N° 3874

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 février 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires,
et mieux redistribuer les richesses
(n° 3409 rect.),

PAR Mme Christine PIRES BEAUNE

Députée

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 Voir le numéro : 3409 rect.


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SOMMAIRE

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 Pages

AVANT-PROPOS

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT

B. UNE FISCALITÉ COMPLEXE ET DATÉE

1. Des tarifs multiples, qui dépendent du lien familial

a. Les droits de succession

b. Les droits de donation

c. Le produit des DMTG

2. Des exonérations selon la nature des biens transmis

a. Les exonérations applicables aux transmissions d’entreprises

b. Les biens forestiers et ruraux

c. Les monuments historiques

3. Des exonérations justifiées par la qualité du défunt

4. Des exonérations justifiées par la qualité du successeur

5. Le principe du rapport fiscal des donations

6. Le régime de l’assurance-vie au regard de la fiscalité des successions

a. Une application limitée des droits de succession

b. Un prélèvement sui generis sur les primes versées depuis 1998

II. LE DROIT PROPOSÉ

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE


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   AVANT-PROPOS

Selon une enquête menée en juin 2017 ([1]), les Français jugent très défavorablement l’impôt sur l’héritage : ils étaient 87 % à déclarer que « l’impôt sur l’héritage devrait diminuer, car il faut permettre aux parents de transmettre le plus de patrimoine possible à leurs enfants », tandis que 9 % estimaient que « l’impôt sur l’héritage devrait augmenter, car les héritages entretiennent les inégalités sociales ». 3 % seulement ne tranchaient pas entre ces deux options. L’hostilité aux droits de succession a même augmenté depuis 2011, date à laquelle seuls 78 % des Français se prononçaient en faveur de leur baisse.

Fait plus remarquable encore, cette hostilité varie peu selon le revenu, la composition du patrimoine, le fait d’avoir la qualité d’héritier ou de donataire, les espérances d’héritage, ou même le degré de connaissance de la fiscalité successorale. Elle est même plus faible chez les personnes possédant des diplômes élevés, les cadres supérieurs et les professions intellectuelles.

Seules 35 % des successions sont pourtant imposables.

C’est dire la profondeur du malentendu qui entoure la fiscalité des successions et des donations, qui est rejetée par ceux même qu’elle épargne, et de loin, tant elle est surestimée. On est tenté de parler, après Marx, de fausse conscience, tant la réalité sociale paraît sur ce point perçue de manière inexacte. Alors qu’elle est devenue une pièce maîtresse de la fiscalité du patrimoine depuis la suppression de l’impôt sur la fortune, et que sa contribution à l’égalité des chances apparaît en principe décisive, elle reste l’impôt le moins populaire parmi nos concitoyens : un sondage du journal Le Monde publié le 14 octobre 2013, classait en premiers l’ISF et l’impôt sur les sociétés, qui recueillaient quelque 80 % d’opinions très ou plutôt favorables, contre moins de 20 % pour les droits de succession.

Nous sommes pourtant entrés, depuis trente à quarante ans, dans une nouvelle phase de croissance des inégalités patrimoniales, dans laquelle le patrimoine transmis joue un rôle très important. Alors que les inégalités dans la distribution des patrimoines privés avaient fortement diminué sous le coup des deux guerres mondiales et des décennies de croissance et d’inflation qui ont suivi la Libération, c’est désormais la tendance inverse qui prévaut. Entre 1998 et 2015, le patrimoine des Français a doublé, mais la part détenue par les 20 % les moins dotés a diminué ([2]). Cette tendance s’explique par des évolutions macroéconomiques : le rapport entre capital et travail tend à se déformer au détriment de ce dernier, et le contexte de politique monétaire accommodante tire à la hausse les prix des actifs, enrichissant les possédants. Comme l’a expliqué l’économiste Clément Dherbécourt, « entre 1980 et 2015, la valeur réelle du revenu disponible des ménages français ([3]) a augmenté de 77 %, passant de 719 à 1 275 milliards d’euros en 2015. Dans le même temps, leur patrimoine était multiplié par trois, bondissant de 3 500 à 10 600 milliards d’euros en 2015 » ([4]). Si rien n’est fait, le prolongement de ces tendances nous ferait revenir à une société d’héritiers comparable à celle de la Belle Époque, lorsque le centième le plus riche de la population possédait, en France, 60 % de la richesse nationale.

En outre, le vieillissement de la population française contribue à accentuer ces inégalités en concentrant le patrimoine parmi les classes d’âge les plus avancées dans la vie. Selon le même auteur, « du seul fait de l’évolution de la structure de la population et de l’augmentation du taux de mortalité, la part des transmissions annuelles dans le revenu disponible net des ménages augmentera de 4,5 points, passant de 19 % aujourd’hui à plus de 25 % en 2050. Si, en outre, le patrimoine net moyen par âge croît au même rythme qu’entre 1990 et 2012, les transmissions représenteront plus de 31 % du revenu disponible en 2050 ».

Notre système fiscal apparaît largement inadapté au défi économique, social et démocratique que représente ce retour en force de l’héritage dans nos sociétés. Tout d’abord, il incite faiblement aux donations aux jeunes générations, ou plutôt y incite surtout pour les plus aisés grâce au renouvellement périodique des abattements. Ensuite, il présente d’importantes brèches permettant aux plus gros patrimoines d’échapper à l’impôt, grâce notamment au régime d’exception dont bénéficie l’assurance-vie. Enfin, il est inéquitable en ce qu’il favorise à l’excès les transmissions au sein de la famille nucléaire, au détriment des autres.

La présente proposition de loi vise à rétablir plus d’égalité dans la répartition du patrimoine, entre les générations, entre les individus et les familles, et entre riches et pauvres. Elle rompt avec la logique familiale inspirée du droit civil pour instituer un barème fiscal unique pour tous les individus et toutes les transmissions. Elle en termine avec le régime fiscal spécifique à l’assurance-vie au décès de son titulaire, qui constitue une brèche considérable dans le système actuel et un outil d’optimisation massive. Elle alourdit la fiscalité sur la transmission des plus gros patrimoines, tout en l’allégeant pour l’immense majorité des Français. En cela, elle constitue un texte d’avenir, d’égalité et de progrès, au service des jeunes générations et de celles à venir. Puisse-t-elle recueillir la plus large approbation.

 


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La question de l’accès aux données des donations et des successions

La rapporteure avait adressé, en septembre 2020, une question écrite au ministre chargé des Comptes publics afin d’obtenir des données chiffrées sur les droits de mutation à titre gratuit (1), en particulier les flux de successions et de donations annuels depuis 2015, ainsi que la composition des successions et la distribution de certaines catégories d’actifs successoraux par déciles, et par centiles pour le dernier décile.

Tout en lui fournissant des données sur le nombre annuel de déclarations de succession et de donations déposées aux services des impôts, et sur la part des successions imposables, qui représentent environ un tiers du total, l’administration indiquait que « le comptable public contrôle uniquement la liquidation des droits lors du dépôt des déclarations de succession », et « qu’il n’y a donc pas de remontées statistiques sur les autres éléments sollicités ». Elle ajoutait que, « pour autant, l’administration fiscale développe un projet informatique « e-Enregistrement » qui à terme, en matière de succession permettra de disposer des éléments souhaités ».

Cette réponse lacunaire n’a pas manqué de la surprendre, et elle a souhaité, à l’occasion de son travail sur la présente proposition de loi, préciser les modalités d’établissement des déclarations de donation et de succession et celles de leur traitement par l’administration fiscale.

Plusieurs enseignements peuvent en être tirés :

– Tout d’abord, les déclarations de succession comportent des informations essentielles sur le volume, la composition et la transmission des patrimoines privés. Comme prévu par les articles 800 et suivants du CGI, elles comportent en effet les éléments suivants :

▪ L’identité du défunt et celle des héritiers, donataires et légataires (2), ainsi que la qualité (lien de parenté, origine du droit, quotité dans la succession) de ces derniers ;

▪ Le détail, le cas échéant, des dispositions testamentaires ;

▪ Le rappel de toutes les donations consenties par le défunt de son vivant ;

▪ Le détail de l’actif et du passif de succession, avec l’ensemble des valeurs, que les biens concernés soient imposables ou exonérés ;

▪ Une affirmation de sincérité.

Un intérêt public majeur s’attache de toute évidence à ce que ces données soient recueillies et traitées selon des moyens modernes qui les rendent exploitables (3).

Les déclarations de donation constituent une source tout aussi précieuse puisque les donations doivent être déclarées dès lors qu’elles ne constituent pas un « présent d’usage », c’est-à-dire un cadeau d’un montant relativement modique (4) fait à l’occasion d’un événement particulier (anniversaire, réussite à un examen, mariage, etc.). De plus, comme prévu par l’article 931 du code civil, le recours à un notaire en matière de donation est le principe (5), ce qui constitue un gage de la qualité et de la sincérité des déclarations souscrites.

– Ensuite, alors que le notariat s’est progressivement adapté, depuis 2008, à la numérisation, au point que plus de 96 % des notaires rédigent aujourd’hui leurs actes sur support électronique (6), le processus de transmission à l’administration fiscale des déclarations de succession (7) demeure empreint d’archaïsme puisqu’il a lieu obligatoirement sous format papier.

On ne peut que s’en étonner dans la mesure où d’autres documents dont l’établissement est obligatoire dans le cadre d’une succession font l’objet, de manière obligatoire également, d’une transmission dématérialisée – c’est le cas de l’attestation immobilière, obligatoire dès lors qu’une donation ou une succession comporte un bien immobilier, qui est transmise au service de la publicité foncière par le dispositif Télé@ctes (8).

– La transmission sous format papier de documents pourtant numérisés par les notaires entraîne une rupture dans leur traitement qui entrave l’exploitation des données concernées. Pour des raisons de coût, il est en effet exclu de saisir de manière manuelle l’ensemble des informations figurant dans les déclarations de donation et de succession déposées aux services de l’enregistrement. Seules certaines données donnent lieu à une saisie manuelle, la liste de celles-ci variant selon les sommes en jeu. Les déclarations sont ensuite scannées et un exemplaire en est archivé.

– La rapporteure relève que la publicité des données sur les donations et les successions s’est considérablement dégradée au cours des dernières décennies, et souhaite citer les remarques de l’économiste Nicolas Frémeaux à ce sujet dans son ouvrage Les nouveaux héritiers : « On pourrait penser que ce sont les difficultés techniques ou légales qui rendent plus complexe la diffusion de ce type d’informations. Cet argument est faux pour deux raisons. Il n’y a aucun obstacle, technique ou légal, à publier des agrégats nous renseignant sur le nombre d’actes (successions ou donations) enregistrés au cours d’une année et sur leur valeur. De plus, il est tout à fait possible de croiser ces agrégats avec des informations de nature démographique ou géographique. Comment sait-on que cela est possible ? L’administration française a publié ce type d’informations tous les ans, du début du XIXe siècle jusqu’en 1964 ! À l’heure du big data, il est assez paradoxal, voire ironique, d’avoir accès à moins d’informations qu’il y a plus d’un siècle sur un sujet aussi central que le patrimoine ».

De fait, les économistes étudiant ces questions doivent aujourd’hui se reposer sur les données issues des enquêtes « Patrimoine » et « Cadre de vie et patrimoine » de l’INSEE. Or ces données, si elles sont recueillies avec la rigueur requise sur des populations larges, reposent sur des données déclaratives et fournissent probablement une image déformée de la réalité des patrimoines et des inégalités, d’une part en raison d’une probable sous-estimation de leurs biens, et d’autre part du fait de la difficulté d’inclure les plus riches dans les échantillons de manière représentative.

– Un projet de modernisation est toutefois en cours à travers la mise en place d’une plateforme dite « e-Enregistrement », qui doit offrir aux usagers un service numérique pour accomplir la formalité de l’enregistrement. Ce projet est déployé en partenariat avec les notaires : une convention d’objectifs a été signée le 8 octobre 2020 par le Conseil supérieur du notariat et plusieurs ministères afin de dématérialiser la signature et le dépôt des déclarations de succession. Le cahier des charges de cette plateforme serait en cours de finalisation, et la plateforme pourrait être opérationnelle à la fin du premier trimestre de 2022 pour les déclarations ne donnant pas lieu à la perception de droits, ce qui concerne 65 % d’entre elles. Les déclarations de succession donnant lieu à la perception de droits présentent en effet une difficulté technique supplémentaire puisqu’il est nécessaire de s’assurer, pour chaque déclaration, de la bonne réception du règlement des droits. Des difficultés particulières devront être résolues concernant les déclarations donnant lieu à des droits réglés de manière fractionnée, et les déclarations partielles d’assurance-vie, en raison de la nécessité de répartir l’abattement de 30 500 euros applicable aux primes versées après les 70 ans de l’assuré entre tous les contrats souscrits par l’assuré et entre tous les bénéficiaires.

(1) Question écrite n° 32 562, réponse publiée au Journal officiel le 5 janvier 2021 : https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32562QE.htm

(2) Le mot « héritier » désigne toute personne qui dispose d’un droit dans une succession.

Le mot « donataire » désigne le bénéficiaire d’une donation, quand « donateur » renvoie à l’auteur de la donation. Le terme de « donation » est généralement employé pour désigner les donations entre vifs, c’est-à-dire les donations intervenant du vivant du donateur.

Le mot « légataire » désigne le bénéficiaire d’un legs, c’est-à-dire d’une donation prévue par testament et devenant effective au décès du testateur.

Le terme « succession » renvoie quant à lui à l’ensemble des biens qui appartenaient au défunt à la date de son décès et dont les éléments reviennent aux personnes appelées à hériter. Il désigne également le mécanisme juridique par lequel s’opère le transfert de ces droits, du patrimoine du défunt à celui de ceux qui héritent.

(3) Il convient néanmoins de relever que, si les héritiers, légataires ou donataires sont tenus de souscrire une déclaration détaillée, comme prévu par l’article 800 du CGI, le dépôt de la déclaration n’est pas obligatoire lorsque l’actif brut successoral, soit la masse des biens avant déduction des dettes, est inférieur à 50 000 euros pour les transmissions en ligne directe et au conjoint survivant, pourvu que ces derniers n’aient pas bénéficié antérieurement de la part du défunt d’une donation ou d’un don manuel non enregistré ou non déclaré, et à 3 000 euros pour les transmissions aux autres héritiers.

Comme prévu par l’article 641 du CGI, les délais pour l’enregistrement des déclarations que les héritiers, donataires ou légataires ont à souscrire des biens à eux échus ou transmis par décès sont de six mois, à compter du jour du décès, lorsque le défunt est décédé en France métropolitaine, et d’une année dans tous les autres cas.

(4) La modicité s’apprécie relativement aux ressources du donateur. La jurisprudence ne l’admet généralement pas si le présent excède 2 % du patrimoine ou 2,5 % du revenu annuel du donateur.

(5) L’article 931 du CGI dispose : « tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité ».

(6) L’intervention d’un notaire pour le règlement d’une succession n’est obligatoire que lorsque des biens immobiliers ou des droits réels immobiliers sont transmis. En effet, pour chaque immeuble ou droit réel immobilier transmis, le notaire doit établir une attestation de propriété qu’il présente au service de la publicité foncière, afin d’opérer le transfert de propriété.

(7) À noter que la déclaration de succession n’est pas un acte notarié mais un simple formulaire CERFA (à la différence de l’attestation immobilière) : il s’agit du formulaire n° 2705, disponible sur impots.gouv.fr.

(8) C’est le décret n° 2017-770 du 4 mai 2017 qui a rendu obligatoire le recours à Télé@ctes pour les dépôts notariés auprès des services chargés de la publicité foncière, Cette obligation a pris effet pour les documents signés à compter du 1er janvier 2018.

 

 


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I.   LE DROIT EXISTANT

A.   LE PRINCIPE DES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT

Le terme de « mutations » ([5])  renvoie aux changements de propriétaires d’un bien, quelle que soit sa nature.

Les mutations à titre gratuit se distinguent des mutations à titre onéreux, qui impliquent, pour être qualifiées comme telles, l’existence d’une contrepartie au transfert de propriété ; la mutation à titre gratuit intervient, en principe, sans contrepartie ([6]).

Une mutation à titre gratuit peut avoir lieu entre vifs ou « à cause de mort », c’est-à-dire du fait du décès du propriétaire. Lorsqu’elle intervient entre vifs, on parle de « donation » ; lorsqu’elle intervient à cause de mort, on parle de « succession » ou de « legs », qui est une donation par testament.

Quelle qu’en soit la cause, les mutations à titre gratuit suivent des régimes fiscaux similaires.

Historiquement, les droits de mutation consistaient en un droit d’enregistrement perçu par l’administration en contrepartie de l’inscription dans les registres publics d’un changement de propriétaire d’un bien immobilier ou d’un droit réel. Cette inscription permettait de rendre la mutation opposable aux tiers. Les droits de mutation se présentaient donc comme la contrepartie d’un service rendu par l’administration au contribuable.

La finalité budgétaire de ces droits est, toutefois, également ancienne, leur produit constituant une part importante des recettes de l’État au XIXe siècle ([7]).

Une forme d’objectif redistributif apparaît avec la loi de 1901 qui a rendu les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) progressifs, avant même l’instauration de l’impôt sur le revenu.

 

 

 

Éléments historiques sur le droit et la fiscalité des successions en France

I.- S’agissant du droit civil des successions, trois types de règles de dévolution successorale dominaient le pays sous l’Ancien Régime :

– des règles fondées sur l’unigéniture, consistant à transmettre la totalité ou l’essentiel du patrimoine à un seul enfant, qui pouvait au demeurant n’être pas l’aîné, en vigueur surtout au sud d’une ligne Bordeaux-Épinal ;

– des règles égalitaires, au nord-ouest de cette ligne, qui restreignaient fortement la liberté de tester ;

– des règles intermédiaires, retenues par les coutumes de Paris et d’Orléans, fondées sur un système d’option-rapport : les enfants ayant bénéficié d’une donation pouvaient, au décès de leurs parents, soit renoncer à l’héritage pour conserver les biens déjà reçus, soit prendre part à l’héritage mais en réintégrant ces biens dans la succession (1).

Le code civil de 1804 a unifié les règles sur l’ensemble du territoire en imposant une égalité de traitement entre tous les enfants, quel que soit leur sexe.

Le droit introduit par le code civil a connu une remarquable longévité, et n’a subi jusqu’à l’orée du XXIe siècle que des modifications relativement marginales. On peut néanmoins citer la loi du 31 décembre 1917, qui a restreint le cercle des successibles au sixième degré de parenté, au lieu du douzième auparavant, et la loi du 3 janvier 1972, qui a attribué aux enfants naturels les mêmes droits successoraux qu’aux enfants légitimes, tout en réservant un sort moins favorable aux enfants adultérins, dont les droits demeuraient inférieurs de moitié à ceux des autres enfants.

Dans les années récentes, une importante réforme est intervenue en 2001 avec la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins (2), qui a modernisé diverses dispositions de notre droit successoral :

– Elle a reconnu au conjoint survivant la qualité d’héritier réservataire, celle-ci étant auparavant attribuée aux seuls ascendants et descendants. En l’absence de descendants, le conjoint survivant est ainsi devenu attributaire d’un quart de la succession en pleine propriété, alors que ses droits étaient auparavant principalement en usufruit. Elle a également renforcé ses droits au maintien dans les lieux qu’il occupait à titre d’habitation principale lors du décès de son conjoint.

– Tirant les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Mazurek (3), elle a consacré la stricte égalité, sur le plan successoral, entre les enfants, légitimes, naturels et adultérins (4).

Enfin, la dernière réforme significative du droit des successions et des libéralités a été portée par la loi du 23 juin 2006 (5). Celle-ci a notamment cherché à favoriser les comportements d’anticipation en matière de transmission par la création des libéralités graduelles (6) et des libéralités résiduelles (7), et l’admission des donations-partages transgénérationnelles, permettant de réaliser des donations qui ne seront pas rapportées dans la succession y compris vis-à-vis de petits-enfants. Elle a également modernisé la réserve héréditaire (8), en supprimant la réserve des ascendants – seuls les descendants ont, depuis cette date, la qualité d’héritier réservataire, ainsi que le conjoint en l’absence de descendants – et introduit la possibilité de renoncer de manière anticipée à l’action en réduction des libéralités (9).

II.- Concernant les droits de succession, la loi de finances du 25 février 1901 relative aux successions a marqué une rupture importante (10). Elle a en effet réformé la fiscalité des successions, jusqu’alors proportionnelle, en la rendant progressive. Il s’agit même du premier impôt progressif introduit en France, avant l’institution de l’impôt sur le revenu en 1914. Parallèlement, elle a abaissé le tarif pesant sur les héritiers en ligne directe, et l’a considérablement alourdi pour tous les autres.

L’existence de barèmes différenciés selon le lien familial y trouve son origine, cette loi fixant pas moins de sept barèmes applicables, respectivement, aux héritiers en ligne directe, entre époux, entre frères et sœurs, entre oncles et tantes et neveux et nièces, entre grands-oncles ou grands-tantes et petits-neveux ou petites-nièces et entre cousins germains, entre parents aux cinquième et sixième degrés et, enfin, entre parents au-delà du sixième degré jusqu’au douzième degré inclusivement. Les droits étaient notamment alors compris, selon la tranche, entre 1 et 2,5 % en ligne directe, entre 8,5 et 12 % entre frères et sœurs et entre 15 et 18,5 % entre parents au-delà du sixième degré.

Par la suite, comme le relate l’économiste Nicolas Frémeaux, « jusqu’aux années 1930, les successions vont être taxées de plus en plus lourdement, ce qui permet de générer des recettes sans précédent. Durant les années 1920, l’impôt sur les successions représente à lui seul de 5 à 6 % des recettes fiscales totales, contre environ 1 % aujourd’hui » (11).

Une loi de 1942 (12) a introduit le principe du rapport fiscal des donations, qui portait à cette époque sur l’ensemble des donations effectuées par le défunt. Les dispositions de l’actuel article 784 du CGI, prévoyant que tout acte de donation entre vifs et toute déclaration de succession doit mentionner le montant des donations antérieurement consenties par le donateur ou le défunt, en sont directement issues.

La loi de finances pour 1992 (13), à son article 15, a supprimé le principe du rappel fiscal des donations lorsque celles-ci étaient effectuées plus de dix ans avant une nouvelle donation ou succession. La loi de finances pour 2006 (14) a réduit ce délai à six ans, avant qu’il ne soit rétabli à dix ans en 2011 (15), puis porté à quinze ans en 2012 (16).

La dernière réforme en date de la fiscalité des successions est intervenue en 2012. Outre l’allongement de la durée du rappel fiscal, elle a abaissé de 159 325 à 100 000 euros l’abattement en ligne directe, et supprimé la réévaluation annuelle des abattements et du barème des donations et des successions qui prévalait auparavant.

(1) « L’impôt sur l’héritage – Débats philosophico-économiques et leçons de l’histoire », André Masson, Revue de l’OFCE, 2018/2, n° 156, pp. 123 à 174 : https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2018-2-page-123.htm

(2) Loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral.

(3) CEDH, 1er février 2000, Mazurek c/ France.

(4) Un enfant naturel est l’enfant issu de parents non-mariés. On le distinguait de l’enfant légitime, né dans le cadre du mariage.

Un enfant adultérin est l’enfant issu d’un couple non-marié, lorsque le père ou la mère ou les deux étaient, au temps de la conception, engagés dans les liens du mariage.

(5) Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

(6) La technique de la libéralité « graduelle » consiste à organiser la transmission de son patrimoine en deux temps, et d’avantager ainsi successivement plusieurs bénéficiaires. Le donateur désigne deux donataires successifs : le premier reçoit le bien désigné dans l’acte de donation et doit le conserver, pour ensuite le transmettre au second donataire.

(7) La libéralité résiduelle est une opération par laquelle un disposant prévoit dans une donation ou un testament qu’une personne est appelée à recueillir ce qui subsistera du don ou du legs fait à un premier gratifié, à la mort de celui-ci. Le premier donataire (qu’on appelle le « grevé ») a l’obligation de transmettre le bien, mais non celle de le conserver ; il peut même librement le vendre ou le donner.

(8) La réserve héréditaire représente la part du patrimoine que la loi réserve aux héritiers réservataires. Le donateur ne peut pas en disposer à sa guise en faveur d'un tiers à la succession. L’objectif est d’éviter que des personnes puissent déshériter totalement leurs descendants, les privant ainsi de tous droits dans leur succession.

À l’inverse, la quotité disponible représente la part du patrimoine dont le donateur peut disposer librement.

Le terme de « patrimoine » renvoie quant à lui à l’ensemble des biens qui appartiennent à une personne physique ou morale.

(9) La réduction des libéralités est l'opération qui consiste à vérifier si les libéralités consenties par le défunt portent atteinte à la réserve successorale et, dans ce cas, à reconstituer la réserve.

(10) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6105485g/f1.item.texteImage

(11) In Les Nouveaux héritiers, Nicolas Frémeaux, octobre 2018, p. 58.

(12) Loi n° 389 du 14 mars 1942 relative au régime fiscal des donations : https://www.legifrance.gouv.fr/download/securePrint?token=3ZHp!x5Nixk5pzZ8FA!E

(13) Loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000356342. Un article du Monde contemporain de cette réforme ne manque pas de rappeler que l’article 784 du CGI, dans sa version antérieure à cette réforme, « faisait le désespoir des notaires et des familles fortunées désireuses de transmettre précocement leurs biens par donation » : https://www.lemonde.fr/archives/article/1991/11/23/les-dispositions-fiscales-du-projet-de-loi-de-finances-pour-1992-le-regime-des-donations-nettement-favorise_4040626_1819218.html

(14) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

(15) Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

(16) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

 

 

 

 


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B.   UNE FISCALITÉ COMPLEXE ET DATÉE

1.   Des tarifs multiples, qui dépendent du lien familial

Les droits de donation et de succession se caractérisent par une multiplicité de barèmes et d’abattements, qui s’appliquent selon le degré de proximité familiale unissant le donateur ou le défunt et le bénéficiaire.

Depuis la loi de 1901, le droit fiscal a suivi le modèle de l’ordre des successibles existant en droit civil en imposant les successions de plus en plus lourdement à mesure que l’héritier est éloigné du défunt dans l’ordre familial.

 

https://www.planete-patrimoine.com/PLANETEPATRIMOINE_WEB/Informations/Transmission/vignette-ordre-heritiers.jpg

 

Par ordre croissant de taxation, on distingue les tarifs suivants :

a.   Les droits de succession

i.   Les mutations entre époux ou partenaires de PACS

La part recueillie par le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité (PACS) est totalement exonérée de droits de succession ([8]).

ii.   Les mutations en ligne directe

Ce tarif est indépendant du degré de parenté. Il s’applique de la même manière à la dévolution du père au fils qu’à celle du grand-père au petit-fils.

Barème des DMTG en ligne directe ([9])

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable (en %)

≤ 8 072 euros

5 %

Comprise entre 8 072 et 12 109 euros

10 %

Comprise entre 12 109 et 15 932 euros

15 %

Comprise entre 15 932 et 552 324 euros

20 %

Comprise entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Comprise entre 902 838 et 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

Source : commission des finances.

En revanche, il est pratiqué un abattement de 100 000 euros sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés ([10]) par suite du prédécès ([11]) ou de la renonciation ([12]) de l’enfant ([13]). Cet abattement est personnel ([14]).

iii.   Les mutations entre frères et sœurs

Un abattement de 15 932 euros est applicable sur la part de chaque frère et sœur vivant ou représenté par suite de prédécès ou de la renonciation ([15]), après quoi le barème suivant s’applique :

Barème des DMTG entre frères et sœurs ([16])

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable (en %)

 24 430 euros

35 %

> 24 430 euros

45 %

Source : commission des finances.

Comme prévu au dernier alinéa de l’article 777 du CGI, sous réserve des exceptions prévues aux articles 794, 795 et 795-0 A du même code en faveur de certaines collectivités publiques, ce barème est applicable aux dons et legs faits aux établissements publics ou d’utilité publique.

iv.   Les autres mutations

Le tarif applicable aux autres mutations à titre gratuit est le suivant ([17]) :

– 55 % entre parents jusqu’au quatrième degré inclus ;

– 60 % entre parents au-delà du quatrième degré et entre personnes non parents.

Il est pratiqué un abattement de 7 967 euros sur la part de chaque neveu ou nièce ([18]).

Les personnes handicapées ont droit à un abattement spécifique de 159 325 euros ([19]). Il profite à chaque héritier, donataire ou légataire incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité en raison d’une infirmité physique ou morale, congénitale ou acquise. Cet abattement s’ajoute, le cas échéant, à ceux dont les handicapés peuvent bénéficier à titre personnel, notamment en tant que descendant.

De plus, un abattement de 1 594 euros est applicable sur chaque part successorale à défaut d’autre abattement ([20]).

b.   Les droits de donation

Les donations se voient appliquer les abattements et tarifs prévus pour les successions en ligne directe, entre frères et sœurs, en faveur des neveux et nièces et en faveur des personnes handicapées. En revanche, elles ne bénéficient pas des autres abattements prévus en matière de succession.

De plus, des abattements et barèmes spécifiques aux donations sont prévus :

– Pour les donations entre époux et entre partenaires de PACS, à hauteur de 80 734 euros ([21]). Les donations entre ces personnes ne sont en effet pas exonérées comme le sont les successions ; elles sont soumises au tarif suivant :

Barème des Droits de donation entre Époux et partenaires de PACS ([22])

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable (en %)

≤ 8 072 euros

5 %

Comprise entre 8 072 et 15 932 euros

10 %

Comprise entre 15 932 et 31 865 euros

15 %

Comprise entre 31 865 et 552 324 euros

20 %

Comprise entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Comprise entre 902 838 et 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

Source : commission des finances.

– pour les donations aux petits-enfants, s’applique un abattement de 31 865 euros par part ([23]) ;

– pour les donations aux arrière-petits-enfants, s’applique un abattement de 5 310 euros par part ([24]).

De plus, bénéficient du régime fiscal applicable en ligne directe :

– les libéralités faites au profit d’enfants abandonnés par suite d’événements de guerre, « lorsqu’ils ont reçu dans leur minorité des secours et des soins non interrompus pendant cinq ans au moins de la part du disposant et que celui-ci n’a pu légalement les adopter » ([25]) ;

– les dons et legs consentis aux pupilles de l’État ou de la Nation et, dans certaines circonstances, aux mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance, lorsque le donateur ou le défunt a pourvu à leur entretien pendant cinq ans au moins au cours de leur minorité ([26]).

L’article 784 B du même code prévoit qu’en cas de donation-partage faite à des descendants de degrés différents, les droits sont liquidés en fonction du lien de parenté entre l’ascendant donateur et les descendants allotis.

Les dons familiaux en espèces

Les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété au profit d’un enfant, d’un petit-enfant, d’un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’une nièce ou, par représentation, d’un petit-neveu ou d’une petite-nièce, sont exonérés de droits de donation dans la limite de 31 865 euros à la double condition que :

– le donateur ait, à la date de la donation, moins de 80 ans ;

– le bénéficiaire de la donation soit majeur ou mineur émancipé.

Ce plafond s’applique aux donations consenties par un même donateur à un même donataire. Elle se cumule avec les abattements dont bénéficient par ailleurs les intéressés.

Ces dons de sommes d’argent n’ont pas à être fiscalement rapportés lors d’une nouvelle donation ou d’une succession entre les mêmes personnes. Ils doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire au service des impôts de son domicile dans le délai d’un mois suivant la date du don.

Cette exonération est renouvelable tous les quinze ans.

(1) Article 790 G du CGI.

Le dispositif conditionnel d’abattement sur les droits de donation applicable jusqu’au 30 juin 2021

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 (1) a introduit, à l’article 790 A bis du CGI, un dispositif supplémentaire d’exonération de droits de donation pour les dons de sommes d’argent consentis à un descendant en ligne directe ou (enfant, petit-enfant ou arrière-petit-enfant) ou, à défaut d’une telle descendance, à un neveu ou une nièce.

Ces dons sont exonérés jusqu’à 100 000 euros par donateur, entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, si ces sommes sont affectées, au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le transfert :

– à la souscription au capital d’une petite entreprise de moins de cinq ans où le donataire exerce son activité professionnelle principale pendant au moins trois ans après la souscription ;

– à des travaux de rénovation énergétique du logement dont le donataire est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale. Ces travaux doivent être éligibles à la prime de transition énergétique (« MaPrimeRénov ») gérée par l’Agence nationale de l’habitat ;

– à la construction de la résidence principale.

Le donataire ne peut bénéficier du dispositif qu'une seule fois par donateur.

Ce dispositif est cumulable avec les abattements de droit commun dont bénéficient les donations – notamment celles en ligne directe, pour lesquelles il atteint 100 000 euros, renouvelable tous les 15 ans –, et avec l’exonération des dons d’argent dans le cadre familial pour 31 865 euros.

(1) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

c.   Le produit des DMTG

produit des DMTG (droits de donation et de succession) entre 2015 et 2020

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020 (est.)

Droits de donation

1,51

1,75

2,27

2,68

3,00

2,67

Droits de succession

9,71

11,00

10,56

13,49

12,31

12,29

Total

11,22

12,75

12,83

16,17

15,31

14,96

Source : commission des finances.

2.   Des exonérations selon la nature des biens transmis

Certaines exonérations de DMTG se justifient par la nature des biens transmis. Il s’agit pour l’essentiel de favoriser la transmission de biens professionnels et d’éviter que le paiement des droits ne mette en péril la pérennité d’une entreprise. Cela concerne tout particulièrement les entreprises et les biens ruraux.

a.   Les exonérations applicables aux transmissions d’entreprises

i.   Le « pacte Dutreil »

Les transmissions par décès et les donations de parts ou d’actions de sociétés ayant fait l’objet d’un engagement collectif de conservation (dit « pacte Dutreil ») sont exonérées de DMTG à concurrence des trois quarts de leur valeur, sans limitation de montant ([27]).

Cette exonération partielle s’applique aux transmissions :

– de parts ou actions de sociétés, quel que soit leur régime fiscal, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale qui ont fait l’objet d’un engagement collectif de conservation dans certaines conditions ;

– de parts ou actions de sociétés interposées, soit des parts ou actions détenant, soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire d’une autre société, une participation dans la société dont les titres font l’objet de l’engagement collectif de conservation. Dans ce dernier cas, l’exonération partielle porte sur la valeur des droits sociaux de la société détenus directement par le redevable dans la limite de la fraction de la valeur de l’actif brut de celle-ci représentative de la participation directe ou indirecte ayant fait l’objet de l’engagement collectif.

L’exonération est subordonnée aux conditions suivantes :

● Les parts ou actions doivent avoir fait l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans commençant à courir à compter de l’enregistrement de l’acte le constatant.

En principe, cet engagement doit être en cours à la date de la transmission. Il est pris par le défunt, ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, seul ou avec un ou plusieurs autres associés, personnes physiques ou morales. Dans le cas d’une interposition de sociétés, l’engagement est souscrit par la société qui détient directement la participation de la société dont les titres font l’objet de l’engagement de conservation. Le bénéfice de l’exonération est alors subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif. Les participations doivent également être conservées inchangées durant la période d’engagement individuel.

L’engagement collectif doit porter :

– S’il s’agit de sociétés cotées, sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote attachés aux titres émis par la société ([28]) ;

– s’il s’agit de titres de sociétés non cotées, sur respectivement au moins 17 % et 34 % de ces mêmes droits ([29]).

Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l’engagement collectif de conservation des titres.

L’engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque le défunt, ou le donateur, seul ou avec son conjoint, partenaire de PACS ou concubin notoire détient, directement ou indirectement – dans la limite d’un seul niveau d’interposition, depuis deux ans au moins le quota de titres requis pour la conclusion de cet engagement et que l’un d’eux exerce dans la société concernée depuis plus de deux ans son activité principale, ou certaines fonctions de direction.

De plus, en l’absence d’engagement pris avant la transmission par décès, l’engagement collectif de conservation peut encore être conclu dans les six mois du décès par un ou des héritiers ou légataires entre eux ou avec d’autres associés (engagement post mortem).

● Au moment de la transmission, chacun des héritiers, légataires ou donataires doit à son tour s’engager, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, à conserver les titres transmis pendant une période de quatre ans commençant à courir à compter de l’expiration de l’engagement collectif de conservation des titres (ou de la transmission lorsque l’engagement collectif de conservation est réputé acquis).

● L’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif de conservation ou l’un des héritiers, légataires ou donataires ayant pris l’engagement individuel de conservation doit exercer dans la société pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la transmission :

– s’il s’agit d’une société de personnes, son activité principale ;

– s’il s’agit d’une société soumise à l’IS, certaines fonctions de direction.

En cas de conclusion d’un engagement post mortem, on admet que la condition d’exercice de la fonction de direction ne soit remplie qu’à compter de la date de conclusion de l’engagement, le délai de trois ans démarrant à la même date.

ii.   Les entreprises individuelles

Les transmissions par décès et les donations de biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont exonérées de DMTG à concurrence des trois quarts de leur valeur ([30]), lorsque les conditions suivantes sont remplies :

– l’entreprise doit avoir été détenue pendant deux ans par le défunt ou donateur s’il l’avait acquise à titre onéreux. En revanche, aucune durée de détention n’est exigée en cas de création ou d’acquisition à titre gratuit. L’exploitation de l’entreprise par le défunt au jour de son décès n’est pas nécessaire ;

– chacun des héritiers, légataires ou donataires doit prendre dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, l’engagement de conserver pendant quatre ans à compter de la transmission les biens affectés à l’exploitation de l’entreprise ;

– l’un des héritiers, légataires ou donataires ayant pris l’engagement de conservation doit effectivement poursuivre pendant trois ans l’exploitation de l’entreprise. Cela implique, pour l’administration, qu’il y exerce effectivement à titre habituel et principal son activité.

iii.   Les donations de biens professionnels aux salariés

Les donations en pleine propriété à des salariés de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d’une entreprise individuelle ou de parts ou actions d’une société ouvrent droit à un abattement de 300 000 euros sur la valeur du fonds ou de la clientèle ou sur la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle ([31]). Le bénéfice de cet abattement est subordonné aux conditions suivantes :

– l’entreprise exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

– les donataires sont titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis deux ans au moins et exercent leurs fonctions à temps plein, ou sont titulaires d’un contrat d’apprentissage ;

– les donataires poursuivent à titre d’activité professionnelle unique et de manière effective et continue, pendant cinq ans à compter de la transmission, l’exploitation du fonds ou l’activité de la société. Par ailleurs, l’un d’eux assure, pendant la même période, la direction effective de l’entreprise ;

– le fonds ou la clientèle doit être détenu depuis plus de deux ans par le donateur ou la société lorsqu’il a été acquis à titre onéreux.

Lorsque la transmission porte sur des parts ou actions acquises à titre onéreux, le donateur doit les détenir depuis plus de deux ans.

b.   Les biens forestiers et ruraux

i.   Les bois et forêts

Les transmissions à titre gratuit intéressant les propriétés en nature de bois et forêts sont exonérées de droits, à concurrence des trois quarts de leur montant, à condition :

– que les parties produisent un certificat émis par l’administration attestant que les bois et forêts sont susceptibles de présenter une garantie de gestion durable ;

– et qu’elles prennent pour elles et leurs ayants cause l’engagement d’appliquer pendant trente ans à ces bois et forêts l’une des garanties de gestion durable précitées, ou, si au moment de la mutation aucune garantie de gestion durable n’est appliquée, de présenter une telle garantie dans le délai de trois ans à compter de la mutation et de l’appliquer jusqu’à l’expiration du délai de trente ans ([32]).

Le bénéficiaire de l’exonération doit en outre produire, tous les dix ans à compter de la date du dépôt de la déclaration de succession, ou de la signature de l’acte de donation, un bilan de la mise en œuvre du document de gestion durable.

La rupture de l’engagement entraîne l’exigibilité du complément de droit et d’un droit supplémentaire égal respectivement à 30 %, 20 % et 10 % du complément selon que le manquement est constaté avant l’expiration de la dixième, vingtième ou trentième année suivant la transmission ([33]).

Les parts de groupements forestiers bénéficient d’un régime analogue. Toutefois, dans leur cas :

– l’exonération ne s’applique pour les parts acquises à titre onéreux que si ces parts sont détenues depuis plus de deux ans ;

– l’engagement d’appliquer aux bois une garantie de gestion durable est souscrit par le groupement qui s’engage en outre à reboiser ses friches et landes dans un délai de cinq ans ;

– l’exonération partielle est limitée à la fraction de la valeur nette des parts correspondant aux biens directement liés à l’objet de ces groupements (bois et forêts, friches et landes, terrains pastoraux et sommes déposées sur un compte d’investissement forestier et d’assurance).

ii.   Biens ruraux donnés à bail et parts de GFA

Les biens ruraux donnés à bail à long terme ou à bail cessible hors du cadre familial bénéficient, pour chaque transmission à titre gratuit, d’une exonération partielle de droits ([34]). Cette exonération est subordonnée à la condition que le bénéficiaire reste propriétaire des biens pendant cinq ans.

Pour les donations intervenues au profit du preneur ou d’un de ses proches parents, l’exonération ne s’applique que si le bail a été consenti depuis deux ans au moins à la date de la donation.

Les transmissions à titre gratuit de parts de groupements fonciers agricoles (GFA) sont elles aussi partiellement exonérées de droits lorsque les conditions suivantes sont réunies :

– les statuts du groupement doivent lui interdire l’exploitation en faire-valoir direct ;

– les immeubles à destination agricole du groupement doivent faire l’objet d’un bail rural à long terme ou d’un bail cessible hors du cadre familial ;

– les parts doivent avoir été détenues depuis deux ans au moins par le défunt ou le donateur, ce délai n’étant toutefois pas exigé pour les parts attribuées en rémunération d’apports d’immeubles ou de droits immobiliers à destination agricole effectués lors de la constitution du groupement ;

– le bénéficiaire de la transmission doit rester propriétaire des biens pendant cinq ans ;

– pour les donations intervenues au profit du preneur ou d’un de ses proches parents, le bail doit être consenti depuis deux ans au moins à la date de la donation.

L’exonération ne s’applique qu’à la fraction de la valeur nette des parts correspondant aux biens donnés à bail à long terme ou à bail cessible hors du cadre familial et à concurrence d’un certain pourcentage de leur activité.

Lorsque la valeur totale des biens ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial, ou la valeur totale des parts de GFA transmis par le défunt ou donateur à chaque héritier, légataire ou donataire n’excède pas 300 000 euros, les biens transmis sont exonérés à concurrence des trois quarts de leur valeur. Dans le cas contraire, l’exonération est ramenée à 50 % au-delà de 300 000 euros.

c.   Les monuments historiques

Les immeubles qui sont, pour l’essentiel, classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ainsi que les meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, sont exonérés de DMTG ([35]).

Cette exonération est subordonnée à la souscription par les héritiers, légataires ou donataires d’une convention avec le ministre chargé de la culture, après avis conforme du ministre chargé du budget. Celle-ci doit prévoir le maintien dans l’immeuble des meubles exonérés et leurs conditions de présentation, les modalités d’accès du public, ainsi que les conditions d’entretien des biens exonérés.

3.   Des exonérations justifiées par la qualité du défunt

Bénéficient d’une exonération de droits de succession :

– Les successions des victimes de guerre ou d’actes de terrorisme et celles des militaires décédés dans le cadre d’opérations extérieures ou d’opérations de sécurité intérieure ([36]) ;

– les successions des sapeurs-pompiers décédés dans le cadre d’opérations de secours et des policiers, gendarmes et agents des douanes décédés dans l’accomplissement de leurs missions ou des suites de leurs blessures, lorsqu’ils sont cités à l’ordre de la Nation ([37]) ;

– les rentes et indemnités versées ou dues au défunt en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie ([38]).

4.   Des exonérations justifiées par la qualité du successeur

Bénéficient également d’une exonération de DMTG :

– Les dons et legs consentis à l’État, aux établissements publics scientifiques, d’enseignement, d’assistance et de bienfaisance ainsi qu’aux établissements publics fonciers de l’État ([39]) ;

– les dons et legs consentis aux régions, aux départements, aux communes, à leurs établissements publics et aux établissements publics hospitaliers sur les biens affectés à des activités non lucratives qui leur adviennent par donation ou succession jusqu’au 31 décembre 2023 ([40]) ;

– les dons et legs consentis aux personnes morales ou aux organismes de même nature que ceux mentionnés aux articles 794 et 795 du CGI ([41]), constitués sur le fondement d’un droit étranger et dont le siège est situé dans un État membre de l’UE, sous réserve d’un agrément ([42]) ;

– les dons et legs consentis aux associations ou aux fondations, reconnues d’utilité publique, dont les ressources sont affectées à des œuvres d’assistance et de bienfaisance, à la défense de l’environnement naturel ou à la protection des animaux, ainsi qu’aux associations simplement déclarées qui poursuivent un but exclusif d’assistance et de bienfaisance ([43]) ;

– les dons et legs consentis aux établissements publics ou d’utilité publique répondant aux caractéristiques prévues pour le bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu ([44]) ;

– les dons et legs faits aux fondations universitaires, aux fondations partenariales et établissements d’enseignement supérieur reconnus d’utilité publique ([45]) ;

– les dons et legs consentis au profit de fonds de dotation répondant aux conditions prévues pour le bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu ([46]).

5.   Le principe du rapport fiscal des donations

L’application des droits de succession est encore compliquée par le mécanisme du rapport (dit également « rappel ») fiscal ([47]). En application de ce dispositif, en cas de donations antérieures consenties par le défunt au même bénéficiaire, la perception des droits est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la déclaration de succession la valeur des biens qui ont fait l’objet de donations antérieures, pourvu qu’elles aient été passées depuis moins de quinze ans.

Pour les donations de moins de quinze ans, le rapport fiscal entraîne les conséquences suivantes :

– les abattements de droits de succession s’appliquent déduction faite de ceux dont les intéressés ont bénéficié sur les donations qui leur ont été consenties par le défunt depuis moins de quinze ans ;

– lorsqu’il y a lieu à application d’un tarif progressif, les tranches les plus basses qui ont totalement servi pour l’imposition des donations de moins de quinze ans ne sont pas utilisées, et celles ayant servi en partie ne sont reprises que pour leur solde.

Les donations de plus de quinze ans sont quant à elles dispensées de rapport fiscal. L’héritier ou le légataire peut alors bénéficier à plein des abattements et des tranches les plus basses du barème.

Autrement dit, par l’article 784 du CGI, « la perception (des droits de mutation à titre gratuit) est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l’objet de donations antérieures, à l’exception de celles passées depuis plus de quinze ans, et, lorsqu’il y a lieu à application d’un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n’a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l’actif imposable ». Pour le calcul des abattements et réductions applicables aux droits de mutation à titre gratuit entre parents et enfants et aux droits de mutation à titre gratuit entre vifs applicables entre grands-parents et petits-enfants, arrière-grands-parents et arrière-petits-enfants et entre conjoints ou partenaires de PACS, il est tenu compte des abattements et réductions effectués sur les donations antérieures de moins de quinze ans consenties par la même personne.

Afin de garantir la mise en œuvre du rapport fiscal, le même article prévoit une obligation de déclaration des donations antérieures dans tout acte de donation ou déclaration de succession : « les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s’il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l’affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donation, et la date de l’enregistrement de ces actes ».

6.   Le régime de l’assurance-vie au regard de la fiscalité des successions

Les sommes stipulées payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré, quel que soit le degré de parenté existant entre ce dernier et le bénéficiaire ([48]). Ces sommes sont donc en principe exonérées.

Cependant, la portée de cette exonération est limitée à deux titres :

– Tout d’abord, les primes versées après l’âge de 70 ans ainsi que les sommes dues à raison du décès, après l’âge de 70 ans, du titulaire d’un plan d’épargne retraite, sont soumises aux droits de succession, après application d’un abattement de 30 500 euros ([49]) ;

– ensuite, les sommes dues par les organismes d’assurance et assimilés sont soumises à un prélèvement spécifique, distinct des droits de succession, sur la fraction revenant à chaque bénéficiaire qui excède 152 500 euros ([50]).

Données récentes sur l’assurance-vie

Fidèle à sa réputation, l’assurance-vie demeure le placement préféré des Français. La France compte en effet 54 millions de contrats d’assurance-vie, pour 18 millions de détenteurs et 38 millions de bénéficiaires.

L’encours est aujourd’hui évalué à environ 1 800 milliards d’euros.

La durée moyenne d’un produit d’assurance-vie est aujourd’hui de douze ans.

En 2020, la collecte nette (soit la différence entre les cotisations encaissées et les prestations versées, que ce soit sous forme de rachat ou de dénouement) a été négative à hauteur de 6,5 milliards d’euros. Il s’agit de la collecte la plus négative jamais enregistrée – le montant atteint en 2012 pendant la crise des dettes souveraines étant cependant proche, à 6,3 milliards d’euros. Elle s’est élevée, en 2019, à 21,9 milliards d’euros.

Les prestations versées par les sociétés d’assurance-vie se sont élevées à 122,7 milliards d’euros en 2019 et à 122,8 milliards d’euros en 2020.

Au 31 décembre 2020, l’encours de l’assurance-vie se répartissait à 77 % sur des fonds en euro, pour 1 383 milliards d’euros, et à 23 % sur des supports en unités de compte, pour 407 milliards d’euros.

Au 31 décembre 2019, les fonds en euros étaient eux-mêmes composés à 40,5 % d’obligations d’entreprises, à 36 % d’obligations souveraines (essentiellement des OAT), à 10,4 % d’actions, à 4,3 % d’immobilier d’entreprises et à 1 % d’immobilier d’habitation.

Les fonds en unités de compte étaient composés à 54,9 % d’actions, à 19,9 % d’obligations d’entreprises, à 8,2 % d’immobilier d’entreprises, à 5,8 % d’obligations souveraines et à 1,9 % d’immobilier d’habitation.

Au total, les fonds de l’assurance-vie se répartissaient, à la même date, comme suit :

– 36 % en obligations d’entreprises, pour 641 milliards d’euros ;

– 29,4 % en obligations souveraines, pour 525 milliards d’euros ;

– 20,1 % en actions, pour 359 milliards d’euros ;

– 5,1 % en immobilier d’entreprises, pour 92 milliards d’euros ;

– 1,2 % en immobilier d’habitation, pour 21,5 milliards d’euros ;

– 8,1 % en autres placements, pour 144,7 milliards d’euros.

61,2 % des fonds de l’assurance-vie, soit 1 092 milliards d’euros, étaient donc investis dans des entreprises.

Toujours au 31 décembre 2019, les investissements dans des PME et des ETI s’élevaient à 63 milliards d’euros, investis à 49 % en capital et à 49 % en dette. Ce chiffre avait crû de 13 % par an en moyenne depuis 2015.

Sur les 1 092 milliards investis dans des entreprises, 544 milliards d’euros, soit environ la moitié, seraient investis dans des entreprises françaises, 371 milliards dans des entreprises européennes hors France, soit 34 %, et 177 milliards, soit 16 %, ailleurs dans le monde.

À la fin de l’année 2019, l’assurance-vie comptait 25 milliards d’euros d’encours investis en unités de comptes responsables, vertes ou solidaires, contre 6,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2018.

Les rémunérations versées en 2019 se sont élevées à + 1,46 % pour les supports euro et à + 13,9 % pour les supports en unités de compte ; en 2020, elles ont été d’environ + 1,25 % et – 0,2 %, respectivement. Sur la période 2016-2020, les placements en unités de compte ont rapporté 2,9 % par an en moyenne, et 3,7 % par an en moyenne sur les dix dernières années (1).

En 2020, le volume de collecte s’est porté à 34 % vers des supports en unités de compte, contre seulement 27 % en 2019.

Selon l’enquête « Histoire de vie et Patrimoine 2017-2018 » de l’INSEE, les 10 % de la population française les mieux dotés en patrimoine brut possèdent plus de 65 % des encours de l’assurance-vie ; les 5 % les mieux dotés en possèdent 20 % ; et le 1 % le mieux doté en possède 32 %. À l’inverse, les 50 % de la population les moins bien dotés en patrimoine brut n’en possèdent que 6,6 %, et les 70 % les moins bien dotés que 13,6 %.

(1) La performance des fonds en euros est exprimée nette de frais ; celle des unités de compte avant déduction des frais, qui sont d’environ 1 %.

Source : Fédération française de l’assurance et INSEE.

a.   Une application limitée des droits de succession

Les sommes versées par un assureur à un bénéficiaire déterminé à raison du décès de l’assuré sont soumises aux droits de succession à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de 70 ans ([51]).

Par exception, les sommes versées en cas de décès, après l’âge de 70 ans, du titulaire d’un plan d’épargne retraite donnent lieu à perception de ces droits pour leur montant total.

Ces sommes ne sont taxées qu’après application d’un abattement global de 30 500 euros. Le cas échéant, cet abattement est partagé entre les différents contrats conclus sur la tête d’un même assuré. En cas de pluralité de bénéficiaires, l’abattement est réparti entre les bénéficiaires en fonction de leur part dans les sommes taxables.

Les droits sont calculés compte tenu du lien de parenté existant entre le bénéficiaire et l’assuré.

Ce dispositif s’applique aux seuls contrats souscrits depuis le 20 novembre 1991. Ceux souscrits avant le 20 novembre 1991 ne donnent ouverture à aucun droit de mutation par décès.

 

L’exclusion de l’assurance-vie du droit des successions

Cette règle, valable aussi bien sur le plan civil que sur le plan fiscal, découle de l’article L. 132-12 du code des assurances, qui prévoit en des termes très généraux que « le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré ».

L’article L. 132-13 du même code complète : « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »

Cela signifie qu’au décès de l’assuré, les capitaux ne reviennent pas aux héritiers désignés par la loi mais aux bénéficiaires désignés par la clause bénéficiaire. Il est admis que cette exclusion a un caractère supplétif de la volonté du souscripteur : si celui-ci a prévu par testament qu’il devra être tenu compte de ces capitaux pour le calcul de la masse successorale, cette volonté l’emporte (1) (2).

Ces dispositions sont demeurées pour ainsi dire inchangées depuis la loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance qui les a introduites dans notre droit, en même temps que la forme moderne de l’assurance-vie. N’étaient en effet autorisés auparavant que les contrats de prévoyance répondant à l’exécution d’une obligation civile ou d’un devoir alimentaire, et visant donc à répondre au souci de se prémunir contre la disparition prématurée du chef de famille. Il n’en reste pas moins qu’elles accordent une place très singulière à l’assurance-vie dans le patrimoine de son titulaire défunt au regard des règles ordinaires de succession.

La doctrine majoritaire a justifié cette exclusion en avançant que les capitaux issus de ce contrat ne provenaient pas du patrimoine de l’assuré, ce qui paraît difficile à défendre au vu de l’article 757 B du CGI, qui prévoit, a contrario, que certaines primes versées sur certains contrats d’assurance-vie sont soumises à la fiscalité des successions et font donc bien partie du patrimoine du de cujus.

Sur le plan civil, cette question a donné lieu à de nombreux recours de la part d’héritiers réservataires se jugeant lésés dans leurs droits par l’existence d’une assurance-vie dont le bénéfice leur échappait. La limite constituée par le caractère manifestement exagéré des primes, si elle vise à tempérer les conséquences potentiellement radicales de l’assurance-vie sur le volume de la réserve, n’a été précisée que tardivement par la Cour de cassation, laissant pendant longtemps le champ libre à des interprétations variées. Des arrêts de 2004 ont unifié le contentieux : le caractère manifestement exagéré des primes s’apprécie depuis lors au moment du versement des primes par le souscripteur, et donne lieu à une appréciation in concreto par les juges (3). Trois critères sont principalement examinés :

– la situation patrimoniale du souscripteur.

L’importance de la prime versée au moment de la souscription du contrat ou des versements complémentaires doit être mise en parallèle avec les revenus et le patrimoine du souscripteur à ce moment-là ;

– l’utilité du contrat ;

Il s’agit de prendre en considération l’espérance de vie au moment de la souscription, afin de cerner les motivations de celle-ci : a-t-elle eu lieu uniquement pour contourner les règles de succession classiques, ou également à des fins de placement financier ?

– la volonté du souscripteur ;

À travers ce critère, il s’agit d’établir que le souscripteur a souhaité avantager le bénéficiaire de l’assurance-vie de manière à porter atteinte à la réserve héréditaire.

Cet arrêt a également tranché, en jurisprudence, le débat sur le caractère aléatoire ou non du contrat d’assurance-vie. Le code civil définit aujourd’hui, à son article 1108, le contrat aléatoire comme celui dans lequel « les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain ». Or ce caractère n’est effectif que lorsque l’assurance-vie est principalement une opération de prévoyance, dans laquelle le capital est bloqué jusqu’au décès. Si le souscripteur a la possibilité de retirer des fonds avant cette échéance, il s’agit d’une simple opération de placement, sans véritable caractère aléatoire. Malgré l’évolution de l’assurance-vie vers un pur instrument de placement, la Cour de cassation a pris le parti de regarder ce contrat comme aléatoire dans tous les cas, pour le motif que ses effets dépendent de la durée de la vie humaine.

Les héritiers s’estimant lésés peuvent former des recours afin de voir reconnaître le caractère manifestement excessif des primes, ce qui peut entraîner la réintégration de l’assurance-vie à la succession, ou la requalification de l’assurance-vie en donation indirecte.

On peut relever que cette exclusion donne lieu, en doctrine, à de vigoureuses contestations, sur plusieurs fondements.

I.- Un fondement historique tout d’abord, invoquant un contresens sur l’intention du législateur de 1930.

Un courant doctrinal estime en effet que l’interprétation excluant l’assurance-vie du droit commun des successions résulte d’une interprétation fausse de l’intention du législateur de 1930, qui n’aurait en réalité voulu exclure l’assurance-vie des successions que pour autant qu’elle ne constituait pas une donation du stipulant au bénéficiaire, situation rare en pratique.

M. Marc Mignot, professeur à l’Université Robert-Schuman de Strasbourg affirme ainsi que « les rédacteurs de la loi de 1930 n’ont jamais souhaité soustraire la donation existant entre le stipulant et le bénéficiaire au droit commun des successions. Les travaux préparatoires sont sur ce point (…) de la plus grande clarté. Après avoir affirmé l’existence du droit direct du bénéficiaire et ses conséquences en droit des successions, l’auteur de l’exposé des motifs poursuit en affirmant : « Aussi la somme assurée n’ayant jamais formé un élément du patrimoine du contractant, ne figurant pas dans sa succession, doit être attribuée au bénéficiaire malgré sa renonciation à la succession » ». En réalité, le législateur de 1930 aurait voulu signifier, à travers ces dispositions, que, dans le cadre d’une opération de prévoyance, il n’y avait pas donation lorsque les primes étaient payées sur les revenus du souscripteur, et non sur son patrimoine, car il n’y avait dans ce cas pas d’appauvrissement, ce qui justifiait également l’exclusion de la succession (4).

II.- Un fondement juridique, ensuite, mettant en jeu la constitutionnalité de ces dispositions.

De réelles interrogations peuvent être formulées quant à la conformité à la Constitution des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances.

Une question prioritaire de constitutionnalité a d’ailleurs été formulée à l’occasion d’une procédure engagée devant le TGI de Caen dans les termes suivants : « Les dispositions des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances, telles qu’interprétées actuellement par la jurisprudence, portent-elles atteinte aux droits et libertés que les normes constitutionnelles garantissent, et plus exactement au principe fondamental d’égalité des citoyens devant la loi, et notamment au principe de non-discrimination entre les héritiers réservataires ? ». Cette question n’avait pas été transmise au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation au motif d’une absence de caractère sérieux, en ce que ces articles « ne créent pas de discrimination entre les héritiers ni ne portent atteinte au principe d’égalité et que les primes manifestement exagérées peuvent être réintégrées par le juge dans la succession » (5).

Comme l’a souligné un auteur (6), cette décision de non-renvoi mérite pourtant d’être questionnée, au vu notamment de la décision rendue le 28 juin 2008 par la Cour constitutionnelle belge, qui était saisie d’une question préjudicielle relative à l’article 124 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre (7). Elle a en effet déclaré l’inconstitutionnalité de cet article, qui disposait, en des termes très proches de l’article L. 132-13 de notre code des assurances, qu’« en cas de décès du preneur d’assurance, sont seules sujettes à rapport ou à réduction les primes payées par lui dans la mesure où les versements effectués sont manifestement exagérés eu égard à sa situation de fortune, sans toutefois que ce rapport ou cette réduction puisse excéder le montant des prestations exigibles ».

Ayant constaté que certains produits d’assurance sont devenus d’authentiques instruments de placement financier, des avoirs d’épargne considérables étant mobilisés, avec pour effet que la part réservée qui doit être garantie aux héritiers réservataires en vertu de la loi peut s’en trouver gravement affectée, la Cour belge a conclu à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, qui posent les principes d’égalité devant la loi et de non-discrimination, en ce que la disposition contestée avait pour effet que « la réserve ne peut être invoquée à l’égard du capital en cas d’opération d’épargne par le de cujus sous la forme d’une assurance-vie mixte ».

Cette position a d’ailleurs été défendue, dans la doctrine française, par un éminent spécialiste du droit des successions, qui soulignait que dans les contrats d’assurance-vie, « l’équivalence entre le capital versé et les primes payées, l’absence de tout aléa économique révèlent qu’il s’agit de contrats de fortune faite qui, lorsqu’ils se dénouent par le décès, opèrent purement et simplement la transmission d’une épargne accumulée, et une transmission dont l’intention libérale constitue l’explication la plus naturelle » (8).

Un rapport rédigé sous la direction de Mme Cécile Pérès, professeur de droit privé, et M. Philipe Potentier, notaire, portant sur la réserve héréditaire (9) et remis le 13 décembre 2019 à la garde des Sceaux, s’est fondée sur ce constat pour proposer de soumettre, pour les seuls aspects civils, l’assurance-vie au droit commun des successions et des libéralités. Comme le soulignent les auteurs, il ne s’agirait pas de regarder tout contrat d’assurance-vie comme une donation mais de le traiter comme telle lorsqu’il constitue effectivement une libéralité. Cela impliquerait de fixer dans la loi des critères permettant de tracer une ligne de partage claire.

(1) Civ. 1re, 8 juillet 2010, n° 09-12.491.

(2) Rappelons que les règles civiles en matière de succession protègent les droits de certains héritiers privilégiés par l’institution de la réserve, soit la part de la succession dont le de cujus ne peut disposer. L’article 912 du code civil prévoit ainsi que « la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent » et que « la quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

(3) Ch. mixte, 23 novembre 2004, n° 01-13.592.

(4) « Histoire d’un contresens (À propos de l’article L. 132-13 du code des assurances) », Les Petites Affiches 144, p. 7, paru le 18 juillet 2008.

(5) Civ. 2e, 19 octobre 2011, n° 11-40063.

(6) Voir l’article « Assurance-vie et réserve : à propos d’une QPC avortée », M. Jean Aulagnier, Droit et patrimoine, mai 2012.

(7) Arrêt de la Cour constitutionnelle belge, 26 juin 2008, n° 96-2008 : https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body.pl?language=fr&caller=summary&pub_date=08-09-03&numac=2008203050.

(8) Droit des successions, Michel Grimaldi, LexisNexis, 7e éd., 2017, n° 740, p. 586.

(9) Accessible à l’adresse : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_reserve_hereditaire.pdf

b.   Un prélèvement sui generis sur les primes versées depuis 1998

Les sommes dues par les organismes d’assurance et assimilés – notamment les mutuelles et les institutions de prévoyance – à raison du décès de l’assuré sont assujetties, à concurrence de la part revenant à chaque bénéficiaire qui excède 152 500 euros, à un prélèvement spécifique égal à 20 % pour la fraction inférieure ou égale à 700 000 euros, et à 31,25 % pour la fraction excédant cette limite.

Ce prélèvement ne s’applique qu’aux contrats conclus depuis le 13 octobre 1998 ainsi qu’aux primes versées depuis cette date sur des contrats en cours.

Sont notamment exclus du champ d’application de ce prélèvement :

– les contrats d’assurance de groupe souscrits dans le cadre d’une activité professionnelle, autres que les PER, ainsi que les sommes dues à raison des rentes viagères constituées dans le cadre d’une activité professionnelle, d’un plan d’épargne retraite populaire (PERP) ou d’un plan d’épargne retraite individuel moyennant certaines conditions ;

– les sommes correspondant aux primes versées au-delà de 70 ans dans le cadre de contrats souscrits depuis le 20 novembre 1991 ainsi que les sommes versées à raison du décès, après l’âge de 70 ans, du titulaire d’un PER ;

– les sommes versées à certains organismes exonérés de DMTG ([52]) ;

– les sommes versées au conjoint ou partenaire de l’assuré.

Ce prélèvement constitue une taxation sui generis et non un droit de mutation à titre gratuit.

Ce prélèvement est précompté par les assureurs et versé au comptable des impôts dans les quinze jours qui suivent la fin du mois au cours duquel les sommes ont été versées aux bénéficiaires.

Le cas particulier des contrats « vie-génération »

L’assiette de ce prélèvement est réduite d’un abattement proportionnel de 20 % lorsque les sommes dues sont issues de contrats dans lesquels les primes versées sont représentées par une ou plusieurs unités de compte constituées notamment des actifs suivants :

a. Titres d’OPCVM, de FIA ou d’organismes européens de même nature dont l’actif est constitué par :

– des actifs relevant de l’économie sociale et solidaire ;

– des parts de fonds communs de placement à risque (FCPR), de fonds professionnels de capital investissement (FPCI), de sociétés de libre partenariat, de fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), de FIP, d’actions de sociétés de capital-risque ou d’organismes européens similaires ;

– des actions ou parts d’entreprises de taille intermédiaire exerçant une activité industrielle ou commerciale sous réserve que le souscripteur du contrat ne détienne pas avec son groupe familial pendant la durée du contrat, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices sociaux.

b. Titres de sociétés à prépondérance immobilière, d’OPCI ou de SCPI contribuant au financement du logement social ou intermédiaire.

Ces actifs cibles (logement social et intermédiaire, économie sociale et solidaire, capital-Risque, ETI) doivent représenter au moins 33 % des actifs du contrat.

La part de chaque bénéficiaire, nette de l’abattement proportionnel de 20 %, est ensuite réduite de l’abattement fixe de 152 500 euros.

Le tableau ci-après récapitule les régimes fiscaux susceptibles de s’appliquer selon la date de souscription du contrat et la date de versement des primes (hors PER).

rÉgime fiscal des contrats d’assurance-vie au dÉcès de l’assurÉ

 

Primes versées

Date de souscription du contrat

Avant le 13 octobre 1998

À partir du 13 octobre 1998

Contrat souscrit avant le 20 novembre 1991

Pas de taxation

Prélèvement de 20 % puis 31,25 %, après application de l’abattement de 152 500 euros

Contrat souscrit à partir du 20 novembre 1991 :

 

▪ Primes versées avant le 70e anniversaire de l’assuré

 

Pas de taxation

Prélèvement de 20 % puis 31,25 %, après application de l’abattement de 152 500 euros (et éventuellement de l’abattement proportionnel de 20 %)

▪ Primes versées après le 70e anniversaire de l’assuré

Droits de succession sur la fraction des primes excédant 30 500 euros

Droits de succession sur la fraction des primes excédant 30 500 euros

Source : commission des finances.

II.   LE DROIT PROPOSÉ

La proposition de loi opère une refonte profonde de la fiscalité des donations et successions.

1. Elle la refond tout d’abord en son principe. Là où cette fiscalité repose aujourd’hui sur un principe qu’on pourrait dire familial, le niveau de taxation dépendant du lien de parenté entre le défunt et le successeur, ce texte l’assied sur une base individuelle, ou universelle, selon le point de vue, et en tout cas la familialise.

Aujourd’hui, c’est le lien de parenté qui déclenche l’application de certains barèmes et abattements, au prix d’une grande complexité, et d’une réelle injustice. On constate des niveaux de taxation considérables, dès le premier euro ou presque, pour les célibataires sans enfants ou dans certaines configurations familiales ([53]).

Dans un contexte où le lien social se distend, où l’individualisme continue de progresser, la solidarité qui se manifeste à travers les transmissions patrimoniales ne saurait continuer à être à ce point découragée lorsqu’elle intervient hors de la famille nucléaire.

Les nouvelles formes de famille, et le libre choix des liens qui y prévaut, invitent également à s’éloigner du modèle fiscal actuel, inspiré de dispositions très anciennes de notre droit civil.

En outre, notre droit dispense aujourd’hui de la règle du rapport fiscal les donations effectuées depuis plus de quinze ans. Outre la particularité de ce mécanisme, on ne peut masquer le privilège que constitue cet « oubli de droit », qui permet de transmettre des montants qui peuvent être importants en ligne directe en franchise de fiscalités. En effet, seules les familles les mieux dotées et organisées sur le plan patrimonial procèdent à ce type d’anticipations.

Avec cette proposition, chacun, individuellement, deviendrait bénéficiaire d’un abattement à vie de droits de transmission à titre gratuit, et cela quel que soit le lien qui l’unit aux défunts ou aux donateurs, qu’il appartienne à sa famille proche, éloignée, ou qu’il soit pour lui, du point de vue du droit, un simple étranger.

Cet abattement se substituerait à tous ceux existant aujourd’hui, y compris celui, supplétif, de 1 594 euros, qui s’applique en l’absence d’un autre plus avantageux.

Cet abattement est fixé par l’article 2 à 300 000 euros.

En raison de la particularité de leur situation, qui appelle un soutien décidé de la collectivité, les personnes en situation de handicap bénéficieraient d’un abattement supplémentaire du même montant et dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, à savoir 159 325 euros, pourvu que leur infirmité les empêche de travailler dans des conditions normales de rentabilité (alinéa 3 de l’article 2).

L’instauration d’un abattement individuel à vie implique une modification des obligations déclaratives des bénéficiaires de transmissions. C’est ainsi que le I de l’article 1er (alinéas 1 à 4) modifie l’article 784 du CGI afin de prévoir une obligation de déclarer, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s’il existe ou non des donations ou successions antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque à leur profit par toute personne. La liste des informations à mentionner demeurerait inchangée (à savoir le montant des donations et successions concernées, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels et la date d’enregistrement de ces actes). Les modalités de perception des DMTG sont modifiées en conséquence. Le II du même article (alinéa 5) procède à des abrogations de conséquence.

Cette réforme rétablirait ainsi un traitement cohérent des donations au moment du décès sur le plan civil et sur le plan fiscal : le rapport fiscal s’exercerait à vie, quelle que soit la date de la donation, comme c’est le cas en matière civile. On peut rappeler que l’extension dans le temps du rapport fiscal n’a d’ailleurs été limitée qu’à partir de 1992.

On peut s’interroger sur la relation particulière qui unit les conjoints sous ce rapport. En effet, ceux-ci héritant aujourd’hui l’un de l’autre sans fiscalité, la proposition revient à rendre leur sort moins favorable. C’est sans compter sur les régimes matrimoniaux, dont l’application prévaut sur le droit des successions, qui permet de prévoir des avantages matrimoniaux (clause d’attribution intégrale, société d’acquêts, etc.). La possibilité de réaliser des transmissions entre époux à cause de mort sans fiscalité demeurerait ainsi préservée.

2. Elle la refond, ensuite, en son ampleur et son ambition, à travers une assiette plus large et un barème renouvelé.

L’article 3 propose de supprimer, à l’article 777 du CGI, l’ensemble des barèmes des DMTG pour y substituer un barème unique constitué de trois tranches :

– la fraction de part nette taxable inférieure ou égale à 800 000 euros se verrait appliquer un taux de 30 % ;

– celle comprise entre 800 001 et 1 600 000 euros, un taux de 45 % ;

– celle excédant 1 600 000 euros, un taux de 60 %.

C’est l’objet des alinéas 1 à 4.

Comme précisé par l’exposé des motifs de la proposition de loi, « selon les configurations familiales, ce nouveau barème devrait être neutre ou favorable pour 95 % à 99 % des ménages. Seul le centile supérieur (patrimoine supérieur à 2 millions d’euros) sera notablement perdant, a fortiori le millime supérieur (patrimoine supérieur à 7 millions d’euros) (…). Ainsi, le nouveau barème permet une concentration du surcroît d’imposition sur le haut du dernier centile, celui-là même qui est moteur dans l’accroissement des inégalités. Le taux moyen d’imposition applicable pour un actif successoral de 6 millions d’euros (…) passerait ainsi de 20 % à 37 % environ ».

L’alinéa 5 précise que, sous réserve des exceptions prévues aux articles 794, 795 et 795-0 A du même code en faveur de certaines collectivités publiques, ce barème serait applicable aux dons et legs faits aux établissements publics ou d’utilité publique ([54]).

La rapporteure souhaite mentionner qu’elle a reçu une proposition de l’économiste Thomas Piketty tendant à ajouter à ce barème deux tranches supplémentaires :

– une tranche à 80 % au-delà de 10 millions d’euros ;

– une tranche à 90 % au-delà de 50 millions d’euros.

L’article 4 opère une modification capitale du régime fiscal de l’assurance-vie en soumettant celle-ci, dans tous les cas, aux droits de mutation à titre gratuit.

Il supprime la limitation de l’application de ces droits aux seules primes versées après l’âge de 70 ans (alinéas 2 et 3), ce qui justifie, par voie de conséquence, la suppression de la disposition prévoyant l’application des DMTG aux sommes dues par un assureur à raison du décès après l’âge de 70 ans du titulaire d’un PER, cette dernière allant désormais de soi (alinéa 4). L’abattement global des sommes dues à raison du ou des contrats conclus sur la tête d’un même assuré à hauteur de 30 500 euros pour le calcul des DMTG est également supprimé (alinéa 5). Le régime fiscal de l’assurance-vie serait donc entièrement normalisé.

L’inclusion systématique, sur le plan fiscal, de l’assurance-vie dans les successions se justifie par le caractère de placement qu’elle revêt pour l’immense majorité des souscripteurs, et par le fait que le prélèvement spécifique qui lui est généralement applicable constitue un moyen privilégié pour échapper aux droits de succession.

Interrogé par la rapporteure, M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, avait abondé en ce sens en affirmant que « la suppression du traitement fiscal préférentiel accordé à l’assurance-vie nous paraît aussi être une recommandation justifiée sur le plan économique et sur la base de ses effets régressifs ». Comme lui, la rapporteure est consciente que « cette réforme risque de se heurter fortement à l’opposition du secteur de l’assurance-vie, aujourd’hui très important et qui s’est développé largement grâce à cet avantage fiscal ».

Il convient de relever que les principales exonérations de DMTG à raison de la nature des biens transmis, à savoir celles applicables à la transmission d’entreprises, aux biens forestiers et ruraux, et aux monuments historiques, ne sont nullement modifiées par la proposition de loi.

Les articles 5 et 6 opèrent des coordinations ([55]).

L’article 7 contient un gage, nécessaire à la recevabilité de la proposition de loi.

 

 

 

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 10 février 2021 à 11 heures, la commission a examiné la proposition de loi visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires, et mieux redistribuer les richesses.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, lordre du jour appelle lexamen de la proposition de loi visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires, et mieux redistribuer les richesses.

Nous avons nommé Mme Christine Pires Beaune rapporteure sur ce texte, qui est lune des dix propositions de loi ou de résolution que le groupe socialiste a souhaité inscrire à lordre du jour de la séance du jeudi 18 février, sa journée réservée. Il sagira du sixième texte appelé : il a donc peu de chances d’être examiné en séance publique, mais nous allons y travailler en commission.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Selon une enquête menée en 2017, les Français jugent très défavorablement limpôt sur lhéritage. Ils étaient 87 % à déclarer que « limpôt sur lhéritage devrait diminuer, car il faut permettre aux parents de transmettre le plus de patrimoine possible à leurs enfants », quand 9 % seulement estimaient que « limpôt sur lhéritage devrait augmenter, car les héritages entretiennent les inégalités sociales ». Seulement 3 % ne tranchaient pas entre ces deux options. Lhostilité aux droits de succession a même augmenté depuis 2011, année où 78 % des Français se prononçaient pour leur baisse.

Fait plus remarquable encore, cette hostilité varie peu selon le revenu, la composition du patrimoine, la qualité dhéritier ou de donataire, les espérances dhéritage, ou même le degré de connaissance de la fiscalité successorale. Elle est plus faible chez les personnes possédant des diplômes élevés, les cadres supérieurs et les professions intellectuelles.

Pourtant seules 35 % des successions sont imposables. Cest dire la profondeur du malentendu qui entoure la fiscalité des successions et des donations, qui est rejetée par ceux même quelle épargne.

Alors quelle est devenue une pièce maîtresse de la fiscalité du patrimoine depuis la suppression de limpôt de solidarité sur la fortune (ISF) et que sa contribution à l’égalité des chances apparaît décisive, elle reste limpôt le moins populaire parmi nos concitoyens. Un sondage de 2013 du journal Le Monde classait, par ordre de popularité, en premier lISF et limpôt sur les sociétés, qui recueillaient quelque 80 % davis favorables, contre moins de 20 % pour les droits de succession.

Nous sommes pourtant entrés, depuis trente à quarante ans, dans une nouvelle phase de croissance des inégalités patrimoniales, dans laquelle la transmission du patrimoine joue un rôle très important. Alors que les inégalités dans la distribution des patrimoines privés avaient fortement diminué sous le coup des deux guerres mondiales et des décennies de croissance et dinflation qui ont suivi la Libération, cest désormais la tendance inverse qui sobserve.

Entre 1998 et 2015, le patrimoine des Français a doublé, mais la part détenue par les 20 % les moins dotés, elle, a diminué. Cette tendance sexplique par des évolutions macroéconomiques. Le rapport entre capital et travail dans la valeur ajoutée tend à se déformer au détriment de ce dernier, et le contexte de politique monétaire accommodante tire à la hausse les prix des actifs, enrichissant les possédants.

Entre 1980 et 2015, la valeur réelle du revenu disponible des ménages français a augmenté de 77 %, tandis que leur patrimoine était multiplié par trois. Si rien nest fait, le prolongement de ces tendances nous ferait revenir à une société dhéritiers comparable à celle de la Belle Époque, lorsque le centième le plus riche de la population, en France, possédait 60 % de la richesse nationale.

En outre, le vieillissement de la population contribue à accentuer ces inégalités en concentrant le patrimoine chez les plus âgés. Selon l’économiste Clément Dherbécourt dans un rapport de France Stratégie, « du seul fait de l’évolution de la structure de la population et de laugmentation du taux de mortalité, la part des transmissions annuelles dans le revenu disponible net des ménages augmentera de 4,5 points, passant de 19 % aujourdhui à plus de 25 % en 2050. Si, en outre, le patrimoine net moyen par âge croît au même rythme quentre 1990 et 2012, les transmissions représenteront plus de 31 % du revenu disponible en 2050 ».

Notre système fiscal apparaît largement inadapté au défi économique, social et démocratique que représente ce retour en force de lhéritage dans nos sociétés.

Tout dabord, cest un système complexe et daté, dont les principes ont été fixés par une loi de 1901 qui a instauré une imposition progressive des successions selon plusieurs barèmes, sappliquant selon le degré de proximité familiale entre le donateur ou le défunt et le bénéficiaire. Cette complexité nest sans doute pas pour rien dans limpopularité de limpôt sur lhéritage, et il faut y remédier.

De plus, ce système incite peu aux donations aux jeunes générations, ou plutôt y incite surtout les plus aisés, grâce au renouvellement périodique des abattements.

Il présente aussi dimportantes brèches permettant aux plus gros patrimoines d’échapper à limpôt, notamment grâce au régime dexception dont bénéficie lassurance-vie. On le sait, lassurance-vie nest pas soumise aux droits de succession, sauf pour les primes versées après 70 ans. Pour le reste, seules les primes versées depuis 1998 sont fiscalisées, à travers un prélèvement spécifique très avantageux au taux de 20 % pour les premiers 700 000 euros et de 31,25 % au-delà, le tout après un abattement, également généreux, de 152 500 euros par bénéficiaire. Je rappelle dailleurs que cinquante-six de nos collègues du groupe Modem avaient tenté de réformer ce régime dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, par un amendement que jai évidemment soutenu mais qui a malheureusement été rejeté.

Cette exclusion de lassurance-vie du droit des successions, si elle a pu avoir une justification historiquement, nest plus acceptable alors quelle est devenue un pur produit de placement bien plus quune opération de prévoyance. Placement préféré des Français, elle concentre aujourdhui des encours de près de 1 800 milliards deuros. Rien ne peut justifier un tel régime de faveur, et surtout pas linvestissement dans les entreprises, puisque près de 80 % des encours sont placés sur des fonds en euros non risqués. Sans compter les pratiques d’évasion fiscale, dont laffaire OpenLux, après dautres, vient nous rappeler lampleur.

Enfin, notre fiscalité des transmissions est inéquitable en ce quelle favorise à lexcès les transferts au sein de la famille nucléaire, au détriment des autres. Le tarif applicable entre parents jusquau quatrième degré, par exemple doncle à neveu ou de grand-oncle à petit-neveu, est de 55 % après un abattement très réduit, et celui entre parents au-delà du quatrième degré et entre personnes non parentes est de 60 %. De tels taux ne sont pas justifiés pour des montants qui peuvent être modestes, et ne sont plus adaptés aux nouvelles formes de familles et à lindividualisme croissant de nos sociétés.

Ces difficultés, avec l’évolution du contexte économique de long terme, expliquent que notre système fiscal soit aujourdhui inadapté et impuissant face à la montée des inégalités à laquelle nous assistons.

La proposition de loi que je présente avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés mais aussi des collègues d’autres groupes, que je tiens à remercier, vise à rétablir plus d’égalité dans la répartition du patrimoine, entre les générations, entre les individus et les familles, et entre riches et pauvres.

Elle rompt avec la logique familiale inspirée du droit civil pour instituer un barème fiscal unique pour tous les individus et toutes les transmissions. La simplification est radicale, et permet daméliorer l’égalité entre nos concitoyens en mettant un terme au renouvellement périodique des abattements. Un abattement individuel unique, à vie, serait instauré, dun montant de 300 000 euros : ce que chacun pourrait recevoir au cours de sa vie en franchise de tout droit. Au-delà de ces 300 000 euros, un même barème sappliquerait à tous, sans tenir compte daucun lien familial, avec trois tranches : une taxation à 30 % jusqu’à 800 000 euros, puis 45 % jusqu’à 1 600 000 euros, et enfin 60 % au-delà. Nous pourrions même réfléchir à une tranche supérieure : jai déposé un amendement en ce sens.

Ce texte renouvelle donc la logique et lambition des droits de succession et de donation, en changeant leur barème mais aussi en élargissant notablement leur assiette, puisquil y soumet enfin lassurance-vie.

Au total, cette proposition alourdit la fiscalité sur la transmission des gros patrimoines tout en lallégeant pour limmense majorité des Français, œuvrant ainsi à la disparition des déséquilibres accumulés au cours des quarante dernières années.

Ce sujet de la fiscalité de lhéritage est rarement abordé dans nos murs, et pourtant lurgence grandit. Depuis quarante ans, le retour en force de lhéritage, dabord insidieux, mais de plus en plus visible, fait mentir chaque jour un peu plus la promesse républicaine d’égalité.

Nous savons pourtant que la question ne laisse pas nos collègues de la majorité indifférents, en tout cas pas tous. Un bref élan avait saisi certains dentre eux, il y a deux ans. En septembre 2018, Christophe Castaner, alors patron du parti La République en marche, appelait de ses vœux une « réflexion sans tabou » sur la fiscalité des successions afin de lutter contre la « progression des inégalités de naissance ». Stanislas Guérini se disait lui aussi favorable à une réforme de la fiscalité des successions car « le patrimoine hérité creuse les inégalités ». Un élan bien vite retombé – peut-être étouffé, qui sait – mais un élan bien légitime, puisquil puisait son ressort à la naissance même de votre mouvement. Le ministre et candidat Emmanuel Macron martelait vouloir privilégier le risque sur la rente. Cest bien cette logique qui a conduit, semble-t-il, à la réforme de lISF, qui visait à le transformer en « impôt sur la rente immobilière ».

La préférence pour le mérite et l’égalité des chances, contre la rente, contre les intérêts installés, contre les privilèges oserai-je, s’était dailleurs affichée dès 2015 dans lintitulé dune loi pour la croissance, lactivité et… l’égalité des chances.

Or, quelle meilleure manière de rétablir cette belle égalité à laquelle nous tenons tant quen diminuant linégalité entre toutes, celle liée à la richesse que lon tient de sa naissance ? Cest bien ce type de privilèges indus que les représentants de la nation, réunis et conscients pour la première fois deux-mêmes, ont voulu supprimer pendant la nuit du 4 août, afin que plus jamais, on ne puisse être riche de tout en s’étant contenté de naître et rien de plus.

Cette proposition de loi constitue une occasion dhonorer la promesse d’égalité et de refonder le pacte républicain sur des bases modernes afin de garantir une réelle égalité des chances, sachant quil y a quelques jours seulement, quinze députés En marche, dont Pierre Person, Hugues Renson ou Coralie Dubost, adressaient un courrier au Premier ministre pour poser la question des droits de succession.

Cette proposition de loi constitue un texte davenir, de solidarité et de progrès, au service des jeunes générations et de celles à venir. Puisse-t-elle recueillir la plus large approbation.

M. le président Éric Woerth. Je salue le travail que vous avez accompli, même si je nen partage pas toutes les conclusions, ni la philosophie.

Il y a évidemment des points à faire évoluer, mais lassurance-vie, compte tenu du nombre de Français détenteurs dun contrat et de limportance des montants investis, est un sujet extrêmement sensible, dun point de vue politique comme financier. Quant à déconstruire lassurance-vie, cest encore une autre histoire. Nous y reviendrons.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Merci, madame la rapporteure, pour cette proposition de loi et le travail que vous avez effectué sur ce sujet qui mérite un débat approfondi, que nous navons effectivement pas suffisamment dans notre enceinte : lors des textes budgétaires, nous examinons des sujets parcellaires et donnons des opinions assez vagues sans entrer dans le détail de la fiscalité des transmissions. Votre proposition de loi a ce mérite de nous donner une occasion davoir ce débat sur la fiscalité du patrimoine et des transmissions.

Il y a un sujet de société, un sujet intergénérationnel, un sujet de vivre ensemble derrière cette problématique. Cette proposition de loi contient des innovations pouvant être intéressantes, comme lidée dun droit personnel, à vie, à un montant de dons et héritages non fiscalisé, qui peut être une piste à creuser. Elle a aussi le grand mérite de procéder à une simplification de la fiscalité, sujet qui mest cher, et de donner plus de liberté individuelle à chacun. Je rejoins votre philosophie sur ces points.

En revanche, je trouve quelle a des limites, qui sont pour moi bloquantes. La première, qui napparaît pas dans sa présentation un peu trompeuse, est quelle alourdit substantiellement la fiscalité des successions. Vous parlez des hauts niveaux de patrimoine, mais elle alourdit aussi la fiscalité pour les petits patrimoines. Par ailleurs, les données de référence manquent. Je ne vous en fais pas le grief, car je sais combien il est difficile den obtenir de ladministration fiscale, et je vous rejoins sur lintérêt den avoir davantage.

Autre frein, bien sûr dun point de vue de rapporteur général : les conséquences budgétaires de telles mesures. Les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) représentent 15 milliards deuros par an : un peu plus de 12 pour les successions, un peu moins de 3 pour les donations. Quil faille procéder à des rééquilibrages, je ladmets sincèrement. Cest un travail à mener. En revanche, les ordres de grandeur en jeu imposent dagir avec la plus grande précaution, en se basant sur des chiffrages extrêmement précis.

Dès quil est question de fiscalité des ménages, je crains également le risque d’éviction, et votre proposition de loi ny fait pas échapper. Notre pays a déjà un des taux de fiscalité les plus lourds sur le patrimoine transmis. Une réforme doit vraiment se concevoir dune main tremblante, en songeant à loptimisation et à lexil fiscal quelle pourrait entraîner. Nous savons que cela existe, nous lavons vu dans un passé encore récent et notre majorité a réussi à contribuer à rapatrier un certain nombre de patrimoines et dinvestissements avec les réformes fiscales du début du mandat. Il faut se garder de toute réforme qui constituerait le match retour de lexil fiscal.

Enfin, le président Woerth a mentionné la question très importante de lassurance-vie. On ne peut pas sexonérer de la plus grande précision sagissant de ce quon appelle le placement préféré des Français et de ses 1 800 milliards deuros dencours. Or votre proposition de loi pourrait présenter un vrai risque de défiance et dencouragement au retrait. Je ne dis pas cela parce que je considérerais que lassurance-vie serait un produit parfait à maintenir absolument tel quel, mais parce que la direction que prennent les assureurs-vie est plutôt positive. Avec des unités de compte de plus en plus présentes dans les contrats, qui sont passées de 27 % en 2019 à plus de 34 % de la collecte en 2020, ou encore des unités de compte labellisées ISR (investissement socialement responsable) en augmentation, il y a une dynamique positive en termes dorientation de ce placement qui, je pense, ne doit pas être freinée. On pourrait aussi parler des droits du conjoint survivant, qui risqueraient d’être affaiblis avec cette proposition de loi.

Jencouragerai pour conclure, plutôt qu’à adopter cette proposition de loi, à poursuivre les travaux sur la réforme des DMTG, notamment autour de trois axes. Le premier serait dintroduire une dose de fiscalité environnementale et solidaire dans la fiscalité des donations et successions car la fiscalité sert à orienter les choix. Le deuxième, qui est une conviction personnelle, serait de favoriser davantage les donations. Gérald Darmanin, alors ministre de laction et des comptes publics, s’était lui aussi exprimé en ce sens. Je trouverais notamment pertinent de dissocier le barème des droits de donation de celui des droits de succession. Enfin, et vous en avez parlé, il est nécessaire de moderniser la fiscalité des donations et successions en tenant compte des nouvelles réalités familiales et de lindividualisation des rapports sociaux.

Un dernier mot pour dire que tout cela doit aller de pair avec une nouvelle forme de rémunération des salariés, notamment en termes de partage de la valeur. Nous lavons dit dans lhémicycle ces dernières années, notamment autour de la loi PACTE (loi relative à la croissance et la transformation des entreprises). Je pense que le partage de la valeur doit davantage contribuer au patrimoine des Français, notamment à travers la participation au capital des entreprises.

M. le président Éric Woerth. Sagissant des donations, le groupe Les Républicains a proposé nombre damendements, dans différents projets de loi de finances, qui nont jamais été adoptés ni fait lobjet dune discussion sérieuse. La donation accélère la transmission du patrimoine, ce qui est plutôt bon pour l’économie. Il faudrait peut-être de temps en temps accepter de voter nos amendements.

Mme Valéria Faure-Muntian. Lhonneur de notre République réside en partie dans le droit de chacun à réussir socialement et économiquement quels que soient ses origines, ses croyances ou son genre. Cette réussite par le travail et leffort est le levier essentiel de l’égalité dans notre pays. Pour rendre encore plus efficace cette égalité, le Président de la République annoncera demain des mesures de lutte contre les discriminations.

Une famille, une communauté, une nation se construisent par des liens solidifiés par la transmission. Il est donc naturel de vouloir transmettre à ses proches son patrimoine, la récompense de ses efforts, le résultat de ses sacrifices, les fruits de son travail, sans craindre une confiscation résultant dun débat idéologique. Je reconnais que des voies damélioration existent. Malheureusement, la présente proposition de loi ne répond pas aux objectifs quelle sest fixés. Elle savère même contreproductive et viendrait remettre en question la transmission entre conjoints, qui bénéficie principalement aux femmes.

Alors que 87 % des Français se déclarent favorables à lallègement de la fiscalité relative à lhéritage, que quinze des trente-cinq pays de lOCDE ont dores et déjà supprimé cet impôt et quavec 45 % en ligne directe, la France est déjà le pays au taux marginal dimposition le plus élevé de lUnion européenne, vous souhaitez porter ce taux à 60 % ! Pendant que vous proposez dalourdir les dépenses fiscales des Français dans une situation de crise sans précédent, nous nous sommes engagés à ne pas augmenter leurs impôts. Bien loin de favoriser la réussite, ce texte avantage les montages les plus complexes, accessibles seulement aux contribuables les plus aisés, pénalise par définition la classe moyenne et obère les solidarités entre générations. Il contredit aussi l’évolution démographique contemporaine, qui rend nécessaire de fluidifier la transmission entre les générations et dorienter le patrimoine des Françaises et des Français vers l’économie productive. Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche votera contre ce texte.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous entends tous dire quil ny a pas de débat sur la fiscalité du patrimoine, mais si ! Les droits de succession font partie intégrante de la fiscalité du patrimoine. Il y a deux éléments fondamentaux à rappeler dans le cadre de ce débat. Dabord, les taux de prélèvement en France sont le record absolu en Europe. Nous en sommes à 44 % du PIB en niveau de prélèvements obligatoires. Ensuite, la rapporteure devrait se rappeler ce qu’il sest passé sous la législature précédente, lorsquelle faisait partie de la majorité : à force de bouger toutes les lignes tous les ans et daugmenter les impôts à chaque projet de loi de finances parce quil fallait trouver de nouvelles ressources, on a réussi en France à générer ce quon appelle le ras-le-bol fiscal. Ce nest pas si vieux que ça, il faut juste sen souvenir.

Les réponses que vous apportez dans votre proposition ne me semblent pas du tout adaptées. Vous donnez le sentiment davoir besoin dun bouc émissaire : le patrimoine important, que ses détenteurs veulent transmettre à leurs descendants. La réalité, et vous lavez rappelée, est que seulement 35 % des successions sont imposables, selon des niveaux très disparates.

Le groupe Les Républicains soppose catégoriquement à toute nouvelle hausse dimpôts. Au contraire, nous pensons quil faut faciliter la transmission anticipée des patrimoines, pour favoriser le pouvoir dachat des plus jeunes générations, quil sagisse de consommation ou dinvestissement – car la relance passera aussi par de linvestissement, et que faciliter les transmissions sera peut-être une façon de la soutenir. Nous sommes défavorables à cette proposition de loi.

M. Mohamed Laqhila. Je salue le travail très documenté de la rapporteure, qui pose de bonnes questions. Je rappellerai simplement au rapporteur général que notre famille politique est attachée aux règles de dévolution successorale issues du code civil.

Le sujet reste largement méconnu de nos concitoyens, qui le découvrent le plus souvent après le décès dun proche. Nous vous rejoignons, madame la rapporteure, sur la nécessité de réformer les droits de succession, en raison des conséquences de laugmentation de lespérance de vie. Si vous vous inquiétez à juste titre des inégalités intergénérationnelles, votre proposition de loi risque de les aggraver, avec linstauration dun rappel fiscal à vie qui risque de décourager fortement les donations. Selon nous, cest linverse quil conviendrait de faire : diminuer le délai de rappel et augmenter les plafonds dabattement, de manière à favoriser les donations notamment au profit des petits-enfants.

Notre principal problème réside dans la faible circulation du patrimoine entre les générations : les détenteurs de patrimoine vivant plus longtemps, les héritiers sont couramment des cinquantenaires, qui ont une vie professionnelle et sont souvent propriétaires de leur résidence principale. Or des études montrent que des donations plus précoces, et notamment avant 35 ans, ont un effet positif sur la création ou la reprise dentreprises, et donc sur lemploi.

Cette proposition de loi pose donc de bonnes questions, mais elle reflète une vision inquiétante et idéologique de la société. Il fallait oser ! Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés sopposera donc à son adoption.

Mme Claudia Rouaux. Je tiens également à féliciter et remercier tous ceux qui ont participé à ce travail. Cest un sujet important pour nos concitoyens, dont 87 % considèrent que les droits de succession sont trop élevés. On peut comprendre leur aspiration à transmettre à leurs enfants le fruit dune vie de travail.

Le groupe Socialistes et apparentés nest pas seul à vouloir réformer les droits de succession : des voix se sont fait entendre à plusieurs reprises au sein du groupe LaREM. Christophe Castaner avait ouvert une brèche en 2018, avant que le président Macron lui signifie une fin de non-recevoir. Dans une tribune récente publiée par Le Journal du dimanche, quelques députés du groupe LaREM ont exprimé leur souhait de rouvrir le débat.

Malgré la richesse du rapport, force est de constater que les études dimpact font cruellement défaut. À lheure de la dématérialisation, comment expliquez-vous, madame la rapporteure, quaucune donnée chiffrée relative aux DMTG ne vous ait été transmise ? Le rapporteur général en dispose-t-il ?

M. Vincent Ledoux. Merci à Mme Pires Beaune pour la qualité de ses travaux : son exposé des motifs et son pré-rapport sont très instructifs. La proposition de loi offre des solutions très lisibles sagissant de ce sujet complexe. La fiscalité des DMTG mérite un débat constructif, dont les enjeux sont les inégalités de patrimoine, les risques liés à une société de rentiers et lascenseur social en panne.

Nous avons plusieurs points de désaccord. Alors que vous souhaitez un barème unique quels que soient les liens de parenté, nous pensons quune fiscalité distincte pour les transmissions en ligne directe a du sens. Il serait parallèlement intéressant dencourager les donations du vivant, pour quelles bénéficient aux classes d’âge qui en ont le plus besoin : il y a là un angle mort dans votre réflexion. Enfin, lalignement de la fiscalité de lassurance-vie sur celle des DMTG nest pas opportune en labsence d’étude dimpact préalable. Il faut en revanche lui rendre son rôle originel : linvestissement dans l’économie réelle.

Vos solutions ne nous convainquent donc pas : depuis le début de la crise le groupe Agir ensemble a répété que lheure n’était pas à laugmentation de la fiscalité. Nous voterons contre cette proposition de loi.

M. François Ruffin. Merci pour cette proposition de loi, qui devrait être consensuelle si lon se rappelle les propos du candidat Macron, qui voulait promouvoir le risque face à la rente et favoriser la taxation de la succession face à lISF. La suppression de ce dernier étant acquise, vous proposez de compléter le programme macroniste : les députés de La France insoumise sont prêts à vous accompagner dans cette démarche.

Dans la réalité, 87 % des Français héritent de moins de 100 000 euros : tous ceux-là, cette proposition de loi les laisse tranquilles. Elle se concentre sur les 10 % du haut, et donc sur le cœur de la fabrique des inégalités, puisque ces 10 % disposent de la moitié du patrimoine total. Le fossé est tel que leur patrimoine est 211 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres – et si lon considère les 1 % les plus riches, le rapport atteint 600. Largent va à largent : ceux qui héritent étaient déjà riches. Le taux marginal dimposition de 45 % est présenté comme un épouvantail, alors que le taux effectif est faible pour les hauts patrimoines compte tenu des assurances-vie, abattements et niches diverses : résidence principale, forêts, monuments, entreprises…

Votre proposition, que nous soutenons, est dorganiser la taxation, comme en Irlande, non par opération mais en fonction de celui qui reçoit : on ne paye aucun impôt jusqu’à 300 000 euros reçus, tout au long de la vie, puis on est soumis à un barème progressif. Cela apporterait une clarification bienvenue, alors que limpopularité des droits de succession en France est largement due au flou qui est entretenu sur la question.

M. Michel Castellani. Merci à tous ceux qui ont participé à ce rapport. La fiscalité des transmissions est un élément essentiel pour l’évolution de la société et la répartition de la richesse. Aujourdhui, on constate dune part que les 10 % les plus riches perçoivent 50 % du montant des transmissions, et dautre part que la complexité des abattements, niches et dispositifs particuliers incite les familles les plus aisées à adopter des stratégies fiscales, parmi lesquelles lexpatriation – qui est pour le moins contestable.

Pour sa part, le groupe Libertés et territoires a proposé une réforme de limposition du patrimoine en laissant le choix de payer limpôt soit sur la détention du patrimoine, soit sur la transmission.

Les spécificités sociales et historiques de la Corse et de loutre-mer y rendent une refonte modulable de la fiscalité du patrimoine nécessaire, avec un transfert en tout cas pour la collectivité de Corse. Nous défendons depuis longtemps un statut fiscal spécifique, porteur de justice sociale et de développement économique pour l’île.

Mme Émilie Cariou. Je remercie Mme Pires Beaune de cette proposition. Les inégalités sociales sont la source des maux de la société française. La reproduction sociale bloque non seulement l’évolution de la société, mais aussi lamélioration des conditions de vie, enjeu du pacte républicain tel que nous le concevons. Un effort de clarification et dunification des abattements sur les donations a été fait, appréciable face au maquis actuel. Les nouveaux abattements adoptés par la majorité en loi de finances rectificative pour 2020 me paraissent à ce propos totalement infondés, mais tous nos amendements tendant à y revenir ont été bien évidemment rejetés.

Je rappelle que limpôt sur les successions ou donations nempêche en rien les transmissions : il sagit simplement de participer à la solidarité nationale par le paiement dun impôt, assis sur un flux financier. Cest la base même de leffort fiscal et du pacte républicain, conformément à la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen.

Le modèle français repose sur la solidarité : ce nest pas celui des paradis fiscaux. Je suis donc étonnée par la position du groupe LaREM, surtout alors que Stanislas Guerini avait fait figurer la réforme de la fiscalité du patrimoine dans sa contribution au grand débat national qui a suivi la crise des gilets jaunes. Le quinquennat touche à sa fin : si la réforme nest pas lancée maintenant, elle ne se fera pas.

Quant aux taux de prélèvements fiscaux en France, ils doivent être mis en regard de lensemble des services publics accessibles à lensemble des Français, en matière de santé et d’éducation notamment, qui relèvent du secteur privé à l’étranger.

Enfin, il est urgent de soumettre lassurance-vie à un impôt, en particulier à loccasion des transmissions, puisque vous avez refusé de la soumettre à une forme dimpôt sur la fortune. Être exonéré dimpôt sur le patrimoine et dimpôt sur la transmission, cela fait beaucoup.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai en faveur de cette proposition de loi.

M. Jean-Paul Mattei. Lanalyse de la situation réalisée pour cette proposition de loi est excellente. Ce qui me choque, cest le décalage avec les notions de famille et de dévolution successorale inscrites dans le code civil. Je suis attaché à un droit continental qui reconnaît pleinement la famille. Or vous ne faites aucune distinction entre enfants, petits-enfants, conjoints et autres. Cest un véritable sujet de société : on peut sinterroger sur la pertinence de ce choix.

Par ailleurs, ce texte devrait sinscrire dans le cadre dune réforme globale de la fiscalité du patrimoine, incluant aussi les questions relatives aux plus-values immobilières, aux revenus fonciers ou à lassurance-vie – pour laquelle notre groupe avait proposé par amendement un alignement sur la fiscalité successorale en ligne directe.

Ce texte a le mérite douvrir le débat. Puisque vous avez mentionné les familles recomposées par exemple, il serait utile de travailler sur ladoption. Mais nous disposons déjà doutils en la matière, par exemple pour les cas dadoption des enfants du conjoint : je pense quil est préférable de chercher à améliorer les outils déjà existants plutôt que de créer, comme votre texte, un véritable séisme dans la fiscalité.

Vous avez aussi écarté de votre texte tout le sujet de la transmission dentreprise, notamment dans le cadre du pacte Dutreil. Cest larticle 777 du code général des impôts qui fixe les barèmes applicables, et une question peut se poser à propos du taux de 60 %. Il faut mener une réflexion sur la transmission à titre gratuit des entreprises à leurs salariés.

Bref, les pistes sont nombreuses et le texte ne va pas assez loin. Il faut linscrire dans une réflexion plus globale sur la fiscalité du patrimoine.

M. Charles de Courson. Ma première remarque concerne une anomalie française : nous ne disposons pas de statistiques sur les donations et les droits de successions, car tout est encore réalisé manuellement. Ladministration fiscale ne nous fournit donc pas de données sur les montants ou la composition des patrimoines concernés, ne serait-ce que par tranche. Cette situation pourrait commencer à évoluer dans un ou deux ans, notamment pour les donations.

Il est impossible de réformer les DMTG en sexonérant dune réflexion sur lensemble des éléments de la fiscalité du patrimoine : IFI (impôt sur la fortune immobilière), une partie de limpôt sur le revenu... Cela permettra darriver à une cohérence globale, plutôt que de se contenter dun bricolage.

La rapporteure ne sest pas assez étendue sur les présupposés idéologiques de ses propositions. Tout cela nous ramène à un débat vieux de plusieurs siècles sur le fondement du droit de propriété, et sur sa légitimité même, ainsi que sur la famille et la pertinence de la transmission du patrimoine en son sein. Aux États-Unis, pays quon ne peut suspecter de marxisme, la transmission de biens est entièrement libre ; la question de la fiscalité sy pose donc très différemment. Nous devrions donc avoir une réflexion préalable sur le droit de la transmission.

Il manque aussi une réflexion sur lincidence économique des réformes proposées. Jentrevois pour ma part plusieurs problèmes, à commencer par la désincitation à l’épargne, puisquune majorité de gens mettent de largent de côté pour aider leurs enfants. Cest légitime, et cela contribue au dynamisme de l’économie, en encourageant à travailler davantage. Par ailleurs, labsence de toute comparaison européenne est fortement préjudiciable. On constaterait quil y a deux écoles de pensée : on applique soit un impôt annuel à taux fixe sur le capital, soit des droits de succession. Comme en France nous sommes plus intelligents que tout le monde, nous cumulons ces deux fiscalités. Il faut pourtant choisir, ou à tout le moins bien les articuler, ce qui nest actuellement pas le cas.

La dimension sociale est également fondamentale. La proposition de loi repose en définitive sur la conception dune société atomisée, qui serait composée dindividus, et non de groupes, dont la famille.

Enfin, lassurance-vie absorbe environ le quart de la dette publique française. Il convient donc de bien réfléchir avant de toucher à sa fiscalité, notamment en ce qui concerne les transmissions.

Je suis donc en complet désaccord avec ces propositions.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Un grand merci à chacun des orateurs. Nos positions ont tout de même des points de convergence.

Il est bien clair que je ne vous propose pas une réforme paramétrique, mais un véritable changement de paradigme. Il sagit de se placer du point de vue de celui qui reçoit : on pourra recevoir 300 000 euros, tout au long de sa vie, sans payer aucun impôt. Si lon rapporte ce montant au patrimoine et à lhéritage moyens, qui sont bien en deçà, hors assurance-vie, on voit bien que cette réforme est conçue au bénéfice des classes moyennes et populaires.

Quant à lassurance-vie, si lencours comme le nombre de détenteurs sont très importants, le fait est que le quart de cet encours est détenu par une poignée de personnes – puisquil ny a ni limitation du nombre de contrats souscrits, ni plafond de dépôts. Lassurance-vie est une véritable niche fiscale.

Sagissant de lexil fiscal, il existe quelques études, qui montrent quil est très difficile d’échapper aux droits de succession. Il faut en effet expatrier à la fois le foyer fiscal fortuné et ceux des héritiers, sans savoir quand surviendra le décès et à un âge où lon apprécie souvent le système de soin français. Le risque est donc faible. Une étude de 2014 a montré que même en Suisse lexil fiscal était très peu pratiqué dun canton à lautre, malgré la grande disparité de leurs taux dimposition des successions.

Les assureurs disent souvent quune réforme de la fiscalité de lassurance-vie mettrait à bas l’économie française, mais 80 % des encours sont investis dans des fonds en euros. Il existe bien dautres produits d’épargne qui bénéficieraient à l’économie, dont certains ont dailleurs été créés très récemment par lactuelle majorité.

En France, le patrimoine net médian est de 117 000 euros, le patrimoine net moyen de 240 000 euros et le patrimoine brut moyen de 276 000 euros. Le montant des successions hors assurance-vie s’établit en moyenne à 135 000 euros, et à 41 000 euros en médiane. Avec mon seuil de 300 000 euros, la part de Français qui nacquitteraient pas de droits de succession serait aussi importante quaujourdhui, voire encore plus. Mais certains ont intérêt à entretenir le mythe dun niveau élevé des droits de succession. Ils mettent en exergue notre taux marginal de 45 %, alors que le taux moyen dimposition des successions réalisées est de 3 % ! Cette proposition de loi et les données figurant dans mon rapport tentent de déconstruire ce mythe.

Lors de leur audition, les représentants de la direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la justice ont confirmé que notre proposition de loi était compatible avec le droit civil des successions : le droit civil privilégie la famille nucléaire par le biais de la réserve héréditaire, mécanisme qui nest en rien modifié par notre texte. Ils nous ont bien dit quil ny avait selon eux aucune raison de redoubler cette faveur par une fiscalité plus lourde pour les parents plus éloignés ou pour les personnes étrangères à la famille, qui sont assommés de droits de succession même pour de petits legs. Bref, nous concrétisons là la volonté de simplification chère au rapporteur général.

Sagissant des comparaisons internationales, les données sont peu nombreuses, malgré le lancement dune étude par lOCDE en 2018. Je rappelle cependant que seules 35 % des successions en France sont imposées, avec un taux réel de 3 %.

Quant aux difficultés daccès aux données sur les transmissions de patrimoine, elles sont incompréhensibles. Jai posé une question écrite sur ce sujet en septembre dernier. Quand on se rend chez un notaire pour établir une déclaration de succession, tout se fait de façon informatisée. Ce nest qu’à la fin quon imprime un papier quon transmet, signé, à ladministration fiscale. Cest en train de changer grâce au projet « e-Enregistrement », comme nous avons pu lapprendre au cours de laudition très intéressante des représentants du Conseil supérieur du notariat –  à part celle des représentants de Bercy, à qui il faut toujours tirer les vers du nez, les autres auditions ont été très ouvertes. Jespère que nous pourrons avancer assez vite sur ce sujet de laccès aux données. Javais déposé un sous-amendement en ce sens, mais je crois que je naurai pas loccasion de le défendre. Quoi quil en soit, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, nous devons rester très vigilants quant au cahier des charges qui est en train de se négocier sur ce projet de collecte des informations. Si les données que nous recevons ne sont pas celles que nous jugeons exploitables, cela naura servi à rien.

La commission en vient à lexamen des amendements.

Article 1er : Instauration dun rappel fiscal des donations et des successions à vie et par bénéficiaire

La commission rejette successivement les amendements rédactionnels CF7 et CF8 de la rapporteure, ainsi que son amendement CF9 qui remédie à un oubli.

Elle rejette larticle 1er.

Article 2 : Création dun abattement unique de 300 000 € par bénéficiaire sur les biens reçus à titre gratuit

La commission rejette larticle 2.

Article 3 : Création dun barème unique des droits de mutation à titre gratuit

La commission examine lamendement CF10 de la rapporteure.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Cet amendement vise à ajouter au barème une tranche taxée à 70 %, pour la part nette taxable excédant 10 millions d'euros – ce qui concerne peu de monde, vous en conviendrez.

La commission rejette lamendement CF10.

Puis elle rejette successivement lamendement rédactionnel CF11 et lamendement de coordination CF12 de la rapporteure.

M. Jean-Paul Mattei. Je regrette que ce texte revienne sur les avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les conjoints en matière de transmission. Vu les barèmes proposés et la tranche supplémentaire à 70 %, on rencontrera inévitablement des problèmes de liquidités, surtout sil sagit de la transmission de la résidence principale ou dune entreprise – même dans le cadre du pacte Dutreil –, qui sont plus difficiles à réaliser. Cette proposition de loi est pertinente, mais elle me conforte dans lidée que nous devons œuvrer ensemble à une réforme très large de la fiscalité du patrimoine, allant sans doute jusqu’à la fiscalité locale.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Il existe des régimes matrimoniaux favorables aux conjoints survivants : nous ny touchons pas.

Jaurais dû préciser en préambule que ce texte na aucune visée de rendement budgétaire. Il ne sagit pas de renflouer les caisses de Bercy, mais bien de réduire les inégalités dues aux dispositifs de transmission du patrimoine.

M. le président Éric Woerth. Les caisses de Bercy étant celles du pays…

La commission rejette larticle 3.

Article 4 : Inclusion de lassurance-vie dans le champ des droits de mutation à titre gratuit

La commission est saisie de lamendement CF13 de la rapporteure.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Cet amendement tire les conséquences de limposition de lassurance-vie aux droits de mutation à titre gratuit, en supprimant les prélèvements spécifiques auxquels elle est soumise.

La commission rejette lamendement CF13.

Elle rejette larticle 4.

Article 5 : Suppression de labattement applicable aux parts successorales à défaut dun autre

La commission rejette larticle 5.

Article 6 : Mesures de coordination

La commission examine lamendement CF14 de la rapporteure.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Je propose de supprimer une disposition de coordination superfétatoire.

La commission rejette lamendement CF14.

Elle rejette larticle 6.

Après larticle 6. La commission examine lamendement CF15 de la rapporteure.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Les départements, les régions, les communes, leurs établissements publics et les établissements publics hospitaliers sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit sur les biens qui leur adviennent par donation jusquau 31 décembre 2023. Je propose de supprimer ce bornage.

M. Charles de Courson. Quentendez-vous par bornage ?

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Cette exonération nest possible que jusquau 31 décembre 2023. Je propose de la pérenniser, pour que le régime soit le même que pour les donations à l’État.

M. Charles de Courson. Cest moi qui ai fait voter cette mesure, et je ne me souviens pas quelle ait été limitée dans le temps !

M. le président Éric Woerth. Il faudra revoir cela en loi de finances, si la proposition de loi nest pas adoptée.

La commission adopte lamendement CF15.

Article 7 : Gage

La commission rejette larticle 7.

Titre

La commission rejette lamendement rédactionnel CF16 de la rapporteure.

Puis elle rejette lensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Je voudrais remercier les députés pour cet enterrement de première classe : les fleurs étaient très jolies !

 


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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

Direction générale du Trésor

M. Harry Partouche, sous-directeur finances publiques

Direction générale des finances publiques

M. Jean-Luc Jacquet, chef du bureau fiscalité foncière et fiscalité du patrimoine

Direction de la législation fiscale

M. Frédéric Parrenin, adjoint au chef du bureau C2

Ministère de la justice, Direction des affaires civiles et du Sceau

Mme Catherine Raynouard, sous-directrice du droit civil

Mme Sophie Potentier, chargée de mission au sein du bureau du droit des personnes et de la famille

Conseil supérieur du notariat

Me François Devos, directeur des affaires juridiques

Me Sophie Sabot-Barcet, première vice-présidente

Fédération française de l’assurance (FFA)

M. Franck Le Vallois, directeur général

M. Christian Pierotti, directeur des affaires publiques

Mme Viviana Mitrache, responsable du département des affaires parlementaires

Mme Ludivine Azria, conseillère parlementaire

M. Philippe Bernardi, directeur des assurances de personnes

M. François Tallon, directeur du département fiscal

Économistes

M. Nicolas Frémeaux, maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris-II Panthéon-Assas

M. Clément Dherbécourt, chargé de mission « Inégalités et transferts générationnels » à France Stratégie

M. Thomas Piketty, économiste, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et professeur à l’École d’économie de Paris, a également transmis à la rapporteure une contribution écrite.


([1]) Enquête du CRÉDOC pour France Stratégie, juin 2017 : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-dt_fiscalite-des-heritages-25janvier2018.pdf

([2]) « Entre 1998 et 2015, le patrimoine double, mais diminue pour les 20 % les moins dotés », Aline Ferrante et Rosalinda Solotareff, Insee Références, édition 2018 – vue d’ensemble – Patrimoine des ménages.

([3]) Le revenu disponible d’un ménage comprend les revenus d’activité (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage). Il est dit « brut » avant déduction des impôts directs, et « net » après déduction de ces impôts.

([4]) « Peut-on éviter une société d’héritiers ? », Clément Dherbécourt, Note d’analyse de France Stratégie n° 51, janvier 2017.

([5]) Une mutation est, en droit fiscal, la transmission d’un droit de propriété, d’une personne à une autre. Le terme était historiquement employé plutôt s’agissant de biens immobiliers, mais des droits de mutation sont aujourd’hui perçus sur tout type de biens

([6]) L’absence de contrepartie peut néanmoins être discutée dans le cas des donations avec charge, qui imposent au donataire certaines charges dans l’intérêt du donateur ou d’un tiers.

([7]) Histoire des droits d’enregistrement en France, Christophe de la Mardière, revue « Gestion et Finances publiques », 2017/6, n° 6, pp. 107 à 111 : https://www.cairn.info/revue-gestion-et-finances-publiques-2017-6-page-107.htm

([8]) Article 796-0 bis du CGI.

([9]) Article 777 du CGI, tableau I.

([10]) La représentation successorale est un mécanisme permettant aux descendants d’une personne d’hériter à sa place. Il s’applique en cas de prédécès d’un héritier, en cas de renonciation à un héritage et en cas d’indignité successorale.

([11]) Le prédécès est le décès d’une personne avant celui d’une autre. Il s’emploie en particulier pour évoquer le décès d’enfants survenu avant celui de leurs parents.

([12]) Lors d’une succession, chaque héritier dispose de l’ « option successorale », qui lui permet de choisir entre trois solutions : accepter purement et simplement la succession, ce qui implique la possibilité de recevoir une part de l’actif, mais aussi l’obligation de payer les dettes du défunt dans la limite de ses droits dans la succession. ; l’accepter à concurrence de l’actif net, ce qui permet de mettre ses biens personnels à l’abri des créanciers du défunt ; ou y renoncer. La personne ayant renoncé est considérée comme n’ayant jamais été héritier. Elle ne reçoit aucun bien et n’a pas à payer les dettes du défunt.

([13]) Article 779 du CGI.

([14]) Le fait que cet abattement soit personnel signifie que lorsque la part nette dévolue à un ayant droit ne permet pas à celui-ci de bénéficier de l’intégralité de l’abattement auquel il peut prétendre, il n’est pas possible de reporter l’excédent d’abattement sur l’émolument des autres ayants droit.

([15]) Article 779 du CGI.

([16]) Article 777 du CGI, tableau III.

([17]) Ibidem.

([18]) Article 779 du CGI.

([19]) Ibidem.

([20]) Cet abattement applicable à titre subsidiaire est prévu au IV de l’article 788 du CGI.

([21]) Articles 790 E et 790 F du CGI.

([22]) Article 777 du CGI, tableau II.

([23]) Article 790 B du CGI.

([24]) Article 790 D du CGI.

([25]) Article 778 du CGI.

([26]) Article 787 A du CGI.

([27]) Article 787 B du CGI.

([28]) Pour les engagements souscrits avant 2019, ces taux sont de 20 % des droits financiers et des droits de vote.

([29]) Pour les engagements souscrits avant 2019, ces taux sont de 34 % des droits financiers et des droits de vote.

([30]) Article 787 C du CGI.

([31]) Article 790 A du CGI.

([32]) Article 793 du CGI.

([33]) Article 1840 G du CGI.

([34]) Articles 793 et 793 bis du CGI.

([35]) Article 795 A du CGI.

([36]) Article 796 du CGI.

([37]) Ibidem.

([38]) Article 775 bis du CGI.

([39]) Article 1040 du CGI.

([40]) Article 794 du CGI.

([41]) Ces dons et legs comprennent ceux accomplis en faveur de collectivités territoriales, ceux d’œuvres d’art et de monuments destinés à figurer dans une collection publique, ceux consentis à certains établissements publics ou d’utilité publique, à certains établissements charitables, aux organismes d’HLM, aux associations cultuelles, au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres et aux parcs nationaux notamment.

([42]) Article 795-0 A du CGI.

([43]) Article 795 du CGI, 4°.

([44]) Ibidem, 2°.

([45]) Ibidem, 5°.

([46]) Ibidem, 14°.

([47]) Le mécanisme du rapport fiscal se distingue de celui du rapport civil. Ce dernier consiste à rapporter à la succession les donations en avancement de part successorale consenties par le défunt afin de déterminer la part de chaque héritier. Les biens rapportés sont évalués au jour du partage, sauf stipulation contraire de l’acte de donation. Mais ils ne sont pas imposés une seconde fois dès lors que les donations sont déduites de la part taxable de l’héritier qui effectue le rapport. Contrairement au rapport fiscal, qui ne porte aujourd’hui que sur les donations intervenues dans les quinze ans précédant le décès, le rapport civil porte sur l’ensemble des donations effectuées par le de cujus, sans restriction selon leur date.

([48]) Articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances.

([49]) Article 757 B du CGI.

([50]) Article 990 I du CGI.

([51]) L’âge de l’assuré au moment du versement des primes, ou lors de son décès s’il s’agit d’un plan d’épargne retraite, est le critère déterminant d’assujettissement aux droits de succession des sommes dues par l’assureur. Peu importent l’âge de l’assuré au moment de la souscription du contrat et celui du souscripteur dans le cas où celui-ci serait une personne différente de l’assuré.

([52]) Il s’agit des organismes mentionnés aux articles 795 ou 795-0 A du CGI.

([53]) Selon Nicolas Frémeaux, « la fiscalité actuelle se révèle duale, dans le sens où les successions sans enfants, qui ne représentent que 10 % des montants transmis, génèrent près de la moitié des recettes de cet impôt », in Les nouveaux héritiers, p. 65.

([54]) C’est actuellement le tarif des mutations à titre gratuit entre frères et sœurs qui s’applique à ces dons et legs.

([55]) L’article 5 supprime le IV de l’article 788 du CGI, qui prévoit qu’à défaut d’autre abattement, un abattement de 1 594 euros est opéré sur chaque part successorale. Cette disposition doit être supprimée en raison de l’instauration d’un abattement personnel, valable pour toutes les donations et successions reçues tout au long de la vie, par l’article 2.

L’article 6 opère une coordination à l’article 778 bis du même code, qui dispose que la donation-partage consentie en application de l’article 1076-1 du code civil est soumise en tarif en ligne directe sur l’intégralité de la valeur du bien donné. Les différents tarifs applicables en matière de DMTG étant supprimés par l’article 3 au profit d’un tarif unique, cet article supprime la référence au tarif en ligne directe au profit d’une référence à ce nouveau tarif. Les donations-partages concernées sont celles faites conjointement par deux époux, cas dans lequel l’enfant non commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse être codonateur des biens communs.