre, compte tenu des effectifs concernés, il en résulterait une charge de travail accrue pour le CNFPT. Celui-ci compte douze interdélégations en France. Si leurs formations font l’objet d’une harmonisation générale, elles ne se contrôlent pas entre elles. Je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, ce sera un avis défavorable.

M. Pacôme Rupin. Je vous remercie pour ces précisions. Cet amendement d’appel visait à nous assurer que la formation dispensée par la Ville de Paris aux agents de la police municipalesera d’une qualité identique à celle des formations dispensées dans les autres territoires. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 4 modifié.

Article 5 (art. L. 512-1 du code de la sécurité intérieure) : Suppression d’un seuil freinant la possibilité de mise en commun de policiers municipaux

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 (art. L. 412-57 [nouveau] code des communes) : Recrutement des policiers municipaux et souscription d’un engagement de servir

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL358 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL219 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Il s’agit de supprimer l’alinéa 6 de l’article 6. Si un agent de police municipale rompt son engagement, il doit rembourser le montant des traitements perçus en tant que stagiaire, ce qui est parfaitement normal. Le texte prévoit également – c’est ce point qui nous pose problème – que le maire ou le président de l’EPCI concerné peut décider de le dispenser, pour des motifs impérieux, de tout ou partie de ce remboursement. Je rappelle que la fonction publique est soumise à la règle imposant le remboursement de la formation en cas de rupture de l’engagement. Je ne vois pas de raison de prévoir une disposition particulière pour la police municipale, d’autant que, dans ce cas, il existe une proximité assez forte entre le maire et le policier municipal, dont il est l’employeur.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Le droit de la fonction publique territoriale applicable en la matière, défini à l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, n’est pas satisfaisant. Il prévoit, en cas de mutation d’un agent dans les trois années qui suivent sa titularisation, que la commune ou l’EPCI d’accueil verse à la commune ou à l’EPCI d’origine une indemnité correspondant au coût de sa formation. Il ne prévoit aucune responsabilisation de l’agent en tant que tel.

Au cours des six mois d’enquête ayant précédé la rédaction de notre rapport, Mme Thourot et moi-même avons entendu plusieurs maires et plusieurs présidents d’EPCI dire qu’ils en ont vraiment assez de financer la formation d’agents de police municipale qui, sitôt formés, sont débauchés par des maires voisins leur offrant de meilleures conditions de travail, ce qui les laisse une formation financée sans résultat. Voilà ce qui a inspiré notre proposition.

Mme Laurence Vichnievsky. Monsieur le rapporteur, cher Jean-Michel, nous ne nous comprenons pas. J’estime comme vous que prévoir le remboursement de la formation des agents de police municipale en cas de rupture de l’engagement est une très bonne chose. Ce que je conteste, et mon groupe avec moi, c’est la possibilité d’une dispense de remboursement, qui n’existe pas dans la fonction publique. Je ne vois pas en quoi elle est justifiée, fût-ce au nom de motifs impérieux. Le maire est l’employeur du policier municipal. Nous évoquions ce matin les difficultés susceptibles de survenir en matière d’éthique : nous devons être attentifs à cette disposition. Les collectivités territoriales vivent d’argent public. Je ne comprends pas que cet amendement fasse l’objet d’un avis défavorable. Ce que nous contestons, ce n’est pas le principe du remboursement, mais la possibilité d’en être dispensé.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cette possibilité, comme l’indique le texte, est à la main du maire. Si un policier municipal qui vient d’être recruté veut partir dans une autre commune, il doit rembourser sa formation, sauf si la commune d’accueil paie pour lui. La décision appartient au maire.

M. Philippe Latombe. Comprenons-nous bien. Dans le cas que vous venez de décrire, monsieur le rapporteur, un agent est formé aux frais d’une municipalité donnée, puis part travailler dans une commune voisine. Si le maire qui l’embauche souhaite rembourser sa formation au maire de la commune où il a été formé, aucun problème, mais l’agent lui-même ne peut être dispensé de ce remboursement. Imaginez qu’un agent décide de changer complètement de métier, il n’y a pas de raison que le maire ou le président de l’EPCI le dispense de rembourser les frais engagés pour sa formation. À défaut, on ouvre la voie au copinage, je regrette de devoir le dire. L’alinéa 6 permet éventuellement le copinage.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Il faut regarder ce qui se passe dans les territoires. Former un policier municipal demande du temps et de l’argent. Or, dans certaines parties du territoire national, il existe une forte concurrence entre les polices municipales. C’est vrai en Île-de-France et dans les conurbations importantes mais tel n’est pas toujours le cas ailleurs. J’appelle l’attention de Mme Vichnievsky sur le fait qu’une telle concurrence n’existe pour aucun autre corps de fonctionnaires municipaux. Le corps, spécialisé, des policiers municipaux a besoin de dispositions spécifiques, comme en témoigne ce texte.

Par ailleurs, cet agent peut faire valoir des motifs impérieux n’ayant rien à voir avec le copinage. Imaginons qu’il soit père d’un enfant devenu handicapé et qu’il doive déménager pour les besoins de cet enfant. Il ne change pas de territoire pour se vendre dans une autre collectivité, mais pour continuer à faire son travail tout en cherchant, par exemple, à se rapprocher d’un établissement spécialisé. Imaginons que cette personne soit confrontée à de graves difficultés familiales. Quiconque a été employeur municipal connaît cela, un fonctionnaire qui vient vous voir et vous dit : « J’aime bien votre collectivité, monsieur le maire, mais je dois me rapprocher de ma famille ; si vous connaissez quelqu’un dans le Sud, cela m’arrangerait, car ma mère est sur le point de mourir », ou je ne sais quoi d’autre. Et lorsque vous faites cette démarche, c’est non par copinage, mais pour essayer de l’aider, même si vous devez vous séparer d’un bon élément. Du fait de ces motifs impérieux, on ne va pas lui demander de rembourser sa formation, de même qu’on ne le demandera pas à la collectivité locale qui accepte de l’embaucher.

Il faut sans doute préciser la nature des motifs impérieux – nous pourrons le faire en séance publique. Mais il me semble normal de laisser sa liberté à l’employeur municipal. Vous dites volontiers qu’il faut faire confiance aux élus. Moi, je ne considère pas spontanément qu’un maire pratique le copinage. Au demeurant, le contrôle de légalité sert à le constater, et les syndicats sont là pour dire ce qu’il en est. Le maire tient compte en même temps de la situation personnelle de l’agent et de la concurrence à laquelle il est éventuellement soumis – il est facile de recruter des policiers municipaux dans certains endroits et pas dans d’autres.

Autre problème : on ne peut pas verser aux policiers municipaux des primes comme aux autres membres de la fonction publique territoriale. Pour compenser, de très nombreux élus, voire presque tous, trichent en leur rémunérant des heures supplémentaires qu’ils n’effectuent pas. Comment faites-vous pour inciter un policier municipal à travailler dans une commune plutôt qu’une autre ? Vous lui offrez un grade supplémentaire, des équipements supplémentaires, une commune un peu plus tranquille que celle où il a été formé, et, en plus de tout cela, vous lui offrez un surplus d’heures supplémentaires, qui relève d’une autre forme de gestion que celle qui est normalement compatible avec la fonction publique territoriale.

Le maire doit donc lutter pour l’attractivité de sa commune et contre la concurrence. À ce titre, la disposition proposée me semble frappée au coin du bon sens. Elle laisse sa liberté à l’employeur. Seuls ces fonctionnaires, formés spécifiquement et appartenant à un corps spécifique, font l’objet d’une telle concurrence, dont on peut estimer à titre personnel qu’elle est injuste. Il peut exister par ailleurs des motifs impérieux d’ordre personnel n’ayant rien à voir avec cette concurrence, ce qui justifie – même si tel peut être le cas d’agents appartenant à d’autres corps – qu’une disposition spécifique soit appliquée aux policiers municipaux. Plus généralement, il faudra réfléchir, d’ici à la fin de la législature, à la possibilité de traiter les policiers municipaux comme les autres fonctionnaires, notamment en modifiant leur statut afin qu’il autorise le versement de primes, ce qui éviterait de recourir à des heures supplémentaires qui ne sont pas effectuées.

Mme Alice Thourot, rapporteure. En cas de départ d’un agent, la commune, qui a financé sa formation et lui a laissé le temps de se former, est grandement pénalisée. L’objectif est de la protéger. Mais le maire peut choisir de renoncer à la clause que nous lui offrons. C’est à lui de décider. En outre, un agent peut souhaiter changer de commune pour de nombreuses raisons, qui doivent être respectées.

M. Raphaël Schellenberger. Il est de bon aloi de réfléchir à une telle disposition au moment où nous nous apprêtons à créer un appel d’air dans les polices municipales, puisqu’il y aura à Paris 4 000 à 5 000 agents. Même si un concours spécifique sera organisé, on imagine qu’il existera des passerelles permettant de recruter des gens déjà formés.

Pour en venir à la discussion qui nous occupe, personne ne conteste la nécessité de prévoir un mécanisme de rachat, par l’agent qui rompt son engagement ou par la collectivité qui l’accueille. Mais est-ce au maire d’en décider ?

Mme Alice Thourot, rapporteure. Bien sûr que oui !

M. Raphaël Schellenberger. Telle est la question, moins anodine qu’il n’y paraît, que pose Mme Vichnievsky. Il faut faire confiance aux élus, monsieur le ministre de l’intérieur, ce n’est pas moi qui dirai le contraire. Toutefois, en prévoyant une telle disposition, il ne faut pas perdre de vue la construction des rapports de force localement. Ce n’est pas au gestionnaire du moment de juger de l’engagement d’un fonctionnaire à servir une collectivité territoriale, l’État ou la fonction publique hospitalière, mais bien à la loi. Peut-être faut-il revoir la rédaction de l’alinéa 6 ? La formulation me semble maladroite ; elle ouvre trop largement la possibilité de déroger au remboursement de la formation.

Mme Laurence Vichnievsky. Mon amendement me semblait assez simple, mais je constate qu’il a donné lieu à une interprétation qui n’est pas la bonne. Nous sommes favorables au principe du remboursement de la formation, qui s’applique à la fonction publique de façon générale et défavorables à la possibilité d’en être dispensé. Monsieur le ministre, les motifs impérieux que vous évoquez – un enfant handicapé ou la nécessité de se rapprocher de sa famille – peuvent être avancés par tout fonctionnaire.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Personne ne rembourse sa formation !

Mme Laurence Vichnievsky. Le remboursement de la formation est une obligation si on ne travaille pas pour l’État le nombre d’années convenu.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Il y a des dérogations.

Mme Laurence Vichnievsky. Elles sont peut-être rachetées par ailleurs. Quoi qu’il en soit, le principe est le suivant : on doit donner à l’État un nombre fixe d’années, et rembourser sa formation à défaut. La possibilité d’appréciation et de dispense de remboursement laissée au maire, qui est l’employeur de l’agent, nous pose problème. Je constate que l’amendement suscite de nombreux commentaires et remercie Raphaël Schellenberger d’être venu au secours de la position que j’ai défendue, qui me semble simple.

M. Thomas Rudigoz. La règle qui doit primer est d’empêcher un changement de situation dépourvu d’obligation de remboursement. Mme Vichnievsky connaît mieux que moi la fonction publique ; toutefois, les arguments de M. le ministre démontrent que la situation n’est pas si simple qu’il n’y paraît. Certains motifs très spécifiques doivent ouvrir la possibilité de ne pas rembourser la formation. Leur prise en compte relève d’une certaine humanité, s’agissant notamment de problèmes de santé consignés dans un dossier médical. Au demeurant, l’article 6 fait primer l’obligation, pour l’agent, de rembourser la collectivité où il a été formé.

M. Paul Molac. Lorsque j’ai commencé ma carrière de fonctionnaire d’État, j’ai reçu une formation professionnelle en échange d’un engagement signé à travailler cinq ans dans la fonction publique. Si j’avais rompu cet engagement, j’aurais été obligé de rembourser ma formation. Si certains fonctionnaires ne l’ont pas fait, j’imagine que leur ministère leur a accordé une dérogation à titre gracieux, après demande dûment motivée. Prévoir cette possibilité de façon systématique me semble curieux.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Pas dans la fonction publique territoriale !

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Il faut distinguer fonction publique d’État et fonction publique territoriale. Les fonctionnaires issus des grandes écoles, telles que l’école nationale d’administration (ENA), l’école nationale de la magistrature (ENM) ou Polytechnique, doivent travailler au moins dix ans pour l’État ou rembourser leur formation, sauf motif impérieux.

Dans la fonction publique territoriale, personne n’est obligé de rembourser sa formation. À l’article 6, nous introduisons une disposition nouvelle, justifiée par le fait que le métier de policier municipal est très spécifique et fait parfois l’objet d’une forte concurrence. Parce qu’il s’agit d’un corps particulier, nous proposons, fait exceptionnel, de l’aligner sur une possibilité ouverte, pour motifs impérieux, aux agents de la fonction publique d’État issus des grandes écoles.

Nous faisons confiance à l’employeur, l’État en général et le maire en l’espèce, pour juger de l’exception. Monsieur Latombe, je n’accepte pas le mot « copinage ». Quand on est à la tête d’une mairie, on ne fait pas de copinage ; si on en fait, il est normal qu’on soit rattrapé par la patrouille que sont les électeurs, d’une part, et la justice, de l’autre. Cessez de penser que les maires de France sont des gens qui disent à leurs fonctionnaires, en cachette, « Tu as raison, je te dispense de rembourser ta formation » ! Ce sont des gens responsables, qui gèrent les deniers publics et les fonctionnaires dont ils ont la charge de façon courageuse, dans le respect le plus total du statut de la fonction publique. Ne faites pas croire aux gens que le maire est par nature difficile à surveiller et qu’il pourrait se mettre d’accord avec un policier municipal pour s’asseoir sur le remboursement de sa formation !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL220 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Il s’agit d’un amendement de repli. Dès lors qu’il s’agit d’argent public, nous considérons qu’il faut au moins obtenir l’avis conforme du directeur départemental des finances publiques.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6 

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL13 de M. Éric Diard et CL106 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Éric Diard. L’amendement CL13 vise à habiliter les agents de police municipale, qui sont des agents de police judiciaire adjoints, à procéder à des contrôles d’identité.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL106 est très similaire à celui que vient de présenter notre collègue Diard. Il semble vraiment intéressant d’attribuer aux agents de police municipale, au même titre qu’aux agents de police judiciaire adjoints et aux gendarmes adjoints volontaires, certaines compétences judiciaires exercées sur ordre et sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire. Ils pourraient ainsi procéder à des contrôles d’identité et à des fouilles de véhicules, dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une réquisition écrite du procureur de la République.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Les contrôles d’identité peuvent être réalisés par les officiers de police judiciaire (OPJ), définis à l’article 16 du code de procédure pénale, et par les agents de police judiciaire, définis à l’article 20 du même code, sous l’autorité d’un OPJ. Comme vous l’avez indiqué, les policiers municipaux sont des APJA. Les faire monter en grade n’est pas à l’ordre du jour du présent texte. Ils peuvent relever les identités, mais pas les contrôler, ce qui au demeurant modifierait le paradigme de notre proposition de loi et celui de leur travail. Si nous donnons aux agents de police municipale la qualité d’APJ ou d’OPJ, alors ils dépendront directement du procureur de la République et beaucoup moins du maire, et seront chargés de mener des enquêtes et d’accomplir un travail judiciaire. Pour l’heure, cela n’est pas souhaitable. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne conteste pas l’argument selon lequel la disposition proposée aura pour effet de faire dépendre davantage les policiers municipaux du procureur de la République. Toutefois, sur le terrain, tel est d’ores et déjà le cas. Le procureur de la République demande régulièrement aux policiers municipaux de lui rendre compte. Dans la plupart des cas, il existe une véritable collaboration, dépourvue de blocages. Les policiers municipaux ne s’interdisent pas de lui rendre compte et de transmettre leurs informations à la police nationale au motif qu’ils dépendent du maire. Tout cela fonctionne un peu en circuit fermé. L’information circule, et c’est heureux, car tous exercent leur métier avec le même objectif.

M. Éric Diard. J’aimerais connaître l’avis du ministre de l’intérieur sur la possibilité de donner aux policiers municipaux – pas nécessairement dans le cadre de la présente proposition de loi – la possibilité de réaliser des contrôles d’identité.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Le principe étant que les policiers municipaux ne peuvent pas être chargés d’une enquête, ils peuvent relever des identités, mais pas les contrôler. Nous souhaitons donner des pouvoirs supplémentaires à la police municipale, mais pas créer une police fédérale, à l’américaine ou à la belge, secondée par une police locale disposant de moyens d’enquête, et peut-être demain de retenue de liberté. Nous allons déjà très loin en proposant des expérimentations telles que celles prévues à l’article 1er. Lorsqu’un policier municipal demande son identité à un individu, il l’obtient dans la plupart des cas. Si tel n’est pas le cas, il peut faire appel à ses collègues de la police nationale, qui la contrôleront. Je ne vois pas où est le problème. Les amendements ne me semblent pas conformes à la philosophie du présent texte.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement CL266 de la présidente Yaël Braun-Pivet.

Mme la présidente Braun-Pivet. Cet amendement vise à donner un cadre législatif aux brigades canines. Il en existe près de 200, qui ont prouvé leur efficacité. Elles aident les policiers municipaux à assurer leurs missions, notamment à dissuader les troubles à l’ordre public et les agressions contre les agents. Dans ma circonscription, notamment à Sartrouville, on m’a indiqué qu’elles sont particulièrement utiles. Or le cadre juridique de l’utilisation de ces chiens est très fragile, comme l’ont relevé plusieurs observateurs, notamment la Cour des comptes le mois dernier. Il m’a semblé que la présente proposition de loi pouvait constituer le cadre adéquat pour dissiper ce flou, et donner à la formation de brigades canines au sein des polices municipales un cadre d’emploi ainsi qu’une sécurité juridique.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Avant de donner mon avis sur l’amendement, j’aimerais fournir quelques précisions sur les chiens utilisés par les forces de l’ordre. Les polices municipales comptent entre 250 et 300 chiens, outre-mer compris, la police nationale 550 et la gendarmerie nationale 480. Il n’existe aucun référentiel d’emploi de ceux des polices municipales, qui en pratique s’alignent sur celui de la police nationale. En matière d’utilisation de chiens, il existe une différence de taille entre la police et la gendarmerie : les premiers pratiquent la frappe muselée, les seconds travaillent au mordant.

S’agissant des chiens utilisés par les polices municipales, 98 % d’entre eux sont des chiens de patrouille et d’intervention. Les autres sont des chiens dressés à la recherche de stupéfiants. La police municipale de Courchevel dispose d’un chien de recherche de personnes en zone montagneuse. 90 % de ces chiens sont des bergers allemands ou des malinois ; les autres sont des bergers hollandais et des Beaucerons. La formation des chiens policiers municipaux est assurée à Oyonnax par un spécialiste. Toutefois, il n’existe aucun référentiel d’emploi officiel. L’amendement vise à sécuriser la création de brigades canines au sein des polices municipales, en les dotant d’un cadre juridique clair. Nous y sommes favorables.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Jean-Michel Fauvergue n’est pas seul autorisé à parler des chiens ! (Sourires.) Je peux ainsi ajouter que les polices municipales utilisent deux catégories de chiens, des chiens administratifs, qui appartiennent à la commune, et des chiens appartenant aux agents. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de Mme la présidente de la Commission.

Par ailleurs, j’appelle l’attention, la protection des animaux étant un important sujet de préoccupation, sur la façon dont on réforme les chiens administratifs à l’issue de leur service. Les mairies s’efforcent de les placer. Il est évident qu’il faut les accompagner. Il faudra un jour réfléchir à ce sujet. Ces chiens, comme ceux de la police et de la gendarmerie, prennent souvent des risques dans le cadre de leurs interventions, et sont parfois blessés.

M. Raphaël Schellenberger. Outre la réforme des chiens policiers à la fin de leur service, nous devrons également nous pencher sur leur recrutement par l’administration, qui est effectué le plus souvent en externe, en faisant appel à des initiatives privées ou aux clubs canins qui les forment. Je profite de notre débat, ô combien intéressant, pour appeler l’attention de notre commission, s’agissant du mordant sportif, sur les propositions formulées par certains lobbies, qui mettent abusivement en avant la protection du bien-être animal. Elles pourraient déstructurer la filière de recrutement des chiens policiers. Il faudra y être attentif.

La Commission adopte l’amendement. L’article 6 bis est ainsi rédigé.

Puis elle examine l’amendement CL382 du Gouvernement.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Cet amendement vise à dispenser l’État de recueillir l’avis de la commission consultative des polices municipales (CCPM) avant de contrôler les polices municipales.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’amendement reprend une proposition formulée dans notre rapport. Nous y sommes favorables.

M. Rémy Rebeyrotte. La durée de formation des gendarmes et des policiers nationaux qui se reconvertissent dans la police municipale a-t-elle été modifiée ? Les maires indiquent régulièrement qu’envoyer ces personnels en formation longue, alors même qu’ils disposent de compétences, les empêche d’en disposer rapidement. En outre, ces agents s’y ennuient un peu. Il s’agit souvent de gendarmes qui souhaitent intégrer une police municipale pour éviter une mutation et qui sont d’ores et déjà formés.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Lorsque nous avons soulevé ce problème, dans le cadre de l’élaboration de notre rapport, la formation des policiers et des gendarmes en reconversion était d’une durée de six mois, soit celle de la formation des autres policiers municipaux, et se déroulait dans le cadre du CNFPT. Les maires s’en plaignaient, car il en résultait des coûts, et ils ne disposaient pas immédiatement de ces agents. Un arrêté réduisant à trois mois la durée de leur formation a été publié. Elle sera concentrée sur les pouvoirs du maire et la fonction publique territoriale.

M. Éric Pauget. La CCPM a-t-elle été consultée sur votre proposition, monsieur le ministre ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. La CCPM n’est pas encore constituée, monsieur Pauget. Elle le sera à l’issue des votes internes aux conseils municipaux issus des dernières élections municipales, visant à renouveler diverses instances. M. Christian Estrosi la présidait jusqu’à présent, j’imagine qu’il continuera à la présider.

La Commission adopte l’amendement. L’article 6 ter est ainsi rédigé.

TITRE II
DISPOSITIONs RELATives au secteur de la sécuritÉ privÉe

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l’encadrement du secteur de la sécurité privée

Avant l’article 7

La Commission examine l’amendement CL5 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. L’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure dispose que des enquêtes administratives « peuvent » être conduites afin de vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées. L’amendement vise à rendre ces enquêtes obligatoires pour éviter de passer à côté d’un risque potentiel.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Comme vous le soulignez, il est déjà possible de mener des enquêtes administratives ; les automatiser pour les centaines de milliers de personnes visées par votre amendement nous paraît disproportionné. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. J’entends que le fait de systématiser les enquêtes puisse être lourd, mais la question mérite d’être posée dans la mesure où vous entendez élargir le champ potentiel des interventions des forces de sécurité privée. Un certain nombre de gages doivent être donnés. Dès lors que les employés des sociétés de sécurité privée peuvent être amenés à effectuer des missions publiques, il faut s’assurer qu’ils répondent aux standards que l’on attend des collaborateurs occasionnels du service public ou encore des prestataires de service public. C’est vraiment la moindre des choses.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je vous confirme que le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) procède à toutes ces enquêtes.

M. Éric Diard. Compte tenu de la situation, il me paraît important de rendre automatique le criblage de ces agents.

La Commission rejette l’amendement.

Article 7 (art. L. 612-5-1 et L. 617-2-1 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Encadrement de la sous-traitance

La Commission examine les amendements de suppression CL4 de M. Éric Diard et CL264 de Mme Marietta Karamanli.

M. Éric Diard. Nous abordons le sujet du recours à la sous-traitance dans le secteur de la sécurité privée. Beaucoup de questions se posent quant à la réglementation et à la responsabilité des entreprises exécutant des marchés qui leur ont été sous-traités. L’amendement CL4 est un amendement d’appel, madame la rapporteure : nous devons légiférer au mieux s’agissant du marché de la sous-traitance, tout en le responsabilisant.

Mme Marietta Karamanli. Nous demandons nous aussi la suppression de l’article 7, mais pas forcément pour les mêmes raisons. Il rend possible la sous-traitance en cascade d’une partie de l’exécution des contrats de sécurité privée. Certes, l’accord de l’entreprise donneuse d’ordre est nécessaire, mais sa responsabilité n’est pas assez établie. En outre, la nature opaque de certains contrats de sous-traitance nous inquiète fortement. Nous ne souhaitons pas que les activités de sécurité privée soient exercées de cette manière. Plus généralement, nous croyons beaucoup, pour notre part, à la police nationale et à la sécurité régalienne. Transférer un certain nombre de compétences à la police municipale, et même à une forme de police privée, est vraiment dangereux. En proposant de supprimer l’article, nous souhaitons appeler l’attention sur ce point.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’article 7 n’évoque en aucun cas des transferts de compétences, madame Karamanli : il vise à limiter la sous-traitance. En effet, la sous-traitance en cascade gangrène le secteur de la sécurité privée. Les professionnels eux-mêmes nous demandent de mieux l’encadrer. L’article 7 est donc fondamental.

Monsieur Diard, vous avez parlé d’un amendement d’appel et demandé que nous légiférions mieux sur le phénomène. Or votre amendement vise à supprimer cet article à travers lequel nous proposons de limiter la sous-traitance. C’est un peu contradictoire !

Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

M. Stéphane Peu. Moi non plus je ne pense pas qu’il faille supprimer cet article, mais je réponds volontiers à l’appel de M. Diard en participant au débat.

Il est absolument nécessaire de s’attaquer au problème de la sous-traitance, mais les dispositions proposées sont très insuffisantes. La sous-traitance est une jungle : il y a des sous-traitants de sous-traitants de sous-traitants. Le secteur est l’un des principaux employeurs de personnes en situation irrégulière, avec des conditions de travail épouvantables. Or je ne vois pas en quoi cet article permettra d’éviter les abus : le fait d’informer le donneur d’ordre ne changera rien à la situation, pas plus que l’autre condition invoquée. Il est nécessaire de clarifier et de responsabiliser.

D’ailleurs, et pour dire les choses clairement, je ne vois pas ce qui peut justifier le recours à la sous-traitance dans le domaine de la sécurité privée. Autant on peut comprendre qu’une société répondant à un marché public ait besoin de faire appel à un sous-traitant dans un domaine pour lequel elle ne dispose pas de capacités techniques particulières, autant rien ne l’explique dans celui-ci. On voit très bien, en revanche, que cet enchevêtrement et cet empilement de sociétés permettent de faire travailler beaucoup de gens dans des conditions déplorables, principalement au noir.

Mme Danièle Obono. Quant à nous, nous sommes pour la suppression pure et simple de la sous-traitance ; l’intervention de Stéphane Peu devrait vous avoir convaincus de la nécessité de le faire.

Votre objectif est de développer la sécurité privée, de lui donner des prérogatives qui devraient rester celles de la police nationale, dans le cadre du service public. La tentative d’encadrement qui est proposée ici est inutile car le nivellement par le bas est consubstantiel à la sous-traitance, et ce dans tous les secteurs : du fait de la concurrence, on propose des prix et des services au rabais pour obtenir des marchés, ce qui a des conséquences sur les conditions de travail des salariés. Ce qui est extrêmement problématique dans bien des secteurs l’est encore plus dans celui de la sécurité, surtout quand on donne à ces entreprises des fonctions et des responsabilités qui devraient rester celles de l’État. De notre point de vue, il ne faut pas simplement tenter de réglementer la jungle : ces pratiques doivent cesser. Il faut redonner à la police nationale les moyens nécessaires pour l’exercice de missions qui n’ont pas à être sous-traitées à quelque entreprise privée que ce soit.

M. Éric Poulliat. Je ne peux pas laisser dire que les sociétés de sécurité sont en quelque sorte des polices privées : c’est un abus de langage. Elles répondent à des besoins polymorphes. Parfois, plusieurs événements sont organisés simultanément dans le même territoire, et une entreprise ne peut répondre seule à la demande : la sous-traitance est alors le moyen idéal de faire en sorte que le donneur d’ordre ait affaire à un seul opérateur, tout en satisfaisant ses besoins de sécurité. La sous-traitance est donc un mal nécessaire dans la sécurité.

L’article 7 présente l’intérêt de limiter la sous-traitance en cascade, dont les conséquences sont effectivement terribles : les prix et les compétences sont tirés vers le bas, et le secteur est gangrené par le travail dissimulé. Interdire totalement la sous-traitance, en revanche, priverait les acteurs de la sécurité de leur capacité d’adaptation et obligerait le donneur d’ordre à avoir affaire à plusieurs interlocuteurs, à passer plusieurs marchés, ce qui alourdirait énormément les procédures. Certaines sociétés font bien leur travail, embauchent des gens compétents en respectant le cadre légal : elles doivent être protégées.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je remercie ceux de nos collègues qui nous soutiennent sur le fond et partagent notre objectif – sur ce point, il y a d’ailleurs une forme de consensus, me semble-t-il. Je tiens par ailleurs à défendre le secteur de la sécurité privée, qui a été critiqué par certains. S’il est vrai que quelques pratiques peu vertueuses existent, beaucoup d’entreprises travaillent dans de bonnes conditions.

Avec cet article, nous avons essayé de trouver un équilibre entre le respect de la liberté d’entreprendre et la nécessité de tenir compte du fait que le secteur d’activité en question n’est pas tout à fait comme les autres : ces entreprises participent à la sécurité de notre pays, et ce sera encore plus le cas à l’avenir, en tout cas nous l’espérons. Par ailleurs, la constitutionnalité du dispositif sera contrôlée. Nous n’en sommes pas moins prêts à accepter des propositions d’amélioration.

M. Raphaël Schellenberger. Mme Obono profite de cette discussion sur la sous-traitance, plus précisément sur la difficulté pour l’État d’exercer un contrôle à un niveau plus éloigné – comment contrôler le prestataire du prestataire ? –, pour aborder plus largement la question du recours aux sociétés de sécurité privée.

Autant nous avons des doutes quant à l’opportunité de certaines formes de sous-traitance, autant nous considérons que le recours à des sociétés de sécurité privée pour un certain nombre d’actions est tout à fait utile, voire nécessaire, surtout dans un moment où nous avons besoin de remobiliser les fonctionnaires de police et les militaires de gendarmerie sur des fonctions essentielles comme les enquêtes et les poursuites. Des fonctions de surveillance statique, par exemple, peuvent tout à fait être confiées à des sociétés.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Je voudrais réagir aux propos de Mme Obono, si elle me le permet, de manière à ce que nous ayons un débat constructif. La question de la sécurité privée est importante dans cette proposition de loi et elle est centrale dans l’action que mène l’État – quel que soit d’ailleurs le gouvernement –, comme le démontrera le livre blanc qui sera bientôt publié. Par ailleurs, il vaut mieux réglementer – ce que fait la proposition de loi – que de laisser faire n’importe quoi comme c’est le cas parfois.

Le groupe Socialistes et apparentés et le groupe La France insoumise veulent ouvrir un débat sur le principe même du recours à la sécurité privée.

Madame Obono, vous dites qu’on ne doit pas donner de moyens supplémentaires aux polices municipales et vous refusez même la création d’une police municipale à Paris – comme ailleurs, au demeurant, car vous ne concevez pas qu’elles puissent exister, les comparant même pour ainsi dire à des milices. Dans le cadre des débats autour du projet de loi de finances (PLF), vous disiez qu’il ne fallait pas augmenter le nombre de policiers nationaux ni accroître leurs moyens comme nous le proposions. Or, dans le même temps, vous dites que les policiers nationaux doivent être plus présents et faire le travail des agents de sécurité privée. Tout cela est légèrement contradictoire. La représentante du groupe Socialistes et apparentés a elle aussi expliqué sa méfiance envers l’accroissement des moyens des polices municipales.

Est-ce à dire que vous souhaitez que les personnes gardant les grands magasins soient des policiers nationaux en armes ? C’est un manque de respect flagrant envers les dizaines de milliers de personnes qui font ce travail, souvent au péril de leur intégrité physique : elles protègent ceux qui participent à des événements ou qui font leurs achats dans les grandes surfaces, et elles sont souvent les premières à intervenir en cas d’incident.

Il ne faut donc pas caricaturer les entreprises de sécurité privée, et surtout il importe de ne pas en parler comme de polices privées : M. Poulliat a raison, c’était un abus de langage. L’objet de la proposition de loi n’est pas du tout d’en faire des polices privées, ou alors nous nous sommes tous trompés de texte.

En ce qui concerne la sous-traitance, M. Poulliat a bien défini les limites de la sécurité privée : le recours à des sous-traitants peut se justifier. Toutefois, il doit être encadré. Les situations décrites par M. Peu ne sont pas acceptables : parfois, il y a tellement d’intermédiaires, emboîtés comme des poupées gigognes, qu’on ne sait même plus avec qui on a contracté. C’est exactement ce qui s’est passé en 2016, madame Karamanli, lorsque le gouvernement socialiste – que vous souteniez – a sous-traité la sécurité de l’Euro de football à des agences de sécurité privée. Il y a eu tellement de sous-traitance qu’à la fin on ne savait plus qui devait assurer la sécurité des matchs ; pour certains d’entre eux, personne ne s’est présenté, ce qui a obligé à trouver des solutions au dernier moment, en dehors du marché public qui avait été passé.

L’objet de l’article 7 est ainsi de limiter la sous-traitance. De même, l’amendement CL400 du Gouvernement, que je défends par avance, madame la présidente, prévoit de renforcer les obligations de vigilance du donneur d’ordre – y compris quand il s’agit de l’État – à l’égard de la société privée avec laquelle il a contracté. L’entrepreneur principal devra désormais vérifier que son sous-traitant remplit les conditions fixées. C’est une manière de promouvoir la sécurité privée sans pour autant faire n’importe quoi, ce qui est encore le cas dans certains contrats.

M. Éric Diard. Mon objectif était de provoquer le débat : de ce point de vue, je puis être satisfait… Je retire donc l’amendement CL4.

Cela dit, la sous-traitance en cascade existe encore – j’y reviendrai avec mon amendement suivant. Oui à la sécurité privée, oui à un meilleur contrôle des sociétés de sécurité privée, mais non à la cascade !

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Nous sommes d’accord !

L’amendement CL4 est retiré.

Mme Marietta Karamanli. Il est parfois utile de provoquer : cela permet d’ouvrir le débat.

Au fond, monsieur le ministre, nous reconnaissons tous que la sécurité privée existe et qu’elle remplit un certain rôle. Ce qui pose problème en revanche, et que certains contestent vigoureusement – notamment nous, députés du groupe Socialistes et apparentés –, c’est la cascade de contrats de sous-traitance. Nous estimons que l’article 7, même s’il répond à une réalité, devrait être amélioré ou complété, peut-être d’ici à la séance.

Nous en discutions entre nous et constations tous, même si nous étions de bords différents, que, sur le terrain, les agents de sécurité privée n’ont pas tous la même formation et ne font pas tous preuve du même discernement, ce qui peut créer des problèmes. Leurs interventions emportent aussi des conséquences en termes de responsabilité civile ou pénale. Cet aspect n’est pas abordé de manière suffisamment claire dans le texte. C’est aussi pour cette raison que mon groupe voulait lancer le débat sur cet article.

Mme Danièle Obono. Monsieur le ministre, peut-être n’avez-vous pas été assez attentif, lors du débat budgétaire, aux arguments toujours très détaillés de mon collègue Ugo Bernalicis. Je vais donc reprendre point par point votre propos qui caricaturait nos positions.

Nous sommes en faveur de la police nationale, et voulons qu’elle soit mieux utilisée : les agents ne doivent plus être occupés à 80 % de leur temps à faire autre chose que lutter contre la délinquance. Nous voulons construire des écoles de police pour que les agents soient mieux formés. Nous voulons, effectivement, que la sécurité reste une prérogative régalienne, et que l’État ne se désengage pas de sa responsabilité sur les collectivités ou sur le secteur privé.

L’article 7 concerne la sous-traitance. J’ai commencé par dire que nous étions contre la sous-traitance de manière générale, parce que c’est un système qui favorise le nivellement par le bas. Je parlais bien de la sous-traitance et non de la sécurité privée dans son ensemble.

Par ailleurs, ce que nous contestons, c’est votre volonté de développer le secteur de la sécurité privée et de lui confier des missions qui étaient jusqu’à présent assurées par la police nationale, et qui, selon nous, doivent continuer à l’être. Mme la rapporteure a confirmé cette intention. Du reste, c’est ce qui explique que la question de la sous-traitance, et plus largement celle du secteur privé, soient abordées dans cette proposition de loi. Nous sommes donc effectivement en désaccord avec votre stratégie politique, qui, selon nous, va à l’encontre de l’intérêt général.

La Commission rejette l’amendement CL264.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, elle adopte l’amendement rédactionnel CL437 du Gouvernement.

La Commission examine les amendements CL221 et CL231 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Beaucoup de choses ont été dites sur l’intérêt qu’il peut y avoir à recourir aux entreprises de sécurité privée, mais aussi sur la vigilance dont nous devons faire preuve. Comme aujourd’hui je m’exprime mal, ou en tout cas on ne me comprend pas bien, je me contenterai de renvoyer aux propos de Stéphane Peu, que je partage tout à fait. Je remercie également les rapporteurs d’avoir cherché à encadrer les contrats de sous-traitance, mais aussi le Gouvernement, qui dépose des amendements pour accroître encore la vigilance.

Pour ce qui nous concerne, et de façon certainement très maladroite, une fois de plus, nous avons pensé qu’en faisant en sorte que la ou les parties sous-traitées ne puissent représenter 50 % ou plus du montant du marché, nous parviendrions à contrôler très fortement les cocontractants. Cela garantirait que l’entreprise principale exécute au moins la moitié du marché, renforçant ainsi sa responsabilité – comme le souhaite le Gouvernement à travers l’amendement CL400.

L’amendement CL231 vise à apporter une autre garantie : il prévoit l’obligation, au lieu de la possibilité, de communiquer au maître de l’ouvrage l’ensemble des contrats de sous-traitance.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Madame Vichnievsky, je vous rassure : c’était très clair.

Je prends bonne note de vos propositions d’amélioration de l’article 7. Nous poursuivons tous un objectif commun, ce qui est plutôt positif. Toutefois, je ne suis pas favorable à l’amendement CL221. Vous proposez d’interdire de sous-traiter plus de 50 % du marché, mais ce n’est pas en fixant un chiffre que l’on va avancer. Je suis d’accord avec l’objectif de cet amendement, et si certains collègues ont d’autres propositions à nous faire d’ici à la séance pour améliorer encore l’article 7, nous les étudierons avec attention, mais je n’approuve pas la méthode qui est proposée ici. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Je vous demande également de retirer l’amendement CL231, mais pas pour les mêmes raisons. Dans ce cas, votre demande est déjà satisfaite. L’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose notamment que « l’entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande ».

Pour compléter mon propos, et parce que nous avons évoqué de manière globale le secteur de la sécurité privée, je voudrais vous rappeler un ordre de grandeur : les forces de l’ordre – policiers et gendarmes – représentent à peu près 250 000 personnes, quand le secteur de la sécurité privée en emploie 165 000. On compte 21 500 policiers municipaux.

M. Stéphane Peu. Loin de moi l’idée de dénigrer les professions de la sécurité privée. D’une part, le secteur est l’un des très gros employeurs de ma circonscription… (Sourires.) Par la force des choses, je le connais donc bien. D’autre part, et beaucoup plus sérieusement, je sais ce que l’on doit aux agents de sécurité privée, pour avoir été témoin de l’attentat du Stade de France, le 13 novembre 2015. Si le premier des terroristes équipés de ceintures d’explosifs n’a pas réussi à se faire exploser à l’intérieur du stade, c’est grâce à la vigilance des agents de sécurité privée qui l’ont empêché d’entrer. Il y a eu un mort et cinquante blessés, mais le bilan aurait pu être beaucoup plus dramatique.

Par ailleurs, pour avoir été, dans d’autres fonctions, un gros recruteur de sociétés de sécurité privée, je sais qu’il s’agit d’un secteur où il faut de la main-d’œuvre et du volume. Quand vous avez besoin de cinquante agents en moyenne et que la société qui répond au marché public n’en a que six, vous pouvez être sûr que le seul moyen à sa disposition pour honorer ses obligations tout en restant dans les prix est de multiplier les sous-traitants, lesquels emploient une main-d’œuvre payée au lance-pierre, composée de personnes précaires voire en situation irrégulière. Force est de constater, tout en respectant la profession, que cette pratique y est pour ainsi dire industrialisée. Si l’on ne met pas des seuils, on n’endiguera pas ce fléau. Or la profession mérite beaucoup mieux.

M. Philippe Latombe. L’objectif de l’amendement CL221 est de poser une borne. Vous nous dites, madame la rapporteure, que vous comprenez notre proposition mais que vous ne voulez pas d’une limite. Que proposez-vous donc ?

Quant à l’amendement CL231, vous avez répondu qu’il était satisfait car le maître d’ouvrage peut se faire communiquer les contrats de sous-traitance, alors que nous demandons que l’entreprise soit tenue de les communiquer.

M. Paul Molac. Je suis un peu étonné : je m’aperçois qu’on emploie des clandestins. Je croyais que c’était totalement défendu…

Mme Danièle Obono. Tout dépend pour quoi faire !

M. Paul Molac. Selon vous, madame la rapporteure, le fait de mettre la limite à 50 % n’est pas une bonne solution. En quoi cela pose-t-il problème ? Je ne suis pas un spécialiste, mais je me dis qu’il faut bien commencer par quelque chose si l’on veut essayer de structurer ce secteur.

M. Éric Poulliat. Même si je suis d’accord avec Stéphane Peu, je voudrais modérer ses propos, car il ne faudrait pas jeter l’opprobre sur toute la profession de la sécurité privée en laissant entendre que, dès que l’on sous-traite, cela veut dire que l’on emploie des gens au noir. On peut être sous-traitant et respecter la loi, et même faire très bien son travail.

Ce qui me dérange dans votre amendement CL221, madame Vichnievsky, c’est que vous prenez comme critère une part du montant du marché. Or, la sécurité privée n’est pas seulement un métier de main-d’œuvre : c’est aussi un métier de technologie. Par exemple, dans l’événementiel, il faut louer des PC de sécurité, des caméras, ou encore un type de barrières particulier permettant d’arrêter les voitures ou les camions. Tout cela coûte très cher et peut représenter une bonne part du montant du marché, sans pour autant que l’entreprise sous-traite beaucoup. Je comprends donc votre intention, mais l’outil n’est pas le bon. En plus, il y a l’effet de seuil : pourquoi 50 % et non 60 % ou 40 % ? Il y a toujours une dimension subjective dans ce genre de dispositions.

Quant à l’amendement CL231, le besoin d’information est réel, et le donneur d’ordre doit sans doute être plus rigoureux, mais la demande est satisfaite.

M. Éric Ciotti. Au travers de ces amendements est posé un débat essentiel. Mais d’abord, je voudrais rappeler un postulat de base qui correspond à l’esprit de cette proposition de loi : la sécurité privée est utile. Ses 165 000 agents peuvent seconder les polices nationale et municipales – ils le feront encore mieux à l’avenir – et leur éviter d’accomplir des tâches indues. À cet égard, je défendrai, un peu plus loin dans le texte, un amendement relatif à la surveillance des détenus hospitalisés. Les agents pourraient aussi rendre service pour certains transferts.

Le débat autour de ces questions avait déjà eu lieu en 2010, lorsque le Parlement avait examiné le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2). C’est dans ce cadre, d’ailleurs, qu’avait été créé le CNAPS, qui a défini des règles permettant de mieux encadrer la profession et de l’assainir. Des progrès considérables ont donc été faits, mais la sous-traitance demeure un obstacle à la transparence. Certains faits évoqués ne sont pas à la hauteur des exigences que l’on peut avoir à l’égard de la sécurité privée, dont il convient par ailleurs de souligner l’importance et à laquelle, à titre personnel, je souhaite donner encore plus de prérogatives. La sous-traitance en cascade doit être limitée. Il est extraordinairement choquant, en particulier pour des métiers en rapport avec la sécurité, d’entendre parler comme d’une vérité avérée du fait que ces sociétés recourent à une main-d’œuvre clandestine. Si tel est le cas, la situation doit être assainie.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en arrive à l’amendement CL14 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Il s’agit ici de supprimer les alinéas 4 à 6. En effet, ils permettent de déléguer jusqu’au quatrième niveau de sous-traitance, sans aucun contrôle du donneur d’ordre. Compte tenu de l’importance des activités mentionnées à l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, visé par l’alinéa 4, il ne me paraît pas admissible qu’une entreprise qui s’est vu confier une sous-traitance par une entreprise à laquelle le donneur d’ordre initial a déjà sous-traité puisse, sans droit de regard ni autorisation expresse éventuelle, procéder à une nouvelle opération de sous-traitance. Cela relève clairement du phénomène de cascade.

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’ai l’impression que nous partageons le même objectif – limiter la sous-traitance en cascade – mais divergeons sur la rédaction. Votre amendement, en supprimant les alinéas relatifs à l’encadrement de la sous-traitance dès le deuxième rang, aurait pour résultat concret le statu quo, c’est-à-dire l’absence de régulation. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.

M. Éric Diard. Je le maintiens : l’alinéa 4 permettrait toujours de déléguer jusqu’au quatrième niveau.

M. Stéphane Peu. Je n’arrive pas à comprendre comment, pour des fonctions principalement de main-d’œuvre, on peut en arriver à un troisième, voire un quatrième niveau de sous-traitant. Cela ne saurait se justifier que pour des emplois d’une grande technicité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL276 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Cet amendement vise à éviter que les entreprises contractantes soient des coquilles vides – ce qui rejoint ce dont nous venons de parler. Je propose donc de supprimer les termes « ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectifs » : en les conservant, on reconnaît que certaines structures ont pour seul objectif de recourir ensuite à la sous-traitance.

Mme Alice Thourot, rapporteure. La mesure que vous proposez nous paraît de nature à avoir des conséquences disproportionnées pour les entreprises. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, elle adopte l’amendement CL400 du Gouvernement.

Elle est saisie de l’amendement CL330 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à faire en sorte que les différents niveaux de sous-traitants soient bien identifiés.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Vous souhaitez publier systématiquement les noms des entreprises sous-traitantes. Or l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance permet déjà au donneur d’ordre d’obtenir cette information quand il la demande. D’une certaine manière, votre amendement est donc satisfait. Par ailleurs, le dispositif proposé manque de précision : vous n’indiquez pas l’endroit où les noms seraient publiés. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Paul Molac. Pouvoir faire quelque chose n’est pas pareil que devoir le faire. Je maintiens donc mon amendement et le redéposerai en séance.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Première réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 9h30 (article 8 à article 21)

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9821144_5fa3b77f77ac3.commission-des-lois--securite-globale-suite-5-novembre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Il nous reste 226 amendements à examiner. La ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté, est parmi nous ce matin.

Article 8 (Art. L. 634-3-2, L. 634-3-3 [nouveaux] et L. 632-3 du code de la sécurité intérieure) : Habilitation de certains agents du CNAPS à constater par procès-verbal une infraction et à recueillir ou relever l’identité de son auteur présumé

La Commission examine l’amendement de suppression CL331 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je m’interroge sur la possibilité donnée au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) de verbaliser ses employés : cela me paraît quelque peu étrange. J’aimerais avoir des explications sur ce point.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Il y a une incompréhension sur les dispositions de l’article 8. Vous ne souhaitez pas permettre aux agents de sécurité privée de rechercher et constater par procès-verbal des infractions ; or il ne s’agit pas de cela.

L’article 8 permet au directeur du CNAPS de commissionner et d’assermenter ses agents afin de constater les infractions au livre VI du code de la sécurité intérieure consacré aux activités privées de sécurité, à l’occasion des contrôles qu’ils réalisent dans la profession. Pour faire un parallèle, c’est comme si l’inspection du travail organisait un contrôle dans une entreprise.

Tous les agents du CNAPS sont fonctionnaires ou contractuels de la fonction publique d’État : il n’est donc pas confié de prérogatives à des personnes privées. Ces agents interviendront uniquement dans le cadre des contrôles dont ils ont déjà la charge. Il s’agit de permettre un meilleur encadrement des entreprises de sécurité privée. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CL232 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Cet amendement vise à supprimer les restrictions ajoutées par le texte en matière de recrutement au sein du CNAPS. La proposition de loi prévoit d’interdire le recrutement de salariés soumis aux dispositions du code du travail, au motif que ces agents seront susceptibles de verbaliser dans les conditions que Mme la rapporteure vient d’exposer. Une telle disposition empêcherait le CNAPS de recruter des profils venant du secteur privé susceptibles de mieux répondre à des besoins ponctuels. Dès lors qu’ils sont recrutés, ils bénéficient d’un statut spécifique. Je souhaiterais avoir des précisions sur ce point.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Votre amendement a pour objet de rétablir la possibilité pour le CNAPS d’employer du personnel salarié de droit privé. Or l’article 8 vise à faciliter la gestion du personnel de cet établissement public. Le CNAPS est uniquement composé de fonctionnaires détachés et de contractuels. En 2019, 33,5 % des 218 agents du CNAPS étaient fonctionnaires et 66,5 % étaient contractuels ; aucun n’était salarié de droit privé. L’article 8 ne fait que prendre acte de la réalité de ces recrutements. Nous vous demandons donc le retrait de cet amendement, sinon il s’agira d’un avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Dans la mesure où les agents du CNAPS exercent une mission de contrôle d’une profession réglementée, il nous apparaît important que cette prérogative soit réservée à des agents publics.

Mme Laurence Vichnievsky. On peut imaginer que des agents du CNAPS soient recrutés dans le privé ; ce n’est qu’ensuite, en tant qu’agents du CNAPS, qu’ils bénéficieront d’un statut particulier les habilitant à verbaliser. C’est peut-être simplement un problème de rédaction. Je suis prête à retirer mon amendement parce que je n’y tiens pas absolument mais cela me semble assez contraire à la politique du Gouvernement visant à assurer une mobilité entre la fonction publique et le secteur privé.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL362 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CL17 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Cet amendement vise à permettre aux agents du CNAPS d’exiger des auteurs présumés des infractions de justifier leur identité, plutôt que d’attendre la venue d’un officier de police judiciaire (OPJ) de la police ou de la gendarmerie nationales.

Cela se justifie par deux éléments : d’une part, les personnes contrôlées sont des professionnels de la sécurité, investis d’une responsabilité particulière compte tenu de leurs prérogatives, que la présente proposition de loi compte étendre. Il semble donc logique, en contrepartie, de renforcer les contrôles auxquels ces professionnels sont soumis et d’en garantir l’efficacité. D’autre part, cet amendement tient compte du fait que les agents du CNAPS sont soit des fonctionnaires d’État, soit des contractuels de droit public, et doivent par conséquent informer l’officier de police judiciaire territorialement compétent afin de garantir la régularité de la procédure.

Enfin, cet amendement vise à aggraver les peines contre les auteurs présumés d’infractions qui refusent de justifier leur identité ou d’obtempérer : dans la mesure où ils exercent des fonctions en lien avec la sécurité, ils ont un devoir d’exemplarité.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Une telle procédure n’est pas prévue pour les recueils et les relevés d’identité, l’intervention de l’OPJ étant réservée aux cas posant des difficultés lors des opérations. Cet amendement crée donc une exception au régime général. De plus, cette exception pourrait contraindre le travail des agents du CNAPS si chaque opération, même non litigieuse, nécessite l’intervention d’un OPJ ; la charge de travail supplémentaire serait très importante.

Enfin, concernant les sanctions encourues, nous nous sommes inspirés de l’article 78-6 du code de procédure pénale relatif au relevé d’identité, qui prévoit une peine de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Nous devons faire attention à la proportionnalité des sanctions encourues. Je vous propose donc de nous en tenir à la rédaction actuelle de l’article 8. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Cela déborderait sur les prérogatives des officiers de police judiciaire. Nous préférons nous en tenir à un contrôle des cartes nominatives. Avis défavorable.

M. Éric Diard. Je maintiens mon amendement car il ne concerne que les opérations litigieuses ; il n’est donc pas étendu à l’ensemble des opérations.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL363 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement CL399 du Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre. L’article 8 a pour objet d’habiliter les agents du CNAPS à constater les infractions prévues au livre VI du code de la sécurité intérieure. Le présent amendement vise à octroyer des prérogatives supplémentaires à ces agents, en leur permettant de constater par procès-verbal des infractions au code du travail qu’ils rencontrent fréquemment en situation de contrôle, parmi lesquelles figurent le travail dissimulé, le marchandage, le prêt illicite de main-d’œuvre et l’emploi de personne étrangère sans autorisation de travail. En conséquence, le code du travail serait complété pour inclure les agents du CNAPS assermentés dans la liste des personnes compétentes pour rechercher et constater ces infractions. Cela leur permettrait de transmettre les procès-verbaux au procureur de la République, qui pourrait enclencher une procédure pénale le cas échéant.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.

Après l’article 8

La Commission examine les amendements CL115 et CL116 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Pauget. Ces deux amendements visent à permettre aux agents de sécurité privée d’assurer la surveillance des détenus hospitalisés ainsi que la gestion et la conservation des scellés judiciaires. L’objectif est de dégager des moyens et du temps pour la police et la gendarmerie nationales en optimisant les ressources humaines, parce que ces missions sont chronophages. Pour citer un exemple, l’hôpital qui accueille l’auteur des attentats commis la semaine dernière à Nice mobilise énormément de moyens de sécurité pour protéger l’assaillant, le personnel et l’hôpital lui-même.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je suis, à titre personnel, plutôt favorable à ces amendements. Nous avions proposé de telles dispositions dans le rapport que nous avons rédigé avec Jean-Michel Fauvergue, envisageant même de les étendre à d’autres missions, comme la tenue de la bagagerie dans les centres de rétention administrative (CRA), où sont souvent affectés, pendant un an ou deux, des jeunes policiers en sortie d’école. Le cœur de métier d’un policier est d’être mobilisé pour d’autres missions.

Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 10 mars 2011, a exclu l’association généralisée de personnes privées à des missions de service public. En outre, dans une décision en date du 29 mars 2018, il n’accepte qu’une délégation exceptionnelle de ces prérogatives à des personnes privées, assortie de garanties.

Ainsi, le fait de confier cette mission de service public à une personne privée serait très fragile constitutionnellement. Nous sommes prêts à échanger sur vos propositions d’ici à la séance, sous cette réserve de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, afin d’éviter toute censure après l’adoption de ce texte.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Concernant la création d’une activité privée de surveillance des détenus hospitalisés, à Nice, vous avez raison de le rappeler, deux policiers surveillent la chambre du terroriste, tandis que des militaires de l’opération Sentinelle ont été déployés, sur ordre du Président de la République, pour sécuriser l’ensemble de l’hôpital. On ne comprendrait pas que cette mission, compte tenu de son haut niveau de sensibilité, soit confiée à des agents privés, potentiellement non armés et non coordonnés par la puissance publique. Le constat que vous dressez est juste mais la solution doit rester une prérogative de puissance publique, à la main des forces de sécurité intérieure. Avis défavorable.

M. Éric Pauget. J’entends vos arguments mais nous faisons la loi, ici : il faut oser, de temps en temps ! Nous devons faire une loi non pas préventive, mais pragmatique. S’il est vrai que deux agents sont postés devant la chambre du détenu, les moyens de la préfecture des Alpes-Maritimes sont également grandement mobilisés pour assurer la sécurité autour de l’hôpital, au détriment des vrais problèmes. C’est la raison pour laquelle Éric Ciotti a demandé hier que le détenu soit transféré dans un autre hôpital. Il s’agit d’un problème d’efficience dans l’utilisation des moyens. Nous devrions nous détacher de notre environnement et nous émanciper de la bien-pensance en organisant ce débat, quitte à être retoqués par le Conseil constitutionnel.

M. Paul Molac. Je partage l’avis du Gouvernement sur ces amendements car la surveillance des détenus, surtout quand ils ont commis des actes très graves, est une mission régalienne. Certains pays ont recours à des prisons privées ; je n’y suis pas favorable. La formation des forces de police ou de gendarmerie n’est pas celle que l’on peut trouver dans les officines privées de surveillance ; il ne faut pas mélanger les genres. Pour ma part, je suivrai la position du Conseil constitutionnel.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous pouvons essayer d’avancer ensemble sur la question des scellés. Rappelons que, par le passé, c’est la police qui assurait les transports de fonds ; puis cela a été confié à des entreprises de sécurité privée, qui en ont fait un secteur d’excellence. Il en va de même pour la sécurité dans les aéroports. Je vous propose donc de retirer vos amendements et de travailler ensemble sur ces sujets d’ici à la séance.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Lors d’une mission effectuée en Guyane, en 2019, nous avons constaté que la gestion des transferts de personnes en rétention administrative à Cayenne vers l’hôpital posait un problème aigu de ressources humaines, compte tenu du nombre de procédures de reconduite à la frontière et du problème spécifique des « mules », pour lesquelles il faut attendre la fin de la digestion de la drogue ingérée. Les agents de la puissance publique ainsi mobilisés ne sont pas disponibles pour d’autres opérations.

Je rejoins la rapporteure : s’il faut des agents de la force publique pour garder quelqu’un qui vient de commettre un acte de terrorisme, nous pourrions réfléchir à votre proposition dans d’autres cas.

M. Dimitri Houbron. Je partage la position de mon collègue Paul Molac et du Gouvernement. Garder une personne hospitalisée et détenue sur décision de justice est en effet une mission régalienne. Il me semblerait assez étrange qu’un agent de sécurité privée assure la surveillance d’une personne condamnée.

L’exemple cité par Mme la rapporteure ne me paraît pas pertinent puisque le transfert de fonds concerne des biens privés pour l’essentiel, qui n’ont pas de lien avec une mission régalienne. On peut entendre que des agents de sécurité privée prennent en charge le transport de fonds. En revanche, dès lors que cela a un lien direct avec une des missions de l’État, c’est un mauvais choix. L’argument du manque de personnel ne me semble pas légitime : la solution ne peut consister en pareil cas à recourir à une entreprise de sécurité privée.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Concernant les CRA, nous menons des expérimentations sur les bagageries, la restauration et certaines missions pouvant être déléguées.

En revanche, la question des scellés est très sensible : il s’agit de conserver des éléments de preuves, pour lesquels on ne peut pas s’en remettre à d’autres agents que ceux de la force publique.

Enfin, concernant la surveillance des détenus, il nous semble primordial que cela reste la prérogative de la puissance publique. On pourrait toutefois se poser la question du rôle de la pénitentiaire dans la surveillance.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Éric Pauget. Ce sont des amendements de mon collègue Éric Ciotti donc je ne peux pas me permettre de les retirer. En revanche, prenons acte que, d’ici à la séance, nous nous engageons à lister les actions qui pourraient être confiées à des agents de sécurité privée, dans un cadre déterminé, de manière à optimiser les moyens de sécurité. Nous ferions ainsi œuvre utile.

La Commission rejette successivement les amendements.

Avant l’article 9

La Commission examine l’amendement CL18 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Le présent amendement vise à supprimer la limite de cinq ans concernant l’interdiction d’exercer une activité privée de sécurité. En effet, ces activités sont d’une importance telle, tant en matière de sécurité de nos concitoyens qu’en matière de respect de leurs droits fondamentaux, qu’il n’est pas envisageable de limiter les interdictions d’exercer dans le temps pour les cas les plus graves.

De plus, il faut mettre cette interdiction en parallèle avec les sanctions disciplinaires que risquent les forces de l’ordre en cas de manquements à leurs obligations, qui peuvent aller jusqu’à la révocation.

Enfin, il faut rappeler que ces sanctions ne sont pas sans garanties en matière de droits de la défense, dans la mesure où elles peuvent être contestées devant le juge administratif.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Dans les faits, il est déjà possible de retirer la carte professionnelle ou l’agrément lorsque son détenteur ne remplit plus les conditions d’obtention.

Votre amendement a pour objet de supprimer la limite de cinq ans des interdictions temporaires d’exercice. Cela ne nous paraît pas raisonnable. Demande de retrait ou avis défavorable, en vous suggérant, si vous le souhaitez, de nous faire une nouvelle proposition avec une limite dans le temps supérieure à cinq ans.

M. Éric Diard. Je maintiens mon amendement mais je le retravaillerai en vue de la séance.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL383 du Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Il s’agit d’un amendement relatif aux pénalités financières pouvant être prononcées par le CNAPS. La mission disciplinaire qui lui est confiée constitue un instrument privilégié de moralisation des professionnels du secteur de la sécurité privée. Les prérogatives dont l’établissement dispose au titre de cette mission ne s’avèrent pas toujours suffisantes pour faire face à certaines pratiques individuelles qui nuisent fortement au secteur et à la crédibilité de la profession.

Selon la gravité des faits reprochés aux personnes physiques ou morales exerçant une activité privée de sécurité réglementée, l’établissement peut prononcer des avertissements, des blâmes, des interdictions temporaires d’exercer et, dans certains cas, des pénalités financières.

Néanmoins, le prononcé de ces dernières sanctions est limité puisque seules les personnes morales et les personnes physiques non salariées – dirigeants d’entreprise et entrepreneurs individuels – peuvent en faire l’objet. Les salariés qui commettent des manquements aux obligations prévues par la réglementation ne peuvent pas se voir infliger de pénalités financières alors même qu’ils relèvent pleinement du champ de contrôle du CNAPS et que des manquements peuvent leur être directement imputables.

Afin de renforcer le caractère dissuasif des sanctions disciplinaires pouvant être prononcées par le CNAPS et ainsi renforcer l’efficacité de sa mission de contrôle, le présent amendement a pour objet de permettre à l’établissement d’infliger des pénalités financières aux employés lorsque les faits reprochés leur sont imputables.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis très favorable car la sanction sera ainsi beaucoup plus efficace. Je remercie le Gouvernement pour cette proposition.

Mme Laurence Vichnievsky. L’application d’une sanction financière à un employé en raison d’un manquement est-elle conforme à notre droit du travail ?

Mme Marlène Schiappa, ministre. Absolument. Cette disposition est tout à fait constitutionnelle.

La Commission adopte l’amendement. L’article 8 bis est ainsi rédigé.

Article 9 (Art. L. 634-4-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Publicité des sanctions disciplinaires les plus graves

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte successivement l’amendement de coordination CL404 du Gouvernement et l’amendement rédactionnel CL364 de la rapporteure.

L’amendement CL348 de M. Éric Diard est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL365 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Chapitre II

Dispositions relatives aux conditions et aux modalités d’exercice

de la profession

Article 10 (Art. L. 612-20, L. 612-22, L. 612-23, L. 622-19, L. 622-21 et L. 622-22 du code de la sécurité intérieure) : Liste des infractions incompatibles avec l’exercice d’une activité privée de sécurité et ajout de nouvelles conditions

La Commission examine l’amendement CL73 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il convient de supprimer les alinéas 3 à 43.

Dans sa formulation actuelle, l’article L.612-20 du code de la sécurité intérieure prévoit que les ressortissants étrangers ne peuvent exercer les activités mentionnées à l’article L.611-1 – activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires – s’ils ont fait l’objet d’une condamnation pour des motifs incompatibles avec leur exercice. Cette formulation avait le mérite d’englober de manière exhaustive toutes les situations possibles.

La nouvelle formulation de ce texte introduit une liste, qui se veut exhaustive, des motifs pour lesquels un ressortissant étranger ne pourrait exercer lesdites activités, or, le risque d’insérer une telle liste dans un texte de loi, c’est d’oublier des cas de figure et de ne pas prévoir ceux qui pourraient se présenter.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’article 10 liste sur quatre pages et demie les infractions inscrites au bulletin n°2 du casier judiciaire (B2) au titre desquelles il n’est pas possible d’exercer une activité de sécurité privée. Nous avons essayé d’être le plus exhaustif possible mais certaines infractions, moins lourdes, ne doivent pas interdire ad vitam aeternam à une personne qui les a commises d’exercer une activité de sécurité privée. Avis défavorable.

M. Stéphane Mazars. Il est toujours possible de « faire nettoyer » le bulletin n°2 en sollicitant la juridiction.

Mme Laurence Vichnievsky. J’ai déposé un amendement au nom du groupe Mouvement Démocrate et apparentés prévoyant un dispositif plus simple, même si cet article va dans le bon sens. Que chacun garde à l’esprit que toute personne condamnée, dans des conditions précises, peut en effet demander, comme l’a très bien dit Stéphane Mazars, le retrait de sa condamnation figurant au casier B2.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Certes, mais ce n’est pas automatique. Nous avons voulu cibler les infractions les plus graves, incompatibles avec l’exercice d’une activité de sécurité privée, et pas empêcher quelqu’un qui aurait commis une erreur de parcours ou de jeunesse d’exercer plus tard dans ce secteur.

Si vous estimez que la liste présentée n’est pas complète, nous étudierons toutes vos propositions.

Mme Naïma Moutchou. Je suis d’accord avec Mme la rapporteure. Nous devons respecter le principe de proportionnalité ; des interdictions globales ad vitam aeternam posent question. Par ailleurs, l’effacement de certaines inscriptions du casier B2 nécessite une démarche précise et il n’a rien d’automatique.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL233 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. En l’état, il ne faut pas avoir fait l’objet d’une condamnation inscrite au casier B2 pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions. Ce sont les commissions locales d’agrément et de contrôle (CLAC) placées sous l’autorité du CNAPS qui examinent ce type d’incompatibilités.

Il me semble que l’article 10 permet un contrôle en amont et il s’agit d’une approche qui va dans le bon sens mais qui peut être périlleuse quand la liste détaillée s’étend sur quatre pages.

Nous proposons donc de substituer à ce mécanisme particulièrement complexe un dispositif plus simple et plus rigoureux visant à ce que toute inscription au casier B2 soit incompatible avec l’exercice d’activités de sécurité privée.

Toute personne condamnée peut en effet demander au juge ayant prononcé la condamnation d’exclure celle-ci du B2.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je vous remercie pour la clarté de vos propos.

Cet article vise à écarter toute possibilité d’appréciation souveraine des dossiers par les CLAC pour certaines infractions graves, afin d’interdire automatiquement à une personne condamnée d’exercer dans le domaine de la sécurité privée.

Le choix de dresser une liste de ces infractions était difficile et nous en avons discuté longuement. De prime abord, nous partagions votre point de vue mais – je remercie à ce propos Mme Moutchou – l’établissement d’une liste nous semble plus « proportionné » et juridiquement plus intéressant. Nous sommes prêts à ajouter d’éventuelles infractions qui n’y figureraient pas. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL277 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Pour les ressortissants étrangers, le criblage doit être cumulatif : casier B2 et document équivalent du pays d’origine.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Votre amendement étant satisfait, demande de retrait ou avis défavorable. La formulation actuelle est usuelle dans le code de la sécurité intérieure et aucune difficulté particulière n’est remontée pendant les auditions.

M. Éric Pauget. Je ne comprends pas pourquoi cet amendement serait satisfait. L’alinéa 4 dispose : « S’il a fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent… ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL262 de Mme Marietta Karamanli.

M. Jérôme Lambert. Étant un peu mal à l’aise avec cet amendement de mes collègues, je me contenterai de dire qu’il est défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL366, CL367 et CL368 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CL267 de Mme Ramlati Ali.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Personne ne le soutient mais il est défendu.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

La Commission examine les amendements CL82 et CL83 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le premier amendement vise à interdire l’exercice des professions ayant trait à la sécurité privée prévues à l’article L.611-1 du code de la sécurité intérieure aux personnes ayant été condamnées pour usage de stupéfiants ; le second, celles qui ont été condamnées pour l’infraction de conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants prévue aux articles L.235-1 et suivants du code de la route.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis défavorable. Les condamnations pour trafic de stupéfiants figurent déjà dans la liste. En ce qui concerne leur usage, un problème de proportionnalité, à mon sens, se pose. Je rappelle que 17 millions de Français ont déjà consommé au moins une fois des stupéfiants.

M. Éric Poulliat. Ce chiffre est contesté et contestable : il est déclaratif et intègre les usages occasionnels. Aujourd’hui, environ 1 ou 1,5 million de personnes consomment régulièrement du cannabis dans notre pays.

Mme Emmanuelle Ménard. Le ministre Darmanin a jugé inadmissible que certains élèves d’une école de police fassent la fête et bravent le confinement. Le respect de la loi n’est pas à géométrie variable : la consommation de produits illicites ne me semble pas moins anodine qu’une fête dans une école de police.

Je sais bien qu’il est toujours possible de distinguer, comme vous le faites, entre les produits essentiels et non essentiels ou entre des infractions à la loi, mais nous parlons de métiers liés à la sécurité et nous devons être en la matière les premiers à donner l’exemple.

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’insiste : le trafic de stupéfiants est inclus dans la liste des condamnations énumérées par la proposition de loi. En ce qui concerne leur usage, je maintiens que la question du principe de proportionnalité se pose : une consommation occasionnelle doit-elle interdire ad vitam aeternam d’exercer un métier de sécurité privée ? Je ne le crois pas.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CL48 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Il y est précisément question de proportionnalité. Si nous votions en l’état l’alinéa 31, l’exercice d’une activité privée de sécurité serait interdit aux personnes condamnées pour avoir taggé.

Ainsi, s’il est justifié d’inclure dans cette liste les destructions ou dégradations graves de biens visées au premier alinéa de l’article 322-1 du code pénal, il semble que les actes visés au deuxième alinéa du même article ne représentent pas un acte d’une gravité suffisante pour empêcher leur auteur d’exercer un métier de sécurité privée.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je vous remercie pour votre lecture attentive de la liste des infractions, dont nous allons retirer le taggage. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL359 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CL19 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Je tiens particulièrement à cet amendement car j’en avais rédigé plusieurs sur le même thème mais, malheureusement, ils sont passés sous le couperet de l’article 45 de la Constitution.

Il vise à ce qu’un criblage des personnes souhaitant travailler au sein d’une société privée de sécurité soit effectué à partir du Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), un tel criblage existant déjà pour les agents de sécurité qui travaillent lors des grandes manifestations, ceux qui sont armés ou qui effectuent des palpations.

Avec l’extension des compétences des sociétés de sécurité privées, auxquelles il est de plus en plus souvent fait recours, il me paraît nécessaire de s’assurer que les personnes qui y travaillent ne soient pas radicalisées.

Dans notre rapport d’information sur les services publics face à la radicalisation, Éric Poulliat et moi-même avions demandé que plusieurs services publics soient criblés – même si je salue la montée en puissance du Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) –, notamment toutes les professions liées à la maintenance et à la sous-traitance dans les transports publics.

Le rapport de M. Boudié issu de la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris comportait les mêmes préconisations pour les professionnels en contact avec la jeunesse. Une loi est en préparation mais, si je suis optimiste, je reste également prudent !

Je souhaite donc entendre Mme la ministre à propos de la situation dans tous ces domaines. Je rappelle que des éducateurs sportifs ont entraîné des jeunes pour qu’ils aillent se battre aux côtés de Daesh sur des théâtres d’opérations en Syrie ou en Irak.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Le texte renforce les conditions d’accès aux activités privées de sécurité et l’article 10 prévoit qu’aucune autorisation ne pourra être délivrée par le CNAPS si l’individu en question a été condamné pour « actes de terrorisme », ce qui constitue une garantie et une avancée importantes.

Par ailleurs, la loi permet déjà au CNAPS d’accéder à des fichiers de police, leur nature relevant du domaine réglementaire.

Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Votre proposition est déjà satisfaite, monsieur Diard. Le CNAPS interroge le SNEAS pour criblage, et ce dernier a accès au FSPRT. Avis défavorable, donc.

La question de la délégation de service public dans le secteur des transports sera abordée dans le projet de loi sur le séparatisme dont nous discuterons dans quelques mois – je salue d’ailleurs vos travaux en la matière. Le ministre de l’Intérieur et moi-même souhaitons notamment y étendre la neutralité religieuse dans ce domaine.

Enfin, je partage votre point de vue s’agissant de l’éducation sportive. Vos travaux, ainsi que des enquêtes journalistiques, ont montré à quel point certains clubs peuvent être gangrénés par une forme de communautarisme et l’idéologie islamiste.

Je reçois demain ma collègue ministre déléguée chargée des sports, Roxana Maracineanu, pour travailler avec elle sur ces questions. Nous sommes notamment en train de réfléchir à la formation des administrations du sport et de la politique de la ville à la lutte contre le séparatisme et le terrorisme afin que chacun soit engagé et puisse percevoir les premiers signaux d’alerte.

C’est également le travail mené dans les Cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR), qui se réunissent tous les quinze jours avec l’ensemble des services de l’État – CAF, Pôle emploi, police, gendarmerie, justice – afin de passer en revue la situation dans le champ associatif, entrepreneurial et commercial. C’est dans ce cadre qu’un certain nombre de lieux ont été fermés.

M. Éric Diard. Une personne qui a commis un acte de terrorisme ne pourra pas être recrutée par une société de sécurité ? Encore heureux ! Vous ne m’avez pas rassuré, madame la rapporteure. Je maintiens qu’à l’heure actuelle, l’ensemble des personnes qui travaillent pour les sociétés de sécurité privées ne sont pas criblées au FSPRT.

Je vous remercie, madame la ministre, pour les précisions très intéressantes que vous avez apportées. Je ferai juste une proposition supplémentaire, qui reprend une préconisation du rapport que j’ai rédigé avec Éric Poulliat, et à laquelle l’ancien Premier ministre tenait : il s’agit de redonner aux préfets le pouvoir de refuser l’agrément aux associations sportives qui ne respecteraient pas les valeurs de la République ou dont des membres seraient radicalisés. Une loi de simplification datant de 2015 a en effet prévu que l’affiliation à une fédération valait agrément, retirant de fait ce pouvoir au préfet. Il importe de le rétablir.

M. Éric Poulliat. À la suite d’Éric Diard, je voudrais appeler votre attention sur la différence entre radicalisation et terrorisme ou apologie du terrorisme. La radicalisation conduit à légitimer des actes de violence et à être potentiellement un auteur d’attentat – seulement potentiellement –, mais ce n’est pas un délit. Il importe donc de pouvoir mesurer cela, surtout dans le domaine de la sécurité privée, notamment en raison du phénomène de sous-traitance que nous avons évoqué hier. Il faut nous assurer que les mécanismes de contrôle sont parfaitement performants et intransigeants, et c’est pourquoi je pense qu’il faut étendre le criblage à l’ensemble des agents.

En évoquant ce point, mon collègue Diard a un peu élargi la discussion, mais la question se pose aussi à propos d’autres secteurs, comme le sport ou les universités. Je sais que Mme la ministre travaille ardemment sur le sujet, de concert avec le ministre de l’Intérieur, dans le cadre de la préparation du projet de loi contre le séparatisme, et je lui fais entièrement confiance.

Si je ne suis pas pour autant favorable à l’amendement, dans la mesure où je pense que ce n’est pas forcément le bon moment pour régler cette question, je voudrais que chacun ici ait bien conscience que la prise en considération de la radicalisation et la consultation du fichier FSPRT ne sont pas dans le milieu de la sécurité choses si facilement admises et systématiques. Il y a actuellement des faiblesses dans ce domaine et il convient de sécuriser au maximum le contrôle.

M. Éric Pauget. Le problème de la radicalisation se pose notamment du fait de la cascade de sous-traitants susceptibles d’obtenir des marchés. Cela nous ramène, en définitive, à la question des moyens dont doivent disposer les services de l’État pour contrôler la chaîne de sous-traitance que nous avons évoquée hier soir.

Je ferai à mon tour une petite digression concernant le sport. J’ai été pendant vingt ans chargé de la jeunesse et des sports dans mon département et dans ma ville. C’est en 2015 que s’est opérée la bascule, avec la suppression des agréments de jeunesse et d’éducation populaire et de sport, qui étaient délivrés par les directions départementales de la jeunesse et des sports, et qui permettaient d’assurer un contrôle sur les associations loi de 1901, les subventions, les règles de démocratie interne, ainsi que sur les phénomènes de prosélytisme et de radicalisation. Ce sont ces agréments-là qu’il convient de rétablir, d’une manière ou d’une autre, car c’est ce qui permet à l’État de jouer son rôle de régulateur.

Mme Emmanuelle Ménard. Très juste !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Sans anticiper sur le contenu du projet de loi contre le séparatisme, je peux vous dire, monsieur Diard, que la disposition que vous évoquez figurera dedans. Nous sommes en train d’examiner de quelle manière les pouvoirs publics pourront retirer leur agrément à certaines fédérations ou certains organismes sportifs pour les motifs que vous avez exposés. Vous avez donc été entendu.

M. Éric Diard. Je vous remercie pour cette réponse, madame la ministre.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Si je synthétise, nous partageons tous le même objectif – y compris le Gouvernement. Néanmoins, pour ce qui concerne le présent amendement, le fichage au FSPRT relève du domaine réglementaire, et c’est pourquoi nous ne pouvons donner suite à la proposition de M. Diard. Je remercie d’ailleurs Mme la ministre déléguée de nous avoir confirmé que le criblage était bien pratiqué.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements CL279, CL280, CL278 et CL281 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Dans le même ordre d’idées, les amendements CL279 et CL280 visent à cribler aux différents fichiers de prévention de la radicalisation ou de lutte contre le terrorisme les personnes qui souhaitent travailler pour des sociétés de sécurité privées. L’objectif de l’amendement CL278 est d’étendre les possibilités de consultation des fichiers – mais il a été dit tout à l’heure que le CNAPS avait la possibilité de le faire. Quant à l’amendement CL281, il tend, dans un souci de transparence et de déontologie, à prévoir tous les deux ans une enquête du CNAPS afin d’assurer un contrôle continu de la profession.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Les amendements CL279, CL280 et CL278 sont satisfaits. Pour ce qui concerne le fichage au FSPRT, je le répète, il s’agit d’une mention réglementaire et Mme la ministre nous a confirmé que la consultation de ce fichier était déjà réalisée par le CNAPS. Le fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), que vos amendements permettent de consulter, répertorie essentiellement les personnes condamnées pour actes de terrorisme ; or la proposition de loi prévoit déjà une incapacité d’exercer automatique en cas de condamnation pour ce motif.

Quant à l’amendement CL281, il faut que vous sachiez que le CNAPS est composé aujourd’hui de 218 agents, chargés d’exercer une mission à la fois administrative, de conseil et disciplinaire. Pour vous donner un ordre d’idées, il a réalisé l’année dernière 1 700 contrôles dans le cadre de sa mission disciplinaire, auxquels se sont ajoutées les nombreuses enquêtes administratives que ses services ont diligentées. Le CNAPS effectue donc déjà des contrôles de manière récurrente. D’autre part, l’organisation de ces contrôles ne relève pas du pouvoir législatif ; il faut que le CNAPS puisse s’organiser en interne, pour pouvoir par exemple contrôler peut-être plus régulièrement certaines personnes et exercer une surveillance accrue de certains profils.

Avis défavorable sur les quatre amendements – même si nous sommes d’accord sur l’objectif.

M. Éric Pauget. Je prends acte de votre position, madame la rapporteure. Je pense que, comme tout à l’heure, concernant les agréments, c’est plus un problème de moyens et de volonté que de législation. Si nous partageons tous le même objectif, il faut que nous nous donnions les moyens de nous réarmer pour lutter contre la radicalisation et le séparatisme. Si les agréments de jeunesse et d’éducation populaire et de sport ont été supprimés, c’est parce qu’on a supprimé les directions départementales de la jeunesse et des sports ; il faut que l’on réinjecte des moyens à ce niveau-là. Et si le CNAPS a besoin de plus de moyens pour réaliser ses contrôles, je pense que nous pourrions œuvrer en ce sens ensemble.

La Commission rejette successivement les quatre amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL172 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous ne comprenons pas pourquoi vous voulez instaurer une obligation de détention d’un titre de séjour depuis cinq ans pour les personnes étrangères qui souhaitent exercer une activité de sécurité privée. Nous l’avons dit hier, nous sommes opposés au système de sous-traitance et au développement de la sécurité privée, mais dès lors que cette possibilité d’emploi est offerte, nous ne comprenons pas pourquoi les personnes étrangères se verraient limitées dans leur processus d’insertion économique. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 45 et 46.

Mme Alice Thourot, rapporteure. La sécurité privée est un secteur très particulier et, lors de nos travaux, Jean-Michel Fauvergue et moi avons pu constater combien il était difficile pour le CNAPS de rassembler des éléments tangibles durant l’enquête administrative lorsque le demandeur était présent depuis peu de temps sur le territoire français. L’objectif de cette mesure est donc de mieux contrôler les demandes de carte professionnelle en garantissant que ces enquêtes sont réalisées dans de bonnes conditions et sur la base d’éléments probants et factuels. Cinq ans, c’est, le cas échéant, le temps de prononcer une condamnation judiciaire définitive ; or la production de tels éléments est importante pour l’examen du dossier. Cette durée nous a paru raisonnable et réaliste.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. J’ajoute que le secteur de la sécurité privée est fortement intégrateur d’étrangers, et nous souhaitons que ceux-ci soient, autant que possible, en situation régulière, n’aient pas été condamnés et ne présentent pas un danger pour la nation, au sens qu’évoquait M. Diard. Si ces personnes se trouvent sur le territoire national en situation régulière depuis au moins cinq ans, cela permet d’opérer les vérifications nécessaires sur des fichiers que l’on sait opérationnels, sachant que dans certains pays, les fichiers dans ce domaine ne le sont pas toujours, quand ils existent. Il s’agit donc d’une mesure fortement protectrice, pour nous, mais aussi – et vous devriez en être consciente, madame Obono – pour les nombreux étrangers qui viennent s’intégrer dans notre pays par l’intermédiaire de cette filière.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Je souscris totalement à l’argumentation de M. Fauvergue. Tout l’enjeu de cette partie-là du texte est justement de renforcer la capacité du CNAPS à mieux contrôler les professions de sécurité. Cet amendement va, je crois, à l’encontre de cet objectif, dans la mesure où nous n’avons pas accès aux fichiers des autres pays ; dans le cas d’une personne qui viendrait d’arriver sur le territoire français, non seulement on n’aurait pas accès à son parcours, mais ni le CNAPS ni les pouvoirs publics n’auraient la possibilité de consulter les fichiers de son pays d’origine et d’avoir connaissance des éventuelles condamnations qui auraient pu avoir été prononcées à son encontre. L’article 10 vise notamment à ce qu’on ne puisse pas exercer dans la sécurité privée quand on a commis un meurtre, mais aussi quand on a été condamné pour viol ou pour d’autres faits sensibles dont nous avons parlé. Il nous semble important qu’on puisse avoir accès à l’historique des éventuelles condamnations de la personne qui souhaite travailler dans ce secteur. Qu’elle soit de nationalité étrangère ou non, peu importe, ce n’est pas le sujet ; le problème, c’est que si elle est en France depuis moins de cinq ans, on n’a pas la possibilité de cribler correctement le parcours de cette personne afin de lui permettre d’exercer son activité sereinement. Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à cet amendement.

M. Jérôme Lambert. Permettez-moi de noter une petite contradiction dans votre discours. D’un côté, vous affirmez que ce type d’activité est un vecteur d’intégration – et c’est vrai : ne serait-ce que parmi les vigiles, on voit un certain nombre de personnes qui, d’après leur apparence, semblent être d’origine étrangère, voire être encore des étrangers, qui, soit dit en passant, doivent nécessairement être en situation régulière, puisque dans le cas contraire on n’aurait pas le droit de les embaucher. De l’autre côté, vous fermez pendant cinq ans la porte aux étrangers qui voudraient s’intégrer par ce moyen, alors même qu’il s’agit d’un secteur d’activité en tension. Je trouve ce délai bien long ! Quand on délivre un titre de séjour, on effectue déjà un premier contrôle – il y a peut-être quelques trous dans la raquette, mais pas tant que ça. Là, vous multipliez les obstacles ; je n’accuse personne, je ne jette pas le bébé avec l’eau du bain, mais je trouve que vous exagérez un peu. On pourrait s’en tenir à un an, voire deux, de manière à vérifier que l’intégration est en bonne voie, mais cinq ans, c’est trop long.

M. Stéphane Peu. Je trouve que cette disposition est en totale contradiction avec votre position sur la sous-traitance. En ne voulant pas limiter le recours à cette dernière, vous ouvrez grand la porte à certaines pratiques, le secteur de la sécurité privée étant l’un des plus grands pourvoyeurs de main-d’œuvre illégale – ce n’est pas jeter l’opprobre sur le secteur que de le constater. Allez dans n’importe quelle gare parisienne : la moitié des vigiles sont des gens sans papiers. (Protestations parmi les commissaires du groupe LaRem.) Si, je vous l’assure ; je serre la main à presque tous les vigiles quand je vais à la gare de Lyon : ils viennent tous de Saint-Denis ! Il n’y a aucune justification à favoriser le recours à la sous-traitance. En ne fixant aucune limite à celui-ci, vous donnez la possibilité de recruter massivement de la main-d’œuvre en situation irrégulière. (Mêmes mouvements.) Vous pouvez le contester, c’est comme ça que ça se passe dans la vraie vie !

Mme Emmanuelle Ménard. C’est de la cooptation ?

M. Stéphane Peu. Non, mais quand on fait appel aux sous-traitants de sous-traitants de sous-traitants, à la fin, ce sont des sans-papiers qui travaillent, c’est tout. C’est la réalité de cette profession.

Or vous introduisez par ailleurs cette disposition, qui me paraît pour le coup beaucoup trop contraignante. Que l’on fixe un délai, je ne suis pas contre, mais cinq ans, c’est énorme, surtout pour des métiers qui, comme Jean-Michel Fauvergue l’a dit, jouent plutôt un rôle intégrateur. Si vous voulez mettre fin au travail illégal dans ce secteur, limitez le recours à la sous-traitance, sinon on est dans l’hypocrisie la plus totale.

Mme Danièle Obono. Je suis d’accord avec le collègue Peu : il y a dans le secteur un problème consubstantiel au recours à la sous-traitance.

J’entends tout à fait l’argument concernant le fait qu’il s’agit d’un secteur en tension et qui joue un rôle intégrateur pour un certain nombre de primo-arrivants. Ce n’est pas qu’une constatation visuelle, c’est une réalité : des enquêtes l’attestent. Il est donc contradictoire de fixer un tel délai – cela demande déjà beaucoup de temps pour obtenir un titre de séjour. Et il est vrai aussi que les vérifications dont vous parlez sont absolument nécessaires, d’autant plus qu’il s’agit d’un secteur sensible et que cela entre dans le cadre d’une activité privée. Mais dans ce cas, donnez aux services de l’État les moyens et le personnel nécessaire pour examiner rapidement les dossiers ! Une procédure de ce type ne prend pas cinq ans, en vérité.

Avec cette mesure, ces personnes vont se retrouver à vivre pendant cinq ans en situation irrégulière ; or cette précarité rend vulnérable et ouvre la porte à toutes sortes de pressions. C’est un environnement qui n’est pas du tout favorable à l’intégration.

Il faut s’assurer que, quand on délivre un titre de séjour, les vérifications ont été faites – d’ailleurs son renouvellement nécessite d’en faire –, mais une telle disposition favoriserait en réalité le maintien de ces personnes dans l’illégalité.

M. Éric Pauget. Contrairement aux précédents orateurs, je suis favorable à ces deux alinéas. Ce qui me choque, en revanche, c’est qu’on affirme que des personnes en situation irrégulière travaillent dans les sociétés de sécurité privées, du fait du recours à la sous-traitance. Cela a déjà été dit hier soir – c’est inscrit au compte rendu. Si tel est le cas, c’est un scandale ! Cela mériterait une enquête, voire la création d’une mission sur le sujet. Nous sommes à la commission des Lois de l’Assemblée nationale : nous ne pouvons pas accepter cela comme un fait acquis et continuer comme si de rien n’était !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je crois, monsieur Pauget, que c’est plutôt le Gouvernement que vous devriez interpeller. La commission des Lois n’est pas habilitée pour aller contrôler la situation des étrangers employés par les entreprises de sécurité. Pour le coup, ce n’est pas le rôle du Parlement !

M. Éric Pauget. Certes, mais un membre du Gouvernement assiste à nos travaux ; au moins, cela aura été dit. Je pense que le ministère de l’Intérieur devrait se saisir immédiatement du problème.

M. Éric Poulliat. D’abord, je ne peux pas laisser dire que le fait d’imposer un délai de cinq ans reviendrait à maintenir les gens en situation irrégulière. Il n’y a pas que les métiers de la sécurité pour s’intégrer et régulariser sa situation !

Mme Danièle Obono. On peut parler du bâtiment aussi…

M. Éric Poulliat. Ensuite, soyons clairs : je ne dis pas que le travail dissimulé n’existe pas dans la sécurité privée – et c’est peut-être un phénomène très prégnant en Seine-Saint-Denis –, mais cela ne touche tout de même pas l’ensemble du secteur.

M. Stéphane Peu. Vous êtes aveugle ou quoi ?

M. Éric Poulliat. Non, je ne suis pas aveugle, je connais des gens qui travaillent dans ce secteur et qui ne recourent pas au travail au noir.

M. Stéphane Peu. C’est pourtant la majorité à Paris !

M. Éric Poulliat. À Paris, peut-être, mais ce n’est pas le cas partout.

Quoi qu’il en soit, la sécurité privée touche à des sujets importants et complexes, comme le droit et les valeurs de la République française. Dernièrement, un agent de sécurité privée a refusé l’entrée d’un musée à une femme au motif qu’elle était mal habillée : si l’on veut éviter que de tels événements se reproduisent, il faut que les gens aient le temps de s’imprégner des valeurs de la République et de s’intégrer correctement pour pouvoir intervenir dans le cadre d’une délégation de service public et participer à la sécurité des Français.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Il y a des choses que je ne laisserai pas dire.

D’abord, il n’y a pas que des sans-papiers parmi les vigiles. C’est peut-être votre ressenti…

M. Stéphane Peu. Non, c’est une vérité.

Mme Marlène Schiappa, ministre. …mais ce n’est pas la réalité.

Mme Danièle Obono. Mais si !

M. Stéphane Peu. Vous n’avez qu’à vérifier.

Mme Marlène Schiappa, ministre. C’est une affirmation gratuite qui n’est nullement documentée.

M. Stéphane Peu. Vous êtes dans le déni !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Ensuite, il n’est pas acceptable de décider, au doigt mouillé, d’après sa seule apparence, que telle ou telle personne est un étranger ou un sans-papiers.

Mme Naïma Moutchou. Oui, c’est de la discrimination !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Si n’importe qui d’autre avait dit cela, vous auriez été la première, madame Obono, à vous déclarer choquée – à juste titre.

Mme Danièle Obono. Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Non, c’est votre collègue… On ne peut pas dire que des gens ont l’apparence d’étrangers ou de sans-papiers, c’est extrêmement choquant.

Mme Danièle Obono. Allez dire cela aux policiers !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Le Gouvernement partage l’un des enjeux de la proposition de loi, qui est de renforcer le pouvoir de contrôle du CNAPS. Ce texte permettra notamment d’encadrer enfin la sous-traitance : on ne peut donc pas dire qu’on laisse celle-ci aller à vau-l’eau ! Le Gouvernement, et plus particulièrement le ministère de l’Intérieur, est d’ailleurs prêt à travailler avec les rapporteurs sur la question, dans la continuité des débats qui ont eu lieu hier.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Il ne faut pas dénigrer toutes les entreprises de sécurité privée. La majorité d’entre elles travaillent bien. Par ailleurs, nous avons adopté un amendement du Gouvernement qui permettra d’exercer un meilleur contrôle, notamment en ce qui concerne le travail de personnes en situation irrégulière.

La condition qui est posée, je le rappelle, est d’avoir un titre de séjour, c’est-à-dire d’être en situation régulière sur notre territoire, depuis au moins cinq ans.

S’agissant de la sous-traitance en cascade, monsieur Peu, nous avons adopté hier un article visant à la limiter…

M. Stéphane Peu. Pas du tout !

Mme Alice Thourot, rapporteure. Vous dites qu’il y a une contradiction avec la volonté de mieux encadrer et contrôler les agents du secteur de la sécurité privée. Je crois, au contraire, que c’est complémentaire.

Tout d’abord, nous voulons mieux encadrer un secteur d’activité qui est sensible, et nous retravaillerons l’article 7 d’ici à la séance – je remercie Mme la ministre de l’avoir confirmé – afin de restreindre au maximum la sous-traitance en cascade. Le deuxième volet, qui est complémentaire, je le répète, consiste à mieux contrôler les agents qui travaillent dans la sécurité privée, en particulier en prévoyant des incompatibilités avec bon nombre de condamnations pénales et en limitant l’accès à ce secteur des personnes qui n’ont pas un titre de séjour depuis au moins cinq ans. Cela permettra d’avoir un peu de recul sur le profil de gens susceptibles de venir de pays qui ne nous permettent pas d’accéder à leurs fichiers et dont les services ne travaillent pas avec les nôtres – on ne sait alors pas du tout quel est le passé de ces personnes.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Nous avons versé pendant quelques secondes dans une vraie caricature : il ne faut pas généraliser des faits qui existent mais qui sont limités. À vous entendre, monsieur Peu, tous ceux qui travaillent dans la sécurité privée seraient des étrangers – exploités – en situation irrégulière.

Je veux rassurer M. Pauget. Les services de l’État peuvent notamment s’appuyer sur l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST), qui dépend de la police aux frontières, et sur l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), qui relève de la gendarmerie. Par ailleurs, les brigades mobiles de recherche de la police aux frontières luttent contre le travail clandestin, notamment dans le secteur de la sécurité. Des policiers et des gendarmes travaillent sur cette question sous l’autorité des magistrats.

Enfin, on ne peut pas dire tout et son contraire en quelques minutes, madame Obono. Cela rend totalement illisibles vos positions.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL234 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Je vais présenter en même temps les amendements CL234 et CL236, qui visent simplement à rendre le texte plus lisible. La rédaction des articles 10 et 17 laisse penser qu’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen n’est pas un ressortissant étranger. Nous préférerions que ces deux articles utilisent l’expression « ressortissant d’un pays tiers ».

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’émets un avis favorable sur ces deux amendements. Merci pour votre relecture attentive du texte.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL203 de M. Dimitri Houbron.

M. Dimitri Houbron. Cet amendement concerne le retrait de la carte professionnelle des détectives privés. Alors que la loi prévoit actuellement trois conditions alternatives, le présent texte paraît les rendre cumulatives. Afin de ne pas perdre en efficacité, nous proposons de remplacer « et » par « ou » à l’alinéa 58.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je vous demande de retirer votre amendement, qui est satisfait – nous avons fait toutes les vérifications –, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Dimitri Houbron. J’ai le texte sous les yeux. Sa rédaction laisse penser que les conditions sont cumulatives et non alternatives. Voltaire disait : « Que toute loi soit claire, uniforme et précise ; l’interpréter c’est presque toujours la corrompre ». Faisons en sorte, en étant précis, qu’elle n’ait pas à être interprétée.

Mme Alice Thourot, rapporteure. La rédaction de l’article L. 622-19 du code de la sécurité intérieure serait ainsi modifiée : « La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l’une des conditions prévues aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° ». Il n’y a pas d’ambiguïté sur l’absence de cumul des conditions pouvant conduire au retrait de la carte professionnelle.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Article 11 (Art. L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure) : Conditions de délivrance d’un agrément

L’amendement CL235 de Mme Laurence Vichnievsky est retiré.

La Commission adopte les amendements rédactionnels identiques CL26 de M. Éric Diard et CL376 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CL282 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Je vais présenter en même temps les amendements CL282, CL283 et CL284. Le premier instaurera un double criblage de sécurité pour les dirigeants des sociétés de sécurité privées ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Le second permettra de consulter, pour tous les dirigeants, les différents fichiers dont nous avons parlé lors des débats autour de l’article précédent. Le dernier amendement a le même objet s’agissant des agents de recherches privés.

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’émets le même avis, défavorable, que précédemment – nous en avons déjà discuté.

La Commission rejette successivement les amendements CL282, CL283 et CL284 de M. Éric Pauget.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL261 de Mme Marietta Karamanli.

La Commission examine l’amendement CL20 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Cet amendement vise à empêcher toute personne inscrite au FSPRT d’être un exploitant individuel ou de diriger une société en matière de sécurité privée. Il s’agit de missions sensibles, en lien avec la sécurité de nos concitoyens.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous en avons déjà débattu ce matin. Même avis défavorable.

M. Éric Diard. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi le dirigeant d’une société de sécurité privée pourrait être une personne inscrite au FSPRT ?

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je vais donc reprendre ce que j’ai indiqué précédemment. Nous partageons évidemment le même objectif. Mme la ministre nous a confirmé que le Gouvernement était très attentif à cette question. L’article 11 prévoit qu’aucun agrément « dirigeant » ne pourra être délivré par le CNAPS si la personne a été condamnée pour acte de terrorisme : c’est une avancée et une garantie très forte. Par ailleurs, la loi permet au CNAPS d’accéder à des fichiers de police – Mme la ministre nous a expliqué que des vérifications sont faites. Il appartient au pouvoir réglementaire de préciser de quels fichiers il s’agit. Votre amendement ne relevant pas du domaine de la loi, je vous demande de le retirer, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Éric Diard. Je maintiens ma position. Les dirigeants des sociétés de sécurité privée ne sont pas passés au FSPRT.

Mme Emmanuelle Ménard. Le fait que le CNAPS réalise un criblage n’est pas incompatible avec ce que prévoit l’amendement : il précise qu’on ne peut pas diriger une société privée de sécurité si on est fiché au FSPRT. J’entends bien ce que vous avez dit à propos du domaine réglementaire, madame la rapporteure, mais nous pouvons tout à fait prévoir, dans la loi, qu’un individu fiché au FSPRT n’a pas le droit de diriger une société de sécurité privée.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Même avis que la rapporteure. Cet amendement est satisfait.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous pourrons en reparler d’ici à la séance.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Oui, nous nous sommes peut-être mal compris.

M. Éric Diard. Je crois que vous avez mal compris.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL377 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

La Commission est saisie de l’amendement CL387 du Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Cet amendement vise à corriger une malfaçon de la loi actuelle. Si les établissements principaux et secondaires doivent avoir une autorisation pour l’exercice d’une activité privée de sécurité, seuls les dirigeants d’entreprises ont à être agréés. Aucun contrôle n’est exercé quant à la moralité et à l’aptitude professionnelle des dirigeants des établissements secondaires. Le même problème se pose à l’égard des dirigeants de services internes de sécurité et lorsque la personne exerce cette activité pour son propre compte.

Les grandes entreprises ont souvent plusieurs établissements secondaires –- environ 2 000 seraient, à ce jour, autorisés par le CNAPS. Leurs dirigeants disposent d’une réelle autorité hiérarchique. Par ailleurs, en cas d’activité réalisée avec une arme – surveillance, transport de fonds, protection physique des personnes ou protection des navires –, les dirigeants ont accès à des armes de catégorie D, voire B, qui sont souvent détenues au sein de leur établissement.

Il conviendrait de remédier à cette faille en soumettant les dirigeants des établissements secondaires et ceux des services internes de sécurité aux mêmes obligations que les dirigeants des sociétés de sécurité. Par ailleurs, l’amendement soumettra explicitement ces derniers à l’obligation de justifier d’une aptitude professionnelle, y compris lorsqu’ils n’exercent pas effectivement une activité de sécurité sur le terrain.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement. L’article 11 bis est ainsi rédigé.

Article 12 (Art. 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 433-3 du code pénal) : Création d’une circonstance aggravante pour des violences commises par ou à l’encontre d’une personne exerçant une activité privée de sécurité et d’un nouveau délit de menaces ou d’actes d’intimidation

La Commission examine l’amendement CL173 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous demandons la suppression de l’article 12 qui tend à créer une circonstance aggravante pour certaines infractions commises à l’encontre de personnes exerçant une activité de sécurité privée : serait notamment punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la menace de commettre un crime ou un délit contre ces personnes. Dans la continuité de nos échanges d’hier soir, nous critiquons l’assimilation des agents de sécurité privée à des fonctionnaires ou à des agents du service public : cela nous semble problématique. On doit s’assurer que toutes les menaces ou incitations à la violence envers toutes les personnes, y compris les salariés, dans le cadre de leur travail, sont sanctionnées et prévenues, mais il ne nous paraît pas souhaitable de créer une confusion entre les personnes dépositaires de l’autorité publique et celles qui appartiennent au secteur privé.

Mme Alice Thourot, rapporteure. La sécurité privée n’est pas un secteur comme les autres : il nous semble particulièrement important de prévoir une protection supplémentaire pour ces agents très exposés. Leur protection accrue s’accompagnera d’une responsabilisation de la profession, également prévue par cet article. Nous y tenons. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Comme la rapporteure vient de le dire, c’est une profession particulièrement exposée, notamment dans la période actuelle, compte tenu de la pandémie de Covid-19, qui peut conduire à des tensions et à des actes de violence vis-à-vis de personnes travaillant dans le domaine de la sécurité, mais aussi du fait de la menace terroriste. Les personnes qui travaillent dans ce secteur sont très souvent des cibles. Il convient d’adopter des mesures au moins dissuasives, pour leur apporter une protection maximale.

M. Stéphane Mazars. Nous sommes là au cœur de ce texte qui prévoit, dans le cadre du continuum de sécurité, une montée en charge pour les agents de sécurité privée. Nous allons accroître leurs responsabilités en étant davantage exigeants quant à la mission à laquelle ils doivent concourir, à savoir assurer la sécurité de nos concitoyens.

Nous devons à ces agents une protection accrue. Il est hors de question d’en réduire le champ comme le voudrait le groupe La France insoumise. L’article 12 est un corollaire indispensable si nous voulons que ces agents aient une place importante dans le continuum de sécurité que nous appelons de nos vœux.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL378 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CL260 de Mme Marietta Karamanli.

M. Jérôme Lambert. Cette fois-ci, je vais dire un mot de cet amendement, car je suis plutôt d’accord avec ce qu’il propose, ce qui n’était pas forcément le cas des précédents.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je m’étais habituée à ce que vous ne soyez pas d’accord avec votre groupe ! (Sourires.)

M. Jérôme Lambert. Je suis un député très libre : ceux qui me connaissent le savent bien.

Je trouve gênant que le durcissement des peines à l’encontre d’une personne qui s’en prendrait à un agent de sécurité soit valable, non seulement « dans l’exercice de ses fonctions », mais aussi « du fait de ses fonctions ». Que signifie exactement cette expression ? Si un vigile a une embrouille avec son voisin et que celui-ci lui dit : « Sale vigile ! », va-t-on considérer qu’il a été attaqué « du fait de ses fonctions » ? Il semble préférable de supprimer cette mention, qui est beaucoup trop vague.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Votre amendement limite la circonstance aggravante pour faits de violence aux seuls actes commis sur une personne exerçant une activité privée de sécurité « dans l’exercice de ses fonctions ». L’adoption de votre amendement aurait pour conséquence concrète de ne pas protéger, au titre de l’article 12, les agents privés de sécurité qui seraient suivis et seraient victimes de violences sur le trajet entre leur lieu de travail et leur domicile.

Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou. La circonstance aggravante sera appréciée in concreto par le magistrat. La peine est individualisée et le rôle du magistrat sera précisément de répondre à ces interrogations.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL379 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement CL259 de Mme Marietta Karamanli. 

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL380 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 12 modifié.

Article 13 (Art. L. 613-4, L. 613-8 et L. 614-3 du code de la sécurité intérieure et art. L. 6342-4 du code des transports) : Éléments d’identification communs des tenues portées par les agents

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL258 de Mme Marietta Karamanli.

Elle examine ensuite l’amendement CL285 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Nos forces de sécurité portent désormais sur leur tenue un numéro d’identification unique, le référentiel des identités et de l’organisation (RIO). Je propose que les agents privés de sécurité portent eux aussi un numéro d’identification. Ce serait un gage de transparence, cela irait dans le sens d’un renforcement de la déontologie et ce serait une façon de répondre au débat que nous avons eu tout à l’heure au sujet des personnes étrangères en situation irrégulière qui travaillent dans ces sociétés. C’est un système gagnant-gagnant, qui profitera à la fois aux sociétés privées et à la société tout entière.

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’entends vos arguments mais, depuis deux ans que nous faisons des auditions pour préparer cette proposition de loi, nous n’avons jamais entendu de demandes en ce sens de la part de la profession. Je ne dis pas cela pour balayer votre proposition d’un revers de la main, car je la trouve intéressante, mais il me semble difficile de la mettre en œuvre concrètement et j’aimerais connaître l’avis de la ministre.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Je vais donner un avis de sagesse, car le travail de concertation mené au niveau du ministère n’a pas non plus fait remonter ce genre de demande. Je n’ai pas de position de principe sur cette question.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Ne pouvant donner un avis de sagesse, j’ai envie de donner un avis favorable à cet amendement.

M. Philippe Latombe. Notre rôle de parlementaires est tout de même d’apporter des modifications aux textes qui nous sont soumis, indépendamment des remontées de terrain. L’apposition du numéro RIO sur l’uniforme des agents de sécurité privés permettrait de régler le problème posé par la sous-traitance, en garantissant une forme de transparence. Du reste, si les professionnels du secteur n’ont pas formulé cette demande, c’est peut-être parce qu’ils n’y ont pas songé : or le rôle des parlementaires est aussi de proposer un éclairage un peu différent.

M. Éric Poulliat. Cet amendement présente un grand intérêt et je pense qu’il faut que nous le retravaillions tous ensemble en vue de la séance, car nous devons pouvoir arriver à un consensus. Dans la mesure où ces sociétés de sécurité privée recourent beaucoup à la sous-traitance, il serait important que nos concitoyens puissent identifier l’agent auquel ils ont affaire, comme c’est déjà le cas pour les forces de sécurité intérieure. Si cette demande ne remonte pas de la profession, c’est peut-être aussi parce que celle-ci n’a pas toujours intérêt à identifier ses agents…

Mme Naïma Moutchou. C’est effectivement une disposition intéressante, qui nécessite toutefois que nous prenions un peu de recul. D’ici l’examen du texte en séance publique, nous devrions notamment nous interroger sur les modalités pratiques de sa mise en œuvre. Je n’y suis pas du tout défavorable, mais il faudrait que nous disposions d’éléments concrets, afin de voter en connaissance de cause.

M. Paul Molac. L’identification des personnels me semble être une mesure de bon aloi et je voterai cet amendement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Votre amendement suscite une discussion très intéressante. Ce que je me dis, néanmoins, c’est que sa mise en œuvre serait sans doute très lourde pour les entreprises et pour le CNAPS. Je vous invite donc à le retirer ; nous pourrons en rediscuter d’ici à la séance, après avoir interrogé les acteurs du secteur. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Mais je répète que nous partageons votre objectif.

M. Éric Pauget. Pour une fois qu’une proposition fait consensus, une proposition qui n’est pas politique, mais de bon sens et pragmatique, pourquoi ne pas la voter ? Nous ne sommes pas les syndicats des professionnels de la sécurité privée ! Nous sommes des députés de la nation et nous faisons la loi. Ce n’est pas à nous de nous adapter aux professionnels de la sécurité privée, de leur demander leur sentiment ou leur avis ; c’est à eux de s’adapter aux décisions que nous prenons. On peut, tout au plus, leur laisser un peu de temps pour mettre en œuvre les dispositions que nous votons, mais c’est tout ! Pour une fois que nous trouvons un consensus, pourquoi attendre ? Je suis un député de l’opposition, mais si vous voulez que nous reprenions cet amendement tous ensemble, je ne m’y opposerai pas. L’essentiel est que nous allions dans le bon sens.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Le CNAPS va lui aussi être mis à contribution. Je vous propose, puisque nous sommes d’accord sur l’objectif, de retirer votre amendement, afin que nous puissions le retravailler tous ensemble. C’est une main tendue.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL405 du Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Il s’agit d’un amendement de précision.

L’article 13 prévoit que les agents de sûreté aéroportuaire qui réalisent des opérations d’inspection-filtrage, sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes, « doivent être identifiables ». L’article précise que « la tenue, dont ils sont obligatoirement porteurs dans l’exercice de leurs fonctions, ne doit entraîner aucune confusion avec celles des autres agents des services publics, notamment des services de police ».

La rédaction de cet alinéa, qui a vocation à être inséré dans le code des transports, soulève deux difficultés :

D’une part, elle peut laisser penser que le port d’un uniforme commun pourrait également s’appliquer aux agents des douanes mentionnés au premier alinéa du II de l’article L. 6342-4 du même code.

D’autre part, depuis l’arrêté du 12 septembre 2013 fixant les conditions de mise en œuvre de l’uniforme prévu à l’article R. 213-5-2 du code de l’aviation civile, l’ensemble des agents de sûreté aéroportuaire relevant du II et du V de l’article L. 6342-4 du code des transports sont tenus de porter un uniforme commun national spécifique à ces agents, soumis à un cahier des charges.

Nous proposons de clarifier cet article sur ces deux points. En tout état de cause, il convient de souligner que les agents de sûreté aéroportuaire qui réalisent des opérations d’inspection-filtrage seront de toute façon soumis aux dispositions créées par le I de l’article 13, à savoir au port sur leur uniforme d’un ou plusieurs éléments d’identification communs à l’ensemble des agents de sécurité privée. De ce fait, la proposition de rédaction du II de l’article 13 est sans objet.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement. Par conséquent, l’amendement CL332 de M. Paul Molac tombe.

La Commission adopte ensuite l’article 13 modifié.

Après l’article 13

La Commission examine l’amendement CL430 de la rapporteure.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cet amendement a pour objectif d’inscrire dans la loi l’exception du port d’une tenue distinctive pour les gardes du corps des personnalités. Cette exception s’explique par les spécificités de ce métier et la discrétion qui est attendue de ces professionnels. Il est bien évident que si un garde du corps privé porte un uniforme, il devient une cible et, avec lui, la personnalité qu’il doit protéger.

Mme Emmanuelle Ménard. Je suis très favorable à cet amendement, qui rejoint une demande que je formulais hier. Je proposais que, dans certains cas de figure, et sous certaines conditions très strictes, le directeur d’une police municipale puisse servir en civil. Malgré l’étonnement que cela a suscité, je vous confirme d’ailleurs que les gardes champêtres ont cette faculté. Je suis tout à fait favorable à ce que les gardes du corps n’aient pas d’uniforme mais je regrette que la police municipale, dans certaines conditions très précises, ne puisse pas bénéficier de cette disposition.

La Commission adopte l’amendement. L’article 13 bis est ainsi rédigé.

Article 14 (Art. L. 613-1 du code de la sécurité intérieure) : Missions de surveillance sur la voie publique contre les actes terroristes

La Commission examine les amendements identiques CL222 de Mme Laurence Vichnievsky et CL257 de Mme Marietta Karamanli, qui tendent à supprimer l’article 14.

Mme Laurence Vichnievsky. L’article 14 permet aux agences de sécurité privée d’exercer des missions de surveillance sur la voie publique contre les actes terroristes. Cette mention de la « voie publique » est essentielle puisque, pour l’heure, seules les forces régaliennes peuvent y exercer une mission de surveillance – si l’on excepte les périmètres de sécurité qui ont été définis dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT).

Il ne nous paraît pas opportun d’autoriser les agents d’une société de sécurité privée à exercer des missions de surveillance liées à la menace terroriste sur la voie publique, même si tout cela est très encadré et soumis à l’autorisation exceptionnelle du préfet. Nous pensons en effet que la lutte contre le terrorisme est au cœur des missions régaliennes de l’État et qu’elle ne peut pas être déléguée au secteur privé, même dans ce cadre très restreint.

M. Jérôme Lambert. Je suis d’accord avec notre collègue : il ne doit pas y avoir de confusion entre les missions des forces de l’ordre régaliennes et celles, nécessairement plus limitées, dévolues aux agents privés de sécurité. Certes, tous les citoyens sont appelés à prêter attention à ce qui se passe autour d’eux, mais confier spécifiquement aux agences de sécurité privée une mission de lutte contre les actes terroristes, c’est empiéter gravement sur les missions des services régaliens. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure permet déjà aux agents de surveillance et de gardiennage de réaliser sur la voie publique des missions, même itinérantes, de surveillance contre les vols, les dégradations et les effractions des biens dont ils ont la garde. Il s’agit d’une disposition ancienne de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, qui ne pose aucune difficulté en pratique.

J’ajoute que ces missions sont encadrées strictement puisqu’elles nécessitent une autorisation délivrée à titre exceptionnel par le préfet, sur requête écrite du client de l’entreprise chargée de cette surveillance.

L’article 14 que vous souhaitez supprimer vise à autoriser ces mêmes agents, à des fins tout aussi exceptionnelles, à réaliser des missions de surveillance contre les actes terroristes pour les biens dont ils ont la garde. Nous le faisons dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle : la mission demeure exceptionnelle et elle nécessitera toujours une autorisation du préfet.

Nous avons besoin de cet article, surtout dans le contexte actuel. J’émettrai donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. Éric Diard. Votre argumentation me surprend un peu, madame la rapporteure ! Vous nous dites que les agents privés de sécurité ont déjà une mission de surveillance contre les vols, mais le terrorisme est un sujet autrement plus grave ! C’est une tout autre dimension ! Je vous trouve un peu légère sur ce sujet !

M. Ian Boucard. Je souscris totalement à ce qui vient d’être dit. Vous avez fait la liste des missions actuellement confiées aux agents de sécurité : surveillance contre les vols, les dégradations et les effractions. Et c’est effectivement pour ce genre de missions que l’on recourt à une société de sécurité privée. Mais les actes de terrorisme n’ont rien à voir avec tout cela ! Je voterai donc pour ces amendements de suppression. Si vous les rejetez, il faudrait au moins adopter l’amendement CL7 de M. Éric Diard, qui propose que ce type de mission soit contrôlé par un officier de police judiciaire. On ne peut pas imaginer qu’une société de sécurité privée lutte contre le terrorisme : c’est le rôle de l’État, c’est-à-dire de la police nationale et de la gendarmerie.

M. Didier Paris. J’avoue avoir moi aussi quelques doutes quant à la pertinence de cette disposition. La lutte contre le terrorisme est un champ de compétences très particulier.

Mme Laurence Vichnievsky a bien rappelé qu’il s’agit d’autoriser des agents de sécurité à intervenir à l’extérieur des bâtiments où ils travaillent habituellement, afin de les protéger. Dans la mesure où ces agents sont déjà chargés de protéger ces bâtiments contre les dégradations et les effractions et que c’est précisément l’objet de toute entreprise terroriste que de les dégrader et d’y entrer par effraction, je m’interroge sur l’intérêt concret de cet article.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je suis étonné que vous soyez étonnés. Lorsque nous mentionnons les vols, les dégradations et les effractions, nous nous référons à une construction juridique. Nous savons bien, parce que nous nous y connaissons un peu, nous aussi, qu’il y a une vraie différence entre le terrorisme et la dégradation. Merci de nous l’avoir précisé, mais nous le savions !

On a un peu l’impression, à vous entendre, qu’un acte terroriste est une chose que l’on peut prévoir et qu’il est possible de s’organiser à l’avance, en décidant qui sera là et qui ne sera pas là. Mais le propre de l’acte terroriste, c’est qu’il nous tombe dessus au moment où on ne s’y attend pas ! Et c’est pourquoi c’est le premier qui arrive sur place qui intervient : ce peuvent être les forces de sécurité régaliennes, mais aussi les forces municipales, comme ce fut le cas à Nice. Ce peuvent être aussi des forces de sécurité privées : je rappelle qu’au Bataclan, un videur a permis, sous le feu et au péril de sa vie, à une dizaine d’otages de sortir. Ce sont les circonstances qui décident. Il ne faut pas feindre de croire que les choses sont organisées en silo et qu’on peut prévoir à l’avance qui va intervenir : ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans la vraie vie.

Le but de cet article, c’est qu’en cas de menace terroriste, tous les moyens à notre disposition – régaliens, municipaux et privés – puissent être mobilisés pour nous aider à lever des doutes. Il est bien évident que les services privés de sécurité ne vont pas intervenir eux-mêmes : ils n’en ont pas les moyens et ils ne le feront pas au péril de leur vie. Mais ils seront, pour la police et la gendarmerie, des yeux et des oreilles supplémentaires, ils pourront fournir du renseignement de terrain. Tel est le sens de cet article.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Il peut typiquement s’agir de demander aux agents de lever un doute autour d’un bâtiment dont ils ont la garde, par exemple un centre commercial. Mais il ne s’agit en aucun cas de leur demander d’intervenir à la place du RAID en cas d’attentat.

M. Éric Diard. Tout citoyen a aussi le devoir d’alerter en cas d’attentat terroriste… Ce qui me frappe, c’est que vous êtes moins frileux avec les sociétés de sécurité privée qu’avec les polices municipales, que vous rechignez par exemple à armer dans les grandes villes. Vous donnez des prérogatives presque plus importantes aux sociétés privées.

M. Stéphane Mazars. Il aurait été bon, pour éclairer notre réflexion, d’évoquer dès maintenant l’amendement CL7 de notre collègue Éric Diard. Il ne remet pas en cause la possibilité, pour les sociétés privées, d’exercer des missions de surveillance en cas de menace terroriste, mais il précise que tout cela doit se faire sous le contrôle d’un OPJ. Cette proposition me semble tout à fait intéressante et de nature à rassurer nombre de nos collègues.

M. Éric Poulliat. Toute personne qui exerce une mission de sécurité peut être confrontée à un acte terroriste ; c’est en ce sens qu’il faut étendre la mission de surveillance aux actes de terrorisme. Cela dit, j’entends les arguments de nos collègues sur la nécessité de border juridiquement cette mesure ; il faudrait y travailler d’ici à la séance et imaginer un nouvel amendement qui viendra préciser les limites de cet article.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Précisons que les auteurs du texte ne proposent pas de confier aux agents de sécurité des missions de renseignement ou de lutte contre le terrorisme, mais de leur permettre d’exercer sur la voie publique une mission de surveillance, en faisant une ronde autour du bâtiment par exemple. Cette disposition est utile, nous la soutenons.

La Commission rejette ces amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL133 de Mme Annaïg Le Meur. 

Elle en vient à l’amendement CL7 de M. Éric Diard. 

M. Éric Diard. M. Mazars a commencé à défendre cet amendement… terrorisme ou pas, les agents de sécurité surveillent déjà les bâtiments. Pour dissiper toute inquiétude sur une telle disposition, je propose de poser un filet de sécurité en inscrivant dans la loi qu’ils exercent ces missions sous l’autorité d’un officier de police judiciaire (OPJ). Cela me semble indispensable.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avant de m’exprimer, je souhaiterais connaître l’avis de la ministre.

Mme Marlène Schiappa, ministre. En matière de prévention du terrorisme, le préfet a déjà la possibilité de créer un périmètre de protection et d’y affecter des agents privés de sécurité pour des missions, par exemple, de palpation ou d’inspection visuelle des bagages, sans lien direct avec la garde d’un bien. Dans ce cadre, ils opèrent sous l’autorité d’un OPJ.

Pour les autres missions, la proposition de loi a pour objet d’ajouter parmi les motifs justifiant l’autorisation du préfet, la prévention d’actes de terrorisme. À notre sens, cette autorisation se limite à la surveillance des biens dont les agents de sécurité ont la garde. Cette mission ne saurait empiéter sur celles des forces de sécurité intérieure, qui conservent le monopole de la surveillance générale de la voie publique. Avis défavorable.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Même avis. Ces interventions font déjà l’objet d’une autorisation délivrée à titre exceptionnel par le préfet, sur requête écrite du client de l’entreprise chargée de la surveillance. Il faut rappeler qu’il s’agit d’un dispositif exceptionnel et que les agents de sécurité privée ne sauraient se voir confier les prérogatives de la police et de la gendarmerie.

M. Éric Diard. Madame la ministre, vous parlez de prévention du terrorisme lorsque le texte fait référence à des actes de terrorisme. Ce sont deux choses bien différentes.

Éric Poulliat. Les agents exercent déjà ces missions de surveillance ; les placer sous l’autorité d’un OPJ alourdirait encore la charge de travail de la police judiciaire, ce qui tendrait à aggraver la crise des vocations qu’elle traverse aujourd’hui.

M. Éric Pauget. Vos arguments ne sont pas toujours cohérents. Vous avez rejeté l’amendement d’Éric Ciotti qui visait à autoriser les sociétés de sécurité privée à intervenir dans les hôpitaux, comme celui de Nice où le terroriste est hospitalisé, au motif qu’il s’agit d’une mission strictement régalienne ; vous dites l’inverse sur cet amendement. Par ailleurs, alors que vous semblez plutôt frileux à l’idée de donner davantage de pouvoir aux polices municipales, vous donnez le sentiment que pour les agents de sécurité, c’est « open bar » !

M. Didier Paris. J’ai du mal à comprendre cet amendement. L’article 14 vise à compléter l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit que le préfet peut autoriser les agents à exercer sur la voie publique des missions de surveillance du bâtiment dont ils ont la charge. Il ne s’agit pas ici des périmètres de protection, qui font l’objet de dispositions réglementaires différentes. Cet amendement reviendrait à dire qu’un agent de sécurité qui garde des bâtiments, exerce une surveillance contre des effractions ou des actes terroristes éventuels ne peut agir que sous l’autorité d’un OPJ, qui par nature n’est pas là. D’un point de vue opérationnel, je ne vois pas l’intérêt de cette disposition ; elle pourrait même empêcher l’agent d’agir en l’absence de l’OPJ.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 14 sans modification.

Article 15 (art. L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Régime dérogatoire de cumul emploi-retraite pour les policiers nationaux exerçant dans le domaine de la sécurité privée

M. Guillaume Gouffier-Cha. L’article 15 répond à une demande ancienne des forces de police, celle de bénéficier du cumul emploi-retraite qui valorise leur expérience de policier. Si elle est un signal social particulièrement fort adressé aux policiers, cette dérogation doit rester l’exception. Il ne doit pas y avoir d’effet cliquet. Nos concitoyens aimeraient pouvoir ainsi valoriser leur pension, mais c’est un sujet dont nous débattrons dans le cadre du projet de loi sur le système universel de retraite, l’an prochain. Je tiens à saluer cette belle avancée pour les forces de police.

M. Ian Boucard. Cette disposition permettra de renforcer les compétences dans la sécurité privée grâce au recrutement de policiers à la retraite ; elle permettra aussi d’accroître l’attractivité des emplois de sécurité intérieure, qui sont mal rémunérés malgré les risques. L’avantage que constitue le cumul emploi-retraite contribuera peut-être à relancer les vocations.

La Commission examine l’amendement CL256 de Mme Marietta Karamanli. 

M. Jérôme Lambert. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 15.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis défavorable. Avec l’article 15, nous répondons à une vraie demande des policiers. Il s’agit aussi d’homogénéiser les régimes, puisque les gendarmes bénéficient déjà du cumul emploi-retraite. Enfin, cette possibilité permettra au secteur de la sécurité privée de recruter des personnels déjà formés, ayant derrière eux une carrière dans la police, ce qui constitue une réelle avancée.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. J’ajoute que le non-cumul des emplois a vieilli la population policière : les policiers, qui ne peuvent plus travailler à l’extérieur, ont tendance à rester en poste à un âge de plus en plus avancé, parfois jusqu’à 67 ans. Des personnels plus jeunes profiteront sans doute de cette opportunité.

M. Paul Molac. Cette possibilité est totalement dérogatoire et je crains que cela ne soit mal compris par nos concitoyens. Je voterai donc pour cet amendement de suppression.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL431 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CL432 de la rapporteure.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous proposons de limiter le cumul emploi-retraite aux catégories actives de la police nationale car nous considérons que cette différence de traitement doit être justifiée par les spécificités des métiers et par la proximité opérationnelle avec les activités de sécurité privée.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

Article 16 (Art. L. 625-2-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Interdiction d’exercer une activité de formation en cas de retrait de la carte professionnelle ou d’interdiction temporaire d’exercice

La Commission adopte l’article 16 sans modification.

Après l’article 16

La Commission examine l’amendement CL388 du Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Je dois me rendre dans l’hémicycle mais avant de vous quitter je tiens à défendre cet amendement, qui a pour objet de limiter la possibilité d’obtenir une certification professionnelle par validation des acquis de l’expérience (VAE) dans le secteur de la sécurité privée.

L’exercice d’une activité privée de sécurité est réglementé par le livre VI du code de la sécurité intérieure qui subordonne l’accès à la profession à la justification d’une aptitude professionnelle. La maîtrise d’un socle de compétences élémentaires, nécessaires à l’exercice d’une activité privée de sécurité, est attestée par l’obtention, à l’issue de la formation réglementée, d’un certificat de qualification délivré par un organisme agréé par la branche professionnelle ou d’une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles, délivrée par un prestataire de formation.

La possibilité d’obtenir la VAE permet à certains agents d’être exonérés de tout ou partie de cette formation réglementée dont les contours ont été enrichis ces dernières années pour tenir compte de l’accroissement des prérogatives confiées aux agents privés de sécurité.

La procédure de VAE atténue également le contrôle de l’aptitude professionnelle exercé par la puissance publique puisque le contrôle de la validation des acquis de l’expérience repose exclusivement sur le jury d’examen auquel il appartient seul d’apprécier la compétence des candidats.

Or, d’importantes disparités sont constatées au niveau des sessions d’examen d’un organisme de formation à un autre, lesquelles s’expliquent par le fait qu’il n’existe aucun dispositif étatique de contrôle de l’évaluation des candidats dans le dispositif de formation, pourtant véritable sas d’entrée dans la profession.

La montée en compétences des agents privés de sécurité doit être une condition préalable et incontournable à leur implication croissante dans le dispositif de sécurité globale et à l’accroissement de leurs prérogatives.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis favorable.

M. Philippe Latombe. Je comprends la nécessité d’un tel amendement mais il ouvre une brèche, puisque le principe de la VAE est de permettre l’obtention de n’importe quelle certification en fonction de l’expérience. Vous êtes-vous rapprochés des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et pouvez-vous garantir que cela ne créera pas de précédent ?

Mme Marlène Schiappa, ministre. Vous le savez peut-être, je suis très favorable au développement de la VAE. Lorsque j’ai été nommée secrétaire d’État il y a trois ans, j’ai proposé que les parents au foyer puissent bénéficier d’une VAE, eu égard aux fonctions bénévoles ou associatives qu’ils auraient pu exercer durant cette période – je me suis alors vu reprocher de vouloir délivrer des diplômes aux femmes qui venaient d’accoucher, ce qui n’était pas du tout mon propos !

Nous avons validé auprès de la ministre du travail le principe de cet amendement, qui reconnaît la particularité des métiers de la sécurité. Il serait contradictoire de vouloir renforcer la formation des agents de sécurité parallèlement à l’extension de leurs prérogatives et de considérer qu’une VAE serait suffisante.

La Commission adopte l’amendement. L’article 16 bis est ainsi rédigé.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Madame la ministre, nous vous remercions pour votre présence en commission ce matin.

Article 17 (Art. L. 612-22 et L. 622-21 du code de la sécurité intérieure) : Condition de maîtrise de la langue française et de production d’une lettre d’intention d’embauche pour l’obtention d’une autorisation d’accès à la formation professionnelle

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL236 de Mme Laurence Vichnievsky.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL435 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 17 modifié.

Article 18 (Art. L. 613-2 et L. 613-3 du code de la sécurité intérieure) : Suppression de l’habilitation spécifique et de l’agrément pour réaliser des palpations de sécurité

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements de suppression CL146 de M. Christophe Naegelen, CL255 de Mme Marietta Karamanli et CL334 de M. Paul Molac. 

Puis elle adopte l’article 18 sans modification.

Après l’article 18

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL185 de M. Xavier Batut. 

Article 19 : Remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de réglementer certaines activités privées de sécurité

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL28 de M. Ian Boucard.

Puis elle adopte l’article 19 sans modification.

Après l’article 19 

La Commission est saisie de l’amendement CL393 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement a pour objet d’habiliter les agents de sécurité privée à détecter – et non à utiliser – les drones lorsqu’ils constituent une menace pour la sécurité des biens et des personnes dans le lieu gardé, notamment sur des sites sensibles.

Nous partageons avec Jean-Michel Fauvergue l’objectif de lutter contre l’espionnage industriel et de sécuriser les nombreux sites accueillant les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP).

En outre, le partage des tâches prévu par l’amendement s’inscrit dans le principe même du continuum de sécurité : les agents pourront seulement détecter la menace, ce qui représente, au vu de la prolifération des drones sur le marché français, une avancée considérable, à charge ensuite, pour eux, de saisir les forces de l’ordre qui pourront, s’il y a lieu, poursuivre leur propriétaire.

Il me paraît donc très important de voter cet amendement du Gouvernement.

M. Philippe Latombe. Si l’amendement prévoit que les agents de sécurité pourront détecter les drones, son exposé sommaire précise également que cette détection permettra, a minima, d’engager des poursuites judiciaires pour les survols illégaux avec des preuves qui aujourd’hui ne peuvent être collectées.

Grâce au signalement électronique, les agents pourraient ainsi réunir des preuves susceptibles ensuite de permettre l’identification notamment du numéro du drone et de son opérateur. La simple recherche de telles informations ne constitue-t-elle pas un acte d’enquête ?

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement vise à permettre à des agents de sécurité privée travaillant en particulier sur des sites industriels sensibles – dans ma circonscription, il peut s’agir par exemple d’une centrale nucléaire – d’en signaler le survol par un drone. Il est important de leur ouvrir cette possibilité et de les habiliter à détecter les drones qui ne sont pas tous visibles à l’œil nu.

La Commission adopte l’amendement. L’article 19 bis est ainsi rédigé.

Puis elle examine l’amendement CL390 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement vise à créer une nouvelle filière pour l’exercice d’une activité cyno-technique de pré-détection d’explosifs dont on voit bien l’utilité aujourd’hui.

Si de telles équipes existent déjà dans les services de l’État, elles sont en nombre insuffisant, surtout depuis les attentats de 2015 et le recours massif à cette solution. La SNCF et la RATP en sont également déjà dotées depuis l’entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite loi LOM.

L’objectif est, dans la perspective des JOP, de créer cette nouvelle filière maintenant afin de laisser le temps au secteur de se former et d’être opérationnel en 2024 : il s’agit donc d’une disposition qu’il nous faut prendre rapidement.

Des conditions d’encadrement strictes sont prévues par l’amendement : l’agent fera l’objet de contrôles de moralité récurrents de la part du CNAPS, de tests en situation réelle ainsi que d’une certification technique annuelle délivrée par la direction générale de la Police nationale (DGPN).

L’amendement va vraiment dans le bon sens : je vous propose donc de le soutenir.

La Commission adopte l’amendement. L’article 19 ter est ainsi rédigé.

Puis elle est saisie de l’amendement CL230 de M. Erwan Balanant.

M. Philippe Latombe. Il s’agit d’élargir la composition du collège du CNAPS à la représentation nationale en y intégrant un député et un sénateur. On voit bien depuis le début de notre réunion que les sujets confiés au Conseil sont importants : il serait donc légitime qu’y siège un représentant de chaque chambre.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avec Jean-Michel Fauvergue, nous avions proposé dans notre rapport D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale de revoir la composition du collège du CNAPS. Cependant, un amendement du Gouvernement que nous allons examiner juste après celui-ci tendra à revoir complètement le fonctionnement du CNAPS. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Philippe Latombe. Ouvrir le collège du CNAPS à un député et à un sénateur, n’empêche pas de revoir les missions et le fonctionnement du Conseil.

M. Jérôme Lambert. Qui peut le plus peut le moins. Cette disposition va dans le bon sens.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je me vois obligée d’être défavorable à une proposition que nous avions formulée car nous préférons l’amendement du Gouvernement qui permettra de prendre par ordonnances des mesures relatives au fonctionnement du CNAPS ainsi que des commissions locales d’agrément et de contrôle (CLAC). Il ira beaucoup plus loin que ce que vous proposez, cher collègue.

Je suis donc défavorable à l’amendement CL230 et, par avance, favorable à l’amendement CL389 du Gouvernement.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL389 du Gouvernement. L’article 19 quater est ainsi rédigé.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL391 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Il s’agit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures législatives concernant les modalités de formation et de certification professionnelles.

Ces modalités figurent dans le code de la sécurité intérieure et les organismes qui dispensent ces formations font depuis 2016 l’objet d’un contrôle par le CNAPS qui s’étend aujourd’hui à l’ensemble des formations.

Il existe néanmoins une difficulté réelle, liée aux disparités de ces formations sur le territoire, qu’il convient de résoudre. Notre texte propose déjà des solutions allant dans ce sens mais cette question nécessite une réponse globale qui passe d’abord par une étape de consultations, ce qui justifie le recours à cette ordonnance.

Je suis par conséquent favorable à cet amendement du Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement. L’article 19 quinquies est ainsi rédigé.

TITRE III
vidÉoprotection et captation d’images

Article 20 (art. L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure) : Extension du déport de la vidéoprotection aux agents de police municipale et aux agents de la ville de Paris

L’amendement CL3 de M. Dimitri Houbron est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ensuite l’amendement CL199 de Mme Marietta Karamanli.

Puis elle adopte l’article 20 sans modification.

Après l’article 20 

La Commission examine l’amendement CL412 de la rapporteure.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Il s’agit d’élargir les circonstances dans lesquelles le déport d’images vers les forces de l’ordre peut être opéré par les bailleurs.

La Commission adopte l’amendement. L’article 20 bis est ainsi rédigé.

La Commission est saisie CL385 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement tend à permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de pouvoir visionner les images déportées vers les salles d’information et de commandement de l’État. J’y suis favorable.

La Commission adopte l’amendement. L’article 20 ter est ainsi rédigé.

Elle en vient à l’amendement CL384 du Gouvernement, qui fait l’objet d’un sous-amendement CL438 de M. Guillaume Larrivé.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement vise à moderniser par ordonnance le droit de la vidéo-protection : j’y suis d’autant plus favorable que la CNIL, au cours des auditions que nous avons menées, a appelé notre attention sur ce point.

Je demande par ailleurs le retrait du sous-amendement auquel je suis défavorable.

M. Philippe Latombe. Comme l’a indiqué Laurence Vichnievsky dans la discussion générale, le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés est défavorable à cet amendement du Gouvernement. C’est une ligne rouge : son adoption conditionnerait très sérieusement notre vote sur l’ensemble du texte.

Si nous avons, dans quelques articles précédents, habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances, cette habilitation portait sur des dispositions très techniques. En l’occurrence, ce n’est pas le cas puisqu’il s’agit de modifier le régime juridique de la vidéoprotection prévu par le code de la sécurité intérieure.

Les restrictions prévues dans la suite de l’amendement ne rendent pas moins nécessaire que le Parlement ait son mot à dire, pas simplement à l’occasion d’un projet de loi de ratification, mais dans le cadre de l’élaboration même du texte, que le Conseil d’État donne son avis. Un travail important doit être mené car cette habilitation toucherait à des libertés publiques et individuelles.

Nous ne sommes pas favorables à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances au travers d’un amendement dans le cadre d’une proposition de loi. Ce mode de fonctionnement parlementaire ne nous convient pas : il revient aux députés de construire le texte et pas simplement de le ratifier à l’arrivée.

Nous serons donc défavorables à cette proposition de loi si elle contenait une telle disposition.

M. Éric Diard. Nous avons effectivement l’impression que cette proposition de loi se transforme en projet de loi : cet amendement en est la preuve. C’est inquiétant.

M. Didier Paris. Je comprends les réserves théoriques, idéologiques et tenant à la logique parlementaire exprimées par nos collègues du groupe MoDem. Cependant, toute habilitation par ordonnances devra faire l’objet d’une ratification par nos soins, et donc d’un débat de fond à bref délai.

Il faut en outre examiner ce que l’ordonnance permettrait. La rédaction de l’amendement gouvernemental montre qu’elle vise une mise en cohérence et un nettoyage de dispositions qui pour la plupart existent déjà. Il s’agirait de les moderniser, de les améliorer et de les harmoniser, ainsi que d’abroger celles devenues obsolètes.

Je suis parfaitement d’accord pour que l’on se pose la question de fond sur les ordonnances. Mais, en l’occurrence, l’habilitation demandée me paraît suffisamment précise, réduite et opérationnelle sur la modification d’éléments obsolètes.

M. Jérôme Lambert. Chers collègues, n’avez-vous pas l’impression que l’on n’a pas cessé, ces dernières semaines, de nous demander des habilitations ? Je souscris tout à fait aux réticences exprimées par nos collègues. Si j’étais membre de la commission, je voterais évidemment contre l’amendement du Gouvernement.

M. Paul Molac. Après les titres Ier et II, sur lesquels nous étions relativement d’accord, nous commençons l’examen de la partie de la proposition de loi qui va nous poser le plus de problèmes car elle touche à la vie privée, au droit à l’image et à la liberté d’informer. Cela nous renvoie à notre vision de la société et de la liberté. Or je suis très attentif à ces principes.

M. Philippe Latombe. L’amendement prévoit que le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, certaines mesures. Cela signifie que la ratification interviendrait au cours d’une autre mandature. Si nous lançons l’habilitation, nous ne pourrions donc pas contrôler sa ratification.

Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a précisé que le simple dépôt du projet de loi de ratification sur le bureau de l’Assemblée nationale donnait force de loi aux dispositions concernées sans qu’elles aient donc pu être examinées.

Vous arguez de la technicité au fond. Si je pourrais être d’accord s’agissant des deux deuxième et troisième objectifs, à savoir mettre en cohérence les autres codes et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet, il en va tout autrement du premier puisqu’il s’agit, à propos du régime juridique de la vidéoprotection, « […] d’en clarifier, d’en moderniser et d’en harmoniser les dispositions, tout en procédant à leur mise en conformité avec le droit applicable en matière de protection des données à caractère personnel […] ».

Rien n’interdirait donc au Gouvernement d’intégrer, par le biais de l’ordonnance, et à la place du législateur, la reconnaissance faciale dans le régime juridique.

Enfin si la CNIL a souhaité une simplification du droit, par une recodification et un regroupement des dispositions concernées pour en clarifier à la fois la lecture et l’interprétation, elle n’a jamais demandé que le Gouvernement légifère par ordonnance ni qu’il puisse ainsi introduire des dispositions nouvelles.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Au vu de ces débats et dans l’attente de la séance publique, je vous informe que le Gouvernement a retiré à ce stade l’amendement. Vous pourrez poursuivre vos échanges avec le ministre et les rapporteurs sur ce point.

L’amendement CL384 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement devient sans objet.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cet amendement, désormais retiré, visait simplement à répondre à une demande de la CNIL, dont les représentants nous ont expliqué la semaine dernière lors de leur audition qu’un toilettage des textes s’imposait.

Permettez-moi de donner lecture de l’amendement pour apaiser les débats : « Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier le régime juridique de la vidéoprotection prévu par le code de la sécurité intérieure, en vue :

 D’en clarifier, d’en moderniser et d’en harmoniser les dispositions, tout en procédant à leur mise en conformité avec le droit applicable en matière de protection des données à caractère personnel ;

 De mettre en cohérence les autres codes et lois qui mentionnent ces dispositions en cohérence avec les nouvelles dispositions ;

 D’abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet ; […]. »

Il ne s’agit donc pas refondre le régime juridique en question. En outre, le dernier alinéa de l’amendement prévoit qu’un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance. Le ministre présentera son amendement en séance mais je voulais d’ores et déjà vous apporter ces précisions.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. On ne sait pas si l’amendement sera défendu en séance : à ce jour, il a été retiré par le Gouvernement. La discussion est donc close.

Article 21 (art. L. 241-1 du code de la sécurité intérieure) : Modifications du régime juridique applicable aux caméras mobiles

La Commission est tout d’abord saisie de l’amendement de suppression CL175 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Notre groupe considère que policiers et gendarmes ne doivent pas pouvoir accéder aux images qu’ils enregistrent sur leur caméra mobile et que ces images ne doivent pas pouvoir être transmises en temps réel au poste de commandement.

Des conditions étaient déterminées dans la loi de 2016 qui a autorisé les agents et les agentes à filmer leurs interventions par des caméras mobiles : l’agent portant la caméra ne pouvait pas accéder aux images et celles-ci ne pouvaient être exploitées qu’a posteriori. Il s’agissait, comme la CNIL l’avait précisé dans son avis, « de garanties essentielles ». Or l’article 21 propose de les supprimer.

En outre, comme le souligne la Quadrature du Net, l’un des buts de cette modification serait de permettre l’analyse automatisée et en temps réel des images. Elle rappelle que la police est autorisée depuis 2012 à utiliser des logiciels de reconnaissance faciale pour identifier une des huit millions de photographies déjà enregistrées dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) sur n’importe quelle image dont elle dispose, quelle qu’en soit l’origine.

Ainsi l’article permettrait une reconnaissance faciale en temps réel, le centre de commandement pouvant informer les agents et agentes de terrain en temps réel de l’identité des personnes se trouvant sur les lieux de manifestation et déjà fichées, de manière légitime ou non, dans un fichier géré uniquement par la police et sans contrôle indépendant effectif.

Nous craignons, comme plusieurs associations de défense des droits et libertés – de la liberté de manifester, mais aussi du droit à l’image et des libertés numériques – que cela ne puisse servir, comme nous en avons malheureusement déjà vu des exemples, à des gardes à vue préventives et à des abus dans certaines procédures qui constituent des atteintes inacceptables aux droits et libertés.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis défavorable.

L’article 21 est très important et très attendu sur le terrain. Il modifie le cadre juridique actuellement applicable aux caméras mobiles portées par les policiers nationaux et les gendarmes pour prévoir une nouvelle finalité justifiant l’enregistrement, à savoir l’information du public sur les circonstances de l’intervention, ce qui est essentiel en un temps où beaucoup d’images tronquées circulent vite et donnent parfois une impression faussée. En outre, il permet la transmission en temps réel des images au poste de commandement, qui peut aider et guider les agents lors d’opérations difficiles où leur sécurité est menacée, ainsi qu’un accès direct aux images pour les personnes ayant procédé à l’enregistrement ; s’agissant de cette dernière mesure, je retiens l’idée qu’elle doit être plus encadrée et je défendrai un amendement en ce sens.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CL183 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL226 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Par ces amendements, nous proposons deux formulations possibles pour soumettre les caméras embarquées – je parle de celles qui se trouvent à l’avant du véhicule, derrière le pare-brise, et permettent de filmer une intervention, par exemple – au même régime juridique que les caméras piétons que les membres des forces de l’ordre portent sur leur uniforme. Dans le premier amendement, plus large, nous proposons de mentionner les caméras individuelles « et embarquées » ; dans le second, de repli, la formule serait « ou embarquées ».

Mme Alice Thourot, rapporteure. Merci d’appeler mon attention sur les caméras embarquées. À ce stade, je ne suis toutefois pas en mesure de vous dire s’il faut créer un cadre qui leur serait dédié ou si l’on peut se contenter de leur étendre le régime applicable aux caméras individuelles. Je vous propose de retirer les amendements pour que nous puissions creuser cette question très précise et la trancher d’ici à la séance.

M. Philippe Latombe. Je suis désolé, mais je les maintiens : nous avons besoin de discuter de l’ensemble des dispositions relatives aux caméras sur le fondement soit d’un même régime, soit de deux régimes différents. Si vous souhaitez que les caméras embarquées relèvent d’un régime différent mais n’êtes pas en mesure de nous le dire, cela va obérer la qualité de nos débats. Mieux vaut leur attribuer le même régime, et si vous voulez créer un régime spécifique lors de la séance, nous en discuterons à ce moment-là. Mais il faut un cadre clair à nos discussions.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Faute de retrait, mon avis est défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CL29 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard. Il s’agit d’ajouter la police municipale à la police nationale et à la gendarmerie parmi les forces de l’ordre pouvant porter des caméras individuelles dites piétons. De plus en plus de polices municipales en sont de fait équipées, après un parcours un peu chaotique, l’expérimentation effectuée de 2016 à 2018 n’ayant pu être prolongée dans un premier temps parce que le Gouvernement avait oublié de prendre le décret qui le permettait ; cet oubli est maintenant réparé. Nous proposons d’inscrire dans le droit commun le port de ces caméras par les policiers municipaux et d’étendre à ces derniers l’avancée significative que représente l’article, auquel je souscris entièrement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Demande de retrait. Je vous approuve sur le fond : il faut étendre aux policiers municipaux le bénéfice de l’article ; lorsque nous avons fait le point il y a peu sur l’expérimentation que vous évoquez, cette demande d’accès direct aux images est également remontée. Simplement, il faut insérer la disposition au bon endroit dans le code de la sécurité intérieure : ce sera l’objet de mon amendement CL419.

M. Ian Boucard. Après lecture de votre amendement, j’accepte de retirer le mien ; je le redéposerai en vue de la séance si le vôtre pose finalement problème.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL223 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Nous comprenons l’idée d’utiliser l’enregistrement vidéo d’une intervention aux fins d’information du public sur les raisons de celle-ci, mais la diffusion des images captées par les caméras individuelles risque de porter atteinte au secret de l’instruction et, par conséquent, de nuire à l’exercice d’une justice sereine et impartiale. En effet, si les faits sont délictueux, c’est que l’on se situe dans le cadre d’une information judiciaire ou d’une enquête, dans lequel on ne doit pas avoir à montrer les images.

La rédaction actuelle de l’alinéa 6 pose donc problème ; c’est la raison pour laquelle nous proposons de la supprimer.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis défavorable. Je ne comprends pas votre amendement. L’objectif du texte est de permettre de se servir des images pour mieux informer le public, ce qui me semble vraiment nécessaire. Le ministère de l’intérieur doit pouvoir lutter contre des enregistrements sauvages mis en ligne par des gens qui filment des policiers et des gendarmes à cinq centimètres du visage et publient ensuite sur les réseaux sociaux des images tronquées, alors qu’une vue d’ensemble pourrait révéler que la scène est plus complexe.

M. Philippe Latombe. Mais s’il y a intervention, c’est que l’on constate un délit.

M. Stéphane Mazars. Pas forcément !

M. Philippe Latombe. À quoi cela va-t-il alors servir de montrer des images sur les circonstances de l’intervention ?

Mme Naïma Moutchou. Il faut faire œuvre de pédagogie !

M. Philippe Latombe. Ce n’est pas la seule question. Le texte parle de « la formation et la pédagogie des agents ainsi que l’information du public sur les circonstances de l’intervention ». Or ce dernier aspect pose un véritable problème de procédure.

M. Stéphane Mazars. J’ai du mal à comprendre l’amendement. Soyons pragmatiques : si ce qui est filmé et diffusé doit révéler une infraction pénale d’importance telle qu’elle justifie l’ouverture d’une information judiciaire, j’imagine que l’enregistrement sera conservé dans le cadre de la procédure pénale et de l’instruction : il n’aura pas vocation à être diffusé à des fins pédagogiques à l’agent ou au public. Tout cela sera évidemment à la discrétion des détenteurs des images. S’il n’existe pas d’infraction mais un contexte qui mérite d’être mis en évidence vis-à-vis du public, elles pourront être diffusées à son intention ; s’il y a infraction, celle-ci fera l’objet d’une instruction, couverte par le secret du même nom.

M. Raphaël Schellenberger. Il faut absolument conserver la rédaction actuelle de cette partie de la proposition de loi. Dans notre société, la circulation immédiate de l’information, sans rappel du contexte des images diffusées, peut donner à nos concitoyens une idée de la nature d’un événement qu’ils pensent objective parce qu’elle est fixée par ces images, alors que celles-ci ne représentent qu’un point de vue. Pour l’acceptabilité – notion essentielle en matière de politiques publiques – de la légitimité de l’autorité étatique, il faut doter l’État des mêmes outils de communication et d’information que ceux auxquels sont confrontés nos concitoyens intéressés par l’actualité.

Je peux comprendre que cela heurte de vieux principes de droit, mais il faut aussi mettre ces derniers à jour compte tenu des réalités de la société de communication dans laquelle nous vivons. Pour tenir la société, l’État de droit, pour garantir la légitimité de son intervention dans certaines circonstances, il faut donner à nos institutions les moyens de communication adéquats.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’enjeu est de se déniaiser vis-à-vis de ces situations. Soyons clairs : l’autorité, l’État en particulier, est en train de perdre la guerre des images. Les médias et les réseaux sociaux sont alimentés de vidéos souvent tronquées qui assaillent les internautes et vont toutes dans le même sens. Il s’agit ici non seulement de permettre aux caméras de produire leur effet traditionnel – calmer la personne filmée –, essentiel pour les forces de sécurité, mais aussi de rétablir une certaine vérité sur l’intervention, et de manière immédiate. Car si la vérité est toujours rétablie, elle l’est par la justice, avec un décalage par rapport au rythme médiatique qui ne rend jamais justice aux policiers ou aux gendarmes mis en accusation. Il faut pouvoir dire : « Vous avez fait voir cela, mais nous, nous avons tout ceci à montrer. » C’est ainsi que l’on créera un contre-pouvoir et que l’on regagnera du terrain dans la guerre des images.

J’ajoute qu’il ne s’agit pas seulement d’événements couverts par le secret de l’instruction ou de l’enquête, mais de tout incident, à propos duquel l’enquête pourra déterminer ensuite s’il y a ou non délit.

Nous devons lutter à armes égales : dans une société moderne, il n’y a pas de raison que ceux qui représentent l’autorité de l’État aient toujours un temps de retard.

M. Didier Paris. Je suis parfaitement d’accord avec nos deux rapporteurs, tout particulièrement M. Fauvergue. Dans mon rapport d’information sur le secret de l’enquête et de l’instruction, j’estimais qu’il fallait urgemment rétablir l’équilibre en garantissant le droit à l’information du public tout en l’encadrant : c’est ce que vise le présent texte.

S’agissant du secret de l’enquête et de l’instruction, je comprends votre préoccupation, monsieur Latombe, mais les choses se passent à l’inverse : tant qu’une enquête n’a pas été ouverte, les éléments sont publics ; et, dans toutes les enquêtes judiciaires, on va chercher les images publiques pour les intégrer aux éléments, au procès-verbal, et en faire, comme l’a rappelé Jean-Michel Fauvergue, une parole judiciaire qui déterminera la vérité judiciaire. Il y a donc ici une confusion.

Il faut conserver l’équilibre de l’article, donc maintenir son alinéa 6.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je le répète, tout ce qui vise à mieux informer le public sur les circonstances de l’intervention va dans le bon sens. Il faut donc absolument maintenir l’alinéa visé. En outre, il peut s’agir de l’enregistrement d’un simple incident, hors du cadre de toute procédure judiciaire. Il est fondamental que chacun puisse disposer des images pour savoir ce qui s’est passé.

Mme Danièle Obono. Le problème n’est pas seulement procédural. L’enjeu fondamental, éclairé par les interventions successives, est autre : on est en train de fabriquer les bases légales permettant de créer une vérité étatique, gouvernementale. C’est ce qui a été dit par les rapporteurs, appuyés par la majorité : il ne s’agit pas de la vérité judiciaire, mais bien de construire un discours de propagande gouvernementale – j’utilise le terme de propagande de façon tout à fait neutre et je l’assume.

M. Raphaël Schellenberger. Toujours neutre, de la part de La France insoumise !

Mme Danièle Obono. Selon le rapporteur, il y a une guerre des images. Mais contre qui cette guerre est-elle menée ? Les médias, les citoyens ? Qui est en situation de capter ces images, de donner sa vérité ? Que les institutions et l’État les diffusent au motif de montrer ce qui s’est passé, c’est une chose ; mais ne mélangeons pas les genres, ne confondons pas, d’une part, les efforts de l’État pour justifier son action auprès du public et, d’autre part, le travail parlementaire, qui peut contrôler et contester cette action – c’est même notre rôle.

Les vidéos tronquées, coupées de leur contexte, ce ne sont pas seulement les citoyens qui en diffusent, mais aussi les organisations syndicales de la police ! Nous en avons vu de nombreux exemples sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui garantit que l’ensemble du contexte sera rendu par la diffusion assurée par l’État ? En politique, il n’y a pas de vérité absolue, et certainement pas venant de l’État ! L’État de droit, c’est la contestation, y compris celle des différents points de vue.

M. Ian Boucard. Madame Obono, pour qu’une vérité puisse être établie, il faut montrer plusieurs points de vue, mais sur les réseaux sociaux et dans les médias, on n’en trouve qu’un seul. On l’a bien vu avant l’été, quand beaucoup, notamment sur les plateaux de télévision, se sont émus des images de l’infirmière interpellée lors d’une manifestation aux Invalides… avant que des éléments de contexte ne montrent qu’elle avait balancé des pavés sur ses collègues pompiers ! C’est la connaissance du contexte qui permet d’être juste. Quand un membre des forces de l’ordre est défaillant, il doit être sanctionné, mais il ne faut pas partir du principe que la police nationale est toujours en tort, que les policiers et les gendarmes sont toujours les méchants, comme le laissent penser les images diffusées sur les réseaux sociaux par les comptes de proches de vos amis insoumis.

Mme Danièle Obono. Et quand ce sont vos amis d’extrême droite, des policiers syndicalistes d’extrême droite qui diffusent des images tronquées ?

M. Ian Boucard. Mais là, c’est à vous que je répondais, madame. Cela dit, vous avez raison, cela vaut pour tout le monde, et pour l’ensemble des comptes qui diffusent des images. Ce sont les éléments de contexte qui doivent permettre d’établir la vérité – quelle qu’elle soit.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pouvons-nous continuer à nous écouter les uns les autres et avoir des débats sereins, quelle qu’en soit l’acuité ?

M. Éric Poulliat. Je suis absolument outré que l’institution étatique et les ministères aient été comparés à de basses officines politiques qui manipuleraient la vérité et l’information. Quelle image de nos institutions, quand on se dit représentante du peuple, élue de la République ! Quel manque de considération pour ceux qui font profession de nous protéger, de nous sauver ! Comme fonctionnaire, je suis scandalisé que l’on dise que l’institution est à la solde du politique dans sa plus vile dimension. Comment peut-on tenir de tels propos dans cette enceinte ?

Mme Danièle Obono. Vous argumentez contre votre propre texte !

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Avant de reprendre la parole, j’attends que Mme Obono se calme.

Mme Danièle Obono. Je ne me calmerai pas !

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Voyez, cher monsieur Latombe, comme il est important de se déniaiser : Mme Obono, elle, l’a fait ! Entendez son discours : elle déverse son fiel sur la société française et sur les forces de l’ordre. Il nous faut un contre-discours face à cette ultra-minorité…

Mme Danièle Obono. Ça va, ce discours d’extrême droite ! Et vous, vous ne déversez pas votre fiel sur la société française ?

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Calmez-vous, madame Obono !

Mme Danièle Obono. Non, je ne me calmerai pas !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Il est temps d’interrompre nos travaux, je crois ! Nous lèverons la séance après le vote de l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Seconde réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 14h30 (article 21 à article 32)

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9828145_5fa3fba233b00.commission-des-lois--securite-globale-suite-5-novembre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Nous en étions à l’amendement CL335 à l’article 21.

Article 21 (suite) (art. L. 241-1 du code de la sécurité intérieure) : Modifications du régime juridique applicable aux caméras mobiles

La Commission examine l’amendement CL335 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. J’ai bien entendu les invitations de notre rapporteur à nous déniaiser. J’ai peur que ce dépucelage nous fasse perdre notre virginité intellectuelle et déontologique : au XVIe siècle, le mot était utilisé dans plusieurs acceptions…

Notre amendement vise à rééquilibrer l’article, afin que les caméras puissent servir à charge, mais aussi à décharge. Il précise que les caméras-piétons doivent protéger les forces de l’ordre, mais aussi les citoyens.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’article 21 prévoit déjà « la formation et la pédagogie » des agents. Cette mention est appropriée. Je suis donc défavorable à votre proposition.

La Commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement CL336 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Nous souhaitons préciser que les images issues des caméras piétons devront respecter la vie privée des individus filmés par les agents.

Mme Alice Thourot, rapporteure. En droit, cet amendement est satisfait. En outre, sa rédaction pourrait être améliorée. Mais, en matière de protection des droits et libertés, le doute doit profiter à la précision. Retrait ou avis favorable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. M. Molac ne va pas bouder son plaisir en retirant un amendement qui a reçu un avis favorable…

M. Philippe Latombe. À plusieurs reprises, postérieurement à l’adoption du règlement général sur la protection des données (RGPD), notre Commission a expressément introduit cette précision dans différents textes. Cela rend peut-être la loi un peu bavarde, mais il me semble de bon aloi de le préciser également ici.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL100 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL227 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Ces deux amendements sont pratiquement identiques. Je connais le sort que vous allez leur réserver, même si je ne comprends toujours pas pourquoi. Nous souhaitions que les caméras embarquées dans les véhicules motorisés et les caméras individuelles soient soumises au même encadrement juridique. En effet, cela a notamment des conséquences sur la transmission des images captées aux centres appartenant aux municipalités.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Le sujet est juridiquement complexe. En cohérence avec ma position sur votre amendement précédent, je vous demanderai de bien vouloir les retirer, en vue d’un travail commun pour la séance.

M. Philippe Latombe. Même cause, mêmes effets : je ne comprends toujours pas la position de la rapporteure et je maintiens donc les amendements.

M. Éric Pauget. Je soutiens l’amendement de notre collègue. Un peu plus loin, un chapitre est consacré aux drones, qui sont également une nouvelle technologie, et à leur utilisation. Pourquoi ne pas traiter le problème des caméras embarquées ? Le besoin est réel ! C’était l’occasion d’aller au fond du sujet.

M. Éric Pouillat. Soyons bien d’accord : lorsqu’on parle de caméras embarquées, on ne parle pas de caméras aéroportées, mais uniquement de celles installées dans les véhicules.

M. Rémy Rebeyrotte. Le sujet mérite d’être retravaillé en vue de la séance. Il conviendrait que nos collègues retirent leurs amendements, afin que la réflexion s’engage rapidement et aboutisse.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous ne sommes que le 5 novembre. Nous avons douze jours avant le 17 novembre et donc tout le temps de travailler !

M. Philippe Latombe. Il y a beaucoup d’amendements à retravailler !

M. Rémy Rebeyrotte. À la commission des Lois, on a l’habitude ! On sait faire !

M. Philippe Latombe. Je maintiens les deux amendements, d’autant que je ne suis pas signataire de l’amendement CL100, mais nous pourrons y travailler en vue de la séance publique, quoi qu’il arrive.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je ne conteste pas la réalité de la problématique des caméras embarquées. Je dis simplement qu’elles n’existent pas encore juridiquement. Vous voulez les intégrer dans notre droit. Je souhaite vérifier s’il est préférable de créer un régime juridique ad hoc ou s’il faut les raccrocher à un régime juridique existant. Si nous vous proposons d’y retravailler d’ici à la séance, c’est précisément parce que nous voulons prendre en compte vos amendements.

La Commission rejette l’amendement CL100.

Puis elle adopte l’amendement CL227.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, je vous demande de lever correctement la main. Seuls trois d’entre vous ont levé distinctement la main… D’autres mains se sont ensuite levées, mais j’avais déjà annoncé le résultat du vote !

La Commission en vient à l’examen, en discussion commune, de l’amendement CL200 de Mme Marietta Karamanli et des amendements identiques CL50 de M. Sacha Houlié et CL337 de M. Paul Molac.

M. Jérôme Lambert. La proposition de loi prévoit des dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements transmis au centre de commandement. Mais pour éviter toute tentation, nous proposons que les auteurs des enregistrements ne puissent plus y avoir accès après leur transmission – effectuée en temps réel. C’est pourquoi l’amendement CL200 vise à supprimer la disposition qui revient sur l’interdiction pour les personnels d’avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.

M. Sacha Houlié. L’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure réglemente l’usage des caméras mobiles par les agents et dispose que « les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent », ce qui paraît logique si l’on veut garantir l’irréfutabilité d’une preuve.

Si, comme le dispose l’alinéa 9, cette impossibilité d’accès est supprimée, la captation en question perdra de sa force probante. La bonne foi des rapporteurs, en permettant aux policiers de visionner les faits, risque de se retourner contre la police. C’est la raison pour laquelle je propose par mon amendement CL50 de supprimer l’alinéa 9.

M. Paul Molac. Mes arguments à l’appui de l’amendement CL337 sont similaires : on ne doit pas pouvoir douter de la véracité d’un enregistrement. Si un fonctionnaire peut y avoir accès, cela crée un doute : n’a-t-il pas bidouillé certaines images ? N’a-t-il pas supprimé certains passages ? C’est techniquement possible – il suffit d’aller sur internet pour s’en rendre compte, et les jeunes savent très bien le faire. Si une telle interdiction avait été introduite dans la loi, c’était à raison, pour éviter toute dérive. Il convient de la conserver.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je comprends une partie de vos réticences, c’est la raison pour laquelle j’ai moi-même déposé un amendement de précision. Quelles raisons nous ont conduits à intégrer cette disposition ? En l’état actuel du droit, le policier ou le gendarme ne peut pas utiliser les images pour revoir ce qui s’est passé, soit qu’il ait besoin de retrouver quelqu’un très rapidement, soit qu’on ait besoin de bien décrire ce qu’on a vu. Pour ce faire, il faut impérativement que les policiers et les gendarmes puissent avoir accès aux images.

Notons également que l’alinéa 11 prévoit que les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements lorsqu’ils sont consultés dans le cadre de l’intervention. Il est donc absolument impossible de supprimer ou modifier des images. Par ailleurs, mon amendement de précision CL420 limite cette possibilité d’accès direct par les agents à ce qui est nécessaire à l’intervention ou à une procédure judiciaire.

Pour la sérénité de nos débats, il est essentiel d’écarter toute forme de présomption de dévoiement du matériel par les forces de l’ordre : on entend toujours cette petite musique en arrière-fond. Le but de nos forces de l’ordre n’est pas de détourner l’utilisation du matériel qui leur est confié.

M. Sacha Houlié. Nous ne présumons pas une mauvaise utilisation ou un usage malveillant des images par les forces de l’ordre : nous souhaitons simplement préserver le caractère probant de l’enregistrement.

En droit, on ne peut se constituer de preuves pour soi-même. En conséquence, si un policier regarde en temps réel un enregistrement qu’il a réalisé et qu’ensuite l’intervention dégénère, le caractère probant de la vidéo sera dilapidé. Ainsi, la vidéo, censée protéger le citoyen et le policier, n’aura plus aucune utilité.

Je comprends votre préoccupation opérationnelle mais, derrière les postes d’enregistrement, des policiers peuvent apporter ces précisions et échanger avec leurs collègues. La suppression de cette disposition du code est donc inutile et je plaide pour le maintien de l’état actuel du droit.

M. Paul Molac. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur une catégorie de personnes. Mais il en va des policiers ou des gendarmes comme des députés : quelques-uns ne font pas ce qu’il faut, ce qui leur vaut parfois de se faire attraper par la patrouille – on l’a bien vu en 2017… Bien sûr, 98 % des policiers font leur travail très consciencieusement et dans les règles. Reste un tout petit pourcentage, anecdotique ; le problème aujourd’hui, c’est qu’avec les réseaux sociaux, c’est bien souvent la dictature de l’anecdote. Au moindre petit quelque chose, on vient nous demander des comptes, on nous reproche de n’avoir pas fait ce qu’il fallait, on nous enjoint de changer la loi : on le voit pour plein d’affaires différentes. Si la plupart des individus sont vertueux, quelques-uns ne le sont pas, et les institutions et les règles sont surtout là pour ceux-là. J’essaie simplement de faire en sorte qu’il n’y ait pas de déchets, que l’on soit à 100 % et non à 99 % : nous sommes là pour cela. Mais pour le reste, j’ai des rapports très cordiaux avec la gendarmerie, puisque je suis un député rural : je sais qu’ils font très bien leur boulot. La question n’est pas là.

Mme Danièle Obono. Madame la rapporteure, sous-entendez-vous que le travail même des parlementaires consisterait à jeter la suspicion sur toutes les institutions ou les individus ? La loi est aussi là pour encadrer, contrôler et s’assurer de la bonne marche de la société et de l’action des individus. Est-ce à dire que nous jetons systématiquement la suspicion à chaque fois que nous contrôlons ou que nous érigeons des règles pour nous assurer du bon comportement de chacun ? Notre rôle n’est pas de répondre aux demandes et aux besoins de telle ou telle institution – c’est celui de l’État. Notre rôle est de contrôler et de nous assurer que les institutions fonctionnent bien. C’est le principe même de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs.

Ceux qui ont élaboré la théorie et la philosophie du droit avaient-ils l’idée d’une nature humaine foncièrement bonne ou mauvaise ? Ce n’est plus le débat. L’essence même de l’équilibre des pouvoirs est de faire en sorte de contrebalancer certains pouvoirs par des contre-pouvoirs. Par nature, notre travail doit être de suspecter l’État de déborder le cadre de la loi : je vous renvoie à la philosophie politique qui est à l’origine de tout le corpus qui nous régit, en France et dans le monde. Mais je ne laisserai pas dire que, lorsque nous sommes exigeants, nous suspectons indûment !

M. Stéphane Mazars. Je voudrais rebondir sur l’argumentation de Sacha Houlié. Je ne pense pas que le fait, pour un policier ou un gendarme, de procéder à l’enregistrement par une caméra mobile et de visualiser ensuite le film se heurte au principe de l’interdiction de se constituer une preuve pour soi-même. L’enregistrement se fait au fil de l’eau, de manière continue et, j’allais dire, presque objective. Il peut éventuellement constituer l’équivalent d’un procès-verbal de constatation, qui fera, en cas de besoin, l’objet d’une analyse par un officier de police judiciaire autre que celui qui a réalisé le film. Ça me semble être un élément de l’enquête, au même titre que la constatation objective d’un policier ou d’un gendarme. Qui plus est, l’enregistrement peut concerner tout aussi bien une exaction commise contre les forces de l’ordre qu’un un acte commis à l’encontre d’un tiers, une destruction de biens, etc.

Mme Naïma Moutchou. Je rejoins le point de vue de Stéphane Mazars. Je ne crois pas qu’il y ait d’atteinte à la preuve à partir du moment où l’enregistrement n’est pas dénaturé. Mme la rapporteure pourrait-elle nous présenter l’amendement CL420, dans la mesure où, nous a-t-elle dit, il apporte une précision à ce sujet ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous avez raison.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous tenons à maintenir ce dispositif, dont nous avons besoin en raison de son caractère opérationnel, en intervention.

L’amendement de précision CL420 vise à encadrer les conditions dans lesquelles les agents peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent. Il importe de limiter cet accès direct aux seuls cas où il est absolument nécessaire : d’une part, dans le cadre de la procédure judiciaire, par exemple lors de la rédaction d’un procès-verbal, la consultation de l’enregistrement sert à se remémorer exactement les circonstances de l’infraction ; d’autre part, lors de l’intervention, il permet de faire un signalement d’une personne en fuite, par exemple. Je donne un avis défavorable sur les amendements en discussion commune, au bénéfice de l’amendement CL420.

Madame Obono, on ne peut pas faire peser, au sein de la commission des Lois, une présomption de culpabilité systématique sur les forces de l’ordre. Il pourrait être intéressant de sortir parfois de cette vision binaire, avec les gentils et les méchants, que vous nous ressortez à l’occasion de tout type de débat.

Mme Danièle Obono. J’aimerais ne pas être interpellée de la sorte ! Madame la présidente, si vous demandez à nos collègues d’arrêter de m’interpeller de cette manière et de déformer mes propos, je me calmerai. Je ne me laisserai pas traiter de cette manière !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous ai entendue, madame Obono. Maintenant, laissez parler le rapporteur.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Pour répondre à Sacha Houlié, il faut prendre en compte deux points importants. Premièrement, il est déjà arrivé que des preuves vidéo venant de l’extérieur aient été produites dans le cadre d’une procédure. Rien ne s’oppose à ce que de telles preuves soient apportées dans les deux sens. Deuxièmement, si un soupçon de manipulation pèse sur les enregistrements, lors de leur visionnage, il est toujours possible de saisir la justice afin qu’elle enquête sur les faits. Toutes les conditions sont réunies pour nous offrir des garanties en la matière.

M. Sacha Houlié. La constitution de preuves résulte généralement d’une constatation par un procès-verbal dressé par un tiers. Je ne voterai pas l’amendement de Mme la rapporteure, car son exposé des motifs lui-même rappelle qu’un principe de non-accès direct avait été posé par le Conseil d’État. Par ailleurs, les limites qu’elle pose sont totalement insuffisantes, puisqu’elles englobent quasiment tous les cas – la procédure judiciaire et l’intervention – dans lesquels on recourt à l’image.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement CL420 de la rapporteure.

Elle se saisit des amendements CL224 et CL225 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. L’amendement CL224, que je présente au nom du groupe MoDem, a pour objet de compléter l’alinéa 11 par trois phrases qui permettraient de clarifier les modalités d’enregistrement et de sauvegarde des enregistrements. Nous proposons de préciser que « les enregistrements sont conservés unitairement chiffrés, signés et horodatés sur le serveur de stockage. »

Dans la mesure où vous prévoyez une possibilité d’effacement à l’issue d’un certain délai, il faut pouvoir supprimer les enregistrements qui, par exemple, ne font pas l’objet de procédures judiciaires au bout de six mois et, inversement, les garder en cas de mise en œuvre d’une procédure : cela oblige donc à les stocker de façon unitaire. Ils doivent être chiffrés pour éviter des accès indus et sécuriser le dispositif. Enfin, ils doivent être signés et horodatés pour garantir leur traçabilité, à l’image des scellés.

Nous demandons également que le serveur de stockage fasse l’objet de mesures de sauvegarde, et que celles-ci puissent être contrôlées par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). L’amendement CL225 propose des mesures plus larges, sans faire référence à l’ANSSI. Nous avons une préférence pour l’ANSSI, car ce sujet relève typiquement de sa compétence.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Vos amendements, qui ont trait aux conditions de conservation des enregistrements, renvoient en fait aux modalités d’application de l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure et les conditions d’utilisation des données collectées. Elles relèvent donc d’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Cette procédure classique me paraît de nature à garantir des modalités de conservation conformes à vos souhaits. Nous partageons votre objectif. Dans la mesure où vos propositions n’entrent pas dans le cadre du texte en discussion, je vous propose de retirer vos amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. Philippe Latombe. Je n’ai pas l’habitude de mettre dans la loi des dispositions qui relèvent du domaine réglementaire ; mais, compte tenu de la sensibilité du sujet, de la nécessité de garder ces enregistrements comme moyens de preuve éventuels dans le cadre d’une procédure, il paraît intéressant, à des fins de transparence, d’y faire figurer cette mesure. Cela permettrait de sécuriser l’ensemble du processus. Il nous est déjà arrivé dans cette commission comme dans l’hémicycle d’insérer dans la loi, de façon exceptionnelle, des dispositions qui pourraient relever du domaine réglementaire, pour leur conférer une valeur supplémentaire. En l’occurrence, il s’agit de donner une valeur probante à ces enregistrements et à leur stockage, afin d’exclure toute suspicion de modification – ce qui est très important dans le cadre de la relation que les citoyens doivent avoir avec leurs forces de sécurité.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je maintiens mon avis défavorable. La procédure proposée dans le texte présente les plus fortes garanties en termes d’efficacité puisqu’elle prévoit un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL. Il me paraît souhaitable que cette autorité donne son avis dans le cadre de l’application de cet article. Il faut lui faire confiance et s’en tenir à une procédure classique, qui offre de solides garanties – peut-être même davantage que la vôtre.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’examen, en discussion commune, de l’amendement CL419 rectifié de la rapporteure et des amendements CL237 et CL238 de M. Philippe Latombe.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement CL419 rectifié vise à étendre aux polices municipales les avancées permises par l’article 21 en matière de caméras individuelles. Premièrement, le recours à l’enregistrement s’est vu ajouter la finalité suivante : « l’information du public sur les circonstances de l’intervention ». La deuxième avancée est la possibilité de transmission en temps réel des images captées et enregistrées par les caméras mobiles si les agents sont en danger. Les remontées de terrain consécutives à l’expérimentation des caméras mobiles par les policiers municipaux ont révélé une vraie demande de leur part de bénéficier d’un déport en direct des images. La troisième avancée est un accès direct aux images.

En conséquence de l’intégration de cette possibilité d’accès direct, l’amendement prévoit que « les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements lorsqu’ils sont consultés dans le cadre de l’intervention ». Cette garantie est indispensable pour assurer la proportionnalité de l’atteinte au principe du respect de la vie privée.

J’ajoute que cet amendement intègre une obligation de remontée d’informations au ministère de l’intérieur pour les communes qui utilisent des caméras individuelles. Nous avons échangé, au sein de notre Commission, il y a près de trois semaines, sur les remontées de terrain et les retours d’expérience dont nous avions connaissance sur l’utilisation des caméras individuelles par les polices municipales. Les deux principales demandes étaient le déport des images en direct et la remontée d’informations au ministère de l’intérieur, afin qu’il évalue ces dispositifs.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je n’ai pas pu suivre l’intégralité des débats qui ont eu lieu ce matin en Commission, car nous examinions en séance publique les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », sur lesquels j’étais rapporteure pour avis. Bien évidemment, nous souscrivons à l’amendement présenté par Mme la rapporteure puisque nous avons déposé, au nom de notre groupe, deux amendements CL237 et CL238 qui, bien que légèrement différents, vont dans le même sens.

J’aimerais avoir une clarification sur la question des caméras embarquées. Madame la rapporteure, souhaitez-vous que la caméra individuelle, autrement dit la caméra-piéton, dont traitent ces amendements, fasse l’objet d’un régime à part, ou qu’elle soit soumise aux règles applicables à la caméra embarquée dans un véhicule ? Ici même, j’avais sollicité le ministre de l’intérieur sur ce sujet, à la suite de questions que m’avaient adressées des professionnels et des forces de l’ordre. Il avait émis un avis favorable à la mise en place d’un régime spécifique.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous avons tenu un débat ce matin sur la question des caméras embarquées et avons convenu d’y retravailler ensemble d’ici à la séance. Vous avez mis en lumière la difficulté du sujet en demandant s’il fallait aligner leur régime juridique sur celui des caméras individuelles ou créer un régime ad hoc. La question n’est pas encore tranchée.

Je vous demanderai de retirer les amendements CL237 et CL238 au profit de mon amendement CL419 rectifié ; à défaut, je donnerais un avis défavorable.

M. Philippe Latombe. Il aurait été utile que nous ayons sur de tels sujets l’éclairage de deux organes importants de notre démocratie : le Conseil d’État et la CNIL. Vous avez auditionné la CNIL, mais elle ne nous a pas donné d’avis formel sur ces dispositions. Or vous faites référence à cette autorité pour écarter nos amendements.

Nous proposons des amendements différents du vôtre pour deux raisons : premièrement, nous avions travaillé dans l’idée que les caméras-piétons municipales et les caméras embarquées pouvaient être soumises au même régime ; deuxièmement, nous ne souhaitons pas que ces images servent aussi à l’information du public, par exemple sur les circonstances de l’intervention. C’est la raison pour laquelle nous préférons notre rédaction, qui intègre en outre toutes les questions liées à la sécurisation sur les serveurs, avec l’horodatage, la signature, le chiffrage. Le public doit être rassuré sur le fait que ces moyens de preuve sont collectés et gardés dans des conditions parfaitement sûres.

La Commission adopte l’amendement CL419 rectifié.

En conséquence, les amendements CL237 et CL238 tombent.

La Commission adopte l’article 21 ainsi modifié.

Après l’article 21

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements CL184 et CL186 de M. Xavier Batut.

Article 22 (art. L. 242-1 à L. 242-3 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Création d’un régime juridique encadrant le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques

La Commission est saisie de l’article de suppression CL177 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous sommes opposés à l’utilisation de ce que nous considérons être des outils orwelliens, qui permettent une surveillance de masse sans que leur efficacité soit pour autant prouvée. Pendant le confinement, la police et la gendarmerie ont utilisé de manière démesurée des drones pour surveiller massivement la population, et ce dans un très grand nombre de communes : consignes diffusées par haut-parleurs, surveillance vidéo pour filmer les personnes tentant de se soustraire à la police, repérer les contrevenants et contrevenantes et guider les agents au sol, et cela alors qu’il n’y avait aucun cadre légal pour le faire. Le Conseil d’État a d’ailleurs infligé le 18 mai dernier un revers à la préfecture de police de Paris, après un recours de la Quadrature du net et de la Ligue des droits de l’homme, la décision s’appliquant à l’ensemble du territoire : faute de base légale, l’utilisation des drones est interdite. Pourtant, la préfecture de police a continué à s’en servir pour surveiller des manifestations, en toute illégalité. Un nouveau recours a été déposé devant le Conseil d’État.

Avec d’autres, nous pensons que cet article vise à instituer un cadre légal pour utiliser les drones, notamment lors des manifestations, forme d’expression relevant d’un droit constitutionnel, mais pas uniquement, puisque l’article énumère, de manière vague et très large, toute une série d’autres cas de figure. Cela va conduire à l’envahissement de l’espace public par les drones.

Rappelons que, le 12 avril dernier, le ministère de l’intérieur, anticipant les choses, a publié un appel d’offres, d’un montant total de 4 millions d’euros, pour la fourniture de 650 drones, ce qui lui permettra de doubler sa flotte… Cela nous semble une escalade vers une surveillance de masse généralisée, contraire à nos principes et un État de droit.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je suis évidemment défavorable à la suppression de cet article fondamental. Ces technologies existent déjà, elles se développent et le droit ne peut les ignorer. Je rappelle que la CNIL appelle à légiférer sur le sujet, tout comme la Cour des comptes ; il faut impérativement que le législateur s’en empare. On ne peut balayer la question d’un revers de la main.

Le cadre juridique proposé concerne les images aéroportées, et non uniquement les drones. On a besoin de ces caméras notamment pour la protection des bâtiments publics, le secours aux personnes, la sécurisation des rassemblements ou encore la surveillance des littoraux et des zones frontalières.

Mme Danièle Obono. Si nous sommes d’accord sur le fait que ces technologies peuvent être utiles dans certains cas très précis, notamment pour ce qui concerne la défense nationale et la sécurisation de certains bâtiments – nous présenterons d’ailleurs des amendements allant dans ce sens –, nous estimons que la nécessité de légiférer sur le sujet, qui a été soulignée par plusieurs instances, ne doit pas déboucher nécessairement sur un recours étendu à ces outils, ce qu’induit selon nous le présent article. Un tel usage irait bien au-delà des besoins actuels de sécurisation et amènerait à une surveillance de masse, qui nous semble de surcroît non opérationnelle : on n’arrivera jamais à surveiller tous les recoins du territoire. Je ne crois pas que ce soit dans une société de ce type que nous souhaitons vivre. Oui, il faut encadrer ces technologies, mais en déterminant de manière précise leur usage, sans le généraliser, comme le fait cet article.

M. Philippe Latombe. Ayant déposé, ainsi que d’autres membres du groupe MoDem et démocrates apparentés, un certain nombre d’amendements sur cet article, je voudrais en présenter dès maintenant la philosophie. Nous en sommes d’accord, madame la rapporteure : il faut légiférer sur la captation d’images par des caméras aéroportées. En revanche, là où je rejoins Mme Obono, c’est qu’en l’état du texte, cet usage n’est pas assez encadré. Un cadre plus strict permettrait de s’extirper de la jungle juridique dans laquelle on se trouve, avec une procédure au Conseil d’État ayant abouti à la condamnation de l’État pour l’utilisation de drones dans la ville de Paris, et une autre pendante. Il faut donc légiférer, et le faire en apportant des garanties. Tel est le sens de nos amendements, qui visent à limiter le recours à ces technologies au strict nécessaire, de manière à permettre leur utilisation par les forces de l’ordre dans le respect des libertés fondamentales. Si nous aboutissions à ce résultat, l’article 22 aurait du sens, et je pourrai voter en sa faveur ; en revanche, si des garanties n’étaient pas apportées concernant les libertés publiques, je voterai contre.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels identiques CL423 de la rapporteure et CL85 de Mme Emmanuelle Ménard.

Elle en vient à l’amendement CL239 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Il s’agit d’insérer à l’alinéa 4, après le mot « procédé », les mots «, sans recours à la sous-traitance, ». Il faut que les images soient captées, mais aussi traitées directement par les forces de l’ordre, sans recours à des sociétés privées ou à des prestataires de services. L’ensemble de la chaîne doit être sous leur responsabilité directe.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis défavorable : si l’amendement vise l’utilisation des drones dans le cadre des finalités prévues par l’article, aucune sous-traitance n’est possible : l’exercice des missions de police ne se délègue pas. Sur ce point, la jurisprudence est constante.

M. Philippe Latombe. Il s’agit aussi d’empêcher le recours à la sous-traitance pour le traitement des images.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL56 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Nous avons à créer un droit nouveau et à en circonscrire le champ d’application. Vous utilisez dans le texte le terme « aéronef », qui renvoie à l’ensemble des objets qui peuvent voler : les drones, mais aussi les hélicoptères ou les avions. Pour ces derniers, il existe déjà des règles qui autorisent et encadrent leur emploi. Mais pour les drones, en revanche, c’est une nouveauté, conséquence directe de l’ordonnance du Conseil d’État. Ce que je propose, c’est de circonscrire le champ d’application de l’article 22 aux seuls drones.

La définition juridique du drone est très particulière, puisqu’il s’agit d’un aéronef qui circule sans personne à bord – la définition que la direction générale de l’aviation civile a concoctée dans son coin et qui n’est pas forcément la plus adaptée. L’idée de cet amendement est de circonscrire le dispositif aux drones, mais en utilisant le vocable « aéronefs télépilotés », ce qui permettra de l’appliquer à l’avenir aux éventuels drones capables d’embarquer des personnes. Si vous préférez que je revienne à la définition actuelle, je le ferai pour la séance, mais l’objectif était aussi d’imaginer l’avenir des drones.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous avons un désaccord de fond. Le recours à la captation d’images par les autorités publiques est possible au moyen de divers dispositifs : la vidéoprotection, qui dispose d’un cadre juridique depuis le milieu des années 1990 ; les caméras individuelles, qui font l’objet de plusieurs dispositions juridiques en fonction de la catégorie d’agents autorisée à y recourir ; les dispositifs aéroportés, qu’il s’agisse d’hélicoptères dotés de caméras ou de dispositifs innovants comme les drones : il nous semble donc nécessaire de prévoir un cadre législatif qui englobe ces deux possibilités. Avis défavorable.

M. Éric Poulliat. Mme la rapporteure a raison : le mot « aéronefs » ne renvoie pas uniquement aux drones. De surcroît, l’adjectif « télépilotés » réduirait considérablement, et de manière autoritaire, l’acception du terme : il existe aujourd’hui des drones qui peuvent assurer une surveillance de manière totalement autonome, avec une programmation, sans aucune aide humaine – il y a dans ma circonscription une entreprise formidable qui fait cela.

M. Philippe Latombe. C’est précisément pour éviter que l’on utilise des drones autonomes que j’ai choisi cet adjectif, monsieur Poulliat. L’arrêt du Conseil d’État indique bien que ces dispositions ne doivent pas être permanentes ; or des drones programmés, volant de façon autonome, peuvent assurer une surveillance continue.

Madame la rapporteure, les forces de l’ordre peuvent déjà utiliser des hélicoptères ou des avions pour recueillir des images, mais avec d’autres modalités d’emploi. Si vous estimez qu’il faut un régime spécifique pour les caméras embarquées, différent de celui des caméras individuelles, peut-être serait-il nécessaire de prévoir deux régimes distincts, puisque les drones volent à une altitude peu élevée et sont utilisés plutôt en milieu urbain alors que les hélicoptères et les avions vont beaucoup plus haut et peuvent embarquer du matériel bien plus volumineux et précis. D’où ma volonté de restreindre le champ de l’article 22 aux drones.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’article 22 crée en effet un régime juridique spécifique pour les caméras aéroportées, monsieur Latombe. Et pour ce qui regarde les considérations d’ordre strictement technique, je vous rappelle que la procédure prévoit qu’un décret sera pris en Conseil d’État, après avis de la CNIL : des précisions seront bien évidemment apportées dans ce cadre-là, après que nous aurons adopté le texte.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL340 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il s’agit d’interdire explicitement le traitement par des logiciels de reconnaissance faciale des images recueillies par les drones, afin d’éviter une surveillance de masse. Certes, il est des pays où cela se fait… Mais ce ne sont pas forcément, vous en conviendrez, des modèles de démocratie.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Avis défavorable : la proposition de loi ne prévoit pas de cadre juridique pour la reconnaissance faciale – à moins que vous ne proposiez des amendements en ce sens, monsieur Molac. La question ne se pose donc pas.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL240 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Cet amendement procède du même esprit que le CL 239 : il s’agit d’introduire un alinéa précisant que ce dispositif relève de l’autorité publique et que toute sous-traitance est interdite, pour ce qui concerne tant le pilotage des aéronefs que la captation et le traitement des images.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Même avis que sur l’amendement CL 239, par cohérence.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, l’amendement CL201 de Mme Marietta Karamanli.

Elle en vient à l’amendement CL242 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Le dispositif prévu à l’alinéa 5 vise à protéger le droit au respect de la vie privée. Nous souhaitons garantir aussi le droit à la protection des données à caractère personnel, en vertu de la législation européenne, à savoir l’article 3 de la directive dite police-justice de 2016. À cette fin, le présent amendement reprend la formulation utilisée dans la décision du Conseil d’État du 18 mai 2020, qui a condamné l’État pour l’utilisation de drones dans la ville de Paris, dans laquelle il est expressément fait mention des informations « se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ».

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous avons là un autre désaccord de fond : la rédaction que vous proposez va à l’encontre de plusieurs finalités du recours aux drones, notamment la constatation et la poursuite des infractions. Avis défavorable.

M. Philippe Latombe. Dans la mesure où il s’agit de mesures qui risquent de porter atteinte tant à la vie privée qu’aux données personnelles, je regrette vivement que nous n’ayons pas à notre disposition certains documents qui auraient contribué à éclairer notre opinion, notamment des avis préalables du Conseil d’État et de la CNIL. Il reste que nous disposons d’un avis indirect, avec la décision précitée du Conseil d’État, dont je reprends précisément la rédaction ; il serait bon d’en tenir compte.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je maintiens qu’on a besoin de recourir à ces outils pour la constatation et la poursuite des infractions. Qui plus est, il est précisé à l’article 22 que « lorsqu’elles sont mises en œuvre sur la voie publique, les opérations […] sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. »

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL243 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Je le répète : nous souhaitons que des garanties du même ordre soient apportées à la protection non seulement de la vie privée, mais également des données personnelles, conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD). Il faut notamment que le public soit informé de l’utilisation de caméras installées sur des aéronefs, non seulement de la manière prévue à l’alinéa 7, mais aussi préalablement à l’enregistrement, et que cette information soit délivrée avec clarté et intelligibilité. C’est une des exigences mentionnées dans l’ordonnance du Conseil d’État.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Dans de nombreux cas d’usage, l’information ne peut pas être préalable ; je pense à la constatation d’infractions et aux poursuites qu’elles entraînent. Avis défavorable, donc.

Pour ce type de dispositifs, je le rappelle, la procédure applicable, qui combine décret en Conseil d’État et avis préalable de la CNIL, me paraît très protectrice des droits. C’est un élément qui ne peut pas être balayé d’un revers de main.

M. Philippe Latombe. Qu’il faille prendre un décret en Conseil d’État, je le comprends : c’est au demeurant une obligation en ces matières. Reste que la Constitution confie au législateur, et c’est heureux, le soin d’encadrer les finalités et les modalités de ce type de dispositif. On ne peut pas tout renvoyer au Conseil d’État ! Que celui-ci nous éclaire par un avis préalable à l’examen du texte et que le Gouvernement soit ensuite tenu de le consulter avant de prendre un décret, c’est une chose. Mais, entre ces deux étapes, le législateur a tout de même la latitude d’intervenir. Ou alors il ne sert à rien ! C’est ce que, pour la troisième fois depuis ce matin, vous semblez nous dire, puisque vous nous soumettez un texte très large en invoquant un décret en Conseil d’État. Autant prendre une ordonnance, en attendant une ratification plus tard ! Je suis désolé de vous le dire, mais ce n’est pas respectueux du rôle des députés, qui est de faire la loi !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL338 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Aux termes de l’alinéa 7, le public doit être informé de la captation d’images réalisée à l’aide de drones, « sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». Le moins que l’on puisse dire est que le champ des exceptions est ouvert : une telle rédaction permet de justifier tout et n’importe quoi ! Je propose donc que l’on supprime cette partie de l’alinéa 7.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Pour information, cette exception est également en partie prévue pour les caméras individuelles. Au demeurant, la formulation proposée me paraît équilibrée. Je suis donc défavorable à sa suppression.

Monsieur Latombe, je ne crois pas que le législateur ne sert à rien. Ne sommes-nous pas en train d’examiner une proposition de loi, c’est-à-dire un texte d’origine parlementaire ?

M. Éric Diard. Pas uniquement parlementaire…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. C’est malhonnête de dire cela, monsieur Diard ! Les travaux de M. Fauvergue et de Mme Thourot, que vous avez suivis, ont débuté il y a deux ans et demi, et on ne peut vraiment pas dire qu’ils n’ont pas été parlementaires, d’un bout à l’autre.

M. Paul Molac. Je maintiens l’amendement, car le texte me paraît mal écrit : la restriction est beaucoup trop large. Je ne ferai pas à nos rapporteurs l’offense de dire qu’ils ont mal travaillé. Je crois qu’ils ont un bon esprit, mais leur logique n’est pas forcément la même que la nôtre.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cela, on peut l’entendre.

M. Philippe Latombe. Madame la rapporteure, je n’ai pas affirmé que vous n’aviez pas travaillé ; je dis simplement que, sur de nombreux sujets, un certain nombre d’entre nous ont le sentiment d’être dépossédés de leur pouvoir de législateur.

Cela étant dit, je soutiens l’amendement de M. Molac, qui s’inscrit dans la même logique que les miens, même si son objet est beaucoup plus large puisqu’il vise à supprimer une partie de l’alinéa 7.

M. Éric Pauget. Je veux saluer les travaux de nos deux rapporteurs, qui vont bien au-delà du texte qui nous est proposé. C’est pourquoi il aurait été intéressant que l’on s’émancipe, lors de son élaboration, de la tutelle du ministère de l’intérieur.

M. Éric Poulliat. Je regrette le ton professoral qu’adopte M. Latombe pour nous expliquer la manière dont il convient de légiférer. Cela m’étonne, venant d’un député de la majorité, ou qui se prétend tel… En tout état de cause, notre collègue devrait être davantage respectueux du travail accompli par nos rapporteurs.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Monsieur Latombe, je vous ai répondu sur le fond lorsque vous m’avez interpellée sur le fond. Mais en l’occurrence, j’ai simplement précisé les modalités d’application du texte, à savoir un décret en Conseil d’État après avis de la CNIL, dont nous ne devons pas ignorer l’important travail.

Par ailleurs, ce texte est bien d’origine parlementaire ; nous y avons beaucoup travaillé, M. Fauvergue et moi. Je ne peux donc pas laisser dire qu’il serait l’œuvre du Gouvernemento. Même si, je tiens à le souligner, notre excellent ministre de l’intérieur nous a apporté son soutien plein et entier.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CL421 de la rapporteure et CL206 de M. Dimitri Houbron.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement CL421 nous a été inspiré par l’audition de la CNIL : il s’agit de préciser que l’information générale du public est organisée par le ministère de l’intérieur.

M. Dimitri Houbron. Le texte prévoit l’information du public sans toutefois en préciser les modalités pratiques, qui peuvent s’avérer compliquées s’agissant de la circulation de drones. En proposant par l’amendement CL206 que cette information se fasse grâce à une publication au Journal officiel, nous ne prétendons pas détenir la solution, mais nous souhaitons provoquer, d’ici à la séance publique, une réflexion commune sur les modalités d’une information effective du public. En effet, je suis assez réservé sur la solution consistant à laisser la main au ministère.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Monsieur Houbron, je vais abuser de ma position de rapporteure en donnant un avis défavorable à votre amendement et en vous invitant à voter le CL421, que je juge meilleur. (Sourires.)

La Commission adopte l’amendement CL421.

En conséquence, l’amendement CL206 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement CL57 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Je n’ai pas adopté un ton professoral : j’ai simplement indiqué que c’est le rôle du législateur – mais on peut en avoir une conception différente – d’interdire et d’autoriser.

Du reste, la CNIL nous a demandé à plusieurs reprises de prendre position sur l’utilisation de la reconnaissance faciale dans le cadre de la vidéoprotection ou de l’utilisation d’images mouvantes. C’est pourquoi je propose, par cet amendement, de compléter l’alinéa 8 par les mots : « ni utiliser de système de reconnaissance faciale ».

Cette précision – je réponds par avance à une objection qui pourrait m’être faite – n’exclurait pas la possibilité de recourir à cette technologie dans le cadre d’une expérimentation limitée dans le temps et dans l’espace ou dans le cadre de manifestations exceptionnelles lors desquelles les menaces, notamment terroristes, sont très particulières : les Jeux Olympiques, par exemple, ou des manifestations sportives à caractère international. L’adoption de l’amendement permettrait, en revanche, d’interdire le recours à cette technologie dans le cadre d’opérations de police ou de sécurité intérieure telles que des manifestations.

Ce faisant, non seulement nous affirmerions nos valeurs, mais nous répondrions à la demande de la CNIL, qui est de plus en plus souvent confrontée à des initiatives locales telles que celles qui ont été prises à Marseille, à Nice ou à Cannes, où l’utilisation de systèmes de reconnaissance faciale a fait l’objet de recours devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’État. Le législateur, je le répète, doit prendre ses responsabilités et dire ce qui est autorisé et ce qui est interdit.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Le texte ne traite pas de la reconnaissance faciale dont l’utilisation n’est, pour l’heure, pas encadrée au plan législatif, comme vous l’avez vous-même souligné. Avis défavorable, donc.

Je trouve tout de même assez cocasse que vous défendiez un amendement visant à interdire les systèmes de reconnaissance faciale tout en nous expliquant que vous y êtes favorable dans certains cas… Cela ne manque pas de sel.

M. Philippe Latombe. Pas du tout ! J’ai seulement précisé que l’adoption de cet amendement n’interdirait pas de recourir à un système de reconnaissance faciale dans des cas particuliers, notamment dans le cadre d’une expérimentation limitée dans le temps et dans l’espace. Je n’ai pas dit que j’y étais favorable ; j’ai dit que l’amendement ne s’y opposait pas. Ce n’est pas en détournant mes propos que vous apaiserez les esprits !

M. Éric Pauget. Nous sommes, quant à nous, très favorables à l’utilisation de nouvelles technologies, notamment celle de la reconnaissance faciale – pourvu qu’il en soit fait un usage proportionné – que plusieurs pays ont déjà adoptée. Nous sommes en retard dans ce domaine. C’est pourquoi je regrette que le texte n’ait pas ouvert la porte à un travail avec la CNIL à ce sujet. Si on aborde la question sous l’angle de la proportionnalité, en recourant à des algorithmes et à l’intelligence artificielle afin de cibler des fichiers précis, on doit pouvoir doter la France d’un cadre légal d’utilisation de ces nouveaux moyens de contrôle et de sécurité.

M. Éric Diard. Le groupe Les Républicains avait déposé des amendements favorables à la reconnaissance faciale, mais ils ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ou de l’article 45. Pourtant, et M. Latombe a raison sur ce point, nous devons débattre de cette question. Le vide juridique actuel est d’autant plus regrettable dans le contexte sécuritaire actuel et à l’approche des Jeux Olympiques de 2024. Le fait qu’un texte intitulé « Sécurité globale » n’aborde pas cette question me paraît une grosse lacune.

Mme Alice Thourot, rapporteure. La question de la reconnaissance faciale est assez lourde et devrait faire l’objet d’un texte spécifique et d’une étude préalable approfondie. Mais il est vrai que la CNIL et la Cour des comptes appellent de leurs vœux un encadrement juridique de l’utilisation de cette technologie.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL422 de la rapporteure.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Il s’agit de préciser que si la formation ne peut pas être pas une finalité du recours aux drones, les enregistrements issus de ces drones peuvent en revanche être recyclés pour être utilisés à des fins de formation des agents.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL162 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Nous proposons de ramener de trente à quinze jours la durée de conservation des images et de limiter ainsi l’atteinte à la protection des données personnelles.

Mme Alice Thourot, rapporteure. La durée de trente jours permet de garantir un équilibre entre la sauvegarde de la vie privée et les nécessités opérationnelles associées aux usages envisagés. En outre, elle permet de respecter le parallélisme des formes et des régimes, puisque c’est le délai retenu dans le droit positif pour les images issues de la vidéoprotection. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CL339 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il convient d’encadrer l’utilisation de drones filmant la voie publique en demandant aux forces de l’ordre d’en justifier la stricte nécessité et la proportionnalité au regard des objectifs et moyens de contrôle existants.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Ma réponse ne plaira pas à M. Latombe… Cet amendement me semble satisfait puisque les modalités d’application de l’article 22 sont renvoyées à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL. (Sourires.) J’ajoute que l’utilisation des drones est également soumise au contrôle du juge, qui peut, le cas échéant, être saisi en référé. Avis défavorable.

M. Paul Molac. Ce que nous proposons est un simple garde-fou. En précisant que la mesure doit être nécessaire et proportionnelle – ce qui est une exigence assez classique –, on fixerait une ligne claire qui aiderait le Conseil d’État à statuer.

M. Philippe Latombe. En effet, madame la rapporteure, votre réponse ne me plaît pas – mais ce n’est pas grave. De manière générale – et j’en profite pour défendre l’amendement CL70 –, il me semble, ainsi qu’à un certain nombre de députés de mon groupe, que l’article 22 pose un problème de proportionnalité et définit des finalités trop larges. L’amendement de M. Molac nous convient puisqu’il nous offre la possibilité d’imposer le respect de la nécessité et de la proportionnalité, qu’il revient au juge d’apprécier in concreto.

Mme Alice Thourot, rapporteure. L’amendement n’a guère d’utilité dans la mesure où il ne fait que rappeler un principe général du droit : le juge apprécie la nécessité et la proportionnalité de la mesure au regard des objectifs et des moyens employés.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL401 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Le Gouvernement juge indispensable que le recours au drone soit possible pour prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants. Cette finalité me paraît importante. Je suis donc favorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL402 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Il s’agit de proposer, pour l’alinéa 16, la rédaction suivante : « La protection des intérêts de la défense nationale et des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale ; ». Je lui donne un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CL70 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 17, qui inclut dans les finalités de l’utilisation des drones la régulation des flux de transport, dont on se demande pourquoi elle figure dans cette liste. Il nous semble que cet alinéa s’éloigne de l’objet d’un texte qui traite de la sécurité intérieure.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cette finalité, qui existe déjà s’agissant de la vidéoprotection, n’est pas trop large et ne permet pas une surveillance généralisée. Il s’agit notamment de permettre de contrôler les flux sur les principales voies routières dans un objectif de prévention des incidents en matière de sécurité routière. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CL247 de Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Cet amendement vise à permettre la surveillance des rodéos motorisés par caméras aéroportées. Les conditions dans lesquelles ont lieu ces rodéos sont extrêmement dangereuses à la fois pour les forces de l’ordre, les riverains et les personnes qui les pratiquent. Leur surveillance par caméras aéroportées faciliterait la lutte contre ce fléau en permettant aux forces de l’ordre de coordonner au mieux leur action sans mettre en danger leurs vies, celles des autres usagers de la route et celles des riverains et passants.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous avons déjà évoqué hier ce problème. Je vous propose de retirer votre amendement afin que nous puissions travailler ensemble d’ici à la séance publique et lui apporter la meilleure réponse législative possible.

Mme Isabelle Florennes. Je suis un peu soufflée… Cela fait trois semaines que j’essaie d’avancer sur cette question. Vous nous avez dit que ce problème était important, qu’il fallait avancer, et nous avons maintenant l’opportunité d’ajouter un alinéa en ce sens – il aurait été d’ailleurs intéressant que le Gouvernement soit représenté et qu’il nous donne son avis. C’est la seule occasion dont je dispose : en dehors de ce texte, c’est impossible. Discutons donc après avec le Gouvernement !

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je vous propose d’émettre un avis favorable à l’adoption de cet amendement, qu’il est en effet préférable de voter aujourd’hui et, le cas échéant, de retravailler ensemble à sa rédaction.

M. Rémy Rebyrotte. Nombre de personnes sont préoccupées par ce problème que nous vivons au quotidien. Un texte a été adopté, qui renforce la lutte contre les rodéos motorisés. Notre collègue Natalia Pouzyreff, avec d’autres, a été chargée d’une mission à ce sujet, sur lequel plusieurs groupes travaillent. La solution proposée par Mme la rapporteure est la bonne : votons cet amendement, mais retravaillons avec la mission en cours : il serait tout de même ennuyeux que des collègues qui travaillent sur cette question apprennent que nous avons avancé avant même qu’ils aient achevé leurs travaux. Comme je le constate s’agissant du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), coordonner missions et textes législatifs n’est pas chose facile… Mais nous allons y arriver. L’ouverture dont a fait preuve Mme la rapporteure est de très bon aloi.

M. Éric Diard. Après la reconnaissance faciale, nous sommes en train de renvoyer aux calendes grecques la surveillance des rodéos avec les drones, ce que je déplore car nous sommes quasiment tous d’accord, y compris le ministre de l’intérieur, qui semble considérer que c’est une bonne solution. Il faudrait donc attendre l’achèvement des travaux de la mission, puis, celui d’une autre mission ? Pour la reconnaissance faciale, le Conseil d’État et la Cour des comptes nous pressent, et nous n’agissons pas. Nous avons là l’occasion de montrer, qui plus est à travers une proposition de loi, que nous tenons à être proactifs sur un problème qui pourrit la vie de milliers de Français.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous sommes en effet tous d’accord, d’où mon avis favorable.

M. Éric Pauget. J’aurais souhaité une méthode identique, ce matin, lorsque nous avons abordé la question de l’identification des agents de sécurité privée. Je ferme la parenthèse.

Je suis pour ma part très favorable à cet amendement. Sur les rodéos, nous sommes tous d’accord : si nous n’envoyons pas de signaux sur ces phénomènes qui pourrissent la vie de nos concitoyens, nous passerons à côté. Il faut y aller et cesser de tergiverser et d’attendre ceci ou cela !

M. Éric Poulliat. Je remercie notre collègue Florennes d’avoir déposé cet amendement, que les députés du groupe La République en marche seront très heureux de voter. Nous souhaitions nous aussi pouvoir avancer sur ce sujet. Et si des éléments complémentaires doivent y être apportés, nous le ferons avec plaisir.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL68 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Je n’aurai sans doute pas le même succès que ma collègue, ce qui est dommage ! Je vais peut-être la laisser le défendre (Sourires) !

Mme Isabelle Florennes. Nous appartenons à la même majorité…

M. Philippe Latombe. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 18 relatif à la surveillance des littoraux et des zones frontalières, généralement assurées par d’autres moyens que les aéronefs, mais je crois comprendre compte tenu de votre réponse initiale, madame la rapporteure, que vous y serez défavorable. Globalement, nous avons un problème sur les finalités…

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’y tiens, à cet alinéa : la surveillance des littoraux et des zones frontalières est une finalité fondamentale : songez aux effets des dégazages des navires à proximité des côtes. Il est essentiel de pouvoir utiliser des drones à des fins de surveillance. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’amendement CL216 de M. Fabien Matras est tombé suite à l’adoption de l’amendement CL422.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL202 de Mme Marietta Karamanli.

Elle adopte l’article 22 modifié.

Après l’article 22

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL80 de M. Philippe Gosselin.

La Commission examine l’amendement CL164 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. C’est le pendant d’un amendement relatif à la sous-traitance que vous avez rejeté.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

 

TITRE IV

Dispositions relatives

aux forces de sÉcuritÉ intÉrieure

Avant l’article 23

La Commission examine l’amendement CL120 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Pauget. L’amendement CL120 étend la protection de l’identité des policiers nationaux et des gendarmes à toutes les procédures portant sur un crime ou un délit.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cet amendement a l’avantage de la simplicité puisqu’il conduirait à identifier tous les policiers et les gendarmes à travers leur numéro d’immatriculation dans toutes les procédures. La chose est d’ores et déjà possible pour traiter un certain nombre d’infractions punies d’au moins trois ans de prison ou, en deçà de ce seuil, lorsqu’il existe des circonstances particulières dans la commission des faits ou que la personnalité du mis en cause présente des traits laissant craindre une mise en danger de l’agent ou de ses proches.

Cela étant, force est de reconnaître que ce n’est pas l’idéal d’une procédure judiciaire. Être interrogé par des numéros d’immatriculation, c’est un peu le monde redouté du Procès de Franz Kafka. Cela ne peut se justifier que par une motivation d’intérêt général.

Protéger le policier ou le gendarme d’un danger est évidemment conforme à l’intérêt général. Dissimuler son identité en l’absence de danger, en revanche, n’est pas quelque chose d’évident. La police et la gendarmerie ont des missions au contact du public ; il n’est pas possible de dissimuler en permanence l’identité des fonctionnaires et des militaires. Nous préférons en rester à l’état actuel du droit, qui nous paraît satisfaisant et que les représentants des agents concernés n’ont à aucun moment jugé défaillant au cours de nos auditions.

Avis défavorable à cet amendement, quoique l’idéal serait de le retirer.

M. Éric Pauget. En l’absence de l’auteur de l’amendement, l’idéal n’est pas accessible…

La Commission rejette l’amendement.

Article 23 (art. 43-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Suppression des crédits de réduction de peine à la suite d’infractions sur des personnes exerçant certaines missions de service public

La Commission examine l’amendement de suppression CL178 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Cet article supprime les crédits de réduction de peine pour les individus condamnés suite à des infractions commises contre des gendarmes, des policiers, des pompiers et des élus. Actuellement, cette suppression ne s’applique qu’aux condamnés pour terrorisme. Nous ne comprenons pas en quoi l’évolution proposée améliorerait la sécurité des Français, des policiers, des gendarmes, des pompiers et des élus.

Tout comme nous, la défenseure des droits relève dans cet article le risque d’atteinte aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi, de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines. Qui plus est, cela créerait au sein de la fonction publique une discrimination à l’égard d’autres catégories d’agents eux aussi en contact avec le public et cibles potentielles d’atteintes sans que leurs auteurs, une fois condamnés, n’aient à craindre la suppression des crédits de réduction de peine. Au demeurant, nous y voyons une mesure de rétorsion et non de justice, une manière d’appliquer une peine après la peine.

Cet article nous paraissant poser problème à de multiples niveaux, nous en demandons la suppression.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cet article, important, renvoie à la problématique générale des violences commises à l’encontre des policiers, des gendarmes, des pompiers ainsi que des élus. Il s’agit de supprimer la réduction de peine automatique prévue à l’article 721 du code de procédure pénale pour les personnes condamnées à des peines privatives de liberté suite à des infractions commises contre les gendarmes, les policiers, les pompiers et les élus. Nous parlons bien d’une réduction de peine automatique : un condamné à un an de prison, par exemple, bénéficie automatiquement, en application de l’article 721, d’une réduction de peine de trois mois.

L’article 721-1, qui n’est pas visé dans la proposition de loi, prévoit une réduction de peine individualisée – quelqu’un qui est condamné à un an de prison peut ainsi bénéficier de trois mois supplémentaires. Autrement dit, il peut sortir de prison au bout de six mois.

En supprimant la réduction automatique de peine de l’article 721, nous voulons mettre un frein aux agressions de policiers, de gendarmes, de maires, de pompiers, de ceux qui se battent pour notre sécurité. En fait, nous voulons donner de la sécurité à ceux qui assurent notre sécurité. Et nous voulons aussi, d’une certaine manière, mettre un terme à la mansuétude certaine dont ils font l’objet. J’émets un avis défavorable à cet amendement.

Mme Danièle Obono. Cette méthode n’est pas la bonne et elle ne saurait être légitimée. Il n’est pas question de mansuétude : nous parlons de personnes condamnées qui, comme le prévoient le droit et la loi, ont accompli une partie de leur peine. Pourquoi ajouter une peine à la peine, une mesure de rétorsion, si ce n’est dans une logique de revanche, de vengeance ? De surcroît, cela n’aura aucun effet dissuasif alors que la sanction doit précisément dissuader. Vous n’obtiendrez pas les résultats que vous escomptez, si ce n’est maintenir en prison des gens qui devraient pouvoir en sortir.

Il faut être effectivement ferme s’agissant de toutes les atteintes aux personnes, en particulier à l’endroit des agents du service public et des dépositaires de l’autorité publique, mais nous avons tous les outils pour cela. Or, ce que vous proposez est à la fois inutile et très inquiétant.

Mme George Pau-Langevin. Si je comprends l’esprit de cet amendement, je comprends également que l’on veuille protéger, autant que faire se peut, les policiers, les gendarmes, bref les agents d’autorité. Cela étant, une fois que les coupables sont emprisonnés, si l’on veut que les choses se passent le moins mal possible, encore faut-il leur donner l’espoir de voir leur situation s’améliorer pour peu qu’ils se comportent correctement. À l’inverse, si l’on supprime certaines possibilités de réduction de peine, on complique significativement la tâche des gardiens de prison qui se retrouvent face à des gens qui n’ont pas grand-chose à perdre. Or c’est une profession difficile, pour laquelle on a le plus grand mal à recruter. Cet aspect des choses mériterait d’être pris en compte.

M. Éric Diard. Les violences à l’encontre des policiers, des gendarmes, et, fait assez nouveau, des pompiers, se multiplient. Nous ne parlons pas d’aggraver les peines, mais de ne pas accorder certains crédits de réduction automatiques. Les individus coupables de violences à l’encontre de ces professions ne peuvent bénéficier de telles dispositions : c’est simplement la fin d’un avantage indu.

Mme Laurence Vichnievsky. Sans aborder le débat relatif aux crédits de réduction de peine automatiques – auxquels je suis à titre personnel totalement opposée –, je comprends et je suis sensible à l’argument de notre collègue George Pau-Langevin. Mais les réductions supplémentaires de peine dont elle parle ne sont pas concernés. Ce dont il est question dans cet article, c’est le crédit de peine automatique, mis en place à l’époque afin de désengorger les prisons, et qui n’est pas exclusif des remises de peine pour bonne conduite.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Précision utile !

M. Paul Molac. Il me semble que les peines sont déjà aggravées dès lors que les faits ont été commis à l’encontre de détenteurs de l’autorité publique, et que leurs auteurs sont plus lourdement condamnés. Quant aux réductions de peine, elles ne sont pas automatiques…

Mme Laurence Vichnievsky. Mais si, justement !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Il existe en fait deux sortes de crédits de réduction de peine : des crédits automatiques et des crédits facultatifs à la main du juge en fonction de la conduite du détenu.

M. Paul Molac. Le problème visé est bien celui de la réinsertion : une fois qu’une personne a accompli sa peine, elle doit être réinsérée. En outre, cela laisserait entendre que, pour un même délit, des personnes soient jugées différemment… Cela me paraît compliqué.

M. Thomas Rudigoz. Je reviens aux propos de Mme Danièle Obono : il n’y a pas de volonté de revanche, mais bien une volonté de durcissement de la sanction. Comme l’a dit M. Éric Diard, les agressions contre les forces de l’ordre, la gendarmerie et la police nationales, et désormais contre les pompiers, se multiplient. Je me suis récemment rendu dans une caserne de Lyon, où plusieurs pompiers m’ont expliqué que la situation devenait insupportable, au point qu’ils se rendaient dans certains quartiers la peur au ventre. Évidemment, le durcissement des sanctions ne constituera jamais une garantie, mais l’introduction d’une certaine graduation de la peine peut avoir un effet. M. Paul Molac parlait tout à l’heure du caractère spécifique de certains corps de métiers et de certaines personnes détentrices de l’autorité publique : la suppression du crédit de réduction de peine automatique sera un signe à l’adresse de ceux qui agressent nos forces de l’ordre. Au vu de la gravité de la situation, cela me paraît nécessaire.

Je rejoins la position exprimée par Mme Laurence Vichnievsky : le principe d’une réduction de peine pour bonne conduite n’est pas remis en question. Un détenu qui fera preuve d’un bon comportement pendant sa détention continuera d’en bénéficier. Mais la réduction de peine automatique n’est en effet plus acceptable pour ce type de délinquant.

M. Éric Pauget. Je suis totalement favorable à cet article. Ce système de crédit automatique de réduction de peine s’avère psychologiquement dévastateur pour les victimes : j’irai jusqu’à dire qu’elles le ressentent comme une sanction. Et pour la société, il est incompréhensible qu’un condamné n’aille pas au bout de sa peine et bénéficie d’une remise automatique sans que l’on sache s’il s’est bien comporté ou non.

J’en profite pour défendre par avance mes amendements CL287 et CL289 qui élargissent le dispositif proposé à d’autres professions incarnant l’État et la Nation, notamment les journalistes et les professeurs.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. J’ai essayé dès le départ de faire preuve de pédagogie en décrivant les deux cas de réduction de peine : nous visons la seule réduction automatique. Pourquoi ? Parce que nous visons l’effectivité – et non la dureté – de la sanction pénale une fois qu’elle est prononcée. Il ne saurait être question, tant pour nous, législateurs, que pour la justice, d’un quelconque esprit de revanche ou de vengeance : nous sommes en train de faire la loi, et de faire en sorte de protéger ceux qui nous protègent.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite les amendements CL287 et CL289 de M. Éric Pauget

M. Éric Pauget. Ces amendements suppriment les crédits de réduction de peine pour les infractions commises envers les policiers et les gendarmes nationaux, les élus et les sapeurs-pompiers, mais également à l’encontre des policiers municipaux, des juges, des professeurs, des journalistes et des douaniers. J’ajoute que ce système de crédit automatique crée un sentiment d’impunité dans la population qui n’est ni tolérable ni acceptable.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Nous avons souhaité retenir les professions par nature exposées aux agressions parce qu’elles sont appelées à traiter, sur le terrain et non sans risque physique, des problématiques en marge de la loi. Nous avons ainsi retenu les élus – de terrain ou autres, puisque nous-mêmes pouvons également au cours de notre mandat être victimes –, les gendarmes, les policiers et les pompiers.

Au cours de nos travaux, notamment grâce à vos amendements et en particulier à celui de notre collègue Éric Diard, nous avons compris que cette liste était incomplète et qu’il serait légitime d’y ajouter la police municipale, la douane et l’administration pénitentiaire.

En revanche, si je ne remets aucunement en cause l’autorité et la dignité des préfets, des magistrats et des journalistes, ces professions n’interviennent pas dans un cadre comparable, sur le terrain. Elles ne s’exposent pas physiquement par nature : il ne serait donc pas cohérent de les inclure dans le périmètre.

Je ne cache pas que le cas des enseignants est beaucoup plus délicat. Nous avons hésité sur ce point et cela durera certainement jusqu’à la séance publique. Si l’actualité montre que le danger est présent, nous trouvons difficile de tenir les élèves pour un public dangereux – du reste, le danger ne provient généralement pas des élèves eux-mêmes. La réflexion doit donc se poursuivre. Peut-être le Gouvernement pourrait-il s’emparer du sujet dans le cadre du projet de loi de lutte contre le séparatisme.

Pour l’heure, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’y serais défavorable.

M. Éric Pauget. Votre texte ne prévoit pas d’inclure dans le périmètre les policiers municipaux.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Cela fera l’objet d’un amendement.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient aux amendements CL123, CL124 et CL121de M. Éric Ciotti.

M. Ian Boucard. Il s’agit, dans le même esprit, d’étendre cette liste au « fait de causer […] par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui », prévu à l’article 221-6 du code pénal.

L’amendement CL124 vise de même à insérer, à l’alinéa 2, la référence à l’article 221-6-1 du code pénal.

L’amendement CL121 supprime également les réductions supplémentaires de peine prévues à l’article 721-1 du code de procédure pénale.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Vos amendements ne fonctionnent juridiquement pas : les violences involontaires ne sont jamais aggravées en fonction de la personne de la victime puisqu’elles sont précisément involontaires. Par ailleurs, on ne peut pas considérer que des blessures par imprudence sont équivalentes à des blessures infligées volontairement, tant sur l’élément moral du délit que sur le risque de récidive. Je suis par conséquent défavorable aux trois amendements.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle se saisit ensuite des amendements CL207 de M. Hervé Saulignac, CL244 de Mme Laurence Vichnievsky, CL415 du rapporteur, CL125 de M. Éric Ciotti, CL31 de M. Ian Boucard et CL122 de M. Éric Ciotti, des amendements identiques CL30 de M. Ian Boucard, CL205 de M. Stéphane Mazars et CL214 de Dimitri Houbron, ainsi que des amendements CL69 de M. Stéphane Mazars, CL10 de M. Éric Diard, CL319 de Mme Aude Luquet, CL288 de M. Éric Pauget, CL208 de M. Hervé Saulignac et CL32 de M Ian Boucard.

Mme George Pau-Langevin. L’article 23 limite le bénéfice des mesures de réduction de peine pour les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions commises à l’encontre des forces de sécurité intérieure. L’amendement CL207 exclut les personnes investies d’un mandat électif public des victimes pour lesquelles le condamné ne bénéficierait plus des crédits de réduction de peine.

Mme Laurence Vichnievsky. J’ai compris en écoutant le rapporteur qu’il ne donnerait vraisemblablement pas un avis favorable à mon amendement CL244 : les bras m’en tombent ! Considérer que les magistrats, pourtant visés par chacun des articles du code pénal mentionnés à l’article 23, ne doivent pas « bénéficier » de cette disposition – j’ai dit ce que je pensais des crédits de réduction de peine automatiques – me paraît assez déconnecté de la réalité. Certains de mes anciens collègues, particulièrement ceux qui sont chargés de la lutte antiterroriste, se voient affecter des gardes du corps, ce qui a également été mon cas à une époque. Cela signifie bien qu’ils sont, eux aussi, exposés. Les substituts et les juges d’instruction vont sur le terrain, et il est difficile de distinguer entre un magistrat civil et un magistrat pénal. Soutenir qu’ils ne répondraient pas à la logique que vous avez décrite, monsieur le rapporteur, me paraît pour le moins osé ! Je n’imaginais donc pas qu’une telle extension ne puisse être acceptée.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’amendement CL415 précise le périmètre de l’exclusion du bénéfice des crédits de réduction de peine. Il l’élargit à l’ensemble des agents de la gendarmerie et de la police nationale, en lieu et place des seuls militaires et fonctionnaires. Il inclut aussi d’autres professions particulièrement exposées, en l’occurrence les agents des douanes et de l’administration pénitentiaire.

M. Ian Boucard. Avec l’amendement CL125, notre collègue Éric Ciotti propose d’étendre le dispositif à tous les agents de la gendarmerie nationale, qu’ils aient ou non le statut militaire.

Les amendements CL31 et CL122 ont pour objet d’inclure les agents des douanes.

L’amendement CL30 étend la suppression des réductions automatiques de peine aux actes commis à l’encontre des agents de la police municipale, dont la proposition de loi renforce les prérogatives.

M. Stéphane Mazars. L’amendement CL205, que je présente au nom du groupe La République en marche, intègre les policiers municipaux dans le dispositif de l’article 23.

La proposition de loi traite de la sécurité globale. Elle fait suite au rapport rédigé par les rapporteurs sur le continuum de sécurité. Une fois adopté, le texte permettra une montée en puissance des policiers municipaux. De fait, ces derniers jouent un rôle de plus en plus important dans la sécurisation de nos concitoyens. Ce faisant, bien évidemment, ils sont exposés ; comme ils portent l’uniforme, ils sont facilement identifiables par les personnes qui veulent s’en prendre violemment à l’ensemble des forces de l’ordre. Il est donc important que les policiers municipaux soient inclus dans le dispositif de l’article 23, qui limite le bénéfice des mesures de réduction de peine pour les coupables de faits de violences à l’encontre de membres de forces de l’ordre.

Permettez-moi, au moment de conclure, d’avoir une pensée pour la veuve, la famille, les proches et les collègues de travail de Pascal Filoé, directeur de la police municipale de la ville de Rodez, chef-lieu du département de l’Aveyron, sauvagement assassiné – je pèse mes mots – il y a un peu plus de deux ans, alors qu’il sortait de la mairie, par un individu qui lui reprochait justement un acte de police municipale.

Mme Maina Sage. L’amendement CL214 vise également à refuser le bénéfice des crédits de réduction de peine automatique pour les personnes condamnées pour faits de violence à l’égard des agents de police municipale. Dans la mesure où la proposition de loi étend et revalorise les pouvoirs de la police municipale, nous souhaitons protéger davantage ses agents en les intégrant au dispositif de l’article 23.

M. Stéphane Mazars. L’amendement CL69, que j’ai cosigné avec M. Jean-Michel Mis, est pratiquement le même que l’amendement CL205. Je le retire.

L’amendement CL69 est retiré.

M. Éric Diard. L’amendement CL10 poursuit le même objectif. Je suis bien d’accord avec le rapporteur, avec M. Stéphane Mazars et avec les autres collègues : il est important de protéger la police municipale, qui a de nouvelles missions et qui est de plus en plus exposée. Il faut permettre à ses agents de bénéficier du même dispositif que les gendarmes, les policiers nationaux et les pompiers professionnels ou volontaires.

C’est une bonne initiative d’intégrer dans cette liste les surveillants pénitentiaires car on sait très bien – je vous ai entendue le dire hier à haute voix, madame la présidente – qu’il y a, dans nos prisons, des personnes violentes à leur égard. Je pense évidemment aux condamnés pour acte de terrorisme, mais aussi aux détenus de droit commun susceptibles de radicalisation (DCSR), étroitement surveillés. Il est bien d’ajouter également les agents des douanes. On pourrait penser que les risques auxquels ils s’exposent sont moins flagrants. Mais pour connaître certains douaniers, je peux assurer qu’ils font l’objet de beaucoup de pressions et de menaces.

Tout en défendant cet amendement qui supprime les crédits de réduction de peine pour les personnes ayant commis des violences à l’encontre des policiers municipaux, je félicite tous mes collègues qui ont proposé d’étendre la disposition aux surveillants pénitentiaires et aux douaniers.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je pense que l’ensemble de la commission des Lois se joint à vous pour rendre hommage aux surveillants de l’administration pénitentiaire : il est très important de les inclure dans les forces de sécurité car on les oublie trop souvent.

M. Éric Pauget. L’amendement CL288 est défendu.

Mme George Pau-Langevin. L’amendement CL208 procède de la même idée : il inclut toutes les personnes chargées d’une mission de service public. Toutefois, le dispositif doit se combiner avec la politique menée globalement en matière d’aménagement des peines ainsi qu’avec les règles européennes.

M. Ian Boucard. Avec l’amendement CL32, je sors du cadre des forces de sécurité car je propose d’inclure les enseignants de l’éducation nationale. L’actualité nous a prouvé, malheureusement, qu’ils étaient eux aussi fréquemment pris pour cible en raison des fonctions qu’ils exercent.

Le rapporteur a dit que ce n’était pas pareil, parce qu’ils avaient affaire à des élèves. Mais ce sont souvent les parents qui commettent ces agressions, par exemple quand ils n’apprécient pas le contenu d’un cours. Il est de plus en plus difficile d’enseigner un certain nombre de choses dans notre pays. Certes, cette disposition aurait peut-être davantage sa place dans le projet de loi relatif aux séparatismes, mais on ne sait pas si ce sera le cas : pour l’instant, personne ne l’a lu. Comme il n’est jamais trop tôt pour bien faire, je propose de l’adopter dès maintenant. Du reste, c’est une réponse à l’amendement CL207 du groupe Socialistes et apparentés, dont l’exposé des motifs explique qu’il est difficile de faire bénéficier du dispositif les détenteurs d’un mandat exécutif local mais pas les enseignants. Les uns comme les autres doivent être protégés : les maires sont des cibles, c’est aussi le cas des enseignants.

M. Rémy Rebeyrotte. Il me semble préférable, pour l’instant, d’en rester aux détenteurs de l’autorité liés à la sécurité. C’est pour cela que je suis assez sensible aux arguments de Mme Vichnievsky concernant les magistrats : il y a là un vrai problème. J’ajouterais pour ma part les préfets et les sous-préfets. N’oublions pas que certains ont payé de leur vie le fait de jouer leur rôle en matière de sécurité publique !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous parliez des magistrats antiterroristes, madame Vichnievsky. Dans les Yvelines, un magistrat qui n’intervient pas du tout dans ce domaine a été très gravement agressé : la magistrature dans son ensemble est visée.

Mme Laurence Vichnievsky. J’ai parlé des magistrats antiterroristes parce qu’ils sont l’exemple le plus topique : ils ne peuvent pas sortir sans garde du corps. Cela démontre clairement qu’ils sont visés. Ils sont concernés par l’ensemble du processus : les magistrats dirigent les enquêtes, poursuivent et prononcent les condamnations. Si, malgré cela, vous ne considérez pas qu’ils font partie du continuum, je ne sais pas quel argument vous en convaincra… D’ailleurs, ils sont mentionnés à chacun des articles du code pénal mentionnés dans l’article 23.

M. Éric Diard. La tragique affaire Samuel Paty a montré, malheureusement, qu’il faut agir pour protéger les enseignants, que ce soit dans cette proposition de loi ou dans le projet de loi relatif aux séparatismes. Selon un sondage de l’IFOP réalisé en 2018, 38 % des professeurs avaient vu leurs cours contestés, 58 % dans les zones prioritaires ; 37 % des professeurs se censuraient pendant leurs cours, 57 % dans les zones prioritaires. Il s’agit d’un pourcentage global, ce qui inclut des matières qui, à l’image des mathématiques, ne souffrent d’aucune contestation. Les enseignants sont donc des victimes. Si nous ne les incluons pas dans ce texte, peut-être faudra-t-il renforcer l’article du code pénal réprimant les pressions et les menaces. On pourrait, par exemple, prévoir des circonstances aggravantes lorsque les faits ont été commis pour des motifs religieux, car la religion n’a rien à faire dans l’école de la République.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Le sujet est vaste… Je comprends tout ce qui a été dit et les raisons qui peuvent conduire à élargir le texte aux publics visés. Rappelons qu’à l’origine, cet article avait été demandé au plus haut niveau de l’État pour les policiers et les gendarmes. Dans sa rédaction actuelle, il vise les policiers, les gendarmes, les pompiers – professionnels ou non – et les élus. En adoptant certains des amendements en discussion, nous allons l’élargir au personnel de l’administration pénitentiaire, aux douaniers et aux policiers municipaux. Il s’agit donc d’inclure davantage de professions tout en restant dans le même esprit, c’est-à-dire en retenant celles qui, par nature et de manière régulière, sont exposées à des agressions par le fait qu’elles sont appelées à traiter sur le terrain des problèmes en marge de la loi.

Je ne conteste pas que la question se pose aussi pour les enseignants et les magistrats, ou encore les sous-préfets et les préfets : à peu près toutes les professions d’autorité s’exposent au risque de se voir contestées, y compris physiquement. Je n’ignore pas qu’un préfet, en Corse, l’a payé de sa vie, comme avant lui, il y a plus longtemps, un juge d’instruction, et que plusieurs magistrats ont été agressés. Mais en ouvrant le dispositif à l’ensemble des professions d’autorité, on crée un régime général. Il me semble préférable d’en rester à ce qui est prévu, c’est-à-dire la protection de ceux qui assurent notre sécurité. Du reste, le nombre d’agressions envers les policiers, les gendarmes, le personnel pénitentiaire, les douaniers et les élus locaux est sans commune mesure, vous en conviendrez, avec celui des agressions visant les autres catégories.

Je vous propose d’en rester à cette position. Mais rien n’empêche d’ouvrir le débat en séance publique. Peut-être d’ici là aurons-nous des précisions du Gouvernement sur ce qu’il prévoit, dans le cadre du projet de loi sur les séparatismes, en particulier pour les enseignants. Nous en discuterons sereinement. Cela ne veut pas dire, bien évidemment, que tous les publics que vous avez mentionnés ne soient pas pour autant menacés. Je vous demande donc d’adopter l’amendement CL415 et les amendements identiques CL30, CL205 et CL214. Avis défavorable aux autres.

M. Paul Molac. Ma position n’est pas très éloignée de celle du rapporteur. Je crains que, si l’on commence à mettre tout le monde dans le dispositif – les élus, les professeurs, tous ceux qui sont censés avoir de l’autorité –, on ne crée une sorte de caste. Vous parlez des détenteurs de l’autorité ; d’aucuns parleront des puissants… On se souvient que sous l’Ancien Régime, les nobles étaient décapités tandis que les gens du peuple étaient pendus – je ne sais pas s’il était vraiment préférable d’être décapité, surtout quand le bourreau ratait sa cible. (Sourires.)

Je me demande si nous ne sommes pas en train de créer nous aussi une inégalité entre les Français. Le Conseil constitutionnel risque de nous rappeler à l’ordre : il n’est pas possible de créer différentes catégories de Français. Il est vrai que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen permet les distinctions sociales dès lors qu’elles sont fondées sur l’utilité commune, mais je ne suis pas sûr que l’on puisse démontrer le bien-fondé de cette distinction. Je me sens un peu gêné.

M. Ian Boucard. Monsieur Molac, les enseignants seront ravis d’apprendre qu’ils appartiennent aux puissants de notre société alors qu’ils sont rémunérés 1 400 ou 1 500 euros après cinq années d’études supérieures… Leur métier est un sacerdoce ; ce sont des piliers de la République et non des puissants. La moindre des choses serait de les protéger un peu mieux.

Monsieur le rapporteur, si l’on veut restaurer l’autorité dans notre pays, il faut faire en sorte que les personnes censées en avoir soient respectées. Cela suppose de les inclure dans le dispositif. Vous dites qu’à ce compte-là c’est toute la population qui sera protégée, mais il n’y a pas des millions et des millions de magistrats et d’enseignants dans notre pays. En revanche, ces professions sont manifestement plus menacées que d’autres. Je trouve dommage que l’on n’avance pas dans cette direction car cela permettrait de répondre à un vrai problème de société. C’est un bon article, mais il faudrait qu’il soit un peu plus large.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Il n’y a pas que les enseignants et les magistrats, monsieur Boucart : nous avons parlé aussi des préfets et des sous-préfets. Rappelons que cette proposition de loi est relative à la sécurité globale ; autrement dit, elle concerne les professions liées à la sécurité. Cela aussi explique que nous limitions le champ de l’article 23.

Je finirai par une remarque peut-être moins consensuelle, mais je ne pense pas qu’on me contredira : nous avons d’ores et déjà une législation très répressive, qui prévoit des circonstances aggravantes, notamment quand les forces de l’ordre sont visées. Si elle était appliquée davantage et de manière plus sévère, peut-être ne serions-nous pas obligés d’écrire cet article. Chacun doit être mis face à ses responsabilités.

La Commission rejette successivement les amendements CL207 et CL244.

Elle adopte l’amendement CL415.

En conséquence, les amendements CL125, CL31 et CL122 tombent.

Elle adopte les amendements identiques CL30, CL205 et CL214.

En conséquence, les amendements CL10, CL319 et CL288 tombent.

Enfin, elle rejette les amendements CL208 et CL32.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CL9 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Je présente cet amendement au nom du groupe Les Républicains. Il supprime le bénéfice des réductions de peine supplémentaires pour les condamnés à la suite des faits que nous venons d’évoquer. Les individus ayant commis des infractions au préjudice d’une personne investie d’un mandat électif, d’un militaire, d’un gendarme, d’un policier municipal ou d’un pompier ne doivent pas en bénéficier, quand bien même ils auraient manifesté des efforts sérieux de réadaptation sociale.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Avis évidemment défavorable : nous nous en tenons aux dispositions de l’article 721-1 du code de procédure pénale, fondé sur l’individualisation des réductions de peine, laquelle nous semble nécessaire à la réinsertion des condamnés.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL209 de M. Hervé Saulignac.

Mme George Pau-Langevin. Il nous semble important d’assurer un suivi socio-judiciaire des détenus bénéficiant de réductions de peine. Nous avons eu ce débat lors de l’examen de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, dont de nombreuses dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Dans sa grande sagesse, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions relatives au suivi socio-judiciaire… C’est même la seule chose qu’il n’a pas censurée ! (Sourires)

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 23 modifié.

Après l’article 23

La Commission examine l’amendement CL12 de M. Éric Diard.

M. Ian Boucard. Cet amendement rend obligatoire le prononcé d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français (ITF), sauf décision motivée du juge, à l’encontre de toute personne de nationalité étrangère ne justifiant pas d’un séjour régulier en France ou de tout étranger séjournant de façon régulière en France depuis moins de cinq ans, si elle est déclarée coupable d’un crime ou d’un délit à l’encontre des forces de l’ordre ou des pompiers. La durée de la peine varie en fonction du quantum d’emprisonnement encouru.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Votre amendement est malvenu, cher collègue, par le fait qu’il envisage de nombreux quanta d’ITF alors que la loi pénale n’en prévoit que quatre – trois ans, cinq ans, dix ans et à vie. Autre faiblesse juridique : vous ne limitez pas les crimes et les délits retenus aux infractions corporelles comme le prévoit l’article 23. Je doute, par exemple, que vous visiez le cas d’une non-représentation d’enfant entre parents divorcés, dont l’un serait policier et l’autre étranger.

Sur le fond, les peines obligatoires ne sont pas les meilleurs instruments. À l’initiative de notre ancienne collègue Élise Fajgeles, notre majorité a élargi la possibilité, pour le juge, de prononcer une ITF dans les cas de violences contre les forces de l’ordre. Elle a notamment renforcé la répression des embuscades prévue à l’article L. 222-15-1 du code pénal. Il reste à s’assurer que les procureurs requièrent cette peine et que les juges du siège la prononcent. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CL11 de M. Éric Diard et CL126 de M. Éric Ciotti.

M. Ian Boucard. Ces amendements réinstaurent des peines planchers à l’égard des coupables d’un crime ou d’un délit commis contre un gendarme, un policier, un sapeur-pompier ou un douanier, sauf décision contraire de la juridiction, que nous laissons arbitrer. Je saisis la perche tendue à plusieurs reprises par le rapporteur : sans franchir les limites de la séparation des pouvoirs, nous attendons tous des juges, me semble-t-il, que les peines soient appliquées avec une sévérité particulière lorsque les infractions sont commises à l’encontre de représentants de la République.

M. Jean-Michel Fauvergue. La peine plancher a été introduite par la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, adoptée en 2007 à l’initiative de Mme Rachida Dati, qui était alors garde des Sceaux, mais son principe avait été proposé par M. Christian Estrosi dès 2004. De nombreux pays anglo-saxons l’ont adoptée, mais d’une façon différente de la nôtre. Elle repose sur le principe du tiers : un récidiviste est condamné à une peine au moins égale au tiers de la peine prévue par la loi, sans possibilité de sortir de prison avant qu’elle n’ait été effectuée.

La peine plancher est contraire au principe d’individualisation des peines, qui a valeur constitutionnelle, ce qui a posé problème et contraint la garde des Sceaux à transiger. Ainsi, les juges ont été autorisés à prononcer des peines inférieures aux peines plancher en cas de récidive, et même en cas de seconde récidive, moyennant motivation de circonstance. Ce qui fait qu’au final, les peines plancher n’ont que rarement été prononcées…

Il s’agit au mieux d’une disposition intellectuellement intéressante. Reste que votre groupe et vous-même vous prévalez d’une disposition qui n’a jamais fonctionné, tout simplement parce que le principe constitutionnel d’individualisation des peines fait que cela ne fonctionnera jamais. Nous nous abstiendrons donc de poursuivre dans cette voie, préférant adopter une démarche pragmatique en proposant des choses qui marchent au lieu brandir comme des étendards devant les caméras de télévision et sur les plateaux de radio, des dispositions parfaitement inopérantes.

M. Ian Boucard. Mme Rachida Dati, lorsqu’elle était garde des Sceaux, et notre groupe alors, proposaient que la juridiction puisse ne pas prononcer une peine plancher par une décision spécialement motivée, afin de ne pas contrevenir au principe constitutionnel d’individualisation des peines. Nous croyons au bon sens de nos magistrats, qui ne manqueront pas d’être convaincus par nos arguments. Leur demander de motiver leur décision permet aussi d’éclairer les victimes, notamment lorsqu’il s’agit de forces de l’ordre, sur les raisons pour lesquelles ils ne condamnent pas à une peine plancher. Si nous voulons faire progresser la protection de nos forces de sécurité, il faut être capable non seulement de prendre des mesures à valeur symbolique, mais aussi de se doter de véritables outils juridiques.

M. Stéphane Mazars. J’aimerais apporter mon soutien au rapporteur par un témoignage. J’ai défendu de nombreux prévenus qui encouraient une peine plancher, lorsqu’elles existaient. Je puis vous assurer qu’elles étaient très rarement prononcées. Il suffisait, pour faire appliquer le principe de l’individualisation des peines, de fournir aux magistrats un dossier de personnalité indiquant que l’intéressé était susceptible de resocialisation ainsi que d’insertion, et qu’il présentait des garanties de représentation… Cette disposition était totalement inefficace !

Je crois bien davantage au système adopté à l’article 23, qui consiste à priver du bénéfice des crédits de réduction de peine les condamnés pour des atteintes à des personnes chargées de la sécurité de nos concitoyens. Il est bien plus efficace en termes d’effectivité de la peine. Je salue le travail des rapporteurs, qui visent le même objectif que vous, monsieur Boucard, mais en proposant un dispositif opérationnel.

M. Éric Diard. La privation du crédit de réduction de peine ne concerne que les auteurs d’infractions commises à l’encontre des forces de l’ordre. Il s’agit presque d’une niche. J’ai bien compris les problèmes que soulève la peine plancher, mais on ne peut pas comparer les deux dispositions. Nous avons adopté un système efficace, mais uniquement pour des infractions commises dans ces circonstances très particulières.

Mme Naïma Moutchou. Les peines planchers ne sont rien d’autre que de l’affichage politique. On donne l’impression d’une fermeté accrue, mais c’est une utopie. Après six ou sept ans d’application, le bilan était nul. Un récidiviste est nécessairement condamné plus lourdement qu’un primo-délinquant, avec ou sans peine plancher. Ce système ne peut pas fonctionner. Je suis d’accord avec le rapporteur et notre collègue Stéphane Mazars : il ne sert à rien.

M. Jean-Michel Fauvergue. Cher collègue Éric Diard, il s’agit certes d’une niche, mais nous l’étendons à d’autres catégories de victimes. Nous avons eu de longs débats sur ce point, qui d’ailleurs ne sont peut-être pas clos. Mieux vaut une niche qui fonctionne qu’une disposition générale qui a prouvé son inutilité !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce n’est pas la première fois que nous parlons des peines planchers, et ce ne sera sans doute pas la dernière !

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement CL213 de M. Dimitri Houbron.

Mme Maina Sage. Nous avons supprimé l’automaticité des crédits de réduction de peine (CRP) pour les personnes ayant commis des infractions à l’encontre de certains publics. L’amendement de notre collègue Dimitri Houbron laisse au juge la possibilité de prononcer un suivi socio-judiciaire. Même si cette possibilité existe déjà, il nous semble souhaitable de l’inscrire dans la loi. En pratique, les CRP sont souvent assortis d’un suivi socio-judiciaire. À défaut, nous souhaitons garantir la possibilité d’en bénéficier.

M. Jean-Michel Fauvergue. Chère collègue, j’aimerais faire plaisir à M. Dimitri Houbron, que nous avons nourri au lait de notre groupe ici même (Rires) et qui est un ami. Toutefois, le suivi socio-judiciaire ne semble pas la meilleure réponse aux infractions que nous cherchons à réprimer et à prévenir : il n’a pas été conçu pour jouer ce rôle. Je me vois donc contraint d’émettre un avis défavorable, à moins que vous n’en acceptiez le retrait – c’est bien aussi, un retrait ! (Sourires.)

Mme Maina Sage. Même si je ne suis pas la première signataire de l’amendement, je le retire au profit d’un débat en séance publique.

L’amendement est retiré.

La réunion, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.

Article 24 (art. 35 quinquies [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Diffusion du visage ou de tout élément permettant l’identification d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de gendarmerie

La Commission examine les amendements identiques CL179 de M. Ugo Bernalicis, CL210 de M. Hervé Saulignac et CL341 de M. Paul Molac.

Mme Danièle Obono. L’article 24 prévoit de sanctionner d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen et quelque support que ce soit, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale, lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique. Cette disposition pourrait s’appliquer, par exemple, dans le cadre d’une activité journalistique, du droit à l’information ou de la publicité de l’action des agents publics que tout citoyen est en mesure et en droit d’exiger.

L’expression « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique » est censée fixer une limite. Elle n’en fixe aucune car elle est sujette à des interprétations multiples. Tel est d’ailleurs l’avis de la défenseure des droits, qui a publié une analyse critique du texte dont nous débattons. Elle considère qu’il constitue un risque d’obstacle au contrôle des forces de sécurité, de non-respect du principe de légalité des délits et des peines, et d’atteinte aux libertés d’information et de communication. Il a également suscité la mobilisation légitime du secteur des médias en général et des journalistes en particulier, ainsi que des avocats et des juristes, en raison de sa nature attentatoire à des libertés fondamentales auxquelles nous sommes tous attachés et qui ont été récemment réaffirmées. De fait, elles sont remises en cause par la volonté de rendre invisibles certain actes, qui elle-même procède d’une remise en cause d’un État de droit déjà fragilisé.

Mme George Pau-Langevin. La liberté de la presse est fondamentale dans notre pays. Elle fonde notre démocratie. Or, incriminer la diffusion de l’image du visage d’un policier, dans l’exercice de ses fonctions, rendra plus difficile l’exercice des fonctions de journaliste.

Ce matin, j’ai auditionné, dans le cadre de la commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre, que préside M. Jean-Michel Fauvergue, des syndicats de journalistes. Ils étaient tous très hostiles à la création de ce délit. Nous souhaitons, bien entendu, prendre les mesures qui s’imposent pour assurer la sécurité des fonctionnaires de police ou des gendarmes, en particulier dans leur vie privée. Mais une disposition aussi générale que celle-ci nuira à l’activité des journalistes et des photographes de presse. Elle aura des conséquences sur l’exercice de nos libertés.

M. Paul Molac. L’interdiction de diffuser, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou de tout autre élément d’identification d’un policier ou d’un gendarme lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération présente le risque de rendre impossible, ou du moins extrêmement difficile, la diffusion d’images exposant les pratiques policières. Or, le droit de filmer la police relève de la liberté d’expression, du droit à l’information garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans le cadre des manifestations, ce droit est rappelé par les Nations unies.

Les choses me semblent claires. Votre proposition est disproportionnée. Elle porte atteinte à la liberté en général, celle de la presse en particulier, sans garantir la sécurité des policiers et des gendarmes. On sait, en effet, qu’il n’est plus possible d’arrêter la diffusion d’une image une fois qu’elle est sur les réseaux, tout simplement parce qu’elle passe sur des sites qu’on ne peut jamais fermer, les personnes se trouvant derrière ces serveurs, parfois à l’étranger, étant suffisamment organisées pour passer entre les mailles du filet. Et les condamnations restent fictives. Ce n’est pas avec ce type de mesure qu’on arrivera à protéger nos policiers. Il faut réfléchir à un autre dispositif qui ne porte pas atteinte à la liberté d’informer. La liberté de la presse est fondamentale. Les députés sont d’ailleurs contents que la presse les informe d’événements dont ils ne pourraient pas avoir connaissance autrement.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Merci de ne pas avoir parlé de floutage car, depuis quelques jours, on nous gave de ce mot matin et soir ! Je le répète parce que des journalistes nous écoutent : cet article n’impose pas un floutage.

D’ailleurs, je lis beaucoup de contrevérités dans la presse et sur les réseaux sociaux, à propos de cette disposition. Il convient de dissiper quelques brumes. Cet article a été rendu nécessaire parce qu’il arrive de plus en plus souvent que des vidéos de forces de l’ordre soient envoyées sur internet, qui suscitent imprécations et menaces contre le fonctionnaire dont le nom et les coordonnées sont livrées. Finalement, ce fonctionnaire se fait agresser devant son domicile ou ses enfants sont harcelés dans la cour de l’école.

La situation devient tendue et nous devons protéger ceux qui nous protègent. Sous l’uniforme se trouvent des hommes qui, s’ils commettent des actes illégaux, en répondront devant les tribunaux et par voie disciplinaire. Certains préfèrent s’affranchir de la légalité et privilégient l’action directe contre nos policiers et nos gendarmes. C’est contre ces cabales que nous voulons lutter.

Venons-en au dispositif lui-même. Si nous souhaitons que les fonctionnaires ne soient plus identifiables du grand public, ils doivent le demeurer par les voies légales. Aussi préciserons-nous, par amendement, que le numéro d’identification individuel, le RIO, peut toujours être diffusé.

J’ai pu lire qu’il serait interdit de filmer et de diffuser les images. C’est complètement faux. Les journalistes pourront continuer à travailler comme aujourd’hui. Rien ne changera pour eux car le droit à l’information est fondamental et nous y tenons. Nous en sommes même les garants ! Cependant, il y a une différence entre diffuser des images au grand public, à la télévision, ou dans une boucle destinée aux quinze personnes du voisinage, dont on sait que certains voudront s’en servir pour attaquer les forces de l’ordre.

J’ai encore lu que la justice n’aurait plus accès aux bandes sans floutage. C’est évidemment faux et il suffit de se reporter au dernier alinéa de l’article 24 pour s’en rendre compte.

Ce dispositif se veut une limite nécessaire, adaptée et proportionnée aux principes de la loi du 29 juillet 1881, à laquelle nous tenons et qui admet déjà la sanction de la provocation directe à commettre un délit. Nous instituons simplement une règle particulière, parallèlement à cette infraction générale. De ce fait, elle ne devrait pas poser de difficulté.

Mme Danièle Obono. L’enjeu du droit à l’information ne concerne pas seulement la presse et les médias. C’est un droit fondamental pour l’ensemble des citoyens. Il est important de marquer le caractère public de l’action des agents de l’État, notamment des forces de sécurité, pour permettre sa supervision démocratique par la presse mais aussi par les autorités de contrôle. Le problème n’est pas seulement celui de l’atteinte à la liberté de la presse.

La diffusion d’images d’agents publics, policiers ou non, est autorisée par la loi, contrairement à la diffusion d’informations à caractère privé, qui doit être sanctionnée, a fortiori sur les réseaux sociaux. Nous disposons de l’arsenal législatif pour le faire. En revanche, si la diffusion d’images par un journaliste lui fait encourir une sanction, il floutera les visages. Le problème est là. Quant au RIO, les signalements de défaut de port visible n’ont pas manqué ces derniers mois, sans parler de ces vidéos de policiers qui refusent de le révéler.

C’est un problème fondamental. Vous voulez généraliser la surveillance de nos concitoyens par les caméras, les enregistrements, mais vous leur refusez le seul moyen dont ils pourraient user pour saisir les instances de contrôle et contrebalancer le pouvoir de l’État.

Mme Naïma Moutchou. Ne mélangeons pas tout. Le droit à l’information, qui fait partie intégrante de la liberté d’expression, est un droit fondamental, de nature constitutionnelle, auquel nous sommes tous attachés. La loi de 1881, quant à elle, n’est pas un totem. Elle a été modifiée à plusieurs reprises en fonction des évolutions de la société. L’apparition des réseaux sociaux en est une. Ils sont une caisse de résonance. Du reste, vous le savez, les vidéos d’interventions de policiers se sont multipliées ces derniers temps. Des groupes se sont même spécialisés dans leur publication. Ce phénomène existe et il peut donner lieu à des dérives.

Rappelons tout d’abord qu’un policier ne peut s’opposer à ce qu’on le filme et cette proposition de loi n’y change rien. Il est faux de prétendre le contraire. Un policier pourra toujours être filmé. Cependant, des limites existent déjà. Il est interdit de filmer certaines catégories : les agents du contre-espionnage, de la lutte contre le terrorisme, des forces d’intervention. Le texte ne fait qu’étendre ces exceptions aux policiers. Est-il pour autant porté atteinte à la liberté d’informer ? Je ne le crois pas. Le souci, légitime, d’assurer la sécurité des policiers et des gendarmes, peut se concilier avec la liberté d’expression. Tout dépend de la rédaction. En l’espèce, elle va dans le bon sens. Bien sûr, elle peut être améliorée et je proposerai un amendement en séance publique.

Nous avons la responsabilité de protéger ceux qui travaillent sur le terrain contre des actes commis avec l’intention de nuire. Le caractère intentionnel est l’élément essentiel.

M. Thomas Rudigoz. Relisons ensemble l’alinéa 2, qui est très clair : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. » Il faut une intention malveillante caractérisée. Les journalistes pourront continuer, dans la presse, à la télévision, sur internet, à diffuser les images d’interventions de maintien de l’ordre, notamment quand elles sont musclées, comme nous avons pu le voir lors des manifestations récentes.

En revanche, nous voulons lutter, le rapporteur l’a rappelé, contre la diffusion sur les réseaux sociaux, par des groupuscules, d’images de policiers ou de gendarmes, accompagnées de menaces contre ce policier ou sa famille. Ces derniers mois, pas moins de dix affaires de policiers agressés – ou leur famille –, parfois devant leurs enfants, nous ont été rapportées. Certains ont subi de graves dommages corporels et en porteront les séquelles. Je pourrais vous rapporter le cas de ce jeune policier qui jouait au foot avec son fils dans un stade. Tous deux ont été pris à partie. Imaginez-vous le traumatisme du policier, de l’enfant, de toute la famille ?

Il y a une confusion. Je le regrette. Peut-être devrions-nous être plus clairs mais les rapporteurs se sont largement exprimés devant les médias. Je pense, hélas, qu’il y a aussi une volonté de manipuler et de lancer des contre-vérités, dans cette affaire.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Nous devons être très précis, en effet, sur ce que ce texte prévoit et ne prévoit pas. Il ne s’agit en aucun cas d’empêcher les journalistes de travailler ou de porter atteinte au droit d’informer.

De quoi s’agit-il, concrètement ? Je vais vous donner un exemple. Des agents des forces de l’ordre peuvent être identifiables et reconnus. Ils sont jetés en pâture sur les réseaux sociaux, avec des appels à la violence, aux représailles, qui peuvent emporter des conséquences graves. Ce n’est pas un cas d’école. Nos forces de l’ordre travaillent à visage découvert et nous avons le devoir, en tant que législateurs, de les protéger contre de tels actes. Le texte est très précis. L’intention malveillante doit être caractérisée – alinéa 2 de l’article 24.

Enfin, la communication des images et des éléments d’identification aux autorités administratives ou judiciaires compétentes reste autorisée, à des fins de poursuites judiciaires ou disciplinaires le cas échéant.

Mme George Pau-Langevin. Depuis l’année dernière, nous tournons autour de ces questions sans trouver une bonne solution. La raison tient peut-être à ce que nous persistons à vouloir traiter, dans la loi relative à la liberté de la presse, des problèmes qui concernent essentiellement les réseaux sociaux. Or, en 1881, les réseaux sociaux n’existaient pas. On veut insérer dans ce texte des dispositions à l’intention de personnes qui ne sont pas des journalistes, et qui n’ont pas la déontologie de ces professionnels. Or, le formalisme très exigeant de la loi de 1881 ne permet pas d’encadrer efficacement les réseaux sociaux. Cette loi n’a pas été édictée pour cela.

Le Conseil constitutionnel a détricoté en partie la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia », mais je persiste à penser qu’il vaudrait mieux traiter le problème à part. D’ailleurs, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme demande, depuis des années, que l’on sorte les dispositions relatives aux discours de haine de la loi de 1881. On n’arrivera à rien de bon tant qu’on s’obstinera dans cette direction.

M. Stéphane Mazars. Il me semble qu’un procès d’intention est instruit à l’encontre des auteurs de cette proposition de loi, que l’on accuse de vouloir museler la presse ou l’empêcher de remplir son devoir d’information. Il ne faut pas dissocier l’image du texte. Nous visons la diffusion d’une image accompagnée d’un discours qui appelle à la haine. Soyons clairs : je vois mal un journaliste digne de ce nom tomber sous le coup de l’article 24 parce qu’il aurait capté une image. Est plutôt visé qui se servira d’une image, prise par lui ou par un autre, pour en détourner l’esprit et en faire une cible potentielle de sa communauté d’activistes.

Ce serait insulter les journalistes dignes de ce nom de laisser penser qu’ils pourraient tomber sous le coup de cet article.

La Commission rejette les amendements CL179, CL210 et CL341.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CL127 de M. Éric Ciotti et CL215 de M. Dimitri Houbron, ainsi que de l’amendement CL245 de Mme Laurence Vichnievsky

Mme Laurence Vichnievsky. Nous souhaitons, nous aussi, protéger les forces de police et de gendarmerie contre ce type d’agissements que M. Mazars a fort bien décrits. Je voudrais cependant appeler votre attention sur la difficulté de réunir les éléments constitutifs de cette infraction a posteriori. Nous proposons, par conséquent, de retirer le cas des atteintes psychiques pour limiter les éléments constitutifs de l’infraction aux seules agressions physiques. Conserver l’intention de porter atteinte à l’intégrité psychique obèrerait la liberté d’expression, la libre circulation de l’information et, surtout, le contrôle des citoyens sur l’action des forces de l’ordre.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Avis défavorable aux amendements. Nous n’avons pas l’intention, par principe, de flouter les visages et les signes particuliers des policiers et des gendarmes. Il ne s’agit ni d’imposer le secret ni d’organiser l’impunité ou l’immunité des agents, comme certains le fantasment, mais de leur apporter une protection, dans la limite des proportions nécessaires, contre toute atteinte à leur intégrité.

En l’absence d’un tel risque, rien ne justifie que l’on encadre la liberté d’expression dont l’Assemblée nationale est garante. Ces amendements mettraient un terme à tous les reportages télévisés sur les dangers de l’imprudence routière ou sur les diverses actions de la police et de la gendarmerie. Flouter les intervenants n’aurait ici aucun sens, convenez-en.

Concernant votre amendement, madame Vichnievsky, je suis en désaccord sur le caractère flou du mot « psychique ». L’Assemblée nationale a longuement insisté, par exemple dans les textes consacrés aux violences conjugales, sur le fait que les violences n’étaient pas exclusivement physiques et que les violences psychiques, dites invisibles, pouvaient être aussi importantes. Le code pénal le reconnaît d’ailleurs explicitement à l’article 222-14-3, aux termes duquel les violences sont réprimées « quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ». Notre rédaction ne fait donc que reprendre celle qui est en vigueur dans les textes et dans la jurisprudence.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Dans l’amendement de Mme Vichnievsky, il est proposé de supprimer la dimension psychique. On ne peut pas considérer que le harcèlement ne compte pas et que le fait d’appeler à pourrir la vie d’un agent des forces de l’ordre n’aurait pas de conséquences sur sa vie et celle de ses proches. Je veux souligner le fait que, souvent, les conséquences de l’atteinte psychique sont plus graves que celles de l’atteinte physique. Je suis donc particulièrement opposée à votre suggestion.

M. Pacôme Rupin. Notre collègue Laurence Vichnievsky ouvre un débat légitime. Il est compliqué de rassembler des preuves dans ce domaine, même si le code de procédure pénale le prévoit. Cela étant, nous avons connu un changement profond avec l’arrivée des réseaux sociaux et des smartphones, qui permettent de filmer tout et tout le temps : cela a contribué au développement de véritables cabales contre ceux qui ne font que leur travail. Comme cela dérange certains citoyens, ceux-ci s’organisent pour leur mener la vie dure en les harcelant, avec des effets souvent néfastes. Il est important de conserver ce terme, même si la rédaction de l’article 24 doit être précisée en vue de la séance publique.

M. Paul Molac. La dimension psychique me pose problème parce que je ne vois pas comment la caractériser. Selon moi, c’est du harcèlement, et il existe déjà des lois contre cela. L’exemple des violences conjugales choisi par le rapporteur concerne des personnes sous influence : ce n’est pas la même chose que de subir une cabale sur internet. Il suffirait d’appliquer les lois contre le harcèlement.

Mme Danièle Obono. Il existe déjà des outils. Les exemples cités par les collègues de la majorité le montrent. L’incitation à la violence, la menace, l’injure publique, avec des circonstances aggravantes quand il s’agit de personnes dépositaires de l’autorité publique, tout cela est déjà sanctionné. Vous affirmez que le fait de diffuser une image avec un texte incite à la violence, alors qu’une même image peut être accompagnée d’un texte élogieux comme de propos qui tomberaient sous le coup de la loi. Le problème posé par l’article 24, c’est qu’il incite à l’autocensure. Les journalistes, dont le métier est la diffusion d’images, disent que cette mesure remet en cause leur travail.

Il est tout aussi fondamental que des citoyens aient le droit de publier des images. La défenseure des droits dénonce l’imprécision de l’objectif de porter atteinte à l’intégrité physique et psychique. Vous ouvrez la boîte de Pandore en mettant de l’intentionnalité là où il n’y en a pas. Le juge sera amené à se prononcer mais, d’ici là, et justement pour se prémunir d’une telle accusation, il y aura de l’autocensure. Cette disposition ne changera rien au problème mais il est certain qu’elle remettra en cause des libertés fondamentales – ce sont des autorités compétentes en la matière qui le disent.

Mme Laurence Vichnievsky. Ce type de comportement peut induire des atteintes morales, je ne le nie pas. Mon amendement vise la réunion d’éléments constitutifs d’une infraction a posteriori. Si la preuve peut être rapportée facilement en cas d’atteinte à l’intégrité physique, cela s’avérera très délicat en ce qui concerne l’intégrité psychique, qui fait par ailleurs l’objet de qualifications spécifiques. L’article 24 est trop large au regard de l’impératif de maintenir un équilibre entre deux principes : le respect de l’intégrité du policier et du gendarme, que nous devons protéger, et la liberté de l’information, indépendamment de l’intervention des médias. Il faut un équilibre entre ces deux principes.

M. Thomas Rudigoz. Je crois au contraire que le qualificatif « psychique » est beaucoup plus important que celui de « physique » et qu’il sera davantage utilisé par la justice. Nous avons bien sûr la volonté de protéger contre les agressions physiques, mais nous devons également nous préoccuper des pressions psychologiques. Dans certains quartiers, où les bandes délinquantes sont dérangées dans leurs trafics par le travail des policiers, les interventions de la police sont filmées avec des téléphones portables et diffusées sur les réseaux sociaux pour faire pression sur les familles des policiers, notamment sur leurs enfants. C’est de plus en plus insupportable pour les représentants de l’ordre. Ils ne sont plus les seuls en première ligne : désormais, leurs familles aussi sont en danger.

M. Éric Poulliat. Les témoignages des fonctionnaires de police se multiplient. Contrairement aux gendarmes, qui logent dans des casernes, ils habitent au cœur des quartiers. Or, ils sont de plus en plus contraints de déménager et d’enlever leurs enfants de l’école communale parce qu’ils y sont harcelés ou maltraités, en tant que fils et filles de flics. C’est de la pression psychologique.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Si nous devions voter cet amendement, nous ne pourrions plus intégrer dans le dispositif les actes d’intimidation. Or, cela est fondamental. C’est la raison pour laquelle j’y suis farouchement opposée.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je suis d’accord avec Mme Laurence Vichnievsky sur un point : il est plus difficile, au cours de l’enquête, de relever une violence invisible, psychique, qu’une blessure physique. Je souhaite toutefois que l’on maintienne ce terme dans l’article 24.

La Commission rejette les amendements identiques ainsi que l’amendement CL245.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL416 du rapporteur, CL129 de M. Éric Ciotti, CL88 de Mme Emmanuelle Ménard, CL33 de M. Ian Boucard, CL321 de Mme Aude Luquet, CL74 de M. Stéphane Mazars, CL34 de M. Ian Boucard et CL108 de Mme Valérie Oppelt.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’amendement a tout d’abord pour objet d’élargir le dispositif à tous les agents, contractuels compris, et non de la réserver aux seuls fonctionnaires et militaires. Vous vous souvenez sans doute du meurtre d’un couple de fonctionnaires de police à Magnanville et de la prise d’otage de leur petit garçon ; je m’en souviens car c’est moi qui ai dirigé l’assaut alors. Le mari était un commandant de police et son épouse une administrative de la police ; ils ont été tués ès qualités. Nous ouvrons la protection aux agents civils travaillant dans la police nationale.

L’amendement vise également à préciser que le numéro d’identification individuel, dit numéro RIO, peut rester visible pour permettre aux administrations et à l’institution judiciaire, en cas d’enquête, de remonter jusqu’à l’agent. Il est particulièrement important que l’agent demeure identifiable par ce moyen.

M. Ian Boucard. L’amendement CL129 poursuit le même objectif que celui des rapporteurs, à savoir étendre le bénéfice de cette disposition à toutes les personnes travaillant pour la gendarmerie ou la police nationales, qu’elles soient ou non fonctionnaires.

Mme Emmanuelle Ménard. Mon amendement protège, outre les fonctionnaires de police et de gendarmerie nationale, les policiers municipaux et les gardes champêtres, qui peuvent être filmés en interventions Il convient de les protéger au même titre que les autres.

M. Ian Boucard. L’amendement CL33 ajoute les policiers municipaux.

M. Jean-Michel Mis. L’amendement CL74 concerne tous les agents exposés aux mêmes risques et aux mêmes menaces que les forces de l’ordre.

M. Ian Boucard. L’amendement CL34 intègre les agents des douanes. Je me rends compte que nous avons oublié les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, qui peuvent subir exactement les mêmes menaces ; ils devraient même être protégés prioritairement car des images peuvent être filmées en prison et envoyées ensuite sur les réseaux sociaux à des gens qui, eux, ne sont pas incarcérés.

Mme Valérie Oppelt. Dans le même esprit, je souhaite ajouter les pompiers professionnels et les pompiers volontaires, qui relèvent du code de la sécurité intérieure, même s’il s’agit de sécurité civile. À Nantes, ils sont de plus en plus agressés lors de leurs interventions : depuis 2007, les atteintes ont plus que triplé ; en 2018, elles ont augmenté de presque 21 %. Par ailleurs, les sapeurs-pompiers souhaitent être reconnus comme partie intégrante de la force de sécurité intérieure.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Une vraie réflexion doit être menée sur le périmètre de l’article 24 et les populations que vous avez évoquées, comme nous l’avons fait à l’article précédent. À l’heure actuelle, nous ne sommes pas mûrs pour déterminer ces limites. Je propose donc, durant les quinze jours qui nous séparent de l’examen en séance, que vous déposiez vos amendements – et pourquoi pas, des amendements identiques. Ainsi, tout le monde sera satisfait car nous défendons tous à peu près les mêmes choses. Nous verrons, après avoir consulté, comment élargir le périmètre.

Je vous demande donc de retirer vos amendements.

M. Ian Boucard. Je voudrais comprendre votre position, monsieur le rapporteur. Vous êtes plutôt favorable à ce que nous avons proposé. Mais vous dites que vous n’êtes pas « mûr ». Cela signifie-t-il que vous avez besoin de demander l’avis du Gouvernement, qui n’est pas présent – je le comprends bien, puisque le projet de loi de finances est débattu en séance publique ? Pensez-vous accepter les amendements dans quinze jours ?

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Pour préciser ma pensée, je suis opposé à élargir le périmètre à toutes ces populations. Nous sommes en train d’ouvrir à certaines catégories : il faut savoir si la mesure tient en termes de constitutionnalité. Nous comptons réaliser cette étude, et, peut-être, nous ouvrir à certaines catégories. Il a été question d’agents de la police municipale, de gardes champêtres, de douaniers, d’agents pénitentiaires, de pompiers. Nous verrons si le dispositif peut les concerner tous ou s’il est cohérent de retenir pour cet article 24 le périmètre de l’article 23. Un retrait des amendements nous laisserait le temps de réfléchir. Afin que personne ne soit frustré, je propose un dépôt d’amendements identiques.

M. Ian Boucard. À l’aune de ces explications, je retire les amendements CL129, CL33 et CL34.

Mme Emmanuelle Ménard. Je vois une logique dans toutes les personnes citées dans nos amendements : le douanier, l’agent pénitentiaire, le policier municipal ou le garde champêtre portent un uniforme. Ces personnes peuvent être mises en danger à ce titre. Aujourd’hui, on le sait, même un agent municipal, qui n’a rien à voir avec un policier municipal ou un agent de surveillance de la voie publique (ASVP), mais qui porte un gilet où figure le nom de la ville, peut être pris pour cible parce qu’il est considéré comme représentant de l’ordre. C’est pourquoi il était intéressant de mentionner toutes ces catégories.

Je ne sais pas ce que vous avez en tête, mais je ne comprends pas bien la différenciation que vous ferez, par exemple, entre un douanier qui ne pourrait pas bénéficier de la mesure, et un policier municipal qui, je l’espère, en bénéficierait. Toutes ces personnes ont besoin d’être protégées, du fait de l’uniforme qu’elles portent.

M. Jean-Michel Mis. J’entends l’avis de sagesse du rapporteur. M. Mazars et moi retirons l’amendement CL74.

Mme Valérie Oppelt. Je salue d’abord le travail des rapporteurs sur ces sujets. Je ne doute pas que vous regarderez de plus près la situation des pompiers, qu’il est important de prendre en compte. Je retire l’amendement CL108.

Mme Danièle Obono. Ces amendements sont tout à fait logiques. Nous avons alerté sur ce point : on ouvre une boîte de Pandore dès lors que l’on accepte que cette proposition de loi dite sur la sécurité globale et le continuum de sécurité intègre de plus en plus d’intervenants. On pourrait même aller jusqu’aux agents de sécurité privée puisqu’un article précédent a prévu des peines plus lourdes pour sanctionner des infractions à leur égard.

S’agissant du floutage, le rapporteur demande que le RIO soit identifiable. Il en résulte que le reste de l’image devra être flouté avant d’être diffusé. L’argument est valable mais il pose la question de l’exercice en manifestation – cela est vrai pour des journalistes, mais pourrait l’être pour des particuliers. Si, sur la base de sa propre appréciation, un policier ou un agent se sent légitimement menacé alors qu’il est en train d’être filmé, pourrait-il confisquer le matériel des personnes qui procèdent à la captation ?

Mme Naïma Moutchou. Non !

Mme Danièle Obono. Je relaie ici des inquiétudes. Cela fait partie des risques induits, notamment pour les journalistes. Avant même que cette mesure ne soit prise, ils ont signalé de nombreux incidents de ce type. Nous craignons, avec eux, que cette proposition de loi n’augmente le nombre de ces incidents.

M. Thomas Rudigoz. L’article 24 ne concernera pas les journalistes, qui pourront toujours exercer leur métier. Il est évident que les forces de l’ordre n’auront pas à intervenir pour saisir leur caméra, appareil photo ou smartphone.

Pour ce qui concerne les amendements, je suis sensible à ce qu’ont dit certains collègues. Je soutiens ce que propose M. Jean-Michel Fauvergue, pour avoir le temps d’y travailler tous ensemble. Une partie importante de la proposition de loi visant à donner de nouveaux droits, moyens d’action et champs d’intervention à la police municipale, il est cohérent d’élargir l’article 24 aux policiers municipaux. J’entends que d’autres collègues veulent étendre ces dispositions à d’autres corps de métier qui interviennent également sur les questions de sécurité. Il y a là une logique : nous devons y travailler ensemble.

Une dernière question me turlupine. Mme Emmanuelle Ménard évoque régulièrement les gardes champêtres. Où existent-ils encore ? Dans certaines petites communes, j’imagine. Sont-ils nombreux ? Je connaissais le garde champêtre de Spirou et Fantasio, mais je pensais que ces agents avaient disparu.

Mme Emmanuelle Ménard. Voulez-vous que je vous mette en contact avec la Fédération nationale des gardes champêtres ?

Mme Naïma Moutchou. L’article 24 traite d’une intention de nuire, de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique. Il exclut de facto les journalistes. Dans leur travail objectif d’information, ils ne peuvent pas être concernés.

Par ailleurs, pour répondre à Mme Obono, un policier, même s’il se sent menacé, ne peut pas interpeller une personne en train de filmer. Ce n’est pas possible aujourd’hui et ne le sera pas davantage demain avec ces dispositions.

La seule diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux ne caractérise pas le délit de l’article 24. Il faut un contexte et une intention malveillante.

Enfin, la praticabilité de la disposition est l’objet de tous nos débats. Nous pourrons proposer des évolutions sur ce point. La question est bien celle de l’efficacité.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Je le redis : nous réexaminerons cette question en séance. Nous avons visé certaines personnes à l’article 23. Mais il s’agit à présent d’un autre article. Nous devons nous assurer que le dispositif fonctionne. Pour cela, nous avons plusieurs vérifications à faire ; nous vous en donnerons le résultat.

L’amendement identique que j’évoquais pourrait tout aussi bien être partagé par des non-inscrits, madame Ménard. Je l’ai dit à plusieurs reprises, je m’y engage et je défendrai cette position.

Pour ce qui concerne les gardes champêtres, que je connais bien, ils sont importants. Nous verrons s’ils peuvent être intégrés à l’article 24. Nous étudierons tout cela. Je réitère donc ma demande de retrait afin que nous puissions étudier la question en séance publique, avec, encore une fois, des amendements identiques.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Pour rétablir la vérité sur le contenu du texte, madame Obono, il n’est jamais fait mention de la prise d’images : le texte ne parle pas de filmer ou de ne plus filmer, de prendre des photos ou de ne plus en prendre. Il n’encadre que la diffusion, ce qui est tout à fait différent.

Les amendements CL129, CL88, CL33, CL321, CL74, CL34 et CL108 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CL416.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL128 de M. Éric Ciotti.

Puis la Commission adopte l’article 24 modifié.

Article 25 (art. L. 315-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Accès des policiers et des gendarmes armés en dehors des heures de service à des établissements recevant du public

La Commission est saisie des amendements identiques CL97 de M. Erwan Balanant, CL180 de M. Ugo Bernalicis, CL246 de Mme Laurence Vichnievsky et CL342 de M. Paul Molac.

Mme Laurence Vichnievsky. Je précise, comme je l’avais fait lors de la présentation liminaire, que cet amendement de suppression de l’article concernant le port de l’arme en dehors des heures de service par les services de police et de gendarmerie dans les établissements recevant du public, malgré le refus du gestionnaire ou du propriétaire, fait débat, y compris au sein du groupe MoDem et Démocrates apparentés. Mon amie et collègue, Isabelle Florennes, n’y était pas favorable mais une courte majorité du groupe ayant été en sa faveur, nous avons bien déposé un amendement de groupe sur cette disposition.

Je fais partie de ceux qui craignent une banalisation du port d’arme – aujourd’hui au profit de la police nationale ; demain, au profit des policiers municipaux et des agents privés de sécurité ; après-demain à tout titulaire régulier d’un port d’arme.

La législation actuelle est équilibrée. La règle est que le policier ou le gendarme, hors service, peut entrer dans l’établissement recevant du public avec son arme de service, sauf si le gérant des lieux lui en interdit l’accès. Nous devons maintenir le statu quo.

La conservation et le port d’arme hors service font peser une responsabilité particulière sur le fonctionnaire de police, en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances. La mesure n’est pas protectrice des services. Une telle responsabilité est en effet difficilement conciliable avec le repos effectif du policier hors service.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons la suppression de cet article, qui prévoit qu’un policier et un gendarme ou une policière et une gendarme puissent porter leur arme hors des heures de service, dans des conditions qui seraient définies par arrêté.

Nous ne comprenons pas à quoi répond la disposition, sinon à l’idée qu’en toutes circonstances ces agents doivent réagir, en cas de danger imminent ou d’infraction constatée. Or s’il y a un temps en service et un temps hors service, ces temps doivent être distincts. Dans tous les cas, des agents de service public interviendront, sans avoir besoin de cet article.

En revanche, la mesure fait débat, notamment eu égard à la propre sécurité des agents – il y a des circonstances, hors service, dans la vie privée, où il se peut qu’un agent ne soit pas en état de maîtriser ses armes.

On l’a vu dans le texte, tout cela risque, par extension, de favoriser le port d’arme pour les agents du service public, puis pour ceux qui sont assermentés, puis pour tous ceux, qui, comme les agents, se trouvent dans des situations où ils doivent intervenir. Cette généralisation du port d’arme nous semble problématique car elle peut mettre en danger les citoyens à proximité, et les agents et agentes eux-mêmes.

M. Paul Molac. Plus on a d’armes en circulation, plus on augmente le risque d’accidents. C’est assez classique.

La mesure n’est pas non plus un cadeau pour les agents, qui seraient encore au travail en dehors de leurs heures de service. Le fait de pouvoir utiliser une arme de service en dehors du travail a d’ailleurs été expérimenté récemment, à la suite des attentats. La pratique avait pourtant été interdite dans la police nationale, pour éviter que les armes de service ne servent contre les policiers eux-mêmes, dans le cas de suicides.

Je ne suis donc pas certain que la disposition soit un cadeau pour les agents de la police. Je crains même le contraire. Le problème d’un revolver est que cela va vite et que l’on peut ne pas se rater. C’est pourquoi je vous appelle à faire preuve de grande prudence envers une mesure qui met en danger nos propres forces de police.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. L’article 25 est particulier. J’essaierai de le traiter avec la plus grande pédagogie, si cela est possible.

Depuis les attentats de 2015, les policiers et les gendarmes ont été autorisés à porter leur arme hors service, sous certaines conditions. C’est le cas pour la plupart des policiers et gendarmes, en ce moment. Ces conditions sont fixées par les deux directions générales. Elles supposent que les policiers et les gendarmes suivent des entraînements réguliers, et portent sur eux, en plus de leur arme, les insignes qui les différencient de la population, c’est-à-dire leur carte de réquisition ou carte professionnelle et, tant que faire se peut, un brassard, qu’ils ne mettront qu’en cas d’intervention.

Ces policiers et ces gendarmes sont autorisés à être dans la rue et à croiser des policiers et des gendarmes en civil, armés. C’est une expérience que j’ai vécue.

Actuellement, ces policiers et ces gendarmes ne peuvent entrer dans un établissement recevant du public – une salle de spectacle, un stade de sport, un grand centre commercial – sans y être autorisés par la personne responsable de la sécurité.

Je précise à l’intention de M. Molac que le plan de prévention des suicides dans la police et dans la gendarmerie exigeait bien que l’agent laisse son arme au râtelier à la fin de son service, mais que les attentats sont passés par là et ont motivé de la part des intéressés une forte demande qui a conduit à la situation actuelle.

Pourquoi vouloir étendre au périmètre des établissements recevant du public l’autorisation qui prévaut depuis 2015 ?

Qui serait concerné ? Des policiers et gendarmes d’active, qui s’entraînent régulièrement : il n’est pas question d’armer, comme certains le craignent, des gardes privés, des policiers municipaux, des réservistes de la police ou de la gendarmerie. Sachez d’ailleurs que si un policier ou un gendarme qui n’est pas en service intervient sur la voie publique face à un délit, il est de facto considéré comme en service et bénéficie de la protection afférente.

Comment cela se passerait-il ? L’idée est que ces personnes entraînées soient présentes pour faire cesser un attentat qui se produirait dans un lieu recevant du public. De ce point de vue, il y avait dans vos différents argumentaires une lacune, permettez-moi de vous le dire : les victimes d’attentats n’y ont pas été évoquées.

Mme George Pau-Langevin. Si les agents ne sont pas en service, ils ne peuvent pas s’opposer à une action en cours.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Mais les policiers et les gendarmes sont en service vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Prenons l’exemple du Bataclan : il y avait sur place au moins trois policiers, dont un couple de commissaires de police. L’un des commissaires, percuté par une balle de kalachnikov, est resté handicapé ; sa femme a été traumatisée ; je ne sais pas ce qu’il est advenu du troisième. S’ils avaient eu leurs armes, ils seraient intervenus, auraient pu mettre fin à l’agression, en jouant de l’effet de surprise, et changer le cours de cette soirée qui a fait près de 100 morts rien que dans la salle de spectacle. Ils auraient peut-être évité la mort de dix personnes, de vingt personnes, trente, quarante, cinquante, soixante, soixante-dix, quatre-vingt ; évité à dix familles, vingt, trente, quarante, cinquante, soixante, et leur entourage proche et plus éloigné, c’est-à-dire trois ou quatre mille personnes, d’être endeuillées. C’est uniquement à ce type d’intervention que les policiers et les gendarmes réclament depuis longtemps de pouvoir procéder.

Le port d’arme reposera sur le volontariat : rien n’obligera celui qui ne veut pas prendre son arme en dehors du service à le faire. Mais celui qui la prendra devra pouvoir donner à son administration les gages du fait qu’il a suivi ses entraînements et est apte à intervenir quand il le doit – parce qu’un policier, un gendarme est au service de la nation vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

La conservation des armes est réglementée par la Direction générale de la gendarmerie nationale et par la Direction générale de la police nationale, en service, en dehors du service, au domicile – il existe des règles particulières pour chaque situation.

Y a-t-il, comme cela a été dit, un risque de banalisation du port d’arme ? Non : je le répète, les policiers et gendarmes peuvent déjà porter leur arme sur la voie publique ; il s’agit simplement de leur permettre d’entrer avec elle dans un établissement recevant du public.

Mme Danièle Obono. Je ne remets pas en cause l’intention qui sous-tend l’article : il est naturel et légitime que les agents veuillent intervenir. Le problème est que même s’ils ne sont pas obligés de prendre leur arme, le fait d’y être autorisés va les soumettre à une pression supplémentaire. Monsieur le rapporteur, vous confirmez qu’il n’y a plus de différence entre être en service et être en dehors du service ; cela ne va pas. Même si les agents peuvent déjà intervenir dans certaines situations, et le doivent sous peine de non-assistance à personne en danger, cette possibilité reste encadrée ; ici, vous proposez de la généraliser. C’est la logique même du texte que d’étendre les prérogatives de certains à d’autres, relevant d’autres secteurs, qui peuvent se trouver dans la même situation ; nous en avons parlé à propos des agents de sécurité, qui pourraient devoir intervenir lors d’un attentat et auraient alors toute légitimité pour demander à disposer des moyens de le faire. C’est sans fin.

J’aimerais connaître d’ici à la séance publique le bilan de l’effet des autorisations existantes : ont-elles permis aux agents d’intervenir davantage ? Observe-t-on des progrès significatifs dans la prévention ou la résolution des infractions ? Sinon, nous ne légiférons que sur le fondement d’un objectif, certes légitime, mais insuffisant au regard des risques encourus – dont celui de vivre dans une société où les forces de l’ordre ne déconnectent jamais et où le nombre d’armes en circulation ou présentes dans les lieux publics augmente d’autant.

M. Éric Diard. J’abonde dans le sens du rapporteur. Au Bataclan, on pourrait se demander ce que des membres des forces de l’ordre auraient pu faire de leurs armes de service face à des kalachnikovs, mais un exemple, que M. Fauvergue connaît mieux que moi, dissipe le doute : celui du commissaire qui, avec son chauffeur, s’est rendu sur place et y a abattu Samy Amimour avec son arme. Des policiers armés se trouvant dans les environs auraient donc bien pu atténuer le massacre, si je puis dire.

Mme Laurence Vichnievsky. Cher Jean-Michel Fauvergue, vous avez de l’expérience ; j’en ai aussi – pas exactement la même, il est vrai. Je pourrais vous citer pléthore d’exemples de textes ouvrant des portes qu’il est ensuite impossible de refermer et qui, au contraire, s’ouvrent plus grand encore.

Je savais que vous évoqueriez le Bataclan. Comme vous, évidemment, j’aurais voulu empêcher le meurtre de victimes. Mais on ne peut pas réécrire l’histoire et on ne sait pas ce qui se serait passé à supposer que les policiers présents sur place aient été armés, s’ils auraient pu éviter le massacre ou le limiter, ni dans quelles proportions.

Notre législation est équilibrée : les policiers armés qui ne sont pas en service peuvent entrer dans un établissement recevant du public, sauf si le propriétaire ou le gestionnaire des lieux le leur interdit – et s’il le fait, il a sans doute des raisons.

Je suis également sensible à l’argument de la pression ininterrompue sur les agents, que j’ai évoqué et que Mme Obono a développé.

Enfin, nous ne voulons naturellement pas que le Bataclan soit notre quotidien. Or c’est pour le quotidien que nous légiférons. Nous avons toujours dit que nous ne voulions pas faire des lois d’exception, répondant à un événement exceptionnel. Notre législation antiterroriste est déjà très dérogatoire et, heureusement, très protectrice.

Mme Emmanuelle Ménard. J’irai dans le sens du rapporteur. Certes, nous ne voulons pas d’une législation d’exception ; mais, aujourd’hui, le risque terroriste est partout ; il est donc possible de faire évoluer notre droit pour tenir compte de ce changement qui affecte le quotidien.

Vous avez cité le Bataclan, monsieur le rapporteur ; pour ma part, je me souviens de l’attentat de Trèbes, à la suite duquel un policier ou un gendarme à la retraite présent sur les lieux a affirmé qu’il avait eu le terroriste en ligne de mire : s’il avait eu son arme, rien de ce qui s’est produit ne serait arrivé.

J’ai déposé un amendement visant à étendre encore le dispositif – pas aux agents retraités, mais cela pourrait aussi s’envisager et j’en déposerai peut-être un autre en ce sens d’ici à la séance.

Mme Obono disait que l’article gommait la différence entre être en service et ne pas l’être, mais, comme le rappelait le rapporteur, un policier – ou un gendarme – est policier – ou gendarme – vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! De même qu’un médecin témoin d’un accident ne va pas refuser de soigner un blessé au motif qu’il a fini sa journée, de même un policier ne va pas croiser les bras si son intervention peut changer le cours d’un événement qui se déroule devant lui. Il ne s’agit même plus de profession, mais de missions. Je n’ai jamais douté un seul instant du fait que les policiers – nationaux ou municipaux – et les gendarmes que je connais s’investissent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même si cette mission est parfois un peu lourde à porter.

Mme George Pau-Langevin. La difficulté est que, s’agissant d’une proposition de loi, nous n’avons ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État pour fonder nos travaux, alors que l’article 25 introduit un changement significatif dans notre droit. Après l’attentat du Bataclan, j’ai entendu des autorités haut placées dire que l’unité de commandement était importante en pareil cas et qu’elles ne tenaient pas à ce que n’importe qui fasse n’importe quoi dans un moment aussi délicat. Le policier de base n’est pas un super-héros du contre-terrorisme ! Outre que l’évolution envisagée pose problème du point de vue de nos libertés publiques, elle risque de faire peser sur l’agent de base une responsabilité disproportionnée. Il est difficile de l’approuver sans les éclairages dont on dispose à propos d’un projet de loi.

M. Rémy Rebeyrotte. En tout cas, il faut absolument sanctuariser les bureaux de vote !

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Oui, il faut sanctuariser plusieurs endroits, dont les bureaux de vote – sinon, on pourrait voter n’importe quoi sous la menace d’une arme !

Je le dis sans polémiquer, madame Obono : le métier de policier ou de gendarme est une vocation et il s’exerce vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Bien sûr, les forces de l’ordre ne travaillent pas en permanence jour et nuit ; mais quand leurs membres sont sur la voie publique en dehors de leur service, ils peuvent intervenir si besoin, surtout s’ils portent leur arme et l’ensemble de leur attirail. De tels métiers sont rares – on a cité les médecins, on aurait sans doute pu mentionner aussi les députés. Voilà pourquoi il faut protéger les policiers et les gendarmes au lieu de les attaquer.

Mme Danièle Obono. Je ne remets absolument pas en cause leur vocation.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Très bien.

On ne peut pas les comparer à des agents de sécurité, qui ne travaillent pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui n’ont pas le même attirail et que la loi ne dote pas des mêmes moyens.

J’ai essayé d’être le plus neutre possible ; je suis désolé de vous avoir parlé du Bataclan, des dix, vingt, trente, quarante personnes qui auraient peut-être pu être sauvées ; mais il le fallait. On me répond avis du Conseil d’État, étude d’impact, responsabilité disproportionnée. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais de sauver des vies ! Cela relève de l’exception, je vous l’assure.

La Commission rejette successivement les amendements de suppression.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL424 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL169 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Dès lors que l’état d’urgence est en vigueur, il convient d’autoriser le port d’arme hors service pour les policiers municipaux. Cette demande, ancienne, me semble légitime puisque ces personnels sont armés et remplissent un certain nombre de conditions.

Au cas où cette proposition ne recueillerait pas votre assentiment, les policiers municipaux de ma circonscription, et au-delà, nous suggèrent d’autoriser à titre expérimental le port d’arme hors service pour les moniteurs, peu nombreux et très expérimentés dans le maniement des armes.

Enfin, si mon collègue Rudigoz était là, je lui dirais qu’il faut aussi autoriser le port d’arme hors service pour les gardes champêtres…

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Les policiers municipaux, comme les douaniers d’ailleurs, ne sont pas autorisés à porter leur arme hors service, a fortiori à accéder à un établissement recevant du public (ERP) munis de leur arme. Je ne suis pas favorable à une modification de ce régime ou à une expérimentation concernant les moniteurs.

Mme Emmanuelle Ménard. Les policiers municipaux, qui portent un uniforme et constituent une cible au même titre que les policiers, comprennent mal de ne pas être autorisés à porter une arme hors service. Et sans vouloir en faire une généralité, il arrive souvent que des policiers municipaux aient à leur actif plus d’heures de tir que les policiers nationaux !

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL130 de M. Éric Ciotti.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL425 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL290 de M. Éric Pauget.

Elle adopte l’article 25, modifié.

Article 26 (art. L. 2338-3 du code de la défense) : Clarification des règles d’usage des armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL212 de M. Hervé Saulignac.

Puis elle examine l’amendement CL426 présenté au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis de la commission de la Défense nationale et des forces armées. La commission de la Défense a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 26, considérant qu’il apporte une clarification nécessaire quant aux conditions d’usage des armes par les militaires déployés en opération intérieure.

Toutefois, l’article prévoit qu’un arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre des armées précisera les normes techniques des matériels utilisés pour immobiliser un véhicule. Ce projet d’arrêté conjoint apporte une complexité juridique qui n’apparait pas justifiée. En effet, les armées sont déjà autorisées à utiliser des moyens techniques appropriés pour immobiliser des moyens de transport dans les conditions de l’article L. 241‑2 du code de la sécurité intérieure lorsqu’ils protègent les installations militaires, les normes de ces moyens étant définis par un arrêté du ministre des armées.

Prévoir deux arrêtés, dont l’un avec l’intervention du ministre de l’intérieur, pour qu’une même unité puisse remplir la même mission, avec les mêmes moyens, dans deux contextes fort peu différents ne semble pas de bonne organisation. Plus largement, le principe de nécessaire libre disposition de la force armée doit plaider pour que les choix capacitaires faits pour équiper les armées, même lorsqu’ils sont très modestes, restent à la main du ministre des armées, chargé de la préparation et des conditions d’emploi des forces armées aux termes de l’article L.1142‑1 du code de la défense.

La commission de la Défense propose de revenir au seul arrêté du ministre des armées, comme cela est prévu pour la protection des installations militaires, à l’article 41 de la loi de programmation militaire 2019-2025.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Le ministère de l’intérieur applique un principe importé des militaires, celui du menant-concourant. Le menant est celui qui mène l’opération, le concourant est celui qui, venant de l’extérieur, apporte son concours. L’armée, qui agit de façon remarquable sur le territoire national, est le concourant de ces opérations ; le commandement appartient au ministère de l’intérieur et à lui seul.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 26 sans modification.

Après l’article 26

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL204 de Mme Marie-France Lorho.

Article 27 (art. L. 411-5 et L. 411-6 du code de la sécurité intérieure, art. 21 du code de procédure pénale, art. 36 de la loi d’orientation et de programmation n° 95-73 du 21 janvier 1995 relative à la sécurité) : Terminologie

La Commission adopte l’amendement CL417 du rapporteur.

L’article 27 est ainsi rédigé.

Après l’article 27

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL286 de M. Éric Pauget. 

Puis elle examine l’amendement CL105 de M. Raphaël Gérard. 

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cet amendement sécurise l’habilitation des gardes champêtres à constater par procès-verbal les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal. Si l’article 21 du code de procédure pénale fait bien référence à l’article L. 521-1 du code de la sécurité intérieure, ce n’est pas le cas de l’article 44-1 du même code de procédure pénale, qui affiche une référence obsolète que j’ai encore vérifiée tout à l’heure. Je vous propose d’adopter cet amendement, puis de corriger sa rédaction en séance publique. J’en profite pour rendre hommage au rôle essentiel des gardes champêtres, sur tout le territoire national et dans la Drôme en particulier (sourires.)

Mme Emmanuelle Ménard. Cet avis favorable me ravit !

M. Rémy Rebeyrotte. Notre collègue Thomas Rudigoz, élu à Lyon, apprendra vite ce qu’est le rôle des gardes champêtres puisque la nouvelle municipalité devrait bientôt planter plus d’un million d’arbres ! (Sourires.)

La Commission adopte l’amendement.

L’article 27 bis est ainsi rédigé.

La Commission examine ensuite successivement les amendements CL96, CL98 et CL101 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. J’aimerais apporter une précision car j’ai l’impression que le rôle des gardes champêtres est méconnu : ils n’exercent pas seulement dans le milieu rural et ils ne s’occupent pas que des arbres ! Leurs compétences sont plus étendues que celles de la police municipale ; ils interviennent dans plus de cent cinquante domaines, notamment dans la lutte contre les nuisances et les atteintes à l’environnement.

L’amendement CL96 va dans le même sens que l’amendement CL105 que la Commission vient d’adopter puisqu’il sécurise, dans le code de procédure pénale, l’habilitation judiciaire dont disposent les gardes champêtres.

L’amendement CL98 permet aux gardes champêtres, habilités à constater les contraventions au code de la route, à procéder aux tests de dépistage de l’usage de stupéfiants.

Enfin, je propose avec l’amendement CL101 que les gardes champêtres puissent procéder au placement d’un véhicule en fourrière. En effet, il est fréquent que des communes rurales, où seuls exercent des gardes champêtres, soient confrontées à des stationnements abusifs sur la voie publique.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Les gardes champêtres n’ont pas vocation à disparaître ; au contraire, ils exercent la police de l’environnement. M. Jean-Michel Fauvergue et moi avions formulé dans notre rapport un certain nombre de propositions concernant cette profession, mais elles n’ont pas été reprises dans cette proposition de loi car elles relèvent du domaine réglementaire. Nous sommes toutefois prêts à intégrer de nouvelles dispositions.

L’amendement CL96 est satisfait, comme vous l’avez indiqué, par l’adoption de l’amendement CL105.

Par ailleurs, je vous suggère de retirer l’amendement CL101 pour en retravailler la rédaction dans la perspective de la séance publique car, si je ne suis pas hostile à donner une compétence aux gardes champêtres en termes de placement en fourrière, ils ne pourraient agir d’initiative sans être placés sous la direction d’un officier ou d’un agent de police judiciaire.

Enfin, j’émets un avis défavorable sur l’amendement CL98. Si, aux termes du 3° de l’article 21 du code de procédure pénale, les gardes champêtres sont bien des agents de police judiciaire adjoints, l’article L. 532-1 du code de la sécurité intérieure leur permet de constater par procès-verbal les seules contraventions au code de la route, comme la conduite en état d’ébriété. La conduite sous l’emprise de stupéfiants constitue, elle, un délit puni de deux ans d’emprisonnement. En l’état de notre droit, il n’est donc pas envisageable d’autoriser les gardes champêtres à procéder à de tels contrôles.

Les amendements CL96 et CL101 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement CL98.

TITRE V
SÉcuritÉ dans les transports et sÉcuritÉ routiÈre

Article 28 (art. L. 2251‑1‑1 du code des transports) : Prestations du service interne de sécurité de la SNCF dans les gares ferroviaires et les gares routières adjacentes

La Commission examine l’amendement CL394 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’émets un avis favorable à cet amendement, qui porte sur l’intervention des agents de sécurité de la SNCF sur les liaisons routières effectuées en substitution de lignes ferroviaires, comme ce peut être le cas sur des lignes de transport express régional (TER).

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 28 modifié.

Après l’article 28

La Commission est saisie de l’amendement CL23 de M. Éric Diard. 

M. Éric Diard. La loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite « loi Savary », a imposé des enquêtes administratives préalablement aux décisions de recrutement et d’affectation aux emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein des entreprises de transport public ou de transport de marchandises dangereuses. Ce criblage a été étendu par la suite à d’autres professions et à des fonctions régaliennes.

Les travaux de la mission d’information sur les services publics face à la radicalisation, dont j’étais rapporteur avec M. Éric Poulliat, ont montré la nécessité d’étendre ce contrôle administratif aux agents des entreprises sous-traitantes des entreprises de transport public ou de transport de marchandises dangereuses, mais aussi aux professions de maintenance opérant pour ces entreprises. C’est l’objet de cet amendement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Dans la mesure où le service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) dépend du ministère de l’intérieur, je préfère laisser le Gouvernement vous répondre en séance publique. Je vous suggère de retirer cet amendement à ce stade.

M. Éric Diard. Je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL315 de Mme Aude Luquet. 

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cet amendement autorise, à titre expérimental, les opérateurs de transport à mettre en œuvre la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique au moyen de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants. Cette disposition, dont l’objet est davantage de prévenir les accidents que de renforcer la sécurité publique, n’entre pas tout à fait dans nos compétences. Mais si cet amendement convient à tous, je ne vois pas de raison de m’y opposer dans la mesure où son apport me paraît positif.

La Commission adopte l’amendement. L’article 28 bis est ainsi rédigé.

La Commission examine l’amendement CL395 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cet amendement assouplit les conditions de la transmission aux forces de l’ordre des images réalisées en vue de la protection des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs. J’y suis favorable, car on voit bien l’intérêt d’une mise à disposition permanente – et pas seulement dans un nombre limité de circonstances – des flux vidéo captés dans les installations de la SNCF et d’autres entreprises de transport public. Cette évolution favorisera une plus grande réactivité et une meilleure coopération entre l’exploitant et les forces de sécurité intérieure.

La Commission adopte l’amendement. L’article 28 ter est ainsi rédigé.

La Commission examine l’amendement CL55 de M. Rémi Delatte.

M. Ian Boucard. Les gares et leurs abords immédiats sont des lieux de fixation de la délinquance : c’est le cas à Paris, mais aussi chez moi à Belfort, ou à Dijon où se trouve la circonscription d’élection de M. Rémi Delatte. Il propose, à travers cet amendement, d’assurer un véritable continuum de sécurité en permettant aux forces de l’ordre – gendarmerie nationale, polices nationale et municipale – de disposer du flux vidéo des équipements de vidéoprotection situés sur les emprises des gares ferroviaires. Nos forces de sécurité pourront intervenir plus rapidement et de manière plus efficace dans ces lieux.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cet amendement suit la même logique que le précédent et j’y suis favorable. Je vous proposerai sans doute quelques améliorations rédactionnelles et légistiques en séance publique.

La Commission adopte l’amendement. L’article 28 quater est ainsi rédigé.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL22 de M. Éric Diard et CL76 de M. Philippe Gosselin.

M. Éric Diard. Ces amendements clarifient les possibilités laissées aux opérateurs de transport pour l’exercice des missions de sûreté. Nous proposons qu’ils puissent faire appel, soit à leurs services internes de sûreté lorsqu’ils existent, soit à une entreprise de sécurité privée.

La loi dite Savary précitée a permis aux opérateurs de se doter d’un service interne de sécurité. Toutefois, le recours de certains d’entre eux à des sociétés de sécurité privée, avec une présence visible et dissuasive d’agents agréés, a donné de bons résultats. Utilisé essentiellement pour des missions de sécurisation dynamique, ce recours à des sociétés privées serait également adapté pour les réseaux de surface.

Mme Alice Thourot, rapporteure. J’émets un avis défavorable sur vos amendements. La lutte contre la fraude implique des compétences de police judiciaire, puisqu’il s’agit de réprimer des contraventions. C’est un aspect qui, de toute évidence, fait partie intégrante de la sphère publique. Le fait de refuser l’entrée dans un stade ou d’ordonner la descente d’un bus ou d’un train n’a pas, en outre, les mêmes conséquences pour les contrevenants. Confier de telles prérogatives de puissance publique aux agents de sécurité privée me semble un pas qu’il ne faut pas franchir. Je vous invite donc au retrait.

M. Éric Diard. L’idée était surtout de créer une présence dissuasive à côté des forces de sécurité de la RATP. Je maintiens mon amendement.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement CL81 de M. Philippe Gosselin

Elle examine l’amendement CL397 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cet amendement pérennise les caméras-piétons à la SNCF et à la RATP. J’y suis évidemment favorable. Je rappelle qu’une expérimentation a été menée et qu’elle fait apparaître une très bonne acceptation de la mesure par les personnels comme par les usagers. Les caméras-piétons sont un dispositif auquel je tiens, car elles permettent de pacifier les échanges.

La Commission adopte l’amendement. L’article 28 quinquies est ainsi rédigé.

Article 29 (art. L. 234‑3, L. 234‑4 et L. 234‑9 du code de la route) : Contrôles d’alcoolémie au volant

La Commission adopte l’article 29 sans modification.

Après l’article 29

La Commission examine l’amendement CL151 de Mme Yaël Braun-Pivet.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cet amendement sécurise les missions des gardes particuliers assermentés sur les propriétés pour lesquelles ils sont commissionnés et agréés.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je suis évidemment très favorable à cet amendement.

La Commission adopte l’amendement. L’article 29 bis est ainsi rédigé.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL304 de Mme Zivka Park.

TITRE VI

Dispositions diverses

Avant l’article 30

La Commission examine l’amendement CL406 du Gouvernement.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Cet amendement traduit l’engagement du ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, après l’attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne. Il instaure une traçabilité des ventes de mortiers d’artifice pour faciliter l’identification des acquéreurs qui en feraient un usage détourné. Il permet également aux commerçants de refuser une vente lorsqu’ils ont des doutes sur les intentions de l’acheteur.

Cette disposition complète judicieusement l’encadrement introduit à l’article 30.

La Commission adopte l’amendement. L’article 30 A est ainsi rédigé.

Article 30 (art. L. 557‑60‑1 [nouveau] du code de l’environnement) : Sanction pénale pour achat, détention, utilisation et vente d’articles pyrotechniques

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL24 de M. Éric Diard et CL131 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Diard. Cet amendement distingue clairement le fait de vendre des dispositifs pyrotechniques à des personnes qui ne répondent pas aux conditions prévues, d’une part, et le fait d’acquérir ces dispositifs, d’autre part. Autrement dit, il sépare le vendeur et l’acheteur – étant entendu que je parle ici d’un acheteur qui ne cherche pas à détourner les mortiers pour les utiliser contre les forces de l’ordre, mais simplement à tirer un feu d’artifice dans son jardin. Le vendeur, en tant que professionnel, a une responsabilité plus grande. Il doit donc être sanctionné plus durement.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. On pourrait comprendre la pénalisation plus forte du commerçant si le produit vendu était néfaste par nature à l’ensemble de la société. Or, tel n’est pas le cas : les feux d’artifice ont une fonction de divertissement tout à fait louable. C’est bien l’usage détourné qu’en font certains acheteurs pour les transformer en armes par destination qui est répréhensible, et qui oblige le législateur à encadrer davantage le commerce de ces produits. Mieux vaut donc maintenir une répression égale des deux côtés de la transaction commerciale. Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, comme sur l’amendement de M. Éric Ciotti.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL61 de M. Christophe Blanchet.

Elle examine l’amendement CL25 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Cet amendement vise à punir plus sévèrement les personnes qui détournent les dispositifs pyrotechniques pour en faire des armes contre les forces de police.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. La pénalisation de l’usage de mortier d’artifice à des fins détournées existe déjà. Soit c’est une dégradation de bien public et c’est réprimé de cinq à dix ans d’emprisonnement ; soit c’est une violence avec arme sur personne dépositaire de l’autorité publique et c’est puni, là encore, d’au moins dix ans d’emprisonnement.

Votre amendement aurait pour effet d’abaisser le quantum de peine encourue : je ne pense pas que ce soit votre but. Je vous recommande donc de le retirer.

M. Éric Diard. Je le retire pour le retravailler.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL291 de M. Éric Pauget.

Puis elle adopte l’article 30 sans modification.

Après l’article 30

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL37 et CL38 de Mme Fiona Lazaar.

Puis elle examine les amendements CL317 et CL322 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Rémy Rebeyrotte. Ces deux amendements sont issus de la mission d’information sur l’évolution et la refondation des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance (CSPD), que je mène actuellement avec M. Stéphane Peu. Beaucoup de choses relèvent du pouvoir réglementaire, mais deux points font partie du domaine de la loi.

L’amendement CL322 vise à étendre l’obligation faite aux communes de plus de 10 000 habitants de créer un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) aux communes comptant entre 5 000 et 10 000 habitants. On constate des faits de délinquance dans des collectivités de cette taille et il importe d’instaurer un dialogue et une stratégie pour protéger la sécurité publique.

L’amendement CL317, quant à lui, vise à rendre obligatoire, dans les communes de plus de 10 000 habitants, l’introduction d’un coordonnateur pour chaque CLSPD. Nous avons constaté que ces conseils ne fonctionnent vraiment que lorsqu’une personne est spécifiquement chargée de cette politique publique et qu’elle fait le lien entre les différents acteurs.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Avis favorable sur ces amendements, qu’il serait judicieux de réunir en un article unique.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. En effet. Votre initiative signifie-t-elle, monsieur Rebeyrotte, que vous êtes sur le point de présenter les conclusions de votre mission d’information ?

M. Rémy Rebeyrotte. Ce sera fait d’ici la fin de l’année, madame la présidente.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. J’espère auparavant !

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je tiens à saluer MM. Stéphane Peu et Rémy Rebeyrotte pour leur travail. Ces amendements constituent un apport substantiel.

M. Ian Boucard. À plusieurs reprises, au cours de l’examen de ce texte, les rapporteurs ont dit qu’il était préférable d’attendre les conclusions de missions en cours pour prendre une décision. Pourquoi ne pas attendre, sur ce point précis, les conclusions de la mission d’information sur les CLSPD ? J’avoue que je vous taquine un peu…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. J’ai bien compris que vous étiez taquin, cher collègue. En l’occurrence, puisque les préconisations de nos collègues correspondent parfaitement à ce véhicule législatif, il serait dommage de se refreiner.

La Commission adopte successivement les amendements.

L’article 30 bis est ainsi rédigé.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL297 de M. Éric Pauget.

Puis elle examine l’amendement CL134 de Mme Valérie Oppelt.

Mme Valérie Oppelt. La chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Jura a lancé le dispositif « Alerte Commerces » qui crée un canal de communication entre les commerçants et les forces de l’ordre. Il permet d’alerter gratuitement par SMS les commerçants, artisans et prestataires de services en cas de délit grave – vol à main armée, diffusion de fausse monnaie, chèques volés, escroquerie. Lorsqu’un signalement téléphonique est effectué, un message est adressé aux commerçants, ce qui leur permet de réagir et de se protéger. Ce dispositif donne de bons résultats dans le Jura, où 600 SMS ont par exemple été envoyés en moins de 30 minutes. D’autres départements sont en train de l’adopter : je sais que la Loire-Atlantique y travaille.

Il me paraissait judicieux de profiter de cette proposition de loi pour appeler à la généralisation de cette expérimentation sur l’ensemble du territoire.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. Nous ne souhaitons pas, à ce stade, voter la généralisation de ce dispositif. Mais si l’objet de votre amendement est d’interpeller le ministre sur ce point précis, je vous invite à le retirer et à le redéposer en séance publique. Le ministre vous dira alors s’il peut encourager les préfets à développer ce mécanisme.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL136 de Mme Valérie Oppelt.

Mme Valérie Oppelt. Cet amendement concerne le rappel à l’ordre, qui permet au maire, lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, de rappeler à leur auteur les dispositions qui s’imposent à lui. Il est très peu utilisé alors même qu’il permettrait de renforcer le lien entre les maires et nos forces de police, donc le continuum de sécurité.

Mme Alice Thourot, rapporteure. Je vous remercie de rappeler l’existence du rappel à l’ordre, dont les élus locaux ont confirmé qu’il était efficace. Je vous invite toutefois à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Rémy Rebeyrotte. J’ajoute que certains conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) ont une convention autour du rappel à l’ordre – c’est notamment le cas à Toulouse.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL138 et CL141 de M. Christophe Naegelen.

Elle examine l’amendement CL181 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport faisant le bilan de la mission « Sentinelle » au titre de laquelle des militaires sont déployés sur le territoire national. Au sein même de l’armée, d’aucuns s’interrogent sur la pertinence de ce déploiement qui épuise nos militaires et qui leur donne le sentiment de s’éloigner de leur mission. C’est ce qui ressort de certains débats et d’articles de presse. Je pense que nous pourrions, nous aussi, discuter de cette question.

Il nous semble important de maintenir une distinction claire entre la sécurité intérieure, qui est du ressort de la police, et la défense du territoire, qui est la mission de l’armée. Un rapport permettrait peut-être de redessiner clairement les contours de ces deux missions.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur. De pratique constante, la commission des Lois procède elle-même aux missions d’information et aux enquêtes qui lui semblent nécessaires. La mission de contrôle ne se délègue pas, et moins encore au Gouvernement qui est le plus souvent l’objet de ce contrôle. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL211 de M. Hervé Saulignac.

TITRE VII
Dispositions outre-mer

Article 31 (art. L. 545‑1, L. 546‑1 et L. 645‑1 du code de la sécurité intérieure) : Application outre-mer

La Commission examine l’amendement de rédaction globale CL407 du Gouvernement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cet amendement du Gouvernement, comme les quatre amendements portant article additionnel qui suivront, effectue des coordinations pour l’application de la proposition de loi dans les outre-mer.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

L’article 31 est ainsi rédigé.

Après l’article 31

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte les amendements CL408, CL409, CL410 et CL411 du Gouvernement.

Les articles 31 bis, 31 ter, 31 quater et 31 quinquies sont ainsi rédigés.

TITRE VIII
Disposition relative À la compensation
de la charge pour l’État

Article 32 : Gage financier

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement de suppression CL440 du Gouvernement.

L’article 32 est ainsi supprimé.

Puis la Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi relative à la sécurité globale (n° 3452), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


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COMPTE RENDU DES Débats DE LA COMMISSION
de la dÉfense nationale et des forces armées

Lors de sa réunion du mardi 3 novembre 2020, la commission de la Défense nationale et des forces armées examine les articles 22 et 26 de la proposition de loi relative à la sécurité globale (n° 3452) (Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis).

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, bonsoir à tous, que vous soyez présents devant moi ou en visioconférence. Deux points sont à l’ordre du jour de notre réunion de ce soir. Nous examinerons d’abord pour avis les articles 22 et 26 de la proposition de loi relative à la sécurité globale qui a été déposée par nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, puis la proposition de résolution européenne relative à la relance dans le secteur de la Défense.

Vous vous souvenez sans doute que nous avons désigné la semaine dernière notre collègue Anissa Khedher rapporteure pour avis sur les articles 22 et 26 de la proposition de loi (PPL) qui intéressent les armées au premier chef – c’est le cas de le dire. L’examen de cette proposition de loi prend une connotation particulière au regard des récents attentats perpétrés sur le sol français ces dernières semaines, dont le plus récent remonte à seulement quelques jours, le 29 octobre à Nice, dans la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption.

Le Président de la République l’a rappelé : à travers ces attentats, c’est la nation tout entière qui est attaquée, c’est elle qui doit s’unir, se mobiliser, agir.

Trop souvent, les terroristes assimilent les démocraties à la faiblesse et à l’incapacité de réagir, engluées qu’elles seraient dans des débats et des discours célébrant la paix. Mais cette vision est fausse : un peuple conscient de ses valeurs, des libertés qu’il défend est le mieux armé à long terme pour lutter contre le terrorisme, davantage en tout cas qu’un peuple soumis.

Cette proposition de loi qui vient à point nommé n’est en rien une réaction émotive et circonstancielle à des événements tous plus horribles les uns que les autres. Nos collègues y travaillent depuis des mois et avaient même fait un rapport en 2018. Elle est, au contraire, une réaction rationnelle qui tend à assurer une meilleure coordination et, par conséquent, une meilleure efficacité entre les actions des différents acteurs intervenant dans le domaine de la sécurité. Elle démontre la capacité de la démocratie à s’organiser pour combattre le terrorisme.

Cette proposition a été renvoyée au fond à la commission des Lois, bien évidemment compétente sur les questions de sécurité intérieure. J’ai estimé toutefois nécessaire que la commission de la Défense puisse s’en saisir pour exprimer son point de vue, d’abord parce qu’il existe un continuum entre la sécurité intérieure et la défense nationale, ensuite parce que la gendarmerie entre explicitement dans le champ de notre compétence, enfin parce qu’un article de cette PPL propose une modification du code de la défense.

En conséquence, nous nous sommes saisis de deux articles : l’article 22 qui insère un nouveau chapitre dans le code de la sécurité intérieure dédié aux caméras aéroportées, et bien sûr l’article 26 relatif à l’article du code de la défense encadrant notamment les conditions d’usage des armes des militaires déployés sur réquisition en mission intérieure.

La rapporteure pour avis et moi-même aurions souhaité introduire dans cette proposition de loi un article additionnel concernant un sujet important qui nous tient à cœur et dont m’ont saisie plusieurs gendarmes : l’élargissement de la protection fonctionnelle aux cas d’atteintes involontaires à l’intégrité de leur personne. Cette exclusion peut conduire à des situations particulièrement choquantes comme celle de cette famille d’un gendarme décédé après avoir été heurté par un véhicule tiers alors qu’il intervenait ès qualités sur un accident de la circulation routière, et qui n’a pas pu bénéficier de la protection fonctionnelle.

Cet élargissement de la protection fonctionnelle entraînant par le fait une augmentation des charges publiques, l’article 40 de la Constitution interdit à un parlementaire de déposer un amendement dans ce sens, à moins que le ministre ait au préalable publiquement exprimé son accord. C’est ce que nous allons demander au Gouvernement, ce qui nous permettra, nous l’espérons, de le soumettre postérieurement à vos votes.

Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis. Une fois encore la France, ses libertés, ses citoyens ont été visés par différentes attaques terroristes : après l’assassinat de Samuel Paty auquel nous rendions hommage dans les établissements scolaires hier, puis l’attentat commis le 29 octobre dernier à Nice dans la basilique Notre-Dame de L’Assomption, la nation entière est endeuillée. Cette horreur absolue rappelle, s’il le fallait, que la France est visée par des extrémistes et exposée à la barbarie terroriste pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle représente. Je tiens à saluer la mémoire des victimes de ces attaques et adresser à leurs proches toutes mes condoléances que je sais être aussi les vôtres. J’ai également une pensée émue pour les personnes tuées ou grièvement blessées lors de l’attentat de Vienne, en Autriche. En France, en Europe, dans le monde, nous partageons la douleur des victimes du terrorisme et, dans ce contexte difficile, la France ne se laissera pas terroriser. Nous pouvons compter sur l’engagement sans faille de ces femmes et de ces hommes qui revêtent l’uniforme militaire et qui, en ce moment même, au Sahel, luttent contre les djihadistes ; nous pouvons compter sur la vigilance sans relâche des soldats engagés dans l’opération Sentinelle qui, aux côtés des forces de l’ordre auxquels je tiens également à rendre hommage, nous protègent et veillent sur nous.

Cette situation n’est pas sans lien avec la proposition de loi déposée par nos collègues Fauvergue et Thourot, dont le contexte prouve la pertinence. Parce qu’ils concernent les militaires, la commission de la Défense s’est saisie pour avis des articles 22 et 26. J’observe en effet qu’il a été mis fin à l’attentat de Nice par l’action résolue de la police municipale de la ville dont il faut saluer les agents qui ont fait preuve de remarquables qualités professionnelles, aussitôt appuyés par la police nationale. Cet attentat a aussi conduit à ce que le plan Vigipirate soit porté au niveau maximal « urgence attentat » ainsi qu’au déploiement supplémentaire de 4 000 militaires des armées dans l’opération Sentinelle.

Le texte de nos collègues vise à renforcer l’intégration de tous les acteurs de la sécurité dans un projet de sécurité globale associant les forces de sécurité intérieure, les polices municipales, mais aussi les agents privés de la sécurité. La proposition de loi concerne également les militaires des armés puisqu’elle modifie l’article L. 2338-3 du code de la défense pour clarifier le régime d’usage de leurs armes dans le cadre de l’opération Sentinelle.

Globalement, la proposition de loi renforce le rôle des polices municipales au travers de la définition d’un cadre permettant, d’un côté l’élargissement de leur domaine d’intervention, de l’autre la création d’une police municipale à Paris. Elle prévoit ensuite de nombreuses mesures visant à mieux structurer et mieux contrôler le secteur de la sécurité privée, notamment dans la perspective du nécessaire continuum de sécurité à organiser avant la coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques de 2024. Elle vise également à améliorer le cadre juridique de l’utilisation d’outils technologiques, comme les caméras individuelles et les caméras aéroportées. Elle clarifie aussi le cadre juridique de certaines missions de sécurité intérieure. Enfin, elle améliore la sécurité dans les transports ferroviaires ainsi que sur la route, et prévoit la délictualisation de l’achat et de la vente d’articles pyrotechniques en méconnaissance des exigences prévues par la réglementation spécialisée.

L’équilibre général de ce texte m’apparaît très satisfaisant pour améliorer la sécurité des Français, renforcer l’articulation de la sécurité globale tout en précisant l’encadrement légal de certaines activités, dont le respect des libertés publiques.

Au-delà des enjeux qui relèvent de notre commission, je sais que certaines de ses dispositions sont attendues par nos concitoyens et les élus locaux, et tout particulièrement dans ma circonscription du Rhône, où ces derniers jours, ces dernières semaines, nous avons connu une multiplication des incivilités, des faits de délinquance, pour lesquels il nous faut apporter des réponses précises et concrètes. L’interdiction de la vente des articles pyrotechniques aux personnes n’ayant pas les compétences pour les manipuler est en ce sens une avancée importante. Dans de nombreux territoires, comme ce fut le cas à Champigny, ou comme c’est le cas régulièrement à Bron, dans le quartier du Terraillon, les mortiers d’artifice sont régulièrement utilisés en pleine nuit de façon incontrôlée, provoquant des nuisances qui deviennent très vite insupportables pour les riverains. Donner les moyens aux forces de l’ordre et à la justice de poursuivre les auteurs de ces actes permettra, je l’espère, de garantir à nos concitoyens un peu plus de sérénité.

Par ailleurs, l’élargissement des pouvoirs des polices municipales permettra aux maires dont les communes font partie de l’expérimentation de mieux répondre aux enjeux de sécurité sur leur territoire. La ville de Rillieux-la-Pape, commune de ma circonscription, en bénéficiera. J’espère que son application permettra d’apporter davantage de tranquillité publique aux Rilliards.

La tranquillité publique a été également mise à mal, en particulier depuis le début de la fin du premier confinement, par la recrudescence des rodéos motorisés. L’utilisation des drones à cet effet permettra aux forces de l’ordre d’utiliser la technologie pour suivre les auteurs des rodéos et les identifier plus rapidement.

Par ailleurs, s’agissant de la petite délinquance dans les quartiers prioritaires, je suis convaincue que ces dispositions ne peuvent fonctionner que si elles s’accompagnent d’un travail approfondi sur la prévention, sur l’éducation, sur l’urbanisme et surtout sur l’animation d’un tissu associatif local permettant de créer un lien entre les citoyens, entre les générations, de favoriser le dialogue entre la jeunesse et les forces de l’ordre.

J’en viens plus précisément aux articles 22 et 26, dont notre commission s’est saisie pour avis.

L’article 22 crée un régime juridique de captation d’images par des moyens aéroportés. Ce nouveau cadre légal est nécessaire car il comble un vide juridique. Depuis de nombreuses années déjà, les forces de sécurité intérieure utilisent les aéronefs pour prendre des images, les enregistrer et les transmettre pour appuyer les agents dans leur mission ; les armées sont aussi concernées dans la mesure où il arrive régulièrement qu’elles soient sollicitées, sur réquisition, dans le cadre de la sécurisation d’événements majeurs dont l’organisation est confiée au ministère de l’Intérieur, par exemple à l’occasion des sommets du G7 ou du 75e anniversaire du débarquement en Normandie, et comme ce sera sans doute de nouveau le cas lors de la coupe du monde de rugby en 2023 ou des Jeux olympiques de 2024.

Une récente décision du Conseil d’État a interdit aux services de l’État de poursuivre l’utilisation des caméras aéroportées en l’absence de cadre juridique assurant un équilibre entre le maintien de l’ordre public et le respect des libertés publiques. Cette décision est intervenue alors que des drones vidéo étaient utilisés pour contrôler le respect du confinement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de la covid-19 par la préfecture de police de Paris et par quelques polices municipales. L’article 22 remédie à cette lacune en créant un nouveau chapitre dans le code de la sécurité intérieure consacré aux caméras aéroportées, composé de sept articles.

Le nouvel article L. 242-1 prévoit que ce nouveau chapitre détermine les conditions dans lesquelles les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale, mais aussi les services d’incendie et de secours et les formations militaires de la sécurité civile, peuvent procéder au traitement d’images au moyen de caméras aéroportées.

Le nouvel article L. 242-2 précise qu’en cas de mise en œuvre sur la voie publique, les opérations mentionnées sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.

Le nouvel article L. 242-3 impose que le public soit informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable.

Le nouvel article L. 242-4 prévoit que les traitements d’images au moyen de caméras aéroportées ne peuvent être mis en œuvre de manière permanente. En outre, l’autorité responsable doit tenir un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris le cas échéant au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.

Le nouvel article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure permettra aux services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale de procéder à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images pour des finalités précisément définies, comme la sécurité des rassemblements faisant craindre des troubles graves à l’ordre public, la prévention d’actes de terrorisme, le constat d’infractions, la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale, la régulation des flux de transport, la surveillance des littoraux et des zones frontalières, ou encore la formation des agents.

Le nouvel article L. 242-6 autorise les services d’incendie et de secours, les formations militaires de la sécurité civile, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon des marins-pompiers de Marseille à procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer la prévention des risques naturels ou technologiques, le secours aux personnes et la défense contre l’incendie, et la formation et la pédagogie des agents. Une fois encore, la proposition de loi permet de donner un cadre légal à ce qui se fait déjà – il n’est qu’à penser aux images prises lors de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame – et ainsi de mieux garantir les libertés publiques sans priver les services concernés d’un moyen utile à leurs missions.

Enfin, le nouvel article L. 242-7 renvoie les modalités d’application à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

La création d’un cadre juridique particulier pour ces activités offre une clarification bienvenue. L’équilibre que ces nouvelles dispositions organisent entre les besoins opérationnels et les garanties apportées à l’exercice des libertés publiques offre toute satisfaction ; il convient donc de soutenir cette avancée.

Il faudra porter une attention particulière à l’adaptation aux besoins opérationnels des mesures d’application prises par décret. Ainsi, la déclinaison de l’article L. 242-2 ne doit pas aboutir à interdire aux forces de sécurité intérieure l’usage d’images pour matérialiser un délit d’attroupement aux entrées d’immeubles. Les modalités d’établissement du futur registre de traitement prévu à l’article L. 242-4 ne devront pas conduire à d’excessives lourdeurs administratives, pas plus que les modalités de transmission en temps réel des images à d’autres destinataires que le poste de commandement si le besoin opérationnel est avéré.

L’article 26 prévoit une nouvelle rédaction de l’article L. 2338-3 du code de la défense, qui régit notamment les conditions d’usage des armes par les militaires déployés en mission intérieure. La rédaction actuelle, issue de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, a été source de difficultés d’interprétation : en voulant conférer au ministre de la Défense la compétence pour définir les normes techniques applicables au matériel utilisé par les militaires pour l’immobilisation des véhicules à la place du ministre de l’Intérieur, elle a introduit une ambiguïté sur les conditions d’usage des armes par les militaires sur le territoire national.

Le deuxième alinéa de l’article L. 2338-3 prévoit en effet que « les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions peuvent faire usage de leurs armes et de moyens techniques appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de la Défense, pour immobiliser les moyens de transport dans les mêmes conditions ». Les termes : « pour immobiliser les moyens de transport » peuvent être compris comme se rapportant soit au seul usage des moyens techniques appropriés à cette fin, soit également à l’usage de l’arme. L’article 26 de la proposition de loi corrige cette ambiguïté, ce dont il faut se féliciter.

En revanche, il prévoit qu’un arrêté conjoint du ministre de l’Intérieur et de la ministre des Armées précisera les normes techniques des matériels utilisés pour immobiliser un véhicule dans les conditions de l’article L. 214-2 du code de sécurité intérieure, lorsque ces militaires sont engagés sur réquisition sur le territoire national. Ce projet d’arrêté conjoint introduit une complexité juridique qui n’apparaît pas justifiée : les armées sont déjà autorisées à utiliser des moyens techniques appropriés pour immobiliser des moyens de transport dans les conditions prévues à l’article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure lorsqu’ils protègent les installations militaires, lesdits moyens étant définis par un arrêté du ministre des Armées. Prévoir deux arrêtés, dont un arrêté conjoint avec le ministre de l’Intérieur, pour définir des normes techniques afin qu’une même unité puisse remplir la même mission, avec les mêmes moyens, dans deux contextes qui ne sont que légèrement différents ne me paraît pas de bonne organisation.

Plus largement, le principe de libre disposition de la force armée plaide pour que les choix capacitaires faits pour équiper les armées, même lorsqu’ils sont très modestes, restent à la main du ministre des Armées, chargé notamment de la préparation et des conditions d’emploi des forces armées, selon l’article L. 1142-1 du code de la défense.

Je propose donc un amendement permettant de revenir à un seul arrêté de la ministre des Armées, comme cela est prévu, du reste, pour la protection des installations militaires, et conformément aux dispositions que vous avez votées dans l’article 41 de la loi de programmation militaire 2019-2025.

Voici chers collègues, ce que je souhaitais vous exposer dans le cadre de la saisine dont vous m’avez confiée la responsabilité d’être la rapporteure.

Une remarque pour terminer. J’aurais aimé saisir l’opportunité offerte par ce vecteur législatif pour étendre la protection fonctionnelle des agents des forces de sécurité intérieure aux cas d’atteinte involontaire à leur intégrité physique. L’article 40 de la Constitution, qui interdit aux parlementaires de créer une charge publique, nous empêche de déposer un amendement en ce sens. Comme la présidente, je pense que nous devrions insister auprès du Gouvernement tant cette situation suscite une incompréhension légitime des personnels et de leurs familles.

Mme Natalia Pouzyreff. Cette proposition de loi, fruit d’un travail de qualité conduit de longue date par nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, apporte des réponses concrètes aux attentes des acteurs de terrain. Elle permet d’affermir le continuum de sécurité dont nous constatons toujours plus l’absolue nécessité. Elle propose également de protéger ceux qui nous protègent en durcissant les sanctions contre les personnes portant atteinte aux forces de sécurité intérieure et au personnel de la protection civile.

Notre commission s’est saisie pour avis de l’article 22, relatif aux caméras aéroportées, et de l’article 26, qui précise les conditions d’emploi de leurs armes par les militaires sur le territoire national. Alors que notre pays doit lutter contre le terrorisme, rappelons que les effectifs de l’opération Sentinelle ont été portés à 7 000 hommes.

L’article 26 clarifie les conditions dans lesquelles les militaires déployés sur le territoire national, dans le cadre strict de leur réquisition effectuée par l’autorité civile, peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions définies à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. Ces conditions ont évolué pour la police et la gendarmerie après les attentats du 13 novembre 2015, mais pas pour les militaires. Cette évolution doctrinale est rendue nécessaire par la permanence et l’intensité exceptionnelle de la menace, soulignée dès 2016 par un rapport parlementaire de MM. Audibert Troin et Léonard. Il s’agit donc de permettre aux militaires de remplir pleinement la mission de protection qui leur est confiée.

Quant à l’article 22, il permet l’utilisation de moyens supplémentaires, du type caméras aéroportées ou drones. Ils permettront aux militaires d’assurer la protection des installations sensibles dans de meilleures conditions, et aux sapeurs-pompiers de Paris et aux marins-pompiers de Marseille de mieux lutter contre les incendies.

Ce texte contient des apports et des clarifications utiles et nécessaires ; c’est pourquoi le groupe La République en Marche le votera et soutiendra l’amendement de la rapporteure.

M. Christophe Blanchet. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés soutient la proposition de loi qui nous est soumise.

L’article 22 met en question l’équilibre entre la nécessaire protection des données personnelles et les nécessités opérationnelles pour assurer le continuum de sécurité auquel notre groupe aspire. Lors de l’examen au fond de ce texte par la commission des lois, notre groupe défendra des amendements pour rétablir cet équilibre qui nous paraît quelque peu malmené. Il nous semble également essentiel que l’information soit diffusée suffisamment en amont, et de façon claire : c’est seulement à ce prix que la captation d’images aéroportées s’inscrira dans un cadre parfaitement légal et accepté par nos concitoyens.

L’article 26 contient des mesures de bon sens pour la sécurisation juridique de nos militaires. Le premier dispositif permettra à nos forces armées de réagir de manière identique à nos forces de sécurité intérieure lorsqu’elles font face aux mêmes situations. L’extension des règles d’engagement n’est pas anodine ; si la notion de périple meurtrier a déjà été entérinée, ce dispositif permettra aux forces armées d’intervenir dans un plus grand nombre de situations, dans un objectif de réactivité et d’efficacité en termes de sécurité, tant pour les citoyens que pour nos forces armées. Ces nouvelles règles d’engagement permettront par exemple de sécuriser juridiquement les militaires qui arrêtent un véhicule bélier ou, pire, un véhicule explosif improvisé échappant à leur contrôle.

L’alinéa 3 de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure permet aux policiers et aux gendarmes de neutraliser des individus en fuite susceptibles de perpétrer des atteintes à l’intégrité physique d’autrui. Que peut faire un militaire face à de tels individus sans risquer d’en être tenu pénalement responsable ? Pas grand-chose… Il ne lui est pas non plus possible de prendre en chasse un groupe qu’il sait dangereux et tenter de le neutraliser avant qu’il n’atteigne sa cible. Est-ce tolérable pour nos concitoyens ? Pas davantage.

Le second dispositif de l’article 26 vient compléter les moyens de lutte contre les véhicules hostiles en permettant l’emploi de dispositifs d’immobilisation des véhicules sans recourir à une arme.

Les forces armées qui opèrent sur le territoire national sont formées pour intervenir ; les cas d’emploi de la force montrent la réelle maîtrise des militaires, parfois bien plus conservatrice dans son emploi de la force que d’autres, car elles ont pleinement intégré les limites des réquisitions qui justifient leur action sur le territoire national.

Qu’il nous soit néanmoins permis d’exprimer quelques réserves générales. Notre commission n’est saisie que de deux articles ; on peut regretter qu’une proposition de loi consacrée à la sécurité globale fasse si peu de places aux forces armées, dont le rôle dans le continuum de sécurité est aujourd’hui plus évident que jamais. Ce n’est pas parce que nous devons nous satisfaire de peu que nous devons nous satisfaire pour autant… Cela dit, la synergie et le continuum de sécurité que nous appelons de nos vœux ne peuvent se faire sans respecter les particularités de chacune des forces. Aussi voterons-nous la modification proposée pour l’article 26 qui prévoit un arrêté spécifique du ministère des armées, conformément à ce qu’avait prévu l’article 21 de la loi de programmation militaire pour la mise en œuvre du dispositif d’immobilisation des véhicules.

M. Jean-Charles Larsonneur. La palette des tactiques du maintien de l’ordre est complétée pour concilier deux objectifs prioritaires : permettre à chacun de s’exprimer librement dans les formes prévues par le droit, et empêcher tout acte violent contre les personnes et les biens lors des manifestations.

Il était nécessaire de moderniser le cadre régissant les manifestations sur la voie publique afin de l’adapter aux nouvelles formes d’expressions, plus violentes, plus mobiles et plus spontanées, et prendre en compte la médiatisation systématique des opérations de police.

En septembre, le ministère de l’Intérieur a fait évoluer sa doctrine de maintien de l’ordre. La maîtrise de la troisième dimension est devenue essentielle dans le maintien de l’ordre moderne : « Ces moyens aériens sont utiles, tant dans la conduite des opérations que dans la capacité d’identification des fauteurs de troubles ». L’article 22, relatif à la captation d’images par drones, transcrit cette doctrine dans la loi. Le groupe Agir ensemble soutient ce dispositif de bon sens. Encore sera-t-il nécessaire, pour joindre la parole aux actes, d’investir davantage pour équiper nos forces de l’ordre.

Face à des situations plus dégradées, nous devons aller plus loin dans l’exploitation des réseaux sociaux. À titre personnel, il me semble judicieux d’examiner, sous le contrôle des autorités judiciaires et administratives, les possibilités de brouillage et d’interception des textos. Ce sujet a-t-il été évoqué lors de vos auditions ?

Au-delà des traditionnelles missions de protection, le recours aux forces armées dans le cadre d’une réquisition par les autorités civiles était envisagé à titre subsidiaire, mais force est de constater qu’il devient plus fréquent. Il faut clarifier les conditions dans lesquelles les militaires peuvent faire usage de leurs armes, et écarter toute insécurité juridique. La légitime défense a été réformée par la loi du 3 juin 2016 pour prévenir la réitération d’une attaque meurtrière de masse, et l’ordre de feu ne peut être donné que par une autorité civile.

Le groupe Agir ensemble votera ce texte et soutiendra l’amendement de la rapporteure.

M. Grégory Labille. Notre commission s’est saisie pour avis des articles 22 et 26 de la proposition de loi relative à la sécurité globale défendue par nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot.

L’article 22 a pour objectif de créer un régime juridique de captation d’images par des moyens aéroportés tels que les drones, aujourd’hui pratiquée sans cadre clair.

L’article 26 vise quant à lui à clarifier le régime d’usage des armes par les militaires déployés sur le territoire national, dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile.

Si le groupe UDI et indépendants entend faire des propositions pour étoffer ce texte, nous soutiendrons ces deux articles qui vont dans le bon sens.

Je salue la décision du Président de la République d’augmenter les effectifs de l’opération Sentinelle de 4 000 soldats, afin de surveiller et sécuriser au mieux les lieux de culte et les établissements scolaires. C’est la première fois depuis 2017 que cette opération est renforcée dans de telles proportions.

Rappelons toutefois que nos armées ne peuvent pas tout, a fortiori dans un pays qui compte plus de 60 000 établissements scolaires et 40 000 églises catholiques, sans compter les autres édifices religieux.

Prenons également garde de ne pas céder à la tentation d’employer nos armées et nos soldats comme remède à toutes les difficultés et à tous les maux de notre société : la présence de nos soldats sur le territoire national ne fera malheureusement jamais disparaître le risque que nos compatriotes soient frappés une nouvelle fois par la folie terroriste.

Si nos armées ont évidemment un rôle à jouer au sein du dispositif de lutte contre le terrorisme sur notre territoire, nous sommes convaincus que cette lutte globale passe avant tout par des moyens supplémentaires alloués à l’éducation, par une réponse judiciaire plus rapide et plus ferme, par un accroissement significatif des effectifs de nos forces de l’ordre, par un renforcement majeur du renseignement intérieur, ainsi que par une coopération internationale plus efficace.

Enfin, si nos soldats s’engagent pour défendre leur pays et leurs compatriotes, prenons garde à ce que ces opérations sur le territoire national, qui ont un coût humain et financier et diminuent d’autant le temps d’entraînement, ne viennent pas affaiblir leur moral et in fine la capacité de fidélisation et de recrutement nécessaire à une armée de guerre.

M. Bastien Lachaud. Cette proposition de loi est emblématique de la dérive, non pas sécuritaire, mais tout bonnement autoritaire du Gouvernement.

La philosophie n’est pas nouvelle : pour garantir la sécurité il faut sacrifier les libertés. On nous a déjà fait passer vingt lois au moins au nom de ce raisonnement fallacieux, et chaque fois l’exécutif y revient en bêlant que ce n’est pas assez… Aujourd’hui, il s’agit notamment d’interdire de filmer des policiers. Quel recul inouï ! Savez-vous que même en Chine, c’est autorisé depuis 2016 !

Quelle sorte de république requiert que les gardiens de la paix agissent dans l’ombre ? Quelle turpitude le Gouvernement a-t-il résolu de faire disparaître des écrans ? Nous ne le savons que trop : il s’agit des violences commises contre les gilets jaunes, les grévistes, les étudiants, les journalistes. Le Gouvernement se drape des beaux principes du républicanisme, mais les bafoue allègrement. Il profite d’une proposition de loi de la majorité pour introduire une multitude d’amendements et s’affranchir de l’obligation de remettre une étude d’impact à leur sujet.

Le problème est tel qu’au sein même de l’exécutif, le pouvoir s’est réduit à une tête d’épingle : Emmanuel Macron a court-circuité le conseil des ministres et profite du secret du conseil de défense pour tout décider seul. Ce conseil de défense utilisé pour gérer une crise sanitaire dit bien la confusion intellectuelle et même l’autoritarisme qui s’installent au sommet de l’État : quand on ne sait plus quoi faire, on prend des poses de chef de guerre et on appelle l’armée à la rescousse.

C’est le cas lorsque le président porte les effectifs de l’opération Sentinelle à 7 000 soldats alors que les inconvénients d’une telle mobilisation excèdent largement les avantages.

C’est le cas de cette loi dite de « sécurité globale », qui organise toujours davantage la confusion entre police et armée. Nous ne sommes pas d’accord : les missions, les formations, les prérogatives, les astreintes, les statuts diffèrent : il n’est pas possible d’acter que militaires et policiers soient interchangeables ; il n’est pas possible d’acter que des moyens militaires servent à accomplir des tâches de police. Ce flou est dangereux pour les libertés et pour la sécurité. Non, les armées ne doivent pas pouvoir utiliser des drones pour surveiller des manifestants ; non, des policiers ne devraient pas pouvoir faire de même pour sécuriser des bases militaires.

Cette politique d’après laquelle tout est dans tout est un complet dévoiement et l’aboutissement d’années d’austérité budgétaire pendant lesquels on a coupé les moyens des services les plus régaliens de l’État. Mais au lieu d’en tirer la leçon, d’avoir une stratégie de sécurité dont la spécialisation des effectifs est la clé, le Gouvernement s’entête dans l’absurde surveillance généralisée. Qu’est-ce donc que cette république sans liberté que vous nous préparez ?

M. Jean-Michel Jacques. Qui tient les hauts tient les bas, dit un adage militaire. Ces caméras aéroportées permettront beaucoup de choses, notamment d’appréhender la complexité de situations ou d’apporter des preuves. Madame la rapporteure pour avis l’a d’ailleurs évoqué dans son rapport, à propos des rodéos urbains.

Ces mêmes caméras pourront-elles surveiller des opérateurs d’importance vitale, comme des centrales nucléaires, ou contribuer à arrêter les auteurs des mutilations de chevaux qui se produisent dans ma circonscription, et un peu partout en France, dans ces grands espaces où il est difficile de mettre un gendarme partout pour voir qui commet de telles exactions sur ces pauvres bêtes ? Tout prête à penser qu’on y gagnerait en efficacité. Cela étant, si l’utilisation de ces caméras est rendue possible, encore faudra-t-il que le Gouvernement flèche des moyens financiers pour que chaque service et chaque unité puissent en disposer.

M. Jean-Marie Fiévet. L’article 22 évoque un « registre des traitements », tenu par l’autorité responsable. Ce registre m’apparaît essentiel pour garantir à nos concitoyens que les images prises par ces caméras aéroportées sont utilisées à bon escient. Pourriez-vous apporter des précisions sur la manière dont il sera tenu ? Par ailleurs, comment et par qui sera-t-il consultable ?

Mme Nathalie Serre. Cette proposition de loi, remastérisée à l’aune des récents événements, est certes plus étoffée que la première version, qui nous avait été présentée il y a deux ans, mais elle manque clairement d’ambition. Mais dans la mesure où elle va dans le bon sens, le groupe Les Républicains émettra un vote favorable sur les deux articles dont nous avons été saisis.

Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis. Jean-Charles Larsonneur a évoqué le brouillage pour se prémunir des drones employés des fins malveillantes. Je partage son avis et je crois savoir que le Gouvernement déposera des amendements à ce sujet.

Je vous rappelle, cher collègue Lachaud, que nous sommes saisis des articles 22 et 26… Et nulle part dans cette proposition de loi je n’ai vu que les Armées pouvaient être appelées à utiliser des drones pour surveiller les manifestations. Je vous laisse l’entière responsabilité de cette interprétation, vous êtes tout à fait libre de le penser ; pour ma part, je me borne à analyser ce qui est dit dans le texte, sans procès d’intention, et je constate qu’il offre de nombreuses garanties pour éviter ce que vous dénoncez. Si vous jugez que l’équilibre entre la protection des libertés publiques et la sécurité des Français n’est pas satisfaisant, libre à vous de déposer des amendements. Plutôt que de vous indigner, pourquoi ne nous dites-vous pas quelles dispositions de ce texte vous paraissent trop restrictives ou, au contraire, insuffisantes ?

Nous avons bien entendu les remarques de Jean-Michel Jacques : il nous a aussi semblé qu’il serait judicieux d’ajouter la protection des opérateurs aux missions susceptibles d’être assurées par les caméras aéroportées. Mais le Gouvernement a d’ores et déjà déposé un amendement en ce sens devant la commission des Lois ; nous espérons qu’il sera voté demain.

Monsieur Jean-Marie Fiévet, le registre des traitements mis en œuvre est tenu par l’autorité responsable de la captation d’images ; comme pour tout document administratif, les citoyens pourront demander à accéder aux données qui les concernent ainsi qu’aux informations relatives aux campagnes de prises de vue. Tous les détails seront précisés par un décret en Conseil d’État, mais le recours important que font déjà les polices municipales aux caméras de vidéosurveillance donne une idée de ce à quoi ce registre pourrait ressembler.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voudrais évoquer, rapidement et avec un peu d’expérience, la difficulté que pose la mise en œuvre des nouveaux moyens technologiques : ils sont toujours tentants, et on a tendance à vouloir les étendre à l’envi, pour tout et n’importe quoi. J’entendais ainsi que cette surveillance pourrait s’appliquer à des domaines qui n’ont rien à voir avec la sécurité nationale.

S’il semble légitime à notre groupe, comme l’a expliqué Grégory Labille, que l’armée puisse participer à la défense dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, celle-ci ne saurait devenir un instrument de lutte contre des formes de délinquance, quelles qu’elles soient. Les mêmes moyens peuvent être alloués à la police ou à la gendarmerie nationale – qui fait partie de l’armée mais qui n’a pas les mêmes missions. Ne commençons pas à imaginer étendre les missions ou les possibilités à l’envi, en dehors du conflit qui nous oppose à des barbares terroristes, et ne laissons pas d’autres se mettre à fantasmer et laisser croire que l’armée se mettra à surveiller la population. Ce n’est pas l’objet.

Enfin, Madame la présidente, pour ce qui concerne l’amendement de notre rapporteure pour avis, et que vous avez cosigné, j’avoue être dubitatif. Encore une fois, nous sommes dans le cadre d’un continuum de sécurité auquel l’armée participe, avec des moyens et des capacités d’emplois qui lui sont propres. Dans ces conditions, le principe d’une concertation rendue obligatoire par la loi entre le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Défense pour définir les moyens d’arrêter un véhicule ne me paraît pas abscons. Je ne crois pas que cela soit source d’une grande complexité. Qu’il n’y ait pas besoin de passer par la loi pour ce faire, on peut le souhaiter, mais cela aurait le mérite de garantir que les ministres se concertent. Il me semble que nous pourrions y réfléchir.

M. Bastien Lachaud. Je suis désolé, Madame la rapporteure pour avis, mais lorsque je lis, à l’article 22, que « les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public », moi, je lis « manifestations », et pas seulement rassemblements sportifs ! Ce n’est pas ce que vous lisez, dites-vous, mais pour moi, cela semble assez évident…

Par ailleurs, il est beaucoup question de drones, mais le terme d’« aéronefs » est beaucoup plus large. Un hélicoptère de l’armée française, équipé de caméras, pourrait-il être utilisé à ces fins de surveillance et cette sécurisation ?

M. Stéphane Trompille. Notre collègue Bastien Lachaud s’appuie beaucoup sur l’article 22 ; mais si on en lit bien les neuf points dûment listés, on arrive à déterminer ce qui incombe aux forces de sécurité et aux forces armées, respectivement. Ainsi, aux 5°, la « sauvegarde des installations utiles à la défense nationale » est parfaitement ciblée. Vous faites à l’évidence une « fixette » sur un sujet qui n’a pas grand-chose à voir avec cet article. Je sais que ce qui vous intéresse, ce sont les rassemblements, les grèves, les manifestations, mais il faut s’ouvrir un peu l’esprit…

M. Jean-Michel Jacques. Très bien !

Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis. Les armées n’interviennent sur le territoire national que sur réquisition des préfets, et en respectant la « règle des quatre i » – lorsque les moyens civils sont indisponibles, insuffisants, inadaptés, inexistants.

Stéphane Trompille a répondu à monsieur Lachaud : il est bien question de manifestations, mais cela ne concerne pas les armées.

La Commission en vient à l’examen des articles 22 et 26 de la proposition de loi.

Article 22 : régime juridique de la captation d’images par des moyens aéroportés

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 sans modification.

Article 26 : régime d’usage de leurs armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions effectuées par l’autorité civile

La Commission examine l’amendement DN2 de la rapporteure.

Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis. L’article 26 prévoit que les moyens utilisés pour arrêter les véhicules soient désormais listés par un arrêté conjoint entre le ministère de l’Intérieur et le ministère des Armées. Dans la loi de programmation militaire (LPM), nous avions prévu que le ministère de l’Intérieur fixait les normes pour les matériels utilisés par les forces de sécurité intérieure et le ministère des Armées les normes applicables aux matériels utilisés par les militaires. Je propose de revenir sur ce sujet à la rédaction de la LPM : il y va de la cohérence capacitaire de nos forces armées.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’entends la réponse de madame la rapporteure pour avis. Quand on connaît les rapports entre les ministères, on sait que le ministère de l’Intérieur n’aura pas les moyens d’imposer quoi que ce soit au ministère des Armées ; reste que le dialogue entre les deux n’est pas inutile. Nous avons déjà eu l’occasion d’y réfléchir : n’oublions pas qu’à la différence du ministère de l’Intérieur, les armées peuvent compter sur l’expertise de la direction générale de l’armement (DGA). Lorsqu’il doit s’équiper, le ministère de l’Intérieur est pauvre, non pas en argent, mais en technicité, en connaissances. Le dialogue entre les deux ministères est donc nécessaire, et il est bon pour le moins de leur rappeler.

Souvent, l’armée est, et c’est heureux, mieux équipée que le ministère de l’Intérieur, qui ne sait pas toujours comment faire. Ce dialogue lui donnerait des idées, des possibilités ou des connaissances qu’il n’a pas pour ses propres forces, alors qu’il est le premier, par ordre d’importance, chargé de la sécurité intérieure des Français – l’armée ne venant qu’en renfort dans cette affaire.

Mme Anissa Khedher, rapporteure pour avis. L’idée était d’assouplir le dialogue : un arrêté conjoint alourdit la procédure.

M. Jean-Michel Jacques. Cet amendement va dans le bon sens. Comme nous l’avons souligné, il y a de nombreux objectifs communs, en termes matériels ou techniques. Les synergies entre l’intérieur et l’extérieur sont importantes à concrétiser et à consolider, tout en respectant la règle dite des « quatre i », autrement dit en s’en tenant aux situations exceptionnelles, où il n’y a pas d’autre solution : l’armée doit rester l’armée et les forces de sécurité intérieure, les forces de sécurité intérieure… C’est d’ailleurs ce qui se passe dans le cyber, où l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et la cyberdéfense des armées sont étroitement liées : c’est l’avenir de nos sociétés modernes, avec ces guerres hybrides qui s’annoncent.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous aurons l’occasion d’y revenir en séance. L’argument de la similitude des règles pour des situations comparables, et celui de la cohérence de l’équipement de nos armées, plaident pour un arrêté qui relèverait plutôt du ministère des Armées. J’entends vos remarques ; à nous de faire en sorte qu’elles soient bien bornées par le texte et que nous puissions en discuter en séance.

Nos armées ont ce savoir-faire ; sur le terrain, ces éléments sont d’ores et déjà partagés et le seront de plus en plus face à la prolifération de formes hybrides d’intervention et d’un terrorisme endogène. Avec Sentinelle, nos militaires participent à cette culture commune, qui se fabrique sur le terrain, en fonction de ce risque multiforme auquel nous devons nous adapter. Nos personnels et nos armées, avec les forces de sécurité intérieure, ont beaucoup progressé dans ce domaine depuis 2015.

En tant que membre de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, à l’issue des événements du Bataclan, je peux témoigner que des progrès considérables ont été réalisés dans tous les domaines et dans tous les services, en termes de rapprochement entre la sécurité intérieure et nos armées.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 modifié.

Enfin, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 


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   Personnes entendues

     M. Olivier Christen, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice

     M. Thibault Cayssials, chef du bureau de la législation pénale spécialisée

     M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques

     M. Martin Alline, adjoint au chef du bureau des polices administratives

     M. Jérôme Leonnet, directeur général adjoint

     Général Jean-Philippe Lecouffe, chargé de mission auprès du major général

     M. Guillaume Talon, chef du service

     M. Thomas Collomb, responsable sécurité mobilité

     M. Louis Dutheillet de Lamothe, secrétaire général

     M. Paul Hebert, directeur adjoint de la conformité

     Mme Marie Heuze, juriste au service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales

     M. Armand Heslot, chef de l’expertise technologique

     Général Louis-Mathieu Gaspari, secrétaire général

     Lieutenant-colonel François Dufour, secrétaire adjoint

     Lieutenant-colonel Frédéric Colard, affecté au groupement de gendarmerie départementale de Meurthe-et-Moselle (54)

     Lieutenant Michel Riviere, officier du corps technique et administratif affecté à la DGGN (92)

     Major Patrick Boussemaere, affecté au peloton motorisé de Boulogne-sur-Mer (62)

     Major Helène L'hotelier, conseiller concertation pour la région de gendarmerie des Pays-de-la-Loire (44)

     Adjudant-chef Erick Verfaillie, conseiller concertation pour la région de gendarmerie de Midi-Pyrénées (31)

     Adjudant-chef Raoul Burdet, affecté au régiment de cavalerie de la Garde républicaine (75) - secrétaire du GL

     Adjudant-chef Francis Prevel, sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale, affecté à la compagnie de Béthune (62)

     Adjudant-chef Vanessa Georget, conseiller concertation pour la gendarmerie de l'armement (94)

     Adjudant Frédéric Lelouette, conseiller concertation gendarmerie mobile pour la région de gendarmerie de Bretagne (35)

     Adjudant Patrick Beccegato, affecté à l'escadron de gendarmerie mobile de Thionville (57)

     Maréchal des logis chef Grégory Riviere, conseiller concertation pour le groupement de gendarmerie départementale de l'Aveyron (12)

     M. Alexandre Touzet, responsable prospectives et parité

     M. Alexandre Touzet, vice-président de l'Essonne, délégué à la prévention de la délinquance, à la sécurité, à la citoyenneté

     M. Jean-Baptiste Estachy, conseiller Sécurités

     Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseiller relations avec le Parlement

     M. David Marti, maire du Creusot

     M. Gaël Perdriau, maire de Saint Etienne et président de Saint Etienne métropole

     M. Kader Makhlouf, conseiller et spécialiste des questions de sécurité

     M. Maxime Merlin, juriste

     Mme Eloïse Foucault, responsable des relations institutionnelles

     M. Nicolas Nordman, adjoint à la maire de Paris en charge de la prévention, de la sécurité et de la police municipale

     Mme Caroline Bourguet, directrice de cabinet

     M. Sébastien Humbert, conseiller de la maire sur les sujets sécurité, police municipale, grands événements, mémoire, anciens combattants

     Mme Fiona Texeire, conseillère parlementaire de la maire, en charge des relations institutionnelles

     M. Gilles Boxo, membre de la Commission libertés et droits de l’Homme

     M. Charles Renard, chargé de mission, direction des affaires publiques

     M. Jérôme Harnois, directeur chargé de la préparation aux crises, des enjeux de sûreté, de conformité et des affaires institutionnelles

     M. Stéphane Gouaud, directeur de la sûreté

     Mme Véra Duvault, responsable de l’unité Affaires pénales 

     M. John-David Nahon, Chargé des affaires parlementaires et institutionnelles

     M. Pierre Messulam, directeur Risques, Audits, Sécurité, Sûreté

     M. Christophe Merlin, directeur de la sureté

     Mme Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer

     M. Cyrille Maillet, préfet, directeur

     M. Dominique Legrand, président

     M. Rémi Fargette, directeur général

     M. Fréderic Gauthey, président 

     M. Cédric Paulin, secrétaire général

     M. Olivier Hourcau, secrétaire général adjoint

     M. Frédéric Lagache, délégué général

     M. Stanislas Gaudon, délégué général

     M. Olivier Varlet, secrétaire général

     M. Thierry Clair, secrétaire national pôle province

     M. Denis Jacob, secrétaire général

     M. Sylvain Durante, secrétaire général adjoint

     Mme Edwige Sylvestre, secrétaire nationale

     M. Julien Morcrette, chargé de mission

     M. Grégory Joron, secrétaire général délégué 

     Mme Linda Kebbab, déléguée nationale, porte-parole

 


([1]https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/09/rapport_de_mme_alice_thourot_et_m._jean-michel_fauvergue_deputes_-_dun_continuum_de_securite_vers_une_securite_globale_-_11.09.2018.pdf

([2])              http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/securite_globale1?etape=15-AN1

([3])              Deuxième alinéa de l’article L. 511-1.

([4])              Comme les adjoints de sécurité, les agents de surveillance de Paris, les gardes champêtres.

([5])              Article R. 130-2 du code la route.

([6])              Décret n° 2018-387 du 24 mai 2018 précisant les conditions d’accès aux informations des traitements de données à caractère personnel relatifs au permis de conduire et à la circulation des véhicules.

([7])              Article L. 325-2 du code de la route.

([8])              Article L. 2241-1 du code des transports.

([9])              Article R. 15-33-29-3 du code de procédure pénale.

([10])              Article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation et quatrième alinéa de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure.

([11])              Article 78-6 du code de procédure pénale.

([12])              Décision n° 2011-625 DC du 11 mars 2011, considérant 60.

([13])              Commentaires aux cahiers, p. 37.

([14])              Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, septembre 2018, p. 76.

([15])              D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, op. cit., p. 76.

([16])              Le Conseil a toutefois formulé une réserve d’interprétation : lorsque la personne est placée en garde à vue après avoir fait l’objet d’une mesure de privation de liberté en application de l’article L. 3341-1, al. 1er du code de la sécurité intérieure, la protection constitutionnelle de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire exige que la durée du placement en chambre de sûreté soit prise en compte dans la durée de la garde à vue.

([17])              Article R. 3353-1 du code de la santé publique.

([18])              D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, op. cit., pp. 79-80.

([19])              Loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.

([20])              Loi n° 75-1331 du 31 décembre 1975 portant réforme du régime administratif de la ville de Paris, loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 dite « loi PLM », loi n° 86-1308 du 29 septembre 1986 portant adaptation du régime administratif et financier de la ville de Paris, loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

([21])              Dont une centaine de « médiateurs » et près de 700 agents d’accueil et de surveillance des parcs et jardins.

([22])              Cour des comptes, Les polices municipales, octobre 2020.

([23])              D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, op. cit, p. 61.

([24])              Il s’agit des décrets nos 2006-1391 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d’emplois des agents de police municipale, 2011-444 du 21 avril 2011 portant statut particulier du cadre d’emplois des chefs de service de police municipale et 2006-1392 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d’emplois des directeurs de police municipale.

([25])              D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, op. cit., p. 70.

([26])              Son contenu est fixé par le décret n° 94-933 du 25 octobre 1994 relatif à l’organisation de la formation initiale d’application des agents de police municipale stagiaires.

([27])              Elle nécessite un examen attentif du référentiel des compétences des corps et cadres d’emplois concernés, afin d’apprécier ce qui peut faire l’objet ou non d’une dispense au titre de la formation initiale des policiers municipaux, actuellement réalisé par un groupe de travail piloté par la DGCL. Ces travaux devraient être traduits sur le plan réglementaire avant la fin de 2020.

([28])              Assemblée nationale, rapport n° 2111 fait par MM. Jean-Michel Fauvergue et Christophe Naegelen, au nom de la commission d’enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale, juillet. 2019, p. 111.

([29])              Cour des comptes, op. cit., p. 116.

([30])              D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, op. cit., p. 68.

([31])              Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

([32])              Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

([33])              D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, op.cit., septembre 2018, p. 76.

([34])              C’est-à-dire le fait, pour un sous-traitant, de faire appel à une entreprise pour sous-traiter à son tour tout ou une partie du contrat ou du marché.

([35])              Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([36])              Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([37])              Article R. 632-1 du code de la sécurité intérieure.

([38])              Rapport annuel 2019 du CNAPS.

([39])              Le CNAPS a créé à cette fin un observatoire des atteintes aux agents de sécurité privée afin de recenser les agressions dont ils sont victimes.

([40])              Les articles L. 632 et R. 632-2 du CSI en précisent la composition, au sein de laquelle les représentants de l’État sont majoritaires.

([41])              Rapport annuel 2019 du CNAPS.

([42])              Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi. Le délit d’entrave à contrôle est désormais mentionné aux articles L. 617-14, L. 624-12 et L. 625-7 du code de la sécurité intérieure.

([43])              Rapport annuel 2019 du CNAPS.

([44])              Les articles L. 172-6 et L. 172-12 habilitent les inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité à constater certaines infractions, dont celles du code de l’environnement.

([45])              Article 19 du code de procédure pénale. L’article 16 du même code donne la qualité d’officier de police judiciaire aux maires et à leurs adjoints, aux officiers et gradés de la gendarmerie ainsi qu’à certains gendarmes comptant au moins trois années de service, aux inspecteurs généraux, sous-directeurs de police active, contrôleurs généraux, commissaires et officiers de police, à certains fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale comptant au moins trois ans de services dans ce corps, ainsi qu’aux personnes exerçant des fonctions de directeur ou sous-directeur de la police judiciaire et de directeur ou sous-directeur de la gendarmerie.

([46])              Article 20 du code de procédure pénale. L’article 20 du même code précise qu’il s’agit des élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle ainsi que des gendarmes et des fonctionnaires des services actifs de la police nationale n’ayant pas qualité d’officier de police judiciaire.

([47])              Article 21 du code de procédure pénale, qui donne la qualité d’agent de police judiciaire adjoint aux fonctionnaires des services actifs de police nationale n’étant ni officier, ni agent, à certains volontaires dans la gendarmerie et militaires servant au titre de la réserve opérationnelle, à certains membres de la réserve civile de la police nationale, aux adjoints de sécurité, aux contrôleurs relevant du statut des administrations parisiennes exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique, aux agents de surveillance de Paris, aux agents de police municipale et aux gardes champêtres, pour la constatation de certaines infractions.

([48])              Article 22 du code de procédure pénale.

([49])              Article 29-1 du code de procédure pénale. Il s’agit de gardes, agréés par le préfet du département, et commissionnés par le propriétaire du bien.

([50])              Article 28-1 du code de procédure pénale et articles 323 et suivants du code des douanes.

([51])              Articles L. 213 et suivants du livre des procédures fiscales.

([52])              Ces articles concernent le travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre, emploi d’étranger non-autorisé à travailler, cumuls irréguliers d’emplois, fraude ou fausse déclaration, emploi d’un étranger non autorisé à travailler et recours aux services d’un employeur d’un étranger non-autorisé à travailler.

([53])              La formulation de l’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure est complétée par les dispositions du code de déontologie mentionnées aux articles R. 631-1 et suivants du même code, qui énonce notamment plusieurs devoirs généraux tels que la sobriété, la confidentialité et l’interdiction de toute violence.

([54])              Les articles R. 634-1 à R. 634-7 du code de la sécurité intérieure déterminent les conditions de l’exercice de l’action disciplinaire et du prononcé de ces sanctions. L’article R. 634-3 prévoit notamment une procédure simplifiée lorsque les faits ne sont pas contestés. La CLAC territorialement compétente peut alors prononcer la sanction de l’avertissement ou du blâme assortie d’une pénalité financière inférieure à 750 euros.

([55])              Rapports annuels 2018 et 2019 du CNAPS.

([56])              Conseil d’État, 12 février 2014, Union fédérale des enquêteurs de droit privé, n° 365073.

([57])              Cour administrative d’appel de Paris, 31 octobre 2016, Sté Panthère Sécurité Privée, n° 15PA01888.

([58])              Article L. 634-5 du code de la sécurité intérieure, créé par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

([59])              Ces deux types d’activité figurent dans deux livres distincts et nécessitent donc de modifier à la fois l’article L. 612-20 et l’article L. 622-19 du code de la sécurité intérieure.

([60])              Loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires.

([61])              Ces deux articles correspondent respectivement aux activités privées de sécurité et à celles des agences de recherches privées.

([62])              Cette enquête repose notamment sur la consultation du fichier de traitement d’antécédents judiciaires, le fichier des personnes recherchées et le bulletin n° 2 du casier judiciaire.

([63])              Sauf en matière de de protection des navires battant pavillon français, pour laquelle cette condition ne s’applique pas.

([64])              L’article L. 612-20 ajoute également à cette condition l’obtention d’une qualification pour les agents cynophiles.

([65])              Articles R. 612-13 et R. 622-11 du code de la sécurité intérieure.

([66])              Articles R. 612-12 et R. 622-10 du code de la sécurité intérieure.

([67])              Les deux articles disposent qu’une condamnation à des peines correctionnelles ou criminelles inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire et une enquête administrative défavorable peuvent entraîner le retrait de la carte. Il en est de même pour l’incapacité à justifier de son aptitude professionnelle (pour les activités d’employés de recherches privées) et de l’existence d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée (pour les activités de sécurité privée).

([68])              Articles R. 612-19 et R. 622-17 du code de la sécurité intérieure.

([69])              Articles R. 612-20 et R. 622-18.

([70])              Cette enquête ne doit pas révéler un comportement ou des agissements « contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État et incompatibles » avec l’exercice des fonctions pour lesquelles la carte professionnelle est nécessaire.

([71])              Cour administrative d’appel de Paris, 20 septembre 2018, n° 17PA00391.

([72])              Cour administrative d’appel de Lyon, 24 septembre 2015, n° 14LY02810.

([73])              Cour administrative d’appel de Nancy, 20 juin 2011, n° 10NC00981, au sujet de deux anciennes condamnations à des amendes de 300 euros et 800 euros avec sursis transport non autorisé de stupéfiants et pour vol avec destruction et dégradation. La décision de refus a été déclarée illégale du fait de l’ancienneté des faits et de l’absence de réitération de ces faits ni de toute autre mise en cause par l’intéressé.

([74])              Il s’agit des infractions suivantes : meurtre, assassinat ou empoisonnement, tortures et actes de barbarie, violences volontaires, exploitation de la vente à la sauvette, travail forcé, réduction en servitude, administration de substances nuisibles, embuscade, menaces d’atteinte aux personnes, viol et agressions sexuelles, exhibition sexuelle, harcèlement sexuel, harcèlement moral, enregistrement et diffusion d’images de violence, trafic de stupéfiants, infractions relatives aux armes prévues aux articles 222-52 à 222-67 du code pénal, enlèvement et séquestration, détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, traite des êtres humains, proxénétisme et infractions qui en résultent, recours à la prostitution des mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, exploitation de la mendicité, vols, extorsion, demande de fonds sous contrainte, recel de vol ou d’extorsion, destruction, dégradation et détérioration d’un bien, destruction, dégradation et détérioration dangereuses pour les personnes, menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et fausses alertes, blanchiment, actes de terrorisme, entrave à l’exercice des libertés d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation, participation à un attroupement en étant porteur d’une arme ou provocation directe à un attroupement armé, participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme, participation à un groupe de combat interdit, intrusion dans un établissement scolaire par une personne porteuse d’une arme, rébellion armée et rébellion armée en réunion et association de malfaiteurs.

([75])              Cet article ne s’applique pas aux citoyens de l’Union européenne ainsi qu’aux ressortissants d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et de la Confédération suisse.

([76])              Sauf en matière de de protection des navires battant pavillon français, pour laquelle cette condition ne s’applique pas.

([77])              Cet article ne s’applique pas aux citoyens de l’Union européenne ainsi qu’aux ressortissants d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et de la Confédération suisse.

([78])              Décret n° 2016-515 du 26 avril 2016 relatif aux conditions d’exercice des activités privées de sécurité et au Conseil national des activités privées de sécurité.

([79])              Cette obligation est précisée aux articles L.612-6 et L. 622-6 du code de la sécurité intérieure.

([80])              Dans sa décision n° 2015-463 QPC du 9 avril 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition conforme au principe d’égalité devant la loi, estimant qu’en conditionnant l’obtention d’un agrément à une condition de nationalité, « le législateur a ainsi entendu assurer un strict contrôle des dirigeants des entreprises exerçant des activités privées de sécurité qui, du fait de leur autorisation d’exercice, sont associées aux missions de l’État en matière de sécurité publique ».

([81])              L’article R. 611-1 précise que ces activités incompatibles sont celles d’employé d’une agence de recherches privées, de garde particulier assermenté, ainsi que les fonctions que les lois et règlements rendent incompatibles entre elles.

([82])              Tribunal administratif de Bastia, ord., 11 juillet 2014, Sté SISIS, n°s1400578, 1400579, 1400580 ; CE, ord., 24 juillet 2014, Sté SISIS, n° 382719.

([83])              Cour administrative d’appel de Douai, 17 décembre 2019, n° 17DA01649.

([84])              Il s’agit des infractions suivantes : meurtre, assassinat ou empoisonnement, tortures et actes de barbarie, violences volontaires, exploitation de la vente à la sauvette, travail forcé, réduction en servitude, administration de substances nuisibles, embuscade, menaces d’atteinte aux personnes, viol et agressions sexuelles, exhibition sexuelle, harcèlement sexuel, harcèlement moral, enregistrement et diffusion d’images de violence, trafic de stupéfiants, infractions relatives aux armes prévues aux articles 222-52 à 222-67 du code pénal, enlèvement et séquestration, détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, traite des êtres humains, proxénétisme et infractions qui en résultent, recours à la prostitution des mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, exploitation de la mendicité, vols, extorsion, demande de fonds sous contrainte, recel de vol ou d’extorsion, destruction, dégradation et détérioration d’un bien, destruction, dégradation et détérioration dangereuses pour les personnes, menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et fausses alertes, blanchiment, actes de terrorisme, entrave à l’exercice des libertés d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation, participation à un attroupement en étant porteur d’une arme ou provocation directe à un attroupement armé, participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme, participation à un groupe de combat interdit, intrusion dans un établissement scolaire par une personne porteuse d’une arme, rébellion armée et rébellion armée en réunion et association de malfaiteurs.

([85])              Il s’agit de services développés par les entreprises afin de charger certains de leurs salariés de missions de sécurité privée. Leur création nécessite la délivrance d’une autorisation délivrée par le CNAPS. Les articles L. 612-2 et R. 612-5 et suivants du code de la sécurité intérieure en déterminent le régime juridique.

([86])              Articles L. 612-9 et L. 629-9 du code de la sécurité intérieure.

([87])              Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

([88])              Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

([89])              L’article R. 625-1 du code pénal sanctionne les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de huit jours d’une contravention de la Vème classe, soit 1 500 euros, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées de circonstances aggravantes. Lorsque ces violences n’ont entraîné aucun arrêt de travail, l’article R. 624-1 les sanctionne par une amende de la IVème classe, soit 750 euros.

([90])              Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans, sur une personne vulnérable, sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père et mère adoptifs, sur certaines personnes qui, par leur profession, sont particulièrement exposées aux violences, à l’instar des magistrats, jurés, avocats et officiers publics ou ministériels, sur les sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels et les gardiens d’immeuble assermentés, ainsi que sur les membres de leur famille proche, sur les agents des exploitants de réseau de transport public et sur les personnels des établissements d’enseignement scolaire et les professionnels de santé, sur un témoin, une victime ou une partie civile, sur les personnes qui se livrent à la prostitution, sur le conjoint, le concubin ou le partenaire de l’auteur des violences, sur une personne en vue de la soumettre à un mariage forcé ou en présence d’un mineur, pour des faits qui visent le conjoint, concubin ou compagnon de leur auteur ou, lorsque la victime est mineure, quand ces faits sont commis par un ascendant ou toute personne ayant autorité sur ce mineur.

Les violences sont également plus sanctionnées quand leur auteur est une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, ou que les faits sont commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice, avec préméditation ou avec guet-apens, ou avec usage ou menace d’une arme.

([91])              C’est le cas lorsque les faits sont commis aux abords et dans les établissements d’éducation, ainsi que dans les locaux de l’administration, dans les transports en commun, sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ou en état d’ivresse manifeste, par une personne agissant avec l’aide ou l’assistance d’un mineur ou par une personne dissimulant volontairement tout ou partie de son visage.

([92])              À titre d’exemple, les peines prévues pour des violences causant une incapacité de travail supérieur à huit jours sont de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende si trois de ces circonstances sont réalisées.

([93])              Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([94])              Articles 132-76 et 132-77 du code pénal.

([95])              Cet article vise les personnes investies d’un mandat électif public, magistrats, jurés, avocats, officiers publics ou ministériels, militaires de la gendarmerie nationale, fonctionnaires de la police nationale, des douanes, de l’inspection du travail et de l’administration pénitentiaire, ainsi que tout autre personne dépositaire de l’autorité publique. Il protège également les sapeur-pompiers professionnels ou volontaires, les gardiens assermentés d’immeuble et les agents exerçant, pour le compte d’un bailleur, des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation, les agents d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, les membres du personnel des établissements d’enseignement scolaire, les professionnels de santé ainsi que les conjoints, ascendants ou descendants en ligne directe, et toute autre personne vivant habituellement à leur domicile, en raison des fonctions exercées par ces personnes.

([96])              Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

([97])              Visées par les articles L. 611-1 et L. 621-1 du code de la sécurité intérieure.

([98])              Loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité.

([99])              Article R. 613-1 du code de la sécurité intérieure.

([100])              Article R. 613-40 du code de la sécurité intérieure.

([101])              Les entreprises et organismes autorisés sont les suivants : les exploitants d’aérodromes, les entreprises de transport aérien, les agents habilités, les chargeurs connus et les clients en compte, les fournisseurs habilités et les fournisseurs connus, les autres personnes ou organismes autorisés à occuper ou utiliser la zone côté piste de l’aérodrome ainsi que les personnes ou organismes liés par contrat aux personnes ou organismes ci-dessus mentionnés.

([102])              Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

([103])              Réponse du ministère de l’Intérieur à la question orale n° 90638 posée par Mme Annie Genevard, JOAN, 20 septembre 2016.

([104])              Les périmètres de protection, dont le régime juridique est précisé à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, sont institués par arrêté motivé du préfet, transmis au procureur de la République, afin de sécuriser les grandes manifestations culturelles, sportives et récréatives contre le risque terroriste. Ces zones permettent de réaliser des opérations de vérification, comme l’inspection visuelle et les fouilles des bagages et les palpations de sécurité. L’intéressé est libre d’y consentir ou non, son refus pouvant l’empêcher d’accéder à la zone placée sous périmètre de protection.

([105])              Réponse du ministère de l’Intérieur à la question orale n° 90638 posée par Mme Annie Genevard, JOAN, 20 septembre 2016.

([106])              Conseil d’État, 17 juin 1932, commune de Castelnaudary, n° 12.045.

([107])              Conseil d’État, 29 décembre 1997, commune d’Ostricourt, n° 170606.

([108])              Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

([109])              Cons. const., 10 mars 2011, n° 2011-625 DC, cons. 19.

([110])              Cons. const. 16 juin 2017, n° 2017-637.

([111])              Cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695, § 27.

([112])              Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale.

([113])              Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir professionnel.

([114])              Cons. const. 9 avr. 1996, n° 96-375 DC, considérant 8.

([115])              CNAPS, rapport annuel 2019, page 18.

([116])              Les dirigeants ne doivent pas avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire (1°). L’enquête administrative diligentée par le CNAPS ne doit pas avoir révélé un comportement ou des agissements incompatibles avec l’exercice de ses fonctions (2°). Ils ne doivent pas faire l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée (3°). Enfin, les ressortissants étrangers doivent disposer d’un titre de séjour leur permettant d’exercer une activité sur le territoire national (4°).

([117])              L’article R. 625-7 précise que ce certificat est délivré par « un organisme accrédité par le Comité français d’accréditation ou par tout autre organisme d’accréditation signataire de l’accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d’accréditation, au regard d’un référentiel reconnu ou défini par un arrêté du ministre de l’Intérieur ». En outre, l’article R. 625-2 du code de la sécurité intérieure arrête une liste de pièces que le demandeur doit fournir avec sa demande d’autorisation.

([118])              L’arrêté du 1er juillet 2016 relatif à la certification des organismes de formation aux activités privées de sécurité et aux activités de recherches privée prévoit les conditions générales, ainsi que les conditions spécifiques à chaque métier, devant être remplies par les organismes formateurs.

([119])              Articles R. 612-36, R. 612-41 et R. 612-41-1 pour les activités de sécurité privée et articles R. 622-31 et R. 622-34 pour celles des agences de recherches privées.

([120])              Les articles R. 612-24 et R. 622-22 du code de la sécurité intérieure précisent que l’aptitude professionnelle est justifiée par la détention d’une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles, d’un certificat de qualification professionnelle ou, pour les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un États partie à l’accord sur l’Espace économique européen, d’un titre de formation ou d’une attestation de compétences se rapportant à l’activité concernée et requis pour exercer cette activité dans l’État concerné.

([121])              Article L. 6411-1 du code du travail.

([122])              Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([123])              Article L. 335-5 du code de l’éducation.

([124])              Les articles R. 612-24 et R. 622-22 du code de la sécurité intérieure précisent que ce certificat est élaboré par la branche professionnelle de l’activité concernée et agréé par arrêté du ministre de l’Intérieur ou par arrêté conjoint avec le ministre des transports, pour les opérations d’inspection-filtrage destinées à protéger l’aviation civile.

([125])              Articles R. 612-26, R. 612-37 et R. 622-24 du code de la sécurité intérieure.

([126])              Articles R. 612-19, R. 612-20, R. 622-17 et R. 622-18 du code de la sécurité intérieure.

([127])              Cour administrative d’appel de Paris, 20 septembre 2018, n° 17PA00391.

([128])              Cour administrative d’appel de Marseille, 19 octobre 2015, n° 14MA00544.

([129])              Cour administrative d’appel de Nancy, 20 juin 2011, n° 10NC00981, au sujet de deux anciennes condamnations à des amendes de 300 euros et 800 euros avec sursis pour transport non autorisé de stupéfiants et pour vol avec destruction et dégradation. La décision de refus a été déclarée illégale du fait de l’ancienneté des faits et de l’absence de réitération ou de toute autre mise en cause de l’intéressé.

([130])              Cette autorisation d’exercice est mentionnée à l’article L. 612-9 du code de la sécurité intérieure. Celui-ci conditionne l’exercice d’une activité privée de sécurité à l’obtention d’une autorisation préalable, délivrée par le CNAPS par l’intermédiaire d’une de ses commissions locales d’agrément et de contrôle. L’autorisation est délivrée après vérification du respect, par l’entreprise, du cadre légal et réglementaire s’appliquant au secteur de la sécurité privée.

([131])              Règlement d’exécution (UE) de la Commission du 5 novembre 2015 fixant des mesures détaillées pour la mise en œuvre des normes de base communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile.

([132])              L’article effectue un renvoi au III de l’article R. 613-3 du code de la sécurité intérieure pour désigner les armes concernées par cette disposition. Il s’agit de certaines armes de catégorie B et D et, lorsque les agents sont chargés d’une mission de surveillance dans des zones figurant sur des sites énumérés par cet article, de certaines armes de poing ou d’épaule de catégorie B ainsi que des armes d’épaule relevant du 3° bis de la catégorie A1.

([133])              Loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités.

([134])              Ces conditions sont précisées aux articles R. 613-6 à R. 613-9 du code de la sécurité intérieure.

([135])              L’article dispose que ces circonstances sont appréciées par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police, qui les constate par arrêté transmis au procureur de la République.

([136])              Cons. const., 13 mars 2003, n° 2003-467 DC et cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC.

([137])              Cons. const., 13 mars 2003, n° 2003-467 DC.

([138])              Il s’agit des activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires (titre Ier), des activités des agences de recherches privées (titre II) et de la formation aux activités privées de sécurité (titre II bis).

([139])              Articles R. 131-1 et R. 131-4 du code de l’aviation civile.

([140])              Articles L. 6232-12 et L. 6232-13 du code des transports.

([141])              Article L. 34-9-2 du code des postes et des communications électroniques modifié par l’article 4 de la loi n° 2016-1428 du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.

([142])              Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([143])              Article L. 1632-3 du code des transports.

([144])              Articles R. 612-27, R. 612-28 et R. 612-29 du code de la sécurité intérieure.

([145])              Ce même décret prévoit par ailleurs que cette activité est réalisée dans le respect des conditions de détention et d’utilisation des chiens fixées aux articles L. 214-2 et L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime, qui posent un principe de respect des impératifs biologiques des animaux et d’interdiction des mauvais traitements.

([146])              Voir le commentaire de l’article 28.

([147])              Article L. 2251–4–1 du code des transports.

([148])              http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_lois/l15cion_lois2021009_compte-rendu#

([149])              Arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent et de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord.

([150])              Cette réglementation se compose notamment de l’arrêté du 24 décembre 2013 fixant les règles relatives à la conception et aux conditions d’utilisation des aéronefs militaires, de l’instruction 1550/DSAÉ/DIRCAM du 23 novembre 2017 relative aux directives et procédures d’exécution des vols de drone en circulation aérienne militaire en temps de paix et de l’instruction 94000 /GEND/DOE/SDSPSR/BSRFMS du 1er juillet 2019 relative à l’emploi des systèmes de drone au sein de la gendarmerie.

([151])              Conseil d’État, ordonnance du 18 mai 2020, La Quadrature du Net et Ligue des droits de l’homme (rendue en appel d’une décision de rejet du 5 mai 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Paris).

([152])              Décision n° 94–352 DC du 18 janvier 1995.

([153])              Loi n° 2016‑987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

([154])              Sont ainsi visés tous les crimes et délits prévus au chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal à l’exception des délits de provocation au terrorisme, d’apologie du terrorisme et de duplication de données provocant au terrorisme ou en faisant l’apologie.

([155])              Rapport n° 804 (2015-2016) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, sur le projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, 20 juillet 2016.

([156])              Tel est le cas de la surveillance judiciaire prévue aux articles 723‑29 à 723‑39 du code de procédure pénale, du suivi post-libération défini à l’article 721‑2 du même code (rapport n° 3116 de Mme Yaël Braun-Pivet, fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, 17 juin 2020).

([157])              Art. 221‑4 du code pénal.

([158])              Art. 222‑3 du même code.

([159])              Art. 222-8, 222‑10, 222‑12 et 222‑13 du même code.

([160])              Art. 433‑3 du même code.

([161])              « En l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services et de s’y exprimer » (Conseil constitutionnel, décision n° 2020‑801 DC du 18 juin 2020, Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, par. n° 4).

([162])              Ces délits sont respectivement prévus aux articles 32, 33 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881.

([163])              Art. 24 de la loi du 29 juillet 1881.

([164])              Art. 23 de la loi du 29 juillet 1881.

([165])              L. Hugueney : Rev. sc. crim. 1954, p. 763. – obs. sur Cass. crim., 25 févr. 1954 : bull. crim. 1954, n° 89.

([166])              Art. 28 de la loi n° 95‑73 d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995. Bien que la loi ait fait l’objet de la décision n° 94‑352 DC du 18 janvier 1995, le Conseil constitutionnel n’avait pas été saisi de cette disposition en particulier et n’en a donc pas examiné la constitutionnalité.

([167])              Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

([168])              Rapport n° 2173 de M. Sébastien Pietrasanta, au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, 22 juillet 2014.

([169])              Arrêté du ministre de l’intérieur du 7 avril 2011 relatif au respect de l’anonymat de certains fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie nationale (annexe).

([170])              Décision n° 2016-611 QPC du 10 février 2017 M. David P., par. n° 5. Le Conseil constitutionnel avait, à cette occasion, censuré le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes

([171])              Cour européenne des droits de l’homme, Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, série A n° 24.

([172])              Cour européenne des droits de l’homme, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande, 27 juin 2017, req. n° 931/13, par. n° 126.

([173])              Art. 85§2 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

([174])              Cour de justice de l’Union européenne, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia, 16 décembre 2008, C‑73/07, par. n° 56 à 61.

([175])              « On est dans une situation en France où les policiers sont mis en cause sans cesse et où parfois on montre leur visage, leur identité et, jusqu’à chez eux, ils sont ensuite (…) persécutés parce qu’ils sont policiers », quant à leurs enfants, « ils ont des problèmes à l’école, parce qu’on se moque d’eux, parce que parfois, on les attaque, on les agresse, on les frappe » (« Visages des policiers floutés : "L’idée du ministre de l’intérieur, c’est de protéger les policiers qui nous protègent", explique Marlène Schiappa », France Info, 11 septembre 2020).

([176])              Le référentiel des identités et de l’organisation (RIO) recouvre l’ensemble des matricules de sept chiffres qui identifient individuellement les agents sous l’autorité du ministère de l’intérieur. Le second alinéa de l’article R. 434‑15 prévoit que le policier ou le gendarme « se conforme aux prescriptions relatives à son identification individuelle ». L’arrêté du ministre de l’intérieur du 24 décembre 2013 relatif aux conditions et modalités de port du numéro d’identification individuel par les fonctionnaires de la police nationale, les adjoints de sécurité et les réservistes de la police nationale, l’impose tant aux agents en uniforme qu’aux personnels en civil de la police nationale.

([177])              Arrêté DGPN NOR : INT C1619728 A du 25 juillet 2016 et note n° 57921/GEND/DOE/SDSPSR/BSP de la gendarmerie nationale du 4 juillet 2016.

([178])              Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

([179])              Amendement COM–80.

([180])              L’âge des adjoints de sécurité s’établit, selon le droit actuellement en vigueur, entre dix-huit et trente ans. Le recrutement s’effectue pour une période de trois ans renouvelable une fois par reconduction expresse.

([181])              Arrêté du ministre de l’intérieur du 6 juin 2006 portant règlement général d’emploi de la police nationale.

([182])              Article 131‑1 du règlement général d’emploi de la police nationale.

([183])              Article 132-2 dudit règlement général.

([184])              Art. 21 du code de procédure pénale.

([185])              Le gendarme adjoint volontaire est agent de police judiciaire adjoint. Il seconde les sous-officiers dans leurs missions. Il est l’équivalent, pour la gendarmerie nationale, de l’adjoint de sécurité dans la police nationale.

([186])              Décret n° 2016-1495 du 4 novembre 2016 portant code de déontologie des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, codifié depuis aux articles R. 2251‑1 à R. 2251‑19 du code des transports.

([187])              Loi n° 2014‑872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire et décret n° 2015-845 du 10 juillet 2015 relatif aux prestations de sûreté fournies par le service interne de sécurité de la SNCF.

([188])              Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

([189])              Gares & Connexions est une filiale de SNCF Réseau, spécialiste de la gare, de sa conception à son exploitation, en passant par la commercialisation de ses espaces. Elle rénove et développe les 3 000 gares ferroviaires du réseau français. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 1,6 milliards d’euros en 2019.

([190])              La loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a provoqué une croissance notable du nombre de voyageurs qui empruntent les lignes d’autobus.

([191])              Décret n° 2016‑1862 du 23 décembre 2016 relatif aux conditions de l’expérimentation de l’usage de caméras individuelles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens. La durée de l’expérimentation a ensuite été portée à cinq ans par l’article 113 de la loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([192])              Juridiquement opérationnel au 1er janvier 2017, le dispositif n’a été lancé en pratique qu’un an plus tard. Toutefois, dès le 31 décembre 2018, la SNCF indiquait que 3 367 missions avaient déjà été menées avec l’appui de ces caméras piétons. Environ 10 % de ces missions ont fait l’objet d’un déclenchement du dispositif. Les caméras permettent d’apaiser les tensions, de sécuriser les missions des agents en limitant les risques de comportement agressif et également d’apporter la preuve du bien-fondé d’une intervention. Elles contribuent à améliorer la sécurité des passagers.

([193])              « La RATP généralise les caméras piétons », Ville Rail & Transport, 19 novembre 2019.

([194])              Art. 234‑1 du code de la route.

([195])              Suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus, travail d’intérêt général, jours-amende, interdiction de conduire certains véhicules terrestres pour une durée de cinq ans au plus, stage de sensibilisation à la sécurité routière, interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé d’un dispositif homologué d’anti-démarrage par éthylotest électronique pendant une durée de cinq ans au plus, confiscation du véhicule.

([196])              Art. L. 234‑13 du code de la route.

([197])              Les articles 16 et R. 5 du code de procédure pénale attribuent la qualité d’officiers de police judiciaire aux maires et à leurs adjoints ainsi qu’à certains personnels de la gendarmerie et de la police nationales. Toutefois, hormis les maires et leurs adjoints, ils « ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d’officier de police judiciaire ni se prévaloir de cette qualité que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d’une décision du procureur général près la cour d’appel les y habilitant personnellement ». L’OPJ dispose de pouvoirs importants dans le cadre d’une investigation, parmi lesquels celui de placer une personne en garde à vue.

([198])              Les agents de police judiciaire sont les élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle et les gendarmes n’ayant pas la qualité d’OPJ, les fonctionnaires des services actifs de la police nationale n’ayant pas la qualité d’OPJ, ainsi que certains gendarmes et policiers servant dans la réserve. Toutefois, ces fonctionnaires et militaires ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d’APJ que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice. L’APJ seconde l’OPJ dans ses fonctions. Il peut constater les crimes, délits ou contraventions et en dresser procès-verbal, ainsi que recevoir par procès-verbal les déclarations qui lui sont faites. En revanche, il ne peut placer une personne en garde à vue.

([199])              Les agents de police judiciaire adjoints sont les policiers qui ne sont pas APJ, certains volontaires servant dans la gendarmerie, les adjoints de sécurité, les contrôleurs de la voie publique de la préfecture de police de Paris, les agents de police municipale et les gardes champêtres. L’APJA seconde l’OPJ et ne peut constater, de son propre chef, que des infractions mineures, essentiellement des infractions au code de la route dont la liste est déterminée par décret.

([200])              Art. 29, alinéa premier, du code de procédure pénale : « Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde. »

([201])              Art. 29‑1 du code de procédure pénale. Les règles relatives à l’assermentation sont détaillées aux articles R. 15‑33‑25 à R. 15‑33‑29‑2 du même code.

([202])              Art. L. 428‑21, alinéa 1 et 2, du code de l’environnement : « Les gardes-chasse particuliers assermentés constatent par procès-verbaux les infractions aux dispositions du présent titre qui portent préjudice aux détenteurs de droits de chasse qui les emploient. Leurs procès-verbaux font foi jusqu’à preuve contraire. »

([203])              Art. L. 161‑6 du code forestier : « Les gardes des bois et forêts des particuliers, dûment agréés et assermentés dans les conditions mentionnées à l’article 29-1 du code de procédure pénale, sont habilités à constater par procès-verbaux les infractions forestières dans les propriétés dont ils ont la garde. »

([204])              Art. L. 116-2 du code de la voirie routière : « Sans préjudice de la compétence reconnue à cet effet à d’autres fonctionnaires et agents par les lois et règlements en vigueur, peuvent constater les infractions à la police de la conservation du domaine public routier et établir les procès-verbaux concernant ces infractions : 1° Sur les voies de toutes catégories, les agents de police municipale, les gardes champêtres des communes et les gardes particuliers assermentés ; ».

([205])              Art. L. 313-6 du code de la sécurité intérieure : « Les personnes physiques ou morales autorisées à exercer les activités mentionnées à l’article L. 313-2 peuvent refuser de conclure toute transaction visant à acquérir des armes, des munitions ou leurs éléments dès lors qu’il est raisonnable de considérer que cette transaction présente un caractère suspect, en raison notamment de son échelle ou de sa nature. Toute tentative de transaction suspecte fait l’objet d’un signalement auprès d’un service désigné par décision du ministre de l’intérieur. »

([206])              Rapport n° 554 de M. Christophe Euzet, fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité, 17 janvier 2018.

([207])              Art. R. 557-6-15 du code de l’environnement.

([208])              « Qu’est-ce que les mortiers d’artifice, de plus en plus souvent utilisés contre la police ? », Ouest-France, 12 octobre 2020.

([209])              « Des mortiers d’artifice utilisés comme arme contre la police, des produits dangereux mais facilement accessibles », LCI, 30 juillet 2020.

([210])              Art. L. 557‑59 du code de l’environnement, qui donne également compétence aux inspecteurs de la sûreté nucléaire.

([211])              Décret n°2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance.

([212])              Art. L. 132‑4 du code de la sécurité intérieure.

([213])              Loi n° 2014‑173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

([214])              L’article L. 132-13 du code de la sécurité intérieure permet à plusieurs communes de se réunir pour former un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.

([215])              Art. D. 132‑7 à D. 132‑10 du code de la sécurité intérieure.

([216])              Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 9h30, compte rendu n° 78.

([217])              Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([218])              Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

([219])              Loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([220])              Régis Fraisse, « Les collectivités territoriales régies par l’article 74 », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 35, avril 2012.

([221])              6° de l’article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([222])              3° du II de l’article 21 du statut du 19 mars 1999 précité.

([223])              2° du I du même article..

([224])              Article 6‑2 du statut du 19 mars 1999 précité.

([225])              Conseil constitutionnel, décision n° 2004‑490 DC du 12 février 2004, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, considérant n° 18. Le législateur organique a plus tard formulé la même réserve à l’article 8 de la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française. Les contours de cette catégorie de normes, dite des « lois de souveraineté », sont définis restrictivement par la jurisprudence.

([226])              Conseil d’État, 17 mai 2002, M. Hoffer, n° 232359.

([227])              L’applicabilité résulte alors du texte même.

([228])              Élise Boz-Acquin, « Le nouveau cadre juridique d’intervention des forces armées en milieu terrestre face au terrorisme », Note de la Fondation pour la recherche stratégique n° 58/2020, 10 août 2020. URL : https://www.frstrategie.org/publications/notes/nouveau-cadre-juridique-intervention-forces-armees-milieu-terrestre-face-terrorisme-2020 [accès le 9 novembre 2020]

([229])              Rapport d’information n° 2166 de MM. Jean-Jacques Ferrara et Christophe Lejeune sur l’action aérospatiale de l’État. 17 juillet 2019.

([230])              Avis budgétaire « Sécurité » n° 3404 de M. Stéphane Mazars, mission « Sécurités », projet de loi de finances pour 2021, 13 octobre 2021. Accessible à partir de ce lien.

([231])              Conseil d’État, ordonnance du 18 mai 2020, La Quadrature du Net et Ligue des droits de l’homme (rendue en appel d’une décision de rejet du 5 mai 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Paris).