N° 3740

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et
le Gouvernement du Burkina Faso relatif à l’emploi salarié des membres de famille
des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre,
et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay relatif à l’emploi rémunéré des membres de famille des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre,

PAR M. Bruno JONCOUR

Député

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ET

 

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 Voir le numéro :

Assemblée  nationale : 2551.


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Adapter et moderniSer le cadre d’expatriation des agents membres des missions officielles et de leurs familles

A. La nÉcessité d’une adaptation au plan juridique

B. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION ET DE L’AMÉLIORATION DU CADRE D’EXPATRIATION ENGAGÉE PAR LE MEAE

II. DES ACCORDS AU CONTENU ET à la portÉe similaires s’appliquant à des contextes différents

A. L’accord franco-burkinabÈ

1. Objet et définition

2. Procédures applicables

3. Immunités civiles, administratives, d’exécution et pénales

4. Régimes fiscaux et sécurité sociale

5. Activité professionnelle non salariée

6. Clause territoriale

7. Règlement des différends et dispositions finales

B. l’accord franco-paraguayen

1. Objet et définitions

2. Procédures applicables

3. Immunités civiles, administratives et pénales

4. Régime fiscal et sécurité sociale

5. Clause territoriale

6. Règlement des différends et dispositions finales

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : texte adoptÉ par la commission

 


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   introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 2551 autorisant l’approbation de l’accord entre la France et le Burkina Faso relatif à l’emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre et de l’accord sous forme d’échange de lettres entre la France et le Paraguay relatif à l’emploi rémunéré des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre.  

Négociés à l’initiative de la France et respectivement signés le 26 octobre et le 28 novembre 2018, ces deux accords poursuivent un objectif commun : faciliter l’accès au marché du travail local des membres des familles des agents de missions officielles en poste à l’étranger. En effet, en l’absence d’accord et en dehors de l’Espace économique européen et de la Suisse, les membres des familles des agents disposent d’un statut diplomatique qui peut limiter ou empêcher leur accès au marché du travail local.

De manière plus globale, ces accords constituent deux nouvelles pierres à l’édifice du projet « Pour un Ministère du XXIème siècle » lancé par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères en 2015 et prolongé en 2017 par le projet « Action publique 2022 ». Ce projet vise à accélérer la modernisation du cadre d’expatriation des agents en poste dans les missions officielles françaises dans le monde.

Pour rappel, la commission des affaires étrangères a déjà autorisé, depuis le début de la XVe législature, l’approbation de plusieurs accords conçus sur le même modèle, avec l’Albanie, l’Arménie, le Bénin, la Bolivie, le Chili, le Congo, l’Équateur, les États-Unis, le Pérou, la Moldavie, le Nicaragua, la République dominicaine, la Serbie et le Turkménistan.

 

 

 


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I.   Adapter et moderniSer le cadre d’expatriation des agents membres des missions officielles et de leurs familles

A.   La nÉcessité d’une adaptation au plan juridique

L’objectif principal de ces deux accords est d’adapter un cadre juridique qui peut limiter l’accès au marché du travail local des membres de la famille des agents diplomatiques et consulaires français en poste à l’étranger. 

En effet, en dehors du cadre de l’Espace économique européen (EEE) et de la Suisse et en l’absence d’accord spécifique, le statut des membres des familles d’agents des missions officielles entraîne un certain nombre d’obstacles à même d’entraver l’accès à une activité professionnelle dans le pays d’accueil.

À noter que depuis le 1er janvier 2021, date de la fin de la période de transition associée à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les ayants droits des agents des missions diplomatiques et consulaires britanniques accrédités par le protocole ne sont plus couverts par le cadre européen qui leur permettait de travailler en France, de même que les ayants droits des agents des missions françaises au Royaume-Uni. Les modalités selon lesquelles les ayants droits des agents des missions diplomatiques et consulaires accrédités par les protocoles de nos deux pays pourront dorénavant exercer une activité professionnelle doivent encore être définies avec les Britanniques.

Sur le plan juridique, le droit des membres de la famille des agents des missions officielles d’exercer une activité professionnelle sur le marché local s’inscrit à la fois dans le cadre du droit international et dans celui du droit national.

Sur le plan du droit international, les Conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963, relatives aux relations diplomatiques et aux relations consulaires, confèrent aux personnes à charge des agents de missions officielles un statut particulier comprenant des privilèges et des immunités. Ainsi, elles bénéficient notamment de l’inviolabilité de leur personne, de leur domicile, de leur correspondance et de leurs biens ou encore de l’immunité pénale et de l’immunité juridique et administrative, sauf pour une action sans lien avec ses fonctions officielles. En revanche, l’article 57 de la Convention de Vienne de 1963 stipule que les privilèges et immunités ne sont pas accordés « aux membres de la famille d’un membre du poste consulaire qui exercent eux-mêmes dans l’État de résidence une occupation privée de caractère lucratif ».

De plus, en dehors des États de l’Espace économique européen et de la Suisse, où l’accès au marché du travail est facilité par le principe de libre circulation, certaines dispositions juridiques nationales peuvent également constituer des obstacles pour les membres de la famille des agents diplomatiques et consulaires. En France par exemple, le titre de séjour accordé aux agents diplomatiques et consulaires ainsi qu’aux membres de leurs familles ne prévoit pas l’autorisation de travailler sur le territoire français.  

L’ensemble de ces règles n’interdisent pas le travail des membres de famille des agents de missions officielles, mais le statut spécial qui leur est conféré peut faire obstacle à leur accès au marché du travail. Cela vaut notamment pour les immunités, les employeurs pouvant être réticents à recruter des personnes jouissant d’une immunité.

Dès lors, l’entrée en vigueur des deux présents accords permettra de lever ces obstacles juridiques en clarifiant le statut des membres de famille des agents de missions officielles.  

B.   LA POURSUITE DE LA MODERNISATION ET DE L’AMÉLIORATION DU CADRE D’EXPATRIATION ENGAGÉE PAR LE MEAE

Ces accords doivent être considérés à l’aune du dispositif global de réforme et de modernisation mis en place par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) à partir de 2015 dans le cadre du projet « Pour un Ministère du XXIème siècle » prolongé, en 2017, par le projet « Action publique 2022 ».

Cette ambition réformatrice vise à améliorer le cadre d’expatriation des agents diplomatiques et consulaires français de la façon la plus large possible. Dans son message aux agents à l’occasion de la journée sur l’égalité entre hommes et femmes en mars 2020, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a souligné sa volonté d’améliorer l’accompagnement du départ à l’étranger, pour toutes les catégories de personnels, et a indiqué souhaiter poursuivre cet effort, en vue d’une universalisation des dispositifs de facilitation de l’accès au marché du travail des membres de famille des agents.

Pour rappel, les dernières estimations du MEAE font état de 2 000 à 2 500 agents mariés au sein du réseau diplomatique et consulaire français, auxquels s’ajoutent les conjoints d’environ 500 contractuels et 750 agents issus d’autres administrations (finances, défense, éducation, etc.).

L’objectif du Quai d’Orsay est de donner la possibilité aux membres de la famille des agents diplomatiques et consulaires français, principalement aux conjoints, de pouvoir suivre leur famille sans pour autant renoncer à une activité professionnelle. Alors que la décision d’expatriation est désormais de plus en plus tributaire de cette possibilité, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères entend faciliter la mobilité géographique des diplomates ayant des conjoints.

Bien que les pays qui offrent le plus d’opportunités de travail pour les conjoints d’agents français soient les pays de l’OCDE, le Quai d’Orsay souhaite élargir le tissu conventionnel à l’ensemble des pays du monde.  

Pour ce faire, la France privilégie deux types d’instruments : les accords bilatéraux et les notes verbales, qui ne sont pas contraignantes juridiquement.

Avant 2015, des accords bilatéraux avaient été conclus avec le Canada (24 juin 1987), l’Argentine (26 octobre 1994), l’Australie (2 novembre 2001), le Brésil (21 mars 2001), la Nouvelle-Zélande (10 juin 1999), la Roumanie (21 novembre 2003), le Costa-Rica (23 février 2007), l’Uruguay (9 octobre 2007), le Venezuela (2 octobre 2008). 

De plus, la France avait également échangé des notes verbales sur le sujet avec Singapour, l’Afrique du Sud et Israël.

Depuis le lancement du projet de réforme du MEAE en 2015, les accords bilatéraux se sont multipliés. Ont ainsi été signés des accords avec les États suivants : Chili (8 juin 2015), Bolivie (9 novembre 2015), Congo (26 février 2016), Équateur (le 1er avril 2016), Pérou (signé le 14 avril 2016), Moldavie (27 mai 2016),  Bénin (juillet 2016), Serbie (15 septembre 2016), Albanie (19 septembre 2016), Arménie (21 décembre 2017), République dominicaine (le 18 avril 2017), Nicaragua (signé le 3 août 2017), Burkina Faso (26 octobre 2018), Paraguay (28 novembre 2018), États-Unis (30 mai 2019), Turkménistan (15 avril 2019), Kosovo (7 juillet 2020).

Le nombre de notes verbales a été multiplié par cinq et des notes verbales ont été échangées avec 15 nouveaux pays en cinq ans ([1]), portant le total à 18 pays.

Au total, les personnes à charge des missions officielles françaises peuvent désormais accéder au marché du travail local sans remise en cause de leur statut dans plus de quarante pays, en plus des pays de l’Espace Économique européen et de la Suisse.

Des négociations sont en cours avec l’Andorre, le Cameroun, le Kenya, le Botswana, l’Azerbaïdjan, le Monténégro, la Namibie et des signatures prochaines sont prévues avec la Bosnie, l’Ukraine, le Sri Lanka.

À noter que certains pays permettent un accès à l’emploi en l’absence d’accord, sous certaines conditions ([2]). Enfin, les démarches engagées ont, dans une vingtaine de pays ([3]), conduit au constat de l’impossibilité de signature d’un accord bilatéral ou d’un cadre d’accès à l’emploi local insuffisamment sécurisant.

Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, d’après une étude du MEAE réalisée fin 2017 dans les pays où un dispositif bilatéral prévalait et à laquelle ont répondu 63 postes diplomatiques et consulaires, plus de 250 conjoints d’agents français résidant dans le pays d’affectation ont obtenu une autorisation de travail ou travaillent sans avoir besoin d’autorisation, comme dans les pays de l’EEE. Dans l’ensemble, les dispositifs bilatéraux conclus par la France semblent avoir davantage bénéficié aux membres de famille des agents des missions françaises qu’aux membres de famille des agents des missions diplomatiques des autres États.

 

 


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II.   DES ACCORDS AU CONTENU ET à la portÉe similaires s’appliquant à des contextes différents

Ces deux accords ont été conclus sur la base d’un accord-type mis au point par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les négociations ont débuté en mai 2016 avec la République dominicaine et en mars 2015 avec le Paraguay, dans les deux cas à l’initiative de la partie française.

A.   L’accord franco-burkinabÈ

L’accord a été signé à Ouagadougou le 26 octobre 2018.

Au Burkina Faso, les missions officielles françaises comptent 30 agents titulaires et 98 personnes. Les services de l’ambassade de France à Ouagadougou regroupent l’ambassadeur, six diplomates et une quinzaine d’agents administratifs et techniques.

Si l’accord ne mentionne pas explicitement les attachés de défense et les personnels militaires, il les inclut a priori car ces derniers sont porteurs d’un passeport diplomatique ou de service. Ainsi, les personnes à charge des militaires français en poste au Burkina Faso pourraient donc également bénéficier du présent accord.

Au total, selon les estimations du MEAE, 18 conjoints d’agents seraient susceptibles de vouloir accéder au marché du travail burkinabè.

L’ambassade et le consulat général du Burkina Faso à Paris regroupent l’ambassadeur, 6 diplomates et une quinzaine d’agents administratifs et techniques et cinq agents de service. Au total, 31 agents diplomatiques et consulaires sont en poste en France et 42 personnes sont à leur charge.

Concrètement, et selon les informations transmises par le MEAE à votre rapporteur, les membres de famille des agents des missions officielles françaises devraient essentiellement trouver des opportunités de travail dans le secteur de l’hôtellerie et du tourisme, secteur qui compte une cinquantaine d’entrepreneurs français implantés localement.

L’économie du Burkina Faso demeure très agricole. Le secteur représente 30 % du PIB et près de 80 % des emplois. Le Burkina Faso accueille une soixantaine de filiales d’entreprises françaises. Leurs investissements se concentrent dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie alimentaire, de la construction, de la banque et de services de communication.

Bien que le marché du travail burkinabè offre donc relativement peu d’opportunités pour les personnes à charge des agents diplomatiques et consulaires français en poste au Burkina Faso, le présent accord s’inscrira aussi dans le cadre d’une relation bilatérale active.

En effet, la France entretient avec le Burkina Faso des relations anciennes. Les visites bilatérales sont nombreuses, les relations économiques importantes et la coopération culturelle, technique et scientifique active. Par ailleurs, la France est le premier partenaire bilatéral du Burkina Faso en termes d’aide publique au développement. En 2019, l’Agence française de développement s’est ainsi engagée à hauteur de 200 millions d’euros en prêts et en dons au Burkina Faso. 

La conclusion de cet accord présente donc le double avantage d’améliorer le cadre d’expatriation des agents officiels français en poste au Burkina Faso et de poser un jalon supplémentaire dans la consolidation de la relation bilatérale franco-burkinabè.

1.   Objet et définition

Selon l’article 1er, le présent accord vise à autoriser « les personnes à charge du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif affecté dans une mission officielle par leur Gouvernement » dans l’autre État partie à « exercer une activité professionnelle salariée » dans cet État, sous réserve de remplir « les conditions législatives et réglementaires exigées » et d’obtenir l’autorisation requise dans l’État d’accueil.

L’article 2 énonce les définitions des termes employés dans l’accord.

Ainsi, les missions officielles désignent « les missions diplomatiques régies par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 1er avril 1961, les postes consulaires régis par la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et les représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l’autre État ».

Les membres d’une mission officielle désignent « le personnel de l’État d’envoi, qui n’est ni ressortissant, ni résident permanent dans l’État de résidence, et qui occupe des fonctions officielles dans une mission diplomatique, d’une représentation consulaire ou d’une représentation permanente dans une organisation internationale ayant son siège dans l’autre État ».

Les personnes à charge des agents diplomatiques et consulaires désignent les conjoints, les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans et les enfants célibataires qui vivent à la charge de leurs parents et présentant un handicap physique ou mental. Le conjoint s’entend comme le « partenaire lié par un contrat d’union légal disposant d’un titre de séjour spécial délivré par le ministère des Affaires étrangères » de l’État d’accueil.

La définition du terme « conjoint » est plus restrictive en droit burkinabè qu’en droit français. En effet, le Burkina Faso ne reconnaît pas le mariage ou l’union civile entre personnes de même sexe. Les conjoints de même sexe, malgré la demande française formulée lors des négociations, ne pourront pas bénéficier de l’accord.

Enfin, l’activité professionnelle salariée correspond à « toute activité qui implique la perception d’un salaire résultant d’un contrat de travail régit par la législation de l’État de résidence ».

2.   Procédures applicables

L’article 3 précise la procédure applicable pour pouvoir solliciter l’autorisation d’exercer une activité professionnelle salariée dans l’État d’accueil.

La personne à charge doit dans un premier temps obtenir « une autorisation fournie au préalable » par l’État d’accueil. Pour ce faire, la mission officielle concernée doit envoyer une note verbale au protocole du ministère des affaires étrangères de l’État d’accueil.  La demande d’autorisation de travail doit explicitement mentionner le type d’activité salariée visée.

Une fois l’autorisation accordée, preuve doit être fournie dans les trois mois que la personne à charge et son employeur se conforment aux obligations imposées par la législation de l’État d’accueil.

En cas de changement d’employeur, l’accord précise qu’une nouvelle demande d’autorisation doit être effectuée. Par ailleurs, l’autorisation de travail de la personne à charge d’un agent de mission officielle devient caduque, « dans un délai raisonnable » lorsque les fonctions de l’agent en question arrivent à leur terme.

Les autorités de l’État d’accueil peuvent refuser de délivrer l’autorisation d’exercer une activité salariée aux personnes à charge dans le cas où, « pour des raisons de sécurité ou d’ordre public, seuls des ressortissants de l’État de résidence peuvent être embauchés ».

Par ailleurs, les dispositions de l’accord n’impliquent en aucune manière la reconnaissance de titres, niveaux d’études ou cursus aux fins d’exercer une profession.

3.   Immunités civiles, administratives, d’exécution et pénales

Les immunités civiles et administratives sont prévues à l’article 4 de l’accord tandis que les dispositions relatives à l’immunité de juridiction pénale sont précisées à l’article 5.

L’article 4 dispose que les immunités civiles et administratives prévues par les Conventions de Vienne de 1961 et de 1963 ne s’appliquent pas « dans le cas d’un acte ou d’une omission réalisés lors de l’activité professionnelle salariée ». Il en va de même pour l’immunité d’exécution.

Comme le stipule l’article 5, l’immunité de juridiction pénale continue de s’appliquer dans le cadre d’un acte réalisé lors de l’activité salariée mais peut faire l’objet, dans le cas de délits graves, d’une demande de renonciation écrite de la part de l’État d’accueil qui sera examinée « sérieusement » par l’État d’envoi.

4.   Régimes fiscaux et sécurité sociale

L’article 6 dispose que « les personnes à charge sont soumises à la législation applicable en matière d’imposition et de sécurité sociale de l’État de résidence pour tout ce qui concerne leur activité professionnelle salariée dans cet État ». Il précise également que les bénéficiaires de l’autorisation de travail cessent de bénéficier des privilèges douaniers prévus par les articles 36 et 37 de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et par l’article 50 de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires.

Toutefois, la personne à charge peut « transférer ses revenus et indemnités accessoires dans les mêmes conditions que celles prévues en faveur des travailleurs étrangers par la réglementation de l’État de résidence. »

Durant les négociations, le ministère du travail burkinabé a souhaité qu’un autre accord soit signé entre la Sécurité sociale française et la Caisse nationale de sécurité sociale burkinabè afin que les Burkinabè conjoints de diplomates ou d’agents consulaires qui travailleraient en France puissent cotiser pour leur retraite à la sécurité sociale burkinabè. La partie française a bien pris note de cette demande, mais a indiqué ne pas être en mesure d’y répondre dans l’immédiat.

5.   Activité professionnelle non salariée

Concernant l’exercice d’une activité professionnelle non salariée, l’article 7 indique que des demandes pourront être examinées « au cas par cas, au regard des dispositions législatives et réglementaires de l’État de résidence. »

6.   Clause territoriale

Une clause territoriale, prévue à l’article 9, précise que les dispositions de l’accord s’appliquent « aux personnes à charge des agents des missions officielles présentes/implantées dans les départements métropolitains de la République française ainsi que dans les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution » dont la liste sera précisée par note diplomatique.

7.   Règlement des différends et dispositions finales

L’article 8 stipule que les différends liés à l’application ou l’interprétation de l’accord seront réglés « par des négociations directes entre les Parties par la voie diplomatique ».

Classiquement, l’article 10 précise que l’accord est conclu pour une durée indéterminée. Son entrée en vigueur interviendra trente jours après l’accomplissement des procédures constitutionnelles et légales internes nécessaires dans chacune des Parties. Enfin, il peut également faire l’objet d’une dénonciation au moyen d’une note diplomatique envoyée par l’une des deux Parties. Il cessera alors d’être en vigueur six mois après la réception de la notification de dénonciation.

Le Burkina Faso n’a pas encore notifié l’achèvement de sa procédure interne d’approbation.

B.   l’accord franco-paraguayen

L’accord a été signé le 28 novembre 2018 à Assomption.

Le Paraguay a préféré signer un accord sous forme d’échange de lettres, une forme simplifiée d’accord intergouvernemental qui ne nécessite pas l’organisation d’une cérémonie de signature.

La seule mission officielle dont dispose la France au Paraguay est l’ambassade de France. Toutefois, les autorités paraguayennes incluent également comme bénéficiaires de l’accord les membres de la famille des agents de l’État disposant d’un passeport de service, à savoir les agents expatriés de l’Alliance française et du lycée français.

Au total, l’accord s’applique à un nombre restreint de personnes à charge puisque les membres bénéficiaires sont les membres des familles des cinq agents diplomatiques et consulaires expatriés au Paraguay : l’ambassadeur, son adjoint, le directeur de l’Alliance française ainsi que le proviseur et le directeur du lycée français.

En France, le Paraguay dispose d’une seule mission officielle. Il s’agit de l’ambassade du Paraguay à Paris, également accréditée comme représentation permanente auprès de l’OCDE et comme délégation permanente auprès de l’UNESCO.  Au total, les bénéficiaires de l’accord sont les membres des familles des 10 fonctionnaires de l’ambassade.

Dans les faits, les opportunités offertes par le marché du travail local aux membres de familles des missions officielles françaises seront toutefois limitées.

Les salaires sont peu élevés, sauf pour certaines catégories de professions dont l’exercice est réglementé, ce qui exclut les catégories visées par l’accord. Un étranger au Paraguay peut accéder à un emploi, mais à condition de posséder un profil très spécialisé, qui présenterait une réelle plus-value sur le marché local. Selon les informations transmises à votre rapporteur par le MEAE, les entreprises françaises implantées au Paraguay (Air Liquide, Bureau Veritas, CMA-CGM, Vatel, Lactalis, LDC, Parex, Sanofi, Roullier, GEFCO, Ibis, Soletanche-Bachy, Aqualogy, etc.) emploient rarement des personnels français.

Si l’entrée en vigueur aura un impact direct sur un nombre limité de personnes, elle pourra favoriser la relation bilatérale franco-paraguayenne.

Les contacts sont réguliers et ont connu une accélération depuis 2015, des consultations bilatérales ont été organisées en avril 2019. Le Paraguay apporte régulièrement son soutien à la France sur le plan multilatéral. Le MEAE souligne que la France jouit d’une très bonne image au Paraguay. La relation bilatérale est notamment structurée par une coopération culturelle, scientifique et technique encadrée par un accord signé le 25 novembre 1995. Par ailleurs, une convention relative aux mobilités étudiantes a été signée en 2019 entre les deux pays.

Sur le plan commercial, en 2018, les exportations françaises ont atteint 62 M€ et nos importations 30 M€. Après une forte contraction en 2016, les exportations françaises vers le Paraguay ont légèrement progressé, sans retrouver leur niveau de 2015 (149 M€). Elles sont composées pour moitié de produits chimiques, parfums, cosmétiques et produits pharmaceutiques. Une dizaine d’entreprises françaises sont présentes au Paraguay (Sanofi, L’Oréal, Renault, PSA, Michelin, Total, Kuhn, Louis-Dreyfus, Oberthur, CMA-CGM, Axa, Saint-Gobain, Accor).

1.   Objet et définitions

Selon, l’article 1er, cet accord vise à autoriser les membres de la famille à charge des agents officiels à exercer « une activité professionnelle rémunérée ».

À noter que la différence de terminologie avec l’accord franco-burkinabé qui prévoit l’autorisation d’une « activité professionnelle salariée » n’a pas d’incidence juridique. Les deux termes ont une signification équivalente.

Selon les définitions figurant à l’article 2 les membres de la famille à charge sont les conjoints mariés, les partenaires liés par un contrat d’union légal, les enfants célibataires de moins de 21 ans et les enfants célibataires à charge qui présentent un handicap physique ou mental.

Au Paraguay, tout comme au Burkina Faso, le droit interne ne reconnaît pas le mariage ou l’union civile entre personnes de même sexe. Cependant, le MEAE a précisé à votre rapporteur que la Partie paraguayenne avait indiqué lors des négociations que l’accord s’appliquerait notamment aux « parents de conjoints et conjointes, unis de fait et reconnus légalement ». Cette expression n’exclut donc pas les conjoints de même sexe ([4]).

2.   Procédures applicables

L’article 3 précise la procédure applicable pour solliciter l’autorisation d’exercer une activité professionnelle rémunérée dans l’État d’accueil. La demande d’autorisation doit être adressée sous forme de note diplomatique par la mission officielle concernée au protocole du ministère des affaires étrangères de l’État d’accueil.

Cette demande d’autorisation doit justifier du lien familial de l’intéressé avec l’agent officiel en poste dans l’État d’accueil. Elle doit également mentionner explicitement le type d’activité professionnelle concernée. Contrairement à l’accord avec le Burkina Faso, l’accord franco-paraguayen ne précise pas qu’une nouvelle demande doit être effectuée en cas de changement d’employeur.

Le ministère des affaires étrangères de l’État d’accueil se charge ensuite de vérifier que toutes les conditions nécessaires sont remplies, conformément à l’accord. Il se charge ensuite d’informer officiellement la mission officielle concernée.

L’article 4 prévoit l’obligation, pour le demandeur, de se conformer à la réglementation de l’État d’accueil régissant « les professions ou activités pour lesquelles des qualifications spécifiques sont requises ». En outre, l’État d’accueil se réserve le droit de refuser de délivrer une autorisation de travail dans le cas où, pour des raisons de sécurité nationale, l’activité professionnelle visée est réservée aux ressortissants nationaux.

Enfin, l’article 9 précise que l’autorisation d’exercer une activité professionnelle prend fin dans un délai d’un mois maximum après la cessation des fonctions de l’agent diplomatique ou consulaire.

Les dispositions de l’accord n’impliquent en aucune manière la reconnaissance de titres, niveaux d’études ou cursus aux fins d’exercer une profession.

3.   Immunités civiles, administratives et pénales

Les immunités civiles, administratives et de juridiction pénale sont prévues aux articles 6 et 7 de l’accord. Le régime applicable varie selon le type d’immunité.

L’article 6 précise que les immunités civiles, administratives et d’exécution ne s’appliquent pas dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle rémunérée.

En revanche, en vertu de l’article 7 et conformément aux conventions de Vienne, les membres de la famille à charge continuent de bénéficier de l’immunité de juridiction pénale dans le cadre de leur activité professionnelle, excepté dans le cas où des « délits graves » sont commis dans le cadre de cette activité. Dans ce cas, « l’État d’envoi devra considérer sérieusement la levée de l’immunité de juridiction pénale de l’État d’accueil au membre de la famille à charge impliqué. »

4.   Régime fiscal et sécurité sociale

Aux termes de l’article 8, les membres de la famille à charge sont soumis, pour tout ce qui concerne leur activité professionnelle rémunérée, à la législation applicable au Paraguay en matière de fiscalité et de sécurité sociale.

5.   Clause territoriale

L’accord comprend une clause territoriale à l’article 10. Ainsi, en France, l’accord sera applicable « aux membres de la famille à charge des agents des missions officielles implantées dans les départements métropolitains de la République française ainsi que, pour l’Outre-Mer, dans les collectivités territoriales » suivantes (dont la liste est indiquée en annexe de l’accord) : la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, la Guyane et Mayotte.

6.   Règlement des différends et dispositions finales

Comme le stipule l’article 11, le règlement des différends lié à l’application ou à l’interprétation du présent accord devra se faire par la voie diplomatique au moyen de négociations directes entre les parties.

Enfin, conformément aux stipulations classiques dans le cadre des accords intergouvernementaux, l’article 12 précise que l’accord est conclu pour une durée indéterminée et que celui-ci peut être dénoncé par l’une des deux Parties à travers une notification adressée à l’autre Partie. La dénonciation prend effet six mois après la réception de la notification.

L’article 12 prévoit une entrée en vigueur à la date de réception de la dernière notification par voie diplomatique par laquelle les Parties s’informent de l’accomplissement des procédures internes requises.

La partie paraguayenne a notifié le 7 janvier 2020 l’accomplissement de sa procédure interne.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Le mercredi 13 janvier 2021, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à l’emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre et de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay relatif à l’emploi rémunéré des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (n° 2551).

M. Rodrigue Kokouendo, président. Notre ordre du jour appelle l’examen, ouvert à la presse, et le vote de deux projets de loi autorisant l’approbation de conventions internationales.

Nous allons tout d’abord examiner le projet de loi autorisant l’approbation de deux accords avec le Burkina Faso et le Paraguay sur l’emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles dans chacun des pays signataires. Ces accords internationaux, qui améliorent sensiblement les conditions d’expatriation des diplomates, sont classiques. Notre commission a, depuis le début de la législature, approuvé quatorze conventions de même nature.

M. Bruno Joncour, rapporteur. Chers collègues, je souhaite tout d’abord vous présenter mes vœux les meilleurs de bonne année. J’adresse également une pensée amicale à notre présidente, Marielle de Sarnez.

Notre commission est saisie d’un projet de loi visant à autoriser l’approbation de deux accords bilatéraux conclus à l’automne 2018 avec deux pays amis de la France : le Burkina Faso et le Paraguay. Ces deux accords ont pour objectif de faciliter l’accès au marché du travail local des membres des familles des agents des missions officielles. En pratique, il s’agit essentiellement des conjoints d’agents, même si les enfants peuvent être concernés sous certaines conditions. Formellement, les deux accords sont très similaires, bien que l’accord franco-paraguayen ait été conclu sous la forme d’un échange de lettres, à la demande du Paraguay.

Notre commission a autorisé, depuis 2017, l’approbation d’accords partageant cet objectif avec le Chili, la Bolivie, l’Équateur, le Pérou, le Congo, la République dominicaine, le Nicaragua, l’Arménie, les États-Unis et le Turkménistan. Un accord avec le Kosovo a été signé en juillet 2020 et devrait nous être soumis prochainement. Tous ces accords doivent être replacés dans le contexte plus global d’un projet de réforme du ministère des affaires étrangères, lancé en 2015, visant à moderniser le cadre d’expatriation des agents, et prolongé en 2017 par le programme Action publique 2022.

Dans un message adressé récemment aux agents de son ministère, Jean-Yves Le Drian a réaffirmé sa volonté d’améliorer l’accompagnement des départs à l’étranger pour toutes les catégories de personnels, d’une part, en poursuivant la conclusion de textes bilatéraux en vue d’une universalisation des dispositifs et, d’autre part, en examinant de façon prioritaire tant les demandes de double poste émises par les agents du ministère que les demandes de double poste inter-administrations pour les départs au sein du réseau. Les candidatures des conjoints non-fonctionnaires doivent aussi être considérées en priorité pour des emplois de contractuels au sein du réseau.

Depuis 2015, et en comptant les deux textes qui nous occupent aujourd’hui, dix-sept accords bilatéraux ont été conclus par la France. En outre, des notes verbales ont été échangées avec quinze pays pour répondre à cette ambition d’adaptation et de modernisation du cadre d’expatriation des agents. Au total, plus de quarante pays sont désormais concernés par un dispositif bilatéral.

Les accords conclus visent à adapter un cadre juridique contraignant. En effet, en l’absence d’accord bilatéral et en dehors de l’espace économique européen et de la Suisse, les membres des familles des agents des missions officielles disposent d’un statut qui peut constituer un obstacle à l’exercice d’une activité rémunérée. Par ailleurs, les dispositions du droit national peuvent aussi limiter l’accès au marché du travail. Ainsi, en France, le titre de séjour accordé aux membres des familles d’agents n’octroie pas directement une autorisation de travailler, ce qui suppose d’engager des démarches distinctes pour en obtenir une.

L’entrée en vigueur des accords permettra aux ayants droit des agents de missions officielles d’accéder au marché du travail sans devoir renoncer à leur statut diplomatique. En France, cette démarche a été complétée par la mise en place d’une procédure administrative simplifiée. Au-delà de cette adaptation juridique, c’est une modernisation du cadre d’expatriation des agents qui est permise, indispensable pour répondre à des évolutions sociales déterminantes telles que la progression du taux d’emploi féminin au sein du corps diplomatique.

Si le mariage ou l’union civile de personnes de même sexe ne sont reconnus ni au Burkina Faso ni au Paraguay, l’accord franco-paraguayen pourra s’appliquer à tous les conjoints d’agents français légalement unis. Le Burkina Faso a quant à lui refusé, malgré une demande formulée par la partie française lors des négociations, d’inclure les conjoints de même sexe dans le champ d’application de l’accord.

L’objectif de la réforme du ministère des affaires étrangères était d’atteindre 80 pays permettant un accès au marché du travail pour les membres de famille des agents, en comptant l’espace économique européen et la Suisse. Cet objectif est en passe d’être atteint et devrait même être dépassé prochainement du fait des discussions en cours avec plusieurs pays. Selon une étude réalisée par le ministère en 2017, et à laquelle ont répondu 63 postes diplomatiques et consulaires, plus de 250 conjoints d’agents français résidant dans le pays d’affectation avaient obtenu une autorisation de travail ou travaillaient sans avoir besoin d’autorisation, comme dans les pays de l’espace économique européen. Les accords bilatéraux avec le Burkina Faso et le Paraguay concerneront directement un nombre limité de personnes – 18 conjoints d’agents français au Burkina Faso et 5 au Paraguay – mais il faut donc les resituer dans un cadre plus global. Ce type d’accord peut aussi favoriser les recrutements au sein du réseau diplomatique, consulaire et culturel français, en dehors des opportunités d’emploi parfois limitées dans l’État d’accueil. Enfin, je vous précise que le Paraguay a achevé son processus de ratification interne, tandis que le processus est toujours en cours concernant le Burkina Faso.

Avant de conclure, j’apporterai quelques précisions sur chacun des deux pays concernés. Le Burkina Faso, qui compte près de 20 millions d’habitants, est une république présidée par Roch Marc Christian Kaboré, élu en décembre 2015 et réélu en novembre 2020 ; son gouvernement doit relever d’importants défis sécuritaires et socio-économiques. La France entretient des relations de grande proximité avec ce pays du fait des liens historiques qui les unissent et les rapprochent. Elles portent sur le développement, la coopération économique, culturelle, scientifique, sécuritaire et de défense dans le cadre de leur engagement dans les opérations de maintien de la paix dans la zone sahélo-saharienne.

Le Paraguay, qui compte 7 millions d’habitants, est présidé par Mario Abdo Benitez depuis 2018 ; la Constitution n’ouvre pas la possibilité d’un second mandat. Ce régime parlementaire a démontré sa volonté d’intégration régionale en s’organisant de manière privilégiée avec les pays voisins, notamment l’Uruguay, l’Argentine et le Brésil. Les relations avec la France, qui bénéficie d’une très bonne image dans ce pays, sont d’ordre culturel, scientifique et technique. La volonté de renforcer ces liens en matière d’enseignement du français, de formation et de mobilité étudiante est partagée. C’est vrai également dans le domaine de l’implantation d’entreprises françaises, aux côtés de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie.

Mes chers collègues, je vous invite à voter sans réserve en faveur de l’approbation de ces deux accords.

M. Pierre Cabaré. Pour cette première réunion de l’année, j’adresse tous mes vœux de bonne santé aux membres de cette commission et particulièrement à sa présidente, Marielle de Sarnez.

Les deux accords conclus avec le Burkina Faso et le Paraguay ont pour objet, sur la base de la réciprocité, de permettre au conjoint, voire à d’autres personnes à charge des agents de missions officielles, de solliciter une autorisation de travail pour l’exercice d’une activité professionnelle salariée pendant le temps d’affectation de ceux-ci, sans se voir opposer la situation locale de l’emploi.

Bénéficier de la liberté d’exercer une activité professionnelle semble être un droit évident ; or ce n’est pas toujours le cas pour les familles de nos diplomates. Les bénéficiaires de ces deux accords auront ainsi la possibilité de travailler, tout en conservant leur titre de séjour spécial ainsi que les privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne. Ces accords correspondent à une priorité du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui a souhaité adapter le cadre d’expatriation de ses agents en poste à l’étranger en facilitant l’accès au marché du travail du pays d’accueil aux personnes dont ils ont la charge.

Le groupe La République en Marche soutient et votera ce projet de loi car il clarifie le statut des personnes à charge des agents, simplifie leurs démarches administratives et répond à une forte attente des agents des missions officielles ainsi que de leurs familles. Enfin, ils contribuent au rayonnement de la France en favorisant la mobilité des personnels des missions officielles et en permettant au réseau diplomatique, consulaire et culturel français de proposer certaines compétences qui peuvent faire défaut sur place.

M. Michel Herbillon. Je vous présente tous mes vœux à l’occasion de cette première réunion de l’année de la commission des affaires étrangères. Je remercie Bruno Joncour pour sa présentation et les précisions qu’il vient de nous apporter. Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi.

M. Michel Fanget. Je souhaite une bonne année à toutes et à tous. Je pense tout particulièrement à notre présidente, Marielle de Sarnez, dont nous attendons le retour car elle nous manque beaucoup.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre travail de qualité et pour les explications que vous venez de nous donner. Ce type de rapport nous est désormais coutumier et s’inscrit dans le projet global de réforme du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour une diplomatie du XXIe siècle, dont le but est de moderniser le cadre d’expatriation des agents. À cette fin, ces accords visent à faciliter l’insertion professionnelle des familles des agents dans l’État de résidence tout en leur conservant les privilèges et immunités conférés par les conventions de Vienne de 1961 et 1963.

Si cela ne concerne que quelques dizaines de conjoints d’agents français au Burkina Faso et au Paraguay, 3 000 personnes au total pourront bénéficier de ce dispositif. Ces accords faciliteront l’intégration de la communauté française dans les pays de résidence, avec lesquels nous entretenons des relations importantes. Notre pays a conclu des accords similaires avec l’Arménie, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, le Chili. La confiance que nous avons à l’endroit du Burkina Faso et du Paraguay amène le groupe MODEM à soutenir ce projet de loi.

Mme Laurence Dumont. Ces deux accords correspondent à une priorité du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui remonte à 2015, visant à favoriser la mobilité des personnels expatriés. Cela concerne certes un nombre limité de personnes dans ces deux pays, mais cela répond à des attentes des diplomates dont les expatriations sont de plus en plus conditionnées par la possibilité réservée à leurs conjoints de travailler dans le pays d’accueil.

Si le groupe Socialistes et apparentés approuve l’objet de ce projet de loi, il émet toutefois une réserve sur la portée réelle de l’article 2 de la convention, qui définit la notion de « membres de la famille à charge ». Si, dans le texte, rien ne paraît concernant la notion de conjoint, l’exposé des motifs précise bien que ce terme est plus restrictif en droits burkinabé et paraguayen qu’en droit français. Ces deux pays ne reconnaissent pas le mariage ou l’union civile entre personnes de même sexe. Il en ressort que les conjoints de même sexe, malgré la demande française formulée lors des négociations, ne pourront pas bénéficier de l’accord au Burkina Faso. Le Paraguay aurait néanmoins précisé que l’accord s’appliquerait aux « parents de conjoints et conjointes unis de fait et reconnus légalement », expression qui n’exclut pas les conjoints de même sexe. Le rapport cite l’exemple de l’obtention de sa carte de résident par un époux d’agent masculin en possession d’un passeport de service.

Il n’en demeure pas moins que la France accepte ainsi de signer des accords qui ne permettent pas à ces personnes, en raison même de leur orientation sexuelle, d’avoir accès aux mêmes droits. L’État crée de fait une discrimination à l’égard de ses propres ressortissants. S’agissant d’un accord international, nous n’avons pas de possibilité d’amender l’article 2. Cela ne peut pas nous satisfaire : le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra donc sur ce texte.

M. Jean-Michel Clément. Tous mes vœux à chacune et à chacun d’entre vous, en particulier à notre présidente, à qui j’adresse un salut amical. Comme pour les accords similaires examinés depuis le début de la législature, le groupe Libertés et Territoires approuvera les deux accords qui nous sont soumis. En effet, nous soutenons toute initiative facilitant la vie de nos compatriotes à l’étranger et favorisant l’intégration au marché du travail local des familles des diplomates.

Le Burkina Faso, avec lequel nous entretenons des liens forts, compte une communauté française importante, notamment dans le secteur des ONG et du développement, la France étant le premier partenaire de ce pays pour l’aide publique au développement. Le renforcement de la coopération bilatérale est toujours une chose positive. Toutefois, nous appelons votre attention sur le faible impact de ces deux accords. En effet, selon les données figurant dans votre rapport, seuls dix-huit conjoints d’agents souhaitent accéder au marché du travail au Burkina Faso et les familles de seulement cinq agents travaillant au Paraguay seront potentiellement concernées. Ainsi, comme nous l’avons déjà signifié pour des accords similaires, il est dommage de limiter au seul personnel du réseau diplomatique la possibilité d’accéder au marché du travail local car cela conduit à une inégalité de traitement entre le conjoint d’un diplomate, qui aura le droit de travailler, et le conjoint d’un salarié expatrié qui n’aura pas forcément ces mêmes facilités, sans parler des questions de statuts familiaux non reconnus dans ces pays.

Ainsi, si ces accords constituent une avancée, il conviendrait de travailler à l’avenir sur la généralisation des possibilités de travail des familles d’expatriés, sans aucune exclusive.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous n’avions pas prévu d’intervenir sur ce projet de loi, qui fait partie de ces textes que nous examinons régulièrement pour autoriser les conjoints de nos diplomates à travailler. Toutefois, le présent projet est assez particulier car la France s’apprête à signer deux accords dans lesquels la question du conjoint de même sexe pose problème. Le rayonnement de la France passe par la défense de ses valeurs, et notamment de cette évolution. Si l’interprétation de l’accord avec le Paraguay peut à la rigueur s’entendre, cela n’est pas acceptable pour le Burkina Faso.

Je sais bien que l’on n’amende pas un texte international mais il est possible de le modifier par avenant, comme nous l’avons fait récemment pour une convention conclue avec le Luxembourg parce qu’il existait un doute sur l’interprétation d’un terme. Je propose donc que nous procédions de la même façon pour l’accord avec le Burkina Faso car les parlementaires n’acceptent pas l’idée que l’on ne reconnaisse pas le statut de conjoint de même sexe dans des textes internationaux. Dans le cadre d’un traité, les pays doivent cheminer les uns vers les autres, faire preuve d’un respect mutuel. Je ne vois pas pourquoi nous respecterions le Burkina Faso s’il ne respecte pas nos valeurs. Nous ne lui demandons pas de faire comme nous mais de nous prendre comme nous sommes, tout comme nous les prenons comme ils sont : c’est cela, la diplomatie.

Le groupe GDR ne votera pas l’article sur le Burkina Faso et votera « du bout des lèvres » celui sur le Paraguay. Nous demandons au Gouvernement et au chef de l’État français de défendre les valeurs de la France et de continuer les négociations avec le Burkina Faso pour qu’un autre texte soit présenté à la ratification du parlement français.

M. Jean-Louis Bourlanges. Ce problème est très mineur eu égard à la quantité de population concernée mais soulève toutefois une question de fond. En droit international, les règles civiles de l’État d’origine d’une personne vivant dans un autre État doivent être respectées. C’est d’ailleurs une très grande difficulté pour les travailleurs immigrés. Le Conseil d’État a en effet jugé, à plusieurs reprises, que l’on ne pouvait pas contester la polygamie d’un ressortissant étranger séjournant sur le territoire français car il applique les règles civiles de son pays d’origine.

En l’espèce, le problème se pose des deux côtés. La France a voté une loi fondamentale dans notre droit familial, faisant du mariage homosexuel une réalité ; or, elle n’est pas prise en compte dans les accords. Quant aux ressortissants des pays qui auraient un régime de polygamie – je ne sais si tel est le cas au Burkina Faso –, leurs conjoints présents en France pourraient-ils être plusieurs à exercer une activité professionnelle ? Si tel n’est pas le cas, il faudrait savoir sur quoi l’on se fonde, parce que le principe de droit international que j’ai rappelé est essentiel. C’est une affaire délicate parce qu’elle pose un problème de principe et soulève la question de la réciprocité.

M. Christian Hutin. J’aurai tout d’abord une pensée très affectueuse pour Marielle de Sarnez. Les commissaires présents ce matin ne sont pas très nombreux, respectent les règles sanitaires, et cela se passe très bien. Je crois de moins en moins en la démocratie 2.0 : comme disait Jaurès, pour bien se connaître, il faut se frotter un peu. Ne nous frottons pas trop, à cause du covid, mais je pense que la République fonctionne bien quand les représentants du peuple peuvent discuter en se côtoyant, et non par écrans interposés. Je remercie Marielle de Sarnez d’avoir pesé de tout son poids pour que la commission travaille dans cette configuration : c’est essentiel et nous, parlementaires, devons vraiment y faire très attention.

L’examen de ces conventions nous donne l’occasion de rappeler que notre réseau diplomatique et consulaire s’est montré exceptionnel au cours de la crise sanitaire. Tous les groupes l’ont reconnu parce que chacun d’entre nous a fait appel aux ambassades pour rapatrier certains de nos concitoyens. Les personnels de nos ambassades méritent qu’on les aide : quand ces hommes et ces femmes de valeur partent travailler à l’étranger pour représenter la France, leurs conjoints doivent pouvoir y travailler.

Notre groupe, comme d’autres, est toutefois assez inquiet. La France a des valeurs. L’Assemblée nationale a voté le fait qu’un homme puisse épouser un homme, une femme puisse épouser une femme. La France est souvent en avance – pourvu que cela dure ! – mais signe des accords internationaux avec des pays qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel. Nous devrions négocier très sérieusement avec ces pays, en leur rappelant que ce droit existe chez nous. Nous ne les obligeons pas en faire autant mais nous souhaitons que cette disposition, qui fait la grandeur de la France, soit respectée dans les conventions internationales. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Bruno Joncour, rapporteur. Je remercie chacun d’entre vous pour vos appréciations sur le contenu du rapport. Les réserves exprimées par certains portent sur un point important pour notre pays. Concernant le Paraguay, les négociations ont permis de préciser que l’accord serait appliqué aux parents de conjoints ou conjointes unis de fait et reconnus légalement : cette expression n’exclut donc pas les conjoints de même sexe. L’ambassade de France au Paraguay a d’ailleurs indiqué que le ministère des relations extérieures de ce pays avait délivré sa carte de résident à un époux d’agent masculin en possession d’un passeport de service. Il semble donc qu’il y ait une ouverture sur ce point essentiel. En revanche, la voie semble fermée avec le Burkina Faso : lors des négociations, la partie burkinabè a rétorqué que les couples mariés ou pacsés de même sexe n’étaient pas reconnus au Burkina Faso, de même que la polygamie n’était pas reconnue en France.

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a précisé que la France ne pouvait imposer sa conception de la famille au Burkina Faso, au risque en outre de mettre en danger ses agents dans des pays où l’homosexualité n’est pas socialement acceptée. Les États étrangers ne peuvent de même imposer leur conception de la famille en France. Ainsi, un diplomate polygame ne pourra obtenir de titres de séjour pour ses diverses épouses sur notre territoire. Cela étant, cela n’est pas satisfaisant eu égard aux valeurs qui sont les nôtres. Il faut poursuivre et insister auprès des pays avec lesquels il y a négociation sur ce point. Lorsque nous recevrons le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, début février, j’interviendrai pour lui transmettre les préoccupations et les réserves sur le contenu des accords qui viennent d’être formulées. Pour le reste, je n’ai pas noté d’autre question majeure.

La commission adopte l’article 1er autorisant l’approbation de l’accord du 26 octobre 2018 conclu avec le Burkina Faso.

Elle adopte l’article 2 autorisant l’approbation de l’accord du 28 novembre 2018 conclu avec le Paraguay.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.

 

 


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   annexe : texte adoptÉ par la commission

 

Article 1er

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à l’emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Ouagadougou le 26 octobre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 2

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay relatif à l’emploi rémunéré des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (ensemble une annexe), signées à Assomption le 28 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 


([1])  Cap Vert, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Japon, Salvador, Zimbabwe, Cambodge, Maurice, Ouganda, Malaisie, Colombie et Mexique.

([2]) Corée du Sud (cadre bilatéral), Djibouti (cadre formel non nécessaire), Géorgie (cadre formel non nécessaire), Hong Kong (cadre formel non nécessaire), Maroc (pas d’objection à un emploi dans le réseau), Mexique (existence de dispositions facilitant l’emploi des conjoints, sans exigence de réciprocité), Russie (cadre formel non nécessaire).  

([3])  Angola, Arabie Saoudite, Botswana, Birmanie, Guinée équatoriale, Kirghizistan, Koweït, Liban, Mozambique, Oman, Ouzbékistan, Thaïlande, Afghanistan, Irak, Libye, Pakistan, Soudan, Yémen, Niger, Iran, Libéria, Seychelles, Indonésie, Jordanie, Monténégro, Népal et Qatar.

([4])  L’ambassade de France à Assomption a par ailleurs indiqué que le ministère des Relations extérieures paraguayen avait délivré sa carte de résident à un époux d’agent masculin en possession d’un passeport de service.