N° 3782

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI 
autorisant l’approbation de la convention d’extradition
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République algérienne démocratique et populaire,

PAR M. Jacques MAIRE

Député

——

 

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2487.


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. La convention s’inscrit dans le contexte d’un renforcement de la coopération judiciaire en matière pénale avec L’Algérie

A. Des inquiétudes demeurent sur le plan du respect des droits de l’Homme et de l’État de droit en Algérie

1. L’Algérie est entrée dans une période de turbulence politique

2. Le système judiciaire et carcéral algérien est critiqué

a. L’organisation judiciaire

b. Le système carcéral

3. Les libertés publiques sont mises en question

a. Le respect des libertés

b. La peine de mort

B. Les liens entre la France et l’Algérie sont denses, y compris dans le domaine de la justice pénale

1. La France et l’Algérie sont unies par des liens d’une grande densité

a. Les liens politiques

b. Les liens économiques, culturels et humains

2. La France et l’Algérie coopèrent dans le domaine de la justice pénale

a. La coopération multilatérale

b. La coopération bilatérale

i. La convention d’entraide judiciaire en matière pénale de 2016

ii. La convention relative à l’exequatur et à l’extradition de 1964

II. La convention vise à renforcer la coopération avec l’Algérie dans la lutte contre la criminalité

A. Les parties s’engagent réciproquement à se livrer des personnes poursuivies ou condamnées

B. Les motifs de refus sont explicités pour garantir le respect de nos valeurs et droits fondamentaux

1. Les motifs de refus obligatoires

2. Les motifs de refus facultatifs

3. Les autres grandes garanties

C. Les règles de procédure sont adaptées pour fluidifier les échanges entre les parties

1. La demande d’extradition

a. La procédure classique

b. Les procédures spéciales

2. Les modalités de remise

Examen en commission

Texte adopté par la commission

Annexe : liste des personnes auditionnées  par le rapporteur


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Introduction

L’Assemblée nationale est saisie de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire signée à Alger le 27 janvier 2019. Celle-ci a vocation à se substituer aux dispositions relatives à l’extradition de la convention entre la France et l’Algérie relative à l’exequatur et l’extradition du 27 août 1964.

La signature de ce traité bilatéral s’inscrit dans le contexte d’une rénovation de la coopération judiciaire en matière pénale avec l’Algérie. En 2017, notre commission avait déjà autorisé la ratification d’une nouvelle convention dans le domaine de l’entraide pénale, en remplacement d’un protocole judiciaire de 1962.

L’objectif de la présente convention est de renforcer la coopération avec l’Algérie dans la lutte contre la criminalité. De par l’importance des liens humains entre la France et l’Algérie, il s’agit d’un enjeu important. Sur les dix dernières années, pas moins de soixante demandes d’extradition ont été échangées entre nos deux pays, dont une petite minorité portait sur des faits de terrorisme.

Sur le fond, les dispositions de cette convention s’inspirent de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et s’alignent sur la grande majorité des conventions signées par la France. Elles dessinent un cadre juridique, respectueux des droits fondamentaux, qui doit assurer une plus grande fluidité dans la remise des personnes poursuivies ou condamnées entre la France et l’Algérie.

Par rapport à la convention de 1964, la nouvelle convention présente plusieurs avancées. Elle actualise et clarifie les motifs qui justifient les refus d’extrader, notamment lorsque la personne encourt la peine de mort, abolie en France mais toujours en vigueur en Algérie (malgré un moratoire depuis 1993), ou lorsque la remise d’une personne pourrait avoir des conséquences très graves pour cette dernière, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

Par ailleurs, la convention facilite les modalités d’échange entre les deux États. Un cadre est établi pour solliciter les compléments d’information nécessaires à l’examen de certaines demandes d’extradition, ce qui est fréquent dans le cas des demandes émises par les autorités algériennes. La procédure est allégée pour les demandes d’extradition portant sur des infractions fiscales, qui reposent actuellement sur un mécanisme contraignant d’échanges de lettres. Enfin, dans le cas d’une demande d’arrestation provisoire, le délai de transmission de la demande d’extradition est porté à 40 jours, soit un délai moins contraignant qu’auparavant.

Dans la mesure où la présente convention devrait se traduire par une rationalisation des demandes de garanties et d’assurances diplomatiques qui permettent les extraditions dans le respect de nos valeurs et droits fondamentaux, ainsi que des échanges plus fluides et, par voie de conséquence, des délais de procédure réduits, votre rapporteur appelle à en autoriser la ratification.


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I.   La convention s’inscrit dans le contexte d’un renforcement de la coopération judiciaire en matière pénale avec L’Algérie

Malgré les volontés de réforme exprimées par les partisans du Hirak, des inquiétudes demeurent sur le plan du respect des droits de l’Homme et de l’État de droit en Algérie. Pour autant, la France et l’Algérie, qui entretiennent des relations intimes, ont intérêt à renforcer leur coopération dans le domaine de la justice pénale.

A.   Des inquiétudes demeurent sur le plan du respect des droits de l’Homme et de l’État de droit en Algérie

1.   L’Algérie est entrée dans une période de turbulence politique

L’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel a entraîné, à partir du 22 février 2019, une mobilisation massive et pacifique pour le départ du « système ». Tous les vendredis, la mobilisation, ou Hirak, a touché l’ensemble du territoire algérien. Face au maintien de la contestation et sous la pression du chef d’état-major de l’armée nationale populaire, le général Ahmed Gaïd Salah, le président Bouteflika a démissionné le 2 avril 2019.

Les élections présidentielles du 12 décembre 2019 ont porté à la présidence M. Abdelmajid Tebboune qui a pris des initiatives destinées à apaiser les manifestants : libération de détenus politiques, consultations avec des personnalités d’opposition, mise en place d’une commission pour la révision de la constitution, déblocage de sites d’information en ligne, etc. Toutefois, le mouvement populaire se maintient avec une mobilisation aléatoire qui connaît des hausses ponctuelles, notamment à l’occasion du premier anniversaire du mouvement, le 22 février 2020. Selon certaines ONG, des militants du Hirak sont toujours en détention et de nombreuses poursuites judiciaires sont encore en cours. Une partie des revendications des manifestants concernent le système judiciaire algérien.

2.   Le système judiciaire et carcéral algérien est critiqué

a.   L’organisation judiciaire

Le système juridictionnel algérien se caractérise, à l’image de notre pays, par une dualité de juridictions avec un ordre judiciaire distinct de l’ordre administratif. L’ordre judiciaire est régi selon un double degré de juridiction avec en première instance des tribunaux et en seconde instance des cours d’appel, avec une possibilité de se pourvoir en cassation auprès de la cour suprême algérienne.

Le tribunal est la juridiction de première instance, divisée généralement en quatre sections : civile, pénale, prud’homale et commerciale. Le principe du juge unique prévaut dans la plupart des domaines.

D’autres juridictions de première instance ont une compétence d’exception en matière pénale. Les pôles pénaux spécialisés sont notamment compétents en matière de criminalité organisée, notamment le trafic de drogue et le blanchiment d’argent, et de lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, les tribunaux criminels sont compétents pour connaître des faits qualifiés de crimes, y compris des crimes qualifiés d’actes subversifs et terroristes. En 2017, une réforme a introduit un droit d’appel des décisions rendues par les tribunaux criminels, qui statuaient jusqu’alors en dernier ressort, ainsi que l’obligation de motiver les décisions.

Les cours sont les juridictions d’appel en Algérie. Chaque cour est divisée en plusieurs chambres dont les jugements sont rendus en forme collégiale. 

La cour suprême algérienne, composée de huit chambres, connaît des pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les tribunaux et les cours. Cette juridiction connaît une situation d’engorgement très problématique ([1]), qui la conduit à envisager la mise en place d’un système de filtrage des pourvois. 

Selon M. Abderrazak Boudjelti, président de l’Union des avocats franco-algériens, l’indépendance du système judiciaire algérien est très relative. Ce dernier relève les cas d’instructions données par le parquet ou le ministère de la Justice aux juges du siège qui, en cas de non-respect, s’exposent à un risque de mutation. M. Boudjelti note par ailleurs certaines caractéristiques du système judiciaire algérien qui paraissent exorbitantes au regard du système français, comme la possibilité donnée au parquet de renouveler jusqu’à cinq fois la garde à vue d’une personne, normalement limitée à 48 heures, ou de mettre en prison une personne à titre préventif sans l’intervention d’un juge des libertés et de la détention.

b.   Le système carcéral

En Algérie, la population carcérale est composée de 66 000 détenus pour une population composée d’environ 40 millions d’habitants. Les établissements pénitentiaires sont répartis, selon le régime de détention, entre :

● les établissements de prévention, qui reçoivent les détenus provisoires ;

● les établissements de rééducation, qui accueillent les détenus provisoires et les condamnés définitifs à une peine privative de liberté comprise entre deux et cinq ans ;

● les établissements de réadaptation, qui reçoivent les condamnés définitifs à des peines d’une durée supérieure à cinq ans.

En pratique, la plupart des établissements regroupent sur un même site ces trois régimes de détention.

L’Algérie a engagé un vaste programme d’implantation d’établissements pénitentiaires en milieu ouvert. Plusieurs réformes intervenues depuis les années 2000 ont par ailleurs eu pour objet de développer des peines alternatives à l’incarcération (travail d’intérêt général, bracelet électronique, etc.)

L’Algérie est aujourd’hui engagée dans un processus d’amélioration des conditions de détention. Mais, selon les réponses fournies par l’administration, « celles-ci restent toutefois une source de profonde préoccupation ».

3.   Les libertés publiques sont mises en question

a.   Le respect des libertés

Si la liberté d’expression est garantie par la Constitution algérienne, plusieurs journalistes et ONG regrettent l’existence de « sujets tabous ». La presse indépendante (El Watan, Liberté, El Khabar) accuse le gouvernement de « mise à mort par l’arme économique » des journaux à la ligne éditoriale trop critique, en les excluant du bénéfice des publicités publiques et en faisant pression sur les annonceurs privés. En 2019, l’Algérie poursuivait son recul dans le classement annuel de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse (141ème), reculant de douze places par rapport à 2016 (129ème). Le gouvernement a bloqué les sites des journaux en ligne TSA et Interlignes après le début du mouvement populaire avant que le nouveau gouvernement annonce le déblocage de tous les sites d’information.

 La liberté de réunion a été renforcée de fait depuis le 22 février 2019 puisque les manifestants ont bravé l’interdiction de manifester à Alger et se sont réapproprié l’espace public. Néanmoins, M. Boudjelti souligne que de nombreuses arrestations ont eu lieu, dans le cadre du Hirak, sur le fondement de motifs d’inculpation « fourre-tout » comme le motif d’« attroupement non armé » ou encore d’« atteinte au moral de l’armée ». Des enlèvements auraient aussi eu lieu.

S’agissant de la liberté de religion ou de conscience, la législation algérienne prévoit que les cultes autres que l’islam, érigé en religion d’État par la Constitution, bénéficient de la protection de l'État mais punit toute personne qui incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion. Depuis 2017, des chrétiens protestants, réunis au sein de l’Église protestante d’Algérie, déplorent les pressions et restrictions dont celle-ci fait l’objet. Les autorités algériennes ont procédé à la mise sous scellés de plusieurs églises au cours du mois d’octobre 2019.

b.   La peine de mort

Le code pénal algérien prévoit à son article 5 la peine de mort comme peine principale en matière criminelle. Une trentaine d’infractions sont passibles de la peine capitale.

Un moratoire sur l’exécution des peines de mort a été déclaré en 1993 : aucune exécution n’a eu lieu depuis cette date. Les juridictions algériennes continuent de prononcer des condamnations à mort, mais on observe une tendance à la baisse ces dernières années. Amnesty International estime à 4 le nombre de condamnations à mort prononcées par les juridictions algériennes en 2019 (contre 1 en 2018, 27 en 2017, 50 en 2016 et 62 en 2015). Malgré tout, lorsque des projets de loi tendant à abolir la peine de mort en Algérie sont déposés, ils sont systématiquement rejetés, une partie du personnel politique estimant que cette peine doit rester un moyen de lutter contre le terrorisme islamique et le crime organisé.

Bien qu’il n’y ait pas eu d’exécution depuis une trentaine d’années, le maintien de la peine de mort dans l’arsenal répressif algérien reste un frein à l’entraide judiciaire (extraditions, dénonciations officielles et exécutions de commissions rogatoires internationales), les autorités françaises demandant systématiquement et préalablement des garanties sur la non-application de la peine de mort. La nouvelle convention permet de dépasser cette difficulté en conditionnant l’extradition d’une personne poursuivie pour une infraction punie de la peine de mort à la fourniture d’assurances par les autorités algériennes, jugées suffisantes par les autorités françaises, que cette peine ne sera pas requise et que si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée (cf. infra).

B.   Les liens entre la France et l’Algérie sont denses, y compris dans le domaine de la justice pénale

1.   La France et l’Algérie sont unies par des liens d’une grande densité

a.   Les liens politiques

La relation bilatérale entre la France et l’Algérie se fonde sur des liens politiques hérités d’une histoire commune. À la fin des années 1990, l’élection du président Bouteflika a permis une relance des relations bilatérales et un retour de l’Algérie sur la scène internationale. Depuis 2012, cinquante ans après l’indépendance algérienne, la relation bilatérale connaît un renouveau historique, concrétisé par la signature de la déclaration d’Alger sur l’amitié et la coopération entre la France et l’Algérie par les deux présidents le 19 décembre 2012.

D’un point de vue institutionnel, la mise en place du comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) réunissant les deux gouvernements est désormais la clef de voûte de la coopération avec l’Algérie et permet la concrétisation de nombreux projets communs.  Orienté vers la conclusion de partenariats productifs, le comité économique franco-algérien (COMEFA) réunit régulièrement les ministres chargés des affaires étrangères et de l’économie de chaque pays et vise à entretenir une dynamique économique bilatérale positive.

La visite du président de la République le 6 décembre 2017 a été l’occasion d’adresser trois messages aux Algériens : la volonté partagée d’avancer ensemble sur la question mémorielle, un appel à une économie algérienne plus ouverte et un soutien aux investissements croisés et le souhait d’une relation répondant aux attentes de la jeunesse : enseignement supérieur, formation professionnelle.

Le Hirak a mis en difficulté la relation franco-algérienne. La France a tenu une ligne claire et constante, affirmant que c’était aux Algériens et à eux seuls de décider de leur avenir et de trouver ensemble les chemins d’un dialogue démocratique et rappelant son respect pour la souveraineté de l’Algérie. Toutefois, de nombreuses rumeurs sur les réseaux sociaux ont accusé la France, soit de soutenir le « système », soit de chercher à instrumentaliser le mouvement populaire.

b.   Les liens économiques, culturels et humains

Depuis 1999, les relations économiques et commerciales entre la France et l’Algérie ont progressé rapidement et sont particulièrement intenses. Les échanges ont triplé entre 1999 et 2013, ce qui fait de l’Algérie le premier partenaire commercial de la France en Afrique et le troisième débouché pour les exportations françaises hors OCDE, après la Chine et la Russie. La France est par ailleurs le premier investisseur (hors hydrocarbures) et le premier employeur étranger en Algérie. Près de 500 entreprises françaises sont implantées en Algérie, ce qui représente 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects.

La coopération culturelle, scientifique et technique s’inscrit dans le cadre d’un document cadre de partenariat (DCP) qui établit pour cinq ans les grands objectifs de notre partenariat avec l’Algérie. La coopération universitaire est nourrie et se traduit notamment par l’accompagnement de la réforme LMD (Licence, Master, Doctorat) et de la mise en place de pôles d’excellence dans l’enseignement supérieur (classes préparatoires, par exemple) en Algérie. L’enseignement du et en français est également au cœur de l’action de la France, en particulier au travers de l’aide à l’amélioration de la formation initiale et continue des enseignants de français, tant dans le secondaire que dans le supérieur. Notre coopération s’appuie aussi sur un réseau culturel qui repose sur cinq instituts français actifs (Alger, Annaba, Oran, Constantine et Tlemcen). Enfin, la coopération institutionnelle vise à appuyer les efforts de modernisation de nombreux secteurs, de la justice à l’administration, en passant par l’aménagement du territoire et la protection civile.

En raison d’une histoire commune, les liens humains entre la France et l’Algérie sont très forts. Selon les données fournies par le ministère de l’Intérieur, près de 620 000 Algériens étaient titulaires d’un titre de séjour en cours de validité début janvier 2020 ([2]). D’après le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, environ 40 000 Français étaient présents en Algérie à la même période. Toutefois, le nombre de binationaux franco-algériens n’est pas disponible.

Compte tenu de la vigueur des liens humains entre nos deux pays, le nombre de ressortissants algériens détenus par les autorités françaises est élevé, et inversement. À la connaissance des services consulaires en Algérie, environ 50 ressortissants français y étaient détenus en mars 2020 ([3]). En sens inverse, 2 450 ressortissants algériens étaient incarcérés en France.

Le plus souvent, ces personnes sont emprisonnées à raison d’infractions qu’ils ont commises ou sont supposés avoir commises sur le territoire où ils sont détenus, ce qui signifie que la convention d’extradition, qui concerne des personnes en fuite, n’est pas applicable. L’Algérie et la France n’ont pas conclu de convention sur le transfèrement de prisonniers, ce qui n’empêche pas de procéder, au cas par cas, à de tels transfèrements. Sur les dix dossiers de transfèrement de personnes de nationalité algérienne détenues dans des établissements pénitentiaires français dont l’administration a la trace, seul un dossier ancien, en date de 2005, concernait une demande liée à l’exécution d’une peine prononcée pour des faits de terrorisme.

Nombre et motifs d’incarcération des ressortissants algériens détenus en France (mars 2020)

 

Catégorie de l'infraction

Nombre de ressortissants algériens détenus

Dont : nombre de ressortissants algériens condamnés détenus

Homicide volontaire

270

141

Viol sur mineur

26

14

Viol sur majeur

154

69

Agression sexuelle sur mineur

4

3

Agression sexuelle sur majeur

23

17

Violences

300

219

Homicide et atteinte involontaire

2

2

Autre atteinte à la personne

68

47

Vol criminel

96

41

Vol simple ou vol aggrave

713

561

Autre atteinte aux biens

182

118

Stupéfiants

381

248

Manquant

5

2

Atteinte à l'autorité de l'état

Dont faits de terrorisme

147

17

82

6

Circulation (autre que homicide et atteinte involontaire)

56

49

Autres

23

12

Total

2450

1625

Source : ministère de l’Intérieur.

2.   La France et l’Algérie coopèrent dans le domaine de la justice pénale

a.   La coopération multilatérale

La coopération judiciaire en matière pénale entre la France et l’Algérie est encadrée par plusieurs instruments multilatéraux.

Nos deux pays sont parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées dont certaines stipulations portent sur la coopération en matière pénale. Parmi ces conventions, le plus souvent adoptées sous l’égide des Nations Unies, figurent la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 décembre 2000 et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003.

La France et l’Algérie sont également parties au pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 qui vise un socle de libertés et de droits fondamentaux, notamment le droit à la vie, l’interdiction de la torture, de l’esclavage, du travail forcé et de la détention arbitraire, les garanties procédurales du procès équitable, dont la présomption d’innocence et le droit au silence, ou encore le droit à la liberté d’expression. Le Pacte est complété par un deuxième protocole facultatif visant à abolir la peine de mort auquel seule la France est partie.

b.   La coopération bilatérale

i.   La convention d’entraide judiciaire en matière pénale de 2016

La France et l’Algérie ont récemment modernisé le cadre de leur entraide pénale, jusqu’alors fixée par un protocole judiciaire de 1962, en signant le 5 octobre 2016 une convention d’entraide judiciaire en matière pénale. Cette convention prévoit notamment les modalités de coopération aux fins d’enquête, de remise d’actes judiciaires et de dénonciations officielles aux fins de poursuites.

Selon le rapport réalisé par la députée Sira Sylla sur cette convention de 2016 ([4]), cette modernisation juridique était destinée à « la fluidification des échanges d’information et l’amélioration de notre coopération au service d’une meilleure administration de la justice ». Pour cela, elle incluait notamment dans le cadre juridique bilatéral des moyens modernes de coopération (visioconférence, saisie et confiscation des avoirs criminels), les techniques spéciales d’enquête et des stipulations relatives à la protection des données personnelles.

Les flux de demande d’entraide pénale entre l’Algérie et la France sont très importants et constants. L’Algérie est de loin le premier pays de la zone géographique africaine s’agissant des demandes reçues par la France et le second s’agissant des demandes françaises adressées. Entre l’entrée en vigueur de cette convention le 1er mai 2018 et le 17 mars 2020, 161 demandes d’entraide judiciaire pénale avaient transité entre nos deux pays, dont 96 émanaient des autorités judiciaires françaises. Sur ces 161 demandes d’entraide, 121 étaient toujours en cours d’exécution, ce qui s’explique par un délai moyen d’exécution des demandes d’entraide pénale avec l’Algérie compris entre 12 et 18 mois.

Selon les réponses fournies par l’administration, « la coopération des autorités judiciaires algériennes est considérée comme satisfaisante par les magistrats français quant à la qualité des actes réalisés. Aussi, le nombre de notes verbales de rappel adressées chaque année par le magistrat de liaison aux autorités algériennes est en diminution progressive en raison de la fluidité croissante des échanges entre le magistrat de liaison et ses interlocuteurs. »

ii.   La convention relative à l’exequatur et à l’extradition de 1964

Le cadre actuel de la coopération dans le domaine de l’extradition entre la France et l’Algérie est fixé par la convention relative à l’exequatur et l’extradition signée à Alger le 27 août 1964. Cette convention prévoit, outre des stipulations relatives à l’exequatur ([5]), des règles applicables à la remise de personnes poursuivies ou condamnées dans le cadre de procédures pénales judiciaires.

L’étude d’impact annexée au présent projet de loi relève le « volume important de demandes échangées entre la France et l’Algérie ». Entre 2014 et 2019, 38 demandes d’extradition ont été finalisées entre la France et l’Algérie, dont 30 demandes vers la France et 8 demandes vers l’Algérie.

La pratique extraditionnelle entre la France et l’Algérie sur la période 2014-2019

« S’agissant des 8 demandes françaises, elles ont permis la remise de trois personnes aux autorités judiciaires françaises. 1 demande a été annulée, un individu s’est rendu volontairement en France, et 3 demandes ont été refusées par Alger, les personnes requises étant ressortissantes algériennes.

La France a reçu 30 demandes de la part des autorités algériennes. Elle a d’ores et déjà remis cinq personnes et le décret d’extradition d’une autre personne est définitif mais n’a pas encore été exécuté. 5 extraditions ont été refusées dont deux sur des fondements humanitaires ou de respect de ses obligations internationales au titre de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et deux sur le fondement de motifs procéduraux (extinction de l’action publique et absence d’éléments circonstanciés à l’appui de la demande). 2 autres demandes n’ont pu prospérer en raison de la nationalité française des intéressés. La partie algérienne a annulé une de ses demandes et 2 autres ont été clôturées à la suite du décès en détention des personnes requises. S’agissant des 14 autres dossiers : dans 5 d’entre eux la personne recherchée n’a pu être localisée ou est en fuite, 9 autres demandes sont toujours en cours dont 5 en phase judiciaire. »

Source : Étude d’impact annexé au projet de loi.

Interrogée par votre rapporteur, l’administration fait valoir que, sur les 62 demandes d’extradition échangées par la France et l’Algérie entre le 1er janvier 2010 et le 30 juillet 2020, seulement trois dossiers portaient sur des faits de terrorisme.

Les relations extraditionnelles avec l’Algérie se heurtent à deux difficultés.

Les autorités françaises se plaignent de l’absence de traitement par les autorités algériennes de certaines demandes d’extradition qui leur sont adressées. C’est ainsi que des individus, visés par une demande d'extradition et qui ne possédaient pas la nationalité algérienne, ont été libérés après avoir purgé leur peine algérienne sans qu’il ait été apporté une réponse à la demande des autorités françaises. En sens inverse, les dossiers présentés par les autorités algériennes sont souvent incomplets et donnent lieu à des compléments d'information sollicités par les chambres de l'instruction, avec parfois des délais de réponse très longs et des transmissions de pièces peu pertinentes au regard de la demande.

L’autre difficulté principale tient à la formulation de la garantie de non-application de la peine de mort dans les demandes d’extradition algériennes. L’infléchissement de la jurisprudence traditionnelle du Conseil d’État quant à la formulation de la garantie relative à la peine de mort a permis de lever en partie cette difficulté. Alors que la garantie traditionnelle exigée était que la peine ne soit ni requise, ni prononcée, ni exécutée, la garantie que, si la peine de mort est requise et prononcée, elle ne sera pas exécutée, est désormais jugée suffisante. La nouvelle convention d’extradition avec l’Algérie est en cohérence avec cette jurisprudence.

II.   La convention vise à renforcer la coopération avec l’Algérie dans la lutte contre la criminalité

La coopération dans le domaine de la justice pénale entre la France et l’Algérie a connu récemment des progrès, facilités par la présence d’un magistrat de liaison en poste à Alger depuis 2009. La visite du président de la République français en décembre 2012 et la réunion du comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) en avril 2016 ont porté entre autres sur le renforcement de la coopération judiciaire en matière pénale. Huit sessions de négociation ont été nécessaires pour aboutir à la convention judiciaire en matière pénale de 2016 et à la convention d’extradition qui est l’objet du présent projet de loi.

Cette convention bilatérale d’extradition a été signée à Alger le 27 janvier 2019 par les ministres de la justice français et algérien. Elle se substituera aux stipulations consacrées à l’extradition de la convention relative à l’exequatur et à l’extradition du 27 août 1964, à savoir ses articles 11 à 30.  

En préambule, les deux Gouvernements indiquent être « désireux de rendre plus efficace la coopération en matière de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes. » La convention d’extradition s’inspire ensuite largement, dans ses dispositions, de celles de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Elle comporte, d’une part, un ensemble de dispositions intégrant nos standards nationaux et internationaux et, d’autre part, des stipulations visant à fluidifier les échanges entre la France et l’Algérie dans le domaine de l’extradition.

A.   Les parties s’engagent réciproquement à se livrer des personnes poursuivies ou condamnées

Dans le cadre de cet accord, les deux parties s’engagent à se livrer réciproquement les personnes qui sont poursuivies ou condamnées par leurs autorités judiciaires compétentes (article 1er).

Les infractions pouvant donner lieu à extradition sont celles punies, en vertu des lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’au moins un an. Dans le cas d’une remise sollicitée à la suite d’une décision de condamnation, la durée de la peine restant à exécuter doit être d’au minimum six mois (article 2).

L’article 2 offre également la possibilité à l’État saisi d’une demande d’extradition se rapportant à plusieurs infractions distinctes punies chacune par la législation des deux parties, mais dont certaines ne satisfont pas aux seuils précités, d’accorder l’extradition pour ces dernières. L’extradition pour ces infractions, dite extradition « accessoire », est de nature à permettre le jugement d’une personne portant sur l’ensemble des faits commis avant son extradition.

De manière spécifique, la convention favorise la coopération judiciaire en matière de lutte contre la fraude fiscale au travers de dispositions qui n’existent pas dans la convention de 1964. D’une part, elle exclut explicitement la possibilité d’un refus d’extradition aux seuls motifs que la demande se rapporte à des infractions qualifiées d’infractions fiscales et précise que les différences entre les législations nationales relatives au type de taxes ou d'impôts ne pourront être mises en avant pour faire obstacle à l’extradition de la personne visée. D’autre part, elle ne soumet plus la coopération au mécanisme d’échanges de lettres, obsolète et très difficile à mettre en œuvre de manière concrète, pour les infractions fiscales.

En vertu du principe de spécialité, l’accord fait obstacle à ce que la partie requérante poursuive, juge, détienne ou restreigne la liberté individuelle d’une personne pour des faits distincts de ceux ayant motivé sa remise par l’autre partie ou encore pour la remettre à un autre État (article 13). Des exceptions sont néanmoins prévues à ce principe, en particulier lorsque la partie requise y consent ou lorsque la personne réclamée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie à laquelle elle a été livrée, ne l’a pas quitté dans un délai de 45 jours suivant sa libération définitive ou y est retournée après l’avoir quitté.

B.   Les motifs de refus sont explicités pour garantir le respect de nos valeurs et droits fondamentaux

1.   Les motifs de refus obligatoires

L’article 4 énumère les motifs obligatoires de refus d’extrader, dont certains n’apparaissaient pas explicitement dans le cadre de la convention de 1964.

De manière habituelle, la remise n’est pas accordée si l’infraction pour laquelle elle a été demandée est considérée comme une infraction militaire ou une infraction politique, à l’exclusion notamment de l’attentat à la vie ou à l’intégrité physique d’un chef d’État ou d’un membre de sa famille.

L’extradition n’est pas davantage accordée si l’extradition apparaît motivée par la volonté de poursuivre ou de punir une personne en raison de sa race, de son sexe, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.

En application du principe non bis in idem, l’extradition n’est pas accordée si la personne réclamée a été définitivement jugée, pour les mêmes faits, par les autorités compétentes de la partie requise (ou même par un État tiers), si l’action publique ou la peine sont prescrites ou encore si les faits à l’origine de la demande d’extradition ont fait l’objet d’une amnistie par la partie requise.

Le principal nœud de la négociation a porté sur l’introduction de la garantie sur la non-application de la peine de mort, absente de la convention de 1964 bien que recherchée par les autorités françaises en pratique, sans laquelle l’extradition est refusée. La formulation trouvée, qui pose le principe du refus d’extrader lorsque la personne risque la peine de mort, sauf lorsque la partie requérante donne des assurances jugées suffisantes que cette peine ne sera pas requise et que, si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée, est finalement identique à celle des derniers accords bilatéraux signés ou ratifiés par la France. Cette formulation satisfait les valeurs françaises et ne porte pas atteinte à l’indépendance algérienne.

Enfin, de façon traditionnelle, la remise n’est pas accordée lorsque la personne réclamée a la nationalité de la partie requise. Toutefois, en vertu du principe aut dedere, aut judicare, la partie qui refuse d’extrader son propre ressortissant doit soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour que des poursuites puissent être exercées, ceci afin d’éviter une situation d’impunité (article 3). Les binationaux sont traités par chaque partie comme des nationaux.

2.   Les motifs de refus facultatifs

L’article 5 liste les motifs facultatifs de refus d’extradition. Deux motifs qui n’apparaissent pas dans la convention actuelle méritent d’être soulignés.

En premier lieu, l’extradition peut être rejetée lorsque l’infraction a été commise en tout ou partie sur le territoire de la partie requise, lorsque les autorités compétentes de la partie requise ont engagé des poursuites ou ont décidé de ne pas les engager pour les mêmes faits ou d’y mettre un terme.

Ensuite, de manière analogue à la réserve faite par la France à la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, la nouvelle convention contient une clause humanitaire permettant de refuser l’extradition lorsque la remise de la personne réclamée serait de nature à avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

3.   Les autres grandes garanties

Afin de garantir le plein respect des droits fondamentaux, la convention spécifie qu’elle ne porte pas atteinte aux droits et engagements des parties résultant des accords multilatéraux auxquels l’une ou l’autre est partie (article 22). Pour la France, cette formulation recouvre les droits reconnus par des instruments multilatéraux comme le pacte international relatif aux droits civils et politiques et la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le traité d’extradition contient, enfin, une clause qui tire les conséquences du renforcement récent de la protection des données personnelles dans le cadre du droit national et européen (article 17). Cette clause encadre l’usage des données personnelles transférées par la partie requise dans le cadre d’une remise de personne. Chaque partie est en outre incitée à prendre les précautions nécessaires pour assurer la sécurité des données transmises par l’autre partie.

C.   Les règles de procédure sont adaptées pour fluidifier les échanges entre les parties

1.   La demande d’extradition

a.   La procédure classique

Conformément à la pratique française en la matière, et afin d’assurer la pleine recevabilité des demandes, la convention d’extradition prévoit le recours à la voie diplomatique comme mode de communication entre les parties (article 6).

Sur le plan du contenu, les demandes d’extradition doivent être formulées par écrit, être accompagnées d’une présentation détaillée des faits, des dispositions légales applicables et de toutes les informations de nature à favoriser l’interpellation de la personne dont la remise est demandée. Selon que la personne est recherchée ou condamnée, la demande doit également comporter l’original ou une copie du mandat d’arrêt ou de la décision de condamnation exécutoire.

Dans le cas d’une demande incomplète, la partie requise sollicite les éléments complémentaires nécessaires en fixant un délai raisonnable pour la transmission de ces informations (article 7). En l’absence de réponse dans le délai ainsi fixé, la partie requérante est présumée renoncer à sa demande, ce qui n’empêche pas la partie requérante de présenter une nouvelle demande ultérieurement. Cette nouvelle disposition doit inciter les autorités algériennes à améliorer la qualité des dossiers présentés auprès des autorités françaises.

b.   Les procédures spéciales 

Dans un souci d’efficacité, la convention prévoit plusieurs procédures spéciales dans le cadre desquelles peuvent intervenir les demandes d’extradition.

En cas d’urgence, la partie requérante peut adresser une demande d’arrestation provisoire par Interpol, par voie postale ou par tout autre moyen laissant une trace écrite et se contenter d’un formalisme allégé dans le contenu de la demande (article 8). L’arrestation provisoire à laquelle procède la partie requise prend fin si une demande d’extradition en bonne et due forme ne parvient pas à la partie requise dans un délai de 40 jours suivant l’arrestation de la personne, contre 30 jours dans l’actuelle convention, ce qui s’avère contraignant. La remise en liberté de la personne, à l’expiration de ce délai, n’empêche pas la partie requérante de soumettre une nouvelle demande d’extradition auprès de la partie requise.

La convention prévoit la possibilité d’une extradition consentie (article 9), ce qui est une disposition originale sans être inédite dans un traité d’extradition. Lorsque la personne concernée consent à son extradition, la partie requise est incitée à traiter la demande d’extradition aussi rapidement que possible.

L’article 10 règle les hypothèses de concours de demandes d’extradition provenant de la partie requérante et d’un État tiers. Dans un tel cas de figure, la partie requise tient compte, dans sa décision, de toutes les circonstances pertinentes, en particulier de la gravité et du lieu de commission des faits, des dates respectives des demandes et de la nationalité de la personne réclamée. 

2.   Les modalités de remise

Les articles suivants de la convention fixent les modalités d’exécution de la remise qui fait suite à la décision par la partie requise et notamment :

– l’obligation de communiquer la décision sur la demande de remise et de la motiver en cas de refus et, en cas de décision d’extrader, la fixation du lieu et de la date de la remise (article 14) ;

– la possibilité d’ajourner la remise ou d’organiser une remise à titre temporaire (article 12) ;

– la saisie et la remise d’objets pouvant servir de pièces à conviction ou qui ont été acquis par la personne remise à la suite de l’infraction (article 11) ;

– la répartition entre les parties des frais occasionnés par la procédure de remise (article 18).


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   Examen en commission

 

Lors de sa réunion du mercredi 20 janvier 2021, la commission examine, sur le rapport de M. Jacques Maire, le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 2487).

Mme Isabelle Rauch, présidente. Notre ordre du jour appelle l’examen, ouvert à la presse, et le vote du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre la France et l’Algérie. Le projet de loi que nous allons examiner a été déposé sur le bureau de notre assemblée il y a un an, le 18 décembre 2019. Le confinement du premier semestre 2020 a conduit à reporter son examen, qui est à présent indispensable. Cette convention remplace la convention du 27 août 1964 afin de prendre en compte l’évolution non seulement de nos systèmes judiciaires respectifs en matière pénale mais aussi de notre coopération bilatérale qui a été relancée par la déclaration sur l’amitié et la coopération signée à Alger le 19 décembre 2012 par les présidents Hollande et Bouteflika.

Notre commission avait, en juillet 2017, à l’occasion du rapport de Mme Sira Sylla, approuvé une nouvelle convention d’entraide pénale avec l’Algérie. Il s’agit, à présent, de discuter d’une convention rénovant et clarifiant la procédure d’extradition. La profondeur et l’importance des échanges et des liens humains existant entre la France et l’Algérie justifient les termes de cette nouvelle convention qui participe directement de la relance de la coopération bilatérale souhaitée unanimement des deux côtés de la Méditerranée. Et il est notable que la dimension des droits de l’Homme soit très présente dans le nouveau cadre juridique des extraditions qui a été convenu entre nos deux pays.

M. Jacques Maire, rapporteur. Nous sommes saisis d’un accord d’extradition avec l’Algérie. C’est un accord qui engage les deux pays à se remettre mutuellement les personnes poursuivies ou condamnées qui seraient en fuite sur le territoire de l’autre partie.

Les traités d’extradition sont des accords classiques, standardisés dans leur contenu. La France est partie à une cinquantaine d’accords bilatéraux de ce type. Les derniers accords d’extradition que nous avons autorisés sont ceux qui nous lient avec le Pérou et Sainte-Lucie.

En l’occurrence, l’accord qui nous est présenté nous engage vis-à-vis d’un pays avec lequel les liens, notamment les liens humains, sont beaucoup plus denses. Je ne reviendrai pas sur tout le champ de la relation bilatérale avec l’Algérie mais je dirai un mot du contexte politique et des liens humains entre nos deux pays.

S’agissant de la situation politique, elle est extrêmement confuse. Nous avons tous vécu l’atmosphère de fin de règne d’un président absent, M. Bouteflika, sorti de façon rapide par le général Gaïd Salah. Une période d’intérim par le président du Sénat s’en est suivi dans un contexte où le mouvement du Hirak prenait toute son importance. Il y a eu, je vous le rappelle, une élection présidentielle, à laquelle M. Tebboune, qui n’était pas forcément le favori, a été élu. Il s’agit d’une personnalité du sérail âgée, qui n’est pas très présent puisqu’il est souvent en Allemagne pour se faire soigner. Pendant ce temps-là, la réforme constitutionnelle peine à prendre son envol et sa crédibilité. Toutefois, la mobilisation a faibli avec le contexte sanitaire mais aussi la lassitude et les espoirs déçus d’un renouveau politique en Algérie.

Dans ce contexte, nos liens humains sont toujours aussi importants. En janvier 2020, près de 620 000 Algériens étaient titulaires d’un titre de séjour français en cours de validité. A la même période, près de 40 000 Français résidaient eux-mêmes en Algérie.

Du fait de l’importance de la communauté algérienne en France et de la communauté française en Algérie, le nombre d’Algériens incarcérés en France est élevé. Et inversement. Environ 2 450 Algériens sont détenus en France et, dans l’autre sens, 50 Français seraient emprisonnés en Algérie. Je précise que, pour la plupart de ces détenus, la convention d’extradition que nous examinons n’est pas applicable. Ces personnes sont souvent emprisonnées pour des infractions sur le territoire où ils sont détenus, alors que la convention vise les personnes en fuite.

De par les échanges humains incessants entre nos deux pays, la France et l’Algérie ont développé une coopération dans le domaine de la justice pénale. Vous vous en souvenez peut-être : au début de la législature, au rapport de notre collègue Sira Sylla, nous avions autorisé la ratification d’une nouvelle convention d’entraide pénale avec l’Algérie. L’Algérie est un des pays du continent africain vers lequel nous adressons le plus de demandes d’entraide judiciaire. Nous avons donc renforcé notre coopération en matière d’enquête et de poursuites.

Le deuxième volet de notre coopération en matière pénale avec l’Algérie concerne l’extradition. Actuellement, cette coopération repose sur une convention en date de 1964. Comme on peut s’y attendre, la France et l’Algérie s’adressent régulièrement des demandes d’extradition. Sur les dix dernières années, nos deux pays se sont échangés une soixantaine de demandes, dont seulement trois pour des faits de terrorisme.

Le cadre de notre coopération en matière d’extradition bute cependant sur deux difficultés. D’abord, la convention de 1964 n’est pas aux normes des garanties qui conditionnent l’extradition. C’est notamment le cas – nous allons le voir – de la garantie sur la non application de la peine de mort. L’autre problème tient aux difficultés de la coopération avec les autorités algériennes. Certaines de nos demandes d’extradition ne sont pas traitées par ces dernières. Inversement, les dossiers que nous présente l’Algérie sont souvent incomplets et la recherche des informations complémentaires nécessaires à l’examen de la demande s’avère souvent extrêmement laborieuse.

C’est pour ces raisons que les autorités françaises ont souhaité renforcer le cadre de notre coopération avec l’Algérie. Ces efforts ont abouti à la signature, le 27 janvier 2019 à Alger, d’une nouvelle convention d’extradition.

Cette nouvelle convention a deux caractéristiques principales. S’agissant de ses objectifs, celle-ci vise à « rendre plus efficace la coopération en matière de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes », comme l’indiquent les deux gouvernements en préambule. S’agissant de son contenu, elle s’inspire largement de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, qui fait figure de modèle dans ce domaine.

Alors, qu’apporte de nouveau cette convention par rapport au régime en vigueur ? D’évidence, ses principales dispositions – l’engagement des parties à se remettre les personnes poursuivies ou condamnées, les infractions pouvant donner lieu à remise, les principaux motifs de refus et les principales règles de procédure – sont peu ou prou inchangées. Mais certaines avancées, qui rehaussent la coopération avec l’Algérie sur les standards les plus récents, doivent être soulignées.

D’abord, la nouvelle convention actualise et clarifie les motifs qui justifient le refus d’extrader. C’est important dans le contexte algérien parce que, malgré les revendications qui sont portées par les manifestants du Hirak, des inquiétudes demeurent sur le plan du respect des droits de l’Homme et de l’État de droit. Les polémiques sont constantes. La justice en Algérie ne peut être jugée indépendante. Les libertés publiques, comme la liberté d’expression et la liberté de réunion, restent aujourd’hui mal assurées. Et la peine de mort est encore, au moins théoriquement, en vigueur.

Malgré un moratoire de fait depuis 1993, le principal nœud de la négociation a porté sur la formulation de la garantie sur la non application de la peine de mort. La formulation trouvée pose le principe du refus d’extrader lorsque la personne risque la peine de mort. Mais cette règle souffre d’une exception : lorsque la partie requérante donne des assurances jugées suffisantes que cette peine ne sera pas requise et que, si elle est requise et prononcée, elle ne sera pas exécutée. Cette formulation est finalement identique à celle des accords bilatéraux que nous avons signés avec d’autres pays. Elle satisfait nos valeurs et respecte l’indépendance algérienne.

La nouvelle convention consacre également de nouveaux motifs facultatifs de refus. Par exemple lorsque la remise de la personne aurait des conséquences gravissimes compte tenu de son âge ou de son état de santé.

L’article 22 garantit enfin le plein respect des droits fondamentaux. Il spécifie que la convention ne porte pas atteinte aux obligations des parties résultant des accords multilatéraux. Autrement dit, dès lors qu’une demande d’extradition pourrait conduire la France à violer un traité comme la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, un refus sera opposé.

Le deuxième grand apport de la convention est de fluidifier les échanges entre États. Le mode de communication des demandes, ainsi que leur contenu, sont identiques au régime actuel. C’est un échange par voie diplomatique. En revanche, un cadre est établi pour qu’une partie puisse solliciter, si besoin, des éléments complémentaires. Passé un certain délai sans réponse, la demande d’extradition tombe, ce qui devrait inciter la partie algérienne à améliorer la qualité des dossiers présentés.

Dans un souci d’efficacité, des procédures spéciales de remise sont également établies. Par exemple, en cas d’urgence, une des parties peut demander l’arrestation provisoire d’une personne avant de transmettre une demande d’extradition en bonne et due forme. Le délai fixé pour faire parvenir cette demande passe à 40 jours contre 30 jours auparavant, ce qui était plus contraignant. Autre nouveauté : lorsque la personne consent à sa remise, la partie saisie d’une demande d’extradition est invitée à la traiter aussi rapidement que possible.

Un dernier mot pour dire que la procédure est allégée pour les infractions fiscales. Auparavant, la procédure pour ce type d’infractions reposait sur un mécanisme assez contraignant d’échanges de lettres. Ce mécanisme obsolète est ainsi supprimé, ce qui rajoute de la fluidité.

En conclusion, cette nouvelle convention assurera, d’une part, une plus grande lisibilité des garanties qui permettent d’extrader, et d’autre part, des échanges plus fluides et une réduction des délais de procédure. Pour ces raisons, j’appelle notre commission à autoriser la ratification de cette convention.

M. Mustapha Laabid. Ce projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et la qualité du rapport qui nous est présenté montrent bien que la dernière convention entre les deux pays datant de 1964 ne suffisait plus.

La France et l’Algérie, si intimement liés par leur histoire unique, partagent des liens humains, mais aussi des liens économiques et culturels depuis plusieurs décennies. Le président de la République a affirmé à de nombreuses reprises, et encore récemment, son ambition de resserrer davantage ces liens importants, notamment sur le plan mémoriel. Je me réjouis donc à cet égard de la remise aujourd’hui au président de la République du rapport de l’historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie.

La spécificité des liens entre la France et l’Algérie, la présence de millions de citoyens binationaux en France donnent encore plus de sens à la nécessité d’une modernisation et du renforcement de notre coopération en matière judiciaire pénale afin de fluidifier et rendre plus efficace la lutte conjointe contre la criminalité.

Dans votre rapport sur ce projet de loi, vous soulignez deux difficultés majeures quant aux relations extraditionnelles entre la France et l’Algérie : d’une part, l’absence de traitement des demandes par les autorités algériennes, qui se sont nettement améliorées et, d’autre part, la question des droits humains, particulièrement la question de la peine de mort, encore inscrite dans le droit pénal algérien même si, dans les faits, elle n’est plus en application depuis 1993.

Vous rappelez à juste titre que la question des droits humains demeure inquiétante depuis le déclenchement du mouvement populaire du Hirak en février 2019. Le comité national de libération des détenus estime à près d’une centaine le nombre de citoyens algériens qui sont aujourd’hui en prison pour avoir exprimé leur opinion, critiqué le régime ou pour avoir exercé le métier de journaliste. Le cas le plus célèbre est celui de Khaled Drareni incarcéré depuis mars 2020 et condamné à deux ans de prison ferme pour « incitation à attroupement non armé » alors qu’il couvrait des manifestations contre le régime. Il est donc salutaire que l’article 4 de la présente convention d’extradition entre nos deux pays prévoit le refus de l’extradition des personnes poursuivies pour leurs opinions politiques.

Dans le prolongement de cette convention d’extradition, et dans le cadre de l’approfondissement de cette coopération pour lutter conjointement et plus efficacement contre la criminalité, j’aimerais savoir s’il est prévu de développer d’autres volets de coopération judiciaire en matière pénale, particulièrement en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, qui touche malheureusement les deux rives de la Méditerranée. C’est un thème sur lequel l’Algérie a su développer une expertise du fait de la tragique expérience de la décennie noire des années 1990.

Aussi, ce texte pourrait-il être mis en œuvre pour résoudre la problématique des mineurs non accompagnés ? Ce sujet pourrait-il être intégré dans le cadre des extraditions ?

M. Michel Fanget. Le rapporteur a présenté de la façon la plus explicite qui soit les difficultés qui existent dans la coopération judiciaire entre nos deux pays. Ces difficultés ne datent pas, bien sûr, d’aujourd’hui. Elles ne sont pas consécutives aux bouleversements politiques de ces dernières années mais elles remontent à bien avant.

Pour autant, nos liens avec l’Algérie, culturels, historiques, politiques et même, vous le détaillez, judiciaires, sont forts et profonds, et nous obligent à coopérer davantage et plus étroitement. C’est précisément le but de cette convention qui doit faciliter les modalités de ces échanges entre États.

Nous connaissons tous les difficultés en Algérie. Ces dernières années ont vu les libertés publiques misent à mal, à commencer par le droit à l’information. Il existe toujours, par ailleurs, de profonds différends avec l’Algérie, notamment sur la question centrale de la peine de mort, qui est toujours en vigueur, même si un moratoire sur la question est appliqué depuis 1993. C’est justement pour toutes ces raisons que nous avons besoin d’un cadre de coopération plus clair auquel répond ce projet de loi.

Nous y avons également intérêt car nous partageons des combats communs à commencer par la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Dans ce contexte, il est important que nous puissions disposer d’outils qui garantissent le respect de nos valeurs, qui sont d’abord ceux des citoyens de nos pays qui doivent pouvoir disposer de leurs droits pleins et entiers. C’est la raison pour laquelle le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés soutiendra ce projet de loi.

M. Alain David. Cette convention d’extradition signée le 27 janvier 2019 à Alger s’appuie largement sur le modèle de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 à l’instar des instruments bilatéraux conclus par la France dans ce domaine depuis plusieurs années.

La raison d’être d’un nouvel instrument juridique résulte, par rapport à la précédente convention de 1964, de la nécessité d’harmoniser le cadre juridique extraditionnel appliqué par la France et d’actualiser les outils juridiques existants en matière de coopération pénale entre la France et l’Algérie. Mais il vient surtout répondre à l’impératif de traiter la problématique liée à l’existence, dans l’arsenal répressif algérien, de la peine de mort, abolie depuis en France, et de nature à empêcher les remises de personnes recherchées en l’absence d’assurances diplomatiques jugées suffisantes. Cela a été le point central des négociations, et ce n’est qu’une ultime négociation le 22 mai 2017 qui a permis de lever les derniers points de blocage, s’agissant notamment de la formulation de la garantie de non-application de la peine capitale.

Si cette rédaction semble respecter le modèle de la convention européenne d’extradition, on aurait pu, néanmoins, souhaiter que la présente disposition soit plus restrictive et interdise purement et simplement l’extradition dans les cas où la personne extradée risque la peine de mort. Malgré cette réserve, le groupe des députés Socialistes et apparentés votera ce texte.

M. Jean-Michel Clément. Le projet de loi qui nous est soumis vise effectivement à autoriser l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement français et celui de la République algérienne. Il ne se distingue pas a priori des autres conventions d’extradition que notre commission a adoptées et sur lesquelles j’ai eu, moi aussi, l’occasion de me pencher.

En effet, comme bien d’autres, ce texte se base sur la convention européenne d’extradition de 1957. Cette convention crée un cadre commun en matière de remise de personnes dans le cadre de procédures judiciaires pénales. À côté d’une obligation générale d’extradition, cette convention prévoit les motifs habituels pouvant entrainer un refus d’extrader, qu’ils soient procéduraux, comme la prescription, ou motivés par des considérations plus politiques comme l’application de la peine de mort.  

Vous l’avez aussi rappelé : il s’agit de « rafraîchir » la convention relative à l’exequatur et l’extradition entre la France et l’Algérie signée en 1964, après avoir adopté une nouvelle convention sur l’entraide judiciaire en matière pénale en 2016. Plus de cinquante ans après la convention de 1964, on peut comprendre qu’il y avait une nécessité d’harmoniser le cadre juridique en matière d’extradition appliqué par la France et d’actualiser les outils juridiques existants en matière de coopération pénale.

Notons, au passage, que tout cela n’a pas été simple, puisque six ans auront été nécessaire pour parvenir à un accord tant le sujet est complexe et sensible. Parce que si le droit algérien est en partie calqué sur le droit français, s’y ajoute aussi des aspects du droit musulman.

Ajoutons à cela que la binationalité, qui concerne plus de quatre millions de personnes, ouvre, contrairement à bien d’autres conventions, le champ d’application de cette convention dans des conditions inégalées, même si les binationaux sont traités par chaque partie comme des nationaux.

Il est aussi vrai que le nombre de ressortissants algériens incarcérés en France est excessivement supérieur au nombre de ressortissants français incarcérés en Algérie. Ce qui n’empêche pas nos autorités consulaires de se plaindre du traitement réservé à nos demandes d’extradition.

Demeure aussi le sujet sensible de la peine de mort : l’Algérie continue de prononcer des condamnations à mort. Même si le Conseil d’État juge désormais suffisant l’apport d’une garantie de non-exécution, le doute demeure pour moi. Le langage diplomatique ne recouvre pas forcément le langage juridique, et inversement.

Ce texte est aussi sensible en raison de la nature des personnes pouvant être extradées entre les deux pays, compte tenu des faits de terrorisme, le sud algérien constituant notamment une base arrière pour le Sahel.  

Cette convention permettra-t-elle une meilleure coordination entre les autorités algériennes et françaises ? Je ne sais le dire. La situation politique en Algérie constitue-t-elle une garantie ? Je ne le pense pas. Dans ces conditions, je dois dire que mon groupe hésite à voter cette convention et qu’une « abstention positive » sera finalement peut-être ma position.

M. Jean François Mbaye. Je crois que l’objectif était de renforcer avant tout la coopération en matière de lutte contre la criminalité entre la France et l’Algérie, et surtout de moderniser le cadre juridique bilatéral concernant les extraditions. La dernière convention datait de 1964.

Vous avez su souligner un point important : le souci de la France d’inscrire comme motif de refus d’extradition le risque pour la personne faisant l’objet de la demande d’encourir la peine capitale, abolie en France mais qui est toujours présente dans le droit interne algérien.

Un aspect mériterait d’être approfondi au-delà de cette convention : la coopération économique et culturelle entre la France et l’Algérie. Nous savons tous que les liens qui unissent nos deux pays sont très forts, notamment dans le domaine économique et culturel.

M. Jacques Maire, rapporteur. Monsieur Laabid, je crois qu’il est juste de faire référence aujourd’hui au rapport de Benjamin Stora. Nous avons, avec l’Algérie, une relation humaine extrêmement dense, mais une relation politique qui s’apparente plus à des « montagnes russes », qui est dictée par l’émotion et par l’absence d’un regard partagé sur notre passé.

Ceci rend effectivement très difficile la négociation de tout texte, dès l’instant qu’il touche à la souveraineté de part et d’autre. Dans le cadre de négociations concernant les vestiges du passé colonial en matière de financement d’assurances et de secteurs financiers, j’ai moi-même pu être acteur de cette diplomatie parfois complexe.

Nous partageons en ce moment même cette interrogation sur le pari que fait l’Algérie sur sa rénovation démocratique. La proposition de nouvelle Constitution soumise à référendum donne probablement beaucoup de garanties sur les intentions, mais tout reste néanmoins une affaire d’interprétation et d’exécution.

Dans le cadre du Conseil de l’Europe, je suis rapporteur d’une mission sur le fait de savoir si l’Algérie souhaite être partie prenante des « Partenaires pour la démocratie » du Conseil de l’Europe. Cela aurait comme conséquence très importante la ratification par l’Algérie d’un très grand nombre de conventions du Conseil de l’Europe, notamment dans le domaine des libertés et de la justice. Nous sentons un appétit de principe fort, puisque cela donnerait une visibilité multilatérale forte à l’Algérie, qui a par ailleurs adhéré à la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) il y a quelques mois. Donc il y a bel et bien cette volonté d’aller vers l’extérieur, mais l’Algérie est-elle prête à accepter le regard d’une autorité internationale sur son propre mode de fonctionnement dans un pays aussi soucieux de sa souveraineté, ce que nous pouvons comprendre ? C’est un sujet qui pose problème. 

La rationalisation du regard sur notre histoire commune est un élément fondamental qui me permet effectivement d’aborder à cette occasion la question de la peine de mort. Aujourd’hui, vous l’avez tous souligné, c’est un point limitant pour la coopération, non pas dans la pratique mais par le fait que la peine de mort puisse se rappeler au souvenir de cet État dont on connait les difficultés sécuritaires. La formulation qui est proposée dans la convention est à la fois conforme aux conventions signées avec beaucoup de nos partenaires et conforme à la jurisprudence du Conseil d’État. À ce titre, je pense que nous avons, sur un plan pragmatique et pratique, le maximum de garanties possibles, à droit constant en Algérie.

Concernant le terrorisme, évidemment cette convention sur l’extradition, de même que la convention sur l’entraide pénale, traitent du terrorisme. Pour autant, le sujet du terrorisme n’est pas extrêmement présent. Dans le passé, nous ne comptons que quelques demandes d’extraditions exprimées par la France concernant des actes de terrorisme. Le nombre n’est pas nul et est non négligeable, mais il faut tout de même relever qu’il est faible.

Sur la période 2014 à 2019, la France a reçu trente demandes d’extradition de la part des autorités algériennes. Elle a remis cinq personnes, avec la possibilité d’une sixième. Quatorze dossiers restent ouverts car les individus ne sont pas localisés ou que les demandes sont toujours en cours. En sens inverse, huit demandes françaises en direction de l’Algérie ont permis la remise de trois personnes à nos autorités judiciaires. Les flux ne sont donc pas négligeables mais les demandes mettent un temps important à se concrétiser.

Je veux aussi évoquer en quelques mots la question des mineurs non accompagnés. D’abord, les mineurs non accompagnés provenant d’Algérie représentent environ 3 % des mineurs non accompagnés aujourd’hui en France. Donc quantitativement, même si le sujet prend de l’importance, la proportion algérienne n’est pas déterminante. De plus, nous ne sommes généralement pas dans le domaine de la coopération pénale ou même de l’extradition. Un mineur non accompagné n’est pas condamné ou susceptible d’être poursuivi pour un an de prison et l’extradition d’un mineur non accompagné parce qu’il serait en situation illégale en France n’est pas requise par l’Algérie. En revanche, il y a un sujet social extrêmement important sur lequel la coopération des autorités algériennes sur un plan administratif serait positive.

S’agissant du dernier point relatif aux coopérations culturelles et économiques, nous sommes le premier investisseur (hors hydrocarbures) et le premier employeur étranger en Algérie. L’Algérie est également le troisième débouché pour les exportations françaises hors OCDE, donc un marché considérable pour la France et qui s’est fortement accru au cours des dernières années. Mais c’est un marché qui reste vulnérable et dépendant des cours des produits hydrocarbures.

Sur le plan de la coopération culturelle, après les dix années noires, nous avons redéployé nos instruments avec cinq Instituts culturels et une remontée en puissance du lycée français et de l’école française. Nous avons connu une sorte de retour culturel. Ceci étant, la question de la francophonie est un combat difficile dans ce pays, compte tenu notamment d’un projet d’arabisation de l’enseignement, qui constitue un projet politique fort, mais qui a dégradé le niveau scolaire en général, ce que je dis sans aucune volonté impérialiste ou néo-colonialiste vis-à-vis de l’Algérie.

La coopération sur le terrorisme et sur la sécurité est traditionnellement l’un des points forts de la relation bilatérale entre nos deux pays car nous connaissons des enjeux partagés qui nous unissent. L’Algérie a vécu, en avance par rapport au « Printemps arabes », un terrorisme très important. Nos relations bilatérales sur ce sujet bénéficient également d’un ministre de l’Intérieur français qui se rend fréquemment en Algérie, et il existe de nombreux contacts entre nos ministres et avec les préfets. Tout ceci se couple à une coopération des services de renseignement.

Nous pouvons dire que cette coopération fonctionne malgré le bémol que constitue la question du Sahel. Les pays du Sahel sont l’arrière-cour des pays du Maghreb, et notamment de l’Algérie, qui a su utiliser les différences ethniques ou régionales pour assurer son contrôle sur la région en permanence. L’Algérie n’est pas suffisamment impliquée pour assurer la sécurité en Lybie, au Mali et plus généralement dans la région. Elle reste cependant garante des accords d’Alger qui ont vocation à réunir le Mali autour d’une gouvernance partagée et pluraliste. Ces accords ont été mis en œuvre à hauteur de 20 %, ce qui est très insuffisant et il faudrait compter sur une implication plus forte de l’Algérie pour en permettre une plus forte réalisation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 2487.

 

 


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   Texte adopté par la commission

 

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, signée à Alger le 27 janvier 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 


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   Annexe : liste des personnes auditionnées
par le rapporteur

 

   M. Alexandre Basbous, rédacteur Algérie à la direction de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ;

   Mme Lou Brenez, rédactrice à la mission des accords et traités de la direction des affaires juridiques.

   Mme Bertille Dourthe, rédactrice, magistrate au bureau de la législation pénale générale de la direction des affaires criminelles et des grâces.

   M. Abderrazak Boudjelti, président.


([1]) À titre d’illustration, les pourvois en cassation devant la chambre des délits et des contraventions, qui représentent plus de la moitié des pourvois, sont jugés dans des délais pouvant atteindre 4 à 5 ans.

([2]) Entre le 1er janvier et le 30 novembre 2019, 10 633 ressortissants algériens ont acquis la nationalité française.

([3]) Parmi ces cinquante détenus, vingt-six le sont pour des infractions à la législation sur les produits stupéfiants, quinze pour des infractions de droit commun, un pour délit sexuel, et huit pour un délit dont la nature n’est pas connue.  

([4])  Sira Sylla, rapport (n° 109) sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, juillet 2017.

([5]) Ces stipulations sont relatives aux décisions juridictionnelles contentieuses et gracieuses rendues en matière civile et commerciale, aux sentences arbitrales, aux actes authentiques et aux hypothèques terrestres conventionnelles.