N° 3701

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2020.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE ([1])

sur l’évaluation des politiques publiques
de santé environnementale,

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Élisabeth TOUTUT-PICARD, présidente,

 

et

 

Mme Sandrine JOSSO, rapporteure,

 

Députées.

 

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TOME I

RAPPORT

 

 


 

La commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale est composée de : Mme Élisabeth Toutut-Picard, présidente ; Mme Sandrine Josso, rapporteure ; Mme Annie Chapelier, MM. Jean-Charles Grelier, Yannick Haury, Mme Michèle Peyron, viceprésidents ; Mmes Audrey Dufeu, Claire Pitollat, M. Dominique Potier, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, secrétaires ; M. Saïd Ahamada, Mmes Gisèle Biémouret, Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, Mme Fannette Charvier, M. Pierre Dharréville, Mme Nadia Essayan, M. Jean-Luc Fugit, Mmes Marine Le Pen, Bénédicte Pételle, Valérie Petit, M. Jean-Hugues Ratenon, Mmes Laurianne Rossi, Nathalie Sarles, Valérie Six, MM. Jean-Louis Touraine, Pierre Venteau et Stéphane Viry, membres.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

SynthÈse du rapport et des propositions de la commission d’enquête

introduction

1. Pourquoi la santé environnementale ?

2. Pourquoi une évaluation ?

3. Pourquoi une commission d’enquête ?

PREMIÈRE PARTIE : UNE prÉoccupation fondamentale de notre temps, À Laquelle ne rÉpondent pas LES processus scientifiques et politiques ACTUELS

I. notre conscience toujours plus aiguisÉE de la place de l’Être humain dans son environnement nourrit des inquiÉtudes de plus en plus prononcÉES

A. une prise de conscience croissante de la complexitÉ du rapport de l’humain À la nature

1. L’impact des activités humaines sur l’environnement est au cœur des problèmes de santé environnementale

2. Une approche inscrite dans le temps long, qui s’accommode mal des temporalités politiques

B. une demande d’action de la part de la population, intensifiÉE par des craintes et la conscience du coÛt de l’inaction

1. Des attentes et une forte inquiétude de la population, sources de défiance

2. Les coûts de l’inaction sont particulièrement élevés

II. un domaine TRAVERSÉ par des interrogations scientifiques et politiques majeures

A. Un dÉbat scientifique marquÉ par des DÉsaccords de principe et de mÉthode

1. Une matière sujette à de grandes difficultés conceptuelles

a. L’analyse des expositions

b. Les effets combinés ou « effets cocktail »

c. Les expositions multiples, l’exposome et l’effet épigénétique

d. Les effets dose-réponse non monotones

e. Les agrégats spatio-temporels

2. L’évaluation des risques est sujette à des difficultés matérielles et à des incertitudes qui peuvent susciter des polémiques

B. des arbitrages politiques difficiles et peu expliquÉs

1. L’arbitrage entre le gain économique et la sécurité sanitaire s’impose comme la difficulté majeure de la réduction des risques

2. Les objectifs sanitaires et environnementaux peuvent, dans certains cas, s’opposer

DEUXIÈME PARTIE : LES LIMITES DE LA MISE EN ŒUVRE D’UNE POLITIQUE DE  SANTÉ ENVIRONNEMENTALe À L’ÉCHELLE NATIONALE

I. quinze annÉes de planification nationale : RÉussites sectorielles et échecs transversaux

A. La politique NATIONALE, TROP TRANSVERSALE ET ABSTRAITE, fait l’objet d’un manque de volonTÉ POLITIQUE

1. Derrière l’affichage, des temps morts et une diminution de ressources qui sapent l’effectivité de la dynamique planificatrice

2. L’approche multidisciplinaire souhaitée se heurte en pratique à une carence d’articulation et de coordination

a. La prolifération des plans suscite des problèmes de coordination

b. Un cloisonnement persistant qui inhibe une approche plus connectée

B. mieux articuler les approches transversale et sectorielle

1. Les succès en matière de santé publique et santé environnementale sont associés à des actions spécialisées

a. Mieux prévenir l’obésité en tenant compte de ses facteurs environnementaux

b. Placer les cancers pédiatriques au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer

2. La santé environnementale est néanmoins paradoxale en ceci que, en dépit de ces succès sectoriels, elle concerne tout le périmètre de l’action publique

II. Les Échelons nationaL et europÉen demeurent essentiels pour mener une partie des actions exigÉes

A. La CONNAISSANCE et LE diagnostic, quoique sous-investiS et fragmentÉS, ONT connu des succÈs aux niveaux national et europÉen

1. Les efforts de recherche nécessaires sont éclatés et sous-mobilisés

2. Malgré un manque de financement, des succès et progrès

B. la rÉglementation, composante essentielle des politiques publiques de santÉ environnementale, est principalement le fait des Échelons europÉen et national

1. La réglementation sur la composition des produits et sur les émissions résulte d’une combinaison des approches européenne et nationale

2. Les réglementations ont permis des évolutions positives

3. Des évolutions demeurent nécessaires pour mieux appréhender les nouveaux risques

TROISIÈME PARTIE : ENCOURAGER les INITIATIVES LOCALES POUR mieux affronter les dÉFIS CONCRETS en rÉpondant aux inquiÉtudes de la population

I. Le PILOTAGE NATIONAL DOIT ÊTRE REPENSÉ COMME UNE ARTICulation des initiatives locales

A. le RECUEIL et L’uTilisation EXPERTE de donnÉes de masse, enjeux cruciaux de la santÉ environnementale

1. Les enseignements du recueil des données de santé massives

a. L’espace numérique de santé

b. La plateforme des données de santé

2. Une même démarche doit prévaloir pour les données environnementales

a. Constituer un patrimoine de données interopérables

b. Les bases de données environnementales existantes

c. Mettre en place des réseaux régionaux ou interrégionaux de la santé environnementale

d. S’engager sur le long terme pour un travail fructueux

B. LE Partage des bonnes pratiques au service de la misE en œuvre des prioritÉs de santÉ environnementale

1. L’interministérialité, gage de la nécessaire direction politique

2. L’action des services déconcentrés en matière de santé environnementale est d’ores et déjà intense

II. LA PRÉVENTION, pierre de touche d’une approche cohÉrente de la santÉ environnementale, met au premier plan les collectivitÉs territoriales et la sociÉtÉ civile

A. Mettre la prÉvention au cœur deS HABITUDES INSTITUTIONNELLES

1. Développer la culture de la prévention dans tous les champs de la santé environnementale

a. La diversité des approches de la prévention

b. La place de la prévention dans les démarches de planification

c. Le retour sur investissement de la prévention

2. Mobiliser plus largement les compétences des intervenants professionnels

B. L’ALERTE ET lA DÉONTOLOGIE doivent Être renforcÉes

1. Renforcer la culture de la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts

a. La prévention des conflits d’intérêts dans la recherche

b. La prévention des conflits d’intérêts dans l’expertise sanitaire

c. L’obligation de déclaration d’intérêts

2. S’appuyer sur le système des alertes en santé environnementale

C. LES CollECTIVITÉs TERRITORIALES ONT UN RÔLE CENTRAL EN TERMES DE SENSIBILISATION

1. Prendre l’exemple des collectivités territoriales volontaristes

a. L’engagement des régions pour la santé environnementale

b. L’apport précieux des collectivités de petite taille

c. L’implication souhaitable des Ceser

2. L’incitation à l’action par la diffusion des bonnes pratiques

a. L’exemple des observatoires régionaux de la santé

b. L’action du Cerema

c. Autres modèles positifs en santé environnementale

d. Différents niveaux d’information

III. La meilleure prÉvention passe par un effort particulier d’Éducation et de formation qui doit reflÉter une vraie Évolution dans la prise en compte sociÉtale des enjeux de santÉ environnementale

A. La formation des professionnels est un levier puissant mais sous-exploitÉ

1. Améliorer la formation des professionnels de santé

a. Les insuffisances des formations initiale et continue des professionnels de santé en santé environnementale

b. L’obésité, un exemple de carence de formation des professionnels

2. Les administrations, quoiqu’expertes, peuvent avoir des difficultés à rester à jour sur les effets des expositions sur la santé

3. Mieux accompagner les élus

B. Amplifier la prise en compte des enjeux de santÉ environnementale dans l’entreprise

1. Former les professionnels de l’entreprise et mobiliser les branches

2. Encourager et accompagner les initiatives en santé environnementale dans les entreprises

3. Renforcer les obligations de certification et d’étiquetage des produits pour améliorer les comportements

examen en commission

liste des propositions de la commission d’enquête

liste des SIGLES utilisÉs

liste des personnes auditionnées

ANNEXE I : COMplÉments techniques

I. critiques exprimÉes à l’Égard du plan national santé-environnement 3

1. Des indicateurs imprécis rendent une véritable évaluation difficile

2. Un pilotage éclaté qui nuit à l’intelligibilité et à la crédibilité des actions

3. L’articulation des échelons national et régional pourrait être améliorée

4. L’enjeu de l’amélioration du partage des pratiques entre régions

5. Une ambition renouvelée de mieux évaluer le PNSE 4

II. croisement des donnÉes et bases de donnÉes en santÉ environnementale

1. Le croisement des données en santé environnementale

2. Les démarches de création de jeux de données sectoriels

3. L’interopérabilité des systèmes de données en santé

III. le cadre juridique des obligations dÉontologiques relatives À l’apport d’expertise scientifique

1. Les publications scientifiques et la fiabilité de l’expertise scientifique

2. Les prescriptions générales de compétence pour une expertise

ANNEXE II : Note scientifique de l’opecsT

 Article L1411-1 du Code de la santé publique. Consulté le 6 novembre 2020. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038886152/.

 « Article L1411-1 - Code de la santé publique - Légifrance ». Consulté le 6 novembre 2020. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038886152/.

 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1 mars 2005 relative à la Charte de l’environnement (1). (s. d.). Consulté le 16 novembre 2020.

 (PNSE4), Consultation 4e Plan national santé environnement. « Axe 4 - Mieux connaître les expositions et les effets de l’environnement sur la santé des populations », 21 octobre 2020. http://www.consultation-plan-sante-environnement.gouv.fr/axe-4-mieux-connaitre-les-expositions-et-les-a5.html.

 Barouki, R. « L’exposome, un concept holistique et utile ». Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine 204, no 3 (1 mars 2020): 299305. https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.11.015.

 Wild, Christopher Paul. « Complementing the Genome with an “Exposome”: The Outstanding Challenge of Environmental Exposure Measurement in Molecular Epidemiology ». Cancer Epidemiology and Prevention Biomarkers 14, no 8 (1 août 2005): 184750. https://doi.org/10.1158/1055-9965.EPI-05-0456.

 Hippocrate stipulait déjà que « pour approfondir la médecine, il faut considérer d’abord les saisons, connaître la qualité des eaux, des vents, étudier les divers états du sol et le genre de vie des habitants ». Cicolella, André. « Santé et Environnement : la 2e révolution de Santé Publique ». Santé Publique Vol. 22, no 3 (4 août 2010): 34351.

 Le terme « maladies non transmissibles » ou « non-communicable diseases » est souvent utilisé pour parler des maladies chroniques et des cancers. La définition exclut les maladies d’origine infectieuse ou génétique.

 Maragkoudakis, Petros. « EU Burden from Non-Communicable Diseases and Key Risk Factors ». Text. EU Science Hub - European Commission, 20 juin 2017. https://ec.europa.eu/jrc/en/health-knowledge-gateway/societal-impacts/burden.

 « Decoding the Exposome, the Biggest Influencer on Health - In Depth - Universiteit Utrecht ». Consulté le 16 novembre 2020. https://www.uu.nl/en/organisation/in-depth/decoding-the-exposome-the-biggest-influencer-on-health.

 L’exposition au radon constitue un facteur de risque de développer un cancer du poumon, et ce, de façon linéaire avec la concentration de radon dans l’air intérieur. Le risque absolu de développer un cancer du poumon, pour une certaine exposition au radon, est multiplié par 25 chez les fumeurs. Les fumeurs voient leur risque de cancer de poumon augmenter avec leur exposition au radon, mais de façon moins importante, le tabagisme étant un facteur de risque bien plus important que le radon ; Darby, et al. « Radon in Homes and Risk of Lung Cancer: Collaborative Analysis of Individual Data from 13 European Case-Control Studies ». BMJ (Clinical Research Ed.) 330, no 7485 (29 janvier 2005): 223. https://doi.org/10.1136/bmj.38308.477650.63.

 « Comprendre REACH - ECHA ». Consulté le 18 novembre 2020.  https://echa.europa.eu/fr/regulations/reach/understanding-reach.

 Escher, et al. « From the Exposome to Mechanistic Understanding of Chemical-Induced Adverse Effects ». Environment International 99 (février 2017): 97106. https://doi.org/10.1016/j.envint.2016.11.029.

 Plus le nombre de participants est élevé, meilleure est la force statistique de l’étude. Le nombre de participants doit être augmenté dès lors que le nombre de facteurs à évaluer augmente.

 Les études de cohorte consistent à suivre les facteurs environnementaux des participants sans leur suggérer ni leur imposer de changement dans leurs habitudes, puisque demander à un groupe de se placer dans des conditions spécifiques, pour lesquelles on suspecte un effet sanitaire négatif, ne serait pas éthique.

 Adamo, et al. « Méthodes d’étude épidémiologique ». In Reproduction et environnement. Expertises collectives de l’Inserm. Consulté le 17 novembre 2020. http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/222/?sequence=31.

 Les questionnaires renseignent à la fois sur les habitudes de vie et sur l’état de santé, c’est le cas par exemple de NutriNet-Santé. Cette cohorte, issue d’un partenariat entre l’Inserm et l’Inrae, étudie les liens entre l’alimentation et la santé, Le recrutement se base sur du volontariat, l’étude compte 165 000 participants. Sont collectés des renseignements sur l’alimentation, la santé, mais aussi, pour une partie des participants, des échantillons sanguins et urinaires. Les objectifs sont d’établir des liens entre la nutrition et la santé, mais aussi d’identifier les déterminants de la nutrition (notamment sociaux, économiques et cognitifs). Hercberg, et al. « The Nutrinet-Santé Study: a web-based prospective study on the relationship between nutrition and health and determinants of dietary patterns and nutritional status ». BMC Public Health 10, no 1 (11 mai 2010): 242. https://doi.org/10.1186/1471-2458-10-242. L’étude a notamment montré une association entre la consommation de nourriture ultra-transformée et le risque de développer un cancer. Fiolet, et al. « Consumption of Ultra-Processed Foods and Cancer Risk: Results from NutriNet-Santé Prospective Cohort ». BMJ 360 (14 février 2018). https://doi.org/10.1136/bmj.k322.

 Certains facteurs internes ne sont pas complètement décorrélés du patrimoine génétique, mais peuvent tout de même être considérés (taux d’hormones, métabolisme) ; Wild, C. P. « The Exposome: From Concept to Utility ». International Journal of Epidemiology 41, no 1 (1 février 2012): 2432. https://doi.org/10.1093/ije/dyr236.

 https://ec.europa.eu/info/events/launch-event-european-human-exposome-network-2020_en.

 Plus précisément, les études d’association pangénomique permettent d’identifier des polymorphismes génétiques (des variations de courtes séquences dans le génome) davantage partagés par les personnes porteuses d’une maladie que la moyenne et identifient ainsi des facteurs de risque. Ces études sont réalisées sur l’ensemble du génome, et sont particulièrement utiles dans le cas de maladies pour lesquelles une origine génétique est suspectée mais aucun gène déterminant n’a été identifié. Debette, Stéphanie. « Comment lire une étude d’association génétique pangénomique (GWAS) ? » Sang Thrombose Vaisseaux 24, no 5 (1 mai 2012): 24047. https://doi.org/10.1684/stv.2012.0692.

 Vermeulen, et al. « The Exposome and Health: Where Chemistry Meets Biology ». Science 367, no 6476 (24 janvier 2020): 39296. https://doi.org/10.1126/science.aay3164.

 L’étude montrait également une association négative avec les carotènes, suggérant qu’elles protègent de cette maladie. Patel, et al. « An Environment-Wide Association Study (EWAS) on Type 2 Diabetes Mellitus ». PLOS ONE 5, no 5 (20 mai 2010): e10746. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0010746.

 Zheng, et al. « Design and Methodology Challenges of Environment-Wide Association Studies: A Systematic Review ». Environmental Research 183 (1 avril 2020): 109275. https://doi.org/10.1016/j.envres.2020.109275.

 Des moyens de mesure embarqués comme les capteurs de pollution atmosphérique individuels ou bien des bracelets en silicone qui fonctionnent comme des éponges à substances chimiques, par exemple. Barouki, R. « L’exposome, un concept holistique et utile ». Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine 204, no 3 (1 mars 2020): 299305. https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.11.015.

 Vermeulen, Roel, et al. « The Exposome and Health: Where Chemistry Meets Biology ». Science 367, no 6476 (24 janvier 2020): 39296. https://doi.org/10.1126/science.aay3164.

 « Cartographie du potentiel radon des formations géologiques ». Consulté le 10 novembre 2020. https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Environnement/expertises-radioactivite-naturelle/radon/Pages/4-cartographie-potentiel-radon-formations-geologiques.aspx#.X6q6s1DjJPY.

 Les technologies OMICs (transcriptomique, protéomique, métabolomique, épigénomique) permettent de caractériser et de quantifier à grande échelle les produits d’expression du génome (transcriptome ou protéome), les marqueurs de l’état métabolique ou encore l’état de l’épigénome.

 « CDC - Exposome and Exposomics - NIOSH Workplace Safety and Health Topic », 9 novembre 2018. https://www.cdc.gov/niosh/topics/exposome/default.html.

 (PNSE4), Consultation 4e Plan national santé environnement. « Axe 4 - Mieux connaître les expositions et les effets de l’environnement sur la santé des populations », 21 octobre 2020. http://www.consultation-plan-sante-environnement.gouv.fr/axe-4-mieux-connaitre-les-expositions-et-les-a5.html.

 Vermeulen, Roel, et al. « The Exposome and Health: Where Chemistry Meets Biology ». Science 367, no 6476 (24 janvier 2020): 39296. https://doi.org/10.1126/science.aay3164.

 Audition publique du 6 février 2020 sur la prévention et la gestion des risques industriels, dont les conclusions ont été adoptées le 20 février 2020 ; http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b2704_rapport-information#.

 « Rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les enjeux scientifiques et technologiques de la prévention et la gestion des risques accidentels (M. Cédric Villani et M. Gérard Longuet) ». Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b2704_rapport-information.

 Des travaux menés par l’ANSES mettent en évidence que l’exposome chimique varie d’un individu à l’autre, selon des critères comportementaux tels que le régime alimentaire.

 Rappaport, Stephen M., et Martyn T. Smith. « Environment and Disease Risks ». Science 330, no 6003 (22 octobre 2010): 46061. https://doi.org/10.1126/science.1192603.

 Tel que dans le cas du diethylstilbestrol (Distilbène®) ; Newbold, Retha R., Elizabeth Padilla-Banks, et Wendy N. Jefferson. « Adverse Effects of the Model Environmental Estrogen Diethylstilbestrol Are Transmitted to Subsequent Generations ». Endocrinology 147, no 6 (1 juin 2006): s1117. https://doi.org/10.1210/en.2005-1164.

 Genome-Environment-Wide Interactions Studies ; Zheng et al. « Design and Methodology Challenges of Environment-Wide Association Studies: A Systematic Review ». Environmental Research 183 (1 avril 2020): 109275. https://doi.org/10.1016/j.envres.2020.109275.

 À titre d’illustration, une analyse d’une dizaine de substances chimiques coûte 100 € par individu. Cette analyse pour une cohorte de plusieurs centaines de milliers de personnes coûte alors plusieurs dizaines de millions d’euros.

 Elbaum, M. (Igas), Morelle, A. (Igas), Minault, B. (Igésr), et Ribieras, H. (Igésr). « Les cohortes pour les études et la recherche en santé ». https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-045r_tome_1_rapport.pdf.

 Jégou, Bernard. « Le paradigme de l’exposome : définition, contexte et perspective ». médecine/sciences 36, no 11 (1 novembre 2020): 95960. https://doi.org/10.1051/medsci/2020230 et « Où vont la recherche et l’expertise scientifique sur les risques environnementaux et leurs impacts sanitaires ? » Le Monde.fr, 3 décembre 2019. https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/12/03/ou-vont-la-recherche-et-l-expertise-scientifique-sur-les-risques-environnementaux-et-leurs-impacts-sanitaires_6021522_1650684.html.

 Rapport de l’Opecst sur l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences : le chemin de la confiance, par les députés Philippe Bolo et Anne Genetet et les sénateurs Pierre Médevielle et Pierre Ouzoulias ; mai 2019. http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b1919_rapport-information#

ANNEXE III : contributions Écrites des membres de la commission d’enquÊte

Contribution de Mme LA PRÉSIDENTE ÉLISABETH TOUTUT-PICARD

Contribution de Mme Claire Pitollat

Contribution de M. Jean-Louis Touraine

annexe iV : contributions écrites sollicitées par la commission d’enquête

I. contribution de la dre Laurence HUC, Toxicologue en Santé Humaine, Chargée de recherche à l’INRAE

II. contribution du Collectif Scientifique National pour une Méthanisation raisonnée (CSNM)

III. Contribution de Mme  pauline brugeilles et de mm. Pierre Bellagambi et Simon Lillamand sur les politiques publiques de santé environnementale

IV. contribution de l’association pour l’information et la défense des consommateurs salariÉS de la conféDération générale du travail (INDECOSA-CGT)

V. contribution de la confédération SYNDICALE des familles (CSF)


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SynthÈse du rapport et des propositions de la commission d’enquête

La santé environnementale est une préoccupation essentielle de notre époque. Nos concitoyens ont conscience que la dégradation de l’environnement nous affecte en retour, car les santés humaine, animale et végétale sont interdépendantes.

C’est pourquoi nous avons besoin d’une notion partagée de la santé environnementale, que votre rapporteure s’est efforcée, au cours des travaux de cette commission d’enquête, de forger, pour désigner tout à la fois l’impact des êtres humains sur l’environnement et ses conséquences en retour sur la santé de tous les êtres vivants. Une telle idée nous permet, à chacun d’entre nous, de s’approprier le sujet : car c’est un sujet qui nous concerne tous, et la santé environnementale doit donc être accessible par tous et pour tous.

Toutefois, les outils de politique publique dont nous disposons ne sont pas à la hauteur des attentes : notre inaction, longue de plusieurs décennies, engendre des coûts faramineux en vies humaines et pour les finances publiques. Au niveau mondial, selon l’Organisation mondiale de la santé, 23 % de la mortalité sont liés à une cause environnementale. Selon la commission d’enquête du Sénat sur le coût de la pollution de l’air, celui-ci s’élève à plus de 100 milliards d’euros par an.

La santé environnementale demeure cependant une matière sujette à des difficultés conceptuelles, marquée par des désaccords de principe et de méthode. Aux incertitudes qui peuvent exister en épidémiologie sur la compréhension des causes des maladies, s’ajoutent les défis propres à la toxicologie et la complexité technique et logistique de la mesure de l’environnement.

D’où la nécessité de progresser dans la connaissance et de développer des programmes de recherche, intégrant des approches méthodologiques relevant des sciences humaines et sociales, centrés sur les effets cocktail et les effets dus aux expositions multiples à faible dose. Il semble également nécessaire de renforcer l’effort de recherche prévu dans la loi de programmation afférente afin d’établir les causes environnementales à travers l’étude de l’exposome (proposition n° 1).

L’évaluation menée a montré les limites de la mise en œuvre d’une politique de santé environnementale à l’échelle nationale. La planification s’est avérée un échec et le plan national santé-environnement est ineffectif, en partie du fait d’une absence de volonté politique pour le porter. Il faut donc repenser la place de la santé environnementale dans l’organisation de l’action publique, en tenant annuellement une conférence nationale de santé environnementale qui réunirait tous les acteurs du domaine (proposition n° 2).

Plus largement, un changement d’état d’esprit s’impose : cesser de considérer la santé environnementale comme une politique publique ciblée pour l’imposer comme une dimension obligatoire de toutes les autres (proposition n° 5).

Au niveau sectoriel, la prévention de certaines maladies doit être revue pour mieux prendre en considération les facteurs environnementaux responsables de leur développement. Ainsi le cas de l’obésité, qui affecte plus de 8 millions de nos concitoyens, et dont le traitement reste centré sur le comportement nutritionnel et l’activité physique, justifie la création d’une stratégie nationale de prévention de l’obésité, incluant le traitement de ses facteurs environnementaux, et en particulier les perturbateurs endocriniens (proposition n° 3). Quant aux cancers pédiatriques, ils doivent être mis au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer, en cours d’élaboration (proposition n° 4).

Dans le cadre de la révision du règlement européen REACH, il est nécessaire d’y intégrer les effets perturbateurs endocriniens parmi les toxicités prises en compte dans l’examen des produits (proposition n° 7) et de mettre en place un toxiscore, qui permette d’évaluer les produits de consommation en fonction de leur contenance en produits reprotoxiques, cancérogènes ou perturbateurs endocriniens (proposition n° 20). Il faut aussi renforcer les obligations des professionnels en matière de transfert d’informations aux agences évaluatrices (proposition n° 8).

Face à l’urgence de la question et aux situations parfois dramatiques auxquelles font face les populations, chaque territoire doit désormais s’engager dans un effort de prévention et d’amélioration de la santé environnementale : c’est pourquoi la signature de contrats locaux de santé par les établissements publics de coopération intercommunale doit être rendue obligatoire (proposition n° 11). Le rôle des maires, particulièrement important dans le soutien et l’accompagnement des populations face à leurs inquiétudes, doit être conforté par la création d’outils, notamment numériques, afin de renforcer leur information et leur capacité de communiquer en matière de risques environnementaux et sanitaires (proposition n° 19).

Les initiatives locales, qui sont les mieux placées pour répondre aux inquiétudes concrètes de la population, doivent être favorisées par la mise en place de réseaux régionaux et interrégionaux, pour recueillir, diffuser et faire connaître les données de la santé environnementale (proposition n° 10).

Les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) doivent devenir le relais de référence des préoccupations en santé environnementale de la société civile (proposition n° 12). Doit également être favorisé le rapprochement des observatoires régionaux de la santé et des observatoires de la biodiversité au sein d’observatoires régionaux de la santé environnementale, dont la création serait obligatoire (proposition n° 13).

Sur le terrain, le rôle des professionnels de santé reste également central alors que leur formation en santé environnementale est lacunaire. Il faut faire une plus grande place dans le cursus médical à l’étude des facteurs environnementaux émergents en rendant leur enseignement obligatoire dans les formations (proposition n° 15). S’agissant de l’obésité, la connaissance de ses causes environnementales doit être mieux appréhendée pour améliorer sa prévention, ce qui passe par la création d’un diplôme de médecin obésitologue (proposition n° 16).


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   introduction

1.   Pourquoi la santé environnementale ?

Il aura fallu la crise terrible suscitée par l’épidémie que nous traversons pour créer enfin un consensus autour de l’idée que la santé environnementale doit être une priorité du vingt-et-unième siècle. Pourquoi cela ? C’est parce que, d’apparence abstraite et complexe, portant sur l’invisible qui nous entoure, la santé environnementale est difficile à saisir. Pourtant, c’est à mesure que les conséquences sanitaires de la modification humaine de l’environnement nous apparaissent plus clairement qu’elle s’affermit comme une considération primordiale de nos politiques publiques. Or le moment historique que nous vivons fait ressortir ces conséquences de manière particulièrement vive et frappante.

La santé environnementale est le nom que nous donnons à notre conscience croissante des impacts qu’a l’être humain sur son environnement, et, en retour, des conséquences de ces impacts sur la santé humaine. La transmission du virus responsable de la covid-19 a fait ressortir les carences qui continuent de grever notre connaissance du lien, pourtant fondamental, qui unit santé animale et santé humaine. Bien que la dynamique « une seule santé », promue par l’Organisation mondiale de la santé, en constitue une approche prometteuse, soucieuse de restituer dans leur complexité les liens qui unissent les santés de toutes les espèces, nos politiques publiques en demeurent, à ce jour, très insuffisamment informées et irriguées.

Les milieux qui nous entourent, même s’ils nous deviennent invisibles à force de les fréquenter, constituent le cadre de nos vies et de tous nos actes. Chaque action humaine s’y enregistre et s’y imprègne, au point de les transformer radicalement, ce qui altère à son tour notre santé, celles des autres espèces vivantes et celle de la planète. C’est cette association intime de la santé et de l’environnement que traduit l’expression « santé environnementale », là où la « santé-environnement », qui a constitué la base de plans nationaux méconnus et ineffectifs, juxtapose deux réalités qui restent séparées.

Ce sujet est à la fois intemporel et d’une actualité brûlante : face à l’urgence suscitée par la transformation, sous nos yeux et en temps réel, de notre environnement, il faut agir. Votre rapporteure s’est fondée pour ses travaux sur son intime conviction de l’importance pour tous du sujet et de sa centralité dans les politiques de notre temps, conviction dans laquelle elle a été rejointe par un grand nombre des acteurs auditionnés par la commission d’enquête. La santé environnementale constitue d’ores et déjà, et ne peut manquer de devenir encore davantage dans les décennies à venir, une préoccupation fondamentale pour notre siècle.

2.   Pourquoi une évaluation ?

La santé environnementale appelle une réorientation de nos politiques, qui doivent au préalable être examinées pour leurs carences et pour leurs succès, afin de mieux déterminer là où nous avons failli et là où nous devons progresser. Ces politiques doivent être interrogées autant au regard des objectifs qui leur sont assignés que des moyens dont elles sont dotées. Nos institutions, nos élus, nos chercheurs, nos associations, nos entreprises, nos agriculteurs, doivent agir ensemble, afin de nourrir une prise de conscience collective de l’importance de ces problématiques et de l’urgence de l’action. Seule une action collective et collégiale, au-delà des clivages politiques, que la commission d’enquête a su mettre de côté dès sa constitution, peut permettre d’affronter les défis qui nous font face. Cette action, qui demande d’être au contact constant de la population, ne peut s’épanouir pleinement qu’à l’échelle territoriale en associant les collectivités.

C’est aussi vers une véritable culture de l’anticipation et de la prévention que cet état d’urgence planétaire nous encourage à nous tourner. Les dettes curatives dont les jeunes générations vont être chargées exigent de nous un changement d’état d’esprit, et de prendre pleinement la mesure des vies sauvées et des coûts épargnés que peut susciter une transition vers un travail sanitaire fondé sur la donnée environnementale. Un tel effort devra voir la santé environnementale devenir une discipline enseignée dans nos écoles et nos universités, qui apprenne à considérer la santé humaine comme partie intégrante de son environnement animal et écologique.

La période actuelle constitue un moment privilégié de prise de conscience de l’impérieuse urgence de ce travail préventif. Car qui n’a pas été affecté, dans sa famille, dans ses amis, par la crise qui nous secoue ? Qui n’a pas perdu un proche atteint par la covid-19, une maladie qui fait son lit des comorbidités d’origine environnementale ? Cancers, obésité, diabète, ont constitué des terreaux favorables à la létalité du virus. En-dehors même de celui-ci, les maladies chroniques ravagent nos sociétés de façon croissante depuis des décennies. Et nous savons d’ores et déjà que ces maladies sont dues, au moins en partie, à des facteurs environnementaux d’origine humaine, comme l’usage des pesticides ou l’ingestion de perturbateurs endocriniens. C’est une raison de plus pour nous de développer la recherche préventive, qui ne représente à ce jour – funeste lacune ! – qu’une faible fraction de l’effort consenti en faveur de la recherche curative.

La France et l’Europe ont l’occasion d’êtres précurseurs dans cette projection collective. La santé environnementale est en effet porteuse de valeurs qui doivent s’entendre à l’échelle continentale : la protection, le respect, l’anticipation, la transmission, l’équilibre. La transition écologique que nous avons engagée en France et en Europe peut être un vecteur supplémentaire de cette transformation, qui doit permettre au développement humain de ne pas se faire au détriment de l’équilibre des écosystèmes et de la planète entière. C’est seulement en combinant les approches et les échelles, territoriale, régionale, nationale, européenne, mondiale, que nous parviendrons efficacement à juguler les menaces que posent les transformations de l’environnement à notre santé.

Le droit à « un environnement équilibré et respectueux de la santé » est une pierre de touche de notre ordre constitutionnel depuis que le constituant y a intégré la Charte de l’environnement en 2004, permettant au Conseil constitutionnel de voir en 2020 dans ce geste l’affirmation d’un objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, considéré comme le patrimoine commun des êtres humains ([2]). Cette décision doit être un exemple dans la démarche de mieux concrétiser la protection de la santé des environnements, et nous permettre de regarder en face les déficiences des politiques menées à ce jour dans ce domaine, et de nous engager pour les renforcer et les améliorer.

3.   Pourquoi une commission d’enquête ?

Votre rapporteure a présenté, dès le dépôt de sa demande de création de cette commission d’enquête, les motifs qui guidaient son souhait de la voir instituée. Cette commission répondait à un besoin nettement identifié d’enquêter, sur le fondement de faits précis, survenus dans les années récentes, qui ont suscité de vives inquiétudes dans la population, sur la façon dont les pouvoirs publics traitent les problématiques environnementales et sanitaires.

À la source de cette démarche, il y a donc la nécessité d’examiner la façon dont les pouvoirs publics prennent, ou non, à bras-le-corps, les préoccupations sanitaires qui émergent à l’échelle locale. Votre rapporteure tient en effet pour indispensable la prise au sérieux de ces préoccupations, qui peuvent se muer en une anxiété persistante quant à la sécurité sanitaire de l’environnement. Celle-ci est souvent doublée d’une défiance croissante vis-à-vis des pouvoirs publics, qui sont perçus comme échouant à remplir leur fonction de protection de la population, voire, dans certains cas, comme contribuant activement à la dissimulation d’agissements néfastes de la part d’intérêts privés ou d’inerties administratives.

Le format particulier de la commission d’enquête, doté d’une solennité et de moyens spécifiques, est seul adéquat pour « recueillir des éléments d’information sur des faits déterminés » ([3]), ce qui a été l’une des démarches de votre rapporteure, qui a souhaité voir comment les alertes sanitaires locales sur des facteurs environnementaux sont traitées par les acteurs institutionnels. Rapportées et médiatisées à l’échelle locale, les réponses qui y sont apportées par les pouvoirs publics doivent pouvoir être interrogées à l’échelle nationale et évaluées par les parlementaires.

Les conditions particulières qui ont caractérisé le déroulement des travaux de cette commission d’enquête ont abouti à limiter la capacité de votre rapporteure à réaliser pleinement les travaux qu’elle souhaitait mener. Seule une partie des auditions, par exemple, qui ont été organisées par la commission d’enquête, ont contribué directement au travail de votre rapporteure. Pendant ces auditions, elle n’a pas été en mesure de poser ses questions avec la liberté habituellement accordée aux rapporteurs des commissions d’enquête. Enfin, certaines des institutions qui structurent le paysage de la santé environnementale en France n’ont pas pu être interrogées par votre rapporteure.

En dépit de ces difficultés, les efforts de votre rapporteure n’ont pas été vains, et le présent rapport témoigne de la richesse des échanges qu’elle a pu avoir avec les acteurs de la recherche, de l’administration et du monde associatif. Certaines auditions d’une rare qualité et des contributions particulièrement éclairantes ont permis d’aboutir à des conclusions et à des propositions dont ce rapport rend compte. Par ailleurs, votre rapporteure, très attachée à la démarche de collégialité, s’est réjoui de l’intérêt montré pour le sujet par ses collègues, et son rapport s’efforce de refléter la diversité et la richesse de leurs contributions aux travaux de la commission d’enquête.

Les travaux de votre rapporteure ont montré que si nous sommes face à une préoccupation essentielle de notre époque, partagée par la très grande majorité de nos concitoyens, en revanche les outils de politique publique dont nous disposons ne sont pas à la hauteur des attentes (première partie). Les actions menées depuis le début de notre siècle, si elles ont enregistré certains succès, notamment dans des domaines précis, ont montré les limites de la mise en œuvre d’une politique de santé environnementale à l’échelle nationale (deuxième partie). C’est pourquoi, sans toutefois abandonner le nécessaire effort d’articulation et de partage au niveau national des données et des bonnes pratiques, les initiatives locales, qui sont les mieux à même de répondre aux inquiétudes de la population en affrontant les défis concrets qui la préoccupent, doivent être fortement favorisées (troisième partie).

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
UNE prÉoccupation fondamentale
de notre temps, À Laquelle ne rÉpondent pas LES processus scientifiques et politiques ACTUELS

I.   notre conscience toujours plus aiguisÉE de la place de l’Être humain dans son environnement nourrit des inquiÉtudes de plus en plus prononcÉES

La santé environnementale, loin de l’image qu’elle peut avoir d’une discipline hautement complexe et abstraite, qui serait la chasse gardée de quelques responsables scientifiques et politiques, doit concerner tout le monde, car elle est la résultante des actions de tous sur l’environnement. Votre rapporteure considère ainsi que « la santé environnementale est l’affaire de tous et relève d’une vraie préoccupation sociétale. Le défi est collectif. (…) Nous avons tous à gagner en participant collectivement à la réalisation de cet objectif d’amélioration de notre santé, grâce à la qualité de notre environnement » ([4]).

A.   une prise de conscience croissante de la complexitÉ du rapport de l’humain À la nature

1.   L’impact des activités humaines sur l’environnement est au cœur des problèmes de santé environnementale

La santé environnementale questionne le rapport intime qui lie les êtres humains à l’environnement et à la nature, qui trouve une expression très forte dans la Charte de l’environnement, où le constituant proclame que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel » ([5]).

Une partie importante de la santé environnementale trouve sa source dans l’impact des actions humaines sur l’environnement. La dégradation de la santé environnementale affecte tout le biosystème. Selon la Dre Jeanne Garric, directrice de recherche émérite en écotoxicologie à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), « les impacts liés à la pollution, à la dégradation de l’environnement et de l’habitat, n’affectent pas seulement quelques individus, mais l’ensemble des populations et des écosystèmes, jusqu’au fonctionnement de notre Terre à travers les cycles des nutriments. C’est vrai dans le règne animal, mais aussi humain : ces impacts affectent la dynamique de résilience des populations animales comme humaines. Ces liens dans le temps et dans l’espace ont été démontrés par la recherche » ([6]).

Les questionnements liés à la santé environnementale deviennent plus probants et plus fréquents à mesure que les impacts de modes de production et de consommation fondés sur la croissance démographique et économique ont un effet remarqué sur l’environnement, comme l’affirme à nouveau le constituant : « la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles » ([7]). Cette réalité est d’autant plus gênante que ce sont les populations les plus fragiles, familles à revenus modestes, enfants, personnes âgées, qui subissent le plus l’impact négatif de l’environnement sur la santé ([8]).

Plusieurs personnes auditionnées ont rappelé qu’Hippocrate avait déjà conscience du lien qui relie les facteurs environnementaux et la santé humaine ([9]). Et il vrai que les questions de santé environnementale n’arrivent pas à la conscience des pouvoirs publics au XXIe siècle, mais tiennent au contraire depuis le XIXe siècle une place importante dans l’action publique. Selon M. Cédric Bourillet, « ce sujet est presque aussi ancien que l’Humanité. Au cours des derniers siècles, les politiques d’assainissement de nos villes étaient menées suivant des préoccupations hygiénistes et sanitaires » ([10]). La supervision des manufactures polluantes date ainsi d’un décret impérial de 1810 ([11]). On a donc longtemps fait de la santé environnementale sans le savoir, ou en tout cas sans la qualifier comme telle. Selon M. Bourillet, « quasiment tous les moyens du ministère chargé de l’environnement et des agences chargées de l’évaluation des risques visent à améliorer l’environnement et, indirectement, la santé environnementale. Les actions sur les produits chimiques, de bruit, de pollution lumineuse, l’action pour développer le ferroviaire ou le fret, les actions sur le transport, les primes à la conversion et la biodiversité relèvent de la santé environnementale ».

En revanche, si la préoccupation hygiéniste est ancienne, la compréhension fine des rapports spécifiques entre l’environnement et la santé l’est moins : le Pr William Dab, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien directeur général de la santé, affirme au contraire que « l’étude des rapports entre l’environnement et la santé est relativement récente en France. La création du ministère chargé de l’environnement date de la présidence de Georges Pompidou, mais son objet portait initialement sur la préservation des paysages, des sols, de la faune et de la flore. (…) À travers différentes crises successives, une préoccupation de santé en lien avec l’environnement a émergé et s’est renforcée. Lorsque la grande loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme a été adoptée, nous étions un certain nombre à plaider pour la création d’une agence susceptible d’aider les pouvoirs publics dans le domaine de la santé-environnement. Nous n’avions pas alors été écoutés, et il a fallu la marée noire de l’Erika, en 2000, pour que l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (AFSSE) soit créée. Elle est depuis devenue l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), puis, en 2010, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Ce chemin est donc assez récent, et encore en cours de construction » ([12]).

Au niveau mondial, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) promeut un renouvellement des notions traditionnelles utilisées pour décrire les liens entre l’environnement et la santé, en portant notamment l’exigence d’observation des effets des expositions prolongées. Dès la deuxième conférence européenne sur la santé et l’environnement ([13]), qui a eu lieu à Helsinki en 1994, les parties ont reconnu dans la déclaration pour l’action sur l’environnement et la santé en Europe que « la coexistence entre l’homme et la nature est une condition préalable de l’avenir de l’humanité » ([14]).

En effet, les dernières décennies ont vu un approfondissement inédit de l’interrelation profonde entre les santés humaine, animale et végétale. C’est ce renouveau qui a motivé la création et l’adoption de l’approche épistémologique dite « une santé » ou « une seule santé » ([15]), épousée par un grand nombre des acteurs auditionnés par la commission d’enquête, comme Mme Marie-Laure Métayer, inspectrice générale de la santé publique vétérinaire, directrice adjointe de l’eau et de la biodiversité, selon laquelle « nous avons besoin d’une gouvernance ‟une santé” » ([16]). Les membres de la commission d’enquête ont eu à cœur d’inscrire leur approche dans cet esprit. C’est le cas notamment de notre collègue M. Jean-Luc Fugit, qui préside le Conseil national de l’air et qui a fait valoir que « la crise actuelle rend encore plus d’actualité le concept de santé unique ou globale, qui s’attache à tous les êtres vivants, humains, animaux et végétaux » ([17]).

Cette compréhension croissante s’accompagne d’une prise de conscience de la complexité considérable qui caractérise nos rapports à notre environnement : les conséquences des activités humaines ne se résument pas à des impacts univoques et aisément traçables. C’est ce qu’observe Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, cheffe du service de l’environnement et de l’agronomie à la direction générale de la recherche et de l’innovation, lorsqu’elle décrit de la manière suivante les évolutions de la recherche en santé environnementale : « Nous avons compris que nous sommes exposés, dans l’environnement, à des substances que nous ne pensions pas retrouver : c’est le grand progrès réalisé par la science ces quinze dernières années. En effet, quand on asperge d’un pesticide une parcelle agricole, on ne s’attend pas à le retrouver dans d’autres compartiments de l’environnement. Nous avons donc compris que la recherche de cette seule substance active n’était pas suffisante, mais qu’il fallait également rechercher ses dérivés, ses métabolites, parfois plus actifs que les molécules mères » ([18]).

2.   Une approche inscrite dans le temps long, qui s’accommode mal des temporalités politiques

L’un des enjeux soulignés par les personnes auditionnées réside dans la bonne articulation des temporalités qui entrent en jeu. Les cas locaux qui peuvent nourrir des préoccupations sont emblématiques de ce problème, puisque les recherches surviennent nécessairement trop tard, réagissant à des inquiétudes qui leur préexistent, et réussissant seulement incomplètement à les apaiser. Étant donné que ces inquiétudes se forment le plus souvent en réponse à des cas répétés qui donnent à penser que toute une population peut être atteinte, laissant soupçonner l’existence d’un agrégat spatio-temporel, la réaction des pouvoirs publics est vouée à avoir une longueur de retard.

Le temps long constitue un enjeu central car les menaces d’ordre sanitaire-environnemental se caractérisent souvent par la persistance et la transmission inter-vectorielle. C’est le cas par exemple de la contamination due à l’usage du chlordécone, comme l’a expliqué à la commission d’enquête constituée à ce sujet Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : « Si les sols sont contaminés, la chlordécone que nous avons retrouvée dans les patates douces est probablement due à une contamination par les sols, et non à une utilisation récente du chlordécone ([19]). Le problème est qu’aujourd’hui, une partie des sols en Martinique et en Guadeloupe est contaminée à la chlordécone, et ce pour des dizaines, voire des centaines d’années. Les résidus de chlordécone retrouvés aujourd’hui dans les fruits ou les légumes peuvent être liés à cette contamination des sols » ([20]).

Certaines pollutions du champ de la santé environnementale sont en effet caractérisées par leur rémanence, c’est-à-dire la subsistance de la contamination au-delà de la fin de l’utilisation du facteur provocateur. La pollution est durable et généralisée, comme l’a indiqué M. Thierry Woignier, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), qui a caractérisé en ces termes la chlordécone : « une très faible biodégradabilité – on ne se débarrassera donc pas de cette molécule en attendant qu’elle soit dégradée par l’érosion ou par des micro-bactéries –,  une  très  faible  solubilité  – elle  ne  peut  être  facilement  éliminée  par l’eau –  et  une  grande  affinité  pour  la  matière  organique, qui  explique  sa persistance dans les sols vingt-cinq ans après l’arrêt d’utilisation du pesticide » ([21]).

La recherche sur ces sujets s’inscrit nécessairement elle aussi dans le temps long, suscitant parfois un très grand décalage entre la naissance du besoin de réglementation et l’entrée en vigueur effective des instruments d’encadrement. C’est particulièrement vrai d’une discipline comme la santé environnementale, dont l’ensemble des personnes auditionnées se sont accordées à souligner la jeunesse de ses outils conceptuels et de ses méthodes d’analyse.

La Dre Jeanne Garric a détaillé cette analyse au moyen de l’exemple des zoonoses, d’une particulière actualité : « je souhaiterais évoquer le temps nécessaire à la recherche et aux politiques publiques pour progresser. (…) On observe une multiplication par quatre des zoonoses depuis les années 1980. Il serait possible de les lister. Pour autant, les évolutions réglementaires en matière de protection de l’environnement sont relativement récentes. (…)  Le délai entre les premières accumulations de connaissances et la mise en œuvre des régulations à l’échelle nationale ou internationale est donc important. Je n’ai pas trouvé de réglementation comme le règlement européen du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques (REACH) concernant le problème des zoonoses. Aucun outil n’existe à cet égard, alors que ce problème se pose à l’échelle européenne, mais aussi internationale » ([22]).

La santé environnementale, du fait de sa médiatisation sporadique mais intense, favorise une action de court terme des pouvoirs publics qui se focalisent sur les sujets dont ils pensent pouvoir attendre une controverse, au détriment parfois des sujets de fond. C’est ce phénomène qu’a décrit la Dre Élisabeth Gnansia, médecin généraliste, présidente de la Société francophone de santé-environnement : « Dans le plan national santé-environnement (PNSE) 4, il a été choisi de s’intéresser à des risques physiques dont la plupart sont des risques “émergents” dont les effets néfastes ne sont pas prouvés. Je pense à la 5G, dont les effets sur la santé ne sont pas prouvés, mais qui a beaucoup d’autres effets sur la consommation d’énergie ou la protection de la vie privée des citoyens. Le PNSE s’intéresse donc à des risques qui ne sont pas avérés et les met trop en valeur. À l’inverse, le PNSE n’évoque presque pas la pollution de l’air extérieur et de l’air intérieur » ([23]).

B.   une demande d’action de la part de la population, intensifiÉE par des craintes et la conscience du coÛt de l’inaction

1.   Des attentes et une forte inquiétude de la population, sources de défiance

Le temps long de l’émergence du risque et du travail de recherche s’accorde mal avec le temps de l’inquiétude ressentie et exprimée par la population, qui, une fois exprimée, continue de croître pendant le temps où l’investigation et la recherche se poursuivent. Ces inquiétudes sont parmi les plus vives que nos systèmes politiques aient à traiter, et voient se cristalliser la méfiance vis-à-vis des acteurs publics. En témoigne un exemple représentatif, qu’évoque Mme Muriel Andrieu-Semmel, responsable du département de santé-environnement à la direction de la santé publique de l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a raconté « la crise médiatique et la crise de confiance de la part de la population après une étude participative en santé-environnement qui était ancrée localement. Cette étude avait livré des chiffres extrêmement alarmants sur des données locales déclaratives de santé, ce qui ne correspond pas du tout aux données utilisées en agence régionale de santé. Ces données ont depuis été relativisées, mais cela a suscité une crise médiatique durant six mois » ([24]).

Nous avons donc affaire ici à la perception dans la population de l’environnement comme vecteur de menaces vis-à-vis de la santé, ce qui induit un questionnement sur le rôle de l’État dans la protection sanitaire de la population, et dans les priorités définies par les pouvoirs publics. Ce questionnement sur un « besoin social » d’accompagnement dans ces interrogations, porté par certaines des personnes auditionnées, est aussi celui de votre rapporteure. Le Pr William Dab a décrit comment ce besoin se conjugue avec un « état de défiance » : « La plupart du temps, il n’existe pas de malade, mais des expositions, qui inquiètent les gens – faut-il s’attendre, à court, moyen ou long terme, à un effet de ces expositions, pour nous ou nos enfants ? Il n’y a alors pas d’interlocuteur (...) Devant cette complexité, le réflexe est de créer une association et d’alerter les médias, de sorte que l’entrée habituelle des questions de santé-environnement est la dénonciation, l’inquiétude et l’alarmisme. C’est en effet la seule manière de se faire entendre » ([25]).

Ces inquiétudes contribuent à nourrir une défiance croissante vis-à-vis des pouvoirs publics, soupçonnés d’être complices dans la dissimulation de menaces à la santé. C’est ainsi que, selon le Pr William Dab, « sur de nombreuses questions, les Français estiment majoritairement qu’on ne leur dit pas la vérité ». Ce manque de confiance met au défi les pouvoirs publics d’apporter des réponses crédibles aux inquiétudes qui s’expriment, et exige en tout cas de mettre les préoccupations de la population au centre de l’attention des pouvoirs publics. Le Pr Dab a expliqué aussi que « les gens savent qu’il existe des controverses sur les OGM, et qu’ils sont soutenus par de puissants intérêts industriels. Ils n’ont pas confiance. La préoccupation est insuffisamment présente de savoir comment gouverner l’incertitude et créer la confiance. (…) Même si ces besoins ne sont pas nécessairement formulés en termes épidémiologiques, c’est la population qui a raison. C’est la manière dont la population définit sa préoccupation qui doit constituer la préoccupation des décideurs ». Le manque de confiance est aggravé par l’excessive ambition des projets annoncés, qui ne sont pas suivis de résultats : « ce décalage trop grand entre les ambitions affichées dans les différents plans et notre capacité à les réaliser suscite un problème de confiance du public ».

Les inquiétudes prennent leur racine à la fois dans la connaissance de l’existence d’un risque et dans l’incertitude quant au degré de gravité du risque. Le Pr William Dab l’a expliqué : « Deux facteurs structurent l’opinion face aux risques environnementaux. Le premier facteur est, logiquement, l’importance du risque perçu. On ne prend cependant pas suffisamment garde au deuxième facteur, qui est l’incertitude. (…) Ce qui est incertain fait peur, indépendamment du niveau de risque. Même en tant qu’épidémiologiste, je ne recommanderais donc pas une approche conduisant à définir les priorités sur une base purement épidémiologique et rationnelle. Il faut croiser cette dimension épidémiologique avec ce que l’on sait de la perception sociale des risques, et notamment des secteurs qui suscitent le plus d’inquiétudes. À défaut de procéder ainsi, on ne peut pas comprendre pourquoi les OGM font si peur, alors qu’ils ne présentent aucun risque démontré » ([26]).

Cependant, quoique l’incertitude fasse peur, l’apport d’information, loin de rassurer systématiquement, peut aggraver la suspicion, puisque les données peuvent être manipulées, comme l’a expliqué M. Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement à l’Institut national de recherche sur l’agriculture, l’environnement et le travail (Inrae) : « il est paradoxal de constater que si nous n’avons jamais eu autant d’informations, autant de données, la défiance vis-à-vis de l’information scientifique n’a jamais été aussi forte, à cause de soupçons de manipulation » ([27]). C’est ce soupçon croissant vis-à-vis de l’État en tant que source d’information qui a motivé la vague de création d’agences d’expertise en-dehors du contrôle direct des ministères, comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), et de comités dont l’indépendance est censée être garantie par les modes de nomination prévus, comme le Haut Conseil des biotechnologies, qui doit aussi voir la séparation des experts et des parties prenantes ([28]).

Cette défiance a été alimentée par des affaires à grand retentissement. La principale est celle liée à l’utilisation de l’amiante dans la construction, qui a nourri, par le retard particulier des dispositions adoptées en France, une impression forte que l’administration se caractérisait par une « indifférence singulière face à une menace connue de longue date », d’après la description des sénateurs qui ont enquêté sur le sujet en 2005 ([29]). L’inertie des pouvoirs publics jusqu’en 1992, alors que l’usage du matériau était lourdement réglementé depuis 1976 et interdit depuis 1989 aux États-Unis, a fait également courir des soupçons de collusion avec les intérêts industriels. Des faits similaires ont marqué le traitement réservé au chlordécone, insecticide aux effets neurotoxiques, reprotoxiques et cancérogènes reconnus depuis les années 1970, interdit aux États-Unis en 1977, mais seulement en 1993 en France ([30]). D’autres affaires ont contribué au discrédit de l’État, comme l’a souligné la Dre Séverine Kirchner, chimiste, directrice de la santé et du confort au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et coordinatrice de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) : « l’enjeu de la santé environnementale avait une importance croissante en France, après la crise de l’amiante et l’affaire du sang contaminé, les citoyens ayant alors perdu confiance dans les pouvoirs publics » ([31]).

Si l’État n’est plus considéré, a priori, comme un acteur dont le discours est porteur de vérité et que les populations ne lui font pas confiance, certaines personnes auditionnées se sont même inquiétées de l’extension de cette présomption négative à tous les pouvoirs publics. C’est le cas de M. Jean-Michel Brard, maire de la commune de Pornic (Loire-Atlantique) : « L’absence de lisibilité des analyses de l’État suscite en effet la défiance vis-à-vis de l’État. Les maires et les présidents d’EPCI constituent un filtre entre les deux. Ils jouissent d’une certaine confiance, mais celle-ci diminue de jour en jour. Je ressens très nettement qu’elle ne nous sera accordée que si nous prouvons que nous agissons » ([32]).

Cette situation suscite l’étonnement et une présomption de suspicion de la part de la population, qu’a relayée Mme Annie Chapelier : « Dans ma circonscription, un nombre anormal de glioblastomes a récemment été révélé dans la commune de petite taille de Salindres. Ce phénomène est attribué à la présence de l’entreprise Pechiney, une usine historique d’aluminium. Le territoire est fortement marqué par l’industrie, tant en ce qui concerne la qualité des sols que celle de l’air : odeurs particulières, lacs de boues rouges dans lesquels il n’y a aucune vie. La commune appartient également à plusieurs zones Seveso. Les jardins ne peuvent être cultivés de la même manière que sur d’autres territoires. Pourtant, les mesures de qualité sont positives et les constructions continuent à être autorisées à proximité de ces lieux. Cette situation semble étonnante » ([33]).

2.   Les coûts de l’inaction sont particulièrement élevés

L’approche de la santé marquée par le souci des causes environnementales se fonde également sur la prise en compte des ramifications économiques des maladies environnementales. Les acteurs sont unanimes à considérer que les coûts de l’inertie sont très élevés sur ces sujets. D’abord sociaux, ces coûts sont impossibles à chiffrer mais se manifestent concrètement par un grand nombre de vie détruites. C’est la raison pour laquelle Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales, a appelé à inverser la perception des actions de prévention non comme une augmentation de la dépense mais comme sa diminution, en adoptant une analyse sur le temps long : « au-delà des enjeux sanitaires, les enjeux financiers sont réellement importants. Toutes les actions de prévention en santé et de prise en charge du risque sanitaire sont perçues comme des dépenses, alors qu’en réalité la non-action engendre des coûts colossaux. Par exemple, (…) si l’amiante avait été interdit en 1965 au lieu de l’être en 1993, il en serait résulté 30 000 morts de moins et une économie de 19 milliards d’euros. Les ordres de grandeur sont gigantesques » ([34]).

Le risque socioéconomique est structurellement difficile à chiffrer, en raison, notamment, des variations qui existent lorsqu’il s’agit de monétiser la perte de vie humaine. De nombreuses études ont cependant été réalisées dans les différents domaines de la santé environnementale qui permettent de saisir les ordres de grandeur en jeu. Pour ce qui concerne la pollution de l’air du fait des particules fines, par exemple, une étude publiée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) évalue le coût des décès évitables entre 76 et 145 Md€ par an, la variation étant cependant élevée, du fait de la différence des méthodologies utilisées ([35]). La commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a estimé dans son rapport que le coût global des pollutions de l’air, en prenant en compte ses retombées économiques, environnementales et sanitaires, s’élève à plus de 100 Md€ par an ([36]), y compris 20 Md€ pour ce qui concerne l’air intérieur.

Si les différentes évaluations de la mortalité due aux facteurs environnementaux sont fondées sur des choix méthodologiques intelligibles pour les spécialistes du sujet, elles peuvent susciter l’incompréhension des profanes, d’autant plus qu’elles sont fréquemment reprises par les médias de manière sensationnaliste. M. Gilles Pipien, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, membre permanent du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), a listé pendant son audition les estimations diverses avant de conclure d’une façon qui laisse entendre la difficulté à tirer des conclusions de cette diversité : « Selon l’OMS, au niveau mondial, 23 % de la mortalité, soit presque un quart des décès mondiaux, 12 à 13 millions, sont liés à une cause environnementale, en premier lieu, la pollution de l’air et, en second lieu, la qualité de l’eau. L’Agence européenne de l’environnement, dans son rapport récent qui s’appuie sur les études de l’OMS, estime ce taux à 13 % en Europe, soit 630 000 décès par an. (…) Pour la France, il est difficile d’obtenir la moindre estimation. (…) En clair, ces chiffres sont élevés » ([37])

La part des maladies chroniques liées à des causes environnementales est importante et pourrait être amenée à croître, selon les projections de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) qui estime, sur la base des données du système national des données de santé (SNDS), que plusieurs maladies à causes partiellement environnementales devraient continuer d’augmenter d’ici 2023. C’est le cas notamment du diabète (+ 12 %), des cancers (+ 7 %) et des maladies respiratoires chroniques (+ 6 %) ([38]). C’est cette urgence qu’a mis en évidence le Dr Pierre Souvet, cardiologue, président de l’association Santé environnement France : « la France est le dix-huitième pays au monde pour la prévention, avec un budget de 1 à 2 %, insuffisant pour faire de la prévention sur les problèmes de santé (mettre en gras) qui nous oppressent. Nous sommes (…) très mauvais sur les facteurs environnementaux. L’enjeu est sanitaire et financier. (...) Les moyens que nous avons pour lutter ne sont pas adaptés à ces enjeux énormes » ([39]).

Les estimations sur les coûts peuvent aussi se faire en fonction d’une substance agissante donnée. En ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, des chercheurs ont adopté une méthodologie qui consiste à s’accorder sur un pourcentage moyen de maladies causées par un facteur donné sur la base de la donnée épidémiologique et toxicologique existante. Ils admettent ainsi comme hypothèse que les substances perturbatrices endocriniennes causent aux alentours de 20 % de cas de handicap mental, d’autisme, de troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (ADHD), d’obésité infantile et adulte, de diabète adulte, de cryptorchidie, d’infertilité masculine et de réduction de la testostérone. En prenant l’hypothèse médiane de causalité et en inférant à partir des coûts identifiés de ces maladies, les chercheurs sont arrivés à un coût de l’exposition aux perturbateurs endocriniens pour l’Union européenne de 127 Md€ par an (1,23 % du PIB européen) ([40]).

Les coûts peuvent également être légaux. La France pourrait par exemple voir engagée sa responsabilité au titre de l’inertie, par exemple le défaut d’information du public sur les risques émanant de l’utilisation de produits phytosanitaires. Le Conseil d’État a en effet déjà arrêté que la responsabilité de l’État peut être recherchée s’il n’a pas informé la population des risques encourus par certaines pratiques ([41]). L’État peut également être condamné, sur le fondement de la responsabilité pour faute, au titre de l’interdiction tardive de substances dont les conséquences néfastes pour la santé sont avérées, comme ce fut le cas pour le médiator en 1999. Il peut également être mis en cause au titre des autorisations de mise sur le marché (AMM) qu’il délivre : dès lors qu’il a délivré une AMM, il est considéré comme partie à la responsabilité en cas de survenance d’un risque ([42]). La réparation financière des victimes, comme celle annoncée par le Président de la République en septembre 2018 pour le cas de l’utilisation du chlordécone en Martinique, est un des mécanismes qui montrent le plus directement le lien entre la non-action et ses conséquences financières, et ceci d’autant plus cruellement que, comme le rappelle Mme Béatrice Buguet, « nous n’étions pas dans l’ignorance, mais dans les dérogations successives » ([43]).

Notre époque voit une augmentation de ces coûts à mesure que les populations européennes deviennent plus sensibles aux enjeux sanitaires. Cette meilleure sensibilité ne se traduit pas, à ce jour, par un volontarisme suffisant dans l’investissement préventif et dans l’anticipation, qui permettrait des économies très considérables, et dont votre rapporteure estime qu’il est devenu essentiel de les intégrer aux calculs budgétaires qui justifient financièrement les politiques décidées par la collectivité. Selon M. Hervé Charrue, directeur adjoint du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), « en France, comme du reste dans le reste de l’Europe, les sujets de santé ont longtemps fait l’objet d’une approche plus curative que préventive. Or cette approche coûte énormément à notre pays, environ 19 Md€ chaque année. Certes, les investissements de prévention sont chers, mais ils s’avèrent plus efficaces et moins coûteux sur le long terme » ([44]). Pour votre rapporteure, le retour sur investissement serait largement bénéficiaire sur tous les plans, que ce soit financier ou humain et pour notre système de santé.


II.   un domaine TRAVERSÉ par des interrogations scientifiques et politiques majeures

Le sujet de la santé environnementale peut peiner à mobiliser du fait de sa difficulté technique apparente, notamment en raison de l’utilisation d’un vocabulaire scientifique compliqué. Mais le domaine recouvre en réalité de nombreuses préoccupations citoyennes concrètes et vitales, ce qui doit encourager les pouvoirs publics à un véritable effort d’explication, pour rendre plus abordable les problématiques soulevées.

C’est un paradoxe qui a été décrit dès le début des travaux de la commission d’enquête par notre collègue Mme Valérie Petit, qui a illustré ses propos d’un exemple : « le terme “santé environnementale” peut parfois sembler abstrait à nos concitoyens. Pourtant, ces derniers se préoccupent de thématiques qui relèvent de ce champ, telles que l’impact des ondes électromagnétiques ou la pollution de l’air. Dans la métropole lilloise, par exemple, la proportion d’enfants qui naissent avec un asthme est passée de 5 à 20 % en quinze ans, dans une zone extrêmement polluée. Ce constat soulève de nombreuses questions quant à l’établissement scientifique du lien entre pollution et santé. La situation est source d’inquiétude pour nombre de nos concitoyens et des informations peu rationnelles ou peu vérifiées scientifiquement circulent largement » ([45]).

A.   Un dÉbat scientifique marquÉ par des DÉsaccords de principe et de mÉthode

1.   Une matière sujette à de grandes difficultés conceptuelles

Située au croisement des sciences de la santé et de celles de l’environnement, la santé environnementale comme discipline est marquée des difficultés qui caractérisent ces deux domaines. Aux incertitudes qui peuvent exister en épidémiologie sur la compréhension des causes des maladies, s’ajoutent les défis propres à la toxicologie et à l’éco-toxicologie ainsi que la complexité technique et logistique de la mesure de l’environnement. 

Les auditions ont marqué un thème récurrent, à savoir l’insuffisance prononcée dans notre connaissance des voies d’action de l’environnement sur la santé, et même des effets des choses produites sur notre santé. C’est ce qu’a illustré le Pr Robert Barouki, biochimiste et toxicologue à l’Institut national de santé et de recherche médicale (Inserm) : « nous avons des connaissances, en gros, sur quelques centaines de produits chimiques alors que des dizaines de milliers de produits sont enregistrés dans le système REACH. Pour de très nombreux produits, nous n’avons que peu d’informations ou seulement l’information fournie par l’industriel qui a proposé la substance » ([46]).

a.   L’analyse des expositions

L’approche de santé environnementale a développé un certain nombre d’objectifs qui, sans lui être propres, sont devenues très caractéristiques de l’étude de ces questions. L’exposition de la population à un facteur environnemental est calculée par la fréquence, l’intensité et la durée des contacts entre polluants et individus. Les voies de contamination sont analysées et évaluées par le nombre de personnes concernées et certaines de leurs caractéristiques objectivables et quantifiables, afin d’identifier les catégories de population les plus vulnérables aux nuisances environnementales. L’importance des effets ou des dommages est appréciée par leur fréquence, leur gravité (menace pour la vie, morbidité chronique, exacerbation de maladies préexistantes), leur irréversibilité (effets mutagènes et cancérogènes, malformations congénitales), leur atteinte à la qualité de vie (inconfort, gêne, stress), leurs conséquences économiques et sociales. L’existence d’une relation de causalité entre exposition à des facteurs environnementaux et impact sanitaire demeure bien sûr centrale dans cette recherche, tout autant que l’estimation de la part attribuable à ces facteurs, lorsqu’elle existe.

Afin d’évaluer l’impact sanitaire des facteurs environnementaux et d’établir un chiffrage de leurs coûts à des fins de parangonnage international, différents outils et méthodes ont été développés. La principale repose sur l’espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI ou DALY), qui mesure l’espérance de vie en bonne santé, et est obtenue par la soustraction à l’espérance de vie moyenne du nombre d’années de vie perdues. Cet indicateur, en dépit des incertitudes qui entourent les résultats obtenus, permet la quantification des pertes de santé et sert ainsi d’unité de mesure commune pour les différentes catégories de risques sanitaires.

Les méthodes restent cependant très imparfaites. Des difficultés majeures à la racine des connaissances obèrent ensuite l’interprétation des faits. C’est le cas par exemple de la difficulté d’établir des biomarqueurs fiables, qui permettent de révéler l’exposition, présente ou passée, d’un organisme à une substance ou à un autre facteur de stress. Cette difficulté a été amenée récemment à l’attention du public avec l’enjeu du développement de tests diagnostiques de l’exposition au virus SARS-CoV-2, responsable de la covid-19. Les biomarqueurs d’effet pour les expositions environnementales, s’ils s’améliorent, restent imparfaits, comme l’explique M. Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail à Santé publique France : « si nous parvenons bien à caractériser l’exposition de la population, cette mesure n’est toutefois pas prédictive d’effets sanitaires. À titre d’exemple, les résultats de l’étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition (Esteban) indiquent des concentrations de substances dans le sang mais ne permettent pas de prédire un effet sanitaire ; ainsi pour la majorité des substances n’y a-t-il pas de valeur prédictive » ([47]).

b.   Les effets combinés ou « effets cocktail »

Les effets combinés, également appelés « effets cocktail », qui sont issus des interactions entre les expositions qui nous affectent, compliquent encore davantage l’étude des effets sanitaires des facteurs environnementaux. Les industriels de la chimie, qui reconnaissent l’existence de ces effets, ont souligné la nécessité d’en améliorer notre connaissance, comme l’a dit le Dr Patrick Lévy, médecin conseil de la fédération France Chimie : « nous ne contestons évidemment pas les effets combinés. (…) L’exposition à des substances multiples peut produire des effets combinés : nous pouvons nous référer aux expériences issues de la pharmacologie, notamment les effets combinés des médicaments et de l’alcool, parfois antagonistes, parfois synergiques. Il en est de même pour les produits chimiques. (…) Les effets additifs, antagonistes ou synergiques, dépendent des substances mélangées mais aussi des moments de la vie au cours desquels nous sommes exposés. Ces questions nécessitent une approche scientifique robuste » ([48]).

Les agences publiques admettent également la nécessité impérieuse en santé environnementale de mieux connaître les effets des expositions croisées. M. Sébastien Denys a admis que des efforts étaient encore nécessaires dans ce sens : « nous pouvons encore améliorer l’état des connaissances en ce qui concerne la prise en compte des effets combinés » ([49]), tout comme M. Bertrand Schwartz, adjoint à la directrice scientifique biologie et santé à la direction générale de la recherche et de l’innovation : « aujourd’hui, nous rencontrons des difficultés pour modéliser la présence de cocktails » ([50]).

Cependant, il n’en demeure pas moins que ces questions constituent un défi pour les scientifiques, puisqu’il n’y a pas de limite facilement identifiable à l’étendue de ces expositions multiples. Comme l’explique M. Olivier Toma, porte-parole du Comité du développement durable en santé, « avec les seuils, nous sommes au cœur de l’exposition aux perturbateurs endocriniens par des doses récurrentes infinitésimales. Même si tous les industriels sont de bonne foi en respectant les seuils, si vous accumulez à la fin de votre journée ce que vous avez bu, mangé, respiré et mis sur votre peau, vous avez un effet cocktail et une multi-exposition qui n’en finit pas » ([51]).

En dépit de ces admissions, les progrès réalisés restent nettement insuffisants, et le Pr Robert Barouki a déploré l’absence de connaissances sur ce sujet : « nous ne savons pas gérer le problème des mélanges de substances qui est pourtant une grave question, même en termes de santé publique. Nous continuons à faire comme si la question se posait substance par substance. Les organismes de recherche s’intéressent au problème des mélanges, mais nous n’avons pas suffisamment de connaissances ». Il a également souligné le déficit d’attention portée aux substances émergentes, qui constituent un autre point aveugle de la réglementation : « nous ne mettons pas vraiment en évidence les substances qui émergent. Il faut que nous développions des outils pour le faire » ([52]).

c.   Les expositions multiples, l’exposome et l’effet épigénétique

Les exigences en matière de protection sanitaire sont plus lourdes aujourd’hui que par le passé, ce qui nécessite une connaissance toujours plus fine des causalités environnementales : comme le fait remarquer le Pr William Dab, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers, ancien directeur général de la santé, « ce n’est plus tant la toxicité aiguë liée à l’exposition à des doses importantes de polluants qui pose question, que la toxicité chronique liée à de faibles doses » ([53]). Les problèmes liés à la toxicité aiguë, en-dehors de cas exceptionnels, ont disparu. En revanche, la recherche actuelle se cristallise toujours davantage sur la toxicité accumulée sur le long terme, particulièrement celle issue de l’exposition répétée à de faibles doses. L’analyse des expositions multiples, sur le temps long, à un même facteur, pose des difficultés scientifiques nombreuses, notamment en matière de collecte de la donnée et de suivi des populations.  

Ce caractère illimité de l’exposition est renforcé par la nécessité de prendre en compte l’ensemble des expositions qui affectent un individu. Cet horizon de la recherche, traduit dans la notion d’exposome ([54]), pose des difficultés autant sur le plan de l’action que sur le plan de la connaissance. Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin explique ainsi que : « l’exposome, qu’il soit humain ou environnemental, est une vision complète qui permet de considérer l’ensemble des perturbations et des agresseurs auxquels des personnes ont été exposées dans le temps, (…) l’histoire de vie des individus depuis leur gestation, ce qui nous conduit à mobiliser des disciplines très différentes, avec un renforcement en sciences humaines et sociales ». Du point de vue de l’action publique, la notion emporte également des conséquences, au-delà même de la difficulté de l’analyse : « pour parvenir à une vision complète de l’exposome, nous devrons fortement interagir avec tous les acteurs de la surveillance humaine ou environnementale et avec les agences » ([55]).

Les acteurs ont tous souligné la nécessité d’enrichir notre approche des problèmes de santé environnementale avec la notion d’exposome. Ainsi notre collègue M. Jean-Luc Fugit, président du Conseil national de l’air, a-t-il déclaré : « je souhaite que la notion d’exposome soit prise en compte lors de l’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation des actions de prévention et de lutte contre la pollution de l’air » ([56]).

L’effet sur plusieurs générations, appelé effet épigénétique ou épigénome, complique encore davantage l’étude de l’exposome, puisqu’elle appelle une étude des expositions subies par les ascendants. En effet, comme l’a expliqué Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin : « l’exposition à différentes substances modifie nos organismes par des processus d’épigénétique, l’adaptation génétique étant sans doute plus rapide que ce que nous imaginions. Pour l’instant, nous ne savons pas très bien comprendre les conséquences de ces phénomènes » ([57]). Mme Mélanie Delozé, secrétaire générale de la Ligue contre l’obésité, a confirmé ce risque pour ce qui concerne spécifiquement les perturbateurs métaboliques responsables de l’obésité : « les altérations physiopathologiques induites par les perturbateurs endocriniens obésogènes peuvent être programmées épigénétiquement dès le stade fœtal, se déclarer des années plus tard et être transmises aux générations futures » ([58]) .

d.   Les effets dose-réponse non monotones

Les deux dernières décennies ont également vu l’avancée des recherches sur des agents aux modalités d’action nouveaux, les perturbateurs endocriniens, qui ont la particularité de ne pas toujours obéir aux mêmes principes chimiques que d’autres substances. Il n’existe pas encore de consensus scientifique au sujet de ces évolutions. Comme l’a rappelé notre collègue Mme Laurianne Rossi, co-rapporteure d’une mission d’information sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique, « les perturbateurs endocriniens peuvent produire un impact sur plusieurs générations. Les modes d’action des perturbateurs endocriniens les rendent non seulement irréversibles, mais également redoutables. Ils peuvent avoir un impact à très faible dose, interagir les uns avec les autres dans le cadre d’un effet cocktail et produire leurs effets des années après l’exposition » ([59]).

L’effet des perturbateurs endocriniens, par exemple du bisphénol A, met en cause le principe de Paracelse, selon lequel « c’est la dose qui fait le poison », axiome directeur de la toxicologie depuis le XVIe siècle. Cette règle veut que plus la dose d’une substance toxique absorbée est élevée, plus l’effet sur la santé est important, de même que la probabilité de voir survenir un effet indésirable, avec un profil de toxicité linéaire. Sa remise en cause provient de la découverte du mode d’action de certaines substances, dont l’effet peut être plus marqué à faible dose qu’à des doses plus élevées, ou bien avec un effet peu remarqué à des doses intermédiaires. On parle dans ces cas-là de relations dose-réponse non monotones (DRNM). En 2009, la Société américaine d’endocrinologie a proposé dans un article majeur, où elle proposait pour la première fois de suivre systématiquement le principe de précaution là où sont concernés les perturbateurs endocriniens, de compléter la formule classique de la toxicologie par le principe selon lequel, pour certaines substances, « c’est la fenêtre qui fait le poison » ([60]). Ce principe fait la liaison entre la question des réactions DRNM et celles des moments de la vie ou « fenêtres de vie » particulièrement vulnérables, comme la période intra-utérine, la période d’allaitement, la puberté et la vieillesse.

Certaines des personnes auditionnées ont cependant souligné les dangers de la surreprésentation de ces évolutions : ainsi, le Dr Constantin Dallot, toxicologue et responsable santé-environnement auprès de la fédération France Chimie : « je maintiens que la dose reste un concept pertinent dans la recherche pour un grand nombre de substances. Il est faux d’affirmer que la dose ne fait pas le danger pour toutes les substances. Je vous invite à lire les travaux de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), auxquels l’Anses a largement contribué. Un rapport entier a été publié, après une revue exhaustive de la littérature sur le sujet de la sécurité alimentaire, et il conclut que la question des relations DRNM n’est toujours pas tranchée, en particulier pour les perturbateurs endocriniens. Je ne remets pas non plus en cause, pour ce qui concerne l’évaluation des risques des substances en mélange, l’existence des effets combinés. Il s’agit en effet d’un grand chantier de recherche pour les prochaines années, auquel France Chimie veut évidemment contribuer, dans le but d’optimiser les efforts communs » ([61]). Bien que cette fédération représente la profession des entreprises chimiques, votre rapporteure estime qu’il est important de ne pas ignorer son point de vue.

e.   Les agrégats spatio-temporels

L’agrégat spatio-temporel ([62]), sujet central aux préoccupations de votre rapporteure qui sera abordé dans la deuxième partie de ce rapport, est emblématique des difficultés qui peuvent caractériser l’approche scientifique en santé environnementale, en ce qu’il cristallise les questions méthodologiques sous-jacentes au domaine. L’agrégat spatio-temporel est défini en épidémiologie comme un regroupement dans le temps et dans l’espace d’un nombre supérieur à la norme d’événements sanitaires d’un type donné ([63]). Les signalements d’agrégats spatio-temporels suspectés, qui concernent dans 74 % des cas des regroupements de cas de cancers, se sont multipliés à partir des scandales de santé publique fortement médiatisés dans les années 1970, notamment aux États-Unis. Les difficultés sont nettement mises en lumière par le très faible taux d’enquête concluant à une origine environnementale commune : par exemple, 0 sur 120 agrégats rapportés aux Pays-Bas entre 1992 et 1997, 0 sur 38 en France entre 1997 et 2002 ([64])

Les agrégats spatio-temporels suspectés de maladies non contagieuses sont directement concernés par le problème de la régression infinie des causes, facteur d’une grande partie des incertitudes qui posent problème aux scientifiques de la santé environnementale. Une proportion écrasante des enquêtes étiologiques sur ces phénomènes se solde par l’absence de reconnaissance d’un facteur commun explicatif. Ceci peut laisser penser à un regroupement aléatoire qui, en termes de probabilité, est rarement étonnant. Selon les chercheurs Michael D. Coory et Susan Jordan, « l’aléatoire ou le hasard véritables n’existent pas dans les données épidémiologiques. Le concept de hasard est introduit dans l’analyse comme un outil pragmatique pour décrire l’accumulation d’une grande quantité de petites variations, dont il est infaisable ou non rentable de retracer les causes » ([65]). Le renvoi au hasard masque l’impuissance que nous avons, avec les outils scientifiques et les données qui sont les nôtres, à aboutir à une explication qui permettent de rendre compte de la diversité des facteurs, notamment environnementaux, en cause.

2.   L’évaluation des risques est sujette à des difficultés matérielles et à des incertitudes qui peuvent susciter des polémiques

La corrélation entre un facteur environnemental et ses effets sanitaires n’est pas évidente à établir, donnant souvent lieu à des estimations divergentes. L’impact de facteurs environnementaux sur les déterminants de la santé humaine continue en effet de poser des questions majeures en termes d’évaluation quantitative. Comme le souligne le démographe M. Jean-Marie Robine, « il est extrêmement difficile de pointer avec certitude un phénomène de surmortalité dû à l’environnement « ([66]). Les facteurs environnementaux ayant potentiellement contribué à la mort n’étant que rarement mentionnés au certificat de décès, il ne peut pas y avoir de relation statistique immédiate entre les causes individuellement constatées pour les décès et les chiffres avancés pour étayer la dangerosité d’un facteur. En revanche, les associations entre un polluant et un effet sanitaire sont mesurables à grande échelle, ce qui permet l’établissement d’estimations statistiques en fonction de pourcentage de responsabilité factorielle ([67]).

Ainsi que l’a souligné M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, questionné à ce sujet par notre collègue M. Yannick Haury lors de son audition, « ces chiffres, qui émanent de l’OCDE, sont forcément basés sur des hypothèses, des modèles et des conventions comme toutes les estimations dont nous disposons. Il en est ainsi concernant les 48 000 à 67 000 morts liées, annuellement, à la pollution de l’air « ([68]). Le Dr Pierre Souvet, cardiologue, président de l’association Santé environnement France, a également mis en avant ce décalage : « Prenons l’exemple de la qualité de l’air. D’après Santé publique France, les particules fines causent 48 000 morts et ce sont maintenant les ultrafines qui poseront problème, car elles pénètrent encore davantage, sont encore plus inflammatoires et touchent notamment le cerveau. D’après la Société européenne de cardiologie, en revanche, la qualité de l’air est liée à 67 000 morts » ([69]).

La mesure du risque donne lieu à des difficultés qui s’intensifient au fur et à mesure des découvertes. L’identification de certains moments particulièrement sensibles dans la vie des individus, qui en augmentent la vulnérabilité aux facteurs environnementaux potentiellement pathogènes, est une caractéristique de la toxicologie contemporaine. C’est le cas de la période prénatale et postnatale en particulier, la période dite des « mille jours », « qui s’étend de la conception aux deux ans de l’enfant, qui est d’une grande importance aujourd’hui pour comprendre l’action les perturbateurs endocriniens » ([70]).

Or cette spécificité de certaines périodes complique encore davantage l’acquisition d’une connaissance expérimentale, quand on l’ajoute à l’impossibilité de tester des produits à effets négatifs suspectés sur des sujets humains et, pour ce qui concerne les produits et ingrédients cosmétiques, l’impossibilité de tester sur des sujets animaux. Comme l’écrivent les rapporteurs de la mission de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences, « l’exposition à des substances chimiques à certaines périodes, y compris prénatales, ou sur des périodes longues, est ainsi susceptible d’avoir des effets massifs, qui sont mal appréhendés à travers des tests de toxicité classiques qui s’intéressent principalement aux effets immédiats et aigus d’une exposition massive et non diffuse » ([71]).

Dans les auditions menées, plusieurs spécialistes ont aussi regretté la confusion fréquente entre dangers et risques et appelé à clarifier les rapports entre les deux, au bénéfice d’un débat structuré sur les risques emportés par l’exposition à un facteur. Il est également nécessaire, comme l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées, de s’interroger non seulement en termes de produits mais aussi en termes d’usages. C’est ce qu’a exprimé notre collègue Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, en faisant un rapprochement avec l’usage de substances potentiellement toxiques par les médecins : « En matière phytosanitaire, les débats se focalisent sur les produits, et pas sur leurs usages, ce qui est incompréhensible. Quelles sont les causes de cette situation ? Les médecins, par exemple, n’ont de cesse, eux, d’utiliser des produits toxiques dangereux : ils le font toutefois pour répondre à une situation donnée et en respectant une posologie précise » ([72]).

La plupart des substances posent un danger abstrait, à commencer même par l’eau, dans laquelle il est possible de se noyer. M. Philippe Prudhon a expliqué que « si une substance possède des propriétés intrinsèques potentiellement dangereuses, elle peut toujours être utilisée, mais exclusivement pour ces propriétés-là. Par exemple, un acide est utilisé parce qu’il est corrosif. Néanmoins, l’analyse des risques de ces produits doit être correctement menée. Sinon, la mise sur le marché fera l’objet de restrictions » ([73]). Mme Marie Zimmer, représentant également la fédération France Chimie, a ajouté que « la présence de substances dangereuses doit être mise en parallèle avec la notion de risque. Le risque est avant tout lié à l’exposition des citoyens, mais il n’est pas un danger dans l’absolu » ([74]).

Les approches scientifiques utilisées dans la santé environnementale donnent donc lieu à un rapport à la preuve difficile, qui suscite une remise en cause constante des résultats obtenus. Dans la détermination des potentielles causes environnementales de faits sanitaires, les relations causales sont rarement univoques et sans ambiguïté. Les scientifiques interrogés ont convenu que des carences scientifiques demeurent, non seulement en termes de données à notre disposition mais aussi en termes de méthode. L’absence de certitude, qui caractérise fréquemment les enquêtes issues des suspicions de liens, ne doit pas traitée comme le signe conclusif de l’absence d’un lien, mais plutôt comme uniquement le signe d’une carence épistémologique.

M. Cédric Bourillet a expliqué la difficulté qu’il peut y avoir à adopter au niveau européen une attitude commune vis-à-vis de l’incertitude et du doute : « sur la scène européenne, chacun s’accorde sur l’application du principe de précaution et la prise de décisions fondées sur la science. Face aux cas concrets d’application et à une certaine forme d’incertitude, le principe de précaution et la décision basée sur la science ne sont pas perçus de manière identique. Nous sommes face à un rang de sensibilités, parfois personnelles, et de cultures nationales qui interrogent sur le moment où il peut être considéré que des éléments laissent présumer l’existence d’un risque ou que la science a apporté des données relativement convaincantes. Les différences d’appréciation sont très difficiles à faire converger. De nombreux exemples pourraient être cités : les nanomatériaux, les perturbateurs endocriniens et les produits phytosanitaires où nous nous heurtons à cette difficulté avec des agences sanitaires dont les rapports mettent en évidence une incertitude. Un même rapport lu par différents États membres ou différentes personnes n’amènera pas la même envie d’appliquer le principe de précaution » ([75]).

B.   des arbitrages politiques difficiles et peu expliquÉs

1.   L’arbitrage entre le gain économique et la sécurité sanitaire s’impose comme la difficulté majeure de la réduction des risques

Il n’existe pas de méthode scientifique harmonisée pour la détermination des enjeux environnementaux, et pour décider si les externalités, notamment sanitaires, engendrées par diverses pratiques sont acceptables ou non. Comme l’a expliqué le Dr Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) : « la prise en compte, dans les enjeux environnementaux, des approches de type bénéfice-risque renvoie au fait qu’il n’existe pas, sur ce plan, de méthode scientifique harmonisée. Ainsi, le poids des externalités et son acceptation par toutes les parties représente une question en soi.  (…) Encore une fois, l’évaluation bénéfice-risque intervient pour chaque cas spécifique et demeure complexe : elle l’est d’autant plus qu’il n’existe pas, sur ce plan, de méthode scientifique. À l’inverse, l’évaluation des risques toxicologiques, par exemple, s’appuie sur des méthodes harmonisées, depuis des décennies, au niveau international. S’agissant de l’approche socioéconomique, il n’y a pas de méthodologie standardisée faisant consensus » ([76]).

Les arbitrages entre préservation ou stimulation du tissu économique d’un côté, et protection sanitaire de l’autre, se posent fréquemment en matière de gestion du risque, notamment en ce qui concerne les autorisations d’exploitation et de mise sur le marché. Ainsi le régime de réglementation des produits chimiques, issu du règlement européen du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) ([77]), vise-t-il à concilier un « niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement » et « l’amélioration de la compétitivité et l’innovation ». De nombreuses personnes auditionnées ont vu dans cette tentative de conciliation une faiblesse, puisque la nécessité d’encadrer l’usage d’une substance peut être compensée par celle d’accompagner et de stimuler l’innovation.

Ce sont ces problématiques qui le plus souvent motivent la suspicion des populations vis-à-vis des pouvoirs publics. Ces problèmes de crédibilité des pouvoirs publics ont été relayés par notre collègue Mme Annie Chapelier : « Qu’entendez-vous par biosécurité, alors que des mesures pour lesquelles des réponses rapides sont attendues n’arrivent pas ? Les échéances sont constamment repoussées. J’ignore si des intérêts économiques et des formes de lobbying sont en jeu, mais les résultats sont visibles sur la santé environnementale. Vous vous faites les promoteurs de la biosécurité et de la prévention. Or les mesures sur lesquelles des scientifiques ont établi des faits précis, puisque nous disposons d’études statistiques absolument imparables montrant la nécessité de changer de mode de fonctionnement, sont insuffisamment prises en compte. Par exemple, dans ma circonscription, je suis confrontée à des problématiques locales concernant la santé environnementale et la direction de l’agriculture. Nous constatons une invasion d’ambroisie qui fait l’objet de recommandations de mesures inapplicables dans les faits » ([78]).

L’existence de ces questions motive des interrogations récurrentes sur l’indépendance des décisions politiques en la matière et la capacité des personnes qui prennent ces décisions à s’extraire des réseaux d’influence et d’intérêt. Notre collègue M. Dominique Potier, spécialiste des questions phytosanitaires, a exprimé ainsi la difficulté : « la démarche [de réglementation de l’usage des produits phytosanitaires] passe par des groupes de pression qui portent des plaidoyers visant à retarder la mise en œuvre et à argumenter sur des risques de pertes économiques et de compétitivité, notamment dans les filières végétales, et qui demandent davantage de temps pour se réformer et mettre en œuvre les réformes » ([79]).

Les déterminations de sécurité sanitaire reposent toujours, en définitive, sur une appréciation politique de l’acceptabilité du risque au regard du bénéfice tiré de la source d’exposition. Ce ne sont pas les agences d’expertise chargées de l’évaluation des risques qui décident en dernier ressort, mais les autorités politiques. Comme l’a expliqué le Dr Roger Genet, « distincte de la situation d’excès de risque, l’appréciation du coût bénéfice-risque de chaque action doit être le fait des décideurs publics, sans que nous puissions y procéder à leur place. Pourquoi un produit est-il interdit aujourd’hui et ne l’était pas hier ? Parce que les données accumulées du fait de l’évolution des connaissances montrent que le risque – une substance représente un risque par nature – au regard de tous les éléments dont on peut disposer est devenu inacceptable » ([80]).

2.   Les objectifs sanitaires et environnementaux peuvent, dans certains cas, s’opposer

Il devient plus fréquent que des arbitrages doivent se faire sur des solutions offrant un bienfait environnemental mais présentant un risque, éventuel ou avéré, pour la santé des populations. La méthanisation, par exemple, a pour objectif de faire de la ressource naturelle gazière, considérée comme une énergie fossile, une énergie renouvelable : le biogaz permet ainsi un verdissement de la production gazière tout en offrant aux agriculteurs établis en France une source complémentaire de revenus. Selon l’audition des collectifs de méthanisation, réalisée par la commission d’enquête sur l’impact des énergies renouvelables en juin 2019, ces avantages ont suscité une ignorance délibérée des effets néfastes des procédures de méthanisation sur la qualité de l’eau (nappes phréatiques contaminées), de l’air et des sols ([81]). Notre collègue M. Philippe Chalumeau a relevé les difficultés qui peuvent se poser, en évoquant la « ferme des mille vaches » à propos des « pratiques qui peuvent avoir un impact sur la santé » et en faisant le lien entre sujets environnementaux émergents, transition écologique et sécurité sanitaire ([82]).

Ces arbitrages problématiques ont été soulevés et décrits par notre collègue Mme Annie Chapelier : « concernant la rénovation thermique, un article récemment publié par plusieurs scientifiques faisait remarquer que de nombreux chantiers étaient réalisés avec des matériaux polluants, souvent d’origine pétrochimique. Certes, ces matériaux limitent la déperdition d’énergie, mais ils augmentent la pollution au sein du bâtiment, et leur élimination en fin de vie est problématique pour l’environnement » ([83]).

Ces arbitrages concernent également nos modes d’alimentation. En effet, la tendance actuelle à favoriser les régimes légers en viande, voire à évoluer vers la substitution des produits carnés, peut entraîner un glissement vers une alimentation plus préparée. C’est un souci qu’a relevé notre collègue M. Pierre Venteau : « De nombreuses discussions portent actuellement sur la qualité ou la dimension sanitaire de l’alimentation. Il est notamment beaucoup question de la nécessité de diminuer la consommation de viande, en vue finalement d’un effet global. Toutefois, la presse et un certain nombre d’études scientifiques font beaucoup état, aussi, du fait que les solutions végétales alternatives sont trop préparées et comportent beaucoup d’additifs. En termes de santé, ne court-on pas aussi un risque à se tourner ainsi vers une alimentation ultra-préparée, même si elle se veut à très faible empreinte carbone ? » ([84]).

La santé environnementale nourrit des polémiques. Votre rapporteure, à qui tient à cœur la diversité des points de vue, estime que celles-ci sont nécessaires. Cette diversité favorise la pluralité des approches scientifiques, qu’il ne doit pas s’agir de faire taire en faveur d’un consensus fabriqué, encore moins de donner l’impression de museler par l’élaboration d’un unanimisme de façade.

 

 


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   DEUXIÈME PARTIE :
LES LIMITES DE LA MISE EN ŒUVRE D’UNE POLITIQUE DE
SANTÉ ENVIRONNEMENTALe À L’ÉCHELLE NATIONALE

I.   quinze annÉes de planification nationale : RÉussites sectorielles et échecs transversaux

Agir quotidiennement pour la santé au travail, diminuer l’utilisation des pesticides, du glyphosate, des produits phytopharmaceutiques dans l’agriculture, mobiliser les moyens de lutte contre le cancer, les risques de l’amiante, du radon, des micropolluants, des perturbateurs endocriniens, préserver la biodiversité, surveiller la qualité de l’air ambiant, réduire les émissions de polluants atmosphériques, agir pour la qualité de l’air intérieur, pour la qualité de l’eau, qu’il s’agisse des conséquences des polychlorobiphényles ou des résidus de médicaments, maîtriser l’antibiorésistance, convaincre des bienfaits d’une meilleure alimentation, développer une stratégie nationale de santé : toutes ces actions sur les déterminants environnementaux de la santé ont ceci de commun qu’elles relèvent de feuilles de route qui leur sont propres, chacune la sienne.

Bref, toute une politique de santé environnementale sans en porter le nom. Toujours une dénomination pompeuse échoue à masquer le manque de résultats. Or, deux inspections générales, autant dire des évaluateurs de métier, appartenant à deux administrations qui savent ce que les mots « santé environnementale » veulent dire, deux inspections générales ayant remis chacune son rapport, rapport circonstancié et au constat sans équivoque, chacune entendue deux heures par la commission d’enquête, au début de ses travaux, deux inspections prestigieuses dans le monde de l’évaluation donc, ont excellemment évalué, contextualisé et conclu : le plan national santé-environnement ne sert à rien.

Aucun intérêt ne pouvant plus raisonnablement s’attacher à recommencer cette démonstration sans équivoque, il suffira, pour votre rapporteure, d’une annexe récapitulative des critiques faites à la troisième tentative, toujours vaine, de donner de la consistance à un exercice de pure communication, sans prise sur le réel ([85]).

L’action efficace en santé environnementale, tous les acteurs de terrain le savent – services déconcentrés, collectivités territoriales, associations, par exemple – résultera toujours de l’accomplissement de tâches concrètes, comme l’inspection des sites industriels classés, la prévention des maladies professionnelles dues aux produits chimiques, l’intensification des efforts pour diminuer la pollution de l’air, c’est-à-dire de la mise en œuvre quotidienne de feuilles de routes réalistes, sans aucune nécessité de rattachement à un prétendu plan national, qui à force de transversalité, toujours cherchée jamais atteinte, échoue dans l’abstraction et les généralités.

A.   La politique NATIONALE, TROP TRANSVERSALE ET ABSTRAITE, fait l’objet d’un manque de volonTÉ POLITIQUE

1.   Derrière l’affichage, des temps morts et une diminution de ressources qui sapent l’effectivité de la dynamique planificatrice

Le plan national santé-environnement n’a pas de valeur contraignante. Ainsi, l’article L. 1311-6 du code de la santé publique prévoit uniquement que : « Un plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement est élaboré tous les cinq ans. Ce plan prend notamment en compte les effets sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie, y compris le milieu de travail, ainsi que ceux des événements météorologiques extrêmes ».

La dynamique de programmation dépend étroitement de l’impulsion politique qui est donnée à sa mise en œuvre, du fait notamment de l’absence de caractère juridiquement contraignant des instruments mobilisés. Or cette impulsion n’apparaît pas suffisante au niveau national. Mme Marie-Jeanne Husset, administratrice de WECF France, a ainsi déclaré de façon très claire devant la commission d’enquête : « Les questions de santé-environnement ne sont pas prises en charge au plus haut niveau de l’État » ([86]).

Ce constat rejoint celui dressé par M. Alexandre Joulin, chargé de mission agroécologie et innovation à la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) du Grand Est, à propos du plan Écophyto, qui comporte également de forts enjeux de santé environnementale : « J’ai suivi pendant plus de vingt ans les différentes politiques de réduction ou d’action ministérielle et interministérielle sur les produits phytosanitaires : nous avons eu tendance à osciller entre des périodes volontaristes et des périodes d’inertie. Écophyto, qui a traversé trois majorités et s’inscrit dans la durée, s’est retrouvé dans cette position, avec une période flottante où nous ne savions pas vraiment quelles étaient les consignes et les volontés de conduite de ce plan » ([87]). Notre collègue M. Dominique Potier affirme d’ailleurs que ce plan fait l’objet depuis 2015 « d’une forme d’incurie publique par absence de volonté politique ou d’incapacité publique à mettre en œuvre une politique » ([88]).

Un même phénomène prévaut au niveau territorial où les impulsions politiques données aux questions de santé environnementale se révèlent variables et dépendent de l’implication personnelle des élus. M. Philippe de Mester, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d’Azur, illustre ainsi les limites de son action : « Nous essayons de susciter le partenariat et avons constitué un réseau assez opérant avec des associations, des agences. Il se révèle plus inégal avec les collectivités territoriales, quelle que soit leur taille, l’efficacité de la démarche étant plutôt liée à une volonté politique de la part des élus. Certaines petites collectivités ont de très bonnes approches, s’engagent pour la qualité de l’eau, pour améliorer la protection de la ressource tandis que de grosses collectivités peuvent avoir une certaine difficulté à faire prévaloir des problématiques en ce qui concerne l’insalubrité ou la qualité de l’air par exemple » ([89]).

Cette difficulté à établir une priorisation des problématiques en matière de santé environnementale a des conséquences concrètes d’application, qu’a soulignées le Dr Rémy Slama, directeur de l’institut thématique de santé publique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui a décrit un « manque de vision structurante dans la mesure où il s’agit davantage d’une logique de micro-management que d’une grande stratégie structurée, ainsi qu’un faible effet d’entraînement » ([90]).

Cet enjeu de priorisation se heurte en outre à la question des moyens, tant au niveau des ressources humaines des acteurs de la santé environnementale que de l’absence de ressources financières spécifiquement associés aux outils de planification.

Concernant les moyens humains, M. Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail de Santé publique France, alerte ainsi sur la réduction des effectifs à laquelle cette agence est confrontée, ce qui amoindrit de surcroît ses possibilités de recherche prospective, une activité pourtant essentielle au développement de la prévention : « Les directions santé-environnement et santé-travail ont pourtant enregistré une diminution de près de 15 % de leur effectif depuis 2016 » or « de nombreuses urgences doivent être traitées en continu (…). Cela laisse peu de temps pour les exercices de prospective. (…) Que va-t-il se passer dans dix ans, dans vingt ou cinquante ans ? Notre rôle est aussi de prévoir ces évolutions ; or, nous ne disposons pas du temps nécessaire pour le faire. D’une part, nous manquons de ressources internes et, d’autre part, nous sommes déjà accaparés par les sujets d’actualité » ([91]).

Cette situation doit être rapprochée de celles de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), que son directeur général M. Raymond Cointe présente en des termes similaires : « Notre point de préoccupation essentiel à l’Ineris concerne les effectifs. Nous perdons 2 % de nos effectifs, c’est-à-dire dix personnes par an depuis 2013, ce qui commence à faire beaucoup. (…) Très concrètement, ce qui me manque le plus actuellement pour développer nos capacités d’expertise, ce sont des bras » ([92]).

Cette trajectoire baissière générale a d’ailleurs été critiquée devant la commission d’enquête par le Pr William Dab, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers, ancien directeur général de la santé : « le pilotage par les moyens et le fait d’exiger des établissements de rendre chaque année vingt postes ne constituent pas une manière de mener une politique publique. En effet, les missions à supprimer ne sont pas indiquées. S’il s’agit de faire la même chose avec moins, je ne vois pas comment c’est possible » ([93]).

La Pre Francelyne Marano, vice-présidente de la commission spécialisée dans les risques liés à l’environnement du Haut Conseil de la santé publique, met ainsi en lumière que les financements retenus ont correspondu à des « décisions prises au niveau des services de l’État, en fonction d’une hiérarchisation qui n’était pas forcément celle qui était souhaitée par les différentes parties prenantes, mais qui répondait aux besoins du moment. Il ne s’agissait pas systématiquement de mauvais choix » ([94]).

En dernière analyse, votre rapporteure ne peut que souscrire à l’appréciation globale de la situation par le Pr William Dab : « sur le terrain, nous ne sommes pas équipés à la hauteur des enjeux », ce qui apparaît préjudiciable car « ce décalage trop grand entre les ambitions affichées dans les différents plans et notre capacité à les réaliser suscite un problème de confiance du public » ([95]).

2.   L’approche multidisciplinaire souhaitée se heurte en pratique à une carence d’articulation et de coordination

a.   La prolifération des plans suscite des problèmes de coordination

Dans le domaine de la santé environnementale, l’absence de courage politique se traduit par une prolifération tous azimuts des plans sectoriels et transversaux. Le Dr Éric Vindimian, ingénieur en chef du génie rural, des eaux et forêts, porte à cet égard un jugement sévère : ces initiatives « sans aucun moyen financier associé, relèvent davantage de la communication que d’une réelle volonté d’agir » ([96]).

Il poursuit en relevant que le sujet se prête à des difficultés politiques à assumer des choix sur des projets identifiés, ce qui peut amener à la multiplication des engagements sans lendemain : « Les agents des ministères nous l’ont dit au cours de nos discussions, en nous expliquant que lors du dispositif “grenellien” où l’ensemble des acteurs étaient réunis, toutes les propositions ont été acceptées et traduites en actions, “pour faire plaisir”. Il n’y avait aucune perversité dans le processus, il s’agissait de satisfaire les exigences des parties prenantes, sans être capables, pour autant, de mobiliser les moyens afférents. Ces parties prenantes ont toutefois été quelque peu trompées, puisqu’elles croyaient que leurs propositions allaient se concrétiser » ([97]).

Globalement, chacun participe toutefois à la politique transversale d’amélioration de la santé environnementale. Pour illustrer cette dynamique avec quelques exemples précis, M. Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail de Santé publique France, explique que : « Le plan chlordécone a ainsi permis d’obtenir des données intéressantes en lien avec l’Anses et de recommander des mesures de diminution des expositions de la population, en dépit d’incertitudes persistantes. Le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) constitue un enjeu majeur en termes de santé publique, pour ces prochaines décennies. (…) Le plan Écophyto II+ répond à la question des pesticides et, plus précisément, à l’exposition des riverains aux pesticides. Le plan national canicule (PNC) a rendu possible la constitution du système d’alerte canicule et santé que pilote l’agence » ([98]).

Cette multiplicité de plans et de stratégies suppose une implication forte en termes d’animation pour les acteurs de la santé environnementale. Par exemple, pour la filière de l’agriculture, M. Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), expose que « la profession est présente dans de nombreuses instances contribuant aux différents plans d’action liés à la santé environnementale dont le programme national nutrition santé (PNNS), le programme national pour l’alimentation (PNAN), le plan ÉcoAntibio, le plan Écophyto II+, les mises en œuvre des différentes directives relatives aux nitrates», le plan national de réduction des émissions de pollutions atmosphériques, le plan Biodiversité, les dispositifs de lutte contre l’artificialisation du foncier, le plan protéines, le plan santé au travail (PST), la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (…) » ([99]).

Toutefois, de nombreuses personnes auditionnées par la commission d’enquête ont déploré le manque de coordination entre les dispositifs sectoriels nationaux, à la fois sur le fond des thématiques traitées et dans les temporalités retenues par les plans. M. Olivier Toma, porte‑parole du comité pour le développement durable en santé (C2DS), constate ainsi que « nous n’avons aucune coordination entre ces plans. Le plan santé au travail (PST) et les plans régionaux santé au travail (PRST) n’ont aucune coordination. (…) Le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), quant à lui, n’a aucune connexion avec les programmes précédents » ([100]).

Quant à la concordance des sujets et des délais de mise en œuvre, M. Sébastien Denys relève que « la coordination des différents plans existants – et des actions qui en découlent – semble constituer un axe d’amélioration à part entière. (…) De manière générale, l’interdisciplinarité, insuffisante à ce jour, gagnerait à être développée. (…) La coordination de l’ensemble des plans existants faciliterait la mise en œuvre d’objectifs communs, selon une temporalité plus alignée » ([101]).

Si la coordination entre les dispositifs contribuant à la promotion de la santé environnementale doit être améliorée pour assurer une cohérence transversale, la suppression des plans sectoriels pour les fusionner dans un seul et même plan n’apparaît pas nécessairement une démarche opérationnelle. En matière d’action publique, M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, estime ainsi que « il est sain de travailler sur des plans sectoriels afin de créer une collectivité de travail autour des sujets concernés, lesquels ont besoin de parties prenantes spécifiques. Tout englober conduirait à créer un “giga-plan” intégrant des centaines d’actions qui représenteraient la somme de toutes celles qui figurent dans les plans sectoriels. En outre, le nombre des parties prenantes serait considérable. Ces plans sectoriels me semblent nécessaires pour s’assurer d’inclure et de former les bonnes personnes, de créer les réseaux adéquats et de disposer des bons relais. Faute d’espace de discussion dédié, nous manquerons d’efficacité sur ces sujets » ([102]). Un meilleur équilibre entre les dispositifs doit cependant être atteint, qui pourrait passer selon M. Cédric Bourillet par la création d’un tableau de bord transversal de suivi des indicateurs concernant la santé environnementale.

Certaines personnes auditionnées émettent même l’idée de renoncer à un fonctionnement par plans périodiques pour basculer vers un système d’action plus continue. M. Alexandre Leonardi, chef du service prévention des risques et des nuisances de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) d’Île-de-France, présente ainsi une autre option qui « pourrait consister dans des feuilles de route continues, comme on le fait pour d’autres politiques publiques. Ces feuilles de route seraient entretenues et mises à jour régulièrement. On y nettoierait les actions qui n’ont plus lieu d’être, on en ajouterait de nouvelles » ([103]).

b.   Un cloisonnement persistant qui inhibe une approche plus connectée

Le problème du cloisonnement persistant des activités de chacun et du traitement séparé de problématiques qui pourrait gagner à plus de transversalité a été souvent soulevé devant la commission d’enquête et semble constituer un marqueur des politiques de santé environnementale.

C’est particulièrement le cas de la politique de lutte contre la pollution de l’air, comme l’explique Mme Marine Tondelier, déléguée générale d’Atmo France : « Bien que l’air que nous respirons soit toujours le même, la question de sa qualité n’est pas traitée par les mêmes directions publiques selon qu’il se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur. La question des pollens relève même de la direction générale de la santé au sein du ministère de la santé. Les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) se trouvent donc ballotées entre plusieurs ministères. (…) Cette situation appelle le besoin d’une approche transversale de la qualité de l’air dans les politiques publiques, comme le Conseil national de l’air le demande » ([104]).

De manière plus générale, M. Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), appelle à changer de perspective dans le traitement des questions de santé environnementale pour adopter une approche connectée : « une façon de travailler différemment, valable également pour les politiques publiques, serait de ne pas aborder les questions par grand thème, par grand secteur : c’est opérant à court terme, mais sclérosant à moyen et long terme. Nous sommes plutôt dans la logique de faire disparaître les cloisons comme vous le verrez dans notre document d’orientation 2020-2030. Nous travaillons de plus en plus sur des nexus. Ils vont d’un nexus “alimentation-santé-environnement” à un nexus “énergie-eau-biodiversité”. Il est possible que, à l’échéance de quelques mois ou années, les directions scientifiques (DS) “agriculture”, “environnement”, “alimentation et bioéconomie” soient obsolètes parce que nous ne raisonnons plus ainsi et ne concevons plus les solutions ainsi » ([105]).

Le manque actuel de transversalité affecte de surcroît la circulation des informations et pose notamment des problèmes de visibilité du suivi des recommandations délivrées par les agences d’expertise, comme le signale M. Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail de Santé publique France : « Le manque de visibilité est un problème partagé par de nombreuses agences. Nous n’avons effectivement pas toujours de visibilité sur le devenir de l’ensemble de nos recommandations, une fois émises » ([106]).

Au-delà, la multiplicité d’acteurs impliqués dans la santé environnementale n’empêche pas non plus des effets de redondance dans les actions de ceux-ci. Dans le domaine de la recherche, M. Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), rapporte par exemple que : « ce qui s’est souvent fait et se fait malheureusement encore est plutôt de la duplication : plutôt que de mettre en commun des moyens sur une plateforme commune, chaque organisme développe sa propre plateforme, par exemple pour doser les métabolites chez l’homme. Il existe ainsi une plateforme métabolomique à Toulouse pour l’Inrae, tandis que l’Inserm a ses propres plateformes » ([107]).

La coordination des actions est rendue d’autant plus complexe que chaque acteur déploie une programmation spécifique dans un cadre temporel qui lui est propre. M. Laurent Vilbœuf, directeur général du travail par intérim, illustre ainsi les difficultés de mise en œuvre des plans de santé au travail (PST) : « nous travaillons avec de nombreux partenaires qui ont leur propre programmation, comme la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) qui a sa propre convention d’objectifs et de gestion (COG), sa propre temporalité, ses propres financements et ses propres indicateurs. Il faut réussir à conjuguer et calibrer tout cela » ([108]).

Toutefois, des bonnes pratiques d’information et de collaboration entre acteurs ont tout de même émergé dans le domaine de la santé environnementale, qu’il importe d’encourager pour votre rapporteure tout en renforçant leur visibilité encore restreinte. Santé publique France et l’Anses ont par exemple développé, à destination des décideurs et du grand public, un document détaillant les complémentarités entre ces deux agences, en particulier dans le champ de la santé environnementale au sein duquel elles travaillent sur des sujets proches, comme l’a indiqué à la commission d’enquête M. Sébastien Denys.

Afin de formaliser la mise en relation des acteurs pour stimuler les échanges entre parties prenantes et permettre une prise en compte transversale des problématiques de santé environnementale, tout en faisant progresser la connaissance de ces sujets par les citoyens, votre rapporteure propose de tenir annuellement une conférence nationale de santé environnementale. La composition exacte de cette conférence devra être définie par des discussions inclusives et participatives avec l’ensemble des acteurs.


B.   mieux articuler les approches transversale et sectorielle

1.   Les succès en matière de santé publique et santé environnementale sont associés à des actions spécialisées

Les succès en matière de santé publique et santé environnementale relevés devant la commission d’enquête sont issus d’approches sectorielles, marquées par des volontés concrètes bénéficiant d’une identification réelle par les acteurs et d’une certaine effectivité sur le terrain.

Trois politiques publiques ont été particulièrement mises en avant par les personnes auditionnées comme pouvant constituer des modèles à adapter pour améliorer l’efficacité de l’action en santé environnementale. Pour votre rapporteure, ces exemples réussis ont en effet toute leur place dans les réflexions actuelles.

En matière de gouvernance, le Dr Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), considère que le plan national consacré au cancer est un modèle du genre car :

– il comporte la réalisation d’un état des lieux de départ et la fixation d’objectifs d’amélioration explicites et compréhensibles par la population, sur les plans de la prévention, de la prise en compte des familles, des avancées scientifiques et des traitements ;

– la mise en œuvre de ses actions, si elle a mobilisé de très nombreux acteurs, a été supervisée par un maître d’œuvre, l’Institut national du cancer (INCa), chargé, chaque année, de remettre un rapport au Président de la République, permettant une gouvernance au plus haut niveau de l’État.

Le Dr Roger Genet estime donc que « la visibilité de cette démarche, tant dans la définition des objectifs que dans son portage, a permis au plan de lutte contre le cancer d’être le plan ayant joui du plus fort écho dans les quinze dernières années » ([109]).

Pour M. Gilles Pipien, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, membre permanent du Conseil général de l’environnement et du développement durable ([110]), la politique publique de sécurité routière constitue un autre modèle de réussite grâce à l’articulation et la mobilisation des acteurs qu’elle a organisées et qui a abouti à diviser le nombre de décès par plus de quatre depuis son lancement. Selon lui, cette réussite a reposé sur le pilotage interministériel de cette politique réunissant en un comité sous l’autorité du Premier ministre tous les ministères concernés et s’appuyant sur une délégation interministérielle ainsi qu’un observatoire national interministériel collectant des données.

M. Gilles Pipien juge que cette gouvernance transversale a en outre permis de mobiliser, au-delà de la sphère des organismes publics, les acteurs économiques et les citoyens grâce, d’une part, au travail accompli avec le monde de l’industrie sur la conception des véhicules (mise en place des airbags ou de l’ABS) et sur les infrastructures (généralisation des glissières centrales sur autoroute, giratoires, etc.), et d’autre part aux mesures à destination des individus (éducation routière, éducation à la santé, permis à points, vitesse limitée, radars, etc.).

Encore récente, l’initiative du Nutri-Score a également été saluée comme un outil positif et utile en matière d’information sur la qualité nutritionnelle des aliments, qui pourrait servir de source d’inspiration pour d’autres substances comme le propose votre rapporteure dans la troisième partie du présent rapport.

Pour mémoire, le Nutri-Score prend la forme d’un logo de couleur apposé sur l’emballage d’un produit, positionnant celui-ci sur une échelle de 5 niveaux allant du contenu le plus favorable au plus défavorable sur le plan nutritionnel. Le logo est attribué sur la base d’un score calculé en fonction de la teneur du produit en nutriments et aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits, légumes, légumineuses, fruits à coques, huile de colza, de noix et d’olive) et en nutriments à limiter (énergie, acides gras saturés, sucres, sel). Cette démarche repose aujourd’hui sur le volontariat des entreprises, ce qui est totalement inacceptable.

Au regard de son succès auprès des citoyens, le programme national nutrition santé 4 (PNNS 4) 2019-2023 ([111]) prévoit plusieurs actions de développement du Nutri-Score pour l’étendre à la restauration collective et commerciale ainsi qu’aux produits en vrac, poursuivre sa mise en œuvre en France et promouvoir son adoption au niveau international.

a.   Mieux prévenir l’obésité en tenant compte de ses facteurs environnementaux

Le lien entre alimentation, environnement et santé est un sujet de préoccupation majeur pour votre rapporteure, qui a souhaité que la commission d’enquête s’intéresse à la question de l’obésité, dont l’approche sectorielle actuelle doit évoluer pour intégrer l’étude de ses déterminants environnementaux.

Selon la feuille de route de prise en charge des personnes en situation d’obésité 2019-2022 ([112]), la prévalence de l’obésité chez l’adulte est de 17 % en France, ce qui représente plus de 8 millions de personnes. Cette prévalence a fortement augmenté dans les années 90-2000, avant de se stabiliser entre 2006 et 2015. Quatre tendances globales sont observées : l’augmentation de la prévalence de l’obésité très sévère, avec 500 000 adultes touchés en 2016 ; la persistance d’inégalités sociales fortes, les enfants d’ouvriers étant par exemple quatre fois plus touchés que les enfants de cadres ; la persistance d’inégalités territoriales importantes, avec une prévalence supérieure de cette maladie en outre-mer ; l’augmentation par trois du recours à la chirurgie de l’obésité en 10 ans.

M. André Cicolella, président du Réseau environnement santé, signale également un fort effet générationnel : « La génération née entre 1918 et 1924 a atteint le taux de 10 % d’obèses à 76 ans tandis que la génération née entre 1980 et 1986 a atteint ce taux à 28 ans » ([113]).

Au-delà de constituer un grave problème de santé publique, les estimations du coût de l’obésité en France affichent des montants très élevés. Selon une note de la direction générale du trésor publiée en septembre 2016 ([114]), le coût pour l’assurance maladie de la prise en charge des personnes en situation d’obésité s’élèverait ainsi à 2,8 milliards d’euros pour les soins de ville et à 3,7 milliards d’euros pour l’hôpital. Mme Agnès Maurin, directrice de la Ligue contre l’obésité, rapporte un montant de « 54 milliards d’euros par an, en retraçant les impacts sur les arrêts de travail, les dépenses de santé et de sécurité sociale » ([115]), d’après un rapport publié par l’institut McKinsey en 2014 et également repris par le journal Les Échos ([116]).

Face à cette situation très préoccupante, votre rapporteure a interrogé la direction générale de la santé sur les actions de prévention conduites par le ministère de la santé en matière d’obésité, retracées dans l’encadré ci-dessous.


Les actions de prévention contre l’obésité conduites
par le ministère de la santé

La stratégie nationale de santé (SNS) 2018-2022, dédiée à la prévention et déclinée dans le plan national de santé publique « Priorité prévention », prévoit la mise en place d’une politique de promotion de la santé, déclinée, pour la nutrition, par le programme national nutrition santé 4 (PNNS 4) 2019-2023 qui a pour objectif d’améliorer la santé par l’alimentation et l’activité physique.

Ce programme quinquennal inscrit dans le code de la santé publique vise à diminuer de 20 % la fréquence de surpoids et d’obésité chez les enfants et adolescents, de stabiliser le surpoids des adultes et de réduire l’obésité de ces derniers de 15 %. Pour cela, il s’appuie sur deux leviers majeurs :

– Rendre l’environnement plus favorable à la santé : ainsi, le PNNS 4, notamment en favorisant le déploiement de l’étiquetage nutritionnel clair et simple sur les produits alimentaires (Nutri-Score), accompagne les Français en facilitant leurs choix alimentaires et incite les fabricants à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments. Il prévoit également de limiter l’influence de la publicité et du marketing alimentaire sur les enfants pour des aliments peu favorables sur le plan nutritionnel en les encadrant.

– Faciliter l’adoption de comportements favorables à la santé en donnant des repères via les nouvelles recommandations sur l’alimentation et l’activité physique (site manger-bouger.fr), en incitant à réduire l’excès de sédentarité liée aux temps passés devant les écrans en contexte extraprofessionnel et à augmenter la pratique d’activité physique. Il agit aussi par le développement de la pratique de l’activité physique adaptée pour les personnes atteintes de maladies chroniques. Les dispositifs prévus par l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ont permis la mise en place par le ministère des solidarités et de la santé et la caisse nationale d’assurance maladie de l’expérimentation « Mission : Retrouve ton cap ». Déployée dans 4 départements (Seine-Saint-Denis, Nord, Pas-de-Calais, La Réunion), elle propose aux enfants de 3 à 8 ans à risque de surpoids/obésité une prise en charge précoce et pluridisciplinaire (diététique, psychologique et d’activité physique), adaptée à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Le PNNS 4 s’articule pour la prise en charge de l’obésité avec la feuille de route de prise en charge des personnes en situation d’obésité (feuille de route Obésité) dans un continuum prévention - prise en charge des personnes en surpoids, obèses ou à risque de le devenir.

Source : Direction générale de la santé.

La feuille de route Obésité complète donc le dispositif en ce qui concerne la prise en charge. Elle est composée de 4 axes :

– Améliorer la prise en charge des personnes atteintes de surpoids et d’obésité par la structuration de parcours de soins gradués et coordonnés ;

– Renforcer la régulation de la chirurgie bariatrique pour une meilleure pertinence ;

– Développer la formation des professionnels et l’information des personnes en situation d’obésité ;

– Soutenir l’innovation et mieux évaluer.

Toutefois, pour les associations entendues par la commission d’enquête, l’approche retenue par le PNNS 4 et la feuille de route Obésité reste centrée sur le comportement des personnes, sans véritablement traiter des facteurs environnementaux de cette maladie.

Or cette approche peut produire un phénomène de culpabilisation des patients, comme l’explique le Dr Joël Spiroux de Vendômois, président du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) : « souvent, dans les articles que nous lisons, dans ce que nous entendons à la radio ou à la télévision, voire dans le contenu de nos textes, la population est stigmatisée et les patients sont culpabilisés, notamment s’ils présentent un surpoids, une obésité, qui conduit à les accuser de trop manger. On omet bien sûr de préciser que l’alimentation industrielle contient des polluants, des perturbateurs endocriniens obésogènes, diabétogènes, et d’autres qui limitent la notion de satiété et qui conduisent à grignoter sans cesse. Les causes sont naturellement plurifactorielles puisqu’il n’est évidemment pas sain de manger trop ou trop salé ou trop sucré. Il n’empêche que l’alimentation présentée dans les publicités diffusées à la télévision ou ailleurs contient des polluants obésogènes » ([117]).

Cette approche laisse en outre trop de côté la prise en compte des causes environnementales de l’obésité, pourtant documentée selon Mme Mélanie Delozé, secrétaire générale de la Ligue contre l’obésité :

« Il est très clair que l’exposition aux produits chimiques contribue de façon importante à l’épidémie d’obésité. […] Le Pr Jerry Heindel a émis en 2003 l’hypothèse que les perturbateurs endocriniens exercent une influence sur l’obésité car presque tous ses aspects – le stockage des graisses, le contrôle de l’appétit et de la satiété et le métabolisme de base – sont régulés par le système endocrinien. L’idée s’est cristallisée lorsqu’il a été montré que les perturbateurs endocriniens pouvaient activer des récepteurs hormonaux nucléaires actifs dans le développement des adipocytes blancs. C’est donc à partir de 2003 que les produits chimiques favorisant l’adipogénèse ont été appelés “obésogènes”. (…)

Nous savons avec certitude que ces obésogènes affectent la composition du microbiote intestinal, perturbent le système endocrinien et notamment le contrôle de l’appétit et de la satiété, utilisent des récepteurs hormonaux pour provoquer le développement des adipocytes, favorisent le stockage des calories en réduisant le métabolisme basal, contribuent à la résistance à l’insuline, et entretiennent l’inflammation chronique du tissu adipeux, conséquence particulièrement néfaste en conjonction avec la covid-19. Nous connaissons également les effets transgénérationnels de l’exposition aux obésogènes, qui exigent une action urgente de santé publique. Les altérations physiopathologiques induites par les perturbateurs endocriniens obésogènes peuvent être programmées épigénétiquement dès le stade fœtal, se déclarer des années plus tard et être transmises aux générations futures » ([118]).

Dans ce contexte, votre rapporteure a interrogé la direction générale de la santé sur l’impact des perturbations endocriniennes sur la prédisposition à l’obésité. Ses réponses figurent dans l’encadré ci-dessous.

L’impact des perturbations endocriniennes sur la prédisposition à l’obésité

Le surpoids et l’obésité ont des causes multiples et complexes à la fois comportementales, environnementales et génétiques. La prévention de l’obésité est axée essentiellement sur l’amélioration de l’environnement nutritionnel au sens de l’alimentation et de l’activité physique. L’évolution des connaissances amène également à considérer le rôle des facteurs environnementaux comme contributeur potentiel au surpoids et à l’obésité.

Ainsi, les nouvelles recommandations du PNNS 4 qui ont pour objectif d’aider la population à adopter une alimentation plus favorable à leur santé et un mode de vie plus actif intègrent pour la première fois la question du développement durable, en conseillant d’aller vers des aliments de producteurs locaux, des aliments de saison et, si possible, des aliments bio. Le fonds scientifique ayant conduit à la formulation de ces recommandations a été établi par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Pour les recommandations sur l’alimentation, plusieurs paramètres ont été pris en compte : les références nutritionnelles pour la population, la biodisponibilité des nutriments, les liens entre consommation de divers groupes d’aliments et risque de maladies chroniques, les habitudes alimentaires de la population française et le risque lié à l’exposition aux contaminants alimentaires. Pour la première fois, le travail de l’Anses a concerné l’élaboration de repères de consommation pour les principaux groupes d’aliments visant à satisfaire les besoins nutritionnels de la population adulte, tout en intégrant les enjeux associés à la présence de certains contaminants chimiques dans l’alimentation.

S’agissant du lien entre les perturbateurs endocriniens (PE) et l’obésité, le rapport « Perturbateurs endocriniens : des preuves scientifiques à la protection de la santé humaine » de mars 2019, réalisé à la demande du Parlement européen, apporte quelques éclairages et mentionne que les produits chimiques environnementaux en général, et certains PE en particulier, peuvent contribuer au développement du surpoids et de l’obésité. En effet, le rapport mentionne notamment une revue de la littérature identifiant un lien entre PE et obésité. Celle-ci indique que le bisphénol A peut augmenter les perturbations métaboliques conduisant à terme au diabète de type 2. Le mode d’action s’est avéré être une perturbation endocrinienne et les effets ont été jugés pertinents pour l’homme en raison de la similitude entre les modèles animaux considérés et l’homme en termes de production d’insuline et en raison de preuves in vitro basées sur des cellules humaines. D’autres exemples d’implications de PE dans le développement de l’obésité concernent le tributylétain, avec des études sur des souris montrant à la fois des effets sur la première génération et des effets transgénérationnels. Des études sur d’autres modèles ont impliqué le triclosan et le benzo(a)pyrène dans la perturbation métabolique.

Source : Direction générale de la santé.

La direction générale de la santé indique en définitive que sa stratégie réside dans une articulation globale des changements de comportements et d’un environnement plus favorable à la santé, qui doit permettre de réduire le surpoids et l’obésité. La prise en compte de facteurs environnementaux se traduit par :

– l’intégration des contaminants de l’environnement (pesticides, etc.) dans le processus scientifique d’élaboration des recommandations de consommation ;

– la substitution des substances ayant un effet potentiel ou avéré perturbateur endocrinien (par exemple le bisphénol A) ;

– les recommandations de réduire l’alimentation ultra transformée et notamment les additifs ainsi que de poursuivre la recherche sur leur impact sur la santé, un axe important du PNNS 4.

Les résultats de ces actions n’ont cependant pas été évoqués devant la commission d’enquête. Face à cette situation, votre rapporteure propose de revoir la feuille de route Obésité pour la transformer en une stratégie nationale de prévention de l’obésité, incluant le traitement de ses facteurs environnementaux.

b.   Placer les cancers pédiatriques au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer

Votre rapporteure a également souhaité que la commission d’enquête s’intéresse à une autre question majeure : celle des cancers pédiatriques. Les travaux de la commission ont particulièrement porté sur les cas de cancers pédiatriques diagnostiqués autour de la commune de Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique), dont l’encadré ci-dessous retrace les principales dates quant à l’intervention des services publics de santé.

La commission d’enquête a auditionné Mme Marie Thibaud, fondatrice, et M. Mickaël Derangeon, membre du collectif Stop aux cancers de nos enfants, qui ont exposé en détail leurs questionnements et désaccords concernant les méthodologies utilisées pour caractériser un cluster de cancers et en rechercher les causes dans le cadre des investigations menées autour de Sainte-Pazanne ([119]).

Au niveau national, votre rapporteure a donc tout d’abord demandé à la direction générale de la santé de préciser la méthodologie de définition d’un cluster utilisée par les services et agences.

 

Chronologie de l’intervention des services publics de santé
concernant les cas de cancers pédiatriques autour de Sainte-Pazanne

 Avril 2017 : premier signalement de cas de cancers pédiatriques.

 Juillet 2018 : rapport d’investigations de l’agence régionale de santé (ARS) et de la cellule inter-régionale d’épidémiologie (CIRE) de Santé publique France (SpF), comprenant la consultation du registre des cancers pédiatriques, avec la confirmation d’un excès de cas de leucémies aiguës lymphoblastiques sans élément environnemental particulier probant, qui conclut à l’arrêt des investigations.

 Février 2019 : nouveau signalement de suspicion d’un cluster de cancers pédiatriques (mineurs > 18 ans), de toute nature, diagnostiqués entre 2015 et 2019 dans le secteur de Sainte-Pazanne (7 communes), soit 14 enfants dont 3 sont décédés (7 hémopathies malignes et 7 tumeurs solides dont 3 tumeurs du système nerveux central). SpF est saisi par l’ARS, avec l’organisation d’une première réunion publique le 4 avril 2019 puis d’une réunion du comité de suivi le 31 mai 2019.

 À partir de juin 2019 : l’ARS et la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) lancent, avec l’appui d’agences nationales (SpF, Anses, IRSN), une campagne de « levées de doutes » visant à vérifier rapidement si certaines expositions environnementales ne dépassent pas les valeurs de référence.

 Novembre 2019 : réunion du comité de suivi. L’analyse épidémiologique a validé l’excès de cancers pédiatriques sur la période 2015-2019 mais n’a pas identifié d’exposition à un facteur de risque susceptible d’expliquer le regroupement de cancers observé. SpF recommande de ne pas poursuivre les investigations épidémiologiques localement et de ne pas engager d’investigations et prélèvements environnementaux supplémentaires.

 Début 2020 : pour accompagner et amplifier les efforts de prévention, l’ARS et la communauté d’agglomération Pornic Agglo Pays de Retz ont décidé d’engager une démarche d’élaboration d’un contrat local de santé (CLS).

 Septembre 2020 : réunion du comité de suivi. Les nouvelles analyses conduites par SpF sur la période 2011-2018 à partir des données du registre des cancers pédiatriques de la Loire-Atlantique, en appliquant notamment la méthode de Kulldorf (préconisée par les experts du comité d’experts scientifiques ayant travaillé sur les agénésies transverses des membres supérieurs - ATMS), n’identifient aucune agrégation significative de cancers pédiatriques sur un territoire particulier du département. L’ARS et SpF annoncent l’arrêt des investigations.

Source : Direction générale de la santé.

Selon la direction générale de la santé, un agrégat spatio-temporel de cancers implique que plusieurs cas de cancers soient observés au sein d’un groupe d’individus, d’une zone géographique plus ou moins limitée et au cours d’une période de temps réduite. Un signalement de cas groupés de cancers a une probabilité plus forte d’être un agrégat s’il implique un seul type de cancer ; un cancer de type rare, un type de cancer dans un groupe de population non habituellement affecté par cette pathologie, comme par exemple un cancer observé normalement chez des adultes et survenant chez des enfants. Une suspicion de cluster, souvent signalée par un particulier ou un professionnel de santé, est prise en compte selon la méthodologie décrite dans le guide méthodologique pour l’évaluation et la prise en charge des agrégats spatio-temporels de maladies non infectieuses de Santé publique France ([120]), en cours d’actualisation.

S’agissant des méthodes statistiques, l’analyse des ratios standardisés d’incidence (SIR) est usuelle. Il s’agit d’évaluer si le nombre observé de maladies est suffisamment éloigné du nombre attendu au regard de données de référence pour en faire un événement statistiquement « anormal ». Cette méthode peut conduire à une surestimation parce que les maladies signalées sont le plus souvent rares et que le périmètre d’étude est défini a posteriori. Malgré ces limites, un calcul de SIR est souvent réalisé car les investigateurs ne disposent d’informations précises que sur la zone du signalement. Le balayage spatio-temporel mis en œuvre dans une seconde étape permet de s’affranchir de l’événement constitutif du cluster. Cela consiste à « scanner » ou « balayer » l’ensemble d’un territoire avec des fenêtres spatiales et/ou temporelles afin d’identifier une zone du territoire qui présente l’incidence la plus élevée. Cette méthode est méthodologiquement plus rigoureuse que le calcul d’un SIR sur la zone de signalement mais nécessite cependant de disposer de données exhaustives sur l’ensemble du territoire.

L’objectif général est de confirmer ou non s’il existe un excès statistique de maladies dans la population observée et, si cet excès existe, de déterminer s’il existe une ou plusieurs causes locales à ce regroupement de cas, autres que le hasard, sur la ou lesquelles il est possible d’agir.

Concernant la recherche des causes, notamment environnementales, votre rapporteure a ensuite interrogé la direction générale de la santé sur les liens entre l’utilisation de produits phytosanitaires et les cancers pédiatriques.

Selon la direction générale de la santé, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiera en 2021 une nouvelle expertise collective sur les effets des pesticides sur la santé analysant les données produites depuis sa précédente expertise datant de 2013 ([121]). L’Inserm y avait conclu à la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle et domestique aux pesticides de la mère pendant la grossesse et le risque de leucémie chez l’enfant. De même, l’exposition liée aux usages domestiques pendant l’enfance était associée au risque de leucémie avec une présomption forte. L’expertise avait également conclu à la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides du père et de la mère pendant la période prénatale et le risque de tumeurs du système nerveux central chez l’enfant.

Sous l’impulsion du ministère chargé de la santé, l’étude GEOCAP-Agri sur le lien entre cancers de l’enfant et proximité de cultures a été lancée en 2016 par l’Inserm et Santé publique France. Publiés en août 2020 ([122]), les premiers résultats de l’étude écologique sur le lien entre l’incidence des leucémies pédiatriques (variations spatiales sur 1990-2014) et la densité de cultures à l’échelle communale n’ont pas mis en évidence d’association entre la densité de cultures (toutes cultures) et l’incidence des leucémies aiguës. Toutefois, une association positive a été mise en évidence concernant les communes ayant une plus forte densité de vignes (>25%) ([123]). Les résultats finaux sont attendus en 2021, en particulier sur l’étude cas-témoins croisant les données du registre national des hémopathies malignes de l’enfant (RNHE), composante du registre national des cancers de l’enfant, avec les données géographiques.

À cet égard, la tenue des registres de cancer a également fait l’objet de critiques et d’alertes de la part de plusieurs personnes auditionnées, ce qui constitue un point préoccupant pour votre rapporteure.

Ainsi, Mme Marie Thibaud, fondatrice du collectif Stop aux cancers de nos enfants signale que : « au niveau national, il n’existe plus de données du registre national des cancers pédiatriques depuis 2014. Les chiffres qui sont indiqués pour la France ne sont que des chiffres extrapolés, modélisés à partir des valeurs antérieures. Il nous paraît donc indispensable de maintenir constamment à jour un registre national des cancers pédiatriques. Sans données, nous ne pouvons évidemment que dire qu’il n’existe pas d’augmentation des cancers pédiatriques alors que la réalité est peut-être tout autre aujourd’hui. Il serait aussi très intelligent de mettre en place une cartographie de veille sanitaire, quasiment en temps réel, au niveau départemental et au niveau national. J’ai contacté le registre départemental. Avant ma première alerte, il avait plus de trois ans de retard dans l’enregistrement des données de cancers. Cela ne permet pas de faire de la veille sanitaire » ([124]).

M. André Cicolella, président du Réseau environnement santé, abonde en ce sens : « il faut développer des systèmes de registres qui nous manquent encore assez largement. Il est anormal que nous ayons une différence de 20 % sur le nombre de cancers entre ce que dit le centre international de recherche contre le cancer (CIRC) et ce que dit l’institut national du cancer (INCa), les méthodes n’étant pas les mêmes » ([125]).

Enfin, le Dr Pierre Souvet, président de l’association Santé environnement France, souligne les difficultés à agir contre une maladie sans disposer de données dans les territoires : « nous avons envoyé en 2019 à Mme Buzyn, ministre de la Santé, une lettre commune avec le comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) pour réclamer des registres généralisés et territoriaux. Elle répond que “l’institut national du cancer (INCa) n’utilise pas ces données à des fins de surveillance, entendue comme processus de collecte systématique des données, de leur analyse, de leur interprétation, et à des fins d’action. Il est à noter que les registres, de par leur nature, ne sont pas des outils d’alerte ; les registres ne sont pas organisés pour cela et encore moins pour s’intégrer dans un dispositif de surveillance ou de veille sanitaire”. Ce sont donc des photographies qui ne servent ni à alerter ni à agir. (…) Comment faire une politique publique ou de recherche sans données épidémiologiques territoriales ? Sur 29 pays, 21 pays ont des registres complets et les huit qui n’en ont pas progressent, notamment le Portugal et les Pays-Bas. Il faut disposer de ces données pour réduire les inégalités de santé. Ces données ne doivent pas être seulement départementales mais territoriales » ([126]).

Le rapport d’évaluation du troisième plan cancer (2014-2019) par l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, publié en juillet 2020, traite d’ailleurs explicitement de cette question dans sa partie concernant l’amélioration des données d’observation épidémiologique : « la couverture très partielle de l’ensemble du territoire par les registres nécessite de réaliser des estimations, ce qui pose problème pour les cancers les plus rares ou à faible mortalité. Des données à une échelle géographique plus fine sont également nécessaires, particulièrement lors du repérage de cluster où des interrogations concernent le contexte environnemental. Une procédure de géocodage consistant à identifier un niveau géographique plus fin que le niveau communal est en cours de développement » ([127]).

Actuellement, comme l’indique la carte ci-dessous, seule une partie du territoire est en effet couverte par des registres de cancer, qui peuvent être des registres de cancers généraux ou des registres de cancers spécialisés :

– les registres de cancers généraux recueillent les informations sur toutes les localisations de cancers ;

– les registres de cancers spécialisés recueillent les informations sur des localisations particulières (appareil digestif, hémopathies malignes, sein, col utérus, système nerveux central, thyroïde) ou sur des populations particulières (enfants).

Les registres de cancers en 2019

Source : Annexe 5 du rapport d’évaluation du troisième plan cancer.

Votre rapporteure estime que la question des registres doit être abordée non seulement dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer mais aussi dans les réflexions actuelles sur la mise à jour du guide méthodologique pour l’évaluation et la prise en charge des agrégats spatio-temporels de maladies non infectieuses de Santé publique France. Ce dernier travail devrait également permettre, selon votre rapporteure, d’enrichir les collaborations dans le cadre des investigations conduites sur le terrain.

Selon la direction générale de la santé, l’actualisation du guide méthodologique vise en effet à intégrer les dernières avancées dans le domaine des suspicions d’agrégat. Des réflexions sont engagées pour développer des méthodes permettant une détection des clusters à partir de bases de données statistiques. La future stratégie décennale de lutte contre le cancer, qui sera annoncée en 2021, ambitionne en outre la mise en place d’un dispositif de surveillance pour recueillir, mettre en perspective et analyser l’ensemble des données sanitaires, épidémiologiques et environnementales disponibles.

De manière plus générale et en vue de la nouvelle stratégie à venir, votre rapporteure a interrogé la direction générale de la santé sur les actions consacrées à la prévention des cancers pédiatriques dans le dernier plan cancer 2014-2019, retracées dans l’encadré ci-dessous.

Actions consacrées à la prévention des cancers pédiatriques
dans le cadre du plan cancer 3 (2014-2019)

Depuis 2003, les plans cancer successifs ont constitué un atout majeur pour le développement de la recherche en cancérologie et la lutte contre les cancers pédiatriques en France. Les efforts fournis permettent de guérir aujourd’hui plus de 80 % des cancers chez l’enfant, soit 20 % de plus qu’il y a 15 ans. De nouvelles pistes de traitement permettent de favoriser l’accès des enfants aux médicaments en développement et de réduire les effets indésirables et les séquelles à long terme des traitements. Des progrès ont été réalisés dans le développement de stratégies thérapeutiques innovantes. Dans le domaine de la recherche, la cancérologie pédiatrique a été prise en compte dans ses différentes dimensions, fondamentale, translationnelle ou clinique, y compris dans le cadre de collaborations européennes et internationales. En effet, la France est reconnue au plan international dans le domaine des essais cliniques de phase précoce en cancérologie et de programmes intégrés de recherche (PAIR).

Le plan cancer 3 a continué à soutenir et structurer le paysage de la recherche clinique en procédant à des nouvelles labélisations des instruments existants. La structuration de l’offre a également contribué à l’amélioration des prises en charge. Deux programmes libres en recherche translationnelle et clinique ont été lancés en 2014 et en 2015, ainsi qu’un programme AcSé eSMART (European proof of concept therapeutics stratification trial of molecular anomalies in relapsed of refractory tumors in children). L’institut national du cancer (INCa) a consacré, entre 2014 et 2018, 12 % de ses crédits incluant les financements de l’Inserm-Aviesan et depuis 2019, le ministère chargé de la recherche contribue à hauteur de 5 millions d’euros par an consacrés à la recherche en cancéropédiatrie.

Source : Direction générale de la santé.

En dernière analyse, au regard de l’enjeu que constituent les cancers pédiatriques, votre rapporteure recommande de les placer au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer, en les élevant au rang de priorité majeure.

 

 


2.   La santé environnementale est néanmoins paradoxale en ceci que, en dépit de ces succès sectoriels, elle concerne tout le périmètre de l’action publique

La santé environnementale concerne tout le périmètre de l’action publique. Pour votre rapporteure, elle doit donc désormais constituer une dimension de toutes les politiques et non plus une politique publique ciblée : « la santé environnementale est l’affaire de tous (…). Le défi est collectif et interministériel » ([128]). Face à l’urgence, la santé environnementale ne peut plus continuer d’être traitée à part : elle doit être prise en compte dans toutes les autres politiques menées par les pouvoirs publics. Votre rapporteure partage ainsi l’analyse de Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales, qui estime que : « en réalité, la santé-environnement n’est pas une politique publique spécifique. Elle est davantage une dimension essentielle qui doit primer, ou au moins être prise en compte, dans de très nombreuses décisions publiques » ([129]).

L’élaboration d’un plan national santé-environnement est le fruit d’une obligation législative qui doit être réinterprétée de façon volontariste dans sa portée car la santé environnementale revêt une valeur constitutionnelle bien plus élevée. L’article 1er de la Charte de l’environnement précise en effet que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Votre rapporteure invite donc à un changement de perspective : la santé environnementale doit devenir la préoccupation de tous les pouvoirs publics. Il faut ainsi cesser de la considérer comme une politique publique ciblée pour l’imposer comme une dimension obligatoire de toutes les autres.

Certaines filières économiques travaillent d’ailleurs déjà dans ce domaine de façon transversale avec plusieurs ministères à la fois, comme l’explique M. Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) : « en matière de santé environnementale, il semble aussi important de partager avec les différents ministères. Outre son ministère, l’agriculture travaille aujourd’hui avec le ministère de l’environnement, le ministère de la santé et le ministère de l’économie. Nous sommes souvent en relation avec ces quatre ministères pour accompagner la transition car nous ne pouvons pas cloisonner le sujet au seul ministère de l’environnement et de la transition écologique. Notre secteur d’activité est beaucoup plus pluriel » ([130]).

 

Une même logique transversale devrait prévaloir dans la traduction législative de la santé environnementale selon le Dr Rémy Slama, directeur de l’institut thématique Santé publique de l’Inserm : « concernant les champs d’application des lois, il faudrait sortir de la logique de fragmentation qui prévaut, avec des décisions prises dans des niches et au cas par cas, et désectorialiser. Concernant la logique de gestion, il conviendrait de renforcer les lois pour que la santé publique soit plus souvent au premier plan ou, a minima, pour que les logiques d’arbitrage entre la santé et les autres intérêts soient plus explicites » ([131]).

Le changement de perspective proposé par votre rapporteure doit s’accompagner de l’identification des financements mis en œuvre pour la santé environnementale, dont la dispersion actuelle empêche de quantifier l’effort global fourni par la France en la matière et de juger du bon aiguillage des fonds. En effet certaines agences et instituts voient leurs effectifs se réduire et les programmes de recherche souffrent d’un manque de financement, alors même que d’autres personnes auditionnées par la commission d’enquête estiment que de nombreux moyens existent.

Ainsi le Pr William Dab, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers, ancien directeur général de la santé, se prononce en faveur de la réalisation d’un inventaire des financements actuels : « nous disposons de beaucoup de moyens, en tout cas financiers, mais ils sont très dispersés : les communes, les métropoles, les départements, les régions, les entreprises, les ministères, les administrations centrales en ont. Une politique de santé devrait ainsi commencer par dresser l’inventaire des moyens disponibles. Avant de dire qu’il en faut davantage, commençons par regarder ce que nous avons, dans le domaine de l’eau, de l’air, des sols, des rayonnements ionisants, des rayonnements non ionisants, du bruit, etc. Cet inventaire doit être réalisé, car les processus de décision actuels ne sont pas cadrés, ils sont souvent opportunistes, réactifs, et non proactifs » ([132]).

Les rapports d’inspection cités plus haut soulignent en effet l’avantage d’un tel outil de pilotage exposant précisément les moyens mis en œuvre au service d’une politique transversale relevant de plusieurs programmes et missions budgétaires. Cette catégorie de document présente ainsi de façon détaillée l’effort global financier consacré par l’État, y compris en matière de dépenses fiscales, à la politique concernée. Votre rapporteure souscrit à cette proposition sous sa forme la plus large possible et recommande donc l’élaboration d’un document de politique transversale dédié à la santé environnementale.

II.   Les Échelons nationaL et europÉen demeurent essentiels pour mener une partie des actions exigÉes

En matière de santé environnementale, les échelons national et européen demeurent essentiels pour mener une partie des actions exigées, en particulier dans les domaines de la recherche et de la réglementation.

A.   La CONNAISSANCE et LE diagnostic, quoique sous-investiS et fragmentÉS, ONT connu des succÈs aux niveaux national et europÉen

1.   Les efforts de recherche nécessaires sont éclatés et sous-mobilisés

Au niveau national, les efforts de recherche consacrés aux sujets de santé environnementale apparaissent tout d’abord éclatés. Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, directrice scientifique environnement, agronomie et écologie à la direction générale de la recherche et de l’innovation ([133]), explique ainsi que la recherche s’est organisée autour de plusieurs programmes spécialement prévus à cet effet pour traiter de ces sujets :

– depuis 2005, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a financé, à hauteur de 150 millions d’euros, 386 programmes. Les thèmes étudiés sont très variés et portent sur la qualité de l’air, l’adaptation des pathogènes aux changements environnementaux ou les nanomatériaux ;

– depuis 2006, le programme national de recherche Environnement-Santé-Travail (PNR EST) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) poursuit des recherches plus dirigées, où l’on demande aux chercheurs de s’attaquer aux impacts de catégories de molécules précises sur la santé humaine ;

– l’Agence de la transition écologique (ADEME) dispose également de plusieurs programmes : Aqacia intervient sur l’amélioration de la qualité de l’air, Impacts sur l’impact de molécules très ciblées en cocktail et GESIPOL sur la gestion des sols pollués.

Les outils et les types de recherche varient donc en fonction des agences et de l’origine de leurs financements, qui ont d’ailleurs connu une diminution ces dernières années, comme le constate la Pre Francelyne Marano, vice-présidente de la commission spécialisée dans les risques liés à l’environnement du Haut Conseil de la santé publique : « malheureusement, nous constatons une régression au niveau de l’ANR puisque les appels à projets dévolus au champ santé-environnement et santé-travail qui existaient lors de sa création ont disparu au profit des appels à projets du programme Blanc. Au cours des dernières années, les classements concernant le domaine santé-environnement n’ont pas été très propices à ses équipes » ([134]).

De fait, de l’avis général des personnes auditionnées, les montants mobilisés pour la recherche en santé environnementale demeurent insuffisants, comme le souligne le Dr Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) : « le secteur de la recherche souffre d’un éclatement de ses acteurs et de financements qui demeurent, au regard de ce qu’ils sont dans d’autres champs disciplinaires, très modestes. Aujourd’hui, le financement sur projet de la recherche biomédicale représente 45 % de l’ensemble des financements disponibles. Le PNR EST dispose d’un budget de 6 à 8 millions d’euros. L’ANR, pour sa part, apporte une dizaine de millions d’euros, alors que son budget atteindra prochainement 1,5 milliard d’euros. Globalement, le programme précité dispose de seulement une vingtaine de millions d’euros par an. De fait, le financement de la recherche reste très faible » ([135]).

Les montants mobilisés apparaissent d’autant plus insuffisants au regard de l’étendue du champ de la santé environnementale, comme le met en perspective le Dr Rémy Slama, directeur de l’institut thématique Santé publique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : « le financement annuel total disponible en France pour la recherche publique sur les questions de santé environnementale, en excluant les moyens correspondant aux personnels permanents des universités et des organismes de recherche, s’établit probablement entre 15 et 20 millions d’euros annuels. Il convient de mettre ce montant en regard des 23 000 substances présentes sur le marché, ce qui interroge sur la possibilité d’asseoir le financement et de faire en sorte qu’il soit proportionnel au nombre de substances. Un montant de 20 millions d’euros revient à 1 000 euros annuels pour chaque substance, ce qui est peu » ([136]).

L’absence de financements de recherche spécifiquement rattachés aux dispositifs de programmation en santé environnementale pose également problème, comme le signale M. Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail de Santé publique France : « l’obtention de financements (…) représente un combat quotidien » car « les budgets des études que nous souhaitons poursuivre et qui s’avèrent très coûteuses ne sont pas associés aux plans. Nous sommes contraints d’engager des négociations au cas par cas, pour chaque projet » ([137]). Sur le long terme, l’éclatement et l’insuffisance des financements en matière de recherche en santé environnementale sont préjudiciables à la structuration nécessaire pour la formation et le maintien d’un vivier d’experts de haut niveau dans ce domaine.

S’agissant de la formation de nouveaux chercheurs, le Dr Rémy Slama explique ainsi que : « un étudiant qui débute un master en santé environnementale deviendra probablement un chercheur autonome recruté au sein d’un organisme de recherche dans huit à douze ans. Pour qu’il se maintienne dans ce champ, il lui faut réussir à obtenir des financements lui permettant de travailler durant toute cette période. Il s’agit d’une recherche coûteuse qui nécessite de nombreuses mesures, des dosages, un suivi de population et des expérimentations longues. Faute d’obtenir ces financements de manière continue, il ne tiendra pas la compétition du passage extrêmement sélectif d’un recrutement de poste de chercheur ou d’enseignant-chercheur face aux collègues des autres disciplines qui sont en concurrence avec lui » ([138]).

Or, dans le domaine de la santé environnementale, comme le rapporte M. Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), « le vivier d’experts est par définition restreint (…). Nous avons donc à la fois un problème de flux de nouveaux entrants dans le vivier et un épuisement de ce dernier par les sorties, y compris par départ en retraite » ([139]).

Face à ces constats, votre rapporteure juge que l’effort national de recherche consacré à la santé environnementale doit être accru dans des proportions à discuter de façon inclusive avec l’ensemble des parties prenantes

2.   Malgré un manque de financement, des succès et progrès

Malgré le manque de financement, la recherche a pu avancer ces dernières années. Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, directrice scientifique environnement, agronomie et écologie à la direction générale de la recherche et de l’innovation, a tenu à présenter à la commission d’enquête certains des progrès accomplis :

« Nous avons compris que nous sommes exposés, dans l’environnement, à des substances que nous ne pensions pas retrouver : c’est le grand progrès réalisé par la science ces quinze dernières années. En effet, quand on asperge d’un pesticide une parcelle agricole, on ne s’attend pas à le retrouver dans d’autres compartiments de l’environnement. Nous avons donc compris que la recherche de cette seule substance active n’était pas suffisante, mais qu’il fallait également rechercher ses dérivés, ses métabolites, parfois plus actifs que les molécules mères. Nous avons également compris que certaines pratiques apparemment anodines, en ce qu’elles n’étaient pas destinées à tuer un parasite ou un germe, pouvaient avoir des conséquences toxiques. C’est le cas des isolants ou de certains tissus synthétiques. C’est une révolution dans notre façon de penser l’environnement. Nous savons également que la présence d’une molécule n’implique pas sa toxicité, encore faut-il qu’elle soit biodisponible. Pendant longtemps, l’incompréhension de la notion de biodisponibilité nous a empêchés de tirer des conclusions : la molécule était présente, sans produire d’effets, parce qu’elle n’était pas biodisponible » ([140]).

En termes de perspectives, Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin a évoqué plusieurs programmes prioritaires de recherche (PPR), dans lesquels l’État investit environ 30 millions d’euros chacun pour une durée de cinq à dix ans, sur des sujets de société majeurs : l’agronomie sans pesticide (« Cultiver et protéger autrement »), l’antibiorésistance et l’exposome. D’autres sujets de recherche seront soutenus par le plan de relance du Gouvernement : l’alimentation saine et durable, avec la question de la réponse du microbiome intestinal, et les agroéquipements pour la transition écologique, vers une agriculture utilisant moins de pesticides.

M. Bertrand Schwartz, adjoint à la directrice scientifique biologie et santé à la direction générale de la recherche et de l’innovation, a également souligné l’apport de l’Union européenne en matière d’impulsion de projets de recherche en santé environnementale, grâce à l’octroi de financements de la part de la Commission européenne à hauteur de 150 millions d’euros entre 2018 et 2020, qui ont en outre permis la mise en place de synergies entre communautés de chercheurs, créant une dynamique positive : « grâce au support de ces réseaux européens, qui engagent des montants financiers importants, nous arrivons à mettre en place un continuum entre les organismes de recherche et les agences, avec une supervision des ministères » ([141]).

Dans cette logique, M. Bertrand Schwartz a indiqué beaucoup attendre du partenariat européen pour l’évaluation des risques liés aux substances chimiques, doté d’un financement de 200 millions d’euros de la part de la Commission européenne et de plus de 400 millions d’euros de la part des États. Ce partenariat vise à renseigner les différentes agences sur les moyens de se préparer au mieux (le risque et la population), en aval de la recherche, dans une politique de protection des populations.


B.   la rÉglementation, composante essentielle des politiques publiques de santÉ environnementale, est principalement le fait des Échelons europÉen et national

1.   La réglementation sur la composition des produits et sur les émissions résulte d’une combinaison des approches européenne et nationale

Les traités de l’Union européenne régissent les échanges au sein du marché unique, et une grande partie de la sécurité sanitaire des produits de consommation se trouve donc encadrée au niveau européen. Cependant, la détermination de l’échelon de réglementation peut être difficile, puisqu’il n’est pas le même selon les classes de produits. Comme l’explique M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques : « Différents articles du traité de l’Union européenne fixent les fondements et permettent ou non de prendre des décisions nationales ou de s’en tenir strictement au niveau européen. Dans le cas de réglementations très harmonisées au niveau européen, avec des évaluations du risque environnemental ou sanitaire et le principe de libre circulation au sein de marché unique, il reste peu d’espace pour une décision nationale » ([142]). Les produits présentant un niveau de risque supérieur ont tendance à être davantage encadrés à l’échelle européenne.

S’agissant spécifiquement des produits chimiques, leur mise sur le marché est encadrée par le régime issu du règlement européen du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) ([143]), qui vise à concilier un « niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement » et « l’amélioration de la compétitivité et l’innovation ». Le régime avait pour objectif à l’horizon 2020, de promouvoir une production et une utilisation des produits chimiques « de manière à ce que les effets néfastes graves sur la santé humaine et sur l’environnement soient réduits au minimum ». Le règlement traduit la volonté de « consacrer davantage d’efforts à la protection de la santé publique et de l’environnement, conformément au principe de précaution ». Il s’articule autour de l’idée de la substitution des substances dangereuses par des substances moins dangereuses.

Le régime s’applique à l’ensemble des substances chimiques, y compris les substances naturelles, les métaux, et les substances de synthèse, celles utilisées dans les processus industriels comme celles de la vie quotidienne (peintures, produits d’hygiène, produits de nettoyage, vêtements). Les entreprises se voient confier la responsabilité de l’identification et de la gestion des risques liés aux substances qu’elles fabriquent et commercialisent. Elles ont pour obligation de démontrer à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) comment la substance peut être utilisée en toute sécurité. Elles doivent communiquer les mesures de gestion de risque aux utilisateurs. Les autorités peuvent interdire ou restreindre l’utilisation d’une substance si les risques qu’elle présente ne peuvent être adéquatement gérés ([144]). Les entreprises ont également l’obligation de mettre à jour, de leur propre initiative et sans délai excessif, le dossier technique de leur produit lorsque celui-ci connaît un changement dans sa classification, dans les instructions sur son usage sécurisé, ou encore en cas de changement de fourchette de quantité des substances.

Les interactions entre la réglementation à l’échelle européenne et celle qui se décide à l’échelle nationale n’est pas toujours facile à comprendre. M. Cédric Bourillet a expliqué la séparation entre les réglementations relevant de l’échelon national et celles qui relèvent de l’action européenne : « S’agissant du cas le plus classique d’une exposition de la population ou de l’environnement, nous passons des accords sur la base du volontariat ou nous réglementons. S’il est question d’un domaine relevant du champ européen, les réglementations sectorielles s’appliquent, comme pour les produits phytosanitaires, les produits biocides, les jouets, les cosmétiques, les additifs alimentaires, les matériaux en contact avec les aliments. Ces réglementations permettent souvent à un État membre de soulever un sujet, voire prendre une réglementation nationale à la lumière d’informations scientifiques nouvelles. Pour les substances, soit la réglementation générale sur les produits chimiques s’applique et une mesure d’urgence est prise, soit la France dépose un dossier européen pour faire interdire la substance ou une série d’usages exposant la population européenne, ce qui correspond à la voie normale d’action. Le cas échéant, la décision prise au niveau européen est opposable à tous. Pour un certain nombre d’usages du bisphénol A, la France a porté l’interdiction avec succès au niveau européen ».

Les États peuvent également influer sur la révision des réglementations européennes, dans la mesure où ils montrent qu’ils ne prennent pas des décisions de limitation d’un produit dans l’optique de produire un avantage concurrentiel. Ainsi M. Bourillet rapporte-t-il que « un État membre disposant d’éléments scientifiques nouveaux par rapport aux évaluations des agences européennes peut déclencher une clause de sauvegarde. (…) La France s’est souvent fait remarquer pour avoir déclenché la clause de sauvegarde, en lien avec les organismes génétiquement modifiés (OGM), le bisphénol A, ou les nanoparticules de dioxyde de titane à des fins d’additif alimentaire E171 » ([145]). D’autres personnes auditionnées soulignent également que la France est considérée, à Bruxelles, comme étant l’un des pays les plus volontaristes en matière de réglementation de l’accès au marché.

À l’échelle européenne elle-même, les articulations des cadres réglementaires en fonction des domaines ne sont pas toujours évidentes à comprendre. Le règlement européen relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (CLP) ([146]) définit les catégories de danger dans lesquelles les agences d’évaluation classent les substances après examen. Ces catégories comprennent des classifications pour les substances cancérogènes et reprotoxiques, mais non pour les perturbateurs endocriniens. Comme l’explique le Dr Rémy Slama, ingénieur agronome et épidémiologiste, directeur de l’institut de santé publique à l’Inserm, « c’est au niveau des parlements que sont nommés les dangers jugés les plus préoccupants. Le choix est donné au législateur concernant le niveau de preuve. Pour les pesticides, le Parlement européen a décidé des cancérogènes prouvés ou suspectés ne devant pas être utilisés. Il s’agit d’un niveau de preuve ne requérant pas une absolue certitude. Des catégories supplémentaires pourraient être créées et les substances jugées présumées pourraient être traitées différemment. Il s’agit d’une manière d’adresser un signal aux industriels avant d’éventuelles décisions plus fortes. La science suivra les décideurs qui fixeront le niveau d’incertitude » ([147]).

Quant à l’encadrement des activités industrielles et des émissions, il s’est également nettement renforcé au cours des dernières décennies, bien qu’il s’agisse d’une pratique vieille de deux siècles (cf. première partie). Celles-ci sont encadrées par les dispositions issues de la transposition en droit interne de la directive européenne relative aux émissions industrielles (IED) ([148]). M. Joël Duranton, directeur régional adjoint de de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Occitanie, a décrit ces évolutions de la manière suivante : « à son origine, l’activité de contrôle était essentiellement orientée sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Au fil du temps, le domaine s’est enrichi en direction de l’encadrement des activités industrielles. De nouveaux outils réglementaires, notamment européens, sont apparus pour renforcer l’activité de contrôle, comme l’illustrent diversement la directive relative aux émissions industrielles, le pendant des directives Seveso pour les installations émettrices polluantes, les règlements spécifiques sur les flux de fluorigènes, ou encore le règlement REACH » ([149]).

Le régime de la directive IED vise la réduction des émissions chroniques des industries. Il impose aux installations qui tombent sous son régime, qui incluent les chaufferies, les raffineries, les incinérateurs ou encore les élevages, un examen périodique des conditions d’exploitation, avec pour objectif une montée en gamme en matière de préservation de l’environnement. La direction générale de la prévention des risques (DGPR) organise les contrôles des installations classées pour la protection de l’environnement qui sont effectués par ses relais territoriaux dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). La montée en gamme, validée par les inspecteurs des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), se fonde sur l’adoption des « meilleures techniques disponibles », qui ont vocation à maximiser les pratiques favorables. M. Alexandre Leonardi, chef du service de la prévention des risques et des nuisances à la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) d’Île-de-France ([150]), a décrit les modalités de l’inspection : « la direction régionale compte environ 120 inspecteurs habilités qui contrôlent le respect de la réglementation des installations classées, notamment grâce à des inspections. En 2019, nous avons réalisé environ 1 500 inspections » ([151]).

La mise en œuvre concrète de ces réglementations continue donc de se faire à l’échelle nationale, et la commission d’enquête a noté que les acteurs avaient déjà souvent plaidé, dans d’autres travaux parlementaires, pour le renforcement des moyens de contrôle consacrés à cette mission. Si le contrôle des installations classées relève des administrations du ministère chargé de l’environnement, ce sont en revanche la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) qui sont chargées de l’inspection des produits importés et des produits sur le marché pour vérifier qu’ils répondent aux standards de production en vigueur. Il existe en la matière une véritable insuffisance des capacités, soulignée par notre collègue Mme Marine Le Pen lors des travaux de la commission d’enquête pour ce qui concerne les nourritures importées dans lesquelles se trouveraient des pesticides interdits en France ([152]). Si la réglementation européenne impose en effet que 5 % des importations fassent l’objet d’un contrôle documentaire et que 10 % d’entre elles fassent l’objet d’un prélèvement, les deux directions précitées ont rapporté la difficulté, la cherté et, de ce fait, la rareté des opérations de contrôle : en 2018, pour analyser la teneur en HAP de trois pneus de camion importés, un budget de 10 000 euros a été nécessaire ([153]).

2.   Les réglementations ont permis des évolutions positives

La plupart des personnes auditionnées ont trouvé que les évolutions de la réglementation européenne dans les années 2000 avaient permis des avancées dans la gestion des risques sanitaires que posent les produits et les substances. Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin décrit l’avancée considérable qu’a constitué la démarche réglementaire européenne dans la prise en compte du risque et dans sa gestion politique, éclairée de la connaissance scientifique de son degré : « le corpus de connaissances acquis par l’écotoxicologie et par la santé a permis à l’Europe de se doter du règlement REACH. Désormais, pour mettre une nouvelle molécule sur le marché, on doit avoir établi, à l’issue d’une évaluation des risques, son innocuité ou une altération réduite des espèces. Ensuite, politiquement et collégialement, on peut décider d’accepter ce risque et de mettre la substance sur le marché. Le règlement REACH a permis de concrétiser cette approche où nous connaissons le risque et allons vérifier si nous n’avons pas minimisé les effets induits » ([154]).

L’encadrement a également permis une meilleure connaissance des substances existant sur le marché, qui auparavant ne faisaient pas l’objet d’obligations d’information particulièrement développées. Le Dr Rémy Slama y a vu une évolution majeure, décrivant le règlement comme « un progrès important dans la mesure où il permet d’identifier les substances qui sont mises sur le marché et édicte certaines règles concernant cette commercialisation. (...) L’objectif d’identification et d’enregistrement est atteint. Les substances commercialisées au-delà d’un certain volume sont connues dans la plupart des secteurs » ([155]).

Les industriels s’efforcent de souligner à la fois l’ambition du régime REACH et sa richesse, tout en mettant l’accent sur son caractère contraignant pour ceux-ci et la protection, inédite selon eux, qu’elle accorde aux consommateurs. C’est ce que les membres de la commission ont compris à écouter M. Philippe Prudhon, directeur des affaires techniques de la fédération professionnelle France Chimie : « concernant les produits chimiques, notre industrie est soumise à la réglementation la plus stricte et la plus ambitieuse du monde. (…) À ce jour, 23 000 substances ont déjà été enregistrées dans REACH, ce qui en fait la base de données la plus riche au monde concernant les propriétés des substances chimiques. Nous nous félicitons que cette base soit utilisable par tous, car elle est consultable par le grand public sur internet » ([156]).

Les succès enregistrés portent également sur la diminution du nombre de substances autorisées et du volume des émissions. Le Dr Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a mis en exergue les réussites réglementaires par l’exemple de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires : « en dix ans en Europe, le nombre de substances actives phytosanitaires autorisées est passé de 3 300 à 1 800, soit une diminution de 40 %. De ce fait, la résistance des végétaux progresse et l’on retrouve, dans l’environnement, des quantités de métabolites plus importantes, mais sur un nombre réduit de substances » ([157]).

D’autres personnes auditionnées ont également souligné des avantages spécifiques du régime réglementaire. M. Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail de Santé publique France, a salué les atouts du système d’encadrement européen, en évoquant en particulier les avancées observées en matière de biosurveillance : « Le règlement REACH est un véritable levier d’amélioration. Le fait d’inclure la biosurveillance dans les décisions relatives aux substances chimiques sera, j’en suis persuadé, un progrès important. Il est nécessaire que nous parvenions à échanger au niveau européen. Nous participons à cet égard au projet européen HBM4EU qui a engagé, depuis plusieurs années, une politique fédérant les États membres pour harmoniser les initiatives de biosurveillance à l’échelle européenne » ([158]).

3.   Des évolutions demeurent nécessaires pour mieux appréhender les nouveaux risques

Bien que les règles des régimes décrits plus haut aient été définies dans les années 2000, elles ne sont pas immuables et peuvent voir leur mise en œuvre sensiblement modifiée par des ajustements dans les modes d’action des administrations, et notamment de la Commission européenne. Les industriels entendus ont mis l’accent sur les évolutions qui ont eu lieu et qui ont permis, selon eux, une meilleure adéquation du cadre réglementaire aux préoccupations des populations. Ils ont également mis en avant le volontarisme des entreprises dans l’information des consommateurs.

M. Philippe Prudhon a ainsi insisté sur les efforts des industriels de la chimie pour améliorer la qualité de l’information transmise aux autorités dans le cadre du régime REACH : « le secteur industriel a déjà pris un certain nombre de décisions pour améliorer la situation. Il y a un an et demi, nous avons été sensibles aux critiques reçues sur la qualité des dossiers REACH, et le secteur a donc décidé de revoir les dossiers d’enregistrement. Ils étaient déjà conformes à l’époque de leur création, et ils le sont encore aujourd’hui. Cependant, les méthodes ont beaucoup évolué en dix ans et nous avons accumulé davantage de connaissances. Nous pouvons ainsi mieux documenter les dossiers d’enregistrement. Nous avons donc pris l’engagement de rouvrir un certain nombre de dossiers afin de réduire toujours plus les impacts des produits chimiques sur la santé et l’environnement. Toutefois, la réglementation évolue. Par exemple, les nanomatériaux n’étaient initialement pas détaillés dans REACH, puis le règlement a progressivement intégré les spécificités de ces matériaux pour mieux les décrire et faire avancer la connaissance » ([159]).

En dépit de ces évolutions, votre rapporteure considère que la réglementation doit continuer d’évoluer au regard des nouvelles attentes citoyennes, et notamment en intégrant nettement mieux des agents peu considérés au moment de l’élaboration de ces instruments, tels que les perturbateurs endocriniens. L’émergence de ces nouveaux risques appelle des évolutions sur les modalités de révision des règlementations européennes.

Notre collègue Mme Claire Pitollat a conclu des travaux de la mission d’information sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique, qu’elle a co-rapportée : « La France avait été précurseur sur le bisphénol : il avait été d’abord interdit par la France puis l’interdiction avait été reprise au niveau de l’Europe. C’est compliqué d’agir ainsi, car cela met en tension les acteurs industriels et ce serait plus simple de réviser le règlement REACH. Pour une révision efficace, il faut également avoir des méthodes d’expérimentation beaucoup plus rapides pour évaluer le caractère potentiellement nocif ou potentiellement perturbateur endocrinien d’une substance. Ce sont des travaux au long cours que certaines démarches ont l’ambition d’accélérer, comme la plateforme publique-privée sur la prévalidation des méthodes d’essai sur les perturbateurs endocriniens (PEPPER), qui vise à financer des solutions de recherche très appliquée sur la détection de perturbateurs endocriniens » ([160]).

Un autre problème régulièrement soulevé concerne la charge de la preuve lors de la détermination de la toxicité d’une substance. Là où le système mis en place par le règlement REACH avait vocation à obliger l’industriel à faire la preuve de l’innocuité de son produit, il semble qu’une inversion ait eu lieu qui oblige désormais les agences évaluatrices à montrer les carences d’information des dossiers transmis par les industriels.

Notre collègue Mme Laurianne Rossi, co-rapporteure de la même mission d’information, a plaidé, tout au long des travaux de la commission d’enquête, en faveur d’un renforcement du cadre réglementaire européen, en expliquant que sa révision constitue « l’occasion d’avancer sur la transparence et sur l’interdiction pure et simple de certaines substances » ([161]).

Lors de son audition, elle a expliqué les raisons de son engagement : « Nous insistons sur l’impératif de renforcer l’obligation des industriels. C’est un point très important, car il s’est en quelque sorte opéré un renversement de la charge de la preuve : les industriels peuvent fournir des dossiers incomplets dont les agences et les scientifiques passent beaucoup de temps à démontrer les lacunes. Les industriels font une déclaration et il appartient aux agences de démontrer ensuite que le dossier est incomplet. Il faut donc accroître les objectifs de contrôle et renverser cette charge de la preuve » ([162]). Elle a également insisté sur l’importance de supprimer l’exemption d’enregistrement des polymères dans le cadre du règlement REACH.

Le renforcement du dispositif réglementaire, du côté de l’information à fournir par les industriels, a suscité l’approbation d’une grande partie des personnes auditionnées. M. Olivier Toma, porte‑parole du comité pour le développement durable en santé (C2DS), a exprimé son accord en appelant à une amélioration des délais et à un renforcement du dispositif répressif : « ce qui me fait peur avec l’Europe, ce sont les délais à la mise en place des procédures. Je pense que REACH doit en effet parvenir à interdire des substances et non simplement déterminer des seuils. (…) La logique des seuils n’est pas cohérente. Lorsque des laits contiennent des phtalates ou des benzènes ou des nanoparticules de dioxyde de titane, il faut l’indiquer ».

M. Christian Zolesi, fondateur de l’agence QAP Conseil en santé environnementale, a plaidé, quant à lui, pour un renforcement des obligations de transmission d’information : « il faudrait imposer une transmission d’informations vraiment effective entre les uns et les autres. Cette transmission d’informations devrait être prévue dans la réglementation sur les substances chimiques (REACH), mais nous savons qu’elle n’a qu’une portée très limitée dans le cadre actuel » ([163]).

Une autre problématique majeure concerne la prise en compte, à l’occasion de l’évaluation des risques posés par une substance, un produit, une pratique ou une émission, des effets liés aux expositions multiples à un même agent, d’une part, et aux effets combinés de plusieurs facteurs, d’autre part ([164]). L’état de la science en santé environnementale montre de façon de plus en plus certaine l’existence de ces effets combinés et multi-expositions, et votre rapporteure considère qu’il est dorénavant nécessaire de les intégrer aux protocoles d’évaluation des risques.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié en 2019 un guide méthodologique pour l’évaluation des risques résultant des expositions combinées à des substances multiples à la fois sur la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes. Ce document, produit à l’intention des agences d’évaluation des risques des États membres, contient un état des lieux scientifique des connaissances sur le sujet, ainsi qu’une explication, étape par étape, des défis de l’analyse multi-expositions ([165]), qui permet  d’évaluer les risques sur la base des mécanismes d’action mis en jeu par différentes molécules auxquelles les individus peuvent être exposés simultanément.

Les industriels interrogés ont indiqué que les travaux vont dans ce sens. M. Julien Durand-Réville, responsable santé à l’Union des industries de protection des plantes, présente ainsi les évolutions réglementaires en la matière : « Au niveau européen, l’objectif est de faire une évaluation par type de toxicité plutôt que substance par substance. Il n’est pas possible de faire une évaluation de tous les cocktails ou de toutes les combinaisons possibles. L’idée est donc d’évaluer ensemble toutes les substances qui ont un effet sur tel organe ou tel chemin métabolique. Les seuils de santé sont alors déterminés par groupe de substances, sur des critères liés à la toxicité et non à la substance, l’objectif étant de s’assurer que l’exposition des consommateurs ou des agriculteurs ne dépassera pas ces seuils sanitaires transversaux en cas d’exposition à plusieurs substances » ([166]).

Le Dr Constantin Dallot, représentant de la fédération France Chimie, a également insisté sur l’importance de l’étude de ces effets : « les effets cocktail sont une problématique croissante ces dernières années. L’évaluation des risques en toxicologie était moins mûre il y a quelques années, comme tous les autres domaines scientifiques, et les problématiques se complexifient au fil du temps. Nous manquons encore de méthodes pour évaluer la toxicité des mélanges de substances ».

Il a cependant tenu à insister sur le volontarisme des industriels dans cette évolution : « notre industrie participe au développement de méthodes, en collaboration notamment avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a déjà beaucoup avancé sur l’évaluation des effets combinés. De son côté, l’industrie a organisé des ateliers sur des études de cas particuliers, de façon à évaluer la robustesse des méthodes édictées par l’EFSA. Actuellement, nous menons un projet de facteur de sécurité générique afin de prendre en compte les effets des substances en mélange. L’industrie se mobilise pour trouver des résultats fins et pertinents. En tant qu’industriels, nous souhaitons que notre domaine progresse vers plus de sécurité, pour les humains comme pour l’environnement, mais nous ne voulons pas ajouter des contraintes si celles-ci ne sont pas pertinentes. Il convient d’optimiser nos efforts, dans une démarche de coconstruction » ([167]).

 

 

 


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   TROISIÈME PARTIE :
ENCOURAGER les INITIATIVES LOCALES POUR
mieux affronter les dÉFIS CONCRETS
en rÉpondant aux inquiÉtudes de la population

I.   Le PILOTAGE NATIONAL DOIT ÊTRE REPENSÉ COMME UNE ARTICulation des initiatives locales

À considérer le contenu de la politique de santé ([168]), votre rapporteure est encline à penser que le législateur a fait son travail. Considérant la santé dans sa dimension tant individuelle que collective, il a mis en avant la nécessaire identification de ses déterminants, leur prise en compte tout au long de la vie, c’est-à-dire pour la vie de tous les jours – alimentation, enseignement, travail, environnement, conditions de vie – et pour tous les jours de la vie – naissance, enfance, accidents, handicap, vieillesse.

Le législateur a également insisté sur le rôle de la prévention, du suivi épidémiologique et du partenariat (les professionnels et les usagers du système de santé, les collectivités territoriales). Il a souligné la nécessité de prendre en compte les spécificités de chaque territoire et le rôle primordial de la formation et de l’information. Il n’a pas même omis d’en appeler à la science en construction en donnant une consécration législative à la notion d’exposome ([169]). À cette mention de principe, fait écho le rapport annexé à la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 ([170]), en voie de promulgation, en mettant en avant la nécessité de caractériser l’exposition aux composants de l’environnement tout au long de la vie, ainsi que ses interactions potentielles avec le génome et l’épigénome ([171]).

 

La politique de la santé

La politique de la santé, qui relève de la responsabilité de l’État, tend à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé, l’amélioration de l’état de santé, la réduction des inégalités sociales, territoriales et entre les femmes et les hommes et à garantir la meilleure sécurité sanitaire possible et l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins ([172]) . Cette politique comprend notamment :

– la surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants, dont ceux liés à l’éducation et aux conditions de travail. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a précisé que l’identification de ces déterminants s’appuie sur le concept d’exposome, entendu comme l’intégration sur la vie entière de l’ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé sanitaire ;

– la promotion de la santé dans tous les milieux de vie, notamment dans les établissements d’enseignement et sur le lieu de travail, et la réduction des risques liés, pour la santé, à l’alimentation, à des facteurs environnementaux et aux conditions de vie susceptibles de l’altérer ;

– la prévention collective et individuelle, tout au long de la vie, des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d’autonomie, notamment par la définition d’un parcours éducatif de santé de l’enfant, par l’éducation pour la santé, par la lutte contre la sédentarité et par le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives à tous les âges ;

– l’animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile ;

– l’organisation des parcours de santé. Ces parcours visent, par la coordination des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en lien avec les usagers et les collectivités territoriales, à garantir la continuité, l’accessibilité, la qualité, la sécurité et l’efficience de la prise en charge de la population, en tenant compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières de chaque territoire, afin de concourir à l’équité territoriale ;

– la prise en charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie, de l’accident et du handicap par le système de protection sociale ;

– la préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires ;

– la production, l’utilisation et la diffusion des connaissances utiles à son élaboration et à sa mise en œuvre ;

– la promotion des activités de formation, de recherche et d’innovation ;

– l’adéquation entre la formation initiale et continue des professionnels de santé et l’exercice de leurs responsabilités ;

– l’information de la population et sa participation, directe ou par l’intermédiaire d’associations, aux débats publics sur les questions de santé et sur les risques sanitaires et aux processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique de santé.


Ce faisant, le législateur a entendu les chercheurs préoccupés du passage de l’affirmation à la réalisation. Comme le Pr Robert Barouki, biochimiste et toxicologue à l’Institut national de santé et de recherche médicale (Inserm), l’a souligné : « Il faut renforcer de manière claire la capacité du système à produire de la connaissance. Nous avons l’outil pour que cette connaissance se diffuse ensuite. Nous sommes l’un des premiers pays dans lesquels la notion d’exposome a été discutée entre chercheurs et politiques. La notion d’exposome est dans notre loi, alors que ce n’est pas le cas dans d’autres pays, mais c’est insuffisant sans une bonne stratégie de recherche sur l’exposome, à grande échelle » ([173]).

A.   le RECUEIL et L’uTilisation EXPERTE de donnÉes de masse, enjeux cruciaux de la santÉ environnementale

1.   Les enseignements du recueil des données de santé massives

Les évolutions contemporaines des sciences du traitement des données ouvrent la voie à des ambitions très importantes en matière de santé environnementale ([174]) . Dans son rapport rendu au Premier ministre en 2018 sur la stratégie à suivre en matière d’intelligence artificielle, notre collègue le Pr Cédric Villani, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), soulignait à propos de la santé que « les avancées de l’intelligence artificielle (IA) en santé dépendent de nos capacités à croiser des quantités massives de données pour mettre en évidence des corrélations qui ensuite font l’objet de recherches médicales. La quantité de données disponibles et la qualité de leur annotation sont donc des éléments clefs pour faire avancer la recherche sur les applications de l’IA en santé. Il est donc essentiel que notre système de santé se dote de moyens de captation, de structuration et d’annotation des données produites dans le cadre du suivi du patient (données cliniques, données de bien-être, données environnementales…) » ([175]).

a.   L’espace numérique de santé

L’espace numérique de santé (ENS) constitue une évolution notable dans le traitement accordé aux données de santé. L’ouverture automatique d’un ENS afin de promouvoir le rôle de chaque personne, tout au long de sa vie, dans la protection et l’amélioration de sa santé, résulte de l’article 45 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ([176]). L’ENS est mis à disposition, sauf opposition de la personne, dans un domaine sécurisé, permettant à chacun de gérer ses données de santé et de participer à la construction de son parcours de santé en lien avec les acteurs des secteurs sanitaire, social et médico-social. Il vise à favoriser la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins.

En pratique, chaque titulaire d’un espace numérique de santé peut accéder en ligne à ses données administratives, à son dossier médical partagé, à ses constantes de santé éventuellement produites par des applications ou des objets connectés référencés, ou toute autre donnée de santé utile à la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins ([177]). Pour être référencés et intégrables dans l’ENS, les services et outils numériques doivent respecter les référentiels d’interopérabilité ([178]) et de sécurité élaborés par le groupement d’intérêt public en charge de la plateforme des données de santé ([179]).

b.   La plateforme des données de santé

Le système national des données de santé (SNDS), géré par la plateforme des données de santé ([180]), a pour finalité la mise à disposition des données pour contribuer à l’information sur la santé ainsi que sur l’offre de soins, la prise en charge médico-sociale ; la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques de santé et de protection sociale ; la connaissance des dépenses de santé, des dépenses d’assurance maladie et des dépenses médico-sociales ; l’information des professionnels, des structures et des établissements de santé ou médico-sociaux sur leur activité ; la surveillance, la veille et la sécurité sanitaires ; la recherche, l’évaluation et l’innovation dans les domaines de la santé et de la prise en charge médico-sociale ([181]).

Lors de son audition, le Dr Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a souligné l’intérêt de cette plateforme : « une impulsion a été donnée et les travaux ont débuté. Santé publique France peut directement, dans le cadre du Health Data Hub, procéder à des extractions de données. L’Anses, par son truchement ou par celui de l’Inserm, qui dispose également de l’habilitation requise, peut interroger le système pour récupérer des données. Les parties privées – industriels notamment – ont également la capacité de solliciter, auprès d’un opérateur habilité, des extractions de données » ([182]). Votre rapporteure souligne que les bases de données existantes ne permettent pas une modélisation de qualité des données de santé environnementale.

Mais la réussite de cette démarche ne se confond pas avec son seul engagement. À l’occasion d’une audition publique de l’OPECST, notre collègue le Pr Cédric Villani a insisté sur les risques à conjurer pour la réussite de la démarche engagée, notamment la rapidité avec laquelle l’obsolescence marque la technologie informatique et la nécessité d’obtenir l’adhésion des personnes ([183]). En clair, il ne suffit pas de décréter qu’est advenue l’ère de l’intelligence artificielle, encore faut-il se donner, dans la durée, les moyens techniques et humains de sa mise en œuvre et savoir prévenir toute forme « d’objection de conscience » – par exemple, si l’espace numérique de santé sera bien automatiquement ouvert, un refus pourra être opposé à cette ouverture, sans préjudice, en l’absence d’opposition expresse, d’un refus ou d’un « oubli » de l’alimenter. Des arguments éthiques peuvent justifier un tel refus, comme la discordance des temps qui prévaut entre médecine prédictive et médecine curative.

2.   Une même démarche doit prévaloir pour les données environnementales

a.   Constituer un patrimoine de données interopérables

Les représentants des quatre principales agences en charge des expertises de santé environnementale en appui aux pouvoirs publics se sont accordés sur la nécessité de disposer et d’enrichir constamment un patrimoine de données interopérables pour conforter la démarche visant à caractériser les expositions et leurs conséquences comme déterminants de santé :

– l’Anses : « la création d’un observatoire ou d’une structure, jouant, pour les données environnementales, le même rôle que la plateforme des données de santé, est un enjeu essentiel » ([184]) ;

– Santé publique France : « Il me semble crucial de faciliter le partage de données. Il ne s’agit pas d’un frein au niveau de l’administration, mais d’un problème d’accès à des bases de données qui soient renseignées de manière uniforme et circonstanciée. Le rapprochement des données de santé et des données environnementales constitue un véritable enjeu. Le regroupement des données environnementales constitue par ailleurs une préoccupation récurrente depuis de nombreuses années. Le fait de fédérer des données dans une même base s’avère cependant complexe, dans la mesure où chaque donnée ou série de données est construite selon une logique sectorielle » ([185]) ;

– l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) : « se donner la possibilité d’avoir un vrai système d’information des données de santé publique, qui ne contienne pas seulement des données de santé mais aussi les données permettant de faire le lien avec d’autres paramètres, pourrait permettre de progresser dans le domaine de la santé environnementale » ([186]) ;

– l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) : « le plus raisonnable à moyen terme serait de s’assurer de l’interopérabilité de l’ensemble de ces bases de données pour bénéficier d’une vision globale en temps réel dans le cas de situations accidentelles, en temps raisonnable pour les autres sujets. Ces données seront de plus en plus indispensables pour les travaux des uns et des autres en matière d’évaluation des risques » ([187]).

Le constat des représentants auditionnés d’agences régionales de santé (ARS) a été dans le même sens, qu’il s’agisse :

– de l’ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes : « pour la mobilisation, au sein d’un outil, de données accessibles à tous, la progression s’avère très laborieuse. En effet, si les données de santé sont relativement standardisées, les données environnementales ne le sont pas. Elles proviennent de sources très nombreuses (sols pollués, installations classées pour la protection de l’environnement, radon, pollution de l’air, qualité de l’air intérieur, eau, etc.). Ces données sont souvent issues de systèmes de surveillance de l’environnement, qui ne partagent pas toujours les mêmes objectifs. Il faut parvenir à les partager : c’est un travail de longue haleine » ([188]) ;

– de l’ARS de Bretagne : « en matière de données sanitaires et environnementales, nous sommes souvent confrontés à des difficultés. Il faut appréhender le territoire en infrarégional et s’intéresser aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui sont souvent la maille la plus intéressante. Ce n’est cependant pas facile parce que les différentes institutions ont leur propre manière d’aborder les indicateurs, leurs propres logiciels, leurs propres outils – que l’on n’arrive pas toujours à croiser. En conséquence, nous passons beaucoup de temps à essayer de recenser les données qui existent, à savoir s’il s’agit de données brutes, de données analysées, etc. » ([189]).

b.   Les bases de données environnementales existantes

Faisant état de l’absence d’outil permanent de croisement des données sanitaires et environnementales, M. Joël Duranton, directeur régional adjoint de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) d’Occitanie, a souligné que « c’est à l’occasion du traitement d’un dossier spécifique que nous opérons ces croisements. Ce sont des données sanitaires qui sont recueillies à l’occasion du traitement de ces dossiers, puisque les services de la DREAL et les services de l’autorité sanitaire sont maintenant habitués à travailler ensemble. Ainsi, les études d’imprégnation qui peuvent être menées ne sont généralement pas effectuées à partir de données existantes » ([190]).

Pour sa part, l’Ineris a réalisé trois inventaires des bases de données environnementales et spatialisées à des fins de caractérisation des expositions. La première étude réalisée en 2015 et actualisée en 2018 recense 43 bases de données ou systèmes d’information qui intègrent des données quantitatives (par exemple les propriétés physico-chimiques, les concentrations dans les milieux, les flux d’émission, des variables d’exposition ou écologiques) et des données qualitatives (description de sites et de sources polluantes, d’activités exercées). L’Ineris relève que ces informations peuvent provenir de mesures, de modélisations, d’inventaires, d’observations, d’analyses de l’état de l’environnement. Elles proviennent le plus souvent de dispositifs de surveillance ou de gestion.

La deuxième étude, réalisée en 2016, recense des bases de données régionales et locales environnementales et spatialisées non intégrées dans des bases nationales. Pour l’Ineris, « les données disponibles au niveau national sont souvent lacunaires et incertaines pour une caractérisation fine des inégalités environnementales et présentent des niveaux d’incertitude importants ainsi que des limites en termes de représentativité spatiale et temporelle. Des efforts doivent être réalisés pour intégrer des données supplémentaires produites au niveau régional local, dans le cadre d’études, de campagnes spécifiques, de plans de gestion ou de la surveillance environnementale, de manière à améliorer la représentativité des données et le type de facteurs de risque suivis » ([191]).

c.   Mettre en place des réseaux régionaux ou interrégionaux de la santé environnementale

À cette fin, l’Ineris suggère la mise en place de réseaux régionaux ou interrégionaux spécifiques au champ de la santé environnementale, coordonnés au niveau national, permettant d’identifier les acteurs impliqués, les sources de données disponibles et de développer l’organisation des systèmes d’informations aux différentes échelles territoriales : « L’information produite serait largement diffusée et facilement accessible respectant les contraintes relatives aux secrets statistiques individuels et aux obligations juridiques sur la diffusion des données publiques environnementales. Une telle coordination aurait comme objectifs de définir les principales fonctions et éléments d’un tel réseau ainsi que les besoins, priorités, orientations à suivre, d’évaluer leurs mises en œuvre et de rendre disponible l’information au public et aux équipes de recherche » ([192]).

Pour l’Ineris, une telle coordination présenterait de nombreux avantages. Elle permettrait notamment de maintenir des efforts de recensement des données environnementales aux différents niveaux territoriaux, et de poursuivre l’identification des besoins d’interopérabilité et de représentativité, l’amélioration du design de production des données, et la poursuite des pratiques de standardisation des données en cours ([193]). Au total, « l’ensemble de ces démarches permettra de spécifier et d’alimenter une plateforme de données constituant l’interface du réseau d’échange basé sur internet afin de fournir un moyen d’accès aux données avec des niveaux d’accès et une résolution géographique différents selon les utilisateurs. Cette plateforme aurait pour objectif de bancariser les données existantes, orienter des campagnes de mesures et d’assurer la disponibilité et l’accessibilité des données ».

Si la diversité des formats liée au défaut d’harmonisation des systèmes de production des données environnementales fait obstacle à leur nouvelle utilisation et intégration, l’Ineris suggère toutefois la possibilité de retenir au départ différents formats de description des données : « les données intégrées n’ont pas toutes les mêmes niveaux d’importance. Certaines d’entre elles permettent d’améliorer la représentativité spatio-temporelle des variables étudiées sur un territoire donné, de caractériser des valeurs de fond, des contaminations faibles ou élevées. Ce sont ces dernières qui ont le plus d’intérêt pour identifier les zones de surexposition et qu’il est donc préférable d’intégrer plutôt que de les exclure, même si elles peuvent présenter des imprécisions, ayant la possibilité de mobiliser a posteriori des méthodes permettant la rectification partielle des problèmes d’inclusion ».

d.   S’engager sur le long terme pour un travail fructueux

Une attention doit être portée à cette observation, compte tenu de l’ampleur du travail requis en cas dans le cas d’une approche exclusivement centralisatrice. Comme l’a rappelé le Dr Roger Genet, directeur général de l’Anses, « la construction d’un observatoire des données environnementales constitue un travail de plusieurs années. La première question est d’identifier celles qui doivent être suivies à court, moyen et long termes. En pratique, l’idée est de disposer des données liées à la contamination des milieux, des données relatives à l’évolution de la biodiversité, et des données inhérentes aux surfaces. Existent aujourd’hui de fantastiques outils d’observation, avec de très nombreuses données, en termes d’artificialisation des sols, d’évolution de la biodiversité, de “trame bleue/trame verte”. Celles-ci peuvent être sources de connaissances au moyen de leurs croisements. Les différentes bases de données sont placées sous la responsabilité de différents acteurs : il est difficile, en conséquence, d’y accéder et de les mettre en relation. De ce fait, la construction du dispositif relève d’un travail de longue haleine, nécessitant de vrais moyens. Elle n’en demeure pas moins incontournable pour travailler sur l’environnement » ([194]).

M. Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail de Santé publique France, a fait le même constat : « Santé publique France s’est portée volontaire pour contribuer à la réflexion à cet égard. L’initiative relative à l’air intérieur pourrait constituer un pilote en la matière. Nous disposons d’expertise, de données et d’un observatoire sur lequel nous appuyer. Ce pilote pourrait permettre une réflexion et la mise en relation des données de santé et des données environnementales. Ce projet n’est pas simple et pourrait être mené non pas à échéance d’un mais plutôt de dix ans. Cependant, il me semble réellement important de poursuivre ces efforts » ([195]).

Votre rapporteure considère donc qu’il convient d’être réaliste : l’engagement du processus de réalisation d’une plateforme des données de santé environnementale ouvrira une période inévitablement longue de travaux difficiles. L’enjeu est d’allier des données fiables à des facteurs environnementaux identifiés. Ce constat incite donc à considérer qu’il y a une place pour les démarches visant à mettre en place des réseaux régionaux et interrégionaux, coordonnés au niveau national, de recueil des données et de systèmes d’information.

Il faut d’autant plus en convenir qu’une base de données, fût-elle demain algorithmiquement très sophistiquée, ne vaut que ce que valent ses données, comme en témoigne un avis récent de l’Anses relatif au registre R-nano, dispositif national de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire et exemple de registre répondant à une démarche de santé environnementale. Pour l’Anses : « l’analyse des données déclarées montre que le renseignement des déclarations n’est pas satisfaisant et que cela impacte notablement les possibilités d’exploitation des données issues du registre. Les données enregistrées ne permettant pas, en l’état, de caractériser correctement les substances déclarées. En l’absence de caractérisation précise et complète de ces substances à l’état nanoparticulaire, aucune évaluation du danger potentiel dans le cadre d’une évaluation des risques ne peut être menée. L’apport du registre dans ce domaine est donc à l’heure actuelle très amoindri, en raison de très nombreuses données manquantes ou de mauvaise qualité » ([196]).

B.   LE Partage des bonnes pratiques au service de la misE en œuvre des prioritÉs de santÉ environnementale

Les auditions de la commission d’enquête ont été l’occasion d’entendre l’appréciation des représentants de l’État, que ce soit au niveau central ou déconcentré, ainsi que de la part de ses opérateurs, en ce qui concerne les conditions d’exercice de leurs responsabilités. Votre rapporteure pourrait être portée à la perplexité devant un discours quelque peu contradictoire, alliant la satisfaction devant les bonnes conditions du travail réalisé en commun et la déploration de la séparation, voire de l’émiettement, des domaines d’intervention et d’exercice de leurs responsabilités – combien de fois la commission d’enquête n’a-t-elle pas entendu, audition après audition, la référence aux « silos » comme la caractéristique de la conception des politiques publiques de santé environnementale et de leur mise en œuvre ?

Votre rapporteure pense pouvoir faire fond sur la première appréciation, n’attachant à la seconde pas plus de poids que ne méritent ces marques sans doute voulues de courtoisie que les hauts responsables administratifs se sentent tenus de témoigner aux députés qui les auditionnent, en se transmettant, d’audition en audition, comme le témoin dans une course de relais, ce qu’ils supposent nous être agréable à entendre. On peut en somme y voir une forme de déférence.

1.   L’interministérialité, gage de la nécessaire direction politique

La structuration institutionnelle ne résulte pas seulement de considérations historiques, mais répond à un souci de rationalité dans l’action, gage d’efficacité, et à une nécessité de légitimité politico-administrative. L’organisation des administrations, centrales et déconcentrées n’en fait pas des « silos ». Lors de son audition, M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, en a rappelé la double expression : la légitimité technique et son corollaire l’arbitrage politique, qui s’exprime dans l’arbitrage interministériel.

– Légitimité technique : « Il est sain de travailler sur des plans sectoriels afin de créer une collectivité de travail autour des sujets concernés, lesquels ont besoin de parties prenantes spécifiques. Tout englober conduirait à créer un “giga-plan” intégrant des centaines d’actions qui représenteraient la somme de toutes celles qui figurent dans les plans sectoriels. En outre, le nombre des parties prenantes serait considérable. Ces plans sectoriels me semblent nécessaires pour s’assurer d’inclure et de former les bonnes personnes, de créer les réseaux adéquats et de disposer des bons relais. Faute d’espace de discussion dédié, nous manquerons d’efficacité sur ces sujets. Il nous faut donc au moins des instances, voire des plans dédiés ».

– Arbitrage politique : « Concernant l’interministériel, j’ai évoqué une obligation et un défi. Aujourd’hui, nous parvenons à bien discuter en interministériel. De façon très logique, un bloc de ministères, dans lequel ne figurent pas seulement l’environnement et la santé, fait spontanément preuve d’une préoccupation évidente de protection de l’environnement et du consommateur. Il est demandé à d’autres ministères de veiller en permanence à la compétitivité des entreprises et à la capacité d’adaptation d’acteurs économiques ou d’institutions. Il s’agit de faire la synthèse d’enjeux importants et légitimes. Nous n’apporterons pas tous une première réponse identique à une question ou une incertitude. Il nous faut avoir ce débat interministériel. À titre personnel, je tiens à témoigner du fait que tous les ministères jouent le jeu, qu’aucun ne pratique la politique de la chaise vide, ne porte de coups bas ou n’intervient à Matignon. (…) L’arbitrage de Matignon est parfois nécessaire. Tel est le fonctionnement classique de nombreuses politiques publiques » ([197]).

Cette double nécessité se marque par exemple dans la tutelle d’une agence d’expertise comme l’Anses, dont l’action par nature transversale, conduit à une tutelle conjointe de cinq ministères représentés par les directions générales de la prévention des risques (ministère chargé de l’environnement), de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (économie), de la santé (santé), de l’alimentation (agriculture) et du travail (travail). Interrogée par votre rapporteure, la direction générale de la santé a insisté sur la pertinence et l’efficacité d’une telle organisation : « [la quintuple tutelle] est de nature à conforter l’équilibre entre les différentes missions de l’agence mais également la transversalité nécessaire à la prise en compte des enjeux de santé humaine. La périodicité de la “présidence tournante” des tutelles a été portée à un an au lieu de six mois dès le 1er janvier 2014. Cette périodicité a permis de renforcer la stabilité du pilotage de l’agence et d’assurer une meilleure coordination des tutelles dans le temps et une synergie évidente entre elles. Les domaines de compétences de l’agence relèvent de façon quasi systématique de plusieurs tutelles, de nombreuses saisines sont cosignées par au moins trois ministères de tutelles. Ce fonctionnement n’est pas remis en cause par les tutelles ni par l’Anses. Par ailleurs, la gouvernance avec l’Anses a été éprouvée : comité de liaison, réunion des cinq directeurs généraux de tutelle, pré-conseil d’administration, conseil d’administration, bilatérales DGS/Anses et échanges entre les services de l’agence et ceux de la DGS » ([198]).

M. Laurent Vilbœuf, directeur général du travail par intérim, s’est exprimé dans le même sens : « tous les trimestres, les cinq directeurs généraux (…) se réunissent et articulent leurs échanges, non seulement pour travailler sur le pilotage de l’Anses, mais aussi pour traiter toutes les questions communes. Cette réunion sert à identifier et traiter les questions d’actualité, par exemple les perturbateurs endocriniens ou le radon. En plus du pilotage de l’Anses, nous évoquons des sujets très concrets, des questions d’actualité qui se posent avec force. Nous nous accordons pour saisir conjointement l’Anses sur tel ou tel sujet puisqu’elle est notre expert pour qualifier les questions d’actualité » ([199]).

2.   L’action des services déconcentrés en matière de santé environnementale est d’ores et déjà intense

Cette double nécessité marque aussi les services déconcentrés de l’État. M. Alexandre Leonardi, chef du service prévention des risques et des nuisances de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) ([200])d’Île-de-France a relevé que : « S’agissant des remontées d’information vers l’administration centrale, sur tous nos sujets, le service de la prévention des risques est en relation étroite avec la DGPR. Nous avons, à différents niveaux, des interactions fréquentes et de grande qualité. J’ai moi-même des interactions régulières, plusieurs fois par an et de façon vraiment formalisée, avec l’ensemble de mes homologues dans les autres régions de France, sous le patronage de la DGPR. Nous avons des échanges évidemment très nourris, par e-mail et par téléphone. Ces échanges sont très fréquents, hebdomadaires ou a minima mensuels. (…) Ils permettent d’avoir une position homogène sur un grand nombre de sujets techniques, d’éviter la reproduction d’erreurs déjà commises et de partager les bonnes pratiques et expériences réussies. Ces rencontres sont souvent très inspirantes et permettent de se nourrir des expériences réalisées ailleurs » ([201]).

En ce qui concerne les agences régionales de santé (ARS), elles ont une mission explicite de santé environnementale explicitée par une instruction ministérielle de 2011 ([202]), et doivent agir sur les facteurs environnementaux pour préserver et améliorer la santé, à la fois par une action de veille, d’alerte et de sécurité sanitaire ([203]), et par une action de promotion de la santé ([204]). L’instruction précitée rappelle qu’un soutien méthodologique à l’intervention des ARS en santé environnementale réside dans le réseau d’échange en santé environnementale (RESE), réseau intranet, rassemblant et actualisant un socle de connaissances et de données indispensables à l’exercice de ces missions, dont la mutualisation des réalisations des ARS et la mise à disposition des éléments de pilotage des actions. L’instruction insiste sur le fait qu’« il est important que chaque ARS contribue à l’enrichissement de ce référentiel ».

Lors de l’audition des représentants de l’ARS d’Auvergne-Rhône Alpes, M. Marc Maisonny, directeur délégué prévention et protection, a insisté sur l’utilité de ce réseau intranet : « nous avons la chance, en matière de santé environnementale, de bénéficier du réseau d’échange en santé et environnement (RESE), qui a été développé avant la création des ARS, et qui est un référentiel partagé de santé-environnement interne à l’administration de la santé, mais ouvert également sur nos partenaires des collectivités, notamment aux services communaux d’hygiène et de santé. Cet outil existe depuis une vingtaine d’années et il permet la mise à disposition de processus méthodologiques en matière de santé environnementale. Il constitue une référence pour les ARS : c’est un outil de bonne facture, mais il est unique. En dehors de cet outil, nos actions reposent sur des échanges inter-ARS, non structurés, au fil de l’eau et en fonction des problématiques, qui permettent des rapprochements entre les ARS » ([205]). Votre rapporteure a relevé les différences d’approche dans la mise en œuvre des politiques de santé environnementale selon les régions.   


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II.   LA PRÉVENTION, pierre de touche d’une approche cohÉrente de la santÉ environnementale, met au premier plan les collectivitÉs territoriales et la sociÉtÉ civile

A.   Mettre la prÉvention au cœur deS HABITUDES INSTITUTIONNELLES

1.   Développer la culture de la prévention dans tous les champs de la santé environnementale

a.   La diversité des approches de la prévention

Dans la conception de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entrent dans le champ de la santé environnementale les politiques et les pratiques de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures. La notion de prévention recouvre donc un vaste domaine d’application dans ce champ, dont deux volets sont traditionnellement distingués : la prévention des risques professionnels d’une part, régie par le code du travail ([206]), et la prévention des risques environnementaux d’autre part, régie par le code de l’environnement ([207]).

Le Pr William Dab, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers, ancien directeur général de la santé, a souligné que « les entreprises très impliquées dans le domaine de la santé-environnement – les entreprises de l’énergie, de l’eau, des services aux collectivités, etc. – établissent des cartographies des risques. Elles identifient les sources de danger et d’exposition et établissent des cotations des niveaux de risque, qui comportent des indicateurs de fréquence et de gravité, même simples et un indicateur d’urgence » ([208]).

L’activité d’une entreprise met en relation, au travers d’une organisation qu’elle arrête des personnes, des procédés et des produits, le tout dans un contexte spécifique – le terme d’écosystème vient aussitôt à l’esprit –, avec ses composantes environnementales, humaines, économiques et sociales spécifiques. La prévention repose sur l’évaluation a priori des risques, risques professionnels et risques environnementaux : les premiers relevant de l’analyse du travail réalisé par chaque salarié et sanctionnée par une obligation de résultats, les seconds de l’analyse des conditions de réalisation de scénarios d’accidents potentiels, sanctionnée par le respect d’obligations réglementaires (par exemple, dans le cas des installations classées pour la protection de l’environnement).

Lors de son audition, M. Laurent Vilbœuf, directeur général du travail par intérim, a témoigné de la complémentarité des approches préventives en ce qui concerne le contrôle des et dans les installations classées pour la protection de l’environnement : « C’est un sujet délicat et d’actualité. En 2018, quatre explosions se sont produites dans de telles installations. Nous avons relancé un plan de contrôle des services de l’inspection du travail sur ces installations, notamment celles classées Seveso seuil haut et seuil bas, avec un cadencement précis des obligations. Les trois points de contrôle sont : vérifier que la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est bien mise en place ; vérifier que les entreprises extérieures interviennent dans des conditions satisfaisantes, car il s’agit d’un facteur de risque par méconnaissance du milieu ; étudier le risque d’explosion ou le risque chimique » ([209]).

Il ne faut pas perdre de vue la diversité des territoires, même de proximité. Par exemple, la mission d’inspection chargée de dresser un retour d’expérience après l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en septembre 2019, relevait : « a été unanimement déclaré par les acteurs locaux, en particuliers les élus, que la “culture du risque industriel” est moins développée à Rouen que dans les autres secteurs du département marqués par une présence industrielle. La comparaison est faite notamment avec l’effort réalisé par la métropole du Havre et la communauté d’agglomération Caux-vallée de Seine, qui disposent de services dédiés aux risques majeurs et qui ont développé, en lien avec les industries, une politique active de sensibilisation de leur population. On peut citer, pour Caux-Seine-Agglo, un plan intercommunal de sauvegarde, des exercices associant la population, des dispositifs d’information en cas d’accident, une présence active sur les réseaux sociaux, des interventions en milieu scolaire, etc. Ce type d’actions est moins développé sur la zone de Rouen, même s’il n’est pas absent » ([210]).

b.   La place de la prévention dans les démarches de planification

Replacé à l’échelle des collectivités publiques, qu’il s’agisse de l’échelon national ou des divers échelons locaux, la démarche de prévention est l’expression de choix de politiques publiques, qui peuvent être plus ou moins affirmés. Sur le plan national, le choix d’une inscription dans une démarche de prévention est de plus en plus manifeste. Votre rapporteure en prendra trois exemples emblématiques.

Dans son axe premier, la stratégie nationale de santé 2018-2022 (SNS) déploie une action qui consiste à mettre en place une politique de promotion de la santé, incluant la prévention, dans tous les milieux et tout au long de la vie. Cette promotion de la santé recouvre les comportements individuels ainsi que les risques associés aux environnements dans lesquels les personnes se trouvent, et à leur évolution : « Au sens large, il s’agit de promouvoir la qualité sanitaire de notre environnement direct (eau, air, sols, bruits, objets du quotidien, salubrité, nuisibles, risques émergents, tels que les nanoparticules, etc.) en agissant sur les sources de pollution et en limitant notre exposition, en s’appuyant sur le principe de précaution le cas échéant, mais aussi d’améliorer nos conditions de vie et de travail, afin d’assurer une qualité de vie compatible avec un bon état de santé. Dans ce domaine, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer, notamment dans le cadre de leurs politiques d’aménagement du territoire » ([211]).

Le plan national de santé publique « Priorité prévention » (PNSP), lancé en mars 2018, tend à rendre opérationnel l’axe premier précité de la SNS, cette déclinaison étant organisée selon l’âge des publics pour agir le plus tôt possible et tout au long de la vie. Dans son rapport d’évaluation ([212]), le Haut Conseil de la santé publique a considéré que ce plan répond globalement au triple objectif qui lui a été fixé : décliner l’axe 1 de la SNS et les éléments concernant la prévention, contenus dans les autres axes et les volets spécifiques du plan ; constituer un outil d’intégration d’autres documents d’orientation en santé publique (plans, stratégies ou feuilles de routes relatifs à des pathologies, comportements ou populations particuliers) ; constituer un outil de mobilisation de différentes politiques en dehors du champ purement sanitaire au service de l’amélioration de la santé.

Dans un nouvel avis, plus récent, relatif à l’évaluation du PNSP ([213]), le Haut Conseil de la santé publique dresse plusieurs constats à l’actif de ce plan : « il affirme la volonté de l’ensemble du Gouvernement de s’engager résolument pour que la prévention ne soit plus seulement un concept mais une priorité tant pour la population, quel que soit son âge ou sa condition, que pour les professionnels qui agissent en faveur de la santé dans toutes ses dimensions. À terme, elle devrait être plus efficace, plus appliquée et mieux coordonnée ». CE plan se positionne aussi en cadre d’orientation parmi les autres plans, mesures ou actions, en vue de donner une impulsion pour structurer et pérenniser un engagement politique déterminé, dans le domaine de la prévention, et insister sur son importance dans l’ensemble des politiques publiques. Enfin, le rapport signale deux atouts majeurs : il fait l’objet d’un enrichissement annuel, qui permet de « réinterroger régulièrement l’existant » et il traduit une approche interministérielle innovante « selon le principe que la santé de la population est tributaire de toutes les politiques » (stratégie de la santé dans toutes les politiques) ([214]).

En matière de santé au travail, c’est l’axe stratégique n° 1 du plan santé au travail 2016-2020 qui porte sur la prévention primaire et la culture de prévention. Ce plan « opère un renversement de perspective radical en donnant la priorité à la prévention primaire et en se tournant résolument vers une approche positive du travail, facteur de santé » ([215]). Parmi les objectifs opérationnels de ce plan figure en première place celui de favoriser la culture de prévention. Les leviers cités sont le renforcement de l’évaluation des risques, une formation accrue en santé sécurité au travail et une sensibilisation des acteurs de l’entreprise. Le plan souligne que « cette démarche peut s’appuyer sur un changement d’approche de la prévention, mettant l’accent sur ses retombées positives tant en termes d’amélioration du bien-être des travailleurs que de performance de l’entreprise ». Le plan porte aussi l’accent sur la prévention primaire pour prévenir l’usure professionnelle et la pénibilité, par une action sur les postes ou l’organisation du travail, et sur la prévention des risques professionnels prioritaires, dont l’exposition aux risques chimiques, deuxième cause de maladies professionnelles et première cause de décès.

À l’échelon régional, cet axe prioritaire est repris dans les plans régionaux de santé au travail (PRST). Par exemple, parmi les trois objectifs du troisième plan régional santé au travail 2016-2020 des Pays de la Loire, l’objectif 1 vise la prévention primaire et la culture de prévention : « Le PRST 3 a pour ambition de mettre la prévention au cœur des préoccupations et de contredire la vision centrée sur la réparation qui prévaut dans notre pays. (…) Mettre en œuvre une démarche de prévention, ce n’est pas seulement prévenir les risques, mais concevoir de manière plus ambitieuse un travail qui prenne en compte les enjeux de santé, le plus en amont possible. La culture de prévention fait ainsi l’objet d’actions mobilisant les leviers que sont l’information, la formation, l’évaluation des risques et la conception des environnements de travail, avec un focus sur les risques identifiés comme prioritaires : chutes de hauteur et de plain-pied, risque chimique, risque routier professionnel, risques organisationnels, risques psychosociaux, risques liés aux technologies de l’information, risques émergents (perturbateurs endocriniens, nanomatériaux, impact des technologies,…) ». L’objectif ciblé est « l’appropriation par tous les acteurs d’une culture de la prévention fondée sur l’action concrète à partir de situations de travail réelles et non seulement sur la mise en conformité avec la réglementation » ([216]). Une telle orientation a fait l’objet d’un consensus parmi les partenaires sociaux de la région.

c.   Le retour sur investissement de la prévention

La démarche de prévention trouve aussi une justification dans le « retour sur investissement » qu’elle permet. Il s’agit de la vision inversée du coût de la non-action sur laquelle votre rapporteure a insisté dans la première partie de ce rapport. Ainsi, à titre d’exemple, une déclinaison financière du raisonnement atteint des montants élevés, le Sénat a chiffré en 2015 le coût de la pollution de l’air en France à 100 milliards d’euros par an ([217]), d’où la remarque incisive de M. Gilles Pipien, ingénieur général des ponts, eaux et forêts, membre permanent du Conseil général de l’environnement et du développement durable : « à titre de comparaison, ces 100 milliards reviennent à jeter un plan de relance à la poubelle chaque année » ([218]).

Votre rapporteure tient à souligner à nouveau à titre d’exemple, qu’en 2014, une première étude exploratoire de l’Anses, du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur avait réalisé une estimation du coût socio-économique de la pollution de l’air intérieur, entendu comme le volume annuel des ressources, humaines ou financières, dont la société se prive du fait de cette pollution (coût social). Six polluants ont été retenus : le benzène, le trichloroéthylène, le radon, le monoxyde de carbone, les particules et la fumée de tabac. Sur la base de la méthode suivie, le coût pour la collectivité atteignait 19 milliards d’euros pour une année, dont 14 milliards d’euros au titre de la pollution par les particules et 2,7 milliards au titre du radon ([219]). La nécessité de prendre ce résultat comme une première estimation n’ôte pas son intérêt au constat d’un ordre de grandeur non négligeable. C’est ce qui motive encore davantage l’engagement de votre rapporteure en faveur de la création d’un document budgétaire retraçant exhaustivement ces coûts élevés (cf. proposition n° 7).

2.   Mobiliser plus largement les compétences des intervenants professionnels

Dans le domaine de la prévention des risques professionnels, le besoin de développer les compétences internes de l’entreprise peut conduire à prévoir du personnel spécialisé en matière de santé et de sécurité au travail, spécialement formé pour certaines activités. En raison de la nécessité d’une veille de l’apparition de nouveaux risques (par exemple, les nanotechnologies ou les risques émergents liés aux perturbateurs endocriniens), la formation doit être renouvelée et actualisée, le choix de recourir à des compétences extérieures pouvant parfois s’imposer. Cela est particulièrement vrai pour les petites entreprises, les plans régionaux de santé au travail mettant en exergue la nécessité d’une sensibilisation et d’un soutien spécifique en ce qui les concerne.

Par exemple, dans le domaine de la prévention des risques professionnels, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) a mis en œuvre, dans le plan régional santé au travail 2016-2020 des Pays de la Loire, une action visant à constituer un réseau d’intervenants en prévention des risques professionnels dans le but de construire une animation régionale prenant en compte un socle de base, commun à tous (méthodologie d’intervention, connaissance de l’environnement et du système d’acteurs régionaux) et des actions par spécialité (ergonomie, psychologie du travail, etc.) et pour tendre vers une charte de bonnes pratiques, voir une éventuelle labellisation.

Peut-être une telle approche pourrait-elle être transposable du strict champ de la prévention des risques professionnels au domaine entier de la santé environnementale. En effet, à l’image du préventeur qui intervient en matière de santé au travail et qui réalise, à ce titre, des diagnostics pertinents, des plans de prévention pour aider à l’amélioration continue, fait évoluer l’organisation, les pratiques et les comportements, aide au partage des bonnes pratiques, en matière de santé environnementale, un professionnel dédié aux actions de sensibilisation, de mise en évidence des particularités locales, d’aide au choix des priorités, de méthodologie de programmation et d’évaluation pourrait peut-être trouver un espace économiquement viable entre les intervenants de services déconcentrés de l’État ou ceux des grandes collectivités locales. Il pourrait s’agir aussi d’une extension du champ d’intervention des ingénieurs ou chefs de projets écologues dont le rôle est de prévoir l’impact des activités sur l’environnement, alliant les compétences de l’expert à la capacité de sensibiliser aux enjeux environnementaux.

B.   L’ALERTE ET lA DÉONTOLOGIE doivent Être renforcÉes

1.   Renforcer la culture de la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts

Comme votre rapporteure en est convenue dans la première partie, il ne servirait à rien, et il serait même contreproductif de nier que le domaine de la santé environnementale est traversé par des interrogations scientifiques et politiques majeures. À raison donc, tout ce qui est de nature à instiller le doute sur la validité des justifications scientifiques avancées à l’appui des choix de politique publique ne peut qu’affaiblir l’attention et l’adhésion de nos concitoyens à ces choix. C’est la raison pour laquelle la prévention des négligences déontologiques dans la recherche et l’expertise ([220])  sont un compartiment indispensable de la démarche de prévention.

a.   La prévention des conflits d’intérêts dans la recherche

En 2018, le réseau des référents à l’intégrité scientifique (RESINT), dont le rôle est d’aider le référent de chaque établissement ou organisme de recherche à traiter les difficultés et signalements de manquements à l’intégrité scientifique qui se présenteraient à lui, a rédigé un guide pour le recueil et le traitement des signalements relatifs à l’intégrité scientifique ([221]). Ce guide propose des recommandations conformes aux bonnes pratiques.

Toute personne agissant de bonne foi peut adresser un signalement au référent, par écrit, par courrier papier ou électronique, à propos de faits sérieux et documentés, les signalements anonymes n’étant pas admis. La procédure doit garantir l’intégrité et la loyauté vis-à-vis de toutes les personnes concernées. L’indépendance du référent dans l’exercice de sa mission est garantie, la procédure, doit être équitable, contradictoire, exhaustive, conduite avec rigueur et objectivité, la confidentialité des informations recueillies et l’anonymat des personnes concernées respectés, les personnes à l’origine du signalement protégées d’éventuelles représailles pendant et après l’instruction, la personne soupçonnée présumée de bonne foi jusqu’à preuve du contraire, les liens d’intérêt identifiés, des personnes sollicitées au cours de l’instruction. Le référent doit proposer une médiation chaque fois que cela paraît possible. Dans le cas général, le traitement est réalisé par le référent lui-même, sauf pour les cas particulièrement complexes ou sensibles justifiant le recours à un comité ad hoc, nommés après analyse des liens d’intérêts éventuels. Les suites à donner au rapport d’instruction appartiennent aux responsables de l’établissement ou de l’organisme de recherche.

En 2019, le Conseil français de l’intégrité scientifique a lui-même publié un vade-mecum pour le traitement des manquements à l’intégrité scientifique à l’usage des chefs d’établissements dans l’enseignement supérieur et la recherche ([222]), qui fait notamment référence au guide du RESINT précité. Le référent à l’intégrité scientifique est normalement le destinataire de l’allégation de manquement. L’identité de l’auteur du signalement est maintenue pendant toute la durée de l’instruction, y compris à l’égard de la direction générale de l’établissement. La présomption d’innocence est respectée pendant la procédure. Le chef d’établissement décide des suites de l’investigation, qu’elles soient académiques – la correction ou la rétractation de l’article relevant de la relation entre l’auteur et l’éditeur scientifique –, disciplinaires, judiciaires, ou d’information des agences de financement et du Conseil français de l’intégrité scientifique. Cette mutualisation vise à permettre de disposer, à moyen terme, de grilles de lecture homogènes de telles situations.

 

Source : Conseil français de l’information scientifique, « Vade-mecum pour le traitement des manquements à l’intégrité scientifique, à l’usage des chefs d’établissements », juin 2019.

Dans la synthèse de ses travaux pour la période 2011-2016, le comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts (CDPCI) de l’Anses soulevait le paradoxe des missions des chercheurs consistant à travailler avec le secteur privé et à participer à des expertises excluant les conflits d’intérêts : « le CDPCI n’a pas rencontré de difficultés particulières pour répondre aux questions précises qui lui étaient posées concernant les liens d’intérêts matériels déclarés par les experts. Mais, à un niveau plus général, il n’a pu que constater le paradoxe auquel l’expertise est soumise. D’un côté, la plus grande rigueur est demandée en matière de choix d’experts sans conflits d’intérêts ; de l’autre, les chercheurs et enseignants – chercheurs qui constituent l’essentiel du vivier d’experts – sont fortement encouragés à travailler avec ou pour l’industrie dans le but légitime de transformer les connaissances théoriques en progrès pour les sociétés » ([223]).

Lors de son audition, le Pr Robert Barouki a relevé ce même paradoxe : « certains chercheurs sont dans un état presque schizophrénique. Il leur est demandé de valoriser leurs travaux, c’est-à-dire de faire en sorte que la vie sociale et économique du pays bénéficie du résultat de leurs travaux, de breveter, de collaborer avec l’industrie pour favoriser son travail. En même temps, lorsque nous collaborons, nous sommes en conflit d’intérêts. L’Anses a du mal à trouver des experts qui n’aient pas, d’une manière ou d’une autre, un lien d’intérêts parce que, dans certains domaines, il existe peu de chercheurs et presque tous sont sollicités très fortement par l’industrie. L’État ne nous décourage pas, au contraire, il encourage les relations entre le public et le privé. Nous sommes donc dans une situation un peu compliquée, que nous essayons de gérer en graduant le niveau de lien d’intérêt avec l’industrie » ([224]).

Le sujet a fait l’objet d’évolutions très récentes, qui ne sont pas encore entrées en vigueur. Le rapport annexé à la loi de programmation de la recherche pour les années 2021-2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche, en instance de promulgation, considère l’enjeu de l’intégrité de la science comme un aspect du renforcement de la place de la science dans la société ([225]). Cette attention trouve sa traduction dans deux nouveaux articles insérés dans le code de la recherche :

– le premier donne un fondement législatif à l’exigence d’intégrité scientifique : « les travaux de recherche, notamment l’ensemble des activités de la recherche publique (…) respectent les exigences de l’intégrité scientifique visant à garantir leur caractère honnête et scientifiquement rigoureux et à consolider le lien de confiance avec la société. L’intégrité scientifique contribue à garantir l’impartialité des recherches et l’objectivité de leurs résultats. Les établissements publics contribuant au service public de la recherche et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour principale activité la recherche publique (…) offrent les conditions du respect des exigences de l’intégrité scientifique pour les activités et travaux menés en leur sein. Ils mettent en place les dispositifs nécessaires pour promouvoir les valeurs de l’intégrité scientifique et favoriser le respect de ses exigences (…) » (nouvel article L. 211-2) ;

– le second renforce la révélation des liens d’intérêt en cas de participation à une expertise publique : « Sans préjudice des dispositions applicables aux agents publics (…), toute personne qui participe directement au service public de la recherche est tenue d’établir une déclaration d’intérêts préalablement à l’exercice d’une mission d’expertise auprès des pouvoirs publics et du Parlement. Elle mentionne les liens d’intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, qu’elle a, ou qu’elle a eus pendant les cinq années précédant cette mission, avec des personnes morales de droit privé dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de l’expertise pour laquelle elle est sollicitée. Cette déclaration est remise à l’autorité compétente » (nouvel article L. 411-5).

b.   La prévention des conflits d’intérêts dans l’expertise sanitaire

L’expertise sanitaire répond aux principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire ([226]). Une charte de l’expertise sanitaire approuvée par décret s’applique aux expertises réalisées dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire en ce qui concerne le choix des experts, le processus d’expertise et de ses rapports avec le pouvoir de décision, la notion de lien d’intérêts ([227]), les cas de conflits d’intérêts, les modalités de gestion d’éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d’intérêts ([228]). Le décret du 21 mai 2013, pris pour l’application de l’article précité, a approuvé la charte de l’expertise sanitaire dont la mise en œuvre doit permettre aux commanditaires et aux organismes chargés de la réalisation des expertises de respecter les principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire et d’assurer la qualité de l’expertise au regard de la compétence et de l’indépendance de ceux qui la conduisent, de la traçabilité des sources utilisées, de la transparence des méthodes mises en œuvre et de la clarté des conclusions.

L’expertise ([229]) a pour objet d’éclairer le décideur et d’étayer sa prise de décision en santé et en sécurité sanitaire, en fournissant une interprétation, un avis ou une recommandation aussi objectivement fondés que possible, élaborés à partir de l’analyse critique des meilleures connaissances disponibles et de démonstrations argumentées sur des critères explicites, accompagnées d’un jugement professionnel fondé sur l’expérience des experts.

L’organisme chargé de la réalisation d’une expertise rend public son processus de désignation ou de sélection des experts. Il peut procéder à la publication d’un appel à candidatures, s’assure des compétences, de l’expérience et de l’indépendance dans la réalisation des travaux demandés (analyse du curriculum vitae, des compétences professionnelles, des productions scientifiques et des déclarations d’intérêts). Il est responsable de son organisation ainsi que du choix et de la mise en œuvre des méthodes appropriées pour répondre aux questions posées, en privilégiant l’expertise collective, lorsque l’objet de l’expertise est particulièrement complexe ou nécessite une approche pluridisciplinaire. L’interprétation, l’avis, la recommandation ou le rapport d’expertise décrit explicitement la méthode utilisée pour sélectionner l’ensemble des données utilisées lors de l’instruction et de la réalisation de l’expertise, et cite en particulier les sources qui fondent les conclusions de l’expertise.

L’organisme chargé de la réalisation de l’expertise décrit, fait connaître et fait respecter les règles applicables en matière de prévention et de gestion des conflits d’intérêts, notamment au moyen d’un guide d’analyse des intérêts déclarés. L’identification d’un conflit d’intérêts au regard d’une expertise donnée conduit l’organisme à exclure la participation de cet expert, sauf cas exceptionnel (si cette expertise présente un intérêt scientifique ou technique indispensable et si l’organisme chargé de la réalisation de l’expertise n’a pas pu trouver d’expert de compétence équivalente dans le domaine concerné qui n’ait pas de conflits d’intérêts). En présence d’un lien d’intérêts qu’il ne juge pas de nature ou d’intensité susceptible de faire mettre en doute l’indépendance ou l’impartialité de l’expert pour l’expertise considérée, l’organisme peut associer cet expert à sa réalisation dans des conditions qu’il détermine.

c.   L’obligation de déclaration d’intérêts

Dans le domaine de la santé, les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils des autorités et organismes sont tenus, lors de leur prise de fonction, d’établir une déclaration d’intérêts ([230]). Cette déclaration mentionne les liens d’intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l’autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions ou de l’organe consultatif dont il est membre ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs.

La déclaration d’intérêts est rendue publique, y compris en ce qui concerne les rémunérations reçues par le déclarant de la part des entreprises, établissements ou organismes précités. Elle est actualisée à l’initiative de l’intéressé. Les personnes soumises à l’obligation de déclaration ne peuvent prendre part aux travaux, aux délibérations et aux votes des instances au sein desquelles elles siègent qu’une fois la déclaration souscrite ou actualisée. Elles ne peuvent prendre part ni aux travaux, ni aux délibérations, ni aux votes de ces instances si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à l’affaire examinée.

Chaque autorité compétente a le soin de veiller au respect, pour les personnes soumises à l’obligation de déclaration de liens d’intérêts, de l’obligation qui est la leur à cet égard et de la prévention des conflits d’intérêts ([231]). Le déontologue de l’organisme en cause s’assure au moins annuellement du dépôt de déclarations à jour. Le déontologue remet un rapport annuel sur les conditions d’application des dispositions relatives à la transparence et aux liens d’intérêts. Ce rapport est publié sur le site Internet de l’autorité ou de l’organisme concerné.

L’Anses a adopté et rendu public un guide d’analyse des intérêts déclarés ([232]) qui doit permettre de comprendre comment l’agence applique, concrètement, les principes d’impartialité et de transparence qui s’imposent pour les missions dont elle a la charge. La déclaration publique d’intérêts permet d’analyser les liens d’intérêts des déclarants et d’évaluer les risques de conflits d’intérêts et est utile pour déterminer au cas par cas si un lien d’intérêt peut entraver l’étude d’un dossier précis par un déclarant ou sa participation à certaines instances.

Le guide explicite la notion d’intensité du lien d’intérêts, qui sert à l’évaluation de ceux-ci. Il s’agit d’une notion qualitative appréciée en fonction de différentes caractéristiques de lien d’intérêts (notamment, l’organisme, la technique ou le produit en cause, le montant financier, de critères temporels comme l’ancienneté, la responsabilité, l’actualité, la durée, la fréquence, etc.). Il résulte de cette appréciation qu’un lien peut être qualifié de :

– lien majeur : le lien est de forte intensité posant la question de la compatibilité avec l’exercice de la fonction ou du mandat par le déclarant. L’Anses pourra alors exclure le déclarant de la fonction, du mandat ou du dossier concerné (sauf pour les représentants du conseil d’administration porteurs d’intérêts par nature : représentants d’associations agréées, d’organisations professionnelles, syndicales, d’élus des collectivités locales), soit adopter des mesures de déport et de gestion, au cas par cas, en fonction du dossier concerné. L’intensité du lien s’atténue avec le temps : après trois ans d’ancienneté, un lien majeur peut devenir mineur ;

– lien mineur : le lien est de faible intensité, a priori compatible avec l’exercice de la fonction ou du mandat par le déclarant. Le lien mineur n’est généralement pas source de conflit d’intérêts, mais l’Anses, au vu des circonstances, se réserve la possibilité de ne pas retenir une candidature ou d’exiger un déport en séance, ou de ne pas confier un dossier ;

– lien hors champ : le lien déclaré est de ce fait sans incidence.

Le contenu de la déclaration publique d’intérêts et sa présentation sont fixés par voie réglementaire. Elle comprend huit rubriques ([233]). La mention des liens de parenté et les montants des participations financières ne sont pas rendus publics. La déclaration publique d’intérêts est actualisée à l’initiative du déclarant chaque fois qu’une modification intervient dans sa situation, celui-ci étant tenu de vérifier sa déclaration chaque année. Sur le site des déclarations des liens d’intérêts ([234]), la publicité des déclarations d’intérêts publics est assurée pendant toute la durée des fonctions ou de la mission au titre desquelles elles ont été établies et les cinq années suivant la fin de ces fonctions ou de cette mission. Les déclarations publiques d’intérêts sont conservées pendant une durée de dix ans, à compter de leur dépôt ou de leur actualisation, par l’administration, l’autorité, l’établissement ou le groupement auquel elles ont été remises.

La base de données publique « Transparence santé » rend accessible au public, via un site internet prévu à cet effet ([235]), l’ensemble des informations déclarées par les entreprises elles-mêmes sur leurs liens d’intérêts avec les acteurs du secteur de la santé (conventions, avantages en nature et en espèces directs ou indirects, rémunérations). La consultation peut se faire par entreprise, par bénéficiaire ou selon une recherche avancée en croisant les critères de période, déclaration, rémunération, convention, entreprises et bénéficiaires.

2.   S’appuyer sur le système des alertes en santé environnementale

Tout lanceur d’alerte de bonne foi doit trouver son interlocuteur, et c’est ce qui a motivé la création de la fonction de référent alerte ([236]). Le portail de signalement des évènements sanitaires indésirables ([237]), mis en œuvre par l’Agence du numérique en santé, permet aux professionnels de santé ou à toute personne (patient, consommateur) de signaler à tout moment un effet sanitaire inhabituel ou indésirable en relation avec des produits de santé, des produits de la vie courante ou suite à un acte de soins. Le portail répertorie les différents dispositifs de signalement et oriente vers les plateformes spécifiques. Tous les signalements sont traités dans le respect de la confidentialité des données à caractère personnel. Le signalement enregistré est analysé par les ARS, les centres régionaux d’expertise ou les agences sanitaires nationales.

La Commission nationale Déontologie et alertes en santé publique et environnement a mis en place une plateforme sécurisée de dépôt de signalements d’alertes ([238]) garantissant la confidentialité des données personnelles (auteurs de signalement, personnes citées comme témoins ou victimes et personnes physiques ou morales mises en cause).


C.   LES CollECTIVITÉs TERRITORIALES ONT UN RÔLE CENTRAL EN TERMES DE SENSIBILISATION

1.   Prendre l’exemple des collectivités territoriales volontaristes

Votre rapporteure fait sienne l’approche co-constructive, qui vise à mieux associer les acteurs locaux à la conduite des politiques publiques de santé environnementale, exprimée par M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques : « Il convient également de réussir l’implication des collectivités territoriales. J’ai peu de doute sur la volonté de progresser de la grande majorité d’entre elles. Reste à identifier la dynamique territoriale adaptée aux questions de santé-environnement. (…) Nous avons des instances et des agences au niveau national, mais la dynamique est différente au niveau régional, départemental et local. Certains acteurs sont très volontaristes, mais il reste à créer une gouvernance et un travail collectif des territoires pour permettre la convergence de ces énergies » ([239]).

a.   L’engagement des régions pour la santé environnementale

Dès que l’on retient d’aborder la question au travers du prisme institutionnel, les réponses sont diverses. Pour le Pr William Dab, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien directeur général de la santé, : « Soyons clairs : les batailles de la prévention se gagnent et se perdent sur le terrain, et nulle part ailleurs. Il ne faut jamais le perdre de vue. Par conséquent les politiques de sécurité sanitaire ont nécessairement besoin d’un échelon territorial. Je pense que le bon échelon est régional » ([240]).

Pour Mme Annick Bonneville, directrice régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) des Pays de la Loire, « les conseils régionaux sont effectivement bien placés pour mener des actions transversales, car ils ont une vision d’ensemble sur plusieurs domaines comme les transports ou l’urbanisation. (…) À titre personnel, je pense que l’échelon départemental aurait plus de sens pour la gouvernance de la santé environnementale. Notre région se compose de départements aux caractéristiques et aux problématiques différentes. (…) De fait, une gouvernance départementale serait plus efficace pour mobiliser les acteurs » ([241]).

Pour Mme Françoise Jeanson, conseillère régionale, déléguée à la santé, la silver économie et aux formations sanitaires et sociales et Mme Carole Doucet, chef du service santé et silver économie de la région Nouvelle Aquitaine, le PRSE devrait être un document d’orientation stratégique, la logique voulant que les régions s’engagent beaucoup plus dans le pilotage : « il est indispensable d’impliquer davantage la région comme animateur de son territoire et comme acteur dans la poursuite des PRSE. Les régions sont la bonne échelle territoriale, le conseil régional le bon interlocuteur pour porter le dispositif, en lien étroit avec les ARS pour les compétences sanitaires qu’il n’a pas. La santé environnementale transcende la question sanitaire et doit aller beaucoup plus loin » ([242]).

Dans la répartition entre les acteurs, la DREAL travaille à la protection des personnes, l’ARS travaille en ce qui concerne le sanitaire, la prévention et le soin, et la région à transformer le modèle agricole et économique, ce qu’un programme comme Néo Terra d’une transition écologique globale, plus vaste que la santé environnementale, traduit. La région contractualise avec des territoires moins larges que les départements et plus larges que les communes. Rien n’interdirait que cette contractualisation territoriale soit ouverte aux ARS. La conférence territoriale de l’action publique (CTAP), qui réunit le préfet, le conseil régional, les départements, les EPCI et qui peut avoir des commissions de travail est le bon instrument pour susciter l’engagement des collectivités locales.

Du point de vue du Dr Daniel Habold, directeur de la santé publique de l’ARS de Nouvelle Aquitaine, « L’action conjointe des acteurs offre un traitement collectif qui nous semble opérationnel. Par exemple, la lutte contre l’habitat indigne associe, dans un pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI) les actions des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) qui s’occupent de l’hébergement et du relogement à partir d’un signalement de veille sanitaire, de la direction départementale des territoires (DDT) qui améliore le parc immobilier et fait les injonctions de travaux d’office, de l’ARS qui donne un avis sanitaire, des conseils départementaux et de leurs travailleurs sociaux, des caisses d’allocation familiale (CAF) et de la mutualité sociale agricole (MSA) qui accompagnent juridiquement (…), des maires et des conseils communaux d’hygiène et de santé. La multiplicité des acteurs peut donc être performante dans certains domaines » ([243]).

b.   L’apport précieux des collectivités de petite taille

Votre rapporteure ne saurait méconnaître que la performance dans la mise en œuvre de choix d’organisation, se fût-il agi du meilleur organigramme du monde, ne vaut qu’à la mesure de l’implication des responsables qui dirigent les institutions et des professionnels qui la servent.

Par exemple, le Dr Éric Vindimian, ingénieur en chef du génie rural, des eaux et forêts, a insisté sur la nécessité de ne pas présumer un lien de causalité entre la taille de la collectivité et la sensibilité à la nécessité de choix d’aménagement favorables à la santé environnementale : « En ce qui concerne les EPCI, pour avoir examiné un certain nombre de plans locaux d’urbanisme (PLU), je peux dire que ce ne sont pas forcément les plus grandes villes qui résolvent le mieux les problèmes. J’ai par exemple examiné le PLU de Marseille. Il y est expliqué que des autoroutes sont présentes dans la ville, mais qu’on n’y peut pas grand-chose. Le problème est certes complexe. Du temps est nécessaire pour passer d’une ville ayant dérivé vers une place insolente de la voiture à une ville idéale en termes de santé, mais je n’ai pas trouvé, dans ce PLU, beaucoup d’ambitions quant aux questions de santé. A contrario, de petites villes, à travers leur PLU, décident que la qualité de vie, qui constitue une autre manière de qualifier la santé, est leur priorité, qu’elle fonde leur originalité et leur attractivité et qu’elle est positive sur le plan économique. Je ne suis donc pas sûr que la taille joue beaucoup » ([244]).

Notre collègue M. Yannick Haury a fort justement rappelé que, du point de vue de l’élu local, la question du choix de la collectivité d’exercice d’une compétence ne saurait être dissociée de celle des moyens qui accompagnent cet exercice : « Certaines communautés de communes regroupent 15 000 habitants alors que des métropoles en comptent 700 000. Nous savons que les petits établissements publics de coopération intercommunale possèdent des moyens limités alors que de plus en plus de compétences leur sont transférées (les plans climat énergie territoriaux, la Gemapi, etc.). Quels moyens leur seraient transférés pour exercer cette nouvelle compétence ? Faute de moyens humains, les communautés de communes feraient appel à des bureaux d’études. Le département me semble être une échelle un peu plus adaptée à ce sujet, sachant que tous les niveaux d’administration territoriale interviennent. Même si la compétence des permis de construire relève de l’intercommunalité, le maire détient le pouvoir de signer un permis pour une école, par exemple » ([245]).

M. Claude Aufort, maire de Trignac et vice-président de la communauté d’agglomération nazairienne et de l’estuaire (CARENE), a témoigné de la volonté d’agir des élus d’une communauté d’agglomération : « Aujourd’hui, la communauté d’agglomération s’est emparée de la politique de santé à son niveau, sachant que d’autres acteurs partagent cette responsabilité. Elle commence ainsi à l’intégrer dans ses politiques, notamment à travers les questions d’environnement. Cela peut sembler simple, mais cela relevait plutôt du domaine de l’État ou des contrats locaux de santé (CLS) et n’entrait pas nécessairement dans la vocation de la communauté d’agglomération. Nous faisons partie des rares intercommunalités à avoir intégré cette question de la santé dans le mandat qui vient de démarrer. Nous avons impulsé des conférences de santé environnementale avec le sous-préfet. Nous en avons mené deux pour l’heure, afin d’expliquer les données qui avaient été communiquées, notamment celles relatives à la surmortalité. Nous répondons ainsi aux questions des industriels, des associations, et des élus locaux » ([246]).

c.   L’implication souhaitable des Ceser

La cartographie des niveaux territoriaux susceptibles de s’impliquer dans des démarches diverses de prévention dans des domaines de santé environnementale doit, elle aussi, s’apprécier à l’aune de l’adéquation entre le territoire, conçu comme un écosystème, c’est-à-dire avec son ancrage environnemental, sa population, son histoire, ses activités économiques, et sa culture – dont sa sensibilité à la culture du risque – et les priorités de santé environnementale. En ce sens, votre rapporteure considère de bonne méthode d’inciter les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) à se saisir des questions prioritaires de santé environnementale de leurs régions respectives.

M. Jacques Bodreau, président du Ceser des Pays de la Loire s’est montré très convaincant et convaincu : « En tant que Ceser des Pays de la Loire, nous avons pris l’initiative d’aborder des préoccupations de santé environnementale à travers des saisines ou des autosaisines ; (…) nous regrettons, à notre niveau, que le PRSE ne soit pas descendu jusqu’au Ceser. Cela aurait permis aux 62 organisations représentant la société civile organisée de s’emparer du sujet. En termes de pédagogie, d’accélération de la connaissance et de mobilisation, ces organisations auraient pu être des vecteurs contribuant à imaginer une politique plus ambitieuse de prévention. En ce qui concerne la proximité, nous nous demandons si ce plan régional santé-environnement ne doit pas être plus contractualisé entre l’État et la région et devenir plus clair en ce qui concerne la responsabilité des uns et des autres. Nous croyons fortement, depuis quelque temps déjà, à la région stratège » ([247]).

Pour M. Cédric Bourillet, directeur de la prévention des risques, en tout cas, en ce qui concerne l’organisation et la structuration, « il convient d’éviter que tout repose sur l’État. Je pense que nous commettrions une erreur en sous-estimant les collectivités territoriales, les acteurs de la société civile, les professionnels de santé et les acteurs internationaux. (…) Il existe un nombre considérable de leviers auprès des collectivités territoriales et des entreprises. Si la gouvernance n’est pas à l’image des leviers et à la disposition des acteurs, et que quelqu’un occupe une place disproportionnée dans la gouvernance par rapport à la réalité de ce qu’il peut faire émerger, le système ne fonctionnera pas complètement. Il convient d’éviter d’être trop « État-centré » ([248]).

Les représentants des agences régionales de santé (ARS) auditionnés partagent cet état d’esprit :

– M. Philippe de Mester, directeur général de l’ARS de Provence-Alpes-Côte d’Azur : « Je pense qu’en dehors des tâches régaliennes, concernant la lutte antivectorielle ou la qualité de l’eau et de l’air, sur lesquelles nous devons être très présents, nous agissons surtout sur des sujets où il est important de mettre en valeur le lien entre santé et environnement. Nous essayons de susciter le partenariat (…). Nous ne voulons pas nous substituer à d’autres ni dominer, mais plutôt faire en sorte que l’ensemble des acteurs du terrain améliorent, dans leurs politiques, la prise en compte du lien entre santé et environnement. Notre rôle est d’accompagner et de développer les partenariats. Les réseaux peuvent permettre d’avancer tandis que ni la région seule ni l’ARS seule ne peuvent véritablement obtenir des résultats. Il faut mobiliser à la fois des acteurs de terrain, des collectivités territoriales, des associations et des acteurs techniques. Nous fédérons et aidons ceux qui ont des leviers plus puissants, en particulier du point de vue financier et humain, comme la région » ([249]).

– M. Marc Maisonny, directeur délégué prévention et santé de l’ARS d’Auvergne-Rhône Alpes : « En ce qui concerne les collectivités territoriales, en particulier les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le lien est noué principalement au niveau territorial, grâce à l’implantation des directions départementales de l’ARS. Ces liens découlent des missions que j’ai précédemment qualifiées d’historiques. À titre d’exemple, le contrôle sanitaire de l’eau, qu’il concerne l’eau potable, les baignades, les piscines ou les eaux thermales, impose des liens importants avec les collectivités, parfois quotidiens en fonction des situations. Au-delà, nous avons effectivement engagé des processus de recherche de collaboration avec les collectivités dans le domaine de la promotion de la santé environnementale » ([250]) .

2.   L’incitation à l’action par la diffusion des bonnes pratiques

a.   L’exemple des observatoires régionaux de la santé

Pour votre rapporteure, la présentation d’engagements et d’actions en partenariat qui ont suscité l’adhésion des populations contribuera toujours mieux que bien des discours à oser engager une démarche de santé environnementale. C’est le cas notamment des observatoires régionaux de la santé (ORS). Créés dans les années 1980, ces associations à but non lucratif ont pour objet l’observation de l’état de santé de la population et de ses déterminants, à l’échelle régionale, ainsi que la production de données afférentes, y compris suivant des déclinaisons infrarégionales.

Les ORS sont consultés à titre d’experts pour la définition et la mise en œuvre des politiques régionales de santé. Les études qu’ils réalisent portent sur différentes dimensions : études épidémiologiques en termes de pathologies, de facteurs de risques, travaux sur l’offre et la consommation des soins ou concernant des populations spécifiques. Ils produisent des indicateurs de suivi de la santé tenant compte des particularités des territoires. La Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé (FNORS) favorise l’accès aux données en proposant outils et méthodes aux ORS et en mutualisant les compétences.

Par exemple, le site d’informations en santé SCORE-Santé met une base de données d’informations homogènes et comparables sur la santé de la population et ses déterminants à la disposition des décideurs, des professionnels de santé et du public. Plus de 2 700 indicateurs peuvent être présentés sous forme de tableaux, cartes ou graphiques en offrant la possibilité d’extraire des données pour les réutiliser. La base présente des séries historiques, parfois sur plus de trente ans, d’indicateurs déclinés selon différents échelons géographiques : national, régional, départemental, territoires des ARS ou infra-départementaux.

L’ORS d’Île de France, quant à lui, a mis en place et anime, à la demande de l’ARS et de la DRIEE, un réseau régional de ressources en santé environnementale. Le tableau de bord régional doit apporter une aide à la décision par la mise à disposition d’informations utiles à l’éclairage des politiques publiques et du débat public, une information sur l’état de santé des habitants de la région en lien avec les facteurs environnementaux, un suivi de l’évolution de l’environnement pour identifier les risques sanitaires potentiels, le suivi de l’évolution des pathologies pour lesquelles un lien avec un environnement dégradé est connu et apporter une information actualisée en matière de santé environnementale.

Le réseau ÎSÉE (Île-de-France Santé Environnement) est animé par l’ORS, veut contribuer à l’émergence d’une culture commune en santé environnementale de la part d’associations, de services de l’État, d’organismes publics, de chercheurs, d’acteurs économiques, d’établissements sanitaires, de collectivités territoriales et de professionnels de santé. Le réseau facilite le partage d’outils, d’informations et de ressources et vise à permettre l’émergence de partenariats inédits.

b.   L’action du Cerema

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) est un établissement public à caractère administratif créé en 2013 devant notamment contribuer, en lien étroit avec les collectivités territoriales, à la connaissance et à l’observation des territoires et à la réflexion prospective sur les enjeux et les risques auxquels ils sont exposés et à traduire les besoins locaux émergents et complexes en thématiques de recherche, en réflexions méthodologiques et en sujets de développement technologique et d’innovation.

Le Cerema peut ainsi réaliser des projets, des expertises, des statistiques, des études et des documents techniques et socio-économiques, développer des méthodes, des logiciels, des systèmes d’information scientifique et technique, mettre en place des partenariats avec les maîtres d’ouvrage publics et les organismes publics ou privés, animer des réseaux professionnels de partenaires publics et privés, contribuer par son expertise et ses moyens métrologiques au développement et à la réalisation d’essais, de mesures, de contrôles, d’inspections et de certifications, participer à des actions menées en commun avec de services de l’État, des collectivités territoriales ou d’autres organismes publics ou privés, français étrangers.

Lors de son audition, M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention et des risques, a insisté sur l’intérêt de « la plateforme mise en place par le Cerema, dont nous assurons le financement, [qui] permet de mettre en exergue de multiples bonnes pratiques de collectivités territoriales afin de proposer une boite à idées à celles qui souhaiteraient se lancer. Ces bonnes pratiques concernent la sensibilisation à l’usage du plastique, le retrait de perturbateurs endocriniens dans les crèches des collectivités territoriales, les transports doux et l’accompagnement relatif aux bruits festifs ou liés au transport » ([251]).

c.   Autres modèles positifs en santé environnementale

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le comité régional d’éducation à la santé a développé un site Internet, « Construisons ensemble l’environnement et la santé des territoires » (CELESTER), comportant des témoignages d’actions en santé environnementale de plusieurs collectivités territoriales ([252]). Le site offre un guide méthodologique pour la conduite de projets visant à promouvoir la santé environnementale (état des lieux, choix des priorités, objectifs, actions, planification, évaluation, communication) et des exemples d’actions ([253]).

Le système d’information inter-régional en santé (SIRSé) ([254]) est une base de données socio-sanitaires et environnementales territorialisée en vue de donner accès à des informations sur l’état de santé de la population nationale et certains déterminants à l’échelle de différentes zones géographiques : indicateurs, cartes, données et graphiques notamment en matière de santé environnementale (adduction d’eau potable, qualité des eaux de baignade, ambroisie). Elle permet de réaliser des portraits de territoire socio-sanitaire selon une zone d’étude choisie par le consultant de la base, par exemple s’agissant du territoire d’un établissement public de coopération intercommunale. Ce portrait rassemble des tableaux et des graphiques présentant une sélection d’indicateurs socio-démographiques.

La plateforme nationale « Territoire engagé pour mon environnement, ma santé » ([255]) met en valeur des actions menées par les collectivités territoriales ([256]).

Le Réseau français des Villes-Santé de l’Organisation mondiale de la santé (RfVS-OMS) rassemble près d’une centaine de villes pour soutenir la coopération entre les villes ou les intercommunalités menant des politiques favorables à la santé et à la qualité de vie urbaine. Parmi les objectifs du réseau figure sa volonté d’« être l’interface pour faire connaître les actions innovantes des villes-santé françaises à l’échelle européenne et permettre aux villes-santé françaises de s’inspirer d’idées nouvelles ». À ce titre, il met en valeur des exemples d’actions entreprises par les villes adhérentes selon différents thèmes, notamment la qualité de l’air extérieur et la santé ([257]), ou encore l’urbanisme et la santé ([258]).

L’information des citoyens est cruciale pour une réelle appropriation des enjeux de santé environnementale. Comme votre rapporteure l’a souligné en première partie, en reprenant l’observation acérée du Pr Willam Dab, professeur émérite au Conservatoire des arts et métiers, ancien directeur général de la santé, l’entrée habituelle des questions de santé environnementale est la dénonciation, l’inquiétude et l’alarme. Le manque d’information est souvent à l’origine de cette inquiétude. La première étape indispensable pour pouvoir corriger ce penchant à la confrontation réside donc dans le partage de l’information.

d.   Différents niveaux d’information

L’information attendue n’est cependant pas de même nature selon les demandeurs et un même vocable peut recouvrir des attentes très différentes. Les scientifiques attendent légitimement de pouvoir accéder aux données brutes leur permettant de procéder à la revue par les pairs ou à l’approfondissement de leurs propres recherches. Les politiques, nationaux ou locaux, attendent des scientifiques des « certitudes scientifiques » et des diagnostics territorialisés pour identifier des actions et des secteurs prioritaires. Or, comme l’a souligné le Pr Robert Barouki : « dans le domaine des relations entre une substance et un effet toxique, nous sommes souvent dans le champ de l’incertitude. Il faut le reconnaître. Ce n’est pas parce que nous sommes mauvais, mais parce qu’il est difficile de faire le lien. De multiples biais sont possibles. Nous ne proposons effectivement pas une solution simple aux décideurs, loin de là. D’un autre côté, nous devons présenter la situation telle qu’elle est, avec sa complexité. Si nous simplifions trop, nous pouvons cacher une partie de la réalité et ne pas aider les décideurs » ([259]).

Quant à la demande de la population, elle peut recouvrir aussi bien la volonté de comprendre la part scientifique et technique d’un monde qui donne le sentiment de « bouger » de plus en plus vite. Il s’agit d’obtenir une réponse à une inquiétude pour l’avenir. Il peut aussi simplement s’agir de connaître sa situation à mesure que peut se répandre un discours anxiogène. Il s’agit alors d’obtenir une réponse à une inquiétude du présent.

En toute hypothèse, il est du devoir de tout scientifique de faire l’effort d’expliquer sa recherche. Aux termes du rapport annexé à la loi de programmation de la recherche pour les années 2021-2030 précitée, la science, un des socles du modèle républicain, « implique aussi une évolution de la posture des scientifiques dans leurs relations avec les citoyens : ils ne peuvent plus se contenter d’affirmer une parole scientifique qui serait reçue comme une vérité “descendante” par des citoyens passifs, ils doivent s’engager dans un véritable dialogue où s’expriment non seulement les savoirs scientifiques mais aussi les analyses de leurs limites, les doutes ou les questions qu’ils soulèvent. Pour les scientifiques, ce nouveau mode de relation, plus riche et plus interactif, exige de se mettre davantage à l’écoute des attentes et des questions de la société ; pour les citoyens, il suppose d’avoir accès à une information de qualité qui leur permet de comprendre les avancées scientifiques et technologiques, de discuter de leurs enjeux et d’y participer » ([260]).

Dans cet esprit, on doit relever la charte d’ouverture à la société ([261]), initiée en 2008, et comprenant en 2020 huit signataires établissements publics de recherche, d’expertise et d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux, dont l’Anses, signataire depuis 2011, Santé publique France, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) ([262]).

En tant que citoyen, le scientifique en activité ou émérite peut être amené à intervenir dans les controverses qui ont atteint « la place publique ». Dans ce cas, comme le suggère l’avis du comité d’éthique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur les sciences citoyennes, sans doute « les professionnels de la science se doivent d’y participer, d’apporter en tant qu’experts les connaissances pouvant éclairer les controverses. Ils doivent dans tous les cas déclarer leurs éventuels conflits d’intérêts, préciser leurs fonctions et leurs liens éventuels avec les parties prenantes du domaine pour lequel leur avis est sollicité. Pour leur expertise, ils doivent prendre toujours la précaution de bien préciser ce qui est connu, de le distinguer de ce qui est possible ou probable, d’expliciter clairement ce que recouvrent les incertitudes et en quoi consistent les hypothèses des modèles prédictifs. Ils doivent éviter autant que possible de projeter leurs a priori dans le débat » ([263]).

Pour ce qui est la volonté de savoir pour soi et les siens la traduction concrète, ici et maintenant, du discours ambiant sur la santé environnementale, les outils de communications les plus divers sont les bienvenus. Des portails et des bases de données permettant d’apporter des réponses « géolocalisées » sont mis en place, par exemple : le site Websol Infosol ([264]) récapitulant les pollutions passées offrant un accès « grand public » ou encore le site Géorisques ([265]), référence en matière de risques technologiques et naturels. Il permet de connaître les risques « près de chez soi » et de renseigner un état des risques (risques naturels et risques technologiques). D’autres sites existent également, comme Prév’air ([266]), la plateforme nationale de prévision de la qualité de l’air, ou encore le site d’information des données publiques sur l’eau ([267]).

Les services déconcentrés de l’État ont une importante mission à remplir, auprès de la population comme auprès des élus. Mme Anne Serre, directrice-adjointe de l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne a pris l’exemple d’un baromètre d’opinion réalisé auprès de la population : « pour ce qui est de l’information de la population, nous relançons le baromètre santé-environnement tous les six ou sept ans environ. (…) Cela peut aussi nous permettre de voir émerger des préoccupations que nous n’avions pas identifiées, des problématiques particulières au sein de la population bretonne. C’est un important travail que nous confions pour partie à l’ORS – pour la partie questionnaire. (…) Ils nous permettent un suivi de l’information et de la prise en compte des enjeux de santé-environnement par les Bretons » ([268]).

Les associations de proximité jouent également un rôle important de sensibilisation. Dans les Pays de la Loire, par exemple, le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) Sèvre et Bocage, association promouvant des actions en faveur de l’éducation à l’environnement et d’accompagnement des politiques publiques de territoire, mène un programme pédagogique en milieu scolaire, des actions visant à promouvoir la santé environnementale : l’accompagnement pour la transition zéro phyto, la prévention de l’exposition au radon chez les particuliers, le territoire du nord-est de la Vendée étant, comme la Bretagne, sur un sous-sol granitique, la sensibilisation à la qualité de l’air intérieur dans les établissements scolaires primaires.

Comme l’a dit Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission prévention des pollutions à l’Association des maires de France (AMF), « il existe une demande d’information de la part des populations. Dans cette perspective, les maires ou parfois les présidents d’intercommunalité sont les élus les plus proches. Les habitants se tournent naturellement vers eux. (…) La mise à disposition des collectivités d’outils qui facilitent la communication dans une démarche pédagogique est assez précieuse et est appréciée par les collectivités, notamment de petite taille » ([269]).


III.   La meilleure prÉvention passe par un effort particulier d’Éducation et de formation qui doit reflÉter une vraie Évolution dans la prise en compte sociÉtale des enjeux de santÉ environnementale

A.   La formation des professionnels est un levier puissant mais sous-exploitÉ

1.   Améliorer la formation des professionnels de santé

Les connaissances des professionnels de santé en matière de facteurs environnementaux sont régulièrement mises en cause, et les déficiences de leur formation en santé environnementale ont été abordées à de multiples reprises tout au long des travaux de la commission d’enquête. Une partie des personnes entendues se sont cependant accordées à voir dans ces engagements une série de vœux plus ou moins pieux. Selon la formule grinçante du Dr Pierre Souvet, cardiologue, président de l’association Santé environnement France, « Dans le PNSE 1, il était prévu d’intégrer la dimension santé-environnement dans la formation initiale. Dans le PNSE 2, il est dit que le développement d’une formation initiale et la formation continue permettront de former les spécialistes. Dans le PNSE 3, il n’est plus prévu de former mais d’analyser les programmes de formation » ([270]). Le Dr Souvet résume : « depuis le premier PNSE en 2004, il ne s’est quasiment rien passé, à part quelques actions de personnes particulièrement engagées qui ont essayé de faire connaître le problème » ([271]).

a.   Les insuffisances des formations initiale et continue des professionnels de santé en santé environnementale

Selon la Dre France Wallet, médecin évaluateur de risques et experte auprès du Haut Conseil de la santé publique, les efforts fournis sont loin d’être suffisants : « Le PNSE parle beaucoup de la formation et de l’information du public, mais très peu de la formation des professionnels, notamment des professionnels de santé, qui ne sont malheureusement pas des experts en santé environnement. Ils sont à peu près au niveau du public en termes de connaissances. Je pense extrêmement important et urgent que cette action de formation des professionnels, que nous traînons depuis le premier plan, aboutisse, puisque l’information en santé passe souvent par les professionnels de santé » ([272]).

Le décalage qui semble exister entre le volontarisme affiché à ce sujet par les pouvoirs publics et le manque d’évolutions concrètes a été plusieurs fois mis en avant. Ainsi, selon notre collègue Mme Claire Pitollat : « la formation des professionnels de santé à ces enjeux est un sujet qui a été abordé dans le programme ‟Ma santé 2022, un engagement collectif‟ et la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que nous avons adoptée. Lors des discussions, il avait été dit qu’il n’était peut-être pas nécessaire de donner des précisions dans la loi, que la volonté du Gouvernement de traiter ces enjeux était déjà présente, et qu’il existait déjà des modules dans la formation des professionnels de santé, que ce soit en formation initiale ou continue. Pourtant, actuellement, nous ne voyons pas vraiment d’accélération de la diffusion de ces messages » ([273]).

Une partie conséquente des personnes auditionnées ont fait valoir la nécessité d’accroître et de massifier les possibilités de formation en santé environnementale, en décloisonnant notamment les spécialités. Ainsi, selon M. Gilles Pipien, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, membre permanent du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), « aujourd’hui, des spécialistes se trouvent dans leur silo et ne perçoivent pas les aspects croisés des politiques. J’ai dû moi-même faire des cours sur les plans de déplacements urbains à des médecins de l’association Santé environnement France, qui rencontraient les problèmes d’asthme des enfants en centre-ville, mais ignoraient l’outil. Nous avons besoin de formations dans ce domaine, des formations communes sur le vivant et son fonctionnement “une santé” entre les médecins, les vétérinaires et les écologues » ([274]).

Il a également déploré « la problématique culturelle de séparation des spécialités et des formations entre les médecins, les vétérinaires et les écologues », sans pour autant donner d’indications sur les façons concrètes d’unifier ces formations sans porter atteinte à la précision et à la spécialisation de leurs contenus, qui semblent tout de même être des caractéristiques nécessaires de métiers requérant des savoirs et des savoir-faire très sophistiqués.

D’autres mettent en lumière une absence de formation sur les thématiques émergentes. Le Dr Pierre Souvet s’est appuyé sur un sondage informel pour illustrer son propos en ce sens : « Sur les 21 internes que j’avais dans une formation que j’ai organisée, 15 d’entre eux avaient déjà été sensibilisés aux perturbateurs endocriniens par les journaux en particulier mais, un seul a jugé suffisante sa formation initiale sur le sujet. Seuls trois se jugeaient capables de conseiller correctement leurs patients sur les perturbateurs endocriniens ». Il a poursuivi sur le sujet : « L’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et l’Intersyndicale des internes en médecine générale (INSNAR-IMG) nous ont demandé de les sensibiliser au sujet. Il est tout de même incroyable que les étudiants s’adressent à une association qui a peu de moyens pour les sensibiliser. C’est dire le manque criant de formation. Il faut arriver à créer des modules de formation à l’université » ([275]).

Certains pointent toutefois des évolutions positives, à l’image de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, cheffe du service de l’environnement et de l’agronomie à la direction générale de la recherche et de l’innovation, qui estime que « dans l’enseignement supérieur, chacune des deux grandes filières concernées – l’environnement et la médecine – s’ouvre à l’autre partie. Désormais, les différentes formations en éco-toxicologie traitent de la santé environnementale. Cela reste une option et ne figure pas dans le tronc commun de toutes les écoles d’ingénieurs, mais elle est proposée » ([276]).

Les institutions mettent également en avant les efforts réalisés pour améliorer la formation des professionnels à ces enjeux. À l’École des hautes études en santé publique (EHESP), par exemple, le département santé environnement travail et génie sanitaire a élaboré des formations diplômantes dans le domaine des risques sanitaires liés à l’environnement général et professionnel. Cependant, selon le site de l’École, les profils de recrutement et les débouchés de ces formations sont spécifiques, ne correspondant donc pas à la volonté d’un enseignement généralisé de ces problématiques à tous les étudiants. C’est le cas du mastère spécialisé proposé en ingénierie et management des risques en santé-environnement et travail, du master de santé publique et risques environnementaux (SPRE) délivré en co-habilitation avec l’Université de Paris, l’Université Paris-Saclay et l’Université de Lorraine ou encore du master de santé publique spécialisé dans les méthodes et outils d’évaluation des risques sanitaires liés à l’environnement (METEORES) ([277]). Le département évoque également « un rôle majeur » dans la formation initiale et continue des fonctionnaires du ministère de la santé qui sont chargés de la santé environnementale : ingénieurs d’études sanitaires, ingénieurs du génie sanitaire, techniciens sanitaires. À titre d’exemple, la santé environnementale ne figure pas parmi les 17 unités d’enseignement de la plaquette de présentation pour la formation au métier de directeur d’hôpital.

Des exemples locaux d’initiatives existent en matière de formation des professionnels de santé aux enjeux de la santé environnementale. Bien que les régions n’aient pas vraiment de compétence sanitaire fortement ancrée, elles ont cependant l’habitude de déployer des actions à l’intention des professionnels et des entreprises, dans leur rôle économique et d’aménagement du territoire. Un exemple local, mené toutefois au sein d’une administration de l’État, de projet de formation ambitieux a été communiqué par les représentants de l’agence régionale de santé de Bretagne, dont le directeur général, M. Stéphane Mulliez, a décrit l’objectif de la manière suivante : « Nous avons construit des modules de formation, avec les instituts de formation d’infirmiers, de kinésithérapeutes, d’aides-soignants. Ils seront proposés dans la formation initiale et seront accompagnés de travaux pédagogiques. Le premier module portera sur ce qu’est la santé-environnement. Il sera développé ensuite par rapport à certains milieux, comme l’eau. Cet outil est très utilisé, un peu à l’instar d’un cours en ligne, d’un webinaire. Pour le concevoir, nous nous sommes rapprochés de professionnels de la communication, et je pense qu’il atteindra notamment les élèves infirmiers » ([278]).

Ce projet, articulé autour de la conception d’une série numérique à l’intention des professionnels de santé et de cahiers pédagogiques à destination des enseignants, a été également soutenu par l’instance régionale d’éducation et de promotion santé (IREPS). Les saisons de la série numérique sont thématiques, et abordent les problématiques importantes une par une, notamment la qualité de l’air intérieur, l’eau, et l’alimentation. Une communication est mise en œuvre en coordination avec le site du plan régional de santé-environnement (PRSE) ([279]).

b.   L’obésité, un exemple de carence de formation des professionnels

Un exemple particulièrement caractéristique du déficit de formation et de connaissance des facteurs environnementaux d’une maladie réside dans le cas de l’obésité. La France connaît depuis les années 1990 une épidémie d’obésité, dont les conséquences se sont fait sentir à l’occasion de la crise sanitaire due à la covid19. L’obésité atteint aujourd’hui 17 % de la population, proportion en constante augmentation. La littérature sur les facteurs environnementaux de cette maladie est aujourd’hui très fournie, et la plupart des conclusions sont globalement partagées. La notice « Obésité » de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) les résume ainsi : « Le rôle de l’environnement, au-delà de l’alimentation et de l’activité physique, semble largement aussi important. L’horloge biologique est montrée du doigt. Elle régule sur environ 24 heures les différentes fonctions de l’organisme et le métabolisme. L’insuffisance de sommeil, l’irrégularité des repas ou encore le travail nocturne perturbent cette horloge et augmentent le risque de surpoids. Mais le stress, certains médicaments, des virus, la composition du microbiote intestinal, l’exposition à des polluants sont vraisemblablement aussi des facteurs à incriminer. Des expositions et des événements précoces au cours de la vie ont aussi leur importance, y compris ceux qui surviennent avant la naissance, voire avant la gestation » ([280]).

En dépit de ces avancées, une grande partie des professionnels continuent de n’évoquer parmi les facteurs de l’obésité que ses causes comportementales, parmi lesquelles la déstructuration des comportements alimentaires, la consommation excessive de lipides et de sucres simples et le manque d’activité physique. Votre rapporteure estime que cette ignorance est particulièrement préjudiciable en matière d’obésité, l’action préventive basée sur la formation y étant particulièrement vitale, comme le précise la même notice : « De plus en plus de travaux pointent du doigt le rôle de l’épigénétique dans l’obésité. Il s’agit de modifications chimiques de l’ADN, indépendamment du code génétique qui reste inchangé. Elles modifient l’expression des gènes et surviennent sous l’effet de facteurs internes et environnementaux. Certaines marques épigénétiques, parfois présentes dès la naissance, sont associées au risque d’obésité. En recherchant ces marques, à quels facteurs elles sont liées (exposition à certains facteurs in utero, hygiène de vie…), l’épigénétique ouvre un champ de médecine prédictive et préventive dans l’obésité ».               

En plus des lacunes qui existent dans la formation sur l’obésité des médecins et professionnels de santé généralistes, il n’existe pas à l’heure actuelle de métier médical spécialisé dans le suivi et la prise en charge de cette maladie, ce qui ne reflète plus aujourd’hui l’importance qu’elle a prise dans notre population. Mme Mélanie Delozé, secrétaire générale de la Ligue contre l’obésité ([281]), décrit la place de l’obésité dans les enseignements de médecine : « Dans leur cursus initial, les médecins ne reçoivent, dans le cadre des enseignements qu’ils suivent sur la nutrition, que quatre heures de formation sur l’obésité. Il existe ensuite un diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) de nutrition. Il est possible d’être médecin généraliste nutritionniste ou médecin endocrinologue nutritionniste, mais ces médecins portent l’appellation de “nutritionniste” » ([282]). Celle des autres professionnels de santé est également décrite en termes négatifs : « quant à la formation initiale des autres professionnels de santé, le problème est le même. Je suis diététicienne de formation, et j’ai dû recevoir une à deux heures de cours sur la prise en charge de l’obésité, envisagée sous le prisme d’un simple régime hypocalorique. Nous n’avons jamais appris les autres causes de l’obésité, la façon dont elle doit être traitée et la prise en charge pluridisciplinaire ».

2.   Les administrations, quoiqu’expertes, peuvent avoir des difficultés à rester à jour sur les effets des expositions sur la santé

Le problème de la formation aux enjeux de santé environnementale est loin de se limiter aux seuls professionnels de santé. Au contraire, des carences ont été constatées dans la formation de la plupart des personnels des administrations publiques. M. Gilles Pipien, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, membre permanent du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), a invité à s’interroger sur la formation de la majorité des acteurs publics : « Il faut aussi former les ingénieurs à ces questions de santé-environnement : j’en discute actuellement avec l’École nationale des travaux publics (ENTP). Il en est de même pour l’École nationale d’administration (ENA) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Je suis en lien avec une association de dirigeants de collectivités territoriales parfaitement conscients des enjeux dans ce domaine. Les élus doivent également être formés. » ([283]).

Les personnels des administrations chargées de la régulation de l’environnement ne sont pas spécialement formés sur les risques pour la santé de ces expositions. Les métiers tels que celui de garde champêtre, qui comportent une connaissance tangible de l’environnement, sont menacés, comme l’a souligné Mme Sylviane Oberlé, représentante de l’Association des maires de France (AMF) : « J’attire votre attention sur l’extraordinaire utilité des gardes champêtres, qui sont un corps en voie de disparition, ce que je regrette au titre de l’AMF, comme les maires. En effet, ils ont un pouvoir de police méconnu, et beaucoup plus environnemental et adapté que celui des policiers municipaux. Leurs compétences et leurs connaissances sont loin d’être négligeables. Si j’avais une demande à formuler à titre personnel, ce serait de se pencher sur la manière de revaloriser ce corps de métier. Il est vrai que le terme de garde champêtre semble un peu désuet, mais leur disparition totale posera un véritable problème » ([284]). Votre rapporteure a apprécié l’originalité de cette pensée et fait sienne la nécessité d’actualiser des métiers anciens qui mettent l’accent la connaissance et la fréquentation intimes de l’environnement et de la nature. Les brigades vertes du conseil départemental du Haut-Rhin ont également été mentionnées comme un exemple à étudier.

Les carences dans les compétences en matière de santé environnementale des personnels administratifs des établissements de santé ont également été soulignées. M. Olivier Toma, porte-parole du comité du développement durable en santé (C2DS), a rapporté l’exemple de maternités qui passent des commandes pour des couches-culottes ayant des effets sanitaires potentiellement dangereux. Il a déploré le manque de caractère contraignant des obligations en santé environnementale : « Pour que cela puisse fonctionner demain, les critères RSE et santé environnementale de la Haute Autorité de santé dans la certification V2020 à sortir – elle a presque un an de retard – doivent être obligatoires et non optionnels. La RSE et la santé environnementale ne peuvent pas être une option. Il faut de plus que les visiteurs experts aient un cursus de formation, avec des modules sous forme de formation en ligne ouverte à tous (MOOC) ou autre, pour qu’ils soient parfaitement efficaces et comprennent les enjeux. Nous manquons de pédagogie sur ces sujets » ([285]).

Au cours de la même audition, il a appelé à cet égard à intégrer la santé environnementale dans la démarche de certification des établissements de santé : « les incitations financières à la qualité (IFAQ) qui existent – et c’est très bien, nous le demandions depuis très longtemps – permettent de reconnaître les établissements engagés dans une démarche qualité. Sept thématiques sont prises en compte et nous proposons de créer un huitième thème sur la RSE et la santé environnementale, de sorte que les établissements les plus engagés soient également soutenus financièrement sur ce sujet ».

Le questionnement porte aussi sur l’intérêt et les connaissances des hauts fonctionnaires en matière de santé environnementale, et rejoint une interrogation plus large portée par cette commission d’enquête sur la profondeur de l’engagement des administrations en faveur de la transition écologique et du développement durable. Ainsi, les interrogations de notre collègue Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe sur le développement durable recoupent-elles celles sur la santé environnementale : « Il se pose en outre une question de culture : dans chaque ministère se trouvent des hauts fonctionnaires mandatés au développement durable, mais existe-t-il une véritable culture partagée ? » ([286]).

3.   Mieux accompagner les élus

La mobilisation des acteurs de la santé sur les sujets de santé environnementale est d’autant plus souhaitable qu’ils jouissent d’une crédibilité qui n’est plus toujours l’apanage des acteurs publics et notamment de l’État. Plusieurs acteurs ont relevé la crédibilité des acteurs professionnels et privés, qui est parfois plus grande que celle de l’État : le Dr Pierre Souvet a ainsi opiné que « les professionnels de santé ont un rôle particulier, parce qu’ils ont encore la confiance des gens » ([287]). Quant à M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, il a considéré que la carence de crédibilité de l’État devait être compensée par un meilleur engagement des autres acteurs sur ces questions : « Nous pouvons mobiliser les professionnels de la santé humaine, animale et végétale, qui bénéficient parfois, auprès des populations, d’un crédit plus large que celui de l’État. Ils disposent de vraies informations, d’une véritable capacité à interagir avec les personnes venant à leur rencontre, et portent un regard affûté sur les bonnes et les mauvaises pratiques. Il est souhaitable de mobiliser autant que possible les professionnels, comme les architectes et les urbanistes, qui exercent une influence importante sur les politiques. Je mentionnerai également les chercheurs dans la mesure où, faute de progresser sur les enjeux de recherche, les actions que nous souhaitons mettre en place se trouveront bloquées » ([288]).

Toutefois, les professionnels de santé ne constituent pas les seuls interlocuteurs qui jouissent encore d’une bonne réputation auprès de la population. Les élus locaux sont ainsi les interlocuteurs privilégiés pour les préoccupations et inquiétudes sanitaires qui peuvent émerger à l’échelle des territoires. Les populations accordent encore aux élus locaux d’avoir à cœur le bien-être de leurs électeurs, et Mme Sylviane Oberlé a expliqué en quoi la préoccupation de santé environnementale pouvait constituer une véritable priorité, notamment pour les maires : « La préoccupation de la santé de leurs concitoyens et de l’impact des nuisances environnementales ne quitte pas les maires, qui ont le souci du bien-être de leurs concitoyens. De manière plus triviale, des contentieux lourds peuvent rapidement survenir, et pourraient engager leur responsabilité pénale. C’est donc une question qu’ils ne prennent absolument pas à la légère » ([289]). En dépit de cette bonne volonté globalement saluée, les élus ont de véritables difficultés en la matière, puisqu’il s’agit du point de rencontre d’approches scientifiques diverses et complexes et que les formations manquent.

En pratique, il n’est pas rare que les maires ne disposent pas de compétences particulières dans les domaines hautement techniques que sont la santé, la chimie, la toxicologie ou les sciences de l’environnement. Bien que les moyens existent pour s’y former, il est très facile de se trouver démuni face à des questions scientifiquement complexes. Face à des dispositifs obligatoires de mesure, par exemple, il peut arriver qu’ils aient du mal à informer les habitants sur les risques et les obligations. De nombreux acteurs auditionnés ont invité à étudier les possibilités pour améliorer l’information des maires sur les phénomènes et les risques environnementaux.

Les acteurs appellent à mener une sensibilisation de fond des maires à ces sujets. C’est notamment la demande de l’Association des maires de France, relayée par Mme Oberlé à l’appui de l’exemple des obligations d’information sur la qualité de l’air intérieur dans les crèches et établissements d’enseignement : « Les résultats de pollution de l’air intérieur doivent être affichés à l’entrée de l’établissement. Cela n’est pas mauvais en soi, mais les maires se rendent parfois compte que leurs administrés ignorent ce qu’est une valeur cible, une valeur seuil, ou une concentration. Ils sont alors obligés de le leur expliquer. Cela permet certes de susciter le débat et d’accroître le niveau de connaissance au sein de la commune, mais peut néanmoins s’avérer compliqué. Aussi, l’AMF souhaiterait avoir accès à une information grand public banalisée, qui existe dans les services de l’État, mais sous une forme parfois un peu trop technocratique. Cela permettrait aux élus, aux maires et aux présidents d’intercommunalité d’expliquer ces notions de manière plus rationnelle à la population ».

B.   Amplifier la prise en compte des enjeux de santÉ environnementale dans l’entreprise

1.   Former les professionnels de l’entreprise et mobiliser les branches

Les formations scolaires et universitaires ne comprennent que rarement des éléments sur l’environnement et la santé environnementale, ce qui a pour conséquence un manque généralisé de connaissances des professionnels à ces sujets. Votre rapporteure estime qu’il est important de réfléchir aux moyens de renforcer la formation de tous à ces sujets centraux de notre époque, en commençant par la formation continue des professionnels de tous les secteurs, qui devrait permettre de déjouer « l’effet silo » déploré par un grand nombre des personnes auditionnées. Le témoignage de M. Christian Zolesi, fondateur de l’agence QAP Conseil, qui a relayé son étonnement face à l’inculture des professionnels, est à ce sujet très évocateur : « La clef d’entrée est certainement la formation. Il n’est pas normal que des élèves d’écoles de commerce qui apprennent à faire des plans de développement n’aient aucune idée de la physique, de la chimie, des ressources utilisées, même tout simplement pour fabriquer les jeans qu’ils portent. Qu’est-ce que le coton ? D’où cela vient-il ? Pourquoi est-ce polluant ? C’est assez rapide à expliquer, de même qu’il faut leur expliquer l’impact climatique des activités humaines, ce qu’est la biodiversité… C’est indispensable, puisque ces personnes se retrouveront dans des entreprises, grandes ou petites, dans lesquelles ces connaissances leur feront prendre les bonnes décisions et avoir les bons réflexes » ([290]).

Certains secteurs de l’économie se prêtent particulièrement au développement de la connaissance des enjeux sanitaires et environnementaux par les acteurs. C’est le cas notamment du secteur du bâtiment, où le développement de formations spécialisées a été plusieurs fois évoqué. C’est ce à quoi invite Mme Catherine Cecchi, vice-présidente de la Société francophone de santé et environnement : « en ce qui concerne la formation, il faut que la santé au sens de la qualité de vie, du bien-être et de tout ce qui contribue à la santé soit enseignée lors des études. Par exemple, la santé n’est pas enseignée dans les écoles d’architecture, n’étant abordée que sous la forme du rapport entre la surface vitrée d’une pièce et la luminosité. Dans le cas de la ventilation et de la qualité de l’air, la seule réglementation provient de la réglementation thermique de 2012 (RT 2012) qui est une réglementation de construction, et non pas une réglementation de santé. Par contre, il n’existe aucune réglementation qui oblige à construire une fenêtre. Une des conséquences de la crise de la covid-19 est qu’il faut vraiment croiser entre elles les recommandations faites aux professionnels pour trouver un terrain de cohérence » ([291]).

Mme Cecchi a été rejointe dans son appréciation par M. Hervé Charrue, directeur général adjoint du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui a expliqué le besoin particulier d’une formation à la santé environnementale des professionnels du bâtiment, secteur qui échappe encore aujourd’hui à la fabrication de masse : « chaque bâtiment est un prototype unique, il n’est pas produit en masse, et chaque acteur intervient dans un contexte particulier avec un niveau de formation qui lui est propre, ce pour quoi la qualité est aléatoire. Par conséquent, il convient de réinterroger la chaîne entre le produit, sa mise en œuvre, la formation des acteurs et la construction finale. Certains outils issus de l’industrie sont de très bonne qualité. Par exemple, une fenêtre double vitrage d’aujourd’hui est de très bonne qualité, qu’elle soit en PVC, en aluminium ou en bois. Cependant, l’industriel ne pense pas à son intégration dans l’ensemble du bâti. Hormis les pattes métalliques qui les assujettissent à l’enveloppe, l’étanchéité à l’eau, l’étanchéité à l’air et l’isolation acoustique dépendent de la solution mise en œuvre par l’artisan ».

M. Charrue a détaillé les formations mises en place par le CSTB : « Le CSTB a donc mis en place une formation en la matière, et souhaite que d’autres organismes proposent de telles formations à l’avenir. Nous ne pouvons toutefois pas nous substituer aux centres de formation du secteur, plus techniques que scientifiques. Les différents centres tels que l’Institut technologique FCBA pour le bois, le Centre technique des industries aérauliques et thermiques (CETIAT) pour la ventilation, ou le Centre technique de matériaux naturels de construction (CTMNC) pour les matériaux naturels ont la capacité d’accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de leurs produits et leur intégration dans le bâti par l’innovation » ([292]).

Il est impératif pour les pouvoirs publics de mieux associer les professionnels à ces démarches de sensibilisation et de formation. De nombreuses idées ont été proposées dans cet objectif, notamment la meilleure association des branches professionnelles, comme l’a expliqué le Pr William Dab, professeur émérite du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien directeur général de la santé : « Au CNAM, j’ai également découvert l’importance des branches professionnelles, qui ne sont pourtant jamais associées à ces dispositifs de politique publique. Or, elles jouent un rôle très important dans le pays, au-delà même de la santé au travail. Le problème de l’échelon régional est qu’il a sa pertinence dans l’organisation des pouvoirs publics, mais qu’il n’existe pas dans les entreprises. Ce qui régule la vie des entreprises et les cadre, ce sont les branches. Un dispositif hybride doit donc être conçu. La région constitue le bon niveau territorial, mais il n’est pas possible de mener une politique de santé environnementale sans y associer les entreprises – c’est-à-dire (pour parler clairement) les pollueurs. Il ne faut pas agir contre elles, il faut agir avec elles. Or, la région n’est pas capable d’intervenir à leur niveau. C’est l’un des points de faiblesse du PNSE. J’ai moi-même mis du temps à comprendre que pour atteindre les entreprises, il faut passer par les grandes branches » ([293]).

Des exemples de processus de formation réussis existent en matière de santé environnementale. C’est notamment le cas, au sein des formations initiales et continues, de la démarche Certiphyto. Celle-ci a permis à des classes d’agriculteurs d’améliorer leurs compétences dans le maniement des produits phytosanitaires, notamment pour éviter les effets des expositions les plus directes. Les résultats de ces formations en matière d’accidentologie agricole ont été probants. Par ailleurs, comme l’a expliqué notre collègue M. Dominique Potier, agriculteur et auteur d’un rapport de mission sur le plan Écophyto, la démarche a également eu des effets intangibles précieux : « nous avons assisté à une révolution culturelle. La question des pesticides est devenue un acquis. Elle est parfois mal traitée dans l’opinion et peut donner lieu à de l’agribashing, mais le lien entre le modèle agricole-pesticides et pesticides-santé devient un acquis de notre pensée commune. Nous disposons d’un socle culturel et d’un système de prévention des accidents du travail » ([294]).

2.   Encourager et accompagner les initiatives en santé environnementale dans les entreprises

Sous la pression des consommateurs, des initiatives favorables à la santé environnementale ont été adoptées de façon croissante par les entreprises dans les deux dernières décennies, et encore davantage dans les cinq dernières années, mais les marges de progrès demeurent très considérables. Les entreprises doivent être accompagnées par les pouvoirs publics dans leurs démarches d’adaptation. Comme le dit M. Sébastien Denys, le dialogue entre les pouvoirs publics et les entreprises est la condition fondamentale, mais non suffisante, de la réussite d’une telle politique : « Je pense qu’effectivement, un industriel ou un agriculteur doit être accompagné dans la mise en œuvre des mesures. On ne peut imposer l’interdiction d’un pesticide du jour au lendemain. L’accompagnement des industriels et des agriculteurs passe par un travail de concertation, d’association et de dialogue avec les parties prenantes, industrielles notamment. Mais je ne peux affirmer que ce dialogue soit suffisant » ([295]).

Les entreprises font cependant face à des situations divergentes en fonction de leur taille et de l’industrie dans laquelle elles opèrent, ce qui appelle de la part des pouvoirs publics des approches différenciées en fonction des besoins. M. Laurent Vilbœuf, directeur général du travail par intérim, a confirmé cette nécessité en détaillant l’approche de ses services : « en ce qui concerne le risque chimique, nous sommes dans un système à deux vitesses. Les grandes entreprises ont les moyens internes de faire face à leurs obligations. Le problème concerne surtout les petites entreprises, parce que la réglementation est complexe, exigeante et qu’il s’agit d’un risque un peu sournois, parfois invisible. Il est plus facile pour un employeur de poser son échafaudage selon les normes, pour éviter les chutes de hauteur, que d’évaluer correctement le risque chimique et de prendre les mesures adéquates. (…) Le problème fondamental est de faire une bonne évaluation des risques et nous savons que, quelle que soit l’activité, seule la moitié environ des entreprises procèdent à l’évaluation de leurs risques. Il faut de plus se poser les bonnes questions. Il s’agit donc d’aider les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) à répondre à ces préalables, puis de les accompagner dans la déclinaison de leurs obligations au quotidien. Ces priorités sont largement partagées par les partenaires sociaux et les acteurs de la vie de tous les jours. Nous avons mis à disposition des TPE et PME un certain nombre d’outils d’évaluation du risque chimique pour les aider, compte tenu de leurs difficultés à cet égard » ([296]).

M. Laurent Vilbœuf a également mis l’accent, de manière convaincante, sur l’importance du rôle du médecin du travail dans cette mission : « Le médecin du travail a un rôle de conseil au chef d’entreprise et de préservation de la santé des travailleurs. Il est “sur le terrain”, connaît les postes de travail, ce qui fait sa valeur ajoutée par rapport à la médecine de ville. À partir de son expertise et de sa connaissance des postes de travail, il est le conseil du chef d’entreprise, notamment pour son évaluation des risques, indépendamment de la visite médicale ou même de la surveillance renforcée dans certains cas. Son expertise et son approche globale de la santé au travail lui donnent un rôle majeur. Il peut s’appuyer aussi sur nos services, en particulier sur le médecin inspecteur du travail, mais sa compétence médicale, renforcée par la pluridisciplinarité des services de médecine au travail, permet l’approche au plus près du terrain. Le médecin de l’inspection du travail intervient en contrôle, identifie les situations pathologiques ou des situations anormales et peut conseiller, mais celui qui est le plus adapté aux champs de la santé au travail est le médecin du travail » ([297]).

Les entreprises auditionnées ont toutefois tenu à souligner la pression considérable qui leur est imposée d’aller au-delà de ce qu’imposent les dispositions légales, et la nécessité de les soutenir dans le devancement des attentes sociales. C’est ce phénomène particulier et assez nouveau qu’a détaillé M. Christian Zolesi : « dans la réglementation REACH, il y a des substances dont nous savons qu’elles peuvent être dangereuses à différents titres. Dans la réglementation des matériaux à contact alimentaire en plastique, un certain nombre de ces substances sont encore autorisées, ce qui oblige à faire la différence entre la conformité d’un produit et sa sécurité sanitaire et environnementale. Être « conforme » ne suffit plus aujourd’hui. Certaines entreprises ayant un niveau de culture rudimentaire sur ces sujets ne comprennent pas pourquoi, alors que leurs produits sont conformes, il leur est reproché de contenir telle ou telle substance. Les entreprises se font devancer en permanence par les attentes de la société. Comment les aider à gérer au mieux ces situations ? » ([298]). M. Zolesi a appelé à concilier les approches par la maîtrise des risques et par la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

3.   Renforcer les obligations de certification et d’étiquetage des produits pour améliorer les comportements

L’étiquetage des meubles qui a été mis en œuvre dans le cadre du plan d’action sur la qualité de l’air intérieur peut constituer un exemple à suivre et une première étape dans la construction d’un système d’étiquetage et de transparence sur la composition des produits. Il faudrait cependant commencer par la production d’une évaluation systématique de l’efficacité des obligations d’étiquetage qui ont d’ores et déjà été mises en place. Le Dr Fabien Squinazi, médecin biologiste, membre du Haut Conseil de la santé publique, indique en effet que : « Un étiquetage avait été mis en place, dans le cadre du plan d’action sur la qualité de l’air intérieur, sur les produits de construction et de décoration. Nous avons simplement vérifié que l’étiquette dite A+ se trouvait bien sur les emballages de ces produits, mais nous n’avons pas vérifié si cet étiquetage était efficace, si des essais avaient été faits pour contrôler la correspondance entre l’étiquetage et les émissions de composés chimiques volatiles des produits » ([299]).

On peut souligner un manque de volontarisme des acteurs sur ces questions, qui résulte souvent dans le fait que les actions mises en place ne sont pas menées jusqu’à leur terme. Le Dr Fabien Squinazi rappelle à cet égard que « il avait aussi été proposé, dans le PNSE 3, de faire des autodiagnostics et des mesures de différents polluants dans les établissements recevant du public, notamment dans les établissements accueillant de jeunes enfants comme les crèches et les écoles. Nous avons eu une remontée d’informations sur les polluants mesurés et nous avons donc pu établir une distribution des concentrations de polluants dans ces établissements. Malheureusement, nous n’avons pas su quel était le bilan de ces autodiagnostics dans les établissements et cet autodiagnostic a été repris dans l’action 13 du PNSE 4 malgré l’absence de bilan » ([300]).

Un exemple intéressant est celui du domi-score élaboré par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Cette initiative, qui est fondée dans l’idée que l’habitat, en tant qu’élément déterminant du milieu de vie de l’individu, est un facteur majeur de la santé, particulièrement sensible du reste aux inégalités économiques. C’est pourquoi, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), le Gouvernement a demandé au HCSP d’élaborer un outil permettant de caractériser les impacts du logement sur la santé et le bien-être des habitants. Il a vocation à être renseigné par les professionnels de l’immobilier, les travailleurs sociaux, les services de l’État, ou encore les associations de lutte contre l’habitat indigne.

Le Pr Denis Zmirou, président de la commission spécialisée dans les risques liés à l’environnement du Haut Conseil de la santé publique, décrit cette initiative en ces termes : « Nous venons d’achever une consultation publique sur l’élaboration d’un outil harmonisé de qualification de la qualité d’un habitat, en termes de santé et de bien-être, nommé domi-score, qui s’établit sur le modèle du nutri-score. Ce site a été consulté par 3 500 personnes et il a donné lieu à 200 propositions documentées d’amélioration dont nous nous saisirons, pour finaliser cet outil et le rendre public fin octobre » ([301]). Là encore, les résultats de l’évaluation pourront permettre de savoir si le domi-score peut constituer un exemple positif dans cette démarche.

Il existe d’ores et déjà des applications et des sites internet, développés notamment par des associations de protection des consommateurs, qui permettent d’évaluer la toxicité des produits. Par ailleurs, la labellisation se développe rapidement en réponse à une plus forte demande des consommateurs de s’assurer de certaines caractéristiques des produits qu’ils achètent. L’Agence de la transition écologique (ADEME) maintient une liste des labels reconnus de manière à aider les consommateurs à s’orienter dans ce qui peut s’apparenter à un maquis ([302]). Pour ce qui concerne les vêtements, par exemple, l’écolabel européen, qui garantit la limitation de certains produits chimiques dans les procédures de traitement des fibres naturelles, pour certifier l’absence de substances indésirables.

Votre rapporteure estime qu’il demeure crucial, avant tout, de porter au niveau européen le problème de la collecte de données de production tout au long de la chaîne de fabrication et l’objectif d’un étiquetage plus transparent et complet. La Ligue contre le cancer propose depuis plusieurs années de mettre en place un « toxiscore » sur le modèle du nutri-score qui existe déjà. Apposé sur les produits de consommation tels que les vêtements, les objets d’ameublement, les produits ménagers, les cosmétiques et les produits d’hygiène, il comprendrait une notation indiquant la dangerosité des composants. Puisqu’un certain nombre des substances qui sont actuellement autorisées sur le marché sont classées comme des cancérogènes probables, il semble pertinent de pouvoir l’indiquer de manière claire pour alerter les consommateurs à la survenance possible d’effets combinés ou d’effets multi-expositions.

Comme l’explique notre collègue Mme Claire Pitollat, rapporteure de la mission d’information sur les perturbateurs endocriniens dans les contenants en plastique, le toxiscore présente de multiples atouts pour compenser les carences du nutri-score, dont la principale est qu’il est purement nutritionnel : « Avec Mme Laurianne Rossi, nous avions proposé lors de notre mission d’information la mise en place un toxiscore. La difficulté du nutri-score est qu’il est purement nutritionnel : il concerne les calories, le sucre et les graisses. Les additifs et tous les produits chimiques ne sont pas pris en compte, alors qu’ils produisent ce cocktail dangereux, particulièrement pour la femme enceinte, mais aussi pour les adolescents et les personnes âgées. Nous avions proposé un toxiscore afin que ces informations soient vraiment visibles pour le consommateur. Dans la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, nous avons réussi à introduire une obligation de déclaration pour les industriels, mais elle n’est pas toujours visible par chacun. Cela signifie qu’il faut des applications à scanner telles que Yuka, englobant davantage d’éléments. C’est regrettable, car c’est le rôle des pouvoirs publics d’indiquer ce qui est sûr pour notre santé. Petit à petit, nous pourrions aboutir à une application créée par les pouvoirs publics et permettant de définir la toxicité et le toxiscore, en indiquant qu’il y a un risque d’obésité et de cancer et en reprenant la classification cancéro-reprotoxique » ([303]).

 

 


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   examen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 16 décembre 2020, la commission d’enquête, sous la présidence de Mme Élisabeth Toutut-Picard, a procédé à l’examen du rapport présenté par Mme Sandrine Josso.

La réunion débute à quatorze heures.

Mme la présidente Élisabeth Toutut-Picard. Chers collègues, nous arrivons au terme des travaux de notre commission d’enquête relative à l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale.

Deux points sont inscrits à notre ordre du jour : la restitution des travaux de la commission d’enquête et le vote pour autoriser la publication du rapport.

La rapporteure, Mme Sandrine Josso, va nous présenter une synthèse des travaux de la commission d’enquête, ainsi que les propositions qui figurent dans son rapport. Je vous donnerai ensuite la parole pour lui poser des questions ou formuler des observations.

Ceux d’entre vous qui souhaiteraient apporter une contribution écrite au rapport ont la possibilité d’envoyer leur texte au secrétariat de la commission jusqu’au 23 décembre. Cet après-midi, nous voterons uniquement sur le rapport en lui-même, mais le document final qui sera mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale comprendra également ces contributions, dont la mienne.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Chers collègues, comme vous le savez, j’ai été à l’initiative de cette commission d’enquête sur une question qui constitue, selon moi, la préoccupation fondamentale de notre temps. À la fin du parcours, je tiens à vous remercier tous d’avoir participé à ces travaux et enrichi les débats, alors même que la période automnale est très chargée à l’Assemblée nationale. Je souhaite partager avec vous les principaux constats auxquels je suis parvenue et vous présenter les propositions que j’ai retenues pour que la France se dote enfin d’une politique efficace en matière de santé environnementale.

La grande majorité de nos concitoyens a conscience que la dégradation de la santé environnementale affecte l’ensemble du biosystème : les santés humaine, animale et végétale sont interdépendantes. Or les outils de politique publique dont nous disposons ne sont pas à la hauteur des attentes. De nombreuses personnes auditionnées nous ont rappelé le coût faramineux – en termes de vies humaines, mais aussi pour les finances publiques – de notre inaction dans ce domaine depuis des décennies.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 12 à 13 millions de décès dans le monde, soit 23 % de la mortalité globale, sont liés à une cause environnementale – en premier lieu la pollution de l’air, en second lieu la qualité de l’eau. L’Agence européenne de l’environnement, dans un rapport récent s’appuyant sur les études de l’OMS, en estime la proportion en Europe à 13 %, soit 630 000 décès. Selon la commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, le coût global de cette pollution, au regard de ses conséquences économiques, environnementales et sanitaires, s’élève à plus de 100 milliards par an, dont 20 milliards pour le seul air intérieur.

Plusieurs scientifiques auditionnés l’ont expliqué, la santé environnementale demeure une matière sujette à des difficultés conceptuelles, marquée par des désaccords de principe et de méthode. Aux incertitudes qui peuvent exister en épidémiologie quant à la compréhension des causes des maladies, s’ajoutent en effet les défis propres à la toxicologie et à l’écotoxicologie, ainsi que la complexité technique et logistique de la mesure de l’environnement. C’est pourquoi je propose tout d’abord de progresser dans la connaissance, et de développer des programmes de recherche intégrant des approches méthodologiques relevant des sciences humaines et sociales, centrés sur les « effets cocktails » et les conséquences des expositions multiples à faible dose – c’est la proposition no 1.

Il me semble également nécessaire de renforcer l’effort de recherche prévu dans la loi de programmation afférente, afin d’établir les causes environnementales à travers l’étude de l’exposome – c’est la proposition no 2.

Les actions menées depuis le début du XXIe siècle, si elles ont enregistré certains succès dans des domaines ciblés, ont montré les limites de la mise en œuvre d’une politique de santé environnementale à l’échelle nationale. De l’avis général, la planification en matière de santé environnementale est un échec avéré. Le plan national santé environnement (PNSE), notamment, apparaît ineffectif, en partie du fait d’une absence de volonté politique de le soutenir et de le faire progresser, alors même que ses enjeux sont essentiels pour notre avenir commun. Un plan soutenu par une véritable volonté politique, comme cela a été le cas pour le plan cancer, peut avoir des résultats tout à fait impressionnants. J’ai également été frappée, à ce propos, par la quasi-unanimité des personnes que nous avons entendues. Il faut donc repenser la place de la santé environnementale dans l’organisation de l’action publique.

Pour une approche transversale, je vous propose en particulier de tenir annuellement une conférence nationale de santé environnementale, rassemblant les acteurs du domaine – c’est la proposition no 3 –, et de cesser de considérer la santé environnementale comme une politique publique ciblée, pour l’imposer comme une dimension obligatoire de toutes les autres politiques menées – c’est la proposition no 6. De la même manière que notre pays a adopté, il y a quelques années, une démarche de la « santé partout », il faut vraiment réfléchir en termes de la « santé environnementale partout ».

Au niveau sectoriel, le traitement de plusieurs pathologies doit être revu pour prendre pleinement en considération les facteurs environnementaux incriminés dans leur développement, et trouver de nouvelles solutions pour leur prévention.

Il en va ainsi de l’obésité, maladie qui affecte plus de 8 millions de nos concitoyens et dont le traitement reste centré sur le comportement nutritionnel et l’activité physique. Ce n’est pas suffisant. Je propose donc de transformer la feuille de route Obésité en une stratégie nationale de prévention, incluant le traitement des facteurs environnementaux, en particulier les perturbateurs endocriniens – c’est la proposition no 4.

Quant aux cancers pédiatriques, il est essentiel de les placer au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer, en cours d’élaboration – c’est la proposition no 5. En tant que députés, il est de notre devoir d’alerter le Gouvernement à ce propos.

Dans le cadre de la révision du règlement européen concernant l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation des substances chimiques et les restrictions applicables à ces substances (REACH), il nous faut également convaincre les ministres chargés de ce dossier de la nécessité d’intégrer les effets des perturbateurs endocriniens parmi les toxicités prises en compte dans l’examen des produits – c’est la proposition no 9.

Par ailleurs, comme le recommandaient nos collègues Claire Pitollat et Laurianne Rossi, nous devons soutenir la mise en place d’un « toxi-score » permettant d’évaluer les produits de consommation en fonction des produits reprotoxiques et cancérogènes, ou encore des perturbateurs endocriniens qu’ils contiennent – c’est la proposition no 23.

Dans le domaine des produits chimiques, il me semble enfin indispensable de renforcer les obligations des professionnels en matière de transfert des informations aux agences évaluatrices – c’est la proposition no 10.

En ce qui concerne l’architecture de la politique de santé environnementale, nous devons inverser la logique actuelle, inefficace. Les initiatives locales, qui sont les mieux à même de répondre aux inquiétudes de la population, doivent être favorisées. Pour recueillir, diffuser et faire connaître les données de santé environnementale, je propose de mettre en place des réseaux régionaux et interrégionaux, coordonnés au niveau national, avec le concours, notamment, des observatoires régionaux de santé et des observatoires régionaux de la biodiversité.

Face à l’urgence de la question et aux situations parfois dramatiques auxquelles font face les populations – je pense en particulier aux communes frappées par des clusters de maladies affectant les enfants, qu’il s’agisse de cancers ou de malformations –, chaque territoire doit désormais s’engager dans un effort de prévention et d’amélioration de la santé environnementale. Je propose donc de rendre obligatoire la signature de contrats locaux de santé par les établissements publics de coopération intercommunale – c’est la proposition no 13.

Au niveau régional, deux innovations doivent être mises en œuvre. Les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) doivent devenir le relais de référence des préoccupations de la société civile en matière de santé environnementale – c’est la proposition no 14. Il faut également favoriser le rapprochement entre les observatoires régionaux de santé et les observatoires de la biodiversité au sein d’observatoires régionaux de la santé environnementale, qui pourraient être mis à la disposition des Ceser – c’est la proposition no 15. Certaines instances existent mais ne sont pas actives : il importe de faire en sorte qu’elles le deviennent et qu’elles travaillent les unes avec les autres.

Sur le terrain, le rôle des professionnels de santé est central. Or leur formation en matière de santé environnementale est pour le moins lacunaire. La marge de progression est donc très importante, à plusieurs égards. Je propose ainsi d’accorder une plus grande place dans le cursus médical à l’étude des facteurs environnementaux émergents en la rendant obligatoire dans la formation continue – c’est la proposition no 17.

S’agissant plus précisément de l’obésité, la connaissance de ses causes environnementales doit être mieux appréhendée pour améliorer la prévention et le traitement de cette maladie. En dépit de son augmentation colossale au cours des trente dernières années, qui en fait, selon moi, une véritable épidémie, aucune évolution notable n’a eu lieu dans la formation des professionnels qui sont amenés à s’en charger. Il me paraît donc nécessaire de créer un diplôme de médecin obésitologue qui permette une prise en charge au long cours par un médecin spécialiste des personnes souffrant de cette pathologie – c’est la proposition no 19.

Enfin, en tant qu’élus, nous devons nous-mêmes progresser dans notre connaissance des enjeux de la santé environnementale pour pouvoir dialoguer avec la population et diffuser des informations en la matière. Le rôle des maires est particulièrement important quand il s’agit de faire face aux inquiétudes de la population, de soutenir celle-ci et de l’accompagner : ils sont parmi les rares autorités publiques à continuer de jouir de la confiance des citoyens. Je propose donc de développer des outils, notamment numériques, afin de renforcer l’information de tous les élus et leur capacité à communiquer en matière de risques environnementaux et sanitaires – c’est la proposition no 22.

Voilà, mes chers collègues, brièvement résumé, le contenu des analyses et propositions que vous trouverez dans le rapport.

M. Dominique Potier. Merci, madame la rapporteure, pour cet exposé synthétique de vos propositions. Nous sommes agréablement surpris, compte tenu du déroulement des auditions et des hésitations qui ont marqué le début de nos travaux, tant le champ était immense. Je vous félicite : vous avez fait preuve de persévérance et d’intelligence. Nous sommes fiers de vous.

À l’issue d’une commission d’enquête comme celle-ci, se pose, comme chaque fois, cette question pratique : qu’adviendra-t-il de ses conclusions ? En dehors de l’enthousiasme de nos collègues parlementaires, que vous saurez entretenir, avez-vous senti, lors des auditions, notamment celle de la ministre de la transition écologique, le souhait que certaines des propositions trouvent place en 2021 dans un véhicule législatif, par exemple le projet de loi faisant suite à la Convention citoyenne pour le climat ? Y aura-t-il, à tout le moins, des inflexions politiques par la voie réglementaire ou des évolutions budgétaires ?

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Je vous sais très engagé sur ces questions, monsieur Potier ; vos propos sont donc très rassurants. La santé environnementale est un enjeu transpartisan. Comme vous l’avez dit, certains véhicules législatifs nous permettront peut-être d’intégrer des propositions par voie d’amendement.

Pour faire suite à cette commission d’enquête, je propose de créer un groupe de travail, une sorte de comité de pilotage ayant pour objectif de déterminer la stratégie à venir. Nos propositions ne doivent pas rester lettre morte : il faut qu’elles se traduisent en actions. Nous devons nous mettre d’accord sur certaines priorités, au regard des textes qui nous seront soumis. Je serai à l’écoute des propositions de chacun allant dans ce sens. Je crois à l’intelligence collective ; ce sujet doit nous rassembler. Du reste, nos concitoyens nous attendent sur ces questions.

M. Jean-Louis Touraine. Je vous adresse de vives félicitations, madame la rapporteure, pour le travail que vous avez accompli. Les circonstances n’étaient pas simples : on aurait pu craindre que les auditions soient entravées par la crise sanitaire. Or elles se sont révélées d’une grande richesse. J’y ai trouvé beaucoup d’informations utiles, pertinentes et susceptibles de donner des idées. Je vous remercie également pour le rapport que vous nous présentez. Il résume bien le travail effectué et contient un certain nombre de propositions.

Toutefois, je voudrais évoquer un point qui n’y est pas suffisamment mis en relief, à savoir l’évaluation du troisième plan national santé-environnement. Vous avez, tout comme moi, lu les critiques formulées aussi bien par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) que par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). L’un et l’autre considèrent que ce plan a été défaillant : sur les 110 actions envisagées, beaucoup n’ont été mises en œuvre que de façon très relative. Autrement dit, les réalisations ne sont pas à la hauteur des attentes. Selon l’IGAS, « très peu » des actions « visent à diminuer l’exposition aux facteurs nocifs ». Le CGEDD remarque que la plupart d’entre elles n’ont pas été opérationnelles. En dépit des recommandations du Haut Conseil de la santé publique, aucun indicateur sur les effets concernant la santé n’a été défini et aucune des actions n’a fait l’objet d’un chiffrage financier.

Nous sommes donc au milieu du gué. Cela m’amène à faire une réflexion qui dépasse le cadre de notre commission d’enquête : c’est un travers très fréquent dans notre pays que d’avoir beaucoup de plans, mais aucun d’entre eux n’atteint les objectifs fixés. J’ai vu se multiplier les plans cancer ou autres plans relatifs aux transplantations d’organes ; on est toujours déçu au moment où s’achève la période définie. Cela signifie que les ambitions sont tellement excessives qu’elles sont inatteignables, mais aussi – et surtout – que nous ne nous donnons pas les moyens de les réaliser. Du fait qu’il n’y a pas d’évaluation au jour le jour, au bout de quelques années, on ne peut que déplorer l’écart entre ce qui était programmé et ce qui a été accompli, et l’on dit qu’on fera mieux la prochaine fois. Mais ce ne sera pas vrai, à moins de mettre en place un système permettant de lister chaque mois les avancées, et surtout de comprendre pourquoi on ne parvient pas à atteindre les objectifs. Si je devais donc émettre un vœu, ce serait que le quatrième plan national santé-environnement soit assorti d’obligations de résultat beaucoup plus fortes.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Il est vrai, monsieur Touraine, que vous avez une longue expérience. J’accorde toujours beaucoup d’importance à cette expérience, et à sa transmission.

Des informations précises sur le travail d’inspection figurent en annexe du rapport. Nous n’avions pas à refaire ce travail.

Votre remarque sur la méthodologie qui doit changer est très intéressante. C’est aussi pourquoi nous devons organiser une continuité à cette commission d’enquête, et piloter un vrai groupe stratégique à des fins d’action et d’efficience. Nous sommes tout à fait d’accord.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je me joins aux félicitations de mes collègues concernant les travaux et le fort intérêt du sujet, notamment dans le contexte de cette crise sanitaire.

Le contrôle et l’évaluation est également un sujet qui m’est cher. Il devrait d’ailleurs l’être de plus en plus au sein de notre assemblée, puisque c’est une mission fondamentale des députés. Le comité de pilotage que vous envisagez, madame la rapporteure, renvoie aux échanges que nous avions eus lors de notre première rencontre sur la façon de circonscrire ce vaste sujet de la santé environnementale ainsi que sur son pilotage et sa gouvernance. On a vu la multiplicité des plans pas forcément aboutis ; l’évaluation pas forcément conduite ; la difficulté d’application par l’ensemble des gouvernances ministérielles d’une politique transversale.

Il est régulièrement pointé que, dans notre politique de prévention, pilotage et gouvernance sont une faille à laquelle il faudrait vraiment remédier. Avez-vous eu des retours s’agissant de la nécessité d’imposer partout et à tous la politique de santé environnementale, et de la conduire de façon plus coordonnée, en déterminant des priorités, au lieu que chacun élabore son bout de plan ? En avez-vous tenu compte dans vos propositions ? Quelles réflexions et analyses pourriez-vous partager avec nous ?

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Je me souviens très bien de votre intervention, très pertinente, au tout début de nos travaux. Elle m’avait fait réfléchir, et j’ai continué à poser des questions à ce sujet lors des auditions. C’est de là qu’est née la proposition d’une conférence nationale annuelle, avec tous les représentants, dont les collectivités et les services déconcentrés, ainsi que les associations. Il y a vraiment une nécessité d’ouverture.  J’ai moi-même fait partie d’un comité de suivi sur un cluster de cancers dans mon territoire ; je me suis trouvée devant un laboratoire qui ne fonctionnait pas ; on faisait de l’entre-soi, sans parvenir à une vraie stratégie d’action.

Vous avez tout à fait raison, et je mettrai un point d’honneur à intégrer ce sujet dans le suivi des résultats de cette commission d’enquête. Je vous invite à partager tous les exemples qui fonctionnent, que vous avez pu observer. Je vous remercie d’avoir soulevé ce point majeur.

M. Jean-Luc Fugit. Les collègues ont déjà souligné la qualité du travail : le document est vraiment remarquable et les éloges sont largement mérités.

S’agissant de la proposition n° 1, ne pensez-vous pas, comme moi, qu’il faudrait donner une dimension européenne au volet recherche ? J’ai eu un peu de mal à distinguer cette proposition de la proposition n° 8, qui, en-dehors de la référence à l’exposome, porte également sur la nécessité d’accroître l’effort de recherche. Je me demande s’il n’y aurait pas lieu de les reformuler.

Une remarque – constructive – sur la proposition n° 6 : il me semble que la notion de transversalité, le mot même, manque dans la manière de considérer la santé environnementale.

Nous avions discuté des propositions nos 17 et 18 lorsque j’ai été auditionné par la commission d’enquête en qualité de président du Conseil national de l’air. Je partage entièrement ces propositions relatives à la formation, en me demandant toutefois s’il ne faudrait pas mentionner explicitement la formation initiale des médecins à côté de la formation continue. Cela peut paraître évident, mais mieux vaudrait l’écrire clairement – j’ai vu trop de choses dans l’université où je travaillais avant d’être député. Que pensez-vous de rendre obligatoires ces formations ?

S’agissant de la proposition n° 20, pourriez-vous donner un exemple concret de ce que vous entendez par « revitaliser les métiers » ? Cette idée est très intéressante ; j’aimerais voir comment on peut la mettre en œuvre.

En tant que président du Conseil national de l’air, je participerais volontiers à un groupe de travail sur le toxi-score, qui fait l’objet de la proposition n° 23. Pensez-vous travailler avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ? D’ailleurs, je vous proposerais bien volontiers de participer à une des séances du Conseil national de l’air ; ses membres seront ravis d’aborder notamment la question de l’exposome, sur laquelle nous travaillons, tant pour l’air intérieur qu’extérieur.

Enfin, j’ai été surpris, gêné même, de lire que, pendant les auditions, vous n’avez pas été en mesure de poser les questions avec « la liberté habituellement accordée au rapporteur d’une commission d’enquête » ou encore que « certaines des institutions qui structurent le paysage de la santé environnementale en France n’ont pas pu être interrogées par votre rapporteure ». Au sein de l’Assemblée nationale, on ne devrait pas pouvoir lire de tels propos – peut-être n’ai-je pas bien compris. Pouvez-vous citer quelques-unes de ces institutions qui n’ont pas pu être interrogées, afin que nous puissions nous rendre compte de ce qui manque dans le rapport ?

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Je n’ai pas pu auditionner certaines institutions, notamment en lien avec le Groupe santé environnement (GSE), simplement parce que la présidente de la commission d’enquête préside ce groupe.

Il faut à tout prix travailler avec les instances européennes. Je l’ai éprouvé dans mon territoire, en participant au comité de suivi des cancers pédiatriques. Nous faisions très souvent référence à l’Europe pour noter que, malheureusement, il n’y avait pas de travail conjoint opérationnel, sur de nombreux sujets. Le rapport de Laurianne Rossi et Claire Pitollat a d’ailleurs confirmé cette nécessité d’être davantage en lien avec nos homologues européens, dans tous les domaines qui concernent la santé environnementale, ainsi qu’avec les administrations européennes. Ce point est très pertinent.

Votre invitation me touche beaucoup, car vous engagez des actions au sein du Conseil national de l’air. On le sait, un nombre très élevé de décès est lié à la pollution de l’air – on parle de 48 000 décès, jusqu’à 67 000. J’accède à votre proposition : travaillons tous ensemble sur ces sujets. Nous avons la chance que la commission d’enquête compte de nombreux collègues ayant travaillé sur des sujets en lien avec la santé environnementale et l’alimentation, par exemple sur les nitrites. Je m’appuierai évidemment sur les travaux et sur la bonne volonté de tous.

S’agissant de votre remarque sur les propositions liées à la recherche, la première se situe sur un plan plus global. Elle vise à inclure dans les études les aspects sociétaux et comportementaux de la santé environnementale, qui, souvent, ne sont pas pris en considération. Ainsi, les registres des personnes atteintes de cancers n’intègrent pas la modélisation des activités et des comportements des citoyens. Quand ceux-ci déménagent, par exemple, d’un territoire à un autre, cela fausse les données. Ce n’est qu’un des aspects ; il y en a de nombreux autres. Il faut vraiment être très global dans notre façon de voir les choses.

Quant à l’exposome, il a été très bien expliqué par les toxicologues que nous avons auditionnés. C’est un sujet majeur dans de nombreux domaines – l’agriculture, mais aussi d’autres donnant lieu à beaucoup d’innovation. En France, on a tendance à être trop conservateur et à ignorer tous les champs d’innovation. Or des choses très intéressantes se passent dans de nombreux domaines. À propos du microbiote, par exemple, des travaux très intéressants montrent que les bactéries de nos intestins peuvent agir pour notre protection et renforcer notre résistance aux attaques des perturbateurs endocriniens. Tout est lié.

C’est aussi pour cela que j’ai voulu redéfinir la santé environnementale comme l’impact de l’homme sur l’environnement et les conséquences sur sa santé, en incluant la faune et la flore. La santé environnementale peut être abstraite pour nos concitoyens ; il faut expliquer de manière très simple ce qui doit être un nouveau paradigme. Nombreux sont ceux qui l’ont dit, nous avons eu trop tendance à cloisonner, à séparer santé et environnement – l’intitulé du plan national santé-environnement en est l’illustration. Décloisonnons donc, changeons de paradigme ; mettons en place une méthode beaucoup plus efficace, qui nous fasse passer de la réflexion à l’action. Ce que l’on vit aujourd’hui avec la covid-19 doit nous amener à réfléchir à une politique plus préventive et efficace. Les personnes touchées sont certes âgées, mais d’autres le sont en raison de facteurs de comorbidité – hypertension, diabète ou surpoids.

Votre expérience en matière de formation est très intéressante. Il y a évidemment des actions à mener au niveau de la formation de base ; la formation continue n’est pas la seule solution. Nous sommes bien d’accord sur ce sujet. Dans la formation des ingénieurs agronomes, par exemple, la notion de santé environnementale fait défaut. De fait, la formation est très importante dès le départ de tous ces cursus.

Mme la présidente Élisabeth Toutut-Picard. En tant que présidente du Groupe santé environnement, je me serais fait un plaisir d’accepter votre invitation, madame la rapporteure, si j’en avais reçu une. J’aurais pu demander à un vice-président de me remplacer pour venir répondre à toutes vos questions.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Déontologiquement, nous ne pouvions pas le faire. Cela étant, les auditions se sont bien passées et nous avons pu entendre de nombreuses personnes qui avaient beaucoup à nous dire. En tout cas, cela ne nous a pas empêchés de mener à bien la rédaction de notre rapport. Nous ne nous arrêterons pas à cela. Soyons tous sereins.

Mme la présidente Élisabeth Toutut-Picard. Je suis d’accord pour que nous restions tous sereins mais, dans ce cas, pourquoi l’avoir mentionné ?

Mme Valérie Petit. Je remercie Mme la rapporteure d’avoir pris l’initiative de ce travail, mais aussi toutes les personnes auditionnées, dont les idées et propositions sont fidèlement transcrites dans ce rapport d’une grande qualité. Je salue l’engagement de notre rapporteure et son souci de démocratiser un sujet extrêmement complexe. C’est, en effet, le premier enjeu. Ainsi, les propositions relatives au Ceser sont intéressantes, car les citoyens doivent pouvoir trouver un interlocuteur pour aborder ce sujet, source d’angoisses et objet de fantasmes. Ils n’ont aujourd’hui, en face d’eux, que les interlocuteurs traditionnels – autorités scientifiques, politiques ou publiques. Souvent délégitimés, leurs réponses le sont tout autant, ce qui sème la suspicion. Nous tournons dans un cercle vicieux où l’on n’arrive plus à informer, dialoguer, questionner. Cette proposition est le point de départ d’une vaste réflexion : comment, dans une société de défiance envers les autorités traditionnelles, engager un dialogue raisonnable, qui permette de progresser dans ce domaine fondamental qu’est la santé de nos concitoyens ?

Concernant la recherche scientifique, la chercheure en psychologie que je fus dans une autre vie peut témoigner de l’importance de se préoccuper tout autant des représentations et des comportements, d’une part, que de la santé et de l’environnement, d’autre part. L’exemple de la prévention routière pourrait l’illustrer. Malheureusement, les sections du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sont organisées en « silos » et il faudrait engager un vaste chantier pour favoriser la pluridisciplinarité. L’enjeu de la santé environnementale pourrait être le moteur qui nous pousse à engager le combat pour obtenir des équipes et des programmes de recherche pluridisciplinaires. C’est une lutte fondamentale que nous devons mener pour vaincre la défiance. Aucune action publique ne sera efficace si nos concitoyens ne comprennent pas les enjeux de la santé environnementale et si nous ne sommes pas capables de lever leurs blocages, en termes de représentation comme de comportement.

Pour ce qui est, par ailleurs, de l’évaluation, beaucoup de gens plaident pour un renforcement des moyens du Parlement. Le combat que nous menons pourrait aller dans ce sens mais nous pourrions aussi œuvrer pour une évaluation climatique des lois – à laquelle je réfléchis avec d’autres collègues –, qui intègre la dimension de la santé environnementale. Je me demande dans quelle mesure nous pourrions intégrer, dans le prochain projet de loi relatif au climat, l’évaluation des conséquences sociales, économiques et environnementales des mesures prévues mais aussi leurs effets sur la santé. Plus généralement, comment prendre de bonnes habitudes et adopter de nouveaux réflexes pour changer nos méthodes d’évaluation ?

Enfin, comment intégrer les acteurs de la biodiversité dans l’équation ? J’ai rencontré ce matin le président de l’Office français de la biodiversité. Si l’environnement peut être à l’origine de problèmes de santé, n’oublions pas que l’on peut trouver dans la nature les solutions pour améliorer la santé et la qualité de vie. La France accueillera l’année prochaine le Congrès mondial de la nature. L’Union internationale pour la conservation de la nature a centré ses actions autour de la recherche de solutions fondées sur la nature. Il est important de faire preuve de créativité et de comprendre qu’en investissant dans la protection de la nature, on investit aussi pour la santé. C’est une piste de travail plus optimiste.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. La proposition n° 7 répond à vos attentes du point de vue budgétaire. J’ai bien noté que votre région souffrait d’un taux supérieur à la moyenne de maladies liées à la pollution de l’air. Nous devrons faire preuve de vigilance, car beaucoup reste à faire dans ce domaine.

Concernant l’évaluation, de prochains textes nous permettront de prévoir certaines mesures. Profitons-en.

Quant à la proposition n° 1, c’est vrai, il faut ouvrir les fenêtres, aérer, pour envisager la situation de manière très globale. C’est ainsi que je proposerai au prochain groupe de travail de procéder. Je compte sur les propositions qui remonteront du terrain pour insuffler de l’énergie et enrichir notre réflexion.

Mme la présidente Élisabeth Toutut-Picard. Rappelons, au passage, que tous les commissaires de cette commission peuvent participer au travail collectif en transmettant une contribution personnelle.

Mme Nathalie Sarles. Merci beaucoup, madame la rapporteure, pour le très important travail que vous avez réalisé. La proposition n° 23, relative au toxi-score, s’inscrit dans la réflexion qui mène toujours à la façon de responsabiliser le consommateur, de le rendre « consomm’acteur. Nous avons déjà mis en place le système d’étiquetage nutri-score. Nous travaillons à la création d’un « score carbone ». Ne pourrions-nous pas mener une réflexion globale sur l’ensemble de ces sujets, qui se rejoignent ?

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Votre remarque est très pertinente et elle a été formulée à plusieurs reprises, notamment par Claire Pitollat et Lauriane Rossi dans leur rapport. Je suis d’ailleurs très intéressée par leurs contributions et leur retour d’expérience, car il est nécessaire de renforcer la transparence des informations.

Mme Laurianne Rossi. Je salue très sincèrement l’immense travail accompli. Vous avez procédé à un nombre considérable d’auditions mais, surtout vous avez réussi à synthétiser des sujets complexes pour en tirer des propositions remarquables, susceptibles de répondre aux enjeux majeurs que vous avez dégagés. Bravo pour votre travail ! À titre plus personnel, je vous remercie pour l’attention que vous avez portée aux travaux de la mission d’information sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique pour l’alimentaire, les cosmétiques et les produits pharmaceutiques, dont j’étais co-rapporteure avec Claire Pitollat. Vous nous avez fait l’honneur de nous auditionner et nous retrouvons dans votre rapport quelques-unes de nos propositions, en particulier le toxi-score, ce qui nous touche tout particulièrement. C’est aussi la preuve que les travaux réalisés par le Parlement, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, continuent à vivre et à alimenter les travaux suivants, ce qui est très important.

Pour ce qui est de la gouvernance, je salue les propositions et je partage entièrement le constat que vous dressez. Il est très difficile de dégager des priorités et de coordonner les actions à mener en raison de la multiplicité d’acteurs et de plans. C’est l’un des écueils majeurs de la politique en santé environnementale, que l’on retrouve dans toutes les politiques publiques que l’on souhaite décliner, qu’il s’agisse de la recherche, des politiques de prévention et d’évaluation et, bien entendu, du principe de précaution qui se trouve au bout de la chaîne et que nous pourrions être amenés à poser. Le diagnostic est extrêmement clair.

Un autre problème découle de cette situation : l’absence fréquente d’une recommandation nationale claire et opposable. Vous le dites vous-même, la plupart des plans n’ont pas de valeur contraignante. C’est un problème qui me conduit à vous alerter au sujet de l’une de vos propositions de déléguer à l’échelle locale la prise en charge de ce sujet. Autant les territoires, régions et départements peuvent jouer un rôle crucial dans le recueil de données et la surveillance – à cet égard, la création d’observatoires régionaux est une excellente idée –, autant les préconisations et recommandations en matière de santé environnementale ne devraient être émises que par une autorité nationale ou, du moins, un organisme capable de les formuler. Les collectivités, qui se retrouvent totalement démunies, ont besoin d’être guidées et accompagnées. Certaines agences régionales de santé le font. Elles ont ainsi pu être d’une aide précieuse lorsqu’il s’agissait de trouver des substituts au plastique. Il n’empêche qu’en déléguant au niveau régional le soin de formuler des recommandations, nous prendrions le risque de creuser les inégalités entre les régions.

Je salue, par ailleurs, à mon tour, votre souci des usagers, des citoyens. Votre proposition de solliciter le CESE et le Ceser est excellente. Rappelons que la plupart des scandales ont éclaté parce que des citoyens, constitués en collectifs ou en associations, les avaient portés sur la place publique ou auprès des élus. C’est ainsi un petit collectif de parents d’élèves qui a permis de prendre des mesures pour réduire l’utilisation du plastique dans les cantines scolaires. Il a pris, aujourd’hui, une envergure nationale et accomplit un travail remarquable. La liste de tous les sujets sur lesquels nos concitoyens sont intervenus serait longue à dresser.

Quant au toxi-score, il correspond à l’une des propositions que nous avions formulées dans notre rapport d’information sur les perturbateurs endocriniens. Partant de la classification de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) des perturbateurs endocriniens en trois catégories – « avérés », « présumés » et « suspectés » –, nous avons imaginé, sur le modèle du nutri-score, un pictogramme informant le consommateur du degré de toxicité du produit qu’il achète. Cet étiquetage ne serait efficace qu’à condition que le secteur industriel soit totalement transparent sur les substances utilisées. Au niveau européen, le règlement REACH, en cours de révision, devrait être beaucoup plus strict et soumettre les industriels, non plus à un simple régime déclaratif, mais à une exigence de complète transparence sur les substances utilisées, quitte à en interdire certaines au nom du principe de précaution. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Une fois cette garantie de transparence obtenue, le pictogramme pourra voir le jour. Bien sûr, le nombre de pictogrammes va finir par être élevé et je ne suis pas certaine qu’il y ait suffisamment de places, sur certains produits, pour le nutri-score, le toxi-score, le score carbone, sans parler du logo dédié au recyclage ou au retraitement des déchets. Nous devrons rationnaliser l’étiquetage, en espérant que les industriels soient le plus vertueux possible, car l’objectif du toxi-score est d’éradiquer la présence de ces substances toxiques dans les contenants et les contenus.

En tout cas, nous porterons haut et fort le rapport que vous présentez aujourd’hui.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Dans la mesure où vous aviez rédigé un excellent rapport, nous nous devions de continuer à cheminer avec vous.

Pour ce qui est de la gouvernance, les auditions ont mis en évidence un défaut d’ascendance manifeste entre les territoires et le national. Les territoires ont la volonté de s’emparer des sujets de santé environnementale. Malheureusement, les observatoires régionaux de santé ou de biodiversité ne sont pas suffisamment mobilisés. Nous avons les outils mais il manque l’action et la coordination. Nous devons donc conforter ces structures et les remobiliser pour améliorer leur crédibilité.

Afin de renforcer l’ascendance, nous avons voulu regrouper, au niveau national, sous le terme de conférence nationale, des représentants des territoires, des collectivités et des services déconcentrés, des associations ainsi que toutes les personnes de la société civile qui contribuent à cette action, qu’il s’agisse de toxicologues ou d’autres spécialistes. Il est important que les différents acteurs aient un lieu où se retrouver, échanger, partager et définir un plan d’action.

Mme la présidente Élisabeth Toutut-Picard. Nous allons à présent procéder au vote sur la publication du rapport.

La commission d’enquête autorise sa publication.

La réunion s’achève à quinze heures cinq.

 


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   liste des propositions de la commission d’enquête

 

Proposition n° 1. Développer des programmes de recherche, intégrant des approches méthodologiques relevant des sciences humaines et sociales, centrés sur les effets combinés (effets cocktail), les effets dus aux expositions multiples à faible dose, et l’étude de l’exposome.

Proposition n° 2. Tenir annuellement une conférence nationale de santé environnementale (CNSE) mettant en scène les acteurs du domaine.

Proposition n° 3. Transformer la feuille de route Obésité en une stratégie nationale de prévention de l’obésité, incluant le traitement de ses facteurs environnementaux.

Proposition n° 4. Placer les cancers pédiatriques au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer.

Proposition n° 5. Cesser de considérer la santé environnementale comme une politique publique ciblée pour l’imposer comme une dimension obligatoire de toutes les autres.

Proposition n° 6. Élaborer un document budgétaire de politique transversale (DPT) consacré à la santé environnementale.

Proposition n° 7. À l’occasion de la révision du règlement REACH, intégrer les effets perturbateurs endocriniens parmi les toxicités prises en compte dans l’examen des produits.

Proposition n° 8. Renforcer les obligations des professionnels en matière de transfert d’informations aux agences évaluatrices.

Proposition n° 9. Renforcer la prise en compte des effets combinés et des effets multi-expositions dans l’évaluation des risques sanitaires.

Proposition n° 10. Mettre en place des réseaux régionaux et interrégionaux, coordonnés au niveau national et avec les observatoires régionaux, pour recueillir, diffuser et faire connaître des données de santé environnementale.

Proposition n° 11. Rendre obligatoire la signature de contrats locaux de santé par les établissements publics de coopération intercommunale.

Proposition n° 12. Faire du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) le relais de référence des préoccupations en santé environnementale de la société civile.

Proposition n° 13. Favoriser le rapprochement des observatoires régionaux de la santé et des observatoires de la biodiversité au sein d’observatoires régionaux de la santé environnementale dont la création serait obligatoire, et qui pourraient être mis à la disposition des Ceser.

Proposition n° 14. Renforcer la place de la démarche « une seule santé » dans les formations de santé environnementale pour les professionnels de santé.

Proposition n° 15. Accorder une plus grande place dans le cursus médical à l’étude des facteurs environnementaux émergents en rendant obligatoire, en formation continue, l’étude de ces facteurs.

Proposition n° 16. Renforcer la formation des médecins et des autres professionnels de santé sur la compréhension et la prise en charge des maladies chroniques et notamment de l’obésité.

Proposition n° 17. Créer un diplôme de médecin obésitologue, qui permette une prise en charge au long cours, par un médecin spécialiste, des personnes souffrant d’obésité.

Proposition n° 18. Organiser des concertations en vue de revitaliser les métiers traditionnellement liés à l’environnement et au territoire en mettant en valeur leur pertinence pour les problématiques de santé environnementale.

Proposition n° 19. Doter la certification des établissements de santé d’un volet en matière de santé environnementale.

Proposition n° 20. Développer des outils, notamment numériques, afin de renforcer l’information des élus et leur capacité de communiquer en matière de risques environnementaux et sanitaires.

Proposition n° 21. Mettre en place un toxiscore permettant d’évaluer les produits de consommation en fonction de leur contenance en produits reprotoxiques, cancérogènes ou perturbateurs endocriniens.

 

 

 


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   liste des SIGLES utilisÉs

 

̶       AASQA : associations agréées de surveillance de la qualité de l’air extérieur (associations appelées « ATMO »)

̶       AFB : Agence française pour la biodiversité (fusionnée dans l’OFB en 2020)

̶       AFSSA : Agence française de sécurité sanitaire des aliments (fusionnée dans l’Anses en 2010)

̶       AFSSE : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (devenue AFSSET)

̶       AFSSET : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (fusionnée dans l’Anses en 2010)

̶       Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

̶       ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

̶       ANSP : Agence nationale de santé publique (aussi appelée « Santé publique France »)

̶       ARS : agence régionale de santé (service déconcentré de l’État)

̶       BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières

̶       Cerema : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

̶       Ceser : Conseil économique, social et environnemental régional

̶       CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie

̶       CNRS : Centre national de la recherche scientifique

̶       CSTB : Centre scientifique et technique du bâtiment

̶       DGAL : direction générale de l’alimentation (administration centrale de l’État)

̶       DGEC : direction générale de l’énergie et du climat (administration centrale de l’État)

̶       DGPR : direction générale de la prévention des risques (administration centrale de l’État)

̶       DGRI : direction générale de la recherche et de l’innovation (administration centrale de l’État)

̶       DGS : direction générale de la santé (administration centrale de l’État)

̶       DREAL : direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (service déconcentré de l’État)

̶       DRAAF : direction régionale de l’agriculture, de l’alimentation et des forêts (service déconcentré de l’État)

̶       ECDC : Centre européen de prévention et de contrôle des maladies

̶       ECHA : Agence européenne des produits chimiques

̶       EFSA : Autorité européenne de sécurité des aliments

̶       EMA : Agence européenne des médicaments 

̶       HAS : Haute Autorité de santé

̶       HCB : Haut Conseil des biotechnologies (dissous en 2020)

̶       HCC : Haut Conseil pour le climat

̶       HCSP : Haut Conseil de santé publique

̶       ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement

̶       Ifremer : Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer

̶       Ineris : Institut national de l’environnement industriel et des risques

̶       Inra : Institut national de la recherche agronomique (fusionné dans l’Inrae en 2020)

̶       Inrae : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (créé en 2020)

̶       Irstea : Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (fusionné dans l’Inrae en 2020)             

̶       Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale

̶       InVS : Institut de veille sanitaire (fusionné dans l’ANSP en 2016)

̶       ONCFS : Office national de la chasse et de la faune sauvage (fusionné dans l’OFB en 2020)

̶       Onema : Office national de l'eau et des milieux aquatiques (fusionné dans l’AFB en 2016)

̶       OFB : Office français de la biodiversité (créé en 2020)

̶       ORB : observatoire régional de la biodiversité

̶       ORS : observatoire régional de la santé

̶       OQAI : Observatoire de la qualité de l’air intérieur

̶       PEPPER : plateforme publique-privée de pré-validation des méthodes d’essai pour caractériser les perturbateurs endocriniens

̶       PNNS : plan national nutrition santé

̶       PNSE : plan national santé-environnement

̶       PRSE : plan régional santé-environnement

̶       REACH : règlement (ou, le plus souvent, le régime en découlant) du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (cf. explications au III de la deuxième partie)

̶       SNDS : système national des données de santé

̶       SpF : Santé publique France (Agence nationale de santé publique)


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   liste des personnes auditionnées

 

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

 

M. Jean-Luc Fugit, député, président du Conseil national de l’air

Mme Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand Est

Mme Claire Pitollat, députée, et Mme Laurianne Rossi, députée, rapporteures de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique

M. Dominique Potier, député

 

M. Claude Aufort, maire de Trignac, vice-président de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire (CARENE)

M. Jean-Michel Brard, maire de Pornic

Mme Maribel Letang-Martin, adjointe au maire de Saint-Nazaire chargée de la santé et du suivi du contrat local de santé

Association des maires de France : Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission à la prévention des pollutions

Conseil économique, social et environnemental (Ceser) des Pays de la Loire : M. Jacques Bodreau, président ; Mme Michelle Bureau, rapporteure générale à l’évaluation des politiques publiques

Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine : Mme Françoise Jeanson, conseillère régionale, déléguée à la santé, la silver économie et aux formations sanitaires et sociales ; Mme Marion Bézard, chargée de mission transition écologique et aménagement du territoire

Conseil régional du Grand Est : M. Christian Guirlinger, conseiller régional, président de la commission de l’environnement

 

 

Administrations centrales de l’État

Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) : M. Gilles Pipien, ingénieur général des ponts, eaux et forêts, membre permanent ; Dr Éric Vindimian, membre de l’Autorité environnementale, section des milieux, ressources et risques

Direction générale de l’alimentation (DGAL) : M. Bruno Ferreira, directeur général

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) : Mme Marie-Laure Métayer, sous-directrice de l’eau et de la biodiversité

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGM) : M. Philippe Lacoste, directeur du développement durable

Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : M. Cédric Bourillet, directeur général

Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) : Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, directrice scientifique du secteur environnement, agronomie, écologie ; M. Bertrand Schwartz, adjoint de la directrice scientifique du secteur biologie et santé

Direction générale de la santé (DGS) : Pr Jérôme Salomon, directeur général

Direction générale du travail (DGT) : M. Laurent Vilbœuf, directeur général par intérim ; M. Frédéric Teze, sous-directeur des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail

Inspection générale des affaires sociales (IGAS) : Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale

 

Services déconcentrés de l’État

Agence régionale de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes : M. Marc Maisonny, directeur délégué prévention et protection ; M. Bruno Fabres, chef du pôle santé-environnement

Agence régionale de santé de Bretagne : M. Stéphane Mulliez, directeur général ; Mme Anne Serre, directrice adjointe santé-environnement

Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine : Dr Daniel Habold, directeur de la santé publique

Agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur : Mme Muriel Andrieu-Semmel, responsable du département santé-environnement, direction de la santé publique et environnementale

Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) du Grand Est : M. Arnaud Joulin, chargé de mission agroécologie

Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) d’Occitanie : M. Joël Duranton, directeur régional adjoint

DREAL des Pays de la Loire : Mme Annick Bonneville, directrice régionale ; Mme Koulm Dubus, cheffe du service risques naturels et technologiques

Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) d’Île-de-France : M. Alexandre Leonardi, chef du service de prévention des risques et des nuisances

 

Opérateurs publics

Agence nationale de santé publique (ANSP) : M. Sébastien Denys, directeur santé environnement travail

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) : Dr Roger Genet, directeur général ; M. Gérard Lasfargues, directeur général délégué, pôle sciences pour l’expertise ; M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques

ATMO France : M. Jacques Patris, président référent santé et président d’ATMO Hauts-de-France ; Mme Dominique Tilak, directrice référente santé et directrice d’ATMO Occitanie ; Mme Marine Tondelier, déléguée générale

Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) : M. Hervé Charrue, directeur général adjoint en charge de la recherche et du développement ; Dre Séverine Kirchner, directrice santé confort

Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE) : Pr Denis Zmirou, président ; Mme Agnès Popelin, vice-présidente ; M. Pierre-Henri Duée, membre

Haute Autorité de santé (HAS) : Dre Catherine Grenier, directrice de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins

Haut Conseil de la santé publique (HCSP) : Pr Denis Zmirou, professeur honoraire à l’Université de Lorraine, président de la commission spécialisée des risques liés à l’environnement ; Pre Francelyne Marano, vice-présidente de la commission spécialisée

Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) : Dr François Houllier, président-directeur général ; M. Wilfried Sanchez, directeur scientifique adjoint

Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) : M. Raymond Cointe, directeur général ; M. Clément Lenoble, chargé de mission

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) : Dr Thierry Caquet, directeur environnement

Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : Dr Rémy Slama, directeur de l’institut thématique de santé publique

 

Scientifiques entendus à titre individuel

Pr Robert Barouki, professeur des universités-praticien hospitalier de biochimie (Université de Paris)

Pr William Dab, professeur émérite d’hygiène et de sécurité sanitaire, ancien directeur général de la santé (Conservatoire national des arts et métiers)

Dre Jeanne Garric, directrice de recherche, toxicologue spécialisée en toxicologie environnementale (Inrae)

Dr Jean-François Guégan, directeur de recherche, écologiste numéricien, parasitologue, professeur à l’École des hautes études en santé publique (Institut de recherche pour le développement, Inrae)

Dre Laurence Huc, chargée de recherche, toxicologue spécialisée en toxicologie moléculaire et cellulaire (Inrae)

 

Milieu associatif

Association santé environnement France (ASEF) : Dr Pierre Souvet, président

Collectif Stop aux cancers de nos enfants : Mme Marie Thibaud, fondatrice ; M. Mickaël Derangeon, membre

Comité pour le développement durable en santé (C2DS) : M. Olivier Toma, porte-parole

Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) : Dr Joël Spiroux de Vendômois, président

Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) : Mme Hélène Soubelet, directrice

France Nature Environnement (FNE) (*) : Dr Lylian Le Goff, médecin ; Mme Katia Baumgartner, cadre de santé, membre du directoire du réseau santé et environnement ; Dre Sylvie Platel, coordinatrice du réseau santé et environnement

Ligue contre l’obésité (LCO) : Mme Agnès Maurin, directrice générale et co-fondatrice ; Mme Mélanie Delozé, secrétaire générale et directrice scientifique

Registre des malformations en Rhône-Alpes (REMERA) : Mme Emmanuelle Amar, directrice générale

Réseau Environnement Santé (RES) : M. André Cicollella, président

Société francophone de santé et environnement (SFSE) : Dre Élisabeth Gnansia, présidente ; Mme Catherine Cecchi, vice-présidente ; Dr Fabien Squinazi, médecin biologiste ; Dre France Wallet, médecin évaluateur de risques

Women Engaged for a Common Future (WECF) France : Mme Marie-Jeanne Husset, administratrice

 

Entreprises

Cabinet QAP Conseil : M. Christian Zolesi, fondateur

Confédération française démocratique du travail (CFDT) : Mme Sophie Gaudeul, secrétaire confédérale

Entreprises pour l’environnement : Mme Sylvie Gillet, responsable du pôle biodiversité et santé ; M. Christoph Möcklinghoff, directeur du département des risques environnementaux

Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) (*) : M. Patrick O’Quin, président ; Mme Françoise Audebert, conseillère scientifique

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) (*) : M. Hervé Lapie, secrétaire général adjoint et président de la FNSEA de la région Grand Est ; Mme Nelly Le Corre, chef du service environnement

France Chimie (*) : M. Philippe Prudhon, directeur des affaires techniques ; Mme Marie Zimmer, responsable management de produits ; Dr Constantin Dallot, toxicologue ; Dr Patrick Levy, médecin conseil

Union des industries de la protection des plantes (UIPP) (*) : Mme Eugenia Pommaret, directrice générale ; M. Julien Durand-Reville, responsable santé ; M. Ronan Vigouroux, responsable environnement

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui fournit une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics.

 


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   ANNEXE I :
COMplÉments techniques

I.   critiques exprimÉes à l’Égard du plan national
santé-environnement 3

1.   Des indicateurs imprécis rendent une véritable évaluation difficile

Selon les critiques exprimées, le PNSE 3 souffrent d’une carence d’indicateurs de suivi et d’objectifs à atteindre, privant ce plan d’une grande partie de son effectivité et rendant peu évaluable son impact final. Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales, estime ainsi que seules 5 % des actions prévues constituent de véritables mesures, les autres relevant de la communication ou présentant une définition trop imprécise :

« Les mesures dénommées actions dans le PNSE se répartissent en trois groupes. Une très grande majorité d’entre elles, environ les deux tiers, sont en réalité des actions visant à accroître la connaissance ou la communication sur tel ou tel aspect. Une petite vingtaine d’actions portent sur la réduction des risques, au cœur du sujet, mais de façon tout à fait floue. À notre sens, seulement 5 % des actions peuvent être, en réalité, identifiées. 14 actions, soit 13 % du total, ne font qu’annoncer ou souhaiter l’élaboration de plans à venir ou bien rappeler la nécessité de mettre en œuvre telle ou telle mesure figurant déjà dans un plan » ([304]).

Cette difficulté avait été relevée dès 2015 par les principaux pilotes du plan, ce qui avait conduit le gouvernement à charger le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) d’un travail rétrospectif de formulation d’objectifs et d’indicateurs de résultats pour le PNSE 3. Il s’agissait en particulier de permettre une évaluation quantifiée de cibles du plan. En décembre 2016, le Haut Conseil a rendu un rapport proposant, pour 63 actions, des objectifs et des résultats attendus de la mise en œuvre du PNSE 3 et identifiant des indicateurs de mesure des avancées obtenues ([305]). Ce travail n’a toutefois pas été intégré dans le plan.

La question de l’évaluation finale du PNSE 3 a donc continué de se poser, avec d’autant plus d’acuité dans le cadre de la préparation du PNSE 4 comme l’explique le Pr Denis Zmirou, président de la commission spécialisée dans les risques liés à l’environnement du HCSP : « En décembre 2018, lorsque j’ai participé à la présentation du programme de préparation du PNSE 4, je me suis enquis de l’évaluation du PNSE 3, auprès de personnes “haut placées” dans le dispositif d’élaboration. Or nul n’avait pensé à véritablement s’appuyer sur une analyse des résultats, même partiels, du PNSE 3 pour contribuer à l’élaboration du PNSE 4. L’idée selon laquelle nous ne pouvons continuer à établir de grands plans successifs sans envisager leur articulation n’a pas encore “percolé” au sein de l’ensemble des administrations compétentes. C’est pourquoi nous avons refusé d’évaluer le PNSE 3, alors que l’élaboration du PNSE 4 était déjà largement avancée, ce que notre statut d’instance indépendante constituée de bénévoles nous permet » ([306]).

2.   Un pilotage éclaté qui nuit à l’intelligibilité et à la crédibilité des actions

De l’avis général, le pilotage déficient du PNSE représente l’un des problèmes majeurs de la politique de santé environnementale car ce plan en constitue actuellement la clef de voûte. Ce pilotage implique tout d’abord un très grand nombre d’acteurs : le PNSE 3 désigne ainsi comme pilotes ou partenaires de ses 110 actions plus de 150 entités différentes. Si certaines de ces entités sont bien identifiées, telles que les directions d’administrations centrales ou les agences d’expertise, d’autres se limitent à des catégories plus ou moins vastes telles que les collectivités territoriales, les professionnels de santé ou le milieu associatif, ce qui rend impossible de retracer les responsabilités effectives de mise en œuvre.

Chacune des 110 actions se trouve en outre dotée de modalités de déploiement propres, avec 1 à 4 entités pilotes et 0 à 14 entités partenaires (dont certaines ne correspondent qu’à des catégories d’acteurs). Selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de décembre 2018 évaluant le PNSE 3, 49 actions comportent ainsi deux pilotes, 35 un seul pilote, 19 trois pilotes et 7 quatre pilotes ([307]).

Cette géométrie variable et le très grand nombre d’acteurs impliqués, sans chef de file identifié ni rôles précisément définis, affectent la lisibilité de la politique de santé environnementale, tout en diluant les responsabilités. Certaines entités ne sont ainsi pas informées de leur implication dans le plan, comme l’expose Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales ayant établi le rapport précité : « Nous avons même rencontré des personnes qui ignoraient être pilotes ou copilotes d’actions » ([308]).

Au final, de sa participation au PNSE 3, la Dre Jeanne Garric, directrice de recherche émérite en toxicologie à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement a « tiré le ressenti que chacun faisait au mieux, mais que, probablement en raison de la manière dont le PNSE 3 avait été construit, chacun finalement continuait à faire ce qu’il savait faire, comme d’habitude, sans objectif particulier affiché, sans indicateur, etc. » ([309]).

Pour le Pr Denis Zmirou, président de la commission spécialisée dans les risques liés à l’environnement du Haut Conseil de la santé publique, le portage dans l’élaboration des plans compris dans le champ de la santé environnementale reste donc aujourd’hui « fragile et présente un caractère informel qui n’est pas à la hauteur des enjeux » rendant « inacceptable de poursuivre dans ces conditions » ([310]).

En effet, l’absence d’un interlocuteur identifié par la population a des conséquences graves car elle crée un état de défiance générale selon le Pr William Dab, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers, ancien directeur général de la santé : « Lorsque les citoyens se posent des questions en santé-environnement, parce qu’ils pensent que leur santé peut être altérée, d’une manière ou d’une autre, ils n’ont pas d’interlocuteur. Depuis longtemps, je parle de l’existence d’un besoin social à cet égard. Il n’existe pas d’interlocuteur unique pour la population. Lorsqu’on dispose d’une entrée par pathologie, c’est alors le médecin, le ministère de la santé et les ARS qui seront consultés. La plupart du temps, ce n’est cependant pas le cas : il n’existe pas de malade, mais des expositions, qui inquiètent les gens – faut-il s’attendre, à court, moyen ou long terme, à un effet de ces expositions, pour nous ou nos enfants ? Il n’y a alors pas d’interlocuteur, car selon l’exposition concernée, il faudra s’adresser à différents départements ministériels ou services déconcentrés gérés par les préfets. Ce maquis, dans lequel le citoyen ne se reconnaît pas, a une conséquence. Devant cette complexité, le réflexe est de créer une association et d’alerter les médias, de sorte que l’entrée habituelle des questions de santé-environnement est la dénonciation, l’inquiétude et l’alarmisme. C’est en effet la seule manière de se faire entendre » ([311]).

3.   L’articulation des échelons national et régional pourrait être améliorée

Par ailleurs, l’articulation entre le plan national santé-environnement et les plans régionaux santé-environnement (PRSE) a également été critiquée devant la commission d’enquête. Celle-ci est pourtant clairement définie par l’article L. 1311‑7 du code de santé publique : « Le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement est décliné au niveau régional sous forme de plans régionaux santé-environnement. Ces plans ont pour objectif la territorialisation des politiques définies dans les domaines de la santé et de l’environnement. Ces plans régionaux s’appuient sur les enjeux prioritaires définis dans le plan national tout en veillant à prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux régions ».

Toutefois, sur le terrain, l’articulation du plan national avec les PRSE est jugée inefficace du fait de la difficulté de synchroniser leurs calendriers de mise en œuvre. Un décalage temporel est inévitable selon Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales : « Il n’est en effet pas possible que les plans régionaux soient chronologiquement en phase avec le plan national. À partir du moment où les plans régionaux sont perçus comme une déclinaison du plan national, il importe que les régions attendent que le plan national soit déployé pour commencer à travailler. Pour un plan de cinq ans, le décalage est d’un an et demi à deux ans » ([312]).

Or, pour Mme Annick Bonneville, directrice de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) des Pays de la Loire, ce décalage est problématique car le PRSE « donne alors l’impression de ne pas être cohérent avec l’approche nationale » ([313]). De ce fait, votre rapporteure estime nécessaire de prolonger la durée de planification dans le domaine de la santé environnementale à 10 ans pour faciliter une insertion plus synchronisée des plans régionaux.

4.   L’enjeu de l’amélioration du partage des pratiques entre régions

Au-delà de cette problématique, l’articulation prévue par la loi entre le plan national et les PRSE est exclusivement verticale : aucun mécanisme de coopération entre les pilotes des plans régionaux n’est expressément prévu, alors même que certains risques traités peuvent être proches d’un territoire à l’autre et pourraient faire l’objet d’échanges utiles d’informations et de mutualisations de pratiques. Cette question s’avère une préoccupation majeure des acteurs de terrain, que plusieurs d’entre eux ont relayée devant la commission d’enquête :

– « L’évaluation et la capitalisation des actions constituent un véritable enjeu afin de les déployer dans d’autres territoires sans que nous dépensions tous la même énergie à identifier les facteurs de réussite » selon Mme Muriel Andrieu-Semmel, responsable du département santé-environnement de la direction de la santé publique et environnementale de l’agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d’Azur ([314]) ;

– « La principale amélioration à apporter résiderait dans l’animation de la politique de santé-environnement de sorte à partager ce qui est réalisé dans l’ensemble des régions, de manière exemplaire et utile à tous » selon M. Bruno Fabres, chef du pôle santé environnement de l’agence régionale de santé (ARS) d’Auvergne-Rhône-Alpes ([315]).

Enfin, l’articulation prévue par la loi entre le plan national et les PRSE est exclusivement descendante, ce qui constitue une autre limite du dispositif pour Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales : « Il n’y a pas davantage de remontées ou d’utilisation, au niveau national, des actions réussies au niveau régional ou infrarégional, afin d’enrichir l’action et d’améliorer l’efficacité du plan » ([316]).

5.   Une ambition renouvelée de mieux évaluer le PNSE 4

Néanmoins, plusieurs acteurs majeurs de la politique de santé environnementale ont fait part à la commission d’enquête de leur préoccupation que le PNSE 4 soit assorti d’objectifs et d’indicateurs quantifiés dès son lancement. Selon M. Laurent Vilbœuf, directeur général du travail par intérim, une marge de progrès essentielle dans le domaine de la santé environnementale consisterait à « améliorer les indicateurs de performance et de suivi du plan santé au travail (PST) et du PNSE qui, il faut le dire, constituent actuellement une faiblesse. Il faudrait fixer dès l’origine des indicateurs pour mesurer l’impact de nos actions » ([317]).

Le Dr Roger Genet, directeur général de l’Anses, considère d’ailleurs que cette amélioration de conception doit permettre une meilleure visibilité du plan auprès du grand public : « il est indispensable, en la matière, d’arrêter des objectifs environnementaux qui parlent aux citoyens. En d’autres termes doit être porteur d’objectifs chiffrés et précis, exposant clairement les gains et évolutions attendus, ainsi que la situation de départ et la situation cible. C’est en effet sur ces points que le précédent plan avait pêché : faute d’intégrer des indicateurs de la qualité de l’environnement décrivant la situation de départ, il est très difficile de vouloir déterminer clairement la situation cible » ([318]).

Face à cette situation, votre rapporteure a interrogé la DGS au sujet des indicateurs et des objectifs qui seront assignés au nouveau plan, actuellement soumis à consultation publique. La direction générale de la santé a répondu que, en accord avec la direction générale de la prévention des risques, deux types d’indicateurs avaient été retenus :

– un ou des indicateurs par action : ces indicateurs permettront de suivre l’avancement de la mise en œuvre de l’action et d’obtenir, in fine, une évaluation quantitative de sa réalisation (par exemple : nombre de mesures ou de contrôle réalisés, de personnes sensibilisées, de foyers impliqués, d’élus formés à la santé environnementale, etc.) ;

– en complément, des indicateurs environnementaux et sanitaires de portée générale, soit non rattachés à une action particulière, permettant de mesurer l’efficacité du PNSE 4 et plus globalement des politiques de santé environnementale. Des objectifs quantifiés cibles pourront en outre être adossés à ces indicateurs, le HCSP ayant été saisi en mai 2020 afin de formuler des propositions à inclure dans le futur PNSE 4.

II.   croisement des donnÉes et bases de donnÉes en santÉ environnementale

1.   Le croisement des données en santé environnementale

Le croisement des données consiste à recouper des informations contenues dans deux bases de données différentes. En santé environnementale, la démarche répond principalement aux besoins d’acquisitions de connaissance (analyse des relations) ou d’orientation des politiques publiques de prévention (identification des zones de surexposition pour la réduction de l’exposition des populations). Les analyses statistiques permettent de tester si des associations existent entre deux variables. Dans ces études, au-delà du croisement des variables environnementales et sanitaires, des mesures d’imprégnation complétées de questionnaires peuvent être également mises en œuvre pour l’analyse des déterminants environnementaux.

Les mesures de l’exposition environnementale étant rarement produites au niveau des individus, les approches utilisent principalement des données environnementales agrégées disponibles à l’échelle locale ou d’un large territoire. La variable d’agré-gation peut être la zone, le statut socio-économique, ou encore une période de temps donnée. Le croisement de ces variables implique de pouvoir recouper les informations sur un système d’information géographique (SIG) : des surfaces géographiques dans le cas de données agrégées ou des points pour les données individuelles.

Les grandes enquêtes nationales, comme l’étude nationale nutrition santé (ENNS 2007), le volet périnatal de biosurveillance mis en œuvre dans le cadre de l’étude longitu-dinale française depuis l’enfance (ELFE 2007) ou l’étude santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (ESTEBAN 2014) intègrent, au-delà de l’analyse de l’imprégnation des populations, celle des déterminants environnementaux.

Biosurveillance

Le croisement des imprégnations biologiques avec les données environnementales sur une base géographique nécessite le géoréférencement des individus (ex. étude MecoExpo menée en Picardie, région agricole utilisatrice de pesticides).

Dans le cadre du projet CartoExpo (APR, Ecophyto, coordonné par l’Ineris), associé à la cohorte MecoExpo et du projet POPEYE (APR Anses, coordonné par l’université de Rennes) pour la cohorte ELFE, l’Ineris a pour objectif de construire les indicateurs d’exposition spatialisée dans le cadre de projets développés autour de cohortes existantes.

Études épidémiologiques

L’impact des expositions environnementales sur la santé fait reconsidérer les méthodologies classiques des études épidémiologiques et souligne l’importance des approches croisées. Du fait des inégalités territoriales, les recherches en santé environnementale s’enrichissent, dans une approche interdisciplinaire, de l’analyse spatiale des états de santé et des facteurs de risques afin d’appréhender toute la complexité des facteurs qui interviennent dans l’état de santé des individus. Le SIG permet de croiser des données agrégées médicales (patients, hôpitaux, centres de soins) avec des données environnementales (socio-économiques, expositions à des substances) et de remédier aux imprécisions des méthodes classiques utilisées en épidémiologie.


Vulnérabilités sociales

Dans le domaine de la santé, les « vulnérables » sont souvent pré-identifiés : enfants, femmes enceintes, personnes âgées, groupes marginalisés. La plupart des études précitées ciblent leurs analyses sur les enfants et les femmes enceintes (GEOCAP : enfants, Elfe et MecoExpo : femmes enceintes/enfants…). La vulnérabilité sociale est appréhendée comme étant une prédisposition de ces individus ou groupes à être affectés par une maladie et étroitement liée à la question des inégalités sociales et de la pauvreté.

Susceptibilité et vulnérabilité sanitaire

En épidémiologie ou en toxicologie, la susceptibilité est définie comme la probabilité pour un individu de produire une réponse bien plus importante que la moyenne s’il est exposé à une substance. Cette dernière peut être innée (prédisposition génétique ou développement incomplet des fonctions physiologiques normales) ou acquise (due à la maladie ou à l’âge).

La vulnérabilité sanitaire peut être définie comme la faculté des sous-populations ou populations de répondre et de récupérer suite à une agression, de manière inappropriée ou inférieure à la normale. Elle dépend de la susceptibilité des individus, de l’exposition à une substance et de la résilience (capacité d’un individu à résister à des altérations ou à des perturbations affectant sa structure ou le fonctionnement et à trouver, à terme, un nouvel équilibre). Peu d’études croisent susceptibilités et inégalités environnementales.

Études de corrélation écologique

Les études de corrélation écologique, largement utilisées pour tenter d’analyser le lien entre indicateurs environnementaux et indicateurs sanitaires, visent à évaluer la relation entre un indicateur de santé d’une population (par exemple mortalité) et une autre caractéristique de la population (comme le niveau de défaveur) ou une caractéristique de l’exposition des populations. Ces études utilisent des données déjà disponibles grâce aux registres de maladies (cancers, malformations congénitales) et au développement des pratiques de géo-référencement des localisations des cas enregistrés. Contrairement aux études conduites au niveau individuel, les études de corrélation écologique intègrent des données modélisées ou mesurées sur des unités d’agrégation nécessitant l’utilisation ou l’adaptation des techniques spécifiques à ce type de données.

Au-delà des problèmes associés à l’utilisation des données agrégées, les résultats des études de corrélation écologique sont difficilement interprétables au niveau individuel à cause du biais écologique qui résulte de la variabilité intra-unité de l’exposition et des facteurs de confusion (tiers facteur dans une enquête étiologique introduisant un biais d’analyse). Les conséquences de ce défaut d’information sont : un biais de spécification (non-prise en compte au niveau du groupe de relations individuelles non linéaires), un biais de confusion (non-prise en compte de facteurs de confusion) et un biais de standardisation (par exemple, les indicateurs d’exposition et de santé ne sont pas standardisés sur les mêmes facteurs de confusion : âge, sexe…).

Les projets Equit’Area et cancer inégalités régionales cantonales et environnementales (CIRCE) utilisent des approches de corrélation écologique pour explorer la contribution de certaines pollutions et nuisances environnementales aux inégalités sociales de santé.

 

Source : Institut national de l’environnement industriel et des risques, « Inégalités environnementales et croisement des données d’exposition et populationnelles », rapport d’étude n° INERIS‑DRC‑17‑64533‑05044A, août 2017.

2.   Les démarches de création de jeux de données sectoriels

À côté du projet d’intégration générale des données, les démarches « particularistes » demeurent. Dans son rapport, remis en février dernier sur les cohortes pour les études et la recherche en santé, la mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) rappelait les différentes catégories de données d’observation et de recherche :

 les bases de données administratives ou médico-administrative (BDMA), la principale étant le système national des données de santé (SNDS) qui regroupe après anonymisation et chaînage, les données du système national inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM), du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et de l’analyse des causes de décès, pour toute la population française. La mission insistait toutefois sur le fait qu’« utiliser pleinement les potentialités des BDMA implique en tout cas d’identifier de façon pertinente et robuste les pathologies dans ces bases, avec une qualité d’information médicale suivie et attestée. Il faut être conscient des limites explicatives de ce type de données massives qui ne permettent souvent pas de répondre, en l’absence de recueil d’informations pensés à cet effet aux recherches de causalités ou d’interactions complexes » ;

– les registres de morbidité ou de patients, recueillant, avec une visée exhaustive, des données individuelles en considération d’un ou plusieurs évènements de santé (registre populationnels par pathologie et/ou par zone géographique) ou registres constitués à partir des patients dans des établissements hospitaliers ou des centres de soins. La mission indiquait qu’en 2017, sur 61 registres répertoriés, la moitié était des registres de cancers ;

– les enquêtes et panels statistiques réalisés sous l’égide du système statistique public ;

– les cohortes, définies, selon le Portail Épidémiologie France comme « le suivi longitudinal, à l’échelle individuelle, d’un groupe de sujets selon un protocole de recherche préétabli » consistant à « sélectionner un ensemble de sujets partageant un certain nombre de caractéristiques communes et de les suivre dans le temps à l’échelle individuelle afin d’identifier la survenue d’évènements de santé d’intérêt ».

Selon l’Inserm, le projet France Cohortes vise à créer une infrastructure informatique de haut niveau pour collecter, stocker, analyser et apparier les données des cohortes et une unité de service réunissant des fonctions « support » transversales et des fonctions « métiers » spécifiques pour faire bénéficier les cohortes de compétences et d’expertises difficiles à mobiliser pour une seule cohorte. La migration vers cette infrastructure devrait être menée cohorte par cohorte sur plusieurs années, selon la taille et la complexité de leur système d’information.

Le portail Épidémiologie France est un outil internet proposant un catalogue en ligne des principales bases de données individuelles en santé de source française (bases administratives pertinentes pour la santé, cohortes, études longitudinales registres de morbidité, études cas-témoins, études transversales) pouvant être utilisées pour la recherche ou l’expertise en santé publique. Les caractéristiques essentielles de chaque base répertoriée sont présentées : objectifs, thématiques, populations couvertes, nature des informations recueillies, conditions d’accès.

Source : Mireille Elbaum, Aquilino Morelle, Bertrand Minault, Henri Ribieras, « Les cohortes pour les études et la recherche en santé », rapport n° 2019-045R de l’Inspection générale des affaires sociales et n° 2020-025 de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, février 2020.

3.   L’interopérabilité des systèmes de données en santé

L’interopérabilité est le garant de l’échange et du partage d’informations entre deux systèmes n’ayant pas forcément la même finalité. Elle permet leur traitement de manière efficiente et pertinente. Le contraire de l’interopérabilité est le système fermé ou propriétaire qui ne permet aucun échange fluide sans travaux de transcodage préalable. L’interopérabilité se divise en :

▪ Interopérabilité « technique » c’est-à-dire l’interconnexion entre deux systèmes, s’appuyant sur l’utilisation d’interfaces définies, de normes et de protocoles partagés dans le respect des exigences de sécurité et de confidentialité des données personnelles de santé.

▪ Interopérabilité « sémantique », basée sur des référentiels d’interopérabilité, permettant à deux systèmes d’utiliser un langage commun (mots et syntaxe) pour produire et exploiter les données de santé échangées. C’est sur ces bases sémantique et syntaxique que les industriels développent des services à valeur ajoutée en retravaillant les données (courbes d’évolution temporelle, aide à la décision, traitement automatique du langage naturel, intelligence artificielle par exemple).

Les grands principes généraux de la doctrine de pilotage stratégique de l’interopérabilité « technique » et « sémantique » des systèmes d’information en santé sont les suivants :

▪ Principe de transparence : livrables en OpenData, licence ouverte ETALAB (LOV2), données cinq étoiles ([319]).

▪ Principe de collaboration : concertation des livrables ; transversalité des expertises.

▪ Principes de participation : co-construction des livrables avec l’écosystème ; évaluation des actions et des livrables.

▪ Principes éthiques : respect du cadre juridique ; respect des droits des patients et des usagers ; équité de traitement entre les acteurs.

Les terminologies de santé du secteur santé-social sont des référentiels permettant le codage non ambigu d’une information. Par « terminologie » sans autre précision, il faut entendre ontologie, classification, nomenclature, terminologie, jeux de valeurs et alignements, qu’on peut regrouper sous le vocable ressources sémantiques.

L’Agence numérique en santé a créé en 2019 un centre de gestion des terminologies de santé (CGTS), guichet national public distribuant les terminologies et autres ressources sémantiques, en garantissant à tous les utilisateurs l’égalité d’accès à ces référentiels dans le respect de la loi sur la République numérique. Ces ressources sémantiques sont rendues accessibles via un serveur multi-terminologies (SMT) dans un format réutilisable par les industriels pour l’intégration dans les logiciels de professionnels de santé et en garantissant leur qualité et leur distribution sécurisée par une licence ouverte (LOV2).

Source : Agence du numérique en santé, « Doctrine technique du numérique en santé », novembre 2020.


III.   le cadre juridique des obligations dÉontologiques relatives À l’apport d’expertise scientifique

1.   Les publications scientifiques et la fiabilité de l’expertise scientifique

Si la fiabilité des publications scientifiques qui fonde l’expertise fait défaut, en raison d’erreurs ou de biais, la validité de l’expertise elle-même fera défaut et, par voie de conséquence immédiate, le bien-fondé de la décision publique reposant sur cette expertise disparaîtra et, avec lui, la confiance du public dans les choix des autorités décisionnelles.

L’objet de l’expertise est de réaliser un état des connaissances pertinentes pour répondre aux questions posées par les décideurs, destiné à pointer les consensus, les incertitudes, les lacunes et les controverses éventuelles. L’expertise fait alors face à une double difficulté, la première portant sur la fiabilité du corpus bibliographique réalisé à partir des publications, la seconde sur les critères de sélection au sein de ce corpus. En effet le corpus bibliographique sélectionné pour l’expertise se doit de refléter l’état des connaissances et la sélection des publications utilisées devrait répondre à des critères plus clairement explicités.

En ce qui concerne la crédibilité des publications scientifiques en général, on trouve des publications présentant des résultats faux à la suite d’une erreur involontaire dans le déroulement ou la méthodologie de la recherche. Cette erreur ne remet pas en cause l’intégrité des équipes de recherche. À l’inverse, la fraude scientifique consiste en des manœuvres visant à influencer, voire altérer, le contenu des publications scientifiques (contribution fictive à un article, falsification des résultats, dissimulation d’un conflit d’intérêts). À ces deux sources d’erreurs, s’ajoute le manquement aux bonnes pratiques scientifiques qui aboutit à un manque de fiabilité de la publication rendant compte des résultats de l’étude.

Les biais résultant du fonctionnement de la recherche peuvent provenir du financement de la recherche : le financement intégral ou partiel de l’étude par des acteurs de l’industrie ou du secteur des services influence les résultats publiés. Le financement public n’est pas exempt de tout biais. Il repose essentiellement sur le mécanisme de l’appel à projet. Les mots-clefs retenus dans l’appel sont souvent établis en fonction de la littérature scientifique du moment. Ce sont donc des thématiques en vogue qui trouveront le plus facilement un financement. Une pensée dominante s’impose ainsi au détriment des thématiques moins étudiées au moment de l’appel, mais dont l’intérêt n’est pas forcément moindre. L’ensemble du processus risque de privilégier une pensée unique qui fonctionne en boucle : phénomène de vedettariat, attraction des budgets, adhésion aux écoles de pensées influentes si l’on souhaite acquérir de la notoriété et obtenir plus facilement des financements.

Les biais provenant des présupposés méthodologiques peuvent conduire à des erreurs de résultats : elles seraient à l’origine d’environ 20 % des rétractations de publications dans les domaines biomédical et sciences de la vie. L’erreur pourra être d’autant plus difficile à détecter que les revues scientifiques ne publient que rarement les résultats négatifs et ne fournissent pas toujours les données brutes nécessaires pour reproduire l’expérimentation.

Le biais provenant de l’évaluation des chercheurs tient à ce que l’évaluation des chercheurs et des équipes repose sur la production scientifique dont, en France, les publications constituent un élément déterminant. La publication peut mentionner des auteurs qui n’ont pas réellement contribué à la recherche. Une autre situation est constituée par la réalisation directe d’articles par certains commanditaires industriels qui s’attachent les services d’un prête-nom pour obtenir une publication en apparence totalement indépendante. La publication peut être le résultat d’un plagiat, dont l’auto-plagiat consistant à rédiger plusieurs articles sur une même recherche, sans référence à la recherche d’origine. Ceci conduit à surévaluer le poids de cette étude dans le recensement bibliographique en vue de l’expertise. Enfin, la publication peut présenter des résultats falsifiés voire fabriqués.

Le biais résultant des politiques de publication teint au fait que les revues se montrent encore réticentes pour publier les résultats négatifs de recherche, qui sont essentiels pour évaluer et/ou relativiser l’importance d’études positives. L’évaluation par les pairs (peer review) se veut un gage de qualité des articles publiés. Mais la revue demeure en principe libre de choisir parmi la liste de relecteurs ou de contacter directement des scientifiques du domaine. Plusieurs critiques ont pu être adressées à l’évaluation par les pairs. L’une d’entre elles concerne la compétence des reviewers : spécialiste d’un domaine particulier de la biologie, ils seront moins armés pour l’analyse statistique, par exemple. Ils peuvent aussi être affectés par des conflits d’intérêts intellectuels. La présence d’un nom célèbre comme auteur conduira un relecteur à ne pas procéder à un véritable examen approfondi de l’article.

Face aux inquiétudes quant à la dégradation de l’intégrité scientifique, les publications se sont organisées : l’exigence d’une publication originale vise à favoriser la publication d’articles scientifiques dans des revues scientifiques avant d’en diffuser les résultats au grand public. Pour limiter l’inscription abusive comme auteur, le modèle du contributeur a été développé, chacun devant préciser sur l’honneur en quoi a consisté sa participation. Les outils de détection des fraudes consistent dans des programmes informatiques permettant d’identifier le plagiat, dont l’auto-plagiat, pour relativiser l’importance des publications ou dans la mise en ligne d’articles sur des sites dédiés à la critique publique des articles scientifiques, à la détection de faux articles ou à la révélation d’altérations frauduleuses des résultats publiés. Le site PubPeer vise à permettre une vigilance post-publication impliquant les chercheurs du monde entier. En termes de prévention, les institutions de recherche ont développé les codes de déontologie du chercheur.

 

Source : Agence national de sécurité sanitaire de l’environnement, de l’alimentation et du travail, comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts, avis n° 2016-1 du 17 février 2016 relatif à la crédibilité de l’expertise : « Un cadre déontologique pour l’exploitation de la littérature scientifique ».


2.   Les prescriptions générales de compétence pour une expertise

À l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement, de l’alimentation et du travail (Anses), l’expertise collective est régie par la norme « Qualité en expertise – Prescriptions générales de compétence pour une expertise » ([320]) , complétée par un document, adopté par le conseil d’administration, récapitulant les principes fondamentaux et points clefs de l’expertise collective ainsi que par le code de déontologie propre à l’Agence. Aux termes du document précité, portant principes fondamentaux de l’expertise collective, l’expertise collective est définie comme :

– une expertise (ensemble d’activités ayant pour objet de fournir à un client, en réponse à la question posée, une interprétation, un avis ou une recommandation aussi objectivement fondés que possible, élaborés à partir des connaissances disponibles et de démonstrations accompagnées d’un jugement professionnel) ;

– répondant à des exigences précises en matière de compétence scientifique et d’impartialité ;

– réalisée selon une organisation permettant de sélectionner et de réunir plusieurs experts (personne dont la compétence, l’indépendance et la probité lui valent d’être formellement reconnue apte à effectuer des travaux d’expertise) autour d’une même question ;

– d’entendre toutes les opinions et thèses contradictoires, concordantes ou consensuelles ;

– afin de fournir une interprétation (action conduite par l’organisme d’expertise, en réponse à la question posée pour expliquer et/ou donner une signification à des données sur la base d’un jugement professionnel) ;

– un avis (opinion résultant d’une analyse ou d’une évaluation, en réponse à la question posée et n’ayant pas force de décision, formulée par l’organisme d’expertise sur la base des éléments connus du ou des experts et en l’état actuel des connaissances) ;

– une recommandation (avis émis par l’organisme sur ce qu’il convient de faire/ne pas faire) ;

– à partir d’une démonstration et d’un jugement issus de la considération de tous les débats.

Le code de déontologie de l’Anses s’applique, aux termes de son préambule, à l’ensemble de ses missions : l’évaluation des risques ; la référence, la recherche, l’expertise, l’appui scientifique, la veille, l’alerte, la vigilance ; la gestion et le suivi des autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments vétérinaires, des produits biocides, phytopharmaceutiques, matières fertilisantes et supports de culture.

Selon son article 17, les personnes concourant aux métiers de l’expertise, soumises au principe d’impartialité, ne peuvent traiter une question dans laquelle elles auraient un intérêt privé direct ou indirect, ni faire prévaloir des intérêts personnels. Elles doivent agir indépendamment de toute influence extérieure, recourir aux seuls critères d’appréciation de leurs disciplines scientifiques, fonder leurs conclusions et leurs jugements sur une analyse objective de l’ensemble des données dont elles ont connaissance, et accorder une attention particulière aux données incertaines et/ou contradictoires.

Selon son article 19, l’Anses rend publics tous ses rapports, avis, recommandations et les méthodes mises en œuvre pour les obtenir, sous réserve du respect des secrets protégés par la loi, notamment des informations couvertes par le secret des affaires, conformément à l’article L. 1313-3 du code de la santé publique. Dans l’hypothèse où un désaccord entre experts subsiste à l’issue des débats, il est fait état des opinions minoritaires in extenso dans les avis rendus publics. L’Anses a la responsabilité d’assurer la traçabilité de l’expertise et de conserver tous les éléments liés aux travaux d’expertise jusqu’au produit final.


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   ANNEXE II :
Note scientifique de l’opecsT

 

 

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Note n°

23

 

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L’exposome, un défi scientifique

 

__ Déc. 2020

https://www.frontiersin.org/image/researchtopic/8094
@Shutterstock_Anna Frajtova

Résumé

    La notion d’exposome s’entend comme l’intégration de l’ensemble des expositions – de quelque nature que ce soit – auxquelles un individu est soumis, à partir de sa conception.

    La théorisation de l’exposome suscite de fortes attentes sociétales mais son application reste, en pratique, limitée.

    S’agissant des expositions chimiques, les notions de multi-exposition et de temporalité des expositions sont néanmoins de plus en plus considérées dans les travaux de recherche et d’évaluation des risques.

    Une caractérisation exhaustive des expositions et de leurs effets sur la santé nécessite une standardisation méthodologique et la mise à disposition de moyens logistiques et financiers ambitieux.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office

 


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Le concept d’exposome propose de les considérer comme un tout, plutôt que de prendre en compte séparément l’effet de chacun sur l’organisme. En effet, il est possible que certains facteurs agissent en synergie et que d’autres se compensent, et que le facteur temporel (durée de l’exposition, fenêtre d’exposition) soit déterminant.

La transcription de ce concept dans le code de la santé publique[ii] traduit la volonté du législateur de protéger la population en considérant tous les facteurs potentiellement délétères sur la santé, conformément au « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »[iii].

      Un pendant holistique de la santé environnementale

Christopher Wild a proposé de considérer comme exposome tout ce qui ne vient pas du génome, et ce, à partir du développement prénatal[vi]. Cette acception permet de prendre en compte les facteurs de toutes origines : chimiques (polluants), physique (UV), psychoaffectifs (stress), sociaux (environnement proche), mode de vie (nutrition, sport).

Il est difficile d’accéder à la connaissance complète d’un exposome ainsi défini. C’est pourquoi on est souvent amené à l’évaluer plutôt dans un champ restreint – l’exposome chimique par exemple – ou de façon indirecte, à partir de la mesure de facteurs internes, tels que des éléments retrouvés dans le sang.

Il existe des exemples de synergie avérée de facteurs environnementaux : le risque de cancer du poumon associé à l’exposition au radon est multiplié par 25 pour les fumeurs[xi]. Cet exemple illustre la nécessité d’une approche pluridisciplinaire.

        Une méthodologie en évolution

La nécessité d’évaluer toutes les expositions étant inédite, elle constitue un défi méthodologique, qui ne peut être relevé qu’en adoptant une approche pluridisciplinaire mêlant sciences de la vie, chimie analytique, statistiques, sciences humaines, science des données, technologie et objets connectés. Différents types d’études, déjà utilisés en santé environnementale ou développés dans le contexte spécifique de l’exposome, peuvent contribuer à mieux le caractériser.

 

La toxicologie évalue les effets biologiques des agents chimiques, biologiques, ou physiques. Il s’agit d’une approche expérimentale, c’est-à-dire d’une exposition en conditions contrôlées et avec un groupe témoin, elle permet donc d’établir des liens de causalité entre un agent et un effet. Néanmoins, si les liens de causalité sont établis pour un modèle expérimental, ils ne sont pas toujours transposables à l’homme.

Cette discipline est à la base de l’évaluation des risques associés aux molécules chimiques, encadrée par la règlementation européenne REACH[xii]. Cependant, la pratique classique de la toxicologie prévoit d’examiner l’effet des substances individuellement, laissant éventuellement passer entre les mailles du filet des effets additifs ou synergiques de certaines substances.

La procédure de toxicologie classique étant longue et coûteuse, notamment en vies animales, l’évaluation exhaustive des effets des molécules auxquelles un individu peut être exposé durant sa vie est impossible. Des approches computationnelles ont été développées pour accélérer cette caractérisation.

La modélisation QSAR (quantitative structure-activity relationship) consiste à déduire les effets biologiques de molécules à partir de leur structure chimique. L’approche par AOP (adverse outcome pathways) vise à décomposer les effets biologiques de molécules pour mieux identifier les chemins mécanistiques en jeu.

Ces approches permettent d’intégrer des expositions, en additionnant les effets de molécules partageant des similarités de structure ou de mécanisme d’action, et de dégager les principaux facteurs de risques dans des ensembles de molécules[xiii].

Les études épidémiologiques sur cohortes permettent d’identifier des associations statistiques entre des traits de santé et des facteurs environnementaux. Leur force statistique dépend du nombre de participants et du nombre de facteurs évalués[xiv]. Leur caractère observationnel[xv] les limite à identifier des corrélations, mais le recoupement de ces résultats avec ceux apportés par l’expérimentation permet de conclure[xvi]. Dans certains cas (l’étude d’accidents industriels, l’exposition professionnelle, certaines approches méthodologiques), les études épidémiologiques peuvent fournir des éléments de causalité.

Les cohortes peuvent se composer d’individus représentatifs de la population ou bien d’un échantillon de personnes partageant une caractéristique de santé, couplé à un groupe témoin. La durée d’étude de la cohorte varie de quelques années à plusieurs décennies, elle peut même être transgénérationnelle et étudier la descendance des personnes incluses à l’origine.

Les facteurs environnementaux évalués peuvent être d’origine externe – ils seront alors évalués sur la base de questionnaires[xvii], de mesures directes ou de modélisation (niveaux de radiation, pollution de l’air) – ou d’origine interne – sur la base de mesures directes (mesure de taux de contaminants dans le sang, description du microbiote intestinal, etc.)[xviii].

La mise en place de cohortes est très onéreuse et est souvent le fruit de partenariats entre instituts de recherche et agences de santé. Plusieurs projets d’envergure sont coordonnés à l’échelle européenne, neuf nouveaux projets ont été annoncés cette année dans le cadre du European Human Exposome Network[xix].

 

      Quelles pistes ?

 

      Quelles applications ?

      Les limites

La temporalité, longue – l’ensemble de la vie, incluant la période fœtale – est une limite majeure à la mesure l’exposome. Dès 2010, des chercheurs proposaient de concentrer les efforts sur des fenêtres d’exposition critiques, des périodes où les organismes sont plus sensibles aux facteurs environnementaux[xxxiv].  Par ailleurs, il est peu probable que la survenue d’un effet sur la santé soit concomitante de l’exposition à un facteur environnemental. Certains ont une action pendant les phases développementales, mais ces effets peuvent se révéler plus tard, et peuvent même se transmettre aux générations suivantes[xxxv].

Il est donc important de pouvoir suivre de grandes cohortes avec une caractérisation des facteurs environnementaux dès la période foetale

Certains facteurs environnementaux agissent probablement en interaction avec des facteurs génétiques, ce qui limite la possibilité d’exploiter la connaissance de l’exposome à titre individuel. Le développement de la méthodologie des études de santé environnementale permettra de construire des études d’association génomique et environnementale (GEWIS)[xxxvi].

L’étude des interactions environnement-génome-santé passe notamment par l’intermédiaire de l’épigénétique pour les liens environnement - génome. Les techniques permettant d’évaluer si un composé modifie l’épigénome peuvent être employées à cette fin, pour des modifications épigénétiques bien corrélées avec des effets sur la santé.

Les coûts associés aux études de cohortes, à l’échantillonnage et à l’analyse inhérents à des effectifs centaines de milliers de personnes, sont tels que les laboratoires de recherche ne sont pas dimensionnés pour les absorber[xxxvii].

La contrainte financière constitue donc un frein à la connaissance de l’exposome ; ce champ scientifique nécessite un investissement conséquent, comme le dit le rapport sur les cohortes pour la recherche en santé des Inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr)[xxxviii].

La mise en place d’une structure dédiée, commune aux instituts de recherche et aux agences sanitaires nationales permettrait de mieux mettre à profit les résultats des recherches menées et les moyens d’analyse et de stockage, inexistants à une telle échelle en France, afin d’en diminuer les coûts.

 

        Conclusions et recommandations

Le concept d’exposome s’inscrit dans le paradigme de santé globale « One health ». Si le concept est clair, sa mesure et, en conséquence, la possibilité d’établir des liens environnement-santé, est encore limitée par la difficulté de mise en pratique.

Celle-ci tient en partie aux coûts très élevés associés à une telle méthodologie, et à la baisse des financements disponibles[xxxix]. Il apparaît alors très pertinent de mettre en place une infrastructure de recherche, accessible aux instituts de recherche et aux agences sanitaires. Elle serait chargée d’apporter des moyens logistiques, humains et financiers au suivi de cohortes prospectives sur des échantillons représentatifs de la population mais aussi sur des populations vulnérables. Dans une logique de science ouverte, ces données pourront être mises à profit par les différents organismes de recherche.

Il est aussi nécessaire de développer une infrastructure dédiée à l’exploration analytique de l’exposome chimique et de renforcer la toxicologie moderne combinant les aspects expérimentaux et computationnels et ouverte à d’autres disciplines comme l’épigénétique et à des impacts sanitaires critiques, notamment l’immunité, le neurodéveloppement et le métabolisme.

Finalement, l’amélioration de la connaissance de l’exposome devrait avoir des répercussions sur la règlementation européenne d’évaluation du risque des substances chimiques[xl].

 

 

 

Personnes consultées

– M. Robert Barouki, toxicologue, professeur de biochimie, et membre du Conseil scientifique de l’Office ;

– M. Rémy Slama, épidémiologiste environnemental, co-directeur de l’Institut multithématique Santé publique d’Aviesan ;

– M. Gérard Lasfargues, directeur général délégué du pôle sciences pour l’expertise et M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ;

– Mme Gwenaëlle Hello, sous-directrice de la recherche, Mme Céline Couderc-Obert et Mme Solène Cadiou, de la direction de la recherche et de l’innovation du Ministère de transition écologique et solidaire ; Mme Hélène Costa de Beauregard, adjointe au chef de l’Ecolab du Ministère de la transition écologique et solidaire ;

– Mme Stéphanie Combes, directrice du Health data hub.

 

Coordination scientifique de Mathilde Dessaux-Lecompte, conseillère scientifique.

 

 

 

 



—  1  —

ANNEXE III :
contributions Écrites des membres
de la commission d’enquÊte

Contribution de Mme LA PRÉSIDENTE ÉLISABETH TOUTUT-PICARD

En France, un cancer est diagnostiqué chez un enfant ou un adolescent toutes les quatre heures, indiquent les chiffres de l’Institut national du Cancer[321]. Un enfant toutes les quatre heures ! Au total ce sont 2200 mineurs par an en moyenne qui sont frappés de ce mal invisible[322]. La plupart survivent, mais certains en meurent.

Les parents, eux, sont démunis face à ces drames. Ils soupçonnent les dérèglements de leur environnement et ils n’ont pas forcément tort. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 19% des cancers dans le monde seraient dus à des facteurs environnementaux, dont certains bien identifiés[323] : métaux lourds, pollution de l’air, perturbateurs endocriniens…

Mais quand ils interrogent les autorités sanitaires, ces parents ne reçoivent bien souvent que des réponses évasives.

Infertilité et culpabilisation

En 2018, une étude de Santé Publique France (SPF) enregistrait une baisse significative d’un tiers de la concentration spermatique moyenne en quinze ans, passée de 73,6 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme à 49 millions[324]. Si cette tendance, observée aussi dans d’autres pays du monde, se prolongeait, les hommes pourraient perdre leurs capacités de reproduction d’ici la fin du siècle.

Ce n’est pas tout. De plus en plus de petits garçons naissent avec des malformations de l’appareil génital aux noms barbares, hypospadias ou cryptorchidie. L’incidence du cancer du testicule chez les hommes jeunes a progressé en cinquante ans.

Les femmes aussi sont frappées. Elles sont plus nombreuses à souffrir d’endométriose et de syndromes d’ovaires polykystiques, causes d’infertilité ou d’hypofertilité.

Que répondent les médecins à ces patientes inquiètes venues les consulter ? Ils ont tendance à les culpabiliser, à en faire un problème personnel ou à pointer leur âge trop tardif pour une grossesse. Comment leur en vouloir ? Personne ne leur a jamais parlé des conséquences de l’environnement sur la santé au cours de leurs études.

Beaucoup de facteurs expliquent ces nouvelles maladies, mais l’un d’eux fait de plus en plus figure de principal accusé : les perturbateurs endocriniens (PE), une famille de composés chimiques qui altèrent les fonctions du système endocrinien et seraient même reprotoxiques. Parmi eux : le bisphénol, les phtalates, les parabènes, les perfluroés, les pesticides organochlorés (PCB), autant de poisons que l’on retrouve en grande quantité dans l’environnement, dans l’air, l’eau, les sols, les objets que nous manipulons.

Une nouvelle transition épidémiologique

Même si la science n’est pas encore certaine de leur impact sur la santé, ils sont suspectés d’être à l’origine de nombre de maladies chroniques contemporaines, des maladies que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit comme des « affections de longue durée qui évoluent lentement et ne montrent pas de tendance à la guérison ».

Cet empoisonnement à petit feu est d’autant plus pernicieux qu’il est invisible et se renforce avec le temps : l’intensité de l’exposition importe moins que sa durée, même à des doses très faibles.

En moins d’un siècle à peine, la France a donc amorcé une nouvelle « transition épidémiologique », au cours de laquelle les causes dominantes de mortalité ont radicalement changé. Les maladies infectieuses ont laissé la place aux maladies chroniques et dégénératives : autrefois nous mourions de phtisie et de syphilis, aujourd’hui nous mourons de cancers, de diabètes et de maladies cardio-vasculaires.

La santé environnementale à l’Assemblée nationale

Pour mieux comprendre cette situation lourde de menaces et réfléchir à des solutions, une Commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale, composée de trente députés, a été créée à la suite du dépôt d’une proposition de résolution en Commission des affaires sociales le 15 juin 2020.

La Commission a effectué son enquête de septembre à décembre 2020. Ses travaux ont apporté des éléments essentiels à la compréhension des défis posés par la santé environnementale : la gouvernance par les ministères et les collectivités territoriales ; l’importance des données ; les incertitudes de la science et la définition des seuils de toxicologie ; les engagements de la société civile.

Ils ont aussi révélé un sentiment d’impuissance collective face à ces enjeux qui sont encore mal connus et sur lesquels la science tâtonne. Le rapport d’enquête analyse ces difficultés et propose des solutions intéressantes pour tenter de les surmonter.

Une commission d’enquête « grenellienne »

Ayant eu l’honneur de présider cette commission d’enquête, j’ai souhaité compléter ce rapport par un avant-propos pour l’enrichir de mon expérience. Ancienne directrice d’hôpital, j’ai dirigé un hôpital pédiatrique et un établissement femme-mère-couple. À cette occasion, j’ai été sensibilisée aux cancers pédiatriques et aux problèmes d’infertilité et de stérilité masculine en Occitanie. Par ailleurs, j’ai créé une mission Développement durable pour porter les questions de transition environnementale d’un grand CHU.

À l’Assemblée nationale, j’ai présidé le Groupe d’études parlementaires Santé Environnement et dirigé la Mission d’Information commune sur les alternatives aux phytopharmaceutiques. Enfin, je suis présidente du Groupe Santé Environnement (GSE), instance extra-parlementaire, qui participe à l’élaboration des Plans nationaux Santé Environnement.

J’ai voulu donner à cette commission une dimension grenellienne en élargissant le nombre de personnes à auditionner. En douze semaines, la commission a reçu 64 personnes représentant les parties prenantes de la santé environnementale : ministres, députés, experts, représentants des administrations centrales, des collectivités territoriales, de la société civile et des organisations professionnelles.

Je tiens également à remercier l’ensemble des députés qui ont participé aux travaux de la Commission, ainsi que les soixante-quatre personnes auditionnées, les administrateurs de l’Assemblée nationale dont j’ai pu mesurer l’efficacité et la disponibilité tout au long de ces semaines denses, et les collaborateurs parlementaires pour leur accompagnement.

Enfin, je voudrais revenir sur la raison de cet avant-propos très étoffé qui m’a conduit à proposer 61 recommandations.

Le travail d'une Commission d'enquête est un travail d'équipe encadré par un tandem composé de la rapporteure et de la présidente. Malheureusement notre rapporteure n'a pas pu assister à un quart des auditions pour des raisons personnelles. J’ai donc souhaité m'assurer que les recommandations proposées par les personnes auditionnées seraient rapportées dans leur intégralité.

 


1. ÉLÉMENTS DE CONTEXTE : QUAND L’ENVIRONNEMENT TUE

 

A. La dégradation de l’environnement tue et elle coûte cher

 

1. Un environnement malade augmente les risques sanitaires

« L’environnement est la clé d’une meilleure santé », déclarait l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à Londres en 1999.

Historiquement la bonne santé des femmes et des hommes qui nous ont précédés était fonction de deux facteurs : les conditions de vie, c’est-à-dire le régime alimentaire, les conditions d’hygiène, etc. ; la constitution physique des individus, qui est transmise par les gènes.

Mais aujourd’hui, la détérioration des milieux naturels, la prévalence des pesticides, les épisodes récurrents de pollution de l’air, l’omniprésence de la pollution chimique, le changement climatique ont un impact de plus en plus marqué sur la santé humaine.

Selon un rapport par l'Agence européenne de l'environnement publié en septembre 2020, 13 % des décès dans l'Union européenne sont imputables à la mauvaise qualité de l'environnement [325]. La dégradation de l’environnement constitue ainsi la première cause de mortalité, écrivent les auteurs du rapport qui souhaitent que la crise sanitaire serve de signal fort pour accélérer la prise de conscience des relations entre environnement et santé.

À elle seule, la pollution de l’air extérieur par les particules fines 2,5 est responsable de 48 000 morts prématurées par an en France, selon des estimations fournies par l’agence Santé Publique France. Cela correspond à une perte d’espérance de vie à 30 ans qui peut dépasser 2 ans. Si toutes les communes de France respectaient la valeur recommandée par l’Organisation mondiale de la santé, plus de 17 000 décès seraient évités chaque année.

Il n’y a pas que la pollution de l’air. D’après une étude toute récente publiée dans la revue Nature Food, les bébés nourris au lait infantile dans des biberons en polypropylène absorbent chaque jour entre 1,6 million et 2 millions de particules de micro-plastiques au cours de leur première année[326]. Il faut le répéter : chaque jour, les bébés ingurgitent près de 2 millions de particules de plastique.

Chaque litre de lait contiendrait également des milliers de millions de nano-particules, d’un diamètre inférieur à 100 nanomètres. Des chiffres qui dépassent largement toutes les précédentes estimations.

La plupart de ces particules sont rejetées par l’organisme mais une inconnue demeure : quel peut être l’impact à moyen terme d’une telle profusion de plastique sur la santé de l’organisme ?

Face à cette question sans réponse, comment s’étonner que les Français soient plus nombreux chaque année à s’inquiéter des conséquences d’un environnement empoisonné sur leur propre santé ? Selon le baromètre 2019 de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur la perception des risques par les Français, la dégradation de l’environnement tient désormais une place centrale dans leurs préoccupations, à égalité avec la précarité sociale ou économique.

 

2. Les pollutions coûtent très cher à la société

Si les statistiques de mortalité ne suffisent pas, le chiffrage économique des effets de l’empoisonnement de l’environnement donne une idée encore plus concrète de la gravité de la situation.

Le coût de la pollution de l’air est sans doute celui qui a été le mieux étudié. Ainsi en 2018, la pollution de l’air aurait coûté plus de 166 milliards d’euros aux 432 principales villes d’Europe, qui représentent plus de 130 millions d’habitants, soit une moyenne de 1250 euros par habitant. Une évaluation réalisée par le cabinet néerlandais CE Delft publiée fin octobre 2020[327], pour le compte du collectif d’organisations non-gouvernementales Alliance européenne pour la santé publique. Elle serait de surcroît responsable de la mort de 550 000 personnes en Europe.

Pour parvenir à ce résultat, le cabinet a d’abord répertorié les effets prouvés sur la santé de trois des principaux polluants atmosphériques : les particules fines, l’ozone et le dioxyde d’azote. Puis il a ensuite calculé la valeur monétaire de ces effets : décès prématurés, traitements médiaux, admissions à l’hôpital, jours de travail perdus. Selon ce mode de calcul, le coût de la pollution de l’air à Paris atteindrait plus de 3,5 milliards d’euros (11,4 milliards à Londres).

En 2015, le Sénat avait déjà estimé le coût de la pollution de l’air en France à 101,3 milliards d’euros par an. Un an auparavant, une étude de l’ANSES estimait le coût socio-économique des polluants de l’air intérieur à 19 milliards d’euros par an[328].

Dans une étude publiée en 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a estimé à plus de 7,5 % du Produit intérieur brut (PIB) les effets sanitaires de la dégradation de l’environnement, en s’en tenant aux seules dimensions de la pollution de l’air, de la pollution sonore et des dégâts des perturbateurs endocriniens.

S’il est plus difficile d’avoir une idée du coût d’autres pollutions sur la santé, quelques estimations existent néanmoins.

D’après les dernières projections de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), les dépenses supplémentaires engendrées par les maladies chroniques auront augmenté de 120 milliards d’euros entre 2012 et 2021.

Le coût des perturbateurs endocriniens serait de l’ordre de 157 milliards d’euros, soit 1,23 % du PIB de l’Union européenne[329].

Enfin, au niveau mondial, les troubles neurocognitifs coûteraient 604 milliards de dollars [500 milliards d’euros] chaque année, selon l’OMS[330].

 

B. La santé environnementale, tentative inaboutie de réponse aux nouveaux risques sanitaires

 

Face aux risques sanitaires exacerbés par la dégradation de l’environnement, une nouvelle approche globalisante a été conceptualisée : la santé environnementale.

D’après la définition qu’en a donné l’OMS en 1994, la santé environnementale comprend « les aspects de la santé humaine et les maladies qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures. »[331]

La santé environnementale cherche donc à mieux comprendre les relations systémiques entre la santé des personnes et les polluants présents dans l’environnement (particules issues de la combustion des hydrocarbures, perturbateurs endocriniens, ondes électromagnétiques, etc.), qui affectent la qualité de l’air, intérieur et extérieur, de l’eau et de l’alimentation.

Son champ est vaste, il englobe les risques chimiques, physiques et biologiques ; les risques chroniques et accidentels ; les risques avérés et émergents ; les voies d’exposition multiples. La santé environnementale ne peut donc être traitée efficacement que dans sa globalité.

En travaillant à réduire les expositions environnementales et leurs conséquences, elle s’inscrit principalement dans le champ de la prévention primaire, qui vise à agir le plus en amont possible des maladies.

En France, la santé environnementale constitue l’une des cinq préoccupations majeures de santé publique reconnue par la Loi de 2004 relative à la politique de santé publique[332]. Cette loi a inscrit dans le Code de la Santé publique l’élaboration de Plans nationaux de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement (PNSE).

Trois PNSE ont déjà été élaborés : le premier entre 2004 et 2008, le deuxième entre 2010 et 2014, et le troisième entre 2015 et 2019, qui contenait 110 actions (ils sont explicités dans les pages qui suivent). Mais ils se sont avérés insuffisants à ce jour, et les lacunes du dernier ont été pointées par deux rapports d’évaluation publiés en décembre 2018 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS)[333] et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)[334].

Les auteurs de ces rapports ont notamment montré que les actions du PNSE n’étaient pas opérationnelles, faute de moyens humains et financiers conséquents, mais aussi d’un pilotage structuré, et n’ont pas permis de réduire l’exposition aux facteurs nocifs.

Tout au long de leur enquête, les membres de la Commission ont donc cherché à identifier les points de blocage en interrogeant les acteurs de ces politiques.

 

C. One Health : notre santé dépend de celle de l’environnement

 

La crise sanitaire qui a frappé l’humanité en 2020 a révélé les interactions étroites entre santé humaine, faune sauvage et environnement. Le Covid-19 appartient en effet à la famille des zoonoses, ces maladies infectieuses transmises par les animaux et qui affectent les humains.

Or la fréquence de ces zoonoses, observée depuis plusieurs dizaines d’années, semble s’accélérer. Elle s’explique par la mondialisation de l’économie qui, conjuguée avec l’augmentation de la population, l’industrialisation, la déforestation, l’intensification de l’élevage, rapproche les humains des espèces animales et engendre érosion de la biodiversité et dégradation des écosystèmes.

Les gouvernements doivent donc se montrer proactifs s’ils veulent prévenir d’autres pandémies. Surtout ils doivent reconnaître le lien inextricable entre la santé humaine, celle des animaux et celle des écosystèmes, lien qui constitue le cœur de l’approche One Health, Une seule santé. Cette approche apparue il y a une vingtaine d’années encourage une démarche participative et interdisciplinaire dans l’étude des pandémies.

En avril 2020, les experts de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité appelaient tous les gouvernements à tous les niveaux de décision à l’adopter[335]. Plus récemment, un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement la désignait comme la meilleure solution pour garantir un avenir sain et durable à l’humanité[336].

Au-delà des aspects sanitaires et environnementaux, l’approche One Health intègre les dimensions sociale, culturelle, économique, éthique. Elle implique de faire travailler ensemble médecins, vétérinaires, biologistes, écologues, ingénieurs, décideurs publics, urbanistes, architectes et institutions de santé publique. Or la difficulté à mettre en musique cette interdisciplinarité constitue un obstacle majeur à la généralisation de One Health.

Je formule donc le vœu que ce rapport sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale et son avant-propos contribuent à leur échelle à créer des ponts entre les disciplines.

 

2. GOUVERNANCE DE LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE : SORTIR DE L’INFORMEL ET DE L’INCANTATOIRE

 

La France est le seul pays d’Europe à avoir structuré une politique publique de santé environnementale : « Le Plan national Santé Environnement est une chance, il est le symbole d’une politique cohérente, profitons-en ! », s’exclamait en audition Olivier Toma, porte-parole du Comité Développement Durable Santé (C2DS).

Sur le papier, il n’y a rien à redire : les versions successives de ces plans contiennent de nombreuses actions intéressantes, et le Groupe Santé Environnement (GSE), qui participe à leur élaboration, est une belle machinerie intellectuelle et participative. Il faut leur rendre hommage.

Malheureusement, cette politique reste largement de l’ordre de l’incantatoire et peine à être mise en œuvre de façon efficace. Sa traduction territoriale est inégale, son existence même demeure largement inconnue de la population, comme l’a rappelé Marie-Jeanne Husset, secrétaire du bureau du Women Engage for a Common Future (WECF), dans son audition. Il n’est que temps de lui donner une organisation structurée, des objectifs clairs et quantifiés, des moyens humains et financiers et un accompagnement en formation et en communication.

 

A. La santé environnementale, une politique sans colonne vertébrale

 

1. Y a-t-il un pilote pour la santé environnementale ?

Les politiques de santé environnementale sont par définition transversales, comme les personnes auditionnées par la Commission n’ont pas manqué de le rappeler. Aujourd’hui leur gouvernance est morcelée entre six ministères, l’ANSES et les institutions scientifiques publiques, ainsi que des entités indépendants (Haut Conseil de Santé Publique, Haute Autorité de Santé, CnDASPE).

Deux rapports d’inspection à mi-parcours du Plan national Santé Environnement (PNSE), publiés en décembre 2018 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS)[337] et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)[338], l’avaient souligné à l’envi : la gouvernance de la santé environnementale en France ne fonctionne pas.

Elle souffre d’un manque de transparence, d’un excès de centralisation, et de l’absence de moyens humains et financiers ciblés. Et le principe de séparation entre l’évaluation et la gestion n’est pas clairement défini non plus.

Elle fait pourtant l’objet d’une forte mobilisation intellectuelle portée par les groupes de travail du Groupe Santé Environnement (GSE), mais son contenu est décidé à la fin par les ministères de la Santé et de la Transition écologique. L’application et le suivi de ces politiques sont laissés à l’appréciation de ces ministères.

Il en résulte une frustration des parties prenantes, une inadéquation des objectifs retenus par rapport aux constats et aux besoins du terrain : c’est une longue série de demi-échecs. L’organisation de la politique nationale doit donc être restructurée, en clarifiant les responsabilités, les rôles, les différents niveaux du processus de décision.

 

a) Une dynamique interministérielle au niveau gouvernemental

Pour impulser cette dynamique, un poste de délégué interministériel est créé et placé sous l’autorité directe du Premier ministre. Cette nomination a pour intérêt majeur de confirmer la volonté politique de porter l’approche One Health au plus haut niveau de l’État.

Ce délégué interministériel assure la coordination et le contrôle des politiques publiques de santé environnementale. Il travaille avec les équipes des cabinets ministériels, et avec l’Office national de Santé Environnement (voir ci-après).

Proposition 1 : Un délégué interministériel à la santé environnementale est créé.

 

b) L’ONSE, une organisation dédiée à la santé environnementale

Pour améliorer la transparence des processus de décisions, et affirmer la volonté d’un portage de la politique de santé environnementale ouvert à la société civile, la gestion de la santé environnementale est confiée à un Office National de Santé Environnement (ONSE).

Cet ONSE s’organise suivant le modèle de l’Office français de la Biodiversité (OFB), qui résulte de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Placé sous l’autorité du Premier ministre, l’ONSE constitue l’instance décisionnaire interministérielle de la santé environnementale et associe les grandes directions générales ministérielles (santé, environnement, travail, agriculture, recherche et innovation, économie) déjà parties prenantes des décisions. Il est le premier organisme One Health, qui prend en compte la santé du vivant au sens large.

1) Il assure plusieurs types de missions :

- l’exploitation, la valorisation et l’accessibilité des données produites par les systèmes d’information pertinents en santé environnementale. Les parties prenantes sont en effet unanimes à déplorer les difficultés qu’elles rencontrent dans l’exploitation des informations disséminées dans plus de quarante bases de données. Ce point sera abordé dans la troisième partie de cet avant-propos.

- le financement de la recherche en santé environnementale, complémentaire du programme national de recherche Environnement-Santé-Travail (PRN EST) de l’ANSES, qui est déjà « fléché » vers ses missions propres. L’ONSE pourrait retrouver une fonction qui a disparu avec la création de l’Agence nationale de la recherche (ANR), c’est-à-dire l’orientation des priorités de recherche et le lancement d’appels à projets, à l’instar de l’OFB. De cette façon, l’ONSE serait équipé pour soutenir une équipe de doctorants.

- une meilleure gestion des risques ;

- l’élaboration et le pilotage les PNSE, mais aussi d’autres plans nationaux en rapport avec la santé environnementale : Plans nationaux Santé publique (PNSP), Plans micropolluants, Plans Santé au travail (PST), Stratégies nationales sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), etc.

- il a un droit de regard sur les adaptations régionales du PNSE, à savoir les Plans régionaux Santé Environnement (PRSE), et structurerait les travaux du GSE.

- Il assure une veille stratégique et prospective.

2) l’ONSE n’a pas vocation à se substituer aux grandes agences publiques existantes, Santé Publique France (SPF), l’ANSES, ni au Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), mais il comble un besoin d’organisation, de portage et de fonctions qui sont actuellement en jachère. Il opèrerait ces missions en relation étroite avec l’ensemble des organismes d’expertise et de recherche.

Proposition 2 : L’Office national de Santé Environnement est créé. Il est doté de moyens pour réaliser ses missions de coordination, de pilotage et de contrôle des politiques de santé environnementale déclinées dans les PNSE.

 

- L’ONSE possède un droit d’auto-saisine sur toutes les questions de santé environnementale. Ses avis et travaux sont rendus publics.

- Il est doté d’un comité de surveillance composé de membres choisis sur appel public à candidatures parmi les parties prenantes de la santé environnementale : opérateurs institutionnels, experts scientifiques indépendants, parlementaires, représentants de la société civile, des collectivités territoriales, d’associations d’usagers, de syndicats professionnels, des sociétés savantes et du HCSP.

Ses membres sont soumis à l’obligation de remplir une déclaration publique d’intérêts et sa présidence est choisie par le Premier ministre, après avis des bureaux des Commissions des affaires sociales, du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale et du Sénat.

- Enfin, l’ONSE est doté d’un secrétariat général, d’une administration de mission et d’un budget propre défini par décret et abondé à parts égales par les Ministères de la Santé et de la Transition écologique.

- Il travaille en relation étroite avec le délégué interministériel à la santé environnementale, désigné par le Premier ministre.

- Il participe et consolide la démarche internationale de la France, et soutient en particulier le projet du Ministère des Affaires étrangères de créer un Haut Conseil international One Health.

 

2. Le GSE, symbole d’une gouvernance molle

Fruit d’une demande forte de la société civile, le Groupe Santé Environnement (GSE) a été créé en 2009, comme promesse du Grenelle de l’Environnement, pour contribuer de façon participative à l’élaboration des Plans nationaux Santé Environnement (PNSE).

Reflétant « l’état de l’art » de la santé environnementale, le Groupe Santé Environnement (GSE) est le seul espace pluridisciplinaire interministériel ouvert à la société civile à s’être approprié la démarche One Health, une construction unique en Europe qui réunit la fine fleur de l’expertise française sur le sujet, ainsi que des représentants de toutes les parties prenantes de la santé environnementale : administrations centrales, parlementaires, collectivités territoriales, entreprises, organisations professionnelles et société civile, soit 135 personnes environ, réparties en groupes de travail.

Douze ans après sa création, il affiche un bilan plus qu’honorable, comme en témoigne la richesse de ses contributions à la quatrième version du Plan national Santé Environnement (PNSE4). En 2019, il s’est réuni deux fois en présence des ministres de la Santé et de la Transition écologique et solidaire. À Bordeaux les 14 et 15 janvier 2019, lors des Rencontres nationales de Santé Environnement, il a lancé les travaux du PNSE4 : plus de sept cent personnes ont assisté aux ateliers et séances plénières. Dans les locaux de l’ANSES, le 9 juillet 2019, les 180 membres du GSE ont fait un point d’étape sur l’avancement des réflexions sur le PNSE4, et ils ont formulé leurs premières recommandations.

Cependant il fonctionne suivant un modèle participatif insuffisamment structuré, qui pâtit de l’absence de règlement intérieur, et repose trop sur la bonne volonté de ses membres, qui travaillent de façon bénévole et désintéressée. Il ne dispose d’aucun moyen de contrôle, ni de procédure de vote officiel.

Le processus de décision du GSE ressemble à un entonnoir : ses recommandations sont nombreuses et de qualité, mais à la fin, les ministères décident seuls du contenu du PNSE. Le rythme de travail du GSE est imposé par les ministères, ce qui laisse à ses membres le sentiment d’être instrumentalisés et frustrés : son impact sur les politiques publiques de santé environnementale ne traduit pas la qualité de sa composition et du travail qu’il fournit.

La création d’un Office national de la santé environnementale ne le disqualifie pas nécessairement : lieu unique de débats autour de la santé environnementale, le GSE joue un rôle cathartique auprès de la communauté d’experts et de la société civile.

Il est institutionnalisé en Parlement de la santé environnementale, où s’esquissent les actions à mettre en œuvre dans les PNSE.

Il conserve la même composition que l’actuel GSE, fixée par un règlement intérieur : 150 membres représentant toutes les parties prenantes de la santé environnementale (parlementaires, société civile, experts, administrations centrales, collectivités territoriales, organisations professionnelles…), et répartis en cinq collèges. Ses membres sont choisis sur appel à candidature, avec une obligation de présenter une déclaration publique d’intérêts.

- À sa tête, un Conseil d’administration, composé de parlementaires désignés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur appel à candidatures émanant de préférence des Commissions des Affaires sociales (CAS) et du Développement durable et de l’Aménagement du territoire (DDAT), des représentants des territoires et de la société civile, et des délégués des collèges, élit son président.

- Ce GSE nouvelle mouture a le droit de s’autosaisir sur toute décision politique qui touche à la SE.

- Il se réunit une fois par trimestre en associant à ses travaux toutes les parties prenantes de la santé environnementale, réparties en collèges. Ses délibérations seraient rendues publiques comme elles le sont aujourd’hui.

- Il est garant de l’approche One Health en associant tous les acteurs concernés.

Proposition 3 : Le Groupe Santé Environnement est institutionnalisé en parlement de la santé environnementale, doté d’un véritable pouvoir d’interpellation

 

3 Le PNSE, un plan qui ne sert à rien ?

La France a fait le choix de décliner ses politiques publiques de santé environnementale sous la forme de Plans Nationaux Santé Environnement (PNSE).

Leur élaboration, leurs traductions territoriales et leur mise à jour tous les cinq ans sont inscrites par la loi relative à la santé publique de 2004 dans le code de la santé publique (article L. 1311-6 du code de la santé publique).

 

a) Les PNSE sont des plans fédérateurs de toutes les démarches de santé environnementale. Ils assurent la visibilité et la cohérence des plans sectoriels du champ santé environnementale, et la mise en œuvre des recommandations des agences scientifiques publiques (ANSES et Santé publique France).

Le PNSE1, appliqué de 2004 à 2008, était construit suivant une approche intégrée et globale de l’ensemble des polluants et des milieux de vie. Il a favorisé l’émergence de la thématique santé environnementale et sa prise en compte par les pouvoirs publics, mais sa gouvernance souffrait déjà d’une absence de définition claire des responsabilités et de leurs modalités d’exercice.

Le PNSE2, de 2009 à 2015, s’articulait autour de deux grands axes : la réduction des expositions responsables de pathologies à fort impact sur la santé ; la réduction des inégalités environnementales, en cohérence avec d’autres plans sectoriels. Selon son évaluation réalisée en 2013, les objectifs de la plupart des actions n’ont été que partiellement atteints.

Le PNSE3, de 2015 à 2020, introduisait la notion d’exposome et contenait 110 actions autour de quatre grandes catégories d’enjeux : les enjeux de santé prioritaires ; la connaissance des expositions et de leurs effets ; la recherche en santé environnementale ; les actions territoriales, l’information, la communication et la formation.

Les lacunes du PNSE3 ont été pointées par les deux rapports d’évaluation à mi-parcours déjà mentionnés dans l’introduction de l’avant-propos. Les auteurs de ces rapports ont notamment montré que les actions du PNSE ne sont pas opérationnelles et ne permettent pas de réduire l’exposition aux facteurs nocifs.

Ils expliquent ces défauts entre autres par le manque d’indicateurs sur les effets attendus en matière de niveau de santé, et l’absence de définition des moyens humains et des moyens financiers, faute de budget propre. Aucune mesure n’a fait l’objet d’un chiffrage quant à son coût.

Seules 20 % des mesures répondent aux risques environnementaux, en prenant en charge les conséquences ou en diminuant l’exposition des populations. Enfin l’aspect financier des dégâts environnementaux sur la santé n’est pas assez pris en compte, faute d’avoir évalué clairement leur coût.

Le PNSE4 est actuellement en cours de consultation publique à l’heure de la rédaction du présent rapport. Il affiche plusieurs objectifs intéressants, mais des lacunes ont d’ores et déjà été pointées par les personnes auditionnées. Ce PNSE4 devrait notamment être renforcé par des précisions sur :

- la prise en compte de l’approche One Health qui incluent la problématique de la biodiversité ;

- la formation à la santé environnementale, en particulier celle des professionnels de santé ;

- une méthodologie sur le portage des actions, leurs objectifs, leurs critères d’évaluation, et les budgets qui leur sont affectés.

 

Les PNSE tels qu’ils ont été mis en œuvre jusqu’à présent pêchent donc par leur caractère informel qui n’est pas à la hauteur des enjeux sanitaires. Ils ne sont que de simples documents incitatifs, donc peu opérationnels, sans force réglementaire ni législative, et donc peu opérationnel : « Un plan avec de telles actions, sans aucun moyen financier associé, relève davantage de la communication que d’une réelle volonté d’agir », jugent Gilles Pipien et Éric Vindimian, en mentionnant le PNSE3.

N’ayant aucun caractère obligatoire, leur réalisation dépend de la bonne volonté des autorités en charge de les appliquer, ce qui explique leur impact faible et la difficulté à les intégrer dans les stratégies ministérielles.

Leur positionnement dans la hiérarchie des documents de travail ministériel doit donc être clarifié pour renforcer leur légitimité et leur caractère opérationnel.

Par ailleurs la durée des PNSE est courte, compte tenu du champ d’intervention couvert : elle doit être portée à six années au lieu de cinq, un allongement qui répondrait à une demande forte des acteurs territoriaux en charge des Plans régionaux de Santé Environnement (PRSE), qui ont du mal à tenir le rythme.

 

b) Le processus d’élaboration du PNSE pourrait être réorganisé en trois grandes étapes de la façon suivante :

Ce processus d’élaboration a été proposé pendant l’audition de Denis Zmirou et Francelyne Marano, du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP).

1. Le plan en cours, PNSE et PRSE, est évalué par le HCSP dès la fin de la quatrième année, sur une durée de huit à dix mois, en s’appuyant sur les données du SEDHub (base de données de santé environnementale, présentée dans les pages suivantes).

Cette évaluation comprend l’analyse des écarts entre les objectifs initiaux des actions et leur degré de réalisation effective, mais elle doit également déboucher sur des propositions d’aménagement. Elle permettrait d’anticiper l’échéance des plans pour éviter les ruptures de rythme, et d’ajuster les objectifs des actions en fonction des connaissances scientifiques et des priorités politiques.

2. Le produit de l’évaluation du PNSE et des PRSE est soumis, au cours du deuxième semestre de la cinquième année, à l’avis des acteurs territoriaux en charge des PRSE et des parties prenantes du GSE, à savoir :

– les organismes de recherche qui déterminent les priorités (INRAE, INERIS, INRS[339]) ;

– les grandes agences sanitaires et environnementales (ADEME[340], ANSES, Santé publique France) ;

– les représentants de la société civile, ONG, partenaires sociaux et groupements professionnels ;

– les territoires, qui ont une connaissance fine du terrain : régions, métropoles, communes.

3. La synthèse globale des débats autour de l’évaluation est transmise par l’ONSE au délégué interministériel, qui travaille avec les administrations centrales pour transposer les recommandations en termes de politiques publiques, c’est-à-dire en actions. Le délégué précise les priorités qu’il a retenues, au niveau national et territorial, et doit justifier leurs choix par écrit.

À chaque action du PNSE sont obligatoirement associés :

- des objectifs chiffrés ;

- un ou des pilotes clairement identifiés ;

- une ligne budgétaire dédiée ;

- des indicateurs nécessaires à son évaluation.

Ces informations sont consignées dans des fiches actions. Une synthèse de ces fiches et des financements est rendue publique, pour assurer facilement le suivi des actions.

Enfin et surtout, le PNSE fait l’objet d’une loi de programmation pluriannuelle votée par le Parlement, à l’instar des Plans énergie climat, Plans pluriannuel de la recherche et de l’enseignement supérieur, ou Loi de programmation pluriannuelle militaire. Il dispose d’un budget spécifique clairement identifié et annexé au Projet de Loi de Finances.

Proposition 4 : L’Office National de Santé Environnement assume la responsabilité de la conception et du pilotage du PNSE

 

Proposition 5 : Les Plans nationaux Santé Environnement font l’objet d’une loi de programmation pluriannuelle votée par le Parlement. Ils disposent d’un budget spécifique identifié dans le Projet de Loi de Finances et voté par le Parlement.

 

4. Le grand fouillis des plans sectoriels

Il existe trente-quatre plans sectoriels nationaux aujourd’hui, qui touchent de près ou de loin à la santé environnementale et totalisent plusieurs centaines d’actions : Plan chlordécone, Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, Plan micropolluants, etc.

S’il n’est pas question de remettre en question leur existence, il faut s’assurer qu’ils sont bien coordonnés entre eux et avec le PNSE.

Cette fonction sera confiée à l’ONSE, en relation avec le délégué interministériel.

Doté des services et des compétences scientifiques nécessaires, l’ONSE assure le pilotage interministériel des plans sectoriels. Il peut ainsi donner de la cohérence et de la visibilité à un plan tel que le Plan Antibiorésistance, par exemple, qui associe les ministères de la Santé, de l’Agriculture pour la surprescription vétérinaire, de l’Environnement pour la maîtrise de l’usage des biocides, comme l’ont évoqué Gilles Pipien et Éric Vindimian en audition.

Proposition 6 : La supervision des plans sectoriels touchant à la santé environnementale est confiée à l’Office national de Santé Environnement, qui est associé à la rédaction de leur cahier des charges et réalise leur évaluation.

 

Les informations relatives aux plans sectoriels, dont leur champ d’intervention et leurs financements, sont difficiles à obtenir. Leur cartographie est à ce jour illisible et ressemble plus à une mosaïque de projets dont la cohérence générale échappe aux acteurs de terrain, aux élus comme aux citoyens. « Le problème n’est pas tant d’ordre financier que de gouvernance », a insisté William Dab dans son audition.

Cette dispersion des moyens financiers et humains s’observe à l’échelle nationale aussi bien que territoriale. La politique de santé environnementale dans les territoires est en effet morcelée entre l’État, les services déconcentrés de l’État, les régions, les départements, les métropoles et les communes.

Avant toute chose, il convient donc de dresser l’inventaire des moyens consacrés par l’État et par les collectivités territoriales aux PNSE, aux PRSE ainsi qu’à tous les plans sectoriels nationaux qui touchent à la santé environnementale, c’est-à-dire à l’air, à la nutrition, à l’alimentation, au sol, au bruit, aux rayonnements ionisants et non-ionisants.

Un tel inventaire permettra d’identifier et de mieux cadrer les processus de décision actuels, afin d’en assurer une réelle transversalité et d’en améliorer l’efficacité globale. La Cour des Comptes pourrait être mandatée pour conduire un tel chantier.

Proposition 7 : La Cour des comptes est saisie par les ministres de la Santé et de la Transition écologique pour procéder à une évaluation de l’efficacité financière des actions des plans sectoriels.

 

5. La santé environnementale absente du Code de la santé publique

Pour faire en sorte que tous les plans sectoriels et le PNSE qui les chapeaute soient identifiés comme des déclinaisons de la politique de santé environnementale, la définition de la santé environnementale sera intégrée à l’article L1311-1 du Code de la santé publique, afin que ce champ d’intervention s’impose dans les stratégies développées par les différents plans.

Proposition 8 : Le contenu de la santé environnementale et ses objectifs sont intégrés dans le Code de la santé publique.

 

B. Une gouvernance territoriale à la peine

 

1. Les territoires doivent avoir les moyens de leurs politiques

Comment appliquer le plus efficacement possible le principe de subsidiarité en matière de santé environnementale ? Cette question a hanté le déroulement de l’enquête sur les politiques publiques de santé environnementale.

L’histoire récente de ces politiques incite à penser que la région est le niveau de gouvernance le plus adapté et le plus pertinent pour les appliquer. Mais les conseils régionaux n’ont aucune obligation en termes de santé environnementale.

a) À l’échelon des conseils régionaux

Institutionnellement, la compétence santé environnementale n’existe pas et ne relève d’ailleurs pas des Conseils régionaux, prévient Gilles Pipien dans son audition. Cette absence de contrainte formelle a permis à certains Conseils régionaux de se dispenser de signer les PRSE, comme le Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Mais cette attitude ne semble pas cohérente avec les compétences étendues des régions, qui s’expriment notamment à travers les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), institués par la loi Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) votée en 2015. Définir le contenu d’une telle compétence et la rendre obligatoire permettrait de contourner l’obstacle des volontés politiques fluctuantes.

b) À l’échelon des EPCI

Il faut également noter que la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 a confié de nombreuses compétences aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : en matière d’aménagement avec les Schéma de cohérence territoriale (SCOT), Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), Programme local de l’habitat (PLH) ; en matière d’environnement avec les Plans climat-air-énergie territorial (PCAET) ; en matière de prévention des risques avec la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.

Il manquerait le transfert d’une compétence santé environnementale aux EPCI, compétence partagée avec les Conseils régionaux, pour que leurs actions gagnent en cohérence et en synergie avec tous les acteurs régionaux.

Sensible aux préoccupations grandissantes des Français vis-à-vis des questions de santé environnementale, l’Association des Régions de France réclame d’ailleurs une implication plus importante des régions dans les politiques de santé.

Ces arguments plaident en faveur de la création d’une compétence partagée obligatoire de santé environnementale pour les régions et pour les EPCI.

Proposition 9 : Une compétence obligatoire santé environnementale est créée dans les territoires, partagée entre les conseils régionaux et les EPCI. Cette compétence est accompagnée des moyens financiers et humains adéquats.

 

c) La compétence santé environnementale est transférée aux EPCI

Le concept de santé environnementale n’apparaît pas en tant que tel dans le Code de la santé publique. Mais l’article L. 1311-1 mentionne néanmoins « l’hygiène et la salubrité publique », compétence municipale depuis la loi de 1902 qui crée « les bureaux municipaux d’hygiène » dans les villes de plus de 20 000 habitants.

Ces bureaux, rebaptisés à la faveur des lois de décentralisation de 1984 en Services Communaux d’Hygiène et de Santé (SCHS), sont placés sous l’autorité conjointe de la mairie de la commune et de l’État. Ils sont encore présents dans les communes de plus de 40 000 habitants, et ils mettent en application le Code de la santé publique sur le territoire communal et veillent au respect du règlement sanitaire départemental.

Leur expertise s’exerce dans les domaines suivants : la prévention des infections et intoxications aiguës ; la protection de la santé publique, par l’amélioration de la qualité des milieux de vie ; protection contre la pollution à l’intérieur des locaux (amiante, plomb, qualité de l’air intérieur).

À la compétence de salubrité publique est associé un pouvoir de police : le maire peut déclarer un immeuble insalubre et interdire qu’il soit occupé.

Or à l’heure de la métropolisation des villes françaises, est-il pertinent de conserver ces deux compétences associées, salubrité publique et police, au niveau des municipalités ?

En effet, les EPCI ont désormais le droit de s’engager sur les questions sanitaires en signant des Contrats locaux de santé (CLS) avec les Agences régionales de santé (ARS). Mais elles ne disposent pas de données sanitaires sur l’ensemble de leur territoire lorsque celui-ci est composé de communes de tailles variables.

Les collectivités s’appuient donc sur les données épidémiologiques fournies par les SCHS des villes centres qui ne couvrent qu’une portion du territoire. Ainsi ont procédé l’agglomération d’Avignon pour son programme de santé environnementale, et la métropole de Lyon, en s’appuyant sur les données sanitaires des services de Lyon et de Villeurbanne.

Les compétences de salubrité publique et de police pourraient donc être transférées aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, les auditions de la Commission ont montré que les élus étaient trop souvent dans l’ignorance des objectifs des PRSE et de l’état sanito-environnemental de leur territoire. Ils dénoncent le décalage entre les effets d’annonce et la réalité de terrain.

Pour corriger les inégalités sanitaires et sociales entre bassins de vie, les conseils régionaux et les EPCI réalisent des diagnostics locaux de santé environnementale, qui s’articulent avec les Plans régionaux de Santé Environnement (PRSE), avec l’accompagnement des ARS.

Ces diagnostics utilisent les données fournies par les SCHS et les Observatoires régionaux de santé (ORS). Ils participent aux démarches relevant d’une compétence de salubrité publique élargie, rebaptisée à cette occasion compétence de santé environnementale, et transférée aux EPCI.

Proposition 10 : La compétence obligatoire de salubrité publique, actuellement confiée aux communes, est renommée en compétence santé environnementale. Elle est transférée aux EPCI, avec les pouvoirs de police afférents, et les moyens financiers et humains adéquats.

 

2. Une gouvernance en manque de leadership opérationnel

Aujourd’hui, la gouvernance territoriale de la santé environnementale est confiée à un triumvirat de fait composé du préfet de région, du Conseil régional et de l’Agence régionale de Santé (ARS). Or, ce triumvirat ne fonctionne pas.

Dans les territoires, la gouvernance de la santé environnementale pourrait donc être transférée à un Office régional de la Santé Environnement (ORSE), déclinaison régionale de l’ONSE, et placée sous la responsabilité du Conseil régional.

Cet ORSE prend en charge l’élaboration du Plan régional de Santé Environnement (PRSE), lui-même déclinaison régionale du PNSE, qui poursuit deux objectifs : mettre en œuvre les actions préconisées par le PNSE et les adapter aux enjeux propres des territoires ; compléter les actions du PNSE avec d’autres actions supplémentaires.

Les actions territoriales sont définies par l’ORSE pour répondre aux caractéristiques sanito-environnementales des territoires.

Les élus des territoires, le président du Conseil régional, les présidents des Conseils départementaux, les présidents des EPCI sont obligatoirement consultés dans le cadre de la construction du PRSE. Ils participent activement à l’exécution du PRSE.

L’ORSE, qui absorbe le Groupe régional de Santé Environnement (GRSE) existant, associe à ses travaux toutes les instances territoriales concernées par la santé environnementale (ARS, DREAL, ORS, CREAI, Agences de l’eau, ASQA[341]).

Chaque ORSE est doté d’un comité de surveillance composé de représentants de toutes les instances mentionnées ci-dessus, du préfet de région, ainsi que de conseillers régionaux de la majorité et de l’opposition, sélectionnés après appel à candidature. Le président du comité est désigné par le président du Conseil régional.

Proposition 11 : L’Office national de Santé Environnement est décliné dans les régions en Offices régionaux de Santé Environnement.

 

 

3. La santé environnementale, grande absente des documents de politiques régionales et locales

a) La santé environnementale doit être ajoutée aux SRADDET…

Les Conseils régionaux jouent un rôle essentiel dans la définition des règles, notamment des règles d’aménagement du territoire. Ils sont investis d’une compétence exclusive pour élaborer les Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), opposables à un ensemble de schémas infrarégionaux, en termes d’urbanisme et de pollution de l’air, ainsi que l’a expliqué Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales, aux membres de la Commission.

Avant d’être adoptés par les Conseils régionaux, ces schémas sont soumis à enquête publique. Ils ont un caractère obligatoire et prescriptif vis-à-vis des autres collectivités territoriales, qui sont obligées de tenir compte de leurs orientations générales dans leurs propres documents d’urbanisme et dans les PCAET.

Or, la procédure d’adoption des SRADDET ne prévoit pas de consultation des Agences régionales de Santé (ARS), alors que leurs orientations ont une incidence sur les déterminants majeurs de santé. Cette absence révèle un problème de cohérence entre le champ de compétences des ARS, qui portent les questions de santé au niveau régional, leur positionnement institutionnel, dans les processus des choix des schémas régionaux.

Proposition 12 : Les Agences régionales de santé sont consultées lors de l’élaboration des SRADDET par les régions.

 

b) … ainsi qu’aux supports de contractualisation entre État et collectivités territoriales

Pour gagner en efficacité, la gouvernance territoriale de la santé environnementale doit embarquer tous les acteurs institutionnels, techniques et politiques dans la dynamique portée par l’État.

Les processus de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales, tels que les Contrats de plan État-Région (CPER) et les Contrats de Transition Écologique (CTE), apparaissent comme des outils efficaces.

Les PRSE ne sauraient en être exclus, ils doivent être intégrés aux CPER et aux CTE, pour que ceux-ci gagnent en cohérence en incorporant une véritable dimension de santé environnementale. À ce titre, les ARS seraient cosignataires des CPER et des CTE.

Proposition 13 : Les objectifs de santé environnementale définis dans les PRSE doivent être pris en compte dans les processus territoriaux de décision et les documents de planification régionale et locale : Contrats de Plan État-Région et Contrats de Transition Écologique.

 

c) Intégrer la santé environnementale dans le Code de l’urbanisme

Bien que les métropoles n’aient pas d’obligations légales en matière de santé, elles peuvent agir pour que l’environnement ait un impact positif sur la santé des habitants.

D’où l’intérêt de modifier le Code de l’urbanisme de telle sorte que des objectifs de santé environnementale figurent explicitement dans les Études d’impact sur l’environnement et la santé (EISE) préalables à la réalisation de programmes d’aménagement.

Les EISE sont des démarches de prévention qui intègrent les enjeux environnementaux et sanitaires en amont de la conception d’un programme. Elles visent à réduire au maximum l’impact sur l’environnement dans lequel le programme s’inscrit, et sur la santé des populations riveraines (bien-être, cadre de vie, lien social, accessibilité aux services…).

Parmi les objectifs de santé environnementale qui peuvent être intégrés aux EISE :

- des diagnostics multi-paramètres préalables à la réhabilitation des bâtiments (acoustique, qualité de l’air intérieur, ondes électromagnétiques) ;

- des actions de sensibilisation des professionnels ;

- la création d’un pôle de santé environnementale regroupant services techniques, entreprises, associations, etc.

Proposition 14 : La santé environnementale est intégrée au Code de l’urbanisme, via les Études d’impact sanitaire et environnemental qui deviennent un préalable obligatoire à tout projet d’aménagement.

 

d) Contractualiser avec les ARS au service de la santé environnementale

Autre outil de gestion sanitaire : les Contrats locaux de santé (CLS). Ces contrats sont des outils portés conjointement par les ARS et une collectivité territoriale pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé. Ils expriment les dynamiques locales partagées entre acteurs et partenaires sur le terrain pour mettre en œuvre des actions au près près des populations.

Le ministère des Solidarités et de la Santé a donné aux ARS un objectif quantifié de signatures de CLS, qui sert de levier de construction du maillage de santé environnementale dans les territoires.

Les parties prenantes à ces contrats ne sont pas toujours d’accord entre elles sur leur contenu en santé environnementale. Les ARS font des CLS l’outil privilégié de leur politique de santé environnementale, tandis que l’Association des Maires de France (AMF) affirme que les CLS ne contiennent pas de volet environnemental : c’est ce qu’a expliqué à la Commission Sylviane Oberlé, chargée de mission prévention des pollutions à l’AMF.

De fait, les quelques exemples qui sont remontés pendant les auditions de l’enquête donnent l’impression d’une certaine improvisation face aux enjeux de santé environnementale, faute de règles précises.

a) Ainsi, dans le cadre de son CLS, reconduit jusqu’à la fin de l’année 2020, la ville de Saint-Nazaire a-t-elle commandé une étude épidémiologique pour identifier les causes de la surmortalité qui frappe sa population.

Ce projet pourrait inspirer les neuf autres communes qui constituent l’agglomération, et surtout être pris en charge par la CARENE, le nom de l’intercommunalité. Mais les représentants auditionnés de la CARENE ont expliqué qu’elle ne disposait pas de l’ingénierie nécessaire à la construction d’un CLS intercommunal.

b) En Nouvelle-Aquitaine, région très en avance et innovante sur les questions de santé environnementale, 85 % de la population est couverte par un CLS, dont le cahier des charges contient systématiquement un volet santé environnementale.

Le Conseil régional cofinance la coordination des actions menées dans le cadre des CLS, qui font émerger l’impact sanitaire de toutes les politiques menées sur le territoire : aménagement du territoire, transport, habitat, assainissement, gestion des déchets.

Par ailleurs, les collectivités territoriales ne semblent pas encore avoir saisi tout le potentiel des CLS en matière de santé environnementale. Par exemple, les huit métropoles françaises visées par le contentieux européen sur la pollution de l’air pourraient se servir des CLS pour coordonner l’avancée de leurs travaux en contractualisant avec l’État.

Il paraît donc essentiel qu’une dimension santé environnementale soit incluse de façon plus explicite dans les CLS, et que les ARS s’engagent à dédier les ressources matérielles et humaines à l’exécution de ces contrats dans les territoires.

Proposition 15 : Un volet santé environnementale doit être inclus dans les Contrats Locaux de Santé. Les ARS doivent dédier une personne ressource à la relation avec les élus dans le cadre des CLS.

 

3. DES DONNÉES PEU OPÉRATIONNELLES

 

A. L’exposome, Graal de la santé environnementale

 

Au cœur des politiques publiques de santé environnementale se niche l’exposome, un concept proposé dès 2005 dans la littérature scientifique en complément du génome. Concrètement il signifie que nous sommes exposés tout au long de notre vie à des facteurs environnementaux, c’est-à-dire non génétiques, susceptibles d’être responsables d’effets à long terme, tels que nombre de maladies chroniques contemporaines.

L’exposome figure dans la loi de 2016 de modernisation du système de santé[342], qui l’a défini comme étant « l’intégration sur la vie entière de l’ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé humaine ».

L’un des objectifs du PNSE3 consistait à accroître l’effort de recherche en santé environnementale pour approfondir la connaissance de l’exposome, c’est-à-dire mesurer la totalité des expositions que subit un organisme humain de sa conception à la fin de sa vie en passant par son développement in utero.

Parmi les éléments qui constituent l’exposome, figurent l’environnement, le milieu social, les facteurs de stress, ainsi que le régime alimentaire, qui contribue largement à construire la santé des individus.

C’est en connaissant l’ensemble de ces éléments que des actions et des programmes peuvent être conçus pour maîtriser les risques environnementaux, qu’ils soient avérés ou suspectés.

Pour caractériser l’exposome, il faut mesurer les expositions subies par des dizaines de milliers de personnes. Un tel travail implique de collecter des volumes colossaux d’échantillons de liquides, de matières, de liquides organiques, etc., bien au-delà des moyens matériels d’un laboratoire de recherche.

Aux défis de la collecte s’ajoute celui de la production de la donnée de base, c’est-à-dire le passage de l’échantillon contenu dans une éprouvette à un spectre identifiant toutes les molécules présentes dans l’échantillon, explique en audition Thierry Caquet, directeur scientifique « environnement » de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Les laboratoires de recherche savent le faire sur quelques dizaines d’échantillons, pas sur des milliers.

Enfin certaines dimensions essentielles de la connaissance de l’exposome sont très difficiles à mesurer et à cartographier, comme les habitudes alimentaires. Les données qui les couvrent ne peuvent être recueillies qu’au moyen d’études basées sur des cohortes.

Cela donne une idée de l’immensité de la tâche à accomplir pour établir un corpus de données de santé environnementale suffisamment solide.

 

B. Une collecte des données qui doit être systématisée

 

a) Mettre en place des registres dans tous les hôpitaux

Pour faciliter la collecte des données de santé, en particulier les cancers et les pathologies chroniques liées à des causes environnementales (cancers pédiatriques, maladies cardio-vasculaires, diabète), le recours aux registres est systématisé sur l’ensemble du territoire national. Ces registres, qui doivent comporter les histoires professionnelles et résidentielles des patients, sont un premier pas vers la consolidation des données, qui seront ultérieurement croisées avec les données environnementales.

Proposition 16 : Une politique de collecte systématique des données de santé doit être mise en œuvre dans les hôpitaux, en s’appuyant sur des registres créés sur l’ensemble du territoire.

 

b) Généraliser les GISCOP

Depuis une quinzaine d’années, certains conseils départementaux, dont la Seine-Saint-Denis et le Vaucluse, ont créé, avec l’aide du ministère du Travail et des ARS, des Groupements d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle (GISCOP). Ces GISCOP ont vocation à initier des politiques publiques de lutte contre les inégalités de santé, recoupant ainsi certains objectifs des Plan Cancer et Plan de Santé au Travail.

Ils répondent à trois sortes d’objectifs. D’abord, ils identifient les secteurs d’activités qui exposent à des cancérogènes, ainsi que les expositions subies dans l’environnement de travail, les postes et les activités. Ils assurent le suivi des personnes atteintes de cancers professionnels et facilitent ainsi l’accès au droit à la reconnaissance des cancers d’origine professionnelle pour les personnes éligibles. Enfin, ils contribuent à la prévention par la production de connaissances sur les situations d’expositions pour réduire les risques cancérogènes au travail.

Leurs missions pourraient être étendues, et inclure la formation et l’information de tous les acteurs pouvant contribuer à la prévention, propose Laurence Huc, toxicologue à l’INRAE.

Cela peut déboucher sur la mise en place de réseaux de recherche transdisciplinaire qui pourraient être déployés au niveau local. Cette recherche ancrée dans les territoires permettra l’identification des causes environnementales des maladies, à l’aide de questionnaires, pour adapter les stratégies thérapeutiques au sein des services de soins.

Proposition 17 : La constitution des Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle (GISCOP) au niveau des services de cancérologie est étendue à tout le territoire français.

Leur mission est élargie et comprend :

- la formation et l’information de tous les acteurs, y compris privés, pouvant contribuer à la prévention ;

- la mise en place de mesures préventives en incitant les entreprises à améliorer les conditions de travail ;

- la mise en place de réseaux de recherche transdisciplinaire pour l’identification des causes environnementales des maladies pour adapter les stratégies thérapeutiques à l’échelle des territoires.

 

C. Quarante bases de données qui ne parlent pas la même langue

 

Comme toute politique publique, la politique de santé environnementale doit commencer par mesurer les besoins, puis dans un second temps les effets des actions qu’elle a mis en œuvre. Pour cela, elle a besoin de combiner des données sur la santé et sur l’environnement, une tâche éminemment complexe à cause du nombre vertigineux de données à collecter.

Par ailleurs, le lien direct entre une modification de l’environnement et son effet sur un individu ou une population reste difficile à mesurer. L’acquisition de données pertinentes, qui repose sur des systèmes de surveillance appropriés, constitue donc un défi colossal pour les acteurs de la santé environnementale.

La récupération de données personnelles, y compris sanitaires et environnementales, se fait déjà à grande échelle par les géants américains du numérique, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Même si elle n’est pas structurée, cette collecte gagne en efficacité et permet de glaner quantité d’informations précieuses pour profiler les utilisateurs.

« Si nous mobilisions pour les données environnementales et sanitaires l’intelligence artificielle consacrée à la voiture autonome et à d’autres dispositifs en cours de développement, nous disposerions de nombreuses informations sur les liens entre la santé et l’environnement, mais également d’hypothèses qui pourraient être approfondies en laboratoire ou via des études de cohorte pour rechercher les bons déterminants », remarque Éric Vindimian, co-auteur du rapport d’évaluation à mi-parcours du PNSE3, dans son audition.

« Alors que la France possède l’intelligence mathématique pour le faire, nous risquons d’être bientôt obligés d’acheter ces données aux géants américains. Cela pose la question de la souveraineté des données. »

 

a) Une base de données de santé environnementale s’appuie sur deux familles de données :

1-Les données de santé, pour déceler des signaux forts et des signaux faibles d’altération de la santé des populations, provoquée par la dégradation de l’environnement. De l’autre, des données pour identifier la source de cette dégradation et la décrire.

Dans le domaine de la santé, le Health Data Hub, successeur de l’Institut national des données de santé (INDS) après une évolution de sa gouvernance et de sa gestion de projets, a la responsabilité du Système national des données de santé (SNDS).

Le SNDS, système unique au monde, existe depuis 2013. Il vise à rendre interopérables les données de la Sécurité sociale, puis à les associer à celles de SPF, un chantier toujours en cours mené avec l’aval de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), pour avoir le droit d’utiliser les données nominatives de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Les agences SPF et l’ANSES, et des institutions comme l’INSERM[343], sont d’ores et déjà habilitées à interroger le SNDS et à en extraire des données pour leur propre compte ou pour celui d’acteurs privés qui leur en font la demande.

2-Les données environnementales, elles, témoignent d’un degré de complexité plus élevé que celles de la santé, du fait de leur nature même. Elles incluent la toxicité des produits chimiques, l’évolution de la biodiversité, la contamination des milieux, la qualité de l’air, la composition de l’eau…

Historiquement, la France dispose d’une bonne culture de la donnée environnementale, grâce à deux sources :

- des données participatives et citoyennes, grâce au vaste réseau d’associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air et de l’eau, de la biodiversité, des sols, des produits chimiques et de la radioactivité. Mais les données produites par ces réseaux sont souvent disparates et peu consolidées.

- des données scientifiques solides fournies par les grandes institutions de recherche sur l’environnement regroupées dans AllEnvi, l’alliance de recherche pour l’environnement fondée il y a une dizaine d’années[344]. Chacune de ces institutions dispose de ses propres bases de données et de ses propres études.

L’Institut national de l’environnement et des risques (INERIS), par exemple, gère plusieurs bases nationales, dont une sur la qualité de l’air (GEOD’AIR) et une autre sur les émissions industrielles (IREP). L’Institut a aussi réalisé un inventaire de l’ensemble des bases de données environnementales qui existent aujourd’hui, en vue de la préparation du PNSE4, ont expliqué Raymond Cointe et Clément Lenoble, de l’INERIS.

Par ailleurs des bases de données interdisciplinaires existent déjà, a rappelé Roger Genet, directeur de l’ANSES, comme celles du laboratoire de surveillance des milieux aquatiques (AQUAREF), alimenté par cinq organismes, du laboratoire de la qualité de l’air, ou de l’ONEMA.

 

Par ailleurs, Data Terra, une infrastructure de données mise en place il y a quelques années, rassemble toutes les données qui décrivent l’environnement en France, océan, terre, atmosphère, « zone critique » (zone superficielle de la Terre où se déroulent les processus vivants), y compris les données issues de simulations de modèles. Coupler Data Terra avec des données de santé pourrait être un premier pas dans la connaissance de l’exposome, et c’est le but du Programme prioritaire de recherche (PPR) Exposome.

Marie-Hélène Tusseau-Villemin et Bertrand Schwartz, qui représentaient la Direction générale de la recherche et de l’innovation, au ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’Innovation, ont présenté Data Terra comme s’inscrivant dans la politique de données ouvertes du ministère de la Recherche et de l’Innovation pour faciliter les progrès de la connaissance au niveau international. Une application du principe selon lequel toute recherche financée par de l’argent public doit être rendue publique, tout en protégeant les travaux des chercheurs. C’est un premier pas, mais qui ne suffit pas, car les données sont collectées dans des contextes distincts, avec des objectifs spécifiques.

 

b) Des données pas du tout interopérables

En attendant, ces bases de données pléthoriques ne se « parlent » pas, elles ne sont pas interopérables. Très morcelé, le paysage des données environnementales reste difficile à mobiliser en temps réel, comme l’a montré la catastrophe de Lubrizol : Santé Publique France avait demandé à l’INERIS une cartographie des impacts de la catastrophe, et Raymond Cointe et Clément Lenoble, de l’INERIS, ont souligné qu’il avait fallu une année de travail pour aboutir.

Pour disposer d’une vision globale de la situation sanito-environnementale, en cas d’accident industriel comme en temps normal, et mieux évaluer les risques, un chantier d’interopérabilité de l’ensemble des bases de données disponibles doit être lancé. Selon Cédric Bourillet, directeur général de la Prévention des Risques, au ministère de la Transition écologique, c’est à cette condition que les acteurs de la santé environnementale pourront tirer profit d’une connaissance réellement transversale de l’exposome, comprendre les effets cocktails, repérer les synergies, et formuler des hypothèses d’explication des phénomènes de clusters comme celui des cancers pédiatriques en Loire-Atlantique.

 

c) L’urgence stratégique d’une approche globale des données : le SEDHub

Le rapprochement des données de santé et des données environnementales au sein d’une structure équivalente au Health Data Hub constitue donc aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique. Il permettrait d’interroger les différentes bases de données pour établir plus facilement des corrélations et renseigner des indicateurs de qualité environnementale, tel que la localisation géographique d’un prélèvement pour le situer avec précision et caractériser l’exposition.

Un SE Data Hub (SEDHub), sorte d’observatoire de la santé environnementale, pourrait donc être créé sur le modèle du Health Data Hub.

Placé sous l’autorité de l’Office national de Santé Environnement, il consoliderait les données produites par les quarante systèmes d’information pertinents en santé environnementale.

Il faciliterait leur valorisation, leur partage, leur accessibilité et leur utilisation par les acteurs des politiques publiques.

Garant de la standardisation et de l’interopérabilité des données brutes, il fournirait des analyses chiffrées sur lesquelles l’ONSE fonderait ses décisions et élaborerait ses outils de communication à destination des acteurs publics.

Il contribuerait enfin à mieux appréhender l’exposome et donnerait de la visibilité aux enjeux sanitaires et environnementaux et à leurs impacts sur les territoires. Il permettrait aussi d’analyser les signaux faibles pour mieux détecter les risques émergents.

Le SEDHub prendrait la forme d’un tableau de bord qui concentrerait et consoliderait en un seul point d’entrée les informations épidémiologiques et toutes les données relatives à l’environnement (état de santé de la faune, de la flore et des écosystèmes ; qualité de l’eau ; qualité de l’air ; etc.). Ces données seraient fournies par les parties prenantes du SEDHub, à savoir les agences publiques d’expertise et les institutions scientifiques membres d’AllEnvi.

Le SEDHub centraliserait aussi les avis et recommandations des agences d’expertise (ANSES et SPF), ainsi que les bonnes pratiques et les expérimentations réussies de croisement de données.

Proposition 18 : Le SE Data Hub est créé sur le modèle du Health Data Hub. Il est placé sous l’autorité de l’ONSE.

 

Certains experts auditionnés ont évalué à une dizaine d’années le délai nécessaire pour bâtir une cartographie exhaustive des données de santé environnementale.

Compte tenu de l’urgence sanitaire, un tel chantier pourrait être lancé par étapes successives, sur la base d’objectifs définis par l’ONSE à partir de données déjà existantes.

La priorité pourrait être donnée à la qualité de l’air, qui constitue l’inquiétude sanitaire la plus grave pour les Français, mais aussi aux perturbateurs endocriniens et aux pesticides.

 

D. Quand les régions expérimentent les croisements de données de santé environnementale

 

La construction du SEDHub pourrait s’inspirer d’expérimentations locales riches d’enseignements. En croisant données environnementales et épidémiologiques et en y ajoutant des données sociales et urbaines, ces expérimentations ont permis d’améliorer la description des expositions.

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), l’Observatoire régional de santé (ORS) AURA et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), bureau d’études public dépendant du ministère de la transition écologique, ont ainsi compilé les données environnementales et épidémiologiques de 250 bassins de vie de la région, bassin de vie par bassin de vie.

Ce travail a permis de repérer les priorités d’intervention avec une bonne précision. Dans la vallée de l’Arve, les nombreuses maladies respiratoires peuvent être mises en relation avec la pollution de l’air par les poids lourds qui montent vers le Tunnel du Mont-Blanc, les cheminées à foyer ouvert et l’usine de carbone. Dans le vieux Lyon, le saturnisme et les problèmes d’humidité et de pollution de l’air intérieur constituent la priorité.

Au niveau régional, beaucoup de données sont donc disponibles, à condition d’être mises en forme. Ce travail pourrait être confié à des déclinaisons régionales du SEDHub, placées sous la responsabilité des Office régionaux de Santé Environnement.

Ces hubs régionaux consolideraient les registres régionaux de données, assureraient leur interopérabilité, et fourniraient des cartographies des risques sanitaires. De cette façon, ils fonctionneraient comme des portails participatifs assurant la visibilité des enjeux sanitaires et de leurs impacts territorialisés.

Proposition 19 : Le SE Data Hub est décliné dans les territoires et ses déclinaisons régionales sont placées sous la responsabilité des Offices régionaux de Santé Environnement.

 

4. SCIENCE, EXPERTISE ET INCERTITUDES

 

A. Incertitudes et culture du risque : être proactif plutôt que réactif

 

Depuis 2005, le principe de précaution est entré dans la Constitution de la Ve République, peu après son inclusion dans les textes fondateurs de l’Union européenne. Selon ce principe, qui s’applique à la fois à l’expertise scientifique et à la décision publique, l’incertitude scientifique ne doit plus être mise en avant pour ne pas prendre des mesures visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement, ainsi qu’à la santé.

La santé environnementale est un contexte où la science, et donc la production de certitudes, avance lentement. Les décideurs politiques sont amenés à prendre des décisions fondées sur un nombre restreint de connaissances dans une situation de fortes incertitudes. « On ignore la toxicité de 80% des substances chimiques, les causes des maladies chroniques sont multifactorielles, ce qui rend quasi impossible l’obtention de la preuve ‘une substance conduit à une maladie’ par la toxicologie et l’épidémiologie », explique Laurence Huc. « Ce piège de la preuve empêche la mise en place de mesures préventives. »

 

a) Le risque et le danger

La distinction entre le danger et le risque est fondamentale. Le danger est une propriété pathogène : c’est une possibilité, une éventualité, une capacité à créer un dommage. Le risque est un indicateur de la vraisemblance de la réalisation danger.

Pesticides, perturbateurs endocriniens, nanomatériaux font régulièrement l’objet de débats, alors que les positions scientifiques, très complexes, sont loin d’être certaines. Mais la pression de la société devient si forte que les décideurs politiques optent le plus souvent pour la réglementation.

Pour décider de la mise sur le marché d’une substance, le politique base sa décision sur l’évaluation coût / bénéfice, qui consiste à répondre à trois questions : à qui revient le coût, à qui revient le bénéfice, et qui court le risque ?

L’imprégnation de l’environnement par les polluants chimiques depuis des décennies montre les limites de l’analyse coût-bénéfice : en réalité, les coûts sont publics et les bénéfices sont privés. Celle-ci ne défend donc jamais le bien commun, elle est un outil poussé par les industriels, car du strict point de vue de la santé publique, aucun risque ne devrait être acceptable, insiste Laurence Huc.

 

Le risque est aujourd’hui un objet de politique publique tellement dilué qu’il est rare de faire ce qu’il faut, au moment où il le faut, avec les moyens qu’il faut. Cet enjeu justifierait la mise en place d’un véritable ministère du risque, selon William Dab, ancien directeur général de la santé, en laissant au ministère de la santé le métier de soigner, car la tâche est suffisamment vaste.

Dans ce domaine, les plans tels que le PNSE sont beaucoup trop réactifs. Pourtant, grâce aux progrès technologiques, ils pourraient devenir plus proactifs, à condition de réformer l’organisation des pouvoirs publics et de l’État pour éviter qu’ils ne se réduisent à des effets d’annonce.

Ces effets d’annonce, s’ils ne s’accompagnent pas de progrès mesurables, finissent par user la confiance de la population, sans laquelle il est impossible de gérer le risque. Si une ou plusieurs parties prenantes perdent confiance, elles vont exiger un surdimensionnement des moyens permettant d’assurer leur protection.

 

b) Mesurer la santé, mesurer l’environnement

L’OMS définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social, un état qui va au-delà de l’absence de maladie ou d’infirmité. Mais mesurer le « bien-être physique, mental et social » reste une question éminemment subjective qui divise les scientifiques : où commence-t-il ? Où finit-il ?

Les taux de mortalité et d’espérance de vie sont des indicateurs pertinents pour l’évaluer, mais ils ne suffisent pas, car ils sont impuissants à caractériser les aspects positifs de la santé, la qualité de vie, le stress.

L’amélioration de l’état de santé, rappelle William Dab dans son Que sais-je ? sur la santé environnementale, s’est traduite par un allongement de la durée de vie qui atteint 80 ans en France. Or les maladies peuvent survenir à tous les âges de la vie, des mois ou des années après l’exposition des personnes aux pollutions de toutes sortes : comment retrouver leurs origines et les retracer tout au long de l’existence ?

Une piste consiste à mesurer la qualité de la vie en prenant en compte les dimensions physique, mentale et sociale, c’est-à-dire le nombre d’années de vie en bonne santé. Mais éminemment subjective, elle s’appuie sur le jugement des personnes, qui doit être très encadré dans des enquêtes spécialisées.

Les marqueurs biologiques ouvrent d’autres perspectives : ils permettent d’identifier précocement des atteintes physiologiques avant qu’elles ne deviennent irréversibles.

Si la mesure de la santé continue de progresser, conclut William Dab, elle reste approximative, car les disparités restent fortes en fonction des milieux socio-économiques.

 

L’autre difficulté de la science de la santé environnementale consiste à caractériser l’environnement. Cette notion est en effet encore plus subjective que la santé. Elle renvoie instinctivement au milieu dans lequel nous évoluons, lieux de vie et de travail, tout au long de notre vie et de celle de nos parents proches et lointains.

Les multiples disciplines de l’environnement, écologie, toxicologie, zoologie, pédologie, ont développé des méthodes pour mesurer les pollutions de l’air, de l’eau et des sols. Mais cette approche ne suffit plus, elle doit devenir globale pour estimer la quantité totale de polluants qui pénètrent le corps humain. Cela nécessité des années d’efforts, et infiniment d’incertitudes.

Pour caractériser l’environnement, il ne suffit pas de quantifier des polluants dans les différents milieux, il faut aussi s’interroger sur le lieu, la durée, la fréquence, la quantité des prélèvements. Sans oublier le coût de cette caractérisation.

 

Par ailleurs, il est compliqué de se fier aux résultats des seules mesures dans le milieu pour en déduire avec un degré raisonnable de certitude l’impact sur la santé humaine. Les systèmes d’informations sanitaires, en ville, à l’hôpital ou dans les différents régimes d’assurance-maladie, n’ont pas non plus de finalité épidémiologique, car ils ont été conçus à des fins économiques.

Pour établir des conclusions entre l’environnement et la santé, il faut créer les conditions d’un rapprochement des pratiques et des spécialistes trop isolés les uns des autres. D’abord l’épidémiologie et la toxicologie, les sciences qui éclairent la relation entre la santé et l’environnement ; ensuite l’histoire, la géographie, la sociologie, pour inscrire toute pollution dans un contexte socio-économique et culturel. L’environnement ne peut être appréhendé indépendamment des lieux et des contextes sociaux.

 

B. L’ANSES, une agence publique de rang mondial largement sous-dotée…

 

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) compte parmi les quinze agences sanitaires de rang mondial. Elle reste la mieux placée aujourd’hui pour demeurer l’opérateur scientifique principal de la santé environnementale, selon Gilles Pipien et Éric Vindimian.

À l’origine, l’ANSES a pour mission d’évaluer les risques inhérents à la vie quotidienne, pour la santé et l’environnement (expositions à des substances chimiques ; risques biologiques ; risques physiques, ondes, champs électromagnétiques). Elle produit de la recherche dans trois domaines principaux : la santé et le bien-être des animaux ; la sécurité des aliments ; la santé et la protection des végétaux. Elle a également une mission particulière sur les risques du travail et les maladies professionnelles.

Au fil des années se sont rajoutées des missions supplémentaires, au point qu’elle ne peut plus faire face à sa charge de travail. Elle se retrouve malgré elle en situation de prendre des décisions qui relèveraient davantage du politique, comme les Autorisations de mise sur le marché (AMM), au risque de se heurter à des problèmes déontologiques.

 

Depuis sa création il y a dix ans, elle a développé sa propre vision du lien entre la qualité de l’environnement et la santé humaine, et des impacts de l’environnement sur la santé, problématiques qui sont aujourd’hui au cœur du concept One Health : santé animale, santé végétale, alimentation, qualité-environnement, santé au travail sont toutes interdépendantes.

Enfin, ouverte à l’ensemble de la communauté d’expertise, sa gouvernance comporte plusieurs comités d’experts spécialisés, qui accueillent entre autres une soixantaine de scientifiques de l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

En 2015, le législateur lui a confié le pouvoir de délivrer ou de retirer les Autorisations de mise sur le marché (AMM). L’ANSES joue donc plusieurs rôles : agence de financement, laboratoire de recherche, expertise et coordination des expertises. Elle doit éclairer les décideurs publics, sur la base d’éléments scientifiques, fondés sur les connaissances disponibles à un instant donné au niveau mondial.

De plus elle collabore avec des institutions scientifiques comme l’INRAE, dont elle finance des projets de recherche, et elle travaille de plus en plus étroitement avec Santé publique France. Au cours de leurs auditions respectives, Sébastien Denys et Roger Genet ont clairement illustré la complémentarité des travaux de leurs agences, entre ceux qui mesurent l’impact réel de la pollution sur la santé et ceux qui mettent en place des solutions pour l’anticiper : « Ces deux agences peuvent réaliser de grandes choses lorsqu’elles travaillent ensemble », ont observé Gilles Pipien et Éric Vindimian.

Enfin, l’ANSES consacre l’intégralité de son budget, soit 160 millions d’euros, à la santé environnementale. Mais ce budget est notoirement insuffisant pour faire face à ses missions.

 

Si à l’avenir, les missions de l’ANSES devaient être élargies, cette extension doit être conditionnée à la préservation de la cohérence avec ses missions existantes, ainsi qu’à la garantie sur les moyens nécessaires pour les accomplir. Le conseil d’administration de l’ANSES doit refléter l’ensemble de ses missions.

Proposition 20 : Un rapport sur les besoins budgétaires de l’ANSES est commandé pour ajuster ses moyens financiers et humains aux nombreuses missions qui lui sont confiées.

 

C. Une agence devenue à la fois juge et partie

 

a) Comment elle s’est retrouvée à exercer deux missions à la fois

À la fois juge et partie, l’ANSES, placée sous la tutelle de plusieurs ministères, contrôle donc toute la chaîne de production de l’expertise scientifique : elle reçoit la documentation scientifique fournie par les industriels qui sollicitent une AMM, elle les distribue aux laboratoires dont elle a elle-même validé la conformité, et in fine, elle est habilitée à distribuer et à contrôler les AMM des produits. Cette position paraît inconfortable pour garantir la neutralité de ses décisions, et peut poser des problèmes déontologiques et d’expertise scientifique.

Par ailleurs, avant de mettre des produits phytopharmaceutiques sur le marché, l’ANSES procède à une évaluation des effets bénéfiques attendus de ces produits et les compare aux risques liés à leur sécurité d’emploi, notamment à travers la protection individuelle pour les professionnels.

Sur les questions de santé environnementale, qui concernent l’ensemble du vivant, cette évaluation du bénéfice-risque pose de graves problèmes éthiques. Elle touche au cœur des politiques de santé publique et se heurte à la préservation des écosystèmes.

Cette façon de procéder a été historiquement introduite par les industriels, mais elle est biaisée en leur faveur car les bénéfices leur profitent, tandis que les risques sont assumés par la société, comme les coûts, parfois incalculables, qui leur sont associés.

Autrement dit, autoriser une substance chimique dangereuse, sur la base d’une évaluation du risque mal conduite, revient à accepter qu’il y ait des malades et des morts. Comme le dit Didier Fassin dans sa conférence introductive au Collège de France : « La société a la mortalité qu’elle désire. »

Il est temps que l’évaluation du bénéfice-risque cède la place à une évaluation des co-bénéfices, où les décisions qui en résultent sont prises sur la base des bénéfices pour les êtres humains, les espèces vivantes et l’environnement au sens large.

Proposition 21 : Les autorisations d’utilisation de produits phytopharmaceutiques ne doivent plus s’appuyer sur l’évaluation des bénéfices / risques lorsque la santé humaine et la survie des écosystèmes sont en jeu.

 

b) Une cloison étanche au sein de l’ANSES

Ces observations incitent à la création d’un « Chinese Wall » entre les missions de l’ANSES : d’un côté, la délivrance des Autorisations de mise sur le marché ; de l’autre, l’évaluation toxicologique des molécules.

L’expression « Chinese Wall », ou Muraille de Chine, telle qu’elle est utilisée dans le monde des affaires, désigne une barrière virtuelle destinée à bloquer l'échange d'informations entre services si cela peut entraîner des activités commerciales douteuses sur le plan éthique ou juridique.

L’organisation administrative de l’ANSES doit être redéfinie en fonction de cette cloison étanche.

Proposition 22 : Une cloison étanche (« Chinese Wall ») est créée à l’intérieur de l’ANSES, entre ses missions d’autorisations de mises sur le marché et d’évaluation toxicologique des molécules.

 

c) Une Haute Autorité de l’Expertise, instance de contrôle et de validation des seuils toxicologiques

Pour assurer davantage de transparence et d’objectivité au processus d’évaluation des substances, la définition de l’expertise pourrait être confiée à une Haute Autorité de l’Expertise, extérieure à l’ANSES, et indépendante vis-à-vis des industriels, qui serait chargée d’évaluer la validité scientifique des AMM de nouvelles molécules ou de molécules en réévaluation.

Lieu de débats à l’abri de toute approche partisane et en toute transparence, cette Haute Autorité, suggérée par Joël Spiroux de Vendômois, la HAE est composée de députés des différents groupes parlementaires, de représentants d’organismes professionnels, d’experts indépendants réputés pour leurs travaux de recherche, de personnalités qualifiées en droit du travail et en santé publique, de représentants des organisations de médecins.

Proposition 23 : Une Haute Autorité de l’Expertise, extérieure à l’ANSES, est créée pour étudier à l’abri de toute pression les autorisations de mise sur le marché. Elle a pour mission de faire évoluer les cadres réglementaires français en matière de seuils toxicologiques et de participer à la définition de la réglementation européenne.

 

d) La dose fait-elle encore le poison ?

La toxicologie réglementaire continue de s’appuyer sur un aphorisme qui date de la Renaissance, celui de Paracelse : c’est « la dose qui fait le poison ».

Cette non-prise en compte des nouvelles connaissances sur la toxicité chimique rend caduques et inappropriées les évaluations du danger et du risque telles qu’elles sont pratiquées par les agences responsables de la réglementation : la « science réglementaire » n’est plus une science quoi qu’elle en dise.

Celles-ci doivent combler leur retard sur les progrès de la science fondamentale et revoir leurs systèmes d’évaluation. Si, pour une raison ou pour une autre, elles ne peuvent le faire, elles doivent renoncer à leur mission de service public, qui consiste à garantir la sécurité sanitaire de la population et de protéger l’environnement.

De ce point de vue, les données épidémiologiques sur la santé des professionnels agricoles et de leurs familles sont accablantes.

Quelques pistes pour améliorer le fonctionnement des agences réglementaires :

- donner à l’ANSES des objectifs chiffrés en termes des morts et de maladies évitées et d’écosystèmes protégés par rapport aux activités qui sont menées. Des indicateurs forts sont définis pour évaluer l’efficacité de l’agence sur les missions qui lui sont confiées (sécurité sanitaire et protection de l’environnement) ;

- interdire une substance chimique sans attendre qu’elle puisse être substituée par une autre, et privilégier son remplacement systématique par des alternatives non chimiques basées sur l’agroécologie ;

- éviter les expositions aux cancérigènes avérés, notamment celles des travailleurs ;

- ne plus procéder à des évaluations substance chimique après substance chimique, mais considérer des familles de molécules partageant les mêmes propriétés : bisphénols, néocotinoïdes, SDHI… D’après un principe pharmacologique de base, les molécules qui ciblent le même mode d’action ont les mêmes effets. Le bisphénol A a été conçu dans les années 20 comme un contraceptif œstrogénique, c’est donc un perturbateur endocrinien par essence. Il a fallu près d’un siècle pour l’interdire dans les biberons des bébés un siècle plus tard (en 2015).

Proposition 24 : L’évaluation des dangers et des risques doit être confiée à des scientifiques répondant aux standards de la méthode scientifique, de façon à imposer des cadres réglementaires réellement protecteur de la santé des êtres vivants et de l’environnement.

 

D. « Le 21e siècle sera celui de l’hygiène chimique »

 

Le 20e siècle fut celui du triomphe de l’hygiène pasteurienne. Grâce aux progrès foudroyants de l’assainissement, de l’hygiène, de l’accès aux soins, de la généralisation de l’eau potable et de la vaccination, la plupart des maladies d’origine bactérienne ont été éradiquées.

Or malgré ces progrès considérables, depuis 70 ans, de nouvelles pathologies chroniques sont apparues et sont en forte croissance : cancers, maladies cardio-vasculaires, diabètes, maladies neuro-dégénératives. La cause de ces maladies ne fait plus aucun doute : elle s’explique principalement par l’imprégnation chimique de l’environnement, une pollution invisible dont il est bien difficile de se protéger.

Un chiffre résume cette pollution à lui tout seul : chaque année, quelque 300 millions de tonnes de xénobiotiques, autrement dit des molécules chimiques polluantes (phtalates, parabènes, pesticides, dioxines, PCB, Hydrocarbures aromatiques polycycliques, résidus de médicaments), sont produites en Europe, selon l’Agence européenne de l’environnement.

Outre les maladies qu’elles provoquent, ces quantités de produits chimiques contribuent à l’effondrement très inquiétant de la biodiversité : 75 % de la biomasse des insectes volants ont disparu en 27 ans[345], 60 % de la biodiversité animale en 44 ans[346] (WWF, 2018), 68 % des vertébrés en moins de 50 ans[347] (WWF, 2020). Au point que certains auteurs parlent de Sixième extinction des espèces, la plus dévastatrice depuis la disparition des dinosaures[348].

 

a) L’impuissance de l’épidémiologie et de la toxicologie

Face à cette situation dramatique, l’épidémiologie classique et la toxicologie réglementaire semblent bien impuissantes, inadaptées aux pathologies environnementales : « Notre notion de l’hygiène est restée pasteurienne, mais nous devons faire en sorte que le 21e siècle soit celui de l’hygiène chimique », explique Joël Spiroux de Vendômois, président du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), au cours de son audition. « Les normes pour tous les produits chimiques toxiques sont à pleurer, elles sont juste à la limite toxicologique admise. Et il n’y a aucune transparence dans l’évaluation des substances. »

Une raison explique cette inadaptation : l’évaluation des molécules de base ne repose pas sur le bon modèle. En effet, les molécules actives des pesticides sont testées seules, pas dans leurs formulations globales, comme l’ont montré des dizaines de publications. « Quand on met sur le marché des produits mal évalués, on prend des risques qu’on finit par payer un jour ou l’autre », poursuit Joël Spiroux de Vendomois.

Or les coformulants peuvent être plus toxiques que la molécule de base. Ceux du Roundup, par exemple, sont plus dangereux que le glyphosate lui-même. En révisant la toxicologie du glyphosate dans sa formulation globale, sa Dose journalière autorisée (DJA) devrait être divisée par mille. Par extension, tous les pesticides testés sont beaucoup plus toxiques que ne le prétendent les évaluations des DJA, qui ne prennent pas en compte l’effet « faible dose » ni la perturbation endocrinienne.

La DJA ne protège donc plus et sa procédure d’évaluation doit donc être refondue. Pour cela, il faut que la notion de propriété intellectuelle soit levée sur les pesticides.

 

b) Perturbations et effet cocktail

Par ailleurs, depuis plus de 60 ans, la science fondamentale a considérablement progressé, en particulier dans la connaissance de la toxicité des substances de synthèse. Avec l’accroissement exponentiel du nombre de molécules en circulation (100 000 molécules seraient disponibles sur le marché) sont apparus bien d’autres effets que le seul poison qui tue plus ou moins instantanément : les perturbations endocriniennes, les perturbations métaboliques, les perturbations épigénétiques, les effets à faible dose, les effets cancérigènes génotoxiques et non génotoxiques…

Sans oublier l’effet cocktail, qui désigne les effets qui peuvent affecter la santé humaine lors d’une exposition à plusieurs substances chimiques simultanément : l’exposition simultanée à plusieurs substances chimiques différentes peut renforcer les effets nocifs de chaque substance ou produire des effets inattendus.

Pour l’heure, la connaissance scientifique sur les effets cocktails est quasi inexistante, par rapport à la réalité des cumuls d’expositions professionnelles et environnementales subies, mais elle fait l’objet de recherches de plus en plus fréquentes. L’effet cocktail a été démontré dans plusieurs situations concernant des animaux, mais aussi sur l’humain, dans le cas de certains médicaments. La recherche progresse régulièrement.

 

E. Sobriété chimique et principe de précaution

 

Le Plan national de santé publique (PNSP) contient une disposition qui vise la sobriété chimique : « Informer la population sur les produits chimiques de consommation courante et sur les moyens de s’en protéger afin d’en limiter les effets potentiels sur la santé. Tendre vers une sobriété d’exposition de la population à ces produits (…)[349].. »

La formulation de cette disposition interpelle par son ambition très vague, compte tenu de l’omniprésence de la chimie de synthèse dans la vie quotidienne.

L’imprégnation chimique des organismes humains est régulièrement mesurée dans les analyses d’urine, de cheveux ou de sang réalisées alternativement par des organismes publics ou des associations. Les perturbateurs endocriniens ont en plus une caractéristique : ils agissent à faible dose, ce qui rend assez vain le souhait d’en réduire les effets sans en réduire le nombre.

Ce n’est pas la seule limite de la disposition citée plus haut : « Elle prône la protection individuelle que chacun doit mettre en place pour se prémunir des expositions à des toxiques. En cela elle est profondément inégalitaire, car elle crée un fossé entre ceux qui ont la capacité de d’accéder aux informations et d’acheter en conséquence, et les populations défavorisées peu informées qui n’ont pas les moyens d’acheter des produits non contaminés », commente Laurence Huc.

Pour réduire l’exposition aux produits chimiques de synthèse (effet cocktail), le principe de « sobriété chimique », qui induit études et évaluations des risques, doit être plus étroitement associé au principe de précaution, pour une protection collective de la population et de la biodiversité.

L’ANSES devrait avoir pour mission de mettre en œuvre le principe de sobriété chimique pour assurer une protection globale de la population, qui ne soit pas basée sur la seule prévention individuelle. Pour cela, elle doit favoriser les bio-contrôles sans risques comme produits de substitution non chimiques aux pesticides. Actuellement l’ANSES délivre des AMM après examen de ces produits par l’agence européenne, dans un cycle permanent : chaque produit finit tôt ou tard par être à nouveau examiné par l’ANSES. À chaque passage, le produit pourrait être examiné au regard du principe de précaution et de sobriété chimique. Une telle démarche permettrait un « nettoyage » des molécules présentes dans l’environnement sur le moyen et le long terme.

 

Proposition 25 : L’ANSES a pour mission de favoriser les bio-contrôles sans risques comme produits de substitution non chimiques aux pesticides, en appliquant les principes de précaution et de sobriété chimique suivants :

- n’autoriser les produits que s’il y a un vrai intérêt, avec une évaluation comparative préalable ;

- s’assurer qu’il n’existe pas déjà des produits de substitution ;

- évaluer les « co-bénéfices » des produits en procédant à une expertise pluridisciplinaire avec d’autres expertises de la recherche académique (sociologues, économistes, écologues, agronomes, du CNRS, de l’INSERM, de l’INRAE, du MNHN[350], etc.).

 

F. La CnDASPE, un outil pour protéger les lanceurs d’alerte

 

La Commission nationale « Déontologies et alertes en santé publique et environnementale » (CnDASPE) est un organisme créé par la loi Blandin du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte. Elle est arrivée en 2017 en appui aux politiques publiques dans le domaine de la santé.

Elle est chargée de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique ainsi qu’aux procédures d’enregistrement des alertes en matière de santé publique et d’environnement. Forts de quatre années d’expérience, ses porte-paroles ont émis de nombreuses recommandations pour renforcer la modernisation des instances liées à la protection de l’alerte, du lanceur d’alerte en qualité de personne individuelle ou morale.

 

a) Former les élus et les gestionnaires d’établissements publics

Dans un premier temps, l’expertise publique en matière de Santé-environnement mériterait d’être renforcée. Il est en effet nécessaire de promouvoir les bonnes pratiques déontologiques au sein des établissements publics et des collectivités territoriales, en matière de santé publique et d’environnement, en lien avec leurs organismes de formation et les associations d'élus.

Proposition 26 : Une mission de formation à destination des élus et des gestionnaires d’établissements publics est ajoutée aux missions de la CnDASPE.

 

b) Faciliter l’alerte et son traitement

Ensuite, la vigilance, le dépôt et le traitement de l’alerte dans les domaines de la sécurité sanitaire et de la protection de la biosphère doivent être facilités.

Proposition 27 : Un guichet unique de dépôt d’alerte est mis en place pour simplifier les procédures entre la CnDASPE, l’Agence française anticorruption, le défenseur des droits et les autorités judiciaires compétentes.

 

c) Mieux protéger l’alerte et son lanceur

La France s’est dotée d’un corpus législatif extrêmement fort mais qui ne dispose que de 1,4 agent équivalent temps plein réparti entre trois fonctionnaires. Elle fonctionne essentiellement grâce à vingt-deux bénévoles qui assurent une mission de service public. La question des moyens dédiés à la protection de l’alerte et des lanceurs d’alerte est donc centrale pour renforcer nos politiques publiques, notamment concernant la thématique santé-environnement

Proposition 28 : Un rapport sur les moyens actuels et sur ceux qui seraient nécessaires au traitement et à la protection des alertes par la CnDASPE est commandé à la Cour des comptes.

Un bilan du fonctionnement de la CnDASPE est réalisé pour réexaminer son rôle dans le traitement des alertes.

 

d) Protéger l’ensemble des facilitateurs

Enfin, si l'alerte ne pouvait être émise que par une personne physique, comme le prévoyait en effet la Directive et la loi Sapin 2, contrairement à la loi Blandin qui l'étendait aux associations notamment, les facilitateurs doivent être mieux protégés. Toute personne physique ou morale qui constate les conséquences de violations effectives ou potentielles telles que mentionnées à l’article 6 modifié de la loi du 9 décembre 2016 doit pouvoir bénéficier du statut de lanceur d’alerte.

Proposition 29 : Le bénéfice de la protection des lanceurs d’alerte est étendu aux personnes morales.

 

5. DES PRATIQUES DE RECHERCHE TROP CONSERVATRICES

 

  1.                Un financement insignifiant

 

a) Un effort de recherche morcelé

Dans la santé environnementale, l’effort de recherche est morcelé entre de nombreuses institutions différentes : l’INSERM, l’INRAE, le CNRS, l’ANSES… Quant à son financement, il est éclaté entre l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’ANSES et, dans une moindre mesure, l’ADEME.

L’ANR dispose d’un budget annuel d’environ 1,5 milliard d’euros. Depuis 2005, elle a financé 386 programmes de santé environnementale, à hauteur de 150 millions d’euros, sur la qualité de l’air, l’adaptation des pathogènes aux changements environnementaux ou les nanomatériaux.

L’ANSES possède son propre Programme national Environnement Santé Travail (PNR EST), qui finance des projets plus nombreux mais plus petits que ceux de l’ANR. Le budget du PNR EST cumule la part de l’ANSES (8 millions d’euros par an), et celle de l’ANR (une dizaine de millions d’euros par an).

Au total, le financement de la recherche publique en santé environnementale en France s’établit bon an mal an autour de 15 à 20 millions d’euros, qu’il faut mettre en regard des 23 000 substances présentes sur le marché. Cela revient à peu près à 1000 euros par an pour chaque substance : c’est insignifiant ! Comment asseoir ce financement pour faire en sorte qu’il soit proportionnel au nombre de substances ?

 « L’éclatement des acteurs et du financement de la recherche en santé environnementale n’aide pas », a reconnu Roger Genet, directeur général de l’ANSES, en audition. « Aujourd’hui, le financement sur projet de la recherche biomédicale représente 45% de l’ensemble des financements disponibles. Le volet recherche du PNR EST n’a jamais été rebudgétisé en quatorze ans. Il faudrait qu’il le soit à travers le plan de relance et le partenariat avec l’ANR. »

 

b) Des appels à projet trop génériques

L’ANR lance des appels à projets qui sont trop génériques. Elle a inclus la santé environnementale dans ses axes de recherche, mais sans la séparer des autres programmes. Aucun financement spécifique n’est donc garanti, car l’ANR ne sait pas financer un programme de recherche intégratif et transversal, explique Jean-François Guégan.

« C’est une décision que l’ANR a prise depuis longtemps, et elle est soutenue par de nombreux scientifiques qui ne souhaitent pas une ANR découpée en différentes spécialités et préfèrent qu’elle garde un programme blanc très large », modère Robert Barouki au cours de son audition.

Les sujets ne sont pas traités, mal ou partiellement traités. La même recherche continue de se pratiquer à l’aide de mots-clés qui dépendent de l’actualité : changement climatique, érosion de la biodiversité, maladie infectieuse émergente… Tandis que d’autres mots-clés émergent, constate Roger Genet dans son audition, sans possibilité de financement de projets : glyphosate, perturbateurs endocriniens, antibiorésistance.

 

c) Un système régressif

Les appels à projet dévolus au champ de la santé environnementale, qui existaient lors de la création de l’ANR, ont donc disparu au profit de ceux du programme blanc, où les chercheurs font des propositions sans être guidés vers des questions particulières. « C’est une régression au niveau de l’ANR », regrettait Francelyne Marano en audition. « La recherche n’est pas un système unique qui fonctionne d’une seule manière. »

Associer le PNSE à des sources de financement clairement identifiées permettrait de mieux structurer la recherche en santé environnementale et de compléter utilement le PNR-EST de l’ANSES. « Cela devrait être une mission de l’Office national de santé environnementale, suivant un modèle qui existait avant la création de l’ANR », a précisé Francelyne Marano. « L’ONSE orienterait les priorités de recherche, et pourrait même lancer des appels à projets, à l’instar de l’Office français de la biodiversité. Ces missions seraient opérées en interaction avec les organismes de recherche et ceux qui assurent les fonctions d’expertise. »

 

d) Le PPR, un outil adapté à la recherche en santé environnementale

La loi de programmation pour la recherche n’est pas thématique, mais elle prévoit des outils, les Programmes prioritaires de recherche (PPR), qui peuvent l’être. Les PPR sont des programmes qui visent des sujets majeurs de société, et sont dotés de plusieurs dizaines de millions d’euros par l’État, sur une durée de cinq à dix ans. « Les PPR sont des leviers d’action de l’État pour permettre aux chercheurs de s’attaquer à des enjeux de société sur lesquels la France doit avancer significativement ces dix prochaines années », précise Marie-Hélène Tusseau-Villemin, du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

« Nous demandons depuis longtemps la création d’un PPR orienté sur la santé environnementale et inclus dans le programme des investissements d’avenir. Il doit être très ouvert, fonctionner par appels à projets, et être organisé par objectifs », selon Robert Barouki. « Cela peut être un bon moyen de centraliser les appels à projet et de créer un corpus orienté vers la santé et l’environnement, coordonné avec l’ANR, l’ANSES... »

Proposition 30 : L’ONSE oriente les priorités de recherche, peut lancer des appels à projet et des programmes prioritaires de recherche.

 

  1.                La recherche française minée par le conservatisme

 

a) Le manque d’audace, caractéristique de la recherche française en épidémiologie

L’école française d’épidémiologie se base sur la prépondérance des événements proches dans le temps. Elle ne cherche pas à les expliquer dans leur profondeur historique, ni dans leur dimension écologique, a regretté Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’INRAE, dans son audition.

Les explications historiques et socio-économiques (perte de connaissances, moindre importance des déterminants de santé) sont expurgées à la faveur d’explications essentiellement biologiques. Tous les programmes de santé environnementale et d’analyse des risques ont donc minimisé, voire supprimé, les recherches en infectiologie écologique.

Les derniers questionnements de la recherche priment sur des interrogations anciennes non résolues et les appels d’offre nationaux vont dans le même sens.

Les PNSE doivent être mieux articulés avec des actions de recherche, dans la mesure où l’état des connaissances demeure incomplet pour de nombreux sujets, estime Sébastien Denys, de Santé Publique France : « La recherche doit être financée de manière conséquente pour apporter une solution à des questions pour lesquelles nous n’avons pas, aujourd’hui, toutes les réponses. »

 

b) Trop analytique et disjonctive, pas assez intégrative et transversale

La recherche en France aujourd’hui se pratique de manière analytique et disjonctive, et pas assez intégrative et transversale.

La démarche des chercheurs consiste à découper des ensembles complexes en composantes simples, puis à analyser ces composantes, en supposant que la somme des parties reproduira l’organisation d’ensemble. C’est une erreur fondamentale, qui a pour conséquence que 70 à 72% des résultats de la recherche en biomédecine ne peuvent pas être reproduits.

Les temps courts des questions de recherche, les temps des appels d’offre scientifiques, la pensée réductionniste, l’évaluation de la recherche, concordent tous à réduire la recherche à des compréhensions dans des temps courts et à des échelles spatiales fines.

Or, selon Jean-François Guégan, les défis globaux d’aujourd’hui ne peuvent pas être étudiés dans un laboratoire et selon les préceptes de la recherche réductionniste. Certaines méthodologies de recherche sont donc déconnectées de la complexité des questions globales. Il devient donc urgent de sortir les chercheurs de leurs laboratoires, et de rompre avec une forme de conformisme.

L’approche expérimentale et le réductionnisme biologique ne sont pas une fin en soi de la démarche scientifique, ils n’en sont qu’une étape. Les questions posées par les défis de la santé environnementale obligent à de nouveaux positionnements des chercheurs.

 

c) La recherche réagit, elle n’anticipe pas

L’un des rôles de la recherche consiste à guider au mieux la décision publique, laquelle s’est longtemps inscrite dans une logique qui consiste à avoir des certitudes absolues du danger avant de prendre une décision, ce qui pouvait prendre un temps considérable.

En témoignent les décisions tardives concernant l’interdiction de l’amiante ou du plomb dans l’essence en 2000, soit vingt ans après les États-Unis, explique Rémy Slama, directeur de l’institut thématique santé publique à l’INSERM, pendant son audition.

C’est que le mode de fonctionnement actuel de la recherche privilégie la recherche aval et curative, qui est très bien dotée, au détriment d’une recherche amont, anticipative et mal dotée. « Comme nous l’avons signalé dans le rapport de l’INSERM, nous sommes loin d’avoir une vision suffisante », a dit Rémy Slama. « Par exemple, nous avons des connaissances, en gros, sur quelques centaines de produits chimiques alors que des dizaines de milliers de produits sont enregistrés dans le système REACH. Pour de très nombreux produits, nous n’avons que peu d’informations ou seulement l’information fournie par l’industriel qui a proposé la substance. »

La recherche et le dispositif de recherche doivent donc être repensés pour comprendre l’amont de l’émergence des maladies chroniques. Un grand effort national sur la recherche en santé environnementale pourrait être lancé dans le cadre du PNSE4 sous la houlette du GSE.

 

Par ailleurs, comme la question des déterminants de santé est fondamentale en santé publique, elle l’est aussi en matière de maladies infectieuses émergentes. Ce sont des circonstances anthropologiques, sociologiques, démographiques, agricoles… qui orientent et favorisent les maladies infectieuses émergentes et leurs manifestations.

Par essence, un virologue a besoin de l’apparition d’un virus pour pouvoir l’étudier, alors que le foyer épidémique a déjà éclos et que l’épidémie risque de se répandre. Mais selon des estimations réalisées par des économistes américains[351], faire des recherches par anticipation sur les maladies infectieuses émergentes coûte 100 à 700 fois moins cher qu’une recherche à visée curative.

Pour Jean-François Guégan, la stratégie de tout miser sur la recherche vaccinale est un pari risqué. Actuellement personne n’est capable d’estimer le coût global de la recherche et de la production de vaccins : pour quelques succès qui miment un processus aléatoire, combien d’échecs dont aucun média ne parle[352] ?

 

C. Un fonctionnement par à-coups ne fait pas une stratégie

Après un long passage à vide d’une trentaine d’années, qui a mis à mal beaucoup d’équipes, les appels d’offre, surtout européens, sur des projets de recherche liés à la santé environnementale pleuvent.

Ces appels d’offre sont bienvenus car les financements français restent dérisoires par rapport aux pays d’Europe du Nord, Pays-Bas, Royaume-Uni et Scandinavie. Les laboratoires français ont donc commencé à s’ouvrir aux programmes européens, pour obtenir plus de financements en agrégeant plusieurs laboratoires.

Le programme HERA réunit ainsi vingt-trois établissements dont quatre français (CNRS, INSERM, INRAE, ANSES), et propose un agenda de recherche à la Commission européenne pour les dix ou vingt ans à venir.

Autre programme européen, de biosurveillance cette fois : HBM4EU, dans lequel l’INSERM est très impliqué, regroupe une trentaine de pays autour du dosage et de la surveillance des contaminants qui concernent l’être humain.

Mais ce n’est pas ainsi, par à-coups, que fonctionne une stratégie nationale de recherche. Une analyse des programmes financés en France sur les dix dernières années et de leur adéquation aux problématiques actuelles serait éclairante sur ce point.

Au changement civilisationnel qui s’annonce, doit donc correspondre un changement des pratiques scientifiques. Ce changement doit interroger l’organisation actuelle des institutions de recherche trop conservatrices ainsi que le processus d’évaluation de la recherche. L’avenir de la recherche en France n’est donc pas qu’une question de salaire.

Proposition 31 : Un groupe de travail One Health est constitué pour prendre la suite du GT1 « Biodiversité et santé » du PNSE3.

 

Proposition 32 : Les interactions santé-biodiversité doivent être mieux prises en compte dans les actions du plan, qui devient un document porteur de solutions fondées sur la nature.

 

Proposition 33 : Le suivi des interactions est organisé avec les plans sectoriels sous l'égide du groupe de travail One Health.

 

Proposition 34 : L’Agence nationale de recherche (ANR) lance des appels à projet et affecte un budget à la recherche sur la santé environnementale.

 

6. LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE,
SERPENT DE MER DES CURSUS DE FORMATION

 

A. Quinze années de promesses non tenues

Comment faire évoluer les pratiques de santé environnementale et renforcer les politiques publiques sans les relais de tous les intervenants de terrain, à commencer par les professionnels de la santé ? Pour favoriser les prises de conscience, les acteurs concernés doivent être préalablement formés.

Or à ce jour, la formation en santé environnementale ressemble à un serpent de mer. Elle figure dans les trois PNSE qui ont été lancés depuis 2004, mais les rapports d’évaluation de chaque PNSE pointent tous l’absence d’avancées concrètes.

a) Le premier PNSE, qui couvrait les années 2004 à 2008, affichait une volonté de « consolider la formation », en développant « une politique de formation en matière d’environnement et de santé, destinée à différentes catégories de publics (professionnels, salariés, élus, citoyens…)[353]. »

L’action 41 avait pour but « d’intégrer la dimension santé environnementale dans les formations initiales » de l’ensemble des professions de santé et professions à caractère environnemental, notamment des agents de l’État. Un groupe de travail devait être chargé de sensibiliser les enseignants à l’intégration des dimensions santé et environnement dans les programmes de formation initiale des études médicales, pharmaceutiques, agronomiques, ingénieur, architecte, vétérinaires, biologie médicale… Une formation de haut niveau des agents de l’État spécialisés en santé environnementale (ingénieurs, médecins) devait être développée avec le concours de l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Enfin, la santé environnementale devait être intégrée à la formation spécifique des enseignants pour qu’ils puissent sensibiliser les enfants scolarisés dès l’école primaire.

L’action 42 était plus spécifiquement dédiée à la formation continue des professionnels de santé en santé environnementale, médecins, pharmaciens, professions paramédicales. Des commissions prévues par décrets devaient définir le contenu de formations adaptées, que l’EHESP, les universités, les agences spécialisées devait mettre en place. L’accès à ces formations diplômantes devait être facilité par du télé-enseignement, des congés-formations et des bourses.

b) Le deuxième PNSE, en 2009, encourageait dans son action 55 le développement d’une formation initiale en santé environnementale pour former des spécialistes dans le domaine Santé Environnement Travail, mais aussi pour la formation continue.

c) Le troisième PNSE, en 2015, comportait dix-sept actions visant à renforcer la formation. L’action n°104, notamment, avait pour objectif « d’analyser en détail les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE1 et PNSE2, et compléter les dispositions existantes, les publics concernés étant notamment les professionnels de santé (internes en santé publique, futurs gynécologues, infirmiers...) », mais sans préciser de calendrier de mise en œuvre.

L’action n°105 prévoyait la mutualisation « des expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement. Les publics concernés sont notamment les professionnels de santé. »

Pourtant, quinze ans après le lancement du PNSE1, l’offre de formation à destination des professionnels de santé reste selon les cas absente ou « seulement émergente » : « L’action n°104 du PNSE 3 n’apparait ni réalisée, ni même entreprise. (…) la mission a identifié des actions de formation menées par des agences régionales de santé (ARS) à destination des professionnels de la périnatalité́ et de la petite enfance (...) Pour autant, cela ne permet pas de considérer que l’action n°105 du PNSE 3 « Mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement » est totalement mise en œuvre », lit-on dans le rapport inter-inspections de décembre 2017 relatif à la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, cité par les rapports d’évaluation à mi-parcours du PNSE3.

Une impression confirmée par tous les professionnels de santé rencontrés par les inspecteurs de l’IGAS et du CGEDD, ainsi que la quasi-totalité des personnes auditionnées pendant la Commission d’enquête.

Si les administrations centrales considèrent que la santé environnementale est intégrée dans certains référentiels de formation, les membres de la Commission d’enquête ont tout lieu de croire que cette intégration est totalement insuffisante[354].

 

  1.                L’environnement, parent pauvre des études de médecine

 

1. Des disciplines médicales étouffées par le cloisonnement

En 2020, la santé environnementale continue donc d’être singulièrement absente des cursus pédagogiques des professionnels de santé. Aucun gouvernement, quel qu’il soit, ne s’en est emparé, aucune démarche n’a été mise en place de façon systématique, regrette Francelyne Marano, du HCSP, malgré la volonté affichée dans tous les PNSE successifs.

Si une jeune femme enceinte ou une jeune maman ont besoin d’informations sur leur alimentation, celle de leur bébé et les dangers des cosmétiques, elles ne s’adressent pas à leur gynécologue, à leur pédiatre, ni à leur sage-femme. Elles consultent l’application Yuka ou le moteur de recherche Google.

Ces outils, qui ne prennent pas en compte la toxicité des contenants, eux-mêmes potentiellement chargés en phtalates, nanoparticules ou benzènes, sont même utilisés par les pharmaciens pour s’informer sur les perturbateurs endocriniens, alors qu’aucune autorité de santé n’a validé les informations qu’ils diffusent, a déploré en audition Olivier Toma, porte-parole du C2DS.

 

a) Les femmes et les enfants d’abord

Une politique de prévention efficace en santé environnementale commencerait donc par la formation des professionnels de la petite enfance, pour qu’ils transmettent aux enfants les principes d’une alimentation et d’une vie saines. Francelyne Marano, du HCSP, rappelait d’ailleurs que le Plan national de Santé publique (PNSP) accordait la priorité à la prévention des risques pour la petite enfance.

Elle se poursuivrait par l’éducation des parents par l’intermédiaire des médecins, des puéricultrices, des infirmières : les personnels de santé doivent être capables d’alerter sur les risques liés aux expositions aux perturbateurs endocriniens et à la pollution de l’air durant la grossesse et la petite enfance, afin d’éviter l’apparition ultérieure de pathologies chroniques.

La formation des personnels de santé aux enjeux de la pollution chimique en général a été abordée dans le programme « Ma santé 2022, un engagement collectif » et la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Un an après, « nous ne voyons pas vraiment d’accélération de la diffusion de ces messages », constate Claire Pitollat dans son audition.

Plus récemment, le rapport de la Commission des 1000 premiers jours, publié en septembre 2020, souligne que l’augmentation des structures d’accueil parents-bébé ne suffira pas si les professionnels ne sont pas formés aux risques environnementaux liés aux perturbateurs endocriniens.

En Provence-Alpes-Côte-d’Azur, l’ARS a pris les devants et soutient plusieurs initiatives pédagogiques dans le cadre des PRSE :

- Le réseau Périnat Méditerranée, qui rassemble des professionnels de la périnatalité, a développé en 2018 deux formations sur les enjeux environnementaux autour de la période de la grossesse, destinées aux professionnels de santé, après une enquête auprès des professionnels de santé pour connaître leurs besoins, : la première, sur trois jours, est une sensibilisation aux perturbateurs endocriniens, au plomb et à d’autres questions sur l’enfance ; la seconde est un certificat universitaire diplômant en santé environnementale qui forme chaque année une trentaine de professionnels ;

- La faculté de médecine de Nice propose aux étudiants de troisième année de médecine un cursus optionnel d’une semaine sur la santé environnementale ;

- Enfin, elle met régulièrement en ligne des webinaires et des podcasts sur la santé environnementale.

Mais ce soutien se fait « dans un contexte de grande fragilité organisationnelle et budgétaire ». Les financements de l’ARS, de l’ordre de quelques milliers d’euros, sont sans commune mesure avec les budgets dédiés à la formation par le Conseil régional[355].

 

b) Sortir les médecins de leur silo

D’autre part, les professionnels de santé fonctionnent de manière trop cloisonnée, ils sont incapables de percevoir les origines protéiformes des maladies chroniques. Les médecins, par exemple, diagnostiquent des problèmes d’asthme infantile en centre-ville sans voir le lien avec les Plans de déplacements urbains (PDU), qui ont un effet sur la qualité de l’air, et donc sur la santé des enfants. Comment le leur reprocher ? Ils n’ont pas été formés pour faire le lien entre santé et urbanisme.

À titre expérimental, Gilles Pipien, ancien inspecteur de l’environnement et du développement durable, a enseigné les PDU à des médecins de l’Association Santé Environnement France (ASEF).

Les professions doivent donc sortir de leur « silo » de connaissances pour relever les défis posés par la santé environnementale. Leur apprentissage doit créer des passerelles entre toutes les professions qui touchent au vivant, médecins, vétérinaires et écologues, dans un esprit One Health : selon Gilles Pipien, « ces formations offriraient ainsi une culture générale de base, un langage commun pour que les disciplines travaillent ensemble en bonne intelligence. »

 

c) Des formations au cas par cas

Or en 2020, alors que l’épidémie de maladies chroniques liées à la dégradation de l’environnement suscite une demande croissante d’informations, la formation initiale et continue en santé environnementale continue de se faire au cas par cas.

Certains établissements ont mis au point des plans de formation à destination des professionnels de santé et d’autres professions concernées par la santé environnementale, comme l’a fait le Comité Développement Durable Santé (C2DS), par exemple. « Mais nous n’avons pas d’interlocuteurs publics pour en parler », déplore Olivier Toma. « Pourtant il suffirait que ces actions soient structurées et pilotées pour obtenir des résultats rapides. »

Faute de s’appuyer sur des référentiels solides, ces programmes dépendent donc de la bonne volonté et du niveau de prise de conscience de leurs initiateurs, qui disposent en plus de budgets très insuffisants.

 

d) Former les agents hospitaliers pour systématiser la collecte des données sanitaires dans les hôpitaux

Par ailleurs, la recherche sur les causes des maladies chroniques se déroule dans les hôpitaux, qui sont prévus pour le soin, mais pas pour la prévention des maladies ni la protection des personnes. Les actions de recherche sont donc effectuées de façon isolée, et elles exigent des efforts colossaux de la part de ceux et celles qui en ont la charge.

Cette investigation pourrait être systématisée dans les services traitant des maladies chroniques (cancers, maladies métaboliques, neurodégénératives, rénales, cardiovasculaires) avec des questionnaires détaillés, des analyses et des prélèvements biologiques (sang, urines, cheveux) pour caractériser l’imprégnation chimique. Elle serait complétée par des entretiens poussés pour identifier les stress psychologiques et sociaux.

Une telle démarche globale fournirait des indications précises sur l’exposome et aiderait à mieux soigner tout en mettant en place des mesures de prévention en fonction des causes identifiées. Mais elle suppose plusieurs conditions :

- former au préalable les professionnels de santé et de sciences biologiques aux enjeux de santé environnementale ;

- impliquer, en les formant, les médecins généralistes, qui sont les sentinelles des territoires, dans cette veille de santé environnementale ;

- enrichir la formation en santé environnementale avec l’approche EcoHealth, en insistant sur les conséquences de la santé des écosystèmes sur celle des femmes et des hommes, ainsi que l’avait théorisé Theo Colborn, zoologiste à l’origine du concept de « perturbateurs endocrinien » en 1991[356].

- inclure une formation aux processus de production de doute et de génération de controverses, en faisant appel à l’histoire de la science ainsi qu’à des études de cas concrets sur la base des lancements d’alerte.

 

2. Vers un référentiel de santé environnementale pour les études de médecine

Les choses bougeraient-elles enfin ? À l’automne 2020, une équipe de médecins, d’experts et de professionnels de la santé environnementale s’est constituée pour définir un référentiel de connaissances à intégrer dans la formation initiale des médecins, dès le troisième cycle des études de médecine. Elle va monter un groupe de travail, composé de référents One Health et chargé de proposer d’ici le mois de septembre 2021 un parcours exhaustif d’enseignements en formation initiale.

Il serait pertinent que ce programme aboutisse à la création d’une chaire de santé environnementale, et d’un cursus complet de formation initiale et continue qui s’appliquerait non seulement aux médecins, mais aussi aux pharmaciens, aux sages-femmes et aux infirmières.

Proposition 35 : L’ensemble des professions impliquées dans la santé publique (aides-soignantes, infirmières, médecins, responsables administratifs, chefs de service des hôpitaux, cadres) reçoivent une formation de haut niveau en Santé Environnement, dans une approche One Health.

Cette formation universitaire permettra notamment de systématiser la recherche sur les causes des maladies chroniques.

 

Proposition 36 : Une chaire de Santé Environnement est instituée à cet effet pour diffuser un enseignement en santé environnementale. Elle a aussi pour mission de définir et d’actualiser le contenu d’un référentiel complet de formation, etc.

 

3. Pour une nouvelle discipline : la Médecine environnementale

a) La Médecine environnementale pourrait se définir comme la médecine des relations de l’individu à son environnement général, social, de façon préventive et curative. Cette nouvelle discipline médicale étudie les relations entre santé humaine et facteurs biologiques, chimiques et physiques de l’environnement. Apparue au début des années 60 aux États-Unis, elle englobe à la fois la dimension de prévention et les actions de biosurveillance.

Interdisciplinaire et orientée vers la prise en charge thérapeutique des patients, elle rassemble des connaissances venant de plusieurs domaines : épidémiologie, toxicologie, écologie, médecine du travail… Elle a pour double objectif de soulager et de traiter les symptômes des personnes atteintes de maladies chroniques et de déterminer les causes environnementales liées aux maladies traitées.

L’ouverture de structures dédiées à la Médecine environnementale dans les CHU éviterait l’errance médicale, un phénomène remarqué pour les maladies chroniques émergentes que le corps médical ne parvient pas à traiter faute de formation. Un corps de « médecins environnementaux » assurerait un haut niveau de formation, et sa création s’appuierait sur un référentiel élaboré à partir des connaissances scientifiques actuelles.

Proposition 37 : Une chaire de Médecine environnementale est créée pour mieux connaître les relations entre santé humaine et facteurs biologiques, chimiques et physiques de l’environnement.

 

b) La création d’un département de santé environnementale au sein de la Haute Autorité de Santé (HAS) serait un premier pas vers la diffusion de bonnes pratiques dans ce domaine.

Proposition 38 : Un département de santé environnementale est créé au sein de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour définir un référentiel de connaissances scientifiques autour de la santé environnementale.

 

  1.               Élus et professionnels dans le brouillard

 

1. Des élus démunis face aux préoccupations de leurs électeurs

« La formation en santé environnementale est un enjeu fondamental pour les élus aussi », insiste Gilles Pipien. Pourtant, sur le terrain, les élus apparaissent peu ou pas du tout conscients des enjeux de santé environnementale. Ils se retrouvent complètement démunis face à leurs électeurs inquiets qui les questionnent sur des enjeux dont ils ignorent tout.

Pour faire face à une demande croissante de formation, quelques dispositifs ponctuels ont été mis en place, dont l’un des plus intéressants a été lancé par l’École des hautes études en santé publique (EHESP) en Auvergne-Rhône-Alpes.

L’EHESP a élaboré une formation gratuite à distance à la santé environnementale, destinée aux élus de la région et intitulée « Décideurs locaux et bien-être des populations : enjeux territoriaux en Auvergne Rhône-Alpes ».

Cette formation s’inscrit dans les actions recommandées par le PRSE de la région, destinées à structurer et à développer l’offre d’éducation en santé environnementale. Elle est financée par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, qui avait inclus dans ses missions en 2011 la sensibilisation des élus, des décideurs locaux et des professionnels de santé, a décrit aux membres de la Commission Marc Maisonny, directeur délégué prévention et protection de la santé au sein de l’ARS AURA.

Jeanne Garric, directrice de recherche émérite en toxicologie à l’ancien Institut national de recherches en sciences et technologie pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), a ajouté que cette formation était soutenu par la DREAL et le Centre Léon Bérard de lutte contre le cancer, partenaire du Cancéropôle de Lyon Auvergne Rhône-Alpes (CLARA).

Elle comprend huit modules de trente minutes sur la santé environnementale[357]. Les intervenants viennent de disciplines variées, qui reflètent l’interdisciplinarité nécessaire pour aborder les questions de santé environnementale : génie sanitaire, anthropologie sociale et urbaine, microbiologie environnementales sanitaire, urbanisme, génie des procédés, médecine. Très appréciée, elle a formé trois vagues d’élus de la région depuis son lancement, sans autre précisions[358], et elle a commencé à être déployée dans d’autres régions, Bourgogne-Franche-Comté et en Bretagne.

Mais ce type de formation est insuffisamment connu des élus, comme en témoignent les hésitations de Sylviane Oberlé, de l’AMF, lors de son audition par les membres de la Commission.

La formation des élus aux enjeux de santé environnementale doit donc être incluse systématiquement dans les catalogues pédagogiques destinés aux élus. Son contenu se baserait sur les éléments suivants, en lien avec les compétences propres des collectivités territoriales :

One Health : notions théoriques, interdépendance entre la santé humaine et la santé des écosystèmes ;

- qualité de l’eau : risques et enjeux sanitaires liés à la pollution de l'eau, exemples de bonnes pratiques mises en œuvre dans les collectivités ;

- qualité de l’air extérieur : risques et enjeux sanitaires liés à la qualité de l'air extérieur (pollution atmosphérique, pesticides, pollens) ;

- qualité de l’air intérieur : contaminants de l’air intérieur, biologiques (légionnelles) ou chimiques (produits toxiques), gestes élémentaires simples pour y remédier ;

- bruit : qualité acoustique des établissements recevant du public, circulation routière, activités sportives et de loisirs, lieux de diffusion de musique amplifiée ;

- sites et sols pollués : définition des contaminants, déplacements dans le sol, éléments de gestion de la pollution d’un captage d’eau, exemples de réhabilitation de friches industrielles ;

- perturbateurs endocriniens : définition des PE les plus courants, gestes simples pour les éviter ;

- pesticides : définition des pesticides, impacts sur la santé, échanges de bonnes pratiques ;

- habitat insalubre : définition, procédures à mettre en place, mesures de lutte contre l’habitat indigne.

Proposition 39 : Le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) est saisi pour réaliser un audit des formations existantes à destination des élus. Cet audit porte sur le contenu de ces formations, leur financement, le nombre d’élus formés.

Sur la base de cet audit, le CNFEL élabore un référentiel exhaustif de formation des élus, qu’il transmet à tous les organismes de formation des élus[359].

Une ligne budgétaire est dédiée pour subventionner la formation des élus en santé environnementale.

 

Le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL), instance consultative placée auprès du ministre de l’intérieur, est consulté sur toutes les demandes d’agrément et de renouvellement d’agrément présenté par les organismes publics ou privés qui souhaitent dispenser une formation à destination des élus locaux. Il définit également les orientations générales de la formation des élus locaux.

 

2. D’autres professions doivent se former à la santé environnementale

Au-delà de la santé et des élus, les professionnels du risque doivent aussi être formés dès leur formation initiale aux enjeux de santé environnementale : urbanistes, ingénieurs, commerciaux, architectes, techniciens des collectivités territoriales, hauts fonctionnaires, chimistes. Les décisions qu’ils sont amenés à prendre peuvent avoir des impacts sur la santé, lors de l’implantation d’une crèche ou d’une école primaire, ou pour connaître les risques associés aux matières qui composent un produit avant de le vendre, par exemple.

 

a) Les entrepreneurs ne connaissent pas la santé environnementale

Un exemple de méconnaissance des enjeux de santé environnementale par les professionnels a attiré l’attention des membres de la Commission, celui des jeunes entrepreneurs diplômés d’écoles de commerce qui souhaitent commercialiser des produits.

Trop souvent, ils n’ont aucune connaissance des exigences réglementaires qui s’appliquent à la commercialisation, a expliqué à la Commission Christian Zolesi, expert indépendant en Qualité et Risques des Produits de consommation. Leurs lacunes sont à la fois scientifiques (Comment sont fabriqués les produits ? D’où viennent les matières premières ?), technologiques (Quelles ressources sont nécessaires pour produire massivement ?), toxicologiques (Les matières premières sont-elles polluantes ? Quel est leur impact sur le climat, la santé, l’environnement, la biodiversité ?), réglementaires (Quelles sont les réglementations environnementales qui s’appliquent ?).

« La conformité des produits de consommation obéit à un ‘mille-feuilles’ de réglementations extrêmement complexes, qui relèvent du droit de la consommation. Les bons réflexes ne peuvent être acquis que par la connaissance des enjeux de santé environnementale », a poursuivi Christian Zolesi.

Une discipline de « chimie des produits » devrait être incluse dans les cursus de scolarisation, jusqu’aux niveaux les plus élevés, dans toutes les spécialités. « Le monde dans lequel nous vivons semble n’avoir aucune matérialité, mais les produits ne tombent pas du ciel ! » Selon Christian Zolesi, « il faut remettre de la matérialité dans la vie des consommateurs, et chacun doit savoir d’où viennent le cuir, le coton, le plastique. »

 

b) Les autres professions aussi doivent être formées

Beaucoup d’autres professions doivent être formées et informées sur les enjeux de santé environnementale. Deux exemples : les agriculteurs et les ingénieurs agronomes, qui sont indispensables pour passer d’une agriculture productiviste à une agriculture plus respectueuse de l’environnement, avec des pratiques agro-écologiques ; les architectes et les urbanistes qui doivent mieux prendre en compte les dimensions de santé environnementale dans l’aménagement des villes, bien en amont de la mise en œuvre de Plans locaux d’urbanisme par les collectivités territoriales.

Plus généralement, l’organisation de l’espace joue un rôle dans l’apparition de nouvelles pathologies chroniques : l’aménagement des lieux de vie et de travail peut en effet augmenter ou limiter l’impact des nuisances.

Les membres de la Commission ont à ce titre reçu la Société Francophone de santé Environnement (SFSE), acteur très engagé dans l’élaboration du contenu de formations qualifiantes, destinées par exemple aux agents des collectivités territoriales, pour qu’ils intègrent mieux les problématiques sanitaires dans la fabrication de la ville.

 

c) Quelques initiatives pédagogiques à destination des professionnels

1- Le Comité Développement Durable Santé (C2DS) a mis en ligne en 2019 des formations certifiées ouvertes à tous, qui peuvent former jusqu’à quatre cent personnes en même temps[360].

Ces formations s’appuient d’une part sur des établissements de santé, dont le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier, des cliniques et des Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; d’autre part sur des réseaux actifs de parties prenantes, dont le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise (CJD), la Jeune Chambre Économique Française (JCEF), et la Fédération internationale de la construction, de l’urbanisme et de l’environnement (COBATY). Enfin, les Opérateurs de compétences (OPCO) participent au financement de ces formations.

2- La Fédération pour la recherche sur la biodiversité (FRB) s’est mobilisée pour former le plus largement possible des groupes de professionnels, juristes, acteurs financiers. Elle intervient dans les grandes écoles, à l’École des Mines, mais aussi dans les lycées à l’occasion de la Fête de la science.

Toutefois, elle ne dispose pas de suffisamment de moyens, humains et financiers, pour donner de l’ampleur à sa mission de formation, a regretté Hélène Soubelet, directrice de la FRB, au cours de son audition.

Elle préconise donc d’associer plus étroitement le ministère de l’Éducation nationale à l’élaboration du contenu de formations initiales, pour qu’un « socle de compréhension de du vivant et de l’impact des humains sur le vivant » soit préparé pour les collèges, les lycées et l’enseignement supérieur.

3- Un Master Toxicologie Environnement Santé a été ouvert à l’initiative de Francelyne Marano à l’Université Paris-Saclay. Il vise à former des étudiants d’origine très variée (biologie, médecine, pharmacie, vétérinaire, agronomie, environnement, chimie) à l’étude des expositions humaines aux polluants environnementaux atmosphériques, aquatiques, alimentaires ou professionnels.

Il comprend des cours d’épidémiologie environnementale, de toxicologie prédictive et d’évaluation des risques en santé environnementale. Les étudiants qui en sortent sont capables de réaliser des analyses critiques de résultats scientifiques ou encore d’évaluer la conformité réglementaire de substances chimiques.

Les débouchés sont larges : recherche fondamentale, agences et instituts publics, industrie pharmaceutique, entreprises internationales de contrôle de l’évaluation toxicologique des produits chimiques, bureaux d’études spécialisés dans la réglementation des produits chimiques.

4- Autre expérience de formation, cette fois à la gestion des risques sanitaires et environnementaux : celle de William Dab, ancien directeur général de la Santé, au Conservatoire national des arts et métiers. La doctrine de sa formation repose sur l’idée qu’il faut mesurer le risque pour mieux le prévenir : « On n’améliore que ce que l’on mesure. »

Sa formation s’adresse aux professionnels, qui y assistent en cours de soir. Parmi ses étudiants, des juristes, des mathématiciens, des statisticiens, des hygiénistes, des ingénieurs réalisent en entreprise des mémoires d’hygiéniste ou d’ingénieur en prévention des risques.

La finalité n’est pas de former des épidémiologistes, mais d’apprendre à lire les travaux des épidémiologistes, pour que les étudiants puissent se faire une idée de la qualité du niveau de preuve apporté.

Autre compétence développée : comprendre le raisonnement des travaux des agences de sécurité sanitaire, et la façon dont elles synthétisent les données toxicologiques et épidémiologiques disponibles. Enfin, les étudiants apprennent aussi les méthodes d’Évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS).

5- L’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP) propose depuis 2015 des masters spécialisés, formations diplômantes dans le domaine des risques sanitaires liés à l’environnement général et professionnel, au sein de son département Santé Environnement Travail et Génie sanitaire (DSETGS). Son master Santé publique et Risques environnementaux propose de « comprendre les principes et fondements des interventions en santé environnementale, et de maîtriser les méthodes et outils nécessaires à l’évaluation de l’impact de l’environnement sur la santé humaine ». Ces formations apportent des bases techniques et managériales pour identifier, évaluer, gérer les risques sanitaires d’origine environnementale ou professionnelle, à l’échelle d’une entreprise ou d’un territoire.

Mais aussi intéressantes soient-elles, une enquête approfondie doit être réalisée sur ces formations pour étudier la possibilité de les généraliser. Là encore, apparaît l’absence de gouvernance coordonnée de cet enjeu majeur à l’échelle nationale et territoriale.

Cette dynamique pourrait être lancée et supervisée par l’ONSE en relation avec le délégué interministériel, positionné en interface entre les différents ministères et services administratifs concernés.

Proposition 40 : Le Conseil supérieur des programmes (CSP), au ministère de l’Éducation nationale, est saisi pour réaliser un audit des formations en santé environnementale existantes. Il examine le contenu de ces formations, il évalue le coût et définit les modalités de leur généralisation aux cursus académiques des professions qui sont en lien avec la santé environnementale : urbanistes, aménageurs, chimistes, juristes, statisticiens, financiers.

Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’Institut national des études territoriales (INET) sont requis pour former la fonction publique.

 

6-Formation prévention recherche : un modèle inspirant en Nouvelle-Aquitaine

En Nouvelle-Aquitaine, une expérimentation unique a été lancée en 2016, qui mêle formation, prévention et recherche : le projet ARTEMIS, cofinancé par l’ANSES, SPF et l’ARS Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre du PNSE3.

ARTEMIS est un centre expert référent régional en prévention primaire et reproduction. Il vise à évaluer les expositions environnementales chez des patients présentant des troubles de la fertilité, des pathologies de la grossesse et des malformations congénitales, en appui des professionnels de santé.

Ce centre expert s’appuie sur une équipe de professionnels de santé et de recherche clinique en santé environnementale au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Il offre trois axes d’actions : obtenir des informations géolocalisées sur les risques sanitaires (qualité de l’air, perturbateurs endocriniens, risques reprotoxiques, risques émergents, nanoparticules) ; multiplier l’information et la communication auprès des femmes enceintes et jeunes parents ; promouvoir des initiatives locales de santé environnementale en cohérence avec le PNSE3.

Il n’explique ni le passé, ni les problèmes de santé actuels, mais il mène des actions de prévention sur les expositions environnementales pour que les jeunes parents puissent affronter l’avenir dans de meilleures conditions.

Les consultations de médecine du travail sur les reprotoxiques permettent d’identifier, à chaque fois qu’une anomalie survient, le lieu où elle peut être analysée pour acquérir des données.

Pour mener à bien son travail, l’équipe d’ARTEMIS dispose d’une base de données et d’un diplôme universitaire (DU) en santé environnementale, porté par les universités de la région et l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED).

Cette expérience pourrait être étendue à d’autres régions de France : « Un tel projet aurait toute sa place dans la recherche en santé environnementale en France », selon Daniel Habold, directeur de la santé publique à l’ARS Nouvelle-Aquitaine.

Proposition 41 : Une évaluation rigoureuse de l’expérience ARTEMIS de centre référent régional en Nouvelle-Aquitaine est réalisée pour étudier son extension à d’autres régions de France.

 

7. PARER LES RISQUES LES PLUS URGENTS

 

  1.                Agir pour bébé et les générations futures

 

« Les études scientifiques montrent que la biologie ne décide pas de notre destin et que c’est le vécu des enfants lors des tout premiers jours et années qui conditionne et définit leur avenir », déclarait Anthony Lake, directeur exécutif de l’UNICEF en 2016.

Entre le début de la grossesse, lorsque commencent les interactions du fœtus avec son environnement, et les premières phrases, une partie considérable du développement de l’enfant est en jeu.

Cette période, comprise entre le quatrième mois de grossesse et les deux ans de l’enfant, dure environ mille jours. Elle se caractérise par un rythme de croissance sans équivalent à l’échelle d’une vie : le bébé grandit de deux centimètres par mois, la taille de son cerveau est multipliée par cinq et les connexions neuronales s’y établissent à la fréquence de deux cent mille par minute.

L’importance de ces mille jours fait désormais l’objet d’un consensus de tous les experts de la petite enfance, qu’ils exercent en neurosciences, en psychologie, en pédiatrie, ou qu’ils soient spécialistes de l’éducation ou du soutien à la parentalité. Tous s’accordent sur la nécessité de surinvestir cette période. Car si le développement y est intense et vulnérable, les opportunités d’action sont considérables.

L’agence Santé Publique France (SPF) a lancé Agir pour bébé, un site institutionnel pour créer un environnement favorable aux futurs parents, avec des conseils pratiques. Ce site mérite d’être largement diffusé auprès des professionnels de la santé et plus particulièrement des professionnels de la périnatalité (PMI, assistantes maternelles, consultations prénatales, crèches, maternelles, services hospitaliers de pédiatrie).

Proposition 42 : Il faut une stratégie de sensibilisation à la santé environnementale sur la protection des mille premiers jours de la vie.

Les outils déjà existants doivent être recensés et largement diffusés, à l’image du document de l’Association Santé Environnement France.

Le site Agir pour bébé de Santé Publique France doit faire l’objet d’une large diffusion auprès des parents et de tous les acteurs de la périnatalité.

 

B. Un Toxi-Score pour garantir le droit à l’information des consommateurs

 

L’étiquetage des produits de consommation prévu par la loi Anti-Gaspillage pour l’Économie Circulaire (AGEC), publiée au Journal officiel en février 2020, doit également s’appliquer à toutes les substances chimiques : Cancérogènes, Mutagènes ou Reprotoxiques (CMR), allergisantes, irritantes et perturbateurs endocriniens.

Un dispositif doit permettre, lors de leur achat par les consommateurs, de prendre connaissance de ces informations. Ce droit à l’information sur les risques sanitaires des produits constitue un élément de prévention majeur en santé environnementale et en santé publique : « Je crois qu’il faut donner à nos concitoyens un mode d’accès rapide à la connaissance pour qu’ils puissent faire un choix éclairé au moment de l’achat d’un produit », convenait Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, dans son audition. « Parfois, cela relève de l’évidence – une bouteille verte vendue sous le label bio’ –, parfois, c’est un peu plus compliqué, d’autant que le diable se cache dans les détails. »

 

Cet étiquetage prendrait la forme d’un Toxi-Score, tel qu’il a été proposé par mes collègues Laurianne Rossi et Claire Pitollat, dans leur rapport sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastiques. Il s’inspirerait du Nutri-score avec un pictogramme très lisible, accessible à tous, figurant sur chaque emballage et indiquant le degré de nocivité des perturbateurs qu’il contient, que ces PE soient suspectés, présumés ou avérés, en se fondant sur la classification de l’ANSES.

Proposition 43 : Un Toxi-Score intégrant les perturbateurs endocriniens est mis en œuvre pour permettre au consommateur d’être rapidement informé de la présence de substances chimiques dangereuses, incluant en particulier la présence de perturbateurs endocriniens.

Le Toxi-Score est accompagné de mesures de prévention des risques à prendre par le consommateur.

Cette proposition est reprise du rapport de Laurianne Rossi et Claire Pitollat.

 

C. Le glyphosate, une saga qui doit finir

 

a) Encourager les alternatives aux pesticides

La France, qui possède la plus grande surface agricole utile du continent, reste le pays le plus consommateur de glyphosate en Europe (19 % des ventes en 2017). C’est une raison qui explique que le 27 novembre 2020, l’objectif de sortie du glyphosate, une promesse de la campagne électorale de 2017, n’était toujours pas atteint.

Or l’étude AGRICAN, sortie en novembre 2020, qui dresse l’état de la santé de la population agricole par rapport à la population générale, confirme le lien entre certains cancers en excès chez les agriculteurs et l’utilisation de produits phytosanitaires, comme l’explique Pierre Lebailly, chercheur épidémiologiste à l’INSERM et coordinateur de l’étude.

Par ailleurs, un fonds d’indemnisation pour les victimes professionnelles des produits phytopharmaceutiques vient d’être créé. Ce dispositif novateur vise à répondre à trois objectifs majeurs :

- faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides en rendant la procédure plus simple, plus rapide et plus juste ;

- indemniser plus équitablement les exploitants agricoles grâce à un complément d’indemnisation qui rapprochera leurs modalités d’indemnisation de celles des salariés ;

- indemniser, au titre de la solidarité nationale, les exploitants agricoles partis à la retraite avant 2002, et les enfants exposés pendant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de leurs parents, qui n’étaient jusqu’ici pas éligibles aux réparations des régimes accidents du travail maladies professionnelles.

La publication du décret définissant les modalités d’organisation et d’instruction des demandes devant le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, dimanche 29 novembre, rend ce dispositif opérationnel pour les bénéficiaires potentiels. Néanmoins, l’instruction des demandes déposées depuis le début de l’année n’a pas attendu la publication du décret et a déjà débuté.

La sortie simultanée de l’étude AGRICAN et la publication du décret sur le fonds d’indemnisation soulignent avec acuité les incohérences des politiques publiques sur la question des produits phytopharmaceutiques, et l’urgence d’accompagner les professionnels du monde agricole, premières victimes des pesticides.

Il faut davantage encourager les recherches sur les alternatives existantes à l’utilisation du glyphosate, mais aussi de tous les autres produits phytosanitaires (herbicides, fongicides, biocides) : mécaniques (fauchage, binage), désherbants naturels à base de végétaux, faux semis, rotation des cultures, paillage. Ces solutions doivent être mieux communiquées aux agriculteurs, en particulier via les centres de formation.

Proposition 44 : La recherche sur les alternatives aux phytosanitaires est renforcée. L’évaluation et l’état d’avancement de ces recherches sont présentées devant la représentation nationale une fois par an.

 

Proposition 45 : Les alternatives aux phytopharmaceutiques font l’objet d’un enseignement obligatoire et inscrit dans les programmes des lycées agricoles et des écoles d’agronomie.

 

b) Il faut révéler les coûts environnementaux et socio-économiques cachés

Les produits de l’agriculture conventionnelle ne coûtent pas très cher aux consommateurs, mais ils coûtent très cher à la société. Le coût de la dépollution des eaux empoisonnées par les pesticides, et celui des maladies chroniques qu’ils provoquent, ne sont jamais évoqués dans les débats.

À l’inverse, les produits bio coûtent plus cher aux consommateurs, mais moins cher à la société. En effet, ils n’ont pas d’impact sur la qualité de l’eau et de l’air, ni sur la santé des humains et de l’environnement. Il serait plus équitable que les consommateurs de produits bio paient moins d’impôts car ils contribuent à un modèle agricole beaucoup plus respectueux de l’environnement et de la santé.

Or, malgré l’excellente réputation des produits bio, les consommateurs continuent de privilégier les produits les moins chers issus de l’agriculture conventionnelle.

 

c) Comment soutenir l’agriculture bio

Pour rendre l’agriculture bio plus compétitive, deux solutions sont possibles :

- subventionner les agriculteurs producteurs bio pour qu’ils baissent le prix de leurs produits, par le biais de la Politique agricole commune (PAC) ou de crédits d’impôts au bio ;

- subventionner les consommateurs avec un chèque alimentaire pour qu’ils achètent bio et local, au prix du producteur.

Un chèque bio pourrait être mis en place pour faciliter l’accès à l’alimentation bio, aux moins aux femmes enceintes.

Proposition 46 : Un chèque alimentaire bio est mis en place pour aider la consommation de produits bio, et permettre le développent de l’agriculture bio. Les critères seront définis par l’ONSE, avec l’aide des associations de consommateurs.

 

Il faut acculturer les agriculteurs, leur faire prendre conscience des enjeux et montrer des exemples d’agriculteurs qui ont réussi leur transition écologique après avoir renoncé aux pesticides.

Proposition 47 : Les exemples d’exploitations qui ont réussi leur transition écologique après avoir renoncé aux pesticides font obligatoirement l’objet d’une publicité auprès des acteurs des filières agricoles par les Chambres d’agriculture et les services déconcentrés du ministère de l’Agriculture.

 

D. Les Français veulent respirer un air sain

 

a) Mieux mesurer les polluants de l’air extérieur

C’est l’une des toutes premières préoccupations environnementales des Français : ils veulent respirer un air sain.

Les Agences de surveillance de la qualité de l’air (ASQA), qui sont regroupées en réseau ATMO France, ont la charge de la mesure des polluants réglementés. Cependant les dispositifs actuels de contrôle de l’air ne couvrent pas les polluants non réglementés, notamment les particules ultrafines et les pesticides, qui sont pourtant l’objet de fortes inquiétudes de la société, ainsi que l’a dénoncé Dominique Tilak, directrice référente Santé d’Atmo France et directrice d’Atmo Occitanie.

Le champ des investigations confiées aux ASQA doit donc être élargi.

Proposition 48 : Les polluants non réglementés, comme les pesticides et les particules ultrafines, qui sont source d’inquiétudes pour la population, sont inclus dans la liste officielle des polluants à mesurer par les ASQA, dont les budgets sont ajustés en conséquence.

 

b) Mieux mesurer les polluants de l’air intérieur

Claire Pitollat, députée de la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône et présidente du groupe d’études « Air et santé », a fait plusieurs propositions pour une politique de la qualité de l’air ambitieuse et inclusive.

1-Protéger en priorité la petite enfance

Trois sources principales de pollution menacent l’air intérieur des écoles et des crèches, où les enfants passent la majeure partie de leur temps :

- les activités et les comportements des enfants (peintures, feutres, émissions de bactéries et de virus) ;

- les abords des bâtiments (particules fines, pollen, particules de diesel, poils d’animaux) ;

- les matériaux de construction, d’ameublement ou de décoration (moquettes et tapis).

Depuis 2018, un nouveau dispositif réglementaire de recueil et de diffusion des données de l’air intérieur a été mis en place dans les écoles et les crèches. Les données collectées permettent d’identifier les sources des polluants et de permettre la mise en place de mesures nécessaires à l’assainissement de l’air intérieur.

Ce dispositif doit être rendu obligatoire, et la vérification des installations, confiée aux ASQA et aux DREAL.

Proposition 49 : Les analyses d'air dans les crèches et les lieux recevant des enfants deviennent obligatoires. La vérification de l’installation des ventilations est placée sous le contrôle des ASQA et des DREAL.

 

2-Création d’un poste de référent national

La lutte contre la pollution de l’air doit être amplifiée en donnant une meilleure visibilité à la politique de l’air en France, avec un portage renforcé par la création d’un poste de référent national Qualité de l’air intérieur, et par la valorisation des actions menées par le Conseil national de l’air (CNA).

Ce référent aurait pour mission de s’assurer de la mission en place effective des zones à faibles émissions (ZFE) métropolitaines, et d’assurer un suivi fin de la mise en œuvre des obligations de surveillance de la qualité de l’air intérieur.

Proposition 50 : La qualité de l’air intérieur et extérieur doit être prioritaire dans une approche globale de santé environnementale, en décloisonnant les plans de lutte contre la pollution et les pratiques de recherche.

 

Proposition 51 : Un référent national « QAI » est créé pour renforcer le portage politique de la qualité de l’air intérieur (QAI). Sa principale mission serait la mise en œuvre et le suivi du respect des obligations dans ce domaine.

 

  1.                Protéger l’eau pour protéger la vie

 

Les ressources hydriques de France sont fortement contaminées par les produits phytopharmaceutiques, mais d’autres sources de pollution chimique y contribuent également (nitrates, métaux lourds, perturbateurs endocriniens, pesticides organochlorés (PCB)…).

 

a) L’inquiétant état des eaux souterraines

L’état des eaux souterraines est plus qu’inquiétant, surtout à cause du nitrate, d’autant que les nappes phréatiques assurent la majorité de l'approvisionnement en eau potable, 66 % en 2016.

Dans la moitié des points du réseau de surveillance, la concentration totale en pesticides dépasse la limite fixée par l'arrêté du 11 janvier 2007, soit 0,5 microgramme par litre. Leur nombre est aussi embarrassant puisqu'à certains endroits, jusqu'à 40 pesticides différents ont été décelés, selon les données de Eaufrance, le service public d’information sur l’eau[361].

 

b) Des contrôles de pollution au cas par cas

Il n’existe pas de liste nationale de pesticides à rechercher et à mesurer par les autorités en charge du contrôle sanitaire. En effet, compte tenu du nombre élevé de pesticides autorisés (ou ayant été autorisés par le passé) et du coût des analyses, les recherches de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine sont ciblées uniquement en fonction de la probabilité de les retrouver dans les eaux, et selon les risques qu’ils posent à la santé humaine.

Le choix des molécules recherchées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux est donc réalisé par les ARS en fonction des activités agricoles locales, des surfaces cultivées et des quantités de pesticides vendues, des pratiques locales d’approvisionnement des utilisateurs professionnels, etc.

Le Plan de gestion de sécurité sanitaire des Eaux potables (PGSSE) complète les démarches existantes dans la gestion des eaux. Il permet d’identifier en amont les évènements dangereux (événement climatique avec pluies abondantes, acte de malveillance, rupture de canalisation) et propose un plan d’actions de réduction des risques.

Proposition 52 : L’application du Plan de gestion de sécurité sanitaire des Eaux potables (PGSSE) doit être portée par les collectivités locales.

 

Proposition 53 : L’exploitation performante d’un système de distribution d’eau potable implique de détecter en amont les contaminations et d’en limiter les conséquences éventuelles sur la santé publique.

Il faut donc augmenter le nombre de captages prioritaires protégés et surveiller les substances émergentes, afin d’améliorer la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine.

 

  1.                Reconnaître l’obésité comme une maladie

 

Avec plus de 8 millions de personnes obèses en France, soit 17 % de la population adulte, l’obésité figure parmi les pathologies chroniques liées à la santé environnementale, qui connaissent une augmentation significative. Elle constitue un facteur de risque majeur pour les pathologies les plus fréquentes (maladies cardio-vasculaires, diabète, etc.), sans oublier les conséquences psychologiques et sociales (dépression, stigmatisation).

La Ligue contre l’obésité a conçu des formations à destination des professionnels de santé, pour qu’ils comprennent mieux les causes génétiques, épigénétiques et environnementales (perturbateurs métaboliques) de l’obésité, et aillent au-delà de la simple prescription d’un régime hypocalorique, une solution totalement insuffisante. « L’obésité est une maladie à part entière, aux causes multifactorielles. Il n’existe pas de médicament unique que pourrait prescrire un médecin généraliste. Sa prise en charge exige beaucoup de temps et s’appuie sur plusieurs spécialités. »

Les médecins qui traitent de l’obésité sont les nutritionnistes, qu’ils soient généralistes ou endocrinologues. Mais au cours de leur formation initiale, ils ne reçoivent que quatre heures de cours sur l’obésité, dans le cadre d’enseignements sur la nutrition. Agnès Maurin, directrice, et Mélanie Delozé, secrétaire générale de la Ligue contre l’obésité souhaitent donc aller plus loin et créer un diplôme de médecine obésitologue, au même titre que les cancérologues ou diabétologues.

Proposition 54 : Un diplôme de médecine obésitologue est créé pour mieux traiter l’obésité en France. Les formations de la Ligue contre l’obésité reçoivent une aide pour être diffusées sur l’ensemble du territoire national.

 

  1.               Sortir du jargon pour informer sur la santé environnementale

 

a) Une langue incompréhensible pour les citoyens

Les maires aujourd’hui n’ont pas de diagnostic scientifique à leur disposition. Ils ne peuvent engager de démarche de prévention s’ils ne connaissent pas les risques environnementaux.

Or l’approche de la santé environnementale aujourd’hui est encore trop technocratique. Les maires risquent d’avoir l’impression que les administrations et agences en charge de la santé environnementale s’adressent à eux en langue étrangère. La santé environnementale est une thématique complètement nouvelle pour eux, ils ont besoin d’un langage simple.

Les maires apparaissent donc intellectuellement et juridiquement très seuls face aux attentes de leurs électeurs. Il faut obliger les ARS et les administrations à mieux partager les informations dont elles disposent avec les maires.

Proposition 55 : Un travail de vulgarisation de la communication sur la santé environnementale est réalisé pour la rendre accessible aux citoyens et aux élus. Il est lancé par l’ONSE, décliné par les ORSE, pour la rendre accessible aux citoyens et aux élus.

 

b) Les outils existent, mais personne ne les connaît

Proposition 56 : Une cartographie de tous les outils mis en place dans les régions est réalisée par l’ONSE, en relation avec les ORSE.

 

Proposition 57 : Un portail de bonnes pratiques en santé environnementale est créé par l’ONSE, en relation avec les agences nationales et les ORSE, le CEREMA. Il est doté d’un plan de communication opérationnel vers les élus.

 

Un rassemblement de tous les élus à Bordeaux et à Dunkerque, avait permis il y a quelques années de les informer sur les systèmes d’information mis en place par le gouvernement sur les questions énergétiques. Beaucoup d’élus avaient fait le déplacement.

Ce modèle doit être répliqué régulièrement pour la santé environnementale.

Proposition 58 : Des Assises de la santé environnementale sont lancées auprès des élus des territoires pour leur présenter les outils d’information et de formation développés par les ministères et les agences publiques (Agir pour bébé, boîte à outils, PNSE4, etc.).

 

Proposition 59 : Une formation à la santé environnementale est obligatoirement inscrite et dispensée dans le cadre du Service National Universel (SNU).

Une formation à la santé environnementale est obligatoirement inscrite et dispensée dans le cadre de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC).

 

  1.               Les établissements de santé face à leurs responsabilités environnementales

 

a) Responsabiliser les hôpitaux dans leur politique d’achat

Le système hospitalier affiche près de 17 milliards d’euros de dépenses par an de consommables. Or dans ce secteur, il n’existe toujours pas de politique d’achats responsables, c’est-à-dire de biens et services dont l’impact sur l’environnement est minimisé (circuits courts de distribution, recyclage intégré), et qui favorisent les bonnes pratiques en termes d’éthique et de droits humains (pas de travail des enfants).

Il y a quatre ans, souligne Olivier Toma, porte-parole du C2DS, 130 Groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont été créés pour prendre en charge cette question, mais ils n’ont pas d’outils de mutualisation pour leurs achats.

Proposition 60 : Les ministères de la Santé et de la Transition écologique doivent adopter des politiques actives de sensibilisation aux achats responsables. Des règlementations devront être prises dans ce sens.

 

b) La santé environnement, grande absente des objectifs managériaux des établissements de santé

Par ailleurs, aucun objectif de santé environnementale n’est officiellement affiché ni poursuivi dans les politiques d’achats hospitaliers. Pas d’exigence en matière de prévention des perturbateurs endocriniens, des produits perfluorés, et d’autres produits chimiques constitutifs de la composition des consommables hôteliers et médicaux achetés et utilisés pour les patients et par les personnels hospitaliers.

Des recommandations sont incluses dans les documents généraux relatifs aux grands axes : performances énergétiques, recours aux énergies renouvelables, filière de recyclage des déchets…

Mais aucune obligation officielle n’est imposée aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux pour réduire l’impact des expositions chimiques sur la santé des patients pendant leur hospitalisation.

Aucune consigne officielle n’est donnée dans les maternités, services de pédiatrie et crèches hospitalières dans le cadre de la protection des milles premiers jours de la vie.

Aucune indication explicite et officielle n’est donnée pour éclairer le choix de produits d’entretien ménager utilisés dans ces établissements.

La directrice de la Haute Autorité de Santé (HAS), au cours de son audition, a reconnu que le guide d’accréditation de l’agence accordait la priorité à la qualité technique et relationnelle et à la pertinence des soins dispensée aux patients.

Pourtant les établissements de santé devraient être les premiers acteurs d’une démarche de prévention de santé environnementale, non seulement pour leurs patients mais également pour le personnel et les visiteurs des lieux.

La HAS participe activement à des démarches ponctuelles de santé environnementale dans le cadre des grands plans nationaux, mais n’a pas dans ses missions officielles la charge d’identifier, de porter et de contrôler des démarches de santé environnementale ciblées sur les établissements de santé et médico-sociaux.

Ces établissements ne respectent donc pas l’exigence d’exemplarité que l’on pourrait attendre d’eux en matière d’actions concrètes préventives mais également de sensibilisation et d’information auprès des différents publics nombreux et hétérogènes qui les fréquentent.

Cette lacune devrait donc être rattrapée au plus vite en mobilisant les directions des établissements dans le cadre des démarches d’évaluation de la qualité des soins. La réduction des expositions aux produits chimiques, la surveillance de la qualité de l’air intérieur et de la qualité des aliments proposés aux patients et aux agents hospitaliers participent en effet complètement de la qualité des soins donnés.

Proposition 61 : La Haute Autorité de Santé doit inclure dans son guide d’accréditation des établissements de santé et médico-sociaux des objectifs de santé environnementale. Des moyens doivent lui être octroyés pour mener efficacement cette mission de prévention sanitaire et environnementale.

 

8. CONCLUSION – LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE, UN ENJEU ACTUEL DE SURVIE

 

La Commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de la santé environnementale a révélé publiquement bien des difficultés dans la compréhension des enjeux de ce champ de l’action publique et dans sa prise en charge. La santé environnementale est à la fois maladroitement gérée par les décideurs, et peu ou mal connue des élus et des citoyens.

Les auditions ont mis en évidence de vraies carences dans l’organisation des démarches censées répondre au devoir de protection sanitaire assuré par l’État et aux attentes sécuritaires de la population : inadaptation de la gouvernance actuelle, nationale et territoriale, manque d’ancrage de la politique nationale dans les territoires, formation inadaptée des professionnels de santé, information lacunaire des élus et du public.

Les principes d’une telle démarche ne sont pas clairement identifiés, ni même affichés dans les missions officielles confiées aux acteurs décisionnaires, administratifs et scientifiques : principe de précaution, sobriété chimique, société du risque, règles déontologiques des processus scientifiques...

Les enjeux de la santé environnementale questionnent notre société sur ses valeurs et ses priorités. Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, ne disait pas autre chose au cours de son audition. Elle se réjouissait que la santé environnementale ne soit plus l’apanage des seuls écologistes : « Elle est une exigence qui transcende les générations, les milieux sociaux et les territoires. Un autre rapport au monde est en train de se construire, marqué par le souci constant d’une nature dont dépend notre alimentation, notre santé et notre société, ainsi que par la reconnaissance des multiples liens invisibles qui nous unissent à celle-ci et que nous devons préserver. »

 

À la décharge des décideurs politiques et administratifs, le caractère systémique et complexe de la santé environnementale peut expliquer les tâtonnements et les erreurs de stratégies.

Certaines questions font déjà l’objet de prises en charge ciblées, à travers l’existence de plans sectoriels nationaux : il en existe plus de trente-cinq qui sont en lien de près ou de loin avec la santé environnementale.

Mais il leur manque une perspective générale sur les interactions entre éléments du système, qui permettrait de coordonner une démarche globale intégrative du type One Health, « une seule planète, un seul monde, une seule santé ». Une préoccupation partagée par Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, qui plaide pour « une approche très intégrée, très transversale de la santé environnementale, qui est celle de l’OMS. La santé humaine dépend aussi de la santé de la flore, de la faune, et de notre environnement, et l’approche One Health nous rappelle que nous n’avons qu’une seule planète ! »

Bon nombre de politiques publiques, notamment en matière environnementale, se heurtent à cette difficulté méthodologique et managériale. La recherche de la transversalité ne correspond pas naturellement à la formation dispensée en France aux managers et autres spécialistes.

Mais dans le domaine de la santé environnementale où tous les acteurs du vivant, humains, animaux, écosystèmes, bactéries, interviennent dans l’équation sanitaire et doivent être pris en compte, une approche interministérielle s’avère indispensable à la réussite d’une vraie politique publique intégrée.

 

Par ailleurs les connaissances scientifiques dans ce domaine ont longtemps été accompagnées d’incertitudes et de contestations. Il était difficile en effet d’établir des liens de causalité directs entre la santé et des facteurs environnementaux dont les effets se manifestent le plus souvent sur le long terme, voire sur plusieurs générations.

Nous avons maintenant suffisamment de recul et d’études scientifiques fiables pour pouvoir affirmer l’effet pathogène des perturbateurs endocriniens, des pesticides et autres produits chimiques.

La science toxicologique est, elle aussi, invitée à se renouveler et à construire de nouveaux référentiels enfin adaptés aux dernières connaissances scientifiques. Les approches explicatives biologique et toxicologique sont désormais insuffisantes pour expliquer l’augmentation des pathologies chroniques.

 

Les problèmes déontologiques soulevés par les actuels processus de décision, la difficulté à vulgariser des informations techniques et à proposer des consignes pratiques d’autoprotection contre les dangers environnementaux nourrissent la défiance vis-à-vis des décideurs.

Aux craintes liées aux conséquences de la dérèglementation du climat sur la santé, s’ajoute la peur latente de voir s’abattre de façon brutale de nouveaux fléaux épidémiques. La crise de la Covid a exacerbé les inquiétudes légitimes d’une population mal informée.

Le manque d’une vraie politique de sensibilisation à la santé environnementale a d’ailleurs été déploré lors des auditions. Le besoin d’une information destinée à la population et aux élus locaux est une revendication partagée par tous les acteurs.

Sur ce point, l’absence de la thématique santé environnementale dans la liste des propositions formulées par les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat n’est-elle pas symptomatique de sa méconnaissance par la société civile ?

Mais le succès de cette Convention pourrait inspirer l’organisation d’un large débat public sur les questions de santé environnementale, a suggéré Jérôme Salomon dans son audition.

Lui-même a orchestré un tel débat sur le chlordécone aux Antilles, et les participants ont pu en apprécier les vertus démocratiques. Débattre permet de partager l’information en toute transparence, de faire adhérer la population aux décisions, de désamorcer d’éventuels conflits, de réduire la défiance. Alors pourquoi pas un Matignon de la santé environnementale ?

 

Aussi critique soit-il, le diagnostic posé par la Commission d’enquête n’est pas pour autant définitivement négatif. Si problèmes il y a, ils n’apparaissent pas insurmontables.

La longue liste de propositions présentées dans cette contribution a l’ambition de participer à la réorganisation indispensable des politiques publique de santé environnementale.

Une politique nationale, cohérente et opérationnelle, exigera non seulement une volonté politique affichée au plus haut niveau de l’État ainsi qu’un réel ancrage dans la réalité des territoires. Cela implique une remise en question de la gouvernance actuelle à l’échelle nationale et à l’échelle régionale.

Une telle politique passera aussi par la prévention. Car comment agir, s’interrogeait Olivier Véran, dans son audition, « si ce n’est en surveillant les expositions, en favorisant la recherche concernant leurs effets sur la santé, en les réduisant par une réglementation renforcée ou en recherchant des solutions alternatives à des substances présentant le plus de risques, mais aussi en informant le public de manière adaptée. » Il évoquait à ce sujet la création d’un nouveau métier, celui de ‘préventologue’, « un mot pas très beau, mais dont la signification est claire. »

 

Pour affronter les défis de la santé environnementale, la France compte plusieurs atouts.

Tout d’abord, elle est le seul pays d’Europe à disposer d’un outil de politique publique officiel en santé environnementale : le Plan national Santé Environnement. Même si ses résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, ce document programmatique affiche une réelle volonté d’agir. Mais les PNSE doivent absolument sortir de l’incantatoire et du virtuel dans lesquels ils se sont enlisés faute de moyens et d’ancrage dans le réel. Ils doivent s’ajuster aux besoins des Français et répondre à leurs inquiétudes.

Ensuite, le Groupe Santé Environnement constitue un lieu inédit de rencontres et d’échanges avec tous les acteurs de la santé environnementale : administrations centrales et territoriales, experts, représentants de la société civile et des secteurs d’activité, etc.

Le GSE fonctionne sur l’entière bonne volonté de ses membres qui, répartis en groupes de travail thématiques, nourrissent la réflexion des cabinets ministériels et construisent la politique publique santé environnementale. Il constitue une sorte de Parlement qui ne dit pas son nom et représente une véritable opportunité pour reconstruire une gouvernance mieux structurée.

 

Enfin les membres de la Commission d’enquête ont pu constater la mobilisation et la bonne volonté de toutes les parties prenantes. Des solutions aux défis de la santé environnementale sont expérimentées sur l’ensemble du territoire français pour répondre aux inquiétudes croissantes des Français. Il suffit de les coordonner pour faire converger les synergies et mettre en acte les propositions.

Comme l’a rappelé Barbara Pompili, « il appartient à celles et à ceux qui sont aux responsabilités d’appréhender à sa juste hauteur l’urgence des enjeux en matière sanitaire, écologique et sociale, et d’agir pour le compte de nos concitoyens qui ne veulent plus s’interroger sur leur santé en ouvrant la fenêtre ou le réfrigérateur. »

 

Cette rationalisation devient urgente, non seulement pour protéger la santé des populations contre les risques environnementaux, mais également pour réduire les inégalités sociales.

En effet, les maladies chroniques liées à la santé environnementale, qui se développent sans bruit, ne frappent pas tout le monde de la même façon. Les populations les plus fragiles sont les plus exposées, et sont aussi les moins bien prises en charge. L’épidémie de la Covid a révélé ces inégalités avec d’autant plus d’acuité que son impact a été violent et immédiat, en fonction des quartiers, des milieux socio-économiques des habitants.

Affronter les questions de santé environnementale, c’est donc aussi participer à la lutte contre les inégalités face aux expositions nuisibles de l’environnement : la santé environnementale, tout comme l’écologie, est un facteur de justice sociale.

En contribuant à réduire les coûts cachés sanitaires et environnementaux, la santé environnementale n’est donc pas une source de dépenses supplémentaires. Elle est au contraire un outil de redistribution économique des richesses au service du vivant.

 

Le 21e siècle doit être celui de la santé environnementale et de la sobriété chimique. Sinon nous assisterons impuissants à la destruction de toutes les formes de vie sur cette planète.

Pour ma part j’émets le vœu que nos politiques publiques se portent en priorité sur la protection de la santé des futurs bébés à naitre et de tous nos enfants. Qu’ils n’arrivent pas sur cette planète déjà porteurs dans leurs organismes des pollutions léguées par leurs parents et grands-parents. Qu’ils aient une enfance heureuse loin des services de cancérologie pédiatrique. Qu’ils puissent à l’âge adulte donner la vie à leur tour sans problème de stérilité.

Je souhaite que nous ayons collectivement un niveau de conscience et d’altruisme suffisant pour nous mobiliser efficacement pour les générations qui nous suivent.

J’espère enfin que les propositions contenues dans cette contribution participeront à la transformation de nos organisations actuelles pour les mettre vraiment au service de la santé et du bien-être psychosocial de l’ensemble de nos concitoyens. Face à l’urgence sanitaire, plusieurs d’entre elles peuvent être rapidement mises en œuvre par la voie réglementaire, d’autres par la voie législative. Il suffit d’un peu de bonne volonté.

 


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Contribution de Mme Claire Pitollat

DÉPUTÉE DE LA 2E CIRCONSCRIPTION DES BOUCHES-DU-RHÔNE

PRÉSIDENTE DU GROUPE D’ÉTUDES « AIR ET SANTÉ »

 

6 PROPOSITIONS POUR UNE POLITIQUE DE LA QUALITÉ DE L’AIR AMBITIEUSE ET INCLUSIVE

 

 

INTRODUCTION

Un groupe d’études « Air et santé » a été créé en 2019 à linitiative de Madame Claire Pitollat, députée de la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône. Composé de 26 membres, il effectue un travail de suivi des politiques en faveur de la qualité de lair intérieur et extérieur. Il a ainsi procédé, sur la période 2019-2020, à une dizaine dauditions, interrogeant institutions publiques, chercheurs et entreprises sur leur perception de ces enjeux.

La présente contribution vise à retranscrire les principaux éléments issus de ces échanges et pouvant utilement nourrir la réflexion des membres de la commission denquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Elle est organisée autour de trois axes et de six propositions, qui constituent autant des pistes de travail et de réflexion sur le sujet de la qualité de lair en France.

 

I. PROMOUVOIR UNE APPROCHE GLOBALE ET INCLUSIVE DES POLITIQUES EN FAVEUR DE LA QUALITÉ DE LAIR INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR

 

1. Les travaux conduits par le groupe d’études « Air et santé » font apparaître un consensus des acteurs sur la nécessité de privilégier une approche globale et inclusive des politiques de qualité de lair intérieur et extérieur.

On entend par « approche globale » le fait dintégrer lensemble des sources de pollution de lair dans les actions menées par les pouvoirs publics. Les acteurs auditionnés estiment, en effet, que les plans de lutte contre la pollution souffrent encore dun tropisme trop marqué vis-à-vis des transports routiers, au détriment dautres activités polluantes (transports aériens, combustion du bois, épandages agricoles etc.).

Les mesures de qualité de lair réalisées pendant le confinement confirment cet impératif. Elles ont en effet révélé une réduction globale des concentrations moyennes journalières en oxyde dazote (NOX) lié au trafic automobile, mais aussi, dans certaines villes, un accroissement des concentrations moyennes journalières en particules fines, émanant dautres activités polluantes (combustion de bois de chauffage, par exemple) ([362]) . Il est donc nécessaire dadapter les dispositifs existants à la diversité des sources de pollution de lair.

Il convient également dencourager un décloisonnement des disciplines scientifiques entre santé et environnement, au profit dune conception globale de la santé (One Health). La récente crise sanitaire en a démontré toute la pertinence.

Cette approche globale doit nécessairement s’accompagner d’une vigilance particulière vis-à-vis de la mobilisation de l’ensemble des maillons de la chaîne de la qualité de l’air, et en particulier de l’échelon le plus local. La surveillance de la qualité de l’air doit en effet faire l’objet de pratiques effectives au sein des établissements recevant du public, en particulier dans les écoles. Un travail de suivi du respect de ces obligations doit être mis en œuvre, de sorte à inciter les acteurs à s’investir dans l’amélioration de la qualité de l’air intérieur. Ce suivi serait l’une des missions du référent national « QAI » que la présente contribution propose de mettre en place (voir proposition n°3, infra).

Au-delà des acteurs locaux et des collectivités, il faut davantage sensibiliser les citoyens en mobilisant le levier des usages.

Le groupe d’études salue le fait que le plan national Santé Environnement n°4 « Mon environnement, ma santé » pour la période 2020-2024 comprenne un axe dédié, intitulé « Informer, communiquer et former les professionnels et les citoyens ». Il faut en effet amplifier la communication auprès des citoyens et des entreprises sur ce sujet, dune part, et travailler au prolongement de certains gestes barrières (aération) au-delà de la période de pandémie, d’autre part. Le lancement d’une campagne de communication « grand public » sur ces sujets est donc indispensable.

Proposition n° 1 : Organiser une campagne « grand public » de sensibilisation à la qualité de l’air intérieur, et promouvant la pérennisation des gestes barrières de la qualité de l’air intérieur.

 

 

 

 

 

 

2. Il faut désormais passer dune logique de surveillance de la qualité de lair à une vraie dynamique daction innervant lensemble des politiques publiques.

Si nous sommes un pays très actif dans la surveillance et la prospective, il est clair, au vu des dernières condamnations dont l’État français a fait l’objet, que nous « oublions » d’agir. Cette dynamique daction est pourtant indispensable pour améliorer la qualité de lair.

Il convient de rappeler que la France a été condamnée en 2019 par la Cour de justice de lUnion européenne (CJUE) pour « manquement aux obligations issues de la directive qualité de lair » ([363]) en raison dun dépassement systématique de la valeur limite annuelle pour le dioxyde dazote depuis le 1er janvier 2010. Une nouvelle saisine de la CJUE a dailleurs été annoncée par la Commission européenne le 30 octobre dernier, en raison du niveau élevé de particules PM10 dans notre pays. Le Conseil dÉtat, dans une décision du 10 juillet dernier, a dailleurs récemment infligé à lÉtat une astreinte de 10 millions deuros par semestre, faute, pour ce dernier, davoir pris les mesures nécessaires pour réduire le niveau de pollution dans plusieurs zones urbaines en France.

Lensemble de ces éléments dactualité et limpact de la pollution de lair sur la santé (48 000 morts par an) ([364]) rendent indispensables une amplification de laction de lutte contre la pollution de lair. Celle-ci nest envisageable qu’à la condition de donner une vraie visibilité à la politique de lair en France. Son portage doit être renforcé, en conséquence, en créant un poste de référent national QAI et en valorisant davantage les actions menées par le Conseil national de lair (CNA).

 

3. La création d’un « référent national QAI » est nécessaire pour donner davantage de visibilité à la politique de l’air et assurer un suivi effectif de la QAI.

Ce référent national, rattaché à un nouvel Observatoire national de la qualité des environnements intérieurs (OQEI, qui prendrait la suite de l’actuel OQAI) aurait pour mission de s’assurer de la mise en place effective des zones à faibles émissions (ZFE) métropolitaines, et d’assurer un suivi fin de la mise en œuvre des obligations de surveillance de la qualité de l’air intérieur, sujet sur lequel il n’existe pas, aujourd’hui, de visibilité suivante. Ce référent pourrait également travailler à la création d’une plateforme contenant un « forum de discussion » et une « boite à outils » pour aider les collectivités locales proactives sur ce sujet.

Proposition n° 2 : Développer une approche globale de la qualité de l’air intérieur et extérieur, en favorisant un décloisonnement des plans de lutte contre la pollution et des pratiques de recherche entre santé et environnement.

Proposition n° 3 : Renforcer le portage politique de la qualité de l’air intérieur en créant un référent national « QAI » dont la principale mission serait la mise en œuvre et le suivi du respect des obligations dans ce domaine.

Proposition n° 4 : Inciter les collectivités et les citoyens à se mobiliser en faveur de la qualité de l’air intérieur en renforçant leur information et leur accompagnement.

 

 

II. MOBILISER LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES AU SERVICE DE LA QUALITÉ DE LAIR INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR

 

1. Les pouvoirs publics doivent travailler à renforcer lincitation des acteurs de la qualité de lair à produire des données et à développer des solutions technologiques permettant leur exploitation.

Le dispositif national de surveillance de la qualité de l’air fait intervenir trois acteurs principaux : le ministère de la Transition écologique et solidaire, responsable de la mise en œuvre générale du dispositif, le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA) qui assure la coordination technique et garantit la qualité des données collectées au niveau national, et enfin les associations agréées de surveillance de la qualité de lair (AASQA) qui procèdent aux différentes mesures sur le terrain.

Ce dispositif garantit, en France, la mise à disposition de données fiables sur la qualité de l’air. Des progrès ont été réalisés depuis 2018, avec l’engagement des AASQA dans une démarche d’open data. Un portail dédié ([365])  permet en effet daccéder, pour lheure, à 11 jeux de données consolidés concernant les principaux polluants de lair. Un concours de valorisation des données relatives à la qualité de lair extérieur a également été organisé en 2019 par la fédération ATMO, en partenariat avec plusieurs acteurs dont le Laboratoire central de surveillance de la qualité de lair, le consortium PREVAIR, le CITEPA et lINERIS, et le ministère de la Transition écologique et solidaire. Les projets « La qualité de lair près de chez soi » (application dinformation) et DataAir (production dindicateurs élaborés à partir de données brutes mises en forme et expertisées) y ont été récompensés.

 

2. Une solidification de lappareil de production et de traitement des données QAI est néanmoins nécessaire, au regard de ses limites actuelles.

Il convient dabord de noter qu’à lheure actuelle trop peu d’établissements recevant du public (ERP) choisissent de mesurer effectivement leur qualité de lair intérieur, au profit, le plus souvent, dun simple autodiagnostic, moins onéreux, certes, mais également moins riche en informations.

Ce constat peut être étendu aux acteurs privés, en particulier dans les plus petites entreprises, encore trop peu sensibilisés à ces enjeux sanitaires. Les acteurs produisant effectivement de la donnée, comme les AASQA, sont, dans le même temps, parfois insuffisamment financés au regard de leur apport à la connaissance des problématiques de la qualité de lair.

Un vrai effort de communication et de sensibilisation doit donc être effectué, afin de renforcer les possibilités de suivi de la qualité de l’air au sein des petites structures et d’améliorer les conditions sanitaires d’occupation de ces espaces fermés. Il implique naturellement un effort sans précédent de suivi, comme évoqué ci-avant.

Enfin, le groupe d’études souhaite relever une autre limite du système actuel, à savoir labsence dun schéma national des données de la qualité de lair, contrairement aux secteurs de leau (SNDE) ou de la biodiversité (SNDB). Cet instrument permettrait pourtant utilement de donner de la visibilité aux données mesurées et dorganiser leur collecte et leur partage. Cette tâche pourrait être au cœur de la transformation de lOQAI en OQEI. Deux autres questions méritent également l’attention des pouvoirs publics sur ce sujet : la bancarisation des données collectées, qui semble insuffisante et fragmentée, et linteropérabilité des systèmes dinformation, nécessaire et perfectible.

Les conclusions de la mission Open Data, confiée par le Gouvernement au député Eric Bothorel, et de la mission inter-inspections « Santé-environnement : recherche, expertise et décision publiques » devraient nourrir utilement la réflexion des pouvoirs publics sur ces sujets.

 

 

III. SOUTENIR LES ACTEURS PUBLICS ET PRIVÉS DE LA QUALITÉ DE LAIR

 

1. Une réforme de lObservatoire de la qualité de lair intérieur (OQAI) semble indispensable afin de donner une nouvelle dimension à la surveillance de la qualité de lair.

Il est souhaitable denvisager la création dun véritable observatoire national de la qualité des environnements intérieurs (OQEI) dont les missions seraient élargies et la structure solidifiée par rapport à sa forme actuelle. Pour lheure, lObservatoire de la qualité de lair intérieur (OQAI), créé en 2001, ne dispose pas de la personnalité morale et ne repose que sur une convention signée par les ministères en charge du logement, de l’écologie et de la santé, et associant lADEME, lANSES et enfin le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

Sur ce sujet, le groupe d’études souhaite reprendre la proposition de refondation formulée au sein dun récent rapport dinspection publié en 2019 ([366]). Ce dernier pointe utilement les limites du modèle actuel, à savoir une gouvernance tripartite peinant à assurer un réel pilotage stratégique, une absence de programme pluriannuel et de financement dédiés, et enfin un lien quasi nul entre laction de lOQAI et la politique nationale de qualité de lair intérieur.

LOQEI se verrait confier pour mission « la coordination technique dun schéma national des données et la gestion de certains systèmes dinformation (surveillance réglementaire, données issues de campagnes sur échantillonnages) » de sorte à renforcer la robustesse de lappareil statistique à la disposition des pouvoirs publics dans ce domaine. La collecte des données QAI, en particulier dans les champs dits « orphelins » (hors réglementation) serait également lun de ses objectifs.

En tout état de cause, le groupe d’études souhaite rappeler combien lexistence dune structure dédiée et soutenue financièrement par les pouvoirs publics est indispensable au regard de la spécificité des sujets traités.

Proposition n° 5 : Créer un véritable Observatoire national de la qualité des environnements intérieurs (OQEI), doté de la personnalité morale et aux missions élargies, hébergeant un référent national QAI.

 

 

2. Le développement dun marché de la qualité de lair doit également être soutenu par les pouvoirs publics, via notamment l’intégration de l’aération au sein du diagnostic de performance énergétique.

Cet enjeu mérite, enfin, une attention forte des pouvoirs publics. Les entreprises développant des solutions technologiques convergent autour dun constat commun : ce marché se caractèrise par son éclatement ainsi que par la faiblesse de la demande publique et privée faute de véritable sensibilisation des acteurs aux enjeux de la qualité de lair. Les entreprises spécialisées réalisent, en conséquence, une part substantielle de leurs ventes de capteurs et outils de mesure sur les marchés étrangers. Elles plaident en conséquence en faveur de la mise en place dun label de la qualité de lair intérieur permettant de stimuler la demande et dengager un cercle vertueux faisant baisser le prix des solutions proposées sur le marché. Il sagit là dune idée qui mériterait d’être approfondie.`

Une autre mesure semble de nature à créer un choc positif de ce marché : l’intégration de l’aération au sein du diagnostic de performance énergétique (DPE) afin de sensibiliser particuliers et professionnels à cet enjeu. On estime en effet, à l’heure actuelle, que 60% environ des logements neufs souffrent d’une mauvaise aération, ce qui est préjudiciable pour leurs occupants, en particulier lorsqu’ils sont atteints de pathologies respiratoires.

Proposition n° 6 : Intégrer l’aération au sein du diagnostic de performance énergétique (DPE) afin de sensibiliser particuliers et professionnels à cet enjeu.

Cette dernière proposition, déjà portée lors des débats sur la loi ELAN, serait de nature à valoriser utilement les outils et pratiques d’évaluation de la qualité de l’air intérieur, tels que produits et vendus par les acteurs de ce marché. La solidarité nationale pourrait en outre utilement venir en appui des propriétaires réalisant des travaux à cette fin, comme c’est déjà le cas, par exemple, pour la rénovation énergétique.

 

 

CONCLUSION

Une forte volonté politique doit désormais animer la politique en faveur de la qualité de lair intérieur et extérieur, alors que les Français ont été sensibilisés à certains de ses enjeux dans le cadre de la crise épidémique. Face au risque régulier de condamnation de lÉtat devant le juge national ou européen, il apparaît nécessaire damplifier les actions menées depuis 2018 et le vote de la loi ELAN. Les pistes décrites ci-dessus ont vocation à nourrir la réflexion de chacun. Elles posent les jalons dune action renforcée efficace en misant sur le citoyen, le numérique et un observatoire national de la qualité de l’air refondé.

 

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Organiser une campagne « grand public » de sensibilisation à la qualité de l’air intérieur, et promouvant la pérennisation des gestes barrières de la qualité de l’air intérieur.

Proposition n° 2 : Développer une approche globale de la qualité de l’air intérieur et extérieur, en favorisant un décloisonnement des plans de lutte contre la pollution et des pratiques de recherche entre santé et environnement.

Proposition n° 3 : Renforcer le portage politique de la qualité de l’air intérieur en créant un référent national « QAI » dont la principale mission serait la mise en œuvre et le suivi du respect des obligations dans ce domaine.

Proposition n° 4 : Inciter les collectivités et les citoyens à se mobiliser en faveur de la qualité de l’air intérieur en renforçant leur information et leur accompagnement.

Proposition n° 5 : Créer un véritable Observatoire national de la qualité des environnements intérieurs (OQEI), doté de la personnalité morale et aux missions élargies, hébergeant un référent national QAI.

Proposition n° 6 : Intégrer l’aération au sein du diagnostic de performance énergétique (DPE) afin de sensibiliser particuliers et professionnels à cet enjeu.


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Contribution de M. Jean-Louis Touraine

Les lois n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ont rappelé que l’impact des pollutions environnementales était une des principales préoccupations sanitaires pour notre pays.

Les travaux de la commission d’enquête sont d’ailleurs venus rappeler une réalité, alors que le monde est frappé depuis de nombreux mois par l’épidémie de la Covid-19 : l’impact de la dégradation de notre environnement sur notre bien-être, sur le développement de maladies chroniques (cancers, diabète, troubles de la reproduction, troubles du développement cérébral…), et sur les décès est de plus en plus important. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime ainsi que 25% des pathologies chroniques dans le monde peuvent être attribués à des facteurs environnementaux et comportementaux[367]. Toujours selon l’OMS, environ 15% de la mortalité française serait liée à l’environnement.

En France, cette situation a amené les pouvoirs publics à imaginer des dispositifs, au début des années 2000, en particulier la mise en place de plans nationaux santé environnement (PNSE). Ces PNSE doivent permettre de programmer et d’organiser les actions de prévention et de réduction des risques sanitaires liés aux dégradations de l’environnement (pollution de l’air, de l’eau et des sols, expositions aux produits chimiques dangereux, aux champs électromagnétiques ou au bruit, etc.).

Le 3e plan national santé environnement (2015-2019) comprenait près de 110 actions, couvrant un champ important relatif à l’impact de l’environnement sur la santé, depuis la protection des captages d’eau potable contre les pollutions accidentelles, la réduction de l’usage des pesticides jusqu’au soutien aux travaux de recherche sur les perturbateurs endocriniens, en passant par la lutte contre la pollution sonore.

Ce 3e PNSE a fait l’objet d’une double évaluation par l’IGAS[368] d’une part et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)[369] d’autre part. Ces deux rapports ont tiré des conclusions intéressantes sur les défaillances du dispositif, tant en termes de pilotage que de mise en œuvre des mesures du plan. Ces dernières ont été mises en place de façon « très relative » selon l’IGAS, qui soulignait que « très peu (…) visent à réduire l’exposition aux facteurs nocifs ». Le CGEDD a quant à lui relevé que la plupart des actions n’étaient pas opérationnelles : malgré les recommandations du Haut conseil de santé publique, aucun indicateur concernant les effets sur la santé n’a été défini tandis qu’aucune des actions n’a fait l’objet d’un chiffrage financier, rendant caduque une partie d’entre elles. Les deux rapports ont également souligné l’éclatement du pilotage du PNSE.

L’annexe 1 du présent rapport s’intéresse à ces défaillances sans en tirer de véritables conclusions. Ainsi, le rapport ne propose pas de recommandation spécifique visant à améliorer le dispositif, à éventuellement le compléter, pour le rendre plus efficient. Les auditions nous ont d’ailleurs alerté quant à la nécessité de revoir le pilotage, la mise en œuvre et l’évaluation du prochain PNSE, actuellement mis à consultation publique.

Les critiques et analyses que nous pouvons aujourd’hui faire de ce 3e PNSE ne sont pourtant pas nouvelles, puisqu’en 2016, le Haut conseil de santé publique (HCSP) mettait en garde les pouvoirs publics sur l’opérationnalité des mesures contenues dans le plan ainsi que sur son évaluation au terme de sa mise en œuvre. Dans son rapport, le HCSP formulait des recommandations intéressantes, des propositions d’objectifs de résultats attendus dans la mise en œuvre du plan ainsi que des indicateurs de performance. Malheureusement, il ressort des évaluations de l’IGAS et du CGEDD que ces recommandations n’ont pas été suivies d’effets.

Aussi, avant même d’envisager une mise en œuvre du 4e PNSE, il paraît primordial pour les autorités d’associer aux mesures du plan un certain nombre d’indicateurs de performance et de suivi. Il pourrait être pertinent de donner au Haut conseil de santé publique (HCSP) la responsabilité de définir ces indicateurs et, à mi-parcours, d’effectuer une première évaluation au regard de ces indicateurs. De la sorte, le HCSP pourrait faire un état des lieux de la mise en œuvre de chaque mesure, alerter les pouvoirs publics sur celles pour lesquelles le déploiement n’est pas satisfaisant, etc. Mais il conviendrait également de doter les actions du PNSE de moyens, afin de donner une impulsion, de créer les dynamiques nécessaires et de les intégrer pleinement dans les stratégies et politiques publiques ministérielles. 

Cela passe enfin, et peut-être surtout, par la révision complète du pilotage des actions et politiques publiques en santé environnementale. Les évaluations de l’IGAS comme du CGEDD l’ont montré : la gouvernance n’est pas efficace, manque de transparence, elle ne fonctionne pas. Les propositions formulées par la présidente de la commission d’enquête dans l’avant-propos au présent rapport vont dans le bon sens et permettraient un portage politique et institutionnel fort : placé sous l’autorité du Premier Ministre, le délégué interministériel assurerait « la coordination et le contrôle des politiques publiques de santé environnementale », de façon transversale, en lien avec l’office national de santé environnement (ONSE), instance décisionnaire interministérielle associant à la fois la société civile et les grandes directions générales ministérielles concernées. C’est notamment cet office qui aurait la responsabilité de l’élaboration et du pilotage du PNSE.

 


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   annexe iV :
contributions écrites sollicitées
par la commission d’enquête

I.   contribution de la dre Laurence HUC, Toxicologue en Santé Humaine, Chargée de recherche à l’INRAE

La Dre Laurence Huc, auditionnée par la commission d’enquête, est toxicologue en santé humaine. Ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon, chargée de recherche à l’Institut national de recherche pour l’alimentation, l’agriculture et l’environnement (INRAE), elle y dirige l’équipe contaminants et stress cellulaire.

 

Toulouse, le 29 novembre 2020

Propositions de mesures relatives aux politiques de santé publique, suite à mon audition par la commission d’enquête sur les politiques publiques en matière de santé environnementale

 

Madame la Rapportrice,

 

Je tenais d’abord à vous remercier pour la qualité de votre travail, pour la préparation de l’audition et pour la qualité des échanges que nous avons pu avoir.

 

Comme convenu, je vous transmets les quelques propositions concernant les améliorations qui pourraient être faites pour avoir un système de santé publique environnemental efficace et protecteur pour les populations.

 

En préambule, je voudrais tout d’abord vous rappeler que la santé environnementale est par essence imbriquée dans la santé des milieux et des écosystèmes, selon l’approche « une seule santé » (dite EcoHealth). L’amélioration de la santé environnementale ne se fera pas sans une action coordonnée entre les ministères de la santé, de l’écologie, du travail, de l’agriculture et de l’économie. De même, la gestion de la santé environnementale doit être menée en faisant face avec courage et pragmatisme aux enjeux globaux qui la menace, à savoir la dégradation des milieux (air, sol, eau, habitat), le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité et les inégalités sociales.

 

Je vais maintenant développer cinq propositions concrètes.

 

1- Déployer des forces de recherche afin d’établir les causes environnementales à travers l’étude de l’exposome (rattraper le retard par rapport aux causes génétiques des maladies)

 

Objectifs :

-          avoir des outils puissants pour caractériser l’exposome chimique à travers des plateformes analytiques publiques, qui analysent tous les polluants, y compris les nouvelles substances chimiques et leurs métabolites,

-          impliquer les SHS et les psychologues pour caractériser les stress psychologiques et sociaux

-          enquêter sur les conditions de vie et de travail des individus.

 

2- Clusters de maladies, notamment infantiles :

 

Il faut mettre en place des politiques locales de traitement de ces problèmes de santé publique locales.

 

Objectifs :

-          instaurer une veille au niveau de tous les territoires de la qualité de l’air, des sols et de l’eau de façon systématique et continue, sans attendre qu’il y ait des alertes sanitaires. Travailler avec des géographes pour faire une cartographie des expositions et des écologues qui évaluent la santé des écosystèmes (les perturbations endocriniennes affectent tous les êtres vivants), données qui devront être croisées avec les données cliniques. Il faut des bases de données de l’usage des pesticides précises, à l’échelle de la parcelle.

-          Sensibiliser les acteurs locaux dans les mairies, conseils généraux et régionaux à la gestion des clusters

-          au niveau épidémiologie, ne pas exiger qu’il y ait plus de cas pour atteindre une significativité statistique. Evaluer les sur-incidences en prenant des mesures selon le principe de précaution.

-          Mobiliser sur les cas identifiés des scientifiques qui mèneront des actions de terrain : toxicologues, épidémiologistes, sociologues, médecins généralistes, médecins spécialisés, médecins du travail, personnel des écoles, pour identifier l’origine des maladies. Prendre des mesures préventives dans l’attente des résultats.

-       Libérer les associations de victimes et de parents de la charge de la preuve : ce sont aux pouvoirs publics de s’occuper de cela en mobilisant des organismes publics.

-          Inclure les enfants et les parents dans des protocoles de diagnostic et de traitements clairement définis et standardisés, afin que l’on puisse comparer les cas « isolés » avec d’autres causes identifiés dans d’autres régions.

-          S’appuyer sur la Sécurité Sociale pour constituer des registres des maladies, selon de hauts critères méthodologiques, exigeants et transparents, homogénéisés dans toute la France.

-          Interdire l’usage des pesticides à plusieurs dizaines de kilomètres des habitations : les ZNT ne sont pas protectrices. Entreprendre des réaménagements de territoire.

-           Concernant les scientifiques, il faut que la recherche de terrains soit plus valorisée pour les faire sortir des laboratoires. Si les publications dans des journaux prestigieux sont plus valorisées en terme de financement et de carrière que les actions sur les territoires ayant des impacts directs sur la société, les scientifiques ne prendront que faiblement part à ces recherches.

-          Constitution d’une base de données nationale, précise, exhaustive et englobant tous les territoires des maladies (toutes)

 

3- Responsabiliser les communautés scientifiques à leur mission de service public et de défense du bien commun.

 

Objectif : créer une écologie scientifique responsable et promouvoir une éthique de pensée

La santé environnementale est un domaine où il y a un grand nombre de lanceurs et lanceuses d’alerte. Il n’est pas normal que ceux et celles qui informent d’un danger sur la base de leurs connaissances scientifiques (= des personnes qui font donc simplement leur travail), soient isolé.e.s, dénigré.e.s, bloqué.e.s dans leur carrière et taxé.e.s de militantisme. Il n’est pas normal qu’elles s’exposent seules, à travers des guichets académiques qui sont toujours fermés. Il n’est pas normal qu’il en faille revenir à la presse pour que les scientifiques soient écoutés.

 

En sortant d’un système de récompense académique basé sur la compétition et sur le « publish or perish », il faut valoriser la recherche ayant un impact sociétal fort, y compris au niveau local. A ce jour, pour un.e scientifique, il vaut mieux une bonne publication plutôt qu’une action préventive de cancers sur un territoire. La tour d’ivoire aseptise trop la science et la coupe de son origine grecque : le savant dans la cité, au service de la cité.

 

-sensibilisation à l’agnotologie (étude de la production d’ignorance) et à l’instrumentalisation de la science. Les scientifiques en santé environnementale doivent ne plus ignorer que c’est un domaine sensible, où la production de doute fait légion : ne pas aller contre revient à contribuer à cette production de doute.

 

4- rationnaliser les expertises en renforçant l’intelligibilité des questions, en les abordant de façon pluridisciplinaire, en impliquant les SHS.

 

Objectif : sortir du cercle vicieux des expertises contradictoires

Trop d’expertises. Beaucoup de cacophonie. Est-ce utile de confier des expertises à des experts cumulards et professionnels ?

Il serait bon d’introduire des consultations citoyennes et inclure la société civile dans les processus d’expertise.

 

5- Soutien la recherche en santé environnementale

 

Les associations d’utilité publique comme la FRM, la fondation ARC, l’Inca (jusqu’en 2017) ont pris les devants pour financer des projets sur des appels d’offres bien dotés. Que font l’ANR et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ? La pluridisciplinarité doit être encouragée, avec des appels à projets adaptés à cette structuration EcoHealth. Il serait même bon de revoir la structuration des unités de recherche en pluridisciplinarité, en arrêtant de séparer les sciences expérimentales des sciences humaines et sociales, de la médecine clinique et de l’épidémiologie.

 

J’espère, madame la rapportrice, que mes propositions sont assez compréhensibles. Je me tiens bien évidemment à votre disposition pour en discuter.

 

Concernant l’affaire que vous suivez de près à Sainte Pazanne, je serais ravie de pouvoir discuter de cela avec vous et notamment voir si mes compétences et celles du réseau de scientifiques que je coordonne peuvent contribuer à faire avancer les démarches (scientifiques, juridiques, préventives). Je pense qu’il faudrait rassembler les cas de clusters et réfléchir ensemble à des actions concertées pour qu’elles soient plus fortes, avec de réels appuis de scientifiques pour les structures de santé publique (Santé Publique France, ARS).

Je vous remercie pour votre travail sur ces questions majeures et espère que le rapport de votre commission permettra d’améliorer notre système de santé publique.

 

Sincèrement,


Dr Laurence HUC


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II.   contribution du Collectif Scientifique National pour une Méthanisation raisonnée (CSNM)

https://twitter.com/csnm9

https://cnvmch.fr

csnmraison@gmail.com

 

 

Contribution du
Collectif scientifique national pour une méthanisation raisonnée (CSNM)

 

à la commission d’enquête parlementaire sur l’évaluation
des politiques publiques de santé environnementale

 

08 décembre 2020

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Méthanisation et santé environnementale

 

Introduction

 

La méthanisation subit un essor considérable depuis les dix dernières années, à grand renfort de subventions européennes, nationales et régionales. Elle est accompagnée depuis peu par une série d’allègements de procédures administratives, qui peut faire craindre une série de dérives dans son utilisation, par exemple sur l’eau [Laperche 2018]. Mais pas uniquement, car son principe de base a aussi des incidences sanitaires et environnementales, avérées et à craindre.

Sensée faire partie du mix énergétique à hauteur de 7% dans la PPE à l’horizon 2028-2030, la méthanisation est présentée comme un procédé pouvant répondre de manière simultanée à plusieurs enjeux [ADEME 2017]:

-    la lutte contre le changement climatique (CC) et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES);

-    la réduction de la consommation de ressources fossiles, y compris non énergétiques (eau, phosphates...) ;

-    l’augmentation de la part de la production des énergies renouvelables (EnR) dans le mix énergétique ;

-    la réduction des volumes de déchets destinés à l’enfouissement ou à l’incinération ;

-    la pérennisation des systèmes de production agricole dans un contexte de transitions énergétique et écologique ;

-    la réduction des risques de conflit d’usage des sols (alimentaire, énergique, préservation de la biodiversité...) ;

-    la réduction de la dépendance de l’agriculture française aux principaux éléments minéraux tels que l’azote (N), le phosphore (P) et les oligo-éléments comme le potassium (K) ou le soufre (S) en respectant l’équilibre de la fertilisation et la qualité des sols ;

-    la création de valeur, de compétences et d’emplois.

 

Nous montrons dans ce qui suit qu’il n’en est rien, et qu’il conviendrait d’adopter une toute autre démarche que celle actuellement promulguée si une bonne santé environnementale est le but recherché.

1.   Les faits en France

 

Depuis octobre 2018, date de création du CSNM, nous recensons les faits de pollutions et accidents environnementaux au niveau Français. Outre le travail considérable du BARPI-ARIA, nous obtenons également de nombreux témoignages de riverains du CNVMch (https://www.cnvmch.fr).

 

Ces accidents proviennent de multiples causes tout le long de la chaîne de production gaz, sur site de production, sur site d’injection et sur sites d’épandages, ainsi que lors des transports. Nous recensons aujourd’hui 233 accidents depuis 1990, répartis sur 152 sites métropolitains, pour 1000 méthaniseurs en fonctionnement (toutes catégories de méthaniseurs confondus, Figure 1a). Ces accidents sont en grosse majorité dus aux unités de méthanisation agricoles et collectifs-agricoles (Figure 1b). Ce relevé n’est pas exhaustif, les déclarations d’accidents ne relevant que du bon vouloir des responsables d’usines, et les contrôles ne pouvant être que très peu fréquents vu le nombre d’évènements croissant et la diminution d’effectifs des services ad-hoc.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

           a)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

b)

Figure 1 : a) : Répartition des accidents dus à la méthanisation en France métropolitaine. b) : Distribution des accidents entre unités de méthanisations agricoles et autres.

 

La nature des accidents est variée, et les retombées environnementales multiples. Nous relevons des incendies, des explosions, des émanations gazeuses, des ruissellements, des pollutions aquatiques, des rejets atmosphériques aux causes variées, des conséquences sur les sols. La biodiversité est impactée puisque des mortalités piscicoles, d’insectes et de vers de terre sont observées. Des accidents de personnels sont aussi constatés (intoxications, chutes …), personnels sur site et agents d’interventions SDIS, ainsi que deux décès dont un indirect.

Les pollutions olfactives et sonores sur les riverains (sur des distances pouvant aller à quelques dizaines de km puisque les zones de stockages et d’épandages de digestats sont aussi concernées) peuvent avoir des conséquences sanitaires à courts et longs termes. Qui dit odeur dit émanation de substance, et vu les espèces mises en jeu, ces odeur sont potentiellement nocives.

 

Le lecteur désirant plus d’informations peut consulter la base ARIA du BARPI sur le site du ministère de la Transition écologique, et notre Drive Google :

-          https://drive.google.com/drive/folders/1i1OSeXa7ME3fyu9-ezX0Gv0dSrZ-DDVv?usp=sharing

-          https://drive.google.com/drive/folders/1xaKYijKWjq-78m9PqZpw3Usu7VWL2FGc?usp=sharing

-          https://drive.google.com/drive/folders/1rw5QIGxx0hiUC2J_VW8qMY4uJjO6kPz5?usp=sharing

-          https://drive.google.com/drive/folders/1odunVt-KWzYm_OHtIGbommjw3T4G_YM1?usp=sharing

-          https://drive.google.com/drive/folders/1403LRXtgTToypfRNmVQJsvbnxjoPXPcB?usp=sharing

-          https://drive.google.com/drive/folders/1mwaFw_SRJxl9YKYdkb0UgBrVhSkfkKJi?usp=sharing

 

2.   Méthanisation raisonnée, non-raisonnée actuelle et conséquences sanitaires environnementales

 

Le CSNM tient à porter à votre connaissance les faits suivants, qui réfutent le caractère bénéfique et vertueux de la méthanisation non raisonnée.

21- Méthanisation raisonnée

 

La méthanisation raisonnée est celle qui sur le long terme n’a pas d’incidence sur notre environnement, la biodiversité et nous-même. Il résulte de cette approche que :

-- seuls les déchets vrais doivent être méthanisés (en particulier, la culture de biomasse dédiée, intermédiaire ou pas, n’est pas un déchet vrai). Le Grenelle de l’Environnement (mars 2009) a comme axe majeur la prévention de la création de déchets.

-- l’utilisation de l’énergie qui en découle doit être opérée en circuit le plus court possible (l’injection en circuit électrique ou gazier ne peut pas être considéré comme la vocation première de la méthanisation).

-- les digestats de méthanisation ne possédant pas les caractéristiques de la biomasse naturellement décomposée et assimilée par les sols, ils ne peuvent être utilisés de façon massive, et doivent être particulièrement contrôlés.

-- la surveillance à tous les niveaux du processus de méthanisation doit être réalisée en toute indépendance, comme pour toute usine correctement gérée. De ce fait, le régime en autocontrôle pour lequel l’exploitant est juge et partie, ne peut être acceptable. Le financement des contrôles indépendants doit être intégré au plan d’exploitation.

22- Méthanisation non-raisonnée et conséquences pour la Santé Environnementale

 

221-   L'hypothèse de "neutralité carbone" de la méthanisation est considérée comme valide a priori dans les calculs servant à démontrer l’effet bénéfique de la méthanisation. Cette hypothèse non vérifiée est fausse et a des conséquences multiples.

 

222-   La balance environnementale de la méthanisation en terme d’émissions de gaz à effet de serre (GES) est considérée comme positive. Ceci est faux pour de multiples raisons.

 

223-    Le bénéfice carbone pour les sols et leur équilibre grâce à la méthanisation est une affirmation qui ne peut être que fausse, et qui modifiera le biotope et la symbiose organique vivante. En particulier, la méthanisation présente de forts risques d’eutrophisations des milieux et d’accentuation des problèmes liés à l’azote (nitrates, particules fines, NOx …). Par certains aspects, le Carbone Organique du Sol apparaît lui aussi comme une ressource fossile.

 

224-   Il n’est pas juste de présenter les digestats comme de bons engrais, ni comme de bons amendements. Ils apparaissent comme écocides.

 

Ils peuvent de plus être propagateurs d’éléments indésirables voire pathogènes (Eléments Traces Métalliques, Composés Traces Organiques, Composés Organique Volatiles, microorganismes pathogènes, polymères, antibiotiques, perturbateurs endocriniens, germes, pesticides, fongicides, mercaptans, siloxanes …).

 

225-   L’impact de l’utilisation de CIVEs et autres cultures dédiées à la méthanisation sur les ressources en eau, la biodiversité et l’environnement n’est pas évalué et présente des risques forts de dérives vers l’intensification et les pénuries.

226-  Il n’y a aucune garantie formalisée de non-accaparement des terres au détriment des cultures vivrières, ni de non-intensification de méthanisation (donc de cultures dédiées et d’élevages), ni de non- incorporation d’intrants moins contrôlés dans le futur. Une dérive vers une perte de souveraineté alimentaire.

 

227-     Aucun fond n’est prévu pour assumer les externalités négatives futures dues à la méthanisation (pollutions, effets sanitaires, appauvrissement et dégradation des sols et de la SAU, innondations …), ni pour le démantèlement.

 

228-   La méthanisation en injection garantit-elle l’innocuité des gaz injectés chez l’habitant, dés lors que GrDF annonce uniquement 4 contrôles du gaz injecté la première année, puis 2 contrôles par an ?

 

229-  L’analyse du cycle de vie total des méthaniseurs n’est jamais détaillée. Le bilan énergétique positif de la méthanisation n’est donc pas vérifiable. Des scientifiques montrent le contraire.

 

Le lecteur peut trouver une argumentation plus élaborée des points 221 à 229 ici : https://drive.google.com/file/d/1vQQirMRSs-oevzUjvvkp7GkdQsuotl5A/view?usp=sharing

 

3.   Conclusions

 

Les conséquences de la méthanisation non-raisonnée promue aujourd’hui à grands renforts de subventions et d’assouplissements règlementaires se concrétiseront à courts et longs termes par des modifications des équilibres air-eaux-sols, qui auront inévitablement des retombées sur la santé environnementale.

Certaines conséquences négatives sont déjà observées, certaines prévisibles et d’autres insuffisamment étudiées jusqu’à aujourd’hui pour ne pas mettre en avant les principes de précaution et de responsabilité environnementale.

Ces faits sont partagés par plusieurs organisations scientifiques et scientifiques individuels, nationaux et internationaux.

Nous nous tenons à votre disposition pour éclaircir tous ces points

 

 

 

 

Pour le CSNM, Daniel Chateigner, Coordonnateur

 

 

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Yaws Carl L. (1996). Hanbook of Thermodynamic Diagrams – Organic Compounds C1 to C4, Vol. 1, Houston, Texas, Gulf Pub. Co., p23

Membres du Collectif Scientifique National Méthanisation raisonnée

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—  1  —

III.   Contribution de Mme  pauline brugeilles et de mm. Pierre Bellagambi et Simon Lillamand sur les politiques publiques de santé environnementale

CONSTATS DE TERRAIN ET RÉFLEXIONS SUR LA POLITIQUE DE DÉMOUSTICATION

Propos introductif : Comme le souligne l’Anses sur la page d’accueil de son site internet : « la santé et l’environnement sont deux domaines étroitement liés ». Alors que les pollutions de toutes natures et la protection de la vitalité de notre environnement sont aujourd’hui un sujet de préoccupation majeur de la société française, et ont été au cœur la dernière campagne électorale des municipales en 20201, les politiques publiques de santé environnementale, telles que définies par l’OMS2, se doivent d’être le guide à long terme des politiques publiques qui interagissent avec les facteurs environnementaux.

Les politiques publiques de santé environnementale sont donc essentielles pour définir la politique de lutte contre les maladies vectorielles, qui, pour préserver la santé des humains, doit s’assurer du contrôle des vecteurs comme le moustique.

Comme l’a souligné M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la santé lors de son audition le 24 novembre par la Commission d’enquête sur « l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale », les approches de prévention des risques, d’information de la population et la recherche de solutions dont l’empreinte sur l’environnement est la plus faible doivent être privilégiées dès que cela est possible.

I.   La lutte antivectorielle : un enjeu croissant de santé publique

La prolifération du moustique « tigre » et des maladies qu’il véhicule (dengue, chikungunya, Zika…) est un véritable enjeu de santé publique, largement sous- estimé, alors qu’il fait tous les ans presque autant de victimes dans le monde que la Covid-19 en aura fait cette année. Véritable fléau en Outre-Mer, il inquiète de plus en plus les autorités en métropole : du 1er mai au 20 novembre 2020, Santé Publique France3 a d’ailleurs recensé 781 cas importés de dengue dans l’hexagone,

5 cas importés de chikungunya et 1 cas importé de Zika. Plusieurs épisodes localisés de transmission autochtone de dengue ont été identifiés (13 cas confirmés au total). Cette prolifération touche de plus en plus de départements français (58 sur 96) et les cas de contamination, qui étaient circonscrits à la période estivale jusqu’alors, n’ont désormais plus de saisonnalité puisque plusieurs cas ont été détectés fin septembre et début octobre 2020 en France métropolitaine.


1 Sondage Elabe, 2020

2 OMS – Santé environnementale

3 Santé publique France

 

A.   Etat des lieux de la lutte antivectorielle en France

Force est de constater que la politique actuelle des autorités de santé en charge du contrôle des maladies vectorielles (type Dengue, Zika, Chikungunia) pose souvent question, tant sur le plan de la santé environnementale que sur celui de son efficacité. Il convient de rappeler que seules les Agences régionales de santé (ARS) et les Ententes interdépartementales de démoustication (EID) détiennent la responsabilité de la politique de démoustication. Les premières décident des actions à mener, et les secondes opèrent sur le terrain. Concrètement, les collectivités et autorités locales n’ont qu’un pouvoir de prévention, notamment dans les messages adressés aux administrés. Une mission qu’elles doivent assurer d’ailleurs sans aucune aide financière ou logistique extérieure. Ainsi, quand un cas de contamination est officiellement constaté, elles n’ont aucun pouvoir de contrôle sur les actions des ARS et EID et sont donc tributaires de leurs décisions et des moyens de démoustication employés.

B.   Des méthodes qui posent question

Les programmes de lutte antivectorielle s’organisent essentiellement autour d’une substance biologique active, le Bacillus thuringiensis israelensis, ciblant les larves de moustiques (Bti) et d’une substance chimique active ciblant les moustiques adultes (la deltaméthrine). La première, curative, n'agit que sur les larves quand le milieu n'est pas complexe (ni végétation ni obstacles). La seconde ne s'utilise qu'en milieu urbain, contre les moustiques « tigre » adultes. La pulvérisation de ces substances a un impact non négligeable sur la biodiversité, mais aussi sur la santé à cause de leur toxicité. C’est d’ailleurs pour cette raison que les communes alertent les populations4 avant de lancer une opération. L’utilisation de deltaméthrine en milieu urbain nécessite même, pour la population, d’observer un confinement strict le temps que la substance agisse. Par ailleurs, la question de l’efficacité de telles campagnes nocturnes se pose alors que le moustique « tigre » est un insecte diurne.

Ces réponses de lutte antivectorielle, principalement basées sur des mesures réactives, tentent de répondre à un problème de santé publique sans évaluation des conséquences potentielles à long terme sur l’environnement et donc sur la santé humaine. De plus, cette politique omet toute approche préventive, comme la surveillance de l’évolution de la population de moustiques, empêchant ainsi une approche globale, de bout en bout, de la problématique.

 

 


4 Communication du Pyla sur Mer 28/09/20


II.   L’utilisation des biocides en France : un impact sur la santé environnementale démontré par des données scientifiques

A.   Le BTI, une menace pour la biodiversité

Le Bti, biocide présenté comme très sélectif et donc peu toxique pour la faune non- cible, a des effets importants sur la biodiversité. C’est ce qui ressort notamment des travaux coordonnés par Brigitte Poulin5, cheffe du département Écosystèmes au centre de recherche de la Tour du Valat (Camargue) et des travaux collectifs menés par Kathrin Theissinger6 en Allemagne dans la vallée du Rhin. Cette bactérie, d'origine naturelle et qui parvient à détruire l'intestin des moustiques au stade de larves, a longtemps été considérée comme le produit miracle pour une intervention au cœur de zones naturelles sensibles. Mais les études montrent le déclin d'autres espèces, et notamment des chironomes, petits diptères7 non piqueurs, dans les zones traitées au Bti. La chaîne alimentaire s'en trouve très perturbée. Les plus gros insectes et les petits oiseaux qui se nourrissent de ces chironomes en subissent les conséquences. Une autre étude menée en Allemagne par Christian Brühl8 a quant à elle montré d'autres inconvénients au Bti, pourtant reconnu à ce jour comme l'insecticide le plus sélectif. La bactérie disséminée dans le milieu naturel peut avoir un impact direct sur des vertébrés, en l'occurrence les batraciens, qui ont une croissance perturbée et finissent avec une taille réduite. Ce qui affecte aussi leur espérance de vie. Et la persistance des spores de Bti, jusqu’à 10 semaines après traitement contre les moustiques9, dans les eaux et dans les sols a un impact durable sur la biodiversité des zones humides.

Par ailleurs, ces biocides sont présentés comme des solutions de biocontrôle et donc parfaitement adaptées pour protéger les récoltes de l’agriculture biologique. Leur utilisation de plus en plus répandue et leur persistance augmentent donc leur présence dans l’air, l’eau et la nourriture par effet cumulatif. Il apparait donc légitime de s’interroger, comme le fait le Dr. Armel Gallet, directeur de recherche au CNRS10, sur leurs effets réels à court et long terme. Comme le rappelle le Dr. Gallet, dès juillet 2013, l’Anses a souligné le manque d’études sur les effets à long terme des biocides Bt et sur la probable sous-estimation de l’implication de Bt dans des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC). Un avis partagé par l’EFSA en

 


5 Acta Oecologica, 2011

6 Molecular Ecology, 2019

7 Définition Le Robert : Insecte à métamorphoses complètes, à deux ailes, dont la tête porte une trompe

8 Science of Total environment, 2020 ;

9 PLOS ONE, 2008

10 Biocontrôle : Éléments pour une protection agroécologique des cultures, 2020, pages 291 et suivantes

 


 

201611. Pourtant, ces biocides ne sont concernés par aucun critère réglementaire sur la sécurité des aliments en Europe, hormis dans le cas des préparations en poudre pour nourrissons. L’ingestion cumulative d’aliments contaminés de faibles doses de Bt, qui s’attaquent aux fonctions intestinales animales, pourrait donc avoir une incidence sur le développement de pathologies du tube digestif.

B.   La Deltaméthrine, un neurotoxique, pour lutter contre le moustique « tigre »

Autre produit, la deltaméthrine est aujourd’hui utilisée en pulvérisation spatiale autour des cas humains confirmés de maladies vectorielles. C’est aujourd’hui la seule substance utilisée par les pouvoirs publics pour lutter, à court-terme, contre les moustiques Aedes sur un territoire donné. Elle présente une toxicité non négligeable pour un certain nombre d’espèces. Selon le rapport12 de la Commission d’enquête parlementaire chargée « d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles », un essai en laboratoire a ainsi pu mettre en évidence des effets néfastes sur les abeilles, pour des doses 50 fois inférieures à la dose homologuée pour les traitements. C’est en premier lieu un produit exclusivement adulticide, n’éliminant ni les larves, ni les œufs. En présence de gîtes larvaires, et quelle que soit l’intensité du traitement, des insectes sont donc amenés à réapparaître au bout de quelques jours. Le mode de vie et de reproduction des moustiques « tigre » rend ensuite très difficile le traitement par pulvérisation sur la totalité des lieux de présence de moustiques. Et une utilisation trop intensive augmente le risque d’apparition d’une résistance au produit chez les moustiques, réduisant in fine considérablement l’efficacité des traitements. Le système de veille sanitaire et d’alerte actuel ne permet, au mieux, qu’une intervention par les personnels responsables que plusieurs jours après la suspicion ou détection du cas de maladie alors que la femelle moustique pond ses œufs tous les deux à quatre jours.

Une étude réalisée en 2015 par les chercheurs de la Rutgers University13, dans le New Jersey, montre également un lien entre cet insecticide et le risque de développer, chez l'enfant, un syndrome d'hyperactivité. La deltaméthrine est un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes qui peuvent entraîner un dysfonctionnement de la dopamine dans le cerveau.

Par ailleurs, une quinzaine d’épidémiologistes issus d’une dizaine d’institutions de

recherche internationale, dont le Centre international de recherche sur le cancer

 


11 EFSA, 2016

12 Rapport Commission d’enquête moustique Aedes, juillet 2020 13 Rutgers, 2015


 

(CIRC), ont pointé trois substances, dans une étude d’octobre 201914 de la revue International Journal of Epidemiology : deux insecticides, le terbuphos et la deltaméthrine, et un herbicide, le glyphosate. L’étude démontre l’augmentation des risques de lymphomes, après des analyses faites auprès d’agriculteurs y étant exposés, par rapport à ceux n’y ayant pas recours.

Malgré des efforts humains, matériels et financiers considérables, le constat est cinglant : le nombre des cas de maladies vectorielles dues au moustique tigre est en constante augmentation en France depuis des années. Ce constat ne peut qu’interroger sur l’efficacité de la politique de démoustication actuelle et sur la volonté des autorités compétentes d’actualiser leur politique aux vues des nouvelles informations issues de la recherche scientifique ou des solutions alternatives nouvelles existantes dans le secteur.

 

III.   Politiques de démoustication : prévenir pour mieux guérir

A.   Privilégier une approche globale et encourager les solutions alternatives, pour limiter le recours aux solutions chimiques et invasives.

A la lumière de ces constats scientifiques, il apparaît que l’utilisation des seules substances biologiques et chimiques pour lutter contre le moustique en France continuera de fragiliser les écosystèmes, d’impacter négativement la biodiversité et engendrer de nouveaux problèmes de santé environnementale à moyen et long- terme. Afin que la santé environnementale puisse guider les politiques de lutte antivectorielle dont l’empreinte sur l’environnement est non négligeable, et pour favoriser une baisse de contamination aux maladies vectorielles, la première action indispensable est de mettre l’accent sur la prévention des risques et l’information.

La lutte conte le moustique « tigre » et les maladies vectorielles ne sera pas efficace sans des actions préventives. Il est tout aussi nécessaire d’informer le grand public, en toute transparence, de l’évolution des risques, mais également de l’action des autorités.

La problématique des maladies infectieuses tropicales liées au moustique « tigre » est directement liée à sa proximité aux humains. Il semble donc inutile, si l’évolution de la population de moustiques en France est suivie et connue par les autorités, de perturber fortement et en continu des écosystèmes naturels, comme c’est le cas actuellement en Camargue, avec des conséquences non-négligeables et non maîtrisables. Le déploiement d’un véritable réseau de surveillance, en temps réel, des populations de moustiques dans les zones favorables à son développement est


14 International journal of epidemiology, 2019

 


nécessaire. C’est aujourd’hui un chaînon manquant en France, pourtant cela se pratique déjà, par exemple, pour le suivi des populations animales menacées.

Or de nombreuses technologies de capteurs connectés et de comptage existent aujourd’hui. Grâce à ces données, les autorités responsables de la lutte antivectorielle auraient une cartographie actualisée et précise pour cibler leurs réponses au plus près du terrain. En outre, les données récoltées grâce à ce réseau de surveillance donneraient des outils supplémentaires aux autorités pour informer le grand public de la mise en œuvre des politiques antivectorielles.

B.   Compléter par des méthodes plus écologiques et moins invasives pour préserver la santé environnementale

Le deuxième axe de travail qui doit être privilégié par les politiques de santé environnementale est de favoriser le choix des techniques qui permettent de limiter l’utilisation de substances chimiques et biologiques, dont l’impact sur l’environnement et la santé des mammifères se vérifie, pour réserver ces solutions uniquement dans le cas aucune autre technique ne pourrait s’y substituer.

Ainsi les potentiels effets cocktails ou l’accumulation dans la nature de ces substances actives seraient fortement limités et permettraient de donner le temps aux écosystèmes de se régénérer. Les techniques biomimétiques par leurre olfactif ou hormonal sont des solutions alternatives et complémentaires viables, tant du point de vue environnemental qu’économique, pour éviter l’utilisation de substances actives en continu dans l’environnement. Ce, d’autant plus que, comme vu précédemment, le moustique « tigre » s’est bien adapté aux environnements urbains où l’utilisation de composés chimiques à proximité de populations denses et/ou sensibles est plus que discutable. C’est d’ailleurs, ce qu’a préconisé dans son rapport de juillet 2020, la Commission d’enquête chargée « d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles » de l’Assemblée nationale, pour qui il apparaît essentiel, à long terme, de diversifier les méthodes de lutte contre les vecteurs pour éviter les pulvérisations massives de Bti15.

Les méthodes de piégeage, avec une empreinte sur le terrain très faible, apparaissent donc comme des solutions adaptées à la fois au milieu naturel comme au milieu urbain, d’autant qu’elles utilisent des systèmes peu consommateurs et autonomes en énergie. De plus, les leurres utilisés ne perturbent en rien leur environnement proche ou lointain et ne sont pas dangereux pour la santé puisqu’ils ne font que simuler les comportements ou les sécrétions naturelles des animaux et des humains.

 


15 Rapport Commission d’enquête moustique Aedes, juillet 2020

 


 

 

Conclusion : Le constat est sans appel : les politiques actuelles n’ont pas empêché le développement des maladies vectorielles en France ; or ces maladies vont croissant et les besoins pour la lutte antivectorielle également. Le bon sens voudrait une approche globale, de bout en bout, qui place la santé environnementale au cœur des politiques de lutte antivectorielle. Pour cela il faut changer de paradigme de pensée et intégrer enfin le volet prévention des risques dans ces politiques et favoriser le remplacement progressif des substances chimiques et biologiques par des méthodes, comme le biomimétisme et les techniques mécaniques, dont l’empreinte sur l’environnement est bien plus faible.

 

 


—  1  —

IV.   contribution de l’association pour l’information et la défense des consommateurs salariÉS de la conféDération générale du travail (INDECOSA-CGT)

 



—  1  —

V.   contribution de la confédération SYNDICALE des familles (CSF)

 


([1]) La composition de cette commission d’enquête figure au verso de la présente page.

([2]) CC, décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes [Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques]. 

([3]) Article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, deuxième alinéa.

([4]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([5]) Charte de l’environnement, considérant 2.  

([6]) Audition de la Dre Jeanne Garric, 30 septembre 2020.

([7]) Charte de l’environnement, considérant 5.

([8]) Éric Lajarge et al., « La santé environnementale » in Santé publique, Dunod, coll. « Aide-mémoire », 2017.

([9]) Hippocrate décrit dans son traité Des eaux, des airs et des lieux la connaissance de son environnement dont un médecin doit chercher à se doter dès son arrivée dans un nouveau lieu, afin de mieux connaître les maladies particulières à la localité et à la saison. Il y explique également les études à mener sur l’eau et l’air afin d’y détecter les menaces potentielles à la santé.     

([10]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([11]) Décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode (abrogé).

([12]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([13]) Ces conférences des parties, qui doivent avoir lieu tous les cinq ans, eurent leur première réunion des ministres de l’environnement et de la santé des États membres de la région européenne de l’OMS les 7 et 8 décembre 1989 à Francfort-sur-le-Main, où elles adoptèrent la charte européenne de l’environnement et de la santé. La sixième réunion a eu lieu les 13, 14 et 15 juin 2017 à Ostrava.  

([14]) Une définition, assez large, de la santé environnementale, reprise par un certain nombre des personnes auditionnées, est donnée comme ayant été adoptée par l’OMS à cette occasion : « la santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement ». Cette définition ne figure pas dans cette déclaration de l’OMS.

([15]) Cette approche, parfois appelée de son nom anglais One Health, est née aux États-Unis dans les années 2000, avant d’être diffusée au niveau international dans la déclaration commune “Contributing to One World, One Health”, adoptée en 2008 par l’OMS, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et la Banque mondiale.

([16]) Audition de Mme Marie-Laure Métayer, 30 septembre 2020.

([17]) Audition de M. Jean-Luc Fugit, 4 novembre 2020.

([18]) Audition de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, 23 septembre 2020.

([19]) Le nom féminin « la chlordécone » est utilisé pour désigner la molécule, le nom masculin pour le produit.

([20]) Audition de Mme Virginie Beaumeunier par la commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires, 11 juillet 2019.

([21]) Audition de M. Thierry Woignier par la commission d’enquête précitée, 9 juillet 2019.

([22]) Audition de la Dre Jeanne Garric, 30 septembre 2020.

([23]) Audition de la Dre Élisabeth Gnansia, 18 novembre 2020.

([24]) Audition de Mme Muriel Andrieu-Semmel, 27 octobre 2020.  

([25]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.  

([26]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([27]) Audition de M. Thierry Caquet, 14 octobre 2020.

([28]) France Stratégie, « Expertise et démocratie : faire avec la défiance », rapport, décembre 2018.

([29]) Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, sénateurs, « Le drame de l’amiante : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir », rapport d’information n° 37 (2005-2006) au nom de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, déposé le 26 octobre 2005.

([30]) Philippe Bolo, député, Anne Genetet, députée, et Pierre Médevielle et Pierre Ouzoulias, sénateurs, « Évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences : trouver le chemin de confiance », Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mai 2019.   

([31]) Audition de la Dre Séverine Kirchner, 22 octobre 2020. 

([32]) Audition de M. Jean-Michel Brard, 30 octobre 2020.

([33]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([34]) Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([35]) Olivier Chanel, « Évaluation économique des impacts de l’exposition chronique aux particules fines sur la mortalité en France continentale », Centre national de la recherche scientifique, 2017.  

([36]) Leila Aïchi, sénatrice, « Pollution de l’air : le coût de l’inaction », rapport n° 610 (2014-2015), au nom de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, déposé le 8 juillet 2015.

([37]) Audition de M. Gilles Pipien, 16 septembre 2020.

([38]) Caisse nationale d’assurance maladie, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Propositions de l’Assurance maladie pour 2021 », rapport au ministre chargé de la sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et produits de l’Assurance maladie, juillet 2020.  

([39]) Audition du Dr Pierre Souvet, 18 novembre 2020.

([40]) Leonardo Trasande et al., “Estimating burden and disease costs of exposure to endocrine-disrupting chemicals in the European Union”, Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism 2015-04:100(4):1245-55, avril 2015.

([41]) CE 30 juillet 1997, D. 1999, « Boudin ».  

([42]) Pierre Deprost et al., « La préfiguration d’un fonds d’aide aux victimes de produits phytopharmaceutiques », rapport n° 2017-M-043-03 de l’Inspection générale des finances, n° 17-069 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des espaces ruraux, et n° 2017-073R de l’Inspection générale des affaires sociales.

([43])  Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([44]) Audition de M. Hervé Charrue, 22 octobre 2020.

([45]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([46]) Audition du Pr Robert Barouki, 8 octobre 2020.

([47]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([48]) Audition du Dr Patrick Lévy, 22 octobre 2020. 

([49]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([50]) Audition de M. Bertrand Schwartz, 23 septembre 2020.

([51]) Audition de M. Olivier Toma, 24 septembre 2020.

([52]) Audition du Pr Robert Barouki, 8 octobre 2020.

([53]) William Dab, Santé et environnement, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je », 2007, 5e éd. 2020, p. 26.  

([54]) Sur l’exposome, une contribution de notre collègue le Pr Cédric Villani, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), annexée à ce rapport, a contribué à éclairer la commission : « L’exposome, un défi scientifique », note scientifique n° 23, 10 décembre 2020.

([55]) Audition de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, 23 septembre 2020.

([56]) Audition de M. Jean-Luc Fugit, 4 novembre 2020.

([57]) Audition de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, 23 septembre 2020.

([58]) Audition de Mme Mélanie Delozé, 21 octobre 2020.

([59]) Audition de Mme Laurianne Rossi, 27 octobre 2020.   

([60]) Evanthia Diamanti-Kandarakis et al., “Endocrine-disrupting chemicals : an Endocrine Society scientific statement”, Endocrine Reviews 2009:30(4):293–342, juin 2009.

([61]) Audition du Dr Constantin Dallot, 22 octobre 2020.

([62]) Les agrégats sont également connus sous la dénomination issue de l’anglais « cluster ».  

([63]) Cette définition canonique est issue du premier travail de référence en matière de gestion des agrégats, celui de l’agence états-unienne Centers for Disease Control and Prevention (CDC), “Guidelines for investigating clusters of health events”, MMWR Recommendation Report 1990:39(RR-11):1-23, actualisé en 2013. 

([64]) Chiffres issus du « Guide méthodologique pour l’évaluation et la prise en charge des agrégats spatio-temporels de maladies non infectieuses », Institut de veille sanitaire, mai 2005.

([65]) Michael D. Coory et Susan Jordan, “Assessment of chance should be removed from protocols for investigating cancer clusters”, International Journal of Epidemiology 2013:42:440-447.                

([66]) Jean-Marie Robine, « Santé et environnement : dépasser l’incertitude », dossier pour le magazine n° 44 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, septembre 2019.

([67]) Par exemple, il est possible d’estimer combien de décès sont dus à la pollution de l’air au total. Pour ce faire, on peut additionner les pourcentages de chaque groupe pathologique indiqué sur l’acte de décès – un pourcentage du nombre de morts du cancer du poumon, par exemple – pour aboutir à une estimation totale du nombre de décès.

([68]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.  

([69]) Audition du Dr Pierre Souvet, 18 novembre 2020.

([70]) Audition de Mme Agnès Maurin, 21 octobre 2020.

([71]) Philippe Bolo, député, Anne Genetet, députée, et Pierre Médevielle et Pierre Ouzoulias, sénateurs, « Évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences : trouver le chemin de confiance », Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mai 2019.

([72]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([73]) Audition de M. Philippe Prudhon, 22 octobre 2020.

([74]) Audition de Mme Marie Zimmer, 22 octobre 2020.

([75]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([76]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([77]) Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006.  

([78]) Audition de M. Bruno Ferreira, 30 septembre 2020.

([79]) Audition de M. Dominique Potier, 18 novembre 2020.

([80]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([81]) Audition du Pr Daniel Chateigner par la commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements, et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, 20 juin 2019.

([82]) Audition de M. Stéphane Mulliez, 28 octobre 2020.

([83]) Audition de M. Hervé Charrue, 22 octobre 2020.

([84]) Audition de la Dre Jeanne Garric, 30 septembre 2020.

([85]) Cf. l’annexe I sur les critiques formulées à l’égard du troisième plan national santé-environnement (PNSE 3). Dès les premiers travaux de la commission d’enquête, votre rapporteure a souhaité prendre connaissance des évaluations de ce plan qui avaient été produites et auditionner les évaluateurs. Leurs travaux, dont votre rapporteure souhaite saluer la grande qualité et la franchise inhabituelle, ont permis à la commission d’enquête de s’économiser l’évaluation de ce plan, qui n’aurait pas été possible dans les délais permis. Voir le rapport de Mme Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales ; et le rapport de M. Gilles Pipien, ingénieur général des eaux, des ponts et forêts, et du Dr. Éric Vindimian, ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts.

([86]) Audition de Mme Marie-Jeanne Husset, 24 novembre 2020.

([87]) Audition de M. Alexandre Joulin, 21 octobre 2020.

([88]) Audition de M. Dominique Potier, 18 novembre 2020.

([89]) Audition de M. Philippe de Mester, 27 octobre 2020.

([90]) Audition du Dr Rémy Slama, 15 octobre 2020.

([91]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([92]) Audition de M. Raymond Cointe, 7 octobre 2020.

([93]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([94]) Audition de la Pre Francelyne Marano, 30 septembre 2020.

([95]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([96]) Audition du Dr Éric Vindimian, 16 septembre 2020.

([97]) Audition du Dr Éric Vindimian, 16 septembre 2020.

([98]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([99]) Audition de M. Hervé Lapie, 15 octobre 2020.

([100]) Audition de M. Olivier Toma, 24 septembre 2020.

([101]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([102]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([103]) Audition de M. Alexandre Leonardi, 21 octobre 2020.

([104]) Audition de Mme Marine Tondelier, 4 novembre 2020.

([105]) Audition de M. Thierry Caquet, 14 octobre 2020.

([106]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([107]) Audition de M. Thierry Caquet, 14 octobre 2020.

([108]) Audition de M. Laurent Vilbœuf, 7 octobre 2020.

([109]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([110]) Audition de M. Gilles Pipien, 16 septembre 2020.

([111]https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/pnns4_2019-2023.pdf

([112]https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/obesite/article/feuille-de-route-2019-2022

([113]) Audition de M. André Cicolella, 18 novembre 2020.

([114]https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/90846524-d27e-4d18-a4fe-e871c146beba/files/1f8ca101-0cdb-4ccb-95ec-0a01434e1f34

([115]) Audition de Mme Agnès Maurin, 21 octobre 2020.

([116]https://www.lesechos.fr/2014/11/lobesite-en-france-couterait-54-milliards-deuros-297841

([117]) Audition du Dr Joël Spiroux de Vendômois, 5 novembre 2020.

([118]) Audition de Mme Mélanie Delozé, 21 octobre 2020.

([119]) Audition de Mme Marie Thibaud et de M. Mickaël Derangeon, 19 novembre 2020.

([120]https://www.santepubliquefrance.fr/docs/guide-methodologique-pour-l-evaluation-et-la-prise-en-charge-des-agregats-spatio-temporels-de-maladies-non-infectieuses.-version-mai-2005

([121]https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/pesticides-effets-sur-sante

([122]https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935120304102?via%3Dihub

([123]) 226 cas de leucémie aiguë ont été diagnostiqués sur la période 1990-2014 dans ces communes, alors que 195 cas environ étaient attendus d’après les taux d’incidence nationaux. D’après les données du recensement agricole, 1100 communes environ ont une densité de vignes >25% sur la période d’étude : il s’agit de petites communes, dans lesquelles un cas de leucémie aigüe de l’enfant est attendu tous les 10 ans ou plus.

([124]) Audition de Mme Marie Thibaud, 19 novembre 2020.

([125]) Audition de M. André Cicolella, 18 novembre 2020.

([126]) Audition du Dr Pierre Souvet, 18 novembre 2020.

([127]https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article801

([128]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([129]) Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([130]) Audition de M. Hervé Lapie, 15 octobre 2020.

([131]) Audition du Dr Rémy Slama, 15 octobre 2020.

([132]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([133]) Audition de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, 23 septembre 2020.

([134]) Audition de la Pre Francelyne Marano, 30 septembre 2020.

([135]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([136]) Audition du Dr Rémy Slama, 15 octobre 2020.

([137]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([138]) Audition du Dr Rémy Slama, 15 octobre 2020.

([139]) Audition de M. Thierry Caquet, 14 octobre 2020.

([140]) Audition de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, 23 septembre 2020.

([141]) Audition de M. Bertrand Schwartz, 23 septembre 2020.

([142]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([143]) Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, notamment les considérants 1, 9 et 12.

([144]) Pierre Aballea, Anne Burstin, François Werner, « Organisation de la sécurité sanitaire des produits cosmétiques et de tatouage : état des lieux et évolutions souhaitables », rapport n° 2019-076R de l’Inspection générale des affaires sociales et n° 2019-M-040-02 de l’Inspection générale des finances, avril 2019.

([145]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.  

([146]) Règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008.

([147]) Audition du Dr Rémy Slama, 15 octobre 2020.

([148]) Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010.

([149]) Audition de M. Joël Duranton, 21 octobre 2020.

([150]) Ces missions d’inspection sont confiées aux DREAL dans les autres régions.

([151]) Audition de M. Alexandre Leonardi, 21 octobre 2020.

([152]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([153]) Claire Pitollat et Laurianne Rossi, députées, « Perturbateurs endocriniens dans les contenants en plastique : des enjeux majeurs pour notre santé et pour l’environnement », rapport de la mission d’information sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique, 4 décembre 2019, p. 191.

([154]) Audition de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, 23 septembre 2020.

([155]) Audition du Dr Rémy Slama, 15 octobre 2020.

([156]) Audition de M. Philippe Prudhon, 22 octobre 2020.

([157]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([158]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([159]) Audition de M. Philippe Prudhon, 22 octobre 2020.

([160]) Audition de Mme Claire Pitollat, 27 octobre 2020.   

([161]) Audition de M. Olivier Toma, 24 septembre 2020.

([162]) Audition de Mme Laurianne Rossi, 27 octobre 2020.    

([163]) Audition de M. Christian Zolesi, 24 septembre 2020.

([164]) Ces problématiques ont été évoquées dans la première partie.

([165]) Comité scientifique EFSA, “Guidance on harmonised methodologies for human health, animal health and ecological risk assessment of combined exposure to multiple chemicals”, EFSA Journal 2019:17(3):5634, 20 février 2019.   

([166]) Audition de Mme Eugénia Pommaret, 15 octobre 2020.  

([167]) Audition du Dr Constantin Dallot, 22 octobre 2020.

([168])  Définie à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique

([169])  Sur l’exposome, une contribution de notre collègue le Pr Cédric Villani, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), annexée à ce rapport, a contribué à éclairer la commission : « L’exposome, un défi scientifique », note scientifique n° 23, 10 décembre 2020.

([170])  Rapport annexé au projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2020.

([171])  À cette fin et selon ses termes mêmes, « la modélisation et l’analyse des données de santé, combinées aux données relatives à l’alimentation, à l’environnement et au mode de vie ainsi que d’autres facteurs, notamment l’exposition aux perturbateurs endocriniens, doivent nous aider à comprendre et prédire l’évolution des causes de morbidité et de mortalité à dix ou vingt ans. Parmi celle-ci, les maladies cardiovasculaires et neuro-vasculaires, les maladies mentales, l’antibiorésistance, l’impact des risques environnementaux sur la santé ou encore le risque infectieux de manière générale seront les grands sujets de demain à côté des cancers qui demeureront une cause majeure de morbi-mortalité ».

([172]) Article L. 1411-1 du code de la santé publique.

([173]) Audition du Pr Robert Barouki, 8 octobre 2020.

([174]) Cf. aussi l’annexe II sur certains aspects techniques du croisement de données en santé environnementale.

([175]) Cédric Villani, « Donner un sens à l’intelligence artificielle. Pour une stratégie nationale et européenne », rapport de mission parlementaire, 8 mars 2018. Le rapport proposait : de créer un espace sécurisé, articulé avec le dossier médical partagé, permettant à son titulaire d’y stocker ses données, d’en ajouter lui-même, d’autoriser son accès aux médecins ou, par exemple, aux chercheurs ; et de créer une plateforme d’accès et de mutualisation des données pour la recherche et l’innovation en santé, se substituant au SNDS, avec un guichet unique d’accès pour les expérimentateurs, et comprenant, en garantissant l’interopérabilité des données et des systèmes, les données non seulement médico-administratives, mais aussi issues du plan France médecine génomique, des grandes cohortes nationales, des données cliniques et hospitalières.

([176]) Cet espace est créé par l’insertion de dispositions à l’article L. 1111-13 du code de la santé publique.

([177])  Il peut également accéder ainsi aux données relatives au remboursement de ses dépenses de santé, à des outils permettant des échanges sécurisés avec les acteurs du système de santé, dont une messagerie de santé sécurisée, à tout service numérique, notamment ceux développés pour favoriser la prévention et la fluidifier, les parcours, les services procurant une aide à l’orientation et à l’évaluation de la qualité des soins.

([178])  Pour plus de détails sur l’interopérabilité des données de santé, cf. l’annexe II au présent rapport.

([179])  En ce qui concerne la plateforme d’accès et de mutualisation des données de santé, le rapport de la mission de préfiguration de celle-ci (Stéphanie Combes, rapporteure, Marc Cuggia, Dominique Polton, Gilles Wainrib) considérait qu’en vue de l’utilisation des méthodes d’IA, « il devient indispensable de constituer de grands jeux de données mobilisant des dossiers des patients de plusieurs centres hospitaliers pour avoir une masse critique permettant de réaliser des inférences performantes et précises » et que la recherche « sera de plus en plus difficile à réaliser sans recourir à une part d’automatisation pour extraire de l’information pertinente dans de grands jeux de données hétérogènes ». Parmi les freins rencontrés à l’utilisation efficiente du patrimoine des données de santé, la mission relevait notamment :

– la fragmentation de ce patrimoine ;

– le manque de documentation, de modèles de données, ou d’échantillons pour apprécier les possibilités et la qualité des données a priori, entraînant de nombreux allers-retours pour les acteurs nouveaux ;

– la complexité des procédures d’accès aux données compte tenu de gouvernances discrétionnaires, spécifique à chaque source et organisées séparément ;

– l’absence de dispositif d’ensemble permettant d’assurer la transparence vis-à-vis des citoyens ;

– l’éclatement des jeux de données et la difficulté de constituer des bases atteignant une taille critique en nombre d’observations ;

– l’absence d’un tiers de confiance national pour la mise à disposition de données chaînées ;

– l’existence de données hétérogènes, nécessitant des efforts importants pour les numériser, les collecter, les rassembler, les harmoniser ;

– les difficultés d’extraction depuis les systèmes informatiques des éditeurs ;

– la faible interopérabilité sémantique des données ;

– la rareté des expertises (data science et informatique médicale, éthique et juridique sur les sujets de Big data et d’IA en santé) et des compétences requises pour les appariements ;

– le manque de sensibilisation aux enjeux de partage des données et des algorithmes, aux technologies et aux méthodes liées à l’intelligence artificielle ;

– l’absence de politique de structuration pour des données de qualité.

([180])  Cette plateforme, également connue sous un nom anglophone (Health Data Hub), créée sous forme de groupement d’intérêt public (entre l’État, des organismes assurant une représentation des malades et des usagers du système de santé, des producteurs de données de santé et des utilisateurs publics et privés de données de santé, y compris des organismes de recherche en santé) par l’article 41 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, est notamment chargée de trois missions. La première consiste à réunir, organiser et mettre à disposition les données du système national des données de santé (SNDS) et à promouvoir l’innovation dans l’utilisation des données de santé. La deuxième consiste à procéder, pour le compte d’un tiers et à la demande de ce dernier, à des opérations nécessaires à la réalisation d’un traitement de données issues du SNDS pour lequel ce tiers a obtenu une autorisation. Enfin, elle contribue à diffuser les normes de standardisation pour l’échange et l’exploitation des données de santé, en tenant compte des standards européens et internationaux.

([181])  Missions définies à l’article L. 1461-1 du code de la santé publique.

([182])  Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([183])  Audition publique réalisée par l’OPECST, le 21 février 2019, sur le thème : « Intelligence artificielle et données de santé, quelle collecte, quels accès aux données, pour quelles améliorations diagnostiques ou thérapeutiques ? ».

([184])  Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([185])  Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([186])  Audition de M. Thierry Caquet, 14 octobre 2020.

([187])  Audition de M. Raymond Cointe, 7 octobre 2020.

([188]) Audition de M. Bruno Fabres, 28 octobre 2020.

([189])  Audition de Mme Anne Serre, 28 octobre 2020.

([190])  Audition de M. Joël Duranton, 21 octobre 2020.

([191])  Institut national de l’environnement industriel et des risques, « Caractérisation des inégalités environnementales : inventaire des bases de données nationales environnementales et spatialisées », rapport n° Ineris-DRC-15-152407-11231C, 15 mai 2016.

([192])  Institut national de l’environnement industriel et des risques, « Caractérisation des inégalités environnementales : inventaire des bases de données régionales et locales environnementales et spatialisées », rapport n° Ineris-DRC-17-164533-00415B, 21 juillet 2017.

([193])  L’Ineris signale aussi que cette coordination permettrait la définition de formats de données et de métadonnées flexibles pour la remontée du plus grand nombre de données, tout en permettant leur intégration dans des bases de données thématiques ; le développement de plans d’intégration de données et la définition d’accords de partages de celles-ci ; l’encouragement, le développement et l’harmonisation des pratiques de géo-référencement systématique des données.

([194]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([195]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([196]) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Avis et rapport relatif à la qualité, l’exploitation et au partage des données déclarées dans le registre R-NANO », saisine n° 2019-SA-0157, 24 novembre 2020.

([197]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([198]) Réponse écrite de la direction générale de la santé à votre rapporteure.

([199]) Audition de M. Laurent Vilbœuf, 7 octobre 2020.

([200]) La DRIEE exerce en Île-de-France les compétences exercées dans les autres régions par les DREAL.

([201]) Audition de M. Alexandre Leonardi, 21 octobre 2020.

([202]) Instruction de la direction générale de la santé DGS/EA n° 2011-406 du 26 octobre 2011 relative aux missions des ARS dans le domaine de la santé environnementale.

([203]) Cette action consiste à connaître la qualité des milieux de vie, évaluer les risques sanitaires, améliorer la sécurité sanitaire des premiers par des dispositifs de sécurisation (par exemple la protection des captages), protéger les populations et les individus en proposant des mesures de réduction des risques et des disparités régionales liées aux facteurs environnementaux. Ces missions de veille se fondent sur la collecte de données environnementales ou sanitaires en lien avec une contamination de l’environnement, sur des évaluations de risques des agences sanitaires et sur la mise en œuvre des consignes de gestion de la DGS. La majeure partie des données de surveillance à la disposition des ARS en santé environnementale proviennent des activités de contrôle sanitaire.

([204]) Cette action consiste à identifier et hiérarchiser les enjeux régionaux et territoriaux, à informer les usagers et gestionnaires d’installations sur les risques et les moyens de les réduire, à inciter et favoriser les choix d’aménagement et d’équipements favorables à la santé, notamment au travers des contrats locaux de santé, à créer des dynamiques de territoire dans le domaine de la santé environnementale avec des acteurs bien identifiés et formés. Ces missions de prévention et d’information doivent prioritairement viser la transmission d’informations au public et l’interprétation des résultats des analyses de contrôle sanitaire. Les ARS intègrent aussi les thématiques de santé environnementale dans le périmètre des contrats locaux de santé, et participent aux politiques interministérielles au niveau régional ou départemental (gestion des eaux, lutte contre l’habitat indigne, la qualité de l’air extérieur et intérieur, élimination des déchets, la sécurité sanitaire de l’alimentation).

([205]) Audition de M. Marc Maisonny, 28 octobre 2020.

([206]) Les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs doivent respecter les principes généraux de la prévention : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui l’est moins, planifier la prévention, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle. Dans le respect de ces principes généraux, les mesures prises par l’employeur comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, l’adaptation des mesures prises pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

([207]) Ici trouve à s’appliquer le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit, à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées.

([208]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([209]) Audition de M. Laurent Vilbœuf, 7 octobre 2020.

([210]) Florence Allot et al., « Retour d’expérience après l’incendie d’un site industriel à Rouen en septembre 2019 : analyse et propositions sur la gestion de crise », rapport n° 2019-114R de l’Inspection générale des affaires sociales et n° 013177-01 du Conseil général de l’environnement et du développement durable, mai 2020.

([211]) Cette démarche porte sur plusieurs déterminants de la santé :

– le logement, avec la réduction de l’exposition aux conditions d’habitat insalubre et aux pollutions intérieures (pollutions chimiques, radon…) ;

– le travail, avec le développement d’une culture de prévention dans les milieux professionnels pour réduire la fréquence et la sévérité des pathologies liées aux conditions de travail ;

– les expositions aux pollutions extérieures et aux substances nocives (pollution de l’air, du sol, de l’eau, substances allergènes, contamination des aliments et risques liés à l’usage des produits toxiques, contaminants de l’alimentation à partir de l’environnement, des modes de production ou d’emballage, dont les perturbateurs endocriniens, effets des pesticides, qu’il s’agisse d’exposition directe ou de la contamination de l’environnement). La SNS fait ici mention du concept d’exposome ;

– les maladies vectorielles.

([212]) Haut Conseil de la santé publique, « Évaluation de la pertinence et de la cohérence du plan national de santé publique », rapport d’évaluation, mars 2019.

([213]) Le Haut Conseil de la santé publique retient une évaluation tout au long de la mise en œuvre du plan (évaluation dite in itinere) dans une logique d’amélioration continue.

([214])  Haut Conseil de la santé publique, « Évaluation in itinere du plan national de santé publique », rapport d’évaluation, septembre 2020.

([215])  Ministère chargé du travail, Plan santé au travail n°3 2016-2020, novembre 2015.

([216]) Pays de la Loire, Plan régional de santé au travail n° 3, 2016-2020, mars 2017.

([217]) Leila Aïchi, sénatrice, « Pollution de l’air : coût de l’inaction », rapport n° 610 (2014-2015), au nom de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, déposé le 8 juillet 2015.

([218]) Audition de M. Gille Pipien, 16 septembre 2020.

([219]) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Centre scientifique et technique du bâtiment, Observatoire de la qualité de l’air intérieur, « Étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur », rapport d’étude, avril 2014.

([220]) Cf. aussi l’annexe III sur l’expertise scientifique et les obligations déontologiques afférentes.

([221]) Réseau des référents à l’intégrité scientifique, « Guide pour le recueil et le traitement des signalements relatifs à l’intégrité scientifique », 27 novembre 2018.

([222]) Conseil français de l’intégrité scientifique, « Vade-mecum pour le traitement des manquements à l’intégrité scientifique, à l’usage des chefs d’établissements », juin 2019.

([223])  Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Synthèse des travaux du Comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts, 2011-2016 », mars 2016.

([224]) Audition du Pr Robert Barouki, 8 octobre 2020.

([225])  « Au-delà de la réponse aux grands défis auxquels nous faisons face, rénover la place de la science dans la société est également un impératif pour l’avenir de notre démocratie. La science est un des socles de notre modèle républicain et cette fonction lui confère les plus grandes responsabilités : elle suppose de porter la plus grande attention à l’exemplarité, l’impartialité et la représentativité de la communauté scientifique ainsi qu’aux questions d’intégrité scientifique et de déontologie, sur lesquelles se noue le pacte de confiance entre la recherche et la société ».

([226]) Article L. 1452-1 du code de la santé publique.

([227]) La notion de lien d’intérêts recouvre les intérêts ou les activités, passés ou présents, d’ordre patrimonial, professionnel, familial de l’expert en relation avec l’objet de l’expertise. Un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle les liens d’intérêts d’un expert sont susceptibles, par leur nature ou leur intensité, de mettre en cause son impartialité ou son indépendance dans l’exercice de sa mission d’expertise, au regard du dossier à traiter.

([228]) Article L. 1452-2 du code de la santé publique.

([229]) L’expertise est définie par la norme AFNOR NF X 50-110 (cf. présentation à l’annexe III).

([230])  Article L. 1451-1 du code de la santé publique.

([231])  Article L. 1451-4 du code de la santé publique.

([232]) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Guide d’analyse des intérêts déclarés », document n° Anses/EXT/0110, février 2020.

([233]) Ces huit rubriques sont : les activités principales rémunérées ou non, les activités exercées à titre secondaire, comme la participation à une instance décisionnelle d’un organisme public ou privé ou les activités de consultant de conseil ou d’expertise, la participation à des travaux scientifiques et études, les autres travaux scientifiques, la rédaction d’articles ou d’interventions dans des congrès, conférences, colloques, réunions publiques diverses ou formations organisées ou soutenues financièrement par des organismes privés, invention ou détention d’un brevet ou d’un produit ou de toute autre forme de propriété intellectuelle non breveté, direction d’activités qui ont bénéficié d’un financement par un organisme à but lucratif, participations financières dans le capital d’une société, proches parents ayant des activités ou des intérêts financiers dans toute structure, fonctions et mandats électifs en cours, autre lien de nature à faire naître des situations de conflits d’intérêts.

([234]) Site www.dpi.sante.gouv.fr.

([235]) Site www.transparence.sante.gouv.fr.

([236]) La fonction de « référent alerte » a été prévue par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et le décret du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique.

([237]) Site www.signalement.social-sante.gouv.fr.

([238]) Site www.alerte-sante-environnement-deontologie.fr.

([239]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([240]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([241]) Audition de Mme Annick Bonneville, 4 novembre 2020.

([242]) Audition de Mme Françoise Jeanson et de Mme Carole Doucet, 29 octobre 2020.

([243]) Audition du Dr Daniel Habold, 28 octobre 2020.

([244]) Audition du Dr Éric Vindimian, 16 septembre 2020.

([245]) Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([246]) Audition de M. Claude Aufort, 30 octobre 2020.

([247]) Audition de M. Jacques Bodreau, 28 octobre 2020.

([248]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([249])  Audition de M. Philippe de Mester, 27 octobre 2020.

([250]) Audition de M. Marc Maisonny, 28 octobre 2020.

([251]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([252]) Audition de Mme Muriel Andrieu-Semmel, 27 octobre 2020.

([253])  Département des Hautes-Alpes : qualité de l’air intérieur ; Grand Avignon : qualité de l’air extérieur ; communauté de communes du golfe de Saint-Tropez Ramatuelle : qualité des eaux de baignade ; Carpentras : gestion des déchets ; Turriers : eau à destination de la consommation humaine ; Miramas : démarche d’urbanisme favorable à la santé en co-construction avec les habitants.

([254])  Site : www.sirse.atlasante.fr.

([255])  Site : www.territoire-environnement-sante.fr.

([256])  Par exemple, Questembert : plan alimentaire de territoire ; agglomération de Lorient : diagnostic local de santé environnementale ; pays d’Iroise : entretien au naturel des bâtiments publics ; Paimpol : qualité de l’eau dans la baie ; Dol en Bretagne : participation citoyenne en santé environnementale ; Plérin zéro phyto dans les espaces publics ; Rosnoën : alimentation saine et durable des élèves et des personnes âgées ; région de Bretagne : boites pédagogiques en santé environnementale pour le conseil régional des jeunes ; communauté de communes Sud Vendée Littoral : zéro pesticide dans les communes du versant du Lay ; agglomération de Saint-Nazaire La Carène : mesures de la qualité de l’air intérieur des établissements recevant du public ; métropole de Bordeaux : état des lieux en santé environnementale ; Canteleu : amélioration de la qualité de l’air intérieur des locaux communaux et des écoles.

([257])  Chamalières : plan de déplacements du personnel municipal pour réduire l’impact de la voiture ; Nantes : incitation à l’usage des transports en commun en cas de pic de pollution au moyen d’un ticket « une heure » valable exceptionnellement pour une journée entière ; Loon-Plage : développement des circuits courts d’approvisionnements pour sa cuisine centrale ; Rennes : développement des circuits courts d’approvisionnement des cantines en échange d’un engagement à ne pas utiliser de pesticides.

([258])  Strasbourg : transformation d’une place espace d’accueil de bus de tourisme en place conviviale dans un réseau de rues privilégiant les déplacements alternatifs, et validation de fiches communes dans le contrat local de santé et le plan de déplacement urbain ; Dunkerque : jardins de quartier conçus et cultivés par les habitants.

([259]) Audition du Pr Robert Bartouki, 8 octobre 2020.

([260])  Rapport annexé au projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2020, p. 80.

([261])  Anses, BRGM, Ifremer, Ineris, Inrae, IRSN, SpF, Université Gustave Eiffel, « Ouverture à la société des établissements publics de recherche, d’expertise et d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux », adoptée en 2008, élargie en 2011, 2015 et 2020, 27 novembre 2020.

([262])  Cette charte comporte l’engagement d’enrichir les travaux menés au travers d’un dialogue renforcé avec la société pour : accompagner les acteurs de la société dans l’acquisition des compétences nécessaires à leur implication et prendre en compte leur contribution dans les processus de recherche, d’expertise et/ou d’évaluation ; mettre en partage les connaissances scientifiques disponibles mais aussi les incertitudes, les ignorances, les questionnements et les controverses ; accroître la transparence des travaux en rendant publics dès que possible leur résultat final et les méthodes mises en œuvre pour les obtenir.

([263]) Comité d’éthique du Centre national de la recherche scientifique, « Les sciences citoyennes », avis n° 2015-31, 25 juin 2015.

([264])  Site : www.infosol.websol.fr.

([265])  Site : www.georisques.gouv.fr.

([266])  Site : www.prevair.org.

([267])  Site : www.data.eaufrance.fr.

([268]) Audition de Mme Anne Serre, 28 octobre 2020.

([269]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, 30 octobre 2020.

([270])  Audition du Dr Pierre Souvet, 18 novembre 2020.

([271])  Ces remarques mettent une nouvelle fois en relief les carences dans la réalisation des documents de planification transversaux, évoquée en deuxième partie de ce rapport. En effet, le premier plan national santé-environnement (PNSE 1) avait fait de cette formation une priorité, sans que ses objectifs en la matière n’aient été atteints. La fiche n° 12, « Formation et information », du PNSE 2 intégrait des actions dans le domaine de la formation professionnelle en santé environnementale pour les professionnels de santé, dans l’enseignement supérieur et technique et dans la formation des jeunes (actions 55 à 57). Plusieurs plans régionaux santé-environnement (PRSE) en font également une action très importante.

([272])  Audition de la Dre France Wallet, 18 novembre 2020.

([273]) Audition de Mme Claire Pitollat, 27 octobre 2020.

([274]) Audition de M. Gilles Pipien, 16 septembre 2020.

([275]) Audition du Dr Pierre Souvet, 18 novembre 2020.

([276]) Audition de Mme Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, 23 septembre 2020.

([277]) Site de l’EHESP, page des formations diplômantes proposées par département santé environnement travail et génie sanitaire.

([278]) Audition de M. Stéphane Mulliez, 28 octobre 2020.

([279]) Page du site du PRSE de Bretagne consacrée aux supports pédagogiques mis à destination du public.

([280]) Notice informative « Obésité » publiée sur site de l’Inserm.

([281]) La Ligue contre l’obésité est engagée dans la formation des professionnels et des publics à l’obésité, et a créé un institut privé de formation dans cet objectif.

([282]) Audition de Mme Mélanie Delozé, 21 octobre 2020.

([283]) Audition de M. Gilles Pipien, 16 septembre 2020.

([284]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, 30 octobre 2020.

([285]) Audition de M. Olivier Toma, 24 septembre 2020.

([286]) Audition de M. Olivier Toma, 24 septembre 2020.

([287]) Audition du Dr Pierre Souvet, 18 novembre 2020.

([288]) Audition de M. Cédric Bourillet, 23 septembre 2020.

([289]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, 30 octobre 2020.

([290]) Audition de M. Christian Zolesi, 24 septembre 2020.

([291]) Audition de Mme Catherine Cecchi, 18 novembre 2020.

([292]) Audition de M. Hervé Charrue, 22 octobre 2020.

([293]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([294]) Audition de M. Dominique Potier, 18 novembre 2020.

([295]) Audition de M. Sébastien Denys, 9 septembre 2020.

([296]) Audition de M. Laurent Vilbœuf, 7 octobre 2020.

([297]) Audition de M. Laurent Vilbœuf, 7 octobre 2020.

([298]) Audition de M. Christian Zolesi, 24 septembre 2020.

([299]) Audition du Dr Fabien Squinazi, 18 novembre 2020.

([300]) Audition du Dr Fabien Squinazi, 18 novembre 2020.

([301]) Audition du Pr Denis Zmirou, 30 septembre 2020.

([302]) Page du site de l’ADEME consacrée au catalogue des labels par catégorie de produits.

([303]) Audition de Mme Mélanie Delozé, 21 octobre 2020.

([304]) Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([305]) https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=581

([306]) Audition du Pr Denis Zmirou, 30 septembre 2020.

([307]) Rapport d’évaluation du troisième plan national santé environnement et préparation de l’élaboration du plan suivant, IGAS, décembre 2018

([308]) Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([309]) Audition de la Dre. Jeanne Garric, 1er octobre 2020.

([310]) Audition du Pr Denis Zmirou, 30 septembre 2020.

([311]) Audition du Pr William Dab, 1er octobre 2020.

([312]) Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([313]) Audition de Mme Annick Bonneville, 4 novembre 2020.

([314]) Audition de Mme Muriel Andrieu-Semmel, 27 octobre 2020.

([315]) Audition de M. Bruno Fabres, 28 octobre 2020.

([316]) Audition de Mme Béatrice Buguet, 16 septembre 2020.

([317]) Audition de M. Laurent Vilbœuf, 7 octobre 2020.

([318]) Audition du Dr Roger Genet, 9 septembre 2020.

([319])  Programme de déploiement du partage de données en cinq niveaux, identifiés par des étoiles. « Cinq étoiles » définit l’étape d’ouverture maximale des données correspondant à la licence ouverte LOV2

([320]) Norme AFNOR NF X 50-110, mai 2003.

[321] Données globales d’épidémiologie des cancers, Institut national du Cancer, 3 juillet 2019

www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Les-chiffres-du-cancer-en-France/Epidemiologie-des-cancers/Donnees-globales#toc-enfants-et-adolescents

[322] 2200 enfants et adolescents diagnostiqués d’un cancer chaque année équivalent à six enfants diagnostiqués par jour (2200 divisé par 365), soit un toutes les quatre heures (24 divisé par 6).

[323] Nathalie Ruaux. Cancer et environnement : Les Cahiers de la Recherche (Santé, Environnement, Travail). 2014.

D’autres chiffres existent selon la définition de l'environnement et la prise en compte des incertitudes : le Centre international de recherche contre le Cancer (CIRC) estime à 5 % les cancers attribuables aux expositions environnementales, l’Institut national de veille sanitaire (INVS) à 10 %.

[324] « Santé reproductive et perturbateurs endocriniens », Santé Publique France, juillet 2018

invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/22-23/pdf/2018_22-23.pdf

[325] « Healthy environment, healthy lives: how the environment influences health and well-being in Europe », EEA Report, 8 septembre 2020

www.eea.europa.eu/publications/healthy-environment-healthy-lives

[326] « Microplastic release from the degradation of polypropylene feeding bottles during infant formula preparation », Nature Food, 19 octobre 2020

www.nature.com/articles/s43016-020-00171-y

[327] « Health costs of air pollution in European cities and the linkage with transport », CE Delft, octobre 2020

cleanair4health.eu/wp-content/uploads/sites/2/2020/10/final-health-costs-of-air-pollution-in-european-cities-and-the-linkage-with-transport-c.pdf

[328] « Première étude en France sur l’estimation du coût de la pollution de l’air intérieur », ANSES, 9 avril 2014

www.anses.fr/fr/content/premi%C3%A8re-%C3%A9tude-en-france-sur-l%E2%80%99estimation-du-co%C3%BBt-de-la-pollution-de-l%E2%80%99air-int%C3%A9rieur

[329] « Estimating Burden and Disease Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union », The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, avril 2015

academic.oup.com/jcem/article/100/4/1245/2815065

[330] Épidémiologie et charge de la démence, Organisation mondiale de la santé, 29 avril 2016

apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/EB139/B139_3-fr.pdf

[331] Déclaration sur l’action pour l’environnement et la santé en Europe, deuxième conférence sur l’environnement et la santé, 1994

www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0016/113326/Helsinki-Declaration-Action-Environment-Health-in-Europe-fr.pdf?ua=1

[332] Loi n°20004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique

www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000787078&categorieLien=id

[333] « Évaluation du troisième Plan national Santé-Environnement et préparation de l’élaboration du plan suivant », rapport établi par Béatrice Buguet-Degletagne, IGAS, décembre 2018

www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-176R_.pdf

[334] « Évaluation du troisième Plan national Santé-Environnement », rapport établi par Gilles Pipien et Éric Vindimian, CGEDD, décembre 2018

cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0010730&reqId=3666d82b-9c05-40a4-a826-f505c5b8f859&pos=2

[335] « Les mesures de stimulation liées au COVID-19 doivent sauver des vies, protéger les moyens de subsistance et sauvegarder la nature pour réduire le risque de futures pandémies », IPBES, 27 avril 2020

ipbes.net/sites/default/files/2020-04/COVID19%20Stimulus%20IPBES%20Guest%20Article_French.pdf

[336] « Un rapport de l’ONU recommande de lier la santé humaine à la santé animale et environnementale afin de prévenir la prochaine pandémie », PNUE, 6 juillet 2020

www.unenvironment.org/fr/actualites-et-recits/communique-de-presse/un-rapport-de-lonu-recommande-de-lier-la-sante-humaine-la

[337] « Évaluation du troisième Plan national Santé-Environnement et préparation de l’élaboration du plan suivant », rapport établi par Béatrice Buguet-Degletagne, IGAS, décembre 2018

www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-176R_.pdf

[338] « Évaluation du troisième Plan national Santé-Environnement », rapport établi par Gilles Pipien et Éric Vindimian, CGEDD, décembre 2018

cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0010730&reqId=3666d82b-9c05-40a4-a826-f505c5b8f859&pos=2

[339] INRAE : Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, qui résulte de la fusion de l’INRA et de l’IRSTEA en janvier 2020 ;

INERIS : Institut national de l'environnement industriel et des risques ;

INRS : Institut national de recherche et de sécurité.

[340] ADEME : Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

[341] DREAL : Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ;

CREAI : Centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptée ;

ASQA : Association de surveillance de la qualité de l'air.

[342] Loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031912641&categorieLien=id

[343] INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale.

[344] AllEnvi compte douze membres fondateurs : le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), la recherche agronomique pour le développement (CIRAD), le Centre national d'études spatiales (CNES), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la Conférence des présidents d'université (CPU), l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), l’Institut national de recherche en agriculture, alimentation et environnement (INRAE), l'Institut de recherche pour le développement (IRD), Météo France, le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et l’Université Gustave Eiffel.

Et quinze membres associés : l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF), l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), la Conférence des grandes écoles (CGE), la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), l'Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM).

[345] « More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas », PLOS ONE, 18 octobre 2017.

journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0185809

[346] Rapport Planète Vivante 2018 : 60% des populations d'animaux sauvages perdues en 40 ans

www.wwf.fr/vous-informer/actualites/rapport-planete-vivante-2018

[347] Rapport Planète Vivante 2020 : Les activités humaines principales responsables du déclin de 68% des populations de vertébrés en moins d’un demi-siècle

www.wwf.fr/vous-informer/actualites/rapport-planete-vivante-2020

[348] « The Sixth Extinction: An Unnatural History », d’Elizabeth Kolbert, Henry Holt and Co., 2014, 336 pages.

[349] « Priorité prévention : rester en bonne santé tout au long de sa vie », Comité interministériel pour la Santé, dossier de presse, 26 mars 2018

www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/03/dossier_de_presse_-_priorite_prevention_rester_en_bonne_sante_tout_au_long_de_sa_vie.pdf

[350] MNHN : Museum national d’histoire naturelle.

[351] Par exemple, les travaux de l’École d’économie de l’Université d’État du Wyoming.

[352] « Covid-19 : les atteintes à la biodiversité ont accéléré l'épidémie », La Tribune 27 mars 2020

www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/covid-19-les-atteintes-a-la-biodiversite-ont-accelere-l-epidemie-843421.html

[353] Plan national Santé environnement, 2004-2008

www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/pnse1-2.pdf

[354] Rapports d’évaluation du PNSE3 à mi-parcours, CGEDD et IGAS.

[355] Rapports d’inspection du PNSE3, et rappelés lors de l’audition de Pierre Souvet, de l’ASEF.

[356] « Developmental effects of endocrine-disrupting chemicals in wildlife and humans », Environmental Health Perspectives, 1er octobre 1993

ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/ehp.93101378

[357] « Décideurs locaux et bien-être des populations : enjeux territoriaux en Auvergne Rhône-Alpes »

ese-ara.org/action/formation-des-elues-la-sante-environnement

[358] Formation des élu.e.s à la santé environnementale

ese-ara.org/action/formation-des-elues-la-sante-environnement

[359] Une liste de tous les organismes agréés de formation des élus :

www.collectivites-locales.gouv.fr/liste-des-organismes-agrees-pour-formation-des-elus-par-departement

[360] Se former à la Santé Environnement, C2DS

www.c2ds.eu/se-former-a-la-sante-environnementale/

[361] Rapport sur l’état de l’environnement en France, octobre 2019.

([362]) Séance du 7 mai 2020 – Audition de Mme Laurence Monnoyer-Smith, conseillère environnement et climat du Président du CNES, de Mme Carole Deniel, experte en sciences atmosphériques et qualité de l'air, CNES et de Monsieur Dominique Robin, Directeur d'AtmoSud.

 

([363])  CJUE, 24 oct. 2019, Commission européenne c/ République française, C-636/18.

([364]) https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2016/impacts-sanitaires-de-la-pollution-de-l-air-en-france-nouvelles-donnees-et-perspectives  

([365])  https://atmo-france.org/les-donnees

([366]) LObservatoire de la qualité de lair intérieur. Bilan et perspectives, rapport conjoint du CGED, de lIGAS et de lIGA établi par M. Patrick Lavarde, Mme Laura Krieps, M. Pierre Lesteven et Mme Marie-Louise Simoni, 2019.

[367] https://www.who.int/quantifying_ehimpacts/publications/PHE-prevention-diseases-infographic-FR.pdf?ua=1

[368] Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Évaluation du troisième plan national santé environnement et préparation de l'élaboration du plan suivant, décembre 2018.

[369] Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Évaluation du troisième plan national santé-environnement, décembre 2018.