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N° 3580

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à promouvoir la France des accents ( 2473)

PAR M. Christophe EUZET

Député

——

 

Voir les numéros : 2473

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS...................................................... 5

I. Les accents en France : entre diversitÉ et préjugÉs

A. Qu’est-ce qu’avoir un (bon) accent ?

B. Une prononciation porteuse de nombreux préjugÉs

II. La nÉcessaire reconnaissance des discriminations liÉes À l’accent

A. une rÉalitÉ démontrÉe

B. Des consÉquences lourdes pour les individus et la sociÉtÉ

C. une proposition de loi visant À renforcer la lutte contre les discriminations en france

1. Les critères de discrimination en Europe et en France

2. Une reconnaissance imparfaite de l’accent parmi les critères des discriminations liées à la langue ou à l’origine

3. L’objet de la proposition de loi : reconnaître l’accent comme un critère de discrimination

III. la position de la commission des lois

Commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er (art. 225-1 du code pénal) Interdiction des discriminations fondées sur l’accent  dans le code pénal

1. L’état du droit

a. L’élargissement progressif du nombre de critères

b. Les exceptions au principe de non-discrimination

c. Des sanctions différentes selon la nature de l’atteinte

d. Des infractions difficiles à démontrer malgré un régime de la preuve assoupli

2. Le dispositif proposé

3. La position de la Commission

Article 2 (art. L. 1132-1 du code du travail) Interdiction des discriminations fondées sur l’accent  dans le code du travail

1. L’état du droit

a. Une application adaptée aux relations de travail

b. Un nombre limité d’exceptions fixées dans la loi

c. Un régime juridique visant à faciliter la détection, la poursuite et la sanction des comportements discriminatoires

2. Le dispositif proposé

3. La position de la Commission

Article 3 (art. 6 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) Interdiction des discriminations fondées sur l’accent  dans la fonction publique

1. L’état du droit

2. Le dispositif adopté par la Commission

Compte rendu des débats

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

Le groupe Agir ensemble a fait le choix d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le jeudi 26 novembre, journée réservée à ses initiatives conformément au cinquième alinéa de l’article 48 de la Constitution, une proposition de loi visant à promouvoir la France des accents. À sa demande, la Conférence des Présidents a décidé que son examen s’opérerait selon la procédure d’examen simplifiée ([1]).

Cette proposition de loi entend valoriser la diversité de la langue française en prohibant les discriminations sur le fondement de l’accent. L’accent est une manière de prononcer une langue qui est corrélée à une origine locale, générationnelle ou sociale et qui se distingue de la prononciation considérée comme normale ou dominante.

Dans une étude récente ([2]), la moitié des personnes interrogées estimait s’exprimer avec un accent. 27 % d’entre elles déclaraient faire face « souvent » ou « de temps en temps » à des moqueries dans la vie quotidienne pour cette raison et 16 % affirmaient avoir déjà été l’objet de discriminations au cours de leurs études ou de leur vie professionnelle. Pourtant, ces discriminations, parfois ouvertement assumées, ne font l’objet d’aucune reconnaissance car, pour illégitimes qu’elles soient, elles ne sont pas condamnées par la loi.

Cette situation est inacceptable. Elle est contraire aux valeurs de la République et aux fondements de notre démocratie.

Il s’agit d’abord d’une question de liberté : celle de prononcer le français en exprimant ses origines sociales ou locales sans être traité différemment, moqué ou méprisé. Gommer son accent ou demander à ses enfants de le faire pour ne pas compromettre ses chances de réussir ses études, d’accéder à un emploi ou de trouver un logement provoque des souffrances psychologiques sous-estimées et portera, à terme, atteinte à la richesse et à la diversité de la langue française.

Il s’agit également d’une question d’égalité. Les discriminations liées à l’accent écartent injustement ceux qui en sont porteurs de nombreuses opportunités, en particulier dans leur formation et leur vie professionnelle. Dès lors que la grammaire et la syntaxe sont justes, rien ne justifie que l’accent devienne un outil de sélection et de domination, en particulier dans les domaines où la parole est valorisée.

La parole des personnes s’exprimant avec un accent est souvent disqualifiée en raison des préjugés qui y sont attachés. Ces discriminations rompent notamment l’égalité d’accès à la parole publique. Combien sont-ils, sur les plateaux de télévision, sur les écrans de cinéma, dans les théâtres ou dans le monde des affaires à parler avec un accent ? Ils sont rares et souvent cantonnés à des rôles stéréotypés.

Il s’agit, enfin, d’une question de fraternité : les discriminations fondées sur l’accent menacent notre cohésion nationale. Il n’en va pas seulement de l’accès à l’expression publique, mais aussi de l’identification de tous les citoyens à celle-ci. Près de trente millions de français s’expriment avec un accent dans notre pays et l’uniformité de la manière de s’exprimer au niveau national nourrit un sentiment d’exclusion et menace la richesse de notre patrimoine linguistique. En retour, cela alimente la méfiance de certaines régions à l’égard du pouvoir central et une incompréhension eu égard aux nombreuses mesures prises en faveur d’autres minorités dont la légitimité n’est pourtant plus à démontrer.

Il est donc indispensable de recourir à des dispositions légales contraignantes, comme cela a été fait pour toutes les autres formes de discriminations, dans la perspective d’amorcer une évolution des mentalités sur la question.

C’est l’occasion pour l’Assemblée nationale, où tous les accents du français résonnent fièrement au cours de nos débats, de reconnaître cette discrimination qui présente un enjeu symbolique important dans une période où l’unité nationale est plus que jamais nécessaire.

 

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*     *


I.   Les accents en France : entre diversitÉ et préjugÉs

A.   Qu’est-ce qu’avoir un (bon) accent ?

Pour Philippe Blanchet, sociolinguiste et auteur de nombreux ouvrages à ce sujet, « l’accent est une manière de prononcer une langue qui est corrélée à une origine locale, générationnelle ou sociale et qui se distingue de la prononciation normale ou dominante ». Il n’y a donc pas de prononciation sans accent mais il existe un accent dominant, souvent assimilé à celui de la bourgeoisie parisienne. Miguel Zamacoïs, dans son poème L’Accent, rappelait ainsi que : « Tout dépendant de la façon de voir / Ne pas avoir l’accent, pour nous, c’est en avoir » ([3]).

En France, selon une étude récente, un français sur deux considèrerait qu’il s’exprime avec un accent régional, soit environ 30 millions de personnes ([4]). 21 % estiment même que leur accent est marqué.

L’accent ne doit pas être confondu avec un défaut de prononciation ou de maîtrise de la langue (manque de vocabulaire, fautes de grammaire, etc.) qui peut, sous certaines conditions, être un critère de distinction légitime, par exemple pour accéder à un emploi. L’argument de la difficulté de compréhension est parfois avancé pour justifier les discriminations à l’accent. Pourtant, il est très rare qu’une personne maitrisant parfaitement la langue française ne soit pas compréhensible.

Entendu par votre Rapporteur, l’avocat Bertrand Périer, spécialiste de l’art oratoire et auteur en 2017 d’un ouvrage intitulé La parole est un sport de combat, a rappelé que « parler, c’est dire sa culture avant de transmettre un message. Le verbe “ s’exprimer  traduit d’ailleurs la manière dont la parole rend audible la personnalité de son interlocuteur ». L’accent n’est donc pas seulement une façon de parler mais aussi la traduction d’une culture, d’un héritage, d’une origine sociale ou géographique. Y sont souvent associés des expressions ou des mots propres à une région qui font la diversité et la richesse de la langue française mais qui, aux yeux de certains, contestent son unité. L’accent constitue donc un enjeu intrinsèquement politique.

L’accent est le produit d’un rapport de force et d’une histoire. L’accent français dominant n’a pas toujours été le même. Avant la Révolution française, c’était la prononciation de l’aristocratie et de la noblesse qui dominait : les « r » étaient roulés et le mot « roi » se prononçait comme s’il s’écrivait « roué ». Après 1789 se produisit eu une rupture avec cet accent qui est devint synonyme de vulgarité car il a longtemps été conservé dans certaines régions rurales. La période de la Terreur et la tradition centralisatrice de la France ont encouragé le rejet des accents minoritaires, au même titre que celui des langues régionales ([5]).

L’accent reflète un rapport de domination sociale et culturelle. Comme l’écrit Philippe Blanchet : « Le français artificiellement standardisé des dominants est exigé pour avoir accès au capital symbolique (linguistique, culturel, éducatif, politique et donc souvent aussi économique) et aux droits. Les locuteurs d’autres variétés linguistiques en sont exclus, sauf à renoncer à leurs propres identités linguistiques et à se soumettre » ([6]). L’accent devient un critère de distinction, au sens que donne Pierre Bourdieu à ce concept, c’est-à-dire qu’il s’intègre dans une hiérarchie de pratiques culturelles permettant aux individus de s’intégrer à une classe en se distinguant d’autres classes. Selon Pierre Bourdieu, « une classe est définie par son être-perçu autant que par son être, par sa consommation […] autant que par sa position dans les rapports de production » ([7]).

B.   Une prononciation porteuse de nombreux préjugÉs

Les accents sont également porteurs de préjugés qui ne sont pas sans lien avec les rapports de force qui s’exercent autour d’eux. L’accent peut être considéré comme un instrument d’hégémonie culturelle. Dans la pensée d’Antonio Gramsci, cela signifie qu’ils peuvent constituer l’un des moyens par lesquels des groupes dominants exercent, à leur avantage, une emprise sur les représentations culturelles de l’ensemble de la société.

On associe depuis longtemps aux langues et aux accents des caractéristiques politiques ou des caractères correspondant à la culture réelle ou supposée qui s’y rattache. En 1794, dans son Rapport du Comité de salut public sur les idiomes, Bertrand Barère écrivait : « Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l’émigration et la haine de la République parlent allemand ; la contre-révolution parle l’italien, et le fanatisme parle basque ».

Aujourd’hui, les préjugés accolés aux accents sont moins lourds de sens. Selon le contexte, ils sont perçus avec bienveillance, condescendance, méfiance ou mépris. Votre Rapporteur ne listera pas les clichés attachés à chaque accent dans nos représentations collectives. Le plus souvent, ils dévalorisent ceux qui le portent et les disqualifient pour aborder d’autres sujets que ceux auxquels leur accent est associé.

Ces préjugés sont véhiculés par la culture et les médias : il est rare d’entendre des accents au théâtre, au cinéma, à la radio ou à la télévision. Lorsque cela arrive, ce sont souvent des rôles stéréotypés. La journaliste Camille Langlade observe qu’il n’y a « qu’à regarder chaque jour les feuilletons quotidiens d’avant-soirée des trois premières chaînes pour s’en convaincre. De Sète à Marseille en passant par Montpellier, heureusement que le soleil et la mer sont là pour nous rappeler que l’action se déroule dans le Sud » ([8]).

Pour Philippe Blanchet : « Plus un film ou une série vise un certain sérieux, une forme de gravité, plus on en exclut les variétés du français qu’on abandonne à des formes plus populaires de divertissement » ([9]).

Ces préjugés conduisent à attendre une prononciation différente selon les statuts et les responsabilités. L’avocat Bertrand Périer constate qu’on « effectue souvent un parallèle entre le “ bien parler  et le “ bien gouverner  ». Jacques Derrida écrivait ainsi : « Je n’en suis pas fier, je n’en fais pas une doctrine, mais c’est ainsi : l’accent, quelque accent français que ce soit, et avant tout le fort accent méridional, me paraît incompatible avec la dignité intellectuelle d’une parole publique. (Inadmissible, n’est-ce pas ? Je l’avoue) Incompatible a fortiori avec la vocation d’une parole poétique : avoir entendu René Char, par exemple, lire lui-même ses aphorismes sentencieux avec un accent qui me parut à la fois comique et obscène, la trahison d’une vérité, cela n’a pas peu fait pour ruiner une admiration de jeunesse » ([10]).

Dès lors que ces représentations sont partagées, il devient plus difficile de prétendre à certains métiers à cause de son accent. Au cours d’une même audition, votre Rapporteur a ainsi pu entendre qu’il existait une « hiérarchie des accents », « qu’avec un accent, il faut faire de la presse écrite ou commenter le sport », « qu’une école de journaliste apprend à prononcer un français standardisé » ou encore « qu’avoir un accent ou décider de le gommer n’est qu’un choix ».

L’accent apparaît donc comme un outil de domination sociale et culturelle qu’illustrent les discriminations à l’encontre de ceux qui en sont porteurs. On pourra également constater que dans certaines régions, cette hiérarchie peut être différente : c’est alors l’accent local qui peut dominer la prononciation considérée comme normale au niveau national et nourrir d’autres discriminations en retour.

II.   La nÉcessaire reconnaissance des discriminations liÉes À l’accent

Une discrimination est une disparité de traitement fondée sur un critère reconnu comme illégitime ou illégal. Les discriminations liées à l’accent reposent sur un critère illégitime mais elles ne sont que partiellement illégales et donc faiblement reconnues comme telles. C’est cette incohérence que la présente proposition de loi propose de corriger.

A.   une rÉalitÉ démontrÉe

Philippe Blanchet constate qu’il existe des critères de discrimination qui sont éthiquement inacceptables mais qui ne sont pas juridiquement interdits. C’est le cas de la glottophobie et, plus particulièrement, des discriminations fondées sur l’accent.

La glottophobie implique qu’une personne « est rejetée non seulement parce qu’elle parle une langue au lieu d’une autre, autrement dit parce qu’elle ne parle pas la langue attendue, valorisée et considérée comme LA langue qu’il faut parler ; elle est rejetée parce qu’elle utilise, au sein d’une seule et même langue, une variété linguistique qui est considérée comme inférieure ou incorrecte (un accent, une manière de parler ou d’écrire, un certain vocabulaire, un certain registre) » ([11]).

La glottophobie regroupe donc l’ensemble des discriminations linguistiques dont celles fondées sur l’accent font partie. Parler d’une « phobie », c’est-à-dire d’une peur ou d’une haine, est excessif. Effectivement, on ne recense pas d’agressions physiques comme en provoquent l’homophobie et la xénophobie.

En revanche, les personnes portant un accent sont souvent victimes de moqueries et leur parole est parfois disqualifiée ou méprisée. Comme le chantait Fernandel dans la chanson Les Gens riaient : « Je ne sais pas pourquoi quand je parlais les gens riaient. Je ne sais pas pourquoi depuis toujours c’était comme ça. À l’école, déjà tout enfant, lorsque je répondais  Présent , toute la classe riait, riait et ces rires me rendaient triste. […] Un beau jour, j’en ai fait mon métier, un peu forcé, presque obligé. Le public riait, riait et je n’étais plus triste ».

Selon Philippe Blanchet, les discriminations à l’encontre des personnes portant un accent étaient pourtant plus faibles au cours de la première moitié du XXe siècle car la pratique du français était déjà un succès face aux langues régionales. On compte, au cours de cette période, davantage de responsables politiques nationaux, comme Vincent Auriol, ou d’intellectuels, comme Gaston Bachelard, qui portent un accent qu’aujourd’hui.

De nombreux ouvrages ou articles de presse ont retranscrit des témoignages de personnes ayant subies de telles discriminations dans leur vie étudiante ou professionnelle :

– « On me faisait comprendre qu’avec cet accent, je ne pouvais pas connaître mon métier [d’agent immobilier], et encore moins le marché parisien. Je suis fière de mon Sud et je m’étais dit que je ne laisserais jamais tomber mon accent pour des Parigots : c’est pourtant ce que j’ai fini par faire. » ;

 « On me l’a fait vite comprendre dès l’école de journalisme : hors de question de garder son accent. Cela distrairait trop l’oreille de l’auditeur. » ;

 « Toute la rédaction écoutait mon premier micro-trottoir et j’avais eu le malheur de laisser une de mes questions dans l’enregistrement… Ils ont tous éclaté de rire : “ Bah, dis donc, t’as un de ces accents de la banlieue ! ”. J’ai compris que ce domaine ne serait pas pour moi. » ([12]) ;

– « Certains comédiens finissent par renoncer [à leur accent]. C’est le cas de Julien Masdoua […]. À ses débuts, l’acteur natif de la région de Montpellier a rapidement dû gommer ses modulations occitanes pour réussir les castings. […]  En Angleterre ou en Espagne, il y a des coachs d’accent sur les tournages. Ce serait impensable ici.  Et l’interprète de conclure, amer : Là-bas l’accent est marqueur d’une identité, ici il est synonyme de handicap, de “blague”, de “côté terroir”, sans jamais être pris au sérieux. » ([13]) ;

– « Si un journaliste avec un accent à couper au couteau arrivait à la télévision, bah, non, je ne vais pas le prendre. Et je défendrai l’idée de ne pas le prendre parce qu’on ne comprend pas ce qu’il raconte » ([14]).

Dans l’emploi, cette discrimination concerne très fortement les métiers où l’expression est importante : enseignement, métier du contact ou de l’accueil, métiers de parole (journalisme, acteurs…). Bertrand Périer en conclut que « là où elle est valorisée, la parole est uniformisée ».

Des études quantitatives confirment ces impressions. Selon un sondage réalisé par l’Institut français d’opinion publique pour l’ouvrage de Jean‑Michel Apathie et Michel Feltin-Palas, J’ai un accent et alors ? :

– 27 % des personnes considérant porter un accent déclarent faire face « souvent » ou « de temps en temps » à des moqueries en raison de leur accent dans la vie quotidienne ;

– 16 % d’entre elles affirment avoir été l’objet de discriminations pendant leurs études ou leur vie professionnelle. Ce chiffre atteint 36 % chez les cadres.

Votre Rapporteur est conscient que ces statistiques doivent être considérées avec précaution, mais elles indiquent malgré tout que le critère de l’accent est l’un des seuls critères de discrimination d’ampleur n’étant pas reconnu dans la loi.

B.   Des consÉquences lourdes pour les individus et la sociÉtÉ

En premier lieu, ces discriminations font des accents une source d’inégalité injustifiée. Dès lors, les personnes porteuses d’un accent sont tentées de le gommer ou d’inciter leurs enfants à ne pas conserver un élément de personnalité qui risque de peser dans leur réussite. Sur le long terme, votre Rapporteur s’inquiète de leur disparition, qui serait une perte pour le patrimoine linguistique de la France, au profit d’une uniformisation de la manière de prononcer la langue française.

Il en va également du rayonnement culturel de la France : 300 millions de personnes parlent français dans le monde avec des prononciations différentes. Le rejet et la moquerie de ces accents risquent de dissuader certains de ses locuteurs.

Pour les personnes qui se forcent à perdre leur accent, il s’agit d’une atteinte à leur personnalité et à leurs origines. Bertrand Périer a constaté que « perdre son accent ou sa façon de parler peut devenir une obsession pour les jeunes de certains quartiers ». Lors de son audition, Michel Feltin-Palas a souligné que cela peut être « une source de souffrances psychologiques plus graves qu’on ne le croit ».

Dans le documentaire de Pierre Carles La sociologie est un sport de combat (2001), Pierre Bourdieu, qui avait gommé son accent béarnais pour intégrer l’École normale supérieure, revenait sur son rapport à l’accent : « Quand je descendais dans mon pays, quand j’arrivais à Dax, que j’entendais l’accent, ça me faisait horreur, ça me faisait physiquement horreur ». Il explique également que « quand on vient d’un petit milieu, d’un pays dominé, on a de la honte culturelle. Moi j’avais de la honte de mon accent qu’il fallait corriger ».

Pour ceux qui conservent leur accent, ces discriminations ont de graves conséquences, qui se répercutent sur la société toute entière. La dévalorisation, les pertes d’opportunités et l’impossibilité de prétendre à certaines fonctions nourrissent un sentiment d’injustice qui fragmente la société.

Individuellement, les personnes concernées se sentent rejetées. Leur parole est disqualifiée avant même que leurs propos soient considérés. Pour Philippe Blanchet, cela pose une question démocratique : « empêcher une personne ou un groupe de s’exprimer à l’aide de ses propres moyens d’expression limite ou empêche totalement la participation à la vie démocratique » ([15]).

Ce discours dévalorisant provoque en retour des tensions à l’encontre des personnes s’exprimant avec l’accent dominant. Il nourrit également une concurrence malsaine entre les discriminations, les minorités audibles ne se sentant pas reconnues tandis que des efforts importants et légitimes sont engagés en faveur des minorités visibles.

Enfin, les difficultés d’accès des personnes porteuses d’un accent aux métiers de la parole et du pouvoir (journalistes, comédiens, responsables politiques, hauts fonctionnaires, dirigeants d’entreprise…) provoquent une perte d’identification des citoyens à l’égard des personnes qui les représentent et qui s’adressent à eux. Cela alimente la défiance envers le pouvoir central et les élites dans une période où l’unité est requise. Aux yeux de votre Rapporteur, l’intensité de la crise dite des « Gilets jaunes » dans le sud de la France en est l’illustration.

Pour toutes ces raisons, les discriminations fondées sur l’accent doivent être reconnues, devenir illégales et être condamnées.

C.   une proposition de loi visant À renforcer la lutte contre les discriminations en france

1.   Les critères de discrimination en Europe et en France

Les critères de discrimination reconnus dans les pays démocratiques varient autour d’un socle commun fixé par les principaux textes internationaux : origine, race, convictions politiques et religieuses, sexe ou genre, orientation sexuelle, âge, handicap. Chaque pays a pu ensuite reconnaître des critères plus précis ou supplémentaires. Ainsi, lors de son audition par votre Rapporteur le 26 février 2020, le Défenseur des droits a indiqué que les pays de l’Union européenne reconnaissent en moyenne dix critères : « c’est davantage qu’en Allemagne où seulement six critères ont été retenus mais très loin de la France qui reconnait désormais vingt-cinq critères entre le code du travail et le code pénal ([16]), trente-et-un en incluant le code de la santé publique et le code de l’éducation ».

La reconnaissance de ces nombreux critères permet un suivi précis de la nature des discriminations dénoncées. Selon les statistiques du Défenseur des droits, le handicap, l’origine, l’état de santé, la nationalité et l’âge sont les principaux critères mentionnés dans les saisines dont il fait l’objet.

Répartition des saisines du Défenseur des droits
selon le critère de discrimination

Handicap

22,7 %

Origine

14,5 %

État de santé

10,3 %

Nationalité

9,9 %

Âge

5,7 %

Activités syndicales

5,5 %

Sexe

5,4 %

Situation de famille

4,1 %

Grossesse

3,2 %

Convictions religieuses

2,6 %

Orientation sexuelle

1,9 %

Identité de genre

1,7 %

Opinion politique

0,9 %

Autres

11,6 %

Source : Rapport annuel 2019 du Défenseur des droits

On distingue généralement les discriminations directes et les discriminations indirectes, qui sont toutefois sanctionnées de la même manière.

Une discrimination directe est une mesure prise sur le fondement d’un critère prohibé par les règles de non-discrimination. Il s’agit par exemple d’une annonce pour un emploi précisant le genre de la personne recherchée.

Une discrimination indirecte est une mesure qui parait initialement neutre mais qui produit en réalité des effets tendant à rompre l’égalité sur un des critères prohibés sans répondre à un but légitime. Par exemple, l’employeur qui rémunère mieux une tâche (la réparation) qu’une autre (la vente) est susceptible de commettre une discrimination indirecte si l’essentiel des personnes occupées à la réparation sont des hommes et que l’essentiel des personnes occupées à la vente sont des femmes.

Le droit de la lutte contre les discriminations a évolué pour favoriser la détection et la sanction des comportements discriminatoires en autorisant les actions de groupe en la matière ([17]) et les CV anonymes ([18]), en permettant les démarches ayant pour objectif de tester les comportements discriminatoires ([19]) et en renversant partiellement la charge de la preuve ([20]).

Néanmoins, le nombre de condamnations pour des faits de discrimination, en application du code pénal ou du code du travail, reste très faible.

Nombre de condamnations pour discrimination

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

9

7

14

1

10

4

1

Source : Direction des affaires criminelles et des grâces

2.   Une reconnaissance imparfaite de l’accent parmi les critères des discriminations liées à la langue ou à l’origine

Les discriminations liées à l’accent pourraient être considérées comme illégales au regard du droit international et du droit européen qui prohibent les discriminations linguistiques, sans faire référence explicitement à la diversité des prononciations d’une même langue :

– le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, à son article 26, prévoit que : « La loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment [...] de langue [...] » ;

– la Convention internationale des droits de l’Enfant de 1989, à son article 2§1, stipule que : « Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération [...] de langue [...] » ;

– la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, à son article 14, énonce que : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur [...] la langue [...] » ;

– la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne, à son article 21§1, dispose que : « Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur [...] la langue [...] ».

Le Conseil constitutionnel a également admis que la diversité linguistique était un élément constitutif de la liberté d’expression : « la liberté de communication et d’expression proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen […] implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée ; que la langue française évolue, comme toute langue vivante, en intégrant dans le vocabulaire usuel des termes de diverses sources, qu’il s’agisse d’expressions issues de langues régionales, de vocables dits populaires, ou de mots étrangers » ([21]). Là encore, il n’est fait aucune référence à l’accent bien qu’il soulève des difficultés moins importantes que les langues régionales.

Enfin, les discriminations fondées sur l’accent ne sont que partiellement appréhendées par le critère de l’origine et celui de la capacité de parler une langue autre que le français. La direction générale du travail a d’ailleurs indiqué qu’elle ne recensait aucune procédure relative à une discrimination fondée sur l’accent alors que celles-ci sont régulièrement dénoncées et parfois ouvertement assumées par des recruteurs dès lors qu’elle n’est pas explicitement interdite. Pour Michel Feltin-Palas, « il s’agit d’une discrimination qui n’est pas la plus grave mais qui est récurrente et surtout qui n’est pas reconnue comme telle ».

3.   L’objet de la proposition de loi : reconnaître l’accent comme un critère de discrimination

Pour Philippe Blanchet la lutte contre la glottophobie doit se décliner à trois niveaux : « Un niveau macro : des actions globales portant sur l’ensemble de la société […] ; un niveau intermédiaire : des actions éducatives à tous niveaux […] ; un niveau micro : des actions de terrain au quotidien de chacun d’entre nous pour transformer nos représentations […] » ([22]).

C’est à ce premier niveau que votre Rapporteur souhaite intervenir pour participer à un changement des mentalités. Car même si rien n’empêche le juge de reconnaître des discriminations liées à l’accent, l’absence de ce critère dans la loi les rend secondaires en comparaison avec les critères reconnus.

Votre Rapporteur entend la critique consistant à craindre que la multiplication des critères ne nuise à la bonne identification des discriminations et complexifie l’office du juge. Néanmoins, ce n’est qu’en mettant un nom sur ces discriminations que les personnes (victimes comme auteurs) prendront conscience qu’ils subissent ou exercent des comportements discriminatoires. En outre, au regard du nombre de critères existants, dont certains ne concernent qu’un très faible nombre de situations, reconnaître les discriminations liées à l’accent, qui peuvent potentiellement concerner près de la moitié de la population, semble cohérent.

Comme l’a indiqué M. Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, le 26 février 2020 : « dans la lutte contre les discriminations, on a complété l’égalité devant la loi avec l’égalité par la loi ». Le législateur y a donc toute sa responsabilité.

Enfin, l’affirmation de ce critère permettra l’élaboration de statistiques officielles sur le sujet, qui n’existent pas actuellement en l’absence de reconnaissance légale.

L’article premier introduit donc l’accent comme critère de discrimination dans la liste dressée à l’article 225‑1 du code pénal. L’article 2 modifie l’article L. 1132‑1 du code du travail pour y intégrer l’accent comme critère de discrimination dans l’accès à l’emploi.

III.   la position de la commission des lois

La commission des Lois a adopté les articles 1er et 2 sans modification.

Elle a adopté un amendement de M. Vincent Bru créant un article additionnel qui interdit les discriminations fondées sur l’accent dans la fonction publique. En effet, si l’article 1er de la proposition de loi permet l’engagement de poursuites pénales en cas de discrimination, y compris dans la fonction publique, ni lui ni l’article 2 ne permettent de sanctionner disciplinairement les auteurs de mesures discriminatoires à l’encontre des fonctionnaires.

Le nouvel article 3 modifie donc l’article 6 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pour y introduire l’accent parmi les critères de discrimination.

La Commission a également adopté un amendement de votre Rapporteur modifiant le titre de la proposition de loi afin de le rendre davantage conforme à son contenu. Déposée sous le titre : « proposition de loi visant à promouvoir la France des accents », elle est désormais intitulée : « proposition de loi visant à promouvoir la France des accents et à lutter contre les discriminations par l’accent ».

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*     *


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   Commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er
(art. 225-1 du code pénal)
Interdiction des discriminations fondées sur l’accent
dans le code pénal

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ajoute l’accent à la liste des critères de distinction qui constituent une discrimination au sens du code pénal.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article unique de la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale a reconnu « la particulière vulnérabilité résultant de [la] situation économique » comme un critère de discrimination.

L’article 86 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a remplacé le critère de discrimination de l’identité sexuelle par celui de l’identité de genre et a ajouté un nouveau critère : « la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ».

       Modifications apportées par la Commission

La Commission n’a apporté aucune modification à cette disposition.

1.   L’état du droit

a.   L’élargissement progressif du nombre de critères

L’article 225-1 du code pénal retient 22 critères de discriminations qui ont été ajoutés au gré de textes législatifs successifs :

– dans sa rédaction initiale, issue de la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes, l’article 225-1 reconnaissait les discriminations opérées entre les personnes physiques ou morales à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs mœurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;

– en 2001, l’article 1er de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations a reconnu les critères de l’apparence physique, du patronyme, de l’orientation sexuelle et de l’âge ;

– en 2002, l’article 4 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a reconnu le critère des caractéristiques génétiques ;

– en 2006, l’article 13 de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes a reconnu le critère de la grossesse ;

– en 2012, les articles 3 et 4 de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a reconnu le critère de l’identité sexuelle et a créé un article 225-1-1 interdisant les discriminations à l’encontre des personnes ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ;

– en 2014, l’article 15 de la loi               n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a reconnu le critère du lieu de résidence ;

– en 2016, trois nouveaux critères supplémentaires ont été inscrits : la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, l’identité de genre (en remplacement de l’identité sexuelle) et la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ([23]).

b.   Les exceptions au principe de non-discrimination

L’accès à certains emplois peut être soumis à des conditions ([24]) :

– en lien avec le physique (âge, état de santé, apparence, sexe) ou la nationalité – notamment lorsque cela résulte de l’application des dispositions statutaires relatives à la fonction publique. Ces critères sont autorisés dès lors qu’ils « constitue[nt] une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée » ;

– la fourniture d’un bien ou d’un service peut être refusée par une personne se trouvant en situation de danger manifeste ou pour protéger des victimes de violences à caractère sexuel ;

– les discriminations sur l’état de santé sont autorisées pour la prévention ou la couverture du risque décès ;

– enfin, les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination.

c.   Des sanctions différentes selon la nature de l’atteinte

Les discriminations sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles consistent à refuser l’accès à un bien, un service, un emploi ou un stage à une personne en raison d’un ou plusieurs de ces critères ou, à l’inverse, à conditionner l’accès à un service ou à un emploi à l’un de ces critères ([25]).

Lorsque cette discrimination est exercée par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, elle est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ([26]).

Il existe également des sanctions pénales spécifiques pour les provocations à la discrimination ainsi que les provocations à la haine, les injures et les diffamations à caractère discriminatoire et non publiques. Ces infractions sont des contraventions de la 5e classe et sont punies de 1 500 euros d’amendes (3 000 euros en cas de récidive) ([27]).

Lorsque ces mêmes infractions à caractère discriminatoire sont publiques, elles sont punies en application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ([28]) à hauteur d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Néanmoins, les infractions d’injures, de diffamations et de provocations à la haine ne seraient pas directement modifiées par le présent article puisqu’elles ont leurs propres critères, en nombre plus restreint : origine ou appartenance à une race, une ethnie, une nation ou une religion, sexe, orientation sexuelle, identité de genre et handicap.

d.   Des infractions difficiles à démontrer malgré un régime de la preuve assoupli

Les discriminations, souvent indirectes, sont difficiles à démontrer puisque leur auteur ne peut être condamné que s’il est prouvé une intention de discriminer.

La technique du « testing » visant à mettre en évidence des pratiques discriminatoires s’est longtemps heurtée à deux principes essentiels : l’interdiction de la provocation ou de l’incitation à commettre une infraction et le principe de loyauté de la preuve. La Cour de cassation a écarté ces obstacles en 2002 ([29]).

Afin de faciliter la poursuite pénale des discriminations, l’article 225-3-1 du code pénal prévoit donc depuis 2016 que les faits de discriminations sont constitués « même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire ».

De plus, sous l’effet du droit de l’Union européenne ([30]) et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ([31]), la charge de la preuve en matière de discrimination en entreprise a été partiellement renversée. La personne ne doit démontrer que l’apparence de la discrimination (« des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte »). Charge à la partie défenderesse de démontrer qu’elle n’a pas eu l’intention de discriminer.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article complète la liste des motifs de discrimination afin de reconnaître les discriminations fondées sur l’accent qui sont nombreuses et illégitimes.

En modifiant l’article 225-1 du code pénal, le dispositif proposé permettra de porter plainte à toute personne estimant qu’en raison de son accent, elle a subi une discrimination consistant à lui refuser la fourniture d’un bien ou d’un service, à entraver l’exercice normal de son activité économique, à refuser de l’embaucher, à la sanctionner ou à la licencier.

La reconnaissance de ce critère garantira un meilleur suivi statistique de ces discriminations par le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Justice, ainsi que par les autorités chargées de la lutte contre les discriminations comme le Défenseur des droits.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté le présent article sans modification.

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Article 2
(art. L. 1132-1 du code du travail)
Interdiction des discriminations fondées sur l’accent
dans le code du travail

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ajoute l’accent à la liste des critères de distinction qui constituent une discrimination dans la sphère professionnelle.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 190 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a étendu l’interdiction des discriminations aux actes de nominations.

L’article 86 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a prohibé les discriminations à l’encontre des personnes exerçant un mandat électif local.

L’article 15 de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires a étendu cette protection à l’ensemble des titulaires d’un mandat électif.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission n’a apporté aucune modification.

1.   L’état du droit

a.   Une application adaptée aux relations de travail

L’article L. 1132-1 du code du travail précise les critères de discrimination spécifiques aux relations de travail. Les critères sont les mêmes que ceux de l’article 225-1 du code pénal complétés par trois critères supplémentaires : l’activité mutualiste, l’exercice d’un mandat électif et la domiciliation bancaire.

L’article L. 1132-1 s’applique à l’ensemble des actes de gestion du personnel. Aucune des mesures suivantes ne peut être prise sur le fondement des différents critères de discrimination : recrutement, sanction, licenciement, niveau de rémunération, intéressement, distribution d’actions, formation, reclassement, affectation, qualification, classification, promotion professionnelle, mutation et renouvellement de contrat de travail.

Le code du travail interdit également les mesures discriminatoires à l’encontre des personnes ayant exercé normalement leur droit de grève, celles ayant eu des fonctions de juré ou de citoyen assesseur, celles ayant dénoncé des faits de discrimination ou constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou encore à l’encontre des lanceurs d’alerte ([32]). Enfin des dispositions spécifiques protègent les salariés victimes de discriminations pour avoir subi ou dénoncé des faits de harcèlement moral ou sexuel ([33]).

b.   Un nombre limité d’exceptions fixées dans la loi

Plusieurs exceptions sont reconnues explicitement dans la loi pour répondre à des exigences particulières, protéger la santé des salariés et favoriser l’égalité de traitement ([34]) :

– les « différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée » ;

– les mesures prises en faveur des personnes en situation de handicap, résidant dans certaines zones géographiques ou vulnérables économiquement ;

– les distinctions opérées sur l’âge (fixation d’un âge maximal ou interdiction d’accès à l’emploi pour certaines catégories d’âge), notamment lorsqu’elles sont justifiées par le souci de protection des salariés ;

– les différences de traitement fondées sur l’inaptitude physique reconnue par le médecin du travail.

c.   Un régime juridique visant à faciliter la détection, la poursuite et la sanction des comportements discriminatoires

Le contentieux en matière de discrimination au travail présente certaines spécificités. Pour limiter le nombre de faits de discrimination et faciliter leur détection, le législateur a introduit des dispositions particulières : l’autorisation du CV anonyme ([35]) et des campagnes de « testing » ([36]).

Il a également transcrit le régime de la preuve prévu par le droit européen ([37]). L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit désormais la procédure suivante : « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte […], il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Afin d’éviter que des victimes de discrimination refusent de porter plainte, l’article L. 1134-2 du code du travail prévoit que toute organisation syndicale représentative, toute association de lutte contre les discriminations régulièrement constituée depuis cinq ans, ainsi que le Défenseur des droits peuvent exercer une action en justice au nom du salarié concerné, sauf si celui-ci s’y oppose. Depuis 2016, les actions de groupe en la matière sont également possibles ([38]).

Les sanctions encourues sont diverses. En premier lieu, l’article L. 1132-2 du code du travail dispose que : « Toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre [relatif au principe de non-discrimination] est nul ».

Son auteur peut faire l’objet de sanctions disciplinaires et pénales. La plupart des faits de discrimination dans le travail peuvent en effet donner lieu à des poursuites sur le fondement des articles 225-1 et suivants du code pénal. Le code du travail n’établit une sanction pénale spécifique que pour les discriminations commises à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel (un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende) ([39]).

2.   Le dispositif proposé

Les faits de discrimination en raison de l’accent qui ont pu être observés dans différentes enquêtes et travaux de recherche s’opèrent principalement au recrutement ou à la promotion professionnelle, lorsque l’employeur estime que la prononciation de la langue française avec un accent est incompatible avec le poste concerné.

Pourtant, aucune exigence professionnelle ne peut justifier une discrimination à l’accent, dès lors qu’il ne s’apparente pas à un défaut de maîtrise de la langue ou ne conduit pas à une mauvaise compréhension de la personne porteuse de cet accent.

L’inscription de ce nouveau critère devrait permettre de sanctionner les employeurs opérant une discrimination fondée sur l’accent et de faire prendre conscience que cette discrimination est grave dès lors qu’elle écarte des personnes d’un emploi pour ce qu’elles sont. Cette prise de conscience, tant du côté des employeurs, que des personnes discriminées, est importante pour faire évoluer les mentalités.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté le présent article sans modification.

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Article 3
(art. 6 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)
Interdiction des discriminations fondées sur l’accent
dans la fonction publique

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par un amendement de M. Vincent Bru, ajoute l’accent à la liste des critères de discrimination reconnus dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 81 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a introduit le critère de la situation de grossesse.

L’article 207 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a remplacé le critère de l’identité sexuelle par celui de l’identité de genre.

1.   L’état du droit

L’exigence de non-discrimination occupe une place particulière dans le statut de la fonction publique. Il s’agit d’un principe reconnu à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : « Tous les citoyens […] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

L’article 6 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit donc qu’« aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ».

La nationalité française est, en revanche, une condition requise, sous réserve de certaines exceptions, pour être fonctionnaire ([40]).

Cette interdiction s’applique aux mesures de recrutement, de titularisation, de rémunération, de formation, d’évaluation, de notation, de discipline, de promotion, d’affectation et de mutation.

Elle protège les personnes ayant subi ces discriminations mais aussi celles qui auraient refusé de subir ou qui auraient témoigné de tels agissements, notamment en effectuant un recours hiérarchique ou en justice.

Les mêmes protections s’appliquent aux victimes de comportements sexistes, d’harcèlement moral ou sexuel ainsi qu’aux lanceurs d’alertes ([41]).

Les mesures prises sur le fondement d’un ou plusieurs des critères précédemment mentionnés sont nulles et leur auteur peut être sanctionné disciplinairement.

La loi reconnait des exceptions permettant de tenir compte de l’inaptitude physique et de fixer des conditions d’âge dès lors qu’elles répondent à des exigences professionnelles. Elle permet également les mesures « prises afin de concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes » ([42]).

2.   Le dispositif adopté par la Commission

Le nouvel article 3 est issu de l’adoption, par la Commission, après avis favorable de votre rapporteur, d’un amendement de M. Vincent Bru qui reconnaît le critère de discrimination de l’accent dans le statut de la fonction publique. En effet, si les sanctions pénales peuvent s’appliquer au cas des discriminations dans la fonction publique, en vertu de l’article 1er de la présente proposition de loi, la possibilité de prononcer des sanctions disciplinaires n’est pas garantie par l’article 2 qui ne couvre que les relations de travail régies par le code du travail.

Or, la fonction publique n’est pas épargnée par ces discriminations. Plusieurs témoignages recueillis par votre rapporteur font état de discriminations au cours d’oraux de concours, notamment pour les métiers de l’enseignement.

Le nouvel article permet de garantir la nullité de toute mesure discriminatoire fondée sur l’accent concernant le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation. Il permettra également de prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre de leurs auteurs.

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 18 novembre 2020, la Commission examine la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents (n° 2473) (M. Christophe Euzet, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9893839_5fb4d9a607ea3.commission-des-lois--ameliorer-l-efficacite-de-la-justice-de-proximite-et-de-la-reponse-penale-n%EF%BF%BD--18-novembre-2020

M. Christophe Euzet, rapporteur. Je commencerai par remercier la présidente de la Commission, qui a tout de suite manifesté de l’intérêt à l’égard de ma proposition de loi, déposée il y a un an et demi. J’aimerais également exprimer ma gratitude au groupe Agir ensemble et à son président, Olivier Becht. Tous sont convenus de l’intérêt du texte. Je remercie les orateurs des groupes qui ont participé aux auditions, notamment Jean-Pierre Pont, Vincent Bru et Paul Molac, ainsi que les personnes que nous avons entendues. Enfin, je remercie les groupes d’avoir accepté le recours à la procédure d’examen simplifiée.

Le texte a pour objet la promotion de la France des accents, par la modification de deux articles de loi, l’un du code pénal, l’autre du code du travail. Certes, nous pourrions débattre de l’opportunité du calendrier, et faire semblant de nous interroger à ce sujet. Toutefois, même si nous sommes très occupés par l’examen d’une multitude de textes, notre règlement réserve des niches parlementaires aux groupes minoritaires et d’opposition. Que nous soyons en mesure de débattre d’autre chose que des grands sujets qui nous préoccupent me semble être un signe de bonne santé démocratique.

En outre, la présente proposition de loi est loin d’être un gadget. Je connais le problème depuis longtemps. Elle fait écho à mon expérience de député, ayant eu le plaisir de constater, en siégeant à l’Assemblée nationale, que le Français se décline dans de multiples consonances.

De quoi parlons-nous ? De discrimination. Ce traitement inégalitaire, sur la base d’un critère considéré comme arbitraire, est contraire aux valeurs de la République, notamment l’égalité et la liberté. Dans de nombreux domaines, nous luttons précisément contre les discriminations, de façon tout à fait légitime. Que signifie une discrimination par l’accent ? Elle consiste à accorder un traitement différencié à quelqu’un qui a la même maîtrise grammaticale, lexicale et syntaxique de la langue que les autres, mais qui la prononce avec des intonations différentes. Elle consiste à le railler, à le moquer, voire à le discriminer notamment au cours de la vie professionnelle ou des études.

Avant de poursuivre, j’aimerais formuler deux précisions. Tout d’abord, le texte ne porte pas sur les langues régionales. Cette préoccupation légitime, dont nous avons eu l’occasion de débattre et dont nous débattrons à nouveau, ne m’occupe pas ici. Ensuite, le texte vise à promouvoir tous les accents, toutes les intonations que l’on peut entendre dans notre pays : accent du Sud, accent de l’Ouest, accent de l’Est, accent du Nord, accent des îles – je crains d’en oublier. Chacun comprendra que je place à part l’accent du Sud, qui m’habite. J’ai d’ailleurs une pensée émue pour mes défunts grands-parents, originaires de Sète, du côté paternel, et de Perpignan, de Catalogne, du côté maternel. En dépit de leur accent méditerranéen très prononcé, ils avaient la France chevillée au corps, et même cousue au cœur, comme le ruban de Manon des Sources à la poitrine d’Ugolin.

De telles discriminations, dans un pays qui s’honore de lutter contre les discriminations sous toutes leurs formes, passent inaperçues. Dans la sphère d’expression publique, dans les métiers exigeant une prise de parole publique, il existe une centralisation très nette de la prononciation de notre langue. Animateur de télévision ou de radio, présentateur, comédien, haut fonctionnaire, responsable politique, avocat, intellectuel : tout ce qui a trait, de près ou de loin, à la culture, à l’esprit, au savoir et au pouvoir est complètement uniformisé en matière de prononciation de la langue.

Questionnement : que se passe-t-il ? Les gens porteurs d’un accent seraient-ils moins doués que les autres ? Intériorisent-ils leur accent au point de s’interdire d’embrasser certaines carrières ? Sont-ils discriminés sur la base de leur accent ? Pratiquent-ils la dissimulation en perdant leur accent pour accéder aux postes que j’évoquais à l’instant ? Nous disposons de données chiffrées pour évaluer le phénomène. Un Français sur deux a un accent. Environ un Français sur quatre s’est déjà senti raillé pour son accent. Et 16 % des Français disent avoir été discriminés dans leur emploi ou dans leur carrière parce qu’ils prononcent le français avec des intonations un peu dissonantes ; ce chiffre atteint 36 % parmi les cadres, ce qui me semble édifiant. Cette discrimination est assumée par ceux qui la pratiquent. Ils n’ont pas le sentiment de commettre un acte illégitime, ni illégal. Le phénomène est massif, et pourtant il est ignoré. Il n’est pas aussi anodin qu’on pourrait le croire.

L’objectif de la présente proposition de loi est modeste. Il s’agit de provoquer un changement de mentalités, de faire évoluer les consciences sur une question de société. Ces discriminations quotidiennes ont des conséquences, qui sont souvent sous-évaluées. Elles sont d’abord d’ordre individuel. Elles font ressentir un certain mépris géographique et social, pouvant nourrir un sentiment de culpabilité, suggérant que l’on serait né dans la mauvaise région ou dans le mauvais milieu social, et un sentiment de dévalorisation plaçant certaines catégories de personnes en situation de honte par rapport à ce qu’elles sont. Finalement, on renonce, bon gré mal gré, à prétendre à certaines fonctions, ou on adopte l’attitude inverse, qui consiste à perdre son accent, à abandonner ce que l’on est, à perdre une part de son identité, mû par le sentiment qu’il faut se renier pour réussir. Il est rare, à ma connaissance, que les victimes d’une discrimination soient tenues de s’y adapter.

Les conséquences de cette discrimination sont aussi sociales – c’est là le motif essentiel du texte. Certaines sont à peine visibles : le pays se prive d’une part de ses richesses en ne puisant pas dans sa diversité, et d’une part de son rayonnement en raillant les Français, et plus généralement les francophones du monde entier, qui parlent français avec des consonances particulières, au lieu de s’en réjouir. D’autres sont bien visibles, notamment la difficulté d’identification à la parole publique qui peut en résulter. Certains de nos concitoyens ne se sentent plus représentés, car ils peinent à s’identifier à la sphère d’expression publique. La crise des « gilets jaunes » que nous avons traversée il y a un an et demi atteste, me semble-t-il, de la véracité de mon propos. Cet état de fait suscite des moqueries en retour, que l’on peut comprendre mais dont on ne peut se réjouir.

Les dispositions du texte sont simples. Il s’agit d’insérer l’accent dans la liste des motifs de discrimination interdits par la loi. L’objectif ultime est de provoquer une prise de conscience, selon une démarche similaire à celle adoptée contre les discriminations à l’égard des femmes, des homosexuels, des minorités visibles et des handicapés, en faisant reconnaître cette discrimination comme telle. Il s’agit de combler un vide juridique, de boucher un angle mort du droit, de dresser un feu rouge, qui permettra certes de sanctionner – tel n’est pas l’unique objet de cette proposition de loi, contrairement à ce que j’ai lu ça et là –, mais surtout de mettre un terme à certaines pratiques. Le texte permettra de faire du testing, d’assurer un suivi statistique et, le cas échéant, de sanctionner les comportements anormaux. Il constitue la première pierre d’un édifice dont la construction se poursuivra dans d’autres cadres, notamment le projet de loi sur l’audiovisuel, au moyen duquel il serait heureux, me semble-t-il, d’inviter les grands médias à recourir à la diversité des consonances de notre pays.

Enfin, ce texte vise également, de façon assez surprenante, à promouvoir le français. Au sein d’un pays donné, la langue se renouvelle par la pratique des cuisines, par les pratiques populaires. Elle tend à se régénérer par en bas. Si une élite autocentrée se coupe de ceux qui viennent d’en bas et nourrit le renouvellement de la langue à la mamelle des langues étrangères, nous vivrons dans un Français de plus en plus anglicisé, dont j’imagine que nous reparlerons « ASAP », comme on a pris l’habitude de le dire.

Je conclurai mon propos en empruntant à Schopenhauer, qui n’avait pas le français en partage, le constat que toute vérité franchit trois étapes : d’abord, elle est ridiculisée ; ensuite, elle subit une forte opposition ; puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. Je gage que nos débats nous ferons passer directement à la troisième étape !

M. Jean-Pierre Pont. Je salue l’excellente initiative des membres du groupe Agir ensemble, notamment de mon collègue et ami très cher – je n’ose dire « peuchère » – Christophe Euzet, rapporteur de la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents, en assurant leur défense contre toute discrimination.

À l’accent, on peut reconnaître un Belge ou un Suisse, et facilement distinguer un Anglais d’un Américain. On peut aussi distinguer immédiatement l’origine provinciale ou régionale d’un Français. L’accent, richesse de nos cultures et de leurs origines linguistiques, ne doit en aucun cas provoquer la moindre discrimination. Tel est l’objet de la proposition de loi présentée par le groupe Agir ensemble. Elle complète harmonieusement, à mes yeux, l’effort consenti de longue date contre les discriminations de toute nature, amplifié par le Président de la République. Le groupe La République en marche s’associe au groupe Agir ensemble dans cette démarche, en un consensus parfait.

Essayons, puisque l’occasion se présente, de nous évader de l’aspect purement législatif de nos débats pour les humaniser quelque peu. Natif de la région des Hauts-de-France, toute mon enfance s’est bâtie à l’écoute des accents picard et ch’ti. L’accent, comme les langues régionales, représente pour moi une richesse immense, une culture qu’il faut préserver. Le plus célèbre, le plus charmeur et souvent le plus utilisé dans les blagues, en France, est à coup sûr l’accent marseillais. Combien de soirées délicieuses n’avez-vous pas passé en compagnie des œuvres et des films du génial méridional Marcel Pagnol ? Rappelez-vous : Marius, César, Fanny ! Rappelez-vous, dans Jean de Florette ou Manon des Sources, Yves Montand et Daniel Auteuil s’appliquant avec réalisme à reproduire l’accent méridional, l’accent chantant, qui donne force et charme aux personnages ! Et n’oubliez pas Jean Giono, dont les œuvres ont notamment inspiré Angèle, La Femme du boulanger et Crésus, où joue Fernandel ! Je ne peux évoquer ici toute la diversité de nos accents, parmi lesquels l’accent créole, qui me procure toujours une forte émotion.

Les accents naviguent toujours de conserve avec la langue d’origine, et l’histoire en ajoute souvent de nouveaux. Tel est sans doute le cas, de nos jours, du parler très vivant de certains jeunes dans les banlieues de nos grandes villes. La présente proposition de loi vise à protéger de toute discrimination les accents pratiqués dans les territoires français. Depuis une vingtaine d’années, grâce à plusieurs lois dont je vous épargne les intitulés, le Parlement a ciblé toutes les formes de discrimination fondées notamment sur l’origine, la langue parlée, l’âge, le handicap, la religion et l’identité sexuelle, en matière d’accès à l’emploi et au logement, d’éducation et de fourniture de biens et de services, tels que l’obtention d’un crédit.

Pour en venir au détail du texte, il convient d’ajouter à la liste des discriminations dressée à l’article L. 225-1 du code pénal la discrimination par l’accent. De même, il est indispensable de compléter l’article L. 1132-1 du code du travail, en y intégrant l’accent comme critère de discrimination dans l’accès à l’emploi. Ainsi, mes chers collègues, si, dans votre sagesse, en faisant abstraction de toute considération politique, vous adoptez les deux articles de la proposition de loi, il sera désormais possible d’interdire, voire de sanctionner toute discrimination due à l’accent, et par là même de défendre les cultures régionales. Le groupe La République en Marche apporte son soutien total à cette proposition de loi du groupe Agir ensemble et à son rapporteur Christophe Euzet.

M. Arnaud Viala. Je partage – et je ne chercherai pas à le masquer – avec M. le rapporteur l’accent de la grande région Occitanie, tranché et chantant, que nous revendiquons. J’aimerais formuler plusieurs observations.

Premièrement, vous n’y êtes pour rien, monsieur le rapporteur, mais il me semble que les circonstances dans lesquelles s’inscrit l’examen de votre texte rendent sa compréhension particulièrement difficile pour nos concitoyens, dans une période où notre société est traversée par des difficultés d’une tout autre nature, et où des inquiétudes planent sur l’avenir sanitaire, économique et sécuritaire de notre pays. Hier soir encore, tandis que des débats primordiaux se tenaient dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, quantité de gens, devant ses portes, manifestaient probablement de l’opposition, mais aussi beaucoup de désarroi. Il me semble que cette coïncidence de dates rend le sujet secondaire, voire subalterne, à l’aune de l’actualité du pays.

Deuxièmement, étant linguiste de formation, ayant appris une langue seconde, l’anglais, pour l’enseigner à d’autres, je sais combien la question de la prononciation est importante. Certains pays, en matière d’enseignement de la langue, ont fait des choix distincts de ceux de la France. Pour m’en tenir à ce que je connais le mieux, lorsque j’apprenais l’anglais à l’université de Montpellier, on m’enseignait sa variante « RP » – Received Pronunciation –, qui est l’anglais des catégories socioprofessionnelles supérieures du sud du pays, dont la langue est standardisée. On ne nous enseignait pas du tout les nuances de prononciation, que l’on découvre en se rendant en Grande-Bretagne. En sillonnant le pays, on se rend compte que la maîtrise de l’anglais « RP » ne permet pas de comprendre ce que disent les gens de Birmingham ou les Écossais, ce qui est une véritable difficulté. Nulle part en France, à aucun moment, nous n’avons introduit l’enseignement des nuances de prononciation et de phonétique, ce qui est une excellente chose.

Cela m’amène à ma troisième observation. Il ne me semble pas judicieux – ce point de vue est largement partagé au sein du groupe Les Républicains – de légiférer à ce sujet. Il s’agit d’un patrimoine culturel immatériel de la France, appartenant à notre histoire et à la diversité de nos territoires. Ce n’est pas à la loi, mais à la sagesse individuelle et collective, ainsi qu’à l’éducation prodiguée aux enfants dans les familles et à notre façon d’entretenir cette diversité, qu’il incombe de le préserver. Je doute que la présente proposition de loi, si elle devait être votée, serait bénéfique pour sa préservation, bien au contraire : elle susciterait un débat qui n’a pas lieu d’être et attirerait exagérément l’attention sur un aspect de notre quotidien.

Nous avons un Premier ministre originaire d’Occitanie, qui s’exprime avec un accent assez tranché. J’observe que cela ne pose de problème à personne, même si certains s’en amusent parfois – on en rit comme on rira, pour un autre, de sa taille ou de sa couleur de cheveux, comme on rit de tout personnage public. Je ne vois pas en quoi la présente proposition de loi contribuera de quelque manière que ce soit à la préservation de cet acquis, qui est essentielle.

Je suis donc au regret, cher Christophe Euzet, de vous dire que, même si je continuerai, comme toujours, à ne pas masquer l’accent que nous avons en commun, ce qui serait la pire des choses, il ne me semble pas opportun d’introduire les dispositions proposées dans nos textes, qui sont trop souvent bavards. Le groupe Les Républicains votera contre la proposition de loi.

M. Vincent Bru. La proposition de loi visant à promouvoir la France des accents entend faire évoluer les mentalités en prohibant les discriminations sur le fondement de l’accent, qui sont une réalité ne datant pas d’hier. On les constate dans les médias nationaux, notamment dans la presse parlée, qui cantonne trop souvent les journalistes ayant un accent aux commentaires de matchs de rugby, aux émissions culinaires ou à la présentation de la météo. On les constate aussi dans le monde du spectacle et du cinéma, ainsi que dans le monde politique, dans les administrations et dans les entreprises privées. Plus généralement, elles ont cours dans les nombreux métiers nécessitant de s’exprimer en public.

Comme l’indique M. le rapporteur dans l’exposé des motifs, ces discriminations révèlent une culture de l’unicité linguistique bien ancrée dans les mentalités, qui compromet l’égalité des chances en matière d’études et d’emploi. Cette culture de l’uniformité de la façon de s’exprimer menace également notre cohésion sociale et nationale, en nourrissant un sentiment d’exclusion parmi les personnes porteuses d’un accent, notamment les plus modestes. Il est donc indispensable, dans un souci d’égalité des chances et de cohésion des territoires, de reconnaître et de protéger tous les accents, sans distinction d’origine.

Il y va également du rayonnement culturel de la France. Plus de 300 millions de personnes parlent le français dans le monde, avec des prononciations distinctes. Les accents sont incontestablement le reflet de la richesse de notre patrimoine linguistique et de sa vitalité, ainsi que de l’identité de la France. Notre groupe salue donc l’initiative à l’origine de ce texte ainsi que son auteur, Christophe Euzet. Il valorise la diversité de la prononciation de la langue française contre l’uniformité. Il y va non seulement de la reconnaissance de tous les accents, mais aussi et surtout de l’interdiction de la discrimination par l’accent.

L’égalité d’accès à l’emploi doit être garantie, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Or la modification du code du travail prévue dans la présente proposition de loi ne protège que les salariés du secteur privé, à l’exclusion des fonctionnaires. C’est pourquoi le groupe MoDem et Démocrates apparentés propose, à mon initiative, d’ajouter un article modifiant la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, afin d’étendre à la fonction publique la lutte contre les discriminations par l’accent. Plusieurs exemples nous ont été rapportés lors des auditions que vous avez menées, monsieur le rapporteur. L’article que nous proposons rétablit l’égalité de traitement entre les salariés et les fonctionnaires.

Par ailleurs, notre groupe met un point d’honneur à faire en sorte que la loi soit claire, et que les mots utilisés soient justes, afin de garantir son effectivité. Or il est clair que le texte vise à lutter contre les discriminations par l’accent. Nous avions déposé un amendement visant à en modifier le titre. Fort heureusement, nous sommes parvenus à un intitulé de compromis avec notre rapporteur. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés se déclare favorable à la proposition de loi.

Mme Cécile Untermaier. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre présentation. Elle illustre la réalité des accents, ainsi que l’intérêt qu’ils présentent. Je salue la qualité du rapport. Vous nous faites toucher du doigt une réalité. La discrimination en général est un phénomène massif, et celle fondée sur l’accent ne fait pas exception. Toutefois, c’est moins l’accent de l’Occitanie qui pose problème en la matière que celui des banlieues. De ce point de vue, il nous semble intéressant d’agir d’abord sur la dimension culturelle du problème, plutôt que sur sa dimension pénale.

Nous considérons que cette proposition de loi, qui vise à lutter contre les discriminations fondées sur l’accent, est loin d’être anecdotique. Elle prévoit d’inscrire ce motif de discrimination dans le code pénal et dans le code du travail, afin de lutter contre la glottophobie, qui consiste à rejeter des personnes au motif qu’elles parlent avec un accent. Le constat des discriminations dont elles sont victimes est établi sur des bases objectives, au premier rang desquelles la rareté des accents à la radio et à la télévision. Si la quantification du phénomène discriminatoire est délicate, son existence est indéniable. Dès lors, la question de savoir s’il est nécessaire d’inscrire un nouveau critère de discrimination interdit par la loi se pose. En effet, on peut considérer la glottophobie comme une discrimination fondée sur les origines, dans la mesure où l’on peut déduire l’origine d’un individu d’éléments extérieurs et perceptibles, tels que son accent.

L’inflation des critères de discrimination découle de la volonté du législateur de couvrir de façon explicite toutes ses formes. Ainsi, le code pénal et le code du travail interdisent toute discrimination fondée sur l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, la vulnérabilité économique, le patronyme, le lieu de résidence, l’état de santé, la perte d’autonomie, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, l’appartenance ou non à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. En cas d’infraction, le code pénal prévoit des peines de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Faut-il inclure l’accent dans cette liste ? La question nous semble sérieuse. Il n’en faudrait pas moins s’interroger sur les effets d’une telle mesure, et surtout sur l’application des dispositions pénales ainsi modifiées. D’ailleurs, vous hésitez entre le registre de la répression des discriminations et celui de la promotion des accents grâce à l’évolution des mentalités, monsieur le rapporteur, ce qui explique la modification du titre de la proposition de loi.

Chaque fois que le législateur est intervenu pour compléter la liste, déjà longue, des discriminations interdites, il a prévu une sanction, pour mieux faire avancer les mentalités d’une société ayant un penchant pavlovien à l’uniformité. L’inscription dans le code pénal et le code du travail d’un nouveau motif de discrimination ne doit pas occulter la dimension culturelle et éducative du sujet. Si les accents sont constitutifs de la richesse de notre langue, il incombe à l’éducation nationale et aux institutions culturelles d’en assurer la valorisation. Notre groupe votera le texte.

M. Dimitri Houbron. Sachez, chers collègues, que c’est avec beaucoup de plaisir que je m’exprime en ce lieu, au nom du groupe Agir ensemble, à l’occasion de l’examen de textes présentés dans le cadre de sa première niche parlementaire. Nous sommes réunis pour débattre d’un texte auquel je suis sensible, étant attaché, comme chacun ici, à la langue française et aux diverses façons de réciter sa mélodie, sur notre territoire et dans le monde. Je tiens à remercier M. le rapporteur de la qualité de ses travaux et de ses propos introductifs, qui ouvrent le débat sur un sujet bien plus sérieux et sensible qu’il n’y paraît, dès lors qu’il concerne plus de 30 millions de nos concitoyens. Député du Nord, très certainement déjà trahi par quelques-unes de mes intonations, je connais suffisamment les stéréotypes attachés à l’accent de ma région pour m’interdire de l’aborder avec légèreté.

Nombreux sont ceux qui rangent les accents dans la catégorie du folklore, à tort. Ce faisant, ils occultent la souffrance vécue par celles et ceux qui, en dépit de leur maîtrise de la langue commune, sont réduits à leur seule façon de la prononcer. Altérer l’identité d’une personne en fonction de son accent amène bien souvent à obstruer sa carrière professionnelle et son développement personnel.

L’accent devient alors une question de société, dont il est légitime que le législateur s’empare. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, qui vise à inclure l’accent parmi les motifs de discrimination réprimés par le code pénal et par le code du travail. Le groupe Agir ensemble a pris note des reproches formulés à l’encontre du texte, notamment ceux déplorant son caractère exclusivement répressif. Le titre du texte sera modifié en conséquence par un amendement du rapporteur. Par-delà la proposition de loi, nous souhaitons favoriser un changement des mentalités en matière de perception des accents. Il s’agit du premier jalon d’un processus qui n’aboutira, hélas, que dans le temps long.

M. Paul Molac. Monsieur le rapporteur, vous mettez le doigt sur un phénomène qui existe depuis fort longtemps, et dont on ne débat que très peu, car il constitue une forme de domination. Jadis, il fallait pratiquer la langue et l’accent du roi, puis ceux de la classe dominante, parisienne pour l’essentiel. À défaut, on était mis de côté. Ainsi, on considère volontiers que l’accent du sud est bon pour les galéjades, pas pour le droit. Je regrette : l’accent ne fait pas la compétence, ni la volonté d’avancer. Je suis parfois peiné d’entendre des Français se moquer des Québécois, qui font un travail énorme pour faire vivre la langue française au sein d’un continent nord-américain largement dominé par l’anglais, où le français est une langue minoritaire et minorisée. Nous devrions au contraire leur donner un coup de main. Je ne comprends pas cette attitude.

En la matière, il existe de véritables discriminations. Si, étudiant dans une école de journalisme, vous avez un accent quelconque, on vous dira qu’il est inutile d’essayer de faire de la radio ou de la télévision. « Faites de la presse écrite », voilà ce que disent les formateurs ! On en vient même à des situations caricaturales. Dans les années 1980, la BBC a fait une sorte de révolution culturelle, consistant à dire : « Il existe plusieurs accents, nous allons donc embaucher des journalistes aux accents différents ». Il en a été de même avec les couleurs de peau. En France, rien de tel n’a jamais été fait. Même les journalistes de couleur ont exactement l’accent standard, de sorte qu’on est presque plus discriminé selon l’accent que selon la couleur de peau, ce qui est assez étonnant.

Dans certains reportages, on voit même des gens qui parlent français avec un léger accent, et que l’on comprend très bien, dont on sous-titre les propos. Curieux ! Quant au journal de 20 heures, je ne le regarde plus, tellement il m’agace. Il s’agit, paraît-il, d’un journal national, mais il a pour décor la tour Eiffel et Paris ; je ne suis pas certain que la France soit limitée à Paris. Quant à la façon de traiter l’information, elle reflète la vision des Parisiens – comment ils voient le monde, comment ils nous voient. La façon dont sont traitées les régions est symptomatique de leur façon de voir. Un seul journaliste audiovisuel fait exception, Jean-Michel Apathie, qui parle avec son accent basque. Lorsque j’ai été élu à l’Assemblée nationale, en 2012, j’ai entendu parler français avec divers accents et je me suis dit : « L’Assemblée nationale, c’est vraiment la France ! ». Je le regrette, mais je n’en dirais pas autant de la télévision.

L’enjeu de la présente proposition de loi n’est-il pas de contribuer à ce que la France s’accepte elle-même ? Il s’agit de mettre un terme à la domination par l’accent, d’un côté, et au déni, prélude au reniement, de l’autre. Comme l’a rappelé Christophe Euzet, se plier à un standard et à un accent constitue une forme de reniement. Il me semble que nous sommes mûrs pour passer à autre chose, ce qui d’ailleurs nous fera du bien. Entendre des accents différents habitue l’oreille aux diverses façons de prononcer la langue, et par là aux langues étrangères, ce qui devrait nous aider à devenir polyglottes. Le monde de demain, me semble-t-il, ira dans cette direction. Je suis très favorable à la proposition de loi, qui n’a rien à voir avec les langues régionales, à ceci près que le mépris qu’elles suscitent est un peu le même. Je soutiendrai la proposition de loi, qui me semble aller dans le bon sens et nous permettra de nous accepter tels que nous sommes.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. J’ai cosigné la présente proposition de loi, car il m’a semblé intéressant d’ouvrir le débat. J’en avais déposé une autre, sur un sujet considéré comme léger : la protection du patrimoine sensoriel des campagnes. En effet, certaines personnes ne supportent pas les bruits et les odeurs de nos campagnes. Le Conseil d’État, sollicité, avait finalement considéré que la proposition de loi soulevait de vrais problèmes. Elle a été adoptée à l’unanimité.

J’ai pris bonne note des propos de Christophe Euzet sur la discrimination diffuse, ainsi que sur le ressenti et le sentiment de culpabilité pouvant résulter de la diversité des accents. Je ne sais pas si la présente proposition de loi permettra de valoriser le français, mais rien ne me semble s’opposer à l’inscription de l’accent parmi les critères de discrimination énumérés à l’article 225-1 du code pénal. Il incombera alors à la Défenseure des droits ou aux juridictions saisies d’apprécier le caractère discriminatoire des décisions. Le groupe UDI et Indépendants n’a pas de position arrêtée à ce sujet, chacun de ses membres restant libre de son vote. À titre personnel, je considère que ce débat est intéressant.

M. Stéphane Peu. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine accueille favorablement cette proposition de loi, même s’il relève un écart entre l’ambition portée par son titre et la réalité du texte qui vise surtout à faire de l’accent une discrimination supplémentaire.

Cette proposition de loi réduit l’accent aux accents régionaux. Or on pourrait également prendre en considération les différences de vocabulaire, les disparités générationnelles ou de classes sociales. Cela me fait toujours sourire quand on évoque l’accent parisien : il existe un parler de l’élite française mais pas un accent parisien ! Pour entendre un accent francilien, venez en banlieue. Les mots utilisés et la façon de les prononcer font largement autant l’objet de discriminations que certains accents régionaux. Le parler de la banlieue comporte non seulement un accent, mais il dit, en plus, quelque chose de la classe sociale, ce qui n’est pas le cas de l’accent du Midi. Il entraîne ainsi une double discrimination. Ce n’est pas facile pour des jeunes ayant grandi dans ces quartiers, ayant toujours échangé de la sorte et qui, après avoir pu suivre des études supérieures, se retrouvent bloqués dans leur parcours professionnel à cause de leur accent, alors qu’il n’enlève rien, bien sûr, à leur intelligence et à leurs capacités.

Une petite élite fait effectivement preuve de condescendance à l’égard des accents. L’arrivée aux responsabilités du Premier ministre en a illustré la caricature. On a ainsi entendu des journalistes, je pense notamment à Bruno Jeudy, dire que c’était la garantie d’une politique ancrée dans les terroirs. Or M. Castex est l’archétype de l’élite technocratique, bien éloignée des terroirs. Son accent ne dit rien de son ancrage territorial ni de sa proximité avec nos régions.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Il est maire d’une petite commune.

M. Stéphane Peu. Il faut se méfier des visions trop rapides. Enfin, je sais que ce n’est pas l’objet de la proposition de loi, mais il est gênant d’examiner un texte sur les accents, qui écarte la question des langues régionales ou d’outre-mer.

Ce qui crée une nouvelle ségrégation par le langage – et ce n’est pas faire insulte à la majorité que de dire qu’ils sont parfois très porteurs de cette tendance –, c’est le franglais, cette novlangue qui, au-delà des mots de langue anglaise, intègre surtout des termes du monde économique et de l’entreprise, et tente d’expliquer notre société par ce prisme. C’est, pour moi, un appauvrissement et j’invite tous ceux qui dérivent dans ce sens – ce ne sont pas seulement les députés du groupe de La République en Marche – à se refréner et à respecter le français, avec tous ses accents, de toutes les régions et de toutes les classes sociales.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Je remercie Jean-Pierre Pont et Dimitri Houbron pour leur position. Je salue les remarques de Paul Molac que je rejoins en grande partie – on ne peut que regretter cette centralisation excessive –, ainsi que les propos de Cécile Untermaier et la position de son groupe. Je m’associe à la préoccupation consistant à miser sur le rôle de l’éducation, encore faut-il qu’elle s’ouvre en la matière ! Je remercie également Pierre Morel-À-l’Huissier. Je constate finalement un assez large consensus.

J’ai pris acte des remarques adressées par le groupe du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés et son représentant Vincent Bru. Nous avons sans doute sous-estimé les répercussions sur la fonction publique, où les discriminations sont souvent manifestes. Le titre, en effet, ne correspond pas complètement à l’ambition et je suis prêt à en discuter de façon à l’harmoniser avec la réalité du dispositif prévu par la proposition de loi.

Je ne soupçonnerai pas Arnaud Viala de mauvaise foi. Il ne s’agit pas ici de faire le procès des journées réservées. Nous n’en maîtrisons pas les dates. L’occasion est donnée aujourd’hui au groupe Agir ensemble de soumettre sept textes, dont celui-ci qui était « dans les tuyaux » depuis un an et demi. Cette préoccupation s’inscrit parmi toutes celles que nous avons et que tout le monde connaît bien au sein de cette commission. Nous faisons œuvre utile, dans le sens d’une refondation du contrat social. Je répète ce que j’ai évoqué précédemment s’agissant des « gilets jaunes » : il y avait dans les départements du Sud dont je suis un élu, sur les bords de la Méditerranée, un mécontentement très fort à l’encontre d’un pouvoir considéré comme étant essentiellement parisien – c’est le cas depuis trente ans – et un rejet de cette parole publique. Il est indispensable d’adresser un signal fort.

Je terminerai par la question des discriminations positives. Étant juriste de droit public, je n’ai pas un a priori très favorable en la matière. Mais force est de constater que lorsqu’on intègre des discriminations dans le droit, on pose un interdit et que les mentalités changent. J’ai évolué moi-même : j’étais contre, j’y suis favorable.

Je constate d’ailleurs qu’Arnaud Viala a changé de position également, puisqu’il se prononce aujourd’hui contre la proposition de loi, alors qu’il en est cosignataire !

M. Stéphane Mazars. Il suffit que je prononce quelques mots pour que vous compreniez que ce sujet m’interpelle ! (Sourires.) Je remercie notre collègue Christophe Euzet de son initiative et le félicite pour la présentation de sa proposition de loi dans laquelle il a mis beaucoup d’allant. Sa faconde permet de mettre en évidence le décalage entre cet accent qui peut faire sourire et la profondeur du propos. Comme disait Jean-Jacques Rousseau : « L’accent est l’âme du discours, il lui donne le sentiment et la vérité ».

Sa proposition de loi a une vertu, celle de nous faire toucher du doigt la discrimination en raison de l’accent, cette réalité vécue par certains de nos concitoyens et décrite par plusieurs orateurs. Ce n’est pas intuitif chez moi. J’ai beaucoup plaidé en effet au nord de la Loire et chaque fois que j’arrivais dans un prétoire, avec mon accent, je ressentais plutôt un accueil favorable de la part des magistrats – cela ne veut pas dire que le dossier était gagné ! – mais je bénéficiais d’une attention toute particulière et j’avais l’impression de les sortir de leur morosité habituelle et d’y prendre un avantage ! J’ai pu avoir le sentiment d’être moqué, d’amuser, mais jamais d’avoir été discriminé.

S’agissant de l’interpellation d’Arnaud Viala, – avec qui je partage cet accent aveyronnais, méridional du Nord –, il y a en effet un décalage entre l’état de notre société et le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui. Sa remarque permet de rappeler à ceux qui s’intéressent à nos travaux ce qu’est une niche parlementaire et l’occasion qui est ainsi donnée au groupe Agir ensemble de soumettre une proposition de loi. Ce décalage correspond à la réalité de nos institutions et prouve, d’ailleurs, qu’elles continuent de fonctionner et de s’intéresser à tous les sujets.

Face à cette défiance envers la parole publique, il serait bon que nos concitoyens suivent un peu plus les travaux de l’Assemblée nationale : ils s’apercevraient que différents accents s’y côtoient et que chaque député apporte ce qui fait l’authenticité de ses origines.

M. Rémy Rebeyrotte. Ce texte, d’un profond humanisme, porte en fait sur la diversité, dont il importe de souligner la variété. Comme l’a souligné Stéphane Peu, ce qui rend le français vivant, c’est son évolution, sa créativité. Face aux anglicismes, nous avons intérêt à réinventer notre langue en permanence. Ce que fait la jeune artiste Aya Nakamura qui, par ses chansons, réinvente des expressions françaises et les porte au niveau international, est remarquable. Il faut en même temps permettre à la langue de se réinventer sans cesse et continuer à porter ses accents et sa diversité. Ces deux aspects sont tout aussi importants quand on évoque la richesse de notre langue. C’est en cela que ce texte est superbe.

Je terminerai avec ces mots de Gilbert Bécaud : « Et par-dessus tout ça, on vous donne en étrenne l’accent qui se promène et qui n’en finit pas ».

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci d’introduire un peu de poésie dans cette commission.

Mme Emmanuelle Ménard. Pardonnez-moi, je vais un peu refroidir l’ambiance ! Je suis, pour ma part, députée d’Occitanie, de Béziers, et je connais bien l’accent du Sud, que j’apprécie, mais je suis née à Lille : j’ai, si j’ose dire, deux accents qui font le grand écart entre le nord et le sud de la France.

Vous avez précisé dans votre introduction, monsieur le rapporteur, que l’agenda de cette proposition de loi n’était pas le point le plus important et qu’il dépendait du rythme des journées réservées. Je ne suis pas de cet avis. Non, le moment n’est pas le mieux choisi – même si vous n’en avez pas la maîtrise –, alors que nous sommes en urgence sanitaire et en urgence attentat. Cela me semble – et c’est un euphémisme ! – en décalage par rapport aux préoccupations des Français, à ce que vivent les commerçants, restaurateurs, gérants de bars, d’hôtels, de boîtes de nuit et j’en passe.

Par ailleurs, un aspect de votre propos m’a choquée. Non, on ne peut pas comparer les discriminations que subissent les homosexuels ou les handicapés à celles prétendument endurées du fait de son accent. On est à la limite de l’indécence.

Sur la méthode, vous posez la question sous l’angle de la discrimination et c’est dommage. Au lieu de promouvoir les accents, comme le suggère le titre de votre proposition de loi, vous voulez réprimer. Le procédé n’est pas le bienvenu. Nous aurions tout à gagner à promouvoir les accents, au lieu de réprimer en les inscrivant dans la longue liste des discriminations prévues dans notre code pénal.

Cela a été dit, notre Premier ministre a un accent. Je ne pense pas qu’il ait été discriminé pour cette raison. Certains des cosignataires de votre proposition de loi ont littéralement squatté les plateaux de télévision durant la crise des « gilets jaunes » ou de la réforme des retraites. Je n’ai pas eu l’impression qu’ils aient été discriminés du fait de leur accent. Certains des porte-paroles du groupe majoritaire – peut-être est-ce également le cas dans d’autres groupes – ont un accent. Sont-ils discriminés ? Je ne le crois pas.

Donc, oui, à la promotion de la France des accents, mais pas de cette façon, pas par le biais de l’interdiction et de la sanction, cela ne me paraît pas judicieux, pas plus que de légiférer sur cette question en ce moment car je ne crois pas que la loi apporterait quoi que ce soit en la matière.

En conclusion, je reviendrai sur un engagement de campagne du Président de la République – sous le nom duquel vous avez été élu, monsieur le rapporteur, même si vous avez changé de groupe depuis –, celui de lutter contre l’inflation législative. Pour reprendre ses propos lors d’un Congrès à Versailles, la loi est faite pour encadrer les transformations profondes, les débats essentiels et donner un cap. Je crois qu’il est grand temps de revenir à l’essentiel.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (art. 225-1 du code pénal) : Reconnaissance des discriminations fondées sur l’accent dans le code pénal

La Commission examine les amendements de suppression CL1 de Mme Emmanuelle Ménard et CL5 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Emmanuelle Ménard. Ils ont été défendus, je n’y reviens pas.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Vous connaissez mon avis. Je regrette que vous adoptiez cette position de principe, remettant en question l’utilité des journées réservées, qui sont pourtant une phase de respiration. C’est dommage de faire de la politique politicienne sur cette thématique.

Vous considérez que cela ne répond pas aux préoccupations des Français. Une partie de ma famille, qui se trouve à Béziers et à Valras, a pris cette proposition très au sérieux et la soutient. Dans les territoires, il y a des gens qui se sentent concernés.

Plus sérieusement, on peut nous reprocher de vouloir intégrer les accents dans la longue liste des discriminations existantes, en disant que cela en ferait une de trop. Je rappelle que le droit français prévoit la discrimination fondée sur le critère du lieu de résidence et de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français. Ces dispositions ne concernent pas les trente millions de personnes auxquelles je faisais référence précédemment.

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne vois pas ce que la politique politicienne vient faire ici et je ne crois pas avoir parlé de politique dans mes propos.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Ce n’est pas mon cas non plus !

Mme Emmanuelle Ménard. Vous m’expliquerez, il doit y avoir un malentendu ou un problème de langue entre nous... Je suis ravie d’apprendre que votre famille vous soutient, monsieur le rapporteur – heureusement pour vous ! Mais ce n’est pas parce qu’ils habitent à Béziers ou à Valras que cela change quoi que ce soit à mon propos. Quand je fais observer que là n’est pas la préoccupation immédiate des Français, je ne dis pas qu’ils ne sont pas sensibles à la question des accents ! Mais j’en connais peu qui se jugent discriminés. À Béziers et dans le Biterrois, nous sommes fiers de notre accent qui ne nous apparaît pas comme négatif, contrairement à l’esprit de votre proposition de loi qui victimise. Nous ne nous considérons pas comme des victimes.

M. Paul Molac. La question n’est pas de savoir si les gens se sentent victimes dans les territoires mais s’il existe des discriminations. Comme le soulignait M. Peu, il y a aussi des accents très différents à Paris. C’est donc bien un type d’accent qui est considéré comme représentant la norme. Les médias audiovisuels, par exemple, appliquent une véritable discrimination : personne, s’exprimant avec un accent autre que « classique », n’a jamais présenté le journal de 20 heures ! Ceux qui ont suivi la formation des écoles de journalisme font état de cette discrimination. Doit-on l’accepter ou non ? La proposition de loi de Christophe Euzet va dans le bon sens, puisqu’elle nous permet de nous interroger sur ce qui fait notre diversité et notre richesse.

La Commission rejette ces amendements.

Elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (art. L. 1132-1 du code du travail) : Reconnaissance des discriminations fondées sur l’accent dans le code du travail

La Commission est saisie des amendements de suppression CL2 de Mme Emmanuelle Ménard et CL6 de Mme Marie-France Lorho.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette ces amendements.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement CL4 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, il ne s’agit pas de créer une discrimination dans la discrimination. L’article 2 modifie le code du travail : nous proposons d’élargir le dispositif à la fonction publique, en précisant à l’article 6, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qu’aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite en raison de l’accent. Cet amendement vise à interdire la discrimination par l’accent dans la fonction publique.

Au cours des auditions menées par notre rapporteur, plusieurs cas ont été évoqués : Michel Serres aurait été déclassé au concours de l’agrégation ; un candidat originaire de Bordeaux se serait vu refusé par le président du jury à l’agrégation de droit public ; ou encore, lors du concours d’agrégation de lettres classiques, où le jury aurait estimé qu’une candidate du Vaucluse ressemblait plus à Mireille Matthieu qu’à une candidate sérieuse.

M. Christophe Euzet, rapporteur. À l’issue des auditions, Vincent Bru nous a effectivement fait remarquer que nous avions négligé la situation de la fonction publique. Le ministère, que nous avons sondé à ce sujet, a confirmé que cela était concevable. J’émets donc un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement. L’article 3 est ainsi rédigé.

Titre

La Commission est saisie des amendements CL3 de M. Vincent Bru et CL7 rectifié du rapporteur. Le titre de la proposition de loi est ainsi rédigé.

M. Vincent Bru. Nous avons trouvé une forme de compromis avec M. le rapporteur, qui a déposé un amendement tenant compte de notre préoccupation. Je retire donc mon amendement au bénéfice du sien, sur lequel nous avons travaillé ensemble.

L’amendement CL3 est retiré.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de compromis avec nos collègues du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés qui ont observé – et je les rejoins sur ce point – que la présente proposition de loi était exclusivement répressive et non tournée vers la promotion des accents. Nous avons trouvé une formulation de synthèse visant à promouvoir les accents, en luttant contre la discrimination. Cela correspond davantage à l’esprit du texte, esprit dont s’inspire le juge quand il est amené à se faire une idée sur un problème ; d’où l’intérêt d’être précis dans l’intitulé de la loi.

La Commission adopte l’amendement CL7 rectifié. Le titre est ainsi rédigé.

Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Selon la procédure d’examen simplifiée, cette proposition de loi sera examinée dans l’hémicycle le 26 novembre prochain.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents (n° 2473), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


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   Personnes entendues

   M. Philippe Blanchet, professeur des universités en sociolinguistique à l’université de Rennes 2

   M. Maxime Boul, maître de conférences en droit public à l’université Toulouse Capitole

   M. Jacques Toubon, Défenseur des droits (à la date de l’audition)

   M. David Errard, chef du bureau des relations individuelles et collectives du travail

   M. Bruno Campagne, adjoint au chef du bureau des relations individuelles du travail

   M. Thibault Cayssials, chef du bureau de la législation pénale spécialisée

   Mme Sarah Olivier, adjointe au chef du bureau de la législation pénale spécialisée

   Mme Constance Jacquin, conseillère en charge des relations politiques et parlementaires au cabinet du ministre

   M. Guillaume Jobin, président

 


([1])              Articles 103 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale.

([2])              Étude réalisée en janvier 2020 par l’IFOP auprès de 2 019 personnes pour l’ouvrage de Jean-Michel Aphatie et Michel Feltin-Palas, J’ai un accent et alors ?, Michel Lafon, 2020.

([3])              Extrait de la pièce de théâtre de Miguel Zamacoïs, La Fleur merveilleuse, Paris, Comédie-Française, 23 mai 1910.

([4])              Étude Ifop réalisée auprès de 2 019 personnes pour l’ouvrage de Jean-Michel Aphatie et Michel Feltin-Palas, J’ai un accent et alors ?, Michel Lafon, 2020.

([5])              Philippe Blanchet, « Entre droits linguistiques et glottophobie, analyse d’une discrimination instituée dans la société française », Les cahiers de la LCD, 2018/2 (N° 7), p. 27-44.

([6])              Philippe Blanchet, « Entre droits linguistiques et glottophobie, analyse d’une discrimination instituée dans la société française », op. cit.

([7])              Pierre Bourdieu, La Distinction, Les Éditions de Minuit, 1979.

([8])              Camille Langlade, « On va continuer encore longtemps avec cette télévision sans accent ? », Télérama, 30 décembre 2019.

([9])              Philippe Blanchet, « Entre droits linguistiques et glottophobie, analyse d’une discrimination instituée dans la société française », op. cit.

([10])              Jacques Derrida, Le Monolinguisme de l’autre, Éditions Galilée, 1996.

([11])              Présentation du colloque « Glottophobie et discrimination » organisé le 13 juin 2018 à l’université Paris-Est-Créteil.

([12])              Alice Raybaud, « Faut-il gommer son accent pour réussir son entrée dans la vie active ? », Le Monde, 26 octobre 2020.

([13])              Camille Langlade, « On va continuer encore longtemps avec cette télévision sans accent ? », Télérama, 30 décembre 2019.

([14])              Citation du directeur délégué de l’information à France Télévisions dans l’ouvrage de Françoise Weck, Putain d’accent ! Comment les méridionaux vivent leur langue, L’Harmattan, 2008.

([15])              Philippe Blanchet, « Entre droits linguistiques et glottophobie, analyse d’une discrimination instituée dans la société française », op. cit.

([16])              Voir le commentaire des articles 1er et 2.

([17])              Articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail.

([18])              Article L. 1221-7 du code du travail.

([19])              Article 225-3-1 du code pénal.

([20])              Article L. 1134-1 du code du travail.

([21])              Décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994, Loi relative à l’emploi de la langue française, cons. 6.

([22])              Philippe Blanchet, « Entre droits linguistiques et glottophobie, analyse d’une discrimination instituée dans la société française », op. cit.

([23])              Cf. supra.

([24])              Article 225-3 du code pénal

([25])              Article 225-2 du code pénal.

([26])              Article 432-7 du code pénal.

([27])              Articles R. 625-7, R. 625-8 et R. 625-8-1 du code pénal.

([28])              Articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([29])              Cour de Cassation, Chambre criminelle, 11 juin 2002, 01-85.559.

([30])              Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, art. 8§1 et 19§1 ; Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

([31])              CJUE, 19 avril. 2012, Meister, n° C-415/10, §36 et 21 juill. 2011, Kelly, n° C-104/10 ; §30.

([32])              Article L. 1132-2 du code du travail.

([33])              Articles L. 1152-2 et L. 1153-2 du code du travail.

([34])              Articles L. 1133-1 à L. 1133-6 du code du travail.

([35])              Article L. 1221-7 du code du travail.

([36])              Article 225-3-1 du code pénal.

([37])              Voir le commentaire de l’article 1er.

([38])              Articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail.

([39])              Article L. 1155-2 du code du travail.

([40])              Art. 5 et 5 bis de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

([41])              Art. 6 bis à 6 ter A et 6 quinquies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

([42])              Art. 6 bis de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.