N° 3544

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2020.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
SUR :

– LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DE M. FABRICE BRUN,
M. JULIEN DIVE ET PLUSIEURS DE LEURS COLLÈGUES

relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne ( 3123),

– LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DE M. JEAN-BAPTISTE MOREAU
ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES

relative aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers
et à l’encouragement de la structuration des filières agricoles
dans le cadre de la politique agricole commune (2021‑2027) ( 3175),

– LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DE M. JEAN-LOUIS THIERIOT,

sur l’accessibilité de l’agriculture de proximité aux marchés publics
de restauration collective ( 3187),

– LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DE M. JULIEN DIVE
ET M. FABRICE BRUN

relative à la possibilité pour la France d’appliquer une TVA à un taux très réduit
voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts( 3225),

PAR M. Jean-Baptiste MOREAU

Député

(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, M. Christophe JERRETIE, Mme Chantal JOURDAN, M. Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Mme Catherine OSSON, MM. Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, Jean‑Pierre PONT, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. Réorienter la politique agricole commune : transition écologique, renouvellement générationnel des agriculteurs, structuration des filières

A. La compatibilité entre la stratégie « de la ferme a la table » avec la politique agricole commune

B. L’enjeu du renouvellement démographique des agriculteurs et de l’adaptation du droit de la concurrence

C. L’adaptation du droit de la concurrence et la structuration des filières agricoles

II. Mettre en place un moratoire sur les accords de libre-échange pour enrayer la dépendance européenne

III. Favoriser les circuits courts

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

proposition de résolution européenne n° 3123 relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne, présentée par mm. fabrice brun et julien dive  et plusieurs de leurs collÈgues

Proposition de résolution européenne n° 3175  relative aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers et à l’encouragement de la structuration des filières agricoles dans le cadre de la politique agricole commune (20212027),  présentée par MM. JeanBaptiste Moreau, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau  et plusieurs de leurs collègues

proposition de résolution européenne N°3187  sur l’accessibilité de l’agriculture de proximité aux marchés publics de restauration collective, présentée par M. Jean-Louis Thiériot et plusieurs de ses collègues

proposition de résolution européenne n° 3225  relative à la possibilité pour la France d’appliquer une TVA à un taux très réduit voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts,  présentée par MM. Julien Dive et Fabrice Brun

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE  présentÉe par le rapporteur

amendements examinÉs par la commission

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE  adoptÉe par la commission


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire a eu un impact particulièrement important sur l’agriculture européenne. Si celle-ci a globalement tenu, la crise a révélé à quel point l’Union européenne souffre d’une forte dépendance, notamment aux importations. Elle a aussi mis en lumière à quel point il est désormais crucial que l’Union s’assure que les produits qu’elle fait venir de l’étranger soient beaucoup plus respectueux des normes qu’elle impose aux agriculteurs présents sur son territoire.

En outre, une évolution brutale des modes de consommation, en partie liée aux mesures de confinement et à la fermeture de la restauration hors domicile, a conduit à déstabiliser de nombreuses filières de production et les échanges intracommunautaires. Ainsi, le 22 avril dernier, la Commission européenne, à la demande de nombreux États membres dont la France, a décidé d’activer certaines mesures prévues dans le cadre de l’organisation commune des marchés (OCM). Ainsi, le stockage privé a été notamment autorisé pour les produits laitiers ainsi que pour les viandes bovine et ovine.

La crise a également révélé d’autres failles dans la situation de l’agriculture européenne, en particulier les risques majeurs que fait peser le faible renouvellement générationnel des agriculteurs européens, la compatibilité des nouvelles normes environnementales à venir avec la politique agricole commune (PAC) dans son état actuel et la nécessité de favoriser les « circuits courts », sujet dont l’Union européenne s’est encore insuffisamment saisie.

Tous ces constats doivent nous conduire à rester très vigilants sur la pérennité à la fois du budget de la PAC, que les conclusions du Conseil européen du 21 juillet 2020 doivent garantir, et sur le maintien de son caractère entièrement européen, afin que celle-ci ne soit pas démantelée en vingt-sept politiques agricoles nationales. L’accord trouvé au Conseil le 21 octobre 2020 sur les « orientations générales » pour la prochaine PAC prévoit d’ores et déjà certaines avancées, en particulier la possibilité de créer des programmes sectoriels permettant de structurer l’action des organisations de producteurs et coopératives pour la plupart des filières agricoles.

La présente proposition de résolution européenne vise donc à ce que l’Assemblée nationale puisse se prononcer sur ces questions et envoyer un message clair aux institutions européennes sur l’avenir qu’elle souhaite donner à notre agriculture. Celle-ci a été construite de manière transpartisane, avec MM. Fabrice Brun, Julien Dive, Jean-Louis Thiériot, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau et votre rapporteur. Cette co-construction témoigne du fait que l’agriculture ne constitue pas un sujet de division mais doit au contraire susciter l’unité afin de porter une voix claire au niveau européen. Le texte de cette proposition de résolution européenne fait donc la synthèse entre les propositions de résolution européenne n° 3123, n° 3175, n° 3187 et n° 3225.

Le présent rapport éclaire les différents enjeux soulevés dans la proposition de résolution européenne. Il s’agit d’abord de réfléchir aux nouvelles orientations que l’Union européenne doit donner à sa politique agricole commune, à l’aune des enjeux qui ont été ravivés par la crise (I). La résolution propose ensuite de mettre en place un moratoire sur les accords de libre-échange en cours de négociation (II). Elle souligne enfin la nécessité de favoriser par tous les moyens l’approvisionnement alimentaire par l’intermédiaire de « circuits courts » (III).


I.   Réorienter la politique agricole commune : transition écologique, renouvellement générationnel des agriculteurs, structuration des filières

A.   La compatibilité entre la stratégie « de la ferme a la table » avec la politique agricole commune

La stratégie « de la ferme à la table » ([1]) a été publiée par la Commission européenne durant la crise sanitaire, le 20 mai 2020. Elle prévoit notamment des réductions de 50 % de l’utilisation des pesticides et des risques qui leur sont associés, d’au moins 20 % de l’utilisation de fertilisants et de 50 % des ventes d’antimicrobiens utilisés pour les élevages et l’aquaculture. La stratégie prévoit également l’exploitation de 25 % des terres agricoles en agriculture biologique et propose une révision de la législation européenne relative au bien-être animal.

Tous ces objectifs nécessitent un accompagnement massif et durable de nos agriculteurs, afin qu’ils puissent à la fois rester compétitifs et réaliser cette transition agroécologique. Or, la Commission européenne a exprimé à plusieurs reprises l’idée que la PAC, dans la version rénovée qu’elle a proposée en mai 2018 ([2]), ne nécessitait pas de changements particuliers pour tenir compte de cette nouvelle stratégie, sans fournir pour autant une analyse d’impact spécifique, alors que cela lui a été demandé à de nombreuses reprises par les représentants des États membres.

La proposition de résolution européenne demande donc à la Commission européenne de produire une telle étude d’impact, afin de permettre d’éclairer les parlementaires français et européens sur les changements que cette stratégie pourra induire. Il est clair que la PAC devra accompagner les agriculteurs pour leur permettre de réaliser les objectifs ambitieux fixés par la stratégie « de la ferme à la table ».

B.   L’enjeu du renouvellement démographique des agriculteurs et de l’adaptation du droit de la concurrence

L’indépendance alimentaire européenne, que la crise sanitaire a remise sur le devant de la scène, ne pourra se faire sans agriculteurs européens. Or, plus de 31 % de l’ensemble des exploitations agricoles de l’Union européenne sont gérés par des agriculteurs de plus de 65 ans, tandis que les jeunes agriculteurs ne représentent que 6 % de la communauté agricole européenne. En France, près d’un tiers des agriculteurs ont plus de 55 ans et un agriculteur sur trois va partir à la retraite d’ici deux ans. ([3])

Alors que la question du renouvellement générationnel des agriculteurs faisait partie des objectifs de la PAC post-2020 telle que proposée par la Commission européenne en mai 2018, les mesures envisagées apparaissent aujourd’hui trop faibles pour créer une incitation suffisante.

Il existe d’ores et déjà un paiement découplé « additionnel » pour les jeunes agriculteurs, payé en complément et dans la limite des 34 premiers droits à paiements de base activés par une exploitation contrôlée par un jeune agriculteur de moins de 40 ans. En France, cette enveloppe dispose d’un montant de 70 millions d’euros par an. Les critères d’attribution sont toutefois très précis : il faut en particulier que le jeune agriculteur soit installé pour la première fois dans les cinq années précédant la première demande et puisse justifier d’un certain niveau de diplôme.

Afin de rendre ces incitations plus simples et efficaces, la proposition de résolution européenne invite à réfléchir à l’idée de mettre en place un « bonus » substantiel sur les aides du premier pilier à destination non seulement des jeunes agriculteurs mais aussi des agriculteurs s’installant pour la première fois et des agriculteurs reprenant une exploitation. Cela permettrait d’élargir le champ d’une telle mesure et donc de la rendre plus efficace dans la perspective de la reprise d’exploitation, sujet central pour le maintien d’une agriculture européenne de proximité.

C.   L’adaptation du droit de la concurrence et la structuration des filières agricoles

L’amélioration du revenu des agriculteurs passe également par la réaffirmation dans les actes de la supériorité de l’enjeu de l’indépendance alimentaire par rapport à celui du strict respect de la politique de concurrence. Pour cela, il est indispensable de renforcer les prérogatives des organisations de producteurs afin de massifier l’offre par son regroupement, seul moyen tangible de peser dans les négociations commerciales.

La construction des prix, telle qu’encouragée en France par la loi dite « Egalim » ([4]), doit se faire de l’amont à l’aval, dans un cadre contractuel. Il convient donc d’engager les producteurs à se regrouper. C’est pourquoi la proposition de résolution européenne encourage à ce qu’une partie des aides du premier voire du second pilier puisse être subordonnée à l’adhésion à une organisation de producteurs.

II.   Mettre en place un moratoire sur les accords de libre-échange pour enrayer la dépendance européenne

Toujours dans l’objectif de renforcer les revenus agricoles et de l’indépendance alimentaire européenne, il faut également exclure des négociations des traités de libre-échange les filières les plus exposées et déjà souvent caractérisées comme « sensibles » par l’Union européenne. Ainsi, la viande bovine ou la viande ovine ne peuvent décemment pas faire l’objet d’accord. En effet, même si la transmission du virus responsable du Covid-19 ne passe pas par l’alimentation, la crise a exacerbé l’attention portée par les consommateurs à la qualité des denrées. À titre d’exemple, les conditions de production de la viande bovine au Mexique ne semblent pas apporter le même niveau de garantie sanitaire qu’en Europe, ce qui disqualifie nécessairement tout accord.

De la même manière, la Commission européenne a indiqué, dans un audit publié en mai 2020 ([5]), qu’il existait des « défaillances » dans le contrôle de la traçabilité du bétail canadien, dont la viande est ouverte au marché européen grâce à l’accord dit du CETA entre l’Union européenne et le Canada. Les vétérinaires chargés de l’évaluation des normes sanitaires seraient également susceptibles de présenter un « conflit d’intérêts potentiel », étant « rémunérés par les exploitants qu’ils contrôlent ». Ainsi, le système « n’est pas en mesure d’apporter la garantie que seuls les établissements pleinement conformes continuent à figurer sur la liste des établissements autorisés à exporter vers l’Union européenne ».

Ainsi, pour se prémunir de ces défaillances, la proposition de résolution européenne suggère de généraliser à l’échelle européenne l’article 44 de la loi « Egalim ». Ce dernier interdit en effet « de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation ». L’interdiction d’importation de produits est strictement encadrée par l’article XX du GATT (OMC) et ne peut être justifiée que si cela est notamment nécessaire à la protection de la moralité publique ou nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux.

En parallèle, la proposition de résolution européenne estime nécessaire de mettre en place plusieurs moratoires sur les négociations en cours d’accords de libre-échange. En effet, les impacts sur les filières agricoles européennes sont tels que le contexte de négociation est radicalement différent de celui de 2018. Ainsi, la conclusion de nouveaux accords doit rester subordonnée à la stabilisation des marchés intracommunautaires qui doit demeurer la priorité de l’Union européenne. Les mandats de négociation des accords de commerce internationaux confiés à la Commission européenne ne peuvent perdurer tels quels, alors que le contexte, notamment sanitaire, a profondément changé.

La Commission européenne a d’ailleurs lancé le 16 juin 2020 une consultation publique sur la politique commerciale de l'Union européenne afin de répondre à divers nouveaux défis qui se posent au niveau mondial et en tenant compte des enseignements tirés de la crise du coronavirus. Dans ce contexte, il semble opportun que l’Assemblée nationale saisisse cette occasion pour porter des positions fortes et contribuer au débat en cours sur la place de l’agriculture et de l’alimentation dans la politique commerciale européenne.

III.   Favoriser les circuits courts

La transition agroécologique passe également par la valorisation des « circuits courts ». Votre rapporteur constate que l’Union européenne s’est peu saisie de cette question, alors même qu’il s’agit d’un levier important pour valoriser l’agriculture de proximité et limiter les transports des denrées alimentaires, ce qui contribuera à réduire l’impact écologique de l’alimentation.

Selon une étude du service de recherche du Parlement européen, en 2015, 15 % des agriculteurs ont vendu la moitié de leur production par le biais des circuits courts ([6]), ce qui est encore très insuffisant. La PAC n’incite que très insuffisamment à valoriser l’approvisionnement de proximité et de nombreuses normes européennes et nationales rendent difficile pour les autorités publiques de valoriser ces productions locales.

Or, il apparaît de plus en plus indispensable de trouver les moyens de concilier ce principe de libre circulation avec l’objectif de rapprochement des sources d’alimentation, notamment dans le cadre du droit des marchés publics. C’est pourquoi la proposition de résolution européenne invite l’Union européenne à assouplir considérablement les conditions posées par la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

À ce titre, le rapport d’information de Mme Brigitte Alain, déposé en 2015, indique clairement que « l’Union européenne s’est construite sur le principe fondateur de la libre circulation des hommes, des capitaux, des services et des marchandises. Ce principe irrigue la réglementation européenne et notamment le droit des marchés publics. Il n’est pas possible de discriminer un produit parce qu’il provient d’un autre État membre ou à l’inverse de le favoriser sur la base du seul critère qu’il est produit sur son sol. » ([7])

L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics transposent en droit national la directive européenne 2014/24. La transposition en droit interne applique le principe central de la directive : celui de non-discrimination dans la commande publique. Toutefois, le concept de « coût du cycle de vie », mentionné à l’article 38 de l’ordonnance, permet de justifier l’attribution d’un marché à un opérateur. Ce coût peut comprendre l’ensemble des étapes successives ou interdépendantes (dont le transport) tout au long de la vie du produit.

L’article 63 du décret n° 2016-360 précise également que le coût du cycle de vie contient les coûts imputés aux externalités environnementales, pouvant notamment inclure le coût des émissions de gaz à effet de serre et d’autres émissions polluantes. En outre, l’article 62 dudit décret inclut le critère de performance en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, dans l’objectif de promouvoir les produits issus des circuits courts.

Ainsi, les justifications nécessaires pour permettre aux acheteurs publics de s’approvisionner prioritairement par l’intermédiaire de circuits courts apparaissent démesurément restrictives et difficiles à établir. Il est donc nécessaire de modifier la directive 2014/24 afin de simplifier les règles qu’elle établit et de permettre en particulier aux établissements de restauration collective de se fournir plus facilement auprès des exploitations agricoles pratiquant des circuits courts.

Cette évolution réglementaire nécessitera que l’Union européenne travaille à la définition précise des « circuits courts », ce à quoi la proposition de résolution européenne appelle également. Cette définition pourrait se baser sur la pratique de la remise directe au consommateur et sur l’existence d’au maximum un intermédiaire.

Un autre levier d’action pour favoriser les circuits courts peut également être celui de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Or, l’encadrement européen des produits et services pouvant bénéficier d’un taux réduit de TVA rend nécessaire, pour favoriser les circuits courts, de revoir certaines règles, en particulier issues de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

Plusieurs difficultés importantes dans la mise en œuvre d’une telle évolution rendent nécessaire une prise de position claire de l’Assemblée nationale. D’abord, la matière fiscale est soumise à l’unanimité au Conseil, ce qui rend complexe tout changement dans ce domaine. Ensuite, l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pose le principe de la neutralité fiscale, en indiquant qu’« aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. »

En 2018, la Commission européenne avait proposé d’inverser la logique actuelle de fixation des taux réduits de TVA. Alors que ne peuvent aujourd’hui bénéficier de taux réduits que les produits figurant sur une liste annexée à la directive TVA, la Commission prévoyait de donner plus de latitude aux États membres, la directive se contentant de déterminer une liste de biens et services ne pouvant pas bénéficier d’un taux réduit. Or, plus de deux ans après cette proposition, les discussions n’ont que peu avancé et plusieurs États, dont la France, semblent peu favorables au nouveau système proposé par la Commission. ([8])

Plusieurs initiatives récentes font écho à la recommandation formulée dans la proposition de résolution européenne, notamment celles du groupe de travail sur le suivi de l’agriculture, la pêche et l’alimentation concernant la reprise et le plan de relance après l’épidémie de Covid-19 de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. ([9]) La proposition 17.3 de ce groupe de travail visait en effet à « étudier les possibilités de mise en œuvre et les effets de l’application d’un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les produits agricoles et alimentaires produits à l’extérieur du territoire national proportionnel au nombre de kilomètres parcourus. »

   Conclusion

La crise actuelle vient profondément reconfigurer le contexte tant des échanges internationaux, que des priorités européennes en matière agricole. Il est donc absolument nécessaire que l’Union européenne tire le plus rapidement possible les conséquences de cette crise, en favorisant plusieurs actions.

La Commission européenne doit d’abord présenter une analyse d’impact de la nouvelle stratégie « de la ferme à la table » sur la PAC, afin que les agriculteurs puissent être accompagnés et soutenus dans les démarches de transition agroécologique. La Commission doit également proposer de nouvelles mesures, dans le cadre de la prochaine PAC, pour enrayer la très importante chute démographique dans l’agriculture, sans quoi l’objectif d’indépendance alimentaire européenne sera vain.

Il est également prioritaire de stabiliser et de structurer les filières alimentaires européennes. En parallèle, un moratoire sur les trois accords commerciaux de libre-échange en cours de négociation avec les pays du Mercosur, le Mexique et la Nouvelle-Zélande est à cet égard indispensable afin de retirer tous les produits agricoles sensibles des négociations commerciales en cours. Enfin, les « circuits courts » doivent être valorisés par tous les moyens par l’Union européenne.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 4 novembre 2020, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Nous passons à l’examen, sur le rapport de Jean-Baptiste Moreau, de quatre propositions de résolution européenne (PPRE) : celle de MM. Jean-Louis Thiérot, Damien Abad, Thibault Bazin et plusieurs de leurs collègues sur l’accessibilité de l’agriculture de proximité aux marchés publics de restauration collective, celle de M. Jean-Baptiste Moreau et plusieurs de ses collègues relative aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers et à l’encouragement de la structuration des filières agricoles dans le cadre de la politique agricole commune (2021-2027), celle de MM. Fabrice Brun, Julien Dive et plusieurs de leurs collègues relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne, et celle de MM. Fabrice Brun, Julien Dive et plusieurs de leurs collègues relative à la possibilité pour la France d’appliquer une TVA à un taux très réduit voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts.

Avant de donner la parole à notre rapporteur, je voudrais préciser un point de procédure. Comme il ne saurait être question pour notre commission d’adopter quatre propositions de résolution différentes sur des sujets voisins, la procédure de droit commun aurait consisté à examiner d’abord l’une de ces propositions de résolution, à l’amender pour intégrer certaines dispositions des trois autres, à l’adopter puis à rejeter les suivantes. Notre rapporteur a décidé, et je l’en félicite, de procéder autrement, à savoir fusionner les propositions de résolution en un texte unique qui sera seul soumis à notre examen. Cette procédure simplifiera le déroulement de nos travaux et sera plus respectueuse du travail des auteurs de propositions de résolution, puisqu’elle nous évitera d’avoir à en rejeter certaines.

Cette manière de faire comporte des précédents : il est déjà arrivé à plusieurs reprises que les commissions permanentes, saisies de propositions de loi couvrant des domaines identiques, les fusionnent en un texte unique. Ce qui est nouveau, c’est d’appliquer cette procédure à l’examen de propositions de résolution européenne.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La proposition de résolution que je vais vous présenter fait donc la synthèse des travaux menés par Fabrice Brun, Julien Dive, Jean Louis Thiérot, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau et d’autres collègues. C’est grâce au travail que nous avons mené en commun que nous avons réussi à fusionner les différentes propositions de résolution évoquées par Mme la présidente. Je pense que nous sommes parvenus à un texte de compromis, même s’il reste à examiner quelques amendements pouvant être pertinents. La présente proposition de résolution européenne est donc le symbole de la mobilisation et de l’engagement des députés, quel que soit leur bord politique, sur les questions agricoles et alimentaires et pour apporter un soutien à notre agriculture à l’échelon européen. Elle prend acte des conséquences qu’a eues la crise sanitaire sur l’agriculture française et européenne et s’inscrit dans la continuité d’un travail que j’ai mené avec André Chassaigne sur le soutien que l’Union européenne avait apporté au secteur agricole face à la pandémie – André Chassaigne, que je salue, a d’ailleurs déposé plusieurs amendements sur ce texte.

Si cette crise sans précédent a souligné la résilience et la flexibilité de notre agriculture, elle a également mis en exergue les difficultés auxquelles celle-ci était confrontée : une forte dépendance aux importations, une démographie agricole décroissante et l’existence de distorsions de concurrence au sein du marché commun. Cette proposition de résolution s’inscrit dans le cadre des négociations en cours à l’échelon européen en vue de définir la nouvelle politique agricole commune (PAC). Il y a deux semaines, les ministres européens de l’agriculture ont trouvé un accord qui assure, d’une part, le maintien du budget de la politique agricole commune, d’autre part, l’harmonisation des normes environnementales pour l’ensemble des agriculteurs de l’Union européenne, à travers notamment la généralisation des echo-scheme – éco-dispositifs –, à un taux minimum de 20 %. Ces deux décisions vont dans le bon sens. Dans un marché commun, en effet, les agriculteurs doivent se conformer aux mêmes règles.

L’objet du présent texte est d’émettre des propositions en vue des négociations sur la future politique agricole commune, en tirant les conséquences d’une crise sanitaire sans précédent. Le texte mentionne les sujets dont il nous semble impératif que l’Union européenne se saisisse pour soutenir les différentes filières agricoles européennes. Il souhaite réorienter la politique agricole commune suivant plusieurs axes.

Le premier a trait à la stratégie Farm to Fork (« de la ferme à la table ») présentée par la Commission européenne et qui a vocation à provoquer des changements structurels très importants pour notre agriculture, en particulier pour ce qui concerne les intrants. La stratégie prévoit en effet une réduction drastique de l’utilisation des produits phytosanitaires, fertilisants et antimicrobiens, non seulement dans les élevages, mais dans l’ensemble des exploitations agricoles. Si cette évolution obéit à une logique de verdissement de notre agriculture réclamée par les consommateurs européens, elle doit impérativement être conditionnée à un accompagnement des agriculteurs. La transition agroécologique ne pourra se faire sans eux. Si l’on admet les bonnes intentions de la Commission européenne et l’impérieuse nécessité de réduire notre dépendance aux intrants, on peut toutefois s’interroger sur l’absence d’étude d’impact ; il est urgent d’évaluer les gains et les coûts que de telles mesures auraient pour nos agriculteurs. C’est une première étape indispensable avant de s’orienter vers des méthodes alternatives.

La proposition de résolution aborde également la question du renouvellement générationnel de nos agriculteurs. Elle incite à soutenir plus massivement les jeunes agriculteurs et les reprises d’exploitation. La stratégie de renouvellement générationnel proposée par la Commission européenne en 2018 est insuffisante. Il est urgent d’enrayer la chute démographique des agriculteurs, phénomène que l’on constate partout en Europe. Le renouvellement générationnel est indispensable pour garantir la souveraineté agricole et agroalimentaire européenne. À ce jour, plus d’un tiers des exploitations agricoles européennes sont gérées par des agriculteurs de plus de 65 ans et un agriculteur sur trois en France partira à la retraite d’ici deux ans. S’il existe déjà un paiement découplé additionnel pour les jeunes agriculteurs, ses critères d’attribution sont trop contraignants pour inciter les jeunes à s’installer. C’est pourquoi nous proposons d’appliquer un bonus substantiel aux aides du premier pilier de la politique agricole commune. Cette mesure, à destination tant des jeunes agriculteurs que des primo-installants et des repreneurs d’exploitation, devrait permettre d’étendre le champ des bénéficiaires et d’encourager les reprises.

Le suivi de la concurrence est un des sujets brûlants de la politique agricole commune. Si l’on veut mieux valoriser nos produits et nos producteurs, il est indispensable d’inciter les producteurs à se regrouper pour peser davantage. Le renforcement des prérogatives des organisations de producteurs est une des actions envisagées à cette fin. La proposition de résolution suggère qu’une partie des aides du premier pilier, voire du second pilier soit subordonnée à l’adhésion à une organisation de producteurs. Le constat est le même à l’échelle européenne et en France : pour avoir du poids, les agriculteurs doivent se rassembler. Cela suppose qu’ils ne se retrouvent pas victimes d’une concurrence déloyale, avec des produits de qualité sous-rémunérés.

C’est pourquoi la proposition de résolution préconise d’exclure des traités de libre-échange les filières les plus exposées à la déflation, notamment les filières ovine et bovine. Cela répondrait en outre à la demande croissante de qualité et de proximité de la part des consommateurs. L’exclusion de certaines filières fait écho à l’audit que la Commission européenne a mené sur le bétail canadien et qui fait état de nombreuses failles dans la traçabilité de la viande. Dans le même sens, la proposition de résolution appelle à étendre à l’échelle européenne la mesure prévue à l’article 44 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM – dont je fus le rapporteur –, à savoir l’interdiction à la vente et à la circulation de toute denrée ne répondant pas aux normes minimales européennes : nous ne pouvons décemment pas consommer des produits aux normes sanitaires et environnementales moins strictes que celles imposées au sein de notre marché commun. Il est donc demandé un moratoire sur l’ensemble des accords de libre‑échange en cours de négociation. Nous ne sommes plus aujourd’hui dans la même situation qu’avant la crise sanitaire ; les mandats qui ont été donnés il y a plus de dix ans à la Commission doivent être révisés en profondeur.

Enfin, la crise a montré que les circuits courts étaient plébiscités par des consommateurs en quête de traçabilité et de qualité. En dépit de cet engouement, l’Union européenne s’est fort peu souciée de cette nouvelle tendance, alors qu’il s’agit incontestablement d’un levier qui permettrait aux agriculteurs de reprendre la main sur la valeur de leurs produits et de limiter le transport des denrées. En 2015, 15 % des agriculteurs seulement ont vendu la moitié de leur production en circuit court. De son côté, la politique agricole commune n’incite que très peu à valoriser les productions de proximité. Nous appelons donc à agir par l’intermédiaire de la commande publique et à modifier la directive de 2014/24 relative à la passation des marchés publics, en vue d’assouplir le droit des marchés publics, dans l’objectif de permettre aux établissements de restauration collective de se fournir plus facilement auprès des exploitations pratiquant les circuits courts.

Une modification de la directive 2006/112 permettrait en outre de jouer sur les produits et services pouvant bénéficier d’un taux réduit de TVA. C’est pourquoi, tout en étant conscients de la nécessité d’un consensus pour prendre ce type de mesures, nous proposons d’étudier la possibilité d’appliquer un taux de TVA spécifique aux denrées agricoles qui seraient produites à l’extérieur des territoires et en fonction des kilomètres parcourus.

La proposition de résolution livre donc une vision claire et nette de la position des parlementaires en faveur d’une politique agricole commune plus protectrice, plus durable et plus juste. Elle réaffirme la nécessité d’une souveraineté alimentaire européenne. Pour cela, il ne faut pas mettre notre agriculture en concurrence avec des agricultures « moins-disantes » d’un point de vue social et environnemental.

 

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

 

Mme Nicole Le Peih. Nous portons une voix singulière au sein des instances européennes, tout en étant déterminés à accélérer le processus d’intégration et à harmoniser les règles applicables, secteur par secteur. C’est une trajectoire ambitieuse, et je remercie le rapporteur et les auteurs des propositions de résolution pour leur travail. M. Bernard Deflesselles et moi-même avons déposé une proposition de résolution européenne relative à la proposition de loi européenne sur le climat, qui porte sur l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. J’ai auditionné à cette occasion plusieurs acteurs du monde agricole ; pour atteindre nos objectifs, celui-ci appelle à créer, comme vous l’avez souligné, les conditions d’une concurrence juste et loyale. Nos agriculteurs accepteront la transformation si, par ailleurs, ils sont protégés face aux producteurs qui ne respectent pas les mêmes règles. Dans votre projet de résolution, vous préconisez la généralisation de la mesure prévue à l’article 44 de la loi EGALIM, qui interdit de proposer des denrées alimentaires ou agricoles pour lesquelles il a été fait usage de produits non autorisés par la réglementation européenne, et cela, dans le strict respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en particulier de l’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Si je soutiens totalement cette proposition, je m’interroge sur sa réception. Pourriez-vous nous présenter l’état actuel des discussions, ainsi que la position de nos partenaires ?

M. Julien Dive. Au préalable, je veux saluer le travail effectué lors du premier confinement, au sein de cette commission, par André Chassaigne et Jean‑Baptiste Moreau sur le secteur agricole français dans l’Union européenne et, au sein de la commission des affaires économiques, par le groupe de suivi de la crise sanitaire sur les questions d’agriculture, d’alimentation et de pêche, animé par Stéphane Travert, Sébastien Jumel, Dominique Potier, Richard Ramos et moi-même, et dont les propositions ont été relayées par M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation à l’occasion du plan de relance.

Vous avez rappelé, madame la présidente, que quatre propositions de résolution avaient été déposées sur des thèmes voisins : la première le fut par Fabrice Brun le 23 juin 2020, la deuxième par Jean-Baptiste Moreau le 1er juillet 2020, la troisième par Jean-Louis Thiériot le 8 juillet 2020 et la dernière, relative à la TVA, par moi-même le 20 juillet. Il était tout à fait pertinent de regrouper ces différentes propositions en un seul et même texte, et si cela a pu se faire, c’est parce que l’ensemble de leurs auteurs l’ont accepté. Je regrette donc que Fabrice Brun, qui fut le premier à avoir déposé une proposition de résolution, ne soit pas rapporteur de ce texte aux côtés de M. Moreau.

Nous subissons actuellement une crise sanitaire sans précédent, avec des effets sur le plan économique et social, et une crise alimentaire qui commence à sévir en France. Notre objectif est de faire en sorte que les Français se tournent davantage vers des produits de qualité, en fonction de leurs moyens. La crise sanitaire a montré, notamment à l’occasion du premier confinement, qu’ils étaient prêts à changer leurs habitudes, en privilégiant les circuits courts, en dépassant certaines idées reçues, en se fournissant auprès des producteurs et artisans locaux, lesquels n’étaient d’ailleurs pas aussi chers qu’ils l’imaginaient. Néanmoins, la priorité donnée aux produits locaux ne peut dépendre des moyens dont on dispose ; il ne faut pas créer une consommation de classe. Tout le monde doit avoir accès à une alimentation saine et de qualité.

Ces propositions de résolution visent à apporter trois types de réponses. D’abord, s’agissant des effets économiques négatifs, les agriculteurs français doivent faire face à une concurrence internationale bien souvent déloyale, dans la mesure où ils sont soumis à des règles sanitaires et environnementales beaucoup plus exigeantes que leurs homologues étrangers. Ensuite, sur le plan sanitaire, les consommateurs, en particulier les plus modestes, sont souvent contraints de se tourner vers des produits étrangers importés qui ne respectent pas les normes européennes. Enfin, du point de vue écologique, le fait d’importer des produits qui traversent les océans et sont transportés sur des milliers de kilomètres accentue l’empreinte carbone que nous essayons pourtant de réduire. D’où ma volonté d’apporter, à travers la proposition de résolution que j’avais déposée, un soutien aux circuits courts, dont on note le regain d’intérêt. L’objectif était de leur donner un « coup de pouce » en autorisant notamment l’application sur certains produits d’un taux de TVA réduit inférieur à celui de 5,5 % actuellement admis par la réglementation européenne.

Je précise que je soutiens également la généralisation de la mesure prévue à l’article 44 de la loi EGALIM, proposition qui pourrait, à mon sens, faire l’unanimité sur tous les bancs.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je m’associe aux compliments adressés au rapporteur et aux auteurs des propositions de résolution. Non seulement nous avons été saisis de textes intéressants et de qualité, mais nous avons assisté à travers cette procédure à un travail en commun, à une coopération entre les parlementaires : c’est très exactement ce que nous appelons de nos vœux.

J’approuve l’orientation générale du texte qui nous est soumis. En particulier, je crois qu’il était absolument nécessaire de mettre l’accent sur la question de la transmission de la fonction d’exploitant agricole ; il convient d’améliorer les conditions d’installation des jeunes. C’est encore plus vrai dans la période actuelle, l’une des conséquences de la pandémie étant que, dans tous les domaines, il y a rupture de la transmission, les jeunes n’ayant plus la possibilité d’accéder à l’activité. Des centaines de milliers de jeunes se retrouvent dans l’impossibilité de faire ce que toutes les générations précédentes ont eu le droit de faire, à savoir trouver un emploi à l’issue de leur formation.

En tant que défenseur de la politique agricole commune, j’ai pour ma part toujours été favorable aux organisations de producteurs. Je trouve donc que c’est une très bonne chose que d’encourager leur développement.

Je suis également d’accord, en tout cas sur le principe, avec la volonté de soutenir les circuits courts. Je crois que chacun d’entre nous a pris conscience que ceux-ci présentent des avantages en matière de sécurité comme de qualité alimentaires. Des rapports ont montré aussi combien cela pouvait influer sur le bien-être des animaux, certains transports s’effectuant dans des conditions très déplaisantes. Je suis en revanche sceptique quant à la possibilité de le faire par la TVA ; je crois que c’est irréaliste. On ne peut pas moduler le taux de TVA en fonction du nombre d’intermédiaires intervenant dans un circuit. Il faut trouver une autre solution.

De même, il ne me semble pas nécessaire de mettre en cause la politique de concurrence et de prévoir une exception aux règles de marchés publics : il suffirait d’inclure dans les conditions d’attribution des marchés la prise en compte, non pas des circuits courts en tant que tels, mais des avantages en matière de sécurité et de qualité alimentaires liés aux circuits courts. Il vaudrait mieux s’orienter vers une réforme des marchés publics, avec l’introduction de critères nouveaux, plutôt que d’appliquer une exception au principe de concurrence.

Je pense que la politique agricole commune fut fondée à partir de deux objectifs fondamentaux. Le premier était d’assurer la suffisance alimentaire au sein de l’Union européenne après les grandes pénuries qui ont accompagné les conflits mondiaux. Je crois que cet objectif a été pleinement atteint ; on ne dira jamais assez que la politique agricole que la France a soutenue a été de ce point de vue un réel succès. Il est évident que nous devons maintenir cet objectif. Mais à travers le développement de l’agriculture européenne, nous nous sommes aussi signalés par nos grandes capacités à l’exportation, et je ne voudrais pas que nous nous inscrivions dans une démarche directement ou indirectement protectionniste.

L’agriculture française produit certes pour les Français, mais aussi pour les autres, et elle tire son profit de sa capacité d’exportation. C’est pourquoi, si je suis entièrement d’accord avec l’inspiration de M. Moreau et des autres auteurs de propositions de résolution sur la nécessité de tenir compte des nouvelles conditions dues la pandémie dans la négociation des accords commerciaux, que ce soit avec l’Amérique latine ou dans le Pacifique, il me semble que le terme moratoire n’est pas le bon. Demander un moratoire, on sait ce que ça veut dire : c’est une façon un peu hypocrite ou polie de s’y opposer. Le problème, ce n’est pas qu’il y aurait eu précipitation – la négociation se déroule plutôt lentement –, c’est de savoir si nous devons modifier le mandat que nous avons donné à nos négociateurs.

De même, le mot révision sous-entend que l’on juge, avant même examen, que le mandat précédent était mauvais et qu’il faut en changer – mais une négociation doit être stable ! Je pense, même si je partage l’objectif, qu’un peu de prudence serait bienvenue ; parlons plutôt de « réexamen du mandat de négociation » et d’une éventuelle adaptation dès lors que nous estimerions qu’il y aurait des modifications importantes à apporter, notamment en raison de la pandémie. Ce serait conforme à la logique qui a toujours été la nôtre, à savoir la fidélité à un principe d’ouverture aux autres, associée à une volonté d’adaptation aux circonstances. C’est pourquoi je proposerai, au nom du groupe MODEM et démocrates apparentés, des amendements allant dans ce sens : il s’agit de propositions de formulation plutôt que d’un désaccord sur le diagnostic.

Mme Chantal Jourdan. Je remercie à mon tour le rapporteur et les auteurs des propositions de résolution pour le travail accompli. Le milieu agricole joue un rôle essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique. Se pose donc la question de son adaptation pour répondre aux enjeux écologiques et aux demandes de plus en plus fortes des citoyens en matière de bien-être animal, d’alimentation de qualité et de préservation des paysages et des ressources.

Nous nous rejoignons sur le constat que notre pays a besoin d’adopter une position claire sur les questions soulevées dans la proposition de résolution, à savoir les nouvelles orientations à donner à la PAC, la demande d’un moratoire sur les accords de libre-échange et la valorisation des circuits courts, qui suppose la relocalisation et la diversification des productions. Il s’agit de trois points fondamentaux, sur lesquels je voudrais insister.

Le renouvellement générationnel est essentiel pour assurer la reprise des exploitations, afin que nous conservions un nombre suffisant d’exploitants agricoles. Il peut de surcroît, pour être plus optimiste, participer du changement des pratiques et d’un tournant vers l’agroécologie. Les chiffres indiqués dans le rapport sont édifiants ; ils mettent en évidence le problème qui se pose à nos territoires et pour le devenir des exploitations à modèle familial, le plus courant en France. Or, les exploitations de ce type sont aussi les plus adaptables aux transitions énergétique et écologique. La transition agroécologique que nous appelons de nos vœux est une occasion de dialogue intergénérationnel et inter-socioprofessionnel qu’il nous faut impérativement saisir. Cependant, il faut avoir en tête que cela implique un fort accompagnement financier et une facilitation de l’accès au foncier, premier outil de travail.

S’agissant des accords de libre-échange, si nous sommes d’accord avec la demande d’un moratoire, les raisons invoquées nous semblent insuffisantes. On ne peut solliciter un moratoire uniquement en évoquant les dangers pour nos filières agricoles. Les accords de libre-échange posent des problèmes, non seulement en matière d’écologie et d’alimentation, mais aussi concernant le modèle de développement. La logique libre-échangiste et mondialisée est écologiquement néfaste pour notre planète et pour les populations.

Quant à la politique de concurrence, s’il y a bien une politique qui fonctionne, malgré les effets néfastes qu’elle peut avoir, c’est celle-là. Or, elle érige des barrières à la territorialisation des productions, ce qui a des répercussions directes sur le développement des circuits courts. Il nous paraît par conséquent nécessaire d’envisager une adaptation de cette politique.

M. André Chassaigne. Si je me réjouis de cette proposition de résolution européenne, je souhaite faire observer que cette commission a pour tradition de travailler collectivement à la recherche de l’intérêt général, en atténuant, autant que faire se peut, les différences de sensibilités politiques. J’aurais ainsi volontiers accepté d’être associé à l’élaboration de ce texte si la proposition m’en avait été faite. J’ai rendu un rapport sur la politique agricole commune avec notre collègue Alexandre Freschi ; j’ai rédigé une communication avec Jean-Baptiste Moreau ; je prépare un rapport avec Catherine Osson sur la sécurité alimentaire en Europe : il aurait été élégant de m’associer à ce travail. Il est certes très difficile de se dégager des oripeaux du vieux monde politique, qui conduisent à capter un travail collectif au bénéfice d’une seule majorité, mais cela n’est pas dans les traditions de cette commission. J’espère que nous parviendrons à un accord sur le texte.

J’ai déposé plusieurs amendements, suivant cinq axes. Premièrement, il s’agit d’inscrire clairement dans la proposition de résolution que l’objectif doit être de rémunérer le travail agricole et pas seulement de couvrir les coûts de production.

Deuxièmement, il convient de rappeler que les instruments d’intervention publique au niveau communautaire, qui disparaissent petit à petit, sont absolument nécessaires.

Troisièmement, nous devons faire preuve de lucidité sur la nouvelle politique agricole commune. S’il est bien normal que le ministre et la majorité se réjouissent des avancées en préparation, nous ne pouvons écarter le risque d’une renationalisation de cette politique. De plus, nous déplorons le manque de moyens de contrôle, notamment dans le domaine de la sécurité sanitaire.

Quatrièmement, il convient de combler un oubli dans la PAC en prenant davantage en compte la dimension alimentaire, qui n’est traitée que sous l’angle des circuits courts.

Enfin, cinquièmement, comme de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et de nombreux mouvements, je considère que l’alimentation et les produits agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres. Il faudrait les sortir des accords de libre-échange car nous savons qu’ils servent de monnaie d’échange : pour vendre des voitures ou des services, on consent à des sacrifices dans l’agriculture. Les échanges agricoles et alimentaires doivent être traités à part.

S’agissant de la TVA, je suis assez proche de l’analyse de mon collègue Jean-Louis Bourlanges, avec toutefois une préoccupation de classe qu’il ne partage pas forcément. La baisse de la TVA devrait être appliquée en priorité aux produits de première nécessité, dont l’alimentation. Une baisse ciblée sur les circuits courts répondrait-elle aux nécessités sociales actuelles, alors que nombre de familles ont beaucoup de difficultés à se nourrir ?

Mme Yolaine de Courson. Je remercie notre rapporteur, Jean-Baptiste Moreau, ainsi que les auteurs des propositions de résolution pour leur travail sur l’agriculture, particulièrement intéressant pour les députés des territoires ruraux.

Ce texte soulève plusieurs interrogations. La crise nous oblige à repenser tout à la fois notre autonomie alimentaire et les nécessaires coopérations alimentaires avec les autres pays. Il faut viser le juste échange plutôt que le libre-échange, pour reprendre les propos de l’ancien ministre M. Nicolas Hulot. Nous devons définir ce qu’est une coopération juste car si nous avons besoin d’échanger avec les autres, nous devons le faire dans un cadre beaucoup plus éthique.

Par ailleurs, si l’installation des jeunes agriculteurs est un sujet très important, celle de nouveaux agriculteurs l’est tout autant : un apport de sang neuf est toujours bénéfique pour les territoires ruraux. Le travail mené souligne la nécessité d’améliorer les synergies pour peser plus.

Enfin, les circuits courts permettent d’améliorer les revenus des agriculteurs. Il manque toutefois une définition de ce qu’est un « circuit court ». Dans ma circonscription, nous aurions du mal à consommer tous les fromages d’Époisses produits chez nous ; de même, nous pourrions difficilement manger toute la viande que nous produisons. Il est impossible de tout vendre en circuit court, même en fournissant les cantines. Comment peut-on organiser la vente directe ? Comment contractualiser avec les villes voisines, qui sont souvent à deux ou trois heures de route des producteurs ? Est-il envisageable de définir un circuit court d’une façon relativement large, à l’échelon régional, national, voire européen ?

Mme Aude Bono-Vandorme. Conclu à l’été 2019 après vingt ans de discussion, l’accord commercial de l’Union européenne avec les pays du Mercosur est au point mort. Les parlements autrichien et néerlandais l’ont rejeté dans sa forme actuelle ; la Belgique, la France et l’Allemagne y sont très réticentes.

La France a considéré que la conclusion de cet accord était tributaire d’un équilibre entre l’ouverture du marché et la protection des filières agricoles sensibles, comme celles du sucre et de l’éthanol. Nous sommes très loin du compte : la déforestation massive menée par le président Bolsonaro en Amazonie ne fait qu’amplifier les risques que fait peser cet accord sur notre modèle agricole et notre souveraineté agroalimentaire – je rappelle que nous avons quelque 730 kilomètres de frontière commune avec le Brésil. Je souscris donc pleinement à la demande d’un moratoire sur les négociations d’accord de libre-échange.

Je souhaite enfin connaître votre avis sur la possibilité d’inscrire expressément dans le mandat de la Commission européenne pour les négociations commerciales actuelles et futures la création d’une taxe carbone aux frontières de l’Union, afin que le prix des produits importés, y compris les denrées agricoles, intègre le coût environnemental.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Avant de céder la parole au rapporteur, je ferai quelques petites remarques à la suite des interventions de MM. Dive et Chassaigne. Nous essayons toujours, dans cette commission, d’être le plus collégial possible. Si nous essayons toujours d’innover, comme le montre le travail accompli par notre rapporteur avec ces différentes propositions de résolutions, des règles existent pour ce qui est de la désignation des rapporteurs. Nous pourrons évoquer ce sujet lors d’une prochaine réunion du bureau de notre commission.

Pour en revenir au texte, la proposition de réduction du taux de TVA touche à des directives européennes et va au-delà de la question agricole puisque cela concerne aussi la passation des marchés publics. Il faut pour cela obtenir une décision à l’unanimité au niveau du Conseil : cela paraît très compliqué.

Quant à l’accord sur la PAC trouvé au Conseil, il eût été bon de souligner que cela ne suffit pas : il faut aussi tenir compte de la position du Parlement européen, qui est le colégislateur.

En revanche, nous devrions vraiment étudier la question de la restauration collective et des circuits courts. Dans ma circonscription, de nombreux maires ne peuvent offrir des produits frais à leurs cantines scolaires car ils ne peuvent pas se fournir auprès de leurs exploitants agricoles locaux.

Enfin, le mandat de négociation d’un traité de libre-échange est délivré par le Conseil. La seule chose que nous pouvons faire, c’est insister auprès de notre propre gouvernement pour connaître plus précisément sa position auprès du Conseil. J’ai ainsi envoyé un courrier au président de l’Assemblée nationale, M. Richard Ferrand, avec copie au Premier ministre, pour demander un débat en séance sur les questions européennes d’actualité au moins quatre fois par an, avant la tenue des Conseils européens. Il faudrait que tous les commissaires soutiennent cette demande.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La TVA est un sujet compliqué, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le faire, sinon on ne ferait pas grand-chose. Il en va de même pour les accords internationaux : leur négociation relève du Conseil mais cette PPRE a aussi pour but d’envoyer un message à l’exécutif. Nous échangeons régulièrement sur ces questions avec MM. Clément Beaune et Julien Denormandie ou même le Président de la République. Le Conseil décide mais cela n’empêche pas les parlementaires de s’exprimer, par exemple dans le cadre d’une PPRE.

Je partage l’avis de Jean-Louis Bourlanges : il sera sans doute très compliqué d’obtenir un taux réduit de TVA en faveur des circuits courts, mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer. Nous souhaitons envoyer un signal fort, raison pour laquelle nous avons inclus cette possibilité dans la PPRE.

Quant à la définition des « circuits courts », nous y avons longuement réfléchi. Le principe est de rapprocher le plus possible le consommateur du producteur, et même d’assurer un contact direct entre eux. Cela implique un nombre d’intermédiaires limité à un, voire deux si l’un des deux est l’organisation de producteurs. Le critère n’est pas forcément géographique, comme le faisait remarquer Yolaine de Courson : si seuls les Creusois mangeaient la viande charolaise et limousine produite dans la Creuse, le système atteindrait rapidement ses limites – ou alors il faudrait que chaque Creusois mange quatre vaches par jour !

Des discussions ont été entamées concernant la taxe carbone aux frontières de l’Europe. Le Président de la République a affirmé sa volonté d’avancer sur ce sujet. Appliquer une taxe carbone dans tous les pays européens ne sera pas simple mais c’est impératif si l’on veut éviter la concurrence avec des agricultures qui n’ont absolument pas les mêmes normes de production. Cette taxe carbone devrait permettre de rééquilibrer les coûts de production entre, d’une part, les pays « moins-disants » sur le plan environnemental et social et, d’autre part, les pays de l’Union européenne, qui convergent de plus en plus vers une meilleure prise en considération de l’environnement.

Les agricultures française et européenne ont besoin d’exporter. Fermer les frontières n’est pas la solution : une agriculture en autarcie serait condamnée à très court terme. Certains produits ou sous-produits ne sont pas consommés en France ni en Europe et doivent être exportés, faute de quoi des filières entières seraient déstabilisées et ne seraient plus viables économiquement. Mettre des barbelés ne ferait que condamner l’agriculture.

Les filières les plus sensibles, comme la viande, doivent toutefois être protégées. L’agriculture française et européenne est une anomalie mondiale car elle n’est faite que de fermes familiales et non de fermes industrielles, comme en Amérique du Nord ou en Amérique du Sud. Les coûts de production et les prix de vente ne peuvent pas être les mêmes que ceux des agricultures hyper-intensives. Nos agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur production : puisqu’on leur impose des contraintes environnementales, il est normal que l’on n’importe pas des produits qui ne respecteraient pas ces normes. La taxe carbone peut être un moyen de réguler la concurrence sur le marché européen et d’appliquer à tous les mêmes règles du jeu.

Mme Liliana Tanguy. Concernant l’engagement de la Commission européenne en faveur de l’agroécologie dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la stratégie « De la ferme à la table ». Dans quelle mesure celle-ci concourt-elle aux ambitions environnementales européennes ?

L’agroécologie est un élément central de la politique agricole française. Le groupe de travail sur la concrétisation des propositions de la convention citoyenne pour le climat dont je suis membre est en train de réfléchir à la transcription dans notre législation des propositions sur la thématique « se nourrir », consacrée en grande partie aux pratiques agroécologiques. L’objectif est d’atteindre 50 % d’exploitations en agroécologie d’ici à 2040. La sensibilité citoyenne française, qui s’exprime au travers de la convention citoyenne pour le climat, a-t-elle été bien entendue par l’Union européenne dans la définition de la nouvelle PAC ? Pensez-vous que de telles mesures législatives et réglementaires pourraient concourir à l’application de la stratégie « De la ferme à la table » ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est bien l’un des problèmes que nous rencontrons actuellement : la stratégie Farm to Fork a été publiée indépendamment de la politique agricole commune, dont les négociations sont en cours au Parlement européen. Des avancées sur la conversion agroécologique ont été actées par le Parlement à l’initiative de différents groupes. Mais il faudrait d’abord s’entendre au niveau européen sur ce qu’est l’agroécologie car, selon que l’on soit en France ou en Pologne, les enjeux environnementaux ne sont pas pris en compte de la même manière. Il n’existe pas une seule définition de l’agroécologie, ce qui complique un peu les choses.

La stratégie Farm to Fork vise à diminuer le recours aux intrants, engrais et produits phytosanitaires. C’est très intéressant mais il faudrait être sûr que tous les agriculteurs européens enregistrent l’utilisation qu’ils en font, ce qui est loin d’être le cas. Chaque agriculteur français doit préciser ses pratiques – nature des produits, quantités utilisées, parcelles concernées – dans des documents qui peuvent être contrôlés dans le cadre de la politique agricole commune, en application de la conditionnalité des aides. Il n’est pas certain que cela soit fait dans certains pays européens.

La stratégie Farm to Fork vise à réduire de 50 % l’usage des intrants : c’est très bien, mais quel est le point de départ ? Les Français ont déjà fait des efforts concernant les produits phytosanitaires, dont l’utilisation, pour certains, a déjà été réduite de 50 % depuis 2010. Certains pays européens, notamment à l’est de l’Europe, ne sont pas au même niveau.

J’ai du mal à voir comment on peut articuler la PAC avec la stratégie Farm to Fork. L’eco-scheme du 1er pilier à 20 % doit être respecté par chaque État européen mais ce ne sera pas suffisant pour arriver au bout de la stratégie Farm to Fork. J’ai fait part de mes interrogations au ministère de l’agriculture et à un certain nombre de collègues du Parlement européen : ils n’ont pas beaucoup plus de visibilité que nous sur ces questions. La sensibilité des consommateurs européens converge de plus en plus et leurs demandes sont presque les mêmes, quel que soit le pays : c’est leur prise en compte qui diffère selon les pays.

La commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution.

La commission examine l’amendement n° 1 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet amendement porte sur l’alinéa 18. Ne comprenant pas le sens des mots : « entraîne, de ce fait, une modification profonde du contexte des échanges internationaux et des priorités européennes », je propose de les remplacer par : « appelle, de ce fait, à une remise en cause du cadre européen des négociations commerciales ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement permet de préciser une partie des enjeux de la proposition de résolution concernant la remise en cause du cadre actuel des négociations commerciales. Il apporte une précision bienvenue. Avis favorable.

M. Jean-Louis Bourlanges. Ce n’est pas du tout la même chose ! Le texte initial ne conduit pas nécessairement à remettre en cause le cadre européen. Or cet amendement appelle à un changement. Je comprends très bien ce que propose André Chassaigne – cela correspond d’ailleurs à ses convictions – mais ce n’est pas la même chose. Je voterai contre l’amendement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Dans mon esprit, c’est vraiment cela : il faut remettre en cause le cadre dans lequel les accords internationaux sont négociés car il y a beaucoup trop d’opacité, à tous les niveaux. Nous ne refusons pas la conclusion d’accords, mais nous contestons la façon dont ils sont négociés et conclus, qui n’est pas démocratique.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement n° 2 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet amendement ne devrait pas susciter d’opposition. Il s’agit de préciser que le revenu ne doit pas seulement couvrir les coûts de production : il doit également assurer la rémunération du travail agricole.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La rémunération du travail agricole est a priori incluse dans les coûts de production mais cette précision peut être utile. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement n° 3 de M. André Chassaigne, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 22 du rapporteur.

M. André Chassaigne. L’objet de cet amendement est d’insérer, après l’alinéa 19, l’alinéa suivant : « Considérant la volatilité accrue des marchés agricoles et ses effets néfastes pour les agriculteurs, ainsi que la suppression des instruments d’intervention publique au profit de simples outils de gestion de crise qui ne sont ni assez efficaces, ni suffisamment réactifs ; ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je serai favorable à l’amendement n° 3 sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 22 visant à remplacer, à l’alinéa 2 de l’amendement, « la suppression des instruments d’intervention publique au profit de simples outils de gestion de crise qui ne sont ni assez efficaces, ni suffisamment réactifs » par « la nécessité de compléter les outils de gestion de crise et de les rendre plus efficients par des outils de gestion de marché dont les différentes filières auraient la responsabilité ».

Il n’est pas possible de dire que tous les instruments de gestion de crise ont été supprimés, comme nous avons pu le constater lors de la première vague de l’épidémie. La Commission européenne a fourni une aide au stockage privé à six secteurs : viandes bovine, ovine et caprine, beurre, fromage, poudre de lait. Elle a aussi allégé la législation anti-trust pour permettre le versement d’aides d’État dans le domaine agricole et pour autoriser des cartels de crise en application de l’article 222 du règlement sur l’organisation commune des marchés (OCM).

Toutefois, le travail mené avec le président Chassaigne a permis de mettre en lumière les insuffisances de ces dispositifs. Le sous-amendement a donc pour objet de rendre ces outils plus efficients en les confiant aux filières, qui pourront ainsi y recourir plus rapidement et les adapter à la réalité des marchés.

M. André Chassaigne. Je suis totalement d’accord avec ce sous-amendement.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement modifié.

La commission examine l’amendement n°4 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Il convient d’éviter les risques que font peser toutes les distorsions réglementaires et les formes de renationalisation des politiques agricoles pouvant résulter des plans stratégiques nationaux. J’avais d’ailleurs présenté une proposition de résolution en ce sens.

Les nombreuses auditions que nous menons actuellement avec Catherine Osson sur la sécurité alimentaire en Europe montrent que de tels risques existent en raison de politiques à géométrie variable, en particulier sur le plan des objectifs environnementaux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les premières propositions de la Commission européenne formulées par l’ancien commissaire européen à l’agriculture et au développement rural M. Phil Hogan auraient pu aboutir à une renationalisation partielle de la politique agricole commune à travers les plans stratégiques nationaux, chaque État étant invité à renégocier directement avec la Commission une partie de sa politique agricole, ce qu’avait souligné une résolution européenne d’Alexandre Freschi et d’André Chassaigne votée en juillet 2018.

Il est donc de bon aloi de préciser que la prochaine PAC doit éviter toute distorsion de concurrence à travers ces plans. Pour y parvenir, la Commission européenne doit rapidement préciser quel type de contrôle elle compte exercer. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement n°5 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Après l'alinéa 25, il convient d’insérer un alinéa disposant que l’Assemblée nationale « regrette que la dimension alimentaire ne soit pas pleinement intégrée dans ce projet de réforme afin de définir une véritable politique agricole et alimentaire commune ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis de sagesse, car il ne s’agit pas de l’objectif initial de la proposition de résolution qui, en ce qui concerne la PAC, traite plutôt des outils d’intervention sur les marchés.

La dimension alimentaire de la politique agricole commune est toutefois importante et ne doit pas être omise. Notre commission y travaille dans le cadre de la mission du président Chassaigne et de Catherine Osson sur la sécurité alimentaire en Europe. Peut-être sera-t-elle l’occasion de préciser cet élément.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je suis très sensible au propos de M. Chassaigne mais je ne vois pas très bien ce qu’il vient faire ici. L’aspect alimentaire de la PAC est certes très important mais il y en a d’autres, dont l’aspect environnemental, et je me demande pourquoi on mettrait celui-là en exergue sans que nous disposions d’un alinéa général sur les objectifs de la politique agricole commune. J’interprète donc l’avis de sagesse de M. le rapporteur comme une invitation à ne pas suivre M. Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je comprends que ce terme vise en effet à ne pas me contrister. Sensible aux arguments avancés, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement n°6 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Il convient de préciser, après l'alinéa 26, que l’Assemblée nationale « dénonce l'absence de nouveaux instruments et outils d'intervention publics communautaires en faveur de la gestion des volumes et des marchés, seuls aptes à agir efficacement et durablement sur la stabilité des prix et à prévenir les crises ». Je pense notamment à la crise de la filière sucrière française suite à la suppression des quotas. La question se serait posée différemment s’ils avaient été maintenus.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis d’accord avec vous à propos des quotas mais ce qui est fait est fait.

Mon avis sur cet amendement est plutôt défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées sur l’amendement n°3, auquel celui-ci fait écho, l’adoption de mon sous-amendement n°22 répondant par ailleurs en partie à la préoccupation du président Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je retire donc mon amendement car cette idée a en effet déjà été formulée.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement n°7 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’alinéa 29 dispose que l’Assemblée nationale « suggère de faire de la structuration des filières agricoles l’un des objectifs de la prochaine politique agricole commune, en favorisant des modes d’organisation économique des producteurs efficaces ». Je propose de le compléter en précisant « afin de pouvoir faire face à la domination des grands groupes de l'agroalimentaire et de la distribution dans les négociations commerciales et dans la captation de la valeur ajoutée ». Je me situe ainsi dans une forme d’approche de classe que M. le rapporteur, la jugeant sans doute trop révolutionnaire, n’ose pas adopter quoiqu’elle soit celle souhaitée par l’ensemble des organisations syndicales agricoles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne suis en effet ni marxiste ni trotskiste et je ne me serais pas tout à fait exprimé de la sorte mais j’émets un avis favorable, car l’esprit de la loi EGALIM tend bien au regroupement de la production pour faire face aux grands groupes agroalimentaires et de la distribution, en effet hyper-concentrés ou très regroupés. Toute la philosophie consiste à maintenir de la valeur ajoutée dans ce domaine.

M. Jean-Louis Bourlanges. Il faut s’en féliciter dès lors que le président Chassaigne nous a épargné la formule de « captation de la plus-value » (Sourires) !

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n°8 de M. André Chassaigne et n°16 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. André Chassaigne. Le secteur agricole doit être exclu de la discussion des mandats de négociation de libre-échange, les productions agricoles n’étant pas des produits comme les autres.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le rapporteur Moreau a dû payer le président Chassaigne : celui-ci va d’un côté, je vais quant à moi de l’autre, et le rapporteur peut adopter une position médiane, ce qui est très avantageux pour lui.

Le juste milieu est préférable au point de vue de M. Chassaigne mais le mien me semble plus cohérent. Il me paraît donc souhaitable d’évoquer non une « révision régulière » mais un « réexamen » et une « adaptation éventuelle ». Jusqu’à présent, le mandat tient la route et une révision résulterait d’un réexamen. Mon vieil oncle disait qu’il résolvait les problèmes avant de se les poser. Je crois qu’il faut faire l’inverse ! La situation doit donc être examinée avant toute proposition de révision et, a fortiori d’exclusion.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’agriculture française et européenne a besoin d’échanges et d’exportations, je pense en particulier aux secteurs viticole ou céréalier, mais certaines filières, plus fragiles, comme celles de la viande bovine ou ovine, doivent sans doute être exclues d’un certain nombre de négociations internationales.

Avis défavorable à l’amendement n°8 et favorable au n°16 car un réexamen s’impose avant une adaptation ou une correction des mandats confiés à la Commission européenne.

M. André Chassaigne. Je maintiens mon amendement.

Sortir les produits agricoles des accords de libre-échange ne signifie absolument pas qu’ils ne doivent pas être commercialisés mais qu’ils doivent l’être sur une autre base. Par exemple, je ne pense pas que vendre ou non les produits de notre viticulture doit servir de monnaie d’échange pour vendre des voitures ou d’autres produits.

La commission rejette l’amendement n°8.

Elle adopte l’amendement n°16.

La commission examine l’amendement n°17 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le raisonnement est le même. Le succès politique du mot « moratoire » emporte tout mais je considère en l’occurrence que ce n’est pas le problème : la négociation est en panne. Comment voulez-vous l’arrêter alors qu’elle n’avance pas ? Il convient là encore de procéder à un réexamen du mandat de négociation et à une éventuelle adaptation, ce que je crois d’ailleurs nécessaire de faire d’une manière plus musclée avec tout ce qui se passe au Brésil.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. N’étant pas un fétichiste des mots, je suis plutôt favorable à cet amendement, qui se situe dans la logique du précédent. Il importe surtout de réexaminer l’ensemble des mandats, peu importe le mot utilisé, et de les adapter s’il le faut, comme je le crois.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement n°9 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous demandons un moratoire sur l'ensemble des accords conclus, ratifiés ou en cours de négociation par la Commission européenne, y compris le CETA.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les accords comportent des clauses de revoyure et il est tout à fait possible de les réexaminer, même s’ils ont été ratifiés, dès lors que les conditions changent. Un contrôle effectué par la Commission européenne à propos du CETA a ainsi pointé un certain nombre d’incohérences par rapport à ce que nos amis canadiens avaient annoncé. Avis favorable.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le moratoire interdisait toute remise en cause mais, grâce au vote de l’amendement n°16, cet amendement n°9 se justifie plus. Néanmoins, dès lors que l’on juge indispensable de réexaminer « l’ensemble des mandats de négociation de la Commission européenne », on ne saurait considérer qu’il s’agirait d’accords conclus. Il conviendrait donc d’apporter une précision.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Un sous-amendement rédactionnel est en effet nécessaire.

M. André Chassaigne. Je suis d’accord.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le mot « ratifiés » me choque un peu car il revient à prendre à rebrousse-poil tous les parlements qui ont ratifié bille en tête. Accords « conclus » me semble suffisamment clair.

M. André Chassaigne. Je suis d’accord.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je propose donc la rédaction suivante de l’alinéa 34 : « Juge indispensable de procéder à un réexamen global et à une adaptation éventuelle de l’ensemble des accords conclus et des mandats de négociation de la Commission européenne ». Le reste est sans changement.

La commission adopte l’amendement rectifié.

M. André Chassaigne. Je suis obligé de partir mais je précise que mes amendements n°10, n°11 et n°12 sont défendus et que, quoi qu’il en soit, je voterai en faveur de cette proposition de résolution compte tenu de nos échanges.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable à l’ensemble de ces amendements.

La commission examine l’amendement n°13 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Le réexamen doit prendre en compte les « effets néfastes du commerce international carboné sur le climat ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’alinéa 34 ne vise pas à s’interroger sur les conséquences des accords de libre-échange sur le climat mais sur les agriculteurs européens et la souveraineté alimentaire de l’Union européenne. Cet amendement brouille un peu le message de la proposition de résolution. Avis défavorable, donc, ou demande de retrait – d’autant plus que Nicole Le Peih et Bernard Deflesselles ont déjà déposé un rapport d’information à ce sujet.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement n°10 de M. André Chassaigne.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable, l’acceptation de ces accords est impossible sans une validation des parlements nationaux, comme nous l’avons vu avec le CETA et le Mercosur. C’est une mauvaise idée de laisser de côté les parlements nationaux, tentation qui existe pourtant sur le plan européen.

M. Jean-Louis Bourlanges. C’est en effet la sensibilité dominante sur ce sujet important mais les conséquences peuvent en être très graves. Je suis hostile à cet amendement pour une raison de principe : le Parlement européen existe, il représente les peuples et les citoyens. L’intervention de parlements nationaux et, même, infranationaux comme pour la Belgique, rendra tout accord impossible : il est impossible que des accords soient soumis à la ratification de trente ou trente-cinq assemblées parlementaires. Dès lors que la négociation de ces accords est déléguée sur le plan européen, les institutions européennes doivent avoir les moyens de négocier et de conclure, faute de quoi, ce serait hypocrite et cela reviendrait à procéder comme toujours, en commençant des négociations et en étant incapables de les conclure.

M. Julien Dive. Cet amendement et la réponse du rapporteur sont intéressants. Si le CETA a été validé par l’Assemblée nationale, il n’a pas été discuté au Sénat et, pourtant, il s’applique. Je vais même plus loin : cet amendement devrait exiger que les gouvernements présentent ces accords aux parlements avant leur application. N’étant pas membre de cette commission, je ne peux pas voter, mais je soutiens cet amendement de bon sens.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Pour une fois, je suis en désaccord avec Jean-Louis Bourlanges.

Certes, un tel dispositif complique la procédure de ratification des accords mais avec la montée des populismes, confortée par le sentiment antieuropéen, comment expliquer aux citoyens que leur parlement national n’est pas légitime pour s’exprimer sur ces questions – ce qui n’empêche d’ailleurs pas la prédominance du Parlement européen ? Si nous laissons de côté les parlements nationaux, nos concitoyens n’accepteront plus aucun accord international.

M. Jean-Louis Bourlanges. Il n’est pas question de laisser de côté les parlements nationaux, qui sont pleinement compétents pour contrôler leurs gouvernements et la position de ces derniers sur la définition du mandat, or, nous ne faisons pas ce travail. Le Gouvernement s’en moque ! Je suis un vieux gaulliste mais il est vrai que sous la Ve République, le parlement est laissé de côté et qu’à la différence, par exemple, du parlement danois, le Folketing, il ne tient pas la bride courte au Gouvernement. Or, c’est à ce niveau-là qu’il faut agir, pas lors de la conclusion de la négociation, où le pouvoir européen de ratification s’exerce.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je suis d’accord avec M. Bourlanges. C’est là qu’il faut intervenir pour peser sur les gouvernements. Je me suis rendue la semaine dernière auprès de nos homologues de la commission des affaires européennes autrichienne, lesquels mandatent leur Gouvernement. C’est la nature du mandat de négociation qui sera confié à la Commission européenne qui importe. À défaut, c’est l’articulation de notre rôle avec celui du Parlement européen qui est mis en cause.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le texte initial est très bien.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon avis reste favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement n° 11 de M. André Chassaigne.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement. Dans le prolongement des déclarations du Président de la République sur l’application de l’article 44 de la loi EGALIM, il faudrait une véritable direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes au niveau européen pour vérifier la conformité des produits en circulation.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement n° 14 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Je propose d’étendre l’interdiction de proposer à la vente ou à la distribution à titre gratuit, en vue de la consommation humaine ou animale, aux denrées alimentaires ou aux produits agricoles qui ne respecteraient pas les standards environnementaux en vigueur au plan européen.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable. Cet amendement préciserait utilement l’alinéa 36.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement n° 12 de M. André Chassaigne.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le droit de la concurrence et du commerce défini dans le cadre de l’OMC permet l’adoption de mesures de sauvegarde lorsque des importations menacent de causer un dommage grave à une branche de production nationale. Les États peuvent alors appliquer des restrictions quantitatives à l’importation ou relever des droits.

Ces mesures d’urgence entrent dans le cadre plus large des instruments de défense commerciale prévus par l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En matière agricole comme dans d’autres domaines, l’Union européenne fait clairement un usage trop limité de ces instruments. Il serait bon de rappeler qu’elle peut les utiliser plus massivement. Par conséquent, avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement n° 18 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Bourlanges. On ne peut pas définir les circuits courts en retenant un critère aussi précis qu’un seul intermédiaire. Il faut laisser de la marge à ceux qui établiront une éventuelle directive ou un éventuel règlement en la matière. C’est pourquoi je propose de faire référence à « un nombre restreint d’intermédiaires ». C’est simplement du bon sens ou de la prudence.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement n° 19 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Boulanges. Une modulation de la taxation sur la valeur ajoutée en fonction du nombre d’intermédiaires serait un « casse-tête chinois ». Le rapporteur a dit tout à l’heure que ce n’est pas parce que quelque chose est compliqué à faire que cela ne doit pas être tenté. Je suis d’accord, mais il ne s’agit pas, pour autant, de faire des choses compliquées. On dit souvent que l’Europe fabrique des « usines à gaz », mais vous allez voir ce qui se passe si on se met à calculer la valeur ajoutée selon qu’il y a deux, trois ou quatre intermédiaires, en appliquant des taux différents. Ce serait absolument impraticable.

Comme la présidente l’a rappelé, par ailleurs, la TVA ne concerne pas seulement les questions agricoles. En l’état actuel du droit, nous sommes autorisés à modifier les taux appliqués aux différentes catégories de produits : nous pouvons les bouger en groupe, mais pas faire passer tel ou tel produit, selon son mode d’élaboration, par exemple, d’une catégorie à une autre. Vous vous rappelez l’affaire de la TVA appliquée au secteur de la restauration, qui a duré des années. Dans ce domaine, les décisions se prennent à l’unanimité au niveau européen : il faudrait l’accord des 27 États membres. Nous ne l’aurons pas, ou alors il faudrait le payer très cher – il faudrait « dédommager » certains pays pour qu’ils votent en ce sens. Cela reviendrait vraiment à employer un marteau-pilon pour écraser un moucheron.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement vise à supprimer l’alinéa 41, qui est une des principales dispositions du texte. Comme cette mesure figurait dans la proposition de résolution déposée par Julien Dive, je lui laisserai le soin d’en faire une présentation plus détaillée s’il le souhaite.

Le rapport liste l’ensemble des difficultés techniques qui se posent, en particulier compte tenu de l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui demande de respecter un principe d’équité fiscale. Néanmoins, nous ne disposons que de peu d’outils pour favoriser les circuits courts, qui sont une nécessité absolue – la crise actuelle semble le montrer. C’est pourquoi la voie de la TVA a été privilégiée. Dans son rapport sur les leçons à tirer de la crise sanitaire dans le domaine agricole, la commission des affaires économiques va également dans ce sens. S’il y avait un consensus sur une définition des circuits courts à l’échelle européenne, il n’y aurait pas de raison que la proposition formulée à l’alinéa 41 soit considérée comme une atteinte à l’égalité en matière de concurrence. Avis défavorable à l’amendement.

M. Julien Dive. Je suis sensible à l’argumentaire technique, très logique et très cohérent, de Jean-Louis Bourlanges. Néanmoins, il ne s’agit pas de moduler la TVA en fonction du nombre d’intermédiaires. Ce sera le cas, de fait, mais ce n’est pas ce critère qui sera appliqué : nous voulons moduler le taux de TVA selon que les produits sont issus ou non de circuits courts – eux-mêmes étant définis comme tels, il est vrai, en fonction du nombre d’intermédiaires.

Les produits issus des circuits courts sont reconnus comme étant de qualité, je l’ai dit tout à l’heure, et ils doivent être accessibles aussi largement que possible. Par ailleurs, ils impliquent souvent une catégorie d’acteurs économiques qui ont besoin d’un accompagnement, en particulier dans le contexte sanitaire actuel.

En outre, nous sommes là pour fixer de grands principes, pour faire part d’une volonté – c’est le sens des propositions de résolution, a fortiori en matière européenne. Il s’agit d’affirmer qu’on peut faire varier le prix final pour l’usager. Si nous n’y parvenons pas en forçant le distributeur, bien que des lois aient été adoptées à cet effet, on peut s’y prendre en agissant sur la part qui revient à l’État, par l’intermédiaire de la TVA.

M. Pierre Venteau. On nous dit d’abord qu’il ne faut pas être trop restrictif, trop précis, en ce qui concerne le nombre d’intermédiaires, et ensuite qu’on ne peut rien faire en matière de TVA parce qu’on est trop restrictif quant au nombre d’intermédiaires et qu’il ne faut pas adopter une solution trop compliquée. Cela ne tient pas la route.

L’amendement précédent a été adopté, mais je pense qu’il faudrait préciser un nombre maximal d’intermédiaires pour définir réellement ce que sont les circuits courts : un « nombre restreint » ne veut rien dire. Cela n’a pas le même sens en Pologne, en Espagne et en France, car les circuits de distribution ne sont pas identiques. Un circuit court est composé d’un producteur, éventuellement d’un metteur en marché puis d’une structure de transformation, et ensuite il y a le client.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le problème est que nous avons défini le circuit court, à l’alinéa 40, par une référence au nombre d’intermédiaires. C’est dans le texte, je n’invente rien. Nous pourrions adopter une autre définition, mais ce n’est pas ce que nous avons fait. Il faudrait quand même se souvenir de ce qui a été adopté à l’alinéa précédent ; sinon, le résultat risque d’être boiteux. Nous pourrions, en revanche, agir sur les marchés publics, comme le demande la proposition de résolution, et pas seulement sur eux.

Je me méfie toujours, en tant que parlementaire, du raisonnement consistant à dire qu’on n’est pas au point techniquement mais qu’il faut exprimer une volonté politique. On se déconsidère de la sorte. Un Parlement doit adopter des textes qui tiennent la route. Quand on exprime une volonté politique sans s’appuyer sur un dispositif correspondant à quelque chose, on se discrédite.

M. Julien Dive. Ce n’est pas parce qu’on défend des principes, comme c’est le cas presque quotidiennement dans cette assemblée, qu’on se déconsidère. Je ne me permettrais pas de porter un tel jugement de valeur à votre égard.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je vous présente mes excuses si vous vous estimez offensé : ce n’était pas du tout mon intention.

Vous avez dit, en substance, que même si le dispositif ne tient pas complètement la route, ce qui compte est de dire quelque chose de fort à propos des circuits courts. Je me suis inscrit en faux contre cette logique qui ne pousse pas à respecter le Parlement comme il se doit.

Tout le monde dit qu’il s’agit de faire de la politique, d’affirmer des principes, de dire ce qu’on pense, et puis qu’on verra ensuite ce qu’il en est techniquement. C’est cette position, très classique, que je mets en cause, même si je sais que tout le monde ne pense pas comme moi, loin de là. À mes yeux, c’est une question d’efficacité politique : quand on ne présente pas quelque chose qui est techniquement fondé, on n’est pas écouté.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement n° 20 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Bourlanges. C’est un amendement essentiellement rédactionnel. Les Français ont tendance à croire que la Commission fait tout, mais elle propose ; les gouvernements et le Parlement européen disposent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement n° 21 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je plaide pour qu’on prenne en compte l’existence des circuits courts dans les marchés publics, mais il ne me paraît pas adéquat de se placer dans le cadre des exceptions aux règles de la concurrence. Il serait normal de pouvoir prendre en considération, dans les procédures d’attribution des marchés publics comme pour tous les marchés, les avantages liés aux circuits courts en matière de sécurité alimentaire et sanitaire, mais aussi de qualité des produits. Ce n’est pas faire insulte au principe de concurrence : la clause relative au prix n’est pas la seule qui compte. On peut agir en faveur des circuits courts sans brandir un étendard anti-concurrence.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce changement de perspective, passant d’une évolution des exceptions à l’introduction de nouveaux critères, permettrait de rendre un changement normatif plus acceptable pour les institutions européennes. Il faut, de toute façon, demander une révision globale de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte la proposition de résolution ainsi modifiée.

La proposition de résolution est ainsi adoptée.

 

 

 


—  1  —

   proposition de résolution européenne n° 3123 relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne, présentée par mm. fabrice brun et julien dive
et plusieurs de leurs collÈgues

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 38 à 44 et 101,

Vu la résolution européenne du 8 septembre 2017 du Sénat, sur l’avenir de la politique agricole commune à l’horizon 2020,

Vu les propositions législatives du 1er juin 2018 de la Commission européenne relatives à la politique agricole commune après 2020,

Vu la résolution européenne du 7 mai 2019 du Sénat sur la réforme de la politique agricole commune,

Vu la proposition de règlement européen 2019/0254 du 31 octobre 2019 sur les mesures transitoires de la politique agricole commune pour 2021,

Vu l’avis du 30 mars 2020 de la commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen,

Vu le rapport du 11 mai 2020 de la commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des dispositions transitoires relatives au soutien du Fonds européen agricole pour le développement rural et du Fonds européen agricole de garantie en 2021,

Vu la stratégie du 20 mai 2020 de la Commission européenne « De la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement ;

Vu le Rapport spécial 13/2020 du 5 juin 2020 de la Cour des comptes européenne,

Vu les négociations commerciales en cours,

Considérant que la Commission a proposé un règlement fixant certaines dispositions transitoires relatives au soutien par le Fonds européen agricole pour le développement rural et par le Fonds européen agricole de garantie en ce qui concerne leurs ressources et leur application en 2021,

Vu les propositions de la Commission européenne pour la politique agricole commune,

Considérant que la politique agricole commune, politique fondatrice de l’Union, a rempli, depuis 1962, un rôle fondateur essentiel pour l’Union européenne et mérite toujours d’être considérée comme une priorité stratégique, au regard de l’impératif de sécurité alimentaire des citoyens européens, de soutien au revenu des agriculteurs, du développement rural et du maintien des activités agricoles dans tous les territoires, y compris ceux qui souffrent de handicaps naturels ou sont naturellement défavorisés, ainsi que dans le maintien de la diversité des territoires et productions agricoles de l’Europe,

Considérant que l’agriculture et le développement rural continueront à représenter la part la plus importante des dépenses du budget européen,

Considérant qu’il est essentiel de veiller à ce que les éventuelles nouvelles exigences qui seraient imposées au secteur agricole par le pacte vert européen s’accompagnent de moyens budgétaires supplémentaires à un niveau suffisant,

Considérant que lors de la crise sanitaire du Covid‑19 nos agriculteurs ont continué à travailler, à produire, constituant ainsi derrière les soignants la deuxième ligne de défense face à l’épidémie dans un contexte où l’économie était quasiment à l’arrêt,

Considérant que la crise sanitaire du Covid‑19 a mis en évidence la nécessité de maintenir la dimension européenne de la politique agricole sachant qu’il ne saurait être question de déconstruire la politique agricole commune en renationalisant les politiques agricoles,

Considérant nécessité de définir un cap agricole, alimentaire solidaire et souverain à l’Union européenne,

Considérant la politique agricole commune doit préserver la souveraineté alimentaire européenne, tout en renforçant la capacité de résistance et la durabilité de notre agriculture,

1. Sur les accords de libre échange

Demande un moratoire de toutes les négociations des accords de libre‑échange sur les filières ;

Demande des informations précises sur l’état des négociations en cours avec le Mercosur mais aussi la Nouvelle‑Zélande en particulier sur la viande bovine, ovine et le lait ;

Demande un état précis des négociations sur le volet agricole de la relation future entre l’Union européenne et le Royaume‑Uni ;

Exige que la Commission européenne veille au respect du principe de réciprocité et d’égalité des conditions de concurrences sanitaires, environnementales et de productions applicables aux importations des produits agricoles des pays tiers par rapport aux produits de l’Union européenne ;

2. Sur les orientations de la politique agricole commune

Estime que la politique agricole doit également être conçue dans une logique de croissance durable prenant en compte les enjeux environnementaux comme l’envisage la stratégie de la Commission européenne « De la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement ;

Rappelle, au‑delà des avancées du « règlement Omnibus » 2017/2393 du 13 décembre 2017, la nécessité d’adapter, en règle générale, le droit de la concurrence aux spécificités agricoles et de renforcer effectivement le poids des producteurs dans la chaîne de valeur alimentaire ;

Souligne que le budget de la politique agricole commune doit être maintenu à tout le moins au niveau actuel, compte tenu notamment des nouveaux impératifs qui lui seront imposés afin de contribuer aux objectifs de l’Union en matière de climat et de biodiversité, conformément à l’accord de Paris, et également en ce qui concerne la sécurité alimentaire, la croissance économique, l’équilibre territorial et social, les crises sanitaires et économiques, l’exposition des marchés au risque de volatilité ou de fermeture, ainsi que d’autres facteurs ayant une incidence sur la sécurité alimentaire ;

Soutient la demande du Parlement européen d’une enveloppe budgétaire de 383 milliards d’euros en prix constants pour la politique agricole commune afin de conserver son efficacité ;

Invite instamment le Gouvernement français à sensibiliser les autres États membres à la nécessité de s’attaquer au problème démographique et à l’absence de renouvellement des générations dans le secteur agricole ;

Demande l’instauration d’une dérogation spécifique aux règles européennes relatives à la commande publique permettant de favoriser les produits agricoles locaux dans les marchés publics ;

Souligne la nécessité de mieux cibler les aides publiques du premier pilier (Fonds européen agricole de garantie) ;


3. Sur les perspectives de l’agriculture européenne

Insiste sur la nécessité, alors que plus de la moitié des exploitants agricoles vont partir à la retraite en moins de dix ans, d’assurer la relève en promouvant les métiers de l’agriculture et en offrant des perspectives à ceux qui s’installent en les accompagnant au mieux dans leurs projets et en renforçant leur autonomie décisionnelle ;

Insiste pour que des mesures de soutien suffisantes soient prises en faveur des jeunes agriculteurs et de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les zones rurales ;

Affirme qu’il est indispensable de conforter et structurer nos filières de production et même pour certains de les relocaliser, en investissant dans les outils de production et de transformation, en assurant la transparence sur l’origine des produits ;

Souligne la nécessité de sensibiliser les consommateurs sur le juste prix de l’alimentation qui prenne en compte les coûts de production des agriculteurs en permettant une juste rémunération de chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement alimentaire comme le précise la résolution du Parlement européen du 14 février 2017 sur le rapport annuel sur la politique de concurrence de l’Union européenne.

 


—  1  —

   Proposition de résolution européenne n° 3175
relative aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers et à l’encouragement de la structuration des filières agricoles dans le cadre de la politique agricole commune (20212027),
présentée par MM. JeanBaptiste Moreau, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau
et plusieurs de leurs collègues

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑9 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier son article 4 et ses articles 38 à 44,

Vu le règlement (UE) n° 1308/2013 relatif à l’organisation commune des marchés des produits agricoles,

Vu le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 modifiant les règlements (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), (UE) n° 1306/2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune, (UE) n° 1307/2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune, (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et (UE) n° 652/2014 fixant des dispositions pour la gestion des dépenses relatives, d’une part, à la chaîne de production des denrées alimentaires, à la santé et au bien‑être des animaux et, d’autre part, à la santé et au matériel de reproduction des végétaux, dit « Omnibus »,

Vu l’annonce, le 28 avril 2020, par M. Phil Hogan, commissaire chargé du commerce et Mme Graciela Màrquez Colin, ministre mexicaine de l’économie, d’un accord sur les dernières questions techniques subsistant dans l’accord de principe conclu le 23 avril 2018 sur le nouvel accord commercial entre l’Union européenne et le Mexique,

Vu les directives de négociation, adoptées le 22 mai 2018 par le Conseil de l’Union européenne, pour la conclusion d’un accord de libre‑échange avec la Nouvelle‑Zélande (7661/18),

Vu les directives de négociation, adoptées le 17 septembre 1999 par la Commission européenne, d’un accord de libre‑échange entre l’Union européenne et le Mercosur et l’annonce, le 28 juin 2019, d’un accord politique relatif à cet accord de libre‑échange,

Vu le règlement d’exécution (UE) 2020/595 de la Commission du 30 avril 2020 portant octroi d’une aide au stockage privé de viande ovine et caprine et fixant à l’avance le montant de l’aide,

 

Vu le règlement d’exécution (UE) 2020/596 de la Commission du 30 avril 2020 portant octroi d’une aide au stockage privé de viandes fraîches et réfrigérées d’animaux d’espèce bovine âgés de huit mois et plus et fixant à l’avance le montant de l’aide,

Vu les déclarations du 12 mars 2020 du Président de la République, M.  Emmanuel Macron, relatives à la souveraineté alimentaire,

Vu les déclarations du 2 avril 2020 de M. Thierry Breton, commissaire européen pour le marché intérieur, relatives aux limites de la globalisation,

Vu l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui définit comme un des objectifs de la politique agricole commune celui « d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture »,

Considérant la situation sanitaire particulière résultant de la pandémie mondiale de Covid‑19 et la mise en évidence du caractère stratégique de la continuité de l’approvisionnement alimentaire,

Considérant le rôle essentiel assumé par l’agriculture européenne et française dans ce contexte et la nécessité de garantir la pérennité d’une agriculture locale,

Considérant que la crise sanitaire actuelle fait de la souveraineté alimentaire européenne et française une priorité et entraîne, de ce fait, une modification profonde du contexte des échanges internationaux et des priorités européennes en matière agricole et alimentaire,

Considérant que certains secteurs comme les secteurs de l’élevage bovin, ovin et caprin, ont été particulièrement déstabilisés rendant nécessaire la mise en œuvre d’une aide européenne au stockage privé,

Considérant que la crise actuelle souligne l’absolue nécessité de garantir la sécurité sanitaire, en particulier alimentaire, des consommateurs français et européens

Considérant que la garantie d’un revenu couvrant le coût de production est la condition essentielle du maintien d’une agriculture française et européenne,

Considérant que la structuration des filières agricoles et notamment un renforcement du regroupement de l’offre, au travers d’organisations de producteurs ou d’associations d’organisations de producteurs, est le seul élément de nature à garantir un tel revenu et doit constituer un objectif de la prochaine politique agricole commune,

Considérant que l’agriculture n’est pas une activité économique comme les autres, compte tenu de son rôle vital de nourrir les Hommes et de son rôle multifonctionnel, sur le façonnement des paysages, la création d’emplois sur les territoires et la protection de l’équilibre social et environnemental de la planète,

Encourage l’Union européenne à adopter un principe de révision régulière des mandats de négociation des accords de libre‑échange entre l’Union européenne et des pays tiers et à établir un moratoire sur les mandats de négociation avec la Nouvelle‑Zélande et le Mexique et sur la ratification de l’accord de libre‑échange avec le Mercosur, afin de tenir compte des nouvelles conditions créées par la crise sanitaire résultant de la pandémie de Covid‑19,

Invite le Gouvernement à œuvrer avec détermination pour favoriser l’adoption d’une directive interdisant de proposer à la vente ou à la distribution à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation, conformément à l’article L. 236‑1 A du code rural et de la pêche maritime ;

Suggère de faire de la structuration des filières agricoles, en favorisant des modes d’organisation économique des producteurs efficaces, l’un des objectifs de la politique agricole commune pour 2021‑2027 ;

Propose, dans cet objectif, de subordonner, dans le cadre des négociations de la politique agricole commune pour 2021‑2027, l’accès aux aides octroyées par cette politique, pour les producteurs agricoles ne procédant pas à la vente directe au consommateur de la majeure partie de leur production, à l’appartenance à une organisation de producteurs telle que définie aux articles 152 à 154 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits, dit « OCM » et aux articles L. 551‑1 et suivants du code rural et de la pêche maritime ;

Encourage à étendre aux organisations de producteurs de plusieurs filières, notamment les filières d’élevage, les dispositions dérogatoires prévues aux articles 32 et suivants du règlement dit « OCM » pour le secteur des fruits et des légumes, en particulier relatives aux programmes opérationnels ;

Suggère de faire évoluer, dans le prolongement du règlement dit « Omnibus » de 2017, le droit de la concurrence en matière agricole pour garantir une réelle effectivité de la primauté de la politique agricole commune sur la politique de concurrence afin d’offrir une plus grande sécurité juridique aux agriculteurs et à leurs organisations.

    


—  1  —

   proposition de résolution européenne N°3187
sur l’accessibilité de l’agriculture de proximité aux marchés publics de restauration collective, présentée par M. Jean-Louis Thiériot et plusieurs de ses collègues

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 36, 38 à 44 et 126,

Vu l’accord de Paris sur le climat signé par l’Union européenne le 5 octobre 2016,

Vu la résolution du Parlement européen du 14 mars 2019 sur le changement climatique intitulée « Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat conformément à l’accord de Paris [2019/2582(RSP)] ».

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Conseil européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 19 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l’Europe » (COM [2019] 640 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 du 4 mars 2020 dite « loi européenne sur le climat pour l’Europe » (COM [2020] 80 final),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 intitulée « Une stratégie « De la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement » (COM [2020] 381 final),

Vu le protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs complétant l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics,

Vu le code de la commande publique,

Vu l’article L. 230‑5‑1 du code rural et de la pêche,

Vu le rapport d’information n° 528 (2018‑2019) de M. Laurent DUPLOMB, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 28 mai 2019 intitulé « La France, un champion mondial agricole : pour combien de temps encore ? »,

Vu les États généraux de l’alimentation de 2017,

Sur la recherche d’une sécurité alimentaire

Considérant que la pandémie de Covid‑19 nous a collectivement rappelé la nécessité de disposer en temps de crise d’une capacité à assurer au pays un approvisionnement autonome dans les secteurs stratégiques,

Considérant que l’alimentation est un besoin essentiel de la population dont les pouvoirs publics ont le devoir de créer les conditions de satisfaction, que cette obligation vitale ne saurait souffrir de blocages dogmatiques,

Considérant que la Commission a reconnu dans sa communication Une stratégie « de la ferme à la table » « l’importance d’un système alimentaire solide et résilient qui fonctionne en toutes circonstances et capable de fournir aux citoyens des denrées alimentaires en suffisance à des prix abordables »,

Considérant qu’en cas de désorganisation des échanges commerciaux, les circuits de proximité ont démontré être les mieux placés d’un point de vue logistique pour fournir les produits de première nécessité à la population,

Considérant qu’il en va par conséquent de la sécurité alimentaire de chacun que les agriculteurs puissent répondre en temps utile et en quantité suffisante à une demande locale en denrées alimentaires,

Considérant que la souveraineté alimentaire recherchée tant au niveau national qu’européen dépend de la vitalité de l’agriculture locale de chaque État membre et qu’il appartient en conséquence à la fois aux instances européennes et nationales de légiférer en ce sens,

Sur la fragilité économique et sociale de l’agriculture française

Considérant que l’agriculture française était déjà en crise avant la survenue de la pandémie de Covid‑19 ; qu’en effet, si la France a fait figure pendant longtemps de champion agricole, ce secteur connaît depuis une quinzaine d’années une décroissance structurelle alarmante,

Considérant qu’en seulement dix ans, notre pays a chuté du troisième au sixième rang des principaux pays exportateurs agricoles, affichant la plus forte perte de parts de marché enregistrée à l’échelle mondiale dans ce secteur et qu’à l’inverse, les importations de produits agricoles et alimentaires ont presque doublé depuis les années 2000,

Considérant qu’à ce rythme, la France connaîtra dès 2023 son premier déficit commercial agricole, et ce, malgré un maintien des exportations en vins et spiritueux sans lesquelles le pays présenterait déjà un déficit agricole de plus de six milliards d’euros,

Considérant que sur le territoire, ces chiffres se traduisent par une érosion régulière du nombre d’exploitations agricoles de l’ordre de 1,5 % à 2 % chaque année et qu’en dix ans, ces défaillances agricoles ont ainsi causé la disparition de près de 13 % des exploitations,

Considérant que les conséquences sociales et humaines sont dramatiques : qu’entre le manque de revenus – 30 % des chefs d’exploitation gagnent moins de 350 euros par mois ‑, la dureté du métier et le prisme de la faillite, le mal‑être paysan est une réalité qui pousse un agriculteur au suicide tous les deux jours dans notre pays,

Considérant par conséquent qu’il est urgent et vital de soutenir l’agriculture française et qu’il appartient aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour sauver nos agriculteurs,

Considérant que l’attribution de marchés publics de restauration collective de moyen et long terme permettrait d’assurer aux exploitations une stabilité financière et incidemment de moins dépendre de la grande distribution pour écouler leurs marchandises,

Considérant que l’accès à ces nouveaux marchés serait de nature à rétablir un équilibre dans le rapport de force qui oppose producteurs et distributeurs, permettant l’élaboration d’un juste prix des produits agricoles, ce que la loi EGALIM n’est pas parvenue à accomplir malgré des États généraux de l’alimentation prometteurs

Considérant que la vente au juste de prix des produits agricoles est une condition sine qua non d’une rémunération décente des agriculteurs,

Sur la transition éco‑agrologique

Considérant que la transition éco‑agrologique est l’occasion d’offrir un nouveau départ à l’agriculture locale, que la Commission dans sa stratégie « de la ferme à la table » entend promouvoir l’agriculture biologique, qu’en effet celle‑ci a « des effets positifs sur la biodiversité, est créatrice d’emplois et attire les jeunes agriculteurs »,


Considérant que le temps requis pour réaliser une conversion à l’agriculture biologique est de trois à six ans et par conséquent que les investissements réalisés par les exploitants pendant cette période nécessitent une sécurité de débouchés à moyen et long terme,

Considérant que les marchés publics de restauration collective sont de nature à apporter de tels débouchés en raison de leur durée et des critères de qualité entrant dans la rédaction de leurs cahiers des charges,

Considérant que la découverte de la provenance et des modalités de production des denrées alimentaires est de nature à améliorer la conscience écologique des jeunes consommateurs,

Considérant qu’une souplesse apportée dans la passation des marchés publics de restauration collective permettrait une commande adaptée à la saisonnalité des produits respectueuse de l’environnement,

Considérant que la Commission a indiqué « envisager, pour soutenir les producteurs primaires pendant la transition, de clarifier les règles de concurrence pour les initiatives collectives qui favorisent la durabilité dans les chaînes d’approvisionnement »,

Considérant que l’encouragement du développement des filières biologiques par les pouvoirs publics ne nécessite pas une clarification mais en réalité une adaptation des règles de concurrence du droit de l’Union,

Sur l’impact environnemental du transport des produits agricoles

Considérant que l’Union européenne s’est engagée en signant l’accord de Paris à lutter activement contre le réchauffement climatique,

Considérant que les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, cette part ne cessant d’augmenter,

Considérant que pour parvenir à la neutralité climatique, la Commission a fixé comme objectif, via la loi européenne sur le Climat, de réduire les émissions du secteur des transports de 90 % d’ici à 2050,

Considérant que la diminution du parcours aussi bien terrestre que fluvial et maritime des produits agricoles aurait un impact significatif sur l’empreinte carbone de la filière agro‑alimentaire, qu’une telle diminution nécessite à l’évidence la mise en place de circuits de proximité,

Considérant que dans sa stratégie « de la ferme à la table », la Commission a indiqué que l’Union avait pour objectif de « faire en sorte que la filière alimentaire qui englobe la production, le transport, la distribution, la commercialisation et la consommation des denrées alimentaires ait une incidence environnementale neutre ou positive »,

Considérant que dans cette même communication, la Commission a indiqué qu’ « en vue de renforcer la résilience des systèmes régionaux et locaux et afin de créer des chaînes d’approvisionnement plus courtes, elle contribuera à réduire la dépendance à l’égard des transports longue distance »,

Considérant que telles allégations ne permettent pas de se figurer les modifications concrètes que les institutions européennes entendent entreprendre pour favoriser l’émergence de circuits de proximité,

Sur l’inadaptation du droit de la commande publique au développement des circuits de proximité

Considérant que le développement des circuits de proximité nécessite une liberté de passation des marchés publics de restauration collective, laquelle est actuellement entravée par le droit de la commande publique,

Considérant en effet que les pouvoirs adjudicateurs qui souhaitent passer commande à des agriculteurs locaux sont soumis au code de la commande publique qui transpose la directive 2014/24/UE, que cette directive traduit les principes de non‑discrimination et d’égalité d’accès au marché posés par les traités européens,

Considérant que l’ensemble de ces dispositions interdit aux pouvoirs adjudicateurs ‑ ainsi que le rappelle la boîte à outils du ministère de l’agriculture LOCALIM ‑ d’introduire un critère de provenance ou d’origine géographique dans la rédaction du cahier des charges,

Considérant que l’article L. 230‑5‑1 du code rural et de la pêche introduit par la loi EGALIM n’autorise, par exception, la mention de produits locaux dans les spécifications techniques que pour autant qu’ils répondent aux normes de labels extrêmement stricts et spécifiques, tels que les Indications Géographiques Protégées, ce qui ne permet pas de répondre à la problématique générale du développement des circuits de proximité,

Considérant que ces limitations législatives obligent les pouvoirs adjudicateurs pour passer commande à des agriculteurs locaux à recourir à de fastidieuses stratégies de contournement (allotissement, sourcing …) qui, outre le fait qu’elle nécessitent à la fois une parfaite connaissance des productions locales et le conseil d’un service juridique spécialisé en achats publics ‑ ce dont ne disposent pas les petites collectivités ‑, posent un réel problème de sécurité juridique quant à la procédure de passation des marchés,

 

Considérant par ailleurs que pour satisfaire les exigences du droit de la concurrence, certaines collectivités en sont paradoxalement réduites à créer des sociétés publiques locales, voire des exploitations agricoles en régie, lesquelles sont autorisées par le droit de l’Union en tant que structures « in house » par l’article 12 de la directive 2014/24/UE,

Sur l’inopportunité d’une clause environnementale dans les marchés publics de restauration collective

Considérant que la directive 2014/24/UE autorise l’introduction de « clauses environnementales » intégrant le coût des externalités environnementales dans la rédaction des cahiers des charges des marchés publics,

Considérant que cette possibilité a été retranscrite par la loi EGALIM au 1/ de l’article L. 230‑5‑1 du code rural précité sous la dénomination suivante « Produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie »,

Considérant qu’une telle clause environnementale serait en pratique extrêmement difficile à mettre en œuvre et que le calcul des externalités négatives nécessiterait le conseil systématique d’une agence spécialisée, ainsi que le suggère l’ADEME, par définition génératrice de coûts pour les pouvoirs publics,

Considérant qu’il est dans l’intérêt général de tous les États membres de maîtriser leurs dépenses publiques, que cette exigence est devenue une nécessité absolue suite à l’endettement extraordinaire des États provoqué par la crise sanitaire née de la pandémie de coronavirus,

Considérant par conséquent que le recours au calcul systématique de l’empreinte carbone pour la passation de marchés publics de restauration collective afin de favoriser l’émergence de circuits de proximité alors que d’autres options sont possibles serait totalement contraire à l’objectif posé par l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et aux critères du protocole n° 12 sur les déficits publics excessifs des États membres,

En conclusion

Considérant l’ensemble des intérêts stratégiques et vitaux de la France et des États membres de l’Union liés au développement de l’agriculture de proximité,

Considérant que ceux‑ci ne sauraient souffrir d’une application dogmatique du droit de la concurrence et de la libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur,

Considérant que la directive 2014/24/UE prévoit à la section 3 du chapitre IER de son titre IER une série d’exceptions aux règles de passation des marchés publics,

Considérant par conséquent que l’introduction d’une exception supplémentaire en faveur des marchés publics de restauration collective relève de la volonté politique des États membres,


1. Demande au Gouvernement de faire valoir auprès des instances européennes compétentes le bénéfice économique, social et environnemental pour l’ensemble des États membres du développement de circuits de proximité au sein de la filière agro‑alimentaire ;

2. Invite le Gouvernement à négocier, notamment dans le cadre du Pacte Vert, l’ajout à la section 3 du chapitre IER du titre IER de la directive 2014/24/UE d’une exception à l’application des règles de passation des marchés publics en faveur des marchés publics de restauration collective ;

3. Invite par la suite le Gouvernement à transposer cette exception au sein du code de la commande publique afin de permettre aux pouvoirs adjudicateurs l’introduction d’une clause territoriale dans la rédaction du cahier des charges de leurs marchés de restauration collective.

 


—  1  —

   proposition de résolution européenne n° 3225
relative à la possibilité pour la France d’appliquer une TVA à un taux très réduit voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts,
présentée par MM. Julien Dive et Fabrice Brun

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu la directive 2006 /112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

Vu l’article 278‑0 bis du code général des impôts,

Vu le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur les propositions du groupe de travail sur l’agriculture, l’alimentation et la pêche concernant la reprise et le plan de relance après l’épidémie de Covid‑19,

Constatant que dans le cadre législatif européen actuel, la TVA à taux zéro ne peut être appliquée qu’à titre dérogatoire et de manière exceptionnelle dans certains cas énumérés par le titre VII, chapitre 4, de la directive 2006 /112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant l’urgence sociale provoquée par la crise sanitaire due à l’épidémie de la Covid‑19 et souhaitant agir au plus vite pour prévenir de toute aggravation ;

Souhaite que la Commission européenne et le Conseil donnent plus de liberté aux États membres dans le choix des secteurs pouvant bénéficier d’un taux réduit de TVA ;

Demande au Gouvernement de soutenir la mise en place d’une TVA à un taux inférieur au taux réduit actuel, voire nul, pour les produits alimentaires issus des circuits courts.


—  1  —

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
présentÉe par le rapporteur

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et ses articles 4 et 38 à 44,

Vu le règlement n°1308/2013 relatif à l’organisation commune des marchés de produits agricoles,

Vu le règlement n°2017/2393 du 13 décembre 2017 dit « Omnibus »,

Vu les directives de négociation, adoptées le 22 mai 2018 par le Conseil de l’Union européenne, pour la conclusion d’un accord de libre‑échange avec la Nouvelle‑Zélande (7661/18),

Vues les directives de négociation, adoptées le 17 septembre 1999 par la Commission européenne, d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur et l’annonce, le 28 juin 2019, d’un accord politique relatif à cet accord de libre-échange,

Vue la communication de la Commission européenne intitulée « Une stratégie ‘De la ferme à la table’ pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement » du 20 mai 2020,

Vu l’accord sur les « orientations générales » pour la politique agricole commune entre 2023 et 2027 trouvé par le Conseil le 21 octobre 2020,

Vues les propositions de résolution européenne n°3123 relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne, présentée par MM. Fabrice Brun et Julien Dive et plusieurs de leurs collègues ; n°3175 relative aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers et à l’encouragement de la structuration des filières agricoles dans le cadre de la politique agricole commune (2021‑2027), présentée par MM. Jean‑Baptiste Moreau, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau et plusieurs de leurs collègues ; n°3225 relative à la possibilité pour la France d’appliquer une TVA à un taux très réduit voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts, présentée par MM. Julien Dive et Fabrice Brun ; n°3187 sur l’accessibilité de l’agriculture de proximité aux marchés publics de restauration collective, présentée par M. Jean-Louis Thiériot et plusieurs de ses collègues,

Considérant que l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit comme l’un des objectifs de la politique agricole commune celui « d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture »,

Considérant que la politique agricole commune, politique fondatrice de l’Union, a rempli, depuis 1962, un rôle essentiel pour l’Union européenne et mérite toujours d’être considérée comme une priorité stratégique, au regard de l’impératif de sécurité alimentaire, de soutien au revenu des agriculteurs, de développement rural, de maintien des activités agricoles dans tous les territoires, y compris ceux qui souffrent de handicaps naturels ou sont naturellement défavorisés, ainsi que de maintien de la diversité des territoires et productions agricoles européennes,

Considérant la nécessité de définir un cap agricole, alimentaire solidaire et souverain à l’Union européenne,

Considérant la situation sanitaire particulière résultant de la pandémie mondiale de covid-19 et la mise en évidence du caractère stratégique de la continuité de l’approvisionnement alimentaire et du caractère indispensable de la politique agricole commune pour atteindre cet objectif,

Considérant le rôle essentiel assuré par l’agriculture européenne et française dans ce contexte et la nécessité de garantir la pérennité d’une agriculture locale,

Considérant que, lors de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, nos agriculteurs ont continué à travailler et à produire, constituant ainsi, derrière les soignants, la deuxième ligne de défense face à l’épidémie dans un contexte où l’économie était quasiment à l’arrêt,

Considérant que la crise sanitaire fait de la souveraineté alimentaire européenne et française une priorité et entraîne, de ce fait, une modification profonde du contexte des échanges internationaux et des priorités européennes en matière agricole et alimentaire,

Considérant que la garantie d’un revenu couvrant le coût de production est la condition essentielle du maintien d’une agriculture française et européenne,

Considérant que la structuration des filières agricoles et le renforcement du regroupement de l’offre, au travers d’organisations de producteurs ou d’associations d’organisations de producteurs, constituent des éléments majeurs de nature à garantir un tel revenu et doit être un objectif de la prochaine politique agricole commune,

Considérant que le budget de la politique agricole commune doit être maintenu au moins à son niveau actuel et que cette politique doit conserver sa dimension pleinement européenne, dont la nécessité a été à nouveau rappelée par la crise résultant de la pandémie de Covid-19,

Considérant que les parlementaires européens et nationaux doivent disposer d’un niveau satisfaisant d’informations sur le contenu et le déroulé des négociations d’accords commerciaux entre l’Union européenne et les États tiers, en particulier dans le cadre des négociations sur la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui aura un impact majeur sur les agriculteurs et les pêcheurs européens,

 

Se félicite des conclusions du Conseil européen du 21 juillet 2020 qui maintient le budget de la politique agricole commune, tout en restant attentive à ce que la mise en œuvre de ces conclusions soit effective,

Se réjouit qu’un accord sur la politique agricole commune pour la période 2023-2027 ait pu être trouvé par le Conseil « Agriculture et pêche » le 21 octobre 2020, avec les objectifs d’une politique agricole plus écologique, plus juste et plus simple, et prévoyant la possibilité de créer des programmes sectoriels permettant de structurer l’action des organisations de producteurs et coopératives pour la plupart des filières agricoles,

Demande à la Commission européenne de produire et de communiquer aux parlements nationaux une étude de l’impact de la stratégie « de la ferme à la table » sur la politique agricole commune,

Sollicite la Commission européenne pour qu’elle propose, dans le cadre de la politique agricole commune, de nouvelles actions pour enrayer la chute démographique des agriculteurs européens et favoriser l’entrée dans les métiers de l’agriculture d’un nombre plus important de femmes,

Propose, dans cet objectif, de mettre en place un bonus au sein des aides du premier pilier de la politique agricole commune pour les jeunes agriculteurs, les premières installations et les reprises d’exploitations,

Suggère de faire de la structuration des filières agricoles l’un des objectifs de la prochaine politique agricole commune, en favorisant des modes d’organisation économique des producteurs efficaces,

Propose, dans cet objectif, de subordonner, pour les producteurs agricoles ne procédant pas à la vente directe au consommateur de la majeure partie de leur production, l’accès aux aides octroyées par la politique agricole commune à l’appartenance à une organisation de producteurs telle que définie aux articles 152 à 154 du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits,

Juge nécessaire que la Commission européenne réfléchisse à la mise en place d’un « score » européen sur les produits alimentaires, fondé sur le niveau de rémunération des agriculteurs,

Demande à la Commission européenne d’adopter un principe de révision régulière des mandats de négociation de libre-échange entre l’Union européenne et les États tiers,

Juge indispensable de mettre en place un moratoire sur l’ensemble des mandats de négociation de la Commission européenne, en particulier dans les négociations avec la Nouvelle-Zélande et le Mexique et sur la ratification de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, dans le but de tenir compte des conditions particulières créées par la crise sanitaire résultant de la pandémie de covid-19,

Exige que les accords commerciaux sectoriels et généraux en cours de négociation fasse l’objet d’une transparence accrue, notamment envers les parlements nationaux,

Demande que l’Union européenne garantisse, par des actes normatifs, le principe de réciprocité et d’égalité des conditions de concurrence sanitaires et environnementales, en interdisant de proposer à la vente ou à la distribution à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation,

 

Suggère d’adapter plus profondément, au-delà des avancées du règlement 2017/2393 du 13 décembre 2017 dit « Omnibus », le droit européen de la concurrence aux spécificités agricoles, en garantissant l’effectivité de la primauté de la politique agricole commune sur la politique de concurrence,


Demande à ce qu’une définition européenne des « circuits courts » puisse être établie, en se fondant notamment sur la pratique de la remise directe au consommateur final et l’existence d’un intermédiaire au maximum,

Propose, une fois cette définition établie, de permettre aux États membres de favoriser les produits issus de circuits courts en les autorisant à y appliquer, dans le respect de l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée,

Demande à la Commission européenne de réformer la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, afin de simplifier les règles relatives aux exceptions aux règles de marchés publics dans l’objectif de permettre aux établissements de restauration collective de se fournir plus facilement auprès des exploitations pratiquant les circuits-courts.

 


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   amendements examinÉs par la commission

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

André CHASSAIGNE

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ARTICLE UNIQUE

 

À l'alinéa 18, remplacer les mots : "entraîne, de ce fait, une modification profonde du contexte"

Par les mots : "appelle, de ce fait, à une remise en cause du cadre européen des négociations commerciales, "

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à ne pas en rester à un simple constat au regard des conséquences de la crise sanitaire en matière d'échanges internationaux, mais bien à préciser que l'enjeu de la souveraineté alimentaire européenne et française appelle à une remise en cause profonde du cadre européen des négociations commerciales, notamment à une remise en cause des accords de libre-échange ratifiés ou en cours de négociation.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

André CHASSAIGNE

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ARTICLE UNIQUE

 

À l'alinéa 19, après les mots : "le coût de production"

Insérer les mots "et assurant la rémunération du travail agricole"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à préciser que la juste rémunération du travail agricole est indispensable au maintien des actifs agricoles, et que l'on ne doit pas se limiter à la simple "couverture" des coûts de production, qui supposerait que les prix payés ne permettent pas de dégager un revenu pour les agriculteurs.

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 3 rectifié

 

présenté par

André CHASSAIGNE

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l'alinéa 19, insérer l'alinéa suivant :

"Considérant la volatilité accrue des marchés agricoles et ses effets néfastes pour les agriculteurs, ainsi que la nécessité de compléter les outils de gestion de crise et de les rendre plus efficients par des outils de gestion de marché dont les différentes filières auraient la responsabilité ;"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement reprend un "considérant" adopté dans la proposition de résolution européenne n° 150 du 28 juin 2018 relative à une agriculture durable pour l'Union européenne et vient rappeler l'abandon politique des instruments de gestion publique des volumes et des marchés suite aux réformes successives de la PAC.

Cet amendement est adopté.


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 4

 

présenté par

André CHASSAIGNE

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ARTICLE UNIQUE

 

À l'alinéa 21, après les mots "Covid-19"

Insérer les mots : "en évitant toutes les distorsions réglementaires et formes de renationalisation des politiques agricoles pouvant résulter des plans stratégiques nationaux"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à dénoncer toutes les formes de distorsion dans les règles et normes européennes qui pourront résulter des arbitrages des États membres dans la construction de leurs plans stratégiques nationaux. Malgré certaines avancées, les intenses débats qui ont eu lieu au Parlement européen sur le rapport sur les plans stratégiques, et les arbitrages politiques finalement retenus, laissent toujours présager d'importants risques de déséquilibres et de politiques agricoles très différenciés entre États membres, accentuant les compétitions et concurrences déloyales entre filières de production des différents États.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

André CHASSAIGNE

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après l'alinéa 25, insérer l'alinéa suivant :

"Regrette que la dimension alimentaire ne soit pas pleinement intégrée dans ce projet de réforme afin de définir une véritable politique agricole et alimentaire commune,"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Contrairement au contenu de la communication de la Commission européenne intitulée "Une stratégie "de la ferme à la table" pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement" du 20 mai 2020, les trois textes de base de la future PAC ne fondent aucune stratégie alimentaire commune, et ne présentent pas d'outils d'interventions communautaires nouveaux et ambitieux en faveur d'un meilleur accès à une alimentation saine et de qualité pour les 446 millions d'habitants de l'UE à 27 ou en faveur de la montée en gamme de l'ensemble des productions communautaires. Au regard de l'ampleur de la crise alimentaire qui touche des dizaines de millions d'Européens, et des besoins pour favoriser l'accès de tous aux produits locaux et de qualité, notamment sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, on ne peut que regretter l'absence de cette ambition politique pourtant fondamentale.

 

Cet amendement est retiré.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 6

 

présenté par

André CHASSAIGNE

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après l'alinéa 26, insérer l'alinéa suivant :

"Dénonce l'absence de nouveaux instruments et outils d'interventions publics communautaires en faveur de la gestion des volumes et des marchés, seuls aptes à agir efficacement et durablement sur la stabilité des prix et à prévenir les crises,"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement de cohérence avec l'amendement n° 3 vise à souligner le besoin d'outils et d'instruments d'intervention publics sur les marchés et les volumes au plan communautaire. Aucune mesure de ce type n'est envisagée dans le cadre de la future PAC, notamment dans le règlement horizontal et le rapport sur l'organisation commune de marché (OCM). L'auteur de cet amendement continue de demander la mise en place de tels outils (quotas, stockage public, droits spécifiques à produire...) qui permettent de stabiliser les marchés et les prix payés aux producteurs. La crise que connaît la filière sucrière française en est un dernier exemple suite à la suppression des quotas sucriers.

 

Cet amendement est retiré.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

André CHASSAIGNE

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Compléter l'alinéa 29 par les mots : "afin de pouvoir faire face à la domination des grands groupes de l'agroalimentaire et de la distribution dans les négociations commerciales et dans la captation de la valeur ajoutée"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à préciser l'objectif de cet alinéa, en faisant référence à la situation concrète de déséquilibre entre les acteurs économiques. La question d'un meilleur partage de la valeur ajoutée ne peut être abordée en évacuant de l'analyse l'ampleur des rapports de force économiques et financiers qui structurent le secteur agricole et alimentaire.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 8

 

présenté par

André CHASSAIGNE

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l'alinéa 33, remplacer les mots : "d'adopter un principe de révision régulière" par les mots "d'exclure le secteur agricole"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer le principe d'exception du secteur agricole des accords de libre-échange que nous défendons.

 

Cet amendement est rejeté.


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 9 rectifié

 

présenté par

André CHASSAIGNE

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ARTICLE UNIQUE

 

À l'alinéa 34, après les mots : "sur l'ensemble des", insérer les mots "accords conclus et des"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à préciser que nous demandons un moratoire sur l'ensemble des accords conclus, ratifiés ou en cours de négociation par la Commission européenne, y compris le CETA.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 10

 

présenté par

André CHASSAIGNE

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l'alinéa 35, remplacer les mots : "notamment envers les parlements nationaux" par les mots : "et une adoption par les parlements nationaux avant toute mise en application"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à exiger l'adoption de tout accord de libre-échange par les parlements nationaux préalablement à sa mise en œuvre, et par conséquent à se prémunir de toutes les mises en application provisoires.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 11

 

présenté par

André CHASSAIGNE

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ARTICLE UNIQUE

 

À l'alinéa 36, après les mots "actes normatifs", insérer les mots suivants "et des moyens spécifiques et affectés"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à préciser que le principe de réciprocité et d'égalité des conditions de production ne peut s'envisager que sur la base d'actes normatifs, mais aussi de moyens humains de contrôle affectés à cette tâche.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 12

 

présenté par

André CHASSAIGNE

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ARTICLE UNIQUE

 

Compléter l'alinéa 38 par les mots : "et le respect de l'activation des clauses de sauvegarde,"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement précise la nécessité de respecter les clauses de sauvegarde nationales qui peuvent être prises en cas de menace économique, sanitaire ou environnementale pesant sur certaines productions ou produits ou au regard de risques sanitaires avérés ou de pratiques de concurrence déloyales.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 13

 

présenté par

Chantal JOURDAN

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après le mot « covid-19, » compléter l’alinéa 34, comme suit :

 

« et des effets néfastes du commerce international carboné sur le climat ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement du groupe « Socialistes et apparentés » vise à rappeler que le besoin d'un moratoire sur les accords de libre-échange doit également être motivé par les effets particulièrement néfaste du commerce international carboné sur le climat.

Il nous semble problématique de considérer le moratoire sans évoquer les répercussions écologiques et sociales du libre-échangisme mondialisé et notamment sur les émissions de gaz à effet de serre.

La crise de la COVID-19, en rappelant notre dépendance aux produits et services importés, doit avoir pour effet d'ouvrir des possibilités de production des biens essentiels comme les aliments au plus près de leur lieu de consommation, notamment national et intra-européen, afin de garantir notre indépendance et de réduire drastiquement le bilan carbone d'une telle consommation.

 

Cet amendement est retiré.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 14

 

présenté par

Chantal JOURDAN

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ARTICLE UNIQUE

 

Compléter l’alinéa 36, comme suit :

 

« et ne respectant pas les standards environnementaux édictés au niveau européen. »

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement du groupe « Socialistes et apparentés » vise à étendre l'interdiction de « proposer à la vente ou à la distribution à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles » qui ne respecterait pas les standards environnementaux édictés au niveau européen.

 

Cet amendement est adopté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 16

 

présenté par

Jean‑Louis BOURLANGES

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ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 33, remplacer "révision" par :  "réexamen et d'adaptation éventuelle"

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

L'amendement vise à ne pas encourager l'instabilité du mandat tout en en préservant la flexibilité éventuelle nécessaire.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 17

 

présenté par

Jean‑Louis BOURLANGES

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 34, remplacer "mettre en place un moratoire sur" par : "procéder à un réexamen global et à une adaptation éventuelle de"

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le moratoire est une mesure de calendrier qui n'a pas lieu d'être en l'absence de tout risque de précipitation. Le réexamen et l'adaptation éventuelle du mandat s'imposent en revanche à la lumière des bouleversements économiques et sanitaires engendrés par la pandémie.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 18

 

présenté par

Jean‑Louis BOURLANGES

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 40, remplacer "intermédiaire au maximum" par : "nombre restreint d'intermédiaires"

EXPOSÉ SOMMAIRE

Il s'agit de soumettre a priori une réforme éventuelle à des conditions techniques trop précises.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 19

 

présenté par

Jean‑Louis BOURLANGES

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Supprimer l’alinéa 41

EXPOSÉ SOMMAIRE

La modulation de la taxation sur la valeur ajoutée en fonction du nombre d'intermédiaires produisant ses ajouts est à la fois une gageure technique et une atteinte à l'égalité de concurrence. 

 

Cet amendement est rejeté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 20

 

présenté par

Jean‑Louis BOURLANGES

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 42, remplacer "réformer" par : "proposer une réforme de" 

EXPOSÉ SOMMAIRE

La Commission n'a pas compétence pour réformer une directive mais seulement pour proposer une telle réforme.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

AMENDEMENT

No 21

 

présenté par

Jean‑Louis BOURLANGES

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 42, après "afin de" supprimer la fin de la phrase et remplacer par : "valoriser les avantages environnementaux et sanitaires des circuits courts dans la passation de ces marchés."

EXPOSÉ SOMMAIRE

Il n'y a pas lieu d'aménager "des exceptions" aux règles de concurrence mais d'introduire dans la procédure d'attribution des marchés publics des critères nouveaux d'ordre environnemental et sanitaire.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

SOUS-AMENDEMENT
à l’amendement n °3 d’André Chassaigne

No 22

 

présenté par

Jean‑Baptiste MOREAU

----------

ARTICLE UNIQUE

 

A l’alinéa 2 de l’amendement n°3, remplacer « la suppression des instruments d'intervention publique au profit de simples outils de gestion de crise qui ne sont ni assez efficaces, ni suffisamment réactifs » par « la nécessité de compléter les outils de gestion de crise et de les rendre plus efficients par des outils de gestion de marché dont les différentes filières auraient la responsabilité »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Ce sous-amendement se justifie par son objet.

 

Ce sous-amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

4 novembre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative aux questions agricoles

 

SOUS-AMENDEMENT
à l’amendement n °9 d’André Chassaigne

No 23

 

présenté par

Jean‑Baptiste MOREAU

----------

ARTICLE UNIQUE

 

A l’alinéa 1 de l’amendement n°9, supprimer les mots « , ratifiés ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Ce sous-amendement est adopté.

 

 

 


—  1  —

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
adoptÉe par la commission

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et ses articles 4 et 38 à 44,

Vu le règlement n°1308/2013 relatif à l’organisation commune des marchés de produits agricoles,

Vu le règlement n°2017/2393 du 13 décembre 2017 dit « Omnibus »,

Vu les directives de négociation, adoptées le 22 mai 2018 par le Conseil de l’Union européenne, pour la conclusion d’un accord de libre‑échange avec la Nouvelle‑Zélande (7661/18),

Vues les directives de négociation, adoptées le 17 septembre 1999 par la Commission européenne, d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur et l’annonce, le 28 juin 2019, d’un accord politique relatif à cet accord de libre-échange,

Vue la communication de la Commission européenne intitulée « Une stratégie ‘De la ferme à la table’ pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement » du 20 mai 2020,

Vu l’accord sur les « orientations générales » pour la politique agricole commune entre 2023 et 2027 trouvé par le Conseil le 21 octobre 2020,

Vues les propositions de résolution européenne n°3123 relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne, présentée par MM. Fabrice Brun et Julien Dive et plusieurs de leurs collègues ; n°3175 relative aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers et à l’encouragement de la structuration des filières agricoles dans le cadre de la politique agricole commune (2021‑2027), présentée par MM. Jean‑Baptiste Moreau, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau et plusieurs de leurs collègues ; n°3225 relative à la possibilité pour la France d’appliquer une TVA à un taux très réduit voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts, présentée par MM. Julien Dive et Fabrice Brun ; n°3187 sur l’accessibilité de l’agriculture de proximité aux marchés publics de restauration collective, présentée par M. Jean-Louis Thiériot et plusieurs de ses collègues,

Considérant que l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit comme l’un des objectifs de la politique agricole commune celui « d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture »,

Considérant que la politique agricole commune, politique fondatrice de l’Union, a rempli, depuis 1962, un rôle essentiel pour l’Union européenne et mérite toujours d’être considérée comme une priorité stratégique, au regard de l’impératif de sécurité alimentaire, de soutien au revenu des agriculteurs, de développement rural, de maintien des activités agricoles dans tous les territoires, y compris ceux qui souffrent de handicaps naturels ou sont naturellement défavorisés, ainsi que de maintien de la diversité des territoires et productions agricoles européennes,

Considérant la nécessité de définir un cap agricole, alimentaire solidaire et souverain à l’Union européenne,

Considérant la situation sanitaire particulière résultant de la pandémie mondiale de covid-19 et la mise en évidence du caractère stratégique de la continuité de l’approvisionnement alimentaire et du caractère indispensable de la politique agricole commune pour atteindre cet objectif,

Considérant le rôle essentiel assuré par l’agriculture européenne et française dans ce contexte et la nécessité de garantir la pérennité d’une agriculture locale,

Considérant que, lors de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, nos agriculteurs ont continué à travailler et à produire, constituant ainsi, derrière les soignants, la deuxième ligne de défense face à l’épidémie dans un contexte où l’économie était quasiment à l’arrêt,

Considérant que la crise sanitaire fait de la souveraineté alimentaire européenne et française une priorité et appelle, de ce fait, à une remise en cause du cadre européen des négociations commerciales,

Considérant que la garantie d’un revenu couvrant le coût de production et assurant la rémunération du travail agricole est la condition essentielle du maintien d’une agriculture française et européenne,

Considérant la volatilité accrue des marchés agricoles et ses effets néfastes pour les agriculteurs, ainsi que la nécessité de compléter les outils de gestion de crise et de les rendre plus efficients par des outils de gestion de marché dont les différentes filières auraient la responsabilité,

Considérant que la structuration des filières agricoles et le renforcement du regroupement de l’offre, au travers d’organisations de producteurs ou d’associations d’organisations de producteurs, constituent des éléments majeurs de nature à garantir un tel revenu et doit être un objectif de la prochaine politique agricole commune,

Considérant que le budget de la politique agricole commune doit être maintenu au moins à son niveau actuel et que cette politique doit conserver sa dimension pleinement européenne, dont la nécessité a été à nouveau rappelée par la crise résultant de la pandémie de Covid-19, en évitant toutes les distorsions règlementaires et formes de renationalisation des politiques agricoles pouvant résulter des plans stratégiques nationaux,

Considérant que les parlementaires européens et nationaux doivent disposer d’un niveau satisfaisant d’informations sur le contenu et le déroulé des négociations d’accords commerciaux entre l’Union européenne et les Etats tiers, en particulier dans le cadre des négociations sur la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui aura un impact majeur sur les agriculteurs et les pêcheurs européens,

 

Se félicite des conclusions du Conseil européen du 21 juillet 2020 qui maintient le budget de la politique agricole commune, tout en restant attentive à ce que la mise en œuvre de ces conclusions soit effective,

Se réjouit qu’un accord sur la politique agricole commune pour la période 2023-2027 ait pu être trouvé par le Conseil « Agriculture et pêche » le 21 octobre 2020, avec les objectifs d’une politique agricole plus écologique, plus juste et plus simple, et prévoyant la possibilité de créer des programmes sectoriels permettant de structurer l’action des organisations de producteurs et coopératives pour la plupart des filières agricoles,

Demande à la Commission européenne de produire et de communiquer aux parlements nationaux une étude de l’impact de la stratégie « de la ferme à la table » sur la politique agricole commune,

Sollicite la Commission européenne pour qu’elle propose, dans le cadre de la politique agricole commune, de nouvelles actions pour enrayer la chute démographique des agriculteurs européens et favoriser l’entrée dans les métiers de l’agriculture d’un nombre plus important de femmes,

Propose, dans cet objectif, de mettre en place un bonus au sein des aides du premier pilier de la politique agricole commune pour les jeunes agriculteurs, les premières installations et les reprises d’exploitations,

Suggère de faire de la structuration des filières agricoles l’un des objectifs de la prochaine politique agricole commune, en favorisant des modes d’organisation économique des producteurs efficaces, afin de pouvoir faire face à la domination des grands groupes de l’agroalimentaire et de la distribution dans les négociations commerciales et dans la captation de la valeur ajoutée,

Propose, dans cet objectif, de subordonner, pour les producteurs agricoles ne procédant pas à la vente directe au consommateur de la majeure partie de leur production, l’accès aux aides octroyées par la politique agricole commune à l’appartenance à une organisation de producteurs telle que définie aux articles 152 à 154 du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits,

Juge nécessaire que la Commission européenne réfléchisse à la mise en place d’un « score » européen sur les produits alimentaires, fondé sur le niveau de rémunération des agriculteurs,

Demande à la Commission européenne d’adopter un principe de réexamen et d’adaptation éventuelle régulière des mandats de négociation de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats tiers,

Juge indispensable de procéder à un réexamen global et à une adaptation éventuelle de l’ensemble des accords conclus et des mandats de négociation de la Commission européenne, en particulier dans les négociations avec la Nouvelle-Zélande et le Mexique et sur la ratification de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, dans le but de tenir compte des conditions particulières créées par la crise sanitaire résultant de la pandémie de covid-19,

Exige que les accords commerciaux sectoriels et généraux en cours de négociation fassent l’objet d’une transparence accrue et une adoption par les parlements nationaux avant toute mise en application,

Demande que l’Union européenne garantisse, par des actes normatifs et des moyens spécifiques et affectés, le principe de réciprocité et d’égalité des conditions de concurrence sanitaires et environnementales, en interdisant de proposer à la vente ou à la distribution à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation et ne respectant pas les standards environnementaux édictés au niveau européen,

 

Suggère d’adapter plus profondément, au-delà des avancées du règlement 2017/2393 du 13 décembre 2017 dit « Omnibus », le droit européen de la concurrence aux spécificités agricoles, en garantissant l’effectivité de la primauté de la politique agricole commune sur la politique de concurrence et le respect de l’activation des clauses de sauvegarde,

Demande à ce qu’une définition européenne des « circuits courts » puisse être établie, en se fondant notamment sur la pratique de la remise directe au consommateur final et l’existence d’un nombre restreint d’intermédiaires,

Propose, une fois cette définition établie, de permettre aux Etats membres de favoriser les produits issus de circuits courts en les autorisant à y appliquer, dans le respect de l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée,

Demande à la Commission européenne de proposer une réforme de la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, afin de valoriser les avantages environnementaux et sanitaires des circuits courts dans la passation de ces marchés

 


([1]) https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal/actions-being-taken-eu/farm-fork_fr

([2])  https://ec.europa.eu/commission/publications/natural-resources-and-environment

([3])  https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/04/06/le-depart-en-retraite-d-un-agriculteur-sur-trois-d-ici-trois-ans-va-bouleverser-le-paysage-agricole_5446630_3234.html

([4]) Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([5]) https://ec.europa.eu/food/audits-analysis/audit_reports/details.cfm?rep_id=4287

([6]) www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2016/586650/EPRS_BRI(2016)586650_EN.pdf

([7]) http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2942.asp 

([8]) Assemblée nationale, rapport d’information déposé par la commission des Affaires européennes sur l’espace fiscal européen et présenté par M. Xavier Paluszkiewicz et Mme Frédérique Dumas, juillet 2020. http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3193_rapport-information#

([9]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b3169_rapport-information#