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N° 3732

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE,
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

relatif à l’élection du Président de la République (n° 3713)

PAR M. Alain TOURRET

Député

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Voir le numéro : 3713

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-Propos........................................................ 5

Examen des articles

Article 1er (art. 1er bis [nouveau] de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) Décret de convocation des électeurs

Article 2 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) Dématérialisation de la transmission des comptes de campagne à la CNCCFP, vote par correspondance des personnes détenues et autres mesures

Article 3 (art. 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) Actualisation des dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle

Article 4 (art. 8, 13 et 21 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République) Actualisation des dispositions relatives aux listes électorales consulaires pour l’élection du Président de la République

Compte-rendu des débats

Personnes entendues

Annexe I :  contribution de la CNCCFP

Annexe II :  contribution du ministère DE l’intérieur

23 avril 2017


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Mesdames, Messieurs,

« Clef de voûte » de la Ve République ([1]), le Président de la République est élu selon des règles définies par l’article 7 de la Constitution et par la loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Ces dernières déterminent notamment les conditions dans lesquelles se déroulent la campagne électorale et les opérations de vote. Elles garantissent le caractère démocratique de l’élection et la sincérité du scrutin.

Aussi singulière soit cette élection, tant au regard des enjeux de politique nationale qu’elle emporte que de la participation qu’elle suscite, de nombreuses règles communes à l’ensemble des élections lui sont également applicables. La loi organique précitée renvoie, à cette fin, aux articles concernés du code électoral.

Or, si le Conseil constitutionnel, chargé selon les termes de l’article 58 de la Constitution de veiller à « la régularité de l’élection du Président de la République », admet qu’une loi organique puisse renvoyer à des dispositions législatives ordinaires, il requiert que le législateur mentionne expressément la version de ces dispositions qui s’applique. En effet, la modification d’une loi ordinaire ne peut entraîner ipso facto celle d’une loi organique, sauf à contrevenir à la hiérarchie des normes.

Par conséquent, la loi organique du 6 novembre 1962 comprend une disposition « compteur » qui arrête la version des dispositions législatives ordinaires applicables à l’élection présidentielle. En cas de modification de ces dispositions ou d’introduction de dispositions nouvelles, il convient d’actualiser ce compteur et de prévoir, le cas échéant, de nouveaux renvois. C’est l’un des principaux objets du présent projet de loi organique. Ce dernier comprend également des aménagements visant à améliorer les règles encadrant l’élection présidentielle. Il s’agit ainsi d’un texte de « réglage », présenté par le Gouvernement, comme le veut l’usage, un an avant le prochain scrutin présidentiel, pour en assurer le bon déroulement.

L’article 1er fixe à dix semaines au moins avant la date du premier tour de l’élection présidentielle la publication du décret de convocation des électeurs. L’inscription de ce délai dans la loi organique du 6 novembre 1962 garantit aux candidats un temps suffisant pour recueillir leurs parrainages.

L’article 2 poursuit plusieurs objets :

– la transmission par voie électronique des parrainages au Conseil constitutionnel, adoptée par le législateur en 2016 ([2]), est reportée au plus tard au 1er janvier 2027. En effet, la France ne dispose pas, à ce jour, d’outils numériques suffisamment sécurisés pour permettre d’y recourir à l’occasion de la prochaine élection présidentielle ;

– la liste des articles du code électoral applicables à l’élection présidentielle est actualisée pour prendre en compte diverses modifications législatives intervenues depuis la dernière révision de la loi organique du 6 novembre 1962 et effectuer les coordinations nécessaires ;

– la transmission par voie dématérialisée de leur compte de campagne et des reçus-dons par les candidats à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est rendue obligatoire ;

– le vote par procuration des personnes détenues, expérimenté dans le cadre des élections européennes de 2019 et qui devrait s’appliquer lors des prochaines élections régionales et départementales de 2021, est rendu applicable à la prochaine élection présidentielle.

L’article 3 actualise le « compteur » de la loi organique du 6 novembre 1962 en prévoyant que les dispositions législatives ordinaires applicables à l’élection présidentielle sont celles en vigueur à la date de la publication de la présente loi organique. Il garantit également que la « déterritorialisation » des procurations, c’est-à-dire la possibilité pour un mandataire de voter pour un mandant même s’il n’est pas inscrit sur les listes électorales de la même commune, s’appliquera lors du prochain scrutin présidentiel.

Enfin, l’article 4 prévoit des coordinations à la loi organique du 1er janvier 1976 relative aux listes consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, ainsi qu’un assouplissement des règles de remplacement des membres des commissions de contrôle des listes électorales consulaires.

La Commission a adopté ce projet de loi organique, sous réserve de modifications rédactionnelles proposées par le rapporteur.


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Examen des articles

Article 1er
(art. 1er bis [nouveau] de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962
relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel)
Décret de convocation des électeurs

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er du projet de loi prévoit que les électeurs sont convoqués pour l’élection présidentielle par un décret en conseil des ministres pris dix semaines au moins avant la date du premier tour ou, le cas échéant, dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel constatant la vacance de la présidence de la République ou l’empêchement définitif du Président.

L’inscription de ce délai dans la loi organique du 6 novembre 1962 doit notamment garantir aux candidats qu’ils disposeront d’un temps suffisant pour recueillir leurs parrainages.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Aux termes du troisième alinéa de l’article 7 de la Constitution : « L’élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du Président en exercice. » Ce délai s’apprécie, selon l’interprétation communément retenue, à compter de la date du premier tour. Ainsi, le décret de convocation des électeurs pour l’élection présidentielle de 2017 ([3]) a fixé la date du premier tour au dimanche 23 avril 2017 – soit 21 jours avant l’expiration du mandat de M. François Hollande, le 14 mai – et celle du second tour au dimanche 7 mai. Conformément au cinquième alinéa du même article, en cas de vacance de la présidence de la République ou d’empêchement définitif du Président, ce délai contraint s’applique dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel le constatant. ([4])

La publication de ce décret peut être considérée comme « le point de départ » ([5]) de l’élection en ce qu’elle permet :

– l’envoi des formulaires de parrainage par les préfets aux candidats ([6]), le terme de la période de recueil de ces parrainages intervenant le « sixième vendredi précédant le premier tour de scrutin à dix-huit heures » ([7]) ;

– la mise en place de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (CNCCEP) « le lendemain du jour de [sa] publication » ([8]).

Contrairement aux autres élections pour lesquelles la loi fixe un délai minimal de six semaines entre le décret de convocation des électeurs et la tenue du premier tour de scrutin ([9]), aucune disposition ne prévoit un tel délai pour l’élection présidentielle.

Comme le souligne l’étude d’impact du présent article, « cette lacune ne serait pas nécessairement problématique si le décret de convocation […] n’ouvrait pas la période de recueil des parrainages. » En effet, en 2017, la publication de ce décret, intervenue huit semaines avant la date du premier tour, avait été décalée de deux jours du fait d’un report du conseil des ministres faisant suite au déplacement du Premier ministre en Chine. Or, « la variation dans le délai d’envoi ou de réception des parrainages peut avoir des conséquences sur le nombre de candidats bénéficiant dans les délais prévus par la loi du seuil minimal de parrainages requis. »

Par conséquent, afin de sécuriser les opérations qui découlent de la publication de ce décret, le présent article introduit un délai minimal de dix semaines entre la date de sa publication et celle de la tenue du premier tour. En outre, en cas de vacance ou d’empêchement définitif du président en exercice, le décret devra être publié dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel le constatant.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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*     *


Article 2
(art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962
relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel)
Dématérialisation de la transmission des comptes de campagne à la CNCCFP, vote par correspondance des personnes détenues et autres mesures

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article poursuit plusieurs objets :

– la transmission par voie électronique des parrainages au Conseil constitutionnel est reportée au plus tard au 1er janvier 2027 ;

– la transmission dématérialisée des comptes de campagne et des reçus-dons par les candidats à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est rendue obligatoire ;

– la liste des articles du code électoral applicables à l’élection présidentielle est actualisée pour prendre en compte diverses modifications législatives intervenues depuis la dernière révision de la loi organique du 6 novembre 1962 ;

– le vote par procuration des personnes détenues, expérimenté dans le cadre des élections européennes de 2019 et qui devrait s’appliquer lors des prochaines élections régionales et départementales de 2021, est rendu applicable à la prochaine élection présidentielle.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 4 de la loi organique n° 2019-1268 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a procédé à la dernière actualisation des dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article moyennant trois précisions rédactionnelles.

1.   Le report de la transmission dématérialisée des parrainages au Conseil constitutionnel

L’article 2 de la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, issu d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale, prévoit une nouvelle modalité de transmission des parrainages au Conseil constitutionnel, l’envoi électronique s’ajoutant à l’envoi papier, qui demeure possible. Celle-ci doit s’appliquer à la prochaine élection présidentielle de 2022.

Par conséquent, l’article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République prévoit désormais que : « Les présentations des candidats sont rédigées sur des formulaires, revêtues de la signature de leur auteur et adressées au Conseil constitutionnel par leur auteur par voie postale, dans une enveloppe prévue à cet effet, ou par voie électronique. Les formulaires et les enveloppes sont imprimés par les soins de l’administration conformément aux modèles arrêtés par le Conseil constitutionnel. Les modalités de transmission par voie électronique sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Si les modalités de transmission des parrainages par voie postale sont détaillées par le décret du 8 mars 2001 portant application de cette loi ([10]), aucune disposition réglementaire n’a été prise jusqu’à présent pour permettre la mise en œuvre de la transmission dématérialisée. Cette dernière soulève en effet des difficultés techniques.

Comme le soulignait alors le rapporteur de la loi organique du 25 avril 2016, M. Jean-Jacques Urvoas, favorable à la mesure, « le parrainage électronique d’un candidat nécessiterait que l’élu habilité se connecte sur un site internet dédié, sur lequel il s’identifierait selon une procédure sécurisée, en renseignant plusieurs informations nominatives et relatives à son mandat, ainsi que le numéro de son formulaire ([11]). Le cas échéant, pourraient en outre être attribués à chaque élu habilité un identifiant et un mot de passe, qui lui seraient adressés par voie postale dans le même courrier que celui contenant le formulaire imprimé et l’enveloppe. »  ([12]) Le rapporteur soulignait également que la mise en œuvre de ce dispositif nécessite la collaboration entre le Conseil constitutionnel et le ministère de l’Intérieur pour développer les outils informatiques nécessaires (site internet dédié, traitement des parrainages reçus, communication institutionnelle, sécurisation des transmissions, etc.).

L’objectif poursuivi par le législateur était de « conforter l’indépendance des auteurs des présentations, mais aussi faciliter leur traitement et leur contrôle par le Conseil constitutionnel. » ([13])

Dans ses observations sur l’élection présidentielle de 2017, le Conseil constitutionnel a néanmoins exprimé des réserves sur la faisabilité technique de cette réforme : il appelle ainsi le Gouvernement à « n’envisager qu’avec les plus grandes précautions la mise en œuvre de la transmission électronique des présentations [des candidats] » et souligne que « Compte tenu des risques de fraudes informatiques et de l’ampleur de leurs conséquences, cette voie de transmission devra, en tout état de cause, être entourée des garanties nécessaires » ([14]).

La seule solution technique apportant les garanties nécessaires consiste en la mise en place d’une « identité numérique de niveau élevé » ([15]), qui n’est pas encore disponible en France. L’étude d’impact du présent article souligne ainsi que « le retard pris dans le développement de l’identité numérique de niveau élevé rend impossible la sécurisation de la transmission des parrainages à une date compatible avec la prochaine échéance électorale. » On pourra d’ailleurs se reporter aux préconisations formulées à cet effet par Mmes Marietta Karamanli et Christine Hénion et M. Jean‑Michel Mis dans le rapport d’information sur l’identité numérique récemment présenté au nom des commissions des Lois et des Affaires économiques ([16]).

En conséquence, le 1° du présent article reporte la mise en œuvre de la transmission des parrainages par voie électronique au Conseil constitutionnel à une date fixée par décret et, au plus tard, au 1er janvier 2027.

2.   La dématérialisation de la transmission des comptes de campagne et des reçus-dons à la CNCCFP

Conformément à l’article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962, l’obligation de déposer un compte de campagne auprès de la CNCCFP dans les dix semaines qui suivent le résultat de l’élection s’impose à tous les candidats à l’élection présidentielle ([17]). Ce dépôt s’accompagne de celui des « reçus-dons » conservés par l’association de financement ou le mandataire financier pour justifier de chaque don effectué en faveur du candidat ([18]).

À l’issue de son contrôle, la Commission peut approuver, rejeter ou réformer, après procédure contradictoire, le compte présenté par le candidat et arrêter le montant du remboursement forfaitaire auquel il a droit. Elle se prononce dans un délai de six mois suivant le dépôt des comptes. Ce contrôle emporte ainsi des conséquences importantes tant pour les candidats que pour le résultat de l’élection. Il constitue une garantie essentielle au bon déroulement des campagnes électorales et à la sincérité du scrutin.

De manière à en améliorer l’efficacité, la CNCCFP souhaite moderniser les modalités de dépôt des comptes de campagne et des reçus-dons en substituant à l’envoi sous format papier, en vigueur jusqu’à présent, une transmission par voie dématérialisée (3° et 4° du présent article). Cette dernière serait rendue possible par la mise en place de deux téléservices actuellement en cours de développement ([19]).

L’étude d’impact souligne à ce sujet qu’« il aurait pu être envisagé de faire coexister deux modalités de transmission : par voie électronique et par voie papier. Toutefois, le nombre limité de candidats à l’élection présidentielle, les moyens techniques qui sont généralement à leur disposition et le caractère limité de cette obligation laissent à penser que l’obligation de transmission des comptes et de délivrance des reçus-dons par voie dématérialisée ne fait pas peser sur eux une charge excessive. »

Par conséquent, tous les candidats devront déposer leurs comptes de campagne et les reçus-dons sous une forme dématérialisée à compter de la prochaine élection présidentielle. Cette évolution pourrait, par ailleurs, être étendue à l’avenir aux autres élections nationales et locales pour lesquelles cette obligation de dépôt s’applique.

3.   Les dispositions en faveur de la participation des personnes détenues

a.   Une évolution récente du droit en vigueur

Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, les personnes détenues qui, depuis le 1er mars 1994, ne sont plus automatiquement privées de leur droit de vote au moment de leur condamnation, pouvaient s’inscrire dans les conditions de droit commun, soit sur la liste électorale de leur commune d’origine, à condition d’y conserver un domicile, soit sur celle de la commune où était situé l’établissement pénitentiaire, à condition d’y être incarcérées depuis six mois consécutifs, ce qui, dans les faits, constituait une hypothèse minoritaire.

Si elle était régulièrement inscrite sur une liste électorale, la personne détenue pouvait exercer le droit de vote de deux manières :

– en se déplaçant dans son bureau de vote après avoir sollicité et obtenu une permission de sortir, dont l’un des objets est de permettre « l’exercice par le condamné de son droit de vote » ([20]) ;

– en votant par procuration, l’article L. 71 du code électoral ouvrant cette voie aux « personnes placées en détention provisoire et [aux] détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale ».

Toutefois, plusieurs obstacles s’opposaient en pratique à l’exercice du droit de vote par les personnes détenues, prévenues ou condamnées :

– la complexité des démarches administratives à réaliser pour s’inscrire sur une liste électorale, pour une population ne disposant pas toujours des connaissances suffisantes et d’une maîtrise de la lecture et de l’écriture ;

– la difficulté, tout particulièrement dans les maisons d’arrêt suroccupées, de trouver un mandataire de confiance et de faire valider sa procuration par un officier de police judiciaire ou un membre du tribunal d’instance qui accepte de se déplacer en détention ;

– le caractère limitatif des permissions de sortir qui ne peuvent être octroyées qu’aux personnes condamnées à une ou plusieurs peines d’une durée totale n’excédant pas cinq ans ainsi qu’aux personnes condamnées à une ou plusieurs peines d’une durée totale supérieure à cinq ans lorsqu’elles ont exécuté la moitié de leur peine, ce qui exclut les personnes placées en détention provisoire, les longues peines et les personnes soumises à une période de sûreté.

Ainsi, seules 3,9 % des 53 000 personnes détenues titulaires du droit de vote (sur environ 70 000 détenus) l’ont exercé à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012, 1,1 % lors des élections municipales de 2014, 2 % lors de la dernière élection présidentielle et 1 % aux élections législatives de juin 2017. Pour ces deux dernières élections, le nombre des procurations effectuées s’élevait respectivement à 853 et 412 et celui des permissions de sortir accordées à 200 et 113.

Lors de son discours devant l’École nationale d’administration pénitentiaire le 6 mars 2018, le Président de la République a formulé le vœu « que tous les détenus en France puissent exercer le droit de vote » pour les prochaines élections européennes. Dans ce contexte, en application de l’article 87 de la loi du 23 mars 2019, un vote par correspondance sous pli fermé dans les établissements pénitentiaires a été expérimenté à l’occasion des élections européennes de mai 2019. 4 395 personnes détenues ont pu faire usage de cette modalité de vote sur les 5 184 admises à voter. Toutefois, 3 980 détenus n’ont pas pu voter par correspondance faute d’être inscrits sur les listes électorales.

La participation des dÉtenus aux Élections

 

Vote par procuration

Permissions de sortir

Vote par correspondance

Total

Taux de participation

Élection présidentielle (2017)

853

200

 

1 053

2 %

Élections législatives (2017)

412

113

 

525

1 %

Élections européennes (2019)

110

55

4 395

4 560

8 %

Source : Étude d’impact annexée au projet de loi organique.

Les résultats positifs de cette expérimentation ont conduit le Gouvernement à proposer un nouveau dispositif pérenne prévoyant des modalités spécifiques de vote pour les personnes détenues. Introduit dans le code électoral par l’article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, ce dernier prévoit :

– l’inscription sur les listes électorales des personnes détenues au moment de leur incarcération en leur permettant de choisir parmi plusieurs communes de rattachement (à savoir leur commune de naissance, la commune dans laquelle sont inscrits certains de leurs proches, etc.) et de voter soit à l’urne, soit par procuration ;

– la possibilité de recourir au vote par correspondance dans les conditions prévues par un récent décret ([21]). Dans ce cas, les personnes détenues sont inscrites dans le bureau de vote de la commune chef-lieu du département de détention ou la collectivité sur le territoire de laquelle se trouve l’établissement pénitentiaire qui comporte le plus d’électeurs ([22]).

Ces dispositions s’appliqueront pour la première fois aux prochaines élections régionales et départementales qui devraient se tenir, en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique actuelle, au plus tard en juin 2021 ([23]).

b.   L’application de ces dispositions à l’élection présidentielle

Les règles d’inscription spécifiques des personnes détenues sur la liste électorale de la commune avec laquelle ils entretiennent un lien direct ou indirect pourront s’appliquer à l’élection présidentielle par le renvoi, à l’article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 modifié par le présent article, à l’ensemble de la section du code électoral relative aux conditions d’inscription sur une liste électorale qui prévoient ces nouvelles dispositions ([24]).

Il est toutefois nécessaire de prévoir une telle coordination pour permettre à ces personnes de participer par correspondance à l’élection présidentielle. Cette élection reposant sur une circonscription nationale unique, comme les élections européennes, le 5° du présent article reprend les dispositions mises en œuvre à l’occasion des élections européennes de mai 2019.

Selon l’étude d’impact, « le choix de voter par correspondance est recueilli dans un délai précisé par décret pour être transmis à l’INSEE, qui porte ensuite une mention spécifique sur la liste électorale de la commune d’inscription de la personne détenue, dans le REU [répertoire électoral unique], précisant que l’électeur " ne vote pas dans la commune ". Cette mention évite un double vote (par correspondance et à l’urne ou par procuration). Sur la base des informations transmises par l’INSEE, une commission de contrôle en charge de la régularité et de la sincérité du vote par correspondance en détention dresse la liste des électeurs admis à voter par correspondance et centralise leur vote au sein d’un bureau de vote unique. » Ces modalités seraient précisées par un décret en Conseil d’État.

Par ailleurs, la liste des personnes admises à voter par correspondance ne serait pas communicable. Ces dernières ne pourraient alors plus voter à l’urne ou par correspondance sauf si leur détention prend fin avant la date du scrutin. Dans ce cas, l’administration pénitentiaire en informerait leur commune d’inscription pour leur permettre de voter dans les conditions de droit commun, conformément à la recommandation formulée par le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi organique ([25]).

Cette solution a pour avantage de permettre à toutes les personnes détenues, quel que soit le bureau de vote où elles sont inscrites, de participer à l’élection présidentielle dans des conditions garantissant la sincérité du scrutin et assurant, en particulier, le secret du vote, le consentement de l’électeur, l’obligation d’inscription préalable sur les listes électorales et la prévention des fraudes.

4.   L’actualisation des dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle

Le code électoral contient de nombreuses règles communes à l’ensemble des élections qui complètent les dispositions spécifiques relatives à l’élection présidentielle prévues par la loi organique du 6 novembre 1962.

Le 1er alinéa du II de l’article 3 de cette dernière prévoit donc une « grille de lecture » de ces dispositions communes, qui consiste en leur énumération. De manière à tirer les conséquences des modifications intervenues dans le code électoral depuis la dernière révision de cet article, il convient d’actualiser cette grille.

C’est l’objet du 2° du présent article qui prévoit quatre modifications mineures. Sur le fond :

– il rend applicable à l’élection présidentielle l’article L. 47 A du code électoral, introduit par la loi du 27 décembre 2019 précitée, dont l’objet est de fixer les dates des campagnes électorales. Pour mémoire, cette disposition était auparavant de nature réglementaire ([26]) ;

– le renvoi à l’article L. 453 du même code est supprimé. En effet, cet article prévoyait des dispositions spécifiques pour la détermination des plafonds de dépenses électorales à Mayotte. Or, ces dernières ne trouvent pas à s’appliquer dans le cadre de l’élection présidentielle, ce qui rend inutile le renvoi à cet article.

Sur la forme :

– l’énumération est simplifiée ;

– le renvoi à l’article L. 200 du code électoral relatif à l’élection des conseillers départementaux est remplacé par le renvoi à une disposition organique plus adaptée, à savoir l’article L.O. 130 relatif à l’élection des députés. Ces deux articles du code électoral visent à rendre les personnes soumises à un régime de tutelle ou de curatelle inéligibles.

La Commission a adopté cet article moyennant trois modifications rédactionnelles proposées par le rapporteur.

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*     *

Article 3
(art. 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962
relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel)
Actualisation des dispositions du code électoral
applicables à l’élection présidentielle

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article actualise le renvoi aux dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle prévu par l’article 4 de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 4 de la loi organique n° 2019-1268 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a procédé à la dernière actualisation « du compteur » de l’article 4 de la loi organique du 6 novembre 1962.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sous réserve d’une précision rédactionnelle.

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La loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République renvoie à de nombreuses dispositions du code électoral applicables à l’ensemble des élections portant notamment sur les opérations de vote et le déroulement des campagnes électorales.

Si le Conseil constitutionnel admet qu’une loi organique fasse référence à une loi ordinaire, il précise toutefois que les dispositions concernées sont rendues applicables « dans leur rédaction en vigueur à la date de l’adoption définitive de la loi organique » ([27]). En cas de modification de la loi ordinaire, le législateur doit actualiser la loi organique s’il souhaite que les dispositions introduites puissent s’appliquer.

C’est l’objet du présent article qui actualise le « compteur » de l’article 4 de la loi organique du 6 novembre 1962 en précisant que les dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle le sont dans leur version en vigueur à la date de la publication de la présente loi organique.

Conformément à l’avis du Conseil d’État ([28]), une exception est toutefois prévue pour l’article 72 du code électoral relatif à la déterritorialisation des procurations qui est applicable dans sa rédaction résultant de l’article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ([29]). En effet, cet article prévoit que la déterritorialisation entrera en vigueur de manière différée au 1er janvier 2022, soit postérieurement à la publication de la présente loi organique. Cette disposition s’appliquera ainsi au prochain scrutin présidentiel.

La Commission a adopté cet article sous réserve d’une précision rédactionnelle proposée par le rapporteur.

*

*     *

Article 4
(art. 8, 13 et 21 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France
pour l’élection du Président de la République)
Actualisation des dispositions relatives aux listes électorales consulaires
pour l’élection du Président de la République

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article actualise le renvoi aux dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle prévu par l’article 21 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République. Par ailleurs, il assouplit les conditions de renouvellement des membres des commissions de contrôle des listes électorales consulaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 4 de la loi organique n° 2019-1268 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a procédé à la précédente actualisation de l’article 21 précité.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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La loi du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République prévoit des dispositions spécifiques à la participation de ces électeurs ainsi qu’un renvoi aux dispositions du code électoral communes à toutes les élections. Ce « compteur » doit nécessairement être actualisé à chaque modification de la loi ordinaire pour que les dispositions concernées puissent s’appliquer ([30]).

Or, deux modifications du code électoral sont intervenues depuis la dernière révision de ce compteur :

– l’article 111 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a confié la présidence des conseils consulaires, auparavant assurée par l’ambassadeur ou le consul général, à un conseiller élu des Français de l’étranger ([31]) ;

– l’article 112 de la même loi a supprimé la nécessité pour les électeurs qui souhaitaient voter par procuration d’attester sur l’honneur de leur impossibilité de voter à l’urne.

Le présent article tire les conséquences de ces modifications en opérant les coordinations suivantes :

– conformément à l’article 8 de la loi du 31 janvier 1976, les commissions de contrôle des listes électorales consulaires comprennent notamment le conseiller des Français de l’étranger vice-président du conseil consulaire, devenu président de ce conseil dans le cadre de la réforme précitée. Pour maintenir inchangée cette composition, il est donc proposé de remplacer, dans les dispositions concernées, le terme de « vice-président » par celui de « président » (a du 1°) ;

– l’attestation sur l’honneur de l’impossibilité de se rendre aux urnes pour bénéficier de la possibilité de voter par procuration est supprimée () ;

– la rédaction de l’article 21 est actualisée de manière à prévoir que les dispositions du code électoral auxquelles renvoie la loi organique du 31 janvier 1976 sont applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de la publication de la présente loi, à l’exception de la déterritorialisation des procurations ([32]) ().

Par ailleurs, cet article propose d’assouplir les conditions de renouvellement des membres des commissions de contrôle des listes électorales consulaires.

Actuellement, l’article 8 précité prévoit que ces commissions sont composées, en plus du vice-président du conseil consulaire, de deux membres titulaires et deux membres suppléants désignés par l’Assemblée des Français de l’étranger, après chaque renouvellement, parmi les électeurs de la circonscription consulaire et après avis des conseillers des Français de l’étranger de la circonscription électorale. Pour délibérer valablement, leurs décisions doivent être prises par le vice-président et deux de ces membres. Par conséquent, en cas d’empêchement ou de décès de l’un ou l’autre des titulaires, les membres suppléants les remplacent dans l’ordre de leur désignation. Il est également précisé que « le mandat de membre titulaire n’est pas immédiatement renouvelable. »

Alors que la mobilité des français de l’étranger nécessite régulièrement de revoir la composition de leurs instances, ces dispositions doivent être assouplies.

Comme le souligne l’étude d’impact du présent article, « l’expérience de presque deux ans de gestion des listes électorales consulaires par les commissions de contrôle montre que, dans les faits, l’Assemblée des Français de l’étranger doit pouvoir autant que de besoin procéder au remplacement de postes vacants. De plus, de nombreux cas de démissions ont été recensés, en lien essentiellement avec la mobilité propre aux Français établis hors de France. […] Les suppléants doivent pouvoir être désignés dès qu’une vacance est constatée, afin de minimiser le risque que le quorum ne soit pas atteint lors de la réunion suivante de la commission de contrôle. »

Le b du 1° prévoit ainsi que la nomination de nouveaux membres des commissions de contrôle puisse intervenir à tout moment « dès que le nombre de sièges vacants ne permet plus de réunir le quorum ». Par ailleurs, il est proposé d’élargir les situations pouvant donner lieu à la nomination d’un nouveau membre en substituant aux cas de « décès » l’ensemble des situations conduisant à une « cessation de mandat ».

La Commission a adopté cet article sans modification.

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   Compte-rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 13 janvier 2021, la Commission examine le projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République (n° 3713) (M. Alain Tourret, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10129952_5ffeadc76c5d0.commission-des-lois--projet-de-loi-organique-relatif-a-l-election-du-president-de-la-republique-13-janvier-2021

M. Alain Tourret, rapporteur. Ce n’est pas sans une certaine émotion que je prends la parole pour la première fois cette année. J’aurai une pensée pour mon ami Patrick Devedjian, qui avait été élu en même temps que moi en 1997 et qui a été victime du virus, ainsi que pour mon ami Claude Goasguen, mort lui aussi cette année : nous étions de la même génération et avions eu des carrières politiques parallèles – nous avons été élus députés et avons siégé ensemble à la commission des Lois. C’étaient deux hommes remarquables, et leur départ est pour moi, vous le comprendrez, cause d’une grande tristesse – d’autant que, bien sûr, je me rappelle à cette occasion la disparition de mon ami Michel Crépeau, mort dans mes bras en 1999 alors qu’il était en train d’interroger le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

J’en viens à présent au projet de loi dont nous sommes saisis.

Chaque élection présidentielle, sous la Ve République, a marqué notre histoire républicaine. Cela s’explique par le rôle joué par le Président de la République, qualifié par Michel Debré de clé de voûte de nos institutions, et par l’organisation, à compter de 1965, d’un scrutin au suffrage universel garantissant le lien direct entre les électeurs et le chef de l’État.

L’importance de cette élection se traduit par le niveau des normes qui en arrêtent les modalités. Les principales règles relatives à l’élection présidentielle sont fixées par l’article 7 de la Constitution ainsi que par la loi organique du 6 novembre 1962.

Toutefois, aussi singulière soit cette élection, eu égard tant aux enjeux de politique nationale qu’elle emporte qu’à la participation qu’elle suscite, de nombreuses règles communes à l’ensemble des élections lui sont applicables. La loi organique renvoie ainsi aux articles du code électoral qui déterminent les conditions dans lesquelles se déroulent la campagne électorale et les opérations de vote. Or, si le Conseil constitutionnel admet qu’une loi organique puisse renvoyer à des dispositions législatives ordinaires, il requiert que le législateur mentionne expressément la version de ces dispositions qui s’applique. En effet, la modification d’une loi ordinaire ne peut entraîner d’elle-même celle d’une loi organique, à moins de contrevenir au principe sacré de la hiérarchie des normes.

C’est la raison pour laquelle la loi organique du 6 novembre 1962 comprend une disposition « compteur » qui arrête la version des dispositions législatives ordinaires applicable à l’élection présidentielle. En cas de modification de ces dispositions ou d’introduction de dispositions nouvelles, il convient d’actualiser ledit compteur et de prévoir, le cas échéant, de nouveaux renvois.

C’est l’un des principaux objets du présent projet de loi organique. Ce dernier prévoit également des aménagements, relativement modestes, recommandés par le Conseil constitutionnel et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Il s’agit, par conséquent, d’un texte technique, de « réglage », présenté par le Gouvernement, comme le veut l’usage, un an avant le prochain scrutin présidentiel, pour en assurer le bon déroulement, et non de revenir sur les grands équilibres de l’élection présidentielle.

Le projet de loi organique soumis à notre examen comprend quatre articles.

L’article 1er fixe la publication du décret de convocation des électeurs à dix semaines avant la date du premier tour de l’élection présidentielle. Ce délai doit garantir aux candidats un temps suffisant pour recueillir les parrainages nécessaires – dispositif qui a subi plusieurs modifications – et éviter que cette publication ne soit soumise aux aléas du calendrier de l’activité gouvernementale.

L’article 2 poursuit plusieurs objets. Premièrement, il reporte au 1er janvier 2027 au plus tard la mise en œuvre du dispositif de transmission par voie électronique des parrainages au Conseil constitutionnel, adopté par le législateur en 2016. En effet, la France ne dispose pas, à ce jour, d’outils numériques suffisamment sécurisés pour que l’on puisse y recourir à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. Afin d’éviter tout risque de fraude, le Conseil constitutionnel a donc recommandé de reporter l’application de cette réforme. Rappelons-le avec force, ce qui l’emporte sur toute autre considération, y compris technique, c’est la sincérité du scrutin.

Deuxièmement, la liste des articles du code électoral applicables à l’élection présidentielle est actualisée pour tenir compte de diverses modifications législatives intervenues depuis la dernière révision de la loi organique du 6 novembre 1962 et effectuer les coordinations nécessaires.

Troisièmement, afin de faciliter les contrôles, la transmission par voie dématérialisée des comptes de campagne et des reçus-dons par les candidats à la Commission nationale des comptes de campagne est rendue obligatoire.

Quatrièmement, enfin, le vote par procuration des personnes détenues, expérimenté dans le cadre des élections européennes de 2019 et qui devrait s’appliquer lors des élections régionales et départementales de 2021, est également rendu applicable à la prochaine élection présidentielle.

L’article 3 actualise le « compteur » de la loi organique du 6 novembre 1962 en prévoyant que les dispositions législatives ordinaires applicables à l’élection présidentielle sont celles en vigueur à la date de la publication de la présente loi organique. Il garantit également que la déterritorialisation des procurations, c’est-à-dire la possibilité pour un mandataire de voter pour un mandant même s’il n’est pas inscrit sur les listes électorales de la commune de ce dernier, s’appliquera lors du prochain scrutin présidentiel. Tous ceux qui ont exercé la fonction de maire savent combien cette disposition est importante.

Enfin, l’article 4 prévoit des mesures de coordination avec la loi organique du 1er janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, ainsi qu’un assouplissement des règles de remplacement des membres des commissions de contrôle des listes électorales consulaires.

J’ai déposé quelques amendements de coordination ou de précision rédactionnelle qui ne modifient en rien ces dispositions sur le fond. Il me semble que, pour un tel scrutin, la prudence s’impose. Nous sommes dans le « viseur » du corps électoral et devons tout faire pour qu’aucune disposition technique ne puisse être considérée comme une atteinte à la sincérité du scrutin – ce que nous avons connu dans un passé pas si lointain. Nous ne devons modifier les règles applicables que pour effectuer les coordinations nécessaires, ce qui ne nous empêche pas, si nous le souhaitons, de mener un travail plus approfondi, par exemple dans le cadre d’une mission parlementaire, sur d’autres sujets. Ainsi, l’évolution du système des parrainages depuis l’époque du général de Gaulle mériterait une discussion de fond, notamment concernant le nombre de parrains nécessaires et leur qualité, à titre professionnel ou d’élu. De même, s’agissant du financement des campagnes, j’ai demandé qu’une réflexion soit engagée sur les conséquences d’un dépassement frauduleux des sommes allouées aux candidats. Doit-il y avoir une inéligibilité de droit, à titre principal, à titre secondaire ou rien du tout ? On voit les problèmes complexes que cela soulève. Il y aurait là – entre autres sujets importants – matière à une mission parlementaire. Mais ces sujets ne sont, en tout état de cause, pas abordés par le projet de loi soumis à notre examen.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Dans la discussion générale, la parole est désormais aux représentants des groupes.

Mme Catherine Kamowski. Comme le rapporteur vient de l’indiquer, les projets de loi organique de cette nature sont récurrents : il s’agit de procéder avant chaque élection présidentielle aux coordinations législatives indispensables et à des aménagements techniques nécessaires ou bienvenus en actualisant les dispositions de la loi organique du 6 novembre 1962 – le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs émis des préconisations après l’élection de 2017. Ainsi, la fixation à dix semaines au moins avant la date du premier tour du scrutin de la publication du décret de convocation des électeurs nous semble une excellente initiative. On regrettera toutefois le report de l’entrée en vigueur du dispositif de transmission électronique des parrainages. Mais si nous ne disposons pas d’une solution technique fiable, il est préférable de surseoir à cette faculté, même s’il convient que nous nous préoccupions du bon aboutissement de ce chantier démocratique.

Nous y sommes parvenus pour ce qui concerne la dématérialisation des comptes de campagne ; c’est une bonne chose. De manière générale, je considère, à titre personnel, qu’il est nécessaire que nous facilitions le vote par procuration ou d’autres modalités de vote permettant aux Français, qui sont de bonne foi et de bonne volonté, d’exprimer leur choix démocratique quelles que soient les circonstances générales ou personnelles – mais nous y reviendrons dans le cours de la discussion.

Autre avancée notable, nous n’avons pas oublié de prévoir dans la loi organique les dispositions concernant le vote des détenus, que nous avions adoptées dans le cadre de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Nous nous en félicitons, car la réinsertion sociale passe aussi par l’exercice de la citoyenneté à travers le vote.

En conclusion, le groupe La République en marche estime que ce texte démontre l’adaptabilité de nos lois dans le cadre de la Constitution de la Ve République et permet d’assurer la bonne tenue d’un des moments les plus importants de notre vie démocratique : l’élection au suffrage universel direct du Président de la République. Nous le voterons donc.

M. Arnaud Viala. Vous l’avez dit dans votre propos introductif, monsieur le rapporteur, il s’agit là d’un texte de « réglage » des modalités de l’élection du Président de la République ; à ce titre, nous ne pouvons que l’approuver.

Les mesures inscrites dans ses quatre articles concernent le délai de convocation des électeurs, le report de la date d’entrée en vigueur du dispositif de transmission électronique des parrainages des candidats, l’actualisation des références aux articles du code électoral et l’obligation pour les candidats de déposer leurs comptes de campagne par voie électronique.

Sur le fond, je ne ferai qu’une remarque – qui rejoint d’ailleurs celle de notre collègue Catherine Kamowski. S’agissant d’un dispositif qui a déjà cinq ans d’âge, puisqu’il est prévu depuis 2016, on aurait dû tout mettre en œuvre pour rendre effective en 2022 la transmission électronique des parrainages. Force est de constater que cela n’a pas été le cas. Nous devrions nous interroger sur la manière dont on met en œuvre les outils en conformité avec les lois que nous adoptons.

Quant à la forme, il me semble que, dans le contexte actuel, l’intitulé de ce texte a de quoi intriguer. J’ai ainsi reçu dans ma permanence parlementaire, la semaine dernière, des personnes qui ne comprenaient pas ce que signifiait cette modification des dispositions relatives à l’élection présidentielle. Il me semble que le rôle de notre Commission est aussi de faire comprendre à nos concitoyens qu’il s’agit d’un texte purement technique et que personne n’est en train de tripatouiller la démocratie. C’est d’autant plus important que cela risque d’entrer en résonance avec le débat sur la tenue des scrutins départementaux et régionaux. À titre personnel, je ne comprendrais pas qu’on envisage de les reporter au-delà du mois de juin. Certes, il y a une crise sanitaire, mais nous devons apprendre à vivre dans un contexte dégradé par la pandémie sans sacrifier pour autant le fonctionnement démocratique de notre pays. Il serait, par conséquent, important de corriger le tir et de revoir l’intitulé du texte.

Je suis également étonné par le moment choisi pour l’examen de ce projet de loi organique. Est-ce l’empilement des textes qui exige que nous y procédions dès ce matin, alors que nous ne serons saisis que ce soir du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire que nous examinerons demain et dont la discussion en séance publique est prévue la semaine prochaine, ce qui est très précipité ? Il nous reste pourtant dix-huit mois avant l’élection présidentielle ! Drôle de manière d’indiquer vos priorités aux Français… Peut-être serait-il bon de clarifier les choses.

Nonobstant ces remarques, le groupe Les Républicains votera, bien évidemment, en faveur de ces dispositions.

Mme Blandine Brocard. Je formule à tous mes meilleurs vœux pour l’année à venir ; qu’elle soit synonyme d’espoir et de confiance !

Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République. Je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur pour la présentation très claire qu’il en a faite. Il s’agit d’adapter la loi organique à notre code électoral afin de tenir compte de toutes les évolutions législatives récentes.

Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés salue la volonté du Gouvernement de sécuriser, à l’article 1er, les opérations qui découlent de la publication du décret de convocation des électeurs pour l’élection présidentielle, avec l’introduction d’un délai minimal de dix semaines entre la date de publication et celle de la tenue du premier tour du scrutin. Plus que jamais, il importe d’assurer le bon déroulement des opérations électorales dans un climat conjuguant efficacité et sérénité.

Je voudrais revenir sur quelques points qui nous apparaissent cruciaux, en dépit de l’aspect très technique de ce texte – un texte de « réglage », avez-vous dit, monsieur le rapporteur.

La dématérialisation de la transmission des comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une très bonne disposition, qui va dans le sens des mesures défendues par notre groupe en matière électorale, dont nous aurons l’occasion de parler lors de l’examen d’un prochain texte.

Quant au vote par correspondance, le Président de la République avait clairement affiché sa volonté, que nous partageons largement, que tous les détenus puissent exercer leur droit de vote. Les résultats positifs de l’expérimentation menée dans plusieurs centres pénitentiaires confirment le bien-fondé d’une mesure que notre groupe soutient depuis longtemps. Peut-être devrions-nous envisager l’extension du vote par correspondance à l’ensemble de nos concitoyens.

Je regrette, en revanche, que nous n’ayons pas encore réussi à surmonter les difficultés techniques pour assurer la transmission dématérialisée des parrainages. L’entrée en vigueur de cette disposition de la loi organique du 25 avril 2016 est reportée au 1er janvier 2027. Espérons que, dans six ans, nous serons prêts.

Ce projet de loi organique nous invite aussi à réfléchir. L’année que nous venons de vivre fut pour le moins particulière. La crise sanitaire a bouleversé l’élection des conseillers municipaux, intercommunaux et métropolitains ; nous espérons qu’elle ne bouleversera pas autant les élections à venir, en particulier l’élection présidentielle. Néanmoins, nous savons déjà que la période électorale en subira les effets et que la campagne ne pourra pas se dérouler dans les conditions habituelles. L’examen du présent texte est donc l’occasion de s’interroger sur les conditions dans lesquelles se déroulera ce scrutin si important pour nos concitoyens, ainsi que sur les évolutions que nous pourrions envisager afin d’inciter les Français, toujours trop nombreux à s’abstenir, à faire entendre leur voix, quoi qu’elle exprime, lors des prochaines élections – autant de sujets chers au groupe MoDem et démocrates apparentés, qui propose plusieurs pistes pour faciliter le vote. Je me félicite donc de la déterritorialisation des procurations, qui permettra à chacun de trouver un concitoyen pour porter sa voix, où qu’il réside sur le territoire national. La participation de nos concitoyens aux élections est une composante essentielle de notre démocratie ; elle doit sous-tendre et guider ce texte.

Le groupe MoDem et démocrates apparentés votera, bien évidemment, en faveur du projet de loi organique.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit d’un texte assez technique, que nous sommes tenus d’adopter, cela a été rappelé, pour actualiser la loi organique de 1962, qui encadre l’élection du Président de la République et rend applicable à ce scrutin certaines dispositions du code électoral. Il est en effet nécessaire, avant chaque élection présidentielle, de mettre à jour les renvois au code électoral dans la loi organique afin de tenir compte de toutes les évolutions législatives intervenues en matière électorale depuis le précédent scrutin.

Le présent projet de loi organique fixe, entre autres mesures, une date limite pour la publication du décret de convocation des électeurs, qui devra intervenir au moins dix semaines avant le scrutin. À la différence des autres élections, la date de publication du décret de convocation pour l’élection présidentielle n’est aujourd’hui fixée par aucun texte, alors que cette publication déclenche la procédure de recueil des parrainages. L’inscription de cette disposition dans la loi organique est de nature à sécuriser cette opération.

Le texte traite aussi de certains aspects financiers de la campagne électorale. La dématérialisation de la transmission des comptes de campagne est une avancée importante, que nous saluons. La date d’ouverture des comptes de campagne pour la présidentielle 2022 est, en outre, reportée. Je rappelle que, d’ordinaire, les comptes sont ouverts un an avant le scrutin – en l’espèce, ils devraient l’être en avril 2021. Le problème, c’est que les élections régionales et départementales vont être reportées de mars à juin 2021 en raison de l’épidémie de covid-19 ; or les comptes de campagne de ces scrutins locaux sont ouverts depuis le 1er septembre et le Gouvernement craint un chevauchement des comptes de campagne. Pourtant, le Conseil d’État estime dans son avis que « la superposition des périodes de contrôle afférentes à des campagnes électorales distinctes est habituelle, du fait notamment de la proximité entre l’élection présidentielle et les élections législatives ». Il est, en outre, à noter que le report de l’ouverture des comptes de campagne pour la présidentielle permettra au président sortant d’effectuer des dépenses sans qu’elles soient incorporées dans ceux-ci.

Le projet de loi organique consacre le vote par correspondance pour les personnes détenues. Nous sommes favorables à cette disposition. Nous regrettons néanmoins que, vu la situation sanitaire et l’importance de l’abstention, on ne saisisse pas cette occasion pour étudier la possibilité d’un vote par correspondance pour différents types de scrutin.

Enfin, s’agissant des parrainages, je rappelle que la commission présidée par Lionel Jospin avait, en 2012, proposé d’introduire un parrainage citoyen des candidats à la présidentielle. La question reste pendante – il y a des arguments pour, d’autres contre –, et nous considérons que l’examen de ce projet de loi organique aurait pu être l’occasion d’en débattre ; peut-être le ferons-nous dans l’hémicycle.

Cela dit, il s’agit d’un texte technique nécessaire et le groupe Socialistes et apparentés le votera.

M. Christophe Euzet. Je vous présente à mon tour, à titre personnel et au nom du groupe Agir ensemble, mes meilleurs vœux pour l’année 2021. J’ai été très sensible aux propos du rapporteur sur l’impérieuse nécessité de garantir la sincérité des scrutins en général et, tout particulièrement, celui de l’élection présidentielle. Cela nous invite à être totalement irréprochables, à faire preuve d’un sens des responsabilités aigu et, bien évidemment, à veiller à la parfaite lisibilité de nos décisions, afin que nos concitoyens comprennent les procédures électorales auxquelles ils sont invités à participer.

Le présent projet de loi organique, cela a été dit, est rendu nécessaire par le principe même de la hiérarchie des normes. Il s’agit d’un texte technique, d’un texte de « réglage », qui vise deux objectifs : d’une part, actualiser les renvois au code électoral ; d’autre part, adapter ou améliorer certaines règles encadrant l’élection présidentielle. Quoique technique, c’est un texte qui comporte un certain nombre d’apports substantiels, comme l’obligation de publier dix semaines au moins avant la date du premier tour de scrutin le décret de convocation des électeurs pour l’élection présidentielle, les dispositions relatives à l’édition électronique des reçus-dons, la dématérialisation du dépôt des comptes de campagne ou encore la déterritorialisation des procurations.

Je précise que nous ne sommes pas opposés, au groupe Agir ensemble, à un débat sur la question des parrainages.

Le respect de l’usage selon lequel on présente un tel texte un an au moins avant l’élection présidentielle est, en outre, à saluer.

On regrettera cependant que l’entrée en vigueur du parrainage par voie électronique ait été reportée à 2027. J’abonderai dans le sens de Blandine Brocard, il convient que nous soyons prêts pour la prochaine échéance, en 2027.

En tout état de cause, le groupe Agir ensemble votera en faveur de ce texte.

M. Pascal Brindeau. Le groupe UDI et indépendants a peu de remarques à formuler sur ce projet de loi essentiellement technique qui aura évidemment son soutien.

Comme d’autres avant moi, je me réjouis de la déterritorialisation des procurations, que nous proposions régulièrement – nous sommes même favorables à la possibilité pour chaque mandataire de détenir deux procurations –, et je regrette le report à 2027 au plus tard de la dématérialisation des parrainages faute d’avoir pu assurer la numérisation sécurisée des identités des parrains. Sur ce dernier point, nous espérons que ce qui n’a pu être fait au cours des cinq dernières années le sera au cours des cinq prochaines, mais nous nous interrogeons sur les difficultés techniques qui ont été mises en avant.

De même, lors de chaque débat budgétaire, nous proposons que l’on puisse donner procuration en ligne au lieu de devoir le faire physiquement au tribunal, dans un commissariat de police ou dans les locaux d’une gendarmerie : cela permettrait à l’État d’économiser jusqu’à 47 millions d’euros.

Dans une situation sanitaire toujours imprévisible, des incertitudes pèsent sur les prochaines échéances électorales. Nous débattrons bientôt du projet de loi fixant la date des élections départementales et régionales ; pas plus qu’Arnaud Viala, je ne comprendrais que l’on envisage de reporter celles-ci après l’élection présidentielle. Les États-Unis, une grande démocratie où la situation sanitaire est encore plus grave qu’en France, ont bien été capables d’organiser leur élection présidentielle dans des conditions normales – je ne parle pas de son résultat, ni de ses suites.

Enfin, nous souhaitons que soit de nouveau débattue la création d’une banque publique de financement de la vie politique, qui pourrait être liée à la Caisse des dépôts et consignations, idée proposée en 2017 dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la confiance dans la vie politique, mais écartée. Cela permettrait d’éviter que des candidats ne rencontrent des difficultés pour ouvrir un compte ou contracter un emprunt, comme cela a malheureusement été le cas lors des élections européennes, voire municipales.

M. Bastien Lachaud. L’élection présidentielle est la clé de voûte de notre système institutionnel. Depuis les différentes révisions de la Constitution – élection au suffrage universel direct, instauration du quinquennat, inversion du calendrier électoral –, ce scrutin est devenu la seule véritable décision politique dans notre pays. Il a pris beaucoup trop de place dans notre démocratie, reléguant les élections intermédiaires au rang de pseudo-référendums pour ou contre le Président. Les pouvoirs et le rôle de ce dernier ont à ce point enflé que nous avons affaire à un véritable monarque républicain, dont la seule véritable différence avec un monarque tout court va finir par être le fait qu’il soit élu tous les cinq ans – mais dans quelles conditions !

Le groupe La France insoumise n’est pas favorable à un système institutionnel aussi gravement déséquilibré, manquant cruellement de contre-pouvoirs et concentrant ainsi toutes les décisions dans les mains d’une seule personne qui n’a jamais aucun compte à rendre à quiconque, et surtout pas au peuple souverain.

Le projet de loi qui nous est présenté vise à actualiser la loi organique et à améliorer les règles encadrant l’élection présidentielle. Je commence par ce qui n’est pas dans le texte : le report de l’ouverture des comptes de campagne à juillet, qui avait été annoncé, mais auquel le Gouvernement a finalement renoncé. Je salue cette décision. Toutefois, je maintiens ma question : que se passera-t-il pour les comptes de campagne d’un candidat à l’élection régionale qui déciderait ultérieurement d’être également candidat à l’élection présidentielle ? Comment les dépenses concernant l’élection régionale seront-elles prises en compte dans le cadre de l’élection présidentielle ? En outre, les élections régionales seront-elles, oui ou non, reportées, et si oui, à quelle date ? Nous allons discuter prochainement d’un prolongement de l’état d’urgence sanitaire, mais on ne sait rien des modalités de ces élections. Toutes ces questions demandent des réponses parfaitement claires pour les futurs candidats.

Si nous sommes globalement favorables au texte, il y manque cependant des éléments qui permettraient de renforcer le caractère démocratique de l’élection. Mais nous n’en débattrons pas, car le groupe La République en Marche ne le veut pas : les amendements gênants ont été déclarés irrecevables en vertu d’une lecture arbitraire de l’article 45 de la Constitution. Celui-ci dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte », mais on m’a fait savoir que les modalités de l’élection présidentielle n’avaient pas de lien, même indirect, avec les modalités de l’élection présidentielle… Allez comprendre ! Nous ne pouvons même pas débattre de ce qui permettrait de rendre cette élection un tant soit peu plus démocratique : c’est un déni de démocratie et cela donne l’impression que le groupe La République en marche veut seul fixer les règles de l’élection présidentielle.

Nous ne reviendrons donc pas sur les conditions antidémocratiques d’accès à la candidature à cette élection : alors qu’il s’agit de l’élection la plus importante, la possibilité d’être candidat dépend du bon vouloir de 500 élus. Cela contribue à éloigner la décision du peuple souverain. Nous avions proposé un parrainage populaire, par 150 000 citoyens – une proposition raisonnable, issue des travaux de la « commission Jospin » de rénovation et de déontologie de la vie publique de 2012, ce qui rend inutile une nouvelle mission d’information sur le sujet.

Nous ne débattrons pas non plus des conditions antidémocratiques de financement de la campagne électorale, qui dépendent non pas du peuple, mais du bon vouloir des banques. À la différence des dons par des personnes physiques, les prêts ne sont pas autorisés. La majorité les a rendus possibles pour les autres élections, mais pas pour l’élection présidentielle. Pourquoi ? Macron préfère-t-il, comme en 2017, financer sa campagne par les dons de gros donateurs qui ouvrent droit à déduction fiscale, donc sont payés par nos impôts ? À l’heure actuelle, les banques privées peuvent filtrer par l’argent ceux qui pourront faire campagne. Nous pensons que les citoyens eux-mêmes doivent pouvoir financer la campagne de candidats. Mais La République en marche ne veut pas en entendre parler !

Conclusion : il restera interdit au peuple de parrainer ou de financer un candidat à l’élection présidentielle. Beaucoup de collègues ont qualifié le texte de technique : non, tous les textes que nous étudions sont politiques, et le tri auquel sont soumises les questions dont nous pouvons débattre s’agissant des modalités d’organisation de l’élection présidentielle, sujet central dans notre vie démocratique, résulte d’une décision politique. J’espère qu’elle ne sera pas la même en séance publique, afin que nous puissions aborder toutes les propositions visant à rendre cette élection plus démocratique ; ainsi pourrions-nous convaincre nos concitoyens que leur voix est entendue, lutter contre l’abstention systémique, expression de la colère froide du peuple, et éviter que celui-ci ne boude l’élection présidentielle de 2022.

M. Paul Molac. Bloavez mad, yehed mad ha prosperite : meilleurs vœux pour l’année qui vient – j’espère que nous oublierons rapidement 2020.

Le texte qui nous est soumis est, à nos yeux, technique. Concernant la transmission dématérialisée des comptes de campagne, je rappelle simplement le problème de sécurisation qui s’est posé pour les Français de l’étranger et a obligé à réorganiser certaines élections.

Le groupe Libertés et territoires est, lui aussi, favorable à ce que, même hors pandémie, chaque mandataire puisse recevoir deux procurations et regrette, comme d’autres, le report de la transmission dématérialisée des parrainages.

Toutefois, selon nous, c’est l’élection au suffrage universel du Président de la République et notre organisation institutionnelle qui posent problème : l’élection présidentielle est l’alpha et l’oméga de notre vie démocratique, l’échéance attendue qui relègue les autres élections à un rang inférieur. Cette tendance a encore été renforcée par l’instauration du quinquennat et par l’inversion du calendrier électoral.

Personne n’a proposé d’élire les députés en même temps que le Président de la République, voire avant, ce qui renforcerait le Parlement, qui en aurait bien besoin, mais également les collectivités locales. Aux États-Unis, c’est grâce à l’autonomie des États vis‑à‑vis de l’État fédéral que Trump a pu être contrecarré et que le pays a résisté à la tentative populiste : dans ce système décentralisé, le président ne peut pas tout faire.

En outre, les institutions françaises permettent de destituer un président qui ne pourrait plus remplir ses fonctions, mais aucune procédure n’est prévue pour cela : il faudrait en concevoir une et la faire voter par le Parlement pour que cette possibilité puisse être utilisée.

En 1958, le général de Gaulle était fort d’une légitimité qu’aucun Président de la République n’aura plus jamais, pour avoir dit non au nazisme et avoir libéré la France après s’être exilé et avoir été condamné à mort par contumace. La Ve République – c’est le procès que l’on peut lui intenter – a été faite pour lui, et je crains que le pouvoir n’y soit trop concentré pour nous permettre de résister si nous tombons entre les pattes d’un populiste, comme cela s’est produit aux États-Unis, au Brésil ou en Ukraine.

Tout le monde s’est offusqué de ce qui s’est passé au Capitole. En France, il n’y a pas si longtemps, nous avons connu de très grosses manifestations lors desquelles l’Arc de triomphe a été saccagé, d’autres lieux de notre démocratie auraient pu l’être – certains gilets jaunes marchaient sur l’Assemblée nationale, le Sénat et l’Élysée – et un ministère a été attaqué à coups de Manitou. Notre démocratie est malade, et je crains qu’elle ne soit fragilisée par la focalisation sur l’élection présidentielle et sur le Président. Je plaide donc, vous l’aurez compris, pour un autre système.

M. Matthieu Orphelin. Le projet de loi ne saurait être uniquement technique, car il n’est pas de sujet moins technique que l’élection du Président de la République.

Plusieurs des réglages à y apporter seront, je l’espère, consensuels. Je défendrai ainsi en séance un amendement tendant à modifier son titre pour mentionner l’élection « du Président ou de la Présidente » de la République et un autre tendant à permettre à un mandataire de détenir deux procurations, comme cela avait été prévu dans les lois d’urgence sanitaire, afin, notamment, de faciliter le vote des personnes vulnérables.

D’autres, visant à renforcer l’élection présidentielle, auraient pu être discutés si le Gouvernement l’avait souhaité, mais ont été considérés comme des cavaliers. À cet égard, je ne mets pas du tout en cause notre présidente : je crois à un choix gouvernemental, car le Gouvernement aurait pu inclure leurs sujets dans le texte.

Il s’agit d’abord de l’amélioration de la comptabilisation des votes blancs, soit 3 millions lors du second tour de l’élection présidentielle de 2017 : c’est un vrai problème, que le président Macron a d’ailleurs mis sur la table lors de certaines de ses interventions, et dont il est absurde que nous ne puissions pas discuter dans le cadre du présent texte, alors que notre démocratie a tant besoin d’être renforcée.

Le second enjeu est l’automatisation réelle et permanente de l’inscription sur les listes électorales, demandée par Paula Forteza dans une récente proposition de loi – rappelons que 40 % des personnes âgées de 25 à 30 ans sont mal inscrits. Comme le Gouvernement ne souhaite pas s’attaquer à ce sujet, il ne l’a pas abordé dans le texte, ce qui empêche de déposer des amendements en ce sens. Ainsi, l’absurdité de nos règles nous fait passer à côté des vrais problèmes posés par l’élection présidentielle.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je souhaite répondre à votre intervention élégante et à celle de M. Lachaud, qui a directement mis en cause mon appréciation de la recevabilité des amendements en m’accusant de déni de démocratie et d’arbitraire. Vous avez tort, monsieur Lachaud : les membres de notre Commission savent que je suis la plus objective possible lorsque j’examine la recevabilité des amendements – peut-être vous en rendriez-vous compte si vous la fréquentiez plus souvent, ce dont je serais ravie.

Pourquoi étudions-nous aujourd’hui un texte relatif à l’élection présidentielle ? Cela a été dit, l’élection du Président de la République relève de règles organiques. Or, il est fréquent que les dispositions ordinaires du code électoral soient modifiées en cours de législature. Faute d’une loi-balai, il faudrait, à chaque fois, une loi organique pour prévoir l’application des changements introduits à l’élection présidentielle. Nous ne procédons pas ainsi, et nous ne sommes pas les premiers : de la même façon, en 2006, en 2011 et en 2016, une loi organique « technique » a rendu applicables à l’élection présidentielle les dispositions ordinaires votées pendant la législature.

Quant à l’examen de la recevabilité des amendements, il se déroule toujours de la même façon : pour être recevables, il faut que les amendements aient un lien direct ou indirect avec le contenu des articles du projet de loi, et non avec son titre ou son objet. Ainsi, ce n’est pas parce que le mot « parrainage » figure dans le texte que tout amendement concernant le parrainage d’un candidat a un lien avec lui. La disposition du projet de loi organique relative aux parrainages n’a trait qu’aux modalités de leur transmission au Conseil constitutionnel, et encore uniquement pour reporter dans le temps le recours à la voie électronique. Elle ne remet donc pas en cause le régime des parrainages actuellement en vigueur. Voilà pourquoi votre amendement à ce sujet a été déclaré irrecevable ; cette décision me paraît tout à fait justifiée, comme les autres de même nature que j’ai prises.

Je consacre toujours beaucoup de temps à cet examen, car je mesure combien le droit d’amendement, droit fondamental des parlementaires, est précieux. Je vous assure que j’essaye d’être la plus vigilante et objective possible, y compris lorsque mes propres amendements sont en jeu !

M. Alain Tourret, rapporteur. L’avis du Conseil d’État sur le projet de loi organique nous donne entièrement satisfaction en indiquant que « l’étude d’impact du projet satisfait aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 ». En outre, il « propose de simplifier le titre du projet, en reprenant celui de la loi organique qui a modifié la loi du 6 novembre 1962 en vue de l’élection de 2007 (loi n° 2006-404 du 5 avril 2006 relative à l’élection du Président de la République) ». Voilà qui répond à ceux qui contestent l’intitulé du projet de loi organique. Quant aux dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle, l’avis du Conseil d’État nous donne également toute satisfaction.

Nous avons un choix à faire entre les dispositions les plus propices à la sincérité du scrutin et celles qui étendent les possibilités d’y participer – on comprend qu’il puisse y avoir une différence entre les deux. J’y suis très attentif. N’oublions pas la façon dont, il y a vingt ou trente ans, les élections ont été annulées dans une dizaine de municipalités de la région parisienne – je ne dirai pas quel était le parti concerné, chacun se reconnaîtra. Une chose est certaine, si le vote par correspondance ou si des modifications touchant le vote par procuration aggravent le risque de doutes quant à la sincérité du scrutin, ils ne sont pas opportuns. Cet enjeu est prioritaire : rien n’est plus important que la sincérité, car c’est elle que les Français attendent d’abord et surtout.

M. Philippe Gosselin. Je vous souhaite à tous une année 2021 « décovidée » !

Le projet de loi organique a suscité quelques inquiétudes avant Noël, notamment dans la presse, alors qu’un tel texte de coordination et de préparation de l’élection présidentielle est tout à fait habituel. Si je peux comprendre ceux de mes collègues qui regrettent que l’on n’ait pas profité de l’occasion pour procéder à des toilettages et promouvoir des avancées, je suis d’accord avec le rapporteur pour juger essentiel que la sincérité du scrutin ne fasse l’objet d’aucun doute. Concernant l’élection présidentielle, il faut rester le plus irréprochable possible. Il est heureux que le projet de loi organique n’aille pas dans toutes les directions – peut-être faudra-t-il explorer celles-ci dans d’autres textes – et s’en tienne à la démarche qui est traditionnelle avant une échéance présidentielle.

Par ailleurs, pas plus que d’autres à venir, le texte ne doit permettre de court‑circuiter le processus démocratique ni de renvoyer aux calendes grecques les élections départementales ou régionales.

M. Bastien Lachaud. Merci de vos éclaircissements, madame la présidente. Je constate simplement que la proportion d’amendements jugés irrecevables a fortement crû depuis le début de la législature sans que les amendements se soient éloignés de l’objet des textes.

Vous dites qu’il s’agit ici d’un texte technique qui transpose dans une loi organique les dispositions électorales adoptées pendant la législature. Pourtant, dès juillet 2017, la possibilité de prêts par les personnes physiques a été adoptée pour toutes les élections ; mais on ne la retrouve pas dans le présent projet de loi organique. Il existe donc bien une décision politique de ne pas transcrire, dans le cas de l’élection présidentielle, l’ensemble des dispositifs électoraux mis en œuvre par ailleurs. L’amendement à ce sujet n’était pas irrecevable : il correspondait à l’objectif de la loi.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je le répète, pour être recevable, l’amendement doit non pas correspondre à un objectif, mais pouvoir être rattaché à une disposition en discussion. Cela résulte des règles constitutionnelles, qui n’ont pas changé depuis le début de la législature. En revanche, il ne vous aura pas échappé que le Conseil constitutionnel a dernièrement pris plusieurs décisions sur le fondement des règles de recevabilité des amendements, dont la plus récente, en décembre, censurait 17 % d’un texte voté. Le président de l’Assemblée nationale a donc rappelé, le 14 décembre, aux présidents de commission la nécessité de faire respecter au mieux l’article 45 de la Constitution, dans l’intérêt de tous.

M. Matthieu Orphelin. Je le répète, ce n’est pas un hasard si les sujets en question ne peuvent pas être abordés : j’en suis convaincu, c’est parce que le Gouvernement ne le souhaite pas, et non en raison de nos règles. C’était pourtant le moment, et le Président de la République s’était engagé à améliorer la reconnaissance du vote blanc. Si le Gouvernement avait voulu que l’Assemblée en discute et se prononce, il lui aurait suffi d’ajouter un article prévoyant la réalisation d’une étude, par exemple. Nombreux sont ceux qui prétendent que le problème de l’abstention est une priorité, qu’il faut mieux reconnaître le vote blanc, réfléchir au vote obligatoire, mais la représentation nationale ne peut pas en débattre.

Mme Emmanuelle Ménard. J’adresse, à mon tour, tous mes vœux à l’ensemble de la commission des Lois.

Comme l’ont dit le rapporteur et M. Philippe Gosselin, il est essentiel que la sincérité du scrutin ne fasse l’objet d’aucun doute. Je regrette, moi aussi, que mes amendements, qui portaient sur les règles d’encadrement du temps de parole par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, aient été déclarés irrecevables, mais j’ai entendu vos raisons, madame la présidente, et je les accepte.

Attention, en revanche, aux incompréhensions qui pourraient naître du calendrier : les Français que nous rencontrons en circonscription ne voient pas pourquoi nous parlons de l’élection présidentielle alors que rien n’a été dit sur les scrutins départementaux et régionaux qui devraient la précéder et que nous allons entamer l’examen d’un texte prolongeant l’état d’urgence sanitaire – même si vous avez apporté un élément de réponse en rappelant la spécificité de l’élection présidentielle, objet d’une loi organique. Pour les Français, l’élection présidentielle est loin, ce n’est pas leur priorité. Ne semons donc pas le doute dans leur esprit.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le texte relatif aux élections régionales et départementales, qui sera débattu au Sénat le 26 janvier, sera prochainement examiné par notre commission. Nous procéderons à l’audition de M. Jean-Louis Debré, qui a remis un rapport sur ce sujet au Premier ministre, le mercredi 27 janvier à dix heures trente et à l’examen du projet la semaine suivante, le 3 février.

Je rappelle que nous avons décidé de l’encadrement des prêts aux personnes physiques lors du vote de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Lors des débats, nous l’avions indiqué : l’intention du législateur et du Gouvernement n’était pas de permettre l’utilisation de ces prêts pour l’élection présidentielle. Sous la précédente législature une disposition avait été adoptée pour l’exclure expressément et en 2017 notre intention n’a jamais été de revenir sur ce point.

M. Orphelin l’a très bien expliqué, le cadre est fixé par le Gouvernement dans un projet de loi. Or ce dernier n’aborde pas toutes les dispositions de la loi organique de 1962.

M. Philippe Gosselin. La recevabilité des amendements est un vrai sujet, notamment en période d’état d’urgence. Une partie de l’action de l’État est entre les mains de l’exécutif. Je ne dis pas que c’est illégal ou inconstitutionnel, mais des décisions sont prises par décret et nous ne pouvons les modifier par voie d’amendement car nous empiéterions sur le domaine réglementaire.

En outre, même si on nous dit que les décisions du Conseil constitutionnel ne se commentent pas, je m’inquiète de sa doctrine, de plus en plus restrictive. Depuis une décision remarquée – et remarquable – de la fin de l’année dernière, les pouvoirs du Parlement se retrouvent de plus en plus… dans l’entonnoir. Cela va bien au-delà de l’esprit et de la lettre de nos institutions.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La décision du Conseil constitutionnel ne vise pas l’initiative parlementaire. L’appréciation que nous faisons des cavaliers concerne également les amendements du Gouvernement et il m’est arrivé, sur presque tous les textes dont la Commission est saisie, de déclarer irrecevables certains amendements gouvernementaux. Cette règle ne concerne donc pas seulement les parlementaires et l’initiative parlementaire a été renforcée au cours des dernières années, par exemple grâce aux journées réservées. Il faut avoir une analyse plus globale.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Article 1er (art. 1er bis [nouveau] de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Décret de convocation des électeurs

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Dématérialisation de la transmission des comptes de campagne à la CNCCFP, vote par correspondance des personnes détenues et autres mesures

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 14 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL12 de Mme Catherine Kamowski et CL6 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Catherine Kamowski. L’amendement CL12 fait suite à celui que je vous avais présenté en tant que rapporteure sur le projet de loi relatif aux délais d’organisation des élections partielles. Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à autoriser les électeurs à disposer non plus d’une, mais de deux procurations à l’occasion de l’élection présidentielle. Nous avions également adopté un tel dispositif pour les élections municipales de juin 2020 et vous l’avez approuvé pour les élections législatives et municipales partielles reportées au plus tard à juin 2021 en cas d’urgence sanitaire.

Il s’agit de favoriser l’accès au suffrage de l’ensemble de la population française – et plus particulièrement de nos aînés –, mais aussi de garantir la tenue des opérations électorales, même en cas de crise, sanitaire ou autre.

Bien entendu, nous ne pouvons ignorer les risques de fraude électorale, « magnifiés » – si vous me permettez l’expression – par l’enjeu de l’élection présidentielle. C’est d’ailleurs pourquoi, en 1988, le législateur a limité cette possibilité à une seule procuration par électeur. Je vous invite à lire les comptes rendus des débats, ils sont édifiants.

Autres temps, autres mœurs, pourriez-vous me dire. Mais des débats au sein de notre groupe m’obligeront à retirer l’amendement à la fin de notre discussion car il a soulevé de nombreuses autres questions – des collègues s’en sont fait l’écho – qui nécessiteraient une discussion de fond sur l’organisation de notre système électoral.

À titre personnel, je reste convaincue de l’intérêt de la double procuration, ou d’autres types de votes alternatifs, pour encourager le plus grand nombre de nos concitoyens à s’exprimer, ou à revenir s’exprimer, lors des différentes élections qui jalonnent la vie de notre nation. Je continue à faire le pari que les citoyens de bonne foi seront toujours plus nombreux que les fraudeurs malfaisants. Mais, comme le disait un autre Président de la République, il faut savoir donner du temps au temps. Il faudrait prendre le temps d’en débattre et de trouver la rédaction adéquate. Ce temps, nous ne l’avons pas pour l’élection de 2022.

M. Matthieu Orphelin. De mon côté, je vous rassure, je maintiendrai mon amendement. La loi du 22 juin 2020 a instauré, à titre temporaire, la possibilité pour un même mandataire de disposer de deux procurations pour le second tour des élections municipales. Cet amendement, proche de celui du groupe LaREM, vise à reconduire ce dispositif pour le scrutin présidentiel afin de faciliter l’accès au vote des personnes vulnérables, car nous ne savons pas où nous en serons de la crise sanitaire, ou s’il y aura moins de « mal-inscrits », c’est-à-dire de personnes inscrites dans une commune différente de leur lieu de résidence. Cette double procuration faciliterait la participation des jeunes à la vie politique. En 2017, 40 % des 25-34 ans se sont abstenus au second tour de l’élection présidentielle.

J’entends les inquiétudes quant à la fraude, mais l’ordre de grandeur est beaucoup plus faible que le nombre de personnes qui vont pouvoir accéder au vote grâce à cette mesure.

M. Alain Tourret, rapporteur. J’ai beaucoup réfléchi à cette question car je connais l’honnêteté intellectuelle et la compétence des auteurs des amendements. Mais je ne vais pas les suivre car la sincérité du scrutin est essentielle. Or cette proposition élargit les possibilités de fraude, qu’on le veuille ou non. Le scrutin doit être le plus simple possible : plus il est compliqué et plus il est redoutable. Cela a été abondamment démontré pour le scrutin par correspondance.

Il serait utile de constituer une mission afin de recueillir des observations et de savoir combien de personnes ont bénéficié de cette possibilité de double procuration. Dans son analyse de l’étude d’impact, le Conseil d’État ne s’y est pas attardé et nous ne disposons d’aucun retour d’expérience : permet-elle de faire diminuer l’abstention ? Nous n’en savons rien. Or il serait très dangereux d’instiller le moindre doute sur le résultat du vote au moment où nous souhaitons la réconciliation des Français.

Il nous faudrait également réfléchir aux conséquences et aux peines applicables aux candidats qui dépassent allègrement le plafond des dépenses de campagne électorale. Le ministère de l’intérieur alerte sur le risque de vacance présidentielle, qui poserait un problème constitutionnel, dans le cas où un tel dépassement conduirait à remettre en question les résultats de l’élection. Nous devons procéder à une analyse sérieuse. J’ai tendance à penser que, si un candidat a atteint le double du plafond alloué par l’État pour l’organisation de l’élection, il faut le sanctionner. La sanction est actuellement financière. Doit-elle être prononcée, à titre principal ou subsidiaire, sur le plan de l’éligibilité ? Ces questions se posent, même si elles ne sont pas abordées dans ce texte ce qui rendrait irrecevables des amendements allant dans ce sens.

M. Pascal Brindeau. Je ne comprends pas le raisonnement du rapporteur. Il estime qu’on augmente le risque de fraude en permettant aux mandataires d’avoir deux procurations. Mais cela revient à considérer que le principe même de la procuration est « fraudogène ». Il faudrait alors refuser toute possibilité de procuration. Ces dernières sont établies dans des conditions de sécurité maximales, au tribunal ou au commissariat de police. On peut donc vérifier l’identité et les conditions de détention d’une première et d’une seconde procuration.

Quant à l’absence de données chiffrées, elle est logique puisque nous n’avons pas suffisamment de recul – cette disposition a été mise en place dans le cadre de l’urgence sanitaire. Je soutiendrai donc l’amendement de notre collègue Orphelin.

M. Erwan Balanant. Je remercie le rapporteur pour son exposé, ainsi que les auteurs des amendements. Le sujet soulève des interrogations. Je ne doute pas de la sincérité de notre collègue Matthieu Orphelin quand il plaide pour une participation plus importante aux élections.

Nous avons ouvert cette possibilité pour les dernières élections municipales, car il fallait le faire dans le contexte de crise sanitaire. Faut-il le pérenniser ? Je ne le pense pas. Je vous encourage à lire la plupart des statuts associatifs, ainsi que ceux des partis politiques. Ils prennent toujours la précaution de n’autoriser qu’une seule procuration par personne. Bien sûr, il ne faut pas diaboliser la procuration, mais elle peut aboutir à certains abus. Notre groupe politique est davantage favorable à une véritable réflexion sur les modalités d’un vote par correspondance moderne. Nombre de partis politiques ont ainsi mis en place des systèmes parfaitement sécurisés ; je ne vois pas pourquoi l’État n’y arriverait pas, d’autant que notre pays dispose d’un système d’authentification via FranceConnect qui permettrait de mettre en place un système électronique, dématérialisé. Je sais que cela fait peur à certains, mais il faut y réfléchir. Le vote physique est important, mais notre société a évolué ; il faut que le vote évolue avec elle. En l’état, je ne suis pas favorable aux amendements.

Mme Marietta Karamanli. Je connais le rapporteur depuis longtemps. On peut reconnaître sa volonté d’être circonstancié et de prendre en considération tous les éléments. À la suite de l’expérience des élections municipales, sait-on combien d’électeurs disposaient de doubles procurations ? A-t-on une idée des fraudes que cela a pu engendrer ? Les amendements de nos collègues visent à améliorer la participation aux prochaines élections. Certes, ce texte n’est pas forcément le bon véhicule, mais on ne peut conserver cette raquette pleine de trous, insatisfaisante. Nous devons également engager la réflexion sur le vote par correspondance, qui se développe dans de nombreux pays.

M. Guillaume Larrivé. J’interviendrai en soutien du rapporteur qui, comme souvent, a parlé avec sagesse. En premier lieu, le vote est personnel. Ce n’est ni une coquetterie ni une forme de défiance vis-à-vis des citoyens. C’est simplement la traduction de l’idée, somme toute assez raisonnable, que la société politique demande à chaque Français de s’exprimer librement, individuellement, en faisant ce tout petit effort qui consiste à aller dans un bureau de vote choisir le chef de l’État une fois tous les cinq ans.

En second lieu, nous avons déjà considérablement assoupli le régime des procurations au cours des dix dernières années. Dès 2008, nous avons élargi les motifs de procuration. En 2019, nous avons supprimé la nécessité d’attester sur l’honneur de l’impossibilité de se rendre dans son bureau de vote. Le présent projet de loi organique déterritorialise les procurations. Je partage l’avis du rapporteur : il ne faut pas aller au-delà.

Au sein des deux partis politiques longtemps majoritaires sous la Ve République, à droite comme à gauche, nos anciens ont été instruits des effets pervers de la multiplicité des procurations. Cette époque est naturellement révolue, et nous ne sommes pas obligés d’importer dans la vie publique nationale ce que certains partis politiques ont pu connaître.

M. Matthieu Orphelin. Je vous remercie pour la qualité de nos débats. Je ne partage pas l’analyse du rapporteur. J’entends que certains ont encore en mémoire les fraudes de leurs partis politiques respectifs, je leur apporte mon soutien dans cette épreuve... Si les doubles procurations avaient engendré des fraudes importantes au second tour des élections municipales, nous en aurions entendu parler. Certes, nous pouvons approfondir notre analyse mais dans l’attente, je maintiens mon amendement.

Je rebondis sur les propos d’Erwan Balanant concernant la nécessité de trouver des moyens de revigorer notre démocratie, afin que les gens votent davantage. Je suis favorable au vote obligatoire et à la reconnaissance du vote blanc. Pourquoi, alors que vous êtes « aux manettes », et à un an de la fin du mandat présidentiel, le projet de loi ne comporte-t-il aucune mesure permettant d’atteindre cet objectif ? La responsable du groupe LaREM sur le projet a pourtant rappelé dans son propos liminaire combien ce serait nécessaire. Quelles options souhaitez-vous mettre en avant ? Celle de M. Balanant, concernant le vote par correspondance, change vraiment la donne. Pourquoi attendre la fin du mandat ? Pourquoi ne pas la défendre dans ce projet de loi, ou un autre, porté par la majorité. Vous auriez tout mon soutien !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le groupe MoDem peut porter ce débat, s’il le souhaite, dans le cadre de ses journées réservées.

M. Pacôme Rupin. Nous sommes face à un texte très technique, traditionnel, qui propose de légers changements concernant la manière dont doit se dérouler l’élection présidentielle. L’importance de cette élection est d’ailleurs la raison de notre long débat de ce matin. C’est tout à fait légitime sur le fond.

L’assouplissement récent du régime des procurations visait quant à lui à répondre à la crise sanitaire, afin que nos concitoyens qui ne pouvaient, ou ne souhaitaient, pas aller voter, puissent les faire établir plus facilement et être représentés. Il s’agissait donc d’une réponse conjoncturelle à la crise sanitaire.

Or le présent projet de loi ne porte pas uniquement sur l’élection présidentielle de 2022. En outre, nous ne savons pas encore si nous serons toujours dans la même situation sanitaire en 2022. Je ne l’espère évidemment pas et nous avons bon espoir que ce ne sera pas le cas.

Je rejoins le rapporteur sur l’importance de préserver la sincérité du scrutin – les récents événements aux États-Unis sont une leçon… En France, et nous devons nous en féliciter, notre système est rarement mis en cause car il est très solide. Il s’agit de surcroît d’une élection importante et nous manquons de recul sur la double procuration. Pour autant, au regard de la crise sanitaire actuelle, ne fermons pas le débat.

M. Bastien Lachaud. Je partage l’analyse du rapporteur sur les amendements et celle de notre collègue Larrivé lorsqu’il rappelle que le vote est personnel. En outre, l’assouplissement des modalités de procuration ces dernières années n’a eu aucun effet sur l’abstention. C’est un leurre que de penser que la multiplication des procurations va résoudre le problème de l’abstention. La rupture, forte, entre l’électorat et les élections est liée à un manque de confiance dans nos institutions. C’est ce lien qu’il faut retisser et ce n’est pas en multipliant les procurations qu’on y parviendra, mais en refondant nos institutions. Enfin, la multiplication des procurations peut favoriser le clientélisme et, d’une certaine manière, la fraude électorale.

M. Didier Paris. J’écoute attentivement nos collègues. Il n’est pas facile de prendre position. Mais notre système démocratique ne sortirait pas grandi d’un renforcement de la distance entre l’électeur et les scrutins électoraux. Nous n’allons pas revenir en arrière – nous autorisons déjà un électeur à disposer d’une procuration. Mais, aller plus loin, comme Guillaume Larrivé ou d’autres l’ont souligné, nous ferait prendre le risque de distendre encore davantage la relation entre les citoyens et l’élection, et ne contribuerait pas à freiner le désengagement de certains d’entre eux.

Dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), je participe régulièrement à des missions de contrôle des élections. Il y a quelques jours, j’étais au Kirghizistan, où le vote par procuration n’existe pas. J’ai beaucoup discuté avec des candidats et un ministre, et la question est parfaitement tranchée : il n’est pas question pour cette jeune démocratie d’autoriser le vote par procuration, non par crainte de fraudes – pourtant, elles peuvent exister dans ce pays, beaucoup plus que chez nous – mais parce qu’ils veulent absolument qu’une personne vote en son nom personnel, et non au nom d’une, deux ou trois autres personnes, afin de conserver ce lien.

Enfin, notre rapporteur l’a très justement souligné et je lui fais entièrement confiance – sa sagesse est utile à notre Commission –, il est difficile d’avancer sur ce terrain sans une étude d’impact plus complète et sans avoir vérifié les conséquences immédiates et de plus long terme d’une telle modification. À titre personnel, je suis donc totalement défavorable à ces amendements, même si j’en comprends parfaitement la logique.

L’amendement CL12 est retiré

La Commission rejette l’amendement CL6.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL15 et CL16 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Actualisation des dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 (art. 8, 13 et 21 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République) : Actualisation des dispositions relatives aux listes électorales consulaires pour l’élection du Président de la République

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Puis elle adopte le projet de loi organique modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République (n° 3713) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


— 1 —

 

   Personnes entendues

   M. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint

   Mme Pascale Pin, chef du bureau des élections

   M. Jean-Philippe Vachia, président

   Mme Sylvie Calvès, secrétaire générale

 

 


— 1 —

 

   Annexe I :
contribution de la CNCCFP

À la suite de l’audition du Président de la CNCCFP le 5 janvier 2021, il a été demandé à la commission d’apporter une contribution écrite sur les deux points suivants :

1)     La dématérialisation de la transmission des comptes de campagne et des reçus-dons implique la mise en place de téléservices. Ces derniers sont-ils opérationnels ou en cours de développement ? Pourriez-vous en présenter succinctement les modalités ?

2)     Le rapporteur s’interroge sur les conséquences pour les candidats du dépassement des plafonds légaux des dépenses de campagne, en particulier dans le cadre de l’élection présidentielle. Pourriez-vous présenter les principaux motifs de dépassement constatés et leurs conséquences ? Des contrôles devraient-ils intervenir en cours de campagne pour prévenir ces dépassements ?

La présente note, transmise par la CNCCFP, fait le point sur l’avancée des travaux de dématérialisation menés par la commission, ainsi que sur les principales sanctions qu’encourt un candidat en cas de dépassement du plafond des dépenses de campagne. Un point est également fait sur les avantages et les inconvénients d’un éventuel raccourcissement de la période de contrôle du financement des dépenses électorales des candidats à l’élection présidentielle.

I-                   La dématérialisation des comptes de campagne et des partis politiques s’inscrit dans un contexte favorable à la mise en place d’une obligation de dépôt numérique des comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle de 2022

1.1. Un contexte favorable à la mise en place de l’obligation d’un dépôt au format numérique des comptes de campagne

Les 3° et 4° de l’article 2 du projet de loi organique, qui respectivement prévoient la demande, l’édition et la mise à disposition des reçus délivrés par les mandataires aux donateurs et qui concernent l’obligation faite aux candidats à l’élection du Président de la République de déposer leur compte de campagne au moyen d’un téléservice, s’inscrivent dans un mouvement de digitalisation de l’administration (placée au centre du programme gouvernemental Action Publique 2022), auxquels participent d’ores-et-déjà un nombre de plus en plus important de candidats aux élections politiques et de collaborateurs, notamment les membres de l’ordre des experts-comptables exerçant auprès d’eux la mission de présentation du compte de campagne prévue par la loi.

Les pratiques en la matière ont évolué de manière remarquable. En effet, si lors de l’élection présidentielle de 2012, le dépôt par les candidats de documents au format numérique était tout à fait résiduel, lors de l’élection de 2017, un nombre très important -voire la quasi-totalité- des documents du compte pour certains candidats ont été transmis au format numérique.

Ce mouvement s’est poursuivi en 2019 lors de l’examen des comptes de campagne des candidats à l’élection des représentants au Parlement européen : la majorité des candidats ont déposé les annexes au compte et un fichier des écritures comptables dans un format numérique. Certains candidats ont déposé l’intégralité des pièces justificatives jointes à leur compte dans un format numérique.

En outre, les experts-comptables, sont engagés depuis de nombreuses années dans la dématérialisation de leurs activités.

La mise en place d’une procédure dématérialisée pour le dépôt des comptes de campagne apparaît donc comme une mise en conformité avec les pratiques habituelles de la profession, plus que comme une charge nouvelle imposée aux membres de l’ordre. Consultés en 2019 par la commission, les membres du conseil supérieur ont confirmé leur intérêt pour la démarche de dématérialisation engagée par cette dernière.

1.2. Un téléservice opérationnel en 2022 destiné à faciliter le dépôt de leur compte par les candidats

1.2.1 Un portail de dépôt dont la réalisation sera finalisée dès le premier trimestre 2021

Le portail destiné au dépôt des comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle et à l’édition des reçus délivrés aux donateurs constitue une première version d’une solution plus globale qui a pour objet la dématérialisation de l’ensemble des procédures de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ([33]).

Ce projet a fait l’objet d’un appel d’offre qui a abouti à la signature d’un accord-cadre d’une durée de quatre ans avec la société Docaposte.

L’offre retenue, qui s’appuie largement sur un socle progiciel éprouvé et paramétrable, a permis de mettre en place rapidement le portail destiné au dépôt des comptes des candidats à l’élection présidentielle et à l’édition des reçus numérotés. Une première version a déjà été délivrée et testée.

La livraison définitive de ce portail interviendra dans les premiers jours du mois de mars 2021 de sorte qu’une présentation dudit portail puisse être faite dans le Mémento édité par la CNCCFP à l’attention des candidats à l’élection du Président de la République de 2022 et de leurs mandataires. Ce Mémento devrait être publié au Journal officiel à la fin du mois de mars 2021, soit avant le début de la période au cours de laquelle les dépenses électorales sont plafonnées.

Le déroulement du projet est conforme au calendrier fixé et le respect des objectifs pour l’élection présidentielle de 2022 apparaît sécurisé.

1.2.2. Une authentification et un accès à la plateforme sécurisés

Afin de garantir un haut niveau d’authentification et au regard du faible nombre de candidats à l’élection présidentielle, la création des comptes utilisateurs sera effectuée directement par les services de la commission. Les informations nécessaires à la connexion des candidats et de leurs collaborateurs (mandataires, experts-comptables, ou tiers désignés pour agir pour leur compte) seront également communiquées à ceux-ci par les services de la commission.

1.2.3. Une modalité de dépôt dans un format standard et usuel

Pour le dépôt des comptes de campagne, le format des documents attendus sera standard. Les écritures comptables et les documents du compte correspondant aux modèles d’annexes aux comptes seront déposés dans un format usuel normalisé. Les pièces justificatives seront également déposées, selon leur nature, dans des formats numériques usuels et seront liées automatiquement aux écritures comptables.

En ce qui concerne les reçus délivrés aux donateurs, leur demande et leur édition sera effectuée lors du dépôt par le mandataire dans la plateforme des informations relatives aux dons de personnes physiques. Ces opérations seront possibles à compter de la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel et jusqu’au dépôt du compte de campagne.

1.2.4. De nouveaux services fournis aux candidats par la commission

Ce dépôt numérique permettra d’offrir aux candidats la possibilité qu’ils puissent exercer un contrôle formel sur les informations et documents qu’ils déposent, avant la validation définitive du dépôt de leur compte, par une vérification automatisée de la cohérence des informations comptables et de complétude des informations et documents attendus.

Ces contrôles permettront ainsi d’éviter certaines erreurs dans la présentation du compte et sont donc de nature à sécuriser le dépôt pour les candidats.

Une assistance au dépôt dans la plateforme ainsi que l’accompagnement des candidats et de leurs collaborateurs sera par ailleurs mise en place par les services de la commission.

1.2.5. Un dépôt numérique obligatoire qui permet de renforcer l’efficience et la transparence du contrôle

Le maintien d’un dépôt alternatif au format papier serait de nature à limiter l’optimisation des procédures de contrôle des comptes de campagne par la CNCCFP, qui constitue un objectif important de la mise en place de la procédure dématérialisée. À titre d’exemple, le contrôle du respect du plafond des dons par des personnes physiques fixé à l’article L. 52-8 du code électoral pour l’ensemble de l’élection ne peut être effectif si l’ensemble des informations relatives aux dons n’est pas déposé dans un format standardisé et exploitable.

Par ailleurs, la coexistence de deux procédures de dépôt des comptes, l’une au format numérique et l’autre dans un format papier, génèrerait des disparités dans la qualité des informations qui seront mises à la disposition du public.

En effet, dans le premier cas, il serait possible de mettre à disposition du public (après occultations des mentions relevant des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations du publique et de l’administration) des documents dans un format exploitable et aisément réutilisable par un traitement automatisé de données, alors que dans le second cas les informations ne pourraient pas faire l’objet d’une telle exploitation et présenteraient ainsi une qualité moindre.

Une telle asymétrie dans la qualité des informations mises à la disposition du public n’apparaît donc pas souhaitable.

II-              Les conséquences pour un candidat du dépassement de plafond lors du dépôt de son compte de campagne diffèrent selon qu’il s’est porté candidat à l’élection présidentielle ou à une autre élection

Selon les dispositions de l’article L. 52-15 alinéa 6 du code électoral, « dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales a été constaté par une décision définitive, la commission fixe alors une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. En cas de scrutin binominal, les deux candidats présentés au sein d’un même binôme sont tenus solidairement au règlement de la créance ». 

Le II de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République reprend les deux premières phrases de ces dispositions.

Lorsqu’elle constate un dépassement du plafond des dépenses, la CNCCFP rejette le compte de campagne du candidat. Celui-ci n’a pas droit au remboursement prévu à l’article L. 52-11-1 du code électoral. Elle émet un titre de perception d’un montant égal au dépassement du plafond. La commission saisit le juge de l’élection qui peut prononcer une peine d’inéligibilité à l’encontre du candidat.

Une telle peine d’inéligibilité n’est pas prévue pour les candidats à l’élection présidentielle. En cas de dépassement de plafond, le candidat ne sera pas remboursé de ses dépenses, devra restituer au Trésor public l’avance forfaitaire de 153 000 euros qui lui a été versée par l’État et rembourser la somme égale au montant du dépassement.

Dans la pratique, les cas de dépassements de plafond de dépenses sont rares. En effet, la plupart des candidats contiennent leurs dépenses de campagne à un niveau significativement inférieur au plafond des dépenses.

Le tableau suivant présente la part moyenne des dépenses des candidats par rapport au plafond des dépenses (dispensés de dépôt exceptés).

 

Année

Élection

Part des dépenses par rapport au plafond des dépenses (%)

2014

Municipales

40

2014

Sénatoriales

21,4

2015

Départementales

33,3

2017

Législatives

19

2017

Sénatoriales

22,8

2018

Assemblée Polynésie française

58,2

2019

Provinciale Nouvelle-Calédonie

26,6

2019

Parlement européen

19,5

2020*

Municipales

35,5

2020*

Métropole de Lyon

38

* Ces données sont provisoires, le contrôle étant encore en cours.

Lors du dernier cycle électoral (2014-2019), aucun dépassement de plafond n’a été relevé par la commission lors de l’examen des scrutins mentionnés dans le tableau ci-dessus. Le contrôle des comptes des élections municipales de 2020 étant encore en cours, la commission n’a pas encore rendu toutes ses décisions et les décisions déjà rendues ne sont pas encore définitives.

Pour mémoire on rappelle qu’à l’occasion de l’examen des comptes de l’élection présidentielle de 2012, la commission avait constaté le dépassement du plafond par l’un des candidats pour un montant de 363 615 euros. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 juillet 2013, a jugé que ce dépassement s’élevait à 466 118 euros.

À cet égard, il faut noter que dans certains cas, le montant définitif du dépassement du plafond est susceptible d’être arrêté par le juge de l’élection, non par la commission ([34]).

En ce qui concerne le contrôle continu des dépenses en cours de campagne, la CNCCFP a souligné dans son 21e rapport d’activité (2019) que le système actuel repose sur un système déclaratif, assorti d’un contrôle a posteriori, et non d’un contrôle concomitant et inquisitorial qui s’exercerait pendant la campagne.

Les réformes parfois préconisées tendant à doter la commission de pouvoirs d’investigation renforcés pendant la campagne pour surveiller en temps réel les réunions publiques et les déplacements du candidat, pouvoir lui adresser des observations, voire des injonctions, enquêter dans le local de campagne ou au siège du parti, accéder à la comptabilité des prestataires, soulèveraient de nombreuses difficultés pratiques ([35]), génèreraient des coûts très élevés, notamment en terme de personnels, et pourraient susciter des interrogations voire de la suspicion sur les intentions des contrôleurs et leur impartialité : pourquoi surveiller plus étroitement tel candidat plutôt que tel autre ? Pourquoi suivre de près tel événement de campagne plutôt que tel autre ?

Par ailleurs, un dépassement ne peut s’apprécier qu’à l’issue de la période de financement, les stratégies de campagne et d’engagement des dépenses étant différentes d’un candidat à l’autre et relevant de la seule appréciation de ce dernier.

Enfin, pour une élection nationale, une déclaration quotidienne ou hebdomadaire, sur internet, de ses recettes et dépenses par le candidat n’empêcherait pas nécessairement que certaines dépenses soient en partie imputées dans les comptes des partis plutôt que dans les comptes de campagne. Or, en l’état, les textes ne permettent pas à la CNCCFP d’avoir accès à la comptabilité des partis politiques pendant l’instruction menée sur les comptes de campagne des candidats qu’ils soutiennent.

III-           Aucune règle juridique ne s’oppose à un raccourcissement de la période pendant laquelle les mandataires des candidats recueillent les fonds destinés au financement de la campagne et règlent les dépenses engagées en vue de l’élection

3.1 Rappel des règles actuellement applicables

La loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections n° 2016-508 du 25 avril 2016, modifiant la rédaction de l’article L. 52-4 alinéa 2 du code électoral, a réduit d’un an à six mois la période de financement des campagnes électorales pour toutes les élections soumises à compte de campagne, à l’exception de l’élection présidentielle. Pour cette dernière, le délai applicable, inscrit au deuxième alinéa du II de l’article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962, demeure en effet fixé à un an.

Dans sa version initiale, la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle déposée en 2015 à l’Assemblée nationale tendait à réduire à six mois, au lieu d’un an, la période durant laquelle les candidats à l’élection présidentielle doivent faire figurer dans leur compte de campagne leurs recettes et leurs dépenses électorales. Le Sénat avait ensuite proposé, en première lecture, que l’abaissement de cette période ne s’applique qu’à compter de l’élection présidentielle 2022, en vue de « poursuivre la réflexion sur la prise en compte des élections primaires dans les comptes de campagne ou sur l’imputation sur le compte de campagne des dépenses rattachables aux interventions publiques d’un Président de la République qui se porterait candidat ».[36] Le délai d’un an a finalement été conservé.

Les spécificités de la campagne pour l’élection du Président de la République ont en effet conduit à maintenir un cadre particulier pour ce scrutin. Lors des débats parlementaires, le Gouvernement avait ainsi souligné qu’ « une réduction de six mois de la durée prise en compte aurait pour effet de réduire l’espace de contrôle des comptes de campagne et entrerait ainsi en contradiction avec le mouvement de renforcement de la transparence de la vie publique ».[37]

 3.2. Avantages et inconvénients d’un éventuel raccourcissement de la période couverte par les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle 2022

Sur le plan juridique, ainsi que le précise le Conseil d’État dans son avis du 17 décembre 2020 sur le projet de loi organique précité, aucun principe ne s’oppose à un raccourcissement de la période pendant laquelle les mandataires des candidats recueillent les fonds destinés au financement de la campagne et règlent les dépenses engagées en vue de l’élection. La détermination du délai applicable relève par conséquent de la seule appréciation du législateur, au vu des avantages et des inconvénients des options possible d’un an, de neuf ou de six mois.

1)     Une réduction de la durée de prise en compte des recettes et des dépenses électorales présenterait plusieurs avantages.

En premier lieu, l’abaissement de la période à six mois durant laquelle sont comptabilisées les recettes et les dépenses électorales devant figurer dans les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle contribuerait à renforcer la cohérence et la lisibilité des règles applicables aux différentes élections. Elle permettrait en effet de rapprocher les dispositions relatives à l’élection du Président de la République de celles introduites en 2016 pour les autres élections politiques (délai de six mois).

En deuxième lieu, il est parfois délicat, lors du contrôle des comptes de campagne, de vérifier si des dépenses éloignées de la date du scrutin ont ou non une finalité électorale.

En dernier lieu, les dépenses des candidats à l’élection présidentielle se concentrent, pour l’essentiel, sur les derniers mois de la campagne électorale, cette dernière ne battant généralement son plein qu’à compter du mois de janvier.

2)     Un inconvénient mérite toutefois d’être mis en exergue.

Un abaissement de la période de prise en compte des recettes et dépenses pourrait limiter l’accès au financement des candidats auprès des particuliers durant les trois premiers mois précédant la période de financement de la campagne, dans l’éventualité où celle-ci serait réduite à neuf mois. En effet, les dons aux futurs candidats ne seraient pas recevables pendant ces trois mois. Seule une donation au parti politique soutenant le futur candidat, dans la limite des montants fixés par la loi, serait alors possible ([38]).

Par ailleurs, il convient de noter qu’en cas de maintien de la période d’un an, le chevauchement de périodes de contrôle correspondant à des campagnes électorales distinctes ne devrait pas soulever de difficultés techniques spécifiques pour les travaux de la CNCCFP. Cette situation se rencontre en effet classiquement pour l’élection présidentielle et les élections législatives. La superposition des trois derniers mois de la période afférente aux élections départementales et régionales et des trois premiers mois de la période liée à l’élection présidentielle ne devrait avoir qu’un impact limité. En effet, d’une part, les plafonds de dépenses applicables respectivement aux élections locales et à l’élection présidentielle sont très différents et, d’autre part, le montant des dépenses engagées par les candidats à l’élection présidentielle restent très éloignés du plafond autorisé. À titre d’exemple, lors de l’élection du Président de la République de 2017, le montant moyen dépensé par les candidats du premier tour ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés s’élevait à 13,18 millions d’euros, soit 78,2 % du plafond.


   Annexe II :
contribution du ministère DE l’intérieur

1°) L’article 1er fixe un délai de dix semaines avant le 1er tour de scrutin pour la publication du décret de convocation des électeurs. Comment ce délai a-t-il été déterminé ? Correspond-il à la pratique ?

La loi organique n° 2006-404 du 5 avril 2006 relative à l’élection du Président de la République dispose que les parrainages doivent parvenir au Conseil constitutionnel au plus tard le sixième vendredi précédant le premier tour de scrutin à dix-huit heures.

La durée traditionnellement retenue pour la réception des parrainages est de 3 semaines, ce qui établit le début dans le courant de la 9e semaine. La date limite de publication serait donc la semaine antérieure.

Les dates de publication ont été les suivantes par le passé (pour information, il est mentionné à cette occasion ce qu’aurait été le 10e vendredi avant le premier tour de scrutin).

Année de l’élection

Date du premier tour de scrutin

Décrets de convocation

Date de publication au Journal officiel

Jour calendaire de la publication

Pour information : 10e vendredi avant

2007

22 avril 2007

n° 2007-227 du 21 février 2007

22 février 2007

Jeudi

(16 février 2007)

2012

22 avril 2012

2012-256 du 22 février 2012.

24 février 2012

Vendredi

(17 février 2012)

2017

23 avril 2017

n° 2017-223 du 24 février 2017.

24 février 2017

Vendredi

(17 février 2017)

2°) L’étude d’impact souligne le retard pris par la France dans le développement d’une identité numérique de niveau élevé. Comment l’expliquer ? Des avancées sont-elles néanmoins en cours ? D’autres pays ont-ils déjà recours à cette identité numérique, notamment en matière électorale ?

La notion de niveau élevé renvoie aux termes du règlement (UE) n° 910/2014 du 24 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur. Le niveau élevé a pour objectif « d’empêcher l’utilisation abusive ou l’altération de l’identité. » Il repose sur un système classique d’identification de la personne (vérification du titre d’identité présenté) mais aussi sur un dispositif d’authentification pour vérifier la correspondance du titre fourni à l’identité alléguée par l’usager. L’identification électronique au niveau élevé doit ainsi fournir des garanties équivalentes à celles d’un face-à-face physique.

À l’instar d’autres États européens déjà dotés d’une carte d’identité électronique, le gouvernement français a fait le choix de développer une identité numérique de niveau élevé qui sera adossée à la nouvelle carte nationale d’identité électronique (CNIe) dont le déploiement est prévu en France à partir de la mi-2021. Cette identité numérique serait mise en œuvre progressivement en fonction de la création de services internet rendant nécessaire une identification de niveau élevé.

Le vote par internet (ou « à distance ») à l’appui d’un dispositif de ce type n’est connu aujourd’hui qu’au travers d’expériences en Estonie et en Suisse. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni l’ont testé au début des années 2000 sans donner suite.

3°) Quel bilan tirez-vous des dispositions facilitant le recours aux procurations adoptées dans le cadre de l’épidémie actuelle ?

La loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires a introduit des assouplissements dans le régime d’établissement des procurations électorales afin de faciliter le recours à celles-ci :

Le II de son article 1er prévoit ainsi que, pour le second tour des élections municipales organisé le 28 juin, « Chaque mandataire peut disposer de deux procurations, y compris lorsqu’elles sont établies en France ».

Le III de l’article 1er de cette même loi donne la possibilité pour un électeur qui ne peut pas, en raison de l’épidémie, comparaître devant les autorités compétentes de leur demander de se déplacer à son domicile afin d’établir une procuration.

La loi n° 2020-1670 du 24 décembre 2020 relative aux délais d’organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales a provisoirement reconduit ces deux mesures pour les élections partielles municipales et législatives ainsi que pour les élections des membres des commissions syndicales organisées avant le 13 juin 2021. L’article 2 de la loi prévoit ainsi le relèvement à deux du nombre de procurations pouvant être détenues par un même mandataire et le déplacement des autorités à domicile pour les personnes ne pouvant se déplacer du fait de l’épidémie de covid-19.

En outre, une évolution pérenne a été introduite par le décret n° 2020-742 du 17 juin 2020 pour permettre le recueil des demandes de procurations dans des lieux accueillant du public arrêté par le préfet, y compris par les délégués des officiers de police judiciaire.

En termes quantitatifs, en 2020, dans un contexte sanitaire dégradé et de baisse de la participation électorale (44,6% pour au premier tour des élections municipales, 41,6% au second tour), 824 724 procurations ont été établies, contre 911 049 pour les élections municipales de 2014.

 

 

 

procurations établies en 2020

élections européennes 2019

élection présidentielle 2017

élections municipales 2014

PN

273 646

196 976

1 044 464

371 535

GN

551 078

273 317

1 853 619

539 514

Total

824 724

470 293

2 898 083

911 049

 

4°) Quelles principales avancées a permis la mise en place du REU ?

Les lois du 1er août 2016, entrées en vigueur le 1er janvier 2019, ont réformé la gestion des listes électorales et créé un répertoire électoral unique et permanent (REU) dont les listes électorales sont dorénavant extraites avant chaque scrutin. Cette réforme visait à simplifier les procédures d’inscription sur les listes électorales et à améliorer la fiabilité des listes.

L’article 1er de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 a introduit l’interdiction d’être inscrit sur plusieurs listes électorales consulaires ou sur une liste électorale consulaire et sur la liste électorale d’une commune. Cette disposition a été votée pour mettre un terme aux difficultés suscitées par la double inscription sur les listes électorales es Français établis hors de France. Dans ses observations sur le déroulement de l’élection présidentielle de 2017, le Conseil constitutionnel a indiqué avoir dû tolérer une fois encore la procédure dite « crash » autorisant un électeur réputé votant à l’étranger à voter dans sa commune de rattachement sur le territoire national en dépit de la mention portée sur la liste électorale, sur production d’une attestation sur l’honneur.

Le III de l’article 4 de cette même loi organique disposait que : « Si, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi organique, un électeur est inscrit sur une liste électorale consulaire et sur la liste électorale d’une commune, (…) il choisit, dans un délai déterminé par décret en Conseil d’État qui ne peut être supérieur à un an, la liste sur laquelle il maintient son inscription. Ce choix entraîne sa radiation de l’autre liste. En l’absence de choix, il est radié de la liste électorale de la commune. ». En application de ces dispositions et de l’article 1er du décret n° 2018-451 du 6 juin 2018, les électeurs inscrits à la fois sur une liste consulaire et sur une liste électorale municipale avaient jusqu’au 31 mars 2019 pour choisir la liste sur laquelle ils souhaitaient se maintenir. Chaque électeur concerné a reçu quatre courriels (ou quatre courriers) d’information personnalisés de la part du ministère de l’Europe et des affaires étrangères entre mai 2018 et mars 2019. À défaut de choix, ils ont été maintenus sur les listes consulaires. Ainsi 503 680 des 543 135 personnes inscrites à la fois sur les listes électorales consulaires et sur les listes municipales à l’initialisation du REU ont été radiées des listes électorales municipales et ont été maintenus sur une liste consulaire au début du mois d’avril 2019, faute d’avoir opté pour leur maintien sur les listes municipales dans les délais impartis.

5°) Quelles sont les conséquences pour les candidats du dépassement du plafond des dépenses de campagne, notamment dans le cadre d’une campagne présidentielle ?

Seul est applicable à l’élection présidentielle le quatrième alinéa de l’article L. 52-15. Les autres alinéas du même article sont repris avec des adaptations au II de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962.

En revanche, ne sont pas applicables les dispositions du code électoral sanctionnant électoralement le dépassement du plafond des dépenses électorales, ni l’article L. 118-3, 2°, ni l’article LO 136-1, 2° et avant-dernier alinéa (inéligibilité et annulation de l’élection).

La raison de cette dérogation au droit commun, qui porte uniquement sur les sanctions à caractère électoral, résulte de l’impossibilité de déclarer le candidat élu inéligible, ce qui aurait pour effet d’interrompre son mandat dans des conditions non prévues tant par la Constitution que par la loi du 6 novembre 1962. En conséquence, dans un souci d’égalité de traitement entre candidats, le même traitement dérogatoire s’applique aux candidats non élus.

Il y a lieu toutefois de préciser que les sanctions pénales prévues à l’article L. 113-1, 2° sont applicables à l’élection présidentielle. Le candidat proclamé élu bénéficierait alors de la suspension des poursuites résultant de l’application du dernier alinéa de l’article 67 de la Constitution.


([1]) Selon Michel Debré à l’occasion de son discours devant le Conseil d’État le 27 août 1958.

([2]) Dans le cadre de la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle et sous réserve de sa faisabilité technique.

([3]) Décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l’élection du Président de la République.

([4]) Cet alinéa prévoit en effet qu’« En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement. »

([5]) Romain Rambaud, Droit des élections et des référendums politiques, LGDJ, 2019.

([6]) Conformément à l’article 2 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, « les formulaires et les enveloppes postales servant à leur acheminement sont adressés par l’autorité administrative aux citoyens habilités par la loi à présenter un candidat à compter de la publication du décret convoquant les électeurs. »

([7]) Article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962.

([8]) Article 13 du décret précité.

([9]) Conformément à l’article 10 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

([10]) Décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

([11]) Afin d’en faciliter le contrôle, les formulaires de présentation ou de parrainage sont numérotés.

([12]) https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r3319.asp#P518_127287

([13]) Idem.

([14])  Décision n° 2017-172 PDR du 20 juillet 2017, Observations du Conseil constitutionnel sur l’élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 2017.

([15]) Définie par le règlement n° 910/2014/UE sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, dit règlement « eIDAS », comme présentant un niveau de garantie permettant d’empêcher l’utilisation abusive ou l’altération de l’identité.

([16]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/micnum/l15b3190_rapport-information#_Toc256000000

([17]) Pour les autres élections, l’article L. 52-12 du code électoral, auquel ces dispositions renvoient, réserve cette obligation aux seuls candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou ayant bénéficié de dons de personnes physiques.

([18]) Par renvoi à l’article L. 52-10 du code électoral.

([19]) Cette réforme est présentée plus en détail dans la contribution de la CNCCFP aux travaux du rapporteur présentée en annexe au présent rapport.

([20]) Article D. 143-4 du code de procédure pénale.

([21]) Décret n° 2020-1460 du 27 novembre 2020 portant application de l’article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique et relatif à l’inscription sur les listes électorales et au vote par correspondance des personnes détenues.

([22]) Ces dispositions sont prévues par l’article 79 du code électoral.

([23]) Voir le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique déposé au Sénat le 21 décembre 2020.

([24]) Article L. 12-1.

([25] https://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl3713-ace.pdf

([26]) Pour l’élection présidentielle, ces dates étaient jusqu’à présent prévues par l’article 8 du décret du 8 mars 2001 qui devra également être actualisé en conséquence.

([27]) Décision n° 94-353/356 DC du 11 janvier 1995, Loi organique modifiant diverses dispositions relatives à l’élection du Président de la République et à celle des députés à l’Assemblée nationale et loi organique relative au financement de la campagne en vue de l’élection du Président de la République.

([28]) Avis annexé au présent projet de loi organique.

([29]) Cet article a supprimé l’obligation pour le mandataire auquel l’électeur a confié sa procuration d’être inscrit sur les listes électorales de la même commune pour faciliter le recours aux procurations et favoriser la participation.

([30]) Voir le commentaire de l’article 3.

([31]) Depuis la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, les Français établis hors de France peuvent élire au suffrage universel direct des représentants, pour un mandat de six ans, auprès des ambassades et des consulats, appelés à siéger au sein de conseils consulaires. Ces derniers, réunis au moins deux fois par an, sont des organes consultatifs chargés de formuler des avis sur les questions consulaires d’intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social concernant les Français établis dans leur circonscription. Ils peuvent être consultés sur toute question les concernant. La réforme adoptée dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019 entrera en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils consulaires qui devrait intervenir, si la situation sanitaire le permet, en mai 2021, conformément à la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

([32]) Pour les mêmes motifs que ceux exposés au commentaire de l’article 3.

([33]) Cette dématérialisation de l’ensemble des procédures nécessitera l’adoption d’un texte législatif pour les autres élections politiques et les comptes des partis politiques et pourrait être opérationnelle pour les élections législatives de 2022 et pour les comptes des partis politiques déposés en 2023.

([34])  Cf. par exemple : Conseil d’État, 11 février 1998, n° 157564 ; 20 mai 2005, n° 274400 ; ou Conseil constitutionnel, 4 juillet 2013, n° 2013-156 PDR (à cette occasion, le Conseil a précisé que si "la CNCCFP fixe une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public, le montant de ce versement, qui présente le caractère d’une sanction, ne saurait être augmenté à la suite du recours du candidat contre la décision de la commission").

([35]) Il est impossible de couvrir l’ensemble des opérations pouvant prendre place au même moment sur le territoire national.

[36] http://www.senat.fr/rap/l15-510/l15-5101.html

[37] https://www.senat.fr/seances/s201602/s20160218/s20160218005.html#section384 ;

  https://www.senat.fr/seances/s201603/s20160331/s20160331001.html#section21

([38]) La jurisprudence constitutionnelle a déjà admis, à l’occasion du report des élections municipales de mars à juin 1995 (Cf. la loi n° 94-590 du 15 juillet 1994 relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux), que la période de recueil des recettes puisse être distincte de la période d’engagement des dépenses. Dans sa décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994, le Conseil constitutionnel avait ainsi déclaré conformes à la Constitution l’extension à quinze mois de la durée de prise en compte des recettes et le maintien à douze mois de la comptabilisation des dépenses (Cf. Décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994, considérant 8 : « Considérant que cet article prévoit que pour le prochain renouvellement des conseils municipaux, la durée de la période pendant laquelle les candidats peuvent avoir recueilli des fonds dans les conditions prévues par l’article L. 52-4 du code électoral est portée à quinze mois ; qu’il doit s’interpréter comme prolongeant de trois mois la période déterminée par ce dernier article ; qu’il dispose par ailleurs que toutefois les comptes de campagne qui doivent être établis par les candidats ne retraceront au titre des dépenses que celles qui auront été engagées ou effectuées en vue de l’élection pendant la période mentionnée par ledit article »).