N° 3781

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom

PAR M. Pieyre-Alexandre ANGLADE

Député

——

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

PAR M. Alexandre HOLROYD

 

Député

 

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3734.


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

introduction

I. LA DÉCISION sur les ressources propres, acte fondateur du plan de relance europÉen

A. L’emprunt en commun au service de la relance europÉenne, vÉritable innovation de la dÉcision « ressources propres »

1. Le tournant historique du Conseil européen de juillet 2020 : un bond quantitatif et qualitatif pour l’Union

2. L’architecture innovante de l’emprunt en commun

a. Un emprunt commun dont la France sera le troisième bénéficiaire

b. L’augmentation temporaire du plafond des ressources propres

c. Le remboursement de l’emprunt

3. L’introduction annoncée de nouvelles ressources propres

4. Un dispositif juridiquement compatible avec les traités

B. LA reconduction d’un système de financement obsolète du cadre financier pluriannuel

1. Le système actuel de financement du budget européen

a. La décision « ressources propres », cadre juridique des recettes de l’Union

b. Un budget européen majoritairement financé par les transferts budgétaires nationaux et marqué par le maintien des rabais

2. Une modification à la marge du système de financement du budget européen

a. Le relèvement du plafond des ressources propres

b. L’introduction d’une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets en plastique non recyclés

c. L’augmentation anachronique des rabais

i. Des rabais rationalisés, mais augmentés

ii. L’augmentation du taux de retenue sur les ressources propres traditionnelles

iii. Des réductions forfaitaires sur la contribution « plastiques »

iv. Un impact budgétaire des rabais à relativiser

3. La contribution française, reflet du Brexit et d’un cadre financier pluriannuel ambitieux

II. L’introduction impÉrative d’un panier de nouvelles ressources PROPRES DANS les TOUTES prochaines annÉes

A. Le remboursement du plan de relance rend inÉluctable la poursuite de la rÉflexion sur les nouvelles ressources propres

1. L’obsolescence d’un système de financement reposant sur la logique du « juste retour »

2. Remboursement du plan de relance, financement des priorités politiques européennes, équité fiscale : des ressources propres aux finalités multiples

B. Un ACCORD de principe sur l’introduction de nouvelles ressources propres, qui REPRESENTE UNE AVANCEE MAJEURE

1. Une feuille de route ambitieuse pour l’introduction d’un panier de nouvelles ressources propres

2. Des propositions attendues dès 2021 sur la taxation du numérique, la ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émission et le mécanisme d’inclusion carbone

3. Des États membres encore divisés sur certaines ressources propres

4. Un système institutionnel fragilisant le processus de décision

Conclusion

Avis fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

I. AUDITION DE M. CLÉMENT BEAUNE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ des AFFAIRES EUROPÉENNES

II. EXAMEN en commission AU FOND

examen par la commission des finances saisie pour avis

Texte adopté par la commission

ANNEXE 1 Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur AU FOND

Annexe 2 liste des personnes auditionnÉes  par le rapporteur pour avis

 


—  1  —

   introduction

 

Le présent projet de loi vise à autoriser l’approbation de la décision du Conseil de l’Union européenne (UE) relative au système des ressources propres de l’Union européenne ([1]), appelée communément décision « ressources propres » (DRP). Traduction juridique du volet recettes du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027, elle a vocation à se substituer à la décision existante, qui date de 2014. Parce que certaines de ses dispositions engagent les finances des États, cette décision est soumise à la ratification de tous les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

La présente décision est la huitième soumise à notre parlement depuis l’instauration, en 1970, d’un mécanisme de véritables ressources propres, qui distingue l’Union européenne des autres organisations internationales et dont le financement repose sur des contributions volontaires des États membres. Son caractère très technique et la lenteur des procédures de ratification expliquent qu’il ait fallu, en moyenne, un an et demi entre l’adoption de la décision et sa ratification par les parlements nationaux. En France, la dernière ratification de la décision « ressources propres » par le Parlement date de 2015, et elle avait fait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée à l’Assemblée, la décision reconduisant dans les grandes lignes le système de financement de l’Union européenne.

L’ampleur des évolutions permises par l’accord du Conseil européen du 21 juillet dernier et l’impératif de mise en œuvre rapide du plan de relance européen justifient que, cette année, nous nous y attardions davantage, et de façon prioritaire.

Tout d’abord, en autorisant la Commission à emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés, la décision « ressources propres » rend techniquement et juridiquement possible le renforcement historique de la solidarité européenne, qui se traduira, notamment, par des transferts directs aux États membres qui ont le plus souffert de la crise. Les Européens peuvent ainsi apporter une réponse rapide et d’envergure à la crise actuelle, radicalement différente du traitement lent et incomplet de la crise de 2008, dont notre continent avait mis dix ans à se relever. Les modalités de l’emprunt, détaillées par la présente décision, sont la matérialisation d’un projet refondateur historique pour l’Europe, qui marque le retour, sur le devant de la scène européenne, du couple franco-allemand, dont l’initiative commune de mai 2020 a inspiré l’architecture du plan de relance, en droite ligne des recommandations du Parlement européen qui a rapidement soutenu l’initiative.

Par ailleurs, si elle ne modifie qu’à la marge la structure globale de financement du budget européen et reconduit certains dispositifs obsolètes, la présente décision augure d’une évolution profonde du système des ressources propres, un système à bout de souffle entretenant une logique du « juste retour », dont le plan de relance met en lumière de façon évidente le caractère limité. Pour la première fois depuis les années 1970, le Conseil européen s’est accordé sur l’introduction de nouvelles ressources propres, à commencer par celle fondée sur la quantité de plastiques non recyclés prévue par la présente décision. Les institutions européennes se sont entendues sur une ambitieuse feuille de route pour l’introduction d’un panier de nouvelles ressources propres, qui devront être suffisantes pour rembourser le plan de relance, et éviter à la fois une réduction du budget européen et une hausse des contributions fondées sur le revenu national brut (RNB) des États membres.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur est très favorable à l’approbation du présent projet de loi.

 

 


—  1  —

I.   LA DÉCISION sur les ressources propres, acte fondateur du plan de relance europÉen  

A.   L’emprunt en commun au service de la relance europÉenne, vÉritable innovation de la dÉcision « ressources propres »

1.   Le tournant historique du Conseil européen de juillet 2020 : un bond quantitatif et qualitatif pour l’Union

Dans la lignée de l’initiative franco-allemande et de la proposition de la Commission de mai 2020, l’accord du Conseil européen de juillet 2020 sur un plan de relance de 750 milliards d’euros est un tournant politique et budgétaire pour l’Union européenne. Son financement reposera sur un emprunt commun sur les marchés, fait inédit pour l’Union européenne. Certains qualifient cet accord de « moment hamiltonien » de l’Europe, du nom du secrétaire au Trésor, Alexander Hamilton, qui fusionna les dettes accumulées par les États américains pendant la guerre d’indépendance et créa un véritable budget fédéral.

De fait, sur le plan politique, alors même que le Brexit et la violence de la crise exposaient l’Europe à un vrai risque d’implosion, l’Union européenne démontrait sa volonté, non seulement de rester unie, mais de mettre la solidarité au cœur de la construction européenne, et de s’engager dans un projet commun sur le long terme. L’Union a ainsi levé un tabou lui permettant de se donner enfin les moyens de réaliser la solidarité budgétaire nécessaire pour limiter les divergences entre le nord et le sud de l’Europe, même si, sur le plan quantitatif, les financements octroyés pourraient encore se montrer insuffisants à eux seuls, au vu de la sévérité de la crise et des divergences d’envergure des plans de relance nationaux. L’accord du Conseil du 21 juillet a été facilité par un changement notable de position de l’Allemagne, qui a notamment pris conscience du coût économique majeur qu’engendrerait un effondrement de la zone euro et une absence de relance concertée.

Sur le plan économique et financier, ce plan de relance européen, financé par l’emprunt en commun est indéniablement la réponse la plus efficace.

Comme le rappelle l’étude d’impact, le plan de relance est pleinement justifié par l’ampleur des besoins économiques suscités par la crise. Ceux-ci ont d’ailleurs fait l’objet, en mai 2020, d’une évaluation précise de la Commission. Cette évaluation se fonde sur une analyse des besoins : 

‑ en capital pour les entreprises sur un an (720 milliards d’euros par an à 1200 milliards d’euros cette année, avec 25 à 35 % d’entreprises pouvant avoir des besoins en fonds propres) ;

‑ en investissement public et privé sur 2021-2022 (1 030 milliards d’euros pour compenser la crise, 940 milliards d’euros pour la transition écologique, 250 milliards d’euros pour la transition numérique, 40 milliards d’euros pour les investissements stratégiques ;

‑ pour les filets de sécurité sociaux (200 milliards d’euros par an).

La relance européenne constitue une occasion inédite pour réaliser la transition vers des économies vertes et numériques de façon concertée, coordonnée et harmonisée. Afin d’assurer cette convergence, 37 % des plans de relance nationaux devront être alloués à la transition écologique, et 20 % à la transition numérique. À noter que la facilité pour la reprise et la résilience prévoit également d’autres priorités pour les plans nationaux, en plus de l’écologie et du numérique : la compétitivité (particulièrement pour le monde de la recherche et les PME), la cohésion sociale et territoriale, la santé, la résilience institutionnelle, et la jeunesse. Dans des domaines où les besoins en investissements sont massifs, et dans un contexte de forte dégradation des finances publiques nationales, l’échelle européenne prend toute sa pertinence.

Si la Commission européenne est déjà habilitée à emprunter, au nom de l’Union, dans certains cas spécifiques et limités, l’emprunt proposé dans le cadre du plan de relance se distingue par son ampleur et sa finalité. Tout d’abord, son montant, de 750 milliards d’euros, représente l’équivalent de cinq budgets européens annuels. Cela est sans commune mesure avec les activités d’emprunt conduites jusqu’alors par la Commission. A titre de comparaison, les emprunts de la Commission s’élevaient en 2019 à 420 millions d’euros.

En outre, le plan de relance s’ajoute aux 540 milliards d’euros de prêts que les Européens sont déjà convenus de débloquer, via le Mécanisme de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE), le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds de garantie de la Banque européenne d’investissement. Au total, la Commission européenne a porté son programme d’émissions à 100 milliards d’euros sur les années 2020 et 2021 (88 milliards dans le cadre de SURE ; 3 milliards d’euros pour l’assistance macro-financière en faveur de dix pays tiers dans le cadre de la crise de la Covid-19 ; 9,75 milliards d’euros dans le cadre du mécanisme européen de stabilité financière).

La finalité de ce plan est également sans précédent puisque 390 milliards d’euros seront consacrés à des transferts budgétaires aux États membres, le solde de 360 milliards d’euros étant constitué de prêts. Jusqu’alors, le produit des emprunts était rétrocédé aux États membres, qui devaient le rembourser. Le produit du nouvel emprunt européen, lui, abondera les programmes de l’Union, en tant que recettes affectées externes. Ainsi, au total, 312,5 milliards d’euros sont destinés aux plans nationaux, et les 77,5 milliards de subventions restants sont destinés aux programmes européens REACT-EU (47,5 milliards d’euros), Horizon Europe (5 milliards d’euros), InvestEU (5,6 milliards d’euros), FEADER (7,5 milliards d’euros), Fonds de transition juste (10 milliards d’euros) et RescEU (1,9 milliard).


Enfin, dans un contexte où la crise a fortement fragilisé les finances publiques des États membres, l’emprunt en commun permettra à tous les pays européens de tirer bénéfice des très faibles taux d’intérêt consentis à l’Union.

2.   L’architecture innovante de l’emprunt en commun

a.   Un emprunt commun dont la France sera le troisième bénéficiaire

Le plan de relance européen se fonde sur l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), dont le paragraphe 1 dispose que « le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l’énergie ».

Ainsi, la décision « ressources propres » habilite la Commission européenne, à titre exceptionnel et au nom de l’Union, à emprunter temporairement sur les marchés de capitaux jusqu’à 750 milliards d’euros (aux prix de 2018), « à la seule fin de faire face aux conséquences de la crise de la COVID-19 » (article 5). La décision fixe également la répartition entre la part de l’emprunt pouvant être consacrée à des dépenses (390 milliards d’euros) et la part destinée à fournir des prêts aux États les sollicitant (360 milliards d’euros).

Au total, la France devrait bénéficier, au titre du plan de relance, d’une enveloppe d’environ 40 milliards d’euros (courants) ([2]), ce qui en ferait le troisième bénéficiaire du plan de relance, après l’Italie et l’Espagne. Le plan de relance européen permettra ainsi de financer 40 % du plan de relance français, en soutenant des initiatives dans les diverses priorités fixées par le Premier ministre en septembre dernier, parmi lesquelles la rénovation énergétique, le soutien aux entreprises, l’accompagnement des jeunes, ou encore la formation professionnelle.

Chaque État membre peut solliciter un préfinancement à hauteur de 10 % du montant de son enveloppe pré-allouée, soit environ 4 milliards d’euros pour la France. Ces montants pourraient être versés dès le second semestre 2021, pour des dépenses éligibles qui auraient été engagées au début de la crise, début 2020.

b.   L’augmentation temporaire du plafond des ressources propres

Outre l’augmentation du plafond des ressources propres pour le financement du cadre financier pluriannuel, l’article 6 de la présente décision prévoit la hausse temporaire et exceptionnelle de 0,6 point de ce plafond afin de couvrir les obligations financières et les passifs éventuels découlant de l’emprunt. Cette augmentation permettra d’augmenter la marge de manœuvre, c’est-à-dire la différence entre le plafond des ressources propres et les dépenses réelles. Cette marge de manœuvre est fondamentale puisqu’elle fait office de garantie pour les investisseurs et permet à la Commission européenne d’emprunter à des conditions extrêmement favorables. Si elle donne théoriquement un « droit de tirage » sur les États membres d’environ 90 milliards d’euros par an, cette marge n’a donc pas vocation à être utilisée.

Ce relèvement temporaire ne pourra pas être utilisé pour faire face à d’autres engagements de l’Union que ceux qui découlent de l’emprunt pour l’instrument de relance. Il prendra fin lorsque tous les fonds auront été remboursés et que tous les passifs éventuels liés aux prêts octroyés sur la base de ces fonds seront éteints, au plus tard le 31 décembre 2058.

Ainsi, pour le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), le plafond des ressources propres est porté à 2,06 % du revenu national brut (RNB) en engagements et 2 % en paiements, contre respectivement 1,26 % et 1,20 % dans le précédent CFP.

Afin de garantir que l’Union soit toujours en mesure de remplir ses obligations juridiques à l’égard de tiers en temps utile, la Commission sera autorisée, pendant la période de relèvement temporaire des plafonds des ressources propres, à appeler les États membres à mettre provisoirement à disposition les ressources en liquidités correspondantes, si les crédits autorisés inscrits au budget sont insuffisants, afin de couvrir les engagements découlant de l’emprunt. En dernier ressort, la Commission pourra demander des ressources en liquidités, si elle ne peut pas générer les liquidités nécessaires en recourant à d’autres mesures de gestion de trésorerie active, afin de garantir le respect des obligations de l’Union à l’égard des prêteurs. Ces appels seront effectués au prorata de la prévision des recettes du budget provenant de chaque État membre et, en tout état de cause, limités à leur part du plafond des ressources propres temporairement relevé. Toutefois, si un État membre n’honore pas à temps un appel, la Commission est autorisée, de manière provisoire, à effectuer des appels supplémentaires auprès d’autres États membres, l’État membre qui n’a pas honoré un appel restant tenu de l’honorer.


Source : Direction du budget sur la base de la décision « ressources propres » adoptée.

c.   Le remboursement de l’emprunt

Le remboursement des fonds empruntés en vue de fournir des subventions ou des garanties, ainsi que le paiement des intérêts, est à la charge du budget de l’Union. Les fonds empruntés qui sont utilisés pour accorder des prêts aux États membres sont remboursés au moyen des sommes reçues de la part des États membres bénéficiaires. Les montants dus par l’Union au cours d’une année donnée pour le remboursement du principal ne pourront pas dépasser 7,5 % du montant maximal de 390 milliards d’euros prévu pour des dépenses.

Le CFP 2021-2027 prévoit 12,9 milliards d’euros sur la période, pour le paiement des coupons des emprunts du plan de relance, Next Generation EU. Le capital ne commencera à être remboursé sur la période que si l’enveloppe consacrée au paiement des intérêts n’est pas consommée en intégralité, ou si de nouvelles ressources propres sont introduites. À défaut, les emprunts seront remboursés à partir de 2028, et au plus tard jusqu’en 2058, ce qui permet de lisser les remboursements annuels et d’étaler sur une longue période le coût de la crise.

3.   L’introduction annoncée de nouvelles ressources propres

Si la présente décision se limite, « dans un premier temps », à la création de la « contribution plastique », elle ouvre la voie à la création de nouvelles ressources propres. À cet égard, elle rappelle dans ses considérants les conclusions du Conseil européen de juillet : pour la première fois, ce dernier est convenu de la nécessité de réformer le système des ressources propres et a confié un mandat ambitieux à la Commission pour ce faire.

Ainsi, la Commission a été chargée de présenter des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023. Elle a également été mandatée pour présenter une proposition révisée, relative au système d’échange de quotas d’émission, qui serait éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime. Le Conseil avait aussi indiqué que l’Union s’efforcerait, au cours du prochain cadre financier pluriannuel, « de mettre en place d’autres ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières ». La présente décision prévoit que le produit des nouvelles ressources propres introduites après 2021 sera utilisé pour le remboursement anticipé des emprunts contractés dans le cadre du plan de relance.

4.   Un dispositif juridiquement compatible avec les traités

Dans plusieurs États membres, des inquiétudes ont été exprimées sur la compatibilité du plan de relance européen avec les principes de l’Union d’équilibre budgétaire et de discipline budgétaire énoncés à l’article 310 du TFUE, ainsi qu’avec l’intégrité du système des ressources propres prévu à l’article 311 du TFUE.

Le service juridique du Conseil a considéré, après analyse approfondie, que le mécanisme proposé par la Commission ne contrevenait pas aux traités, position à laquelle ont adhéré tous les États membres. Il considère en effet que l’Union peut avoir recours à des emprunts, dans la mesure où ceux-ci constituent une opération neutre, qui n’est pas de nature à compromettre l’équilibre budgétaire et dans la mesure où des garanties suffisantes sont fournies pour faire face aux engagements qui en découlent.

En l’espèce, le produit de l’emprunt venant abonder des programmes européens sera traité comme une « recette affectée externe », c’est-à-dire une recette qui, par dérogation au principe d’universalité, est utilisée à des fins spécifiques, en complément des crédits autorisés dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle. Le recours à cette disposition permet de placer hors balance budgétaire les 390 milliards d’euros destinés à être versés sous forme de subventions, ce qui permet de ne pas contrevenir au principe d’équilibre budgétaire, en application duquel l’Union ne peut pas souscrire d’emprunt dans le cadre du budget.

En outre, la neutralité budgétaire de l’emprunt implique qu’il soit compensé par un actif. Selon le service juridique du Conseil, les dispositions de la décision sur les ressources propres préservent cette neutralité. D’une part, le remboursement de la dette de l’Union est garanti dans les limites des plafonds des ressources propres, par un compartiment spécialisé qui ne peut servir qu’à cette fin et par des dispositions supplémentaires prévoyant que les États membres s’engagent à mettre à disposition des ressources, à concurrence du montant maximal des emprunts indiqué dans la décision sur les ressources propres, dont l’effet combiné constitue une garantie de paiement irrévocable, définitive et exécutoire. D’autre part, les institutions européennes se sont engagées, dans le cadre de l’accord interinstitutionnel (cf. infra), à créer un paquet de ressources propres suffisantes pour couvrir le coût de l’emprunt.

Enfin, le recours à grande échelle à des recettes affectées externes a été jugé compatible avec l’intégrité du système des ressources propres de l’Union et avec les principes budgétaires fondamentaux, compte tenu des circonstances économiques et du contexte particulier entourant le plan de relance, ainsi que les garanties mises en place. En effet, celui-ci n’est pas un programme de dépense ordinaire, mais un instrument exceptionnel, temporaire et unique, s’appuyant sur le principe fondamental de solidarité qui sous-tend les traités. Selon le service juridique du Conseil, le montant substantiel des recettes affectées externes peut être exceptionnellement justifié, car il est strictement destiné à couvrir les mesures liées à la pandémie de COVID-19 et limité, en volume et en durée, à ce qui est nécessaire à cette fin.

B.   LA reconduction d’un système de financement obsolète du cadre financier pluriannuel

1.   Le système actuel de financement du budget européen

a.   La décision « ressources propres », cadre juridique des recettes de l’Union

La clé de voûte juridique du système de financement de l’Union est la décision du Conseil sur le système des ressources propres, qui vise à mettre en œuvre le volet relatif aux recettes du budget de l’Union européenne, lui-même régi par le règlement fixant le cadre financier pluriannuel. La DRP est négociée et adoptée parallèlement au cadre financier pluriannuel. La présente DRP a donc vocation à se substituer à la décision du Conseil du 26 mai 2014, actuellement en vigueur ([3]), pour tenir compte de l’accord sur le nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027, obtenu en décembre 2020.

Aux termes de l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la DRP est adoptée à l’unanimité par le Conseil, après consultation du Parlement européen, puis approuvée par les États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives, ce qui implique, dans la plupart des cas, une autorisation des parlements nationaux. Si l’on peut regretter que le Parlement européen n’ait, en matière de ressources, qu’un pouvoir consultatif, il est légitime que la DRP, compte tenu de son implication pour les finances publiques des États, soit soumise aux parlements nationaux, ce qui en fait une décision ayant quasiment un rang de traité.

Si les précédentes DRP sont entrées en vigueur (avec effet rétroactif) en moyenne un an et demi après leur approbation, en raison du délai requis pour la ratification des États membres, nous ne pouvons cette année nous permettre un tel délai : il est nécessaire non seulement de compenser l’impact sur le budget européen du départ du Royaume-Uni, mais surtout d’emprunter les fonds nécessaires au plan de relance européen pour répondre au plus vite à la crise. Les négociations liant cadre financier pluriannuel, plan de relance et décision sur les ressources propres ont déjà retardé le lancement des procédures de ratification nationales. Cependant, un calendrier serré de ratification, tenu parallèlement à l’instruction des plans de relance nationaux (qui doivent être soumis avant la fin du mois d’avril 2021), peut nous permettre de percevoir les premiers versements à l’été 2021. Le parlement français pourrait notamment être l’un des premiers parlements européens à ratifier la décision, ce qui constitue un signal politique fort, d’autant que la France a joué un rôle moteur dans l’ensemble des négociations.

b.   Un budget européen majoritairement financé par les transferts budgétaires nationaux et marqué par le maintien des rabais 

Aux termes de l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, « le budget [de l’Union] est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres », ce qui devait lui permettre de disposer d’un transfert obligatoire, définitif et automatique de ressources d’origine fiscale. Cela distingue l’Union d’une organisation intergouvernementale classique, soumise aux incertitudes des contributions volontaires des États membres.

Néanmoins, le terme de « ressources propres » s’est révélé impropre. Les États membres ont bien continué à financer l’Union et la part de leurs versements dans les recettes de l’Union s’est même considérablement accrue : la ressource fondée sur le RNB, qui ne couvrait que 20 % des dépenses en 1995, représente aujourd’hui 72 % des recettes de l’Union.

Le système actuel de financement repose en effet sur quatre ressources :

‑ les ressources propres traditionnelles, qui sont des ressources perçues par les États membres pour le compte de l’Union en application des règles communes. Elles sont constituées de droits de douane provenant de l’application du tarif douanier commun aux importations provenant des pays tiers. Les États membres retiennent 20 % des montants perçus pour couvrir les frais de perception. Conséquence des mesures de désarmement tarifaires décidées lors des cycles de négociations commerciales multilatérales, la part de ces recettes dans les ressources de l’Union a fortement chuté ;

‑ la ressource fondée sur la TVA, qui est calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée pour l’ensemble des États membres. L’assiette de chaque État membre est plafonnée à 50 % du produit national brut (PNB), pour éviter de faire peser une charge trop lourde sur les États les moins prospères, dont la consommation représente une part importante du revenu national. En raison de cet écrêtement de l’assiette et de la réduction du taux d’appel, la part de cette ressource dans le financement du budget de l’Union européenne n’a cessé de diminuer ;

‑ la ressource fondée sur le RNB, qui est versée par les États membres au prorata de leur RNB dans le RNB total de l’Union, est une ressource d’équilibre : elle comble la différence entre le niveau des dépenses et les ressources ;

‑ les recettes diverses, qui sont le résultat de l’activité courante de l’Union (impôts sur les rémunérations du personnel communautaire, intérêts bancaires, contributions d’États tiers à l’Union au titre de leur participation à certaines politiques, etc.).

Parallèlement, certains États ont obtenu des rabais et des corrections pour limiter leur contribution au budget européen. C’est le cas notamment du Royaume-Uni, mais également des Pays-Bas, de la Suède, de l’Allemagne, de l’Autriche et du Danemark. La France, l’Italie et la Finlande sont les seuls pays contributeurs nets à ne pas bénéficier de mécanismes de correction.

Composition des recettes du budget de l’Union européenne entre 1994 et 2020

* 2020 : prévision.

Source : Commission, rapport financier 2019 ; budget 2020 (dont BR 1 à 8).

2.   Une modification à la marge du système de financement du budget européen

a.   Le relèvement du plafond des ressources propres

La décision sur les ressources propres vise à établir le plafond des ressources propres, c’est-à-dire le montant maximal de ressources propres que l’Union peut appeler chaque année, en pourcentage du revenu national brut, pour ses crédits de paiements. Afin que l’Union puisse s’acquitter de ses obligations financières, même en période de récession, une marge est toujours préservée entre les paiements et le plafond des ressources propres. En outre, au-delà des besoins en crédits de paiement dans le cadre financier pluriannuel, les ressources budgétaires nécessaires pour couvrir des engagements financiers liés à des prêts ou des mécanismes de financement garantis par le budget de l’Union doivent rester en deçà du plafond.

Actuellement, le montant total des ressources propres attribué à l’Union pour couvrir les crédits annuels pour paiements est plafonné à 1,20 % de la somme des revenus nationaux bruts de tous les États membres. Aux termes de l’article 3 de la nouvelle décision, ce plafond est porté à 1,4 %. Le plafond des crédits d’engagement est, quant à lui, porté de 1,26 % à 1,46 %.

Plusieurs raisons justifient ces augmentations. D’abord, elles sont la conséquence de deux évolutions structurelles : la compensation de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (le pays étant contributeur net au budget européen), et l’intégration au budget européen du Fonds européen de développement (FED), à la faveur de la création du nouvel instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale. Ce fonds était jusqu’ici financé par des contributions nationales des États membres, hors cadre financier pluriannuel.

b.   L’introduction d’une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets en plastique non recyclés

En matière de nouvelles ressources propres, la présente DRP fait un premier pas, qui augure d’une évolution profonde du système de financement de l’Union européenne. Pour la première fois depuis l’instauration de la ressource fondée sur le RNB, une nouvelle catégorie de ressources est créée. Depuis janvier 2021 est introduite une contribution fondée sur les déchets plastiques non recyclés, avec un taux d’appel de 0,8 euros par kilogramme. Pour autant, plutôt que d’une ressource propre à proprement parler, il s’agit d’une nouvelle modalité de calcul des contributions nationales. Le rendement de cette ressource devrait être modeste (environ 6 milliards d’euros en 2021) et décroitra au fur et à mesure que les États progresseront dans le recyclage des emballages. Cependant, non seulement cette mesure constitue une innovation budgétaire importante pour l’Union européenne mais en plus les recettes sur la période 2021-2027 seront stables.

Sur le plan environnemental, cette contribution incitera les États membres à réduire les déchets d’emballages plastiques, d’autant plus rapidement que toute réduction chez d’autres États membres augmente relativement la contribution d’un État membre de sa part RNB, multipliée par la réduction en kilogramme et par le taux d’appel. De la même façon, toute réduction d’une tonne d’emballages plastiques non recyclés en France diminue, toutes choses égales par ailleurs, la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Le dispositif est donc conçu pour créer une émulation entre les États membres.

Pour la France, cette ressource aura un coût net de 69 millions d’euros par an en moyenne. En outre, son montant a vocation à diminuer avec la progression de la part des plastiques recyclés, conséquence attendue de l’application de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

c.   L’augmentation anachronique des rabais

i.   Des rabais rationalisés, mais augmentés

L’augmentation des rabais résulte des négociations avec les pays dits « frugaux » sur le plan de relance. Il s’agit d’un compromis qui reste néanmoins regrettable, d’autant plus que la sortie du Royaume-Uni semblait l’occasion de supprimer tous les mécanismes de correction accordés aux Etats. L’abandon définitif des rabais reste cependant un objectif majeur et la France devra continuer à exiger leur suppression dans le cadre de la refonte du système des ressources propres annoncé dans les prochaines années, afin que le présent cadre financier pluriannuel soit le dernier à les autoriser.  

Si la décision supprime formellement les taux réduits de TVA, appelés « rabais TVA », et le « rabais sur le rabais » dont bénéficiaient certains États pour réduire leur contribution au rabais britannique, leur niveau, au cours de l’exercice 2020, a servi de référence, lors de la négociation du cadre financier pluriannuel, pour le calcul des réductions forfaitaires dont bénéficieront les États membres susmentionnés. En somme, les corrections ont été définies par la fusion des trois dispositifs précédents (« rabais sur le rabais », taux d’appel réduits de TVA et montants forfaitaires) au niveau de 2020, dont le montant a ensuite été relevé au cours des négociations, pour s’établir à 565 millions d’euros pour l’Autriche, 377 millions d’euros pour le Danemark, 3 671 millions d’euros pour l’Allemagne, 1 921 millions d’euros pour les Pays-Bas et 1 069 millions d’euros pour la Suède.

ii.   L’augmentation du taux de retenue sur les ressources propres traditionnelles

Les frais de perception retenus par les États membres sur les ressources propres traditionnelles (droits de douane), que la Commission proposait de réduire de 20 à 10 %, ont finalement été portés à 25 %. Cela avantage les grands États importateurs comme les Pays-Bas ou la Belgique, dont on peut considérer qu’ils bénéficient d’une autre forme de rabais. À l’inverse, cette augmentation pénalise les États, comme la France, dont la part dans le RNB de l’Union est importante, puisque la diminution des ressources propres traditionnelles est compensée par une hausse de la contribution RNB.


Source : annexe au projet de loi de finances pour 2020, relations financières avec l’Union européenne

iii.   Des réductions forfaitaires sur la contribution « plastiques »

Au cours de la négociation du cadre 2021-2027, afin de faciliter le déploiement de la ressource propre calculée sur la part d’emballages plastiques en prenant en compte les spécificités des Etats membres, un rabais sur la ressource « plastique » a été accordé aux pays dont le revenu national brut par habitant était inférieur à la moyenne de l’Union en 2017, soit dix-sept pays. Elle correspond à 3,8 euros par habitant (population de 2017). Une réduction annuelle forfaitaire, exprimée en prix courants, est ainsi accordée aux États membres suivants : Bulgarie (22 millions d’euros), République Tchèque (32,2 millions d’euros), Estonie (4 millions d’euros), Grèce (33 millions d’euros), Espagne (142 millions d’euros), Croatie (13 millions d’euros), Italie (184 millions d’euros), Chypre (3 millions d’euros), Lettonie (6 millions d’euros), Lituanie (9 millions d’euros), Hongrie (30 millions d’euros), Malte (1,4 million d’euros), Pologne (117 millions d’euros), Portugal (31,3 millions d’euros), Roumanie (60 millions d’euros), Slovénie (6,3 millions d’euros) et Slovaquie (17 millions d’euros).


iv.   Un impact budgétaire des rabais à relativiser

Les rabais gangrènent le budget européen depuis plus de trente ans. Les augmentations des rabais obtenues, lors du Conseil européen de juillet 2020 par certains États membres ont un impact budgétaire sur la France qu’il convient cependant de relativiser. La présente DRP prévoit une diminution, en montant, de notre part dans le financement des corrections (dont le volume, néanmoins, augmente). Ainsi, la contribution française au titre du paiement des rabais passera de 2 milliards d’euros dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 à 1,5 milliard d’euros dans le nouveau cadre (dont 1,4 milliard d’euros par an au titre des corrections brutes définies sur la ressource liée au revenu national brut et 0,1 milliard d’euros par an pour celles liées à la ressource plastique).

3.   La contribution française, reflet du Brexit et d’un cadre financier pluriannuel ambitieux

Dans l’hypothèse où aucune ressource propre ne serait créée, la contribution de la France au budget de l’Union européenne s’élèverait à environ 207,5 milliards d’euros pour l’ensemble de la période 2021-2027, soit 29,6 milliards d’euros en moyenne par an. Elle supporterait donc une augmentation d’environ 55,8 milliards d’euros par rapport à la précédente programmation pluriannuelle 2014-2020, soit une hausse de 8 milliards d’euros en moyenne par an. Outre le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, cette contribution inclut également les droits de douanes nets collectés en France aux frontières du marché unique.

Les dispositions de la présente DRP ne modifiant qu’à la marge les modalités de calcul de la contribution française, la hausse attendue de celle-ci pour le cadre financier pluriannuel résulte essentiellement de la nécessaire compensation du départ du Royaume-Uni de l’Union, et de la hausse du budget européen (en euros courants).  Conséquence du Brexit, la clef de la contribution de la France au titre de la ressource RNB est en effet mécaniquement portée de 14,9 % (niveau de 2020) à 17,6 % en moyenne sur la période 2021-2027.

Le niveau de la contribution française est la traduction financière de l’accord obtenu en décembre 2020 sur le cadre financier pluriannuel, qui fixe le budget de l’Union européenne pour la période 2021-2027 à 1 074 milliards d’euros en crédits d’engagement, soit une augmentation de 12 % par rapport à la précédente période financière, alors même que le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’Union européenne. Ce budget assure un juste équilibre entre le financement des nouvelles priorités, à commencer par la transition énergétique, - dont le Pacte vert et l’objectif de neutralité climatique en 2050 sont la colonne vertébrale -, et la préservation des politiques traditionnelles que sont notamment la politique agricole commune et la politique de cohésion, laquelle sera même augmentée pour les territoires ultramarins. Il convient également de souligner l’augmentation significative des budgets du programme spatial, des programmes prioritaires comme Erasmus+ ou Horizon Europe, et de la création d’un programme relatif à la santé, EU4Health.

Enfin, le ressaut attendu de la contribution française, particulièrement marqué pour l’année 2021, résulte également des moyens supplémentaires requis pour faire face à la crise de la Covid-19 et de la diminution des ressources propres traditionnelles de l’Union (droits de douane) liée à la crise économique, qui se traduit par une hausse de 700 millions d’euros de la contribution française en 2021.

II.   L’introduction impÉrative d’un panier de nouvelles ressources PROPRES DANS les TOUTES prochaines annÉes

A.   Le remboursement du plan de relance rend inÉluctable la poursuite de la rÉflexion sur les nouvelles ressources propres

1.   L’obsolescence d’un système de financement reposant sur la logique du « juste retour »

Le système de financement actuel est complexe, opaque, et manque d’équité. Il souffre de la multiplicité des mécanismes correcteurs obtenus par certains États pour limiter leur contribution budgétaire et n’assure aucune autonomie fiscale et financière à l’Union, près de 85 % du budget de l’Union étant financé par des recettes (TVA et RNB) qui ne sont pas de véritables ressources propres, puisqu’elles sont prélevées sur les budgets nationaux.

Surtout, le système actuel exacerbe les égoïsmes nationaux, entretenus par la logique du « juste retour », à laquelle ne saurait se réduire (tant s’en faut) les bénéfices de l’appartenance à l’Union. Pour ne s’en tenir qu’au champ budgétaire, la garantie de la Banque centrale européenne permet à la France, par exemple, de refinancer sa dette en bénéficiant aujourd’hui d’un taux d’emprunt à dix ans de l’État à - 0,3 %. On peut estimer que, sans appartenance à la zone Euro, ce taux s’établirait à plus de 1 %, entraînant un surcoût pour le financement de la dette de 20 à 30 milliards d’euros.  

La logique du « juste retour » a cependant été renforcée par le système institutionnel : en matière fiscale, les décisions sont intergouvernementales, ce qui s’est traduit par la bascule des ressources propres vers des contributions nationales, entraînant des comportements de renationalisation de la dépense.

Déjà contesté lors des précédents cadres financiers pluriannuels, ce système paraît tout bonnement contradictoire avec le renforcement historique de la solidarité européenne que constitue le plan de relance fondé sur un emprunt commun d’une ampleur sans précédent et des transferts directs aux États membres les plus touchés par la crise.

A cet égard, la dynamique enclenchée par le plan et par la création annoncée marque un tournant qu’il convient de souligner : la nécessité de repenser en profondeur le financement de l’Union est plus que jamais au cœur des débats. 

2.   Remboursement du plan de relance, financement des priorités politiques européennes, équité fiscale : des ressources propres aux finalités multiples

En matière de fiscalité, des propositions, qui jusqu’à présent semblaient chimériques, trouvent désormais plus d’écho. Cela s’explique par l’accroissement des besoins de financement liés au plan de relance et aux priorités politiques européennes, ainsi que par l’exigence d’une plus grande équité fiscale, qui s’est accrue avec la crise.

L’introduction de nouvelles ressources propres est d’abord motivée par la nécessité de rembourser l’emprunt du plan de relance à partir de 2028. Sans la création de nouvelles ressources, cela serait passé, soit par une diminution des ambitions des politiques européennes, soit par une forte augmentation des contributions nationales. Ces deux options ont été rejetées dans l’accord institutionnel du 10 novembre 2020. Cet accord comprend donc une feuille de route visant à la mise en place de nouvelles ressources propres, lesquelles devront lever un montant « suffisant pour couvrir le niveau des dépenses totales prévues pour le remboursement du principal et des intérêts des fonds empruntés » (voir infra). Ces considérations financières sont le principal adjuvant de la France dans sa volonté de réformer en profondeur le système des ressources propres.

Parmi les recettes envisagées, celles portant sur la transition énergétique et le numérique ont l’avantage de mieux aligner les instruments financiers sur les priorités politiques européennes, conformément à la volonté du Conseil reprise dans le considérant 6 de la présente décision. Ainsi, les pays du Nord de l’Europe, jusqu’à présent très réticents à l’introduction de nouvelles ressources propres, sont plus enclins à accepter des propositions liées aux priorités environnementales et climatiques. Par exemple, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières a vocation à rétablir une loyauté de concurrence entre les acteurs européens engagés dans la transition énergétique, et ceux des pays tiers, qui ne subissent pas les mêmes contraintes, ainsi qu’à garantir l’efficacité des politiques européennes en matière climatique en luttant contre les fuites de carbone.

Enfin, la taxe numérique et la taxe sur les transactions financières répondent directement à des impératifs d’équité et de justice fiscale. Le commissaire européen à la fiscalité, Paolo Gentiloni, a ainsi admis que la taxation du numérique était un « devoir politique » plus qu’une source importante de revenus, notamment dans un contexte où les plateformes du numérique ont été les grandes gagnantes de la crise.

B.   Un ACCORD de principe sur l’introduction de nouvelles ressources propres, qui REPRESENTE UNE AVANCEE MAJEURE

1.   Une feuille de route ambitieuse pour l’introduction d’un panier de nouvelles ressources propres

Si le Conseil a fait un grand pas en prônant l’introduction de nouvelles ressources propres, il lui faudra surmonter ses divisions et trouver un terrain d’entente plus ambitieux avec le Parlement européen. À l’initiative de ce dernier, les institutions se sont accordées sur une feuille de route fixant un calendrier pour l’introduction d’un panier de nouvelles ressources propres, destiné à couvrir les coûts du remboursement du principal et des intérêts du plan de relance. Cette feuille de route figure en annexe à l’accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière qui accompagne le cadre financier pluriannuel. C’était l’exigence posée par le Parlement européen pour approuver le cadre financier pluriannuel.

Cet accord institutionnel prévoit des dates limites pour la présentation de propositions de textes par la Commission et pour leur délibération au Conseil. Si la feuille de route n’introduit qu’une obligation de moyens, et non de résultats, elle reste néanmoins contraignante pour les institutions. En d’autres termes, la Cour de justice de l’Union européenne pourra annuler des actes de l’une des institutions si ceux-ci n’émettent pas les propositions de texte prévues, ou ne délibèrent pas dans les temps, en méconnaissant les termes de l’accord interinstitutionnel. En revanche, la feuille de route ne peut préjuger ni des décisions du Conseil sur les recettes envisagées, ni de l’issue des ratifications nationales. En outre, le rendement des ressources proposées dépendra de la nature des dispositifs à l’issue des négociations à venir.

Il n’en reste pas moins que l’engagement des institutions à travailler sur la base de la feuille de route est très encourageant et constitue une évolution inédite de la position des États membres. La feuille de route prévoit trois étapes, organisées pour éviter une modification trop fréquente de la décision sur les ressources propres. Ainsi, outre l’application, à compter du 1er janvier 2021, de la contribution calculée sur le poids des déchets d’emballages en plastique non recyclés, la feuille de route prévoit que jusqu’à six nouvelles recettes propres soient introduites d’ici à 2028, date de début de remboursement de l’emprunt :

avant juin 2021 : publication de propositions de la Commission européenne pour une taxe numérique, une ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émission (ETS) et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Les trois institutions conviennent que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et la ressource ETS sont liés et doivent donc être discutés conjointement ;

2022 et 2023 : délibération du Conseil sur ces propositions avant le 1er juillet 2022, en vue de leur mise en œuvre le 1er janvier 2023 ;

2024-2026 : publication par la Commission, avant juin 2024, de propositions pour de nouvelles ressources propres « qui pourraient inclure » une taxe sur les transactions financières, une contribution financière des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés. Le Conseil est invité à délibérer de ces propositions avant le 1er juillet 2025 en vue de leur introduction au 1er janvier 2026.

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, la Commission s’est engagée à ce que, dans le cas où la coopération renforcée sur la TTF parviendrait à un accord avant 2022, elle proposerait d’en faire une ressource propre. À défaut, elle fera une nouvelle proposition avant juin 2024.

2.   Des propositions attendues dès 2021 sur la taxation du numérique, la ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émission et le mécanisme d’inclusion carbone

En matière de taxation du numérique, la France a longtemps été isolée, les grands pays exportateurs comme l’Allemagne ou l’Irlande espérant un accord international sous l’égide de l’OCDE, pour éviter d’éventuelles représailles économiques. Or cet accord, qui ne pourrait aboutir avant l’été 2021, semble hors de portée tant divergent les positions de l’Union et des États-Unis.

Si le changement d’administration américaine ne permet pas de débloquer les négociations, la Commission présentera, début 2021, une proposition sur la taxation du numérique, solution à laquelle de plus en plus d’États membres, échaudés par la difficulté des négociations internationales, se sont ralliés. Signe de l’évolution des positions, un pays comme le Danemark, qui était l’un des principaux détracteurs de la taxation des services numériques, y est désormais favorable. Selon les informations transmises par le Gouvernement, cette taxe pourrait rapporter environ 5 milliards d’euros par an, en fonction du calibrage retenu. En outre, si cette recette est mise en place au niveau de l’OCDE suite à un déblocage des négociations, la Commission devrait proposer de faire des recettes « européennes » une ressource propre pour le budget européen.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est également largement soutenu par les États membres car c’est un outil central du Pacte vert permettant de rétablir une équité avec les acteurs des pays tiers qui ne sont pas soumis aux mêmes exigences environnementales et d’éviter les fuites de carbone. La Commission prévoit une proposition en juin 2021. Si cet instrument fiscal est d’une grande complexité, tant sur le plan technique que sur le plan de sa conformité aux règles du commerce international, la France est convaincue de la possibilité de mettre en place un système qui respecte les règles de l’OMC, en dupliquant le système ETS qui existe à l’intérieur des frontières. Selon les informations transmises par le Gouvernement, le rendement de cette recette pourrait aller jusqu’à 15 milliards d’euros par an, en fonction du calibrage retenu.

La proposition de nouvelle ressource propre fondée sur le mécanisme d’échange des quotas d’émission carbone comporte, quant à elle, de nombreux avantages. D’abord, elle est techniquement simple, puisque la recette existe déjà et qu’il s’agirait de transférer son produit au budget européen. Ensuite, ses recettes sont dynamiques, puisqu’elles sont alignées sur le prix du carbone. La difficulté est davantage politique : elle est soutenue par de nombreux États membres, mais elle fait encore l’objet d’âpres débats, tant sur son périmètre que sur ses modalités d’application, plusieurs pays (comme la Pologne) souhaitant, de surcroît, conserver les recettes au niveau national.

3.   Des États membres encore divisés sur certaines ressources propres

Si, sur certaines ressources propres, les positions des États membres semblent se rapprocher, de nombreuses divergences demeurent, notamment sur le mécanisme d’échange des quotas d’émission carbone, la taxe sur les transactions financières et l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés.

Quant à la taxe sur les transactions financières, elle aurait l’avantage de contribuer à la fois aux objectifs d’équité fiscale et d’accroissement des recettes. La proposition de la commission Barroso de 2011 s’était heurtée aux refus de nombreux pays. La coopération renforcée mise en place il y a près de dix ans n’a, à ce stade, pas permis d’obtenir des résultats. Pourtant, à la faveur de la crise, les positions de plusieurs États membres évoluent et des avancées pourraient être obtenues. Ainsi, avant même le début de la crise en 2019, la France, l’Italie et l’Allemagne avaient œuvré pour qu’une nouvelle proposition soit faite et, en décembre 2019, la chancelière Angela Merkel s’est déclarée favorable à la création d’une taxe sur les transactions financières, indiquant que ce dossier constituait une priorité.

Si le contexte est favorable à la relance de la coopération renforcée, la proposition ne sera, en tout état de cause, pas aussi ambitieuse que celle proposée en 2011 par la commission Barroso, qui s’appliquait à une Europe à vingt-huit comprenant le Royaume-Uni. Une assiette trop large engendrerait une évasion fiscale susceptible d’annuler les effets de la taxe. La demande des membres du Parlement européen d’affecter les recettes issues de la coopération renforcée au remboursement de la part de l’emprunt relevant des États membres y participant serait susceptible de relancer opportunément la dynamique en faveur de cette taxe. Néanmoins, l’objectif premier reste que toute ressource propre soit créée à 27.

S’agissant de l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS), proposée par la Commission en 2018, il est d’autant plus regrettable qu’elle n’ait pas été reprise par le Conseil européen de juillet qu’elle semble le prolongement logique du marché intérieur. La mention, dans la feuille de route, d’une éventuelle nouvelle assiette commune pour l'impôt sur les sociétés est, à cet égard, une avancée. Enfin, l’accord interinstitutionnel prévoit l’opportunité de créer d’autres ressources propres additionnelles à l’avenir.

4.   Un système institutionnel fragilisant le processus de décision

Les difficultés des négociations en matière fiscale sont renforcées par les faiblesses du système institutionnel : la règle de l’unanimité et le rôle prépondérant de l’intergouvernemental freinent les décisions, en donnant l’avantage à ceux qui ne veulent pas avancer. Si l’unanimité n’est pas requise pour l’adoption des textes relatifs aux propositions non fiscales, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et le système d’échange de quotas d’émission, elle l’est pour intégrer ces dispositifs au système des ressources propres de l’Union.

Si unanimité ne veut pas dire immobilisme, comme en témoigne les décisions historiques prises à l’unanimité en 2020, notamment sur le plan de relance, il semblerait opportun, à terme, de réformer ce système. Les coopérations renforcées sont une façon d’avancer en cas de blocage. Le passage à la majorité qualifiée et l’association plus étroite des parlements européen et nationaux sembleraient gage d’efficacité et de transparence, et renforcerait la légitimité démocratique de la procédure.

En tout état de cause, ces obstacles politiques et institutionnels justifient une négociation portant sur un « panier » global, afin de répartir de façon plus équilibrée la charge des différents instruments fiscaux et en faciliter ainsi l’acceptabilité par les États membres et la prévisibilité des recettes


    

   Conclusion

 

Votre rapporteur est favorable au projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil de l’Union européenne relative au système des ressources propres de l’Union européenne, qui doit parer à l’urgence, en permettant le lancement de l’emprunt finançant le plan de relance, dont les institutions européennes se sont engagées à assurer le remboursement par l’introduction de nouvelles ressources propres.

Ainsi, cette loi constitue la première étape d’une réforme en profondeur du système de financement de l’Union européenne comprenant l’introduction d’un panier de nouvelles ressources propres, qui aura plusieurs vertus majeures : le renforcement de l’équité fiscale, l’accroissement des recettes de l’Union pour financer le plan de relance et les priorités politiques européennes, notamment en matière environnementale et numérique, et la limitation de la contribution des États membres fondée sur le RNB. En outre, l’évolution de l’Union vers davantage d’autonomie fiscale est un élément constitutif de la souveraineté européenne tant attendue dans le contexte de l’après-crise, et que le Président de la République défend depuis 2017.

Après des années de blocage sur ces questions, le plan de relance met les États membres au pied du mur : un consensus commence à se dégager sur le numérique ou le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, et les positions évoluent sur des propositions comme celle relative à la taxe sur les transactions financières. Qu’il nous soit permis d’y voir les prémices d’une transformation du système de financement de l’Union aussi audacieuse que l’a été la décision historique du Conseil européen du 21 juillet 2020.

 


—  1  —

   Avis fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

La commission des finances a souhaité se saisir pour avis du projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom. La précédente décision, applicable sur la période 2014-2020, avait été approuvée par la loi n° 2015-1672 du 16 décembre 2015. Le présent avis permet d’apprécier, chaque fois que possible, l’impact budgétaire des dispositions de la décision ressources propres (DRP) sur la participation de la France au budget européen.

La DRP est négociée concomitamment au cadre financier pluriannuel (CFP). Pour le CFP 2021-2027, compte tenu de la nécessité de faire entrer cette décision en vigueur le plus rapidement possible pour permettre à la Commission d’emprunter sur les marchés et de financer le plan de relance européen, l’enjeu réside dans la ratification rapide par tous les États membres de la décision, et non environ deux années après l’adoption du CFP, comme ce fut le cas lors des précédents cycles. À l’heure actuelle, trois États membres ont finalisé la ratification de la décision ressources propres : Chypre, la Croatie et l’Italie. Selon les calendriers parlementaires, l’ensemble des États membres devrait avoir ratifié la décision d’ici le début du mois de mai. À titre de comparaison, pour la période 2014-2020, la DRP a été adoptée de façon définitive par le Conseil le 26 mai 2014. La loi autorisant l’approbation par le gouvernement français de la DRP a ensuite été promulguée le 16 décembre 2015. Après son approbation par l’ensemble des États membres en septembre 2016, la décision est enfin entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

La procédure d’adoption d’une DRP est régie par l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En vertu de cet article, une décision, adoptée à l’unanimité par le Conseil après consultation du Parlement européen, définit le système des ressources propres. Cette décision est ensuite approuvée par les États membres. En France, le Gouvernement notifie son approbation après avoir reçu l’autorisation du Parlement. Trois règlements de mise en œuvre complètent ensuite la DRP, formant ainsi le « paquet ressources propres ».

Si la présente décision proroge le système des ressources propres dans ses principaux aspects, elle illustre également une volonté de renouvellement des ressources de l’Union, de simplification des rabais et de mise en œuvre d’un cadre extraordinaire permettant de faire face à la crise.

I.   Une incidence limitÉe de la rÉforme du volet ressources sur la contribution française

Pour la période 2021-2027, la DRP ne modifie qu’à la marge les modalités de calcul de la contribution française. Le ressaut de la contribution française pour le CFP 2021-2027 est essentiellement la conséquence de la fin de la contribution britannique et de l’augmentation du budget européen. En effet, les modifications du volet ressources introduites par la prochaine DRP ainsi que les effets économiques de court terme de la crise de la Covid-19, tels l’érosion des droits de douane, ont des effets plus limités, même s’ils ne sont pas négligeables.

L’évolution de la contribution française totale entre les périodes 2014-2020 et 2021-2027 est d’environ + 35 %. Elle est ainsi comparable à celles observée dans d’autres États membres, à l’instar de la Belgique (+ 34 %), de l’Espagne (+ 34 %), des Pays-Bas (+ 37 %) ou de l’Autriche (+ 35 %). L’Allemagne connaît en revanche un ressaut plus conséquent, de l’ordre de 46 %.

La contribution totale de la France au budget de l’Union européenne devrait s’élever à environ 207,5 milliards d’euros pour l’ensemble de la période 2021-2027, ce qui représente une contribution de 29,6 milliards d’euros en moyenne par an. La France supporterait donc une augmentation de sa contribution sur la période d’environ 55,8 milliards d’euros par rapport à la programmation pluriannuelle 2014-2020, soit un ressaut de 8 milliards d’euros en moyenne par an, avant création de toute autre nouvelle ressource propre.

ÉVOLUTION DES MONTANTS DE LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE
AU TITRE DES DIFFÉRENTES RESSOURCES PROPRES

(en milliards d’euros courants)

Ressources

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

RNB ([4])

22,4

21,9

21,8

22,6

23,1

23,8

24,4

Ressource TVA

3,6

3,6

3,7

3,8

3,9

4,0

4,2

RPT ([5]) nettes

1,6

1,6

1,7

1,7

1,8

1,8

1,9

Ressource plastique

1,2

1,2

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

PSR-UE

27,2

26,7

26,6

27,5

28,1

28,9

29,6

Total

28,8

28,4

28,3

29,2

29,8

30,7

31,5

Source : direction du budget.

A.   l’amorce d’un renouvellement des ressources propres, sans incidence significative sur les modalitÉs de calcul de la contribution française

L’ambition d’instaurer progressivement de nouvelles ressources propres assises sur des politiques européennes répond à la volonté, notamment française, de mettre un terme au débat sur le juste retour et aux discussions connexes relatives aux rabais. Si les trois ressources de la période précédente sont reconduites dans la prochaine DRP (ressource TVA, ressource RNB et ressources propres traditionnelles), un accord a été trouvé sur l’instauration dès 2021 d’une nouvelle ressource fondée sur la part de déchets d’emballages plastiques non recyclés.

Outre ces quatre ressources, s’ajoutent des recettes diverses représentant environ 1 % du budget. Ces recettes sont le fruit des activités courantes de l’Union. Il s’agit notamment du solde des exercices antérieurs, des recettes provenant des personnes travaillant auprès des institutions et autres organismes de l’Union, des recettes provenant du fonctionnement administratif des institutions, des contributions de pays tiers à certains programmes européens, des intérêts de retard, des amendes, des prêts et emprunts, etc. Les règles de fonctionnement de ces ressources ne sont pas modifiées par l’adoption de la nouvelle DRP.

Source : commission des finances sur la base des informations transmises par la direction du budget.

1.   Le maintien des ressources propres traditionnelles et de la ressource fondée sur le revenu national brut

Introduites en 1970, les ressources propres traditionnelles (RPT) comprennent les droits de douane perçus sur les importations de produits en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne. Les droits et cotisations prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ont été définitivement supprimés en 2017 compte tenu de la fin des quotas sucriers.

Perçues directement auprès des opérateurs économiques par les États membres, ces derniers en retranchaient 20 % au titre des frais de perception en vertu de la DRP 2014-2020. Conformément à la prochaine DRP, le taux de retenu s’élèvera à 25 % à compter de 2021. Les RPT représentent actuellement 15 % des ressources du budget de l’Union.

La crise liée à la Covid-19 a eu un effet défavorable, limité mais non négligeable, sur les montants perçus au titre des droits de douane. Cette diminution s’explique par la chute des importations hors Union européenne. Pour la période 2021-2027, les ressources propres traditionnelles s’élèveront, en net, en moyenne à 1,7 milliard d’euros annuellement, mais à seulement 1,6 milliard d’euros pour 2021. La loi de finances pour 2021 estimait leur montant net à 1,8 milliard d’euros pour 2020.

La ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) est une ressource d’ajustement permettant au budget européen d’être systématiquement à l’équilibre. L’Union applique un taux uniforme au RNB de chacun des États membres en fonction de leur part dans l’assiette totale. La DRP reconduit néanmoins des réductions forfaitaires des versements RNB annuels en faveur de certains États membres.

Pour la France, la clé de contribution, qui s’élevait à 14,9 % au niveau 2020 dans l’Union à 28 États membres, sera portée à 17,6 % en moyenne sur la période 2021-2027. Cette hausse est principalement rendue nécessaire par le départ du Royaume-Uni. Sur la période 2021-2027, la ressource RNB représentera en moyenne annuelle 22,9 milliards d’euros pour la France, tandis qu’elle était en moyenne de 15,5 milliards d’euros sur la période 2014-2020.

Source : Étude d’impact du projet de loi.

2.   La simplification à la marge de la ressource fondée sur la TVA

La ressource fondée sur la TVA est due par chaque État membre après application d’un taux d’appel, fixé à 0,30 %, à une assiette de TVA évaluée de manière harmonisée pour tous les États membres.

La Commission prévoyait, dans sa proposition initiale, une forte simplification de la ressource TVA. En effet, il était envisagé de neutraliser les taux réduits et super-réduits, de supprimer l’écrêtement en vigueur des assiettes TVA à 50 % du RNB ainsi que de limiter le nombre d’acteurs et de contrôles. Au fur et à mesure des négociations, cette proposition de réforme a été limitée dans son ampleur. Au cours de ces négociations, la France a défendu la suppression de la ressource propre TVA, dont la valeur ajoutée européenne n’est, selon elle, pas démontrée et dont les procédures administratives de suivi et d’harmonisation apparaissent particulièrement lourdes.

Auparavant, un taux moyen harmonisé, qui divise le produit de chaque TVA nationale, était calculé annuellement pour chaque État membre. Désormais, selon la méthode présentée en janvier 2019 par la Commission, le taux moyen harmonisé sera celui fixé dans le règlement du Conseil (CEE/Euratom) n° 1553/89, c’est‑à‑dire depuis la dernière révision de ce règlement, le taux moyen harmonisé calculé pour l’exercice 2016, sous réserve de rectification, la Commission ayant émis une réserve pour celui de plusieurs États membres.

La DRP conserve l’écrêtement des bases TVA à 50 % du revenu national brut de l’État membre considéré, ainsi que le taux d’appel de 0,30 %. En revanche, le mécanisme de taux d’appel réduits au profit de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Suède disparaît.

Sur la période 2021-2027, la ressource TVA devrait représenter en moyenne annuelle 3,8 milliards d’euros pour la France, contre environ 3,1 milliards d’euros lors de la période précédente.

3.   L’introduction d’une nouvelle ressource incitative fondée sur la part de déchets d’emballages plastiques non recyclés

Cette nouvelle ressource (dite ressource plastique) n’est pas, au sens strict, une ressource propre de l’Union européenne dans la mesure où elle n’est pas indépendante des contributions des États membres. À ce titre, cette ressource, qui correspond en fait à une modulation de la ressource RNB, ne frappera pas directement les consommateurs.

En effet, il s’agit d’une ressource fondée sur la part de déchets d’emballages plastiques non recyclés, calculée à partir de la différence entre les déchets d’emballages plastiques produits dans un État membre au cours d’une année et les déchets d’emballages plastiques recyclés cette même année. La différence est établie sur le fondement de la directive n° 94/62 de la Commission à partir d’un taux d’appel de 0,80 euro par kilogramme. Cet effet incitatif doit permettre une amélioration du recyclage au sein des États membres et devrait conduire, par voie de conséquence, à une diminution du rendement de la ressource plastique.

Le montant de la ressource plastique versé par chaque État membre est estimé par la Commission européenne sur la base des dernières exécutions constatées de l’exercice n-3 et des prévisions d’emballages plastiques et de recyclage des emballages plastiques pour les années n et n+1 établies pour chaque État membre par la direction générale de la Commission chargée de l’environnement.

À l’occasion du Comité consultatif des ressources propres du mois de mai, chaque État membre devra effectuer ses prévisions d’assiette harmonisée d’emballages plastiques non recyclés pour l’année en cours et la suivante sur la base de la dernière exécution communiquée à la Commission (année n-3) et de ses propres prévisions de recyclages des emballages plastiques. La Commission effectuera également des prévisions d’assiette harmonisée de ressource plastique pour chaque État membre sur la base de la dernière exécution communiquée et de prévisions d’évolution établies par sa direction générale chargée de l’environnement.

L’effet de l’introduction de cette nouvelle ressource reste relativement peu significatif dans la contribution française. En effet, sur la période 2021-2027, la ressource plastique devrait coûter en moyenne annuelle 1,1 milliard d’euros à la France, ce qui représente une part de 4 % au sein de sa contribution totale. En dépit de sa faible importance dans la contribution nationale, cette avancée reste notable puisqu’aucune nouvelle ressource n’avait été introduite depuis le Conseil européen de Bruxelles de juin 1988. Le rapporteur souhaite insister sur l’importance de la transparence quant à la variation de cette ressource et propose à cet égard que la trajectoire d’évolution fasse l’objet d’une communication annuelle au Parlement, par exemple à travers les annexes budgétaires, dans une perspective de meilleure la lisibilité budgétaire.

Afin de faciliter l’introduction de cette nouvelle ressource propre et d’éviter des effets régressifs, la présidence du Conseil a décidé d’accorder aux États membres en convergence, c’est-à-dire ceux dont le RNB est inférieur à la moyenne de l’Union, une réduction forfaitaire annuelle correspondant à 3,8 kg d’emballages plastiques non recyclés par habitant.

B.   l’Augmentation des plafonds, consÉquence nÉcessaire du Brexit et de la crise sanitaire et Économique

Hors plan de relance, pour la période 2021-2027, les ressources propres ne peuvent excéder 1,40 % de la somme des RNB des États membres pour les crédits de paiement et 1,46 % pour les crédits d’engagement. Ainsi, l’Union ne peut solliciter un montant de ressources propres supérieur à ce plafond apprécié annuellement. Dans la précédente DRP, les plafonds étaient, pour les crédits de paiement, de 1,20 % et, pour les crédits d’engagement, de 1,26 % de la somme RNB des États membres. Ce relèvement des plafonds est dû, d’une part, à la baisse du RNB européen liée à la sortie du Royaume-Uni (0,09 point) et, d’autre part, à la crise économique résultant de la crise sanitaire (0,11 point).

Par ailleurs, afin de garantir à la Commission une capacité d’emprunt suffisante pour financer le plan de relance Next Generation EU d’un montant de 750 milliards d’euros, la DRP prévoit un relèvement temporaire des plafonds de ressources propres. Ainsi, jusqu’en 2058 au plus tard, le plafond est relevé de 0,6 point du RNB des États membres.

Le relèvement des plafonds n’emporte aucune conséquence en lui-même sur le niveau de la contribution française. Les plafonds définissent en effet un niveau appelable pour chaque État membre et ont été ajustés pour être cohérents avec l’ensemble des engagements financiers du règlement CFP et pour laisser une marge suffisante permettant, d’une part, de fournir des garanties à certains mécanismes de prêt ou d’assistance, à l’instar du mécanisme de réassurance chômage SURE et, d’autre part, de pouvoir honorer les paiements du budget de l’Union dans des délais compatibles avec les contraintes de gestion en cas de baisse conséquente de la production européenne.

C.   Un Accord trouvÉ sur une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres dÈs 2023

À l’issue du Conseil européen de juillet 2020, les chefs d’État et de gouvernement ont convenu de la nécessité de réformer le système des ressources propres. Pour ce faire, outre l’introduction de la nouvelle ressource fondée sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés dès 2021, un calendrier de mise en œuvre d’autres ressources a été évoqué dans les conclusions du Conseil européen. L’accord trouvé sur ce calendrier marque la volonté d’un retour à la philosophie originelle du système de ressources propres européen, à savoir permettre à l’Union de fonctionner à partir de ressources qui ne soient pas directement dépendantes des États.

Le 16 septembre 2020, le Parlement européen a adopté une résolution portant sur un calendrier de mise en place de six nouvelles ressources propres avant 2028, année marquant le début du remboursement de l’emprunt commun contracté pour financer le plan de relance européen de 750 milliards d’euros. L’accord interinstitutionnel du 10 novembre 2020 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission précise le calendrier d’introduction des nouvelles ressources. Si les co-rapporteurs de la DRP, Mme Valérie Hayer (Renew) et M. Jose Manuel Fernandes (PPE), souhaitaient rendre ce calendrier juridiquement contraignant pour les États membres, il demeure à l’heure actuelle une obligation de moyens, non de résultat.

Selon l’accord institutionnel, la ressource fondée sur le système d’échange des quotas d’émission carbone, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et la redevance numérique pourraient être effectifs à partir de 2023, la taxe sur les transactions financières et la contribution financière liée au secteur des entreprises ou la nouvelle assiette commune sur l'impôt des sociétés à partir de 2026. Les estimations budgétaires de ces potentielles ressources ne sont pas encore connues car elles dépendront des dispositifs retenus dans les propositions de la Commission.

1.   Le réexamen du système d’échange de quotas d’émission

La mise en place, en 2005, d’un système d’échange de quotas d’émission (ETS) a permis de monétiser les émissions de dioxyde de carbone. L’objectif était dès lors de réduire les émissions de gaz à effet de serre en fixant un prix et des quotas. Dans la feuille de route, est évoquée la possibilité d’élargir l’impact de ce système en l’étendant aux secteurs aérien et maritime, permettant ainsi de créer de nouvelles recettes pouvant être affectées au remboursement du plan de relance européen. La feuille de route annexée à l’accord institutionnel prévoit sa mise en place à partir de 2023.

Parmi les nouvelles ressources à introduire, celle-ci semble être la plus rapidement réalisable dans la mesure où il s’agit, pour partie, d’une simple réallocation d’une ressource existante mais actuellement redistribuée intégralement aux États membres. Sur le volet structurel de la réforme, où les négociations peuvent être plus longues, la ressource pourrait être modifiée sur la base d’un autre fondement juridique, ce qui permettrait de ne pas retarder la mise en place de cette nouvelle ressource propre. Il s’agirait dès lors de mener à bien ces deux réformes de manière concomitante mais indépendante du point de vue procédural. La proposition relative à une ressource fondée sur l’ETS devrait être déposée par la Commission d’ici le mois de juin 2021.

2.   La création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières répondant à l’objectif européen de neutralité climatique

Eu égard au risque pour l’Union européenne de ne pas parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050 du fait du manque d’ambition de ses partenaires internationaux, la Commission a travaillé sur un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.  Il existe en effet un risque de « fuite carbone » dans la mesure où des sites de production peuvent être transférés de l’Union vers d’autres pays moins ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou parce que les biens produits au sein de l’Union peuvent être remplacés par des produits importés à plus forte intensité en carbone. 

L’objectif d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières serait de faire du prix des importations un reflet plus fidèle de leur teneur en carbone. Ce mécanisme vise à combattre le changement climatique afin d’atteindre l’ambition de 50 à 55 % de réduction des émissions dans le cadre du Green deal. À ce titre, dans sa contribution à la consultation publique lancée par la Commission européenne, la France estime qu’il est essentiel de mettre en place un mécanisme d’ajustement aux frontières afin de s’assurer que l’Union européenne atteigne la neutralité climatique en 2050 sans dégrader son empreinte carbone.

Selon la position française, ce mécanisme devrait permettre d’appliquer un prix du carbone unique quel que soit le lieu de production. En ce qu’il ne s’agirait ni d’une taxe, ni d’un droit de douane, ce mécanisme serait conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et aux autres obligations internationales de l’Union européenne. Ce dispositif permettrait également de soutenir les entreprises européennes face à la concurrence étrangère. La Commission, qui a ouvert une consultation publique entre le 22 juillet et le 28 octobre 2020, doit déposer une proposition au cours du premier semestre 2021, en vue d’une création au plus tard le 1er janvier 2023.

3.   La mise en place ambitieuse d’une taxe sur le numérique dès 2023

La volonté de créer une taxe qui s’appliquerait aux bénéfices des grandes entreprises du secteur numérique vient du constat que, selon la Commission européenne, ces entreprises sont soumises à un taux d’imposition effectif moyen deux fois moins élevé que celui applicable à l’économie traditionnelle dans l’Union. En 2018, pour répondre au problème de l’inadéquation des règles actuelles relatives à l’impôt sur les sociétés avec l’économie du numérique, la Commission a déposé une proposition de directive visant à instaurer une taxe sur les services numériques, qui puisse s’appliquer à des entreprises indépendamment de leur présence physique sur un territoire. En effet, les règles relatives à l’impôt sur les sociétés traditionnel, lorsqu’elles sont appliquées à ce type d’entreprises, conduisent à un décalage entre le lieu d’imposition des bénéfices et celui où la valeur est effectivement créée.

Toutefois, l’initiative de la Commission, qui fixait notamment un taux unique de 3 % pour l’ensemble de l’Union sur les produits tirés de la fourniture de certains services numériques, n’a pas abouti. Le Conseil n’est pas parvenu à trouver un consensus sur l’introduction de cette taxe, qui requiert l’unanimité s’agissant d’une compétence fiscale.

La feuille de route fixant le calendrier d’introduction de nouvelles ressources propres évoque ainsi une proposition de redevance numérique au cours du premier semestre 2021 en vue d’une mise en application au plus tard le 1er janvier 2023. Ce projet est soutenu par la France, qui dispose déjà une telle taxe depuis l’adoption de la loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés. Au niveau européen, le projet demeure ambitieux compte tenu des divergences d’opinions entre les États membres et du chemin restant à parcourir : consensus sur le principe puis sur l’assiette de la taxe et accord sur son affectation au budget européen afin d’en faire une ressource propre.

4.   À moyen terme, d’autres pistes de ressources propres envisagées

La troisième étape prévue par la feuille de route correspond à la période 2024-2026, au cours de laquelle la Commission devra proposer de nouvelles ressources propres additionnelles, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières et une contribution financière liée au secteur des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés, en vue d’une mise en place d’ici le 1er janvier 2026.

Dès 2011, la Commission européenne a présenté un projet de taxe sur les transactions financières. Elle souhaitait notamment assurer « une contribution substantielle et équitable du secteur financier aux finances publiques ». L’initiative prévoyait, d’une part, une taxe pouvant aller jusqu’à 0,1 % pour les transactions sur les titres (actions et obligations) et, d’autre part, une taxe de 0,01 % sur les autres produits financiers retenus. Seuls les échanges entre établissements financiers étaient concernés. Le coût sur le long terme était estimé à 0,5 % du PIB.

Dès lors qu’aucun accord à l’unanimité n’a pu être trouvé au sein du Conseil de l’Union européenne, une coopération renforcée a été lancée en 2013, entre l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Estonie (retirée en 2015), la France, la Grèce, l’Italie, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie, à la suite de l’adoption par la Commission d’une nouvelle proposition de directive du Conseil mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières. Toutefois, la mise en place de cette taxe continue de se heurter à des questions d’assiette, faisant peser de grandes incertitudes sur une introduction à court ou moyen terme.

Par ailleurs, la feuille de route évoque en dernier lieu « une contribution financière liée au secteur des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés » (dispositif ACCIS). Comme l’a rappelé le secrétaire d’État chargé des affaires européennes au cours de son audition devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 13 janvier 2021, il ne s’agit pas de la ressource propre la plus accessible eu égard à sa technicité et à l’absence, à l’heure actuelle, d’accord politique sur son principe. En effet, ce projet, bien que soutenu par le Parlement européen et la Commission, ne suscite pas l’adhésion de tous les États membres.

II.   Vers une simplification des rabais

Sur la période 2014-2020, la France, principal contributeur des corrections, finançait 26 % du rabais britannique et 21 % de l’ensemble des rabais. Sur la période 2021-2027, si la part de la France dans le financement de l’ensemble des rabais s’élève à 34 %, la participation française, à hauteur de 1,6 milliard d’euros par an, sera en baisse, en valeur, par rapport au précédent CFP du fait de la disparition de la correction britannique.

La DRP 2014-2020 prévoyait une compensation en faveur du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Danemark, de la Suède, de l’Autriche et des Pays-Bas. Pour 2021, ces rabais sont suspendus jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle décision ressources propres, mais les États percevront ensuite leur compensation de manière rétroactive pour la période 2021-2027.

A.   Une rationalisation des rabais

Le maintien d’un rabais forfaitaire pour cinq États membres s’explique par la nécessité d’aboutir à un accord sur le recours à une dette commune pour financer le plan de relance européen. Au titre de la période 2021-2027, la France financera donc à hauteur de 30 % les rabais forfaitaires sur le RNB, soit 1,4 milliard d’euros.

La DRP 2021-2027 met formellement un terme aux corrections dans le financement du rabais britannique. Ces corrections sont intégrées dans le calcul de la contribution britannique au titre de paiement de sa part du reste-à-liquider pré-2021. Par ailleurs, leur niveau au cours de l’exercice 2020 a servi de référence pour déterminer le montant des réductions forfaitaires pour les années 2021 à 2027.

Si le taux d’appel de la ressource TVA est en principe de 0,30 %, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède bénéficiaient d’un taux d’appel réduit, à hauteur de 0,15 %. À compter de la prochaine DRP, ce rabais sera supprimé formellement, même si son effet perdurera. En effet, son niveau au cours de l’exercice 2020 a également servi de référence au calcul des corrections dont doivent bénéficier ces États membres sur la période 2021-2027.

Seul le versement de montants forfaitaires est maintenu pour les cinq États membres concernés. Ainsi, sur la période 2021-2027, l’Allemagne bénéficiera de 3 671 millions d’euros, l’Autriche de 565 millions d’euros, le Danemark de 377 millions d’euros, les Pays-Bas de 1 921 millions d’euros et la Suède de 1 069 millions d’euros. Ces corrections sont le résultat de la réunion des trois dispositifs (rabais sur rabais, taux d’appel réduit de TVA et montants forfaitaires) au niveau de 2020, dont le montant a ensuite été relevé au cours des négociations pour permettre l’accord sur l’emprunt commun nécessaire à la mise en œuvre du plan de relance européen.

TABLEAU COMPARATIF DES RABAIS ACCORDÉS
SELON LA DRP 2014-2020 ET LA DRP 2021-2027

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2021.

B.   La Suppression de la compensation en faveur du Royaume-Uni

Depuis le Conseil européen de Fontainebleau de juin 1984, le Royaume-Uni bénéficiait d’une compensation en tant qu’État membre supportant une « charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative ». La charge financière consécutive à cette correction britannique était répartie entre les États membres au prorata de leur part dans le RNB de l’Union. Néanmoins, certains, à l’instar de l’Allemagne, bénéficiaient d’une réduction de leur contribution à la charge financière de la correction britannique.

La France était le premier financeur de ce rabais, à hauteur de 26 % en moyenne sur la période 2010-2020, soit 1 304 millions d’euros en moyenne par an. À la suite de l’instauration d’un mécanisme de « rabais sur le rabais » en faveur de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de l’Autriche, la part de la France dans le financement de la correction britannique est passée de 23 % à près de 31 % entre 2001 et 2002.

La fin du paiement de la correction britannique pour la période 2021-2027 représente un gain de 5,2 milliards d’euros par an pour l’Union européenne et de 1,1 milliard d’euros pour la contribution française, sans prendre en compte la part correspondant au « rabais sur le rabais » transformée en rabais forfaitaire dans le cadre de la nouvelle DRP.

Les effets du Brexit sur le calcul des ressources propres de l’Union et sur la contribution française

Outre la disparition du rabais britannique, le Brexit entraîne la fin de sa contribution aux ressources propres du budget européen, ce qui se traduit par une érosion d’environ 15,5 % des ressources propres de l’Union. Le manque à gagner pour les ressources propres de l’UE est estimé à environ 27,9 milliards d’euros par an sur l’ensemble du CFP. La répercussion de ce manque à gagner en termes de surplus de la contribution française représente une augmentation de 4,7 milliards d’euros par an, toutes choses égales par ailleurs.

Au cours de la période du CFP 2021-2027, le Royaume-Uni contribuera à hauteur de 5,1 milliards d’euros par an – dont 0,5 milliard d’euros pour les deux derniers mois de droits de douane de 2020 – au titre de ses engagements passés, ce qui représente 12,2 % du reste à liquider des dépenses du budget de l’Union. La contribution britannique au titre de ses engagements passés entraîne une baisse de 0,9 milliard d’euros par an en moyenne sur le PSR-UE sur le cadre 2021-2027. En vertu de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, ce dernier pourrait continuer à participer à certains programmes européens, comme le programme Horizon Europe, et à ce titre verser une contribution financière dont les modalités seront définies dans des accords d’association.

C.   LA Mise en place d’une correction sur la ressource plastique pour les États membre en convergence

Afin de faciliter l’introduction de la nouvelle ressource plastique et de neutraliser des effets régressifs pour certains États, la présidence du Conseil a décidé d’accorder un rabais forfaitaire aux États membres en convergence. La définition de corrections sur la ressource plastique, priorité de la France mais également du Parlement européen, s’est dès lors imposée au cours de la négociation comme l’une des conditions d’introduction de cette nouvelle ressource.

Ainsi, les États dont le RNB est inférieur à la moyenne de l’Union bénéficient d’une réduction forfaitaire annuelle correspondant à 3,8 kg d’emballages plastiques non recyclés par habitant. La Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la Croatie, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie disposeront d’une réduction sur la ressource plastique à compter de 2021. Ces réductions sont financées par l’ensemble des États membres, y compris les États bénéficiaires, à travers le relèvement à concurrence du taux d’appel de la ressource RNB.

III.   LA mise en place d’un dispositif extraordinaire pour faire face À la crise Économique

La nouvelle DRP diffère notamment de l’ancienne en ce qu’elle comporte une autorisation d’emprunt. En effet, la Commission pourra recourir au marché pour financer le plan de relance européen, Next Generation EU (NGEU). Cette dette commune devra être remboursée par le budget de l’Union à partir de 2028, et au plus tard en 2058.

A.   un plan de relance adoptÉ aprÈs un accord historique du conseil europÉen au mois de juillet 2020

Afin de faire face à la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19, la Commission a présenté le 27 mai dernier une proposition révisée de CFP intégrant un plan de relance européen, élaboré afin d’aider l’Union à se reconstruire après la pandémie de la Covid-19 et de soutenir les investissements dans les transitions verte et numérique. Cet instrument, mis en place jusqu’à la fin de l’année 2024, sera utilisé exclusivement pour des mesures de réaction à la crise et de relance.

Ce plan de relance devrait être financé par un emprunt commun, d’un montant de 750 milliards d’euros, contracté sur les marchés par la Commission au nom de l’Union européenne. Selon les conclusions du Conseil européen de juillet 2020, les fonds empruntés devraient être utilisés pour des prêts aux États membres à hauteur de 360 milliards d’euros, au maximum, et pour des subventions, dans la limite de 390 milliards d’euros.

Plus concrètement, NGEU a notamment pour ambition la rénovation des bâtiments et infrastructures, le lancement de projets d’énergie renouvelable, en particulier l’énergie éolienne et solaire, le renforcement du fonds pour une transition juste, afin de soutenir la reconversion et d’aider les entreprises à créer de nouvelles perspectives économiques, la mise en place d’un régime européen de réassurance chômage (SURE), qui devrait, à court terme, fournir 100 milliards d’euros pour soutenir les travailleurs et les entreprises, etc.

La France devrait pouvoir profiter du plan de relance européen à hauteur d’environ 40 milliards d’euros dans le cadre du volet subventions, au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Elle en serait dès lors le troisième bénéficiaire. Cette enveloppe est néanmoins susceptible d’évoluer en fonction de l’évolution réelle du PIB français en 2020 et 2021. En France, ces subventions doivent permettre de financer les grandes priorités, c’est-à-dire l’hôpital, les petites lignes de chemins de fer, le fret ferroviaire, l’isolation thermique des bâtiments, les investissements dans l’hydrogène, la relance économique pour les entreprises...

Toutefois, la Commission ne pourra emprunter sur les marchés de capitaux qu’après avoir été dûment habilitée. Pour ce faire, la prochaine DRP prévoit en son article 5 que « la Commission est habilitée à emprunter des fonds sur les marchés des capitaux au nom de l’Union à hauteur d’un montant maximal de 750 000 000 000,00 € aux prix de 2018. Les opérations d’emprunt sont effectuées en euros ».

Les effets de la crise liée à la Covid-19 sur les ressources propres de l’Union
et la contribution française en 2020

La crise entraîne d’importantes variations sur la répartition des ressources propres de l’Union. En recettes, cela se traduit par une forte érosion des RPT de l’Union, estimée à 3,6 milliards d’euros au niveau européen, en raison de la baisse des importations extérieures à l’Union. L’effet sur le PSR-UE est estimé à 545 millions d’euros. Le produit de la ressource TVA diminue également du fait de la chute de la consommation, ce qui représente une perte de 1,6 milliard d’euros au niveau européen. Pour la contribution française, la baisse est estimée à 296 millions d’euros, entraînant un relèvement à concurrence de la ressource RNB de 239 millions d’euros. Enfin, les effets économiques asymétriques de la crise provoquent une variation de la part française dans le calcul de la ressource RNB et dans le financement de la correction britannique. Cette variation se traduit par une perte de 33 millions d’euros sur le PSR-UE. Ces effets en recettes, pris en compte par l’autorité budgétaire à travers l’adoption du budget rectificatif n° 7/2020, pourraient faire l’objet de révisions en 2022 dans le cadre des corrections sur exercices antérieurs pour les effets sur les ressources TVA et RNB.

En outre, la crise de la Covid-19 a entraîné des variations des taux de change entre l’euro et les autres monnaies de l’Union européenne ([6]). La contribution nationale de chaque État est calculée dans sa monnaie nationale tout au long de l’exercice 2020 en utilisant le taux de change avec l’euro du 31 décembre 2019 à partir de bases de contributions elle-même calculées avec le taux de change du 31 décembre 2019. Dès lors, la baisse des autres monnaies vis-à-vis de l’euro entraîne une réduction du montant en euros des contributions des États membres hors zone euro, conduisant à une augmentation à due concurrence de la ressource RNB pour rééquilibrer le budget. Sur le PSR-UE, cela se traduit par une hausse de 167 millions d’euros.

Enfin, pour répondre aux conséquences de la crise, certaines dépenses du budget européen ont progressé. La conséquence directe de ce phénomène a été une augmentation du budget exécuté par rapport au budget prévu pour 2020, notamment une hausse de 6,2 milliards d’euros en crédits de paiement dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative d’investissement en réponse à la crise de la Covid-19 (CRII+) et un supplément de 1,5 milliard d’euros en crédits de paiement pour l’instrument spécial d’urgence afin de financer les contrats de vaccins négociés par la task force européenne.

B.   des ModalitÉs d’emprunt rÉpondant À des enjeux environnementaux

La Commission européenne travaille actuellement sur l’élaboration de la stratégie des émissions de la dette liée au financement du plan de relance. Si peu d’informations sur la mise en œuvre de ce programme n’ont jusqu’à présent été communiquées, la Commission devrait recourir à un système d’adjudication et à un programme de gestion de sa liquidité sur le marché monétaire, en complément du dispositif d’opérations syndiquées auquel elle a déjà recours. Elle a néanmoins informé les représentants des États membres que la structuration de l’émission de ce programme serait communiquée prochainement à leur agence de dette. Les émissions obligataires seront pilotées par la Commission européenne, où la Direction générale du Budget jouera un rôle opérationnel.

Par ailleurs, à l’occasion de son discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission a annoncé qu’un tiers des émissions serait réalisé dans un format d’obligations vertes. Les obligations vertes ou green bonds ont pour objet de financer des projets ayant un impact positif sur l’environnement, conformément à la définition de l’Association des marchés internationaux de capitaux (ICMA). Le document cadre dans lequel s’inscriront les obligations vertes de l’UE n’a cependant pas encore fait l’objet d’une communication précise. Il est néanmoins probable que ces titres verts obéissent aux Green Bond Principles de l’ICMA, standard de marché très largement partagé, puis, lorsqu’il sera finalisé, au Green Bond Standard de l’Union européenne, en cours d’élaboration.

La Commission espère pouvoir commencer à emprunter sur les marchés dès le mois de juin 2021. Cependant, la possibilité de recourir au marché étant dépendante de l’entrée en vigueur de la DRP, un aléa repose désormais sur la date de ratification de cette décision par tous les États membres. Tout retard de ratification, même d’un seul État pourrait décaler dans le temps le début du recours à l’emprunt.

C.   Un remboursement Étendu dans le temps sans impact significatif avant 2028

Le remboursement du principal de l’emprunt devrait commencer en 2028 et s’étendre sur une période maximale de trente ans. Sur la période 2021-2027, seuls les intérêts des emprunts correspondants aux subventions du plan de relance seront remboursés. Le coût provisionné dans le CFP 2021-2027 est de 15 milliards d’euros sur la période, ce qui représente pour la France une hausse de 0,4 milliard d’euros par an sur le PSR-UE.

Le remboursement du principal pourrait toutefois intervenir de manière anticipée si les montants provisionnés pour le paiement des intérêts au cours du cadre 2021-2027 dépassaient les besoins ou si de nouvelles ressources propres étaient introduites. Dans la mesure où elle ne devrait pas recourir à la partie « prêt » du plan de relance, la France ne remboursera qu’un montant correspondant à la part de subventions, calculé sur la base de sa part dans le RNB total de l’Union européenne, ce qui pourrait représenter environ 2,5 milliards d’euros par an supplémentaires.

La DRP prévoit également des règles de remboursement et d’appels de fonds de l’emprunt par la Commission européenne dans le cas où les crédits autorisés inscrits au budget de l’Union ne seraient pas suffisants pour permettre le remboursement par la Commission des emprunts et que la Commission ne pourrait se financer via les marchés de capitaux de court terme. En pareille hypothèse, en vertu du 4) de l’article 9 « les États membres (…) mettent à disposition de la Commission les ressources nécessaires à cette fin ». Cette mise à disposition est répartie au prorata des recettes budgétaires de chaque État membre. Si un État membre n’est pas en mesure d’honorer un appel de la Commission, celle-ci peut se tourner vers d’autres États membres capables d’honorer un appel de fonds. Le montant pour lequel un État peut être appelé est plafonné à 0,6 % de son RNB, ce qui représente environ 17,5 milliards d’euros pour la France, sur la base du RNB 2027. L’Agence France Trésor qui gère la dette et la trésorerie de l’État sera susceptible, en cas d’appel de fonds au titre de ce dispositif, d’accroître son appel au marché de court terme.

 

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

   I. AUDITION DE M. CLÉMENT BEAUNE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ des AFFAIRES EUROPÉENNES

Lors de sa réunion du mercredi 13 janvier après-midi, ouverte à la presse, la commission a auditionné M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne (n° 3734).

Mme Isabelle Rauch, présidente. Mes chers collègues, nous auditionnons aujourd’hui M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur le projet de loi examiné ce matin en conseil des ministres autorisant l’approbation de la décision 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335.

Ce projet de loi est attendu depuis les conclusions du Conseil européen du 21 juillet 2020 qui était parvenu à un accord sur le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour 2021-2027 et sur le plan de relance Next Generation EU visant à faire face aux effets de la crise sanitaire.

La dimension extraordinaire de ce plan de relance de 750 milliards d’euros a rendu nécessaire la création de nouvelles ressources propres afin d’éviter une forte hausse des prélèvements sur recettes ou une baisse des crédits d’intervention européens.

Les vetos de la Hongrie et de la Pologne – qui résultaient de leur désaccord sur le règlement relatif aux mécanismes de conditionnalité établissant un lien entre le versement des fonds européens et le respect de l’État de droit – à l’adoption de la décision du Conseil sur le plan de relance ont bloqué la décision sur les ressources propres, les ressources de l’Union n’étant nullement en cause. Ce blocage a pu être surmonté le 10 décembre dernier, lors du Conseil européen.

Compte tenu des délais de rédaction de la décision et de la procédure de consultation du Congrès de Nouvelle-Calédonie, le projet de loi déposé ce midi sur le bureau de l’Assemblée nationale n’a pu être délibéré en conseil des ministres que ce matin.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous informer la commission de l’état des procédures d’approbation engagées au sein des 27 États membres de l’Union et du calendrier prévisionnel de mise en œuvre des nouvelles dispositions relatives aux ressources propres ?

Au-delà des considérations financières, la décision du 14 décembre 2020 est novatrice car elle marque un double tournant dans les politiques de l’Union européenne.

Primo, en matière d’intégration budgétaire et financière, les États membres acceptent en effet pour la première fois que l’Union prenne en charge une dette commune, à savoir les 390 milliards d’euros que la Commission empruntera sur les marchés financiers et qui seront remboursés en commun, avec un partage de risques mutualisé. Ainsi, en cas de défaillance d’un État lors des remboursements, la Commission est autorisée à relever les appels de fonds auprès des autres membres.

Deuxio, les nouvelles ressources traduisent l’engagement des Européens en faveur du développement durable et leur volonté de mettre en place un prélèvement sur les échanges numériques ainsi que sur les transactions financières.

Je vous laisse nous présenter le projet de loi et la décision du Conseil de l’Union européenne.

M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. J’ai tout d’abord une pensée amicale pour la présidente de la commission, Marielle de Sarnez, qui ne peut être parmi nous.

Je suis heureux et honoré, juste après le conseil des ministres qui vient d’adopter le projet de loi visant à ratifier de la décision ressources propres de l’Union européenne, de pouvoir sans délai l’expliquer et échanger avec vous à son sujet.

Ce texte comporte un article unique visant à autoriser le Gouvernement à ratifier cette décision qui a été adoptée le 14 décembre par le Conseil de l’Union européenne – elle a vocation à se substituer, selon une mécanique habituelle, à la décision existante, qui date de 2014 et qui avait bien entendu été soumise à votre assemblée – afin de couvrir la nouvelle période budgétaire ouverte au 1er janvier 2021 et qui sera close le 31 décembre 2027.

Comme c’est l’usage, elle aura un effet rétroactif au 1er janvier 2021. Si elle est ratifiée à la suite de l’autorisation parlementaire, elle écrasera le mécanisme de financement existant du budget européen et se substituera donc à lui.

Les traités européens prévoient que cette décision relative aux ressources propres ne puisse précisément entrer en vigueur qu’après ratification par l’ensemble des 27 États membres selon leurs procédures nationales respectives. En France, nous nous situons dans le cadre de l’article 53 de la Constitution qui prévoit un débat parlementaire et un vote législatif.

Sur le fond, ce texte évidemment essentiel est inhabituel car, au-delà de la reconduction d’un certain nombre de mécanismes de financement du budget de l’Union européenne, et alors que d’autres seront je l’espère renforcés dans les années à venir, il traduit une innovation fondamentale : la diversification et l’amplification des financements de ce budget.

Il concrétise, et c’est très important car il s’inscrit dans ce paquet budgétaire dont nous avons discuté et dont la décision ressources propres est le seul élément législatif, les résultats historiques obtenus récemment, notamment par la France, dans les négociations européennes.

Il permet plus spécifiquement la mise en œuvre du volet relatif à l’ensemble des recettes du budget européen qui sera notre cadre commun pour les sept prochaines années.

Concrètement, ce paquet budgétaire est pour l’essentiel constitué de trois éléments, le premier étant les dépenses du budget lui-même, sur lesquelles nous avons obtenu des avancées importantes ou des garanties essentielles, comme la stabilisation du budget de la politique agricole commune (PAC), l’augmentation du budget de la politique régionale et le renforcement très significatif de programmes européens prioritaires comme Erasmus+ ou « Horizon Europe », consacré au financement de la recherche et dont les moyens augmentent au total de plus de 50 %.

Le budget 2021-2027 est doté au total de 1 074 milliards, soit une augmentation de 12 % en euros constants par rapport à la période précédente, alors même qu’un État membre, le Royaume-Uni, a quitté l’Union de manière effective et complète au 1er janvier.

Particulièrement d’actualité, deux autres éléments de ce paquet marquent, au-delà des programmes budgétaires que nous connaissons, des innovations importantes, signes d’une ambition de puissance et de souveraineté européennes et de réponse coordonnée aux crises.

C’est le cas de l’augmentation significative – un tiers – des moyens du programme spatial, même si nous aurions aimé aller plus loin. Le Président de la République a d’ailleurs rappelé hier encore les ambitions de la France et de l’Union européenne en la matière.

C’est également le cas de l’Europe de la santé à laquelle plus de 5 milliards seront consacrés au travers d’un nouveau programme spécifique : c’est une innovation fondamentale.

Nous avons commencé à mettre en application le volet ordinaire mais ô combien ambitieux des dépenses du budget européen pour les années 2021-2027.

Face à elles, la décision ressources propres constitue un deuxième volet, le troisième, sans doute le plus ambitieux, le plus innovant et le plus historique, étant évidemment le plan de relance lui-même, soit 750 milliards d’euros.

Il se décompose en subventions, à hauteur de 390 milliards, et en prêts à disposition des États membres pouvant compléter leur réponse à la crise, à hauteur de 360 milliards.

Ce plan est issu d’une initiative franco-allemande prise le 18 mai 2020 par le Président de la République et par la chancelière Angela Merkel qui a ensuite fait l’objet d’une proposition de la Commission européenne en date du 27 mai. En dépit des tensions et des difficultés, les chefs d’État et de gouvernement sont parvenus, le 21 juillet, à un accord européen unanime et complet sur ces 750 milliards du plan de relance, avec une innovation non seulement technique mais historique, au-delà de ce montant : le recours à l’endettement commun.

C’est ce volet consacré au plan de relance que la décision sur les ressources propres rend possible, c’est sans doute la novation la plus grande du projet de décision soumis au débat et à votre vote.

Au total, ce plan financera 40 %, et probablement un peu plus, du plan de relance français présenté au début du mois de septembre par le Premier ministre et qui a commencé d’être mis en œuvre, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2021 que votre assemblée a votée, en soutenant des initiatives dans divers domaines, en fonction de ses priorités : rénovation énergétique, soutien aux entreprises, accompagnement des jeunes, formation professionnelle.

Au niveau européen, ce plan inédit par son ampleur et très ambitieux par son contenu permet également de mieux coordonner nos réponses à la crise et de financer, au-delà des mesures d’urgence prises par tous les États membres, la relance elle-même.

En matière de transition écologique et numérique comme de lutte contre le changement climatique, la France, soutenue par la Commission européenne, a fixé des objectifs communs : tous les plans nationaux de relance cofinancés par les fonds européens devront, conformément à l’accord du 21 juillet, lui consacrer au moins 30 % des dépenses d’investissement. La Commission a même relevé cet objectif à 37 % de ces dépenses en y ajoutant un autre : 20 % de dépenses consacrées au numérique.

Acquis qui reste un combat, cette décision relative aux ressources propres acte le début de la rénovation du système de ces ressources de l’Union européenne, avec la création dès 2021 d’une contribution des États membres assise sur la quantité de plastique non recyclé.

Il ne s’agit pas littéralement d’une nouvelle ressource mais d’un mode de calcul des contributions nationales qui prend en compte les efforts en matière de recyclage, ce qui va dans le sens d’un verdissement du financement du budget de l’Union. Cette évolution a été renforcée par les travaux du Parlement européen tout au long des mois ayant suivi l’accord intervenu cet été et visant à établir un calendrier précis de mise en place des ressources propres.

Pour être tout à fait clair sur ce sujet, une percée fondamentale a eu lieu : pour la première fois, les 27 chefs d’État et de gouvernement ont tous, à la fin du mois de juillet, acté le principe de nouvelles ressources propres. Aucune nouvelle ressource propre au sens strict n’avait été créée depuis les années soixante-dix. Il s’agit donc d’une avancée considérable : l’accord du 21 juillet liste en effet un certain nombre de possibilités, de l’ajustement du prix du carbone aux frontières à une taxation commune du numérique et à la taxation des transactions financières. C’est la première fois qu’un accord politique complet, commun et unanime est trouvé s’agissant de ces nouvelles ressources.

Le Parlement européen a, comme je l’ai dit, renforcé cette dynamique en exigeant un calendrier précis de propositions par la Commission et d’adoption par le législateur européen – Conseil et Parlement – de nouvelles ressources, avec quelques jalons précis, comme l’obligation faite à la Commission de proposer, dès le premier semestre 2021, des actes législatifs portant sur la taxation du numérique et sur le mécanisme d’ajustement carbone à nos frontières.

Est-ce à dire que ce sujet est clos ? À l’évidence non, puisque sur la base de ces propositions législatives s’engagera un débat national et européen, les engagements pris me semblant tout à fait significatifs, ce qui n’est pas sans lien avec le plan de relance. En effet, cette dette commune permettra d’enclencher l’approbation de la décision relative aux ressources propres puisque les nouvelles ressources permettront de rembourser à partir de 2028 l’emprunt européen commun contracté pour financer ce même plan également commun.

Toutes ces importantes avancées se sont faites dans le plein respect de nos valeurs car dans ce paquet budgétaire figure également un règlement sensible qui renforce la protection de l’État de droit en liant le versement de certains fonds européens au respect de valeurs fondamentales, sous le contrôle de la Commission européenne et de la Cour de justice. Le débat qui a eu lieu avec la Pologne et la Hongrie, qui y étaient opposées, s’est réglé par un accord politique intervenu lors du Conseil européen des 10 et 11 décembre.

S’agissant enfin du calendrier de nos partenaires européens, trois États membres ont finalisé la ratification de la décision ressources propres : Chypre, la Croatie et l’Italie, cette dernière l’ayant intégrée en fin d’année dans sa loi de finances.

Si le Parlement y donne suite, la France pourrait, après le vote de l’Assemblée nationale et le débat prévu au Sénat au tout début du mois de février, figurer dans les cinq ou six premiers pays à ratifier cette même décision, donc à assurer le financement du plan de relance.

Selon les éléments provisoires dont nous disposons concernant les calendriers parlementaires de nos partenaires, l’ensemble des États membres devraient avoir procédé à sa ratification d’ici le début du mois de mai.

Si l’on aimerait qu’elle intervienne plus rapidement encore, rappelons que, lors de l’exercice précédent, plus de deux ans avaient été nécessaires pour ratifier la décision de 2014 que j’ai évoquée.

L’urgence et la priorité donnée à cette ambition et au plan de relance européen ont donc un sens et sont importantes et remarquables. Je veux d’ailleurs saluer l’engagement de votre assemblée en particulier pour pousser à cette accélération : il s’est manifesté au cours des dernières semaines dans le soutien à l’action du Gouvernement, il se traduira désormais, je l’espère, dans les débats que nous entamons aujourd’hui.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. J’ai également une pensée chaleureuse pour Marielle de Sarnez. Je vous remercie pour votre présentation extrêmement claire des enjeux de ce projet de loi que nous examinerons la semaine prochaine en commission et la semaine suivante en séance publique, et que j’ai l’honneur de rapporter.

La pandémie de covid-19, qui s’est, sans que quiconque en soit responsable, abattue sur le monde il y a près d’un an – nous sortant violemment d’un cycle économique positif en France comme dans beaucoup de pays européens – a des conséquences économiques et sociales d’une sévérité sans précédent depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Dans ce moment exceptionnel pour notre pays comme pour notre continent, on attend de chacun qu’il fasse ce qui est nécessaire, c’est-à-dire, comme l’a dit la chancelière Angela Merkel, quelque chose d’extraordinaire. En proposant ce plan de relance et ces nouvelles ressources propres, les Européens ont décidé quelque chose d’extraordinaire.

Si la crise n’est pas, terminée, loin s’en faut, il faut savoir reconnaître et mesurer l’ampleur et le caractère historique pour eux et pour l’Union européenne de l’avancée qu’a constitué l’accord du Conseil de juillet dernier sur le plan de relance européen, adossé à un emprunt commun inédit.

Dans une période où l’Union se trouvait, compte tenu du Brexit, que nous venons de conclure, de la crise sanitaire et des mutations profondes, environnementales et numériques, qui bouleversent nombre de nos économies et de nos États, menacées de fragmentation et parfois de division, ce plan de relance – dont la France sera le troisième bénéficiaire – lui a fait choisir en 2020, grâce à l’impulsion franco-allemande, le chemin de la souveraineté et de la solidarité.

Il permet de limiter les risques de divergence des économies européennes en les faisant converger vers une transition plus verte et plus numérique. Pour être réussie, celle-ci requiert d’être menée en commun, à Vingt-sept, tout comme doivent l’être des investissements aux montants inatteignables pour les finances publiques de nos États-nations durement éprouvés par la crise.

Cet emprunt constitue la véritable novation du projet de loi de ratification que le Parlement français sera, je l’espère, l’un des premiers à voter : cela constituerait un symbole politique fort de l’engagement européen de la France depuis trois ans.

Au cours de nos débats, certains chercheront bien sûr à en minimiser la portée, et d’autres à faire croire aux Français qu’il existe un impôt caché qu’ils devront payer : or le projet démontre que cela ne sera pas le cas. En effet, ces nouvelles ressources propres protègent les contribuables et feront payer ceux qui ne contribuent pas à hauteur de ce qu’ils devraient, notamment les géants du numérique, les entreprises asiatiques, qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes environnementales que les nôtres, et les grandes institutions financières. Aux antipodes d’un nouvel impôt pesant sur les ménages, ces contributions paieront et permettront la relance de nos économies.

Aussi historique que soit le plan de relance, il a été adopté lors de la première vague de Covid-19, qui a été suivie, dans l’ensemble des pays européens, par d’autres, éprouvant durablement leurs économies. Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous qu’il puisse y avoir dans les mois à venir une réflexion sur un second plan de relance européen ? Eu égard aux différences d’envergure des plans de relance nationaux, suffirait-t-il à éviter que se creusent les divergences entre économies européennes ?

Les institutions européennes se sont accordées, au mois de novembre dernier, sur une feuille de route portant sur l’introduction de nouvelles ressources propres suffisantes pour rembourser l’emprunt. Pouvez-vous en détailler le calendrier, afin que chacun ait conscience de son rythme de progression au cours des prochaines années ?

Quelles seront en la matière les priorités de la présidence française de l’Union européenne au premier trimestre 2022 ?

Enfin, si elle constitue une avancée très importante, la décision ressources propres prolonge une logique anachronique de juste retour en ce qu’elle maintient et augmente, dans une certaine mesure, les rabais, contre lesquels la France s’est toujours battue. À la faveur de l’introduction de ces mêmes ressources, la suppression de ces rabais sera-t-elle remise à l’ordre du jour dans les mois et les années à venir ?

M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. J’ai également une pensée émue pour Marielle de Sarnez. Ce texte a pour trois raisons principales une dimension historique, qui n’est effectivement pas corrélée à sa longueur. Tout d’abord, le plan de relance financera notre plan national, dont les effets se feront sentir à hauteur de 40 % dans les territoires de France et de Navarre.

Ensuite, au-delà de la contribution sur les emballages en plastique, la décision définit un calendrier très ambitieux sur les autres ressources propres, le mécanisme de compensation devant jouer au premier semestre 2021 et la redevance numérique s’appliquer avant le 1er janvier 2023. L’étude d’impact fait d’ailleurs, s’agissant de ce calendrier, référence à la proposition initiale de la Commission d’une ressource propre fondée sur une assiette commune et consolidée d’imposition sur les sociétés (ACCIS) qui ne figure pas dans la décision du Conseil et dont le calendrier n’y est pas annexé : pour quelle raison n’a-t-elle pas été retenue ?

La troisième raison pour laquelle ce texte est historique tient, c’était essentiel, à l’État de droit : je vous félicite, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir obtenu sur ce point un accord qui doit être intégré dans l’ensemble des décisions européennes à venir.

Cela dit, ce texte n’est pas neutre pour les finances publiques puisqu’il va provoquer une augmentation importante, par ailleurs parfaitement naturelle au regard de la sortie du Royaume-Uni, du prélèvement sur recettes que nous examinons chaque année.

Il manque en outre à l’étude d’impact une comparaison des effets sur nos grands voisins européens de ces changements en matière de prélèvement sur recettes. Votre ministère pourrait-il nous fournir ces éléments en amont de l’examen en commission ou en séance publique ?

Le rapporteur l’a dit, la question des rabais se pose aussi. Au regard de l’évolution des ressources propres au cours des prochaines années, celles-ci pourront-elles être utilisées comme outils pour les réduire ?

Par ailleurs, la taxe sur les emballages en plastique inclut pour certains États membres affichant un retard économique, c’est-à-dire dont le produit intérieur brut est inférieur de 50 % à la moyenne de l’Union, un dispositif de réduction annuelle basé sur la richesse du pays concerné en 2020. Si le PIB d’un État membre passait en 2021 au-dessus de ce seuil, conserverait-il néanmoins le bénéfice d’une telle réduction jusqu’en 2027 ? Si oui, pourquoi ?

En outre, la réduction offerte à ces mêmes États membres prend la forme d’un chiffre absolu faisant fi de la logique et de la philosophie de la mesure selon laquelle plus on recycle d’emballages, plus la contribution diminue. Pourquoi est-elle fixe sur une trajectoire pluriannuelle alors qu’il s’agit d’un prélèvement incitant les acteurs concernés à être mieux-disant sur le plan écologique ?

La différence de calcul suscite chez moi une certaine anxiété : si, à côté d’une ressource propre ayant vocation à s’amoindrir avec le temps, l’on crée un rabais qui lui est fixe, certains acteurs voudront très rapidement préserver celui-ci même si ladite ressource diminue. Ne crée-t-on pas ainsi, au vu de tous les problèmes liés aux rabais existants, les conditions de nature à les voir resurgir dans cinq ou six ans ?

M. Denis Masséglia. J’ai également une pensée pour Marielle de Sarnez dont nous connaissons la passion pour l’Union européenne. Nous traitons d’un plan de relance européen historique de 750 milliards d’euros défendu par le président Emmanuel Macron et par la chancelière Angela Merkel : les deux principaux États membres de l’Union poussent ainsi à une construction européenne plus intégrée et plus forte.

40 milliards seront attribués au plan de relance français, dont on voit dès aujourd’hui l’application dans nos territoires : ainsi, dans mon département, l’entreprise SIO, qui fournit des prestations en peinture et en sérigraphie au secteur aéronautique, a reçu 800 000 euros. Une autre, L'Abeille, qui produit des boissons, va embaucher plus de 100 personnes grâce à ce plan.

Cette même construction européenne impose à mon sens de sortir du I want my money back, politique qui agit comme un poison pour notre unité.

Aujourd’hui, les partis eurosceptiques radotent : s’il est vrai que l’UE coûte, et s’ils pointent le fait que 72 % des ressources propres proviennent du revenu national brut (RNB) des États membres, ils omettent bien souvent de dire à quoi elles servent. Ils ne parlent en effet ni de la PAC, ni d’Erasmus+, ni de Frontex, qui a présenté il y a quelques jours ses nouveaux uniformes qui mettent en avant les couleurs de l’Union européenne, ce qui est propice à un sentiment d’appartenance.

Sortir de la politique du retour sur investissement et des négociations sur les rabais et améliorer la cohésion des différents États membres impliquent, comme la France y pousse, d’aller vers des ressources propres comme le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, la redevance numérique et la taxe sur les transactions financières.

Si je salue donc la volonté et le travail du président Macron sur ces sujets, nous allons être confrontés à de nombreuses difficultés d’application. Pouvez-vous nous en présenter rapidement les risques et les contraintes, ainsi que vos propositions en la matière ?

M. Michel Herbillon. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes dit heureux et honoré de débattre sans délai de ce projet de loi ; nous le sommes tout autant, mais nous l’aurions été plus encore si le laps de temps séparant sa discussion en conseil des ministres de son examen par notre assemblée avait été légèrement plus long. Cela ayant été relevé ce matin par un certain nombre de collègues au sein du bureau de notre commission, il me semblait d’autant plus important de vous le dire que votre audition a été reportée à plusieurs reprises, même si c’était pour des raisons que je peux comprendre. Sur un sujet aussi important, une course à celui qui ratifiera en premier n’est pas nécessaire car un minimum de réflexion et d’échanges s’impose.

Comme tous les Européens convaincus – dont notre présidente, pour laquelle j’ai une pensée très affectueuse –, je n’hésite pas à reconnaître que cet accord sur le plan de relance, succès notamment franco-allemand, est historique. Cher collègue rapporteur Pieyre-Alexandre Anglade, l’engagement européen de la France ne remonte pas seulement à trois ans – l’affirmer serait contraire à l’histoire – puisqu’il vient de loin : certes tout à fait significatif, cet accord n’en constitue qu’un prolongement.

Je ne reviens pas, puisque cela a été fait par nos trois collègues de la majorité, sur les motifs de satisfaction, mais sur les interrogations qu’il suscite. Tout d’abord, on crée un emprunt dont personne ne sait comment il sera remboursé. Quelles seront les marges de manœuvre financières à partir de 2027 ?

Je rappelle que le prochain contrat financier pluriannuel sera négocié par des chefs d’État et de gouvernement dont la plupart n’auront pas négocié cet emprunt. Même si la taxe sur les plastiques a bien été créée, la visibilité en matière de ressources propres est à ce stade insuffisante, faute d’appliquer la taxe carbone aux frontières. Quel sera en particulier l’avenir de la taxe GAFAM ? Pourriez-vous être plus explicite à son sujet ?

La France devrait par ailleurs recevoir 8 % de l’emprunt et en rembourser 17 % : est-ce exact ? Comment l’expliquez-vous ?

Les rabais accordés aux États dits frugaux – même l’Allemagne a récupéré 3 milliards – ont-ils été renforcés ? Une telle décision ne met-elle pas à mal le principe de solidarité ?

Enfin, ces mêmes États ont gagné une sorte de capacité de contrôle beaucoup plus importante que ce que feront les États en termes budgétaires : ne vous préoccupe-t-elle pas ? Il ne faudrait pas qu’elle devienne un nouveau 3 % du Pacte de stabilité, car cela rendrait l’Union européenne impopulaire, ce qui serait dommageable.

M. Jean-Louis Bourlanges. J’abonde dans le sens de notre collègue Michel Herbillon s’agissant du rôle de nos contributions : nous ne sommes en effet pas là simplement pour poser des questions aux ministres, mais pour débattre, ce qui parfois demande un peu de temps. Une telle idée est très présente à l’esprit de Marielle de Sarnez. Je me joins aux hommages et aux vœux qui ont été formulés à son égard.

Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés et l’ensemble des groupes de la majorité, comme une partie des députés de l’opposition, considèrent que de grandes choses ont été accomplies cette année en matière européenne à travers, notamment, le plan de relance et la décision ressources propres.

Je ferai trois remarques. Nous espérons tout d’abord que cette décision va inverser une tendance vieille de pratiquement quarante ans qui vise à remettre systématiquement en cause les ressources propres au profit des contributions nationales. Au début, en 1970, l’Union disposait de trois de ces ressources : les douanes, les prélèvements agricoles et la TVA. Celle assise sur le RNB a ensuite été introduite : or il s’agit d’une fausse ressource propre. Nous avons en outre manipulé la ressource sur la TVA de telle manière qu’elle devienne une contribution indirectement indexée sur le RNB. Les prélèvements agricoles ont évidemment disparu et les droits de douane se sont considérablement réduits du fait de l’ouverture des échanges.

Il ne reste donc rien : notre système est en effet très largement fondé sur des subventions payées par les États à l’Union européenne – calculées sur la base du RNB et dont ils exigent de surcroît, en application du principe de Thatcher, un retour –. Il est très insatisfaisant. Nous ne pouvons par conséquent que nous réjouir de voir l’Union européenne tenter de faire le chemin inverse et de rétablir des ressources propres qui lui permettront de se financer indépendamment des considérations de juste retour qui avaient cours jusqu’à présent.

Deuxième remarque : le calendrier qui nous est proposé en matière de ressources propres est très prudent. On commence en effet par la taxe sur les emballages plastique, c’est-à-dire à ce qui ressemble le moins à une ressource propre : il s’agit en fait d’une sorte de malus écologique portant sur le mauvais comportement des États.

Nous aurons ensuite, peut-être, quelque chose sur le numérique qui, même s’il s’agira d’une ressource propre, risque d’être très limité : nous voyons bien qu’en matière d’impôt sur les sociétés, une égale imposition de toutes sur leur activité serait la clé d’un bon système parce que le marché intérieur, c’est la vie des entreprises. La communautarisation d’une telle ressource donnerait un signe que nous formons vraiment une communauté. Or on voit bien à quel point ce dossier est reporté, décalé et renvoyé à une date ultérieure.

Enfin, nous devons soutenir la très importante taxe sur les transactions financières car elle est peut-être actuellement la ressource la plus prometteuse.

Je n’ai pas mentionné la taxe carbone car, si elle est essentielle, elle sera très difficile à mettre en œuvre.

Troisième remarque : comment répondre à la préoccupation que vous avez évoquée, cher Clément Beaune, selon laquelle le dispositif proposé devait servir à rembourser l’emprunt contracté par l’Union européenne dans le cadre du plan de relance ?

Si cela est très intéressant, on voit bien que nous sommes bloqués institutionnellement – sorte d’Agrippa Menenius, je suis obsédé par des systèmes institutionnels qui, s’ils n’intéressent personne, n’en sont pas moins très importants – puisque l’article prévoyant l’adoption des ressources propres est paralysant en ce qu’il impose unanimité et ratification par les parlements nationaux !

Des coopérations renforcées sont la seule façon de contourner cette affaire pour avancer. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il faire écho à l’idée cheminant au Parlement européen visant à regrouper tous les États acceptant la taxe sur transactions financières, ce qui exclurait, par hypothèse, l’Irlande ? Ces États pourraient utiliser cette ressource pour rembourser leur quote-part de la dette souscrite en commun par l’Union européenne : il s’agirait d’un produit d’appel extraordinaire de nature à faire pencher ceux qui n’en veulent pas vers plus de solidarité.

M. Jean-Michel Clément. Je déplore, moi aussi, les délais qui nous sont impartis pour l’examen de ce projet de loi : les enjeux sont tels qu’il aurait mérité de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie. Ce n’est certes pas la première fois qu’une telle critique est formulée, mais il n’est pas correct d’agir ainsi avec le Parlement.

Par ailleurs, je ressens une certaine aigreur. On a le sentiment que le plan de relance est le produit d’une contrainte. La pandémie oblige les États à s’entendre dans les conditions difficiles que l’on sait, sans que l’on sache comment on remboursera la dette contractée. J’ignore s’il faut s’en réjouir ou le déplorer. En tout cas, je considère, pour ma part, que ce n’est pas une grande avancée démocratique pour l’Europe. Je crains, compte tenu de la manière dont les choses se sont passées, que les États qui ont longtemps bloqué la discussion prennent le contrôle et soient en position de force lorsqu’on envisagera le remboursement de la dette, dont on connaît encore peu d’éléments.

En définitive, le plan de relance n’est qu’un aveu de faiblesse. C’est préoccupant pour l’avenir de l’Europe, au moment où le Royaume-Uni la quitte. La manière dont nous abordons les choses, notamment la recherche de ressources propres, ne m’incite pas à l’optimisme. La question de la taxe sur les activités polluantes me préoccupe particulièrement. Créer une taxe pour encourager les États à adopter une démarche vertueuse en matière de recyclage des déchets, c’est se priver à terme de cette ressource : il y a là une contradiction qui me paraît insoluble.

Pour conclure, je dirai donc : peut très largement mieux faire ! J’attends les débats futurs mais, pour l’instant, je suis très réservé. Dès lors, vous comprendrez que le groupe Libertés et Territoires ne soit pas très enclin à voter le projet de loi.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons passé un moment fort sympathique lorsque vous vous êtes rendu dans le port du Havre pour évoquer les questions liées au Brexit, mais cela ne m’empêchera pas d’exprimer le fond de ma pensée.

Votre exposé montre à quel point l’Union européenne fonctionne de manière paradoxale. Nous sommes en effet soumis à une double injonction contradictoire : d’une part, celle de créer une souveraineté budgétaire et financière européenne, donc de se détacher des prélèvements sur le PIB des États membres ; d’autre part, celle, propre au dogme néolibéral, de limiter au maximum les taxes et l’intervention de la puissance publique dans l’économie.

Vous prétendez rechercher des ressources propres pour l’Union européenne. Ce n’est pas crédible ! Depuis de nombreuses années, on négocie et on fait ratifier des accords de libre-échange qui ont pour objectif de supprimer les droits de douane, lesquels sont pourtant des ressources propres éminemment utiles puisqu’ils permettraient non seulement de financer le budget européen mais aussi de protéger notre industrie, comme c’est le cas en Chine ou aux États-Unis, et de l’inciter à se relancer.

L’Union européenne, chacun le sait, est une véritable passoire, et c’est la seule entité au monde où les choses se passent ainsi. En 1988, les contributions des États représentaient moins de 11 % du budget de l’Union européenne ; aujourd’hui, elles s’élèvent à 72 %. Dans le même temps, la part des droits de douane a été ramenée de 28 % à 15 %. Cette évolution est néfaste. Le débat sur les ressources propres devrait porter également sur les accords de libre-échange, qui sont nuisibles au plan économique et écologique.

Que pensez-vous de la création de ports francs, notamment au Royaume-Uni ? Certains estiment que ce type de mesure doit être adopté à grande échelle au sein de l’Union européenne. Mais cette solution est-elle pérenne pour la fiscalité française et européenne ? Elle s’apparente à la fuite en avant que constituent les accords de libre-échange. On supprime les taxes pour attirer les produits ; ce faisant, on creuse les déficits et on oblige les États à emprunter. Ce n’est pas acceptable !

Qu’en est-il de la taxe sur les transactions financières, cette véritable Arlésienne ? Depuis près d’une décennie, elle fait l’objet de débats qui n’ont jamais abouti à un résultat concret. Comment croire qu’une solution va soudainement émerger ?

Enfin, monsieur le secrétaire, quelle aide attendez-vous de nous ? L’exécutif serait bien avisé de s’entourer de parlementaires pour faire progresser les idées novatrices au sein de l’Union européenne !

M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Monsieur Anglade, je vais être clair : les conditions politiques ne sont pas réunies pour élaborer un deuxième plan de relance européen. Faut-il pour autant exclure d’en défendre l’idée ou d’obtenir un accord sur ce point ? Non. Mais nous avons, pour le moment, une première étape à franchir. Il nous faut ratifier la décision sur les ressources propres afin de procéder à l’endettement commun et de mettre en œuvre le plan de relance, dont je rappelle qu’il est très ambitieux puisqu’il se compose de près de 400 milliards d’aides directes aux États et de 360 milliards de prêts disponibles.

N’oublions pas, avant d’évoquer un possible nouvel abondement, que d’autres dispositifs européens, qui ne sont pas tous utilisés ou « saturés », sont à la disposition des États membres. Je pense au renforcement de l’action de la Banque européenne d’investissement, décidé par les ministres des finances au mois d’avril dernier, qui lui permet d’accorder des prêts supplémentaires, pour un montant total de 200 milliards d’euros. Je pense également au plan Support to mitigate Unemployment Risks (SURE), qui permet de financer l’assurance chômage européenne par des prêts à taux très favorables – plus intéressants, pour ce qui est des dernières émissions, que ceux dont bénéficient la plupart des États européens. Ce dispositif permet à un pays comme l’Italie, par exemple, de réaliser plusieurs centaines de millions d’économies dans le cadre du financement de son activité partielle.

Tout n’est pas parfait, loin de moi cette idée. Mais le plan de relance a été difficile à négocier politiquement : appliquons-le et accélérons sa mise en œuvre. J’ajoute, car j’ai omis de le préciser dans mon propos introductif, qu’il comporte un mécanisme de préfinancement qui permettra à chaque État membre de disposer dès le printemps, avant même la finalisation des procédures, d’une part, qui peut atteindre 10 %, de l’enveloppe à laquelle il a droit.

Je suis favorable à une accélération et, éventuellement, à la prise en compte de certaines mesures d’urgence, destinées à répondre immédiatement à la crise, dans les financements européens. À ce propos, je précise que sont prises en compte au titre des dépenses éligibles au financement du plan de relance celles qui ont été réalisées dès février 2020. Ainsi les États membres qui ont financé, dès le début de la crise sanitaire, certains dispositifs d’investissement ou de soutien, tels que l’assurance chômage, peuvent les soumettre à un financement européen.

Cependant, il ne faut pas exclure que la réponse européenne soit amplifiée et se prolonge. Mais beaucoup d’États membres s’étant opposés au principe même d’un plan de relance et d’une dette commune et a fortiori au montant ambitieux de 750 milliards, il faut faire la démonstration que ces financements européens peuvent être rapidement opérationnels et qu’ils sont utiles à la relance de nos économies. Cela relève de la responsabilité de l’ensemble des États membres, notamment de ceux, dont la France, qui ont défendu l’idée d’un plan de relance.

S’agissant des nouvelles ressources propres, plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le calendrier. Je veux, à cet égard, souligner à nouveau le rôle du Parlement européen qui, au-delà de l’accord du 21 juillet sur le principe de nouvelles ressources propres, a souhaité que la feuille de route soit précisée. Il a ainsi obtenu une présentation rapide des actes législatifs relatifs à deux ressources – sur lesquelles le consensus me semble plus fort que sur d’autres –, à savoir la taxe sur les entreprises numériques et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ce dernier consiste, je le rappelle, à faire payer aux entreprises qui exportent vers l’Union européenne et qui ne sont pas soumises aux mêmes exigences environnementales que les nôtres le prix du carbone dont ces dernières s’acquittent. Force est de reconnaître, au-delà des différences de sensibilité politique, qu’une telle mesure est juste, efficace et qu’elle contribue au financement du budget de l’Union européenne en faisant payer les acteurs internationaux qui profitent de notre marché sans y contribuer.

Sur ces deux ressources, qui obéissent à une logique identique et qui constituent une priorité, notamment de la prochaine présidence française de l’Union européenne, la Commission a pris l’engagement – et il sera tenu, car le Parlement l’a exigé et nous y veillerons – de présenter les textes législatifs au premier semestre 2021. Le Parlement européen et le Conseil se sont quant à eux engagés à aboutir à un accord législatif d’ici à la fin du premier semestre 2022 afin que les textes entrent en application au plus tard le 1er janvier 2023.

D’autres ressources figurent dans la feuille de route. Deux d’entre elles ont été évoquées par plusieurs d’entre vous : la taxe sur les transactions financières – je pourrai y revenir –, et l’ACCISS. Cette dernière a pour objet, j’y insiste, non pas d’augmenter la pression fiscale, mais d’harmoniser nos impôts sur les sociétés dans la perspective d’affecter ultérieurement cette ressource à l’Union. S’agissant de ces deux mesures, l’engagement a été pris de présenter les textes en 2024, pour une mise en œuvre d’ici au 1er janvier 2026.

Le calendrier est certes plus long, car le débat politique, qui soulève des questions plus lourdes, est technique et beaucoup moins avancé. Mais il se veut ambitieux puisque l’objectif est bien de disposer d’une série de ressources propres supplémentaires pour le prochain cadre budgétaire, lorsque débutera le remboursement de l’emprunt. Je rappelle en effet que la dette destinée à financer le plan de relance ne sera pas remboursée pendant la période 2021-2027. Cette décision relève, non pas de l’irresponsabilité, mais d’une bonne gestion économique : nous empruntons et investissons pendant la crise et nous commencerons à rembourser lorsque la reprise sera là et que nous disposerons de ressources propres supplémentaires. Ce remboursement s’étalera – là encore, j’y insiste – sur trente années. J’ajoute que le montant du remboursement annuel collectif de cet emprunt est évalué aux alentours de 17 milliards, soit environ 10 % d’une annuité du budget européen.

La question des rabais est très importante. Nous nous sommes battus pour obtenir leur disparition. Certes, nous n’avons pas gagné. Mais nous avons obtenu une avancée majeure sur la dette commune et, même si elle reste à finaliser, sur les ressources propres. Le prochain combat sera celui de la refondation du système de financement, qui implique la suppression des rabais. En tout état de cause, je crois, je le dis franchement, que nous ne pouvions pas, d’un point de vue politique, obtenir également satisfaction sur ce point dans le cadre de cette négociation.

Nous n’avons pas, je le rappelle, créer les rabais lors de la négociation du cadre financier pour la période 2021-2027. Celui dont bénéficiait le Royaume-Uni existait depuis 1984 – je n’en rappelle pas l’histoire, bien connue ; quant aux quatre autres, ils existent depuis 1999. Ils ont, c’est vrai, augmenté pour plusieurs pays. Mais, je tiens à le préciser, sans entrer moi-même dans la logique du juste retour, nous avons bien négocié, du point de vue de l’intérêt financier du pays. De fait, la contribution nette de nos grands partenaires a nettement plus augmenté, à la suite du Brexit, que celle de la France. Pour l’Allemagne, par exemple, cette augmentation est deux fois plus importante que pour notre pays, lequel est, en revenu par habitant, le huitième contributeur net au budget de l’Union européenne. Je ne veux pas multiplier ces chiffres, car je ne souhaite pas que l’on s’en tienne à une logique du juste retour – ce serait une vision étriquée et fausse de l’apport de l’Union européenne –, mais il est légitime que vous ayez connaissance de ces éléments budgétaires.

Par ailleurs, pour la France, le coût des rabais a diminué à la suite du Brexit. Leur coût annuel total était, jusqu’à la fin de l’année de 2020, de 2 milliards, dont la moitié était imputable aux Britanniques ; il est désormais légèrement inférieur à 1,5 milliard. Le rappel de ces ordres de grandeur n’a pas pour objet de légitimer ces rabais, mais d’éclairer notre débat sur cette question.

Monsieur Holroyd, j’ai évoqué les travaux d’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Cette mesure peut paraître technique, mais elle est le préalable absolu à toute harmonisation de cet impôt et un outil nécessaire si nous voulons encadrer ses taux et lutter contre un dumping fiscal européen qui existe dans ce domaine, comme en témoignent les taux extrêmement agressifs appliqués par certains de nos partenaires.

Je ne reviendrai pas en détail sur la question de l’État de droit, dont j’ai dit, devant votre assemblée et devant le Sénat, combien elle était importante. Nous ne comptions céder ni sur le plan de relance, en le retardant ou en le rabotant, ni sur la protection des valeurs. La décision qui a été prise marque une avancée politique, au sens noble du terme, importante. J’assume le fait que la France contribue au budget de l’Union européenne, car elle y trouve des avantages. En revanche, je n’assumerais pas devant vous le fait que des États membres qui ne respecteraient pas des valeurs essentielles bénéficient de notre solidarité financière. Je parle là, non pas de points secondaires ou de choix politiques qui relèvent de chaque parlement et de chaque gouvernement, mais de valeurs essentielles qui nous relient et qui figurent dans nos traités. Chacun serait choqué que la solidarité s’exerce au bénéfice de pays qui ne respecteraient pas ces contreparties minimales.

Les rabais sont liés à chaque décision concernant les ressources propres. Ils ont été reconduits dans le cadre de la dernière décision ; je le déplore, mais cette reconduction participe d’un équilibre politique qui est en définitive très favorable à nos ambitions européennes et à nos intérêts. En tout état de cause, ils seront rediscutés dans le cadre de la prochaine décision sur les ressources propres – les pays concernés le savent : c’est la nouvelle frontière, si je puis dire. À ce propos, d’aucuns font des calculs en comparant le bénéfice que chacun tirera du plan de relance et la contribution qu’il y apportera, mais un tel calcul n’est pas possible puisque personne ne connaît la prochaine décision relative aux ressources propres. Et, lorsqu’elle interviendra, il sera dans l’intérêt de la France de défendre une remise à plat du système de financement, remise à plat qui n’est pas impossible puisque nous avons obtenu des avancées très importantes sur le système de ressources propres et le financement par la dette commune. Il est donc faux de dire que les choses sont figées, définitivement écrites. Si des réticences s’exprimaient sur de nouvelles ressources ou sur certains paramètres, nous aurions, nous aussi, les moyens d’imposer que ceux-ci soient redéfinis. Les rabais ne sont pas un droit historique garanti aux pays qui en bénéficient encore pour les sept années qui viennent.

S’agissant de la contribution liée au recyclage des déchets en plastique, je vous propose, pour ne pas être trop long, de vous communiquer quelques éléments chiffrés, notamment sur le prix de la tonne pris en compte pour le calcul de cette contribution. Je précise, c’est un point important, qu’il ne s’agit pas – on peut le regretter ou s’en réjouir – d’une ressource propre au sens strict, et encore moins d’une taxe. Il s’agit d’un système de bonus-malus qui, pour être tout à fait honnête, porte sur de petits montants. C’est vrai, Jean-Michel Clément l’a dit, il n’y a pas de double dividende en la matière : plus on recyclera de matière plastique, plus cette ressource diminuera. Mais ce système ne contribue pas significativement au budget européen ; c’est un signal positif, mais il ne faut pas accorder une importance excessive à cette ressource. Mieux vaut concentrer le combat sur les véritables ressources propres qui peuvent être mobilisées dans les mois qui viennent. J’ajoute que, pour la France, le coût annuel lié à ce système de bonus-malus est, non pas de 1 milliard, comme je l’ai entendu dire – ce chiffre correspond à l’assiette globale –, mais de 60 millions, sachant, je le rappelle, que le montant total de notre une contribution dépasse 20 milliards.

Monsieur Masséglia, vous m’avez interrogé sur les contraintes et les risques liés à ces nouvelles ressources propres. Je l’ai indiqué de la manière la plus honnête possible : pour la première fois, leur principe et leur nature font l’objet d’un accord. Quant à leur contenu, leur montant et leur calendrier, ils doivent encore – même si j’ai rappelé les engagements politiques qui ont été pris en la matière – faire l’objet d’un débat législatif, national et européen. Jamais le principe de la création de nouvelles ressources propres n’a fait l’objet d’un consensus politique européen aussi fort. Les pays qui étaient le plus réticents – Pays-Bas, Autriche, Suède – ont beaucoup évolué sur cette question, notamment sur le volet environnemental, non seulement parce que la préoccupation climatique est plus forte mais aussi parce qu’ils perçoivent bien l’enjeu budgétaire, auquel ils sont parfois plus sensibles que nous. Après 2027, le budget européen ne pourra pas se dispenser de nouvelles ressources, quand bien même ces pays dits frugaux renonceraient-ils à leurs rabais. De fait, avec le plan de relance – certains le déplorent, je m’en félicite –, nous franchissons une étape supplémentaire vers une solidarité budgétaire européenne. Face au choix d’augmenter leur contribution nationale et de renoncer à leur rabais ou de créer de nouvelles ressources propres, leur priorité, je crois, sera claire. La Suède ou les Pays-Bas, par exemple, longtemps hostiles par principe à de nouvelles ressources propres, défendent désormais certaines d’entre elles, notamment la réforme du système d’échange de quotas d’émission (ETS) ou la taxe carbone aux frontières. Il reste du travail, nous avons un combat à mener, et j’espère que nous serons le plus nombreux possible, ici comme au Parlement européen.

Monsieur Herbillon, s’agissant des délais d’examen du projet de loi, on peut, certes, toujours faire mieux. Mais je m’efforce toujours de répondre au plus grand nombre de questions possible, par écrit ou par oral, devant les deux assemblées. Je me suis exprimé pour la première fois devant l’Assemblée nationale sur l’accord budgétaire, plus précisément sur la question des ressources et de la dette, le 28 juillet, lors des questions au Gouvernement. Quant à la décision relative aux ressources propres dont nous discutons aujourd’hui, elle est connue depuis plusieurs mois et nous avons répondu à de nombreuses questions sur le sujet.

M. Michel Herbillon. Ne faites pas semblant de ne pas avoir compris ce que j’ai dit : ce n’est pas vous qui êtes en cause.

M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Je tenais tout de même à dire que nous avons des échanges réguliers sur la question.

Quoi qu’il en soit, sur le fond, vous avez souligné, et je vous en remercie, le caractère historique des avancées obtenues et vous partagez le combat que nous entendons mener dans la perspective des prochaines étapes concernant les ressources propres. À cet égard, j’observe qu’il existe parfois un écart entre les positions défendues par une même famille politique – ce n’est pas le cas de la vôtre – à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, monsieur Lecoq, où elle se montre beaucoup plus hostile aux ressources propres. Soyons cohérents jusqu’au bout. Par ailleurs, je sais, monsieur Herbillon, que le combat en faveur des ressources propres et de la réforme du budget européen – qui est, du reste, au-delà des alternances ou sensibilités politiques, conforme à l’intérêt national – est mené depuis longtemps par nombre d’entre vous. Je sais votre engagement personnel de longue date en la matière.

Comment garantir le remboursement ? Par les ressources propres. Si l’on additionne le produit de la taxe sur le numérique, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et la réforme du système ETS, ce sont 10 milliards à 30 milliards de ressources propres supplémentaires qui seront affectées au budget européen, sachant que la contribution française annuelle s’élève à un peu plus de 20 milliards et le remboursement annuel de l’emprunt lié au plan de relance à 17 milliards. Ainsi, même si nous ne disposions que de deux de ces trois ressources propres, nous pourrions largement rembourser chaque annuité du plan de relance à partir de 2028. Au-delà, je crois, comme le disait Jean-Louis Bourlanges, que c’est une bonne logique de financement du budget européen et la seule façon de sortir d’un débat délétère sur le juste retour. Quant au remboursement, il nous appartient d’en définir les paramètres. C’est un combat à mener, je l’admets, mais il est faux d’affirmer que la France devra s’acquitter d’une facture ou d’un impôt caché.

Peut-être pensiez-vous, en évoquant le renforcement de la capacité de contrôle, à une forme de mainmise qu’un État pourrait exercer sur un autre dans le cadre des plans de relance. Permettez-moi donc d’en expliquer la mécanique. Chaque pays va soumettre à l’ensemble des ministres des finances son plan national de relance et de résilience et demander un cofinancement européen. Je mentionnerai deux points importants, à cet égard. Tout d’abord, nous avons refusé tout système de veto, qui aurait conduit à faire de chacun l’otage de son voisin et aurait permis à un pays – du nord de l’Europe, par exemple – de contester tel investissement réalisé par un autre ou de lui recommander telle réforme ; ce type de débat serait malsain. En revanche, il est sain d’avoir une discussion collective pour coordonner nos priorités – 30 % pour le climat, 20 % pour le numérique – tout en permettant à chaque pays de bénéficier de la souplesse nécessaire pour construire son propre plan. Aucune unanimité n’est requise, aucun veto ne permet à un pays du nord de bloquer un pays du sud, pour citer un exemple qui n’est pas qu’un cas d’école.

Ensuite, je m’inscris en faux contre l’idée tant débattue d’une conditionnalité, selon laquelle l’Europe nous imposerait de réaliser telle réforme pour pouvoir bénéficier de l’argent européen. Nos plans de relance sont coordonnés, c’est normal et sain. La France déplore de longue date, toutes majorités confondues, l’insuffisance de la gouvernance économique et de la coordination des politiques économiques ; or, nous avons là un outil pour les renforcer : utilisons-le ! Mais, encore une fois, il n’existe aucune liste, cachée ou non, des réformes qui seraient exigées par Bruxelles ou par tel partenaire en contrepartie de l’argent européen.

Monsieur Bourlanges, vous avez raison, les ressources propres ont tendanciellement baissé au fil du temps parce qu’on n’en a pas créé de nouvelles et qu’on les a, de fait, remplacées en masse par une contribution annuelle des États, laquelle a l’avantage de la simplicité et l’inconvénient de s’inscrire dans une pure logique du juste retour, qui veut que chacun fasse le compte de ce qu’il verse à l’Europe et de ce qu’il en retire immédiatement. Par ailleurs, la France défend la taxe sur les transactions financières, qui est inscrite dans la feuille de route. Quant à l’impôt européen sur les sociétés, il n’est pas pour demain. Encore une fois, il ne s’agit certainement pas de créer un impôt européen – ce serait une folie et un mauvais signal – mais de rapprocher nos fiscalités pour éviter le dumping et, éventuellement, d’affecter à terme une part de ces impôts existants au budget européen.

Il est possible que certaines ressources soient mobilisées dans le cadre de coopérations renforcées ; c’est le cas actuellement de la taxe sur les transactions financières. C’est un peu compliqué techniquement et juridiquement, mais il n’est pas impossible, si une ressource est créée par quelques États, qu’elle puisse financer leur quote-part du remboursement de l’emprunt collectif après 2027. En tout cas, il ne faut pas exclure cette possibilité, car la coopération renforcée fiscale est un bon outil.

Monsieur Clément, vous avez dit ressentir une certaine aigreur. Cette avancée européenne – que vous ne remettez pas en cause – est, c’est vrai, le produit d’une contrainte, d’une crise. C’est du reste souvent le cas en Europe : nous progressons dans la crise et nous prenons conscience de la nécessité d’une réponse collective lorsque nous sommes confrontés à un problème collectif. C’est du reste plutôt une bonne nouvelle, car tel n’a pas toujours été le cas. Je pense à la crise précédente, celle des dettes, à laquelle nous avons mal répondu, trop peu ou trop tard, au plan européen. Cette fois, nous avons élaboré une réponse solidaire et économique ambitieuse : le plan de relance et la dette commune, que nous ne pouvions pas imaginer il y a quelques mois de cela. Ce n’est donc pas, me semble-t-il, l’aveu d’une faiblesse ou le seul produit d’une contrainte.

Quant au renforcement du poids de certains pays, si vous faisiez allusion au dispositif de contrôle que j’ai évoqué il y a un instant, j’espère vous avoir répondu, tout comme sur la taxe sur les plastiques.

Monsieur Lecoq, je garde également un bon souvenir de notre échange amical au Havre. La question des accords de libre-échange est un vaste débat. Je partage, plus que vous ne l’imaginez, votre réticence sur le contenu de certains de ces accords ou la façon de les négocier. Mais ne mélangeons pas les débats. On ne peut pas mesurer la pertinence de ces accords à la seule aune de la ressource que les droits de douane apporteraient au budget européen. Les nouvelles ressources propres dont nous avons discuté permettent de compenser largement la baisse historique de ces droits qui, je le rappelle, sont, indépendamment de tout accord de libre-échange, très sensibles à la crise. Ainsi, l’augmentation de notre contribution au budget pour 2021 de l’Union européenne est due en grande partie à la baisse des ressources propres traditionnelles, notamment les droits de douane. Ce ne serait pas une bonne chose de soumettre le budget européen à cette logique cyclique. Nous pouvons donc mener ensemble le combat pour des ressources propres qui sécurisent le budget européen, sortent de la logique du juste retour et nous permettent de financer de manière ambitieuse des politiques publiques dont nous avons le souci commun.

La réflexion sur les ports francs s’est ouverte à l’occasion du Brexit. Les Britanniques pourraient en effet décider – nous verrons ce qu’il en est – d’accorder des avantages fiscaux, sociaux ou réglementaires à des zones portuaires. Nous devons donc étudier ensemble cette question, avec nos partenaires Belges ou Néerlandais, car il ne serait pas responsable de laisser les Britanniques agir sans évaluer la compétitivité de nos ports. Il ne s’agit pas de s’inscrire dans une logique de dumping ou de course au moins-disant, mais nous devons nous pencher, indépendamment même du Brexit, sur la compétitivité portuaire. Du reste, sur ce sujet comme sur d’autres, l’accord que nous aurons bientôt définitivement conclu avec le Royaume-Uni nous préserve d’une logique de dumping en prévoyant la possibilité de prendre des mesures de rétorsion. Notre objectif n’est pas de participer à une course vers le bas, si le Royaume-Uni s’y lançait, et nous n’entendons pas subir sans pouvoir réagir une compétitivité accrue, s’il cherchait à la renforcer pour compenser les effets du Brexit.

Enfin, comment les parlementaires peuvent-ils aider le Gouvernement ? En menant, au-delà de leurs différences légitimes de sensibilité politique, le combat sur les ressources propres, ici comme au Parlement européen.

M. Jean-François Mbaye. Avant tout, je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à la présidente de notre commission dont l’attachement aux affaires européennes n’est plus à démontrer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir rappelé que ce texte était une belle avancée, n’en déplaise à ceux qui pensent qu’il se traduira par un impôt européen pour les ménages. Félicitons-nous au contraire de cette chance de pouvoir, dans le contexte actuel, augmenter les recettes de l’Union européenne sans peser sur la fiscalité des ménages.

Ma question se rapporte au principe de conditionnalité liée à l’État de droit, qui représente là encore une avancée, actée par le Parlement européen le 16 décembre dernier. Pourriez-vous préciser les modalités de saisine en ligne de la Commission européenne par les bénéficiaires finaux de ces subventions, afin qu’ils reçoivent bel et bien les montants dus ?

Mme Nicole Le Peih. Il est plus que jamais nécessaire, pour l’Europe, de disposer des bons outils si elle veut atteindre ses objectifs pour le climat, en gardant en ligne de mire la neutralité carbone en 2050. Je m’apprête d’ailleurs à déposer un rapport d’information à ce sujet auprès de la commission des affaires européennes. Les ressources propres traduisent le choix d’un destin commun. Payer un impôt, c’est partager une richesse. Or en introduisant une ressource assise sur les emballages plastiques non recyclés, nous signifions que l’environnement est une richesse à protéger. D’ailleurs, 30 % des crédits de chaque programme de l’Union européenne seront désormais fléchés vers l’obtention de résultats environnementaux. Progressivement, le Pacte vert se traduit en recettes comme en dépenses. Nous progressons, sachons nous en féliciter et regarder le verre à moitié plein.

Selon le Financial Times, la taxe sur le plastique non recyclé permettrait de collecter 42 milliards entre 2021 et 2027. Ce produit serait affecté au remboursement du plan de relance. Si le rendement excède les prévisions, les surplus seront-ils affectés à de nouveaux programmes ou reversés aux États ?

Enfin, dans ce contexte d’accélération de la transition climatique, d’autres travaux sont en cours pour élargir le marché des quotas d’émission et organiser un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. La France préfère le principe d’une extension du marché de droits d’émission existant aux produits importés à une taxe aux frontières qui semble pourtant plus facile à présenter à nos concitoyens. Quelles sont les raisons de cette préférence ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ce qui est historique dans cet accord, c’est le coût pour la France ! La symbolique est peut-être historique mais notre pays sera le dindon de la farce. Pour obtenir cet accord, vous aurez cédé sur beaucoup de choses. Le Président Macron aura ainsi cédé sur les rabais. Vous dites que l’on passe de 2 à 1,5 milliard. Certes, mais le départ anglais nous coûte 2 milliards. Ajoutez-y l’augmentation des rabais, qui est une défaite totale pour notre pays. Vous avez acheté le vote des pays nordiques en acceptant de consolider leur rabais. Je ne vois pas pourquoi ils y renonceraient demain, quand il faudra obtenir d’eux d’autres accords sur les ressources propres.

Pire : vous avez accepté de dissocier plan de relance et ressources. C’est un vrai marché de dupes car s’il y avait un moment pour négocier la concomitance des deux, c’était bien là. Je ne vous demande pas d’avoir toutes les ressources propres de la terre ni de changer le logiciel de nos voisins, mais vous auriez au moins pu obtenir gain de cause pour la taxe sur les transactions financières ou la taxe GAFA.

Vous avez préféré céder sur tout en reportant le sujet des ressources propres. Or, les ressources propres n’arriveront pas car vous n’aurez plus de levier vis-à-vis des pays nordiques. L’accord est totalement déséquilibré car, si les ressources propres ne sont pas au rendez-vous, la France percevra 40 milliards ! Et encore, on ne sait pas quand ! Seuls 10 milliards sont prévus prochainement. Le plan de relance arrivera trop tard. Surtout, nous paierons beaucoup plus, au regard de la contribution de la France. C’est une très mauvaise affaire. La contribution nette et brute de la France au budget de l’Union européenne pour 2021 explose en augmentant de 25 % par rapport à 2020, soit 5 milliards de plus. Vous nous dites que nous sommes le huitième contributeur. Je vous remercie de ces chiffres mais si vous nous donniez la contribution nette de la France, les Français seraient heureux d’apprendre qu’ils paient toujours plus pour une Union européenne prompte à subventionner des usines qui, comme Bridegstone, s’installent en Pologne, une Union européenne incapable de contrôler l’immigration, responsable de la destruction de nombreux emplois par la faveur accordée aux travailleurs détachés. On finance une organisation qui nous fait du mal. Il faut le faire ! Et vous augmentez encore la facture ! Vous vous réjouissez des symboles mais vous oubliez que ce sont les Français qui paieront, une nouvelle fois.

Autre conséquence : la bureaucratie européenne en sortira renforcée alors qu’il aurait été tellement plus simple d’établir notre propre plan de relance et de le faire financer par la Banque centrale européenne. En réalité, la vraie question est celle de la manière dont nous négocierons la dette de la crise du covid-19. Devrons-nous accepter les ajustements exigés par les partenaires allemands auxquels vous êtes profondément soumis ou allons-nous créer une dette perpétuelle, en l’isolant et en la faisant financer par la Banque centrale, comme le feront les Américains ou les Anglais ?

Je salue votre immense talent pour communiquer. Hélas, vous avez manqué une occasion, celle des ressources propres. M. Lecoq l’a dit, la première des ressources propres, ce sont les droits de douane, et non la signature d’accords de libre-échange qui polluent la planète, affaiblissent l’Europe et l’industrie. Malheureusement, vous n’avez pas négocié les accords de libre-échange.

Quant au Mercosur, il est extraordinaire que le Président Macron l’ait accepté à Bruxelles pour le dénoncer ensuite verbalement. J’aimerais que l’on m’explique ce double discours pour ne pas revivre le psychodrame du CETA. Pourquoi avons-nous laissé la Commission européenne signer l’accord avec le Mercosur ? Pourquoi nous y opposons-nous aujourd’hui ?

Si vous cherchez des ressources propres pour rembourser l’emprunt, taxez les produits importés, ce sera plus rapide et efficace.

Mme Liliana Tanguy. Monsieur le secrétaire d’Etat, j’espère vous accueillir bientôt en Bretagne, au port du Guilvinec, dans le Finistère sud.

La réforme du système des ressources propres, soutenue par le Président de la République dès 2017, est une grande avancée pour l’Union européenne car elle permettra de financer le plan de relance européen, sans en faire peser le remboursement sur les citoyens européens. Vous avez également souligné que les premiers versements du plan de relance seront conditionnés à l’adoption de la ratification des décisions approuvées par le Parlement européen. Bref, plus tôt les États ratifieront le dispositif des ressources propres, plus tôt nous bénéficierons des fonds du plan de relance, soit 40 milliards pour la France. Ces fonds sont nécessaires pour soutenir notre économie et préserver nos emplois.

La Commission européenne proposera avant l’été 2021 trois nouvelles ressources propres que nous devrons adopter en priorité pour qu’un accord soit trouvé sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre 2022. Comment la France prépare-t-elle cette présidence durant laquelle elle aura la lourde tâche de mener des négociations qui pourraient se heurter à la résistance de certains États ?

Mme Anne Genetet. La clarté de vos propos, monsieur le secrétaire d’Etat, et les exemples concrets que vous avez cités, auront sans doute permis à ceux qui nous regardent de mieux saisir l’importance, pour l’Union européenne, de disposer de ressources propres.

Le 19 mai dernier, lors de la présentation du plan de relance, le Président de la République déclarait que l’Europe de la santé devait devenir une priorité. Or, l’adoption par le Parlement européen, en décembre dernier, du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, montre que l’objectif, s’il est consacré, reste modeste. Alors que la Commission proposait de lui allouer une enveloppe de 9,4 milliards, le Conseil européen s’était accordé autour d’un montant bien moindre de 1,6 milliard. Finalement, l’Union européenne investira 5,1 milliards dans ce nouveau programme. C’est mieux mais nous restons sur notre faim.

Alors que les commandes de vaccins viennent d’être mutualisées et que nous avons pris conscience de l’importance de cette Europe de la santé, pourquoi ne pouvons-nous pas faire un plus grand effort ? Qui, parmi nos partenaires européens, s’y oppose ? Pourquoi ?

M. Sébastien Nadot. L’Union européenne est parvenue à un accord sur le système des ressources propres et nous devons nous en réjouir malgré les concessions qu’il a fallu consentir. Le versement des financements européens sera conditionné au respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne, qu’il s’agisse de l’État de droit, de la démocratie, des droits fondamentaux. Vous nous avez fait part d’un âpre débat à ce sujet avec la Hongrie et la Pologne. Je voudrais vous interroger, non pas sur le respect de ces valeurs fondamentales par ces pays, mais par l’Espagne dont la manière de traiter les militants en faveur de l’indépendance de la Catalogne pose question. L’État espagnol a condamné de nombreux militants et élus catalans, dont l’ancienne présidente du Parlement catalan, Mme Carme Forcadell, à de lourdes peines de prison pour sédition. En violation du droit européen et d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, l’État espagnol a emprisonné le député européen Oriol Junqueras, malgré son immunité parlementaire. La justice espagnole a condamné quatre autres eurodéputés qui se sont réfugiés en Belgique. Dans l’Union européenne, des élus européens d’un État membre sont ainsi obligés de se réfugier dans un autre État membre. Cette situation paraît contraire aux valeurs fondatrices de l’Union.

D’autres phases de débat sont-elles prévues pour attribuer les ressources au regard des principes d’un État de droit ? Des critères objectifs sont-ils fixés ? Ne craignez-vous pas qu’une situation comme celle des quatre eurodéputés dont la levée d’immunité sera prochainement examinée par le Parlement européen à la demande de l’État espagnol, ne prête le flanc à l’idée d’une Europe dont l’État de droit serait à plusieurs vitesses. Cette question n’est pas celle de l’indépendance de la Catalogne, mais des eurodéputés, les miens comme les vôtres, et d’un pays qui ne respecte pas les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne.

M. Jacques Maire. Monsieur le secrétaire d’Etat, bravo pour votre ténacité et celle du Gouvernement. Vous avez mené à bien cette bataille économique, juridique et politique. Ma question concernera les droits de l’Homme et le règlement du Parlement européen, plus particulièrement le mécanisme de surveillance des droits. Je suis inquiet car le débat que nous menons actuellement à Paris ou à Bruxelles n’est pas du tout le même que celui qui se tient à Varsovie ou à Budapest.

À Budapest, le Premier ministre Viktor Orbán décrit ce débat comme une lutte pour la liberté de son peuple contre Bruxelles qui voudrait envoyer en Hongrie des centaines de milliers de sans-papiers et étendre en Hongrie et en Pologne les droits des LGBT. Il ajoute que ce combat est mené contre l’expérience sociologique ratée des sociétés ouvertes et multiculturelles de l’ouest, qui serait largement entretenue par un réseau d’agents payés par M. Soros.

Il présente donc le résultat de ce règlement comme une grande victoire et la validation de ce qu’il appelle l’État de droit, à savoir un régime autocratique corrompu qui réprime les libertés. Je m’inquiète donc de l’effectivité de ce règlement.

Au-delà d’une protection de l’État de droit en général, le mécanisme peut-il être utilisé si les intérêts financiers de l’Union européenne ne sont pas en danger ? L’Union européenne aura-t-elle les moyens d’agir si le gouvernement hongrois continue de brimer les médias indépendants. Pourra-t-il le faire sans conséquence financière ?

Il est par ailleurs prévu que, si le règlement était attaqué devant la Cour de justice, la Commission devrait attendre les conclusions des juges pour arrêter ses modalités de mise en œuvre. Hongrie et Pologne pourraient-elles ainsi reporter de plusieurs années sa mise en œuvre, par exemple après les élections législatives de 2022 en Hongrie ?

Le mécanisme ne s’applique pas aux paiements qui seraient décaissés dans le cadre de l’actuel cycle et se limite au cycle 2021-2027. Les fonds du cycle qui s’achève en 2020 mais ne seront déboursés qu’en 2021 seront-ils exemptés du mécanisme de l’État de droit ?

Aujourd’hui, je ne suis pas certain que nous ayons gagné la bataille de l’opinion des démocrates en Hongrie et en Pologne. La propagande d’État, dans ces pays, a rapporté le résultat des discussions sur un ton euphorique. Je crains que, si ce mécanisme tarde à être mis en œuvre, alors que l’État de droit est régulièrement violé dans ces pays, leurs gouvernements gagnent sur deux points : ils pourront agir comme aujourd’hui et affirmer qu’ils respectent l’État de droit puisqu’ils ne sont pas condamnés. Rassurez-nous.

M. Hervé Berville. L’Union européenne est le premier pourvoyeur d’aide publique au développement au niveau mondial Quelle est votre vision de la modernisation de cette aide ? Comment envisagez-vous par ailleurs la présidence française de l’Union, qui arrive à un moment crucial pour accélérer les objectifs de développement durable ainsi que l’Agenda 2030 des Nations unies, et pour renforcer la coordination entre l’aide publique au développement européenne et les aides bilatérales ?

Mme Isabelle Rauch, présidente. Ces dernières questions ne sont pas à l’ordre du jour de cette réunion mais le secrétaire d’État est libre d’y répondre s’il le souhaite.

M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Monsieur Mbaye, concernant les nouvelles ressources propres, j’ai déjà détaillé le calendrier envisagé dans la feuille de route agréée par le Parlement européen. Pour ce qui est du respect de l’État de droit, il y a eu une bataille de communication politique mais le mieux est d’en revenir aux faits. Pour la première fois, un mécanisme lie le budget européen et le respect de l’État de droit. Ce mécanisme est-il parfait ? Non. Marque-t-il une rupture ? Oui. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Hongrie et la Pologne, une fois le règlement adopté, se sont fortement mobilisées : elles ont bien pris conscience de la portée politique de ce lien de conditionnalité.

Au Conseil européen de décembre dernier, nous n’avons en rien revu les dispositions du règlement relatives à l’État de droit.

Qu’est-ce qui est permis par ce règlement ? Il faudra établir un lien suffisamment direct entre la violation de l’État de droit et l’utilisation des fonds européens, ce qui peut aller assez loin. Ainsi, on pourra considérer qu’il a été porté atteinte à l’indépendance de la justice si l’utilisation des fonds européens a été entachée de fraude ou de corruption. On sait que ce n’est pas un cas d’école dans certains pays européens. Tout dépendra également de la manière dont les juges nationaux et ceux de la Cour de justice de l’Union européenne interpréteront ce mécanisme mais, en tout cas, il faudra un lien avec l’utilisation des fonds européens. Ce n’est pas un outil de nature budgétaire qui viserait à sanctionner tout accès aux fonds européens pour toute violation de l’État de droit. Ce lien sera défini par la jurisprudence. La Commission européenne évaluera si les conditions sont réunies. Le Conseil européen se prononcera par un vote à la majorité qualifiée. Deux pays – au hasard – ne pourraient bloquer, seuls, l’application de la décision que la Commission proposerait au Conseil. Ce mécanisme complète l’arsenal juridique destiné à faire respecter l’État de droit et qui a été renforcé ces dernières années. Nous devrons aller plus loin. L’article 7 du Traité sur l’Union européenne, de nature essentiellement politique, est important. Il enclenche une procédure d’explications qui peuvent aller jusqu’à la sanction. Deux pays ont déjà été visés par cette procédure, la Hongrie et la Pologne. N’oublions pas, plus généralement, l’action de la Cour de justice de l’Union européenne : lorsqu’elle a identifié des violations de principes liés à l’État de droit, consacrés par l’article 2 de ce même traité, elle les a sanctionnées. Elle a ainsi sanctionné, au titre de la liberté académique consacrée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union, la fermeture d’universités européennes, que l’on peut considérer comme une forme d’atteinte à des principes fondamentaux ou liés à l’État de droit. Nous disposons d’un mécanisme politique, quelque peu tribunitien, osons le dire, avec l’article 7, d’un mécanisme juridique par le respect des principes européens garantis par la Cour de justice et, à présent, d’un mécanisme de nature budgétaire qui crée, pour la première fois, un lien de conditionnalité entre la perception des fonds européens et le respect de ces valeurs essentielles.

Pour ce qui est du délai, présenté par certains gouvernements comme un changement, j’y insiste – et je vous renvoie aux conclusions du sommet européen de décembre dernier : le contenu de la législation n’a pas été modifié. Ce qui est verbalisé dans les conclusions, c’est un droit déjà existant : celui pour chaque pays – M. Dupont-Aignan devrait s’en féliciter –, de contester devant la Cour de justice toute législation d’un pays de l’Union qui ne serait pas conforme au Traité, pour ce qui est tant de la procédure que du fond. Les gouvernements de la Pologne et de la Hongrie veulent intenter un recours devant la Cour de justice contre cet instrument législatif, mais ce n’est pas un droit que nous avons créé : il existait déjà. En revanche, et c’est là qu’il y a un engagement politique, la Commission a déclaré qu’elle attendrait que la Cour de justice constate une violation de l’État de droit pour proposer une sanction dans le cadre de ce mécanisme. Rien n’empêche la Commission, elle l’a assuré, de lancer dès le 1er janvier une investigation si on lui signale des fraudes graves liées à l’État de droit dans l’utilisation des fonds européens. Elle a simplement choisi d’attendre la décision de la Cour de justice pour proposer une sanction au Conseil. Soyons clairs, l’activation de ce mécanisme prendra, de toute façon, plusieurs mois. Je ne crois pas que l’on ait perdu du temps avec cette sorte de délai d’opportunité que la Commission souhaite utiliser.

Plus important encore : l’absence d’effet suspensif. Dès le 1er janvier de cette année, pour le budget 2021-2027 et pour le plan de relance, toute violation de l’État de droit qui serait constatée peut donner lieu à sanction, quelle que soit la date à laquelle la Commission constate cette violation et la signale au Conseil. Qu’une procédure soit en cours, au même moment, devant la Cour de justice, n’y changera et ne retardera rien. Le mécanisme a démarré le 1er janvier, à zéro heure. Si un État membre violait l’État de droit cette semaine, il n’échapperait pas à la sanction sous prétexte qu’une procédure est en cours devant la Cour de justice. Cela vaut pour tout le nouveau budget 2021-2027, depuis le premier jour, pour tout le plan de relance mais pas pour l’ancien budget en raison du principe de non-rétroactivité, sans que cela ait un rapport avec un recours éventuel devant la Cour de justice.

Le mécanisme est très certainement perfectible mais il est innovant et crée, pour la première fois, un lien réel et politique important entre le bénéfice des fonds européens et le respect des valeurs fondamentales. C’est essentiel. Monsieur Dupont-Aignan, il est légitime que la France soit une contributrice nette au budget de l’Union européenne car on a en a pour notre argent, mais elle peut poser des conditions, par rapport au détachement ou au respect des valeurs politiques. On ne peut pas bénéficier des largesses de l’Union sans respecter un socle essentiel qui nous relie. Les valeurs politiques en font partie.

Mme Le Peih m’a interrogé au sujet du Pacte vert. En effet, 30 %, voire 37 %, des dépenses du plan de relance et du budget seront attribuées à la lutte contre le réchauffement climatique. Concernant la taxe plastique, attention à la dénomination qui pourrait prêter à confusion : il ne s’agit pas d’une taxe ni d’une ressource propre au sens strict mais d’un mode de calcul de la contribution actuelle des États membres, qui ne change quasiment rien aux sommes en jeu. Les États les plus vertueux dans le recyclage du plastique paient un peu moins, les moins vertueux paient un peu plus. En revanche, la refonte du système des ETS, l’instauration d’une taxe carbone aux frontières et d’une taxe sur les services numériques permettront de dégager de nouvelles ressources propres.

Pourquoi voulons-nous ajuster la taxe carbone aux frontières européennes en étendant le dispositif aux entreprises étrangères ou aux importateurs vers l’Union ? Sans entrer dans les détails, ce serait la solution la plus robuste juridiquement, au regard des règles européennes et internationales. Elle nous éviterait d’engager un débat interminable pour réformer l’Organisation mondiale du commerce. Surtout, la même règle s’appliquerait aux entreprises européennes et non européennes. Il n’y a pas de raison pour que nos entreprises, qui subissent une concurrence internationale impitoyable, dans les secteurs de l’automobile, de l’acier ou du ciment par exemple, soient soumises à des contraintes écologiques que ne supporteraient pas les Chinois, les Indiens, les Américains, qui pourraient continuer à produire comme avant et à exporter leurs produits chez nous ! Ce serait injuste, inacceptable et inefficace pour le climat. Nous devons donc créer un mécanisme d’équivalence ou d’ajustement entre les obligations que nous faisons supporter à nos entreprises et celles qui pèsent sur les entreprises non-européennes.

M. Dupont-Aignan a posé toute une série de questions précises, d’ordre budgétaire ou politique. Je serai très honnête. La dette commune européenne marque une avancée fondamentale. D’ailleurs, vous avez parfois critiqué l’austérité, les positions trop allemandes de l’Europe – je n’emploie peut-être pas le bon vocabulaire mais vous reconnaîtrez vos positions. Nous avons fait progresser la solidarité européenne, c’est important. Que serait-il advenu si nous n’avions pas créé cette dette commune ni prévu un plan de relance européen de cette envergure ? Je ne parlerai pas de la France, pour décentrer le débat, mais de l’Italie. Un partenaire comme l’Italie n’aurait pas pu financer immédiatement sa réponse économique à la crise. Regardez ses taux d’intérêt sur les marchés financiers internationaux ! Ce sont de grands méchants, certes, mais quand on en dépend, il faut faire avec. À court terme, l’Italie n’aurait pas pu emprunter. La dette européenne n’est pas une construction de fédéralistes dingues mais un soutien immédiat pour nos partenaires européens. Ce n’est pas neutre pour la France, d’ailleurs ! Quand on réalise 50 % de ses exportations vers le marché intérieur, ce qui se passe ailleurs est intéressant ! Vous en serez peut-être surpris mais je partage certaines de vos critiques contre l’Europe. C’est vrai, il lui est arrivé d’être naïve, à l’intérieur comme à l’extérieur. Encore aujourd’hui, elle laisse passer des pratiques de dumping intérieur, social ou fiscal. Remontons nos manches et essayons d’améliorer la situation, sans casser un marché intérieur, un projet politique, dont je suis convaincu qu’il nous apporte beaucoup même s’il n’est pas parfait. Nous pouvons d’ailleurs le réformer. Si vous me permettez cette comparaison historique, le Général de Gaulle lui-même a accepté le marché commun, après l’avoir critiqué. Il en a même accéléré la mise en œuvre en échange du soutien de l’Europe à nos agriculteurs, confrontés à une rude concurrence. Or, le marché commun a été instauré entre 1957 et 1958, la politique agricole commune, en 1962. Le Général de Gaulle avait fait le pari que le combat continuerait et que la France gagnerait. Pour ma part, je n’ai pas l’esprit de défaite. Si cet esprit de défaite nous avait guidés, nous n’aurions eu ni plan de relance, ni vaccins. Ce vaccin que l’on achète en Europe est non seulement sûr mais aussi moins cher car nous nous sommes mis à vingt-sept pour le commander. Cet aspect de la politique vaccinale est critiqué mais je la défends bec et ongles car j’y crois dur comme fer. Elle concrétise l’efficacité de la coopération européenne. Dernier argument auquel vous serez sans doute sensible : l’Union européenne paie les vaccins deux fois moins cher que nos amis britanniques. Rien que cette économie-là se chiffre à plusieurs milliards d’euros pour la France, l’Allemagne et nos partenaires européens. Autre exemple : je sais que vous n’aimez pas beaucoup la monnaie unique mais l’euro permet à la France de réduire de près de 30 milliards chaque année la charge de la dette, soit une fois et demie notre contribution au budget européen. Avant la monnaie unique, la charge de la dette s’élevait à 37 milliards environ. Elle est la même aujourd’hui, alors que la part de la dette dans le PIB a doublé. Vous voyez que votre logique du juste retour – je paie, je reçois – est simpliste. Nous devons élargir le débat. Beaucoup de questions légitimes se posent. Je suis d’accord avec vous : il n’est pas normal qu’une usine reçoive des subventions pour s’installer en Pologne. Portons ce combat, celui de l’ajustement carbone aux frontières, mais ne parlons pas de défaut existentiel de l’Union européenne, comme si l’on se réjouissait de quelques faiblesses de cette Union, que l’on pourrait corriger à condition d’y croire et de se battre. Le plan de relance en est la meilleure preuve. Qui croyait au plan de relance, il y a un an ? Qui croyait que l’Allemagne accepterait la dette commune européenne, que la Banque centrale européenne nous ferait économiser des centaines de milliards d’euros grâce à des taux de financement plus favorables ? Sans la Banque centrale européenne, nous n’aurions pas pu instaurer le dispositif de l’activité partielle ni aider les entreprises comme nous l’avons fait. Elle a su sortir d’une orthodoxie qu’on a pu lui reprocher pour devenir extrêmement pro-croissance et soutenir les entreprises face à la crise.

Je ne suis pas un Européen béat pour qui tout va bien mais je ne me sens pas résigné. Nous pouvons nous battre ! C’est en tout cas l’état d’esprit qui a dominé chez tous les Présidents de la République depuis 1958.

Concernant le Mercosur, la position de la France est très claire et je ne vois pas ce que vous entendez par « double langage ». Ne mélangeons pas tout, il y a des procédures à respecter. La Commission européenne négocie, puis elle rend compte. Elle a ainsi conclu, à son niveau, un accord avec les pays du Mercosur, mais cet accord n’est pas encore entré en vigueur. Il ne le sera qu’une fois achevées les procédures de ratification respectives de chaque État membre. En d’autres termes, le Parlement européen doit approuver cet accord ainsi que tous les États membres, à l’unanimité. En l’espèce, je ne crois pas que vous aurez l’occasion de vous opposer à ce traité car le Président de la République a écrit à Jean-Claude Junker, en 2019, que la France n’approuvait pas cet accord. S’il est entièrement renégocié, nous verrons. Pour l’heure, les normes sanitaires et alimentaires ne sont pas suffisamment garanties, les engagements pour la déforestation sont insuffisants, ce qui est particulièrement inquiétant quand on voit l’état de l’Amazonie brésilienne. Quant à l’Accord de Paris, son respect n’est pas assuré. En l’état, cet accord avec le Mercosur n’est pas acceptable, même si les négociations durent depuis des années. Renseignez-vous auprès de nos partenaires européens : ils ont bien compris le message. Nous ne sommes pas seuls, d’ailleurs, puisque les parlements néerlandais, autrichien et irlandais partagent nos réticences.

Madame Tanguy, je vous remercie pour votre invitation. J’ai récemment accompagné le ministre des affaires étrangères, Lorientais notoire, dans le Morbihan. Je viendrai aussi dans le Finistère, où j’ai des attaches.

Les ressources propres seront l’une des batailles de la présidence française de l’Union européenne et j’espère que nous pourrons faire avancer les dossiers de la taxe sur les services numériques ainsi que de la taxation carbone à nos frontières. Menons ce combat ensemble plutôt que de partir battus d’avance.

Madame Genetet, pour la première fois, le budget consacre l’existence d’un programme de santé européen qui sera doté d’une enveloppe de 5 milliards, voire 5,7 milliards si l’on tient compte de l’inflation. C’est vrai, nous aurions pu aller plus loin, mais de nombreuses lignes augmentent et l’une d’elle consacre l’Europe de la santé. C’est déjà beaucoup. D’ailleurs, le budget ne résume pas tout ce que l’on fait pour la santé au niveau européen. Ainsi, 2 milliards d’euros ont été consacrés à l’achat commun des vaccins, indépendamment du budget. L’Europe de la santé se développe sous diverses formes, sans se limiter à l’octroi d’un budget de 5,7 milliards d’euros.

Monsieur Nadot, je ne comparerai pas la situation en Pologne ou en Hongrie, où se pose la question du droit à l’avortement ou de l’indépendance de la justice, avec celle en Espagne. Chacun pense ce qu’il veut des événements de Catalogne mais l’Espagne n’a pas géré cette crise en violant des principes démocratiques. Elle dispose d’un ordre constitutionnel et juridique, que je ne jugerai pas, qui lui permet de garantir l’application des décisions nationales et européennes. Des procédures restent en cours, vous le savez. Le Gouvernement espagnol, face à la crise, n’a pas remis en cause son cadre constitutionnel et juridique, ni violé l’État de droit. Ce n’est pas un commentaire diplomatique, je le pense sincèrement. Les voies de recours restent ouvertes aux personnes en cause, y compris au niveau européen.

M. Berville, votre question s’inscrit dans un très vaste débat. Le sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine, qui devait se tenir en octobre, a été reporté en raison de la crise sanitaire. Il se tiendra sans doute sous la présidence portugaise, qui a commencé le 1er janvier dernier. Plusieurs débats sont en cours. La France organisera un sommet pour un financement plus équitable de l’économie africaine. Nous lui donnerons bien évidemment une dimension européenne. L’architecture européenne des banques de développement est un autre sujet que la présidence française de l’Union pourrait porter. L’une de nos compatriotes est à la tête de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. La Banque européenne d’investissement, qui a augmenté le nombre de ses interventions extérieures, partage bon nombre de priorités avec l’Agence française de développement, notamment pour la préservation du climat. Tout un paysage de financements et développements se profile à l’horizon et mérite d’être amélioré. Ces sujets posent la question de la souveraineté. L’Union européenne est le premier investisseur et le premier partenaire, en Afrique. Notre influence est-elle à la hauteur de cette relation ? Non. D’autres pays, en particulier la Chine, par des actions symboliques, ciblées ou qui créent une relation de dépendance, nous concurrencent. Nous devons reconstruire cette relation, en mutualisant nos efforts plutôt qu’en allant planter chacun notre petit drapeau. Enfin, l’Europe, à la demande de la France et de l’Allemagne, s’est donné la possibilité de réserver, dans ses achats de doses de vaccins, une part qui pourra être donnée à l’Afrique – sachant que la quantité achetée suffira largement à couvrir progressivement les besoins en Europe. Nous l’avons fait par solidarité et humanité, bien sûr, mais aussi dans notre propre intérêt car il serait illusoire de croire que nous pourrions nous en sortir sans que le monde entier ait vaincu la pandémie par la vaccination. La France et l’Europe, en tout cas, soutiennent ces initiatives internationales comme COVAX ou ACT Accelerator. Voilà quelques éléments des relations entre la France et l’Afrique, auxquelles le Président de la République tient particulièrement.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Merci pour vos réponses, monsieur le secrétaire d’État. Au nom de la commission, je tiens à assurer de tout notre soutien notre présidente Marielle de Sarnez, qui a l’Europe chevillée au corps et qui aurait aimé participer aux débats de cet après-midi.

 

   II. EXAMEN en commission AU FOND

Le mercredi 20 janvier 2020, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom (n° 3734).

Mme Isabelle Rauch, présidente. Mes chers collègues, nous examinons à présent, sur le rapport de M. Pieyre-Alexandre Anglade, le projet de loi autorisant l’approbation de la décision 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE (n° 3734). Puisque, mercredi dernier, le 13 janvier, nous avons déjà eu l’occasion de débattre, lors de l’audition de M. Clément Beaune, qui dura deux heures et quart, du contenu de cette décision, je vais sans plus attendre donner la parole à notre rapporteur.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. En préambule, je veux rendre hommage à Marielle de Sarnez, qui était une militante inlassable du projet européen. J’ai eu le plaisir et l’honneur de la rencontrer, il y a plus de dix ans, au Parlement européen, où j’effectuais un stage au sein de la délégation qu’elle présidait ; j’ai bien entendu beaucoup appris à ses côtés. Elle aurait aimé, je crois, participer à notre discussion sur le changement profond que marque la décision relative au système des ressources propres de l’Union européenne. Marielle de Sarnez a effectué, au cours des derniers mois, malgré la maladie, un travail remarquable dont nous profitons encore des fruits ce matin. Je pense bien entendu à son dernier rapport, qui portait sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19 et dont je souhaiterais lire une partie des conclusions sur l’action européenne :

« La réponse européenne s’est progressivement mise en place, mais la mobilisation de l’Union face à cette crise doit rester entière, tant les défis qui restent à relever sont nombreux. Parmi ces défis, la relance économique et le renforcement de l’autonomie stratégique européenne seront cruciaux. De ce point de vue, le plan de relance adopté par l’Union européenne apparaît comme une innovation qui peut ouvrir un cycle nouveau. »

Marielle de Sarnez avait vu juste : le plan de relance européen est une innovation politique majeure, qui repose sur une véritable transformation budgétaire.

Le projet de loi autorisant l’approbation de la décision relative au système des ressources propres de l’Union européenne (DRP) que nous examinons ce matin est le mécanisme qui permet la mise en œuvre de ce plan de relance. En autorisant la Commission européenne à emprunter 750 milliards d’euros, soit l’équivalent de cinq budgets européens annuels, cette décision constitue l’acte fondateur du plan de relance européen ; elle est la traduction juridique de l’accord du Conseil européen de juillet 2020. À ces 750 milliards s’ajoutent les 1 074 milliards alloués au budget européen pour la période 2021-2027, si bien que la relance européenne s’appuie sur près de 2 000 milliards, une somme colossale, sans précédent et indispensable pour nous aider à traverser une crise sanitaire, économique et sociale qui est, elle aussi, sans précédent.

L’objet du présent projet de loi est donc de taille, puisqu’il s’agit de soutenir les économies des pays de l’Union en permettant aux 450 millions de citoyens européens de bénéficier des sommes prévues. Le texte, qui ne comporte qu’un seul article, vise à autoriser l’approbation de la décision du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne, la DRP, laquelle a trait au volet recettes du budget de l’Union européenne et a trois principaux objets : l’emprunt commun européen destiné à financer la relance, la création de nouvelles ressources propres et la question des rabais.

L’emprunt commun, d’abord. Avant d’entrer dans les modalités techniques de l’emprunt détaillées dans la présente décision, il convient de prendre la mesure du saut qualitatif et quantitatif historique – même si le mot est galvaudé – réalisé par l’Union lors du Conseil européen du mois de juillet dernier.

Historique, l’initiative du Conseil l’est par son ampleur, qui permet d’éloigner le risque d’implosion que la crise actuelle fait courir à l’Union européenne. Le volume de l’emprunt est en effet sans commune mesure avec les activités de prêt menées jusqu’à présent par la Commission. Il s’élève à 750 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 540 milliards de prêts que les Européens ont déjà convenu de débloquer via le Mécanisme de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE), le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds de garantie de la Banque européenne d’investissement.

Historique, en tout cas importante, cette initiative l’est aussi sur le plan politique, car elle place la solidarité au cœur de la construction européenne, en soutenant en priorité les États les plus touchés par la crise. Sur le plan financier et budgétaire, un pas essentiel a été franchi : les États membres acceptent, pour la première fois, que l’Union prenne en charge une dette commune, à savoir les 390 milliards d’euros que la Commission empruntera sur les marchés financiers et qui seront remboursés en commun, avec un partage de risque mutualisé.

Enfin, cette proposition signe le retour du couple franco-allemand sur le devant de la scène européenne, puisqu’elle s’appuie largement sur l’initiative franco-allemande de mai 2020, et l’affirmation du Parlement européen, qui a joué un rôle décisif au cours des dix mois qu’a duré la crise que nous avons traversée.

Au plan national, la France devrait bénéficier, au titre de ce plan de relance, d’une enveloppe d’environ 40 milliards d’euros, ce qui en ferait le troisième bénéficiaire du plan de relance, après l’Italie et l’Espagne. Cette enveloppe permettrait de financer 40 % du plan de relance français, en soutenant des initiatives relevant des diverses priorités fixées par le Premier ministre en septembre dernier : la rénovation énergétique, la réindustrialisation de notre pays, le soutien aux entreprises, la numérisation de notre économie, l’accompagnement des jeunes ou encore la formation professionnelle.

Au plan européen, le plan de relance permet de mieux coordonner nos réponses à la crise et la relance elle-même, en favorisant notamment une transition concertée vers des économies vertes et numériques. Ainsi, afin d’assurer cette convergence, 37 % du montant des plans de relance nationaux devront être alloués à la transition écologique et 20 % à la transition numérique. Dans ces domaines où les besoins en investissements sont massifs et dans un contexte de forte dégradation des finances publiques nationales, l’échelle européenne a toute sa pertinence et permet aux États membres de tirer bénéfice des taux très bas consentis à l’Union.

Concrètement, la décision habilite la Commission européenne, à titre exceptionnel et au nom de l’Union, à emprunter temporairement sur les marchés de capitaux jusqu’à 750 milliards d’euros « à la seule fin de faire face aux conséquences de la crise de la covid­19 ». La décision fixe également la répartition entre la part de l’emprunt pouvant être consacrée à des dépenses – 390 milliards d’euros – et la part destinée à fournir des prêts aux États les sollicitant, qui est de 360 milliards d’euros. Le remboursement de l’emprunt ne commencera, quant à lui, qu’à partir de 2028 et s’achèvera en 2058, ce qui permet d’étaler le coût de la crise sur une longue période.

La seconde innovation de la décision du Conseil réside dans la réforme du système des ressources propres. Pour la première fois depuis les années 1970, le Conseil a entériné le principe de nouvelles ressources propres, en mentionnant certaines propositions en matière de fiscalité écologique et de taxation du numérique ou des transactions financières. D’apparence technique, cette décision est en fait éminemment politique et trace le chemin de l’Union que nous voulons construire dans les années à venir. En amorçant une transformation de ses ressources propres, nous bâtissons une Europe plus souveraine, plus solidaire et à la hauteur des défis à venir. Les ressources prévues répondent en effet aux objectifs de justice fiscale et de respect des priorités politiques européennes que sont l’écologie et l’autonomie de l’Union.

Dans cette logique, la DRP prévoit, dès 2021, une contribution des États membres fondée sur la quantité de plastiques non recyclés, qui correspond à l’objectif de verdissement du financement du budget de l’Union. Si cette contribution ne porte que sur un faible montant – 6 milliards d’euros – et n’est pas une ressource propre en tant que telle, dans la mesure où il s’agit d’une modalité de calcul des contributions nationales, elle n’en demeure pas moins essentielle en ce qu’elle incarne le type de contributions qui se développeront probablement dans les années à venir en Europe. En effet, elle permet d’aligner le financement de l’Union sur ses objectifs politiques, en l’occurrence écologiques, sans en faire peser la charge sur les citoyens européens.

Par ailleurs, les institutions européennes se sont engagées, à l’initiative du Parlement européen, sur un calendrier précis d’introduction de nouvelles ressources propres, destinées à couvrir les coûts du remboursement du principal et des intérêts du plan de relance. Ce calendrier comprend trois étapes.

Avant juin 2021, doivent être publiées les propositions de la Commission européenne pour une taxe numérique, une ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émission (ETS) et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Avant le 1er juillet 2022, le Conseil devra délibérer de ces propositions, en vue de leur mise en œuvre le 1er janvier 2023.

Avant juin 2024, la Commission devra publier des propositions de nouvelles ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières, une contribution financière des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés, le Conseil étant invité à délibérer de ces propositions avant le 1er juillet 2025, en vue de leur introduction au 1er janvier 2026.

Enfin, la décision prévoit la reconduction des grandes lignes du précédent système de financement du cadre financier pluriannuel, dont certaines apparaissent clairement obsolètes. Je pense notamment aux rabais, qui relèvent d’une logique à courte vue de juste retour et dont la France exige de longue date la suppression. Leur maintien était néanmoins la condition de l’acceptation par les pays frugaux du plan de relance et de l’introduction de nouvelles ressources propres. Au demeurant, j’appelle votre attention sur le fait que le coût des rabais pour la France diminuera dans le prochain cadre financier pluriannuel, puisqu’il sera ramené de 2 milliards d’euros à 1,5 milliard d’euros. Mais, à la faveur de l’introduction de nouvelles ressources propres qui permettront de sortir d’un système de financement reposant très majoritairement sur les contributions nationales et entretenant la logique du juste retour, la France devra impérativement remettre sur la table la question de la suppression de ces rabais.

Au-delà du plan de relance, les recettes de l’Union permettront de financer un budget européen ambitieux, s’établissant à 1 074 milliards d’euros, soit une augmentation de 12 % par rapport à la période précédente, alors même que le Royaume-Uni a quitté l’Union. La France a obtenu des avancées importantes, comme la préservation de la politique agricole commune, la hausse des crédits de la politique de cohésion pour les outre-mer et du programme spatial ou la création d’un nouveau programme pour la santé. Grâce à la mobilisation du Parlement européen, qui a su défendre avec beaucoup d’autorité un certain nombre de principes et d’ambitions et auquel il faut rendre hommage, les crédits de programmes prioritaires, comme Erasmus + ou Horizon Europe, sont également en hausse.

En conclusion, je veux insister à nouveau sur le caractère singulier de la décision sur laquelle nous devons nous prononcer. Il faut mesurer le chemin parcouru depuis le début de la crise et se souvenir des moments difficiles, comme nous y invitait Marielle de Sarnez dans la conclusion de son rapport en rappelant que l’Union européenne a d’abord eu du mal à se saisir de cette crise et à organiser une véritable solidarité entre États. Néanmoins, ajoutait-elle, la réponse européenne s’est progressivement mise en place ; nous en voyons aujourd’hui l’aboutissement concret. Qui aurait pu penser, il y a un an, qu’en l’espace de quelques mois, à l’initiative de la France et de l’Allemagne et dans la droite ligne des demandes formulées par les eurodéputés, les Européens réussiraient à mettre en œuvre ensemble un colossal plan de relance fondé sur la solidarité pour faire face à la crise et préparer l’avenir ?

En permettant le lancement de l’emprunt finançant le plan de relance, ce texte prépare l’avenir en autorisant la réalisation d’investissements ambitieux pour adapter notre économie aux enjeux du xxie siècle. En posant les bases d’une vaste réforme des ressources propres de l’Union, il augure d’une Europe plus souveraine et plus solidaire.

La crise du covid-19 nous secoue encore ; en 2021, les difficultés et les défis resteront nombreux. Mais le courage, l’unité et la solidarité manifestés en 2020 par les dirigeants européens sont les meilleures garanties non seulement que nous déferons le virus et ses variants, mais aussi et surtout que nous sortirons plus forts et plus déterminés de la crise. Pour ces différentes raisons, je suis très favorable à l’adoption du projet de loi.

M. Christophe Jerretie, rapporteur au nom de la commission des affaires européennes. Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux propos très justes de Pieyre-Alexandre Anglade ; la commission des affaires européennes, qui a examiné le texte hier soir, y est unanimement favorable.

Cependant, il me paraît important de souligner la décision d’augmenter le plafond des ressources propres, qui est porté de 1,2 % à 1,4 % de la somme des revenus nationaux bruts des États membres, et même à 2 % si l’on tient compte du plan de relance. Une telle augmentation, qui n’est pas anecdotique, a trois motifs : le Brexit, la crise économique et une légère évolution du périmètre. Nous déplorons par ailleurs que la « taxe plastique » s’accompagne de nouveaux rabais. Il nous faudra, dans les années à venir, travailler, en nous appuyant sur les nouvelles ressources propres, à la disparition progressive des rabais, dont le maintien, nous en convenons, est un élément du compromis auquel ont abouti les négociations. Enfin, l’emprunt européen est non seulement historique mais essentiel à la relance de l’Union européenne et de notre pays. Du reste, il est fait référence, dans plusieurs articles de la DRP, à des moyens « supplémentaires, extraordinaires et temporaires » ; je retiens, pour ma part, l’adjectif « extraordinaire », car il est très rare qu’un terme aussi fort figure dans un texte juridique.

Tout un chacun souhaite que l’Union européenne avance et que son horizon s’éclaircisse dans les années à venir. La commission des affaires européennes a donc émis, à l’unanimité, un avis très favorable à l’approbation de la décision relative aux ressources propres de l’Union européenne.

M. Denis Masséglia. Je veux tout d’abord féliciter notre rapporteur pour la qualité et la précision de son intervention et de son rapport.

Nous abordons l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne pour la période 2021-2027. Ainsi nous parlons d’Europe après que notre commission a rendu hommage à feu sa présidente, dont chacun sait combien elle était engagée en faveur d’une Europe plus forte. Je suis certain qu’elle aurait aimé participer à ce débat et le présider – Marielle, tu nous manques.

L’adoption du projet de loi qui nous est soumis sera une étape importante, historique, dans la mise en œuvre du projet européen présenté par le président Macron lors du discours qu’il prononça à la Sorbonne le 26 septembre 2017, dans lequel il présenta sa stratégie pour une Europe souveraine, unie et démocratique. Ce discours avait été alors largement commenté par les partis politiques, de droite comme de gauche. Je me souviens de la réaction d’un collègue député, qui déclara : « La vie politique et la vie européenne, ce n’est pas de la communication. C’est beaucoup de compromis, beaucoup de temps passé, une capacité à emmener tout le monde, et pas simplement parler aux Français d’Europe. »

M. Faure, puisque c’est de lui qu’il s’agit, avait raison sur un unique point : il aura fallu trois ans au président Macron pour obtenir, avec le soutien de nos partenaires allemands, que soit validé, le 21 juillet dernier, à l’unanimité des vingt-sept pays de l’Union européenne, un plan de relance historique.

La décision du Conseil européen, soumise aujourd’hui au vote de la représentation nationale, reprend dans son paragraphe 8 les propositions de ressources propres négociées pendant le plan de relance. L’enjeu est notamment de nous permettre de sortir de la doctrine du retour sur investissement, véritable poison pour l’unité et la construction d’une Europe protectrice.

Les objectifs sont ambitieux. Dans un premier temps, la Commission européenne devrait présenter, au cours du premier semestre de 2021, des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023. Dans un second temps, l’Union européenne s’efforcerait de créer d’autres ressources propres qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières, une contribution financière des entreprises ou encore une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés.

Ce projet de loi n’est pas l’alpha et l’oméga de la construction européenne. Il n’est qu’une étape dans la construction d’une Europe souveraine, unie et démocratique. Les difficultés sont encore nombreuses en raison des défis environnementaux, économiques et sociaux que nous devons relever et qui, j’en suis convaincu, mettront à l’épreuve l’unité des Vingt-Sept. Mais je crois en cette Europe qui a su faire preuve de solidarité et d’entraide pendant la pandémie. Je crois en notre capacité collective de construire un avenir commun sans compromettre nos différences.

M. Michel Herbillon. Je remercie nos rapporteurs pour leurs exposés. Bien entendu, l’accord du Conseil européen du 21 juillet 2020 est un motif de satisfaction pour les Européens – et nous sommes nombreux, au sein de cette commission, à avoir l’Europe chevillée au corps. Cet accord est historique par son caractère inédit, puisqu’en autorisant l’Union européenne à emprunter 750 milliards sur les marchés, il crée, pour la première fois, une dette commune, laquelle est destinée à financer le plan de relance européen.

Cet accord se justifie, certes, par la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons et par la nécessité d’éviter que les conséquences économiques et sociales de la pandémie ne soient trop graves. Mais permettez-moi d’exprimer des réserves quand je vois l’euphorie qu’inspire à certains cet emprunt européen. Personne ne peut en effet se réjouir d’un accroissement de la dette sur trente ans ni de la perspective de nouvelles taxes ou impôts destinées à rembourser cet emprunt. Quant au problème des rabais, il faudra bien, à terme, le résoudre plutôt que d’en reporter sans cesse la discussion. Par ailleurs, il convient de replacer cet emprunt dans le contexte français, que nous connaissons tous : dès avant la pandémie, notre taux d’endettement approchait les 100 % du PIB et le niveau des prélèvements obligatoires était le plus important de toutes les économies européennes.

Je suis donc vigilant quant à la création de ressources propres, même si certaines préoccupations sont tout à fait légitimes, comme celle d’instaurer une contribution plus juste des acteurs extérieurs du numérique et des activités polluantes grâce à la taxe sur les GAFA, à la taxe carbone aux frontières ou à l’extension du mécanisme de compensation carbone ; sont également évoquées la taxe sur les transactions financières, la contribution financière des entreprises et à l’assiette commune de l’impôt sur les sociétés. En tout état de cause, il nous faut veiller à ce qu’on ne vienne pas alourdir excessivement la barque de nos concitoyens et de nos entreprises par des impôts nouveaux ou des emprunts. Ces ressources propres devront donc être clarifiées car, on le sait, le diable se trouve dans les détails.

Ces remarques étant faites, le groupe Les Républicains apportera son soutien à ce projet de loi pour marquer son attachement à l’Europe et au rôle moteur joué par la France et l’Allemagne dans l’accord sur le plan de relance. Mais notre soutien est vigilant et mesuré, car cet accord recèle un certain nombre d’incertitudes, qu’il faudra dissiper rapidement grâce à un plan d’action détaillé dans le temps si nous ne voulons pas que s’érodent l’espérance et la confiance de nos concitoyens dans le projet européen.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le groupe MODEM votera bien entendu la décision du Conseil soumise à notre approbation et félicite notre rapporteur ainsi que le rapporteur de la commission des affaires européennes pour la qualité de leurs travaux. On peut se reconnaître pleinement dans les propositions qui nous sont faites.

Sur le fond, c’est-à-dire le plan de relance Next generation EU, M. Anglade a dit ce qui devait être dit à propos de l’innovation quantitative et qualitative qu’il constitue et l’importance de l’événement. Nous devons, à cet égard, saluer le succès du couple franco-allemand – et, dans une certaine mesure, sa résurrection, car il a été un peu aux abonnés absents –, qui a joué un rôle décisif dans des conditions politiques dont il faut rappeler qu’elles étaient très difficiles. De fait, il n’était pas aisé de faire céder M. Rutte, qui a la réputation justifiée d’être obstiné, ou une personnalité aussi forte que M. Orbán, qui s’inquiétait des menaces pesant sur ses prérogatives en matière de droits de l’homme. Le couple franco-allemand a donc véritablement joué son rôle.

Nous souscrivons également aux propos de M. Anglade sur le rôle du Parlement européen. Le contrôle parlementaire est un tout. Celui que nous exerçons dans cette assemblée, notamment au sein de la commission des affaires étrangères, est essentiel, mais nous ne devons pas le considérer comme antinomique avec celui du Parlement européen. Celui-ci a joué son rôle, et c’est heureux car, pour une partie des décisions, la ratification de la seule Union européenne – et non celle des parlements nationaux – est nécessaire.

Sous l’aspect des ressources propres, le bilan est plus mitigé. Certes, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Mais, selon moi, l’Union européenne, c’est une succession de verres remplis au dixième ; il faut donc patienter avant que le verre soit plein. En Europe, le diable n’est pas tant dans les détails que dans les délais… En l’espèce, on le voit bien, on commence par le plus facile : la « taxe plastique ». Très bien, mais c’est tout sauf une ressource propre. Cette taxe vise à sanctionner un défaut de vigilance des États en matière de recyclage, de sorte que, si ces derniers se comportent bien – ce que l’on peut souhaiter –, la ressource devrait fondre. Les véritables ressources, les plus importantes, sont celles issues de l’impôt sur les sociétés. Or, sur ce point, les Néerlandais notamment sont très prudents. D’abord, on va harmoniser l’assiette, les ressources demeurant nationales. Seront-elles ensuite transférées à l’Union européenne ? La question est renvoyée aux calendes grecques – ou néerlandaises !

De même, la grande ressource tant attendue qu’est l’ajustement carbone aux frontières est un immense chantier. C’est aussi un grand projet d’avenir, incarnant notre façon à nous de peser sur la transition énergétique qu’exige le réchauffement climatique mondial. Si nous savons ce que nous sommes, l’essentiel des émissions carbone provient de la Chine et des États-Unis ; l’ajustement aux frontières nous offrira, en quelque sorte, un fusil à tirer dans les coins. Toutefois, les difficultés techniques et politiques sont considérables.

La pierre de touche de cet ensemble est la taxation des transactions financières, me semble-t-il. M. Lecoq ironisera sans doute à ce sujet, estimant qu’il s’agit d’une Arlésienne dont on parle beaucoup et qu’on ne voit jamais. Je ne partage pas ce scepticisme. Il est très difficile de progresser sur les ressources propres car la décision exige l’unanimité des gouvernements et la ratification des parlements. Dans le cadre de la coopération renforcée que la Commission européenne prévoit d’adopter, nous pouvons avancer. Nous pourrons d’autant plus avancer que nous ouvrirons aux États membres – cette piste a été évoquée au sein de plusieurs commissions, et M. Beaune a dit que le gouvernement français la retenait – la possibilité de rembourser ainsi leur quote-part. Tel est, me semble-t-il, notre objectif.

Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables au présent projet de loi. La devise officieuse de l’Union européenne est plus que jamais contenue dans le titre d’un ouvrage de Jean Paulhan peu connu, mais remarquable, comme tous ceux qu’il a écrits : Progrès en amour assez lents.

M. Alain David. La décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne permettra techniquement à la Commission d’emprunter sur les marchés pour financer le plan de relance européen, doté de 390 milliards d’euros de subventions et de 360 milliards d’euros de prêts. Une forme de dette commune, d’eurobonds, est ainsi créée ; elle sera remboursée selon une clé de répartition déterminée notamment en fonction du PIB des États membres, ce qui instaure de facto une forme de péréquation financière entre eux. Il s’agit de l’embryon d’une union de transfert. Les dépenses devront être engagées d’ici 2023 et cesser au plus tard à la fin de l’année 2026. Le plan de relance européen qu’autorise cette DRP permettra à la France de recevoir 40 milliards d’euros de subventions, soit près de 40 % des dépenses prévues par son plan de relance national. S’il ne s’agit pas de la critiquer, il convient néanmoins de relever plusieurs points de vigilance.

La DRP entérine l’octroi de rabais aux quatre pays dits « frugaux » que sont les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède. En ajoutant celui de l’Allemagne, on aboutit au montant de 53 milliards d’euros pour la période 2021-2027. La Commission européenne et plusieurs États membres, dont la France, souhaitaient les supprimer purement et simplement. Par ailleurs, la DRP procède au relèvement des frais de perception administrative des ressources propres traditionnelles, dont les droits de douane constituent l’essentiel, à hauteur de 25 %. L’avantage comparatif important qui en résulte pour les États constituant des points d’entrée significatifs des exportations à destination de l’Union européenne équivaut à une mesure compensatoire supplémentaire, qui bénéficie principalement aux Pays-Bas, dont les ports contribuent de façon significative à la perception des droits de douane.

J’évoquerai deux points supplémentaires, qui ne sont pas directement traités dans le cadre de la DRP, mais dont dépend sa bonne application, et qui auront des conséquences sur les États membres. S’agissant de la gouvernance du plan de relance européen, les plans pour la reprise et la résilience que présenteront les États membres bénéficiaires seront évalués par la Commission européenne, qui disposera d’une importante marge d’appréciation. En effet, ces plans nationaux devront être compatibles avec ses recommandations spécifiques par pays, qui ne sont pas aussi précises que nécessaire. Par ailleurs, les dispositions relatives à la facilité pour la reprise et la résilience prévoient l’instauration d’une conditionnalité macroéconomique lorsque la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance sera levée. Ainsi, les États membres devront se conformer à certains critères macroéconomiques dans l’attente de la réactivation du pacte de stabilité et de croissance, s’ils veulent continuer à bénéficier des fonds du plan de relance européen.

En dépit de ces réserves, le groupe Socialistes et apparentés, comme l’a rappelé hier notre collègue Claudia Rouaux en commission des finances, saisie pour avis, votera le texte, en toute responsabilité, mais sans réel enthousiasme. J’ajoute que nous demandons depuis plusieurs années que l’effort militaire consenti par la France au Sahel pour la sécurité de l’Europe soit enfin pris en compte dans l’élaboration du budget de l’Union européenne.

M. Jean-Paul Lecoq. Le texte que nous examinons aujourd’hui autorise l’approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne, qui financeront son budget pour la période 2021-2027, ainsi que le plan de relance de 750 milliards d’euros, adopté en urgence pour faire face à la crise du covid-19. Les ressources propres de l’Union européenne soulèvent à nos yeux deux questions majeures : le type de ressources propres que nous souhaitons et les objectifs politiques qu’elles doivent servir.

Pour les députés communistes, les nouvelles ressources propres ressemblent plus à une diversion qu’à une réponse aux problèmes de fond. Depuis plusieurs années, la majorité signe à tour de bras des accords de libre-échange, notamment avec le Canada, l’Australie et le Japon ; elle en signera bientôt un avec la Chine. Ce faisant, elle brade les droits de douanes de l’Union européenne. Et vous voulez que nous votions un texte relatif à ses ressources propres ! Pour l’Union européenne, les députés communistes envisagent l’harmonisation fiscale – l’Arlésienne évoquée tout à l’heure –, au profit des citoyens et des entreprises. Nous refusons que des paradis fiscaux, notamment le Luxembourg, l’Irlande et les Pays-Bas, subsistent au sein même de l’Union européenne. Pour répondre à Jean-Louis Bourlanges, j’ai bien compris que le diable se cache dans les délais, et que nous parviendrons peut-être un jour à l’harmonisation fiscale !

Le débat sur les ressources propres de l’Union européenne ne doit pas nous faire oublier ces sujets de fond – comptez sur nous pour vous le rappeler systématiquement ! Comment voulez-vous que l’Union européenne se construise en ouvrant ses frontières aux importations et en interdisant à ses États membres de subventionner certains secteurs économiques, le tout sans travailler à la fin des inégalités fiscales entre ses États membres ? L’Union européenne a oublié les peuples ; elle est tétanisée dès qu’il s’agit d’adopter de grandes politiques utiles à l’échelle du continent, notamment en matière sanitaire et industrielle, ainsi que dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Le texte que nous examinons le démontre dès son premier considérant : « Le système des ressources propres doit garantir des ressources suffisantes pour assurer le bon déroulement des politiques de l’Union européenne, sous réserve de la nécessité d’une discipline budgétaire stricte ». Nous savons trop bien ce que cela signifie : l’austérité à perpétuité pour les peuples et l’organisation de la privatisation de nos entreprises ! Telle est la raison d’être du projet Hercule, qui détruira ce formidable outil industriel français qu’est EDF. Telle est la raison pour laquelle l’État français a privatisé La Poste ainsi que GDF, et vendu la SNCF à la découpe pour privatiser le rail !

La question des ressources propres de l’Union européenne devrait se poser dans le cadre de leur objectif politique. Tel n’est pas le cas. Pour nous, les ambitions politiques du texte sont nulles. Certes, le plan de relance de 750 milliards d’euros est bienvenu, mais il a été conçu, faut-il le rappeler, au détriment de trop nombreux budgets européens, notamment ceux finançant les aides à la transition écologique et le programme santé 2021-2027. Vous comprendrez, à la lecture du contre-rapport des députés communistes, que nous ne votions pas le texte, sans nous abstenir non plus. Nous voterons contre, en attendant de construire ensemble une Europe mise au service de l’avenir des peuples et non de celui des profits.

M. Sébastien Nadot. Le versement des financements européens sera conditionné au respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne. Certes, la procédure de conditionnalité n’est pas aussi exigeante que celle initialement prévue, mais il s’agit d’un progrès notable, qu’il faut saluer. Il me semble essentiel que l’exigence de respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne s’applique avec la même vigueur à tous les États européens, et pas seulement à la Pologne et à la Hongrie. En Espagne, le système judiciaire emprisonne des élus et des militants de l’indépendance catalane, notamment une ancienne présidente du parlement de Catalogne, Mme Carme Forcadell i Lluís, qui a été condamnée à onze ans de prison. Cinq députés européens catalans, élus au suffrage universel en 2019, ont également été condamnés à de lourdes peines de prison, en violation de leur immunité parlementaire. Cette affaire est si exorbitante des droits fondamentaux que la Belgique et l’Allemagne, où se sont réfugiés quatre d’entre eux, ont rejeté les demandes d’extradition formulées par l’Espagne. Le cinquième, Oriol Junqueras, resté en Espagne, a été emprisonné, en violation d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

Lors de sa dernière audition devant notre commission, j’ai interrogé M. le secrétaire d’État aux affaires européennes, Clément Beaune, à ce sujet. Il a plus ou moins botté en touche, considérant que ces affaires, notamment la levée de l’immunité parlementaire des cinq députés européens, étaient purement espagnoles, et que les plaignants n’avaient qu’à épuiser leurs recours devant les justices nationale et européenne. Étrange réponse, pour ne pas dire plus ! Au lieu d’exercer son mandat de député européen, Oriol Junqueras croupit, en ce moment même, dans une prison espagnole, en violation d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, faut-il le répéter. Si l’on s’en tient aux propos de Clément Beaune, le nouveau système de conditionnalité des financements européens ne s’applique pas de la même façon à tous les pays membres de l’Union européenne, ce qui contredit frontalement la bonne volonté dont procède leur conditionnement au respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne. J’aimerais connaître votre conviction à ce sujet, cher rapporteur. Surtout, j’aimerais savoir si la Commission a prévu un délai d’examen du respect des valeurs fondamentales par chaque pays membre, et s’il existe des critères objectifs et précis permettant son évaluation.

Mme Mireille Clapot. Je remercie M. le rapporteur, Pieyre-Alexandre Anglade, ainsi que M. Christophe Jerretie, pour leurs travaux. L’année 2020 a été une année de crise, en raison du coronavirus et du Brexit, mais aussi une année de prise d’initiative historique et de mise en évidence du rôle moteur du couple franco-allemand, au cours de laquelle des obstacles ont été franchis en matière de construction européenne.

Au fond, la DRP pose la question suivante, à laquelle elle répond : comment aligner les instruments financiers de l’Union européenne sur ses priorités politiques que sont la transition écologique et énergétique, l’impératif d’équité et de justice sociale, ainsi qu’une solidarité accrue ? À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de l’introduction de nouvelles ressources propres, qui permettront d’éviter une réduction du budget européen, fixé par le cadre financier pluriannuel, ainsi qu’une hausse des contributions assises sur le RNB des États membres. D’ici 2023, une partie des ressources issues du système d’échange de quotas d’émission devrait être affectée au budget européen, et une taxe carbone à l’importation de produits non conformes aux critères environnementaux européens, ainsi qu’une taxe sur les géants du numérique, devraient voir le jour. Les priorités sont claires. De même, la future taxe sur les transactions financières sera assise, en 2026, sur une part de l’impôt sur les sociétés acquitté par les multinationales, si toutefois l’Union européenne parvient à en harmoniser l’assiette.

Par ailleurs, ces nouvelles ressources contribueront au remboursement des emprunts destinés à financer le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, adopté par les dirigeants européens au mois de juillet 2020 pour aider les vingt-sept États membres à faire face aux graves conséquences de la pandémie. Chacun ici est convaincu que ces instruments financiers permettent de raconter une histoire politique. J’ai toujours présent à l’esprit, lorsque je siège en ces murs, que je suis membre de la représentation nationale, et que les électeurs n’ont pas forcément une vision fine du rapport entre leur vie quotidienne et ces instruments financiers. J’aimerais donc aller un peu plus loin. Est-il possible de créer des ressources propres valorisant l’harmonisation fiscale et sociale au profit du projet européen ? En matière d’égalité entre les femmes et les hommes, le marché du travail présente toujours des disparités entre les sexes. Les femmes sont toujours surreprésentées dans les secteurs les moins rémunérés, et sous-représentées aux postes à responsabilités. Est-il possible de faire en sorte que la fixation des ressources propres intègre des priorités politiques et en fasse un mécanisme financier ?

M. Sylvain Maillard. J’aimerais rendre hommage à Marielle de Sarnez, qui était, comme moi, députée de Paris. Nous avions une histoire commune de plusieurs années, en tant qu’élus parisiens, avant d’être élus députés. Je salue sa mémoire. Elle a beaucoup apporté à Paris et aux Parisiens. Chers collègues, je vous remercie de m’accueillir pour ma première réunion à la commission des affaires étrangères. Je suis ravi d’en être membre et de travailler à vos côtés.

Non sans saluer le travail de M. le rapporteur et de M. Christophe Jerretie, j’aimerais formuler une observation au sujet de ce sur quoi porte le texte. Nous devons financer notre modèle social. Comme notre collègue qui s’est opposé tout à l’heure aux propos de notre collègue Herbillon, j’estime que l’instauration de taxes aux frontières, notamment sur les émissions carbone et sur le numérique, permettra de financer notre modèle social et de repenser une fiscalité destinée non seulement à financer ce qui doit l’être, mais aussi à accroître la compétitivité de nos entreprises. Je tiens à saluer cet aspect du texte. Il s’agit d’une première pierre, grâce à laquelle nous pourrons, dans les années à venir, restaurer la compétitivité à l’intérieur de l’Union européenne. La crise du covid-19 aura eu de nombreuses conséquences négatives, que nous subissons toujours, mais elle aura eu pour conséquence positive de faire avancer la construction européenne, à laquelle le présent texte contribue très largement.

Mme Liliana Tanguy. Monsieur le rapporteur, monsieur Jerretie, je vous félicite pour vos travaux, qui portent sur un sujet complexe, et que vous avez réalisés dans un délai relativement court. La réforme du système des ressources propres, soutenue par le Président de la République, est une grande avancée pour l’Union européenne. L’introduction de nouvelles ressources propres lui permettra de rembourser les emprunts destinés à financer le plan de relance. Cette charge – j’insiste sur ce point – ne pèsera ni sur les citoyens européens, ni sur les États membres.

Toutefois, le chemin à parcourir avant de prélever ces nouvelles ressources est long et semé d’embûches. Les négociations peuvent être freinées par des enjeux politiques, techniques et institutionnels. Or, sans elles, les ambitions politiques de l’Union européenne devront être revues à la baisse, ou les contributions nationales augmentées. En tout état de cause, elles sont une condition absolue de l’engagement du plan de relance, tant attendu par les États membres.

La France, en tant que membre du prochain trio de présidence du Conseil de l’Union européenne, a une responsabilité particulière. Elle devra mener la négociation en vue de l’introduction des trois nouvelles ressources propres en 2023, tout en s’assurant du maintien de l’unité européenne, afin qu’elle l’emporte sur les divergences nationales.

Ma question porte sur la stratégie que la France et ses partenaires du trio envisagent d’adopter, dans le cadre de la préparation de leur présidence du Conseil de l’Union européenne, pour anticiper les éventuels désaccords lors des prochains débats sur les ressources propres. Il me semble important de s’en préoccuper ; si des États membres changent de position, notre crédibilité sur les marchés financiers, dont dépend notre capacité à lever des emprunts et à les rembourser, pourrait en souffrir.

M. Jacques Maire. J’aimerais aborder un sujet connexe au texte : le respect de l’État de droit. Le 14 décembre dernier, le Parlement européen a adopté un règlement relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, qui s’appliquera à la phase budgétaire pluriannuelle qui s’ouvre. Il permettra, pour la première fois, de donner l’alerte et, le cas échéant, de prendre des sanctions financières à la majorité contre un État membre ne respectant pas l’État de droit, ce qui a des conséquences sur les intérêts financiers de l’Union européenne. J’aimerais connaître votre avis personnel à ce sujet, monsieur le rapporteur.

Il importe de faire en sorte que l’opinion publique ait bien conscience du fait que nous modifions un peu les règles du jeu, après des péripéties nuisibles à la perspective qu’ont les citoyens sur l’Union européenne et sur l’usage de l’argent européen par certains gouvernements corrompus. Si ce sujet reste cantonné aux chancelleries, les États membres auront des difficultés à mettre en œuvre la DRP. Si, au contraire, nous menons ce débat politique au sein du Parlement et, comme cela commence à se produire, au sein de ce que l’on peut appeler une opinion publique européenne naissante, et si la dénonciation, par la société civile et les acteurs économiques, d’un détournement ou d’une mauvaise utilisation des fonds européens par tel ou tel État devient un enjeu de débat public, alors la puissance de cet outil sera bien supérieure. Vous qui avez une solide expérience du Parlement européen, savez-vous comment nous pouvons faire de cet instrument un facteur de changement réel de la légitimité du pouvoir budgétaire de l’Union européenne ?

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Mes chers collègues, je vous remercie de ces questions, observations, remarques et interrogations. Je m’efforcerai d’y répondre le plus précisément possible. Je remercie M. Christophe Jerretie, auteur d’un rapport d’information au nom de la commission des affaires européennes. Je partage la plupart de ses conclusions et certains de ses doutes, notamment au sujet des rabais. Nous devrons mener ce combat dans les années à venir, comme je l’ai clairement indiqué dans mon rapport, ainsi que dans mon propos liminaire. La France devra mener ce combat politique, par l’intermédiaire de celles et ceux qui exercent les responsabilités au sein du Gouvernement, lors des futures négociations futures à l’échelon européen.

Monsieur Herbillon, je vous remercie de soutenir le texte au nom du groupe Les Républicains. À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle, avez-vous dit à raison. Les Européens ont été capables de prendre ensemble des mesures sans précédent. Il n’y a aucune euphorie dans nos propos, mais la conscience d’un moment politique important, où les États membres ont su, pour la première fois de leur histoire, s’entendre pour emprunter en commun sur les marchés et répondre à une crise sans précédent. J’aimerais prendre pour point de comparaison la crise économique de 2008. Chacun a constaté la rapidité avec laquelle les États-Unis d’Amérique ont su y répondre. En quelques semaines, quelques mois tout au plus, l’administration d’alors a su nettoyer son système bancaire et injecter des milliards de dollars dans l’économie pour la relancer. Nous avons vu l’Amérique repartir très rapidement. Aux Européens, il a fallu plusieurs années. De 2008 à 2012, nous avons traîné le poids de la crise, dont nous avons subi les conséquences tout au long de la précédente décennie. Nous n’éprouvons donc aucune euphorie, mais la satisfaction de constater que les Européens sont capables de s’entendre et de prendre des décisions qui devraient leur permettre, si elles sont menées à terme, de résister à la crise, de la surmonter et de préparer l’avenir.

Alain David a évoqué la coordination entre les États membres. Pour ma part, je suis très satisfait de constater que le plan de relance permet d’inciter les États européens à harmoniser leur réponse à la crise. Il aurait été absolument incohérent que les Européens empruntent en commun et que chaque État membre développe et déploie son plan de relance sans concertation avec les autres. Une telle réponse n’aurait pas été appropriée, s’agissant d’une situation dans laquelle les pays européens sont placés à l’identique. Cette crise, me semble-t-il, est le bon moment pour préparer l’avenir. Le plan de relance consacre 37 % de son montant à la transition écologique ; en la matière, agir de façon harmonisée, à l’échelle de l’Europe à vingt-sept, est bien plus efficace qu’agir à l’échelle de la France seule, dont les pays voisins auraient investi un peu moins ou un peu plus. Nous avançons à vingt-sept de façon concertée. Il en est de même s’agissant de la numérisation de notre économie, qui comporte des défis que nul n’ignore. Cette coordination et ces progrès en commun, pour répondre à la crise et préparer l’Europe à l’horizon 2030, sont absolument indispensables.

Monsieur Bourlanges, je vous remercie de votre soutien et de vos bons mots sur le rapport d’information de M. Jerretie ainsi que sur le mien. La DRP comporte plusieurs nouveautés, en sus du plan de relance, financé par l’emprunt, ce qui constitue une avancée considérable. Il faut prendre la mesure de ce que les Européens ont décidé. En faisant le choix d’emprunter ensemble, ils placent la solidarité au cœur du projet européen, après de nombreuses années au cours desquelles on a parfois reproché à l’Europe d’être trop égoïste, et aux États européens de tirer chacun dans son sens. Pour la première fois, ils ont choisi d’emprunter en commun, dans le cadre d’une réponse solidaire à la crise. Il s’agit d’une avancée absolument fondamentale.

Il est exact que le diable se cache dans les détails, ou plutôt dans les délais, comme vous l’avez dit. L’enjeu majeur, au cours des mois et des années à venir, sera de travailler à faire en sorte que le déploiement des ressources propres soit effectué de la façon la plus efficace et la plus effective possible. Je rappelle que l’accord conclu entre les institutions de l’Union européenne comporte une dimension contraignante. La Commission européenne et le Conseil européen devront donc délibérer à des dates précises, de 2021 à 2026, sur l’introduction des nouvelles ressources propres. En outre, j’ai la conviction que, même si les discussions seront difficiles, les États membres, y compris ceux qualifiés de « frugaux », avanceront sur ce chemin, pour une simple et bonne raison ; en l’absence d’accord sur les ressources propres, les contributions nationales des États membres augmenteront. Or ces pays, pas plus que les autres, ne souhaitent voir leur contribution nationale augmenter. La discussion sera âpre et dure, mais nous parviendrons à avancer progressivement sur ce chemin, au profit d’une évolution qui me semble absolument nécessaire.

Concernant les rabais, mes propos sont clairs : j’encourage celles et ceux qui sont en responsabilité à poursuivre ce combat. Notre message, porté collectivement, sera entendu par le ministre.

Cher Jean-Paul Lecoq, nous avons, et c’est bien normal, quelques points de divergence. Il ne faut pas mélanger le débat sur les accords de libre-échange avec celui qui nous occupe aujourd'hui. Je ne partage pas votre analyse selon laquelle l’Union européenne aurait oublié les peuples. En parvenant à s’entendre sur un plan aussi ambitieux, les Européens ont d’abord pensé aux peuples européens. Ce plan permettra de sauver le marché intérieur, dont l’ensemble des économies de notre continent bénéficient ; c’est la meilleure garantie pour que les entreprises européennes ne s’effondrent pas.

Je garde en mémoire la crise de 2008 : les Européens s’étant montrés incapables de trouver une réponse harmonisée et suffisamment conséquente, de grands groupes extra-européens s’étaient emparés de certaines entreprises européennes, au détriment parfois de leurs travailleurs, et de grands actifs chinois avaient racheté des entreprises du sud de l’Europe, comme le port du Pirée. Le bouclier du plan de relance nous en prémunit : en empruntant en commun, les États européens envoient un message politique très puissant au reste du monde, notamment aux États-Unis et à la Chine. C’est une grande réussite qui contribuera à protéger les citoyens et les travailleurs européens.

Vous avez également dénoncé l’absence de solidarité d’une Union qui ne penserait pas suffisamment à l’avenir. Or les décisions sur les ressources propres qui devraient être adoptées dans les années à venir placent justement la solidarité au cœur du projet européen. Lorsque l’on propose de rembourser le plan de relance en faisant contribuer les géants du numérique et les grandes entreprises non européennes, qu’elles soient américaines ou asiatiques, lorsque l’on propose de taxer les entreprises qui produisent sans respecter nos normes environnementales et sanitaires, on fait œuvre de justice. Il en va de même pour la taxe sur les transactions financières, même si, je vous le concède, ce débat devrait durer encore de longues années. L’Europe progresse, une dizaine d’États membres ayant développé une coopération structurelle sur ce sujet, et j’ai bon espoir que, d’ici à 2026, les Européens parviennent à s’entendre.

Madame Mireille Clapot, l’égalité entre les femmes et les hommes est une aspiration qui traverse l’ensemble des pays européens, et nombre d’entre eux en font une priorité : c’est une bonne chose. Toutefois, il ne s’agit pas d’une ressource fiscale : même si je comprends votre intention, je ne vois pas comment l’on pourrait en faire une ressource propre dans les années à venir.

Madame Liliana Tanguy, concernant la stratégie de la France sur le développement des ressources propres, il faudrait interroger le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, qui sera mieux à même de vous répondre. Je pense toutefois que cela sera une priorité politique compte tenu du poids mis par le Président de la République dans la négociation pour faire adopter le plan de relance européen et de l’énergie déployée par le secrétaire d’État chargé des affaires européennes pour faire advenir une Europe plus unie, plus solidaire et plus souveraine. J’ai bon espoir que la stratégie de la France sera vigoureuse et que la présidence française, dans un an, permettra de progresser sur les ressources propres.

Cher Sébastien Nadot, votre question est un peu éloignée de ce qui nous occupe, et je ne répondrai pas différemment du secrétaire d’État : l’Espagne n’a pas, à ma connaissance, violé de principes démocratiques. Elle dispose d’un ordre constitutionnel et juridique garantissant l’application des décisions nationales et européennes. Des procédures sont en cours et les voies de recours restent ouvertes aux personnes mises en cause. Je ne m’étendrai pas plus sur cette question.

Enfin, concernant l’État de droit, il faut mesurer la portée du mécanisme acté par les Européens il y a quelques semaines. Pour la première fois, le budget européen est lié au respect de l’État de droit en Europe : c’est une avancée considérable quand on sait les violations répétées de la démocratie et des libertés dans un certain nombre de pays européens. Pour la première fois, les Européens ont su s’entendre sur un tel mécanisme, malgré la résistance farouche de la Hongrie et de la Pologne. Ce n’est pas parfait mais cela marque une rupture, j’en suis absolument convaincu.

Ce progrès fondamental ne signifie pas pour autant que le combat pour l’État de droit et le respect de la démocratie ne doit pas continuer. On a parfois tendance, en Europe, à dénoncer le comportement de dirigeants extra-européens – le récent épisode américain a ainsi soulevé une vague d’indignation – mais à se montrer timide s’agissant des atteintes au respect de l’État de droit en Europe, par exemple en Hongrie, en Pologne ou encore en Russie, où l’arrestation d’Alexeï Navalny constitue une nouvelle outrance.

M. Christophe Jerretie, rapporteur pour avis. La coordination a toujours existé en matière fiscale et budgétaire, ainsi que dans le domaine des réformes structurelles. Elle donne lieu chaque année à des recommandations par pays. La coordination institutionnelle est indispensable pour assurer un développement harmonisé.

Le semestre européen permet de coordonner les politiques publiques de chaque pays dans le domaine fiscal et social. Concernant le plan de relance, un plan national sera envoyé par Bercy à l’Union européenne, qui validera tout ce que nous ferons.

Les politiques publiques de dépenses ne sont pas identiques entre l’Union européenne et la France. Nous avions évoqué, il y a deux ans, le besoin de coordination dans le CFP et nous avons commencé à y travailler avec le Gouvernement. Concernant les ressources propres, il faut suivre la même voie pour éviter la surtaxation : il faut faire attention à ne pas taxer deux fois les mêmes sujets.

Enfin, les droits de douane soulèvent un vrai problème car cette ressource régresse. La taxe carbone viendra-t-elle les suppléer ? Ce sujet intéresse l’ensemble des parlementaires.

Je remercie Pieyre-Alexandre Anglade pour son travail. La coordination entre nous est bonne car nous avons à peu près la même vision et les mêmes objectifs. Nous développons notre propre union européenne !

Mme Isabelle Rauch, présidente. Avant de passer au vote, j’aimerais faire une dernière référence à Marielle de Sarnez. Des difficultés, faisons une force ou un chemin : cette philosophie, qui était la sienne, trouve son illustration dans ce projet de loi. La pandémie nous a permis de dépasser certains clivages, que nous pensions insurmontables, dans le financement de l’Union européenne. La décision sur les ressources propres montre que l’Union européenne sort renforcée de la crise sanitaire et économique. De mon point de vue, partagé par un grand nombre de parlementaires, c’est un accord historique.

 

La commission adopte l’article unique du projet de loi sans modification.

 

 


—  1  —

   examen par la commission des finances saisie pour avis

Le mardi 19 janvier 2021, la commission des finances examine pour avis le projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom (n° 3734).

M. le président Éric Woerth. Notre ordre du jour appelle maintenant l’examen pour avis du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système de ressources propres de l’Union européenne, présenté en Conseil des ministres mercredi dernier.

Dans la mesure où la commission des affaires étrangères, qui est saisie au fond, examine ce projet demain, nous devons nous prononcer auparavant. Il s’agit d’un projet important car il conditionne la possibilité pour l’Union européenne d’emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés, afin de contribuer au sauvetage de l’économie et à la relance dans les différents États membres. Tous les États doivent en effet approuver la décision du Conseil pour qu’elle entre en vigueur et permette de réaliser cet emprunt.

Cette décision n’est pas sans susciter des interrogations car elle acte une participation croissante de la France au budget pour la période 2021-2027, alors que notre situation est bien plus critique que celle d’autres pays. Notre quotité de la principale ressource propre alimentant le budget de l’Union, à savoir le revenu national brut (RNB), passera ainsi de 14,9 % à 17,6 %. Plus encore, nous devons financer à hauteur de 34 % l’ensemble des rabais pour l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède. Nous sommes donc non seulement le deuxième plus important contributeur au budget, mais aussi le premier contributeur aux corrections. Et la liste des pays bénéficiaires de ces corrections n’est pas sans laisser quelque peu songeur.

Aussi, je crois qu’il est intéressant de débattre de ce texte en commission des finances avant qu’il ne soit examiné au fond par la commission des affaires étrangères, puis en séance publique.

M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour avis. Notre commission s’est saisie pour avis du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative aux ressources propres (DRP) de l’Union européenne pour la période 2021-2027. Cette nouvelle décision se substituera à celle du 26 mai 2014 et sera applicable rétroactivement à compter du 1er janvier 2021.

Nous avons débattu du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour l’année 2021 dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Il nous incombe désormais d’étudier les modalités de financement du budget de l’Union pour les sept prochaines années, autrement dit le volet recettes du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. En effet, la DRP est négociée de façon concomitante au volet dépenses, à savoir le cadre financier pluriannuel adopté par le Conseil le 17 décembre dernier à la suite de l’approbation donnée la veille par le Parlement européen. Le CFP établit un budget à long terme de 1 074,3 milliards, auquel s’ajoutent 750 milliards au titre du plan de relance européen Next Generation EU.

La ratification rapide par l’ensemble des États membres de la décision « ressources propres » est particulièrement importante cette année car elle conditionne la possibilité pour la Commission européenne d’emprunter sur les marchés et donc de financer le plan de relance européen. Plus la ratification prendra du temps, plus les premiers versements du plan de relance européen à destination des États membres seront différés. En France, la ratification ne peut intervenir qu’après avoir été autorisée par le Parlement. Je vous propose donc une brève présentation de ce que prévoit cette décision et de ses conséquences budgétaires pour nos finances.

Si la présente décision proroge le système de ressources propres dans ses principaux aspects, elle illustre également une volonté de renouvellement des ressources de l’Union, de simplification des mécanismes de compensation et de mise en œuvre d’un cadre extraordinaire permettant de faire face à la crise.

Pour la période 2021-2027, la DRP ne modifie qu’à la marge les modalités de calcul de la contribution française. Le ressaut de celle-ci est essentiellement la conséquence de la fin de la contribution britannique et de l’augmentation du budget européen. L’évolution de la contribution française totale entre les périodes 2014-2020 et 2021-2027 est d’environ 35 %. Elle est ainsi comparable à celle observée dans d’autres États membres : 34 % en Belgique, 34 % en Espagne, 37 % aux Pays-Bas, 35 % en Autriche.

La contribution totale de la France au budget de l’Union européenne devrait s’élever à 207,5 milliards d’euros pour l’ensemble de la période 2021-2027, soit une moyenne de 29,6 milliards par an. La France supporterait donc une augmentation de 55,8 milliards par rapport à la programmation pluriannuelle 2014-2020, soit 8 milliards par an avant création de toute autre nouvelle ressource propre.

Depuis plusieurs années, la France soutient, dans les négociations avec ses partenaires européens, le principe d’une diversification des sources de financement de l’Union. Il faut donc se féliciter de la mise en place, dès cette année, d’une nouvelle ressource fondée sur la part des déchets d’emballages plastiques non recyclés – cela n’était pas arrivé depuis le Conseil européen de Bruxelles de 1988. L’effet de l’introduction de cette nouvelle ressource est toutefois limité : elle devrait coûter en moyenne 1,1 milliard d’euros par an à la France, ce qui représente 4 % de sa contribution totale.

La DRP proroge ensuite les trois ressources propres de la période précédente. Il s’agit, premièrement, des ressources propres traditionnelles, c’est-à-dire les droits de douane perçus sur les importations de produits en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne – représentant 1,7 milliard d’euros en moyenne par an dans la contribution française sur la période 2021-2027 –, deuxièmement, de la ressource fondée sur la TVA due par chaque État membre après application d’un taux d’appel de 0,3 % à une assiette de TVA évaluée de manière harmonisée dans tous les États membres – 3,8 milliards d’euros par an pour la France – et, troisièmement, de la ressource fondée sur le revenu national brut, ressource d’ajustement permettant au budget européen d’être systématiquement à l’équilibre – 22,9 milliards d’euros par an pour la France.

Pour chacune des années couvertes par le CFP, le total des crédits ouverts en dépenses ne peut conduire à un taux d’appel de ressources propres supérieur à un plafond, soit 1,4 % du revenu national brut des États membres pour les crédits de paiement et 1,46 % pour les crédits d’engagement. Ce relèvement des plafonds par rapport à la période précédente s’explique par une baisse du RNB européen de 0,09 point en raison de la sortie du Royaume-Uni et de 0,11 point du fait de la crise économique résultant de la crise sanitaire.

Les compensations financières accordées à certains États membres font souvent l’objet d’âpres discussions. Le prochain CFP marque la fin des rabais traditionnels ; seul subsiste un rabais forfaitaire pour les cinq États membres que sont l’Autriche, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, alors qu’il existait également auparavant un taux d’appel réduit de TVA et un rabais sur le rabais britannique. Ces réductions devront être renégociées à chaque CFP. En montant, il est à noter que le financement par la France des corrections est en baisse par rapport au cadre financier pluriannuel 2014-2020 : conséquence logique du Brexit, la compensation en faveur du Royaume-Uni est supprimée, ce qui représente un gain annuel de 1,1 milliard d’euros pour la contribution française. Enfin, afin de faciliter l’introduction de cette nouvelle ressource propre et d’éviter des effets régressifs, la présidence du Conseil a décidé d’accorder aux États membres en convergence, c’est-à-dire dont le RNB est inférieur à la moyenne de l’Union, une réduction forfaitaire annuelle correspondant à 3,8 kilogrammes d’emballages plastiques non recyclés par habitant. Toutes ces corrections sont financées par la ressource RNB et, par conséquent, par l’ensemble des États membres au prorata de leur part relative dans le revenu national brut européen.

La nouvelle DRP diffère de l’ancienne en ce qu’elle comporte une autorisation d’emprunt. En effet, la Commission pourra recourir aux marchés pour financer le plan de relance européen. Cette dette commune devra être remboursée par le budget de l’Union à partir de 2028. La Commission travaille actuellement à l’élaboration de la stratégie des émissions de la dette liée au financement du plan de relance. Les émissions obligataires seront pilotées par la Commission européenne, où la direction générale du budget jouera un rôle opérationnel. La Commission espère pouvoir commencer à emprunter sur les marchés dès le mois de juin 2021. Le remboursement du principal de l’emprunt devra commencer en 2028 sur une période maximale de trente ans ; sur la période 2021-2027, seuls les intérêts des emprunts correspondant aux subventions du plan de relance seront remboursés. Le coût provisionné dans le CFP est de 15 milliards d’euros sur la période, ce qui représente une hausse de 0,4 milliard d’euros sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE).

Par ailleurs, à l’occasion de son discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission a annoncé qu’un tiers des émissions serait réalisé sous la forme d’obligations vertes, ou green bonds, qui ont pour objet de financer des projets ayant un impact positif sur l’environnement. Le document cadre dans lequel s’inscriront les obligations vertes de l’Union européenne n’a cependant pas encore fait l’objet d’une communication précise. Il est probable néanmoins que ces titres verts obéissent au Green Bonds Principles de l’ICMA – International Capital Market Association , standard de marché très largement partagé.

Pour conclure, je souhaite saluer l’accord interinstitutionnel du 10 novembre 2020 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission, qui précise le calendrier d’introduction des nouvelles ressources. Selon cet ambitieux calendrier, une ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émissions carbone, un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et une redevance numérique pourraient être effectifs à partir de 2023 ; une taxe sur les transactions financières et une contribution financière liée au secteur des entreprises ou une nouvelle assiette commune sur l’impôt des sociétés pourraient l’être à partir de 2026. Les estimations budgétaires de ces potentielles ressources ne sont pas encore connues car elles dépendront des dispositifs retenus par la Commission.

Je propose donc à la commission des finances de donner un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.

M. le président Éric Woerth. Ce sujet très important est issu de négociations complexes. En dehors des 750 milliards d’euros, nous sommes encore à la croisée des chemins sur de nombreux sujets. Si l’on veut une Europe forte, il faut un peu de ressources ; or c’est compliqué politiquement à mettre en œuvre. Je suis satisfait par l’idée qu’il y ait des ressources propres nouvelles ou à venir – je pense à la taxe carbone aux frontières ou encore à la ressource sur les emballages plastiques recyclés. Il n’empêche que, proportionnellement, la France devra contribuer plus : c’est également un sujet non négligeable.

La bonne nouvelle, c’est que, globalement, l’Europe avance : cela fait plaisir à voir, en tout cas en ce qui me concerne !

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur, j’aimerais, au nom du groupe Les Républicains, que l’on m’explique comment certains États membres peuvent bénéficier d’une réduction annuelle forfaitaire au titre de la ressource sur les emballages plastiques. La France, qui a pénalisé toute son industrie de la plasturgie en portant une attention excessive au problème du recyclage du plastique, devra contribuer pour des pays qui, eux, bénéficieront d’un rabais. Est-ce cohérent ? Comment la politique française peut-elle s’adapter dans le cadre de la politique européenne ?

Par ailleurs, je m’attendais à ce que la réduction de la contribution française au titre du Brexit soit supérieure à 1,1 milliard d’euros. Il serait intéressant de savoir quelle était précisément la part française dans la contribution globale versée au Royaume-Uni auparavant. La France est largement mise à contribution compte tenu des retours dont elle bénéficie – et je tiens à préciser que je suis pro-européenne !

M. Brahim Hammouche. Je commencerai mon intervention en ayant une pensée pour Marielle de Sarnez, qui a dédié une grande partie de sa vie à la défense du projet européen et qui, avant de nous quitter, a eu la joie de voir enfin les Européens répondre ensemble à la crise que nous traversons.

Le texte ratifiant la décision du Conseil sur les ressources propres, d’apparence technique, est en réalité une interrogation existentielle sur ce que nous souhaitons pour le futur de l’Union européenne : en cela, il est éminemment politique.

Nous regrettons que les négociations sur de nouvelles ressources propres, plus adaptées aux enjeux contemporains, n’aient pu aboutir. J’espère que nous réussirons à nous entendre sur une assiette harmonisée d’impôt sur les sociétés ou sur les quotas d’émission de gaz à effet de serre. Faut-il faire une harmonisation verte ou verdir l’harmonisation ? Il incombera à notre génération d’en décider.

Le départ du Royaume-Uni était l’occasion de mettre enfin un terme, certes progressivement, au système des rabais, contraire à l’idée européenne originelle selon laquelle l’Europe se fera par des réalisations concrètes, créant une solidarité de fait. Tout cela était inscrit dans la fameuse déclaration du 9 mai 1950 de mon illustre prédécesseur, Robert Schuman.

Le financement du cadre financier pluriannuel pour les cinq ans à venir est toutefois assuré. Nous saluons également l’autorisation donnée à la Commission d’émettre 750 milliards d’euros d’obligations, dont une part non négligeable d’obligations vertes pour financer le plan de relance européen. En faisant preuve de solidarité et en répondant en commun au choc à la fois asymétrique et systémique de la crise économique consécutive à l’épidémie de covid-19, nous parviendrons à éviter les erreurs du passé. Pour toutes ces raisons, les députés du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés voteront en faveur de ce texte.

Mme Claudia Rouaux. La nouvelle décision du Conseil de l’Union européenne semble être un instrument juridique indispensable pour financer le plan de relance européen. Certes, ce n’est pas la première fois que la Commission européenne s’endette, mais l’ampleur des montants concernés – 750 milliards d’euros – est inédite. Toutefois, alors que la suppression des différents rabais était un objectif de la négociation sur le cadre financier pluriannuel, ces derniers ont été finalement augmentés au profit des États réfractaires à plus de solidarité, à savoir l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark. Ces rabais apparaissent comme un recul par rapport à la volonté initiale de la Commission et de certains États membres, dont la France, de les supprimer.

Par ailleurs, l’article 9 de cette décision procède à un relèvement des frais de perception de certaines ressources propres. Cela avantage les États accueillant le plus d’importations sur leur territoire, comme les Pays-Bas. Cette augmentation ne nous semble pas objectivement justifiée et apparaît plutôt comme un avantage indu.

Mais, pour l’heure, il apparaît important que notre Parlement puisse approuver la décision du Conseil. En effet, bien que nous constations la nécessité de faire évoluer ce système, nous ne pouvons ignorer que la France reçoit la troisième plus grande part de l’aide européenne avec près de 40 milliards d’euros et que la création de nouvelles ressources propres permet d’éviter l’augmentation de la contribution des États membres. C’est donc en toute responsabilité que le groupe Socialistes et apparentés approuvera ce texte.

Mme Patricia Lemoine. Le présent projet de loi a pour objet d’autoriser l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne. Cette décision ressources propres, de manière inédite, habilite la Commission européenne à lever un emprunt de 750 milliards d’euros pour financer le plan de relance européen destiné à faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire.

L’engagement de la France pour aboutir à ce budget historique a été total. Le groupe Agir ensemble salue l’investissement particulier du Président de la République et du secrétaire d’État chargé des affaires européennes, Clément Beaune. C’est une avancée majeure dans la construction européenne, qui nous rappelle que l’Europe protège. Au delà de tous les maux dont on l’accable, l’Union européenne a prouvé sa raison d’être dans un moment de crise particulièrement difficile pour les États membres.

Des défis majeurs sont désormais devant nous, notamment dans la création de ressources propres. Au delà de la nouvelle contribution nationale calculée sur la base des déchets d’emballages en plastique non recyclés, instaurée dans cette décision, d’autres ressources propres devront être mobilisées : taxe carbone aux frontières, redevance sur le numérique, système d’échange de quotas d’émission, taxe sur les transactions financières. Les opportunités de créer une solidarité européenne protectrice de l’environnement et de l’économie européenne face aux concurrents mondiaux sont nombreuses. Notre groupe votera en faveur de ce projet de loi.

M. Michel Castellani. Le groupe Libertés et territoires se réjouit de la réponse à la crise apportée par la décision du Conseil. Il s’agit d’un tournant politique budgétaire très important pour l’Union européenne. Nous saluons la création d’une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés, même si l’on peut s’interroger sur cette contribution dans la mesure où les collectivités territoriales ont compétence en matière de gestion des déchets. Pour la première fois, le Conseil a convenu de la nécessité de créer de nouvelles ressources et a donné mandat à la Commission pour faire des propositions en ce sens : c’est une démarche que nous saluons.

Nous regrettons toutefois la lenteur dans l’établissement d’autres ressources propres, telles que la taxe carbone aux frontières, éventuellement pour 2023, ou la taxe sur les services numériques, à partir de 2024. Autre regret, que beaucoup de collègues partagent : les rabais. Les négociations du Brexit auraient dû servir de base à la suppression de ces rabais. Or, plusieurs pays en ont profité pour les maintenir dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Au total, ce sont 10 milliards d’euros qui se sont envolés de caisses communautaires : nous ne pouvons que le regretter.

Mme Sabine Rubin. Afin de lever toute ambiguïté, je tiens à réaffirmer, au nom du groupe La France insoumise, que la crise pandémique que traverse l’Europe exige une réponse concertée de la part des différents pays de l’Union européenne. Un plan de relance à cette échelle n’est pas simplement souhaitable : c’est une nécessité.

Cependant je dois aussi confier nos doutes quant aux modalités de financement de ce plan de relance. Celui-ci serait gagé sur un emprunt remboursable à l’horizon de 2058 – très bien, mais avec quelles ressources ? Nous y voyons un manque d’ambition plutôt qu’une avancée majeure. En vérité, la seule chose qui a avancé, c’est une taxe sur le plastique, qui fait consensus. Pour le reste, il s’agit tout simplement d’augmenter les contributions des États membres. Il s’agit certes de ressources propres, mais il faut alors que cet effort soit équitablement réparti. Comment ne pas s’interroger sur les rabais accordés à tel ou tel pays ? L’idéal européen se heurte à l’égoïsme financier, comme l’a montré le récent exemple britannique.

D’autres solutions existent. La taxe sur les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon –, c’est l’Arlésienne, sans cesse repoussée ou minorée. Pourtant, ce serait une manière plus juste de financer ce plan de relance. Il en va de même pour l’instauration d’une forte taxe sur les transactions financières, évoquée depuis des dizaines d’années, ici et au Parlement européen, mais qui ne verra pas le jour avant 2026 – et encore : on en parle au conditionnel. Seule demeure l’austérité : elle conditionne l’obtention par certains États de subventions européennes, et qui ne sont accordées qu’au prix d’ajustements structurels. Non, ce n’est pas une avancée majeure : il y a certes des petits pas, mais ils sont trop petits au regard de la nécessité d’un plan européen.

M. Jean-Paul Dufrègne. Si j’ai bien compris, il faut trouver des ressources propres pour rembourser l’emprunt. Certaines propositions sont avancées mais il reste d’autres pistes à explorer. Tous les accords de libre-échange votés depuis des années ont pour but de supprimer les droits de douane de l’Union européenne, privant celle-ci de ressources. Combien de milliards d’euros de droits de douane ont-ils ainsi été supprimés ?

Rechercher des ressources propres doit être une ambition. La taxe sur les transactions financières est une Arlésienne qui devient insupportable : personne n’est capable de se mettre d’accord pour valider cette taxe, qui pourrait procurer des ressources stables. La taxe sur les GAFA est vraiment minimale : 1,3 milliard d’euros pour l’ensemble de l’Union européenne, c’est peu !

Concernant les rabais, nous sommes vraiment les dindons de la farce. Or, c’est une question fondamentale : certains pays ont obtenu des rabais qui ne sont pas acceptables. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est donc très réservé sur ce texte et votera contre.

Mme Cendra Motin. Je me réjouis que ce texte soit soumis à notre approbation car il apporte beaucoup à l’Union européenne. Il permet tout d’abord de redonner du souffle à l’Europe, qui va enfin disposer de ressources purement européennes, et pas seulement des ressources des États. Ensuite, il créera du lien dans nos politiques publiques européennes et nationales, notamment au travers du Green Deal. On reproche toujours à l’Europe de ne pas être assez politique ; elle va enfin avoir une occasion de le devenir. Enfin, cela assurera, à terme, plus de justice fiscale, notamment avec l’harmonisation des bases de l’impôt sur les sociétés.

Les rabais existent déjà : ils n’ont pas été créés par cette nouvelle donne européenne. Cela ne nous fait pas plaisir et nous continuerons à nous battre contre ces rabais. Mais je voudrais quand même souligner une chose très importante et que je n’ai pas encore entendue : ce texte fait progresser l’État de droit. Les vingt-sept États membres doivent réaffirmer très fortement l’importance de l’État de droit dans les pays de l’Union européenne.

Nous nous réjouissons que l’accord inter-institutionnel soit contraignant pour le Conseil et pour la Commission, dans le sens où le Parlement pourra s’en saisir pour contraindre les États à appliquer l’accord. Nous serons, après l’Italie, la Croatie et Chypre, le quatrième pays à ratifier cet accord. Le groupe de La République en marche votera en faveur de ce projet.

M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour avis. Ce texte, dont l’importance est inversement proportionnelle à sa longueur, est une bonne nouvelle pour la France et pour l’Europe.

Plusieurs nouvelles ressources propres sont envisagées : taxe sur les services numériques, taxe sur les transactions financières, émissions carbone. Sur ce dernier point, deux mesures de ressources propres différentes peuvent être proposées : l’une consiste à allouer une partie des ressources du système européen d’échange de quotas d’émissions existant à la Commission européenne ; l’autre est le mécanisme d’ajustement aux frontières, qui créerait une imposition sur les produits entrant dans l’Union européenne qui seraient moins-disants sur le plan environnemental. Cette distinction me paraît importante parce que la première n’est qu’une réallocation d’un mécanisme existant. Elle est donc politiquement la plus facile à obtenir puisqu’elle ne requiert pas la création d’un quelconque mécanisme : une décision du Conseil de réallouer certaines recettes à l’Union européenne suffit. Ces deux ressources propres seront proposées en premier, avec l’objectif de parvenir à un accord interinstitutionnel d’ici le 1er janvier 2024, ce qui est très rapide au regard des procédures de l’Union européenne.

Je souhaite mettre fin à une incompréhension sur la nature de la contribution sur les emballages plastiques non recyclés. Il ne s’agit pas véritablement d’une ressource propre, mais plutôt d’une variable servant à ajuster la contribution RNB. C’est un système de malus-bonus, et non la création d’un nouvel instrument de financement de l’Union européenne. La réduction forfaitaire dont bénéficient certains États membres se justifie par leur niveau de développement économique et par leur retard dans la politique de recyclage : ils auraient été lourdement pénalisés par l’application de cette contribution.

Cela dit, il s’agit d’un ajustement brut non variable, ce qui veut dire qu’il réduit le pouvoir incitatif de la contribution plastique – cela peut sembler contre-intuitif. Les ajustements dont nous parlons avec la réduction forfaitaire sont relativement anecdotiques par rapport aux rabais – ils représentent quelques dizaines de millions d’euros par État membre. La contribution française est augmentée en conséquence de 125 millions d’euros, c’est-à-dire 27 % environ du coût total de la réduction forfaitaire, tandis que l’Allemagne contribue à hauteur de 40 %.

Par ailleurs, si la France s’améliore en matière de recyclage, notamment grâce aux mesures prises par le Gouvernement, la variable afférente diminuera. Ainsi, la contribution de chaque État membre diminue en fonction des progrès qu’il accomplit dans ce domaine. Il me semble clair que la création de rabais sur les nouvelles ressources propres, dans le cadre du prochain CFP, doit être exclue. C’est pourquoi je suis satisfait que cette ressource propre prenne la forme d’une contribution forfaitaire et ne soit pas indexée sur la contribution initiale de chaque État membre.

J’en viens justement aux rabais, que tous les orateurs ont évoqués. En préambule, je tiens à dire que ce débat me pose problème, car il tend à entériner l’idée selon laquelle les bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne se confondent avec le retour net que l’on perçoit sur ce que l’on verse à Bruxelles. Cette idée a servi d’argument de campagne parfaitement fallacieux dans le cadre du Brexit. Une entreprise bénéficiant du marché unique ne peut pas être considérée comme un revenu net issu des subventions de Bruxelles, mais comme un bénéfice créé par l’Union européenne. Il en résulte une amélioration considérable de la situation économique, notamment grâce à la création de nombreux emplois, qui excède la théorie du juste retour, selon laquelle verser 100 euros et en recevoir 98 équivaut à en perdre 2, sans considération pour la valeur et les emplois créés.

Toutefois, nous sommes à la commission des finances, ce qui nous impose de comparer un tant soit peu les contributions de chaque État membre. Dans ce cadre, la question des rabais se pose.

Premièrement, la philosophie dont ils procèdent a changé de façon significative ; ils ont été simplifiés. Jusqu’à présent, plusieurs modalités de calcul contribuaient à leur élaboration préalable. Dans le cadre du prochain CFP, une somme forfaitaire brute, intégralement renégociable à chaque échéance, sera fixée. Auparavant, la pluralité des assiettes et des taux d’appel leur conférait une légitimité institutionnelle accrue. Ce changement de philosophie me semble très important : il augure d’une réduction considérable des rabais lors de la négociation du prochain CFP.

Deuxièmement, la contribution assise sur les droits de douane de certains États membres bénéficiant d’un rabais a augmenté de façon considérable. Ainsi, celle des Pays-Bas augmente de 37 %, soit davantage que notre contribution au prélèvement sur recettes au profit de l’Union pour les sept prochaines années. Les rabais ne constituent donc en rien une exonération ou une diminution de l’augmentation des contributions des États membres.

La contribution de la France au financement du rabais britannique, sur laquelle Mme Dalloz m’a interrogé, s’élève à 1,3 milliard d’euros pour la période 2010-2020. Sa suppression nous permet d’en récupérer la plus grande part, à hauteur de 1,1 milliard d’euros. La contribution des grands pays européens au budget de l’UE augmente dans des proportions comparables, allant de 32 % à 37 %.

Plus généralement, la France a une opposition de principe aux rabais. Nous nous sommes battus corps et âme pour les faire disparaître. Toutefois, à l’issue d’une négociation, il faut se satisfaire du résultat obtenu. Nous ne nous accommoderons jamais de l’existence de rabais sur les contributions des États membres, mais il faut bien admettre que le changement de philosophie opéré dans leur calcul est un pas en avant considérable. De surcroît, leur maintien était une condition sine qua non de tout accord sur le plan de relance européen, qui faisait l’objet de critiques de la part de certains États membres.

Madame Rubin, vous plaidez pour le renforcement des ressources propres de l’Union européenne par l’introduction d’une taxe sur les GAFA et d’une taxe sur les transactions financières (TTF) à l’échelle européenne. Il me semble que le présent projet de loi devrait vous satisfaire : il comporte un calendrier très précis, qui prévoit notamment l’introduction de propositions avant le 1er janvier 2023 – demain, à l’échelle de l’UE –, en vue d’un accord, en 2024, sur le système communautaire d’échange de quotas d’émission (ETS) et sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ces deux dispositions créeront des ressources propres mieux-disantes financièrement et dotées d’une vertu incitative en faveur de la transition écologique. Il me semble que nous pouvons nous en féliciter.

Par ailleurs, l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés (IS) est prévue pour 2026. Il s’agit d’un sujet difficile, source de contentieux. Il faut dire à nos concitoyens les choses telles qu’elles sont : exiger des efforts de convergence fiscale de 27 États n’est pas aisé et prend du temps. Élaborer une TTF ou une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (ACCIS) requiert beaucoup de travail et de conviction politique. Un calendrier clair et précis a été arrêté ; la Commission est tenue de le respecter. Une fois ses propositions publiées, nous pourrons les critiquer, ou nous en féliciter, sur tel ou tel aspect. Pour la première fois, un calendrier, proposé par la Commission, a été adopté par le Conseil et par le Parlement européen à ce sujet. Il est inclus dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Rejeter l’un, c’est rejeter l’autre.

Enfin, la cohérence de vos choix m’échappe. Vous affirmez que le versement de subventions européennes dépend de l’adoption de mesures d’austérité. La seule conditionnalité prévue par le texte ressortit à l’État de droit ainsi qu’au respect des principes démocratiques les plus élémentaires, que défend l’Union européenne, et nullement à des réformes structurelles, auxquelles pas une ligne du texte n’est consacrée – qu’on soit pour ou contre est un autre débat. La seule condition posée est le respect des valeurs essentielles qui définissent nos sociétés et font notre fierté collective. Au demeurant, le texte permet de mettre en œuvre le plan de relance européen, grâce à l’emprunt de 750 milliards d’euros, dont 360 milliards de prêts intra-européens, ce qui est sans précédent. Pour la première fois, la solidarité s’exprime de façon claire, crédible et large au sein de l’Union européenne ! Il me semble que nous devrions nous en féliciter. C’est le fruit d’un travail considérable mené par le Président de la République et par Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, ainsi que par les gouvernements français qui se sont succédé depuis plusieurs années. Nous pouvons nous féliciter de parvenir à avancer dans cette direction. Le présent texte est emblématique de cette progression.

La commission donne un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

 

 


—  1  —

    

   Texte adopté par la commission

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom (ensemble une annexe), et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 


—  1  —

   ANNEXE 1
Liste des personnes auditionnÉes
par le rapporteur AU FOND

 

 

-    M. Alexandre Adam, conseiller Europe 

 

-    Mme Valérie Hayer, rapporteure sur les ressources propres de l'Union européenne 

-    M. Pierre Larrouturou, rapporteur sur le projet de budget général pour 2021 

 

-    M. Philippe Léglise Costa, représentant permanent.

 


—  1  —

   Annexe 2
liste des personnes auditionnÉes
par le rapporteur pour avis

 

       M. Gert Jan Koopman, directeur général du budget

 

       M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent

 


([1])  Décision (UE ,Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom

([2]) Annexe au projet de loi de finances pour 2021, relations financières avec l’Union européenne.

([3]) Dont l’approbation a été autorisée par la loi n° 2015-1672 du 16 décembre 2015 parue au Journal officiel n° 292 du 17 décembre 2015.

([4])  Revenu national brut.

([5])  Ressources propres traditionnelles.

([6])  Il s’agit des monnaies des pays suivants : Bulgarie, Croatie, Danemark, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie et Suède.