N° 3598 rectifié
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2020.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification,
Par Mme Stéphanie RIST,
Députée.
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 3470.
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Pages
I. Rénover la gouvernance des établissements publics de santé
II. organiser les soins au niveau du territoire
III. Redonner à chaque acteur sa place dans le système de santé
Chapitre Ier Exercice en pratique avancée et protocoles de coopération
Article 1er Création d’une profession médicale intermédiaire
Article 1er bis (nouveau) Extension et simplification des protocoles de coopération
Chapitre II L’évolution des professions de sage-femme et de masseur-kinésithérapeute
Article 3 Simplification du recrutement des praticiens hospitaliers
Chapitre IV Simplification de la gouvernance dans les établissements publics de santé
Article 5 Revalorisation de la place du service et le rôle du chef de service
Article 7 bis (nouveau) Création d’un service d’accès aux soins non programmés
Article 9 Élargissement de la composition du directoire des établissements publics de santé
Article 10 Lutte contre les abus liés à l’intérim médical
Article 11 Création d’un projet managérial à l’hôpital
Chapitre V Simplification et gouvernance des organismes régis par le code de la mutualité
Article 13 bis (nouveau) Correction d’une erreur rédactionnelle dans le code de la mutualité
Chapitre VI Simplification des démarches des personnes en situation de handicap
Article 15 Gage de recevabilité
ANNEXE 1 : personnes auditionnÉes par la rapporteure
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● Alors que notre pays est touché de plein fouet par une deuxième vague de l’épidémie de la covid-19, tous les regards sont à nouveau tournés vers l’hôpital public. Mais dans ce contexte, le risque est grand de réduire l’horizon de l’hôpital, et plus globalement de notre système de soins, à la gestion de la crise sanitaire.
Nous avons au contraire plus que jamais besoin d’apporter de vraies réponses aux problèmes structurels qui ont été mis à jour par la crise sanitaire.
Le Ségur de la santé, dont les conclusions ont été présentées en juillet, a su relever ce défi de taille. Dès la fin de la première vague, il a mis autour de la table tous les acteurs du secteur, pour tirer les leçons de la crise sanitaire et réfléchir au système de soins de demain. Cette démarche – et les résultats qu’elle a produits – ont été salués unanimement lors des auditions conduites par la rapporteure.
Le Ségur de la santé a fait émerger beaucoup d’idées, il a fait naître beaucoup d’espoirs parmi les acteurs de la santé. Il importe ne pas décevoir ces espoirs, et de concrétiser les engagements qui ont été pris.
● Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, actuellement en discussion au Parlement, constitue une première étape essentielle à cet égard. Il acte la revalorisation salariale attendue de longue date par les personnels non médicaux des établissements de santé et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) publics. Il précise les modalités de versement des dotations pour compenser les charges du service public, à hauteur du tiers de la dette hospitalière. Il engage une nouvelle ère pour l’investissement hospitalier, renonçant enfin à la logique descendante qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui.
Ces engagements budgétaires plus que nécessaires ne sauraient toutefois suffire pour donner un nouveau souffle à notre système de soins.
Ce nouveau souffle, la rapporteure a la conviction qu’il n’implique pas une nouvelle réforme de grande ampleur de la gouvernance hospitalière ou de l’organisation territoriale des soins. Les personnels médicaux, hospitaliers en particulier, sont fatigués des réformes qu’ils peinent à mettre en œuvre sur le terrain.
● Ce nouveau souffle, il ne peut venir que de deux dynamiques auxquelles nous devons résolument nous arrimer pour adapter notre système de soins ; deux dynamiques qui constituent l’horizon de cette proposition de loi, qui incarnent ce que tous les acteurs de la santé demandent : de la confiance et de la simplification.
Trop souvent, les règles imposées aux professionnels de santé et aux établissements se sont éloignées des problématiques spécifiques à chaque territoire, à chaque établissement. Trop souvent, elles ont rajouté de la complexité là où elles devaient apporter des solutions. Trop souvent, elles ont dépossédé les acteurs de terrain de la faculté de décider.
Il est donc urgent de faire confiance et de simplifier. C’est à l’aune de ces deux critères qu’il nous faut désormais adapter notre système de soins, revoir l’articulation entre les acteurs, revisiter la gouvernance des hôpitaux.
● La présente proposition de loi n’a pas l’ambition de procéder de manière exhaustive à cette opération de simplification et de remise en confiance, tant s’en faut. Mais elle a l’ambition d’insuffler cette dynamique, en bâtissant sur certaines pistes qui ont émergé lors du Ségur de la santé et dans le cadre des concertations conduites avec les différents acteurs.
À cette fin, cette proposition de loi met l’accent sur trois axes essentiels : l’adaptation de la gouvernance hospitalière, l’approfondissement des groupements hospitaliers de territoire et l’impératif de redonner à chaque acteur sa place dans le système de santé. Diverses mesures de simplification, notamment à destination des personnes handicapées, viennent compléter ces axes principaux.
I. Rénover la gouvernance des établissements publics de santé
La gouvernance des établissements de santé doit être le reflet de cette volonté d’une plus grande souplesse, d’une plus grande adaptabilité, d’une plus grande proximité. C’est ce que prévoit le chapitre IV de la présente proposition de loi.
● La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009, plus connue sous son acronyme « HPST », a posé les bases de la gouvernance actuelle. Elle a permis de moderniser cette gouvernance, mais elle n’est pas exempte de critique. Elle s’est par ailleurs inscrite dans le contexte d’un tournant majeur pour l’hôpital, avec la mise en place de la tarification à l’activité (T2A), et dans une logique de renforcement du pilotage médico-économique des hôpitaux.
Plus de dix ans après, cette gouvernance a besoin d’être rénovée.
Depuis le début de la législature, de grandes réformes structurelles ont été entreprises à l’hôpital public. Elles sont notamment guidées par l’objectif de sortir du tout « T2A » et de redonner des marges de manœuvre à nos hôpitaux : réforme du financement de la psychiatrie et des urgences, réforme des soins de suite et de réadaptation. Elles visent également à renforcer les logiques de responsabilité populationnelle, de proximité, et à accroître la coopération entre l’hôpital et la ville.
Mais aucune réforme n’est venue adapter la gouvernance des hôpitaux publics à ces nouveaux défis. Cette gouvernance a aujourd’hui perdu en légitimité auprès des personnels hospitaliers. Elle est perçue comme étant trop rigide, trop contraignante, comme éloignant la prise de décision des acteurs de terrain.
● La présente proposition de loi s’attaque enfin à ce sujet crucial. Elle s’inspire à cette fin des propositions issues du rapport de la mission sur la gouvernance et la simplification hospitalières, présidée par le Pr. Olivier Claris ([1]). Ce rapport, salué unanimement par les personnes auditionnées par la rapporteure, a été le fruit d’un large consensus.
L’article 5 propose ainsi de remettre le chef de service au cœur de l’hôpital. Comme le souligne le rapport Claris, le service de soins est le niveau de référence, pour les équipes soignantes comme pour les patients. Le chef de service est le visage humain de la prise de décision à l’hôpital, celui dont on attend beaucoup. Pourtant, la loi HPST l’a écarté de la gouvernance, pour rapprocher logiques budgétaires et logiques médicales. Sans revenir sur l’organisation en pôles, qui a sa pertinence, l’article 5 revalorise le rôle des services et du chef de service. Il s’agit là d’un besoin et d’une attente exprimés par toutes les personnes auditionnées par la rapporteure.
Le besoin exprimé est aussi celui d’une plus grande souplesse, d’une plus grande adaptabilité de la gouvernance aux caractéristiques locales. Les articles 6 et 8 visent ainsi à donner plus de souplesse aux établissements de santé dans l’organisation de leur gouvernance : pourquoi imposer les mêmes règles à un petit centre hospitalier rural et à un centre hospitalier universitaire ? L’article 8 autorise donc un établissement public de santé qui le souhaiterait à déroger à certaines règles législatives pour s’organiser comme il le souhaite – par exemple pour déroger à l’organisation en pôles. Dans le même esprit, l’article 6 permet aux établissements volontaires de fusionner la commission médicale d’établissement et la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechnique.
Enfin, dans l’idée de rénover la gouvernance hospitalière en donnant toute leur place aux acteurs de terrain, l’article 9 donne la possibilité aux établissements volontaires d’ouvrir la composition de leur directoire. Il importe ici de préserver un équilibre subtil : cette instance au cœur de la gestion des établissements doit conserver un format relativement resserré pour rester efficace. La rapporteure estime néanmoins qu’il serait profitable d’y renforcer la présence des soignants, ainsi que d’autres acteurs directement concernés par les décisions qui y sont prises, étudiants en médecine et usagers, notamment.
II. organiser les soins au niveau du territoire
La rapporteure est intimement convaincue que l’avenir de l’hôpital public passe par les groupements hospitaliers de territoire (GHT), dans un contexte de rareté de l’offre médicale et de spécialisation accrue des soins de santé.
● Nés en 2016, ces GHT sont aujourd’hui au nombre de 136, regroupant l’essentiel des hôpitaux publics français, à l’exception de quelques établissements bénéficiant de dérogations eu égard à leurs spécificités. Ils doivent permettre de reconfigurer l’offre publique de soins à l’échelle du territoire, sur le fondement d’un projet médical partagé adopté par tous les établissements parties au groupement.
L’ambition qui anime cette structuration en GHT est donc vaste ; elle répond à un besoin crucial. Quatre ans après leur naissance, le bilan de ces GHT est pourtant mitigé, ainsi que le souligne le rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2020 ([2]). Certes, la mutualisation de certaines fonctions a permis des avancées. Certes, les acteurs du territoire ont appris à se connaître et à échanger. Cependant, dans la majeure partie des cas, ces GHT n’ont pas permis « les réorganisations nécessaires à l’hospitalisation publique », pour reprendre les termes de la Cour des comptes. Dans certains cas, lorsqu’il existait un projet territorial préexistant porté par la communauté médicale, le GHT a permis d’entrer dans une démarche d’intégration. Mais la plupart du temps, la logique d’établissement a continué de primer.
● Or, l’intégration des GHT peut permettre une véritable réorganisation des soins sur le territoire. Comment, dès lors, stimuler l’intégration des GHT, sachant qu’il est indispensable que cette démarche soit portée par la communauté médicale et les élus du territoire ?
La loi sur l’organisation et la transformation du système de soins – dite « OTSS » – adoptée en juillet 2019 prévoit plusieurs mesures destinées à renforcer l’intégration des GHT : généralisation des commissions médicales de groupement, mutualisation de la gestion des ressources médicales, etc. La concrétisation de ces mesures est cependant tributaire de l’adoption d’une ordonnance dont la publication a été retardée par la crise sanitaire, ce que la rapporteure ne peut que déplorer.
D’autres avancées sont possibles, notamment sous la forme d’expérimentations ou de droits d’option pour les GHT qui seraient parvenus au bon niveau de maturité, et pourraient ainsi servir d’exemples pour d’autres territoires. La rapporteure estime qu’il est possible et souhaitable d’aller de l’avant de cette manière.
● Ainsi, l’article 4 de la présente proposition de loi ouvre le droit aux directeurs des établissements supports des GHT de décider de créations de postes de praticien hospitalier sur le périmètre du groupement, sur proposition du directeur et de la commission médicale de l’établissement partie concerné, et après avis de la commission médicale du groupement.
L’idée est de favoriser une gestion mutualisée des ressources médicales au sein du GHT pour accompagner la réorganisation de l’offre de soins sur le territoire. Cette mesure permet en outre de confier la décision de création de postes de praticien hospitalier directement aux acteurs chargés de mettre en œuvre la stratégie médicale du groupement. Il s’agit donc à la fois d’encourager l’intégration des GHT et de faire confiance aux acteurs de cette intégration.
● Par ailleurs, la rapporteure juge souhaitable d’exploiter plus avant le levier des directions communes pour stimuler l’intégration des GHT. L’efficacité de ce levier a été soulignée par le rapport précité de la Cour des comptes, de même que par le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en décembre 2019 ([3]).
L’article 7 de la présente proposition de loi vise ainsi à aller vers une systématisation des directions communes lorsqu’un poste de directeur est laissé vacant dans un établissement partie du GHT. Il conviendrait à l’évidence d’associer la communauté médicale et les élus du territoire à cette démarche, pour qu’elle bénéficie du portage indispensable à son succès.
III. Redonner à chaque acteur sa place dans le système de santé
Troisième priorité de cette proposition de loi, il convient de redonner à chaque acteur la place qui doit être la sienne dans le système de santé.
● Dans un contexte de difficultés importantes d’accès aux soins et de souhaits, exprimés par de nombreux professionnels de santé, de voir leurs missions enrichies, l’évolution des métiers est un enjeu majeur.
Une telle évolution doit permettre de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, de faire face à la baisse de la démographie médicale et d’offrir à plus de professionnels de vraies perspectives d’évolution de carrière.
Un certain nombre d’avancées ont récemment vu le jour, et il faut les saluer. Les protocoles de coopération se déploient de plus en plus sur nos territoires. Nous venons de lever un frein important dans le projet de loi d’accélération et simplification de l’action publique, dit « ASAP », en simplifiant l’élaboration des protocoles de coopération. L’exercice en pratique avancée connaît également un développement majeur. La première promotion des infirmiers en pratique avancée vient, en effet, d’être formée. Il est possible et souhaitable d’aller encore plus loin en la matière.
Il est donc temps de réfléchir collectivement à la manière de faire davantage évoluer les métiers de la santé pour accroître encore l’efficience et la qualité de notre offre de soins et offrir aux professions paramédicales de nouvelles perspectives.
Les avancées techniques et technologiques, notamment la télésanté, pourraient être davantage mises à profit. Cela permettrait aux médecins de se concentrer sur leur cœur de métier, en confiant de nouvelles responsabilités à d’autres professionnels.
● Une des voies que privilégie la proposition de loi pour faire évoluer les métiers est la création d’une profession de santé intermédiaire.
L’article 1er pose le cadre légal de cette nouvelle profession, ses contours devant être précisés ultérieurement par décret, à la suite du rapport de la mission conduite, sur ce sujet, par l’ordre des médecins et l’ordre des infirmiers.
● La proposition de loi permet également de faire évoluer le champ de compétences de certains professionnels de santé.
L’article 2 a ainsi pour objectif de permettre aux sages-femmes de prescrire des arrêts de travail sans limitation de durée, comme c’est aujourd’hui le cas pour les médecins et les chirurgiens-dentistes. Il s’agit d’une demande ancienne de la profession, qu’il est temps de prendre en compte. Cette disposition permettra aussi de renforcer l’égalité dans l’accès des femmes enceintes aux arrêts de travail sur l’ensemble du territoire.
● Redonner sa place à chaque acteur, c’est aussi reconnaître et valoriser pleinement la place centrale des praticiens hospitaliers dans le fonctionnement de l’hôpital public. À l’heure actuelle, le statut de praticien hospitalier fait l’objet d’une désaffection croissante, en particulier de la part des jeunes médecins. Comment ne pas s’émouvoir de ce que près de 30 % des postes de praticien hospitalier restent aujourd’hui vacants, quand il fallait se battre pour obtenir un poste il y a quelques décennies ?
La perte d’attractivité de ce statut, qui demeure le pilier de l’organisation des services, doit absolument être enrayée. Elle peut l’être par des mesures destinées à revaloriser ce statut – amélioration des rémunérations, des conditions d’exercice ; à cet égard, le Ségur de la santé est porteur de nombreuses promesses.
Cette attractivité peut également être améliorée par une simplification de la procédure de recrutement au statut, actuellement longue et fastidieuse, de façon à faire en sorte que les hôpitaux soient en mesure d’être réactifs lorsqu’ils ont un bon candidat sur un poste vacant. Tel est l’objet de l’article 3 de la présente proposition de loi, qui pose un principe de simplification des recrutements de praticiens hospitaliers.
● Mais le statut de praticien hospitalier doit aussi être mieux protégé, en contrôlant davantage les dérives qui affectent les recrutements par contrat sous divers statuts et l’intérim médical. Ces dérives ont un retentissement évident sur les équipes médicales. Elles conduisent à des situations particulièrement injustes pour les praticiens hospitaliers et très inefficientes du point de vue de l’emploi des deniers publics.
L’article 10 de la présente proposition de loi s’attache ainsi à donner des outils pour faire en sorte que la réglementation relative aux plafonds de la rémunération de l’intérim médical soit respectée.
IV. porter diverses mesures de simplification, notamment à destination des personnes en situation de handicap
Les chapitres V et VI de la présente proposition de loi emportent diverses mesures de simplification et de clarification du droit.
● Le chapitre V concerne les mutuelles. L’article 12 vient remédier à un certain flou juridique en interdisant expressément la fusion des mutuelles, régies par le code de la mutualité, avec les sociétés d’assurance mutuelle, régies par le code des assurances. Cette interdiction vise à protéger la logique de solidarité propre aux mutuelles. En revanche, elle ne fait pas obstacle à la constitution de groupes entre ces divers organismes.
Tirant les leçons de la crise sanitaire, et de la nécessité de pouvoir poursuivre une activité institutionnelle dans ces circonstances, l’article 13 autorise les mutuelles à recourir à la visioconférence et au vote électronique en assemblée générale.
● Enfin, le chapitre VI clôt la présente proposition de loi par une disposition qui devrait avoir un impact d’ampleur sur la simplification des démarches des personnes handicapées. L’article 14 autorise la mise en place d’une plateforme numérique d’information et de services à destination de ces personnes. L’ambition est très large : il s’agit de centraliser, sur cette plateforme, toutes les informations utiles aux personnes en situation de handicap et à leurs proches aidants, quels que soient leur âge, leur situation, leur parcours de vie. La plateforme déploiera en outre des téléservices par « briques » successives, à partir d’une première brique « emploi-formation », dans une logique d’interopérabilité totale avec tous les autres acteurs qui interviennent dans le parcours des personnes handicapées.
Cette plateforme répond à un besoin ancien, très important, jamais satisfait, de simplification du parcours des personnes handicapées, lequel s’apparente aujourd’hui à un parcours du combattant, du fait de l’éparpillement des informations et de la multiplicité des intervenants.
Votre rapporteure estime qu’il était plus que temps de remédier à cette situation, qui fragilise grandement l’accès aux droits des personnes en situation de handicap. Elle encourage la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et la Caisse des dépôts et consignations, qui assurera la gestion de cette plateforme, à la développer dans un souci permanent d’accessibilité, en partenariat avec les associations du handicap.
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Chapitre Ier
Exercice en pratique avancée et protocoles de coopération
Article 1er
Création d’une profession médicale intermédiaire
Rédaction globale de l’article en commission
Cet article consiste en une demande de rapport au Gouvernement dressant un état des lieux de l’exercice en pratique avancée et des protocoles de coopération et proposant toute mesure permettant de simplifier ces dispositifs, de les améliorer et d’accélérer leur déploiement, en particulier dans le double objectif d’un décloisonnement des professions de santé et d’un meilleur accès aux soins.
I. amÉliorer l’offre de soins en faisant Évoluer les mÉtiers : État des lieux des dispositifs et des rÉflexions
Ces dernières années, plusieurs réflexions ont émergé pour prévoir une nouvelle répartition des compétences entre les médecins et les autres professionnels médicaux ou paramédicaux.
L’objectif est double : améliorer la qualité des soins dispensés en offrant une prise en charge plus adaptée aux besoins et offrir aux professionnels de santé une perspective d’évolution de leur rôle et d’enrichissement de leurs missions.
A. un cloisonnement dommageable entre les professionnels de santÉ
La répartition actuelle des compétences entre les différentes professions de santé est caractérisée par une faible continuité entre les compétences et les niveaux de responsabilité reconnus aux médecins d’une part, et aux autres professions de santé d’autre part.
Cette situation n’est pas nouvelle. Dès 2011, un rapport remis au Gouvernement ([4]) préconisait la création de métiers en santé de niveau intermédiaire, adaptée aux besoins de santé de la population, et tenant compte des métiers existants. Quelques années plus tard, en 2014, un rapport du Sénat ([5]) faisait le même constat, regrettant le « vide dans la chaîne des compétences en matière de soins, qui conduit les médecins à endosser des compétences qui ne nécessiteraient pas un niveau de formation aussi élevé ».
Cette situation, qui n’a pas suffisamment évolué, est préjudiciable à deux égards. D’une part, elle ne répond pas aux aspirations légitimes d’un grand nombre de professionnels de santé qui souhaitent voir leurs missions évoluer. D’autre part, elle ne permet pas toujours de faire face aux besoins de santé de nos concitoyens. Elle semble, en effet, inadaptée aux défis de notre système de santé. Le développement des affections chroniques et la progression des pathologies liées au vieillissement nécessiteront, par exemple, une prise en charge plus globale et de plus grande proximité.
Les professionnels de santé
La quatrième partie du code de la santé publique, consacrée aux « professions de santé », se décline en trois livres : « professions médicales », « professions de la pharmacie et de la physique médicale » et « auxiliaires médicaux, aides‑soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers et assistants dentaires ».
Les médecins, les odontologistes et les sages-femmes constituent des professions médicales au sens du code de la santé publique. Ils disposent d’une habilitation générale (pour les médecins) ou spécialisée (pour les odontologistes et les sages-femmes) à intervenir sur le corps d’autrui.
À l’inverse, les professions paramédicales ou auxiliaires médicaux ne peuvent accomplir que les seuls actes figurant sur une liste préétablie, en dehors cependant des situations d’urgence. Certains de ces métiers sont cités par le code de la santé publique : il s’agit des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes, des pédicures-podologues, des ergothérapeutes, des psychomotriciens, des orthophonistes, des orthoptistes, des manipulateurs d’électroradiologie médicale, de techniciens de laboratoire médical, des audioprothésistes, des opticiens-lunetiers, des prothésistes et orthésistes, des diététiciens, des aides-soignants, des auxiliaires de puériculture, des ambulanciers et des assistants dentaires. Il faut y ajouter les infirmiers spécialisés en anesthésie (infirmiers anesthésistes diplômés d’État - IADE), les infirmiers de bloc opératoire (IBODE) et les infirmiers en puériculture.
La qualité des soins dispensés est garantie par un niveau de formation initiale adapté à chacune de ces professions.
Plusieurs réflexions ont émergé pour remédier à cette situation, dans un contexte d’évolution de la demande adressée aux professionnels, de progrès technologiques importants et de diminution annoncée du nombre de médecins.
Tout d’abord, le champ de compétences de certains professionnels de santé, comme les infirmiers, les sages-femmes ou les pharmaciens, a pu être quelque peu étendu, parfois par la voie d’expérimentations.
Ensuite, des dispositifs ont été créés soit pour encourager les délégations de tâches au sein d’une équipe, soit pour permettre à des professionnels paramédicaux disposant d’une formation spécifique d’exercer des missions jusqu’alors dévolues aux seuls médecins.
B. les protocoles de coopÉration et l’exercice en pratique avancÉe : deux progrÈs majeurs
Les protocoles de coopération et la pratique avancée poursuivent un certain nombre d’objectifs communs parmi lesquels l’extension des champs d’intervention des professions paramédicales, le recentrage des activités médicales sur des missions d’expertise plus complexes et l’amélioration de l’organisation des soins.
La stratégie « Ma Santé 2 022 » identifie les protocoles de coopération et la pratique avancée comme deux leviers participant à améliorer la qualité des soins dispensés et à offre des perspectives d’évolution aux professionnels de santé.
1. Les coopérations entre les professionnels de santé
Le dispositif des protocoles de coopération entre professionnels de santé a été créé par l’article 51 de la loi de juillet 2009, dite « HPST » ([6]). Par dérogation à un certain nombre de dispositions du code de la santé publique, ce dispositif permet aux professionnels de santé travaillant en équipe de s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération pour mieux répondre aux besoins des patients. Par des protocoles de coopération, ils opèrent alors entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de prévention ou réorganisent leurs modes d’intervention auprès des patients.
Prenant acte du fait que ce dispositif n’avait connu qu’un essor limité, la loi de juillet 2019, dite « OTSS » ([7]), a récemment refondu le cadre juridique des protocoles de coopération entre professionnels de santé en distinguant :
des « protocoles nationaux » (article L. 4011-3 du code la santé publique), qui peuvent être déployés sur l’ensemble du territoire, et dont la liste est proposée par un comité national des coopérations interprofessionnelles ;
des « protocoles expérimentaux locaux » (article L. 4011-4 du code de la santé publique), qui sont laissés à l’initiative des professionnels de santé.
Une nouvelle mesure pour simplifier la mise place des protocoles de coopération a été récemment adoptée dans le cadre du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action public, dit « ASAP » ([8]). Il sera désormais possible, après une validation de la commission médicale d’établissement et un simple enregistrement auprès de l’agence régionale de santé (ARS), de mettre en œuvre des protocoles locaux de coopération. L’avis de la Haute Autorité de santé n’interviendra plus qu’a posteriori, pour juger du bien-fondé du déploiement du protocole sur le territoire national.
Le dispositif des protocoles de coopération méritera d’être évalué dans les années à venir de manière à s’assurer qu’il n’y a pas d’autre frein opérationnel que ceux d’ores et déjà identifiés qui empêcherait le bon déploiement de ces protocoles sur nos territoires.
2. L’exercice en pratique avancée
La loi de modernisation de notre système de santé ([9]) a posé, à l’article L. 4301-1 du code de la santé publique, le cadre juridique de l’exercice en pratique avancée pour les auxiliaires médicaux :
peuvent exercer en pratique avancée l’ensemble des auxiliaires médicaux ([10]) relevant des titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique qui justifient d’une durée minimale d’exercice de leur profession et sont titulaires d’un diplôme de formation en pratique avancée délivré par une université habilitée ;
l’exercice en équipe pluridisciplinaire est privilégié et la place centrale du médecin dans la prise en charge des patients est préservée ;
les domaines d’intervention pouvant être ouverts à la pratique avancée sont limitativement énumérés : il s’agit des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage ; des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique ; enfin, des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, des prescriptions d’examens complémentaires et des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales.
Le Gouvernement a récemment pris les mesures réglementaires d’application de cet article et ouvert l’exercice en pratique avancée aux infirmiers. Le décret relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée ([11]) a ainsi été publié en juillet 2018. Il s’agit d’une première étape, pouvant être prolongée par d’autres domaines d’intervention au sein de la pratique infirmière avancée et par l’instauration d’un dispositif similaire pour d’autres auxiliaires médicaux. La sixième mesure du Ségur de la santé envisage d’ailleurs « d’accélérer le déploiement des infirmiers en pratique avancée » en ouvrant un nouveau champ de compétences basé sur l’accès direct et la primo-prescription.
Le statut particulier du corps des auxiliaires médicaux exerçant en pratique avancée de la fonction publique hospitalière a, en outre, été récemment créé ([12]).
La pratique infirmière avancée
L’infirmier est autorisé à exercer en pratique avancée s’il remplit les conditions suivantes :
obtenir le diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée délivré par les universités. La formation conduisant à ce diplôme confère à son titulaire le grade de master ;
justifier de trois années minimum d’exercice en équivalent temps plein de la profession d’infirmier ;
être enregistré auprès des agences régionales de santé.
L’article R. 4301-2 du code de la santé publique ouvre quatre domaines d’intervention à l’exercice infirmier en pratique avancée : les pathologies chroniques stabilisées, la prévention et les polypathologies courantes en soins primaires ; l’oncologie et l’hémato-oncologie ; la maladie rénale chronique, la dialyse et la transplantation rénale ; la psychiatrie et la santé mentale.
C. une mission de rÉflexion sur la crÉation d’une profession de santÉ intermÉdiaire sera prochainement lancÉe
Si les protocoles de coopération entre les professionnels de santé et l’exercice en pratique avancée sont des progrès importants, certains acteurs pensent qu’ils pourraient utilement être complétés par la création d’une nouvelle profession de santé. Votre rapporteure souscrit à cette analyse. Cette nouvelle profession pourrait permettre d’apporter une réponse aux tensions portant sur la démographie médicale et aux besoins croissants en personnels médicaux hospitaliers.
La septième mesure du Ségur de la santé prévoit ainsi le lancement d’une mission de réflexion, associant les ordres professionnels et en concertation avec l’ensemble des acteurs, sur la création d’une nouvelle profession de santé intermédiaire. Les présidents de l’ordre des infirmiers et de l’ordre des médecins ont récemment reçu du Gouvernement la lettre de mission qui leur permettra de lancer très prochainement leurs travaux sur le sujet. Leur rapport devra être remis au Gouvernement au plus tard en avril 2021.
II. Le dispositif proposÉ : mieux soigner et davantage revaloriser ceux qui soignent
L’article 1er prévoit la base légale de la nouvelle profession intermédiaire en santé dès maintenant, sans attendre la remise des conclusions de la mission susmentionnée. Il n’est, en effet, pas certain que puisse être prochainement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou du Sénat un nouveau véhicule législatif permettant de créer cette profession.
A. l’article 1er crÉe une nouvelle profession intermÉdiaire
1. Les bases légales de cette nouvelle profession
L’article 1er permet de créer une nouvelle profession de santé médicale intermédiaire sans pour autant préjuger du nom exact de cette profession ([13]) ou des missions précises qui lui seront confiées.
Pour ce faire, l’article 1er insère un nouveau titre dans le code de la santé publique, constitué d’un unique article L. 4302-1, lequel dresse les grandes lignes de cette nouvelle profession, intitulée « profession médicale intermédiaire » :
cette dernière pourra être exercée par l’ensemble des auxiliaires médicaux relevant des titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique ;
un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Académie nationale de médecine et des représentants des professionnels de santé concernés, définira les domaines d’intervention ainsi que les conditions et les règles de l’exercice de cette nouvelle profession.
2. Des précisions apportées ultérieurement par décret
● Le décret précisant les règles d’exercice de cette nouvelle profession sera pris à partir des conclusions du rapport de mission confié aux présidents des ordres des infirmiers et des médecins.
Pour que la création de cette nouvelle profession intermédiaire soit un réel succès, tant du point de vue des patients que des professionnels de santé, la rapporteure insiste sur le fait que certains principes, déjà énoncés par un rapport remis au Gouvernement en 2011 ([14]), devront être respectés :
la création de cette nouvelle profession ne devra pas conduire à multiplier outre mesure les intervenants auprès du patient ;
cette nouvelle profession ne devra pas être redondante avec un métier existant et devra s’inscrire dans une dynamique de complémentarité, et non de concurrence, entre les métiers ;
la formation et la rémunération des professionnels exerçant ce nouveau métier devront être au niveau des responsabilités exercées.
● Sans préjuger des conclusions de la mission confiée aux ordres des médecins et des infirmiers, la rapporteure souhaiterait insister sur ce que pourraient être, selon elle, les contours de cette nouvelle profession :
cette nouvelle profession pourrait surtout avoir vocation à être exercée en milieu hospitalier, au sein des services de spécialité médicale ou de médecine d’urgence ;
cette nouvelle profession pourrait être exercée grâce notamment aux évolutions technologiques comme la télé-expertise, laquelle permet à un soignant de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels de santé dédiés ([15]) ;
pourraient utilement exercer cette nouvelle profession les auxiliaires médicaux qui justifient d’une durée d’exercice de leur profession suffisamment importante dans une même spécialité, en valorisant les validations d’acquis d’expérience, ou qui exercent en pratique avancée, et qui sont titulaires d’un diplôme de formation spécifique délivré par une université habilitée à cette fin ;
les domaines d’intervention de cette nouvelle profession seraient plus larges que pour l’exercice en pratique avancée. Ils pourraient, par exemple, utilement comporter la prescription de certains produits de santé soumis à prescription médicale obligatoire en primo-prescription.
B. Un article sans doute prÉmaturÉ
Les auditions menées par la rapporteure ont mis en évidence le fait que l’article 1er est sans doute prématuré.
Sur la forme, la majorité des professionnels de santé auditionnés par la rapporteure ne sont pas favorables à ce que cette nouvelle profession soit inscrite dès maintenant dans la loi. Ils souhaiteraient que la création de cette profession fasse l’objet de consultations spécifiques organisées par le Gouvernement. La rapporteure entend cette demande. Elle insiste, à ce sujet, sur la nécessité que l’ensemble des représentants des auxiliaires médicaux et des professions paramédicales soient entendus dans le cadre de la mission menée sur ce sujet par l’ordre des infirmiers et l’ordre des médecins.
Sur le fond, de fortes divergences sont apparues lors des auditions quant à la meilleure manière de répondre au cloisonnement actuel entre les missions confiées aux différents professionnels de santé.
● Certains acteurs auditionnés se sont montrés favorables à la création d’une profession intermédiaire telle que prévue à l’article 1er de la proposition de loi. Ils estiment qu’une telle création permettra une prise de responsabilité importante et bien identifiée pour les professionnels de santé qui exerceront cette nouvelle profession et qu’elle garantira une prise en charge intermédiaire des patients répondant au mieux à leurs besoins.
Ils considèrent que cette nouvelle profession pourra utilement venir en complément des dispositifs existants, qu’il s’agisse des protocoles de coopération ou de l’exercice en pratique avancée.
Si ces acteurs s’accordent sur la nécessité de créer une nouvelle profession, le champ de compétences de cette dernière ne fait cependant pas consensus. Certains estiment que cette nouvelle profession a davantage vocation à être exercée en milieu hospitalier, d’autres pensent, au contraire, qu’elle pourrait avoir un rôle majeur à jouer dans la prise en charge à domicile des personnes âgées et en situation de handicap ou bien dans l’articulation entre les soins de ville et les soins hospitaliers.
● D’autres acteurs auditionnés se sont, eux, montrés résolument opposés à la création d’une nouvelle profession intermédiaire.
Certains estiment qu’une nouvelle profession complexifiera de manière trop importante le paysage actuel des professions de santé et qu’il faut davantage réfléchir à la manière de faire évoluer le champ de compétences de chaque métier existant. Ils considèrent qu’étant donné les difficultés à former et recruter suffisamment de médecins et de professionnels de santé paramédicaux, la création d’une profession supplémentaire n’est pas pertinente.
Pour d’autres acteurs, cette nouvelle profession serait redondante avec le développement de l’exercice en pratique avancée, lequel n’en est qu’à ses débuts. Ils jugent plus opportun de confier à un professionnel de santé de nouvelles missions, dans le cadre d’une équipe, plutôt de créer un nouveau métier prescripteur. Pour eux, la priorité est d’accélérer le développement de l’exercice en pratique avancée, notamment en l’ouvrant à d’autres auxiliaires médicaux que les infirmiers et en l’étendant à des disciplines où le besoin se fait particulièrement ressentir. C’est, par exemple, le cas de la pédiatrie, des urgences, de la gériatrie ou des soins primaires.
La nouvelle profession intermédiaire que vise à créer l’article 1er de la présente proposition de loi a pu aussi être parfois perçue, à tort, comme pouvant potentiellement dévaloriser la profession de médecin.
La rapporteure comprend ces différentes prises de position même si elle considère que l’ensemble des réflexions – la création d’une nouvelle profession, l’enrichissement des métiers actuels et le développement de l’exercice en pratique avancée – peuvent utilement être menées en parallèle.
En raison de l’avancée inégale des professions sur ce sujet et des fortes divergences apparues lors des auditions, la rapporteure a déposé un amendement visant à transformer l’article 1er en une demande de rapport au Gouvernement.
III. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté deux amendements identiques de réécriture globale de l’article 1er, l’un de la rapporteure et l’autre de M. Jean-Louis Touraine et des membres du groupe La République en Marche.
Dans sa rédaction issue de la commission, l’article 1er consiste désormais en une demande de rapport au Gouvernement dressant un état des lieux de l’exercice en pratique avancée et des protocoles de coopération et proposant toute mesure permettant de simplifier ces dispositifs, de les améliorer et d’accélérer leur déploiement, en particulier dans le double objectif d’un décloisonnement des professions de santé et d’un meilleur accès aux soins.
Avant d’acter ou non la création d’une nouvelle profession, il semble en effet essentiel d’éclairer la représentation nationale mais également l’ensemble des professionnels de santé et nos concitoyens sur les leviers efficaces et pertinents à notre disposition aujourd’hui pour améliorer la qualité des soins dispensés et offrir aux professionnels de santé une perspective d’enrichissement de leurs missions.
En toute cohérence, la commission a adopté un amendement de la rapporteure modifiant l’intitulé du chapitre Ier, lequel porte désormais sur l’exercice en pratique avancée et les protocoles de coopération.
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Article 1er bis (nouveau)
Extension et simplification des protocoles de coopération
Introduit par la commission
Cet article étend le dispositif des protocoles locaux de coopération au secteur médico‑social et à l’exercice coordonné en ville.
Il rend également possible la transversalité de ces protocoles : un même protocole pourra ainsi être signé, sous certaines conditions, par des professionnels de santé exerçant en milieu hospitalier, en ville et dans le secteur médico-social.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de la rapporteure visant à favoriser le déploiement des protocoles de coopération sur nos territoires.
Il complète la section du code de la santé publique relative aux protocoles de coopération par huit nouveaux articles (articles L. 4011‑4‑1 à L. 4011‑4‑8).
L’objectif est d’étendre le dispositif des protocoles locaux de coopération, aujourd’hui possibles dans le milieu hospitalier, à l’exercice coordonné en ville au sein d’équipes de soins primaires ou de communautés professionnelles territoriales de santé (article L. 4011‑4‑1) ainsi qu’au secteur médico‑social (article L.4011-4‑2).
Il rend possible la transversalité des protocoles locaux de coopération, à travers la création de l’article L. 4011-4-3. Un même protocole pourra ainsi être signé, sous certaines conditions, par des professionnels de santé exerçant en milieu hospitalier, en ville et dans le secteur médico-social. L’objectif est d’améliorer la coordination entre les différents professionnels et de faciliter les prises en charges communes et graduées des patients.
Il prévoit explicitement la possibilité de mettre en œuvre des protocoles de coopération inter-hospitaliers au sein d’un même groupement hospitalier de territoire (premier alinéa de l’article L. 4011‑4‑3). Il s’agit d’une demande récurrente des acteurs de terrain.
Il inscrit également la possibilité de recourir à la télésanté dans le cadre de ces protocoles de coopération (article L. 4011‑4‑7).
Enfin, il étend les mesures de simplification des protocoles de coopération, prévues pour le secteur de l’hôpital par le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique ([16]), à l’ensemble des protocoles de coopération (articles L. 4011‑4‑5, L. 4011‑4‑6 et L. 4011‑4‑8). L’avis de la Haute Autorité de santé interviendra donc uniquement a posteriori, pour juger du bien-fondé du déploiement du protocole sur le territoire national.
Chapitre II
L’évolution des professions de sage-femme et de masseur-kinésithérapeute
Article 2
Possibilité pour les sages-femmes de prescrire des arrêts de travail de plus de quinze jours
Adopté par la commission avec modifications
Cet article supprime la durée plafond, aujourd’hui fixée par décret à quinze jours, des arrêts de travail que les sages-femmes peuvent prescrire aux femmes enceintes.
I. Le droit existant : une capacitÉ limitÉe de prescription d’arRÊts de travail par les sages-femmes
1. Les sages-femmes : une profession médicale de mieux en mieux reconnue
La profession de sage-femme est une profession de santé réglementée, définie aux articles L. 4111-1 et L. 4151-1 et suivants du code de la santé publique. Il s’agit d’une profession médicale, au même titre que celle des médecins et des chirurgiens‑dentistes. D’après l’ordre des sages-femmes, auditionné par la rapporteure, environ 29 000 sages-femmes exercent aujourd’hui en France. 68 % exercent dans des établissements de santé publics ou privés, 27 % exercent en cabinet libéral, individuel ou de groupe et 5 % exercent dans les services de protection maternelle et infantile (PMI) ([17]).
Les sages-femmes assurent, en toute autonomie, le suivi de la femme enceinte et du nouveau-né et prescrivent dans leur champ de compétences. Elles réalisent également des consultations de contraception et de suivi gynécologique de prévention ainsi que des interruptions volontaires de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse. Elles adressent les femmes aux médecins en cas de situation pathologique. La formation au métier de sage-femme est une formation universitaire de cinq ans, dont la première année est commune à toutes les études en santé.
La place des sages-femmes dans notre système de soins est de mieux en mieux reconnue. Ces dernières ont ainsi vu leur champ de compétences s’étendre quelque peu. La loi de modernisation de notre système de santé ([18]) a, par exemple, ouvert la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG médicamenteuses ([19]). Les sages-femmes peuvent également désormais prescrire et pratiquer un certain nombre de vaccinations, notamment en vue de protéger l’enfant pendant la période postnatale.
Malgré ces progrès, force est de constater que la profession de sage-femme gagnerait encore à être mieux reconnue et davantage valorisée. Tant l’ordre des sages-femmes que l’union nationale et syndicale des sages-femmes auditionnés par la rapporteure ont dit regretter la trop grande invisibilité de la profession. Or, pour rappel, dès 2011 ([20]), la Cour des comptes préconisait de faire des sages-femmes les professionnels de premier recours en cas de grossesse et pour le suivi gynécologique contraceptif et de prévention.
Une meilleure reconnaissance de cette profession passe, notamment, par un élargissement de la compétence des sages-femmes en matière de prescription d’arrêts de travail.
2. Des compétences encore trop restreintes, notamment en matière de prescription d’arrêts de travail
En application de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale et de l’article L. 4141-1 du code de la santé publique ([21]), tant les médecins que les chirurgiens-dentistes ou les sages‑femmes peuvent prescrire, dans leur champ de compétence, des arrêts de travail. Ces arrêts de travail sont nécessairement prescrits pour un motif médical et permettent le versement d’indemnités journalières.
a. Les sages-femmes peuvent prescrire des arrêts de travail à des femmes enceintes en cas de grossesse non pathologique
En application des articles L. 321-1 et D. 331-1 du code de la sécurité sociale, les sages-femmes peuvent prescrire des arrêts de travail à des femmes enceintes en cas de grossesse non pathologique, ce qui est cohérent avec leur champ de compétences. Comme l’ont rappelé les représentants des sages-femmes lors de leur audition, il s’agit d’arrêts de travail de prévention, notamment pour éviter autant que possible les accouchements prématurés.
Les sages-femmes assurant uniquement le suivi des femmes enceintes en cas de grossesse non pathologique, elles ne peuvent donc pas prescrire de congé pathologique prénatal ([22]), lequel relève de la compétence des médecins.
À noter que les sages-femmes peuvent désormais également prescrire des arrêts de travail limités à quatre jours calendaires, renouvelables une fois, dans le cadre d’une interruption volontaire de grossesse réalisée par voie médicamenteuse (articles L. 321-1 et D. 323-5 du code de la sécurité sociale).
b. La durée des arrêts de travail prescrits par les sages-femmes est limitée à quinze jours calendaires
● Contrairement aux arrêts prescrits par les médecins et chirurgiens-dentistes, ceux prescrits par les sages-femmes doivent respecter une durée plafond fixée par décret, en application de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale. Cette durée est aujourd’hui fixée, par l’article D. 331-2 du code de la sécurité sociale, à quinze jours calendaires.
Comment la durée de l’arrêt de travail prescrit par les médecins est-elle fixée ?
La durée de l’arrêt de travail doit être fixée en fonction de l’incapacité physique ou psychologique du patient. Pour aider les professionnels de santé dans leur prescription d’arrêt de travail, des durées de référence, établies après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), sont proposées aux professionnels de santé par pathologie ou intervention. Les durées de référence d’arrêt de travail sont indicatives et peuvent être adaptées en fonction de la situation de chaque patient. Par exemple, pour un infarctus du myocarde (1), la durée préconisée pour l’arrêt de travail est fixée entre vingt-huit et soixante jours, selon le type d’emploi du patient.
● À noter que l’article D. 331-2 du code de la sécurité sociale interdit également le renouvellement ou la prolongation au-delà de quinze jours des arrêts de travail prescrits par une sage-femme.
c. La limitation à quinze jours de la durée des arrêts de travail prescrits par les sages-femmes n’est pas justifiée
La rapporteure considère que la durée de l’arrêt de travail prescrit par une sage-femme doit pouvoir être plus longue que quinze jours, selon le besoin de la patiente. Certaines femmes enceintes ayant des conditions de travail pénibles ou devant effectuer de longs déplacements entre leur domicile et leur travail peuvent, en effet, relever d’arrêts de travail supérieur à quinze jours sans pour autant présenter de pathologie au sens strict.
Aujourd’hui, les femmes enceintes ayant fait le choix d’être suivies par une sage-femme pendant leur grossesse et devant être arrêtées plus de quinze jours sont dans l’obligation de consulter, parfois non sans difficulté, un autre professionnel de santé pour pouvoir se voir délivrer un arrêt de travail d’une durée adaptée. Cette situation peut provoquer des ruptures de parcours de soin et engendrer des dépenses supplémentaires pour l’assurance maladie.
II. Le droit proposÉ : permettre aux sages-femmes de prescrire des arrÊts de travail d’une durÉe supérieure à quinze jours, lorsque cela est nÉcessaire
● L’article 2 modifie l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale pour permettre aux sages-femmes de prescrire des arrêts de travail sans avoir à respecter une durée plafond. Il prévoit que les sages-femmes pourront prescrire des arrêts de travail d’une durée qui dépasse quinze jours, pourvu que cette durée respecte des référentiels de prescription établis par décret.
L’objectif visé par cet article est à la fois de mieux reconnaître les compétences des sages-femmes et de réduire les inégalités d’accès aux soins en permettant aux femmes enceintes de se voir plus facilement prescrire des arrêts de travail adaptés à leurs besoins, grâce à l’important maillage territorial des sages‑femmes.
● Les auditions organisées par la rapporteure ont fait état de difficultés liées au terme de « référentiels de prescription ». Si des référentiels de prescription d’arrêts de travail établis par la HAS existent bien aujourd’hui, ils sont purement indicatifs et semblent inadaptés aux arrêts de prévention prescrits par les sages‑femmes.
III. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté un amendement, à l’initiative de la rapporteure, supprimant la notion problématique de « référentiels de prescription ».
Dans sa rédaction adoptée par la commission, l’article 2 supprime donc la durée plafond des arrêts prescrits par les sages-femmes, sans que ces dernières n’aient, pour autant, à respecter des référentiels de prescription fixés par décret.
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Article 2 bis (nouveau)
Possibilité pour les sages-femmes de renouveler ou prolonger des arrêts de travail
Introduit par la commission
Cet article permet aux sages-femmes de renouveler ou prolonger des arrêts de travail.
Cet article résulte de l’adoption de deux amendements identiques de Mme Danielle Brulebois et de Mme Aurore Bergé et plusieurs de leurs collègues du groupe La République en Marche, avec l’avis favorable de la rapporteure.
Aujourd’hui, en application des articles L. 162‑4-4 et R. 162-1-9-1 du code de la sécurité sociale, seuls le médecin qui a prescrit l’arrêt de travail initial ou le médecin traitant peuvent prescrire la prolongation d’un arrêt de travail indemnisé par la sécurité sociale. La prescription de la prolongation d’un arrêt de travail par un autre médecin est autorisée par exception dans trois cas : par le médecin remplaçant du médecin prescripteur de l’arrêt de travail initial ou du médecin traitant ; par le médecin spécialiste consulté à la demande du médecin traitant ; à l’occasion d’une hospitalisation.
En cohérence avec l’article 2 de la proposition de loi, l’article 2 bis permet aux sages-femmes de renouveler ou de prolonger des arrêts de travail. L’indemnisation de ces arrêts de travail est, dans ce cas, maintenue.
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Article 2 ter (nouveau)
Possibilité pour les sages-femmes de réaliser des interruptions volontaires de grossesse instrumentales jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse
Introduit par la commission
Cet article permet aux sages-femmes de réaliser des interruptions volontaires de grossesse instrumentales jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Marie-Pierre Rixain et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, avec un avis favorable de la rapporteure. Il permet aux sages-femmes de réaliser des interruptions volontaires de grossesse (IVG) instrumentales jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse.
Pour rappel, les sages-femmes ont été autorisées à pratiquer des IVG par voie médicamenteuse par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ([23]), afin de faciliter l’accès des femmes à l’IVG. En revanche, les IVG instrumentales ne peuvent être pratiquées que par des médecins, en vertu de l’article L. 2212-2 du code de la santé publique.
L’article 34 quinquies du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 autorise à titre expérimental, la réalisation par les sages-femmes d’interruptions volontaires de grossesse instrumentales.
L’article 2 ter de la présente proposition de loi inscrit cette possibilité dans le code de la santé publique, sans passer par une expérimentation. Il reprend telles quelles les dispositions figurant à l’article 1er bis de la proposition de loi, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en octobre 2020, visant à renforcer le droit à l’avortement.
Cet article permettra un meilleur accès des femmes à l’IVG et une plus grande reconnaissance des compétences des sages-femmes.
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Article 2 quater (nouveau)
Extension des capacités de prescription des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement d’infections sexuellement transmissibles
Introduit par la commission
Cet article permet aux sages-femmes de prescrire des examens de dépistage et de traitement d’infections sexuellement transmissibles à leurs patientes ainsi qu’aux partenaires de leurs patientes.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Thomas Mesnier et ses collègues du groupe La République en Marche, avec un avis favorable de la rapporteure.
Il complète l’article L. 4151‑4 du code de la santé publique afin d’autoriser les sages-femmes à prescrire le dépistage d’infections sexuellement transmissibles et les traitements d’infections sexuellement transmissibles (IST), listés par arrêté, à leurs patientes ainsi qu’aux partenaires de leurs patientes.
Aujourd’hui, les sages-femmes peuvent uniquement prescrire des examens de dépistage à leurs patientes. Elles n’ont pas la capacité de leur prescrire des traitements d’IST.
Elles n’ont pas non plus la capacité de prescrire des dépistages et des traitements aux partenaires de leurs patientes, tâches réservées aux médecins. Pourtant, certaines pathologies sexuellement transmissibles nécessitent une prescription aux deux partenaires.
En élargissant le dépistage et la prescription d’examens et de médicaments des sages-femmes aux partenaires de leurs patientes, l’article 2 quater permettra de libérer du temps médical et de garantir un meilleur suivi des femmes.
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Article 2 quinquies (nouveau)
Élargissement des capacités de prescription des masseurs-kinésithérapeutes
Introduit par la commission
Cet article permet aux masseurs-kinésithérapeutes de prescrire, sauf indication contraire du médecin, les produits de santé nécessaires à l’exercice de leur profession fixés par arrêté, et non plus seulement des dispositifs médicaux.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de la rapporteure. Il vise à clarifier la rédaction de l’article L. 4321-1 du code de la santé publique quant à la capacité de prescription des masseurs-kinésithérapeutes.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ([24]) a modifié l’article L. 4321-1 du code de la santé publique et introduit, pour les masseurs-kinésithérapeutes, un droit de prescription des dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur profession. La liste de ces dispositifs médicaux est fixée par un arrêté de 2006 ([25]).
Or, la rédaction de l’article L. 4321-1 du code de la santé publique n’est pas en adéquation avec la possibilité qu’ont les masseurs‑kinésithérapeutes de prescrire des substituts nicotiniques ([26]), lesquels ne sont pas des dispositifs médicaux mais des médicaments à base de nicotine appartenant au champ plus large des produits de santé.
L’article 2 quinquies permet aux masseurs-kinésithérapeutes de prescrire, sauf indication contraire du médecin, les produits de santé nécessaires à l’exercice de leur profession fixés par arrêté, et non plus seulement des dispositifs médicaux. L’objectif est surtout de rendre pleinement effective la possibilité qu’ils ont déjà de prescrire des substituts nicotiniques.
Il s’agit d’une mesure de simplification pour les patients, qui n’auront plus forcément à retourner chez leur médecin pour se faire prescrire les produits dont ils ont besoin. Il s’agit également d’une mesure permettant de mieux reconnaître le rôle et les compétences des masseurs‑kinésithérapeutes.
En toute cohérence, la commission a adopté un amendement de la rapporteure modifiant l’intitulé du chapitre II, lequel traite désormais des professions de sage-femme et de masseur-kinésithérapeute.
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Chapitre III
L’attractivité du poste de praticien hospitalier
dans les établissements publics de santé
Article 3
Simplification du recrutement des praticiens hospitaliers
Article adopté par la commission avec modifications
L’article 3 pose un principe de simplification de la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers. Cette procédure est appelée à être révisée par voie réglementaire, de façon à mettre les établissements publics de santé en capacité d’être réactifs pour faire connaître leurs postes vacants, identifier les bons candidats et les recruter. Cette réactivité est aujourd’hui un élément important pour améliorer l’attractivité du statut de praticien hospitalier et enrayer l’accroissement permanent du taux de vacance statutaire de ces postes. La commission a apporté à cet article des modifications de nature purement rédactionnelle.
L’article 3 vise à impulser un mouvement de simplification de la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers, dans un contexte où il est urgent de contrer la désaffection croissante des médecins pour ce type de postes.
I. le droit existant
A. Une procédure de recrutement « au statut » rigide et fastidieuse, impliquant de nombreuses étapes
Le présent article concerne spécifiquement le recrutement des praticiens hospitaliers, c’est-à-dire des personnels médicaux mentionnés au 1° de l’article L. 6152-1 du code de la santé publique, à l’exclusion des praticiens recrutés par contrat. Les praticiens hospitaliers sont recrutés sur un statut défini par voie réglementaire, aux articles R. 6152-5 à R. 6152-828 du code de la santé publique. Il existe deux statuts distincts, pour les praticiens hospitaliers à temps plein et pour les praticiens hospitaliers à temps partiel.
Ce sont ces statuts qui définissent la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers, aux articles R. 6152-5 à R. 6152-8 pour les praticiens hospitaliers à temps plein, et R. 6152-204 à R. 6152-208 pour les praticiens hospitaliers à temps partiel.
● En vertu de ces dispositions réglementaires, lorsqu’un hôpital souhaite recruter un praticien hospitalier sur un poste vacant, il doit passer par le Centre national de gestion (CNG), à qui il appartient d’assurer la publication de ce poste. En outre, cette publication ne peut résulter que d’une demande effectuée en ce sens par le directeur général de l’agence régionale de santé, censé évaluer l’opportunité de cette demande en intégrant les dimensions stratégiques et budgétaires.
Les postes vacants sont publiés lors de deux tours de recrutement annuels, au printemps et à l’automne, par voie électronique, sur le site du CNG. La fiche de poste publiée mentionne l’établissement public concerné, ainsi que le pôle d’activité. À compter de la publication, les candidats disposent d’un délai de quinze jours pour déposer leur candidature. Les postes restés vacants à l’issue du tour de recrutement peuvent être proposés au-delà du délai réglementaire de quinze jours, à l’ensemble des candidats.
Les candidatures reçues sont transmises par le CNG aux établissements concernés. Il revient ensuite au chef de pôle de proposer au directeur de l’établissement une ou plusieurs candidatures reçues. En pratique, cette proposition résulte d’une concertation étroite avec les chefs de service, qui sont à l’origine de la demande de recrutement. La commission médicale d’établissement (CME) est ensuite appelée à donner son avis sur la ou les candidatures proposées par le chef de pôle. Si le directeur de l’établissement retient un candidat, il le propose au directeur général du CNG pour nomination.
● De l’avis de tous les interlocuteurs rencontrés par la rapporteure, cette procédure de recrutement des praticiens hospitaliers est inutilement rigide, lourde et longue. De longs mois, parfois plus, s’écoulent entre la vacance d’un poste et le recrutement d’un candidat.
Le système des deux tours de recrutement, bien qu’allégé pour les postes restés vacants, contraint considérablement ce processus en empêchant les établissements de recruter au fil de l’eau, en fonction de leurs besoins. En outre, l’intervention de multiples acteurs dans ce processus ascendant, du chef de service au directeur général du CNG, induit une réelle lourdeur et un manque de réactivité très préjudiciables à l’attractivité du statut de praticien hospitalier.
B. L’attractivité du statut de praticien hospitalier en berne
Les lourdeurs de la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers pèsent sur l’attractivité de ce statut.
● À l’évidence, il ne s’agit là que d’un élément parmi d’autres. La rémunération beaucoup plus faible qu’en libéral et les conditions d’exercice souvent jugées dégradées constituent à cet égard des problématiques majeures, en partie prises en compte par les mesures de revalorisation annoncées dans les conclusions du Ségur de la santé et mises en œuvre dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Il est urgent de remédier à cette perte d’attractivité du statut de praticien hospitalier, qui se traduit par une hausse continue du taux de vacance statutaire des postes, estimée à 27,4 % au 1er janvier 2018 par le CNG pour les postes de praticien hospitalier à temps plein, et 47 % pour les postes de praticien hospitalier à temps partiel (cf. graphiques ci-dessous).
● Ces difficultés récurrentes et croissantes de l’hôpital public à recruter au statut de praticien hospitalier ont conduit à multiplier les recrutements par contrat, sous divers statuts très hétérogènes, ainsi qu’à systématiser le recours à l’intérim médical. Les rémunérations perçues sous ces divers statuts atteignent parfois dans des niveaux aberrants, au regard de ce gagnent les praticiens hospitaliers. Cette situation suscite des inégalités et des fractures très préjudiciables à la cohésion des équipes médicales.
À cet égard, les abus de l’intérim médical, traités par l’article 10 du présent projet de loi, sont la conséquence d’un cercle vicieux engendré par la perte d’attractivité du statut de praticien hospitalier, avec des coûts très élevés pour la collectivité, et une injustice flagrante pour les praticiens recrutés au statut.
C. le droit proposé : un principe législatif de simplification du recrutement des praticiens hospitaliers
La rapporteure estime qu’il importe de travailler au plus vite, par tous les moyens, à enrayer cette perte d’attractivité du statut de praticien hospitalier, lequel statut doit rester la norme pour garantir un bon fonctionnement des services hospitaliers. C’est la vocation de l’article 3.
● L’article 3 pose un principe de simplification de la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers. Il dispose que cette procédure a pour but de pourvoir à la vacance d’un poste dans un pôle d’activité d’un établissement public de santé déclarée par le directeur général du CNG.
Cette rédaction maintient le rôle du CNG pour centraliser et assurer la publication des postes de praticien hospitalier. Elle ne retient donc pas l’idée que les établissements devraient être en capacité de publier eux-mêmes leurs postes, la supervision effectuée par le CNG étant jugée bénéfique.
En revanche, toutes les autres caractéristiques et étapes de cette procédure de recrutement sont appelées à être remises en question à l’aune de l’impératif de simplification du processus de recrutement, qui acquiert ainsi valeur législative.
● Cet article doit stimuler et faciliter une réforme de la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers. Ce chantier a d’ores et déjà été ouvert dans le sillage de la loi sur l’organisation et la transformation du système de santé ([27]), qui prévoit une refonte du statut de praticien hospitalier et devrait se traduire par l’adoption d’une ordonnance dont la publication a été retardée par la crise sanitaire.
En outre, des concertations ont été mises en place dans la foulée du Ségur de la santé, entre la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les acteurs concernés, pour réfléchir spécifiquement à une simplification de la procédure de recrutement. Plusieurs évolutions sont évoquées, telles que la suppression du concours national de praticien hospitalier, l’inscription des candidats sur la liste d’aptitude au fil de l’eau, la suppression des tours de recrutement.
La rapporteure estime que ces concertations sont bienvenues et bénéfiques et doivent impérativement se traduire par des mesures qui mettront les hôpitaux en capacité d’être réactifs pour proposer un poste et recruter lorsqu’ils ont une bonne candidature, y compris en anticipant sur les vacances futures. Le présent article permettra l’aller dans ce sens.
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Article 4
Expérimentation d’un processus de création de postes de praticien hospitalier centralisé et réactif au sein des groupements hospitaliers de territoire
Article adopté par la commission avec modifications
L’article 4 ouvre la voie à une expérimentation, d’une durée de trois ans, destinée à favoriser une gestion des ressources médicales centralisée au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le directeur de l’établissement support du GHT se voit ouvrir la possibilité de décider de créations de postes de praticien hospitalier dans tout établissement partie au GHT, sur proposition du directeur et de la commission médicale d’établissement de l’établissement concerné et après avis de la commission médicale du GHT.
La finalité est double : il s’agit à la fois de veiller à la cohérence des créations de postes de praticiens hospitaliers avec la stratégie médicale du GHT et de dynamiser ce processus, dans l’esprit de l’article 3, en confiant la décision de recrutement aux acteurs directement chargés de mettre en œuvre cette stratégie médicale.
Prenant acte du caractère un peu théorique du contrôle exercé par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) sur les créations de postes de praticien hospitalier, la commission a supprimé la possibilité, initialement ouverte à ce dernier dans le cadre de l’article 4, de s’opposer à ces décisions de création de postes. Soucieuse de ne pas placer les directeurs généraux d’ARS en position d’arbitre des débats internes aux GHT, ce qui ne correspond pas à leur rôle, la rapporteure a apporté un avis favorable à cette suppression.
L’expérimentation ouverte par l’article 4 doit permettre de préfigurer, à court terme, deux évolutions portées en germe par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (« OTSS ») ([28]) et par les conclusions du Ségur de la santé.
Il s’agit, d’une part, de fournir un levier supplémentaire à l’intégration des GHT, en ouvrant la possibilité de gérer les créations de postes médicaux de manière centralisée. L’objectif est aussi, dans l’esprit de l’article 3, de rendre plus réactif le recrutement des praticiens hospitaliers en donnant la main aux acteurs de terrain.
I. le droit existant
A. une stratégie médicale encore insuffisamment déployée à l’échelle des GHT
● La rapporteure aura l’occasion de revenir, dans le cadre du commentaire sur l’article 7, sur le bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire (GHT) mis en place en vertu de la loi de modernisation de notre système de santé ([29]) de 2016. La rapporteure insiste sur la nécessité d’aller vers une intégration très forte de ces GHT, seule à même de permettre une véritable restructuration de l’offre de soins sur le territoire, au bénéfice des patients et des professionnels de santé.
Les GHT s’appuient sur un projet médical partagé, auquel doivent obligatoirement s’articuler les projets médicaux des établissements parties au groupement. En outre, la loi OTSS susmentionnée a rendu obligatoire la constitution de commissions médicales de groupement pour positionner la stratégie médicale au niveau du GHT.
● Il est à présent nécessaire de disposer de leviers pour effectivement mettre en œuvre cette stratégie médicale et ce projet médical à l’échelle du GHT. Dans cet esprit, la loi OTSS prévoit la mutualisation de la gestion des ressources humaines médicales au sein du GHT. Néanmoins, la mise en œuvre de cette mesure est tributaire de la publication d’une ordonnance, retardée par la crise sanitaire.
D’ores et déjà, des initiatives ont vu le jour dans certains GHT ayant atteint une maturité suffisante, qui ont constitué une direction des affaires médicales commune.
Néanmoins, trop souvent, persistent au sein des GHT des situations de concurrence inter-établissements pour recruter tel ou tel praticien. La gestion mutualisée des ressources médicales doit permettre de « développer une vision prospective des postes à l’échelle du territoire du groupement, ce qui permettra d’optimiser la gestion des parcours professionnels des personnels concernés, et, partant, l’attractivité et la fidélisation de ceux-ci », selon les termes de l’étude d’impact de la loi OTSS.
La rapporteure estime qu’il convient de stimuler cette gestion mutualisée des ressources médicales dans tous les GHT ayant atteint une maturité suffisante.
B. la création de postes de praticiens hospitaliers artificiellement placée entre les mains du directeur général de l’ars
● Indépendamment de la problématique des GHT, la procédure actuelle de création de postes de praticiens hospitaliers fait intervenir, dans la phase précédant la publication des postes demandés par un établissement hospitalier, le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS).
Un établissement ne peut ainsi décider seul de la création d’un poste de praticien hospitalier en son sein : il appartient au directeur général de l’ARS de juger si cette création de poste est opportune, au regard des équilibres budgétaires et financiers de l’établissement.
● En pratique, cette intervention préalable du directeur général de l’ARS dans la publication des postes de praticien hospitalier semble être une étape essentiellement formelle, de l’avis de toutes les personnes auditionnées par la rapporteure.
Le Dr. Jean‑Yves Grall, président du collège des directeurs généraux d’ARS et directeur général de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, estime que le directeur général de l’ARS n’a pas vraiment sa place dans une procédure qui relève avant tout de la gestion interne des établissements, d’autant qu’empêcher la publication d’un poste n’aurait pas forcément d’impact positif sur les finances d’un établissement, ce dernier conservant la possibilité de pourvoir ce poste par d’autres moyens souvent moins vertueux sur le plan de la gestion budgétaire – recrutements contractuels ou recours à l’intérim. Dès lors, le Dr Grall juge souhaitable que la procédure de recrutement soit simplifiée en supprimant l’intervention du directeur général de l’ARS.
II. le droit proposé
L’article 4 a ainsi une double finalité : favoriser une gestion mutualisée des ressources médicales au sein du GHT pour accompagner la réorganisation de l’offre de soins sur le territoire, et placer formellement la décision de création de postes de praticien hospitalier entre les mains des acteurs chargés de mettre en œuvre la stratégie médicale du groupement.
Ces objectifs sont mis en œuvre dans le cadre d’une expérimentation laissée au choix des acteurs locaux, en fonction du degré d’avancement de la stratégie médicale du GHT.
Ainsi, l’article prévoit que le directeur de l’établissement support du GHT peut, pendant une durée de trois ans, sur proposition conjointe du directeur et de la commission médicale d’un établissement partie, et après avis de la commission médicale du groupement, décider de créer des postes de praticien hospitalier au sein de cet établissement partie.
En pratique, il ne s’agit évidemment pas de conduire le directeur de l’établissement support à prendre ce genre de décisions « seul », indépendamment de l’avis de la communauté médicale. La logique reste celle d’une décision concertée entre le chef d’établissement et le président de la commission médicale, comme pour le recrutement des praticiens hospitaliers dans tout établissement, sauf que cette décision est ici positionnée à l’échelle du groupement.
En outre, le directeur d’établissement a directement la main sur la création de postes, sans avoir à transiter par le directeur général de l’ARS, ce qui tend à renforcer l’efficience du processus de recrutement en supprimant des strates jugées inutiles et chronophages.
L’article 4 ouvre donc la voie à des initiatives de nature à favoriser et stimuler la mise en œuvre du projet médical partagé du GHT, en faisant confiance aux acteurs de ce GHT, qui peuvent prendre la main sur la procédure de créations de postes de praticien hospitalier.
III. Les modifications apportées par la commission
Prenant acte du caractère théorique du contrôle exercé par le directeur général de l’ARS sur les créations de postes de praticien hospitalier (cf. I. B.), la commission a adopté trois amendements identiques de M. Jean-Louis Touraine et Mme Claire Pitollat, de Mmes Valérie Six et Nicole Sanquer ainsi que de Mme Annie Chapelier et plusieurs de ses collègues du groupe Agir ensemble, ayant pour effet de supprimer la possibilité ouverte au directeur général de l’ARS de s’opposer à une création de postes décidée dans le cadre de l’article 4 de la présente proposition de loi.
Il convient de nuancer la portée de cette suppression, dans la mesure où le directeur général de l’ARS conservera un droit de regard sur les créations de postes de praticien hospitalier via son rôle dans l’approbation de l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) des établissements de santé, en vertu de l’article R. 6145-29 du code de la santé publique.
La commission a également cinq amendements identiques de la rapporteure, de Mme Annie Chapelier et plusieurs de ses collègues du groupe Agir ensemble, de M. Thomas Mesnier, de M. Jean-Louis Touraine et de M. Didier Martin, supprimant le terme « seul » qui qualifiait initialement la prise de décision de création de postes par le directeur de l’établissement support. Cette précision n’avait aucune valeur ajoutée sur le plan juridique, et pouvait laisser croire que le directeur prenait cette décision de manière unilatérale, sans concertation avec la communauté médicale et l’établissement partie, une hypothèse invalidée du reste par l’examen détaillé de la procédure prévue par l’article 4 (cf. II).
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Article 4 bis (nouveau)
Instauration d’un cadre légal pour l’intervention individuelle de praticiens bénévoles dans les établissements publics de santé
Introduit par la commission
Cet article vise à fournir un cadre juridique à l’intervention inviduelle de bénévoles au sein des établissements publics de santé, afin de sécuriser et d’encourager ces initiatives qui ont connu un nouvel essor avec la crise sanitaire.
Avec l’avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté deux amendements identiques de M. Sylvain Maillard et Mme Annie Vidal ainsi que les membres du groupe La République en Marche, visant à encadrer l’intervention de bénévoles à titre individuel au sein des établissements publics de santé.
● Lors de la crise sanitaire du printemps 2020, les établissements de santé ont bénéficié de l’aide spontanée de nombreuses personnes volontaires qui ont contribué aux activités hospitalières à titre bénévole et rendu de multiples services. Il apparaît aujourd’hui essentiel de développer ce bénévolat individuel, qui est complémentaire des actions encadrées par des associations de bénévoles.
Le code de la santé publique ne prévoit aujourd’hui expressément le bénévolat au sein des établissements publics de santé que dans des cas limités, et dans un cadre uniquement associatif, pour l’accompagnement des malades en fin de vie (article L. 1110-11 du code de la santé publique) et pour « apporter un soutien à toute personne accueillie dans l’établissement, à sa demande ou avec son accord, ou développer des activités au sein de l’établissement, dans le respect des règles de fonctionnement de l’établissement et des activités médicales et paramédicales » (article L. 1112-5 du même code). En revanche, il l’autorise et ce, sans conditions, dans les centres de santé (article L. 6323-1-5 du même code).
Or, la crise sanitaire du printemps a confirmé un constat fait depuis de nombreuses années que des personnes volontaires sont en capacité de contribuer individuellement pour de nombreuses activités pour lesquelles elles disposent de compétences spécifiques, à l’amélioration du fonctionnement des établissements de santé et au service rendu à leurs usagers.
● L’article 4 ter vise ainsi à compléter l’article L.1112-5 du code de la santé publique, lequel prévoit en l’état actuel des choses que « les établissements de santé facilitent l’intervention des associations de bénévoles [...] ». L’article 4 ter modifie cet article L. 1112-5 pour prévoir que les établissements de santé facilitent désormais l’intervention « des bénévoles et des associations de bénévoles », ce qui permet de prendre en compte la situation des bénévoles intervenant à titre individuel.
Par ailleurs, l’article L. 1112-5 est aussi complété pour prévoir que, comme pour les associations de bénévoles, les bénévoles intervenant à titre individuel concluront une convention avec les établissements de santé concernés afin de prévoir les modalités de leur intervention.
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Article 4 ter (nouveau)
Instauration d’un cadre légal pour l’intervention individuelle de praticiens bénévoles dans les établissements publics de santé
Introduit par la commission
Dans le même esprit que l’article précédent, cet article vise à encadrer l’intervention de praticiens à titre bénévole au sein des établissements publics de santé.
Avec l’avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté deux amendements de M. Sylvain Maillard et M. Marc Delatte ainsi que les membres du groupe La République en Marche, visant à encadrer l’intervention de praticiens à titre bénévole au sein des établissements publics de santé.
● Dans le contexte actuel de la démographie médicale, mais également afin de pouvoir bénéficier des compétences spécifiques de praticiens disposés à participer hors le cadre statutaire et sans rémunération à des activités médicales hospitalières, le bénévolat peut en effet contribuer au renforcement des ressources médicales des établissements publics de santé, dans l’intérêt du service public hospitalier.
Cependant, le code de la santé publique ne prévoit aujourd’hui expressément le bénévolat au sein des établissements publics de santé que dans des cas limités, énumérés dans le commentaire au précédent article (cf. supra).
À l’article L. 6152-1 du code de la santé publique, le caractère limitatif des catégories de praticiens composant le personnel médical des établissements publics de santé, qui ne mentionne pas la possibilité d’un exercice à titre bénévole, rend actuellement incertaine l’autorisation de ce mode d’exercice.
Pour autant, l’article L. 6146-2 du code de la santé publique prévoit la possibilité d’une participation de praticiens exerçant à titre libéral à l’exercice des missions de service public de l’établissement ainsi qu’à ses activités de soins, sans que cette participation ne soit prévue dans le cadre de l’article L. 6152-1 susmentionné.
● Le présent article a pour objet de permettre, dans des conditions comparables à celles prévues pour les praticiens d’exercice libéral, mais sans rémunération, l’admission de médecins, de sages-femmes et d’odontologistes, pour exercer à titre bénévole au sein des établissements publics de santé, dans le cadre fixé par un contrat conclu avec l’établissement. Afin de ménager la souplesse appropriée à cette intervention bénévole, les praticiens seraient, dans ce cadre, déliés de l’obligation d’être approuvés par le directeur général de l’agence régionale de santé. Dans le cadre de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, cette possibilité de recrutement de médecins bénévoles a été introduite mais limitée au seul contexte de l’état d’urgence sanitaire (article L. 3131-10). Il s’agirait donc de le prévoir de manière pérenne.
Article 4 quater (nouveau)
Lutte contre le cumul irrégulier d’activités par les agents des établissements publics de santé
Introduit par la commission
Cet article vise à mettre les hôpitaux en capacité d’assurer le respect de la réglementation relative au cumul d’activités pour les agents de la fonction publique, dans un souci de sécurité pour les patients. À cette fin, il autorise la consultation par les établissements publics employeurs du fichier national de déclaration à l’embauche, sous le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Cette faculté permettra aux établissements de mieux détecter les situations de cumul irrégulier, actuellement découvertes uniquement de manière fortuite.
La commission a adopté un amendement de M. Sylvain Maillard et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, visant à mieux lutter contre le cumul irrégulier d’activités des professionnels de la fonction publique hospitalière, avec l’avis favorable de la rapporteure.
● L’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 énonce le principe suivant : « Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit [...]. » Certaines activités extérieures sont ainsi expressément interdites, tandis que d’autres peuvent être exercées sous réserve d’une autorisation préalable : activités accessoires qui sont limitativement énumérées par le décret du 27 janvier 2017 et activités dites « annexes » qui concernent la création ou la reprise d’entreprise à temps partiel.
En matière de santé, le cumul d’activités irrégulier des professionnels concernés est particulièrement préjudiciable à la qualité des soins prodigués aux patients et, dès lors, à la sécurité de ces derniers. Or en l’état, les dispositions relatives à l’interdiction de cumul d’activités sont difficilement applicables dans la mesure où les établissements publics de santé ne disposent pas de moyens de contrôle d’éventuels cumuls irréguliers de leurs personnels. Dans la pratique, la découverte de situations de cumul est très souvent le produit du hasard.
● Ces situations de cumul illégal sont révélatrices de certaines faiblesses, en réalité bien connues, qui touchent l’emploi hospitalier. S’agissant des personnels médicaux et paramédicaux en général, la trop faible rémunération offerte par l’hôpital public est ici en cause, à l’évidence. De ce point de vue, les mesures de revalorisation prévues dans le « Ségur » devraient pouvoir contribuer à réduire l’ampleur de ces situations de cumul.
S’agissant des praticiens hospitaliers en particulier, ces situations de cumul irrégulier révèlent aussi la nécessité d’assouplir ce statut, afin de permettre un cumul raisonné et encadré d’activités publiques et privées. La réforme en cours du statut de praticien hospitalier, qui devrait aboutir en 2021, fait ainsi partie de la solution.
● Dans l’immédiat, il convient de garantir que les dispositions relatives au cumul d’activités sont contrôlées et respectées. Afin de rendre ces dispositions effectives, l’article 4 quater autorise les établissements publics de santé à demander à l’URSSAF de leur communiquer les données concernant l’embauche éventuelle de leurs agents par un autre employeur, via la consultation du fichier national de déclaration. Cet usage est conforme à la finalité du fichier, qui est de lutter contre le travail illégal – lequel inclut, en vertu de l’article L. 8211-1 du code du travail, le cumul d’emploi irrégulier.
Ce dispositif permettra de renforcer la qualité et la sécurité des soins prodigués aux patients, tout en rendant effectives les dispositions relatives à l’interdiction du cumul d’activités dans la fonction publique hospitalière et, pour les professeurs des universités - praticiens hospitaliers (PU-PH), dans la fonction publique d’État.
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Chapitre IV
Simplification de la gouvernance
dans les établissements publics de santé
Article 5
Revalorisation de la place du service et le rôle du chef de service
Rédaction globale de l’article en commission
L’article 5 vise à revaloriser le service et à en faire l’échelon de référence en matière de qualité et de sécurité des soins et d’encadrement. Il donne une existence législative au chef de service.
L’article 5 répond à une demande forte des communautés médicales hospitalières afin de renforcer la proximité au sein de la gouvernance.
Il revalorise ainsi le service, consacré comme échelon de référence en matière de qualité et de sécurité des soins et d’encadrement, et, par conséquent, le rôle du chef de service.
I. Le droit existant : un renforcement progressif du pôle au détriment du service
A. Le pôle est devenu la clé de voûte de l’organisation interne des hôpitaux
● Dans la continuité du mouvement préfiguré dès le début des années 2000 dans certains établissements, puis consacré par l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « HPST ») a substitué à l’organisation historique de l’hôpital autour de services une organisation autour de pôles à l’assise plus large, regroupant chacun plusieurs services.
Ce regroupement en pôles avait pour objectifs de responsabiliser les professionnels sur le terrain et de rapprocher logiques médicales et administratives. Il procédait également d’une logique médico-économique, dans un contexte d’introduction de la tarification à l’activité dans les établissements publics de santé.
La spécialisation croissante de la médecine et la multiplication des services qui en résulte inéluctablement avaient rendu d’autant plus nécessaire ce regroupement en unités plus vastes que le seul service, afin de lutter contre une « balkanisation » de l’hôpital public. ([30])
Comme le soulignent les travaux préparatoires à la loi HPST, « le recours à une démarche de contractualisation avec les pôles d’activité ainsi que les délégations de gestion consenties à leurs responsables » visaient également « à permettre le décloisonnement de l’hôpital en vue de favoriser le développement d’un travail pluridisciplinaire et d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients » ([31]).
● Aux termes de l’article L. 6146-1 du code de la santé publique tel que réécrit par la loi HPST puis précisé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les pôles constituent désormais l’organisation de droit commun des hôpitaux.
Le seuil d’effectif médical en dessous duquel la constitution de pôles est facultative ainsi que le nombre maximum d’agents que peut comporter un pôle devait être fixé par décret. La rapporteure note toutefois que ce décret n’a jamais été publié. En effet, selon la direction générale de l’offre de soins, interrogée à ce sujet, « les concertations menées dans la perspective de la prise du décret d’application prévu par cette disposition ont démontré l’impossibilité de procéder, comme envisagé, par l’instauration d’un seuil précis autorisant cette dérogation, la variabilité des contextes locaux et des situations nécessitant plutôt une prise en compte au cas par cas ».
Le directeur d’établissement définit l’organisation en pôles d’activité en fonction du projet médical d’établissement. La loi distingue ainsi plusieurs types de pôles : pôles d’activité clinique, médicotechnique ou hospitalo-universitaires dans les centres hospitaliers universitaires (CHU).
Cette organisation est soumise à l’avis du président de la commission médicale d’établissement (CME) et, dans les CHU, à l’avis du directeur de l’unité de formation et de recherche médicale.
Le directeur de l’établissement nomme les chefs de pôle. Cette désignation intervient sur proposition du président de la CME pour les pôles d’activité clinique et médicotechnique et sur proposition conjointe du président de la CME et des doyens pour les centres hospitalo-universitaires.
Le directeur signe avec le chef de pôle un contrat précisant les objectifs et les moyens du pôle. Ce contrat fait l’objet d’une contresignature du président de la CME. Dans le cas particulier des CHU, la contresignature échoit au directeur de l’unité de formation de recherche médicale, ou lorsque plusieurs unités sont concernées, au président du comité de coordination du comité de l’enseignement médical.
Le praticien chef d’un pôle d’activité clinique ou médicotechnique est chargé de mettre en œuvre la politique de l’établissement afin d’atteindre les objectifs fixés par ce contrat de pôle. Il organise ainsi le fonctionnement et l’affectation des ressources humaines en fonction des nécessités de l’activité. À cet effet, il dispose d’une autorité fonctionnelle sur les équipes médicales, soignantes, administratives et d’encadrement du pôle.
● Si le service ne constitue plus le cœur de l’organisation hospitalière, il n’a pas pour autant disparu de la loi.
Ainsi, le même article L. 6146-1 du code de la santé publique précise que « les pôles d’activité sont composés, d’une part, de services, de départements et d’unités fonctionnelles ou de toutes autres structures de prise en charge du malade par les équipes médicales, soignantes ou médicotechniques ».
B. Une nécessité de remettre le service et le chef de service au cœur de la gouvernance hospitalière
● Comme l’a parfaitement résumé le Pr. Patrice Diot, président de la conférence des doyens de médecine, lors de son audition par la rapporteure, « l’identité culturelle de l’hôpital, c’est le service ».
La rapporteure partage ce constat fort et les pistes esquissées par plusieurs rapports au cours des derniers mois. Malgré l’affirmation dans la loi de la place et du rôle des pôles, dans la pratique, le service reste l’échelon de référence.
Le rapport remis au ministre des solidarités et de la santé par le Pr. Olivier Claris en juin 2020 sur la gouvernance et la simplification hospitalières souligne ainsi à juste titre la nécessité de revaloriser le rôle du service, qui demeure « le collectif d’action fondamental des équipes soignantes ainsi qu’un identifiant majeur de la discipline d’exercice, y compris pour les patients et consultants ». Il considère que si le pôle, malgré les limites encore constatées notamment en termes de délégations de gestion, s’est bel et imposé comme un acteur de gouvernance institutionnelle médico-administrative, cette évolution s’est faite au détriment des services, qui doivent aujourd’hui être replacés au cœur d’une gouvernance hospitalière rénovée. Il invite donc à reconnaître réglementairement la fonction de chef de service, et particulièrement ses responsabilités en matière de qualité et de sécurité des soins, de qualité de vie au travail des équipes, et d’encadrement des internes et des étudiants en santé.
● Le rapport et les recommandations de Mme Nicole Notat à l’issue du Ségur de la santé vont dans le même sens que le rapport du Pr. Olivier Claris, et soulignent que la structuration en pôles s’est faite souvent par raison, voire par contrainte.
Le rapport Notat considère ainsi que la multiplication des strates d’organisation a eu pour effets pervers « d’éloigner la décision du terrain et de reléguer les chefs de service dans un rôle ne leur permettant pas de participer à la conception des changements à l’hôpital ».
Les recommandations du rapport plaident donc pour « redonner une existence légale au service, au chef de service et au cadre de proximité ». Elles invitent également à donner plus de marge de manœuvre et de responsabilité aux services avec des délégations de gestion accordées aux pôles et aux services dans chaque établissement.
● Cette importance de remettre le service au cœur de la gouvernance hospitalière a fait l’objet d’un consensus lors des auditions menées dans le cadre de la présente proposition de loi. Cette revalorisation est très attendue.
II. Le droit proposé
L’article 5 de la proposition de loi s’inscrit directement dans la continuité des recommandations du rapport précité remis par le Pr. Olivier Claris.
Il permet de revaloriser le rôle du service sans pour autant remettre en cause le principe de l’organisation en pôles.
Il précise à l’article L. 6146-1 du code de la santé publique qu’au sein des pôles, les services constituent l’échelon de référence en matière :
– de qualité et de sécurité des soins ;
– d’encadrement des équipes, des internes et des étudiants en santé ;
– de qualité de vie au travail.
Il réintroduit également l’existence des chefs de service au niveau de la loi. Il précise que le chef de service est associé à la définition de la stratégie médicale et aux projets d’évolution de l’organisation de l’établissement.
III. Les modifications apportées par la commission
En commission, l’article 5 a fait l’objet d’un amendement de rédaction globale de la rapporteure, sous-amendé par MM. Jean-Louis Touraine, Thomas Mesnier, Didier Martin et Mme Annie Chapelier, avec l’avis favorable de la rapporteure.
Cet amendement a permis de préciser le rôle du chef de service, dans un nouvel article L. 6146-1-1 du code de la santé publique, distinct de l’article L. 6146‑1 relatif à l’organisation en pôles.
Il permet notamment de préciser la procédure de nomination du chef de service ainsi que ses missions et son lien avec l’encadrement de proximité.
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Article 6
Possibilité de regrouper la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques et la commission médicale d’établissement
Rédaction globale de l’article en commission
L’article 6 permet de regrouper, de manière optionnelle, la commission médicale d’établissement et la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques.
I. Le droit existant
A. La commission médicale d’établissement
● La commission médicale d’établissement (CME) constitue le pilier médical de la gouvernance des établissements publics de santé.
Dans chaque établissement public de santé, la CME, qui est composée des représentants des personnels médicaux, odontologiques, maïeutiques et pharmaceutiques, contribue à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers. Elle est consultée sur les matières qui la concernent, dans des conditions fixées par voie réglementaire (articles L. 6144-1 et L. 6144-2 du code de la santé publique).
Sa composition et ses règles de fonctionnement sont également détaillées par voie réglementaire.
● La CME élit son président, qui joue un rôle à part dans la gouvernance de l’hôpital. Il est notamment de droit le vice-président du directoire et élabore, avec le directeur, le projet médical de l’établissement. Il coordonne également la politique médicale de l’établissement (article L. 6143-7-3 du code de la santé publique).
B. La commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques
La commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques (CSIRMT), prévue à l’article L. 6146-9 du code de la santé publique, est également obligatoire dans chaque établissement public de santé.
Elle est présidée de droit par le coordonnateur général des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques, qui est le directeur des soins, membre de l’équipe de direction et nommé par le directeur d’établissement.
Elle est composée des différentes catégories de personnels de soins, réunis en différents collèges (collège des cadres de santé, collège des personnels infirmiers, de rééducation et médicotechniques, collèges des aides-soignants).
Comme la CME, elle est consultée sur des matières et dans des conditions fixées par voie règlementaire.
II. le droit proposé
● L’article 6 rend possible, pour une durée de douze mois après la promulgation de la présente loi, le regroupement de la commission des soins infirmiers et de la commission médicale d’établissement.
● Cette proposition est issue des recommandations du rapport Notat remis dans le cadre du Ségur de la santé, qui a dressé le constat que « les paramédicaux, qui constituent la population de loin la plus importante des établissements, sont aujourd’hui cantonnés dans l’exécution de décisions issues d’une réflexion dont ils ont été en tout ou partie exclus » et a souligné l’importance de « reconnaître aux paramédicaux les moyens de promouvoir leur expertise en matière de stratégie et d’organisation des soins ».
Le rapport Notat a ainsi conclu à la nécessité de lancer des expérimentations, en lien avec les agences régionales de santé, dans chacune des régions avec les établissements volontaires qui souhaiteraient que :
– le président de la CSIRMT soit élu par les membres de la commission ;
– le président de la CSIRMT soit associé au binôme formé par le directeur et le président de la CME au sein du système de prise de décision ;
– la CME et la CSIRMT, sur décision conjointe, fusionnent en une commission médico-soignante à plusieurs périmètres adaptés aux métiers représentés.
Le présent article concrétise cette dernière proposition, également présente à la mesure 22 des conclusions du Ségur de la santé.
Les dispositions de l’article 6 de la proposition de loi font par ailleurs écho à celles de son article 8, qui visent à instaurer un droit d’option pour l’organisation interne des établissements de santé, leur permettant notamment de déroger à l’organisation en pôles.
III. Les modifications apportées par la commission
En commission, l’article 6 a fait l’objet d’un amendement de rédaction globale de la rapporteure.
Cet amendement a transformé l’expérimentation prévue par la version initiale de la proposition de loi en un droit d’option ouvert aux établissements publics de santé volontaires, plus conforme à l’esprit de cet article.
Par ailleurs, cet amendement est venu préciser :
– les conditions dans lesquelles une telle fusion peut avoir lieu. Il propose ainsi que cette fusion soit décidée par le directeur de l’établissement sur proposition conjointe des présidents de la commission médicale d’établissement et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques, après avis conforme de ces deux commissions ;
– les modalités de dissolution de cette commission médico-soignante ;
– les modalités de détermination de sa composition et de ses compétences.
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Article 7
Poursuite de l’intégration des groupements hospitaliers de territoire par le prisme des directions communes
Rédaction globale de l’article en commission
L’article 7 permet de poursuivre l’intégration des groupements hospitaliers de territoire (GHT) en systématisant les directions communes entre établissement support et établissements parties.
L’article 7 propose de renforcer l’intégration des établissements de santé au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT) en confiant systématiquement les postes de direction vacants à l’établissement support du groupement.
I. le droit existant
A. Les GHT, Une nouvelle logique de coopération hospitalière
La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 ([32]) impose à tous les établissements publics de santé de coopérer au sein de groupements hospitaliers de territoire.
Non dotés de la personnalité morale, ces groupements doivent permettre de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient, mais également la mutualisation de certaines fonctions support, en premier lieu les achats hospitaliers.
● Aux termes de l’article L. 6132-1 du code de la santé publique, les établissements publics sont désormais tenus d’adhérer à un GHT, sauf dérogation prévue par la loi ([33]) ou tenant à la spécificité des établissements dans l’offre de soins régionale.
L’apport majeur de ce dispositif réside dans son caractère obligatoire pour les établissements publics, qui a permis de reconfigurer l’offre publique de soins.
Ainsi, la création des GHT a permis le regroupement de 891 établissements publics en 136 groupements, aux formats très variables en fonction de leur composition (de deux à vingt établissements), des territoires couverts (de 100 000 à 2,5 millions d’habitants) et de leur masse budgétaire (de moins de 100 millions d’euros à plus de 2 milliards d’euros).
Le GHT doit reposer sur un projet médical partagé, accompagné d’un projet de soins partagé : les projets médicaux des établissements doivent désormais obligatoirement être conformes à ce projet médical partagé, établi pour cinq ans.
● Le pilier de la gouvernance du GHT repose sur la désignation d’un établissement support chargé d’assurer, pour le compte des autres établissements du groupement, les fonctions déléguées. Il s’agit de :
– la gestion d’un système d’information hospitalier et d’un département d’information médicale (DIM) uniques ;
– la gestion de la fonction achats ;
– la coordination des instituts et des écoles de formation paramédicale du groupement et des plans de formation continue et de développement professionnel continu des personnels des établissements parties au groupement.
B. Une intégration au sein des GHT encore au milieu du gué
● Un rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2020 ([34]) constate que « quatre ans après leur mise en œuvre, le bilan des GHT paraît en demi-teinte. Si, incontestablement, cette réforme a renforcé la vision territoriale des acteurs et favorisé les échanges, elle n’a cependant pas abouti aux réorganisations nécessaires de l’hospitalisation publique. Les raisons qui empêchent aujourd’hui la réforme d’aller à son terme tiennent à la fois à des éléments exogènes aux GHT (comme la démographie médicale ou la logique d’établissement, qui perdure notamment sur le plan financier) et à des éléments propres (gouvernance inadaptée, découpage territorial hétérogène, absence de personnalité morale, secteur privé absent des activités non soumises à la concurrence). »
La rapporteure partage pleinement cette analyse et la nécessité d’aller plus loin dans l’intégration des GHT pour leur permettre d’être – enfin – le moteur de la transformation de l’offre de soins sur le territoire.
● La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé doit permettre d’aller bien plus loin en matière de gouvernance, en généralisant les commissions médicales de groupement et en transférant la compétence de gestion des ressources humaines médicales au niveau du GHT.
Elle a également ouvert la possibilité d’une intégration renforcée aux GHT qui le souhaiteraient, en permettant la mutualisation de la trésorerie, l’élaboration d’un plan d’investissement et d’un plan global de financement pluriannuel uniques et la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens unique.
Les ordonnances et textes d’application devant permettre d’aller vers cette gouvernance plus intégrative n’ont toutefois pas encore été publiés du fait de la crise sanitaire, ce que la rapporteure regrette vivement.
● Au-delà de cette réforme très attendue, il faut désormais aller plus loin en matière d’intégration des GHT, en leur permettant de développer une véritable vision commune de l’offre de soins sur le territoire.
C. La direction commune, un outil insuffisamment exploité
● La direction commune permet de confier à un directeur la responsabilité et la conduite de deux structures publiques sanitaires ou médico‑sociales.
Tant le rapport de la Cour des comptes précité que celui de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en décembre 2019 et intitulé « Bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire » soulignent le rôle d’impulsion majeur que pourrait jouer ce mécanisme statutaire dans le renforcement de l’intégration des GHT.
Le rapport de l’IGAS souligne ainsi qu’« entre établissements parties, les rapprochements institutionnels, directions communes voire fusions, permettent de sceller plus fortement l’intégration des gouvernances et des directions, et favorisent naturellement les synergies entre offres de soins et les mutualisations de fonctions support ».
Surtout, comme l’a très justement souligné le Dr. Jean-Yves Grall, président du collège des directeurs généraux d’agences régionales de santé, lors de son audition par la rapporteure, la direction commune peut permettre « de susciter la vocation de professionnels de l’établissement support à aller pratiquer dans des petits établissements » et « d’avoir une vue institutionnelle permettant une meilleure répartition de l’offre des soins sur le territoire ».
Le rapport de la Cour des comptes souligne quant à lui que la mise en place d’une direction commune peut constituer un « sas préparatoire » à la formation d’une personnalité morale unique au sein des GHT pour les établissements souhaitant s’engager dans cette voie.
● Pourtant, cet outil est aujourd’hui insuffisamment exploité, alors même qu’il permet d’encourager une véritable vision pour le territoire.
Le rapport de la Cour des comptes précité souligne ainsi que le régime juridique actuel de la direction commune paraît « modeste (simple convention), d’initiative trop élargie (délibération des conseils de surveillance des établissements concernés) et fragile (une délibération contraire peut y mettre un terme) ». Il donne ainsi l’exemple du centre hospitalier de Vendôme, dont le conseil de surveillance s’est opposé en 2018 à la mise en place d’une direction commune avec le centre hospitalier de Blois dans le cadre du groupement hospitalier de Loir‑et‑Cher.
En effet, aujourd’hui, aucune disposition relative aux directions communes n’est prévue dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire, et, indépendamment de la question des GHT, la direction commune est un outil qui reste juridiquement peu défini.
Seul l’article 4 du décret n° 2005-920 du 2 août 2005 ([35]) apporte des précisions quant à la procédure de mise en place d’une direction commune, qui se fait sur la base d’une délibération identique des conseils de surveillance des établissements concernés, dans le cadre d’une convention prévue à cet effet. Il peut, en outre, être créée dans les mêmes conditions une équipe de direction, pour partie ou dans son intégralité, commune aux établissements concernés. Enfin, la convention de direction commune peut être dénoncée par délibération du conseil de surveillance de l’un des établissements composant cette direction commune.
II. le droit proposé
● Pour permettre une plus grande intégration des établissements de santé au sein des GHT, l’article 7 prévoit de systématiser les directions communes.
Il crée ainsi un nouvel article L. 6132-1-1 du code de la santé publique au sein du chapitre II du titre III du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, relatif aux GHT.
Ce nouvel article prévoit que tout poste de directeur d’établissement laissé vacant dans un établissement partie à un GHT est systématiquement confié à l’établissement support du groupement. À chaque départ d’un directeur d’établissement partie, dans le cas d’un départ en retraite par exemple, la direction doit ainsi devenir systématiquement une direction commune entre l’établissement partie et l’établissement support. Cette notion de vacance s’entend ici sans condition de délai.
Une seule condition dérogatoire est prévue à cette systématisation des directions communes : le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) compétente pourra en effet s’opposer à une telle direction commune dans les cas où la taille du groupement serait trop importante.
III. Les modifications apportées par la commission
En commission, l’article 7 a fait l’objet d’un amendement de rédaction globale de la rapporteure.
En effet, lors des auditions menées dans le cadre de cette proposition de loi, la rapporteure a pu relever que le caractère systématique et imposé de ces directions communes était source de craintes pour certains. Il est donc apparu nécessaire d’assouplir le dispositif initial.
L’article adopté par la commission prévoit donc que le poste vacant est d’abord confié à l’établissement support du GHT, pendant une durée transitoire d’un an seulement. Le directeur général de l’ARS compétente pourra alors s’y opposer, notamment en raison de l’importance de la taille du groupement (un sous-amendement de M. Didier Martin est venu préciser que cette opposition de l’ARS doit être motivée).
Le directeur général de l’ARS pourra ensuite décider de prolonger cet intérim en une direction commune. Il ne pourra le décider qu’après avis du comité stratégique du GHT, du comité des élus locaux du GHT et du conseil de surveillance de l’établissement partie.
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Article 7 bis (nouveau)
Création d’un service d’accès aux soins non programmés
Introduit par la commission
Cet article prévoit la création d’un service d’accès aux soins non programmés, s’appuyant sur un numéro national unique dédié à la santé.
Cet article résulte de l’adoption en commission d’un amendement de M. Thomas Mesnier, avec l’avis favorable de la rapporteure.
● Cet article s’inscrit dans la droite ligne du rapport remis à la ministre des solidarités et de la santé en décembre 2019 par l’auteur de l’amendement et le Pr. Pierre Carli.
Il propose la création d’un service d’accès aux soins non programmés et la mise en place d’un service d’accès aux soins (SAS) accompagné d’un numéro unique « santé ».
En effet, selon ce rapport, « améliorer la gestion de l’amont des urgences implique de renforcer et mieux structurer la régulation médicale ».
Il appelle à « offrir à chacun un service simple et lisible pour accéder, à toute heure et à distance, à un professionnel de santé qui fournira un conseil, une téléconsultation, une orientation vers une consultation sans rendez-vous ou, lorsque cela s’avère nécessaire, un service d’urgence ». Il invite ainsi à créer, « avec l’ensemble des professionnels concernés (hospitaliers et libéraux), un nouveau service d’accès aux soins (SAS), plateforme téléphonique et en ligne fonctionnant en lien étroit avec les services de secours. Ce SAS intégrerait principalement l’aide médicale urgente et les soins non programmés ambulatoires. »
Il propose la création de deux numéros uniques, l’un dédié au secours et la sécurité, l’autre dédié à la santé, « allant de l’urgence médicale au conseil médical en passant par toutes les possibilités de réponses aux besoins des patients ».
● Le présent article modifie en ce sens l’article L. 6311‑2 du code de la santé publique, relatif à l’aide médicale urgente.
Le 1° insère au côté des « centres 15 » prévus à cet article la notion de « service d’accès aux soins ».
Le 2° prévoit que ces centres et unités doivent être portés par des professionnels de santé du territoire s’organisant en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). En cohérence, le 4° précise que le fonctionnement de ces centres doit être assuré avec le concours de médecins d’exercice libéral, là où ce n’est aujourd’hui qu’une faculté.
Le 3° précise que ce centre doit s’appuyer sur un numéro national unique dédié à la santé, distinct des numéros dédiés aux secours et à la sécurité, qui se substituera notamment au numéro national d’aide médicale urgente et au numéro national de permanence des soins introduit par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
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Article 8
Droit d’option des établissements de santé en matière de modalités d’organisation interne et de gouvernance
Rédaction globale de l’article en commission
L’article 8 ouvre pour les établissements publics de santé un « droit d’option » pour pouvoir déroger au droit commun de l’organisation interne et de la gouvernance des établissements de santé.
● Le rapport du Pr. Olivier Claris remis en juin 2020 au ministre des solidarités et de la santé puis celui remis par Mme Nicole Notat dans le cadre du Ségur de la santé ont chacun conclu à la nécessité d’une plus grande souplesse pour adapter la gouvernance des établissements publics de santé aux problématiques propres à chacun d’entre eux.
Le rapport Notat a notamment proposé de « permettre de considérer l’organisation en pôle et l’installation d’un directoire comme optionnelles, fondées sur une logique de projet médico-soignant, d’organisation de filières ou de recherche », proposition reprise par les conclusions du Ségur de la santé (mesure 18).
● Le présent article donne une traduction concrète à cette proposition. La rapporteure considère en effet que la proximité et l’adaptabilité doivent être les maîtres-mots d’une gouvernance hospitalière rénovée.
Il s’inspire de l’article dit « amendement liberté » introduit par la loi n° 91‑748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière et abrogé par l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé (article L. 714-25-2 devenu L. 6146-8 du code de la santé publique).
Il permet au conseil de surveillance ([36]) d’un établissement public de santé de décider d’arrêter librement l’organisation des soins et le fonctionnement médical de l’établissement, dans le respect du projet d’établissement.
Son objectif est en particulier de permettre de déroger à l’organisation en pôles.
● En commission, par le biais d’un amendement de rédaction globale, la rapporteure est venue préciser cet article.
Cet amendement apporte des améliorations d’ordre légistique. Surtout, il précise que le champ de cette dérogation concerne bien uniquement l’organisation en pôles et en services.
Il précise par ailleurs les modalités de mise en œuvre de ce droit d’option, qui sera décidé de manière conjointe par directeur et le président de la commission médicale d’établissement, après avis conforme de la commission médicale d’établissement et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques et l’avis du comité technique d’établissement.
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Article 9
Élargissement de la composition du directoire des établissements publics de santé
Rédaction globale de l’article en commission
L’article 9 modifie la composition du directoire des établissements publics de santé en permettant la nomination au sein de celui-ci de représentants de soignants, d’étudiants en santé et d’usagers du système de santé.
I. L’État du droit : le directoire, UN ORGANE DE GESTION STRATÉGIQUE MAJORITAIREMENT COMPOSé DE PERSONNELs MÉDICAux
A. Le directoire, au cœur de la gestion des établissements publics de santé
● Aux termes de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, chaque établissement public de santé possède un directoire, présidé par le directeur de l’établissement.
Organe collégial-clé dans la gestion de chaque établissement, ses attributions, définies à l’article L. 6143-7-4 du même code, ont néanmoins été réduites par rapport à celles du conseil exécutif qu’il remplace depuis la loi n° 2009‑879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST ». Il est, selon les termes de la commission Larcher, dont les travaux avaient inspiré le projet de loi, une « instance resserrée présidée par le directeur et vice-présidée par le président de la commission médicale d’établissement ».
Le directoire approuve le projet médical de l’établissement, qui définit la politique médicale de l’établissement et est élaboré par le directeur et le président de la commission médicale d’établissement.
Il prépare également le projet d’établissement, qui définit la politique générale de l’établissement pour une durée maximale de cinq ans.
Enfin, il conseille le directeur dans la gestion et la conduite de l’établissement.
Il doit notamment être consulté par le directeur sur de nombreux sujets, énumérés à l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, et notamment sur le contrat pluriannuel conclu avec l’agence régionale de santé, le bilan social de l’établissement, le programme d’investissement ou l’organisation interne de l’établissement.
B. Une composition presque exclusivement médicale
Contrairement au précédent conseil exécutif, associant à parité des membres administratifs et des membres du personnel médical ([37]), aux termes de l’article L. 6143-7-5, le directoire doit être composé d’une majorité de membres du personnel médical, pharmaceutique, maïeutique et odontologique.
Le directoire est ainsi composé de sept membres, et de neuf membres dans les centres hospitaliers universitaires (CHU).
Sa présidence est assurée par le directeur de l’établissement et la vice‑présidence par le président de la commission médicale d’établissement (CME) ([38]).
Les directeurs de CHU doivent également nommer un vice-président doyen et un vice-président chargé de la recherche.
Le président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques (CSIRMT) est également membre de droit de cette instance.
À l’exception des membres de droit, le directoire se compose de membres nommés par le directeur après information du conseil de surveillance. La loi renvoie au pouvoir réglementaire la fixation de la durée de leur mandat. Ces membres sont nommés pour quatre ans ([39]) et sont, pour la majorité – soit au moins trois – des membres du personnel médical, pharmaceutique, maïeutique et odontologique. Pour la nomination des membres appartenant aux professions médicales, le président s’appuie sur une liste de propositions établie par son vice-président ([40]).
composition du directoire
Source : instruction n° DHOS/E1/2010/75 du 25 février 2010 relative à la mise en place des directoires des établissements publics de santé.
In fine, le personnel non médical est donc très peu représenté car seul un membre parmi les quatre membres nommés peut appartenir à une profession non médicale.
Dans ce contexte, les conclusions du Ségur de la santé ont acté la nécessité de « renforcer la place des paramédicaux et des usagers dans la gouvernance des établissements de santé », notamment en introduisant un personnel paramédical au directoire (mesure 22).
II. LE DROIT PROPOSÉ : OUVRIR LE DIRECTOIRE à des reprÉsentants de PERSONNELS SOIGNANTS, d’ÉTUDIANTS EN SANTÉ ET d’USAGERS
A. De nouveaux membres prévus au directoire
L’article 9 modifie l’article L. 6143-7-5 du code de la santé publique afin de faire évoluer la composition du directoire des établissements publics de santé en permettant la nomination de nouveaux membres.
Le 1° prévoit ainsi que le directoire peut comprendre, en sus des membres de droit et des membres appartenant aux professions médicales :
– un représentant des soignants ;
– un représentant des étudiants en santé ;
– un représentant des usagers du système de santé.
Comme l’a souligné lors de son audition M. Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), un pas a déjà été fait en ce sens au sein de l’AP-HP avec le décret n° 2020-10 du 7 janvier 2020, qui prévoit à son article 1er que le directeur général peut désigner au plus cinq personnalités qualifiées qui participent avec voix consultative aux séances du directoire.
Afin de rendre effective cette possible modification de la composition du directoire, le 2° permet d’augmenter le nombre de membres de ce dernier.
L’article n’impose donc pas aux établissements de nommer ces autres représentants mais en ouvre plutôt la possibilité. Néanmoins, dans les cas où cette modification de la composition serait mise en place, il sera nécessaire d’augmenter également le nombre de personnels médicaux présents au directoire, afin de respecter la règle de la majorité médicale fixée au premier alinéa de l’article L. 6143-7-5.
Il prévoit ainsi que le directoire se compose d’au minimum sept membres, et d’au minimum neuf pour les centres hospitaliers universitaires. Il ne prévoit plus de limite maximale à la composition du directoire, ce qui a été regretté lors des auditions.
B. Les modalités de nomination
Le 3° de l’article 9 prévoit les modalités de nomination de membres du directoire appartenant aux professions non-médicales.
Il reprend les dispositions de l’article L. 6143-7-5 du code de la santé publique prévoyant que les membres du directoire qui ne sont pas de droit sont nommés et révoqués par le directeur, après information du conseil de surveillance.
Surtout, par parallélisme avec les modalités de nomination des membres médicaux du directoire, nommés sur présentation d’une liste de propositions établie par le président de la commission médicale d’établissement, il précise que ces représentants devront être nommés par le directeur, sur présentation d’une liste de propositions établie par le président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques (CSIRMT). En cas de désaccord, le directeur pourra demander une nouvelle liste et, si le désaccord persiste, nommer directement les membres, après avis du président de la CSIRMT.
Outre cette disposition, l’article 9 ne précise toutefois pas les modalités de nomination des représentants des étudiants en santé et des usagers.
III. Les modifications apportées par la commission
En commission, l’article 9 a fait l’objet d’un amendement de rédaction globale de la rapporteure.
Cette nouvelle rédaction ne supprime plus la limite maximale de nombre de membres au sein du directoire, mais augmente ce nombre de deux membres pour les centres hospitaliers comme pour les CHU.
Elle impose la nomination au sein du directoire d’un membre du personnel non-médical.
Elle prévoit en outre que directeur peut, après avis conforme du président de la commission médicale d’établissement et concertation du directoire, désigner au plus trois personnalités qualifiées qui peuvent notamment être des représentants des usagers ou des étudiants. Ces dernières participent avec voix consultative aux séances du directoire
Cette nouvelle rédaction permet ainsi de garantir le format restreint du directoire.
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Article 10
Lutte contre les abus liés à l’intérim médical
Adopté par la commission avec modifications
L’article 10 permet de lutter contre les abus liés à l’intérim médical lorsque les contrats signés ne respectent pas le plafond maximal de rémunération fixé par voie réglementaire, par le biais de deux instruments.
D’une part, il permet aux comptables publics de bloquer les rémunérations des contrats d’intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation.
D’autre part, il donne la possibilité aux directeurs généraux des agences régionales de santé de déférer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers.
Le recours à l’intérim médical n’a fait que croître au cours des dernières années, malgré une volonté politique forte de mieux réguler ces pratiques et surtout leur coût croissant pour l’hôpital public.
En effet, malgré l’augmentation effrénée et désormais illégale des tarifs journaliers des prestations d’intérim médical, les établissements publics de santé sont souvent dépendants de ce recours à l’intérim afin de pouvoir assurer la continuité et la permanence des soins, et insuffisamment armés pour lutter contre les abus engendrés par ces pratiques.
Il est donc urgent de franchir un nouveau cap dans la lutte contre ces dérives, qui grèvent le budget de grands nombres d’hôpitaux.
I. Une dynamique préoccupante, que les mesures fortes prises au cours des dernières années n’ont pas permis d’enrayer
A. Un recours accru à l’intérim médical
● Outre les situations dans lesquelles l’hôpital n’a pas recours à un intermédiaire et recrute un praticien temporaire de gré à gré, l’intérim médical recouvre en pratique deux situations :
– d’une part, l’intérim proprement dit, au sens de l’article L. 1251-1 du code du travail, c’est-à-dire la mise à disposition d’un praticien salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d’un centre hospitalier, qui est alors le client utilisateur, pour l’exécution d’une mission ;
– d’autre part, la relation contractuelle directe entre un médecin remplaçant et un établissement de santé, le cas échéant après une mise en relation par le biais d’une entreprise de travail temporaire, au titre de leur activité de placement prévue à l’article L. 1251-4 du code du travail.
● Quelle que soit sa forme, le recours à l’emploi temporaire médical à l’hôpital public n’a cessé d’augmenter au cours des vingt dernières années.
Ce recours ne pose évidemment pas de problème dans son principe, et il peut être un moyen pertinent et tout à fait légitime de gérer une période de transition dans la carrière de praticien hospitalier (avant la présentation du concours de praticien hospitalier par exemple) ou d’assurer une mission spécifique et ponctuelle.
Malheureusement, il est aussi trop souvent dû à une pénurie de temps médical à laquelle l’établissement est incapable de faire face avec ses seuls effectifs habituels.
En effet, l’évolution de la démographie médicale, la faible attractivité de certains établissements et de certains territoires, un certain désintérêt pour l’exercice hospitalier et le différentiel de rémunération avec le secteur privé ont conduit à un tarissement de la ressource médicale hospitalière. Dans ce contexte, les hôpitaux sont de plus en plus souvent amenés à recourir à l’intérim pour pallier l’absence de médecins dans certaines spécialités sous tension (anesthésie, radiologie, médecine d’urgence, gynécologie-obstétrique et pédiatrie notamment).
Dès 2003, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ([41]) pointait déjà la part importante et croissante de ces contrats temporaires.
Dix ans plus tard, M. Olivier Véran, député, estimait dans un rapport ([42]) que le recours à l’emploi médical temporaire n’avait cessé d’augmenter depuis ce premier rapport réalisé par l’IGAS. Il constatait que bien qu’il existe des disparités régionales, et que les hôpitaux de petite taille soient les plus concernés, « même de gros établissements doivent désormais faire appel à de l’emploi temporaire ». Il notait également que le recours à l’intérim médical se concentrait sur trois spécialités, « caractérisées par une forte pénibilité, des tensions démographiques et/ou un fort différentiel de rémunération public/privé ».
Ce rapport estimait à 6 000 « le nombre de médecins temporaires réguliers à exclusifs à l’hôpital public, auxquels il faut ajouter les nombreux médecins effectuant des missions occasionnelles, en plus de leur activité régulière ».
Surtout, il estimait à 500 millions d’euros par an le surcoût total pour les établissements publics de santé du développement de l’intérim médical, en raison notamment des rémunérations proposées aux spécialistes concernés, dans une logique de concurrence entre les établissements. Il notait ainsi que les rémunérations fixées par les sociétés d’intérim étaient en moyenne de 600 à 800 euros nets pour une journée, et 1 300 euros pour une garde de 24 heures, avec des tarifs parfois bien supérieurs, et qu’au total, une journée d’intérim médical coûtait en moyenne 1 370 euros à l’établissement, soit plus du triple du coût normal d’une journée de travail pour un praticien hospitalier titulaire.
Au-delà du poids financier exorbitant que représente le recours à l’intérim médical pour les établissements, ce dernier ainsi que le turn-over très élevé qu’il implique déstabilisent également les services et la cohésion des équipes, et peuvent même nuire à la qualité des soins lorsque ce recours devient trop fréquent.
● Depuis 2013, la tendance décrite par ce rapport s’est accentuée. Ainsi, les dépenses d’intérim médical au sens strict des hôpitaux publics ont augmenté de 17 % entre 2017 et 2018, pour atteindre 149,5 millions d’euros. Les dépenses de personnel non permanent ont quant à elles progressé de 7 % sur la même période pour atteindre 1 424 millions d’euros et près de 19 % de la masse salariale médicale de l’hôpital public en 2018, selon les données transmises à la rapporteure par le Gouvernement.
Les établissements de santé pour lesquelles ces dépenses de personnel non permanent pèsent le plus lourd sont évidemment les plus petits établissements, en particulier dans les territoires isolés : au terme des auditions menées par la rapporteure, il apparaît que ces dépenses pourraient représenter plus de la moitié de la masse salariale médicale pour les hôpitaux de proximité.
B. Des mesures fortes mais insuffisamment respectées
● L’article 136 de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 ([43]) est venu légaliser et encadrer le recours à l’intérim médical dans les établissements publics de santé.
Il a ainsi introduit un article L. 6146-3 au sein du code de la santé publique qui sécurise les conditions de mise à disposition des médecins intérimaires et, surtout, plafonne les dépenses d’une mission d’intérim dans le but d’en réguler les pratiques de rémunération.
Le décret n° 2017-1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé, pris en application de cet article, sécurise les conditions de mise à disposition des professionnels auprès des établissements publics de santé. Il impose notamment aux agences de travail temporaire de renseigner les établissements publics de santé sur les qualifications, l’autorisation d’exercice, l’aptitude, ainsi que le non-cumul d’activité des praticiens qu’elles mettent à leur disposition.
Surtout, il plafonne depuis le 1er janvier 2018 le montant journalier des dépenses susceptibles d’être engagées par praticien par un établissement public de santé au titre d’une mission de travail temporaire.
Ce montant, défini par arrêté, est fixé à 1 170,04 euros pour une journée de 24 heures de travail effectif. Pour permettre une entrée en vigueur progressive de ce plafond, il a été majoré de 20 % pour l’année 2018 et de 10 % pour l’année 2019.
● Malgré ce signal extrêmement fort, le cadre réglementaire fixé reste de l’avis général très insuffisamment respecté et appliqué, notamment dans le cas des contrats de gré à gré.
Les praticiens du centre hospitalier de Cahors auditionnés par la rapporteure ont ainsi témoigné recevoir tous les jours des annonces d’agences d’intérim proposant des prestations allant bien au-delà des plafonds réglementaires. Ce non‑respect du droit en vigueur n’est pas réservé aux plus petits hôpitaux, et a également été rapporté par le directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris lors de son audition.
On se souvient par ailleurs qu’à l’annonce des mesures contenues dans le décret précité, un collectif de médecins remplaçants avait publié en mars 2018 sur son site internet une « liste noire » des hôpitaux appliquant ce plafonnement, encourageant ses adhérents à ne pas aller y travailler.
D’autres mesures de lutte contre l’intérim médical en cours
Le Pacte de refondation des urgences présenté le 9 septembre 2019 a reposé comme principe celui de rendre l’intérim médical notablement moins attractif, « en renforçant son encadrement dans les hôpitaux et leurs services d’urgence et certaines pratiques ».
Il a ainsi annoncé la mise en œuvre de deux mesures :
– obliger les médecins intérimaires à fournir lors du recrutement une attestation sur l’honneur sur le cumul d’activités ;
– encourager le développement de dispositifs de mutualisation inter-hospitalière.
Le Gouvernement a indiqué à la rapporteure que les travaux sur ces textes réglementaires sont encore en cours.
● On ne peut que regretter, dans ce contexte, que le rapport remis par Mme Nicole Notat dans le cadre du Ségur de la santé soit conduit à poser les mêmes constats que ceux qu’Olivier Véran dressait en 2013 : « le recours à l’intérim s’est développé conduisant ainsi à rémunérer de manière exorbitante les personnels extérieurs au service public, à favoriser les départs et à accroître encore le sentiment d’une concurrence déloyale entre secteur public et privé ».
II. Le droit proposé
● Les deux mesures proposées sont issues de la mesure n° 3 des conclusions du Ségur de la santé, qui vise à lutter contre le « mercenariat » de l’intérim médical.
Elles s’inscrivent dans la droite ligne du rapport de notre collègue député Thomas Mesnier et du Pr. Pierre Carli intitulé « Pour un Pacte de Refondation des Urgences », qui appelait en décembre 2019 à « prendre les mesures pour faire en sorte que la "peur" change de camp » et à « un contrôle strict [...] au niveau de la trésorerie hospitalière s’agissant du respect des plafonds cités dans l’arrêté ».
● La première de ces mesures ouvre la possibilité au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), lorsqu’il est informé par le comptable public de l’existence de contrats irréguliers conclus en matière d’intérim médical au sens large (intérim ou contrats de gré à gré dans le cadre de vacations), de déférer ces contrats au tribunal administratif.
Le pouvoir d’alerte du comptable est ici étendu auprès du directeur général de l’ARS, dans le respect du contrôle hiérarchisé de la dépense publique, qui conduit le comptable public à proportionner les contrôles exercés sur la dépense aux risques et aux enjeux liés à cette dernière.
L’intervention du législateur est pour cela nécessaire car dans l’état actuel du droit, le directeur général de l’ARS ne peut pas déférer de tels contrats au tribunal administratif. En effet, ils ne sont pas inclus au nombre des matières énumérées à l’article L. 6143-4 du code de la santé publique, qui précise les conditions dans lesquelles il peut déférer au tribunal administratif les délibérations et les décisions d’un établissement de santé. Cette interprétation a été confirmée – dans le cas des marchés publics – par le Conseil d’État dans un arrêt de 2016 ([44]).
Le présent article prévoit que le directeur général de l’ARS devra alors en aviser sans délai le directeur de l’établissement public concerné ainsi que le comptable public.
● La deuxième mesure vient renforcer le rôle du comptable public, lui permettant d’effectuer un contrôle de légalité que le droit commun ne l’autorise pas à réaliser.
Le rapport précité d’Olivier Véran appelait déjà à renforcer le rôle du comptable dans l’établissement, demandant notamment à ce que les trésoriers payeurs généraux soient « sensibilisés pour refuser les contrats ne respectant pas la règlementation ».
Le présent article prévoit ainsi que lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu’il exerce sur la rémunération du praticien intérimaire contractuel ou sur la rémunération facturée par l’entreprise d’intérim, que ce montant excède les plafonds réglementaires, ce dernier peut procéder au rejet du paiement de la rémunération irrégulière.
Dans ce cas, il doit en informer le directeur de l’établissement de santé, qui doit procéder à la régulation de la rémunération, ce qui permet d’inscrire la mesure dans le respect du principe cardinal de séparation de l’ordonnateur et du comptable public.
III. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté cet article 10 modifié par trois amendements de M. Cyrille Isaac‑Sibille et des membres du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, avec l’avis favorable de la rapporteure :
Deux de ces amendements permettent de rendre systématique et non plus facultatif :
– pour le directeur général de l’agence régionale de santé, le fait de déférer au tribunal administratif compétent les actes juridiques conclus irrégulièrement par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire ou avec un praticien pour la réalisation de vacations ;
– pour le comptable public, le fait de procéder au rejet du paiement de la rémunération irrégulière.
Le troisième amendement précise que le présent article ne concerne pas uniquement les intérimaires au sens « strict » mais également les contrats de gré à gré.
La commission a également adopté un amendement de précision allant dans le même sens, présenté par M. Jean-Louis Touraine et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, avec un avis favorable de la rapporteure.
Enfin, la commission a adopté un amendement de la rapporteure différant l’entrée en vigueur de ces dispositions de six mois, ce qui permettra à la fois aux établissements concernés d’anticiper et de s’organiser en conséquence, et aux comptables publics de prévoir le contrôle des dépenses correspondantes.
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Article 11
Création d’un projet managérial à l’hôpital
Adopté par la commission avec modifications
L’article 11 intègre un projet managérial au projet d’établissement des établissements publics de santé.
I. Le projet d’établissement : un outil stratégique de gestion
● Depuis 1991 ([45]), chaque établissement public de santé établit tous les cinq ans un projet d’établissement qui définit la politique générale de l’établissement ([46]). Ce projet, qui permet de définir les orientations stratégiques de l’établissement, est un outil de travail au cœur de la gestion de chaque établissement.
Afin de répondre au mieux à l’activité des établissements publics de santé, mais également aux besoins et attentes des personnels comme des usagers, le contenu de ce projet d’établissement a évolué au fil des années. Il comporte notamment :
– un projet de prise en charge des patients ;
– un projet social – depuis 2002 ([47]) – portant notamment sur la formation, les conditions de travail et la gestion des carrières ([48]) ;
– un projet psychologique – depuis 2016 ([49]) – afin de « garantir une réponse adaptée à la singularité des personnes accueillies dans les établissements » ([50]).
● Dans son rapport remis au ministre de la santé et des solidarités en juin 2020, le Pr. Oliver Claris positionne la réforme du « management » au sein des établissements de santé au centre de ses recommandations. Selon le rapport, le pilotage des hôpitaux, dont l’organisation est complexe, « doit être équilibré pour être pertinent, mais aussi compris et accepté dans la durée par les professionnels ».
Il préconise ainsi de « rendre obligatoire l’élaboration et l’adoption d’un projet de management et de gouvernance », sous la forme d’un document unique intégré au projet d’établissement, afin d’améliorer les « circuits de décision et d’information ». Le rapport détaille par ailleurs le contenu de ce projet, qui devra notamment établir « les valeurs managériales de l’établissement », « les modalités de désignation des responsables hospitaliers » ainsi que « les moyens matériels et humains » qui leur sont alloués.
Le Ségur de la santé a également permis d’identifier le besoin de prévention des conflits comme un enjeu-clé pour les membres du personnel des hôpitaux ([51]). Le rapport de Mme Nicole Notat propose notamment que des formations au management soient « systématiquement mises en place tant au moment de la formation initiale que tout au long de la carrière » ([52]) afin de réaliser cet objectif.
Ce besoin de mieux prendre en compte la dimension managériale dans la gestion de l’hôpital a fait consensus au cours des auditions menées par la rapporteure.
II. Un nouveau projet définissant la politique managériale de chaque établissement
Pour prendre en compte ces recommandations qui font l’objet d’un consensus, le projet d’établissement est l’outil adéquat afin d’articuler les objectifs managériaux avec les autres projets déjà prévus par ce document pluriannuel.
Le 1° de l’article 11 modifie l’article L. 6143-2 du code de la santé publique relatif au projet d’établissement des établissements publics de santé. Il prévoit ainsi que ce projet d’établissement comporte un projet managérial.
Le 2° crée un article L. 6142-2-3 dans le code de la santé publique définissant, de la même manière que pour le projet social, le contenu du projet managérial.
Ce projet définit les orientations stratégiques de l’établissement en matière de gestion de l’encadrement et des équipes à des fins de pilotage, d’animation et de motivation des équipes pour l’atteinte des objectifs du projet d’établissement.
Ce projet concerne tant les équipes médicales que les équipes soignantes, administratives, techniques et logistiques.
Enfin, ce projet porte également sur les formations de management dispensées aux personnels médicaux et non médicaux nommés à des postes à responsabilités.
III. Les modifications apportées par la commission
Avec un avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté cinq amendements venant préciser le contenu de ce projet de management :
– un amendement de M. Thomas Mesnier et plusieurs de ses collègues du groupe la République en Marche précisant qu’il doit s’agir d’un projet de gouvernance et de management, prévoyant notamment les modalités de désignation des responsables hospitaliers ;
– un amendement de M. Thomas Mesnier et des membres du groupe la République en Marche précisant que le projet d’établissement comprend un volet éco-responsable qui définit des objectifs et une trajectoire afin de réduire le bilan carbone de l’établissement ;
– un amendement de M. Didier Martin et de plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche précisant la nature participative de ce projet ainsi que le caractère collectif du management ;
– un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille et des membres du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés précisant que les formations managériales doivent être dispensées de manière obligatoire ;
– un amendement de M. Jean-Louis Touraine et de plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche précisant que ce projet doit contenir un volet dédié aux actions de prévention des risques psycho-sociaux auxquels peuvent être exposés de manière spécifique les personnels soignants, médicaux et paramédicaux.
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Chapitre V
Simplification et gouvernance des organismes
régis par le code de la mutualité
Article 12
Impossibilité pour les organismes régis par le code de la mutualité de fusionner avec des entités régies par d’autres codes
Adopté sans modification par la commission
Cet article prévoit l’impossibilité, pour les organismes mutualistes régis par le code de la mutualité, de fusionner avec des entités régies par d’autres codes.
I. Le droit existant : un important mouvement de concentration mÊlant mutuelles, assurEURS et institutions de prÉvoyance
1. Il existe trois types d’organismes complémentaires
La loi confère un monopole à trois sortes d’organismes assureurs pour gérer les garanties mises en œuvre à l’occasion des régimes de protection sociale complémentaire :
les sociétés ou entreprises d’assurance régies par le code des assurances ;
les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ;
les mutuelles régies par le code de la mutualité.
Ces organismes assureurs se distinguent selon leur nature juridique et en fonction des domaines dans lesquels ils exercent leurs activités.
a. Les mutuelles, régies par le code de la mutualité
Les mutuelles, régies par le code de la mutualité, sont des sociétés de personnes à but non lucratif appartenant à leurs assurés. Elles n’ont pas pour vocation de réaliser des excédents et de les distribuer. Elles se financent essentiellement au moyen des cotisations de leurs membres et ne peuvent faire appel à aucune source de financement extérieure (augmentation de capital ou appel public à l’épargne).
Aux termes de l’article L. 111-1 du code de la mutualité, les mutuelles mènent « une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide, dans les conditions prévues par leurs statuts, afin de contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et à l’amélioration de leurs conditions de vie ».
b. Les sociétés ou entreprises d’assurance régies par le code des assurances
Au sein de cette catégorie d’organismes, se distinguent les sociétés anonymes d’assurance et les sociétés d’assurance mutuelles, toutes deux régies par le code des assurances.
Les sociétés anonymes d’assurance sont des sociétés commerciales à but lucratif régies par le droit commun des sociétés anonymes.
Les sociétés d’assurance mutuelles ont, elles, un objet non commercial. Leur caractéristique principale est d’exercer leurs activités soit dans la limite territoriale d’une région, soit dans le cadre d’une profession donnée.
c. Les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale
Les institutions de prévoyance sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif. Elles sont soumises au code de la sécurité sociale, qui leur permet d’exercer des activités sur le seul champ des risques sociaux. Elles sont spécialisées dans la couverture des salariés des entreprises ou des branches professionnelles et sont des organismes dits paritaires : leurs conseils d’administration comportent, à égalité, des représentants des salariés et des employeurs des entreprises ou branches souscriptrices.
2. Le secteur connaît un fort mouvement de concentration
Le secteur français de l’assurance compte, au 31 décembre 2018 ([53]), 713 organismes d’assurance agréés ou autorisés qui se répartissent entre :
279 sociétés d’assurance relevant du code des assurances ;
399 mutuelles (dont 98 mutuelles substituées ([54])) régies par le code de la mutualité ;
35 institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale.
Le secteur français de l’assurance connaît un fort mouvement de concentration. Il comptait 742 organismes en 2017 et 1 129 en 2010. Ce mouvement de concentration est le résultat de nombreux transferts de portefeuilles, de fusions et/ou d’absorptions qui ont eu lieu sur cette période. Le nombre de mutuelles est en constante diminution et a été divisé par deux en huit ans, passant de 1 158 mutuelles en 2006 à 399 en 2018.
La perte de parts de marché des mutuelles est particulièrement visible dans le domaine de la complémentaire santé. Depuis 2001 au moins, les mutuelles et, dans une moindre mesure, les institutions de prévoyance perdent des parts de marché au profit des sociétés d’assurance, lesquelles détiennent 31 % du marché en 2017 contre 19 % en 2001 ([55]).
Évolution du nombre d’organismes d’assurance
Source : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Outre les transferts, fusions et absorptions, les organismes se rapprochent également par le biais de groupes qui permettent à leurs membres de nouer des solidarités financières et de coordonner leurs stratégies. Les groupes peuvent englober des organismes régis par les trois codes : certaines mutuelles sont, par exemple, des filiales de groupes de protection sociale ou de groupes d’assurances, dont elles portent tout ou partie des garanties santé ou prévoyance.
La multiplication des regroupements vise, en grande partie, à répondre à des enjeux de compétitivité. Les organismes d’assurance cherchent à atteindre une taille critique leur permettant d’investir dans des systèmes d’information performants, d’automatiser la gestion des sinistres pour baisser les coûts, de proposer des services en ligne ou encore de constituer des réseaux de soins avec des professionnels de santé. La multiplication des regroupements s’explique également par des évolutions réglementaires, notamment par la mise en œuvre de la directive Solvabilité II ([56]), qui relève les exigences de fonds propres des organismes assurantiels.
Ce mouvement de concentration mêlant mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance entraîne nécessairement une modification importante des stratégies de ces acteurs.
3. Le droit encadre les fusions et limite les fusions inter-codes
a. Le rôle central joué par les assemblées générales et par l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation
L’article L. 113-2 du code de la mutualité régit la fusion des mutuelles. Une fusion doit résulter de délibérations concordantes des assemblées générales des entités décidant d’opérer la fusion.
Les articles L. 212-11 et L. 212-13 du code de la mutualité permettent à l’ACPR de s’opposer à l’opération de fusion (avec ou sans transfert de portefeuille), si elle juge que l’opération n’est pas conforme à l’intérêt des membres participants et bénéficiaires ou des créanciers ou bien qu’elle a pour conséquence de diminuer la valeur de réalisation des placements correspondant à des engagements pris envers les membres participants et bénéficiaires.
b. Les fusions inter-codes sont, de facto, limitées
Si, pour la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), auditionnée par la rapporteure, la lecture des textes existants devrait conduire à considérer que seule une fusion entre mutuelles est possible, telle n’est pas, aujourd’hui, l’interprétation de l’ACPR ou de la direction de la sécurité sociale. Ni le code de la mutualité, ni le code de la sécurité sociale ou le code des assurances ne comportent, en effet, de disposition permettant d’écarter formellement les possibilités de fusion entre les codes.
L’exemple d’une récente fusion inter-codes
En 2019, une fusion entre une mutuelle (la Mutuelle française des professionnels de santé) et une société d’assurance mutuelle (MACSF Assurances) a été approuvée par l’ACPR, compte tenu de l’objet social proche des deux entités (à savoir la non-lucrativité, prévue tant à l’article L. 322-26-1 du code des assurances qu’à l’article L. 110-1 du code de la mutualité) et compte tenu du fait que l’opération n’affectait pas l’intérêt des assurés de la mutuelle fusionnée.
Néanmoins, même en l’absence d’interdiction formelle, force est de constater que les fusions entre organismes assureurs dont l’objet social et le fonctionnement sont fortement différents apparaissent aujourd’hui juridiquement impossible :
il est très probable que l’ACPR, si elle en avait l’occasion, se prononce défavorablement sur une fusion entre une société anonyme d’assurance et une mutuelle, compte tenu de leur objet social différent (commercial/non commercial) ;
de même, il est probable qu’elle se prononce défavorablement sur une fusion entre une institution de prévoyance et une mutuelle, en prenant comme fondement la protection des intérêts des assurés ([57]), compte tenu des spécificités des institutions de prévoyance en matière de gouvernance (gouvernance paritaire).
II. Le dispositif ProposÉ : l’interdiction de la fusion entre les organismes rÉgis par le code de la mutualitÉ et les entitÉs rÉgies par d’autres codes
Afin de protéger les mutuelles et la logique de solidarité qu’elles promeuvent, l’article 12 modifie l’article L. 113‑2 du code de la mutualité pour interdire expressément la fusion de plusieurs mutuelles, de plusieurs unions ou de plusieurs fédérations avec des organismes relevant d’autres codes que le code de la mutualité.
Il s’agit de remédier aux incertitudes juridiques actuelles dans l’interprétation des textes en matière de fusions d’organismes. Cet article aura surtout pour effet d’empêcher les fusions entre les mutuelles et les sociétés d’assurance mutuelles régies par le code des assurances, les fusions avec les autres types d’organisme étant, de facto, juridiquement impossible (cf. supra).
La rapporteure rappelle que cet article n’a pas pour objet d’empêcher la constitution de groupes entre des mutuelles et des entités régies par d’autres codes.
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Article 13
Possibilité, pour les mutuelles, de recourir aux visioconférences et au vote électronique en assemblée générale
Rédaction globale de l’article en commission
Cet article permet à une mutuelle de recourir, en assemblée générale, aux moyens de télécommunication ainsi qu’au vote électronique, sans que ses statuts ne le prévoient expressément.
Il ouvre néanmoins la possibilité à une mutuelle de s’opposer, dans ses statuts, au recours aux moyens de télécommunication ou au vote électronique.
I. Le droit existant : des possibilitÉS limitÉes de recours À la visioconfÉrence et au vote Électronique
A. Les possibilitÉs de recours à la visioconfÉrence
1. La visioconférence est uniquement possible pour les réunions des conseils d’administration
La visioconférence n’est aujourd’hui autorisée que pour les réunions des conseils d’administration des mutuelles et non pour les assemblées générales.
L’article L. 114-20 du code de la mutualité prévoit ainsi que, sauf disposition contraire des statuts, sont réputées présentes à une réunion de conseil d’administration les personnes qui « participent à la réunion par des moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective ».
L’article 17 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique ([58]), dit « ASAP », supprime les conditions restrictives à l’usage de la visioconférence dans les conseils d’administration. Jusqu’à présent, la visioconférence n’était pas possible lorsque le conseil d’administration était réuni, à la fin de chaque exercice, pour arrêter les comptes annuels et établir un rapport de gestion. Lorsque le projet de loi « ASAP » sera publié, la visioconférence sera possible quel que soit l’objet de la décision sur laquelle le conseil d’administration sera appelé à statuer.
La gouvernance des mutuelles
L’assemblée générale (articles L. 114-6 à L. 114-14 du code de la mutualité) est composée des membres participants et des membres honoraires de la mutuelle (1). Les statuts de la mutuelle peuvent prévoir que ces différents membres sont représentés par des délégués élus selon les modalités prévues au sein de ces mêmes statuts et pour une durée déterminée. L’assemblée générale se réunit au minimum une fois par an. Son rôle est prépondérant au sein de la mutuelle puisque c’est elle qui, entre autres, a le pouvoir d’approuver la modification des statuts de la mutuelle ou les taux de cotisations des garanties individuelles.
Le conseil d’administration (articles L. 114-16 à L. 114-20 du code de la mutualité) est composé d’administrateurs élus par l’assemblée générale pour une durée déterminée. Son rôle est de décider des orientations stratégiques de la mutuelle. Il arrête également les comptes de la mutuelle à la fin de l’exercice.
(1) Les membres participants de la mutuelle sont les personnes physiques qui bénéficient ou font bénéficier leurs ayants droit des prestations de la mutuelle à laquelle elles ont adhéré. Les membres honoraires sont soit des personnes physiques qui paient une cotisation, ou font des dons ou ont donné une contribution sans pouvoir bénéficier des prestations offertes par la mutuelle, soit des personnes morales qui ont souscrit un contrat collectif.
2. Pendant la crise de la covid‑19, les visioconférences ont été rendues possibles dans les assemblées générales
Une ordonnance du 25 mars 2020 ([59]) a adapté, jusqu’au 30 novembre 2020, les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération des assemblées et des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé. L’objectif était de permettre à tous ces organes, notamment aux conseils d’administration et aux assemblées générales des mutuelles, de continuer d’exercer leurs missions malgré les mesures prises pour limiter la propagation de la covid-19.
L’article 5 de cette ordonnance prévoit que sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les membres des assemblées générales qui participent par une conférence téléphonique ou audiovisuelle permettant leur identification. Cette disposition s’applique sans qu’une clause des statuts ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s’y opposer, et quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée est appelée à statuer.
Cet article précise que les moyens techniques utilisés doivent transmettre au moins la voix des participants et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations. Le procédé de visioconférence mis en œuvre doit en effet être de bonne qualité pour garantir l’intégrité et la qualité des débats.
B. Les possibilitÉs de recours au vote Électronique
Jusqu’à récemment, les membres de l’assemblée générale autres que les délégués ne pouvaient voter que par procuration ou par correspondance. La possibilité du vote électronique a été introduite par une ordonnance du 4 mai 2017 ([60]).
Désormais, l’article L. 114-13 du code de la mutualité prévoit la possibilité de recourir au vote électronique en assemblée générale, à partir du moment où cette possibilité est explicitement prévue par les statuts de l’organisme mutualiste. Les statuts doivent alors fixer les modalités du recours au vote électronique, afin de garantir le secret du vote et la sincérité du scrutin.
II. Le dispositif ProposÉ : permettre une meilleure continuitÉ de gouvernance des mutuelles
L’article 13 modifie l’article L. 114‑8 du code de la mutualité pour autoriser, « en tant que de besoin », les membres des mutuelles, unions et fédérations à recourir au vote électronique et à la visioconférence en assemblée générale, sans que les statuts ne le prévoient expressément.
Cet article instaure un cadre juridique pérenne permettant d’assurer la continuité de l’activité institutionnelle des mutuelles. Il généralise un dispositif qui a été mis en place dans l’urgence pendant l’épidémie de la covid-19 et qui a montré toute son utilité.
D’après les éléments transmis par la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), auditionnée par la rapporteure, l’usage de la visioconférence sera privilégié en cas d’impossibilité de se réunir physiquement mais demeurera l’exception.
La rapporteure note qu’il n’est pas utile de prévoir les mêmes mesures pour les instituts de prévoyance et les sociétés d’assurance dans la mesure où, pour ces organismes, les dispositions régissant l’usage de la visioconférence ou du vote électronique relèvent du niveau réglementaire.
III. Les modifications apportées par la commission
À l’initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement de réécriture globale de l’article 13.
L’amendement adopté ne modifie pas le sens de l’article initial mais ouvre la possibilité, pour les mutuelles, d’avoir non seulement recours à la visioconférence pour leurs réunions d’assemblée générale, mais également aux autres moyens de télécommunication.
Il précise également les conditions dans lesquelles doit s’opérer le recours aux moyens de télécommunication ainsi qu’au vote électronique. La participation effective des membres de l’assemblée générale doit être assurée. Le secret et la sincérité du scrutin doivent être garantis.
Enfin, en application du principe d’autonomie des organismes mutualistes, il ouvre la possibilité aux mutuelles de s’opposer, dans leurs statuts, au recours à la visioconférence, aux autres moyens de télécommunication ou au vote électronique.
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Article 13 bis (nouveau)
Correction d’une erreur rédactionnelle dans le code de la mutualité
Introduit par la commission
Cet article procède à la correction d’une erreur rédactionnelle dans le code de la mutualité.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Philippe Chalumeau et Mme Annie Vidal, avec un avis favorable de la rapporteure.
Il remplace, à l’article L. 110-1 du code de la mutualité, le terme de « société » par celui de « mutuelle, union ou fédération », les mutuelles n’étant pas des sociétés au sens juridique du terme.
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Article 13 ter (nouveau)
Modification des modalités de calcul des indemnités versées aux administrateurs des mutuelles ayant la qualité de travailleurs indépendants
Introduit par la commission
Cet article vise à donner aux assemblées générales des mutuelles la compétence, qui revient aujourd’hui au pouvoir réglementaire, de fixer les modalités de calcul des indemnités versées aux administrateurs ayant la qualité de travailleurs indépendants et auxquels des attributions permanentes sont confiées.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Danielle Brulebois et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, avec l’avis favorable de la rapporteure. Il modifie la manière dont sont fixées les indemnités que peuvent percevoir les administrateurs ayant la qualité de travailleurs indépendants en contrepartie de leur engagement mutualiste.
Aujourd’hui, en application de l’article L. 114-26 du code de la mutualité, les administrateurs ayant la qualité de travailleurs indépendants auxquels des attributions permanentes sont confiées ont droit à une indemnité « correspondant à la perte de leurs gains ». Un arrêté ([61]) prévoit que cette indemnité est calculée sur la base du temps consacré par les administrateurs à l’exercice de leurs fonctions et sur la base du montant de leurs revenus professionnels de l’avant-dernière année. Elle est plafonnée à 40 000 euros par an ou à 80 000 euros pour les administrateurs des mutuelles dont la taille le justifie.
L’article 13 ter vise à donner aux assemblées générales des mutuelles la compétence, qui revient aujourd’hui au pouvoir réglementaire, de fixer les modalités de calcul des indemnités versées aux administrateurs ayant la qualité de travailleurs indépendants. L’objectif visé est de permettre aux travailleurs indépendants de mieux concilier leur engagement mutualiste et leur activité professionnelle.
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Article 13 quater (nouveau)
Précision des cas dans lesquels les mutuelles sont considérées comme participant à des missions de service public
Introduit par la commission
Cet article prévoit que les mutuelles et les unions ne peuvent participer à des missions de service public que dans les cas et conditions prévues par la loi ou par une convention de délégation de service public.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Danielle Brulebois et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, avec l’avis favorable de la rapporteure.
Le code de la mutualité reconnaît aux organismes mutualistes la faculté de mettre en œuvre une action sociale ou de créer et d’exploiter des établissements ou services, de conduire des actions à caractère social, sanitaire, médico-social, sportif, funéraire ou culturel et de réalisation des opérations de prévention.
Ces activités sont réunies sous le vocable « services de soins et d’accompagnement mutualistes » (SSAM). Les SSAM sont, par nature et par fonctions, des organismes proposant des services variés dans un cadre normatif laissant une certaine liberté de manœuvre. Les conditions d’intérêt général sont plus ou moins marquées et ne permettent donc pas d’assimiler a priori les actions proposées à des missions de service public.
Afin de préserver la souplesse et la pertinence de ce cadre d’intervention, l’article 13 quater précise que les mutuelles et les unions ne peuvent participer à des missions de service public que dans les cas et conditions prévues par la loi ou par une convention de délégation de service public.
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Chapitre VI
Simplification des démarches des personnes en situation de handicap
Article 14
Création d’une plateforme numérique d’information et de services à destination des personnes handicapées
Adopté par la commission avec modifications
L’article 14 vient répondre à une demande ancienne, répétée, jamais satisfaite, des personnes handicapées, de leurs proches aidants et des associations qui les représentent : celle de mettre fin au parcours du combattant que constituent, pour ces personnes, l’accès aux informations pertinentes et la multiplicité des démarches à accomplir pour faire valoir leurs droits.
Le présent article institue ainsi une plateforme numérique d’information et de services pour les personnes handicapées, qui a vocation à guider et accompagner ces personnes, quels que soient leur situation et leur parcours de vie. Cette plateforme doit ainsi délivrer une information complète, généraliste et fiable, et simplifier les démarches des personnes handicapées grâce au développement de services en ligne, dans une interopérabilité totale avec l’ensemble des acteurs du parcours des personnes handicapées.
La mise en place de cette plateforme requiert une autorisation législative, nécessaire pour en confier la gestion à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et pour permettre le maniement des données personnelles indispensable au déploiement des téléservices.
La commission a précisé la rédaction de cet article, afin de garantir qu’elle sera développée dans un souci permanent d’interopérabilité et d’accessibilité, dans une logique de co-construction avec les personnes handicapées ainsi que leurs aidants et représentants légaux, dont la situation sera dûment prise en compte.
I. la situation actuelle : le parcours du combattant de l’accès au droit pour les personnes handicapées
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a posé, dans son article 2, le principe fondamental selon lequel « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté ».
● Force est de constater que cet égal accès aux droits fondamentaux – travail, formation, santé, etc. – pour les personnes handicapées reste pourtant bien théorique, quinze ans plus tard.
Toutes les personnes auditionnées par la rapporteure le soulignent, c’est un constat récurrent : le parcours des personnes en situation de handicap et de leurs aidants est encore aujourd’hui d’une complexité défiant l’entendement. Il suppose de s’adresser à de multiples intervenants, selon des modalités différentes, avec une complexité technique et des problématiques d’accessibilité, sans compter la nécessité de gérer de multiples identifiants, codes d’accès et numéros de dossier, et de toujours reproduire les mêmes justificatifs, faute d’interopérabilité entre les différents services existants.
● Ce constat a été posé de nombreuses reprises, sans toutefois engendrer de réaction à la hauteur des enjeux.
28 mai 2018, MM. Adrien Taquet et Jean‑François Serres ont remis au Gouvernement le rapport « Plus simple la vie » sur la simplification du parcours administratif des personnes en situation de handicap ([62]). Ce rapport préconisait la mise en place d’une plateforme numérique nationale d’information et de services personnalisés et géolocalisés, soulignant la nécessité impérieuse d’enfin tirer parti du numérique pour remédier aux difficultés très persistantes qui entravent l’accès aux droits des personnes handicapées.
En décembre 2019, le Premier ministre Édouard Philippe a ainsi annoncé le lancement d’une plateforme numérique « emploi/formation » dédiée aux personnes handicapées. Intitulée « Mon Parcours Handicap », cette plateforme à visée uniquement informative est déployée à compter de mai 2020 autour de cette première « brique » emploi/formation professionnelle.
Mais la vocation de ce projet est d’emblée bien plus vaste. Le présent article doit ainsi permettre le déploiement plein et entier de cette plateforme, qui doit englober l’ensemble des démarches que peuvent amenées à faire les personnes handicapées, avec le développement de téléservices.
II. le droit proposé : la mise en œuvre d’une plateforme numérique d’information et de services au spectre très large
L’article 14 pose le cadre législatif nécessaire au déploiement de la plateforme « Mon Parcours Handicap ». Ce déploiement se fera par « briques » successives, en fonction des priorités, à partir d’une première brique emploi/formation d’ores et déjà opérationnelle, selon un calendrier qui devrait s’étaler jusqu’en 2025.
A. le dispositif législatif
L’article 14 prévoit la mise en place d’une plateforme numérique nationale d’information et de services personnalisés à destination des personnes handicapées dont la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a la charge. Cette plateforme vise à faciliter les démarches administratives de ces personnes et le suivi personnalisé de leurs parcours.
La mise en place de cette plateforme nécessite une autorisation législative pour deux raisons. Premièrement, pour déployer les services personnalisés indispensables à la facilitation des démarches, il sera nécessaire de manier des données à caractère personnel : données de santé, numéros de sécurité sociale notamment. L’article 14 autorise donc la constitution d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, alimenté par les données « strictement nécessaires ».
L’article 14 prévoit que la gestion de cette plateforme est confiée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour le compte de l’État. Ce choix résulte de l’expérience acquise par la CDC dans la gestion de ce type de plateformes d’information et de services, notamment dans le domaine de la formation professionnelle (« Mon compte formation »). Il est de nature à garantir un haut niveau de sécurisation des données professionnelles collectées dans ce cadre, la CDC ayant une exigence très importante en matière de sécurité informatique.
L’intervention de la CDC comme gestionnaire de cette plateforme est l’autre raison qui motive la nécessité d’une autorisation législative. En effet, bien que les attributions légales de la CDC soient larges, il convenait de garantir la base juridique de la dérogation au droit de la commande publique que suppose ce mandat donné à la CDC. L’article 14 autorise ainsi explicitement la CDC à « conduire les procédures d’attribution des contrats de la commande publique répondant à ses besoins » pour le développement de la plateforme.
B. le déploiement prévu de la plateforme
Concrètement, la plateforme « Mon Parcours Handicap » (www.monparcourshandicap.gouv.fr) est opérationnelle depuis le mois de mai 2020, pour la première « brique » emploi/formation.
L’entrée en vigueur du présent article doit permettre, dès 2021, d’ajouter à la plateforme d’information existante un bouquet de téléservices avec un compte usager. Deux nouvelles briques doivent par ailleurs être mises en place dans le courant de l’année 2021, concernant la scolarité et la poursuite d’études, avant le développement d’une brique « proche aidant », puis de briques « retraite » et « logement », etc. (cf. feuille de route ci-dessous).
Au-delà de ces prévisions, Mme Virginie Magnant, directrice de la CNSA, et Mme Laure de la Bretèche, directrice des retraites et de la solidarité de la CDC, soulignent que la plateforme a vocation à se développer « par utilités constatées », selon une dynamique très partenariale avec tous les acteurs concernés (associations, CPAM, URSSAF, CESU, Pôle emploi, etc.), et dans une logique de co-construction avec les personnes en situation de handicap, afin de bien prendre en compte leurs besoins.
feuille de route du déploiement par briques successives de la plateforme « mon parcours handicap »
C. mieux sécuriser les exigences d’interopérabilité et d’accessibilité
La rapporteure estime que deux éléments essentiels conditionnent le succès de cette nouvelle plateforme et sa capacité à relever le défi de l’accès aux droits des personnes handicapées : l’interopérabilité et l’accessibilité.
● L’interopérabilité, d’abord. La plateforme est conçue initialement comme un portail d’information et de services généraliste, qui ne se substituera pas à l’ensemble de l’offre numérique existante mais la coordonnera et la rendra accessible, notamment au moyen de liens. À mesure que le périmètre de la plateforme s’élargira, elle pourra englober de nouveaux services auparavant proposés par d’autres plateformes, mais dans sa présentation initiale ce ne sera pas systématiquement le cas.
Votre rapporteure juge essentiel qu’il existe d’emblée une interopérabilité totale de la plateforme avec les réseaux gérés par les différents acteurs du parcours des personnes handicapées, à commencer par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il conviendra, à cet égard, de s’assurer de la bonne articulation du déploiement de cette plateforme avec la mise en place d’un système d’information intégré des MDPH, vaste chantier qui devrait s’achever en 2022.
● L’accessibilité, ensuite. L’impératif d’accessibilité est triple : accessibilité technique, en référence au référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) ; accessibilité éditoriale, associée à la facilité avec laquelle les contenus peuvent être lus et compris ; accessibilité numérique enfin, liée à la simplicité d’utilisation. Cette accessibilité est un enjeu central pour les personnes handicapées. Les premiers retours sur la plateforme « Mon Parcours Handicap » sont, à cet égard, plutôt encourageants : ils font état d’un très bon niveau d’accessibilité, avec 100 % des critères RGAA respectés. Il conviendra néanmoins de garder cette exigence en tête tout au long de la vie de la plateforme.
Enfin, l’impératif d’accessibilité s’entend évidemment plus largement que cette plateforme, en référence à la loi de 2005 (cf. supra). Cela exclut que la plateforme, si performante soit-elle, vienne se substituer totalement à la relation humaine dans le parcours des personnes handicapées. La rapporteure estime ainsi qu’il conviendra d’être particulièrement vigilant à maintenir une possibilité de contact individualisé, physique et téléphonique, en complément des services numériques proposés.
III. les modifications apportées par la commission
Répondant aux préoccupations de nombreux députés, qui avaient déposé des amendements en ce sens, la commission a adopté deux amendements identiques de la rapporteure et de M. Didier Martin et des membres du groupe La République en Marche, visant à formaliser les objectifs d’accessibilité et d’interopérabilité assignés à la plateforme.
Elle a également adopté un amendement de M. Thierry Michels et des membres du groupe La République en Marche, visant à imposer l’obligation de collecter les retours d’utilisateurs dans le cadre de cette plateforme, afin d’en améliorer l’utilisation. La rapporteure a donné un avis favorable, considérant que le bon fonctionnement de cette plateforme ne pouvait résulter que d’une logique de co-construction avec les personnes handicapées, leurs aidants et leurs représentants légaux. La commission a également adopté un amendement de Mme Annie Vidal et des membres du groupe La République en Marche, visant à mentionner explicitement ces deux dernières catégories d’usagers parmi les destinataires de cette plateforme, sur avis favorable de la rapporteure.
Enfin, la commission a adopté un amendement de Mme Michèle de Vaucouleurs visant à garantir que les services proposés dans le cadre de la plateforme numérique ne se substitueront pas à l’accueil physique et téléphonique des personnes handicapées. Cela rejoignait le souci de la rapporteure d’une accessibilité au sens large des services publics pour ces personnes ; elle ne s’y est donc pas opposé.
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Article 15
Gage de recevabilité
Adopté sans modification par la commission
Cet article prévoit de gager les pertes éventuelles de recettes fiscales et sociales dues à la mise en œuvre des dispositions de la proposition de loi par une majoration des droits perçus sur les produits du tabac.
L’article 15 est l’article de gage destiné à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au regard des dispositions de l’article 40 de la Constitution.
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Au cours de ses séances du mercredi 25 novembre 2020, la commission des affaires sociales examine la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (nº 3470) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure).
Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, après une courte nuit, nous examinons la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Elle sera examinée en séance publique à partir de lundi prochain, à l’issue de la probable lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021.
Après la discussion générale, nous examinerons 246 amendements. Plusieurs règles s’appliquent à l’examen des amendements ; je rappellerai notamment celles prévues par les articles 40 et 45 de la Constitution, que le Conseil constitutionnel nous invite à respecter strictement.
Au titre de l’article 45, l’appréciation du caractère cavalier des amendements se fonde sur le contenu du projet ou de la proposition de loi, et non sur son seul titre. Pour que les amendements soient recevables, il ne suffit donc pas qu’ils concourent à l’amélioration de notre système de santé, même si la pertinence de nombre d’entre eux est indiscutable sur le fond. Il ne s’agit pas d’examiner une proposition de loi d’organisation de la santé, mais un texte visant à mettre en œuvre quelques-uns des aspects du Ségur de la santé.
Le moment venu, la présidence de l’Assemblée nationale sera amenée à se prononcer dans les mêmes conditions sur les amendements déposés en séance publique.
Mme Stéphanie Rist, rapporteure. Je suis ravie que nous puissions examiner cette proposition de loi, dont l’objectif est d’améliorer notre système de santé et de poursuivre ce que « Ma Santé 2022 » avait engagé à travers la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé : davantage de confiance aux acteurs et de simplification de leurs tâches quotidiennes.
À l’origine de ce texte, il y avait la nécessité de simplifier le déclenchement des protocoles permettant à des acteurs de santé de coopérer en déléguant des tâches, afin de mieux prendre en charge les patients et ainsi améliorer l’offre de soins. C’est l’objet de l’article qui sera proposé après l’article 1er. La proposition de loi a ensuite été complétée par des mesures de simplification permettant de recruter plus facilement des praticiens hospitaliers dans les établissements publics et dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces mesures font l’objet des articles 3 et 4.
Après avoir beaucoup travaillé sur les GHT, d’abord en tant que médecin responsable du projet médical partagé, au cœur du dispositif de construction du projet, puis comme députée, en écoutant les acteurs des GHT en France lors du travail de concertation que j’ai mené comme co-rapporteure en amont des débats sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, il m’a semblé indispensable de faire progresser ces GHT vers plus d’intégration. C’est l’objet de l’article 7.
Il ne s’agit pas de proposer leur fusion, trop prématurée et trop systémique – certains ne manqueront pas de le rappeler. Il s’agit seulement de franchir une étape vers des GHT plus efficaces, avec une offre de soins graduée par filière médicale et des professionnels mieux répartis sur le territoire. Les expériences ont montré que les directions communes sont un levier efficace pour progresser dans cette direction. Des rapports récents de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) l’ont confirmé.
Dans sa version initiale, l’article 7 propose une direction commune systématique dès qu’un poste de directeur d’un établissement appartenant au GHT devenait vacant. Devant les inquiétudes exprimées sur le caractère automatique de cette mesure, je vous proposerai une réécriture de l’article 7 : en cas de vacance, un intérim serait assuré par l’établissement support, relayé par une direction commune si ce projet recueille un avis favorable des élus du territoire. Je ne doute pas que cette solution de compromis permettra aux élus que nous sommes d’avancer, afin de créer une meilleure offre de soins dans nos territoires, coordonnée avec l’établissement support.
Autre mesure de confiance et de simplification, inscrite à l’article 2, les femmes enceintes pourront bénéficier d’un arrêt maladie prescrit par les sages-femmes, sans limitation de durée. Dans le même ordre d’idée, à l’article 14, je propose la création d’une plateforme numérique d’information et de services pour les personnes en situation de handicap.
À l’origine encore, cette proposition de loi comportait des mesures d’amélioration de l’offre de soins, de simplification et de confiance envers les acteurs. Puis la crise sanitaire est intervenue, d’une ampleur considérable. Depuis le printemps dernier, elle bouleverse la vie de la nation et de chacun de nos concitoyens. Cette crise a braqué le projecteur sur notre système de santé, soulignant l’urgence de porter attention à nos médecins et soignants. C’était l’objet du Ségur de la santé.
Les conclusions du « Ségur », présentées en juillet 2020 par le ministre Olivier Véran, donnent des orientations fortes pour poursuivre la modernisation du système de santé en France, améliorer le quotidien des soignants et la prise en charge des patients. Les accords signés par les partenaires sociaux prévoient des revalorisations salariales attendues par les personnels, qui ont été confirmées dans le PLFSS que nous avons adopté hier en nouvelle lecture.
Le Ségur de la santé a aussi ouvert de nombreuses autres pistes qui ne relèvent pas du domaine budgétaire, mais ont des effets tout aussi importants pour nos professionnels de santé. Elles ne doivent pas rester lettre morte. La proposition de loi s’est révélée un vecteur législatif approprié pour cela : sa vocation cadrait parfaitement avec les conclusions du « Ségur » insistant sur la nécessité d’apporter de la souplesse, de simplifier l’organisation et la gouvernance des établissements, de faire davantage confiance aux acteurs.
La proposition de loi ne reprend pas pour autant toutes les mesures annoncées lors du Ségur de la santé. Plusieurs d’entre elles ne relèvent pas du domaine de la loi et seront mises en œuvre par voie réglementaire – le ministre en a pris l’engagement auprès des signataires des accords.
La création d’une profession médicale intermédiaire, correspondant à la mesure 7 du « Ségur », est la première mesure que j’ai voulu reprendre. En France, l’exercice légal de la médecine conduit à un cloisonnement important des professionnels de santé : le médecin est diplômé à bac + 10 et l’infirmière, à bac + 3, quand certaines professions paramédicales le sont à bac + 4 ou + 5. Le fossé reste important entre les médecins et les auxiliaires médicaux, alors que de nombreux pays voisins ont considérablement avancé sur l’évolutivité des métiers des auxiliaires médicaux, pour mieux répondre aux défis médicaux de notre temps.
À l’issue du « Ségur », l’engagement avait été pris que les ordres des médecins et des infirmiers travailleraient ensemble à la définition des professions médicales intermédiaires, dans le cadre d’une mission confiée par le ministre. Le principe de ces professions ainsi défini devait ensuite être inscrit dans la loi par la proposition de loi. Mais l’Ordre des médecins a conditionné sa participation aux concertations au retrait de l’article 1er du texte initial. J’ai pris acte de cette situation de blocage, mais devant l’importance du sujet, sur lequel nous devons avancer sans attendre, je vous proposerai une reformulation de cet article.
Un amendement de rédaction globale de l’article 1er propose donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’état de mise en œuvre des protocoles de coopération et des pratiques avancées pour l’ensemble des auxiliaires médicaux. Il est indispensable que nous progressions sur la redéfinition des corps de métiers de chacun des professionnels de santé, afin de faire entrer notre pays dans le XXIe siècle. L’évolution des métiers des auxiliaires médicaux participe non seulement à la reconnaissance que nous devons à ceux-ci, mais aussi à l’amélioration de l’accès aux soins et de la qualité de prise en charge de nos compatriotes.
Les autres mesures du « Ségur » très attendues des professionnels des établissements publics concernent l’assouplissement de la gouvernance de ces établissements. C’est l’objet du chapitre IV de la proposition de loi. Là encore, il s’agit de redonner confiance aux acteurs, avec une gouvernance plus proche des soins, une gouvernance de proximité.
Les mesures que je propose sont issues des concertations conduites par le Pr. Claris, dans le cadre de son rapport sur la gouvernance de l’hôpital, dont les conclusions ont été versées au « Ségur ». L’article 5 inscrit dans la loi le rôle essentiel du service comme unité de base, indispensable à l’organisation des établissements ; il restaure la fonction de chef de service, nommé par codécision administrative et médicale. Les articles 6 et 8 donnent encore plus de souplesse aux établissements dans leur organisation interne, en leur permettant de déroger au droit commun. Je présenterai des amendements visant à préciser la portée de ces articles, dans la foulée des auditions que j’ai pu conduire.
L’article 11 correspond à une attente majeure des hospitaliers : il propose d’ajouter au projet d’établissement un volet managérial, essentiel à la reconnaissance et à la motivation des équipes, afin d’améliorer la qualité de vie au travail des personnels et de réduire les risques psychosociaux.
Comme il est souhaitable d’ouvrir l’hôpital sur la cité, il est proposé de faire entrer les usagers, étudiants et soignants dans les instances de gouvernance. L’article 9 permet aux établissements qui le souhaitent d’intégrer des personnalités qualifiées au sein de leur directoire.
Une autre mesure importante du « Ségur » est la lutte contre le mercenariat et les excès de l’intérim médical constatés dans nos territoires, en particulier les plus en difficulté. L’article 10 prescrit aux comptables publics de bloquer les rémunérations des contrats d’intérim dépassant le plafond réglementaire et aux agences régionales de santé (ARS) de déférer au tribunal administratif les contrats irréguliers. Il s’agit d’adresser un message fort aux professionnels qui profitent des difficultés démographiques actuelles et de l’impérieuse nécessité pour les établissements de santé de garantir l’accès aux soins des populations les plus fragiles, en imposant des conditions de rémunérations déraisonnables.
Les sujets que nous allons examiner sont assez techniques, mais leur contenu répond aux attentes pressantes des professionnels de terrain. Ce texte n’a pas l’ambition de régler de manière exhaustive l’ensemble des sujets, mais bien d’insuffler une dynamique à poursuivre. Il s’agit d’un texte de progrès ; notre responsabilité d’élus est de faire en sorte que le système de santé permette une prise en charge de qualité dans tous les territoires, et que chacun des acteurs de santé puisse participer à l’amélioration. Tournons notre système vers l’avenir ; il est temps !
Mme Annie Vidal. Comme l’a rappelé le Président de la République hier soir, la crise sanitaire que nous traversons a aussi été l’occasion pour notre pays de réussir ce que nous avions longtemps pensé impossible : nous avons collectivement transformé l’hôpital et adapté notre système de soins à une situation inédite. Le Ségur de la santé s’est fait l’écho des attentes du secteur, mais aussi de son extraordinaire capacité à agir.
Outre les mesures financières, le « Ségur » a permis d’identifier certaines faiblesses du système de soins, dans son organisation, dans ses responsabilités, dans sa bureaucratie trop lourde. Il faut reconnaître le dévouement total des soignants qui, en ville comme à l’hôpital, ont tenu, coopéré et innové, malgré la fatigue et la lassitude.
Je salue la qualité du travail de notre collègue Stéphanie Rist : ses idées nouvelles faciliteront le travail des équipes au quotidien. Lors de nos nombreuses auditions avec les acteurs de la santé et de terrain, d’autres idées ont émergé, qui sont venues enrichir le texte et le faire évoluer. Il ouvre ainsi une réflexion sur de nouveaux métiers pour les professionnels de santé ; fait évoluer la profession de sage-femme ; cherche à renforcer l’attractivité des postes de praticiens hospitaliers ; ouvre des pistes d’assouplissement de la gouvernance des établissements de santé publique ; confirme le caractère mutualiste ; simplifie les démarches pour les personnes en situation de handicap.
Les nombreux amendements déposés par tous les groupes témoignent du fort intérêt que la proposition de loi suscite. Le groupe La République en Marche soutiendra plusieurs dispositions constituant des avancées marquantes pour les sages-femmes, les médecins bénévoles et les personnes en situation de handicap. Notre travail permettra de concrétiser les espoirs des acteurs de la santé, de consolider leurs forces, de corriger certaines vulnérabilités pour donner un nouveau souffle à notre système de soins, par la confiance et la simplification.
M. Jean-Pierre Door. Ce texte n’engage aucune véritable réforme, pourtant nécessaire et attendue. Il n’y a pas de solution miracle, c’est vrai, mais il y a urgence. Une réforme de la gouvernance ne sera possible que si toutes les parties prenantes sont associées à son élaboration, ce qui est loin d’être le cas. Avant tout, la gouvernance doit être lisible.
Vous parlez de simplification et de confiance, mais elles ne sont pas de mise au vu des articles 1er, 4 ou 7. Madame la rapporteure, comment avez-vous rectifié ce qui a fait débat et valu opposition de la part de nombreux acteurs de la santé ? Les praticiens hospitaliers ont tout de même publié récemment un communiqué bien agressif.
Pourquoi votre proposition de loi est-elle hospitalo-centrée ? Pourquoi la contractualisation avec les praticiens hospitaliers est-elle totalement absente ? Pourquoi ne parle-t-on pas de territorialisation et de décloisonnement de notre système de santé ?
Nous attendrons vos amendements pour débattre. Pour le moment, de nombreux articles soulèvent des difficultés et ce texte ne nous satisfait absolument pas.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Je remercie Stéphanie Rist pour son travail, son écoute et nos échanges en amont de l’examen de la proposition de loi. Pour autant, cette dernière soulève plusieurs difficultés, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, le texte est très dense et comporte des mesures importantes, qui auraient mérité une étude d’impact approfondie. La crise sanitaire que nous avons traversée a nécessité la mobilisation de tous, établissements publics, privés, établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), médecine de ville, établissements médico-sociaux.
Sur le fond, notre groupe s’est interrogé sur plusieurs dispositions de la version initiale, notamment les articles 1er et 7. Si nous saluons le travail de réécriture de l’article 1er, avec la remise d’un rapport par le Gouvernement sur les pratiques avancées, nous pensons que notre assemblée doit se saisir du sujet : une mission « flash » permettrait à notre commission de formuler des propositions rapidement. J’en ai fait la demande à notre présidente ; j’espère qu’elle sera acceptée lors du prochain bureau.
La proposition de réécriture de l’article 7 n’a pas dissipé nos interrogations. Le souhait d’aller vers plus d’intégration des établissements au sein des GHT, est‑ce pour ensuite envisager une fusion ? Nous préférerions une intégration horizontale au sein de bassins de vie de 100 000 à 150 000 habitants, et une meilleure convergence entre établissements publics, privés, ESPIC, médecine de ville et établissements médico-sociaux, sur le modèle des groupements de coopération sanitaire (GCS).
Quelques incertitudes subsistent à propos de l’article 14. La future plateforme doit être une facilité administrative pour les personnes en situation de handicap ou leurs familles, mais elle n’a pas vocation à recueillir des données de santé. C’est la fonction du dossier médical partagé.
Pour conclure, je souligne les articles qui vont dans le bon sens : l’article 10, qui encadrera l’intérim médical, pratique qui peut s’avérer délétère pour l’hôpital public, ainsi que les articles 5 et 11, issus du très bon rapport du Pr. Claris.
Notre groupe attend beaucoup des débats qui s’ouvrent pour améliorer et clarifier le texte.
Mme Gisèle Biémouret. Cette proposition de loi de simplification du système de santé nous est présentée comme la traduction des engagements non budgétaires pris par le Gouvernement à l’occasion du Ségur de la santé. Or cinq seulement des trente-trois mesures qui en sont issues y sont abordées ; plus de la moitié des articles n’ont pas été explicitement débattus dans le cadre du Ségur de la santé.
Puisqu’il s’agissait de traduire ces accords, et alors que certaines mesures ont une portée non négligeable pour notre système de santé, nous aurions pu attendre, plutôt qu’une proposition de loi, un projet de loi déposé par le Gouvernement – au moins aurait-il été assorti d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État. Nous déplorons donc la méthode. Par courrier au président Ferrand, Valérie Rabault a d’ailleurs demandé la saisine du Conseil d’État, comme l’y autorise l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Cette sécurisation juridique aurait été une garantie pour les soignants, d’autant que ce texte fait l’objet d’une procédure d’urgence. Or nous avons le sentiment qu’il a été écrit à la va-vite, ce que confirment les nombreux amendements de réécriture déposés par la rapporteure, le plus spectaculaire étant celui à l’article 1er.
Je m’interroge sur la concentration envisagée du pilotage stratégique du GHT entre les mains de l’établissement support. Les GHT, créés par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, n’ont fait l’objet d’aucune évaluation par la représentation nationale. Avant de renforcer leur pouvoir et leur rôle, sur quels éléments vous êtes-vous appuyée ? Ont-ils apporté une plus-value en termes d’accès aux soins ?
Mme Annie Chapelier. Près de quatre mois après la signature des accords du Ségur de la santé, nous discutons d’un premier texte, sous forme de proposition de loi, qui permet de traduire dans la loi certaines de ses mesures non financières. La confiance et la simplification sont les maîtres mots de cette proposition de loi déposée par notre collègue Stéphanie Rist, que je remercie pour son écoute et son travail permanent depuis le début des auditions. La proposition de loi tire les leçons de certains aspects de la crise sanitaire, notamment concernant le rôle des services hospitaliers et l’intérim médical.
Nous émettons cependant de nombreuses réserves sur différents articles, particulièrement s’agissant des articles 1er et 7. C’est une bonne chose que la rapporteure propose une nouvelle écriture de l’article 1er car l’inscription dans la loi d’une profession médicale intermédiaire non définie, et alors même que le développement des pratiques avancées en est encore à ses prémices, ne pouvait obtenir l’aval de notre groupe.
Parce que le système de santé n’est rien sans ses professionnels de santé, nous appelons à un nouvel élan en faveur de la réingénierie de ces professions, ainsi qu’à l’harmonisation de leurs statuts et de leurs formations. L’universitarisation des professionnels de santé, encore en chantier, doit se poursuivre afin de développer les pratiques avancées. Elles offrent perspectives d’évolution et transversalité et constituent donc l’échelon intermédiaire sur lequel notre système de santé doit renaître. Nous ferons des propositions en ce sens.
Dans sa rédaction initiale, l’article 7 constituait une seconde ligne rouge pour le groupe Agir ensemble. Il pourrait être interprété comme un nouveau pas vers une fusion obligatoire des établissements dans les GHT, au profit de l’établissement support. Au contraire, nous sommes convaincus que la mise en place d’une direction commune doit constituer l’aboutissement d’une démarche de coopération adaptée aux spécificités des territoires et aux choix locaux. Le maintien d’une offre de santé garantie sur les territoires ne peut se satisfaire du systématisme de tels mécanismes. C’est pourquoi nous avons proposé une nouvelle rédaction qui, nous l’espérons, fera consensus.
Mme Valérie Six. Cette proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification suscite beaucoup d’espoirs et d’attentes. Certaines mesures nous semblent aller dans le sens recherché : le renforcement du rôle du service dans l’organisation hospitalière, l’évolution du recrutement des praticiens hospitaliers, la volonté réaffirmée de lutte contre l’intérim médical ou encore la création d’une plateforme numérique à destination des personnes handicapées. L’article 8 a particulièrement attiré notre attention concernant le droit d’option laissé aux établissements de santé pour leur organisation interne et leur gouvernance – enfin la possibilité est donnée aux hôpitaux d’adopter une organisation interne adaptée à leur taille et aux acteurs locaux !
Toutefois, ces propositions nous semblent insuffisantes pour améliorer concrètement le système de santé, d’autant plus qu’elles participent d’une vision très centrée sur l’hôpital, et surtout l’hôpital public. Certains articles, empreints de la volonté de renforcement de l’intégration des GHT, paraissent s’éloigner de l’objectif affiché. Je crains que cette intégration ne s’opère de façon autoritaire, éloignant encore plus les réponses aux besoins en santé des usagers.
Enfin, la création d’une profession médicale intermédiaire n’est pas issue des revendications des professionnels de santé, et les concertations initiées auprès des seuls ordres des médecins et des infirmiers n’en sont qu’à leurs prémices. Ainsi, même si l’article 1er ne vise qu’à donner un cadre légal à un dispositif encore à construire, nous nous y opposerons, car cette mesure est source de confusion et court-circuite le développement des pratiques avancées.
J’espère toutefois que nos débats seront ouverts et que nous saurons répondre aux attentes de tous les professionnels sanitaires.
Mme Jeanine Dubié. Déjà, le premier volet des mesures du « Ségur » n’était pas entièrement satisfaisant, puisque les revalorisations salariales, inscrites dans le PLFSS 2021, excluaient certaines professions médico-sociales.
S’agissant du deuxième volet, notre groupe ne comprend pas la précipitation dans laquelle cette proposition de loi nous est présentée. Nous nous interrogeons sur la méthode et le choix du véhicule législatif : sur un sujet aussi important et structurant, un projet de loi assorti d’une étude d’impact robuste aurait été préférable.
Le texte initial comporte des dispositifs au mieux imprécis, au pire erronés. C’est d’ailleurs ce qui vous a conduite, madame la rapporteure, à nous proposer des amendements de réécriture. En l’état, nous ne pouvons pas adopter l’article 1er, consacré à la création d’une profession médicale intermédiaire, coquille vide dans l’attente des conclusions d’une mission qui n’a pas encore débuté.
À ce stade, ce type de profession apparaît redondant et difficilement conciliable avec les possibilités offertes par la pratique avancée, dont les décrets d’application sont récents. Il serait avant tout utile de disposer d’un retour sur ce mécanisme et d’améliorer l’existant.
Le chapitre III, consacré à l’attractivité du poste de praticien hospitalier, poursuit un but intéressant, mais ne propose pas de solution concrète pour fluidifier la procédure actuelle de recrutement. Pourquoi ne pas envisager de revoir cette dernière ? Où en est l’ordonnance relative à la refonte du statut de praticien hospitalier, prévue dans la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ?
D’autres propositions sont plus intéressantes : la suppression de la limitation des arrêts de travail prescrits par les sages-femmes ; la réintroduction du service comme unité fonctionnelle ; la capacité d’adaptation locale des établissements. Notre groupe proposera d’aller plus loin afin d’associer davantage à la gouvernance les professions médicales et paramédicales, ainsi que les usagers et les élus.
Madame la rapporteure, la proposition de réécriture de l’article 1er est l’exemple même de la précipitation que j’ai dénoncée. Au départ, vous vouliez créer une nouvelle profession médicale intermédiaire ; à l’arrivée, vous proposez la remise d’un rapport par le Gouvernement. Agir vite pour améliorer notre système de santé, bien sûr, mais pas à la va vite et dans l’approximation ! Le sujet est trop important.
M. Pierre Dharréville. On ne peut, en effet, que s’interroger sur la méthode retenue. Même si je sais que votre proposition de loi préexistait aux discussions du « Ségur », nous pensons que le Gouvernement aurait dû assumer lui-même la traduction de ces mesures, qui méritaient de connaître le parcours législatif d’un projet de loi.
On peut également s’interroger sur l’inachèvement et l’aspect bancal de la proposition de loi, qui s’apparente à un patchwork et dont quelques mesures nous inquiètent. Nous sommes notamment plus que dubitatifs s’agissant de l’accélération de l’intégration dans les GHT. Il faudrait, à tout le moins, regarder d’un peu plus près la manière dont les choses y fonctionnent. La gestion de l’intérim telle qu’elle est proposée pour les directions nous semble assez problématique.
Problématiques également, les dérogations au code de la santé publique. Si certaines mesures présentent un intérêt, on ne voit pas bien, au bout du compte, quelle est la véritable unité de votre proposition de loi et, partant, son avantage. Il faudrait plutôt, à notre sens, déposer un texte permettant de développer la démocratie sanitaire, ce qui n’est pas le cas de celui-ci.
M. Bernard Perrut. Madame la rapporteure, je partage votre point de vue. Il est urgent d’améliorer notre système de santé, par la confiance et la simplification. Trop de règles sont imposées aux professionnels de santé et aux établissements, qui sont trop éloignées des problématiques spécifiques de chaque territoire, et trop complexes. Mais pouvons-nous nous substituer au ministre de la santé ?
Il y a quelques mois, j’ai déposé une proposition de résolution visant à repenser l’organisation de notre système de santé, notamment au niveau territorial. Nous l’avons vu avec le coronavirus, ce sont bien les acteurs locaux qui ont été confrontés à la gestion d’urgence des premiers cas et qui ont su prendre leurs responsabilités. Dès le début de l’épidémie, les directeurs d’hôpitaux ont montré leur capacité à changer en urgence l’organisation de leurs établissements. L’efficacité des circuits courts de décision est manifeste, comme l’engagement remarquable de tous les personnels. Les élus des collectivités ont été également très réactifs et volontaires, et nous avons pu constater que les initiatives pour faire face à l’épidémie ont jailli du terrain – gestion immédiate de la crise sanitaire et gestion des équipements et de l’espace public.
Ne faut-il pas aller plus loin et oser un effort de clarification ? Au ministère reviendraient les missions des grandes politiques de santé publique ; aux collectivités locales et aux territoires, un rôle dans la régulation, le pilotage sanitaire et l’organisation des acteurs. Quid également du rôle des ARS, que vous n’évoquez pas spécifiquement, alors qu’il faut les réformer et établir une cogouvernance ? Poser un cadre général garantissant aux Français leur égalité devant la loi, tout en permettant la différenciation territoriale doit, à mon sens, être l’objectif d’une grande réforme qui nous incombe à tous. Il conviendra aussi d’évoquer le rôle des GHT dans ce qu’ils ont de positif – je les connais bien pour présider le comité territorial des élus locaux – et, avec beaucoup de prudence, dans le respect de nos établissements et de tous nos professionnels de santé.
M. Stéphane Viry. Madame la rapporteure, votre parcours professionnel et votre engagement sont impressionnants et vous donnent, en effet, toute légitimité pour traiter du sujet. Or, après avoir lu votre proposition de loi et découvert vos amendements, je suis partagé entre l’amertume et la déception au regard de votre potentiel.
Que la crise bouleverse la nation et qu’elle percute le système de santé, c’est une évidence. Il faut donc en tirer les leçons. Or votre réponse est, pardonnez-moi, le simple replâtrage d’un système de santé à bout de souffle, qui épuise les personnels soignants et fragilise l’offre de soins. J’aurais pensé qu’au terme du « Ségur », qui était un moment nécessaire d’écoute et de concertation, la réponse de celles et de ceux qui sont au pouvoir aurait été d’une tout autre envergure. J’ai un peu le sentiment que vous proposez des mesurettes, alors qu’il faudrait une profonde réforme de notre système de santé. On passe à côté de l’essentiel du sujet, et toutes les parties prenantes du système de santé le pensent. Il faut remettre à plat notre système de santé, plutôt que de chercher à le replâtrer de façon prématurée et hasardeuse.
Enfin, s’agissant de la méthode, la nécessité de proposer des amendements de réécriture, qui bouleversent la version initiale du texte, révèle toute la faiblesse et la fragilité de votre position. Ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de retirer votre proposition de loi et de revenir vers nous lorsque vous aurez revu votre copie ?
M. Thibault Bazin. S’il y a de bonnes mesures dans cette proposition de loi, d’autres peuvent révolter. J’ai l’impression que notre système de santé va conserver un certain nombre de rhumatismes…
Je suis ravi que vous ayez fait marche arrière sur l’article 1er, qui allait apporter de la confusion. Il faudrait faire de même concernant l’article 7. Certes, vous l’avez réécrit par voie d’amendement, mais il n’est toujours pas acceptable : c’est un casus belli. Il est hors de question de forcer les coopérations et de brusquer les élus en cette période. Il faut adapter le mode de gouvernance selon les territoires. Le comité stratégique ne doit pas être uniquement consulté ; il doit pouvoir en décider. Si l’on veut que les GHT fonctionnent bien, il faut leur laisser une liberté de fond et de forme, ainsi que du temps. Il faudrait également muscler le comité territorial des élus locaux du GHT, en associant les parlementaires et les représentants des établissements publics de coopération intercommunale du territoire concerné. Une direction commune peut être un atout si elle fait consensus avec les acteurs locaux. Cela dépend surtout des personnes et des territoires. Faisons leur confiance ! Permettons à chaque conseil d’administration des établissements et à chaque conseil de surveillance de donner leur accord. Madame la rapporteure, êtes-vous prête à rechercher le consensus en supprimant votre article 7 ?
M. Didier Martin. Je salue le travail qui a été fait, parce qu’il n’était pas facile. Il a été lancé par des gens du métier, qu’il s’agisse de notre responsable du texte, de notre rapporteure ou de tous ceux qui ont enrichi le texte avec leurs amendements. Profitons-en ! Alors que nous avons une expérience des métiers, pourquoi en appeler au Gouvernement qui devrait trouver la grande solution globale, le Grand soir de la grande réforme ? Un voyage de 10 000 lieues commence toujours par un premier pas ; et il y a plusieurs premiers pas à faire dans des domaines précis au cœur de notre organisation. J’entends certains s’attacher beaucoup à la question territoriale – c’est normal, ce sont des élus –, mais il n’y a pas que cela à considérer, il y a aussi une communauté hospitalière, une communauté des professions de santé, des équilibres à répartir. Je pense que cette proposition de loi, de façon progressive, introduit quelques changements importants. Il serait donc dommage de la renvoyer dans l’attente d’un projet de loi. Saisissons-nous de notre rôle et faisons la loi, même si ce n’est qu’un premier pas.
M. Philippe Vigier. Monsieur Viry, chercher à faire retirer la proposition de loi est une mauvaise voie. Ceux mêmes qui se plaignent dans l’hémicycle que le Gouvernement décide tout, préfèrent, lorsque le Parlement prend des initiatives, tout faire retirer, parce qu’il faudrait le Grand soir. Ça ne marche pas ! Malgré des points de désaccord, il faut souligner le travail réalisé, qui a le mérite d’exister.
Je remercie la rapporteure d’avoir débloqué la situation sur l’article 1er. Je ne suis d’ailleurs pas certain que le blocage soit venu des professionnels de santé, mais plutôt de l’avenue de Ségur, si mes informations sont bonnes.
Enfin, s’agissant de la coopération entre le public et le privé, qui est l’une de mes marottes, la rapporteure a déposé hier soir un amendement de grande valeur concernant l’interopérabilité en matière de systèmes d’information. L’interopérabilité est la première des coopérations entre le public et le privé. C’est la première pierre de l’édifice. Nous devons continuer en ce sens. Le covid nous rappelle tous les jours que le public sans le privé, cela n’existe pas, et que le privé sans le public, cela existe encore moins.
M. Paul Christophe. Je salue, à mon tour, le travail éminent de notre collègue. Je souscris aussi à l’idée que nous sommes là pour travailler et pour débattre. Je vois donc mal ce qu’il y a d’inconvenant à ce que nous nous saisissions de cette proposition de loi. Vous connaissez, madame la rapporteure, mon aversion pour la rédaction initiale de l’article 7 et ses fusions imposées qui ne disent pas toujours leur nom. J’apprécie que la nuit ait porté conseil et que nous ayons à échanger ce matin sur une nouvelle version.
Vous vous êtes beaucoup appuyée sur les rapports de la Cour des comptes et de l’IGAS sur les GHT. La Cour des comptes a mis le doigt sur une difficulté majeure : le découpage territorial, particulièrement hétérogène et souvent plus politique qu’organisationnel. Pourquoi n’avez-vous rien proposé pour le revoir ? Enfin, les GHT ont exclu de fait le secteur privé. Comment mieux organiser la coopération entre le privé et le public ? Quant à l’article 7, s’il y a des patients, il y a aussi des soignants. Nous devons donc réfléchir à ce que la fusion d’établissements éloignés l’un de l’autre peut impliquer en matière de mutation, afin de rassurer les uns et les autres dans le contexte actuel.
Mme la rapporteure. Monsieur Door, vous avez dit que le texte était hospitalo centré. En juillet 2019, nous avons adopté la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui n’était pas hospitalo centrée et proposait la création des coopérations professionnelles territoriales de santé et du projet territorial de santé. Nous sommes dans une dynamique de création, et il me semble important d’avancer sur ce qui est déjà dans la loi avant de proposer une nouvelle réforme. Je ne suis d’ailleurs pas sûre que cela viendrait répondre à une attente sur ce sujet. J’ai également déposé, après l’article 1er, des amendements sur les protocoles de coopération, qui pourront se faire en ville entre établissements de santé, mais aussi avec le secteur médico-social. Les mesures ne concernent donc pas que l’hôpital.
Les protocoles de coopération sont un très bon dispositif de décloisonnement. Vous reprochez à la proposition de loi l’absence d’éléments de territorialisation, mais le GHT et le fait d’en débattre montrent notre attachement aux territoires.
Vous dites qu’il n’y a eu aucune concertation. Le « Ségur » était une concertation qui a été saluée par les représentations syndicales, et beaucoup de mesures de ce texte en sont issues.
Monsieur Isaac-Sibille, vous avez, à juste titre, proposé la création d’une mission « flash ». Il me semblerait intéressant que les parlementaires s’emparent du sujet des professions médicales intermédiaires. S’agissant des GHT, la proposition de loi vise clairement à les faire avancer. Ils ont plus de quatre ans. Des rapports relèvent leur hétérogénéité, mais on sait aussi que lorsqu’ils fonctionnent bien, ils créent de l’offre de soins là où on en manque le plus. Or, actuellement, nous n’avons pas beaucoup d’outils qui le permettent. C’est pour cela que nous souhaitons faire progresser ces GHT, qui sont dispendieux en temps professionnel et qui ne sont pas aussi efficaces qu’ils pourraient l’être. Si notre objectif est d’améliorer l’offre de santé dans les territoires, nous devons les pousser. Je vous remercie, enfin, pour vos amendements qui complèteront utilement l’article 10.
Madame Biémouret, vous auriez souhaité un projet de loi et non une proposition de loi. Je connais votre attachement au sujet de la santé. Nous sommes parlementaires, et l’un des moyens de faire avancer les questions, c’est aussi de proposer des textes. Je le redis très humblement : mon texte n’est pas exhaustif, mais s’il est adopté, il emportera des conséquences très pragmatiques dans les territoires. Pour prendre le seul exemple des protocoles de coopération, très rapidement pourront se mettre en place des coopérations qui amélioreront l’offre de soins et la prise en charge des patients.
Vous avez déduit des réécritures que le travail avait été fait trop rapidement. Cela peut aussi vouloir dire que nous sommes à l’écoute de ce qui nous remonte, soit lors des auditions soit dans les discussions que j’ai pu avoir avec certains d’entre vous.
Quant à l’évaluation des GHT, la Cour des comptes a produit un rapport, l’IGAS un autre. La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) va également lancer un travail sur le sujet. S’est ajoutée l’expérience acquise dans mon propre GHT, que Jean Pierre Door connaît bien, ainsi que dans d’autres territoires, à l’occasion de différents déplacements.
Madame Chapelier, il me semble que vous demandez plus de souplesse aux GHT. Or c’est exactement ce que j’apporte, puisque l’article 7 réécrit dispose que si, d’emblée, le directeur général de l’ARS considère que le groupement est trop grand ou que les gens ne s’y entendent pas assez bien, il peut ne pas proposer d’intérim. S’il le choisit, l’intérim est assuré par le directeur de l’établissement support pendant un an et, au maximum au bout d’un an, le directeur de l’ARS prend une décision sur la direction commune, après avis des commissions des élus, du conseil de surveillance de l’établissement et du comité stratégique. Ces procédures sont à même d’apaiser les craintes que j’entends surtout d’élus de petits établissements, qui ont peur de se faire manger par les gros, alors qu’en réalité, soit dit en passant, c’est tout l’inverse qui se passe. J’ai réécrit l’article pour répondre aux différentes demandes.
Madame Dubié, si nous agissons vite, c’est parce qu’il y a urgence à améliorer l’offre de soins aux patients. La réécriture, comme je l’ai dit, s’inscrit dans une démarche d’écoute. Les ordonnances sur les statuts sont attendues pour mars 2021, leur date de publication ayant été reculée en raison de la crise sanitaire.
Monsieur Dharréville, vous avez fait part de nombreuses craintes à l’égard des GHT. Je les entends, mais voyons aussi que, lorsqu’ils fonctionnent bien, ils peuvent sauver des maternités et créer de l’offre de soins, ce à quoi nous devrions tous œuvrer, en levant les freins qui subsistent. Quant à l’intérêt de la proposition de loi, je vous laisse seul juge. Pour moi, elle emporte des conséquences pratiques qui la justifient entièrement. Par exemple, une femme enceinte qui vient de voir sa sage-femme n’aura plus besoin d’aller ensuite voir son médecin pour faire prolonger son arrêt maladie. Vous craignez également pour le sort des plus petits établissements. Mais la réécriture de l’article 8 précise bien qu’il s’agit d’une dérogation, qui permet que les hôpitaux s’organisent en services, en pôles, comme ils le souhaitent, en leur faisant confiance et grâce à une meilleure coopération entre l’administration et les médecins.
Monsieur Perrut, j’entends votre demande s’agissant de la place des élus et du rôle des ARS dans notre système de santé. Je crois que cette proposition de loi n’était pas le lieu où s’attaquer à ce sujet très large, qui emporte des conséquences sur la différenciation notamment. Attendons pour cela le projet de loi « 3D », pour lequel notre commission aura un rôle à jouer.
Monsieur Viry, vous parlez d’un simple replâtrage. Je ne dis pas que mon texte est une grande loi santé. Il n’est pas exhaustif. De nombreuses mesures du « Ségur » ont été examinées jusqu’à hier soir dans le PLFSS. Beaucoup ne sont pas d’ordre législatif et ne se retrouvent donc pas dans ma proposition de loi. Mais celles qui nécessitaient un cadre législatif y sont. Quant à souhaiter une grande réforme, nous connaissons tous le calendrier législatif et nous sommes en pleine crise sanitaire. Je ne crois pas que ce soit le moment de faire une grande réforme de la santé. Je mesure bien que les nombreuses réécritures peuvent compliquer le travail des parlementaires. C’est pourquoi j’avais essayé de prévenir les groupes le plus tôt possible de leur forme et de leur fond.
Monsieur Bazin, hors de question de brusquer les élus, dites-vous, s’agissant des GHT. Je ne suis pas d’accord avec vous. Je crois que nous devons les brusquer et que la situation de l’offre de soins et de l’accès aux soins le nécessite. C’est même la principale raison de ma présence comme députée et comme rapporteure, certes modeste. Tout ce qui pourra améliorer, ne serait-ce qu’un peu, l’offre de soins dans notre territoire est important. Vous souhaitez supprimer l’article 7. Vous avez compris mon engagement et ma conviction quant à l’efficacité des GHT. Peut-être qu’il faut changer leur nom et apprendre à les aimer, mais ils marchent, et beaucoup d’exemples le prouvent. La réécriture dissipe vos craintes : l’intérim se fera si le directeur général de l’ARS est d’accord, puis il faudra passer devant les élus pour un avis – c’est tout de même beaucoup de souplesse. Il n’est pas, à ce jour, question d’une fusion des GHT ni de l’acquisition d’une personnalité morale. Ce sont, je l’espère, des étapes à venir, qui sauront faire consensus.
Monsieur Vigier, je suis convaincue, comme vous, de la nécessité de la coopération du public et du privé. Nous avons déjà des outils, notamment le projet territorial de santé, et je crois que les protocoles de coopération peuvent également être un outil très pratique en la matière. Il existe aussi des GCS. Je suis engagée, comme vous, pour que l’amélioration du système passe par une meilleure coopération entre le public et le privé.
Monsieur Christophe, vous avez fait mention du découpage du périmètre du GHT. Certes, parmi les 135 qui existent, l’hétérogénéité est importante : certains paraissent très grands, d’autres plus petits. Ce n’est toutefois pas le seul frein à leur fonctionnement – mais je n’ai pas vu d’amendement sur ce sujet. Comme je l’ai dit, l’article 7 prévient ce risque, puisque le directeur général de l’ARS peut ne pas proposer d’intérim si le GHT est trop grand.
La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.
Chapitre Ier
Création d’une profession médicale intermédiaire
Avant l’article 1er
La commission examine l’amendement AS272 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’amendement vise à modifier l’intitulé du chapitre Ier, dans la mesure où, comme nous l’avons dit, la création d’une profession médicale intermédiaire semble prématurée. L’amendement introduit une référence au protocole de coopération et à l’exercice en pratique avancée, deux dispositifs essentiels pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens en décloisonnant les métiers.
M. Jean-Pierre Door. Madame la rapporteure, votre amendement montre que vous avez compris qu’il y avait eu un blocage sur la définition de cette profession médicale intermédiaire. Le Conseil national de l’Ordre des médecins a bloqué fortement et n’a pas voulu répondre à la lettre de mission qu’on lui avait adressée. La profession médicale intermédiaire est, à mon sens, totalement inutile dès l’instant où il y a des infirmières en pratique avancée (IPA) et des assistants médicaux, qui maillent notre territoire. Pour revenir au titre du chapitre Ier, la mention de l’exercice en pratique avancée me semble parfaitement inutile.
M. Philippe Vigier. L’article 1er faisait, en effet, l’objet de très nombreux blocages, d’autant qu’il renvoyait à un décret en Conseil d’État. Créer une profession, qui est un OVNI, sans donner de contenu ni de formation : on comprend le blocage. Votre réécriture me semble aller dans le bon sens.
Le métier d’infirmière en pratique avancée a été créé sous le quinquennat précédent. Lors de l’examen de la proposition de loi tendant à garantir un égal accès aux soins et aux maternités, seules 392 IPA avaient été identifiées. Alors qu’elles ont été très peu accompagnées et que leur nombre est en chute libre plutôt qu’en augmentation, il faudrait élargir leur champ d’action, notamment en pédiatrie. La bonne méthode serait de les renforcer et de renforcer l’attractivité de leur carrière en augmentant les salaires.
Je ne suis pas opposé à une profession médicale intermédiaire, mais il faudrait définir comment et qui. Une proposition vous a été faite par les cinq conférences des doyens des formations médicales. Utilisons ce support, afin de partir des outils de formation, pour voir comment ces nouveaux postes pourraient s’insérer dans la chaîne hospitalière et apporter une vraie réponse. On avait parlé de recruter 4 000 assistants médicaux, mais combien l’ont été réellement ? On nous avait également expliqué qu’on allait salarier les médecins dans ma région. Cela fait dix mois que l’annonce a été faite et leur chiffre doit avoisiner le zéro.
M. Pierre Dharréville. La formulation initiale de l’article 1er a soulevé de nombreuses oppositions et ne correspondait pas aux mesures discutées dans le cadre du « Ségur ». C’est une marque de sagesse de revenir en arrière sur ce sujet. Le problème, tout de même, c’est qu’il s’agissait de l’article phare de la proposition de loi... Sa réécriture fragilise l’édifice et contribue à alimenter les critiques que nous avons formulées tout à l’heure.
Des enjeux importants sont définis, concernant la formation des médecins. Nous en donnons‑nous les moyens ? Je pense également aux centres de santé, qui permettent de développer des lieux de pratique collective. Il faudrait s’attaquer à de nombreux sujets qui sont absents de la proposition de loi.
M. Brahim Hammouche. Pratique avancée, oui ; profession médicale intermédiaire, non : voilà ce qui nous remonte du terrain. Énormément d’acteurs du monde de la santé sont demandeurs à la fois d’une revalorisation, de formations et de soutien. Les sages-femmes demandent qu’on élargisse un peu leur périmètre, comme les étudiants et les internes en médecine, les praticiens étrangers, les masseurs-kinésithérapeutes et les infirmières à domicile. Une profession médicale intermédiaire ne ferait qu’introduire de la confusion là où il faudrait de l’organisation et de l’ambition.
Mme Jeanine Dubié. On crée une nouvelle profession médicale : ce n’est tout de même pas neutre. Or on ne le fera qu’à la suite des conclusions du rapport des conseils nationaux des ordres des infirmiers et des médecins. C’est incompréhensible ! Il aurait fallu que le rapport fixe un cadre pour cette profession, qu’il détermine sa place par rapport aux médecins et aux infirmières, et quelle formation – paramédicale ou médicale – permettrait de l’exercer. Cette disposition semblait non seulement absurde, mais surtout résulter d’une appréciation pas juste de la situation.
Vous proposez aujourd’hui de substituer à la profession médicale intermédiaire l’exercice en pratique avancée. A-t-on vraiment besoin d’un article de loi pour demander un rapport dressant l’état d’avancement de la pratique avancée et des protocoles de coopération ? Est-ce à dire que la question n’a fait l’objet d’aucun travail de la part du ministère ? Je suis préoccupée par cette façon de faire.
Mme Annie Vidal. La réécriture proposée par la rapporteure ne fragilise pas le dispositif, bien au contraire. Elle témoigne de sa grande qualité d’écoute lors des nombreuses auditions qu’elle a conduites.
L’idée initiale était bien de créer un cadre législatif afin que les propositions des ordres puissent rapidement trouver une déclinaison opérationnelle. Malheureusement, ce n’est pas ainsi qu’elle a été perçue. Force est donc de constater que ce sujet doit poursuivre sa maturation.
Pour autant, la question reste prégnante. Les pratiques avancées ne concernent aujourd’hui que les infirmières, mais les autres auxiliaires médicaux ont des propositions à faire. Le rapport pourrait utilement éclairer la réflexion, non pas sur la profession médicale intermédiaire, mais sur une évolution des métiers des professionnels de santé. Il y a forcément un niveau de compétences à établir entre le médecin et l’infirmière pour pallier l’insuffisance de l’offre de soins dans de nombreux territoires.
Mme Annie Chapelier. La rédaction initiale était vraiment très mal partie. On a constaté, au cours des auditions, que personne ne s’y retrouvait. Même s’il est mal écrit, l’article 1er nous donne peut-être enfin l’occasion de remettre à plat la question des professions paramédicales. Le rapport en question permettrait, non seulement d’envisager leur évolution, mais aussi – et c’est que ce notre groupe va proposer – de revoir l’ingénierie de toutes ces professions.
L’exercice en pratique avancée constitue un titre préliminaire du code de la santé publique, qui précède la déclinaison, aux titres Ier à VII, non seulement des infirmières, mais de toutes ces professions, des psychomotriciens aux opticiens-lunetiers en passant par les diététiciens. Le champ des possibles est infini, mais il ne peut être ouvert qu’en mettant fin à l’hétérogénéité de toutes ces professions, dont les statuts, les référentiels de formation et de compétences, complètement disparates, ne permettent pas une telle évolution.
L’affaire était sans doute mal partie, mais voyons-y un bien pour un mal. La remise à plat du système de santé que M. Viry réclamait doit commencer par la remise à plat des professionnels de santé, qui en constituent l’âme et le corps.
M. Cyrille Isaac-Sibille. La richesse des auditions a permis à chacun de faire évoluer son point de vue, et à la rapporteure de proposer la modification, que nous soutiendrons. Nous avons constaté que la complexité de ces professions, l’absence de cadrage appelaient à faire tout un travail. Au moins le rapport demandé au Gouvernement et la mission « flash » nous aideront-ils à y réfléchir.
Mme Gisèle Biémouret. Je ne comprends pas ce que cet article va apporter de plus aux déserts médicaux.
La commission adopte l’amendement, et l’intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.
En conséquence, l’amendement AS91 de M. Thibault Bazin tombe.
Article 1er : Création d’une profession médicale intermédiaire
La commission examine les amendements de suppression AS10 de Mme Jeanine Dubié, AS11 de M. Jean-Pierre Door, AS49 de M. Pierre Dharréville, AS56 de Mme Marine Brenier, AS92 de M. Thibault Bazin, AS142 de Mme Valérie Six, AS170 de M. Stéphane Viry, AS194 de Mme Gisèle Biémouret et AS283 de Mme Isabelle Valentin.
Mme Jeanine Dubié. La rédaction de l’article 1er a suscité de nombreux doutes, d’autant plus que le titre initial annonçait la création d’une profession médicale intermédiaire dans le seul milieu hospitalier. J’ai déjà dit qu’on n’avait aucune idée du cadre dans lequel elle s’inscrirait puisque le rapport confié aux ordres concernés ne serait rendu qu’en avril 2021. Encore une fois, on crée quelque chose sans savoir ce qu’il y a dedans. J’ai l’impression de revivre le coup de la cinquième branche : bis repetita, donc, avec cette profession médicale intermédiaire !
M. Jean-Pierre Door. De nombreuses réformes sont en cours : études de santé, ouverture du numerus clausus, établissement de passerelles, création d’un diplôme en pratique avancée, en particulier pour les infirmières, correspondant au niveau du master, renforcement de l’exercice coordonné avec les protocoles de coopération, et création de 4 000 assistants médicaux. Avec la profession médicale intermédiaire, vous rajoutez un élément totalement inutile dans le schéma général des professions de santé.
M. Pierre Dharréville. La présentation de l’article procède de la même démarche que celle qui avait été adoptée pour la cinquième branche : une idée passe et, sans qu’il y ait rien dedans, on l’annonce ! C’est tout de même un fonctionnement problématique. On ne voit pas bien à quoi cela peut répondre. Ce n’est pas pour rien que l’exercice de la médecine est réglementé, et depuis très longtemps. L’article 1er est donc inacceptable en l’état. Le transformer en une demande de rapport, que vous auriez pu introduire dans le PLFSS, ne me semble pas plus approprié.
M. Thibault Bazin. L’article 1er constitue un mauvais démarrage pour la proposition de loi, dont le titre est pourtant intéressant : tout le monde s’accorde sur la nécessité d’améliorer notre système de santé.
Sur la forme, tous les professionnels de santé que le groupe Les Républicains a auditionnés ont affirmé n’avoir pas participé à la concertation et ne pas avoir été consultés en amont. Il est tout de même dommage de chercher à améliorer un système sans ceux qui en sont les acteurs de première ligne. Sur le fond, dans un contexte d’hyperspécialisation des métiers du soin et de la médecine, le flou de la rédaction pose un problème. On ne sait pas ce qu’il y a derrière ni comment la proposition de loi s’inscrit dans le cadre des autres réformes en cours.
Vous allez proposer de remplacer cet article fort malvenu par une demande de rapport, mais celui-ci sera caduc lorsque la navette arrivera à son terme. Mieux vaut le supprimer, ce qui nous permettra de soutenir cette proposition de loi, qui contient par ailleurs d’autres mesures intéressantes et que nous tenterons d’améliorer avec nos amendements.
Mme Valérie Six. Le groupe UDI et Indépendants souhaite également la suppression de l’article. Annoncée comme issue du Ségur de la santé, la création d’une profession médicale intermédiaire a été rejetée. Alors que les Français ont du mal à s’orienter au sein du système de santé, créer une nouvelle profession ajouterait à leur confusion sans remédier à l’important cloisonnement entre métiers. Une réflexion préliminaire, élargie à l’ensemble des représentants professionnels médicaux, paramédicaux et universitaires, pourrait s’engager sur les compétences et les responsabilités professionnelles des métiers de la santé pour faire évoluer ces derniers, mais c’est d’une organisation rationnelle et coordonnée dans les territoires que nous avons besoin.
Madame la rapporteure, vous avez entendu la réaction du monde médical : de l’Ordre des médecins aux principaux syndicats de praticiens hospitaliers et libéraux, jusqu’aux conférences des doyens des facultés de santé, la levée de bouclier a été unanime. Vous avez reconnu que cette nouvelle profession ne pourrait pas constituer une réponse aux déserts médicaux et que le calendrier n’était pas pertinent. Nous vous en remercions, de même que d’avoir déposé votre amendement de réécriture de l’article.
M. Stéphane Viry. La création d’une profession médicale intermédiaire était une idée – saugrenue – du ministre Véran, qui n’en a jamais fait mystère. Les professionnels de santé étaient majoritairement contre et l’ont fait savoir bruyamment. Quels auraient été le statut et les prérogatives professionnelles ces nouveaux intervenants dans le parcours de soins ? Ce n’était ni fait ni à faire. En revanche, développer la validation des acquis de l’expérience (VAE) permettrait à tout le personnel de santé de monter en compétences tout au long de sa carrière.
Mme Gisèle Biémouret. La nouvelle rédaction de l’article me laisse tout autant dubitative : au fond, on ne sait pas ce que signifie la création d’un nouvel échelon ou d’un nouveau métier. Je veux me faire la porte-parole des déserts médicaux, des territoires – qui ne sont pas seulement ruraux – où l’on peine à recruter des médecins hospitaliers : j’ai eu l’impression que ce nouveau métier leur serait réservé. Évidemment, je souhaite que l’article 1er soit supprimé !
Mme la rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements, car leur adoption empêcherait celle de l’amendement suivant, AS271, celui par lequel je vous proposerai de demander un rapport au Gouvernement. Or c’est important, car beaucoup de professionnels de santé attendent ces évolutions des métiers. Abandonner complètement l’article 1er signifierait que nous nous désengageons du sujet.
La profession médicale intermédiaire n’est pas une nouveauté. Elle est mentionnée en 2011, dans le rapport de Laurent Hénart, en 2014, dans celui de nos collègues sénateurs, et encore dans d’autres travaux intervenus depuis. Si j’entends qu’il existe un blocage et qu’il ne faut pas aller plus loin dans le cadre de ce texte, je persiste à penser qu’il faut continuer d’avancer, surtout en matière d’évolutivité des métiers.
Regardons nos voisins européens : en Angleterre, une infirmière peut opérer d’une appendicite. Nous en sommes très loin.
M. Philippe Vigier. Si l’on supprime l’article, on ne parlera plus ni des IPA ni des professions intermédiaires. Est-ce l’objectif ? Non.
Si l’on suit la rapporteure en adoptant la nouvelle rédaction qu’elle propose, cela reviendra à suivre à nouveau le Gouvernement. Or nous examinons une proposition de loi, un cadre, me semble-t-il, approprié à l’initiative parlementaire. Sachant que la plupart des demandes de rapport tombent aux oubliettes, que des contacts ont été pris avec les cinq conférences de doyens pour la formation et que les IPA sont en difficulté alors qu’il s’agit d’une très belle création, lançons la mission « flash », prenons notre destin en main ! Cette question date de 2011 : elle n’est donc pas affaire de clivage politique. Nous devons pouvoir avancer tous ensemble, vite, de façon efficace et en concertation avec ceux dont c’est le boulot au quotidien : ordres, facs de médecine, syndicats.
Mme Audrey Dufeu. Depuis tout à l’heure, j’entends des arguments contradictoires : d’un côté, vous réclamez à la rapporteure le détail de ce que sont les professions médicales intermédiaires, et, d’un autre côté, vous lui reprochez de demander un rapport qui permettrait précisément d’en définir le périmètre.
En fait, je pense que vous exprimez la peur du changement de certains ordres médicaux – je n’ai pas peur de le dire. Les auditions de la rapporteure ont montré que tous les professionnels n’étaient pas unanimes. Allez rencontrer les paramédicaux sur le terrain, voyez la dérive quotidienne dans la délégation des tâches : tout n’est pas noir ou blanc. La France accuse un retard de quinze ans en matière d’évolution des pratiques, parce que le pouvoir médical veut se placer au centre, tout en se plaignant de ne pas pouvoir tout faire.
Oui, la désertification médicale est une réalité. Oui, certains professionnels paramédicaux aspirent à la reconnaissance des tâches qui leur sont déléguées au quotidien et à l’évolution de leur pratique. Les professions intermédiaires ont toute leur place en matière d’éducation, de prévention et de dépistage. Il nous faut tout simplement être un peu progressistes, ne pas avoir peur du changement et ne pas nous enfermer dans nos pratiques traditionalistes, car une telle attitude n’aidera pas le système de santé.
M. Jean-Pierre Door. Ne cédons pas à la caricature ! Je ne suis pas d’accord avec le raisonnement de Philippe Vigier. Je crois que nous avons besoin de rapports, et je me souviens de celui, formidable, du Pr. Jacques Domergue sur toutes les professions de santé. Je crois aussi que certaines professions intermédiaires de santé doivent exister. Dans mon cabinet, un professionnel de cette catégorie réalisait, par exemple, toutes les échographies, et avait un niveau master. Je soutiens donc, une fois n’est pas coutume, l’amendement AS271 de la rapporteure, qui prévoit un rapport sur l’ensemble des professions intermédiaires. La MECSS pourrait même en préparer un de son côté, en auditionnant les représentants des professions de santé.
M. Philippe Vigier. Une mission « flash » rend toujours un rapport, et j’ai plus confiance dans un rapport parlementaire que dans un rapport gouvernemental – je suis sûr que mon ami Jean-Pierre Door ne manquera pas d’être d’accord avec moi.
Mme Annie Chapelier. Nous pouvons avancer même avec un simple rapport. Il y en a eu déjà beaucoup, de celui de M. Domergue, il y a dix ans, qui ne traitait que de la formation des auxiliaires médicaux, à ceux de l’IGAS et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale, en 2014 et en 2017, sur l’accès aux formations, en passant par celui de Laurent Hénart et Yvon Berland, en 2011, sur les métiers en santé de niveau intermédiaire. Tous ces rapports préconisent la même chose : une remise à plat, une réingénierie, une réflexion débouchant sur des pratiques avancées et l’évolutivité des professions. Surtout, cette évolution doit aller de pair avec l’universitarisation des professions, dont le rapport de M. Stéphane Le Bouler a récemment traité.
En France, on est encore très loin du compte, et c’est pourquoi il y a tant de blocages. Une telle réingénierie est indispensable pour qu’enfin les professionnels de santé, désormais hyperqualifiés, s’inscrivent dans le système européen licence master doctorat (LMD).
M. Thibault Bazin. Nos travaux sont affectés par un problème de méthode : nous défendons des amendements de suppression de l’article qui ont été déposés avant celui de la rapporteure visant à le réécrire. Nous avons donc un dialogue de sourds alors que nous sommes tout à fait ouverts. Pour ma part, je pense qu’avec l’hyperspécialisation des métiers du soin et de la médecine, il est nécessaire de travailler sur les pratiques avancées et, au-delà du rapport, d’aborder la question centrale de leur rémunération. Le problème est là : elles ne sont pas suffisamment valorisées pour être attractives.
La commission rejette les amendements de suppression.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS271 de la rapporteure et AS289 de M. Jean-Louis Touraine, qui font l’objet des sous-amendements AS336 de Mme Annie Chapelier et AS337 de Mme Danielle Brulebois, ainsi que les amendements AS212 de Mme Annie Chapelier et AS284 de Mme Josiane Corneloup.
Mme la rapporteure. Nous avons largement évoqué la nécessité de disposer d’un rapport d’évaluation, dont il est important qu’il insiste sur des propositions pour accélérer le déploiement des auxiliaires médicaux en pratique avancée et celui des protocoles de coopération, notamment en simplifiant et en améliorant ces dispositifs.
Mme Annie Chapelier. Un tel rapport apportera une réelle amélioration s’il aborde aussi les besoins et les moyens de la réingénierie des auxiliaires médicaux, ainsi que la mise en cohérence et l’harmonisation de leur statut et de leur formation, notamment la poursuite de leur universitarisation. Tel est le sens du sous-amendement AS336.
Mme Danielle Brulebois. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) constituent le lieu où coordonner les professions de santé et les professions intermédiaires de santé, grâce à la mise en œuvre d’un véritable maillage. Elles ont démontré leur utilité pendant la crise du covid-19, mais connaissent des difficultés de déploiement.
Il n’existe aucun professionnel chargé de leur coordination et de leur installation ; ce sont les médecins qui en ont la charge. Ce travail est mal défini et mal financé, ce qui décourage les professionnels de santé. Il est pourtant important, car une CPTS est efficace à l’échelle d’un bassin de population d’environ 50 000 habitants. Cela représente un important travail de coordination.
Par le sous-amendement d’appel AS337, je propose d’ajouter à l’objet du rapport l’évaluation des besoins et des moyens à mettre en œuvre pour assurer un financement pérenne des protocoles de coopération au sein des CPTS.
M. Jean-Louis Touraine. L’écoute attentive et l’ouverture d’esprit dont Mme la rapporteure a fait preuve a permis de faire évoluer l’article 1er de façon significative. De nombreux professionnels de santé s’inquiétaient de sa version initiale. Certains y ont vu la résurgence des officiers de santé du XIXe siècle, décriés et perçus comme des sous-médecins, insuffisamment compétents et envoyés dans les zones aujourd’hui appelées sous-denses.
La nouvelle rédaction démontre que nous souhaitons, au contraire, amplifier les capacités, les compétences, les responsabilités, la formation et les salaires des membres des professions paramédicales et des auxiliaires médicaux, qui seront élevés à des capacités d’action en santé accrues. Cela libérera du temps médical et permettra aux médecins de retrouver le temps utile et opportun pour faire ce pour quoi ils ont été formés, au lieu de se consacrer à des tâches qui, dans plusieurs autres pays européens, sont effectuées soit par des infirmières, soit par des personnes ayant bénéficié d’une formation complémentaire.
Ainsi, une étude publiée par le British Medical Journal démontre, à l’échelle du Royaume‑Uni, que les coloscopies effectuées par les infirmières se soldent par un nombre moins important de perforations du côlon que celles réalisées par les médecins, car elles y consacrent davantage de temps et sont moins bousculées qu’eux. Au bout du compte, il est souvent opportun de confier la réalisation d’actes précis à des auxiliaires médicaux en pratique avancée. Je rappelle que ceux-ci interviennent d’ores et déjà, en théorie, dans le traitement des pathologies chroniques stabilisées et des polypathologies courantes, ainsi que dans celui des affections relevant de l’oncologie et de l’onco-hématologie, de l’insuffisance rénale, de la psychiatrie et de la santé mentale. Il est grandement nécessaire de développer tout cela, d’attribuer des salaires appropriés aux intéressés et de parvenir à combler le fossé, issu du passé, entre les professions médicales et les auxiliaires médicaux.
C’est pourquoi je présente, au nom du groupe La République en Marche, l’amendement AS289, non sans remercier Mme la rapporteure d’avoir présenté un amendement identique.
Mme Annie Chapelier. Mon amendement vise à compléter le rapport d’évaluation proposé par Mme la rapporteure en y incluant les besoins et les moyens en matière de mise en cohérence et d’harmonisation des statuts ainsi que de la formation des auxiliaires médicaux et de la réingénierie.
Mme Josiane Corneloup. Mon amendement tend à faire porter le rapport sur la création d’une profession médicale intermédiaire ainsi que sur ses conséquences sur l’organisation du monde médical. Pour les infirmiers, il s’agit d’aller au-delà de la pratique avancée, qui doit encore être développée, en dépit des progrès accomplis au cours des dernières années. Une telle rédaction est de nature à leur permettre une évolution professionnelle et sociale.
Mme la rapporteure. Je suggère le retrait du sous-amendement AS336, afin de le retravailler pour la séance publique. L’expression « réingénierie des auxiliaires médicaux » manque de précision. Peut-être faut-il la remplacer par l’expression « réingénierie des formations et des diplômes ». À cette condition, ce sous-amendement pourrait recueillir un avis favorable. Je suggère également le retrait du sous-amendement AS337, qui est satisfait. J’appelle nos collègues à adopter les amendements identiques AS271 et AS289. Enfin, je suggère le retrait des amendements AS212 et AS284, non sans être certaine que Mme la présidente prêtera une oreille attentive à la demande de mission « flash ».
M. Pierre Dharréville. Je tiens à dire l’intérêt que je porte aux observations formulées par notre collègue Jean-Louis Touraine. Il me semble, en effet, que tout cela doit s’inscrire dans une réflexion globale sur le cadre de réponse aux besoins et sur l’articulation entre la pratique et la formation. On ne peut pas se contenter de mesures au coup par coup, comme cela a pu arriver dans des discussions précédentes.
Au demeurant, le champ d’activité de certaines professions a été réduit, alors même qu’on aurait pu imaginer qu’elles jouent un rôle accru. Tel est le cas des pharmaciens, dont l’activité est parfois réduite à sa fonction marchande, ce qui ne correspond ni à leurs capacités ni à leur formation. Cet exemple n’est sans doute pas isolé. Je n’ai pas le sentiment que nous nous engageons véritablement dans la réflexion globale que j’appelle de mes vœux.
M. Cyrille Isaac-Sibille. De toute évidence, chacun ici souhaite travailler sur les professions intermédiaires de santé et les auxiliaires médicaux en pratique avancée, notamment pour améliorer leur coordination. Je remercie Mme la rapporteure d’apporter son soutien à la demande de mission « flash ». Confier une mission à la MECSS me semble moins approprié, car il s’agit, non pas de mener une évaluation et un contrôle, mais de formuler des propositions. Le Gouvernement nous remettrait son rapport sans doute bien tard. Il me semble donc essentiel de lancer une mission « flash » dès que possible, si Mme la présidente en est d’accord.
Mme la présidente Fadila Khattabi. Je prends bonne note de votre demande, cher collègue.
M. Jean-Pierre Door. J’ai indiqué tout à l’heure que l’amendement AS271 me semble tout à fait satisfaisant. Mme la rapporteure a validé le principe de l’harmonisation des statuts et des formations avancé par un sous-amendement. Il me semblerait également utile d’inclure dans l’objet du rapport l’aspect de la rémunération. Enfin, le délai d’un an me semble un peu long. Il serait souhaitable que nous disposions du rapport avant l’examen du PLFSS 2022, dans un an.
Mme Audrey Dufeu. Je considère également qu’il serait intéressant de travailler sur cet aspect de la rémunération en vue de la discussion dans l’hémicycle. Jean-Louis Touraine évoquait à l’instant les officiers de santé. Souvenons-nous que, jusqu’au siècle dernier, l’activité paramédicale était exercée par des bonnes sœurs qui faisaient preuve d’une dévotion totale, d’où découle la notion de gratuité. Cet héritage explique pourquoi il nous est difficile de rémunérer les professions paramédicales à leur juste valeur.
Mme Annie Chapelier. Mme la rapporteure a fait preuve d’une qualité d’écoute sans faille depuis que nous avons commencé à examiner le texte, tenant toujours compte de nos observations. Je lui fais donc entièrement confiance et suis prête à travailler avec elle pour introduire les besoins d’évolution et de réingénierie dans le rapport.
Mme Danielle Brulebois. Je fais également confiance à Mme la rapporteure et suis prête à travailler avec elle sur les CPTS.
Les sous-amendements sont retirés.
La commission adopte les amendements identiques, et l’article 1er est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements AS212 et AS284 tombent, de même que les amendements AS8 de Mme Isabelle Valentin, AS93 et AS97 de M. Thibault Bazin, AS171 de M. Stéphane Viry, AS57 de Mme Marine Brenier, AS94 de M. Thibault Bazin et AS172 de M. Stéphane Viry.
Après l’article 1er
La commission examine, en discussion commune, les amendements AS42 de M. Bernard Perrut et AS173 de M. Stéphane Viry.
M. Bernard Perrut. L’amendement AS42 vise à inclure dans le rapport prévu à l’article 1er les orientations sans lesquelles il serait impossible d’entrer sereinement dans une phase plus active de l’essor des pratiques avancées. Comment la présente proposition de loi pourra-t-elle faire évoluer les choses si elle ne procède pas d’abord à un état des lieux ? Comment pourrons-nous mener des réflexions approfondies sans disposer d’éléments d’appréciation très concrets ? Tel est d’ailleurs l’objet des débats qui précèdent. Nous devons disposer de tout cela le plus rapidement possible, afin de pouvoir débattre et décider dans le respect des intérêts, voire des défiances, exprimés par les uns et les autres.
M. Stéphane Viry. Depuis une bonne heure, nous cherchons à déterminer la meilleure articulation possible entre les professions intermédiaires de santé et les autres, ce qui démontre que la présente proposition de loi porte sur un sujet important, mais qu’elle n’est peut-être pas tout à fait aboutie. Le présent amendement demande également la remise d’un rapport.
Mme la rapporteure. Je suggère le retrait des amendements, qui sont satisfaits. Nous venons de débattre abondamment du rapport d’évaluation.
Les amendements sont retirés.
L’amendement AS213 de Mme Annie Chapelier est retiré.
Article 1er bis (nouveau) : Extension et simplification des protocoles de coopération
La commission examine l’amendement AS320 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement porte sur l’élargissement des protocoles locaux de coopération, limités au milieu hospitalier, au secteur médico-social et à l’exercice coordonné des soins en ville. Il rend également possible la transversalité des protocoles locaux de coopération. L’objectif est d’améliorer la coordination entre les divers professionnels de santé et de faciliter les prises en charge communes et graduées des patients.
Sont, en outre, explicitement mentionnées la possibilité de mettre en œuvre des protocoles de coopération inter-hospitaliers au sein d’un GHT – c’est une demande récurrente des acteurs de terrain – ainsi que la possibilité de recourir à la télésanté dans le cadre des protocoles de coopération.
M. Jean-Pierre Door. Je m’interroge sur l’articulation entre les protocoles de coopération, dont on peut envisager le développement de façon positive, et les CPTS, qui ont quelques années d’existence. Dès lors qu’il s’agit de faire évoluer la loi, j’aimerais obtenir des précisions à ce sujet, madame la rapporteure.
M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je remercie Mme la rapporteure de sa proposition, qui me semble aller véritablement dans le bon sens en vue d’améliorer la coopération, de gagner du temps médical en médecine de ville et d’améliorer le lien entre médecine de ville, hôpital et secteur médico-social. De tels protocoles de coopération permettraient, par exemple, de connecter les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes avec les CPTS et les unités d’urgences hospitalières, grâce à la télémédecine. J’appelle nos collègues à voter largement l’amendement.
Mme la rapporteure. Thomas Mesnier a donné un exemple de protocole de coopération. Il pourrait également en être établi, au sein d’une CPTS, entre un pharmacien et un médecin pour la délivrance de certains médicaments ; entre une CPTS et l’hôpital, je peux citer l’exemple d’une maison de santé de ma région qui est liée aux services d’urgence par un protocole de coopération article 51 de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires en vue de prendre en charge en ville les malades souffrant d’insuffisance respiratoire, de façon à réduire le nombre de leurs passages aux urgences. Il existe de nombreux exemples très concrets de protocoles de coopération au sein d’une CPTS, entre plusieurs CPTS ou plusieurs hôpitaux, ainsi qu’avec le secteur médico-social. Toutes les combinaisons sont possibles, notamment grâce à la télésanté.
M. Pierre Dharréville. Cet amendement, que je découvre, me semble important. Les dispositions proposées sont significatives et méritent réflexion, je suis au regret de le répéter. Je suis très favorable aux coopérations entre établissements de santé, mais il faut s’interroger sur les rapports entre les diverses structures, qui sont parfois des rapports de domination. Il est bien plus fructueux d’installer des rapports de coopération. Une réflexion d’ensemble s’impose.
Mme Annie Chapelier. Je salue cet amendement qui favorise l’interopérabilité et la transversalité qui font défaut à l’heure actuelle. Nous le voterons.
Mme Jeanine Dubié. Le groupe Libertés et Territoires votera l’amendement, qui comble une lacune en matière d’organisation et de pratiques professionnelles. L’extension du dispositif au secteur médico-social et à l’exercice coordonné des soins en médecine de ville était nécessaire.
M. Didier Martin. On ne peut pas parler de rapports de domination. Dans l’exercice de la santé, chacun a sa responsabilité. Je puis témoigner que les rapports entre professionnels de santé se fondent sur la confiance réciproque. Les structures, ce sont des individus. La coopération entre l’hôpital et la médecine de ville, entre hôpitaux ou entre un établissement médico-social et un établissement de soins, repose sur la confiance et sur un discours sincère. Elle est faite d’entraide et de solidarité. La notion de domination ne correspond pas à la réalité du terrain.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 1er
La commission est saisie de l’amendement AS13 de M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Il s’agit d’intégrer dans la formation de toutes les professions paramédicales la possibilité de s’inscrire dans un cursus LMD.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et la transformation du système de santé, nous avons prévu une expérimentation visant à favoriser les échanges entre les formations de santé et à mutualiser les enseignements. Le décret d’application a été publié le 11 mai dernier ; les premières expérimentations ont commencé. Je partage le souhait de favoriser la transversalité des formations, mais il me semble prématuré de procéder à l’universitarisation de l’ensemble des professions paramédicales dès 2022.
La commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement AS12 de M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. L’amendement vise à revaloriser les professions de santé en utilisant l’outil de VAE, ce qui permettrait à certains professionnels d’améliorer leur situation, ainsi que leur rémunération.
Mme la rapporteure. Sur le fond, je partage l’objectif visé ; sur la forme, j’y suis défavorable. Nous pourrons débattre de ce sujet et formuler des propositions dans le cadre de la mission « flash ». Tel qu’il est rédigé, l’amendement permettrait de devenir médecin grâce à la VAE, ce qui me semble prématuré.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS99 de M. Thibault Bazin et AS215 de Mme Annie Chapelier.
Mme Annie Chapelier. L’amendement AS215 vise à élargir le champ potentiel des actes praticables par les personnels non médicaux à certains actes assistés par la technologie. Il s’agit de tirer profit du développement de la télémédecine. Cet amendement est frappé au coin du bon sens.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Les coopérations doivent être placées sous la responsabilité d’un médecin. J’estime, moi aussi, que les nouvelles technologies représentent une réelle opportunité pour faire évoluer les professions de santé, et mon amendement précédemment adopté en tient compte.
La commission rejette successivement les amendements.
Chapitre II
L’évolution de la profession de sage-femme
Avant l’article 2
La commission est saisie de l’amendement AS329 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit de modifier l’intitulé du chapitre II pour tenir compte d’un amendement que je présenterai après l’article 2 et relatif aux capacités de prescription des masseurs kinésithérapeutes.
La commission adopte l’amendement.
Article 2 : Possibilité pour les sages-femmes de prescrire des arrêts de travail de plus de quinze jours
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS174 de M. Stéphane Viry.
Elle est ensuite saisie de l’amendement AS266 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Nos auditions et nos débats ont démontré qu’il importe de supprimer la notion de référentiel. Les sages-femmes pourront prescrire des arrêts de travail sans limitation de durée, comme les chirurgiens-dentistes et les médecins. Il s’agit d’une disposition de bon sens et d’équité.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements identiques AS87 de Mme Jeanine Dubié et AS217 de Mme Annie Chapelier tombent.
La commission adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
L’amendement AS216 de Mme Annie Chapelier est retiré.
Article 2 bis (nouveau) : Possibilité pour les sages-femmes de renouveler ou prolonger des arrêts de travail
La commission est saisie des amendements identiques AS122 de Mme Danielle Brulebois et AS232 de Mme Aurore Bergé.
Mme Danielle Brulebois. Mon amendement vise à faciliter le travail des sages‑femmes et la prise en charge des femmes enceintes en donnant aux premières la possibilité de renouveler un arrêt de travail initial prescrit par un médecin dans le cadre du suivi de grossesse ou lors de la période postnatale. Cela évitera des dépenses supplémentaires liées à la consultation d’un médecin pour le simple renouvellement d’un arrêt de travail, ainsi que des déplacements parfois compliqués dans les territoires ruraux.
Mme Aurore Bergé. Alors que les sages-femmes jouent un rôle essentiel dans le suivi des femmes tout au long de leur grossesse, elles voient souvent leur action entravée et leurs compétences insuffisamment reconnues. Un certain nombre de limites leur sont imposées. L’amendement AS266 de la rapporteure, que la commission vient d’adopter, autorise déjà les sages-femmes à prescrire des arrêts de travail au-delà de quinze jours. Mon amendement vise à préciser qu’elles peuvent prolonger ces arrêts de travail afin de pouvoir suivre leurs patientes tout au long de leur parcours, en particulier dans le cadre d’une grossesse, au lieu de les renvoyer vers un médecin. Par cet amendement, nous reconnaissons le travail essentiel des sages-femmes, nous améliorons la prise en charge de la santé des femmes et nous évitons à la collectivité un certain nombre de coûts potentiels.
Mme la rapporteure. Je suis favorable à ces deux amendements identiques, qui vont tout à fait dans le sens de la proposition de loi.
La commission adopte les amendements identiques.
Après l’article 2
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS68 de Mme Marine Brenier.
Article 2 ter (nouveau) : Possibilité pour les sages-femmes de réaliser des interruptions volontaires de grossesse instrumentales jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS1 de Mme Albane Gaillot, AS26 de Mme Jeanine Dubié et AS154 de Mme Marie-Noëlle Battistel ainsi que l’amendement AS2 de Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Jeanine Dubié. J’ai l’impression de me répéter, car j’ai déjà défendu un amendement similaire hier soir, en séance publique, lors de l’examen en nouvelle lecture du PLFSS 2021.
Mon amendement AS26 est issu du rapport d’information relatif à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), adopté par la délégation aux droits des femmes, qui préconise de permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu’à la dixième semaine de grossesse. Hier soir, dans le cadre du PLFSS, nous avons voté une expérimentation allant dans ce sens ; nous souhaitons ici pérenniser cette disposition en l’introduisant définitivement dans la loi. Cette avancée, très attendue, permettra de pallier le manque de médecins et donc de réduire les inégalités d’accès à l’IVG sur le territoire.
N’ayant pas pu m’exprimer sur mon amendement AS87, que l’adoption de votre amendement AS266 a fait tomber, je tiens à vous féliciter, madame la rapporteure, d’avoir entendu la demande des sages-femmes en supprimant la durée plafond des arrêts de travail qu’elles ont le droit de prescrire.
Mme Marie-Pierre Rixain. Comme le souligne l’Association nationale des sages‑femmes orthogénistes, l’IVG médicamenteuse fait déjà partie du champ de compétence des sages-femmes, au même titre que certains gestes médicaux ou chirurgicaux comme la révision utérine, la délivrance artificielle, le retrait d’implant ou la réfection d’épisiotomie. Comme le fait remarquer le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, les sages-femmes ont l’habitude des gestes endo-utérins. Il semble donc opportun de leur ouvrir la possibilité de réaliser des IVG chirurgicales sous anesthésie locale, afin qu’un plus grand nombre de praticiens soient habilités à pratiquer l’IVG, ce qui ne peut avoir que des effets bénéfiques sur l’effectivité de l’accès à cette dernière. Cette ouverture doit naturellement s’accompagner de l’exigence de formation théorique et pratique requise pour de telles opérations, de manière à garantir la santé des femmes et la prise en charge des éventuelles complications.
Aussi mon amendement, issu du rapport d’information relatif à l’accès à l’IVG adopté à l’unanimité par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, vise-t-il à permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu’à la dixième semaine de grossesse. Il reprend les termes de l’article 1er bis de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale visant à renforcer le droit à l’avortement afin d’en accélérer le parcours législatif. Nous ne comprendrions donc pas très bien que cet amendement reçoive un avis défavorable.
Mme la rapporteure. Ces quatre amendements visent à ouvrir aux sages-femmes la possibilité de pratiquer des IVG instrumentales jusqu’à la dixième semaine de grossesse. Je suis favorable à l’amendement AS2 de Mme Rixain, qui reprend tel quel l’article 1er bis de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, que nous avons adoptée en première lecture le mois dernier. En cohérence, je demande le retrait des trois autres amendements.
Mme Annie Chapelier. Mon amendement reprenait pourtant une disposition de la proposition de loi de Mme Gaillot, que nous avons adoptée le mois dernier.
Mme Jeanine Dubié. Je retire mon amendement car je comprends que celui qui va être adopté poursuit le même objectif. Cependant, je suis en train de chercher en quoi il diffère du nôtre...
Mme la rapporteure. Un amendement adopté en séance a ajouté, à l’article 1er bis de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, les mots « profession médicale à part entière », qui ne figurent pas dans les amendements AS1, AS26 et AS154.
Les amendements identiques sont retirés.
La commission adopte l’amendement AS2.
Après l’article 2
La commission est saisie de l’amendement AS218 de Mme Annie Chapelier.
Mme Annie Chapelier. Cet amendement est peut-être un peu redondant, puisque nous venons de voter la possibilité, pour les sages-femmes, de pratiquer des IVG instrumentales jusqu’à la dixième semaine de grossesse et que je ne propose ici qu’une expérimentation, du reste votée hier soir dans le cadre du PLFSS. Cependant, abondance de biens ne nuit pas, et il n’est pas forcément ridicule de sécuriser au maximum cette autorisation donnée aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales.
Mme la rapporteure. Cet amendement est entièrement satisfait par celui que nous venons d’adopter ainsi que par la disposition votée hier dans le cadre du PLFSS.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement AS221 de Mme Annie Chapelier.
Mme Annie Chapelier. Au sein de ce chapitre II, qui s’intitule désormais « L’évolution des professions de sage-femme et de masseur-kinésithérapeute », j’ai déposé une série d’amendements travaillés avec l’ordre des sages-femmes et visant à élargir le champ de compétences de ces dernières.
Mon amendement donne aux sages-femmes la possibilité de prescrire au partenaire d’une femme enceinte les examens et bilans strictement nécessaires à la prévention et au dépistage, dans des conditions définies par arrêté. Cette mesure améliorera la prise en charge globale car, lorsqu’une sage-femme prescrit quelque chose à une femme enceinte, elle explique souvent à son partenaire qu’il a besoin de passer, lui aussi, des examens ou des bilans, et elle le renvoie alors vers un médecin généraliste. Or certains ne vont pas au bout de la démarche, entraînant une perte de prise en charge et une diminution de la qualité des soins.
Mme la rapporteure. Cet amendement me semble trop large et de nature à faire peser sur les sages-femmes des responsabilités très importantes. Néanmoins, votre préoccupation est en grande partie satisfaite par l’amendement suivant, AS290, qui précise les actes de prévention et de dépistage pouvant être prescrits par les sages-femmes et auquel je donnerai un avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 quater (nouveau) : Extension des capacités de prescription des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement d’infections sexuellement transmissibles
La commission examine l’amendement AS290 du rapporteur général.
M. le rapporteur général. Cet amendement, que j’ai rédigé avec Didier Martin et plusieurs collègues du groupe La République en Marche, vise à élargir un peu le droit de prescription des sages-femmes, aujourd’hui strictement encadré. Nous proposons de l’étendre au cas précis du traitement des infections sexuellement transmissibles. Aujourd’hui, les sages‑femmes peuvent prescrire un traitement à leurs patientes, mais pas au partenaire de ces dernières, alors même qu’il est nécessaire de traiter les deux membres du couple.
Mme la rapporteure. Je suis très favorable à cet amendement, qui améliore l’accès aux soins pour les deux partenaires et correspond à une demande forte des sages-femmes.
Mme Jeanine Dubié. L’adoption de cet amendement fera tomber mon amendement AS89, que je souhaite donc soutenir maintenant. Il est de bon aloi d’augmenter la capacité de prescription des sages-femmes tout en l’encadrant strictement dans le code de la santé publique, et d’assurer un suivi tant de la femme que de son partenaire.
Mme Annie Chapelier. Nous voterons cet amendement, même si je regrette qu’il se limite au dépistage et au traitement idoine. Les infections sexuellement transmissibles nécessitent parfois certains bilans ou examens, que les sages-femmes seraient tout à fait à même de prescrire.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AS30 de M. Guillaume Chiche et AS89 de Mme Jeanine Dubié tombent.
Après l’article 2
La commission est saisie de l’amendement AS220 de Mme Annie Chapelier.
Mme Annie Chapelier. Toujours dans le but d’élargir les compétences et les possibilités offertes aux sages-femmes, nous proposons de permettre à ces dernières de prescrire et de pratiquer la vaccination des femmes, enceintes ou non, et de l’entourage du nouveau-né.
Mme la rapporteure. La Haute Autorité de santé doit rendre en 2021 un avis sur l’élargissement des compétences vaccinales des professionnels de santé, notamment des sages-femmes. Il ne semble donc pas pertinent d’élargir dès maintenant les compétences des sages-femmes en matière de vaccination.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement AS33 de M. Guillaume Chiche.
Mme Annie Chapelier. Il s’agit d’autoriser les sages-femmes à réaliser, dans le cadre d’une expérimentation, des actes de télésurveillance et de télé-expertise.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, car les actes de télémédecine correspondent à l’une des grandes orientations de la négociation conventionnelle en cours.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement AS34 de M. Guillaume Chiche.
Mme Annie Chapelier. Nous proposons d’autoriser les sages-femmes à réaliser des « consultations longues IST-contraception », désormais dénommées « consultations longues santé sexuelle », pour l’ensemble des mineurs.
Mme la rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement, car il est satisfait par l’article 34 septies du PLFSS 2021.
L’amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques AS31 de M. Guillaume Chiche et AS88 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de donner aux femmes enceintes la possibilité de déclarer à l’assurance maladie le nom de leur sage-femme référente. Cette mesure s’inscrit dans une volonté de renforcer le lien et la coordination entre la médecine de ville et l’hôpital, en créant des parcours coordonnés pour les femmes enceintes, car la périnatalité est souvent oubliée dans l’exercice coordonné.
Mme la rapporteure. Nous avons déjà débattu de cette question lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé au printemps 2019. Je partage votre préoccupation : il est essentiel que les femmes sachent qu’elles peuvent s’adresser à une sage-femme pour leur suivi régulier. En outre, il faut inciter les sages-femmes à participer à des équipes de soins primaires. Néanmoins, il est nécessaire d’assurer une bonne coordination entre les professionnels de santé : je ne suis donc pas favorable à une multiplication des référents.
Avis défavorable.
Mme Jeanine Dubié. Je prends acte de votre avis défavorable, mais votre réponse montre qu’il reste du travail à accomplir en vue de la création d’une profession médicale intermédiaire, qui était pourtant l’objet de l’article 1er. Dès que nous commençons à proposer un dépassement de certaines compétences médicales, vous nous opposez un refus.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Je soutiens ces amendements. Certains secteurs souffrent d’un manque criant de gynécologues, et des sages-femmes m’ont convaincue que la fonction de sage-femme référente répondait vraiment à un besoin. Cette mesure ne met pas du tout les femmes en danger ; au contraire, elle les sécurise.
La commission rejette les amendements identiques.
Elle en vient à l’amendement AS181 de Mme Caroline Janvier.
Mme Caroline Janvier. Cet amendement, qui correspond à une demande de longue date des sages-femmes, vise à créer un statut de sage-femme référente sur le modèle du médecin traitant, que nous connaissons bien et qui a fait ses preuves. Cela permettrait d’améliorer la coordination et la continuité des soins dont chaque femme peut bénéficier lors d’une grossesse. Nous savons tous ici que les sages-femmes, qui exercent de nombreuses compétences médicales auprès des femmes et des nouveau-nés, ont vocation à être des acteurs médicaux de premier recours auprès des femmes en bonne santé, particulièrement dans le contexte tendu que nous connaissons en matière de démographie médicale.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les raisons évoquées précédemment.
M. Jean-Pierre Door. Le statut de médecin traitant ou de médecin référent a été créé pour lutter contre le nomadisme médical. Sauf erreur de ma part, les femmes enceintes ne changent pas de sage-femme au cours de leur grossesse. Le conseil de l’ordre et les syndicats de sages-femmes sont-ils favorables à cette mesure ?
Mme Caroline Janvier. Il me semble que les syndicats y sont favorables ; s’agissant du conseil de l’ordre, il faudrait vérifier.
La question de la lutte contre le nomadisme est pertinente, mais un professionnel de santé référent assure aussi des fonctions de coordination, de suivi du parcours et de porte d’entrée pour un certain nombre de prises en charge, qu’il convient de valoriser.
M. Brahim Hammouche. La création du statut de sage-femme référente ne vise pas à lutter contre le nomadisme, qui n’a pas lieu d’être dans le cadre de ce parcours, mais à inscrire la sage-femme au cœur de la coordination et des prises en charge, en particulier pour tout ce que nous voulons mettre en place dans le cadre du « parcours 1 000 jours ». Je pense notamment aux entretiens prénataux précoces. Toutes ces prises en charge doivent être décidées très en amont et respecter un fil conducteur, autour d’une référente qui incarne ce suivi sur le long terme. La création de ce statut s’inscrit donc dans une démarche de prévention et de coordination, au plus près des besoins et des parcours.
Mme Annie Chapelier. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai consulté régulièrement les différents ordres, syndicats et représentants des personnels médicaux : je confirme que la création du statut de sage-femme référente est une demande assez forte qui émane du corps des sages-femmes.
La remarque sur le nomadisme ne me paraît pas pertinente. Pour avoir beaucoup travaillé en maternité, je peux témoigner que le nomadisme est réel et même assez important, en particulier dans les milieux les plus précaires qui ont peu accès aux soins. Pour ces personnes précaires, la nomination d’une sage-femme référente serait un point positif.
Par ailleurs, la création de ce statut pourrait concrétiser une évolution statutaire devenue absolument indispensable pour les sages-femmes, ou tout du moins renforcer la reconnaissance statutaire dont elles ont besoin, en particulier à l’hôpital.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. La multiplication des référents coordonnateurs apporterait-elle une plus-value à la femme enceinte ? M. Door a expliqué que le statut de médecin référent a été créé pour éviter le nomadisme. Si l’on prend en considération sa fonction de coordination, ce médecin ne semble pas devoir être exclu de l’accompagnement d’une femme pendant sa grossesse et après l’accouchement. Nous parlons d’ailleurs d’un accompagnement limité dans le temps : après la réalisation éventuelle d’un programme d’accompagnement du retour à domicile ou d’un programme équivalent, qui peut être assuré par une sage‑femme de ville, cet accompagnement cesse. Ainsi, je ne suis pas sûre qu’il soit dans l’intérêt de la femme de multiplier les référents ou les coordonnateurs.
L’intérêt du professionnel de santé doit être secondaire. Il faudrait que nous ayons un retour du terrain, pour savoir si les sages-femmes qui accompagnent les femmes enceintes sont mal repérées ou éprouvent des difficultés de coordination avec le médecin traitant. Je n’ai pas spécialement cette impression. En tout cas, il me semble qu’une femme enceinte ne peut pas avoir deux coordinateurs, deux référents. Nous risquerions de ne pas donner à ces sages‑femmes référentes la mission qu’elles attendent.
Mme Annie Vidal. Marie Tamarelle-Verhaeghe a très bien exprimé mon sentiment.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AS179 de Mme Caroline Janvier est retiré.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS65 de Mme Marine Brenier.
Puis elle est saisie de l’amendement AS151 de Mme Christine Cloarec‑Le Nabour.
Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Cet amendement vise à combler un vide juridique dans le parcours et les possibilités offertes aux étudiants et étudiantes sages-femmes. L’objectif est d’aligner leurs droits sur ceux des étudiants en médecine et des infirmiers en leur permettant de bénéficier d’équivalences d’aide‑soignant dès la validation de leur deuxième année d’études, et d’auxiliaire de puériculture dès la validation de leur troisième année d’études. Cette mesure permettrait d’apporter une aide essentielle aux services de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie durant la crise et les périodes de congés estivaux, de donner à tous les étudiants, peu importe leur lieu d’exercice, les mêmes droits pendant leurs études, et de sécuriser juridiquement leurs conditions de travail lorsqu’ils effectuent de tels remplacements, notamment en termes de rémunération, de responsabilité civile et de dépassement de compétences.
Mme la rapporteure. Je suis, à titre personnel, extrêmement favorable au développement de passerelles et d’équivalences entre professions. Néanmoins, les dispositions que vous proposez relèvent du domaine réglementaire – vous écrivez vous‑même, dans l’exposé sommaire de votre amendement, qu’un arrêté autorise déjà la délivrance du diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture aux étudiants sages-femmes. Je vous invite donc à redéposer votre amendement en séance et à interpeller le Gouvernement sur ce sujet.
L’amendement est retiré.
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS138 de M. Bernard Perrut et AS222 de Mme Annie Chapelier.
M. Bernard Perrut. Cette proposition de loi n’a pas vocation à trancher sur le statut des sages-femmes au sein de la fonction publique hospitalière, mais cela ne doit pas nous empêcher d’en parler. Il nous faut évoquer leur encadrement, leur formation continue, la gestion de leurs carrières. Aussi mon amendement AS138 vise-t-il à amorcer la réflexion sur un sujet aussi important en demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport, qui nous permettra d’accélérer la révision du statut des sages-femmes au sein de la fonction publique et d’évaluer l’application des textes existants, qui ne sont pas toujours très suivis.
Il paraît souhaitable que la profession de sage-femme intègre la catégorie des personnels médicaux hospitaliers et qu’elle se détache de celle des personnels paramédicaux, afin de garantir son caractère médical et de permettre un exercice en autonomie et indépendance défini dans le code de déontologie.
La gestion des postes doit se faire au titre des emplois médicaux ; une telle gestion est indispensable et cohérente avec la garantie de sécurité dont doivent bénéficier tant les patientes que les sages-femmes. Les postes de sages-femmes sont, d’un point de vue budgétaire, gérés au sein des pôles dans la catégorie du personnel non médical.
La formation continue doit être identique à celle des autres personnels médicaux et pharmaceutiques ; or les sages-femmes n’ont pas les moyens de remplir correctement leurs obligations en la matière, qui sont pourtant fondamentales. Ce n’est pourtant qu’en respectant ces obligations que les sages-femmes peuvent maintenir leurs compétences médicales.
Mme Annie Chapelier. Mon amendement est identique à celui de M. Perrut. Les exposés sommaires sont d’ailleurs quasiment similaires, dans la mesure où ils sont issus de nos discussions avec l’Ordre des sages-femmes.
Ce statut hybride rend délicate la position des sages-femmes au sein des centres hospitaliers. Il est désormais absolument indispensable de mener une réflexion sur ce sujet ; c’est en demandant un rapport sur le statut des sages-femmes que nous proposons de l’engager.
Mme la rapporteure. Nous arrivons à une série d’amendements qui demandent des rapports au Gouvernement sur l’activité des sages-femmes ou sur leur statut. Je partage le souhait de leurs auteurs de faire mieux reconnaître et de valoriser la profession. Je doute néanmoins qu’un rapport du Gouvernement soit le moyen d’y parvenir.
Le Gouvernement s’est engagé à prendre des mesures de revalorisation de la profession. Un groupe de travail se réunira ainsi au premier semestre 2021, associé aux organisations syndicales de la fonction publique hospitalière et destiné à faire évoluer la grille indiciaire des sages-femmes. De plus, la réforme des décrets d’autorisation de l’activité d’obstétrique est engagée ; elle devrait permettre de développer la présence des sages-femmes au sein des équipes, en particulier dans les maternités de taille importante. Ensuite, le « parcours 1 000 jours » devrait se traduire par un renforcement des effectifs et du rôle des professionnels de la périnatalité, au premier rang desquels les sages-femmes. La pérennisation et la montée en charge des maisons de naissance, que nous avons votée hier dans le cadre du PLFSS 2021, représentera aussi une opportunité pour les sages-femmes désireuses d’exercer de manière autonome. Enfin, le Gouvernement s’est également engagé à étendre les possibilités de création de centres périnataux de proximité.
Je vous propose donc que nous attendions la mise en œuvre de ces différentes mesures pour éventuellement les analyser, par exemple dans le cadre d’une mission d’information.
Demande de retrait.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Il est dommage d’accorder de nouvelles prérogatives aux sages-femmes, comme nous venons de le faire, pour n’aborder qu’ensuite la gestion de leurs carrières. Mieux aurait valu parler de ce dernier point avec les représentantes de la profession avant de prendre des dispositions. C’est une question que nous devons traiter sans tarder. Peut-être ces amendements sont-ils d’appel, destinés à obtenir des assurances sur le calendrier de négociation ; mais, en attendant la séance publique, je voterai l’amendement AS222, qui suggère que le rapport demandé débouche sur des propositions de révision du statut.
Mme Monique Iborra. Avant de réfléchir aux carrières et aux rémunérations des sages-femmes, il faudrait clarifier leur statut. Dans le code de la santé publique, la profession de sage-femme est classée parmi les professions médicales tandis que, sur le terrain, elle est assimilée aux professions paramédicales. Les sages-femmes n’ont jamais voulu trancher entre les deux statuts. Leurs difficultés, en particulier la méconnaissance de leur contribution par les concitoyens, viennent de là. Encore faudrait-il qu’elles acceptent de choisir entre le statut de profession médicale à l’hôpital, avec ses avantages et ses inconvénients, et l’activité libérale.
M. Brahim Hammouche. Sur ce point, les sages-femmes se sont prononcées, à en croire celles que nous avons reçues : elles souhaitent la consolidation du statut correspondant à une profession médicale à part entière. Et celles qui travaillent en salle de naissance et en périnatalité demandent que le décret de 1998 soit modifié, ce qui implique par définition l’action publique, pour être adapté à l’évolution des pratiques et de la démographie au sein de la profession.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle est saisie de l’amendement AS175 de M. Stéphane Viry.
M. Thibault Bazin. Comme l’a dit la rapporteure, nos demandes de rapport sont autant de demandes de reconnaissance du rôle des sages-femmes, qui est très précieux dans les territoires et au sein des établissements à des moments souvent délicats. À l’heure où nous cherchons à améliorer notre système de santé, elles attendent non plus des mots, mais des actes.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Peut-être pourriez-vous redéposer votre amendement en vue de la séance publique pour obtenir également une réponse du Gouvernement.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements AS281 de Mme Isabelle Valentin et AS286 de Mme Josiane Corneloup.
Elle est ensuite saisie de l’amendement AS5 de Mme Corinne Vignon.
Mme Corinne Vignon. Il s’agit de créer un nouvel article du code de la santé publique afin de moderniser la définition de la profession d’orthopédiste‑orthésiste et de mieux reconnaître son champ d’intervention. Dans un souci d’équité, l’amendement permet aux orthopédistes-orthésistes d’obtenir le droit de renouvellement des prescriptions médicales initiales d’orthèses plantaires, comme leurs confrères pédicures-podologues. L’amendement tend, en outre, à porter à trois ans le délai de renouvellement des orthèses plantaires : le délai pendant lequel l’orthopédiste-orthésiste peut renouveler et adapter une prescription d’orthèses plantaires varie selon l’âge ou l’état de santé du patient ; en cas de modification significative de l’appareillage, l’orthopédiste-orthésiste doit systématiquement adresser un compte rendu d’intervention au médecin.
Mme la rapporteure. Votre amendement me semble relever en grande partie du domaine réglementaire. Néanmoins, je partage avec vous le souhait d’ouvrir aux orthopédistes-orthésistes la possibilité de renouveler les prescriptions d’orthèses plantaires, sous certaines conditions. Cette possibilité me semble également devoir être ouverte aux orthoprothésistes et aux podo-orthésistes. Je vous propose donc de retravailler votre amendement en vue de la séance, afin d’homogénéiser les capacités de prescription des différentes professions ayant des compétences similaires en matière d’appareillage en orthèses plantaires.
Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
La commission examine ensuite l’amendement AS14 de M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Je propose la création à titre expérimental d’une consultation infirmière d’évaluation et d’orientation. La loi doit reconnaître que les infirmières peuvent faire partie intégrante des soignants de premier recours, au même titre que les médecins : elles jouent un rôle essentiel dans la continuité des soins et à la sortie de l’hôpital, ainsi que dans les territoires qui manquent de médecins. Leurs tarifs sont dérisoires et cette création serait de bon augure pour elles. De même, dans le cadre des négociations conventionnelles, j’avais été à l’initiative, avec Mme Buzyn et M. Revel, de la création de la consultation infirmière de télémédecine, car l’infirmière est le premier recours dans les territoires ruraux comptant des cabinets de télémédecine.
Mme la rapporteure. Ce que vous proposez est un exemple typique d’attribution possible des professions médicales intermédiaires – auxquelles vous étiez opposé – ou du rôle des IPA. Cela peut aussi relever des protocoles de coopération transversaux que nous avons adoptés après l’article 1er.
Demande de retrait.
M. Jean-Pierre Door. Retirer l’amendement, ce serait le rendre invisible. Or je souhaite que, même rejeté, il figure au Journal officiel avec nos débats, pour que nous puissions, à partir de là, poursuivre sur cette voie dans le cadre des négociations conventionnelles entre la profession et le nouveau directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 quinquies (nouveau) : Élargissement des capacités de prescription des masseurs-kinésithérapeutes
La commission est saisie de l’amendement AS330 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’amendement vise à permettre aux masseurs-kinésithérapeutes de prescrire, sauf indication contraire du médecin, les produits de santé nécessaires à l’exercice de leur profession et non plus seulement des dispositifs médicaux. L’objectif est surtout de rendre effective la possibilité qui leur est déjà offerte de prescrire, par exemple, des substituts nicotiniques.
La commission adopte l’amendement.
Chapitre III
L’attractivité du poste de praticien hospitalier dans les établissements publics de santé
Article 3 : Simplification du recrutement des praticiens hospitaliers
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS166 et AS165 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement AS86 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Il s’agit d’améliorer les possibilités de recrutement de praticiens hospitaliers. De fait, l’article 3 incite le Centre national de gestion, chargé de ces recrutements, à utiliser « toutes voies de simplification », sans autre précision. Nous proposons donc des recrutements plus réguliers, c’est-à-dire intervenant plus de deux fois par an.
Mme la rapporteure. C’est exactement l’objectif de l’article 3, qui satisfait donc implicitement votre amendement : simplifier pour pourvoir les postes le plus rapidement possible suppose de recruter au fil de l’eau. C’est ce vers quoi nous devons tendre.
Une concertation en cours entre la direction générale de l’offre de soins, le Centre national de gestion et les autres acteurs concernés vise à examiner la manière de simplifier la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers. Il est clair que les deux tours de recrutement ne seront pas maintenus en l’état. D’après les éléments dont je dispose, cette concertation est sur le point d’aboutir ; ses résultats devraient faire l’objet de textes réglementaires à l’été 2021, pour une application à compter de l’année suivante.
L’article 3 dans sa formulation actuelle fournira un cadre à cette réforme de la procédure réglementaire et permettra de surmonter d’éventuels blocages pour faire primer l’objectif d’efficacité, conformément à ce que réclament les acteurs de terrain.
Je vous propose donc de retirer votre amendement.
Mme Jeanine Dubié. La notion de recrutement au fil de l’eau, que vous évoquez, ne figure pas dans l’article. Je vais retirer mon amendement, mais j’en redéposerai en vue de la séance un autre qui contiendra cette notion.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 3 modifié.
Article 4 : Expérimentation d’un processus de recrutement médical centralisé et réactif au sein des groupements hospitaliers de territoire
La commission est saisie des amendements de suppression AS64 de Mme Marine Brenier et AS195 de Mme Gisèle Biémouret.
Mme Gisèle Biémouret. L’article 4 contrevient à l’esprit même de la création des GHT, qui n’avait en aucun cas pour but de procéder à une centralisation totale des pouvoirs au sein des établissements support.
Mme la rapporteure. Il n’est pas question de laisser le directeur de l’établissement support décider seul, de manière unilatérale, de créer des postes au sein du groupement. La rédaction actuelle a peut-être induit une ambiguïté sur ce point, que je dissiperai tout à l’heure en vous présentant un amendement supprimant le mot « seul ».
En réalité, selon les termes de l’article 4, le directeur de l’établissement support ne peut créer de poste que sur proposition conjointe du directeur et de la commission médicale d’établissement (CME) de l’établissement partie. Si la CME ne propose pas la création de poste, le directeur de l’établissement support ne peut rien décider du tout. Il ne pourra se prononcer que sur des créations de poste souhaitées par la communauté médicale.
En outre, je rappelle que cet article n’offre qu’une simple faculté à titre expérimental : dans les GHT qui n’ont pas atteint une maturité suffisante, les acteurs choisiront sans doute de ne pas y recourir dans un premier temps. Dans ce cas, les établissements continueront à créer des postes selon la procédure classique.
Avis défavorable.
M. Pierre Dharréville. Je soutiens les amendements. Même s’il ne s’agit que d’une expérimentation, quel en est l’intérêt ? Elle va dans le sens d’une plus grande intégration au sein des GHT et accorde un pouvoir supplémentaire au directeur de l’établissement support ainsi qu’au directeur général de l’ARS, qui peut s’opposer à la décision dans un délai d’un mois. C’est très pyramidal !
Mme Gisèle Biémouret. Je l’ai dit, les GHT n’ont pas fait l’objet d’une véritable évaluation. Or tous ne fonctionnent pas bien. Je pourrais écrire un livre sur mes dix ans à la présidence du conseil de surveillance d’un petit hôpital relevant d’un GHT du Gers : on a beau prendre des décisions au niveau législatif, il faut ensuite, sur le terrain, faire avec les hommes et les femmes qui les appliquent, et ce n’est pas simple. Chaque directeur d’hôpital doit donc conserver son autonomie.
Mme Annie Vidal. Supprimer l’article 4, ce serait se priver d’une vision globale des postes de praticiens dans un territoire donné, pourtant très attendue, et de la possibilité de permettre aux établissements d’un GHT, après avis des instances, de créer les postes requis de manière à renforcer une offre de soins insuffisante dans bien des secteurs.
M. Thibault Bazin. Je suis un peu étonné de cette discussion, car la réforme qui les a institués venait des socialistes ! Désormais, les socialistes En marche veulent aller encore plus loin grâce à l’article 7, ce qui nous pose problème. En réalité, les GHT iraient mieux si nous n’en parlions plus et si nous leur laissions le temps de bien s’installer, en concertation avec les acteurs locaux.
M. Didier Martin. Voilà deux manières d’aborder la réalité : l’une est politique, l’autre est pragmatique. Les praticiens hospitaliers sont là pour servir, ils servent, et le font là où on a besoin d’eux ; c’est le sens des GHT.
La commission rejette les amendements de suppression.
Puis elle examine l’amendement AS15 de M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. L’article 4 est source de conflits, on le sait. La décision de nomination d’un praticien hospitalier au sein d’un hôpital comme d’un GHT doit revenir au directeur de l’hôpital, sur proposition du président de la CME. Une fois que le praticien a ainsi été choisi, il relève de la commission médicale du groupement et des oppositions peuvent se manifester au niveau du GHT ou de l’ARS. Mais maintenons le choix lui-même à l’échelon local, conformément à ce qui s’est toujours fait. Comment pourrait-on savoir, en haut de l’échelle, si le praticien est bon ? Évitons de créer des conflits et des querelles de préséance. Nous ne proposons pas la suppression de l’article, mais sa modification en ce sens.
Mme la rapporteure. L’article permet d’assurer la cohérence entre le projet médical du groupement et la création de postes proposée par la CME, c’est‑à‑dire par les médecins, pour faire progresser le GHT et, parfois, évoluer le poste de praticien hospitalier. Cela correspond à une demande de certains praticiens hospitaliers. Il ne s’agit que d’une expérimentation. Vous proposez le statu quo, ou presque.
Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Door. Nous proposons ce que veulent les directeurs des hôpitaux de France. Il ne faut pas aller du sommet vers la base, mais de la base vers le sommet.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS41 de M. Bernard Perrut et AS259 de M. Jean-Louis Touraine.
M. Bernard Perrut. L’article 4 pose au moins quatre problèmes.
Premièrement, l’avis de la CME n’est qu’un avis simple et le directeur peut décider seul, alors que les professionnels de santé demandent une codécision de la CME, ce qui semble cohérent avec la fonction concernée comme avec la volonté affichée de toutes parts de remédicaliser la gouvernance des hôpitaux.
Deuxièmement, les GHT sont très divers dans leur organisation comme dans leur intégration. Une décision quasi unilatérale pourrait créer des tensions au sein de la gouvernance au lieu de favoriser la confiance comme on le souhaite afin de pouvoir faire évoluer nos structures.
Troisièmement, des concertations sont en cours, concernant notamment le développement des directions des affaires médicales de territoire auprès des GHT.
Enfin, en droit de la fonction publique, celui qui recrute est aussi celui qui sanctionne et révoque. La procédure de nomination envisagée priverait le directeur d’établissement de ces prérogatives au profit d’un GHT, ce qui n’est pas cohérent.
Mon amendement a donc pour objet que toute création de poste de praticien pour un service donné se fasse sur proposition conjointe, pour chaque établissement partie au GHT, du directeur et du président de la CME.
M. Jean-Louis Touraine. Mon amendement tend à rendre l’alinéa 2 plus lisible, plus précis et plus simple en en retirant la proposition très controversée selon laquelle le directeur de l’établissement support pourrait décider seul de la nomination d’un praticien hospitalier, ce qui n’est pas conforme à l’esprit de la présente proposition de loi. Je souhaite que la création d’un poste de praticien hospitalier se fasse sur proposition conjointe, pour chaque établissement partie du GHT, du directeur et du président de la CME, et que la commission médicale de groupement rende un avis sur la conformité de l’ensemble des postes proposés au projet médico-soignant partagé. Il s’agit de faire participer les instances médico‑administratives et les paramédicaux aux nominations de praticiens hospitaliers, au lieu que celles-ci soient imposées par une seule personne.
Mme la rapporteure. La reformulation proposée ne me convainc pas entièrement : la formulation passive « peut être autorisé » rendrait moins opérationnelle la possibilité donnée au directeur de l’établissement support de créer des postes. M. Touraine a déposé un autre amendement, identique au mien, visant à supprimer le mot « seul » ; je vous proposerai de vous rallier plutôt à cette rédaction, qui apporte la clarification nécessaire.
En revanche, je suis intéressée par l’idée d’examen par la commission médicale de groupement de la conformité de la création de poste au projet médico-soignant partagé du GHT. Je suggère donc que nous travaillions ensemble à un amendement visant à introduire cette précision en vue de la séance publique, sur le fondement de la formulation présente à l’article 4.
Dans l’intervalle, je vous propose de retirer votre amendement.
M. Didier Martin. Mes chers collègues, s’il vous plaît, ne confondons pas création de poste et nomination !
M. Bernard Perrut. Madame la rapporteure, un amendement signé de vous pourrait-il prendre en considération les éléments que nous avons soulevés ? Sinon, nous maintenons le nôtre.
Mme la présidente Fadila Khattabi. Mme la rapporteure vous a proposé de retravailler l’idée en vue de la séance.
M. Bernard Perrut. Dans ce cas, je retire l’amendement, dès lors que vous acceptez, madame la rapporteure, de nous associer à cette démarche d’amélioration.
Mme la présidente Fadila Khattabi. Vous avez l’engagement de Mme la rapporteure !
M. Bernard Perrut. Je n’ai aucun doute sur ce point.
Les amendements sont retirés.
L’amendement AS155 de M. Cyrille Isaac-Sibille est retiré.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS66 de Mme Marine Brenier et AS117 de Mme Perrine Goulet.
Elle est ensuite saisie de l’amendement AS143 de Mme Valérie Six.
Mme Valérie Six. Cet amendement va dans le même sens que ceux qui viennent d’être abordés, mais nous souhaitons préciser que l’avis de la commission médicale de groupement doit être conforme.
Mme la rapporteure. Défavorable : cela alourdirait le processus de décision alors que nous essayons de le simplifier et de l’accélérer. Tel qu’il est prévu, l’avis de la commission médicale de groupement – qui inclut des représentants de la CME – est suffisant.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS27 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. L’article permet au directeur général de l’ARS de s’opposer à la décision dans un délai d’un mois, ce qui me paraît contraire à son objectif de simplification. Nous proposons donc que l’avis du directeur général de l’ARS soit pris, mais en amont, afin de ne pas empêcher la création de poste décidée localement.
Mme la rapporteure. Alors que l’article vise à simplifier et à rendre plus attractives les créations de postes, avancer le stade auquel l’avis de l’ARS est requis ralentirait le processus. D’autre part, lors de leur audition, les représentants des directeurs généraux d’ARS nous ont fait observer qu’ils n’avaient pas à intervenir à ce stade : ils attribuent aux hôpitaux les budgets qui permettent de créer les postes, mais n’ont pas à donner d’avis sur les personnes pressenties.
Avis défavorable.
Mme Jeanine Dubié. Nous parlons de la création du poste, non du choix de l’homme ou de la femme qui l’occupera. En autorisant le directeur général de l’ARS à s’opposer à la décision une fois qu’elle a été prise, vous lui redonnez le pouvoir, puisque c’est lui qui fixe les dotations de l’établissement. Autrement dit, on ne raisonne plus à partir des besoins de l’établissement, évalués localement, mais de manière budgétaire, en se demandant si les dotations allouées à l’établissement permettent ou non le recrutement d’un praticien. Votre réponse n’est donc pas adaptée.
Mme la rapporteure. La proposition de loi vise à inspirer confiance aux acteurs. De ce point de vue, quand les commissions médicales de groupement, c’est-à-dire les professionnels, se mettent d’accord avec le directeur sur la création d’un poste, il me paraît étonnant de vouloir demander l’avis du directeur général de l’ARS a priori.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS168 de la rapporteure, AS223 de Mme Annie Chapelier, AS243 du rapporteur général, AS260 de M. Jean-Louis Touraine et AS265 de M. Didier Martin.
Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer le mot « seul », qui prêtait à confusion ou à discussion sur la possibilité pour le directeur de décider tout seul.
M. le rapporteur général. C’est une correction bienvenue.
M. Jean-Louis Touraine. En effet. Mon amendement en ce sens est de repli par rapport à mon précédent amendement. Votre accord, madame la rapporteure, pour supprimer cette prise de décision seul et pour retravailler d’ici à la séance à la notion de conformité au projet médico-soignant partagé nous satisfait entièrement, comme il satisfera les différentes personnes auditionnées au cours des dernières semaines et qui souhaitaient que la décision soit partagée.
M. Didier Martin. Il s’agit en somme d’un amendement de cohérence, qui vient d’être très bien défendu.
M. Jean-Pierre Door. Madame la rapporteure, vous ne faites que la moitié du chemin. Vous supprimez le terme « seul », mais l’article continuera de disposer que le directeur de l’établissement support du GHT décide de la création des postes de praticien hospitalier. Je ne suis pas d’accord. Les hôpitaux secondaires d’un GHT doivent pouvoir ouvrir des postes. C’est à leur directeur et à leur CME de dire s’ils veulent un praticien dans tel ou tel service, non au directeur du GHT d’accepter ou de refuser. Sinon, il y aura des conflits. Il suffit pour le prévoir d’observer ce qui se passe dans certains GHT. Au moment de leur création, nous avons débattu pendant des mois avec le Dr. Martineau, chargé de la mission sur la mise en place des GHT. Il faut conserver les prérogatives des hôpitaux secondaires au lieu de leur couper l’herbe sous le pied en transmettant tout au GHT en matière de pratiques médicales et de spécialités, que ce soit en chirurgie vasculaire, en chirurgie urologique, en cardiologie... Il faut continuer de faire confiance à ces hôpitaux. Il y va aussi de la défense de la proximité.
M. Thibault Bazin. Si l’on veut améliorer notre système de santé, il faut donner plus de souplesse et de liberté aux directeurs des établissements secondaires, au lieu de concentrer les décisions alors que les intérêts peuvent être divergents, notamment dans de très gros GHT – de ce point de vue, madame la rapporteure, votre amendement à l’article 7, destiné à rectifier le tir, est un aveu. Ainsi, il faut s’assurer que les centres hospitaliers régionaux universitaires s’intéressent à l’ensemble de la région, et non uniquement à leur GHT. Il convient donc d’adapter la rédaction pour laisser davantage d’autonomie aux établissements.
M. Didier Martin. Sur ce point, nous divergeons complètement. Il n’est pas question de souplesse ou de liberté, mais de l’emploi de praticiens hospitaliers publics, financé par de l’argent public. Il n’y a pas dans les GHT d’établissements « secondaires », de même qu’il n’y a pas de praticiens secondaires, mais des établissements parties, sans hiérarchie. Cela dit, on observe parfois dans des établissements du groupement des recrutements de praticiens hospitaliers de valeur qui ont tendance à réduire les ressources humaines de l’établissement support, lequel n’arrive pas à maintenir ses effectifs ni à donner à ses postes la même attractivité. Or il faut faire preuve de cohérence s’agissant d’emploi public et des besoins médicaux d’un territoire.
Mme la rapporteure. Revenons au texte. Il y est inscrit qu’il s’agit d’une expérimentation, destinée aux GHT qui le souhaitent. Le processus décrit est le suivant : c’est à la demande de la commission médicale de groupement – composée de personnes appartenant aux établissements de proximité qui viennent d’être évoqués, autres que l’établissement support –, laquelle exprime le besoin d’un poste, que le directeur crée ce poste, et l’ARS intervient ensuite. Bref, il s’agit simplement de confiance. On est très loin de ce que visent les arguments qui nous sont opposés.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l’amendement AS28 de Mme Martine Wonner tombe.
La commission examine ensuite les amendements identiques AS127 de M. Jean-Louis Touraine, AS144 de Mme Valérie Six et AS191 de Mme Annie Chapelier.
M. Jean-Louis Touraine. Je propose la suppression du contrôle par le directeur général de l’ARS sur la création de postes de praticien hospitalier. Ce dispositif reviendrait notamment à doter le directeur général de l’ARS d’un pouvoir de contrôle de gestion, ce qui ne paraît pas souhaitable pour l’autonomie des établissements. Le Dr. Jean-Yves Grall, représentant le collège des directeurs généraux d’ARS, a lui-même indiqué lors de son audition qu’il ne souhaitait pas cette mission supplémentaire, car elle ferait du directeur général de l’ARS l’arbitre d’un jeu qui n’est pas le sien.
Mme la rapporteure. Avis favorable. Les arguments de M. Touraine répondent à ceux précédemment avancés par Mme Dubié sur le même sujet.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l’amendement AS202 de Mme Gisèle Biémouret tombe.
La commission adopte l’article 4 modifié.
Article 4er bis et 4 ter (nouveaux) : Instauration d’un cadre légal pour l’intervention individuelle de praticiens bénévoles dans les établissements publics de santé
La commission examine, en présentation commune, les amendements identiques AS250 de M. Sylvain Maillard et AS295 de Mme Annie Vidal ainsi que les amendements identiques AS251 de M. Sylvain Maillard et AS296 de M. Marc Delatte.
Mme Annie Vidal. Lors de la crise sanitaire du printemps 2020, les établissements de santé ont bénéficié de l’aide spontanée de nombreux volontaires qui ont contribué aux activités hospitalières, à titre bénévole, et rendu de multiples services. Il apparaît essentiel de développer ce bénévolat individuel, qui est complémentaire des actions encadrées par des associations de bénévoles. Le code de la santé publique ne prévoit expressément le bénévolat au sein des établissements publics de santé que dans des cas limités et dans un cadre uniquement associatif, pour l’accompagnement des malades en fin de vie et pour apporter un soutien à toute personne accueillie dans l’établissement. Les amendements AS250 et AS295 visent ainsi à permettre le développement du bénévolat au sein des établissements publics de santé.
M. Marc Delatte. Mon amendement AS296 complète celui de mes collègues. En plus de mettre en lumière et de saluer l’engagement bénévole des professionnels de santé lors de la crise sanitaire, y compris celui des soignants devenus parlementaires, il vise surtout à pérenniser la possibilité de faire appel à des médecins et sages-femmes bénévoles, notamment, sans le limiter au seul cadre de l’état d’urgence sanitaire.
M. Sylvain Maillard. Mon amendement AS251 a été parfaitement défendu par Marc Delatte.
Mme la rapporteure. Vos amendements visent à fournir un cadre légal à l’intervention à titre individuel de bénévoles et de praticiens bénévoles. On ne peut qu’encourager et saluer de telles initiatives.
Avis favorable.
La commission adopte successivement ces amendements.
Article 4 quater (nouveau) : Lutte contre le cumul irrégulier d’activités par les agents des établissements publics de santé
La commission examine l’amendement AS252 de M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard. Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. En matière de santé, le cumul d’activités irrégulier est particulièrement préjudiciable à la qualité des soins prodigués aux patients et, dès lors, à leur sécurité. Or les dispositions relatives à l’interdiction de cumul d’activités sont difficilement applicables en l’état, dans la mesure où les établissements publics de santé ne disposent pas de moyens pour contrôler les éventuels cumuls irréguliers de leurs personnels. La découverte de ces cumuls est très souvent le fruit du hasard.
Afin de rendre ces dispositions effectives, il convient d’autoriser les établissements publics de santé à demander à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de leur communiquer les données concernant l’embauche éventuelle de leurs agents par un autre employeur, par le biais de la consultation du fichier national de déclaration, en toute conformité avec la finalité du fichier, qui est de lutter contre le travail illégal.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.
Après l’article 4
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS100 de M. Thibault Bazin.
Puis elle examine les amendements AS273, AS274 et AS275 de M. Cyrille Isaac-Sibille, l’amendement AS275 faisant l’objet d’un sous-amendement AS332 de Mme Isabelle Florennes.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Mes trois amendements ont été travaillés avec la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires. Je crois beaucoup à l’importance de faire converger nos différents systèmes de santé : établissements publics, des établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), à but non lucratif, et des établissements privés. Dans les établissements publics, les praticiens peuvent avoir une activité libérale, avec dépassement et reste à charge. Mes trois amendements visent à permettre aux praticiens des ESPIC d’exercer une activité libérale, avec un éventuel dépassement mais sans reste à charge, leur rémunération étant prise en charge par la sécurité sociale ou par la mutuelle.
Mme la rapporteure. Vos trois amendements portent sur un sujet auquel je suis sensible et sur lequel nous devons en effet échanger. Vous voulez autoriser les praticiens intervenant dans les établissements privés participant du service public à avoir une activité libérale, selon les mêmes règles que ce qui est autorisé pour les praticiens hospitaliers. Si cela semble légitime à première vue, il est pourtant difficile de comparer point par point les conditions d’exercice en hôpital public et en ESPIC. Une mission est actuellement conduite par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) pour évaluer le différentiel de charges entre les hôpitaux et les ESPIC. Elle devrait aboutir début 2021 et nous permettra d’y voir plus clair.
Le sujet de la proposition de loi est plutôt l’attractivité de l’hôpital public. Or celui-ci est, de ce point de vue, sur la corde raide, et il ne faudrait surtout pas risquer de dégrader encore l’attractivité relative du secteur public. Nous devons débattre de votre proposition avec le Gouvernement : c’est pourquoi je vous propose de retirer vos amendements et de les redéposer en séance.
M. Jean-Louis Touraine. M. Isaac-Sibille soulève une question d’équité importante entre les hôpitaux publics et les ESPIC, eux aussi investis d’une mission de service public – peu importe qu’elle soit débattue aujourd’hui ou la semaine prochaine. On aurait de la peine à imaginer qu’alors que les praticiens hospitaliers ont le droit – que l’on peut contester, mais le fait est là – d’avoir une activité libérale dans l’hôpital public, selon des conditions encadrées de temps et de rémunération, leurs confrères exerçant dans des ESPIC ne puissent user du même droit, tout aussi encadré. À trop introduire de disparités, on risque d’entrer dans un jeu de concurrence malsain où, faute d’avoir une attractivité suffisante, on essaie d’empêcher le voisin de recruter des praticiens. Cela n’est pas sage. Si l’on veut favoriser l’attractivité des hôpitaux publics et des ESPIC, commençons par améliorer le sort des praticiens, leurs conditions de travail et de rémunération, dans l’ensemble des établissements et au lieu de les empêcher d’aller dans la structure voisine. Il faut avoir des règles assez comparables entre ces deux types d’établissements, d’autant qu’ils sont à ce point identiques que la plupart des usagers ne voient pas la différence et que, dans beaucoup de villes, ils fonctionnent de façon parfaitement complémentaire avec l’hôpital public.
Mme Annie Vidal. Je partage l’avis de la rapporteure : ayons cette discussion en séance avec le ministre. J’adhère aussi aux propos tenus par Jean‑Louis Touraine. Ces amendements sont très intéressants : les ESPIC contribuent aux missions de service public et permettent d’amplifier l’offre de soins dans tous les territoires. Les amendements permettent d’apporter de l’équité entre les ESPIC eux-mêmes, puisque tous n’ont pas exactement les mêmes autorisations ni les mêmes droits, et entre les ESPIC et les établissements publics. Enfin, ils posent une question fondamentale et permettent de dépasser les clivages entre le public et le privé d’intérêt collectif. À l’heure où nous avons besoin d’exercices coordonnés et de complémentarité des acteurs de soin, cela me semble essentiel.
M. Jean-Pierre Door. Il faut voir de quelle manière on pourrait modifier, peut-être dans une réforme hospitalière à venir, le statut des praticiens hospitaliers en leur laissant une certaine liberté, en ménageant des passerelles entre le public et le privé, par exemple, ou en définissant des statuts contractuels, qui simplifierait grandement leur recrutement. Cela pourrait améliorer l’attractivité des établissements publics et augmenter le nombre de candidatures, dès lors que la liberté y serait plus grande ; c’est du reste ce que demande l’association des praticiens hospitaliers.
M. Didier Martin. Le statut des praticiens hospitaliers date de 1984. La question du recrutement hospitalier est un vaste sujet, et il y a eu des évolutions considérables dans la pratique. Notre collègue Isaac-Sibille envisage-t-il d’accorder aux praticiens des ESPIC qui décideraient de ne pas avoir d’activité libérale, une indemnité d’engagement de service public exclusif, comme cela se pratique dans les établissements ?
Mme Isabelle Florennes. Je suis très heureuse que le texte nous donne l’occasion d’avoir ce débat, qui existe depuis longtemps dans les ESPIC. Je partage l’avis de la rapporteure : il faut que nous l’ayons en séance la semaine prochaine. Mon sous-amendement AS332 vise à modifier la fin de la seconde phrase du troisième alinéa de l’amendement AS275 afin d’autoriser les établissements de santé privés à but non lucratif à conclure des contrats d’exercice libéral avec des praticiens libéraux dans le respect du dispositif de l’option pratique tarifaire maîtrisée chirurgie et obstétrique. Cette précision a son importance et évite notamment les effets de bord sur la prise en charge pour les patients.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Je remercie les collègues, qui sont a priori plutôt favorables à mes amendements. La stratégie « Ma Santé 2022 » entendait favoriser une mixité d’exercice. Je ne demande pas d’instaurer l’égalité absolue, mais seulement de faire converger les différents systèmes. Dans les établissements publics, les praticiens hospitaliers peuvent avoir des honoraires libres avec un dépassement d’honoraire non pris en charge ; je propose de limiter l’activité libérale dans les ESPIC à des dépassements pris en charge en totalité par la sécurité sociale et les mutuelles – ce qui laisse un reste à charge nul, contrairement à ce qui se fait dans l’hôpital public.
Dans la mesure où il me semble important que le ministre ait en séance l’éclairage de la commission, je maintiens mes amendements.
Mme la rapporteure. Monsieur Isaac-Sibille, il y a aussi des avantages dans le statut des médecins en ESPIC, puisqu’ils sont régis par la convention collective de 1951. On ne peut donc pas comparer directement les uns et les autres.
Monsieur Door, il est prévu, dans le cadre de « Ma Santé 2022 », de faire évoluer les statuts des praticiens hospitaliers afin d’améliorer l’attractivité de l’hôpital. Les ordonnances devraient arriver en mars 2021.
M. Jean-Pierre Door. Le plus vite possible !
Mme Audrey Dufeu. Je remercie M. Isaac-Sibille de maintenir ses amendements. Il est important de nous positionner en amont de l’examen dans l’hémicycle, ne serait-ce que pour montrer que la commission des affaires sociales a un avis sur ces questions hautement symboliques, qu’il soit d’ailleurs favorable ou défavorable, avant d’en débattre avec le Gouvernement.
La commission rejette successivement les amendements AS273 et AS274.
Puis elle rejette le sous-amendement AS332.
Enfin, elle rejette l’amendement AS275.
La commission examine ensuite les amendements identiques AS148 de Mme Valérie Six, AS153 de M. Stéphane Viry, AS277 de Mme Isabelle Valentin et AS285 de Mme Josiane Corneloup.
Mme Valérie Six. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport pour étudier la possibilité de rétablir l’égalité de traitement entre tous les établissements de santé, publics ou privés, qui exercent des missions de service public hospitalier assorties d’obligations et de contraintes identiques. Tant qu’il n’y aura pas de revalorisation, ces établissements resteront confrontés à de lourds problèmes pour recruter et fidéliser leurs assistants et praticiens spécialistes, faute d’attractivité. L’idée est d’avancer vers cette réforme que nous appelons de nos vœux.
Mme la rapporteure. Je le disais tout à l’heure, la mission IGAS-IGF sur le différentiel de charges entre les hôpitaux publics et les ESPIC nous apportera les éléments de réponse dont nous avons besoin à ce sujet, début 2021. Attendons d’en connaître les conclusions et les effets de la réforme du statut de praticien hospitalier pour aborder à nouveau, si besoin, la question des praticiens des ESPIC.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements identiques.
Chapitre IV
Simplification de la gouvernance dans les établissements publics de santé
Article 5 : Revalorisation de la place du service et le rôle du chef de service
La commission est saisie de l’amendement AS255 de Mme Stéphanie Rist, qui fait l’objet des sous-amendements AS318 de M. Jean-Louis Touraine, AS323 de M. le rapporteur général, AS334 et AS333 de Mme Annie Chapelier, AS319 de M. Jean-Louis Touraine, AS317 de M. Didier Martin et AS335 de Mme Annie Chapelier.
Mme la rapporteure. Mon amendement tend à préciser l’article 5, notamment les modalités de nomination des chefs de service, qui n’étaient pas détaillées dans l’article initial. Cet article est au cœur de la proposition de loi : il permet de revaloriser le rôle du chef de service, visage humain de la gouvernance hospitalière. Ce rôle avait été minoré par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« HPST »), qui a renforcé, a contrario, le rôle du chef de pôle, dans une logique médico-économique. Depuis, le chef de service n’a plus d’existence au niveau de la loi. Il est temps d’y remédier. Les précisions que je vous propose d’adopter sont apparues nécessaires au cours des auditions que j’ai menées.
L’amendement permet de créer le rôle de chef de service dans un article à part et non pas dans celui consacré au chef de pôle, afin de bien distinguer les deux, ce qui répond en partie aux préoccupations exprimées par M. Door dans son amendement AS16 et Mme Chapelier dans son amendement AS186. Il est bien entendu que l’organisation en pôles reste l’organisation de droit commun, car elle a sa pertinence ; en revanche, l’article 8 permettra aux établissements de santé qui le souhaitent de déroger à cette organisation en pôles. Cela peut être très utile, notamment dans les très petits hôpitaux.
L’amendement permet encore de préciser les modalités de nomination du chef de service puisque la loi préciser ces modalités de nomination pour le chef de pôle.
Il rend enfin possible la mention du lien avec l’encadrement de proximité, ce qui répond aux préoccupations de Mme Chapelier.
Je tiens par ailleurs à répondre aux autres questions que vous avez soulevées dans vos amendements.
Concernant les budgets de service, je n’y suis pas favorable. Il est clairement ressorti des auditions qu’une grande majorité des chefs de service étaient satisfaits de l’équilibre actuel et ne souhaitaient pas avoir trop de tâches administratives. Gérer le budget au niveau du pôle semble le plus pertinent.
Pour ce qui est des conseils de service, nous y reviendrons mais nous ne souhaitons pas rigidifier l’organisation des services ; c’est d’ailleurs pour cette raison que la loi « HPST » les avait supprimés.
M. Jean-Louis Touraine. Mon sous-amendement AS318 tend à préciser que les personnels correspondent aux personnels médicaux autant que paramédicaux. Au-delà de l’aspect formel, il est important de rappeler que, dans le service hospitalier revalorisé que nous appelons de nos vœux, les responsabilités incombent à toute l’équipe pilotée par le chef de service, en binôme avec le cadre de santé.
M. Thomas Mesnier, rapporteur général. L’article 5 tel qu’il est proposé de le rédiger s’inscrit dans l’objectif de revalorisation des chefs de service, notamment en définissant les services comme l’échelon de référence dans les domaines de « qualité et de sécurité des soins, d’encadrement de proximité des équipes, d’encadrement des internes et des étudiants en santé ainsi qu’en matière de qualité de vie au travail ». Mon sous‑amendement AS323 vise à y ajouter l’organisation et la pertinence des soins.
Mme Annie Chapelier. Mon sous-amendement AS334 tend tout d’abord à préciser que le chef de service travaillera en étroite collaboration avec le cadre de santé, conformément à une préconisation du rapport du Pr. Claris et à la demande, souvent exprimée durant nos auditions, de voir le chef de service et le cadre de santé former un binôme managérial équilibré et opérationnel.
Le sous-amendement AS333 précise que les services disposent d’un budget affecté, faisant écho, là encore, à une préconisation du rapport Claris : la revalorisation des services suppose de reconnaître réglementairement la fonction de chef de service, mais également de la rémunérer en tant que telle et de développer l’intéressement collectif des équipes.
M. Jean-Louis Touraine. Le sous-amendement AS319 tend à préciser que les services disposent d’un budget de service. La majorité des personnes auditionnées ont exprimé très fortement ce souhait, notamment lors de l’audition du professeur Olivier Claris. Il apparaît souhaitable de la concrétiser dans cette proposition de loi.
M. Didier Martin. Le service étant doté d’une certaine indépendance et autonomie d’exécution, l’objectif de mon sous-amendement AS317 est de souligner le rôle-clef du chef de service dans la définition du projet managérial de l’établissement dont nous discuterons à l’article 11.
À ce propos, madame la rapporteure, la nouvelle rédaction que vous nous proposez dans votre amendement ne précise pas que le chef de service serait un praticien hospitalier. Est-ce une omission ou une volonté délibérée ? Il me paraîtrait utile de mentionner que le chef de service est un praticien hospitalier.
Mme Annie Chapelier. Les conseils de service avaient disparu au profit notamment des conseils de pôle. Si l’on veut redonner une dynamique constructive au service, il faut lui accorder les moyens nécessaires en leur affectant un budget, permettre à tous les acteurs du service de travailler ensemble, en associant les cadres de soin et rétablir les conseils de service. C’est ce que propose mon sous-amendement AS335.
M. Jean-Pierre Door. Cet article 5 était très attendu depuis de nombreuses années. Je bats ma coulpe : j’avais voté en faveur de la loi « HPST » et de la création des pôles à l’époque. Nul n’est parfait... J’ai réalisé à la longue que les services étaient beaucoup plus importants que les pôles, qui peuvent rassembler des spécialités aussi diverses que la cardiologie, l’urologie, etc.
En revanche, la notion d’échelon de référence reste floue, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les compétences, les ressources humaines, les budgets, la discipline, au sein des services dès lors qu’ils sont coupés des pôles. Si l’on ne s’intéresse plus qu’au service et non plus au pôle, il serait bon de faire disparaître ce flou juridique. La proposition de M. Martin consistant à préciser que les chefs de service sont des praticiens hospitaliers et non des administratifs va également dans ce sens.
Mme Annie Vidal. Je salue, comme tout le monde, la réhabilitation du rôle de chef de service : c’était une avancée très attendue dans les établissements. Le service est l’échelon de référence en matière médicale, en matière de qualité et en matière de sécurité. C’est la référence médicale : c’est dans le service qu’on va, et non dans le pôle, quand on a une consultation. Cela étant, les pôles ont eux aussi un intérêt en raison de leur rôle administratif et médico-économique, ce qui soulage d’autant la tâche des services.
Concernant les budgets de service, la quasi-totalité des personnes auditionnées y étaient plutôt défavorables : cette demande était plutôt marginale. Force est de constater que les budgets de pôle permettent d’avoir une latitude plus large, notamment pour les plans d’investissement, d’un effet de masse plus importante au moment d’opérer des choix, dans le cadre évidemment d’une stratégie collective et commune. Il n’y a pas à opposer pôles et services : ils peuvent tout à fait fonctionner de manière complémentaire.
Mme la rapporteure. Merci pour votre question, monsieur Martin : nous préciserons d’ici à la séance que les chefs de service seront bien des praticiens hospitaliers.
Monsieur Door, la réécriture que nous proposons précise largement les missions des services.
Je rends un avis favorable aux sous-amendements AS318, AS323 et AS334. En revanche, je rends un avis défavorable aux sous-amendements AS333, AS319 et AS335.
Enfin, je suis favorable au sous-amendement AS317 de M. Didier Martin s’il accepte de le rectifier en écrivant « de management » plutôt que « managérial », en cohérence avec un amendement que je présenterai à l’article 11.
M. Didier Martin. Je suis d’accord. J’en profite pour soutenir les propos de Mme Vidal qui a souligné l’importance des pôles qui jouent un rôle de pilotage et de transversalité au sein des établissements qu’ils ont aidé à se transformer. Ils représentent, à mon avis, le bon échelon de délégation de gestion fonctionnelle. Les budgets de pôle ont ma préférence plutôt que les budgets de service.
M. Pierre Dharréville. La réhabilitation de l’entité « service » était nécessaire, mais reste malheureusement très partielle : on aurait pu aller plus loin, par exemple en retenant un mode de nomination des chefs de service qui ne les fasse pas dépendre de la seule décision du directeur d’établissement.
Au cours de notre tour de France des hôpitaux, j’ai beaucoup entendu parler de l’organisation des pôles, parfois sans aucune cohérence médicale, en regroupant des disciplines sans aucun rapport les unes avec les autres : l’objectif principal, osons le dire, était de parvenir à un pilotage par les coûts, ce qui explique une bonne partie des problèmes de l’hôpital public. J’ai l’impression qu’on l’oublie un peu !
Reste ensuite cette affaire de management. Le terme est à la mode : le new public management et compagnie a envahi toute la fonction publique, y compris la fonction publique hospitalière, ce qui nous écarte des véritables enjeux du service public. Il y a là derrière toute une philosophie qui n’est pas sans poser question.
Mme Audrey Dufeu. Je ne suis pas d’accord avec M. Dharréville : management et service public ne s’opposent pas, bien au contraire. Une bonne politique managériale permet d’offrir un service public de qualité et de le renforcer. Par ailleurs, en tant qu’ancienne manager, je suis favorable aux budgets affectés car ils permettent, même s’ils sont modestes et n’ont pas l’envergure d’un budget d’organisation totale, de disposer d’une certaine autonomie et de donner du sens aux décisions.
M. Pierre Dharréville. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
Mme Audrey Dufeu. J’aurai mal compris. Je voterai en tout cas l’amendement de la rapporteure.
La commission adopte successivement les sous-amendements AS318, AS323, AS334 et AS317 tel qu’il vient d’être rectifié.
Elle rejette successivement les sous-amendements AS333, AS319 et AS335.
Elle adopte ensuite l’amendement AS255 sous-amendé.
En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé et les amendements AS16 de M. Jean‑Pierre Door, AS186 de Mme Annie Chapelier, AS244 de M. le rapporteur général, AS128 de M. Jean-Louis Touraine, AS224, AS225 et AS187 de Mme Annie Chapelier, AS17 de M. Jean‑Pierre Door, AS63 de Mme Marine Brenier et AS226 de Mme Annie Chapelier tombent.
Article 6 : Possibilité de regrouper la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques et la commission médicale d’établissement
La commission étudie l’amendement de suppression AS18 de M. Jean‑Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. L’article 6 prévoit de permettre, à titre expérimental, le regroupement de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico‑techniques (CSIRMT) et de la commission médicale d’établissement. Cette proposition ne nous semble pas présenter un grand intérêt, pour des raisons de fond, du fait de leurs missions respectives, et de forme, en raison de leur composition. La CME s’intéresse, par définition, au projet médical, à de pures questions médicales, en lien ou non avec le service, quels que soient les praticiens, qui ont été élus par leurs pairs. En revanche, la commission des soins concerne davantage les paramédicaux, les infirmiers, les kinésithérapeutes, les services techniques et ses consultations pour avis portent sur l’organisation des soins. Regrouper ces deux commissions ne présenterait pas d’intérêt.
En revanche, nous pourrions organiser un dialogue, un débat, entre les représentants de ces deux commissions autour de sujets communs aux deux catégories de personnels. Ce serait plus utile que de fusionner ces deux commissions qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs. D’où mon amendement de suppression.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Vous souhaitez supprimer la possibilité pour les établissements qui le souhaitent de fusionner la CME et la commission des soins. Je suis pour ma part très attachée à cette disposition qui correspond à la mesure 22 du Ségur de la santé et répond aux préoccupations de nombre d’hôpitaux.
Les hôpitaux ne seront évidemment pas obligés d’y recourir, mais cette proposition peut intéresser les hôpitaux de petite taille qui voudraient rapprocher les médecins et les soignants non médecins.
Toutefois, vous avez raison, dans votre exposé des motifs, sur deux points. En effet, cette disposition fait écho à l’article 8 de la proposition de loi. Cependant, l’article 8, tel qu’il sera précisé par mon amendement AS214, prévoit qu’il s’agit d’une dérogation à l’organisation en pôles et en services. La présente dérogation est donc complémentaire et non pas concurrente.
M. Jean-Pierre Door. Pourquoi ne pas préciser, dans ce cas, que l’expérimentation est volontaire ? Sans précision, elle peut être comprise comme une obligation.
Mme la rapporteure. Mon amendement précise que le directeur peut décider de ce regroupement, sur proposition conjointe des présidents de la CME et de la commission des soins. S’il peut en décider, c’est qu’il n’y a pas d’obligation.
M. Pierre Dharréville. Une chose me perturbe un peu : on ne parle pas beaucoup de la représentation syndicale dans votre projet de réorganisation, ni au niveau des instances, ni à celui du mécanisme de décision. Je m’inquiète de la tournure que prend la discussion : la proposition de loi ne cesse de gonfler et on ne cesse d’y mettre de la levure avec tous ces amendements et ces sous-amendements qui se surajoutent... Au bout du compte, nous aurons un texte qui ne ressemble plus du tout à la proposition initiale et je ne sais ce qu’elle mettra en œuvre du Ségur de la santé – à l’origine, c’est la promesse qui nous avait été faite. Je m’inquiète aussi de la manière dont tout cela aura été discuté avec les acteurs concernés.
Mme la rapporteure. C’est bien la traduction de la mesure 22 du « Ségur », telle qu’elle résulte du travail avec les représentations syndicales et des accords signés en juillet dernier. Il y a bien eu une concertation et, pour ma part, je suis ravie du travail parlementaire qui précise utilement le texte.
La commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements AS314 de la rapporteure et AS188 de Mme Annie Chapelier.
Mme la rapporteure. Mon amendement tire les conséquences de nos auditions en précisant qu’il s’agit bien d’un droit d’option, à savoir une dérogation, et non pas d’une expérimentation, ce qui correspond beaucoup mieux à l’esprit de l’article 6 et répond du même coup aux préoccupations exprimées dans les amendements AS40 et identiques ainsi qu’à l’amendement AS188 de Mme Chapelier. Il prévoit par ailleurs que cette fusion a lieu sur proposition conjointe du président de la CME et du président de la CSIRMT. Enfin, cette décision devra recueillir préalablement l’avis conforme de ces deux commissions, ce qui satisfera les amendements de Mme Six et de M. Isaac-Sibille, très pertinents, que j’ai souhaité prendre en compte.
Mme Annie Chapelier. Mon amendement proposait également une autre rédaction de l’article mais celui de Mme Rist est bien meilleur.
L’amendement AS188 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS314.
En conséquence, l’article 6 est ainsi rédigé et les amendements AS45 de Mme Jeanine Dubié, AS40 de M. Bernard Perrut, AS129 de M. Jean-Louis Touraine, AS146 et AS145 de Mme Valérie Six ainsi que l’amendement AS156 de M. Cyrille Isaac-Sibille tombent.
Article 7 : Poursuite de l’intégration des groupements hospitaliers de territoire par le prisme des directions communes
La commission en vient aux amendements de suppression AS19 de M. Jean‑Pierre Door, AS50 de M. Pierre Dharréville, AS60 de Mme Marine Brenier, AS101 de M. Thibault Bazin, AS147 de Mme Valérie Six et AS199 de Mme Gisèle Biémouret.
M. Jean-Pierre Door. L’article 7 prévoit que tout poste de chefferie d’établissement dans un groupement hospitalier de territoire laissé vacant est systématiquement confié à l’établissement support du groupement. Autrement dit, le directeur de l’établissement socle du GHT « impose » pendant un an une direction à l’établissement secondaire en plaçant à sa tête, par exemple, un directeur adjoint de l’établissement socle. Pour nous, la décision doit venir de la base : le directeur n’étant plus là, un directeur adjoint de l’établissement secondaire doit pouvoir, avec l’accord du président de la CME et du conseil de surveillance, s’adresser à l’établissement socle pour obtenir une direction.
Il est arrivé qu’en cas de vacance de poste, il n’y ait même plus d’appel à candidature, au niveau de l’agence régionale de santé (ARS) ou du centre de gestion, pour reprendre la direction : on impose un tel, c’est comme ça, un point, c’est tout. Je l’ai moi-même vécu. Il faut savoir si la décision vient de la base ou si elle est imposée par la hiérarchie : si l’on veut éviter les conflits, on a tout intérêt, comme nous l’avons vu à l’article 4, à partir de l’hôpital secondaire et à remonter jusqu’au GHT et à éviter que la décision ne soit pas imposée d’en haut. D’où mon amendement de suppression.
M. Pierre Dharréville. Mon amendement a le même objet. J’ai déjà expliqué au cours de la discussion générale ce que je pensais cet article : en confiant systématiquement à l’établissement support du GHT la direction de tout établissement trouvant en situation de vacance de poste de son chef d’établissement, on ne fera qu’accélérer le mécanisme d’intégration que vous souhaitez : à terme, il n’y aura plus d’établissements mais simplement des antennes. Cette situation n’est pas sans poser problème ; je peux d’ailleurs le constater dans mon propre territoire où un de nos hôpitaux est membre d’un GHT. Il serait bon qu’il conserve une direction spécifique plutôt que d’être géré depuis l’établissement socle.
Mme Valérie Six. Je compléterai les propos de M. Dharréville car j’ai été confrontée à la même situation. L’article 7 prévoit de confier systématiquement à l’établissement support du GHT la direction commune de tout établissement partie de son GHT se trouvant en situation de vacance de poste.
La direction du centre hospitalier de Roubaix, qui compte treize établissements, 3 000 salariés dont 230 médecins, a été laissée vacante durant plusieurs mois ; c’est le directeur du centre hospitalier de Tourcoing, la ville voisine, qui a assuré l’intérim. Je n’ose imaginer les conséquences pour la gestion du centre hospitalier de Roubaix si, en application de cet article 7, la direction en avait été confiée au directeur de l’établissement support du GHT Lille Métropole Flandre Intérieure, le centre hospitalier régional universitaire de Lille, qui gère pas moins de 16 000 professionnels, 3 222 lits et 2 920 étudiants...
Mme Gisèle Biémouret. L’existence de certains hôpitaux tient à un combat permanent des soignants, médecins, personnels administratifs. Si l’échelon du directeur qui est, en quelque sorte, leur porte-parole, celui qui défend l’établissement, disparaît, j’ai tout lieu de craindre, pour l’avoir vu, que l’établissement ne périclite, que certaines décisions ne soient prises à son détriment par le directeur de l’établissement support du GHT. La vie d’un établissement passe aussi par la présence d’un directeur qui le soutient et fait remonter les demandes et les besoins.
Mme la rapporteure. Si ces amendements de suppression étaient adoptés, ils m’empêcheraient de vous proposer une réécriture de cet article qui répondrait à vos légitimes inquiétudes et interrogations, également exprimées lors des auditions. Les rapports de l’IGAS et de la Cour des comptes ont démontré, faits à l’appui, que plus on avançait dans l’intégration des GHT, plus on améliorait l’offre de soins. J’ai bien compris que le caractère systématique de l’attribution de ce poste pouvait avoir un côté dérangeant, d’autant plus que les GHT sont assez hétérogènes. La réécriture que je vous vais vous soumettre devrait être de nature à vous rassurer.
Tout d’abord, au vu de la taille de l’établissement ou pour toute autre raison, le directeur général de l’ARS pourra considérer qu’une direction commune n’a pas de sens. Dans les cas que vous avez cités, où l’établissement concerné est de grande taille, la nouvelle rédaction de l’article apportera toute assurance à cet égard.
Vous craignez que l’établissement ne soit happé par l’établissement support. Là encore, la nouvelle rédaction est à même d’apaiser vos inquiétudes en prévoyant que, dans une situation de vacance, le poste soit d’abord confié à l’établissement support pendant une durée transitoire d’un an seulement. Le directeur général de l’ARS pourra ensuite décider de prolonger cet intérim en une direction commune, après avis du comité stratégique du GHT, du comité des élus locaux du GHT et du conseil de surveillance de l’établissement partie.
Ces garde-fous permettent de vous donner le sens politique de cette mesure. Ils permettent d’avancer dans l’intégration des GHT car les faits montrent que l’offre de soins peut en être améliorée lorsque le système fonctionne bien ; mais si ce n’est pas le cas, il faut pouvoir lancer un appel à candidature pour mettre fin à l’intérim confié au directeur de l’établissement support.
Il serait intéressant de pouvoir débattre de cette réécriture ; aussi serai-je défavorable à ces amendements de suppression.
M. Jean-Pierre Door. Je voudrais vous faire deux propositions. Premièrement, il ne faut pas que l’appel au directeur de l’établissement support pour assurer la direction en intérim de l’établissement partie du GHT soit automatique.
Deuxièmement, il ne faut pas supprimer l’appel à candidature durant l’année de l’intérim ; sinon, au bout d’un certain temps, plus personne ne se portera candidat... L’appel à candidature émane du conseil de surveillance et de la direction qui s’adressent à l’ARS : celle‑ci peut fort bien répondre que l’existence d’une direction par intérim rend inutile l’appel à candidature. C’est ainsi que l’on s’acheminera, lentement mais sûrement, vers une candidature unique de l’établissement socle. De nombreux hôpitaux de proximité et hôpitaux secondaires sont opposés à cette automatisation de l’intérim confié au directeur de l’établissement support.
M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, vous nous demandez de ne pas supprimer l’article 7 car vous allez le réécrire. Vous supposez que la rédaction que vous nous proposerez nous conviendra ; or, même ainsi réécrit, cet article n’est toujours pas acceptable. Il va à rebours de l’attention que nous devons porter aux territoires.
Vous dites que le directeur général de l’ARS pourra reconsidérer les choses ; mais dans une région de taille XXL comme le Grand-Est, qui regroupe la Lorraine, l’Alsace et la Champagne-Ardenne, on en est au troisième directeur général de l’ARS en six mois. Dans de telles conditions, la vision à long terme et la connaissance des territoires ne sont pas forcément au rendez-vous !
L’établissement support pourra assurer l’intérim pendant un an, dites-vous, mais on sait bien comment les choses se passent. Certes, l’avis du conseil de surveillance sera sollicité, mais les avis consultatifs, on peut en faire ce que l’on veut : il faut que le conseil de surveillance, le comité stratégique et le comité territorial des élus locaux décident. Pourquoi avez-vous peur de ce qu’ils diront ? Ils pourraient très bien estimer, après avoir écouté quelques explications, que cet intérim est dans leur intérêt et qu’il crée des synergies.
En réalité, vous partez d’un postulat automatique et systématique, qui vaudrait tout le territoire : toute intégration aboutira à un meilleur fonctionnement. Pas forcément ! Cela dépend vraiment des personnes. Je peux vous parler de cas très concrets : s’il y avait eu une direction commune pendant la crise sanitaire, la maternité de Lunéville, par exemple, aurait fermé. Certains établissements ont mis en commun leurs structures d’achat, mais leur approvisionnement est aujourd’hui plus long et coûte plus cher : les synergies ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut procéder à des évaluations : dans certains endroits, cela marche très bien, et tant mieux, mais pas dans d’autres, pour des raisons qu’il faut accepter. Il ne faut pas brusquer, comme vous voulez le faire, les élus locaux ; il faut leur faire confiance. Ce qui compte pour ceux, c’est la santé de leur territoire, et ce sont eux les mieux placés pour exprimer des avis.
Mme Carole Grandjean. J’entends les arguments des uns et des autres ; nous souhaitons tous ici saluer la qualité de notre système de santé, l’investissement des professionnels, mais aussi conduire les transformations nécessaires. Au-delà des enjeux financiers déjà évoqués, nous devons travailler collectivement à une meilleure organisation de notre système de santé.
Les GHT sont évidemment une pierre de plus à l’édifice de l’amélioration de l’offre de soins. En Lorraine, celui qui s’est organisé autour du centre hospitalier régional universitaire de Nancy a fait ses preuves, notamment dans un contexte de vacance de postes. La constitution de ces groupements est donc utile : elle se fait dans l’intérêt de nos concitoyens et permet de préserver l’offre de soins sur l’ensemble des territoires, y compris aux endroits où la présence d’un hôpital peut être reconsidérée. Les GHT doivent permettre aux établissements menacés de mieux organiser les spécialités qu’ils vont conserver ainsi que leur offre de soins de suite.
M. Didier Martin. Il faut bien lire l’article 7 tel que proposé pas notre rapporteure : il y est question d’intérim, non d’intégration systématique ou de mise sous tutelle.
Mme Gisèle Biémouret. Mais si !
M. Didier Martin. Je sais que cela peut angoisser