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N° 3870

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
 

visant à modifier le régime indemnitaire des membres
du Conseil constitutionnel ( 3720)

PAR Mme Cécile UNTERMAIER

Députée

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Voir les numéros : 3720

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS...................................................... 5

I. La nécessité de clarifier et de sécuriser le cadre juridique fixant le régime de rémunération des membres du conseil constitutionnel

A. Une rémunération actuelle en contradiction avec les règles organiques applicables

B. La compétence exclusive du législateur organique afin de déterminer le régime de rémunération

II. L’encadrement souhaitable du cumul de la rémunération et des pensions de retraite perçues par les membres du conseil constitutionnel

A. Le projet d’écretement présenté par le gouvernement en 2020 dans le cadre de la réforme des retraites

B. Une évolution légitime qui ne peut nuire au renouvellement attendu de la composition du conseil constitutionnel

Examen des articles

Article 1er (art. 6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel) Rémunération des membres du Conseil constitutionnel et encadrement de son cumul avec les pensions de retraite perçues

Article 2 Entrée en vigueur différée

Compte rendu des débats

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi organique déposée par le groupe Socialistes et apparentés visant à modifier le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel s’inscrit dans le prolongement de plusieurs initiatives législatives récentes, d’origine parlementaire ou gouvernementale.

Elle vise, d’une part, à clarifier et à sécuriser juridiquement le régime de rémunération des membres du Conseil constitutionnel et, d’autre part, à encadrer le cumul de leur rémunération avec les éventuelles pensions de retraite qu’ils perçoivent, grâce à la mise en place d’un dispositif d’écrêtement. Ces deux objectifs nécessitent de modifier l’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958, qui constitue le fondement juridique de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel.

Cette proposition de loi organique représente la traduction législative d’une enquête de plus deux ans accomplie par l’Observatoire de l’éthique publique présidé par notre ancien collègue René Dosière. Conduites par la maîtresse de conférences en droit public Elina Lemaire, ces investigations ont révélé que la rémunération actuelle des membres du Conseil constitutionnel, qui s’élève à environ 15 000 euros bruts mensuels à ce jour ([1]), ne respecte pas les règles de rémunération fixées par l’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958. En effet, celui-ci prévoit que « le président et les membres du Conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l'Etat classés hors échelle. » Concrètement, ces montants s’élèvent respectivement à 7 000 et à 6 500 euros bruts mensuels. En l’état du droit actuel, l’article 6 de l’ordonnance ne renvoie donc pas au pouvoir règlementaire le soin de prévoir une indemnité complémentaire définie par décret.

La différence de près de 8 500 euros entre ce que prévoit l’ordonnance organique et la réalité de la rémunération s’explique par une lettre, qui n’a jamais été publiée, signée par la secrétaire d’État au Budget en date du 16 mars 2001. Afin de compenser l’assujettissement de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel à l’impôt sur le revenu, une indemnité de « compensation » a ainsi été versée aux membres, en dehors de toute base légale ou règlementaire, méconnaissant l’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958.

Sur le plan juridique, cette situation présente une irrégularité manifeste. Aucune disposition n’autorise en effet le Gouvernement à verser, sans en être habilité par la Constitution ou le législateur organique, une indemnité « secrète » dont le montant se révèle finalement supérieur au montant de la rémunération dûment prévue par les textes en vigueur. Seul le législateur organique, c’est-à-dire le Parlement, est habilité à définir les conditions de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel, conformément à l’article 63 de la Constitution qui prévoit que la loi organique détermine les conditions d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel.

Sur le plan politique, ces pratiques marquées sous le sceau de l’opacité et du refus de la transparence apparaissent injustifiables, alors même que l’article 95 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, issu d’un amendement parlementaire, prévoit la publication d’un rapport annuel du Gouvernement afin de préciser le montant des rémunérations des membres du Conseil constitutionnel.

L’objet de cette proposition de loi organique ne consiste pas à diminuer le montant de la rémunération réellement perçue par les membres actuels, dont le niveau garantit pleinement leur indépendance. Ce montant est d’autant plus justifié par le degré d’expertise requis et la charge d’activité croissante depuis l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité en 2010. À titre de comparaison, il apparaît même légèrement inférieur à celui que perçoivent la plupart des juges constitutionnels en Europe ou aux États-Unis.

Cependant, il convient de fixer directement dans la loi organique un régime de rémunération exhaustif et précis, dans le but de mettre fin à l’illégalité actuelle qui procède d’une indemnité « complémentaire » de 8 500 euros versée en application d’une lettre gouvernementale ne reposant sur aucune base juridique, à la seule discrétion du Gouvernement. En outre, cette proposition de loi organique vise à rendre applicable aux membres du Conseil constitutionnel le régime d’encadrement du cumul de rémunération avec leur pension de retraite qu’avait souhaité mettre en œuvre le Gouvernement à l’article 4 du projet de loi organique de réforme des retraites adopté par l’Assemblée nationale en mars 2020.

Cet encadrement, déjà applicable aux présidents des autorités administratives et publiques indépendantes, écrête le montant d’une partie de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel à hauteur des pensions de retraite qu’ils perçoivent. L’encadrement de ce cumul est à la fois légitime, nécessaire et raisonnable.

La rédaction initiale de cette proposition de loi organique a été modifiée par plusieurs amendements de votre rapporteure adoptés par la Commission. Il s’agit de distinguer explicitement le montant de la rémunération correspondant au traitement de celui afférent à la part indemnitaire. Les modalités de calcul de cette part indemnitaire ont également été précisées, grâce à l’application d’un coefficient multiplicateur. Ainsi, la modification proposée de l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 garantit une rémunération stable, déterminée de façon claire et exhaustive, et qui correspond, à quelques dizaines d’euros près, au montant de la rémunération mensuelle brute globale actuellement perçue par les membres, soit 15 000 euros. La réduction à due concurrence des montants des pensions de retraite perçues par les membres s’appliquera ainsi sur la seule part indemnitaire.

Adoptée à l’unanimité par la commission des Lois, cette proposition de loi organique témoigne d’un large consensus politique dont votre rapporteure se félicite. Ce consensus permet ainsi d’atteindre un point d’équilibre satisfaisant aussi bien l’exigence légitime de transparence que le besoin impérieux de garantir, dans l’ordonnance organique, des conditions de rémunération qui préservent l’indépendance des membres du Conseil constitutionnel.

 

 

 


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I.   La nécessité de clarifier et de sécuriser le cadre juridique fixant le régime de rémunération des membres du conseil constitutionnel

À la suite de l’enquête menée par l’Observatoire de l’éthique publique depuis 2018 ([2]), il apparaît que la rémunération perçue par les membres du Conseil constitutionnel méconnait les règles prévues par l’article 6 de l’ordonnance n°  58- 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Conformément à la mission que lui attribue la Constitution, il appartient donc au législateur organique de remédier à cette difficulté juridique en clarifiant le régime de rémunération des membres du Conseil constitutionnel, dans le respect de son indépendance.

A.   Une rémunération actuelle en contradiction avec les règles organiques applicables

L’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 détermine le cadre de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel :

Article 6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958

Le président et les membres du Conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l'État classés hors échelle.

Le régime de rémunération s’appuie donc sur ce seul fondement juridique, le pouvoir règlementaire n’ayant pas été habilité par le législateur organique à préciser les éventuels compléments, modalités d’application ou montants afférents à l’indemnité perçue par les membres du Conseil constitutionnel.

La référence aux « traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle » présente une double signification. D’une part, elle établit une distinction entre le président et les autres membres du Conseil constitutionnel ([3]), le premier bénéficiant d’une indemnité égale au traitement correspondant à la première catégorie supérieure des emplois de l’État classés hors échelle, la rémunération des seconds relevant ainsi de la deuxième catégorie. D’autre part, elle correspond au régime de rémunération applicable au vice-président et aux présidents de section du Conseil d’État, ce qui constitue une base de calcul relativement cohérente eu égard à la nature juridictionnelle des missions dévolues au Conseil constitutionnel.

Concrètement, le montant de leur traitement, indépendamment des indemnités qu’ils perçoivent, s’élève respectivement à près de 7 000 euros bruts mensuels et 6 500 euros bruts mensuels.

Par analogie, l’indemnité mentionnée à l’article 6 de l’ordonnance organique doit donc correspondre aux deux montants précités, soit 7 000 euros bruts mensuels pour le président et 6 500 euros bruts mensuels pour les autres membres.

En réalité, la rémunération versée aux membres du Conseil constitutionnel s’avère plus de deux fois supérieure à ces montants, comme le révèle le bulletin de paie de l’un des membres communiqués par le Conseil constitutionnel à la demande de notre collègue Christophe Naegelen, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 :

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Si le montant brut mensuel de 6 415,17 euros indiqué à la rubrique « Traitement Brut » correspond effectivement au montant du traitement brut mensuel afférent à la deuxième catégorie supérieure des emplois de l’État classé hors échelle, le montant total des indemnités (« Indemnité de Résidence » et « Indemnités ») atteint 8 584,11 euros, ce qui aboutit à une rémunération brute mensuelle globale de près 14 999,28 euros, soit 13 697,49 euros nets.

Selon les éléments communiqués à votre rapporteure par le secrétaire général du Conseil constitutionnel lors de son audition, le montant de la rémunération nette mensuelle du président s’élève à 15 039 euros nets.

Votre rapporteure considère que ces niveaux de rémunération sont justifiés, eu égard à l’importante charge de travail qui pèse sur l’institution, notamment depuis la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité le 1er mars 2010, aux exigences de compétence et d’expertise que requiert l’exercice de ces missions et à l’extension, nécessaire, des incompatibilités professionnelles auxquelles sont désormais assujettis ses membres. Le montant de ces rémunérations apparaît même sensiblement inférieur à la moyenne de celles perçues par les juges constitutionnels de plusieurs États comparables à la France ([4]).

Si le montant global de ces rémunérations n’appelle pas de remarque particulière, leur assise juridique présente une difficulté majeure, révélant l’opacité qui entoure le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel depuis 1960.

En effet, entre 1960 et 2001, les membres du Conseil constitutionnel ont bénéficié d’un régime fiscal dérogatoire sur le fondement d’une décision du secrétaire d’État aux finances par laquelle seule la moitié de leur indemnité était soumise à l’impôt sur le revenu. À la demande du président du Conseil constitutionnel lui-même, une lettre du 16 mars 2001 signée par la secrétaire d’État au Budget a mis fin à l’abattement forfaitaire octroyé en 1960. Par compensation, la rémunération des membres a été complétée par une « indemnité » dont le montant représente en 2020 près de 57 % de leur rémunération globale.

Les informations portées à la connaissance du public s’agissant de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel sont le fruit d’investigations longues et difficiles. Leur publication a longtemps été refusée par le Conseil constitutionnel, en dépit de décisions prononcées par la commission d’accès aux documents administratifs faisant droit aux demandes formulées par plusieurs requérants. De même, les réponses ministérielles apportées aux questions écrites posées par votre rapporteure et plusieurs de ses collègues ([5]) n’ont jamais permis de déterminer le montant exact des rémunérations, se contentant simplement de rappeler les termes de l’article 6 de l’ordonnance organique et le montant global des crédits budgétaires dévolus annuellement au Conseil constitutionnel.

Si elle a heureusement pris fin en 2020, cette absence de transparence souligne implicitement l’indiscutable fragilité juridique qui caractérise le régime actuel de rémunération.

Le volet indemnitaire résultant de la lettre gouvernementale du 16 mars 2001 et dont le montant figure sur le bulletin de paie de septembre 2020 ne s’appuie sur aucun fondement juridique. Il méconnait doublement les termes de l’article 6 de l’ordonnance : d’une part, l’indemnité versée aux membres doit se fonder exclusivement sur le montant des traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle, soit 7 000 et 6 500 euros bruts mensuels, et d’autre part, seul le législateur organique est compétent afin de déterminer le régime de rémunération des membres du Conseil constitutionnel, le Gouvernement n’ayant, en l’état du droit, aucune compétence à exercer en la matière.

Au cours des auditions qu’elle a conduites, les arguments opposés à votre rapporteure afin de justifier la légalité du régime actuel opèrent systématiquement une confusion, probablement volontaire, entre le « traitement » du vice-président et des présidents de section du Conseil d’État sur la base desquels est calculée l’indemnité perçue par les membres du Conseil constitutionnel et leur « rémunération », laquelle comprend naturellement un volet indemnitaire auquel l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne fait aucunement référence.

Cette confusion permet de justifier l’analogie entre le montant global de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel, soit environ 15 000 euros bruts mensuels, et celui des présidents de sections du Conseil d’État, ce que confirme la réponse ministérielle du 21 mai 2019 à la question écrite n° 17892 posée par votre rapporteure :

« Le traitement pris en compte pour le calcul de l’indemnité versée au président et aux membres du Conseil constitutionnel est en conséquence fixé par analogie avec la rémunération du vice-président et des présidents de section au Conseil d’État. »

Au surplus, la lettre précitée du 16 mars 2001 fait apparaître que le Gouvernement et le Conseil constitutionnel considèrent que le montant de la rémunération découlant de l’article 6 ne saurait correspondre à la totalité de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel.

Ayant pris conscience de cette difficulté, le Gouvernement a souhaité sécuriser le cadre juridique applicable en modifiant l’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 lors de l’examen du projet de loi organique instaurant un système universel de retraite. Son étude d’impact admet explicitement l’objectif que vise l’article 4 du projet de loi organique : « il clarifie les dispositions relatives à la rémunération du président et des membres du Conseil constitutionnel en distinguant une rémunération et une indemnité de fonction. » ([6])

La volonté d’inscrire l’indemnité de fonction à l’échelle organique, en complément de la rémunération versée sur la base du traitement du vice-président et des présidents de section du Conseil d’État, révèle l’illégalité du régime actuel de rémunération. La présente proposition de loi organique a ainsi pour but de permettre au Parlement d’assumer pleinement ses missions, conformément aux règles constitutionnelles.

B.   La compétence exclusive du législateur organique afin de déterminer le régime de rémunération

L’article 63 de la Constitution prévoit qu’une loi organique détermine les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel. Comme précédemment analysé, l’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 fixe le cadre juridique du régime de rémunération. Au-delà de son caractère illégal, sinon inconstitutionnel ([7]), la lettre ministérielle du 16 mars 2001 représente également une violation manifeste de la séparation des pouvoirs. Sur le fondement de l’article XVI de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel interprète ce principe de façon très stricte, considérant par exemple que le Parlement n’est pas compétent pour déterminer la rémunération du Président de la République ([8]), en l’absence de disposition constitutionnelle lui conférant une telle prérogative.

Si l’assimilation de la séparation des pouvoirs à une « indépendance absolue des pouvoirs » ([9]) s’oppose à ce que l’exécutif détermine de façon discrétionnaire la rémunération des membres du Conseil constitutionnel, votre rapporteure estime que cette interprétation jurisprudentielle ne fait pas obstacle à ce que le législateur organique détermine lui-même, et lui seul, le régime de rémunération de ces derniers, sa compétence en la matière ayant été pleinement consacrée par l’article 63 de la Constitution.

En outre, la portée de l’article 63 est appréciée de façon singulièrement large par le Conseil d’État dont la jurisprudence admet par exemple que le régime des archives du Conseil constitutionnel, indissociable des conditions dans lesquelles le Conseil exerce ses missions, relève du domaine de la loi organique ([10]). Dans cette perspective, le régime de rémunération de ses membres relève également des règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil régies par la loi organique.

En application de l’article 61 de la Constitution, l’intervention du législateur organique prévue par l’article 63 implique nécessairement le contrôle par le Conseil constitutionnel de la constitutionnalité des dispositions organiques adoptées par le Parlement. Le Conseil constitutionnel pourra donc vérifier, et le cas échéant censurer, les dispositions organiques méconnaissant les principes constitutionnels dont il doit le garantir le respect. Parmi ces principes consacrés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel figure notamment la préservation de son autonomie financière ([11]) et de son indépendance ([12]).

À ce jour, le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à se prononcer sur les règles de rémunération de ses membres ([13]). Le législateur organique ne doit pas craindre le contrôle du Conseil constitutionnel : au contraire, il lui revient de définir les règles de rémunération de ses membres afin de garantir de façon optimale leur indépendance. Ancrer la définition précise de la rémunération dans l’ordonnance organique permet à la fois de garantir le contrôle systématique du Parlement en la matière mais aussi de sanctuariser le montant de la rémunération, celle-ci ne pouvant varier qu’avec la seule variation du point d’indice de la fonction publique, et non à la discrétion, comme c’est partiellement le cas aujourd’hui, du pouvoir règlementaire.

II.   L’encadrement souhaitable du cumul de la rémunération et des pensions de retraite perçues par les membres du conseil constitutionnel

En l’état du droit, les membres du Conseil constitutionnel qui perçoivent une pension de retraite peuvent bénéficier d’un cumul intégral de celle-ci avec leur rémunération. La proposition de loi organique vise à encadrer strictement ce cumul, conformément à la volonté exprimée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi organique de réforme des retraites en mars 2020.

A.   Le projet d’écretement présenté par le gouvernement en 2020 dans le cadre de la réforme des retraites

Le 3° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale et le 3° du I de l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite autorisent, par dérogation aux règles de droit commun, le cumul intégral d’une pension de retraite et d’une rémunération tirée d’une activité juridictionnelle ou assimilée. Ainsi, les membres du Conseil constitutionnel bénéficient d’un tel cumul intégral, en l’absence de dispositions contraires prévues par l’ordonnance organique du 7 novembre 1958.

Cette situation suscite des critiques légitimes. Premièrement, si les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas les seuls à bénéficier de la dérogation susmentionnée ([14]), le cumul intégral aboutit à des revenus globaux de plusieurs dizaines de milliers d’euros bruts mensuels, ce qui représente des sommes particulièrement conséquentes. Des initiatives parlementaires transpartisanes ont récemment été mises en œuvre afin de mettre un terme à ces pratiques que rien ne peut véritablement justifier ([15]).

Deuxièmement, le récent encadrement du cumul du montant des rémunérations et des pensions de retraite applicables aux membres des autorités administratives et publiques indépendantes (AAI et API), dont la rémunération est pourtant en moyenne nettement inférieure à celle des membres du Conseil constitutionnel, a enclenché une dynamique qu’il convient de poursuivre et d’amplifier.

Sur le fondement de l’article 95 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, l’article 5 du décret n° 2020-173 du 27 février 2020 a ainsi mis en place un dispositif d’écrêtement de l’indemnité perçue par les membres des AAI et des API :

Décret n° 2020-173 du 27 février 2020 relatif aux modalités de rémunération des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes 

Article 4

Lorsque les membres d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante sont titulaires d'une ou de plusieurs pensions de retraite de droit direct, le montant de l'indemnité de fonction prévue à l'article 2 est réduit à due concurrence du montant de la ou des pensions perçues chaque année.

Cette évolution règlementaire a inspiré la rédaction initiale de l’article 4 du projet de loi organique de réforme des retraites présenté par le Gouvernement en janvier 2020. Nécessitant de modifier l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, l’écrêtement du montant de l’indemnité des membres du Conseil constitutionnel à hauteur du montant des pensions de retraite qu’ils perçoivent a été envisagé selon une logique identique :

Projet de loi organique de réforme des retraites déposé par le Gouvernement sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2020

Article 4, alinéa 2

Lorsque le président ou un autre membre est titulaire d’une ou plusieurs pensions de retraite de droit direct, le montant de l’indemnité de fonction est réduit chaque année à due concurrence du montant des pensions perçues.

Adopté par l’Assemblée nationale le 5 mars 2020 ([16]), le projet de loi organique n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat du fait de la crise sanitaire lié à la pandémie de covid-19. La réforme est donc actuellement suspendue, aucun autre texte législatif organique n’ayant été déposé à ce jour afin de la mener à bien en 2021.

La présente proposition de loi organique, dans le prolongement des travaux parlementaires menés en 2020, constitue par conséquent une réelle opportunité afin de mettre en œuvre l’encadrement du cumul du montant de la rémunération et des pensions de retraite perçues par les membres du Conseil constitutionnel. Il s’agit de concrétiser l’objectif que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont souhaité atteindre l’année dernière, en s’appuyant sur un large consensus politique.

B.   Une évolution légitime qui ne peut nuire au renouvellement attendu de la composition du conseil constitutionnel

Au-delà du bien-fondé de cette évolution et des économies budgétaires, nécessairement résiduelles, qu’elle engendrerait, le strict encadrement du cumul pourrait avoir un impact, certes indirect mais positif, sur la composition du Conseil constitutionnel.

Votre rapporteure considère en effet que la mise en place d’un tel écrêtement relativiserait partiellement « l’attractivité » du Conseil constitutionnel à l’égard de certaines personnes dont la nomination comme membre est envisagée par le Président de la République et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. La limitation du cumul du montant de la rémunération et des pensions de retraite ne concernerait par nature que les membres percevant déjà une ou plusieurs pensions. Elle serait donc sans incidence sur la rémunération des membres n’ayant pas encore atteint l’âge auquel la liquidation des droits à pension est autorisée.

Ainsi, cette réforme peut favoriser un renouvellement de la composition du Conseil constitutionnel afin d’intégrer en son sein davantage de juristes hautement qualifiés encore en exercice ([17]).

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*     *

 


Examen des articles

Article 1er
(art. 6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel)
Rémunération des membres du Conseil constitutionnel et encadrement de son cumul avec les pensions de retraite perçues

       Résumé du dispositif et effets principaux

Dans sa rédaction initiale, le présent article tend, d’une part, à préciser que la rémunération des membres du Conseil constitutionnel correspond au traitement brut mensuel des ministres complétée le cas échéant par une indemnité de résidence, et d’autre part, à écrêter le montant de leur indemnité de fonction à due concurrence du montant des pensions de retraite de droit direct qu’ils perçoivent.

       Dernières modifications législatives intervenues

Par coordination avec le renforcement du régime des incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Conseil constitutionnel, la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a supprimé le second alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sur le fondement duquel le montant des indemnités perçues par les membres est réduit de moitié dès lors qu’ils exercent une activité compatible avec leur fonction.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté deux amendements tendant à préciser que la rémunération des membres du Conseil constitutionnel se compose d’une somme équivalente aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle, complétée par une indemnité dont le montant est plafonné selon un coefficient multiplicateur.

1.   L’état du droit

a.   Le régime actuel de rémunération des membres du Conseil constitutionnel

L’article 6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 énonce que le président et les autres membres du Conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle. La base de calcul de l’indemnité précitée correspond au montant du traitement versé, d’une part, au vice-président du Conseil d’État, et d’autre part, à celui des présidents de sections du Conseil d’État.

Selon la grille indiciaire de la fonction publique de l’État et compte tenu de la valeur actuelle du point d’indice ([18]), la première catégorie supérieure correspond au traitement « hors échelle G » dont le montant s’élève à environ 7 000 euros bruts mensuels. La deuxième catégorie supérieure correspond au traitement « hors échelle F » dont le montant avoisine 6 500 euros bruts mensuels.

L’article 6 ne mentionne aucune autre indemnité ou complément de rémunération susceptible d’être perçu par le président et les autres membres du Conseil constitutionnel. Le champ de leur rémunération est donc précisément circonscrit par le cadre organique, le pouvoir règlementaire n’étant pas habilité à en déterminer directement les caractéristiques ni le montant.

À titre de comparaison, cette stricte délimitation diffère du régime de rémunération applicable aux membres du Conseil économique social et environnemental (CESE) pour lesquels l’article 22 de l’ordonnance n° 1958-1360 du 29 décembre 1958 prévoit que le montant de leur rémunération et de l’ensemble de leurs indemnités est fixé par décret. Au demeurant, comme l’ont rappelé les professeurs de droit public auditionnés par votre rapporteure, l’habilitation du pouvoir règlementaire par le législateur organique de 1958 à définir ou préciser les modalités d’application de certaines dispositions de l’ordonnance soulève une interrogation quant à leur constitutionnalité.

Au regard des informations disponibles et en l’absence de tout fondement organique, la rémunération brute mensuelle du président et des membres du Conseil constitutionnel – respectivement fixée à environ 7 000 euros et 6 500 euros conformément au montant du traitement dont bénéficient le vice-président et les présidents de sections du Conseil d’État – est complétée par un volet indemnitaire ([19]) dont le montant brut mensuel, s’agissant des membres autres que le président, s’élève à environ 8 584,11 euros ([20]) selon les éléments communiqués par le Conseil constitutionnel au rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. La composition de la rémunération versée aux président et membres se présente donc comme suit :

 

  

Montant de l’indemnité brute mensuelle correspondant au traitement des deux premières catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle

Montant des indemnités « complémentaires » brutes mensuelles

 

 

Montant total de la rémunération brute mensuelle

Président

7 000,00 €

9 500,00 €

16 500,00 € ([21])

Autres membres

6 415,00 €

8 584,11 €

14 999,28 €

Le montant total de la rémunération brute mensuelle excède donc d’environ 9 500 euros, s’agissant du président, et de 8 500 euros, s’agissant des autres membres, le montant de la rémunération telle que déterminée par l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

b.   Le cumul intégral de la rémunération avec les pensions de retraite

Dans sa rédaction actuelle, l’article 6 n’apporte aucune précision sur la question du cumul de la rémunération avec d’éventuelles pensions de retraite. Leur cumul intégral est explicitement autorisé par le droit applicable sur le fondement du 3° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale et du 3° du I de l’article L.  86 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Ces dispositions permettent, à titre dérogatoire ([22]), de cumuler intégralement les revenus tirés de la participation à des activités juridictionnelles ou assimilées avec une pension de retraite, quel que soit le régime de pension auquel le bénéficiaire est assujetti.

Ainsi, la nature même des fonctions qu’exercent le président et les autres membres du Conseil constitutionnel leur permet le cas échéant ([23]) de cumuler intégralement le montant des pensions de retraite qu’ils perçoivent avec leur rémunération en application des dispositions susmentionnées.

2.   La proposition de loi organique

Dans sa rédaction initiale, l’article 1er de la proposition de loi organique présente un double objet. Premièrement, il prévoit que la rémunération du président et des autres membres du Conseil constitutionnel correspond au traitement brut mensuel des ministres complétée le cas échéant par une indemnité de résidence. Le décret n° 2012-983 du 23 août 2012 détermine les règles de calcul de la rémunération des membres du Gouvernement :

Décret n° 2012-983 du 23 août 2012 relatif au traitement du Président de la République et des membres du Gouvernement

Article 1er

Le Président de la République et les membres du Gouvernement reçoivent un traitement brut mensuel calculé par référence au traitement des fonctionnaires occupant les emplois de l'État classés dans la catégorie dite « hors échelle ». Il est au plus égal au double de la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé de cette catégorie.
Ce traitement est complété par une indemnité de résidence égale à 3 % de son montant et par une indemnité de fonction égale à 25 % de la somme du traitement brut et de l'indemnité de résidence.

Article 3

Le traitement brut mensuel, l'indemnité de résidence et l'indemnité de fonction du Président de la République et du Premier ministre sont égaux aux montants les plus élevés définis à l'article 1er ci-dessus majorés de 5 %.

Article 4

Le présent décret s’applique aux autorités investies à compter du 15 mai 2012, à partir de leur prise de fonctions.

En application de ce barème, leur rémunération brute mensuelle s’élève actuellement à près de 10 000 euros. L’indexation de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel sur celle des membres du Gouvernement aboutirait ainsi à diminuer d’un tiers ([24]) le montant actuel de leur rémunération.

Deuxièmement, le présent article met en place un dispositif d’écrêtement du montant de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel. Ce montant serait alors réduit à due concurrence du montant des pensions de retraite de droit direct perçues par les membres. Concrètement, dans l’hypothèse où leur montant excèderait 10 000 euros, la rémunération versée aux membres du Conseil constitutionnel serait nulle, sans préjudice du montant versé au titre de l’indemnité de résidence ([25]).

Ce dispositif s’inspire de l’encadrement du cumul de la rémunération et des pensions de retraite prévu par l’article 4 du décret n° 2020-173 du 27 février 2020 relatif aux modalités de rémunération des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ([26]). Il correspond également au choix opéré par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi organique de réforme des retraites adopté par l’Assemblée le 5 mars 2020, dont l’article 4, dans sa rédaction initiale, instaurait un système similaire d’écrêtement applicable aux membres du Conseil constitutionnel ([27]).

3.   La position de la Commission

Outre un amendement rédactionnel, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure afin de clarifier le régime de rémunération du président et des autres membres du Conseil constitutionnel.

Premièrement, il conserve la base de calcul de la rémunération afférente aux deux premiers groupes supérieurs des emplois de l’État classés hors échelle, conformément à la rédaction actuelle de l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958. Au regard des missions juridictionnelles exercées par le Conseil constitutionnel, il apparaît cohérent de conserver la référence au traitement perçu par le vice-président et les présidents de section du Conseil d’État. Celle-ci s’avère en effet plus opportune que la référence au traitement des membres du Gouvernement dont le montant est directement fixé par le pouvoir règlementaire ([28]).

Deuxièmement, l’amendement adopté par la Commission précise que cette rémunération est complétée par une indemnité. Cette modification a pour objet de régulariser l’indemnité complémentaire actuellement perçue par les membres du Conseil constitutionnel qui procède, à ce jour, de la seule lettre de la secrétaire d’État au Budget du 16 mars 2001. Son inscription à l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 sécurise le cadre juridique applicable au versement de cette indemnité qui, en l’état du droit, ne repose donc sur aucune base légale ni règlementaire. Elle constitue également la part de la rémunération dont le montant sera réduit à due concurrence du montant des pensions de retraite susceptibles d’être perçues par les membres.

Troisièmement, afin de garantir le versement d’une indemnité d’un montant équivalent à celui des indemnités actuellement perçues par le président et les autres membres du Conseil constitutionnel en application de la lettre gouvernementale du 16 mars 2001, soit environ respectivement 9 500 euros et 8 500 euros bruts mensuels, l’amendement détermine les règles de calcul de l’indemnité complémentaire : pour le président, son montant est égal à 1,4 fois le montant du traitement afférent au premier groupe supérieur des emplois de l’État classés hors échelle et, pour les autres membres, son montant est égal à 1,35 fois le montant du traitement afférent au deuxième groupe supérieur des emplois de l’État classés hors échelle.

L’application de ces coefficients multiplicateurs s’inspire des modalités de calcul de la rémunération des ministres telles qu’elles résultent des dispositions du décret n° 2012-983 du 23 août 2012 relatif au traitement du Président de la République et des membres du Gouvernement.

L’ensemble des modifications apportées à l’article 1er permettent de garantir le versement d’une rémunération mensuelle brute globale équivalente, à quelques dizaines d’euros près, à ce que perçoivent aujourd’hui les membres du Conseil constitutionnel.

Conformément à l’objectif de la proposition de loi organique, l’article 1er modifié par la Commission vise à définir au seul niveau organique les règles applicables à l’ensemble de la rémunération perçue par les membres du Conseil constitutionnel, conformément à l’article 63 de la Constitution qui consacre la compétence du législateur organique pour déterminer les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel.

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Article 2
Entrée en vigueur différée

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit l’entrée en vigueur de la proposition de loi organique le 1er janvier 2022.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement tendant à rendre applicable le dispositif d’écrêtement prévu par l’article 1er aux seuls membres nommés à compter de la publication de la présente loi organique.

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Dans sa rédaction initiale, le présent article prévoit l’entrée en vigueur de la proposition de loi organique le 1er janvier 2022, ce qui la rend par conséquent applicable aux membres actuels du Conseil constitutionnel.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure afin de rendre applicable l’écrêtement de l’indemnité à due concurrence du montant des pensions de retraite perçues aux seuls membres nommés à compter de la date de publication de la présente loi organique. Les actuels membres du Conseil constitutionnel qui perçoivent une pension de retraite ne seraient donc pas assujettis à cet écrêtement.

En revanche, les règles afférentes à la composition de la rémunération des membres actuels du Conseil constitutionnel modifiées par l’article 1er de la présente loi organique ont vocation à s’appliquer dès l’entrée en vigueur de celle-ci.


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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 10 février 2021, la Commission examine la proposition de loi organique visant à modifier le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel (n° 3720) (Mme Cécile Untermaier, rapporteure).

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Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner trois textes que le groupe Socialistes et apparentés a choisi d’inscrire dans son temps parlementaire. Nous commençons par l’examen de la proposition de loi organique visant à modifier le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. La proposition de loi organique que nous examinons ce matin peut paraître technique, pour ne pas dire aride. Elle fait écho à plusieurs initiatives, d’origine parlementaire ou gouvernementale, qui ont occupé nos débats au cours de l’année 2020. Je pense par exemple à la proposition de loi déposée par notre collègue du groupe UDI Thierry Benoit mais aussi à l’article 4 du projet de loi organique de réforme des retraites adopté par notre assemblée il y a presque un an. Il s’agit donc d’un sujet qui mérite d’être traité avec la plus grande rigueur, car il charrie inévitablement son lot de fantasmes et d’idées reçues. À cet égard, je regrette l’esprit polémique qui a pu caractériser certains articles de presse sur ce sujet – je précise que je n’y suis pour rien. L’opacité qui a longtemps été entretenue sur cette question explique pour partie cela.

La proposition de loi organique que le groupe Socialistes et apparentés a inscrite à l’ordre du jour vise, d’une part, à clarifier et à sécuriser juridiquement le régime de rémunération des membres du Conseil constitutionnel, et, d’autre part, à encadrer le cumul de leur rémunération avec les éventuelles pensions de retraite qu’ils perçoivent, grâce à la mise en place d’un dispositif d’écrêtement. Ces deux objectifs nécessitent de modifier l’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958, qui constitue le fondement de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel.

S’il est nécessaire de clarifier et de sécuriser le régime de rémunération, c’est en raison d’une difficulté juridique majeure qui a été soulevée par l’Observatoire de l’éthique publique, présidé par notre ancien collègue René Dosière, à la suite d’une enquête menée par la maîtresse de conférences en droit public Elina Lemaire depuis plus de deux ans. Cette enquête a révélé que la rémunération actuelle des membres du Conseil constitutionnel, qui s’élève à environ 15 000 euros bruts mensuels, ne respecte pas les règles de rémunération fixées par l’article 6 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958.

En effet, l’article 6 prévoit que « le président et les membres du Conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle ». La référence aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle correspond aux traitements perçus par le vice-président et les présidents de section du Conseil d’État. Concrètement, ces montants s’élèvent respectivement à 7 000 et à 6 500 euros bruts mensuels.

En l’état actuel du droit, l’article 6 de l’ordonnance ne renvoie pas au pouvoir réglementaire le soin de définir, par décret, une indemnité complémentaire. Cela signifie que la rémunération totale du président et des autres membres du Conseil constitutionnel devrait s’élever à 7 000 et 6 500 euros. Les bulletins de paie des membres communiqués par le Conseil constitutionnel à notre collègue Christophe Naegelen dans le cadre de son rapport spécial « Pouvoirs publics » du PLF 2021 montrent que leur rémunération, comme je l’ai déjà indiqué, s’élève à 15 000 euros.

Cette différence de près de 8 500 euros résulte d’une lettre du 16 mars 2001 de la secrétaire d’État au budget, qui n’a jamais été publiée. Afin de compenser l’assujettissement de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel à l’impôt sur le revenu, intervenu en 2001, une indemnité de « compensation » a ainsi été versée aux membres, en dehors de toute base légale ou réglementaire, méconnaissant l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

Juridiquement, cette situation constitue une irrégularité manifeste. Rien n’autorise en effet le Gouvernement à verser, sans en être habilité par la Constitution ou le législateur organique, une indemnité « secrète » qui conduit à porter une rémunération à un niveau supérieur à celui prévu par les textes. Seul le législateur organique, c’est-à-dire le Parlement, est habilité à définir les conditions de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel, conformément à l’article 63 de la Constitution, aux termes duquel « une loi organique détermine les conditions d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel ».

Politiquement, comment peut-on encore justifier de telles pratiques, marquées du sceau de l’opacité et du refus de la transparence ?

Je précise d’emblée un point essentiel : l’objet de cette proposition de loi organique n’est absolument pas de diminuer le montant de la rémunération réellement perçue par les membres actuels. J’estime que la rémunération de 15 000 euros bruts mensuels permet de garantir pleinement leur indépendance et de les rétribuer à hauteur de leur niveau d’expertise et de leur charge d’activité, particulièrement élevée depuis l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2010. J’ajoute que cette rémunération est conforme à celle que l’on observe dans d’autres États, voire parfois inférieure à celle pratiquée dans plusieurs États de l’Union européenne.

Cependant, je considère que la situation actuelle n’est pas tolérable. Il convient de fixer directement dans la loi organique un régime de rémunération exhaustif et précis, pour mettre fin à l’illégalité de l’indemnité « complémentaire » de 8 500 euros, versée en application d’une lettre gouvernementale sans aucune base juridique, à la seule discrétion du Gouvernement.

Ensuite, et c’est le second volet de la proposition de loi organique, j’estime qu’il est nécessaire d’appliquer aux membres du Conseil constitutionnel le régime d’encadrement du cumul de leur rémunération et de leur pension de retraite que le Gouvernement a souhaité introduire à l’article 4 du projet de loi organique de relatif au système universel de retraite.

Cet encadrement, déjà applicable aux présidents des autorités administratives et publiques indépendantes, vise à déduire du montant de l’indemnité de fonction des membres du Conseil le montant des pensions de retraite qu’ils perçoivent. Il convient d’inscrire cet encadrement légitime, nécessaire et raisonnable à l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, comme le prévoit la proposition de loi organique, dans le strict prolongement du projet déposé par le Gouvernement l’année dernière.

À la lumière des auditions que j’ai conduites, j’ai souhaité transmettre à chacune et chacun de vous, dès hier matin, les quatre amendements que j’ai déposés afin de corriger le dispositif de la proposition de loi, dont la rédaction initiale était perfectible.

L’un de ces amendements distingue explicitement le montant de la rémunération correspondant au traitement du montant de la part indemnitaire. Il précise aussi les modalités de calcul de cette part indemnitaire, grâce à l’application d’un coefficient multiplicateur. On obtient ainsi une rémunération stable, fixée de façon claire et exhaustive dans l’ordonnance organique. Le montant défini correspond à la rémunération mensuelle brute globale actuellement perçue par les membres. C’est sur la seule part indemnitaire de 8 500 euros que s’appliquera la réduction à due concurrence du montant des pensions de retraite perçues par les membres.

Je crois que l’ensemble de ces modifications permettra d’atteindre un point d’équilibre satisfaisant tout autant l’exigence légitime de transparence que le besoin impérieux de garantir, dans la loi organique, des conditions de rémunération qui préservent l’indépendance des membres du Conseil constitutionnel. Je forme le vœu que ces amendements recueilleront un consensus parlementaire permettant l’adoption en ces termes de la proposition de loi organique.

M. Pacôme Rupin. Les membres du groupe La République en marche portent un regard bienveillant sur la proposition de loi organique du groupe Socialistes et apparentés, qui vise à revenir sur une anormalité. C’est bien en effet à la loi organique de fixer le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel. Ce texte rejoint les efforts engagés par la majorité depuis le début de la législature pour renforcer la transparence et revenir sur un certain nombre d’avantages, qui peuvent être perçus comme des privilèges par nos concitoyens. Nous saluons le travail de la rapporteure. Ses amendements nous paraissent tout à fait pertinents, car ils assureront une rémunération juste au regard du niveau d’expertise et de responsabilité des membres du Conseil constitutionnel.

M. Philippe Gosselin. Le texte a trait à une institution qui a l’âge de la Ve République et qui est née de façon un peu balbutiante. L’un des objectifs poursuivis, à l’origine, était d’offrir un statut aux anciens présidents de la République, dans des conditions qui ne sont pas celles d’aujourd’hui. La question des membres de droit est d’ailleurs aussi en débat. Comme pour d’autres institutions – telles que le Parlement –, dans les années 1958-1960, les règles de financement et de fixation des indemnités n’étaient pas toujours très claires. Dans un certain nombre d’instances, les revenus n’étaient pas soumis à l’impôt – cela a été longtemps le cas des membres de ce qui est devenu le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il en allait de même des membres du Parlement, dont le statut n’était pas le même qu’aujourd’hui : ils ne percevaient pas, alors, d’indemnité pour prendre en charge les frais de mandat et de mission, ce qui a donné le sentiment d’une forme de « bricolage ».

Il s’agissait aussi, par la fixation d’un niveau de rémunération élevé et en raison de la règle du non-renouvellement, d’assurer l’indépendance des membres du Conseil constitutionnel, à une époque où ce dernier était davantage le « chien de garde » de l’exécutif que le gardien de nos libertés publiques. Il y a eu une évolution notable, non seulement depuis 1971 et 1974, mais aussi depuis une dizaine d’années, avec l’apparition de la QPC, qui a considérablement changé la façon de travailler du Conseil constitutionnel et son apport à la jurisprudence constitutionnelle, pour l’ensemble de nos concitoyens.

C’est à la lumière de ces éléments que l’on doit envisager la rémunération des membres du Conseil constitutionnel. Il ne faut pas laisser penser que le Parlement souhaiterait dompter le Conseil constitutionnel en attribuant à ses membres une rémunération qui pourrait être considérée comme vexatoire. Cependant, il est un principe que nous devons nous appliquer et que le Conseil constitutionnel, plus que d’autres, ne peut voir que d’un bon œil : le respect de la légalité et de la hiérarchie des normes.

Plutôt que d’entretenir le flou, le moment est venu de s’appuyer sur l’article 63 de la Constitution. La loi organique doit fixer la rémunération des juges constitutionnels à un niveau assez élevé pour garantir leur indépendance. Il ne s’agit pas d’établir des privilèges mais de reconnaître le rôle de cette institution. La comparaison avec la situation des membres du Gouvernement ou de présidents d’autorités administratives indépendantes ou publiques paraît justifiée. Cela amène à s’interroger sur d’autres principes de rémunération. Dans des cabinets, des entreprises publiques, il existe des rémunérations largement plus élevées – quoique très souvent inférieures à celles du privé. Il n’y a pas de réponse unique à la question du traitement de magistrats, des membres du Conseil constitutionnel ou d’autres instances.

Cette proposition va dans le bon sens. Il faut donner une base légale à la rémunération des juges constitutionnels. Vos amendements, madame la rapporteure, permettront de sécuriser l’existant, ce qui est essentiel : il ne faut pas donner le sentiment de vouloir rabaisser qui que ce soit, surtout pas une institution. Ils encadrent aussi le cumul de la rémunération et des pensions de retraite. Les membres du groupe Les Républicains portent un regard intéressé et confiant sur vos propositions.

M. Erwan Balanant. Au nom du groupe MoDem et Démocrates apparentés, je salue le travail remarquable de la rapporteure, ainsi que celui de René Dosière et d’Elina Lemaire, qui ont levé un loup. Il était pour le moins incongru qu’une partie de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel soit hors-la-loi, puisqu’elle n’était pas définie par les textes. Il me semble tout à fait normal de préciser les choses dans une volonté de transparence, d’équité, d’éthique – principes mis en avant lors des auditions auxquelles j’ai participé avec la rapporteure. Nous devons nous assigner un objectif de transparence tout en respectant le principe d’indépendance du Conseil constitutionnel. Je crois qu’il ne traverserait l’esprit de personne de vouloir, dans une démarche quasiment populiste, diminuer substantiellement la rémunération des membres du Conseil. Pour garantir l’indépendance de l’institution, et compte tenu des responsabilités qu’ils assument, ses membres doivent percevoir une rémunération suffisante.

Je salue le travail d’enquête de l’Observatoire de l’éthique publique, qui a demandé la communication des documents auprès de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Il est désormais nécessaire de régler cette question avec justice, équité et transparence.

Il est possible que, du fait des nouvelles règles, on assiste à un renouvellement des profils des membres du Conseil constitutionnel, et ce, pour deux raisons. D’une part, les missions de l’institution ont évolué depuis l’introduction de la QPC. D’autre part, l’interdiction du cumul de la rémunération et d’une pension de retraite, que je trouve tout à fait logique, est de nature à favoriser la venue de personnes plus jeunes, encore pleinement engagées dans leur carrière professionnelle.

Mme Marietta Karamanli. Le Conseil constitutionnel, par son rôle éminent dans nos institutions, a entraîné une novation du régime de la Ve République. Créé pour contrôler la répartition des domaines de la loi et du règlement – les fameux articles 34 et 37 de notre Constitution –, il s’est affranchi de ses créateurs pour devenir en 1971 un gardien des droits individuels et des libertés publiques. La loi est le texte voté par le Parlement et promulgué par le Président de la République, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. C’est dire l’importance de la proposition de loi organique de Cécile Untermaier, qui vise à corriger une anomalie et, ce faisant, à parfaire le statut des membres du Conseil constitutionnel.

L’indemnité des membres du Conseil constitutionnel, qui représente plus de la moitié de leur rémunération, est versée sans aucune base légale, ce à quoi il faut remédier. Le texte soumis à notre examen donne compétence au Parlement pour la fixer, ce qui présente deux mérites. D’une part, cette disposition est conforme au principe de légalité des mesures de rémunération et d’indemnisation et renforce la sécurité juridique qui s’attache à cette règle statutaire. D’autre part, elle améliore la transparence sur la rémunération et l’indemnisation au plus haut niveau de l’État. Le texte vise à conforter le statut des membres de l’institution et, ce faisant, le statut du Conseil lui-même.

Accessoirement, la proposition de loi organique harmonisera la situation des membres du Conseil avec celle des agents de nombreuses fonctions publiques, pour lesquels le cumul intégral de la rémunération et des droits à la retraite n’est plus possible. Cette interdiction de cumul intégral sera applicable jusqu’à la date effective de cessation des activités publiques.

Le groupe des députés Socialistes et apparentés apporte son entier soutien à ce texte, qui clarifie et sécurise les règles, tout en prévenant toute polémique à l’égard d’une institution dont les décisions s’imposent à chacun.

Par un amendement à la réforme constitutionnelle, nous avions proposé que le renouvellement des membres du Conseil constitutionnel accorde une place plus importante à des juristes, des universitaires – quel que soit leur âge –, afin d’apporter un regard différent sur nos institutions. Peut-être aurons-nous l’occasion d’y travailler lors de l’examen d’un prochain texte.

M. Dimitri Houbron. Je veux à mon tour saluer le travail de la rapporteure. Je partage les arguments contextuels et juridiques qui ont été avancés et voterai en faveur de ce texte.

Nous ne pouvons pas laisser dire que le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel souffrirait simplement d’opacité ou d’un fondement juridique obscur. Une partie substantielle de ce régime est, disons-le, illégal. Je m’étonne d’ailleurs que plusieurs sources, rapportées dans la presse, défendent le régime indemnitaire, au prétexte que les rémunérations globales sont publiées dans des documents budgétaires annexés au projet de loi de finances et que le fondement légal de ce régime est vérifié par la Cour des comptes. Ce que nous visons ici en priorité, c’est le fondement juridique d’une partie de cette rémunération. Comme l’a démontré l’Observatoire de l’éthique publique, aucun membre du Gouvernement n’est compétent pour définir l’indemnité des membres du Conseil constitutionnel. Cette compétence est exclusivement entre les mains du législateur organique. Nous sommes heureux d’être enfin réunis pour effacer cette illégalité.

En octobre dernier, l’Institut de recherche économique et fiscale a demandé au Conseil d’État de déclarer nulle et non avenue la lettre de mars 2001, et d’exiger la restitution des sommes « indûment versées et perçues » par les membres du Conseil constitutionnel depuis vingt ans. Il faut rendre hommage au travail de l’Observatoire de l’éthique publique et saluer la décision de la Commission d’accès aux documents administratifs, qui a autorisé la communication des fiches de paie des membres du Conseil constitutionnel, ce qui a permis de mettre ces faits en lumière.

Il était envisagé, dans le cadre de la réforme des retraites, de « bricoler » le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel en corrigeant l’article 6 de l’ordonnance de 1958. L’objectif était de légaliser l’indemnité complémentaire en en faisant une indemnité de fonction, dont le montant aurait été fixé par arrêté du Premier ministre et du ministre du budget. Cette proposition ne respectait aucunement le principe d’indépendance de l’institution.

Enfin, nous souscrivons pleinement à l’interdiction du cumul intégral d’une ou de plusieurs pensions de retraite avec l’indemnité de fonction des membres du Conseil. Cette disposition est cohérente avec celle adoptée dans la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, relative à l’écrêtement des rémunérations et des retraites applicables aux membres d’autorités administratives indépendantes.

Le groupe Agir ensemble votera en faveur de cette proposition de loi parce qu’elle redonne compétence au législateur, met fin à une illégalité et marque le retour de la cohérence en matière d’indemnisation.

M. Thierry Benoit. Au nom du groupe UDI et Indépendants, je voudrais saluer la persévérance de Cécile Untermaier, qui m’avait apporté son soutien lorsque j’avais présenté une proposition de loi visant à soumettre au droit commun le régime du cumul de l’indemnité d’activité et de la pension de retraite des membres du Conseil constitutionnel.

Ce texte soulève trois enjeux. Le premier est l’indépendance du Conseil constitutionnel. Le deuxième est la transparence. La rapporteure a évoqué les polémiques qui entourent la rémunération des membres du Conseil et le cumul de leur indemnité et d’une ou de plusieurs pensions de retraite. Le manque de transparence, les soupçons, les doutes nourrissent naturellement la polémique. Le troisième enjeu est la nécessité d’une base juridique claire, qu’il s’agisse de la rémunération des membres du Conseil ou de l’encadrement du cumul de leur indemnité et de leur pension de retraite. Je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas soumis au droit commun applicable aux 66 millions de Français.

René Dosière, qui ne peut pas non plus être taxé d’inconstance, a révélé que, pour avoir accès à tous les éléments dont il a demandé la communication à la Commission d’accès aux documents administratifs, il lui a fallu saisir le tribunal administratif. Cela signifie que les membres du Conseil constitutionnel, installés dans leur institution, n’aiment pas que le Parlement, en particulier les députés, s’intéresse à leur situation. Ce sont des personnalités éminentes, qui effectuent un travail précieux, parce qu’elles sont les gardiennes de notre Constitution, mais il n’y a pas de raison que les parlementaires ne puissent pas se pencher sur leur situation.

Je n’ai pas plus que vous de compte à régler avec le Conseil constitutionnel mais je souhaiterais que tout soit mis en œuvre pour que, au-delà des déclarations d’intention des représentants des groupes, cette proposition de loi soit votée en commission et, surtout, en séance, ce qui implique qu’elle soit inscrite en bonne place lors de la journée d’initiative parlementaire du groupe Socialistes et apparentés. Ce serait un premier acte précieux. Il ne serait pas raisonnable de voter ce texte en commission pour se faire plaisir et donner un signal à l’opinion publique, sans exercer de droit de suite en séance publique. Le groupe UDI soutiendra la proposition.

Lorsque j’ai défendu ma proposition de loi sur l’encadrement du cumul de l’indemnité d’activité et de la pension de retraite des membres du Conseil constitutionnel, nous avions bien avancé en commission, avant que les représentants des groupes de la majorité ne me fassent comprendre, en séance, que ce n’était ni le bon moment, ni le bon véhicule. La majorité des membres des groupes LaREM et MODEM s’étaient opposés à la proposition de loi, qui avait été rejetée.

M. Ugo Bernalicis. Les membres du groupe La France insoumise sont évidemment favorables à cette proposition de loi, qui va dans le bon sens.

Il est assez surprenant que, pour faire la lumière sur cette situation, il ait fallu emprunter des voies de recours. On aurait pu imaginer que les membres du Conseil constitutionnel indiquent, de leur propre chef, les détails de leur rémunération.

Depuis 2008, année de création de la QPC, le Conseil constitutionnel a en partie changé de rôle. Il traite de questions intéressant non seulement le Parlement, mais aussi tout citoyen de ce pays. Aussi, des garanties pour éviter toute partialité, éventuellement partisane, doivent être posées. Il faudra avancer sur la question de la nomination des membres du Conseil, en particulier des membres de droit. Nous sommes partisans du passage à une VIe République, ce qui implique le passage à un VIe Conseil constitutionnel, voire, pourquoi pas, à une véritable cour constitutionnelle, dont le rôle et la composition seraient largement modifiés. Je ne crois pas qu’en soi, la transparence sur les rémunérations emporte avec elle des conséquences aussi étendues qu’on le voudrait et suffirait à susciter chez le citoyen une entière confiance dans cette institution. Des étapes doivent encore être franchies.

Les dispositions proposées en matière de rémunération et de cumul de celle-ci avec les pensions de retraite devraient, en effet, définir un cadre plus clair. Néanmoins, des interrogations demeurent. En matière de retraite, l’objectif est d’aligner tout le monde sur le droit commun et d’envisager un système universel de retraite par points – on y reviendra peut-être un jour. La dernière fois qu’on a discuté du cumul d’une pension de retraite et des revenus d’activité, c’était à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur la sécurité globale, à propos des fonctionnaires de police à la retraite exerçant une activité de sécurité privée. J’aimerais que nous gardions en mémoire les propos tenus ce matin et que nous appliquions les mêmes raisonnements à d’autres domaines. Il faudrait éviter de légiférer, d’un côté, pour aligner et encadrer les rémunérations et, de l’autre côté, pour ouvrir les possibilités d’un cumul de revenus un peu étrange, qui ne se justifie évidemment pas.

Nous sommes favorables à la proposition de loi, même si elle est loin d’épuiser le sujet constitutionnel et démocratique.

M. Stéphane Peu. Les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se félicitent de l’avancée que constitue la proposition de loi et espèrent que son examen sera mené à son terme et se conclura par son adoption – la niche socialiste comporte en effet un grand nombre de textes…

Nous soutenons le texte même si, à notre sens, il ne va pas assez loin. En 1958, l’ordonnance qui a créé le Conseil constitutionnel a défini un cadre de rémunération extrêmement clair, reposant sur des équivalences avec les échelons de la fonction publique. Si on appliquait à la lettre l’ordonnance de 1958, le président du Conseil percevrait 7 000 euros, et ses membres 6 500 euros, ce qui nous semble tout à fait normal. Or, aujourd’hui, ils perçoivent un montant double, et la proposition de loi maintient cet état de fait. C’est une rémunération hors de toute proportion.

Par ailleurs, il est incroyable que l’exemplarité ne vienne pas du haut, notamment en ce qui concerne la transparence des actes et des rémunérations. On n’a pas perquisitionné le Conseil constitutionnel, mais il a quand même fallu forcer un peu la porte – en engageant des actions en justice – pour obtenir les documents. C’est anormal, surtout compte tenu des attributions que la Constitution reconnaît au Parlement.

Je suis extrêmement choqué par la lettre de Florence Parly, alors secrétaire d’État au budget, de 2001. C’est un pur scandale. Pour compenser l’assujettissement à l’impôt de la moitié de leur rémunération, il a été décidé, par une lettre d’un membre du Gouvernement, de leur verser une prime, dans l’opacité la plus totale, sans passer devant le Parlement. C’est un acte illégal. Si un maire faisait la moitié de cela dans le cadre d’un marché public ou pour rémunérer les membres du conseil d’administration d’un organisme lié à la municipalité, il irait au tribunal et serait condamné, peut-être à une peine d’inéligibilité. Les ministres échappent à cela.

Plutôt que l’alignement sur la rémunération des membres du Gouvernement, nous aurions souhaité le retour à la lettre et à l’esprit de l’ordonnance de 1958. Néanmoins, nous soutiendrons ce pas en avant.

En matière de prestations sociales, lorsque quelqu’un perçoit un montant injustifié – mettons 30 euros mensuels d’aide personnalisée au logement (APL), pendant un an –, il doit le rembourser. Mais, « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ! » : s’agissant des membres du Conseil constitutionnel, les trop-perçus ne seront pas remboursés. Nous déposerons des amendements à ce sujet. Il existe, dans notre pays, un devoir d’exemplarité et un principe d’égalité.

M. Paul Molac. Les membres du groupe Libertés et Territoires soutiendront cette proposition de loi.

On a fait quelques progrès, s’agissant, par exemple, des députés, mais, en France, on a tendance à cultiver l’opacité sur l’emploi de certains fonds publics – y compris dans les ministères, où, il fut un temps, circulaient des enveloppes de billets. Ces pratiques sont aujourd’hui inacceptables, et il faut y mettre de l’ordre. Thierry Benoit s’était efforcé de renforcer la transparence et la clarté en encadrant le cumul d’une indemnité d’activité et d’une pension de retraite pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État ; j’avais évidemment voté en faveur de sa proposition de loi.

Les inégalités sociales engendrent des tensions et nuisent à la cohésion de notre pays. Elles minent le contrat social. Notre monde est régi de manière croissante par un fonctionnement horizontal : la parole de Jojo le « gilet jaune » a autant de poids que celle d’un ministre. Dans cette société d’égaux – un homme, une voix – chacun a le droit de s’exprimer et d’être pris en considération. Il est essentiel que les choses soient cadrées et transparentes, en particulier s’agissant de rémunérations publiques.

M. Jean-Luc Warsmann. Non sans avoir salué le travail de notre rapporteure, je veux insister sur l’importance qu’a prise le Conseil constitutionnel au fil des années. J’avais eu l’honneur de rapporter les textes sur la QPC, qui ont introduit un progrès considérable. C’est la clé de voûte de l’État de droit, lequel constitue un trésor démocratique. On n’aurait pas imaginé qu’en 2021, l’État de droit ne soit pas respecté dans un pays membre de l’Union européenne, et pourtant…

La rapporteure nous propose un texte infiniment logique. On a connu, dans notre pays, de nombreux cumuls abusifs. On a commencé par limiter ceux des parlementaires, il y a quelques années, en plafonnant le cumul de leurs indemnités d’élus nationaux et locaux – c’est la règle du « un et demi ». Puis on a étendu le principe aux ministres et aux membres d’autorités administratives indépendantes. On poursuit aujourd’hui dans cette logique. La limitation que vous proposez, madame la rapporteure, me paraît légitime et, dans la mesure où vous ne l’appliquez qu’à l’avenir, respectueuse du droit. Aucune violence n’est commise : cette réforme est engagée dans un grand respect de l’institution, car on sait tous ce qu’on doit au Conseil constitutionnel. Je soutiendrai la proposition de loi.

Mme Emmanuelle Ménard. Je m’exprimerai en mon nom et en celui de Mme Marie-France Lorho. Nous saluons à notre tour le travail de la rapporteure. Les citoyens exigent des élus une transparence accrue, comme l’a montré le mouvement des « gilets jaunes », lesquels nous interpellaient régulièrement sur le montant des indemnités que nous percevons. Cette exigence est parfaitement normale – personne ne la conteste –, puisque de l’argent public est en jeu. L’accroissement de 15 % de la dotation matérielle des députés a d’ailleurs suscité un certain émoi. J’ai été surprise d’apprendre cette augmentation par les médias et les interpellations sur les réseaux sociaux – peut-être s’agit-il, encore une fois, d’un traitement réservé aux députés non inscrits ? Je voudrais rappeler la nécessité d’une bonne information, y compris à destination des députés non inscrits, qui sont souvent mis sur le côté.

L’alignement de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel sur celle des membres du Gouvernement me semble une bonne mesure. L’interdiction du cumul de l’indemnité de membre du Conseil et d’une pension de retraite pour les nouveaux arrivants me semble également bienvenue. Nous voterons donc en faveur de cette proposition.

Nous regrettons toutefois de ne pouvoir aller plus loin sur les questions liées à la rémunération. Je pense à la proposition de loi de Thierry Benoit, qui visait à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État. Il faudrait faire preuve, me semble-t-il, de plus de cohérence. Je regrette que la question de l’indemnisation des membres du Conseil constitutionnel ait dû être soulevée par l’Observatoire de l’éthique publique. Sans son intervention, rien n’aurait bougé. On a parlé d’exemplarité. Les Français l’exigent de la part de leurs élus, ce qui est tout à fait normal, et il est regrettable qu’elle ne vienne pas d’en haut.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Nous sommes les premiers à devoir faire preuve d’exemplarité. Le texte est le fruit de cette volonté. L’article 63 de la Constitution nous donne pleine compétence pour fixer la rémunération des membres du Conseil constitutionnel. Or, nous n’avons rien fait depuis 2001. Nous jouons aujourd’hui notre rôle. Les trois constitutionnalistes que nous avons auditionnés – séparément – ont rappelé l’importance qui s’attache à ce que les parlementaires, élus au suffrage universel, garantissent l’indépendance du Conseil constitutionnel et fixent la rémunération de ses membres, conformément à la Constitution.

J’ai perçu la colère de plusieurs représentants de groupe face au comportement assez inqualifiable du Conseil constitutionnel depuis 2001. Chacun doit s’assigner un devoir d’exemplarité. Il faut souligner la richesse du travail de l’Observatoire de l’éthique publique – qui a mené l’enquête pendant plus de deux ans –, sans lequel je n’aurais pu élaborer cette proposition de loi. La CADA a donné son accord à la communication des documents, mais le Conseil constitutionnel s’y est opposé. Il a fallu une décision du tribunal administratif pour que le Conseil constitutionnel accepte de fournir des fiches de paie anonymisées, ce qui nous a permis de comprendre le détail de la rémunération.

Cela montre combien le passage devant le Parlement est préférable, d’un point de vue démocratique, aux échanges confidentiels avec l’exécutif. Contrairement à ce que pense le Conseil constitutionnel, l’intervention du Parlement est la meilleure des choses pour garantir son indépendance : il ne peut être dans la main de l’exécutif. Ce dernier peut voir ses initiatives censurées par le juge constitutionnel ; il n’a pas à lui faire espérer ou craindre quoi que ce soit.

On est toujours puni par là où on a péché. L’opacité est la mère de toutes les rumeurs. Le Parlement assure la transparence en travaillant de manière parfaitement ouverte à la presse et au public.

Monsieur Peu, j’approuve vos propos concernant l’exemplarité et l’impunité. Cela étant, un recours a été engagé devant le Conseil d’État. Nous sommes dans un État de droit. Nous ne sommes pas des juges, nous faisons œuvre législative. Je remercie la commission des Lois de nous permettre de réaliser ce travail exigeant transpartisan.

La commission passe à l’examen des articles.

Article 1er (art. 6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel) : Rémunération des membres du Conseil constitutionnel et encadrement de son cumul avec les pensions de retraite perçues

La commission examine, en discussion commune, les amendements CL2 de M. Thierry Benoit, CL4 de la rapporteure et CL1 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Thierry Benoit. Nous l’avons déjà évoqué, la rémunération des membres du Conseil constitutionnel n’est actuellement pas adossée à une base juridique solide, mais à un simple courrier datant d’une vingtaine d’années. Il s’agit donc de modifier l’alinéa 2 en prévoyant que leurs indemnités sont fixées en fonction des traitements des emplois classés hors échelle, ce qui permettrait de rester sur les niveaux actuels de rémunération et ne constitue donc pas une sanction vis-à-vis des membres du Conseil constitutionnel.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Mon amendement CL4 propose de distinguer le montant afférent au traitement de celui relatif à l’indemnité. La référence au traitement est d’ores et déjà prévue par l’article 6 de l’ordonnance de 1958, et mon collègue Benoit souhaiterait doubler le montant correspondant au traitement. Nous considérons qu’il est important de bien identifier l’indemnité car il faut faire peser la réfaction de la retraite sur cette dernière.

Nous poursuivons donc le même but, par des voies différentes mais quasiment équivalentes. Monsieur Benoit, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement au bénéfice du mien.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL1 est de précision. Il vise l’alinéa 2 qui dispose que le président et les autres membres du Conseil constitutionnel perçoivent une rémunération égale au traitement brut mensuel des ministres, complétée le cas échéant par une indemnité de résidence. Je propose de rajouter que cette indemnité de résidence est définie par décret, par souci de transparence.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Nous ne souhaitons aucune référence à des décrets car le Parlement doit jouer son rôle, selon les termes de l’article 63 de la Constitution. Le renvoi à un décret est sans doute attendu par le juge constitutionnel – il préfèrerait peut-être que l’exécutif, plutôt que le Parlement, fixe l’indemnité !

En outre, l’indemnité de résidence sera comprise dans la part indemnitaire globale que mon amendement détermine.

L’amendement CL1 est retiré.

L’amendement CL2 est également retiré.

M. Erwan Balanant. Je souhaitais intervenir sur la question du décret, mais Cécile Untermaier l’a très bien expliqué et l’amendement est retiré. Il arrive parfois, même à Mme Ménard, de se tromper ! (Sourires.)

La commission adopte l’amendement CL4.

Elle adopte ensuite à l’amendement rédactionnel CL5 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 1er, modifié.

Article 2 : Entrée en vigueur différée

La commission passe à l’amendement CL6 de la rapporteure.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. L’amendement vise à rendre applicable le dispositif d’écrêtement de l’indemnité à due concurrence du montant de la pension de retraite aux seuls membres nommés à compter de la publication de la présente loi organique. Les actuels membres du Conseil constitutionnel qui perçoivent une pension de retraite ne seraient donc pas assujettis à cet écrêtement.

C’est le sens de ma proposition de loi. C’est aussi sa limite, mais je m’y étais engagée, afin de satisfaire tous mes collègues.

M. Pacôme Rupin. Je salue la recherche d’équilibre de notre rapporteure. Nous voterons cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2, modifié.

TITRE

La commission passe à l’amendement CL7 de la rapporteure.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Dans un objectif de clarté, le présent amendement modifie l’intitulé de la proposition de loi organique afin d’expliciter son objet : la détermination du régime de rémunération des membres du Conseil constitutionnel. Ainsi, le Parlement pourra, s’il le souhaite et quand il le souhaite, revenir sur ce dispositif.

La commission adopte l’amendement CL7.

Puis elle adopte la proposition de loi modifiée, à l’unanimité. (Applaudissements.)

M. Jean-Philippe Gosselin. S’agissant d’une proposition de loi organique, elle sera soumise au Conseil constitutionnel !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Exactement ! Mais les institutions sont bien faites. Je remercie ceux qui œuvrent depuis longtemps sur ces questions. J’ai une pensée particulière pour l’Observatoire de l’éthique publique et René Dosière, qui nous aident et soutiennent l’indépendance du travail du Parlement.

M. Thierry Benoit. Longue vie au Président Dosière ! (Sourires.)

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi organique relative à la détermination du régime de rémunération des membres du Conseil constitutionnel (n° 3720) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


— 1 —

 

   Personnes entendues

—  M. Jean-François de Montgolfier, directeur

—  M. Jean Maïa, secrétaire général

—  M. René Dosière, président, membre honoraire du Parlement

—  Mme Elina Lemaire, maîtresse de conférences en droit public, membre de l’équipe scientifique

—  Mme Anne Levade, professeur de droit constitutionnel à l’Université Panthéon-Sorbonne

—  M. Denis Baranger, professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas

—  M. Samy Benzina, professeur de droit public à l’Université de Poitiers

 

 


([1]) Les bulletins de paie des membres communiqués par le Conseil constitutionnel à notre collègue Christophe Naegelen dans le cadre de son rapport spécial « Pouvoirs publics » du projet de loi de finances pour 2021 confirment ce montant.

 

([2]) Voir notamment le rapport de Mme Elina Lemaire : « Propositions pour une réforme du régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel » publié en juin 2020.

([3]) Ce qu’atteste le terme « respectivement » mentionné dans la rédaction de l’article 6.

([4]) À titre illustratif, les juges de la Cour suprême fédérale des États-Unis perçoivent une rémunération mensuelle de près de 22 000 dollars. En Allemagne, le montant de leur rémunération est compris entre 14 000 et 17 000 euros mensuels. En Italie, si la rémunération s’élève à plus de 30 000 euros, son cumul avec une pension de retraite n’est cependant pas autorisé.

([5]) Voir par exemple la réponse ministérielle du 21 mai 2019 à la question écrite n° 17892 de votre rapporteure.

([6]) Étude d’impact, p. 237.

([7]) Bien que plusieurs dispositions de l’ordonnance du 7 novembre 1958 renvoient au pouvoir règlementaire le soin de déterminer certaines modalités d’application de celles-ci, il est possible de considérer que l’article 63 de la Constitution impose au législateur organique « d’épuiser » sa compétence relative à la détermination de l’organisation et du fonctionnement du Conseil constitutionnel, à laquelle se rattache la rémunération de ses membres.

([8]) Décision n° DC 2012-654 DC du 9 août 2012.

([9]) Selon l’expression du Professeur Olivier Beaud dans son article : « Le Conseil constitutionnel et le traitement du Président de la république : une hérésie constitutionnelle (A propos de la décision du 9 août 2012). »

([10]) Conseil d’État, Brouant, 25 octobre 2002.

([11]) Décision n° DC 2001-448 DC du 25 juillet 2001.

([12]) Décision n° DC 2008-566 DC du 9 juillet 2008.

([13]) Sauf de manière incidente dans la décision n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013.

([14]) À titre exemple, les magistrats honoraires de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif bénéficient également d’un cumul intégral du montant de leur rémunération et de leurs pensions de retraite.

([15]) Voir notamment la proposition de loi de M. Thierry Benoit (n° 1803), déposée le 27 mars 2019 et rejetée par l’Assemblée nationale le 30 janvier 2020, visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État.

([16]) Dans le texte adopté par l’Assemblée nationale le 5 mars 2020, la rédaction de l’article 4 prévoit que les membres du Conseil constitutionnel peuvent cumuler leur rémunération et leurs pensions de retraites dans les règles de droit commun prévues par l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale et par le 3° du I de l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

([17]) La moyenne d’âge des membres actuels s’élève à 71 ans.

([18]) Faisant l’objet d’un gel depuis 2017, la valeur du point d’indice s’élève à 4,6860 euros. Le montant du traitement brut mensuel correspond à la multiplication de l’indice majoré par le point d’indice.

([19]) Selon la lettre du 16 mars 2001 de Mme Florence Parly, secrétaire d’État au Budget, au président du Conseil constitutionnel.

([20]) Il s’agit du montant de l’indemnité perçue par les membres en application de la lettre de Mme Florence Parly. Elle se décline en une indemnité de résidence dont le montant s’élève à 192,46 euros et « d’indemnités » égales à 8 391,65 euros. Le montant des indemnités perçues par le président n’a pas été communiqué. Compte tenu des informations relatives au montant de sa rémunération mensuelle nette globale communiquée à votre rapporteure, soit 15 039 euros, leur montant s’élèverait à environ 9 500 euros bruts mensuels.

([21]) En l’absence d’informations précises et exhaustives relatives à la composition de la rémunération du président, il s’agit d’un montant estimatif calculé sur la base du montant de sa rémunération nette mensuelle de 15 039 euros communiquée à votre rapporteure.

([22]) La loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a déterminé les règles applicables à l’écrêtement éventuel de ce cumul.

([23]) Parmi les neufs membres actuels, un seul est âgé de moins de 68 ans.

([24]) S’agissant du président, cette diminution s’élèverait à près de 40 %.  

([25]) Soit 192,46 euros selon les chiffres communiqués par le Conseil constitutionnel.

([26]) En application de l’article 38 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

([27]) Cependant, la défalcation du montant des pensions envisagée par le Gouvernement ne s’applique qu’à une partie de la rémunération globale des membres du Conseil constitutionnel, celle-ci étant composée, selon les termes de l’article 4 du projet de loi modifiant l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, d’une part correspondant à un traitement et d’une part indemnitaire.

([28]) Décret n° 2012-983 du 23 août 2012 relatif au traitement du Président de la République et des membres du Gouvernement.