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N° 3881

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 février 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi pour renforcer la prévention en santé au travail,

 

 

 

Par Mmes Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean,

Députées.

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3718.

  


 


SOMMAIRE

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AVANT-propos

commentaire des ARTICLES

Titre Ier Renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la sante publique et la santé au travail

Article 1er Renommer les services de santé au travail en services de prévention et de santé au travail

Article 2 Amélioration des conditions d’élaboration, d’accessibilité et de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels

Article 2 bis (nouveau) Possibilité d’intégrer aux négociations annuelles de l’entreprise la qualité des conditions de travail

Article 2 ter (nouveau) Prise en compte des situations de polyexpositions chimiques et amélioration du suivi des travailleurs ayant été affectés à des postes à risque

Article 3 Création du « passeport prévention »

Article 4 Extension des missions du médecin du travail

Article 5 Intégration des services de santé au travail dans les communautés professionnelles territoriales de santé et les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes

Article 6 Présentation d’un volet « politique de santé au travail » au sein du rapport annexé au projet de loi de finances relatif à la politique de santé publique

1. Informer sur la mise en œuvre d’une véritable politique nationale de prévention des risques professionnels

2. Informer sur la situation et l’action des pouvoirs publics en matière de santé au travail dans la fonction publique

Article 7 Renforcement des pouvoirs de surveillance du marché des équipements de protection individuelle et des équipements de travail non conformes

A. Définition et réglementation des équipements de travail et des équipements de protection individuelle

B. Les procédures d’évaluation de la conformité

C. La surveillance du marché

D. Le renforcement récent de la règlementation européenne à ces sujets suppose une adaptation du droit interne

Titre II  Définir l’offre de services à fournir par les services de prévention et santé au travail aux entreprises et aux salariés, notamment en matière de prévention et d’accompagnement

Article 8 Mise en place d’une offre socle et d’une offre complémentaire par les services de prévention et de santé au travail interentreprises ainsi que d’une procédure de certification

Article 9 Modification de la tarification des services de prévention et de santé au travail interentreprises

a. Une tarification cohérente avec la dualité d’offres des SPSTI

B. Une tarification plus transparente

Article 10 Renforcement de la transparence des documents produits par les services de prévention et de santé au travail interentreprises

Article 11 Permettre aux professionnels de santé des services de prévention et de santé au travail d’accéder au dossier médical partagé

Article 12 Faciliter et sécuriser l’accès au dossier médical en santé au travail

Article 13 Intégrer dans le système national de données de santé les données de santé issues du dossier médical en santé au travail

titre iii  mieux ACCOMPAGNER CERTAINS PUBLICS, NOTAMMENT VULNÉRABLES, ET LUTTER CONTRE LA DÉSINSERTION PROFESSIONNELLE

Article 14 Création d’une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises

Article 14 bis (nouveau) Amélioration du partage d’informations entre les organismes d’assurance maladie et les services de prévention et de santé au travail

Article 14 ter (nouveau) Participation du « référent handicap » à l’accompagnement, par les services de prévention et de santé au travail, des personnes en situation de handicap

Article 15 Autorisation du recours à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication pour le suivi des travailleurs

Article 16 Instauration d’une visite médicale de mi-carrière au bénéfice des travailleurs

Article 17 Amélioration du suivi de l’état de santé de certains salariés et extension  de ce suivi à de nouvelles catégories de travailleurs

Article 18 Aménagement des modalités de l’organisation du retour des travailleurs  à leur poste après une absence de longue durée

Article 19 Intégration des salariés confrontés à un risque de désinsertion  professionnelle à la liste des salariés prioritaires pour le  bénéfice d’un projet de transition professionnelle

titre IV RÉORGANISER LA GOUVERNANCE DE LA PRÉVENTION  ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL

Article 20 Aménagement des règles relatives à l’organisation interne des services  de prévention et de santé au travail interentreprises

Article 21 Contribution du médecin de ville au suivi de l’état  de santé de certains travailleurs

Article 22 Préservation du temps de travail du médecin du travail

Article 23 Création du statut d’infirmier de santé au travail et autorisation  pour ce dernier d’exercer en pratique avancée

Article 24 Promotion de la délégation des tâches au sein de l’équipe pluridisciplinaire du service de prévention et de santé au travail interentreprises

Article 25 Création du comité national de prévention et de santé au travail au sein du conseil d’orientation des conditions de travail

Article 26 Création d’un comité régional de prévention et de santé au travail au sein du comité régional d’orientation des conditions de travail

Article 27 Demande de rapport au Parlement sur la modification des relations juridiques et financières entre l’Agence nationale pour l’amélioration  des conditions de travail et le réseau des associations régionales  pour l’amélioration des conditions de travail

Article 28 Formation des membres de la délégation du personnel du comité social et économique de l’entreprise en santé au travail

titre v dispositions finales

Article 29 Modalités d’entrée en vigueur de la loi

Article 30 Gage financier

EXAMEN EN commission

1. Réunion du mardi 9 février 2021 à 21 heures

2. Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9 heures 30

3. Réunion du mercredi 10 février 2021 à 21 heures

annexe 1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteures

Annexe 2 : dispositions en vigueur modifiées ou abrogées par la proposition de loi


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   AVANT-propos

● La pandémie de covid-19 l’a souligné avec force, s’il en était encore besoin : la santé au travail en France ne peut plus faire l’impasse sur la prévention primaire dans la lutte contre les risques sanitaires, quelle que soit leur nature. Trop longtemps tournée vers la réparation, notre politique de santé doit aujourd’hui changer de paradigme. Déjà largement appliquée chez nombre de nos partenaires européens, réclamée par les partenaires sociaux à mesure de documents programmatiques, la prévention primaire, dont l’efficacité est désormais largement reconnue, signalera l’entrée de la santé au travail dans l’ère de la maturité.

Ce constat est évidemment particulièrement applicable au milieu de travail, où la prévention des risques professionnels doit à tout prix faire l’objet d’un renforcement pour mieux prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, mais aussi améliorer la qualité du suivi de l’état de santé des travailleurs et lutter en amont contre la désinsertion professionnelle. Inutilement coûteuse pour la sécurité sociale, la déficience de prévention est également coûteuse en temps de travail et en qualité de vie au travail.

Cette proposition de loi prolonge donc un corpus législatif qui plonge dans les origines du droit moderne du travail et la loi Villermé du 22 mars 1841 visant à limiter le travail des enfants dans les manufactures de la France alors en voie rapide d’industrialisation.

Par la suite, la grande loi du 9 avril 1898 a permis de passer d’une responsabilité civile particulièrement lourde pour l’employeur et impraticable pour le travailleur à un principe de réparation compatible avec les relations de travail. Ce principe permet aux travailleurs de bénéficier d’une réparation de son préjudice beaucoup plus fréquente, puisque celle-ci devient automatique et forfaitaire. La faute de l’employeur n’est plus une condition sine qua non pour obtenir la réparation, et elle n’est plus recherchée que dans les cas qui vont progressivement évoluer vers ce que l’on appelle aujourd’hui la faute inexcusable.

De cette nouvelle structure du monde du travail a naturellement découlé un renforcement progressif de l’attention à la préservation de la santé des travailleurs sur le lieu de travail, culminant avec la loi du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail, prévoyant une obligation pour les entreprises de mettre en place des médecins du travail, dont le rôle est déjà exclusivement préventif.

Ces services ont progressivement évolué vers des services de santé au travail (SST), bénéficiant, en vertu de la loi de modernisation sociale de 2002, d’équipes pluridisciplinaires, tandis que les lois successives en 2011 et 2016 ont modernisé l’action des médecins du travail et leur rôle dans l’entreprise.

La France peut aujourd’hui s’appuyer sur un vaste réseau d’acteurs, à commencer par les services de santé au travail, mais aussi la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), leur déclinaison territoriale, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et ses pendants régionaux, les ARACT, les Cap emploi et bien d’autres.

Nous pouvons également nous enorgueillir d’institutions de recherche et de formation de pointe, au premier rang desquelles on trouve l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) ou encore l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui compte parmi ses missions premières la fourniture d’informations nécessaires à la prise de décisions concernant la prévention des risques professionnels et l’appui aux politiques publiques dans ce domaine.

Mais ces acteurs sont malheureusement encore aujourd’hui trop inscrits dans un système en silos et sont, par surcroît, isolés des acteurs du soin ou de la santé publique. Cette situation entraîne de nombreux inconvénients, de la déperdition d’information à l’absence de coordination et, in fine, d’efficacité, au détriment du travailleur.

● Des progrès en ce sens avaient déjà été portés dans le cadre de la stratégie nationale de santé 2018-2022, qui portait l’ambition de « promouvoir la santé au travail, développer une culture de prévention dans les milieux professionnels et réduire la fréquence et la sévérité des pathologies liées aux conditions de travail ». À ces fins, la stratégie nationale prenait en compte la nécessité d’une approche globale de la santé en améliorant la coordination des acteurs et en intégrant les services de santé au travail dans le parcours de santé, par le biais d’un décloisonnement de la santé publique et la santé au travail.

Dans la lignée de cette nouvelle ambition, de nombreux rapports et études ont été rendus sur le sujet durant les trois dernières années. Votre rapporteure Charlotte Parmentier-Lecocq a ainsi rendu au Premier ministre deux rapports visant, l’un, avec MM. Bruno Dupuis et Henri Forest, à moderniser la santé au travail en France via une rénovation de sa gouvernance et une plus grande effectivité, l’autre, avec Mme Pascale Coton et M. Jean-François Verdier, à engager une réforme de la santé au travail dans la fonction publique. Mais d’autres rapports, rendus par les sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny ou encore par le député Cyrille Isaac‑Sibille sur le dossier médical partagé, ont également contribué à nourrir les préconisations de cette proposition de loi.

● Le bouillonnement intellectuel sur ces sujets ne s’est pas cantonné au seul stade de la réflexion. Les partenaires sociaux se sont pleinement emparés de ces sujets, par différents biais.

Ils ont largement contribué, d’abord, à la définition du troisième plan « santé au travail » pour la période 2016-2020, comme ils l’avaient fait pour les deux plans précédents. Ce faisant, ils ont largement insisté sur la nécessité de placer la prévention primaire au cœur de notre politique publique de santé au travail.

Ils se sont engagés dans une démarche résolue de négociation qui, après un premier échec en 2019, a abouti à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 décembre dernier « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail ». Cet accord contient de nombreuses dispositions visant « le renversement de priorité en faveur de la prévention ».

● Alors que ses auteures se sont attaché à accompagner les partenaires sociaux dans leur démarche, notamment par le biais du dépôt d’une proposition de résolution, appelant à faire de la France l’un des pays les plus performants en matière de santé au travail, adoptée le 22 juin 2020, la présente proposition de loi vise à transposer les dispositions de l’accord qui nécessitent une modification de la loi. Elle vise plus largement, à travers diverses mesures qui sont le fruit de longs échanges menés par vos rapporteures avec les acteurs de la santé au travail, à impulser une réforme ambitieuse des services de santé au travail pour l’amélioration de la qualité du suivi des travailleurs.

Afin de soutenir cette procédure innovante de co-construction, les rapporteures ont également sollicité l’expertise du Conseil d’État, qui a, par son avis, justifié un certain nombre d’évolutions assurant la cohérence et la solidité juridiques de ce texte.

Cette proposition de loi bénéficiera donc aux institutions du secteur ainsi qu’aux entreprises adhérentes, mais aussi, et avant tout, à la protection des travailleurs et notamment les plus vulnérables d’entre eux.

● S’agissant des institutions, tout d’abord, les services de santé au travail, désormais rebaptisés services de prévention et de santé au travail, bénéficieront d’une gouvernance rénovée. Les médecins du travail, dont le temps passé en milieu de travail est sanctuarisé, pourront également assumer de nouvelles missions, telles que des campagnes de vaccination et de dépistage, ainsi que l’incitation à la pratique sportive en entreprise.

Ils s’intégreront par ailleurs dans une structure nationale tripartite, dont le comité national de prévention et de santé au travail, ainsi que ses déclinaisons régionales. Ce comité aura un rôle déterminant dans l’élaboration d’outils concrets en faveur de l’amélioration des prestations, notamment des services interentreprises.

● Les entreprises adhérentes aux services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) bénéficieront ainsi d’une plus grande transparence s’agissant de la tarification comme des actions menées. La nouvelle certification de ces services contribuera à les engager dans une démarche de qualité que ne permet pas à ce stade la seule procédure de l’agrément.

Dans un contexte de démographie médicale dégradée dans le domaine de la santé au travail, l’ensemble de ces entreprises pourront compter sur l’appui de médecins de ville – les médecins praticiens correspondants – ainsi que sur celui d’infirmiers en pratique avancée (IPA), pour le suivi de l’état de santé des travailleurs qu’elles emploient.

Les services devront enfin faire bénéficier les entreprises, de manière homogène et sur l’ensemble du territoire, d’une offre socle de services fondamentaux. Cette première offre pourra être complétée par des services supplémentaires destinés à satisfaire les besoins potentiellement spécifiques de certaines entreprises. Une grille tarifaire ad hoc, validée par le conseil d’administration et communiquée à l’assemblée générale des services, sera affectée à cette offre complémentaire.

● Les travailleurs seront à la fois mieux protégés, mieux suivis et mieux formés. Mieux protégés, d’abord, en raison des nouvelles modalités d’élaboration et de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels. Ce document, élaboré par l’employeur, assurera désormais la traçabilité collective des expositions auxquelles les travailleurs ont été confrontés sur le lieu de travail. Les nouvelles obligations de conservation de ce document permettront aux travailleurs comme aux anciens travailleurs d’y accéder pendant une période beaucoup plus longue. Le document unique s’inscrira par ailleurs dans une démarche prospective en intégrant le programme annuel de prévention, par lequel l’employeur décrira clairement les actions qui s’imposent, compte tenu des résultats de la procédure d’évaluation des risques.

Mieux suivis, ensuite. La prise en charge des salariés temporaires sera améliorée tandis que de nouvelles catégories de travailleurs, notamment les travailleurs indépendants, accèderont à une offre adaptée fournie par les services de prévention et de santé au travail. Par ailleurs, tous les travailleurs bénéficieront d’une visite médicale de mi-carrière destinée, notamment, à vérifier l’adéquation entre leur poste de travail et leur état de santé.

Le décloisonnement qu’opère cette proposition de loi entre santé au travail et santé de ville s’inscrit dans ce même objectif : assurer le suivi de l’état de santé des personnes. Au titre de cet objectif, les rapporteures ont tenu à apporter des propositions innovantes et déterminantes. Ainsi, le médecin du travail pourra intégrer les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les dispositifs d’appui à la coordination pour la gestion des parcours de santé complexes (DAC). Surtout, ils pourront accéder au dossier médical partagé (DMP) des travailleurs, sous réserve de son consentement exprès, du plein respect de la protection des données personnelles et d’une protection complète du secret qui s’attache à ce consentement. En miroir, les médecins du soin pourront avoir accès au dossier médical de santé au travail (DMST), qui sera alimenté uniquement par le médecin du travail et dont les données pourront être collectées dans le système national de données de santé (SNDS).

Mieux formés, enfin. Le « passeport prévention », imaginé par les signataires de l’ANI, permettra de retracer l’ensemble des formations suivies par les travailleurs, ainsi que les certificats et les diplômes obtenus dans ce cadre. Tenu à la disposition de l’employeur, ce passeport sera intégré au compte personnel de formation et permettra d’éviter les doublons encore trop nombreux entre les formations qui demeurent aujourd’hui. Les délégués du personnel du comité social et économique suivront une formation spécifique en santé au travail au cours de leur premier mandat comme lors de son renouvellement.

● La proposition de loi permettra enfin de redoubler d’attention à l’égard des travailleurs les plus vulnérables. Une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle sera installée dans les services de prévention et de santé au travail interentreprises. Elle aura pour mission d’identifier les personnes exposées à ce risque et de les accompagner. Pour cela, elle pourra compter sur l’appui des organismes d’assurance maladie, avec lesquels les services en question devront collaborer, davantage qu’aujourd’hui. Les travailleurs pourront, de plus, bénéficier d’un rendez-vous de liaison après un arrêt de longue durée et faciliter ainsi leur retour à l’emploi.

Telles sont les principales dispositions de la présente proposition de loi.

 


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   commentaire des ARTICLES

Titre Ier
Renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la sante publique et la santé au travail

Article 1er
Renommer les services de santé au travail en services de prévention et de santé au travail

Adopté par la commission avec modifications

En application des dispositions de l’ANI du 10 décembre 2020, le présent article rebaptise les services de santé au travail, qu’ils soient autonomes ou « interentreprises », services de prévention et de santé au travail, afin de souligner la nouvelle orientation des missions de ces derniers en faveur de la prévention primaire.

 

I.   Les services de santé au travail doivent pouvoir orienter leurs actions dans le sens de la prévention primaire

A.   Les services de santé au travail : la fine maille territoriale de la prévention des risques professionnels

1.   Les services de santé au travail sont les premiers acteurs auxquels les entreprises ont recours

Les SST occupent une place particulièrement importante dans la prévention des accidents du travail et maladies professionnelles et sont même les premiers intervenants extérieurs. Ainsi, dans son enquête de 2016 sur les conditions de travail, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) rappelait que 37 % des employeurs avaient signalé avoir pris des conseils récents, soit dans les douze derniers mois, auprès d’un organisme extérieur, qu’il s’agisse d’un service de santé au travail, de l’inspection du travail, des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat, dépendantes de la CNAM), de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS, rattaché là aussi à la direction des risques professionnels de la CNAM) ou de l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract). Parmi ces différentes instances, les services de santé au travail sont largement les plus consultés, comme en témoigne le graphique suivant :

 

● L’émergence des SST, et notamment des SSTI, est cohérente avec l’organisation française de la santé et de la sécurité au travail, par laquelle pèse sur les employeurs une obligation de résultat en matière de sécurité. Cette obligation jurisprudentielle ([1]) a été progressivement nuancée pour admettre un plus grand nombre de preuves à l’appui de l’employeur ([2]). Désormais, l’objet de l’obligation qui pèse sur l’employeur n’est pas l’absence totale d’atteinte à la santé ou à la sécurité, mais la mise en œuvre de tous les moyens de prévention des risques professionnels, tant sur le plan collectif qu’individuel.

2.   Des acteurs reconnaissables dans la « jungle » des organismes de santé au travail

Les services de santé au travail interentreprises (SSTI) constituent un opérateur de proximité, quand les grands opérateurs nationaux et régionaux définissent davantage les référentiels que peuvent utiliser les entreprises qui y ont recours. Ce sont en effet les SSTI, tant en raison de leurs membres que des effectifs qu’ils peuvent mobiliser, qui sont les véritables relais d’une politique territoriale de santé au travail. Un SSTI doit faire l’objet d’un agrément délivré par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), qui lui octroie alors une compétence qui peut être fondée sur un ressort territorial ou au titre d’une activité précise.

● En 2019, on comptait 235 SSTI ([3]), contre 500 dans les années 1980. Les effectifs des SSTI se composent de 15 000 professionnels médicaux ou experts de la prévention. Parmi ceux-ci, on compte notamment 4 500 médecins du travail et collaborateurs médecins. À titre de comparaison, il est estimé, d’après les informations recueillies par la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) auprès des Direccte, qu’il existe 192 SST autonomes, hors agriculture et fonction publique.

Les cotisations versées par les entreprises permettent à ces services de financer des actions à hauteur d’1,5 milliard d’euros, contre 1,3 milliard encore en 2016. Leur périmètre d’action comprend principalement les salariés affiliés au régime général. 16 millions de salariés, dont un peu moins de 5 % relèvent du secteur public, peuvent ainsi bénéficier de leur couverture, au sein d’environ 1,4 million d’entreprises ou d’établissements. Ces derniers ont, pour 80 % d’entre eux, des effectifs inférieurs à dix salariés.

La déclinaison concrète et locale de ces services passe par 1 400 centres fixes, 9 100 centres annexes ou d’entreprises et plus de 10 000 points de stationnement d’unités mobiles. Cette organisation leur permet de réaliser, chaque année, près de 7 millions de visites et 550 000 actions en entreprise.

Ces SSTI s’inscrivent donc dans un cadre global de préservation de la santé au travail en France dont la complexité, souvent soulignée, peut contribuer à ce que les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, soient perdues autant concernant les instances auxquelles elles doivent faire appel que sur la simple question de savoir qui fait quoi.

L1

Les SST sont également particulièrement utiles s’agissant des travailleurs exposés à des risques particuliers. Il en va ainsi des salariés qui sont exposés à des produits chimiques ou cancérigènes, à des conditions de travail difficiles avec horaires décalés ou travail de nuit, à des bruits forts et répétés... S’il est estimé que c’est nécessaire, ces salariés peuvent être soumis à une surveillance médicale renforcée par les SST. Ils bénéficient ainsi d’examens plus fréquents et approfondis, auxquels peuvent s’ajouter le cas échéant des examens complémentaires. Ils doivent faire l’objet d’une attention plus soutenue, dont la médecine du travail est responsable, s’agissant de leurs conditions de travail ainsi que des modalités concrètes d’exercice de leurs tâches à leur poste.

B.   La nécessaire réorientation vers une culture de la prévention

1.   Un impératif désormais largement reconnu...

S’agissant de la prévention, la culture française de gestion de la santé et de la sécurité au travail est encore avant tout centrée sur la réparation, comme en témoigne l’affectation du budget de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Comme le rappelle le rapport remis par votre rapporteure Charlotte Lecocq au Gouvernement, « sur 100 euros cotisés, 38 euros sont consacrés aux accidents du travail, 36 euros aux maladies professionnelles, 7 euros aux accidents de trajet, 15 euros pour les victimes de l’amiante et 4 euros à la prévention » ([4]). La France fait ainsi figure d’exception, notamment en comparaison de ses voisins immédiats : « comparativement, la France consacre pour la prévention environ 3 % de ses dépenses d’assurance risques professionnels (340 millions affectés à la prévention sur environ 13 milliards de dépenses), quand l’Allemagne en consacre 10 % (900 millions à la prévention sur 9 milliards de dépenses), soit 3 fois plus, notamment dans des campagnes de prévention » ([5]).

Selon un sondage mené par l’INRS à la fin de l’année 2014, la prévention est plus vécue comme une contrainte que comme une opportunité, et 70 % des très petites entreprises (TPE) et 54 % des petites entreprises n’envisagent pas d’action de prévention pour les deux ans à venir.

L’ANI du 10 décembre 2020 ([6]) représente à ce titre un engagement véritable dans le sens d’une meilleure prévention, puisque les partenaires sociaux en font leur premier objectif, en rappelant que la prévention doit être « considérée comme un investissement aux effets durables, qui contribue à la performance individuelle et collective. » Ils ont donc estimé qu’il était « indispensable de promouvoir une culture de prévention primaire qui engage l’entreprise et organise son accompagnement, dans le cadre de procédures et de démarches accessibles ». Le développement de documents tels que le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ([7]) participe pleinement de cette démarche.

2.   ... auquel les services de santé au travail peuvent faire face grâce à leur organisation

● Les services de santé au travail, qui sont organisés par les employeurs, se caractérisent par une obligation de pluridisciplinarité, issue notamment de la loi de modernisation sociale de 2002. Inscrite désormais dans le code du travail ([8]), cette pluridisciplinarité correspond à une généralité de missions, qui visent à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Pour ce faire, selon un triptyque conception – conseil – suivi, les services doivent :

– conduire des « actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel » ;

– prendre des dispositions visant à réduire ou éviter les risques professionnels, mais aussi à prévenir les conduites à risque ou encore lutter contre le harcèlement sexuel ou moral sur le lieu de travail ;

– surveiller l’évolution de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques qui les concernent, mais aussi les tiers, des effets de l’exposition à des facteurs de risque professionnels dûment recensés ainsi que de leur âge ;

– contribuer au suivi et à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.

● Ces obligations sont donc cohérentes avec les neuf principes généraux relatifs à la prévention en milieu de travail, qui guident l’action de l’ensemble des SST et futurs SPST.

 

Les neuf principes généraux de prévention sur le lieu de travail

Inscrits à l’article L. 4121-2 du code du travail, les principes généraux de prévention doivent guider l’action de l’employeur dans la mise en œuvre des mesures sur le lieu de travail. Ils se déclinent de la façon suivante :

1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

 

Ainsi, au 1er janvier 2017 ([9]), les médecins du travail représentent 30 % des effectifs, les ASST 37 % et les infirmiers 9 %. Cette composition permet aux SSTI d’assurer un ensemble de missions comprenant l’ensemble des facteurs susceptibles de compromettre la santé des travailleurs à l’occasion de l’exercice de leurs tâches, qu’il s’agisse de facteurs psychiques ou physiques, d’ordre individuel ou organisationnel. Les SSTI participent déjà directement d’actions de prévention cohérentes avec les grands axes de la santé publique, notamment la prévention des addictions.

● La pertinence de l’action de proximité que mènent naturellement les SST autonomes, mais aussi les SSTI, est largement soulignée, malgré les problématiques de pertinence de l’action et d’homogénéité sur l’ensemble du territoire auxquelles cette proposition de loi s’attache à répondre. La mission de l’IGAS consacrée à ce sujet le reconnaît ainsi : « créés à l’initiative des employeurs, les SSTI sont, de par leur nombre et leurs missions, les premiers acteurs de proximité en matière de santé au travail et de prévention des risques professionnels [...] premier outil d’identification des risques et de préconisations aux entreprises, les fiches d’entreprise voient leur réalisation ou leur actualisation progresser, mais leur taux de couverture ne dépasse pas encore 50 % des établissements. En outre, les actions de prévention primaire collective restent peu développées. » ([10])

L’alliage de cette structuration avec son implantation territoriale fait de ces services les ambassadeurs idéaux du nouveau paradigme de protection de la santé des travailleurs que vos rapporteures souhaitent porter. Loin d’être portés sur la seule réparation des risques, les SST dans leur ensemble ont les atouts pour relayer une politique de santé dont les entreprises et les salariés peuvent être de véritables acteurs, en les aidant notamment à identifier les facteurs à risque et en les amenant dans une logique plus structurante de prévention. Cette situation est particulièrement précieuse auprès des petites et très petites entreprises, structurellement déficientes en matière de santé au travail.

C.   Une disposition largement portée au sein de l’ANI du 10 décembre 2020

Les partenaires sociaux signataires de l’accord national interprofessionnel ([11]) rappellent à juste titre que l’actuel Plan Santé au travail, issu de réflexions construites par leur biais comme par le ministère du travail, tâche de renverser le paradigme actuel en faveur de la prévention primaire, sans occulter évidemment la part irrépressible de réparation que porte également la politique publique de santé au travail.

En cohérence avec le renouvellement des missions des SSTI dans le cadre de leur offre socle ([12]), les partenaires sociaux ont prévu que ces services deviennent les « services de prévention et de santé au travail interentreprises », les SPSTI ([13]). En particulier, ces nouvelles missions de prévention s’appuieront sur une équipe pluridisciplinaire principalement animée, ici, par des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), en vue d’aider les entreprises à identifier et évaluer les risques professionnels, par le biais d’actions définies ci-dessous.

 

Les actions spécifiques qui incomberont aux SPSTI dans le cadre de leur mission de prévention

– la mise à jour régulière de la fiche d’entreprise, qui peut constituer pour des TPE-PME la base du DUERP ;

– le conseil dans la rédaction et la finalisation par l’employeur du DUERP et du plan d’action qui peut en découler ;

– la réalisation des études de poste de travail en déployant notamment des compétences en ergonomie (TMS notamment), métrologie de première intention (bruit, risques chimiques), risques organisationnels (RPS) ;

– la réalisation d’actions complémentaires de prévention (collectives ou individuelles) en fonction des besoins ;

– la réalisation d’une action de prévention primaire dans chaque entreprise au moins une fois tous les quatre ans (pour les TPE-PME, le SPSTI pourra proposer de raccourcir ce délai) ;

– des conseils lors de la conception des postes et/ou des locaux de travail.

D.   Une adaptation de la définition du harcèlement aux nouvelles dispositions du code pénal

Dans le cadre du renforcement de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la loi dite « Schiappa » ([14]) a modifié les dispositions relatives aux délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral, en établissant notamment que le harcèlement sexuel pouvait s’étendre à l’imposition à une personne, de façon répétée, de propos ou comportements à connotation sexuelle mais aussi sexiste. La modification de ces dispositions dans le code pénal appelle une harmonisation dans le code du travail.

II.   Le dROIT proposÉ : une harmonisation de la dénomination des services de prévention et de santé au travail ainsi qu’une adaptation de la nouvelle définition du harcèlement sexiste

Le présent article poursuit deux objectifs distincts.

● Le prévoit d’ajouter la notion de harcèlement sexiste à l’interdiction du harcèlement sexuel et des comportements assimilés au sein du code du travail. Pour ce faire, il complète l’article L. 1153-1 en précisant que « toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers », actuellement assimilable à un comportement de harcèlement sexuel, est également assimilable à du harcèlement sexiste.

Cette disposition bienvenue permet d’harmoniser le droit du travail avec les récentes modifications du droit pénal en la matière.

● L’ensemble des autres dispositions relève de la coordination avec la nouvelle dénomination des services de santé en travail, en cohérence avec la réorientation de leurs activités en faveur de la prévention primaire.

Ces coordinations irriguent naturellement le code du travail et notamment le titre II du livre IV de la quatrième partie, intitulé « services de santé au travail ». Mais cet effort de coordination s’étend aux références pertinentes du code de la sécurité sociale – l’article L. 422-6, relatif aux conventions signées entre les Carsat et les services de santé au travail – ainsi qu’à celles du code de la santé publique relatives à la contribution des services à la politique de santé ou à l’exercice des missions de l’Agence nationale de santé publique. Le code des transports, au IV, connaît une modification comparable dans son article L 5545-13, tandis que le VI adapte les dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale s’agissant de la capacité des collectivités territoriales à adhérer, le cas échéant, à un service de prévention et de santé au travail.

En vertu du V, le présent article étend cette harmonisation au code rural et de la pêche maritime pour ce qui concerne les services de santé au travail agricoles.

III.   les modifications apportÉes par la commission

La commission a adopté deux amendements de vos rapporteures, l’un de coordination et l’autre d’exclusion du champ des services de santé au travail agricoles, compte tenu de la structure propre à ces services sous l’égide de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).

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Article 2
Amélioration des conditions d’élaboration, d’accessibilité et de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article modifie à la fois la substance et les modalités de construction, de diffusion et de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

À ce titre, il prévoit en premier lieu que le document comprendra désormais un programme annuel de prévention et d’amélioration des conditions de travail, sur lequel débouchera nécessairement l’analyse effectuée en amont des risques professionnels dans l’entreprise. Ce chaînage a pour but d’encourager les employeurs, mais aussi l’ensemble des acteurs de l’entreprise qui y ont intérêt, à se projeter dans une culture de la prévention prospective.

Dans la phase d’analyse des risques et de leur évaluation, le présent article prévoit une plus grande implication du comité social et économique (CSE) de l’entreprise, du service de prévention et de santé au travail ainsi que du salarié référent en matière de santé au travail. Cette évaluation doit permettre d’organiser, outre l’inventaire des risques auxquels sont exposés les travailleurs sous l’autorité de l’employeur, une traçabilité collective de l’ensemble de ces expositions.

Cette traçabilité sera favorisée par les nouvelles modalités de conservation du DUERP, accessible désormais à l’actuel comme à l’ancien salarié.

S’agissant de la phase aval, le présent article prévoit l’inscription dans le programme de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail les modalités concrètes engagées par l’entreprise pour y remédier, intégrant le coût des mesures envisagées et un calendrier de mise en œuvre.

I.   La culture de la prévention, encore trop vécue comme une contrainte extérieure, doit être désormais l’affaire des acteurs de la gouvernance d’entreprise

A.   Malgré son importance, le document unique d’évaluation des risques professionnels ne fait pas encore l’objet d’une appropriation suffisante au sein des entreprises

1.   Le DUERP : un outil désormais ancien au service de la prévention en entreprise

● L’obligation pour tous les employeurs d’au moins un salarié de mettre en place un DUERP date de 2001 ([15]). Il s’agit d’un inventaire exhaustif et hiérarchisé des risques auxquels peuvent être exposés les salariés, qui doit également comporter une partie prospective. En l’occurrence, il doit viser des actions destinées à réduire les risques ou les supprimer. Sa révision une fois par an doit permettre de réévaluer les risques au sein de l’entreprise, mais cette réévaluation doit également être menée à bien à chaque fois qu’une unité de travail a été modifiée ou après l’occurrence d’un accident du travail.

Il s’agit donc d’une obligation déclinée sur le mode réglementaire par une obligation de transcription et de mise à jour, dans le document unique, des résultats de l’évaluation des risques, qui s’accompagne de « données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles aux facteurs de risques » en vue de leur déclaration, ainsi que de la consignation de « la proportion de salariés exposés » à ces mêmes facteurs de risques professionnels ([16]).

● Dans la pratique, le mode d’établissement du DUERP n’est pas strictement défini, il peut notamment se présenter sous un format physique ou dématérialisé. Il est mis à disposition des salariés, des délégués du personnel ou du CSE, quand il en existe un. La médecine du travail comme les inspecteurs des accidents du travail et des maladies professionnelles quand ils interviennent doivent également pouvoir y accéder.

2.   Une place insuffisante dans les entreprises, notamment de petite taille

a.   Un instrument vécu comme une contrainte

L’insuffisante appropriation du DUERP par les entreprises entraîne un sentiment généralisé de contrainte chez les employeurs, qui ne reconnaissent pas suffisamment l’intérêt du document dans la politique de prévention dans l’entreprise et la contribution d’une telle politique dans la performance globale. Selon l’enquête européenne EWCS sur les conditions de travail menée en 2015, auprès de 43 000 personnes actives provenant de trente‑cinq pays, la France se situerait au vingt‑neuvième rang s’agissant de l’évaluation des risques. Ainsi, seules 56 % des personnes interrogées ont confirmé la réalisation d’évaluations régulières dans leur établissement. Ainsi que le présente votre rapporteure Charlotte Lecocq dans son rapport remis au Premier ministre en août 2018 ([17]), « le document unique d’évaluation des risques est un exemple intéressant car, alors qu’il semble relever de l’évidence et constituer le préalable incontournable à toute démarche de prévention aux yeux du préventeur, il est le plus souvent vécu comme une obligation règlementaire formelle sans utilité pratique par l’employeur. Ainsi, même lorsqu’il existe, le DUER ([18]) est rarement un outil de pilotage de la prévention pour ce dernier. »

● La mise en œuvre du DUERP s’inscrit concrètement dans les dispositions du code du travail, qui prévoit que, outre l’évaluation qui incombe à l’employeur, ce dernier doit mettre « en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » ([19]). Les entreprises de moins de onze salariés bénéficient toutefois d’une dérogation, s’agissant des dispositions réglementaires qui découlent de cette obligation : les documents qu’ils prévoient, dont fait partie le DUERP, peuvent être mis à jour selon une fréquence moins importante que pour les entreprises plus grandes, « sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » ([20]).

Cependant, ainsi que le démontre la DARES ([21]), « malgré l’obligation légale, seuls 45 % des employeurs interrogés en 2016 ont élaboré ou actualisé un DUER au cours des 12 mois précédant l’enquête. Parmi les établissements de moins de 10 salariés du secteur privé, qui représentent les trois quarts des établissements et emploient 17 % des salariés, seulement 38 % ont un DUER actualisé.

« Dans les établissements de 50 salariés ou plus du secteur privé, où les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont obligatoires, en 2016, plus de 90 % des établissements ont actualisé un DUER dans les 12 derniers mois. »

● Dans la fonction publique d’État et dans les collectivités territoriales, le DUERP n’est présent et actualisé que dans un établissement sur deux. Il l’est, en revanche, trois fois sur quatre dans les établissements de la fonction publique hospitalière (FPH), du fait notamment des risques chimiques et biologiques encourus par le personnel.

b.   Les fiches d’entreprise ne parviennent par ailleurs pas à suppléer l’absence du DUERP

Cette défiance à l’égard des documents de recension des risques professionnels ne concerne pas uniquement le DUERP, mais aussi les fiches d’entreprise. Le code du travail prévoit bien une obligation en la matière ([22]), en vertu de laquelle :

– le médecin du travail ou, le cas échéant, le service de santé au travail interentreprises (SSTI) établit et met à jour une fiche d’entreprise ou d’établissement, dans laquelle figurent les risques professionnels qui lui sont propres ainsi que les effectifs de salariés qui peuvent y être exposés ;

– cette fiche doit être établie par un SSTI l’année qui suit l’adhésion de l’entreprise ou de l’établissement au service ;

– la fiche est enfin susceptible d’être présentée au CSE et consultée par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).

● Cette fiche constitue un « document clé dans la démarche de prévention », en particulier pour les petites entreprises « dans la mesure où cette fiche constitue un des premiers leviers pour mettre en œuvre une démarche de prévention et pour aider l’employeur dans l’identification et l’évaluation des risques présents dans son entreprise ou son établissement » ([23]). Pourtant, d’après l’association PRESANSE, le nombre de fiches d’entreprises réalisées en 2018 serait de l’ordre de 130 500 pour 610 000 fiches comptabilisées en tout. Si l’ensemble de ces chiffres sont en progression, seuls 45 % des établissements étaient couverts. Ce constat rend la nécessité d’établir et de mettre à jour des documents de prévention internes aux entreprises d’autant plus pressante.

c.   Des propositions en faveur d’un document tourné vers l’action prospective

Le DUERP doit par ailleurs être un relais vers la mise en place d’actions concrètes programmées en fonction du diagnostic que le document unique permet d’établir. C’est dans cette perspective que les partenaires sociaux signataires de l’ANI du 10 décembre ont estimé que, sur la base du DUERP, « l’employeur planifie les mesures de prévention nécessaires et leur déploiement [...] qui suppose la mobilisation des moyens nécessaires : technique, humain et financier » ([24]). Pour ce faire, l’employeur devrait pouvoir s’appuyer notamment sur les modèles de gestion du risque dans la durée développés par la branche AT-MP, adressés notamment aux TPE-PME.

L’inscription du DUERP dans la durée suppose enfin que sa traçabilité soit assurée dans chacune de ses phases de développement, tout comme dans son accessibilité, y compris pour les anciens salariés. L’ANI du 10 décembre 2020 ([25]), là encore, précise bien que la « traçabilité doit être facilitée par la conservation des versions successives du document unique » mais aussi par la dématérialisation du document. Cette meilleure traçabilité devrait engendrer des progrès particulièrement dans les branches où les travailleurs sont exposés aux polyexpositions, à l’instar des industries chimiques.

B.   Le CSE n’est pas encore le lieu d’Élaboration de la politique de prÉvention dans l’entreprise

1.   Les prérogatives actuelles du CSE témoignent de son importance naturelle pour prévenir les risques professionnels et seconder l’employeur dans sa politique de santé au travail

La mise en place des CSE relevait d’un effort en faveur d’une plus grande transversalité pour traiter de l’ensemble des questions intéressant les partenaires sociaux. C’est donc naturellement au sein de cette instance que sont désormais traitées les questions de santé et de sécurité au travail. Les délibérations du comité relatives à ces questions devraient donc innerver l’ensemble des autres décisions prises par cette même instance, dans une démarche de performance de l’entreprise intégrant la prévention des risques au travail.

● Le CSE est déjà récipiendaire du DUERP, utilisé pour l’établissement du rapport et du programme de prévention des risques professionnels.

Le cas échéant, le CSE d’une entreprise de 300 salariés ou plus doit avoir recours à une commission spécialisée ad hoc, la « commission de santé, sécurité et conditions de travail », installée en son sein. Cette commission est également obligatoire pour :

– les établissements distincts au sein d’une même entreprise, lorsqu’ils comprennent plus de 300 salariés ;

– les établissements mentionnés à l’article L. 4521-1 du code du travail, dont les établissements classés « Seveso » ;

– les entreprises ou les établissements distincts dans lesquels un agent de contrôle de l’inspection du travail a estimé qu’il était nécessaire de l’installer, compte tenu notamment de la nature de l’activité menée ou encore de la situation des locaux...

Ces commissions doivent, dans le respect des dispositions d’ordre public, faire l’objet d’un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, un règlement intérieur du CSE. Ces derniers doivent notamment prévoir le nombre des membres, les modalités de leur désignation, leurs missions ou encore les modalités de leur fonctionnement.

● Plus spécifiquement, l’article L 2312-27 du code du travail prévoit que, dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, deux documents cadres soient présentés au CSE :

– un « programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail », qui fixe pour l’année à venir une liste de mesures qui devront être prises pour prévenir les conséquences de l’exposition des travailleurs aux facteurs de risques mentionnés à l’article L. 4161-1 du même code. Cette liste doit également comprendre les conditions d’exécution et l’estimation du coût de ces mesures ;

– un rapport, également annuel, présentant par écrit le bilan de l’année écoulée quant à la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et aux actions menées au cours de l’année écoulée dans ces domaines. Il est prévu un traitement spécifique, dans ce cadre, des questions relatives au travail de nuit et à la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés ci-dessus.

2.   L’insuffisante participation des CSE à une politique de prévention de proximité

● Vos rapporteures déplorent pourtant la baisse de la participation des SSTI aux réunions des CSE, comme le constate l’IGAS ([26]). Conscients des enjeux liés à la participation active des membres du CSE à la mise en œuvre d’une véritable politique de prévention des risques adaptée aux réalités du travail propres à chaque entreprise, les signataires de l’ANI du 10 décembre 2020 ont estimé que « la mise en place d’un dialogue social renforcé suppose que la prévention des risques professionnels puisse être abordée plus largement dans l’institution représentative du personnel que constitue le CSE ». Les membres de ce comité disposent en effet d’heures de délégation, d’un droit à la formation ([27]) ainsi que de la possibilité de recourir à un expert.

Dès lors, selon les partenaires sociaux, « les représentants de proximité doivent pouvoir aussi devenir des acteurs à part entière de la prévention » ([28]). Pour ce faire, ils invitent notamment les entreprises qui disposent de plusieurs sites à mettre en place des représentants de proximité dédiés à la mise en œuvre d’actions locales de prévention.

● Les auteurs du troisième Plan de santé au travail le constatent également : le faible nombre de DUERP témoigne de ce que la « réglementation relative à la protection de la santé et de la sécurité au travail est trop souvent perçue comme une contrainte réglementaire peu opérationnelle et insuffisamment porteuse de sens » ([29]). Pour encourager la participation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, le plan propose notamment de « renforcer la traduction opérationnelle de l’évaluation des risques dans la planification d’actions concrètes de prévention, en assurant un meilleur maillage entre fiche d’entreprise, document unique d’évaluation des risques (DUER) et programme annuel de prévention, en mobilisant le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) » ([30]).

● Enfin, la nécessité d’améliorer l’appréhension du document unique par l’ensemble des acteurs du dialogue social dans l’entreprise est partagée par les sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny, dans leur proposition n° 26. Ils recommandent en effet « que le DUERP fasse l’objet d’une rédaction commune entre l’employeur, les représentants du personnel et le SST, avant qu’il ne soit soumis pour validation aux instances représentatives du personnel [...]. Le DUERP deviendra ainsi un document stratégique contractuel définissant non seulement les engagements de l’employeur mais également ceux du SST dans le déploiement de la stratégie de prévention de l’entreprise : il précisera ainsi les actions en milieu de travail qui devront obligatoirement être conduites par le SST, de même que, par exemple, l’assistance que ce dernier fournira dans l’élaboration des dossiers de demandes d’aides financières simplifiées ou de contrats de prévention. » ([31]) À ce titre, les rapporteurs du Sénat partagent la nécessité de traduire le DUERP en plan d’action de prévention concret à décliner au sein de l’entreprise.

● L’ANI du 10 décembre 2020 insiste quant à lui sur l’idée selon laquelle le « développement de la culture de prévention s’appuie sur un dialogue social impliquant les salariés et leurs représentants, et les instances représentatives du personnel lorsqu’elles existent pour prendre en considération les réalités du travail et ainsi construire des politiques de prévention en santé au travail adéquates » ([32]). S’agissant spécifiquement du CSE, les partenaires sociaux estiment ainsi que la « mise en place d’un dialogue social renforcé suppose que la prévention des risques professionnels puisse être abordée plus largement dans l’institution représentative du personnel que constitue le CSE, y compris dans les entreprises de moins de 50 salariés ».

Cette dimension fait donc partie intégrante du développement d’une culture de prévention en entreprise, qui doit permettre une « prise en main facilitée par l’entreprise (employeurs, salariés et représentants du personnel) de la prévention des risques professionnels, en s’appuyant tout particulièrement sur le dialogue social » ([33]).

II.   Le dROIT proposÉ : pour un meilleur dialogue de prÉvention dans l’entreprise et une plus grande appropriation du DUERP

A.   Un DUERP organisÉ en trois parties

En cohérence avec l’ensemble des objectifs de l’ANI, le prévoit un nouvel article L. 4121-3-1 du code du travail définissant les trois dimensions intégrées dans le nouveau DUERP :

– un répertoire de l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs ;

– l’organisation de la traçabilité collective des expositions ;

– le programme annuel de prévention.

● S’agissant du premier point, ce répertoire, qui peut être comparé à l’inventaire des risques actuellement prévu à l’article R. 4121-1 du code du travail, gagnera à s’appuyer sur l’évaluation des risques à laquelle il est tenu au titre de l’article L. 4121-3 du code du travail, ainsi que des apports prévus par le présenté ci-dessous. Les risques professionnels auxquels il est renvoyé comprennent évidemment ceux qui sont inscrits à l’article L. 4161-1 du code du travail.

● Le II du nouvel article L. 4121-3-1 reprend en cohérence les dispositions prévues actuellement à l’article R. 4121-1 du code du travail qui prévoient que l’employeur doit transcrire et mettre à jour les résultats de l’évaluation à laquelle il procède en application de l’obligation prévue au L. 4121-3 du code du travail.

Pour ce faire, il pourra s’appuyer sur les ressources des branches professionnelles que l’ANI encourage à accompagner les entreprises. Les branches pourront ainsi développer des guides et méthodes adaptés à la gestion des risques professionnels, comme des aides à la rédaction du document unique, le cas échéant sous une forme dématérialisée.

Au titre de la traçabilité collective des expositions, les employeurs sont désormais tenus à des obligations de conservation des versions antérieures du DUERP, comme il est rappelé ci-dessous. En plus d’autres documents tels que le dossier médical en santé au travail, le maintien de cette traçabilité collective renforcera encore la continuité du suivi des travailleurs.

S’agissant enfin du programme annuel de prévention, celui-ci est d’abord compris dans le document unique, à la différence de la situation actuelle détachant l’évaluation des actions concrètes à mener.

● Le 1° du III du nouvel article L. 4121-3-1 du code du travail reprend les dispositions qui étaient actuellement inscrites au 2° du L. 2312-27 du même code : le programme annuel doit fixer une liste détaillée de mesures en faveur de la prévention des risques professionnels et mentionner ses modalités d’application comme son coût estimé.

Les 2° et 3° du même III y adjoignent par ailleurs, en cohérence avec l’ANI, une identification des ressources qui peuvent être mobilisées au sein de l’entreprise pour pallier ces risques et un calendrier de mise en œuvre de ces mesures, à une échelle nécessairement infra-annuelle.

B.   Une meilleure appropriation en amont et en aval de la production du document unique

1.   En amont : le dialogue social

L’élaboration du document unique fait intervenir un plus grand nombre d’acteurs, en vertu du a du . Alors qu’aujourd’hui l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs incombe uniquement à l’employeur, le présent article prévoit désormais que :

– le CSE et, le cas échéant, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), quand ils existent, puissent apporter leur propre contribution à l’analyse des risques dans l’entreprise. Cette disposition est cohérente avec les dispositions de l’ANI ; qui prévoient que « la mise en place d’un dialogue social renforcé suppose que la prévention des risques professionnels puisse être abordée plus largement dans l’institution représentative du personnel que constitue le CSE, y compris dans les entreprises de moins de 50 salariés » ([34]) ;

– le service de prévention et de santé au travail, qu’il soit autonome ou interentreprises, apporte également son aide pour la même évaluation des risques ;

– le salarié désigné par l’employeur pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise puisse enfin concourir à l’évaluation.

L’ensemble de ces dispositions contribuera non seulement à accompagner l’employeur vers une meilleure définition des risques existant dans son entreprise, mais contribuera à ce que l’ensemble des acteurs de la prévention dans l’entreprise participent d’emblée à la phase d’évaluation, et ne soient pas simplement informés de son résultat.

2.   En aval : la conservation et l’accessibilité du document unique

Le IV du nouvel article L. 4121-3-1 du code du travail comprend enfin des dispositions relatives à la conservation et l’accessibilité du document unique, afin d’améliorer le suivi dont peuvent bénéficier les salariés.

À ce titre, le DUERP et ses versions des années précédentes devront être conservés par l’employeur, remis au salarié ou à l’ancien salarié à sa demande et tenus à la disposition d’une liste de personnes et instances dont la liste est renvoyée au pouvoir réglementaire. Cette liste pourrait demeurer celle qui est actuellement décrite à l’article R. 4121-4 du code du travail, et qui comprend :

– les travailleurs ;

– les membres de la délégation du personnel du comité social et économique ;

– le médecin du travail et les professionnels de santé mentionnés à l’article L. 4624-1 ;

– les agents de l’inspection du travail ;

– les agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

– les agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l’article L. 4643-1 ;

– les inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l’article L. 1333-29 du code de la santé publique et les agents mentionnés à l’article L. 1333-30 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

III.   les modifications apportÉes par la commission

La commission a adopté des amendements identiques déposés par Mme Agnès Firmin Le Bodo et M. Paul Christophe, M. Stéphane Viry, Mme Caroline Fiat et ses collègues du groupe La France insoumise ainsi que par Mme Gisèle Biémouret et ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, avec un avis favorable de vos rapporteures, qui ajoutent aux dispositions relatives au champ de l’évaluation qui incombe à l’employeur l’organisation du travail, afin de prendre notamment en compte les risques psycho-sociaux qui peuvent s’attacher à cette organisation.

Sensible aux arguments relatifs à la meilleure association des salariés au DUERP, la commission a adopté, avec l’avis favorable de vos rapporteures, des amendements identiques déposé par Mme Agnès Firmin Le Bodo et M. Paul Christophe, M. Pierre Dharréville et plusieurs de ses collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ainsi que Mme Gisèle Biémouret et ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, qui prévoient la consultation du comité social et économique sur le document et ses mises à jour.

La commission a enfin adopté sept amendements de vos rapporteures, dont :

– six amendements rédactionnels ou de coordination, dont un également déposé par Mmes Jeanine Dubié et Martine Wonner ;

– un amendement visant à préciser les modalités de conservation et d’accessibilité du document unique, renvoyant notamment au pouvoir réglementaire la durée de la conservation en vue de l’adapter à la durée potentielle de survenance d’une maladie professionnelle.

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Article 2 bis (nouveau)
Possibilité d’intégrer aux négociations annuelles de l’entreprise la qualité des conditions de travail

Introduit par la commission

Cet article ajoute aux dispositions supplétives sur les négociations obligatoires en entreprise la possibilité d’y intégrer la qualité des conditions de travail. Il prévoit également la possibilité de recourir aux acteurs régionaux et locaux de prévention des risques professionnels

Cet article, issu d’amendements identiques déposés par M. Stéphane Viry, M. Pierre Dharréville et plusieurs de ses collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ainsi que Mme Michèle de Vaucouleurs et plusieurs de ses collègues du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, avec un avis de sagesse de vos rapporteures, s’inscrit dans une logique globale d’intégration de la qualité de vie et des conditions de travail. Il prévoit ainsi les négociations annuelles sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail dans l’entreprise puissent également porter sur la qualité des conditions de travail, et notamment la santé, la sécurité au travail ainsi que la prévention des risques professionnels.

Ce faisant, cet élément supplémentaire des négociations obligatoires aura un statut comparable à celui des négociations relatives à la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risque professionnels prévue à l’article L. 2242-19 du code du travail.

L’article prévoit par ailleurs la possibilité pour les acteurs de la négociation de s’appuyer sur les acteurs régionaux et locaux de prévention des risques professionnels. Cette dénomination plutôt large pourrait notamment comprendre les services de santé au travail interprofessionnels.

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Article 2 ter (nouveau)
Prise en compte des situations de polyexpositions chimiques et amélioration du suivi des travailleurs ayant été affectés à des postes à risque

Introduit par la commission

Cet article vise à améliorer la protection dont pourront bénéficier les travailleurs exposés à des sources plurielles d’exposition à des agents chimiques. Il permet également d’améliorer le suivi des travailleurs ayant été affectés à des postes présentant des risques chimiques.

Cet article est issu d’amendements identiques de Mme Jeanine Dubié et Mme Martine Wonner ainsi que M. Stéphane Viry, adoptés par la commission avec un avis favorable de vos rapporteures.

Il poursuit deux objectifs distincts.

Le vise à étendre un décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 4412-1 du code du travail. Celui-ci détermine les règles applicables à la prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés aux risques chimiques. On peut citer, au titre de ces règles, le contrôle des valeurs limites d’exposition professionnelle, des valeurs limites biologiques ainsi que le rôle respectif de l’inspecteur et du contrôleur du travail.

L’extension prévue au présent intègre à ce champ la « polyexpositions », en lien avec les recommandations du rapport de M. Paul Frimat ([35]) de 2018 comme du rapport de la commission d’enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie déposé le 19 juillet 2018 ([36]). Elle vise à tenir compte de la situation des travailleurs soumis à plusieurs sources contemporaines de risques chimiques dans leur travail.

Le prévoit, en complément, d’étendre le suivi individuel renforcé prévu à l’article L. 4624-2 du code du travail aux travailleurs qui, au cours de leur carrière, ont été affectés à un poste qui les a exposés à ces mêmes risques chimiques. Alors que ce suivi, qui comprend notamment un examen médical d’aptitude, est réservé aujourd’hui aux travailleurs qui sont affectés de manière contemporaine aux risques professionnels, cette extension permettra, s’agissant des travailleurs toujours en activité, de continuer de bénéficier de ce suivi individuel renforcé même lorsqu’ils ne sont plus exposés à ces risques chimiques. Un accompagnement tout au long de la carrière se justifie compte tenu du délai de latence après lequel une maladie professionnelle liée à l’exposition aux risques chimiques peut se déclarer.

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Article 3
Création du « passeport prévention »

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article consacre l’existence d’un « passeport prévention » que les partenaires sociaux signataires de l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 2020 appelaient de leurs vœux.

Ce passeport retrace les formations, dont les formations obligatoires, que les travailleurs ont effectuées dans le domaine de la sécurité et de la prévention des risques professionnels, ainsi que les attestations, certificats et diplômes issus de ces formations.

I.   Une obligation de formation qui se double d’un foisonnement d’offres

A.   Une obligation de formation en sécurité au travail et en prévention des risques professionnels

La formation, comme l’information en matière de santé et de sécurité au travail, compte parmi les neuf principes généraux de la prévention déclinés au sein du code du travail. Ainsi, au titre de l’article L. 4121-1, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent [...] des actions d’information et de formation. »

1.   Une formation pour tous les travailleurs

● Cette obligation de formation, qui est financièrement à la seule charge de l’employeur, se décline dans les articles L. 4141-1 et suivants de la façon suivante :

– l’employeur est d’abord tenu à une obligation d’information des travailleurs quant aux risques pour leur santé et leur sécurité, qui comprend les mesures prises pour y remédier ;

– il doit par ailleurs organiser une formation appropriée des travailleurs qu’il emploie à différents stades, à savoir l’embauche, le changement de poste de travail ou de technique, mais aussi lorsque ces travailleurs sont des salariés temporaires, sauf exception. Cette formation est également obligatoire lorsque le médecin du travail la demande pour les travailleurs qui reprennent leur activité après un arrêt de travail supérieur à vingt et un jours.

Ainsi, conformément au champ d’application des dispositions du code du travail applicables à la santé et la sécurité, l’obligation de formation à la sécurité dépasse le seul champ des salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée, et comprend aussi les titulaires d’un contrat à durée déterminée, les salariés temporaires, les stagiaires ainsi que l’ensemble des personnes qui ont été placées à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur.

Concrètement, l’employeur informe les travailleurs sur les risques auxquels ils pourraient faire face par le biais du DUERP, de la communication autour du rôle des SST ainsi que celui des représentants du personnel en matière de prévention des risques professionnels, jusqu’aux consignes de sécurité incendie ([37]). Le médecin du travail doit être associé par l’employeur à l’élaboration des actions de formation à la sécurité, qui sont menées le cas échéant avec le concours d’acteurs extérieurs, comme les organismes de prévention de la sécurité sociale ou encore les organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail, tels qu’ils sont prévus dans des branches présentant des risques particuliers.

● L’obligation de formation des travailleurs est par ailleurs renforcée pour faire face à un certain nombre d’événements de la vie professionnelle :

– en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle dont la gravité est caractérisée, l’employeur organise des formations spécifiques sur les conditions de travail ;

– lorsqu’un travailleur reprend le travail après un arrêt supérieur à une durée de vingt et un jours, il peut bénéficier de ces mêmes formations, à la demande du médecin du travail.

2.   Une formation générale pour faire face aux risques professionnels

La partie réglementaire du code du travail distingue trois types de formation :

– la première catégorie de formation (articles R. 4141-11 et R. 4141-12) relève de la formation aux conditions de circulation sur le lieu de travail. Elle vise à enseigner aux travailleurs les règles de circulation des véhicules dans le milieu de travail, les chemins d’accès à emprunter ou encore les consignes d’évacuation en cas d’accident ou de sinistre grave et immédiat ;

– la deuxième catégorie concerne les conditions d’exécution du travail (articles R. 4141-13 à R. 4141-16). Les travailleurs doivent maîtriser les comportements et les gestes les plus sûrs dans le cadre de leur travail, les modes opératoires retenus au sein de l’entreprise, dès lors qu’ils sont susceptibles d’avoir un impact sur sa propre sécurité ou celle de ses collègues, ou encore le fonctionnement des dispositifs de protection et de secours ;

– la dernière catégorie relève de la conduite à tenir en cas d’accident ou de sinistre (articles R. 4141-18 à R. 4141-20). Cette formation doit préparer le travailleur à la conduite à tenir quand une personne est victime, sur le lieu de travail, d’un accident ou d’une intoxication.

Le travailleur peut enfin bénéficier d’une nouvelle formation à la sécurité en cas de création ou de modification d’un poste de travail ou d’une technique impliquant des risques nouveaux. Cette mise à jour concerne les postes à risque, parmi lesquels on compte l’utilisation de machines, la manipulation de produits chimiques ou encore les opérations de manutention.

3.   Des formations particulières à la sécurité

Justifiées par la nature des tâches effectuées par les travailleurs, des formations particulières peuvent enfin compléter l’offre de formation générale décrite ci-dessus. Ces formations, énumérées dans le code du travail, concernent principalement l’utilisation des équipements de travail et les moyens de protection, ainsi que la prévention de risques spécifiques tels que le risque chimique, le risque biologique, le bruit, les rayonnements, les vibrations, la manutention des charges, les travaux de bâtiment...

B.   Une offre de formation particulièrement importante mais parfois redondante

1.   De nombreux acteurs de la formation

Ces obligations se traduisent concrètement par l’implication de nombreux acteurs chargés d’accompagner les employeurs, à commencer par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Cet organisme, créé en 1947 sous la forme d’une association « loi 1901 », sous l’égide de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et géré par un conseil d’administration paritaire, organise ses actions selon deux axes : la recherche en prévention et en santé au travail et sa déclinaison pratique par la conception et la promotion de solutions de prévention auprès des employeurs comme des travailleurs, des services de santé au travail ou encore des partenaires du dialogue social en entreprise.

Il existe cependant un grand nombre d’acteurs susceptibles d’offrir des formations, parfois redondantes, ce qui peut apparaître d’autant plus paradoxal que l’enchevêtrement des formations ne permet pas pour autant une véritable culture de la prévention en entreprise. Des formations peuvent ainsi être assurées par les services de santé au travail interentreprises, par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) ou par un ensemble d’organismes certifiés.

C’est en ce sens que la mission conduite par votre rapporteure Charlotte Lecocq s’est interrogée sur le « nombre important des obligations spécifiques de formation qui grèvent le budget potentiellement consenti par l’entreprise en matière de prévention sans que le caractère approprié de la juxtaposition de ces formations et leur adaptation aux risques effectivement encourus soit toujours avéré » ([38]).

2.   La nécessaire traçabilité des formations pour éviter les redondances

Loin de nier la nécessité des formations en santé au travail, qu’elles soient générales ou spécifiques, ainsi que la chance que constitue l’expertise des agences mentionnées ci-dessus, vos rapporteures partagent avec les partenaires sociaux signataires de l’ANI du 10 décembre 2020 l’idée selon laquelle il est dans l’intérêt du travailleur comme de l’employeur, principal financeur de ces formations, que ces dernières ne soient pas redondantes. Les effets délétères d’une forme de juxtaposition de formations sans plan d’ensemble peuvent également se traduire par une absence préjudiciable de formation, en raison de la difficulté de suivi. La mise en place d’un dispositif permettant d’assurer une information pertinente et actualisée quant aux formations suivies par les travailleurs est donc susceptible de répondre à ces enjeux.

L’enjeu de la traçabilité a d’ailleurs été identifié par les auteurs du troisième plan de « Santé au travail », fixant les objectifs pour la période 2016-2020. À cet effet, l’un des axes relatifs à la formation décliné au sein de l’action 1.2 consiste à « renforcer la traçabilité et la consolidation des formations suivies tout au long du parcours professionnel ».

C.   Un « passeport prévention » pour rÉpondre aux enjeux de traçabilitÉ

La problématique de la formation des salariés a été pleinement reconnue par les signataires de l’ANI du 10 décembre 2020. Estimant que « la multiplicité des formations obligatoires ou recommandées peut rendre difficile l’articulation des différents parcours de formation ([39]) », qu’il s’agisse de la formation des chefs d’entreprise, du salarié, des représentants syndicaux ou des personnels compétents, les partenaires sociaux ont souhaité que la formation en santé et sécurité au travail soit intégrée dans les cursus de formation initiale et continue et que les entreprises soient accompagnées dans la mise en œuvre des actions de formation en santé et sécurité.

Plus spécifiquement, afin d’éviter les trop nombreux doublons existant encore aujourd’hui dans l’offre de formation à destination des salariés et apprentis, les signataires de l’ANI ont proposé « la création et la mise en place progressive d’un "Passeport prévention" ». Celui-ci, qui pourrait être étendu selon les partenaires sociaux aux demandeurs d’emploi à terme, « attesterait de la réalisation :

«  d’un module de formation, commun aux branches professionnelles, intéressant les salariés qui n’ont aucune formation de base (organisée par la branche ou l’entreprise) relative à la prévention des risques professionnels, qui serait constitué d’une formation sur ce sujet.

« • et le cas échéant de modules spécifiques, dont le contenu serait défini par les branches qui préciseront les types d’activité nécessitant ces formations ([40]). »

Son principal intérêt résiderait dans le regroupement de l’ensemble des attestations, certificats et diplômes obtenus en matière de santé et sécurité au travail. Ces informations seraient ensuite accessibles à l’employeur, dans la stricte mesure nécessaire à la protection des données personnelles.

II.   Le dROIT proposÉ : un passeport prÉvention dont la dÉclinaison concrÈte relÈve du pouvoir rÉglementaire

● La mise en œuvre de ce passeport prévention se traduit dans le présent article par l’insertion dans le code du travail d’un nouvel article L. 4141-5 au sein du chapitre consacré à l’obligation générale d’information et de formation à destination des travailleurs.

Ce passeport recensera ainsi :

– l’ensemble des formations relatives à la sécurité et à la prévention des risques professionnels suivies par le travailleur, dont les formations obligatoires mentionnées ci-dessus ;

– les attestations, certificats et diplômes obtenus à la suite de ces formations.

● Issu de l’ANI, ce dispositif a vocation à être précisé au niveau réglementaire par un dispositif à double détente. Les modalités de mise en œuvre seront en effet d’abord déterminées par le nouveau comité national de prévention et de santé au travail ([41]), composé de représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et des organisations syndicales de salariés également représentatives au niveau national. Ces mêmes modalités seront dans un second temps approuvées par la voie réglementaire.

III.   les modifications apportÉes par la commission

L’adoption d’un amendement de vos rapporteures a rendu pleinement opérationnel le dispositif du « passeport prévention » créé dans l’accord national interprofessionnel et repris par la proposition de loi, en application des préconisations générales du Conseil d’État à ce sujet.

Il prévoit tout d’abord que ce passeport soit intégré dans le « passeport d’orientations de formation et de compétences » qui se déploiera à compter de 2021 pour l’ensemble des salariés, tel que défini à l’article L. 6323‑8 du code du travail. Ce passeport conservera tout au long de la vie, à partir de l’âge de 15 ans, des informations personnelles authentiques, à l’usage exclusif des titulaires d’un compte formation.

Eu égard aux complémentarités existantes entre les deux dispositifs (population visée, lisibilité des parcours de formation, certification par un tiers de confiance), le présent amendement a pour objet de rattacher le passeport de prévention au passeport d’orientation, de formation et de compétences afin de mutualiser les outils développés dans le cadre de « Moncompteformation » par la Caisse des dépôts et consignations.

L’amendement vise par ailleurs à encadrer l’accès des employeurs au passeport prévention, conformément aux termes de l’ANI, qui prévoit que ce passeport permettra « d’attester de la réalisation et du suivi des formations et de l’acquisition des compétences. Il sera à cet effet mis à la disposition de l’employeur dans le respect de la réglementation relative à la protection des données personnelles. »

La consultation des données sera réservée au salarié, tandis que l’employeur aura accès via son interface aux données qu’il aura lui-même renseignées. Dans un premier temps, le salarié pourra consentir à la consultation d’autres données qu’il souhaiterait lui-même porter à la connaissance de son employeur depuis son passeport d’orientation, de formation et de compétences. Par la suite, après évaluation préalable, comme le souhaitent les partenaires sociaux, le dispositif permettrait de mettre en place une portabilité élargie permettant l’accès des données aux employeurs successifs, toujours avec l’accord du salarié.

Toujours en conformité avec l’ANI, il prévoit que les organismes de formation qui dispensent des actions de formation dans le même domaine de la santé et de la sécurité au travail alimentent ce passeport avec les mêmes éléments que ceux dont dispose l’employeur.

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Article 4
Extension des missions du médecin du travail

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article prévoit d’adjoindre aux missions actuelles des services de santé au travail, telles que définies à l’article L. 4622-2 du code du travail, deux catégories supplémentaires.

La première a trait à l’aide que le service peut apporter à l’évaluation et la prévention des risques professionnels dans l’entreprise, en lien avec son rôle nouveau mentionné à l’article 2 de la présente proposition de loi.

La seconde relève de la promotion de la santé sur le lieu de travail, via notamment des campagnes de vaccination et de dépistage.

I.   Le médecin du travail demeure au cœur de la politique de santé au travail, notamment dans un contexte de maintien du niveau d’accidents du travail et de maladies professionnelles

A.   Le médecin du travail est un rouage essentiel de l’ensemble de la politique de santé en travail

● Le médecin du travail est évidemment au cœur du dispositif global de santé et de sécurité au travail, puisque son rôle, exclusivement préventif, « consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé, ainsi que tout risque manifeste d’atteinte à la sécurité des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail ([42]) ». Ce faisant, ses missions s’insèrent parfaitement dans celles qui sont dévolues aux services de santé au travail, qui, eux aussi « ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail » ([43]).

À cette fin, les services de santé au travail :

– conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;

– conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir le harcèlement sexuel ou moral, de prévenir ou de réduire les effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;

– assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur santé au travail et leur sécurité et celle des tiers, des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 et de leur âge ;

– participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire ([44]).

● Le rôle du médecin du travail lui-même est plus précisément défini par les dispositions réglementaires du code du travail, puisqu’il est « le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux » ([45]).

Il est donc à la fois le relais des bonnes pratiques de prévention comme le responsable de l’ensemble des missions qui lui sont confiées. Celles-ci, définies à l’article R. 4623-1 du code du travail, se déclinent de la façon suivante. Le médecin du travail :

– participe à la prévention des risques professionnels et à la protection de la santé des travailleurs, par différents biais, dont :

● l’amélioration des conditions de vie et de travail dans les entreprises ;

● l’adaptation des postes ou la mise en place de nouveaux aménagements ;

● l’amélioration de l’hygiène et la prévention des nuisances ;

– conseille l’employeur, notamment en participant à l’évaluation des risques dans le cadre de l’élaboration de la fiche d’entreprise et dans le cadre de son action sur le milieu de travail, au service de la prévention et du maintien dans l’emploi des travailleurs ;

– décide du suivi de l’état de santé des travailleurs, selon une finalité exclusivement préventive ;

– contribue à la veille épidémiologique et à la traçabilité.

B.   Le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles a dÉsormais atteint un plateau

● L’action du médecin du travail et de l’équipe pluridisciplinaire est d’autant plus cruciale dans un contexte de stabilisation des accidents du travail et même d’une recrudescence, durant les vingt dernières années, des maladies professionnelles. Ce constat a été fait par votre rapporteure Charlotte Lecocq, dans son rapport remis au Premier ministre en 2018, où elle notait que « le nombre d’accidents du travail est passé de plus de 1 million en 1955 à 622 000 en 2014 alors que le nombre de salariés a plus que doublé durant cette même période, selon les données de la CNAM » ([46]). Cette baisse en volume comme en fréquence a toutefois connu un net ralentissement depuis le début des années 1990, pour être désormais globalement stable ([47]).

Toujours selon le même rapport, « s’agissant des maladies professionnelles (MP), leur nombre a augmenté de plus de 72 % entre 2002 et 2012, sous l’effet combiné des évolutions des organisations de travail et de leurs effets sur la santé (TMS, etc.), des effets différés des expositions passées (amiante, etc.), d’une plus grande sensibilisation des salariés et du personnel médical au caractère professionnel des maladies, ainsi que de l’évolution des tableaux de maladies professionnelles » ([48]).

● Tout comme les accidents du travail, le nombre de maladies professionnelles est actuellement stabilisé autour de 50 000 cas reconnus par an. Ainsi, en 2019, 50 392 cas ont été reconnus, contre 48 762 en 2016 et 51 600 en 2014 ([49]). Les troubles musculo-squelettiques sont à l’origine de 88 % d’entre elles. Les maladies professionnelles liées à l’amiante se stabilisent tandis que les affections psychiques liées au travail ainsi que les affections liées à la silice cristalline augmentent (respectivement de + 6 % et + 13,9 %) ([50]).

C.   L’inquiÉtante dÉmographie des mÉdecins du travail

Dans ce contexte, vos rapporteures ne peuvent que se joindre au constat établi par de nombreuses études et rapports jusqu’ici : la démographie des médecins du travail est particulièrement inquiétante. Un rapport des inspections générales des affaires sociales (IGAS) et de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) de 2017 ([51]) avait renseigné cette problématique, estimant, à partir des données communiquées par le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (Cisme), que la population des médecins du travail avait diminué de 10 % entre 2010 et 2016, et que 50 % de cette même population devait partir à la retraite entre 2017 et 2027.

La mission de l’IGAS deux ans plus tard n’a fait que confirmer ces prévisions, puisque, selon les données issues de PRESANSE, l’ancien Cisme, les effectifs ont diminué de 8 % entre 2015 et 2019, soit une diminution de 4 915 à 4 940 médecins en exercice, dont les collaborateurs médecins ([52]).

II.   La pratique des mÉdecins du travail peut dÉsormais pleinement contribuer À des objectifs de santÉ publique

A.   Les missions de prÉvention et de veille ÉpidÉmiologique

● Le médecin du travail ne se préoccupe pas uniquement du suivi individuel des salariés, rôle auquel il est encore aujourd’hui trop souvent réduit. Ses missions comportent notamment une « veille épidémiologique » ([53]), dont on comprend trop bien le rôle qu’elle peut désormais jouer dans le cadre d’une crise sanitaire globale, mais aussi dans des situations plus habituelles.

Il peut par ailleurs déjà incomber au médecin du travail des actions de vaccination dans le milieu de travail. Dans le cadre de l’obligation de prévention qui pèse sur l’employeur, ce dernier doit recommander, sans préjudice des autres formes de vaccination obligatoire, « s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés de réaliser, à sa charge, les vaccinations appropriées ([54]) ».

Il s’agit de prévenir la contamination sur le lieu de travail par des infections qui peuvent relever de la vaccination obligatoire ou non : l’hépatite B, le tétanos, la leptospirose, la rage ou la grippe. La mission ([55]) a toutefois relevé que dans les SSTI inclus dans l’échantillon de son étude, la pratique était tout à fait variable, selon que les médecins pratiquent l’ensemble des vaccins obligatoires ou recommandés, ne proposent que les vaccinations moins courantes ou renvoient l’ensemble de la vaccination au médecin traitant.

● S’agissant du dépistage, il revient déjà au médecin du travail un certain nombre d’initiatives, recensées par la voie réglementaire. Dans le cadre du suivi individuel de l’état de santé du travailleur, il peut ainsi réaliser des examens complémentaires, s’il l’estime nécessaire pour :

– déterminer la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, notamment via le dépistage des affections pouvant entraîner une contre-indication à ce poste de travail ;

– le dépistage d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptible de résulter de l’activité professionnelle du travailleur ;

– le dépistage des maladies dangereuses pour l’entourage professionnel du travailleur ([56]).

Ces examens complémentaires sont indiqués pour les travailleurs exposés à des risques professionnels spécifiques comme l’exposition aux bruits de grande intensité, aux écrans de visualisation, aux champs électromagnétiques.

Des actions de dépistage peuvent également utilement être mises en place lors de l’examen médical d’aptitude ([57]) pour les travailleurs embauchés à des postes présentant des risques particuliers, étant donné que cet examen a notamment pour vocation « de rechercher si le travailleur n’est pas atteint d’une affection comportant un danger pour les autres travailleurs » ([58]).

La mission de l’IGAS mentionnée ci-dessus ([59]) cite à ce titre un certain nombre d’initiatives, comme l’adressage par des médecins du travail de certaines salariées vers les dispositifs organisés de prévention du cancer du sein.

● S’agissant de la vaccination, les médecins du travail sont également déjà amenés à la pratiquer, en application de dispositions législatives et réglementaires. En effet, l’article L. 3111-1 du code de la santé publique prévoit que « dans le cadre de leurs missions, les médecins du travail [...] participent à la mise en œuvre de la politique vaccinale ». Les infirmiers de santé au travail peuvent également pratiquer des vaccinations, dans les conditions générales applicables à la profession d’infirmier ([60]), en application d’une prescription médicale écrite ou d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par le médecin. Les coûts de cette vaccination sont également à la charge de l’employeur. Cette obligation générale a été rappelée par lettre circulaire du 26 avril 1998 ([61]), selon laquelle « le médecin du travail se trouve [...] amené à pouvoir proposer ou à pratiquer un certain nombre de vaccinations dans le cadre de sa pratique quotidienne et dans un but exclusif de prévention des risques professionnels ».

Dans le cadre de l’examen médical préalable à la prise de fonction d’un agent dans un établissement de santé, social ou médico-social, il incombe au médecin du travail de veiller, sous la responsabilité du chef d’établissement, à l’application des dispositions du code de la santé publique sur les vaccinations obligatoires. À cette fin, il procède lui-même ou fait procéder à ces vaccinations ainsi qu’à celles qui seraient imposées par une épidémie. Il est par ailleurs habilité à pratiquer les vaccinations qui sont recommandées en cas de risques particuliers de contagion ([62]).

De la même façon, dans le cadre du suivi individuel de l’état de santé des travailleurs soumis à des risques biologiques, l’évaluation des risques peut conduire à la détermination de mesures spéciales de protection. Dès lors, et sans préjudice de l’ensemble des vaccinations obligatoires prévues par le code de la santé publique, il revient à l’employeur de recommander, « s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés de réaliser, à sa charge, les vaccinations appropriées » ([63]).

De manière générale, toutefois, la circulaire du 26 avril 1998 rappelle que « l’employeur ne peut exiger la vaccination qui reste, après information claire et précise du médecin du travail, de la libre volonté du salarié. Le refus de la vaccination ne peut, en principe, justifier l’éviction d’un poste à moins qu’il subsiste un risque caractérisé particulièrement grave, non ou difficilement traitable, et pour lequel on dispose d’un vaccin dont l’efficacité et l’innocuité sont reconnues ».

B.   La crise sanitaire a démontrÉ l’intÉrÊt de la lutte contre les maladies infectieuses en milieu de travail

● Les risques de contagion à la covid-19 en milieu de travail tout comme l’intérêt de mener des actions de prévention et de détection au sein des entreprises ont conduit les autorités publiques à adapter les missions de santé au travail. Cette adaptation vise notamment à accompagner de la stratégie nationale de vaccination mise en œuvre à partir de décembre 2020 et à « faire face à la deuxième vague épidémique à laquelle notre pays est confronté après celle qu’il a traversée au cours du printemps » ([64]). C’est dans ce cadre qu’a été prise une ordonnance spécifique, le 2 décembre dernier ([65]).

Le rôle que les services de santé au travail vont devoir jouer se décline en trois actions :

– la diffusion, à l’attention des employeurs et des salariés, de messages de prévention contre le risque de contagion ;

– l’appui aux entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention adéquates contre ce risque et dans l’adaptation de leur organisation de travail aux effets de la crise sanitaire ;

– la participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l’État.

En ce qui concerne ces dernières, le « médecin du travail et, sous sa supervision, d’autres professionnels de santé des services de santé au travail peuvent prescrire et réaliser, dans des conditions et selon des modalités précisées par décret, des tests de détection du SARS-CoV-2 » ([66]). Cette disposition a été traduite par décret le 13 janvier dernier ([67]), permettant le prélèvement par RT-PCR ou dans le cadre d’une détection antigénique. Ces actions de dépistage viennent en sus d’actions de prévention au sens large visant à prescrire ou renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection, ainsi que l’établissement d’un certificat médical pour les salariés vulnérables afin qu’ils soient placés en activité partielle.

● Les médecins du travail pourront en outre procéder à la vaccination des salariés qui le souhaitent, dans la phase de la stratégie vaccinale ouverte à l’ensemble des travailleurs.

III.   Le dROIT proposÉ : un renforcement de l’action des mÉdecins du travail en entreprise

Fortes de cette expérience récente comme de la pratique déjà souvent communément admise de l’action des services de santé au travail en matière de promotion de la santé, vos rapporteures soutiennent les deux dispositions inscrites dans cet article.

● Le vise à renforcer le rôle des services de santé au travail (SST) dans le sens de la prévention primaire. Il inscrit une nouvelle mission à l’article L. 4622‑2 du code du travail, au titre de laquelle tous les SST seront amenés, outre leur mission actuelle de conseil des employeurs sur les dispositions à prendre pour éviter ou diminuer les risques professionnels, à apporter leur aide à l’évaluation et à la prévention des risques professionnels dans l’entreprise.

Cette nouvelle mission est cohérente avec les dispositions inscrites à l’article 2 de la présente proposition de loi : il incombe désormais aux services de santé au travail de s’appuyer sur leur expertise pluridisciplinaire pour accompagner les employeurs dans leur démarche d’évaluation de l’ensemble des risques professionnels dans l’entreprise.

Cette approche collective complète la surveillance de l’état de santé individuel des travailleurs en fonction de leur exposition aux risques, inscrite au 3° du même article L. 4622-2.

● Le introduit également une nouvelle mission pour les services de santé au travail. Ces derniers participeront à des actions de promotion de la santé, compatible avec leur mission « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Ces missions comprendront notamment des campagnes de vaccination et de dépistage, nécessaires pour protéger les travailleurs d’infections dont ils pourraient être contaminés à l’occasion de leur travail.

Ces dernières respecteront naturellement les principes actuels de prise en charge financière par l’employeur ainsi que de respect du consentement du travailleur. Ces actions de promotion rentrent désormais dans le champ des actions du médecin dans le milieu de travail. Elles ne se substituent en rien à la mise en place d’une prévention collective et individuelle efficace contre les risques professionnels, elles viennent les renforcer.

IV.   Les modifications apportées par la commission

La commission a modifié cet article dans le sens d’une extension des missions du médecin du travail tout en conservant la cohérence d’une action sur le lieu de travail. Elle a ainsi adopté l’amendement déposé par Mme Perrine Goulet et plusieurs de ses collègues du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, avec avis favorable des rapporteures, ajoutant aux missions du médecin du travail l’incitation à la pratique sportive.

Dans le même ordre d’idées, dans un contexte de développement rapide des pratiques de télétravail en raison du contexte sanitaire, la commission a adopté un amendement de Mme Mireille Robert et de ses collègues du groupe La République en Marche, visant à faire en sorte que les services de santé au travail prennent en compte, dans leurs missions, la situation des salariés en télétravail, le cas échéant.

Elle a également adopté quatre amendements :

– un amendement visant à encadrer les campagnes de vaccination et de dépistage par la stratégie nationale de santé déterminée par le Gouvernement ;

– trois amendements rédactionnels.

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Article 5
Intégration des services de santé au travail dans les communautés professionnelles territoriales de santé et les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 prévoit l’intégration des services de santé au travail dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes (DAC), afin d’encourager le décloisonnement entre santé publique et médecine du travail, en reconnaissant les professionnels en santé au travail comme partie prenante du parcours de santé.

I.   Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) : des outils Pour améliorer les parcours de santé fermés aux services de santé au travail

1.   Les CPTS et les DAC, deux dispositifs destinés à améliorer l’organisation des parcours de santé dans les territoires

● Depuis plusieurs années, soucieux d’offrir une meilleure visibilité de l’offre de soins et d’améliorer l’organisation des « parcours de santé » – lesquels « visent, par la coordination des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en lien avec les usagers et les collectivités territoriales, à garantir la continuité, l’accessibilité, la qualité, la sécurité et l’efficience de la prise en charge de la population, en tenant compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières de chaque territoire » ([68]) –, les pouvoirs publics ont mis en place différents dispositifs.

Parmi ces dispositifs, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) poursuivent un objectif d’amélioration du suivi des patients, notamment via le renforcement de la coopération entre les professionnels de santé, les acteurs sociaux et médico-sociaux à l’échelle territoriale.

● Les CPTS ont été mises en place en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé([69]) en réponse à deux problématiques majeures :

– d’une part, des soins de ville insuffisamment structurés et coordonnés pour faire face aux enjeux du « virage ambulatoire » – soit le passage d’un système centré sur l’hôpital à un système qui place les médecins et les équipes de soins primaires ([70]) en tant que pivots des parcours de soins des patients –, du manque de personnel médical dans certains territoires et de la croissance des maladies chroniques ;

– d’autre part, un manque de coordination entre les différentes professions, un cloisonnement persistant notamment entre la médecine de ville ([71]) et l’hôpital, ainsi qu’un sentiment d’isolement chez certains professionnels de santé.

Encadrées à l’article L. 1434-12 du code de la santé publique, les CPTS sont formées – de leur propre initiative – par des « professionnels de santé regroupés, le cas échéant, sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours [...] et d’acteurs médico-sociaux et sociaux ». Ces derniers, qui peuvent s’appuyer sur des structures d’exercice coordonné (centre de santé, maison de santé, équipes de soins primaires) déjà existantes, formalisent un projet de santé transmis à l’agence régionale de santé (ARS) qui précise notamment le territoire d’action de la CPTS.

Les soins de premier et de deuxième recours

Les soins de premiers recours comprennent la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ; la dispensation et l’administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ; l’orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ; l’éducation pour la santé.

Les soins de deuxième recours sont les soins qui ne peuvent être pris en charge par les médecins généralistes en raison de leur complexité : ils le sont alors par les médecins spécialistes.

Source : articles L. 1411-11 et L. 1411-12 du code de la santé publique.

Après validation du projet par l’ARS, un contrat territorial de santé ([72]) est signé entre la communauté professionnelle territoriale de santé, l’assurance maladie et l’ARS.

Cette forme souple de coopération entre professionnels doit permettre d’« assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé [...] et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé » ([73]). Concrètement, les CPTS sont chargées :

– de faciliter l’accès des patients aux soins, notamment au médecin traitant et en améliorant la prise en charge des soins non programmés en ville ;

– d’assurer une meilleure organisation des parcours des patients, via une meilleure coordination entre les acteurs du parcours et de favoriser le maintien à domicile ;

– d’intervenir dans le champ de la prévention, notamment via une mobilisation des membres de la communauté au service de la promotion de la vaccination, des recommandations délivrées par les autorités sanitaires en cas de risque particulier, etc.

Le projet régional de santé

Le projet régional de santé définit, en cohérence avec la stratégie nationale de santé et dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, les objectifs pluriannuels de l’agence régionale de santé dans ses domaines de compétences, ainsi que les mesures tendant à les atteindre. Il est constitué :

– d’un cadre d’orientation stratégique, qui détermine des objectifs généraux et les résultats attendus à dix ans ;

– d’un schéma régional de santé, établi pour cinq ans sur la base d’une évaluation des besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux et qui détermine, pour l’ensemble de l’offre de soins et des services de santé, y compris en matière de prévention, de promotion de la santé et d’accompagnement médico-social, des prévisions d’évolution et des objectifs opérationnels ;

– d’un programme régional relatif à l’accès à l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies.

Source : articles L. 1434-1 et L. 1434-2 du code de la santé publique.

En raison de leur intérêt pour l’organisation des parcours de santé, le Gouvernement entend favoriser le développement des communautés professionnelles territoriales de santé dans le cadre de la stratégie « Ma santé 2022 ». Celle-ci confie aux CPTS la mission d’améliorer l’organisation des soins de proximité, et ambitionne d’atteindre 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé en 2022, contre près de 500 créées ou en projet fin 2020.

● Les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes (DAC) ont quant à eux été mis en place en 2019 ([74]). Ils résultent de l’unification – qui devrait prendre effet sur l’ensemble du territoire français avant juillet 2022 – de différents dispositifs décrits ci-dessous œuvrant pour favoriser l’accès aux soins, l’interdisciplinarité des prises en charge et la coordination des professionnels, par souci de simplification et de lisibilité :

– les réseaux de santé ;

– les plateformes territoriales d’appui (PTA) ;

– les coordinations territoriales d’appui (CTA) ;

– le programme d’accompagnement au retour à domicile après hospitalisation (PRADO) ;

– la méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’autonomie (MAIA) ;

– les centres locaux d’information et de coordination (CLIC) sur décision du conseil départemental.

Héritant des missions assurées par l’ensemble de ces acteurs, les DAC doivent à répondre à un double objectif : d’une part, fluidifier les parcours de santé complexes ([75]) en organisant les prises en charges des patients sur les territoires ; d’autre part, apporter des réponses concrètes et un appui aux professionnels, aux patients et à leurs aidants, quel que soit le niveau de complexité à appréhender (polypathologies, grand âge, handicap, risque social...).

Les principaux dispositifs unifiés au sein des DAC

Les réseaux de santé, mis en place par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, sont des regroupements pluridisciplinaires de professionnels de santé, médico-sociaux et sociaux ayant pour objet de favoriser l’accès aux soins, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge. Ils assurent une un suivi adapté aux besoins de la personne tant sur le plan de l’éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins.

Les coordinations territoriales d’appui (CTA), créées en 2013, sont des plateformes d’information et d’accompagnement des professionnels, des personnes âgées et de leurs aidants. Elles proposent un guichet unique pour guider ces acteurs vers les ressources sanitaires, médico-sociales et sociales du territoire.

Les plateformes territoriales d’appui (PTA), créées en 2016, apportent des fonctions d’appui à la prise en charge des patients relevant de parcours de santé complexes. Elles sont organisées en soutien des professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux par les agences régionales de santé en concertation avec les représentants des professionnels et des usagers, et contribuent à prévenir les hospitalisations ainsi que les ruptures de parcours.

Les centres locaux d’information et de coordination (CLIC), créés en 2011, sont des points d’information locaux assurant une mission d’accueil, d’écoute, d’information et de conseil auprès des personnes âgées et de leurs familles.

La méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (MAIA), créée en 2011, associe tous les acteurs engagés dans l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie ainsi que leurs aidants afin de répondre à trois principaux enjeux : la continuité des parcours des personnes âgées, la prise en charge des situations complexes par un professionnel formé et dédié, et le soutien à domicile des publics concernés.

Source : ministère des solidarités et de la santé.

Plus précisément, en vertu de l’article L. 6327-2 du code de la santé publique, un dispositif d’appui à la coordination :

– répond aux demandes d’appui des professionnels : accueil, analyse de la situation de la personne, orientation et mise en relation, accès aux ressources spécialisées, suivi et accompagnement renforcé des situations, planification des prises en charge ;

– contribue, en coordination avec d’autres acteurs, à la réponse aux besoins des personnes et de leurs aidants en matière d’accueil, de repérage des situations à risque, d’information, de conseil, d’orientation, de mise en relation et d’accompagnement ;

– participe plus largement à la coordination territoriale entre professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux et les structures (établissements de santé, établissements spécialisés).

2.   L’absence des services de santé au travail au sein des CPTS et des DAC : une illustration du cloisonnement entre santé publique et santé au travail

● Les services de santé au travail (SST) demeurent isolés du champ sanitaire, malgré le rôle qu’occupent les professionnels qui y travaillent en matière de santé publique.

Cantonnée au périmètre de l’entreprise et par nature liée au contrat du travail, la médecine du travail, depuis sa mise en place en 1964 ([76]), a été globalement tenue à l’écart des évolutions majeures de la santé publique en France. Ce cloisonnement entre santé publique et santé au travail a notamment été entretenu par une politique de santé historiquement construite autour de l’organisation et de la régulation des soins, les stratégies de prévention n’ayant été inscrites que récemment dans la loi, en 2004 ([77]). Or, les SST (composés principalement de médecins du travail, d’infirmiers en santé au travail et d’intervenants en prévention des risques professionnels) ont une mission exclusivement préventive, leur rôle étant d’« éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail » ([78]). L’essence même de la médecine du travail a donc largement participé à son isolement de la sphère sanitaire.

Une approche nouvelle semble toutefois émerger. Ainsi, la stratégie nationale de santé 2018-2022 élaborée par la direction générale de la santé (DGS) a posé un cadre favorable à l’implication du ministère des solidarités et de la santé dans la politique de santé au travail. Elle ambitionne de mieux intégrer les SST dans le parcours de santé, constatant notamment qu’en matière de désinsertion professionnelle, « [la] réinsertion nécessite une coordination de l’ensemble des acteurs intervenant sur ce champ, mais également un dialogue plus approfondi avec le monde du travail » ([79]).

La stratégie nationale ambitionne également la mise en place d’« une politique de promotion de la santé, incluant la prévention, dans tous les milieux et tout au long de la vie ». Or, les services de santé au travail jouent un rôle central en matière de prévention.

Toutefois, comme le souligne le rapport publié par l’IGAS en février 2020 ([80]) portant sur l’Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), une difficulté perdure dans la mise en œuvre d’actions transversales entre les politiques de santé et du travail à l’échelle nationale, liée « à la difficulté institutionnelle de s’investir dans ces actions [...] et à un manque de culture commune entre les ministères chargés de la santé et du travail ».

Ce même rapport relève ainsi un isolement persistant des SSTI, particulièrement sur le plan des visites individuelles, en raison de la fragilité du lien entre les services de santé au travail et les acteurs sanitaires des territoires, notamment les médecins traitant généralistes. Les auteurs soulignent que les professionnels en santé au travail « se pensent perçus comme risquant d’empêcher les personnes de travailler et demandant une charge administrative aux médecins de ville ».

● Illustration de l’isolement des professionnels en santé au travail vis-à-vis de la sphère sociale et sanitaire des territoires, ceux-ci ne sont pas intégrés aux CPTS et aux DAC.

Les articles L. 6327-1 à L. 6327-6 du code de la santé publique ne prévoient pas la possibilité d’avoir recours aux dispositifs d’appui à la coordination pour les services de santé au travail. Les CPTS se composent quant à elles de professionnels explicitement visés par l’article L. 1434-12 du code de la santé publique, qui ne fait pas mention des services de santé au travail.

Pour décloisonner la santé publique et la santé au travail, plusieurs évolutions législatives peuvent être envisagées, parmi lesquelles l’accès des services de santé au travail aux CPTS et aux DAC.

3.   Intégrer les professionnels en santé au travail aux CPTS et aux DAC : vers un décloisonnement utile entre santé publique et santé au travail

● Plusieurs éléments plaident en faveur d’une meilleure coopération entre santé au travail et santé publique.

L’inscription territoriale – et, de ce fait, l’approche territoriale – des SST justifie pleinement leur participation aux dispositifs de coordination des professionnels de santé à l’échelle territoriale, tels que les CPTS et les DAC.

Si les SST assurent une mission exclusivement « préventive », ils participent activement au suivi des patients en assurant la mission de « [surveiller] l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur santé au travail et leur sécurité » ([81]). Or, le suivi de l’état de santé des travailleurs se voit nettement renforcé lorsque les professionnels de santé qui en ont la charge coopèrent et partagent un certain nombre d’informations. Dans ce cadre, le médecin du travail pourrait se saisir d’un rôle d’alerte auprès du médecin traitant, ce qui est aujourd’hui difficile en raison de la faible coopération entre les sphères de la médecine du travail et de la médecine de ville.

Auditionné par vos rapporteures, le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) a soulevé l’intérêt du dialogue et de la coopération entre médecine de ville et médecine du travail. En tant que spécialité à part entière, la santé au travail est un domaine souvent méconnu des médecins généralistes. À cet égard, la participation des SST aux instances de coordination territoriales apporterait une meilleure connaissance du milieu du travail aux professionnels de santé de ville.

Plus précisément, en matière de maintien dans l’emploi et de réinsertion professionnelle des personnes atteintes d’une maladie chronique, l’intérêt d’une articulation – impliquant une coopération étroite – entre les différents intervenants médicaux semble évidente. Pour les auteurs du rapport de l’IGAS sur l’Attractivité et la formation des professions de santé en travail, remis en août 2017 ([82]), « le médecin du travail [doit] être considéré comme l’un des acteurs du processus de soin, car rendant possible le maintien en emploi, lui-même partie intégrante du soin ».

Enfin, l’exclusion des médecins du travail du parcours de santé participe largement au manque d’attractivité de la profession : comme le rappelle le rapport de l’IGAS précité, l’une des principales difficultés rencontrées par les médecins du travail est la faible reconnaissance des pairs et du public, en tant que spécialité perçue comme la « médecine de l’employeur ».

L’ensemble de ces éléments justifie l’ouverture des CPTS et des DAC aux services de santé au travail. Elle permettrait de reconnaître les professionnels en santé au travail comme parties prenantes du parcours de santé.

II.   L’article 5 intègre les services de santé au travail dans les cpts et les dac

En cohérence avec la volonté de décloisonner la santé publique et la santé au travail et celle d’accentuer le rôle de la prévention, l’article 5 propose d’ouvrir la possibilité, pour les services de santé au travail, de faire partie des CPTS et de recourir aux dispositifs d’appui à la coordination, afin de reconnaître leur rôle et leur importance dans le parcours de santé.

1.   Donner la possibilité aux professions de santé au travail de faire partie des communautés professionnelles territoriales de santé

Le modifie l’article L. 1434-12 du code de la santé publique, qui encadre les communautés professionnelles territoriales de santé, afin d’y inscrire la possibilité pour les services de santé au travail de faire partie des acteurs qui composent ces communautés.

Ainsi, une CPTS pourra toujours être composée d’une ou plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours et d’acteurs médico-sociaux ; elle pourra également comprendre un ou des services de santé au travail. Les professionnels en santé au travail pourront donc participer aux projets de santé mis en œuvre par ces communautés.

2.   Intégrer le médecin du travail aux dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes

Le permet aux services de santé au travail d’intégrer les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes afin de mener à bien leurs missions prévues par l’article L. 4622-2 du code du travail, à savoir :

– conduire les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;

– conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, améliorer les conditions de travail, prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail, prévenir le harcèlement sexuel ou moral, prévenir ou réduire les effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels et la désinsertion professionnelle et contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;

– assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur santé au travail et leur sécurité et celle des tiers, des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels et de leur âge ;

– participer au suivi et contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements de vos rapporteures :

– l’un visant à harmoniser le recours dont les professionnels des services de santé au travail peuvent bénéficier auprès des dispositifs d’appui à la coordination des parcours complexes avec les autres professionnels de santé, sociaux et médico‑sociaux ;

– l’autre de nature rédactionnelle.

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Article 6
Présentation d’un volet « politique de santé au travail » au sein du rapport annexé au projet de loi de finances relatif à la politique de santé publique

Adopté par la commission sans modifications

L’article 6 prévoit que le Gouvernement présente, au sein du rapport annexé au projet de loi de finances consacré à la politique de santé publique, les orientations, les moyens et les résultats en matière de politique de santé au travail et de prévention des risques professionnels, dans les secteurs public et privé.

I.   l’insuffisante INFORMATION DU PARLEMENT SUR LA POLITIQUE DE santé au travail appelle un enrichissement

A.   Les « jaunes budgétaires », documents destinés à renforcer l’information et le contrôle du Parlement, abordent depuis peu la politique de prévention et de promotion de la santé publique

L’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances ([83]) prévoit que « des annexes générales prévues par les lois et règlements destinées à l’information et au contrôle du Parlement » sont jointes au projet de loi de finances (PLF) de l’année. Ces documents, aussi appelés « jaunes budgétaires », permettent aux parlementaires d’obtenir – sur leur demande – des informations sur des sujets spécifiques ou transversaux.

On dénombrait, en loi de finances pour 2020, vingt‑neuf jaunes budgétaires couvrant des sujets divers et variés : les relations financières entre l’État et la protection sociale, l’effort financer de l’État dans le domaine de la culture et de l’éducation, l’impact environnemental du budget de l’État, la politique de formation professionnelle, les politiques publiques de recherche et de formations supérieures, etc.

La loi de finances pour 2020 a introduit un jaune budgétaire « Prévention et promotion de la santé », traduisant la volonté des parlementaires de mieux identifier l’effort national en matière de prévention. Ainsi, l’article 179 de la loi de finances pour 2020 ([84]) prévoit que soit remis un rapport « sur la prévention et la promotion de la santé. Ce rapport présente l’ensemble des moyens dédiés à la politique de prévention et de promotion de la santé de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. »

Le document, tel que présenté dans le projet de loi de finances pour 2021 ([85]), recense les financements et les actions engagés par les différents acteurs, publics et privés – État, assurance maladie, organismes complémentaires, collectivités territoriales – au service de la politique de prévention par « thématique santé » : accès aux droits, addictions, cancers, diabète, handicap, lutte contre l’isolement, maladies rares, perte d’autonomie, santé au travail, santé mentale, sécurité routière, vaccins, etc. Sa structure est cependant amenée à évoluer dans les prochains exercices.

Par ailleurs, la documentation adossée au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) aborde la prévention en santé publique : l’annexe 7, qui détaille l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et les dépenses de santé, contient une présentation globale de la prévention institutionnelle. L’annexe 1, qui présente l’évaluation des politiques de sécurité sociale, s’attelle plus précisément à la prévention des risques professionnels. Dans sa partie relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, l’annexe comporte une évaluation de l’objectif de « réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail, des accidents de trajet et des maladies professionnelles grâce à la prévention » ([86]).

B.   La politique de santé au travail, peu abordée par la documentation budgétaire, pourrait utilement figurer dans l’annexe relative à la politique de santé publique

Enrichir l’information du Parlement sur la politique de santé au travail revêt plusieurs intérêts.

1.   Informer sur la mise en œuvre d’une véritable politique nationale de prévention des risques professionnels

D’une part, la transmission de ce rapport serait cohérente avec les évolutions attendues en matière de politique de santé au travail dans les prochaines années, qu’elles soient le fruit d’ambitions portées par la stratégie nationale de santé 2018‑2022, des mesures issues de l’ANI comme des dispositions portées par la présente proposition de loi. Ces évolutions conjointes attestent de l’avènement d’une véritable politique publique nationale de prévention des risques professionnels, dans laquelle la représentation nationale a toute sa part de même qu’en matière de politique de santé publique.

D’autre part, une information développée sur la politique en santé au travail permettrait d’en éclairer les enjeux budgétaires. En effet, l’efficacité de la prévention des risques professionnels a des effets directs sur les finances publiques, par exemple via le versement des indemnités journalières.

Par ailleurs, une information enrichie apporterait de la lisibilité sur les sources de financement et les acteurs impliqués en matière de politique de santé au travail. Comme le souligne le rapport sur la santé au travail rendu par votre rapporteure Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis et Henri Forest en août 2018 ([87]), « la multiplicité des organismes, leurs tutelles et leurs sources de financements différenciés, aboutissent à ce qu’il n’existe pas [...] de ligne budgétaire clairement identifiée des fonds directement dédiés à la santé au travail », aboutissant à ce que l’effort financier de la nation en la matière soit illisible.

À cet égard, l’annexe au PLF relative à la politique de santé publique pourrait utilement comporter une partie proposant une vision globale des acteurs impliqués, des actions envisagées ou engagées et des moyens alloués en matière de santé au travail et de prévention des risques professionnels, au sein du secteur privé comme un sein du secteur public.

2.   Informer sur la situation et l’action des pouvoirs publics en matière de santé au travail dans la fonction publique

La politique de santé au travail au sein du secteur public doit être mieux appréhendée. Un certain nombre d’enjeux spécifiques à la fonction publique ont été avancés par le rapport intitulé « Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance »([88]) remis en septembre 2019 par votre rapporteure Charlotte Lecoq, Pascale Coton et Jean‑François Verdier.

Les auteurs de ce rapport soulignent « des déséquilibres, selon les territoires, en termes d’offre de suivi médical et de conseil en prévention entre le secteur privé et le secteur public, et même entre les trois versants de la fonction publique ». En matière de prévention plus particulièrement, ils alertent sur le fait que « dans les trois versants de la fonction publique, peu de dispositifs incitent à la prise en charge en amont des problématiques de santé et de sécurité au travail. Notre modèle administratif reste durablement inscrit dans une culture de la réparation au détriment de la prévention. »

Quatre objectifs prioritaires sont désignés par les auteurs :

– faire bénéficier à l’ensemble des agents de la fonction publique d’une véritable politique de prévention sur le milieu de travail ;

– apporter aux employeurs de la fonction publique les conseils et les ressources en prévention nécessaires pour répondre à leurs obligations et faire face aux enjeux du vieillissement des agents ainsi qu’aux conséquences des évolutions technologiques à venir ;

– impulser une culture qui intègre la santé et la sécurité au travail et la qualité de vie au travail comme lever de performance du service public ;

– favoriser les synergies et mutualisations pour apporter davantage d’équité entre les agents et faire face à la situation démographique des médecins du travail.

Les progrès attendus en matière de santé au travail dans la fonction publique justifient donc amplement une information ciblée du Parlement sur ce sujet.

II.   l’article 6 enrichit le contenu de la documentation budgétaire relative à la politique de santé publique

L’alinéa unique de l’article 6 complète le contenu du rapport annexé au projet de loi de finances relatif à la politique de santé publique.

Celui-ci présentera désormais, en plus des moyens dédiés à la politique de prévention et de promotion de la santé de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, une partie relative aux orientations, aux moyens et aux résultats en matière de politique de santé au travail et de prévention des risques professionnels au sein du secteur public et du secteur privé.

Selon la date d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi – devant être fixée par décret et au plus tard le 31 mars 2022 –, ce nouveau volet du rapport relatif à la politique de santé publique devrait figurer au sein du PLF pour 2022 ou 2023.

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Article 7
Renforcement des pouvoirs de surveillance du marché des équipements de protection individuelle et des équipements de travail non conformes

Adopté par la commission sans modifications

L’article 7 renforce les pouvoirs de surveillance du marché des équipements de protection individuelle et des équipements de travail non conformes suite à l’adoption d’un règlement européen sur la surveillance du marché de l’Union européenne.

I.   l’union européenne a renforcé sa réglementation relative aux pouvoirs de surveillance du marché des produits couverts par la législation européenne, amenant à adapter le droit interne

A. Définition et réglementation des équipements de travail et des équipements de protection individuelle

● En droit interne, la conception et la mise sur le marché des équipements de travail et des équipements de protection individuelle (EPI), respectivement définis comme « les machines, appareils, outils, engins, matériels et installations » et « les dispositifs ou moyens destinés à être portés ou tenus par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa santé ou sa sécurité » ([89]), sont encadrées aux articles L. 4311-1 à L. 4314-1 du code du travail ([90]).

Ces deux catégories d’équipements sont toutes deux soumises à des normes de sécurité et de conformité afin de protéger la santé des usagers. L’article L. 4311‑1 du code du travail précise que les équipements de travail « destinés à être exposés, mis en vente, vendus, importés, loués, mis à disposition ou cédés [...] sont conçus et construits de sorte que leur mise en place, leur utilisation leur réglage, leur maintenance [...] n’exposent pas les personnes à un risque d’atteinte à leur santé ou leur sécurité ». Les EPI sont quant à eux « conçus et fabriqués de manière à protéger les personnes [...] contre les risques pour lesquels ils sont prévus ».

Pour s’assurer du respect de ces principes, des règles techniques ([91]) et des procédures d’évaluation de la conformité – c’est-à-dire du respect de l’ensemble de ces règles – sont prévues par les législations européenne et française. Cette réglementation est largement issue de la législation d’harmonisation technique européenne, soit le rapprochement des législations des États membres de l’Union européenne visant à l’élimination des entraves techniques aux échanges.

Le marquage « CE » (conformité européenne), entré en vigueur en 1993 ([92]), est obligatoire pour tous les produits couverts par un ou plusieurs textes européens qui le prévoient explicitement. Le responsable de la mise sur le marché d’un produit, en y apposant le marquage CE, s’engage à respecter les exigences réglementaires en vue de la circulation de son produit sur le marché de l’Union européenne.

Les exigences essentielles de santé et de sécurité en question sont précisées pour les équipements de protection individuelle à l’annexe II du règlement de l’Union européenne n° 2016/425 ([93]) applicable depuis le 21 avril 2018, et pour les machines et les équipements de travail à l’annexe I de la directive n° 2006/42/CE du 17 mai 2006 du Parlement européen et du Conseil relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE ([94]).

Il s’agit plus précisément d’exigences visant à garantir un haut niveau de protection des intérêts publics tels que la santé et la sécurité en général et sur le lieu de travail, la protection de l’environnement, la protection des consommateurs, de la sécurité publique et de tout autre intérêt public protégé par la législation européenne.

B.   Les procédures d’évaluation de la conformité

Deux procédures permettant d’assurer la conformité des produits sont communes aux équipements de travail et aux EPI.

D’une part, la procédure dite « autocertification CE » permet au fabricant ou à l’importateur de déclarer, sous sa responsabilité, que l’exemplaire d’un équipement de travail ou d’un EPI est conforme aux règles techniques qui lui sont applicables (articles R. 4313-20 à R. 4313-22 du code du travail).

D’autre part, la procédure dite « examen CE de type » fait intervenir un organisme notifié pour constater et attester qu’un modèle d’équipement de travail ou d’EPI est conforme aux règles techniques le concernant (articles R. 4313-23 à R. 4313-42 du même code). Le fabricant peut alors produire en série dans le respect des données figurant dans sa documentation technique validée par l’organisme.

Le code du travail prévoit également un « système d’assurance qualité complète » pour les machines.

Cette procédure permet à un organisme notifié « [d’évaluer et d’approuver] le système de qualité d’un fabricant de machines et [d’en contrôler] l’application. [...] À cette fin, l’organisme notifié s’assure que toutes les mesures ont été prises concernant la conception, la fabrication, l’inspection et le stockage » ([95]). Le fabricant s’engage alors à fabriquer ses produits dans le respect des conditions nécessaires pour que le système qualité approuvé par l’organisme demeure effectif.

Deux autres procédures d’évaluation de la conformité sont applicables aux EPI :

– le « système de garantie de qualité CE », par lequel « un organisme notifié atteste que le fabricant a pris toutes mesures nécessaires pour que le procédé de fabrication, y compris l’inspection finale et les essais des équipements de protection individuelle, assure l’homogénéité de sa production et la conformité de chaque exemplaire d’équipement de protection individuelle soumis à cette procédure avec le modèle ayant fait l’objet de l’attestation d’examen CE de type et avec les règles techniques qui lui sont applicables » ([96]) ;

– le « système d’assurance qualité CE de la production avec surveillance », par lequel un fabricant « fait approuver un système d’assurance qualité par un organisme notifié de son choix » et « confie à cet organisme le soin de contrôler, par surveillance, qu’il remplit correctement les obligations résultant du système d’assurance qualité approuvé » ([97]).

Les organismes notifiés

Les organismes notifiés sont les organismes chargés de mettre en œuvre les procédures d’évaluation et de conformité ou de réaliser des opérations de contrôle de conformité. Ils sont habilités par arrêté du ministre chargé du travail et notifiés à la Commission européenne ainsi qu’aux États membres.

L’habilitation est accordée à un organisme en fonction de son indépendance, de ses compétences, de son intégrité ainsi que de la disposition des moyens pour remplir sa mission et faire face aux responsabilités qui en découlent.

En matière d’équipements de travail et d’EPI, ces organismes sont listés par :

– l’arrêté du 3 mai 2017 portant habilitation d’un organisme chargé de procéder aux examens CE de type de certaines machines et actualisant la liste des organismes habilités ;

– l’arrêté du 4 mai 2017 portant habilitation des organismes chargés de procéder aux examens CE de type, à l’évaluation de systèmes de garantie de qualité CE ainsi qu’à la surveillance des systèmes d’assurance qualité CE concernant les équipements de protection individuelle et actualisant la liste des organismes habilités.

Sources : articles R. 4313-83 et R. 4313-85 du code du travail.

C.   La surveillance du marché

● La surveillance du marché désigne l’ensemble des activités effectuées et des mesures prises par les autorités de surveillance du marché pour garantir que les produits sont conformes.

L’article R. 4313-83 du code du travail prévoit que le ministre chargé du travail habilite les organismes chargés de mettre en œuvre les procédures de certification ou de réaliser des opérations de contrôle de conformité des équipements de travail et des EPI. En France, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et la direction générale du travail (DGT) sont les principales administrations en charge de la surveillance du marché.

L’article L. 4314-1 du code du travail prévoit la mise en place d’une procédure de sauvegarde relative aux produits qui ne seraient pas conformes, permettant alternativement :

– de conditionner la mise sur le marché d’un produit à « l’accomplissement [...] des vérifications, épreuves, règles d’entretien, modifications des modes d’emploi des équipements de travail ou moyens de protection concernés » ;

– d’interdire purement et simplement leur mise sur le marché, la procédure permettant de « s’opposer à ce que des équipements de travail ou des moyens de protection ne répondant pas aux obligations de sécurité et à tout ou partie des règles techniques » soient exposés, mis en vente, vendus, importés, mis à disposition, mis en service ou utilisés.

Les principaux textes européens relatifs à la surveillance des marchés

Le 1er janvier 1993, le marché intérieur unique entre en vigueur pour les douze États membres de l’Union européenne ayant signé l’Acte unique en 1986, prévoyant l’achèvement du marché intérieur. Cette évolution s’accompagne d’avancées réglementaires visant à faciliter l’harmonisation technique concernant la mise sur le marché de produits industriels, complétées au fil du temps :

– le 22 juillet 1993, une décision du Conseil fixe le régime d’apposition du marquage « CE » de conformité dans les réglementations communautaires concernant la conception, la fabrication, la mise sur le marché, la mise en service ou l’utilisation de produits industriels ; elle prévoit également les critères et les orientations à utiliser pour les procédures d’évaluation de la conformité dans les directives d’harmonisation technique ;

– la décision n° 768/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 pose le cadre commun de principes généraux et de dispositions de référence pour l’élaboration de la législation de l’Union harmonisant les conditions de commercialisation des produits ;

– le règlement n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 établit les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’accréditation des organismes d’évaluation chargés de l’évaluation de la conformité ; il fixe également un cadre pour la surveillance du marché des produits afin de garantir un haut niveau de protection des intérêts publics (santé et sécurité, protection des consommateurs, protection de l’environnement) ; enfin, il règlemente les contrôles sur les produits provenant de pays tiers et réforme les principes généraux applicables au marquage CE ;

– enfin, le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 renforce la surveillance sur le marché des produits couverts par la législation d’harmonisation de l’UE (cf. infra).

D.   Le renforcement récent de la règlementation européenne à ces sujets suppose une adaptation du droit interne

● En 2019, pour restreindre les disparités entre les différents États membres de l’UE dans leur stratégie de lutte contre les produits non conformes aux normes européennes, l’Union européenne a adopté un nouveau règlement ([98]) établissant les règles relatives à la surveillance du marché et la conformité des produits manufacturés mis sur le marché de l’UE.

Ce texte vise une surveillance accrue de la conformité des produits, afin que seuls ceux qui répondent à l’ensemble des exigences inscrites dans la législation européenne soient mis sur le marché au sein de l’UE. Ces exigences, qui assurent un haut niveau de protection de la santé et de la sécurité des citoyens susceptibles d’accéder à ces produits, doivent faire l’objet d’un contrôle effectif.

Le règlement établit des règles et des procédures pour les opérateurs économiques ([99]) – définis par le règlement comme « le fabricant, le mandataire, l’importateur, le distributeur, le prestataire de services d’exécution des commandes ou toute autre personne physique ou morale soumise à des obligations liées à la fabrication de produits, à leur mise à disposition sur le marché ou à leur mise en service conformément à la législation d’harmonisation applicable de l’Union » – à savoir :

– vérifier l’établissement des documents exigés par la réglementation européenne (déclaration UE de conformité, déclaration de performance, documentation technique) et les tenir à la disposition des autorités de surveillance du marché ;

– fournir, sur demande d’une autorité de surveillance du marché, toutes les informations et tous les documents nécessaires pour démontrer la conformité d’un produit ;

– informer les autorités de surveillance du marché s’il y a lieu de penser qu’un produit présente un risque ;

– coopérer avec les autorités de surveillance du marché ; veiller, le cas échéant, à ce qu’une mesure corrective immédiate et nécessaire soit prise pour remédier à un cas de non-conformité ou en atténuer les risques, à la demande des autorités ou de sa propre initiative si le risque est identifié par l’opérateur économique concerné.

Par ailleurs, les États membres doivent organiser et assurer la surveillance du marché des produits concernés :

– en désignant, sur leur territoire, une ou des autorités de surveillance ;

– en élaborant, au moins tous les quatre ans, une stratégie globale nationale de surveillance du marché ;

– en mettant en place un système d’échange d’informations et d’assistance mutuelle ;

– en instituant un système de sanctions en cas de non-respect des dispositions du règlement.

Enfin, le texte crée un réseau des autorités de surveillance de l’Union européenne pour la conformité des produits. Cette plateforme doit permettre la coopération et la coordination structurée entre les autorités de contrôle instituées par les États membres et la Commission européenne, en vue d’assurer l’efficience des pratiques de surveillance du marché au sein de l’Union.

● Des modifications d’ordre législatif sont nécessaires pour assurer la conformité du droit français au règlement européen, outre son effet direct. Ces modifications doivent notamment permettre de préciser les tâches confiées aux autorités de surveillance nationales. Elles s’inscrivent parfaitement dans l’esprit de la présente proposition de loi, qui entend mettre l’accent sur la prévention primaire des risques professionnels.

II.   Le présent article précise la définition de la surveillance des marchés et les tâches confiées aux autorités administratives compétentes en la matière

● Le complète l’article L. 4314-1 du code du travail, qui encadre les procédures de sauvegarde, par un alinéa relatif à la surveillance des marchés.

Il est ainsi affirmé que la surveillance des marchés a pour but de garantir la conformité des équipements de travail et des EPI aux règles de conception, de fabrication et de mise sur le marché qui leur sont applicables, permettant ainsi d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs.

Par ailleurs, le rôle des autorités administratives compétentes en matière de surveillance (en l’espèce la DGDDI, la DGCCRF et la DGT) est précisé. Celles-ci doivent s’assurer du respect par les opérateurs économiques de leurs obligations respectives. À cet égard, elles mettent en œuvre les mesures appropriées et proportionnées prévues par l’article 16 du texte européen.

L’article 16 du règlement prévoit en effet que lorsqu’un produit « est susceptible de compromettre la santé ou la sécurité des utilisations » ou « n’est pas conforme à la législation d’harmonisation de l’Union », les autorités de surveillance du marché enjoignent à l’opérateur économique concerné de prendre des mesures correctives appropriées et proportionnées pour mettre fin à la non‑conformité. Ces mesures comprennent :

– la mise en conformité du produit ;

– la prévention de la mise à disposition du produit sur le marché ;

– le retrait ou le rappel immédiat du produit et la mise en garde du public contre le risque encouru ;

– la destruction ou la garantie d’une absence d’utilisation du produit ;

– l’inscription sur le produit d’avertissements adéquats, clairs et compréhensibles concernant les risques qu’il peut présenter ;

– la fixation de conditions préalables à la mise à disposition du produit sur le marché ;

– la mise en garde immédiate des utilisateurs exposés au risque.

● Le permet de préciser que les procédures de sauvegarde mentionnées ci-dessus participent pleinement de la surveillance de marché et de l’application des dispositions européennes.

*

*     *

Titre II
Définir l’offre de services à fournir par les services de prévention et santé au travail aux entreprises et aux salariés, notamment en matière de prévention et d’accompagnement

Article 8
Mise en place d’une offre socle et d’une offre complémentaire par les services de prévention et de santé au travail interentreprises ainsi que d’une procédure de certification

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article opère une redéfinition des actions menées par les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), en cohérence avec les dispositions de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 décembre 2020.

En premier lieu, il prévoit la distinction des actions que les SPSTI peuvent proposer entre une offre socle obligatoire et une offre de services complémentaires facultative. La première poursuit des objectifs strictement définis, dans le cadre plus général des missions définies à l’article L. 4622-2 du code du travail. La seconde pourra être proposée par les SPSTI qui souhaitent compléter leur offre par des mesures spécifiques à destination dont les activités particulières pourraient le justifier.

Il vise également à mettre en œuvre une procédure de certification, dont les référentiels et les principes seront guidés par les partenaires sociaux membres du comité national de prévention et de santé au travail, puis approuvés par la voie réglementaire. Celle-ci doit permettre aux SPSTI de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue quant à la qualité de leur action, l’effectivité des services rendus ou encore de l’évolution de leur gestion financière et de leur tarification.

 

I.   Dans le prolongement de leur effort récent d’adaptation, l’offre de services proposée par les services de santé au travail interentreprises comme leur encadrement font l’objet de critiques récurrentes

A.   Les services de santé au travail interentreprises ont adapté leur fonctionnement au fur et à mesure des récentes réformes

1.   Des services anciens

Les services de santé au travail interentreprises (SSTI) répondent à un besoin d’accompagnement local des entreprises dans leur démarche de prévention et de santé au travail. Lors de l’instauration d’une forme de responsabilité forfaitaire des employeurs à raison des accidents du travail susceptibles de survenir sur le lieu de travail, par la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail, une délégation de la couverture aux assurances s’est effectuée, entraînant la création d’un « corps de médecins-contrôleurs chargés de surveiller le versement des indemnités aux ouvriers, et à financer des infirmeries d’usine » ([100]).

La loi a largement favorisé la création et la multiplication des SSTI au travers d’associations de type « loi 1901 » ([101]). Leur création par la loi de 1946 ([102]) visait avant tout à « externaliser » une partie de la responsabilité des employeurs s’agissant de la santé et de la sécurité des travailleurs, tout en rendant la médecine du travail obligatoire dans toutes les entreprises. Si le nombre de SSTI diminue ([103]), ils doivent aujourd’hui assumer des missions diverses qui relèvent autant de la prévention que de la veille sanitaire. Ils doivent en effet :

– conduire des actions de santé au travail dans le but de préserver la santé des salariés ;

– conseiller les employeurs, les salariés et leurs représentants sur la prévention ou la diminution des risques professionnels ;

– améliorer les conditions de travail, contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs et assurer la surveillance de l’état de santé de ces derniers ;

– participer au suivi et à la traçabilité des expositions ainsi qu’à la veille sanitaire.

2.   Une exigence d’interdisciplinarité récente

Pour assumer cette diversité de missions, l’organisation interne des services a largement évolué ces dernières années vers des équipes pluridisciplinaires aux compétences variées, susceptibles d’intervenir autant en matière de suivi individuel que d’amélioration de la prévention des risques professionnels dans toute l’entreprise. Ainsi, « dans un contexte de rareté de la ressource médicale et de "virage" vers la prévention, les réformes de 2002, 2011 puis de 2016 ont conduit à une évolution profonde du fonctionnement souhaité des SSTI, notamment sur le plan de la pluridisciplinarité de leurs interventions. [...] Dans un contexte où l’hétérogénéité domine en termes de prestations réalisées et dans le but d’accroître la qualité globale et individuelle du service rendu, la mission propose qu’un socle de prestations de base assurées par tous les SSTI soit défini en contrepartie de la cotisation, des prestations complémentaires pouvant être facturées aux entreprises de manière distincte, dans des conditions encadrées. » ([104])

La loi du 20 juillet 2011 ([105]) a largement renforcé cette exigence interdisciplinaire en instituant des « équipes pluridisciplinaires » au sein des SSTI. Celles-ci comprennent aujourd’hui ([106]) des médecins du travail, des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Le cas échéant, elles peuvent être complétées par des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les missions de délégation et de coordination de l’équipe reviennent au médecin du travail.

3.   Le cas des services autonomes communs

Entre les SSTI et les SST propres à une seule entreprise, il existe deux formes hybrides qui permettent à plusieurs instances de partager un service autonome.

● Dans le premier cas, le service de santé inter-établissements peut être créé dès lors que le groupe formé par l’ensemble de ces établissements comprend plus de 500 salariés.

● Dans le second cas, l’unité économique et sociale (UES) qui est prise en compte est définie de la façon suivante. Reconnue par convention entre entreprises ou décision de justice ([107]), l’UES doit obligatoirement mettre en place un comité d’entreprise commun. Le recours à un service de santé au travail commun doit donc être approuvé par le comité social et économique commun à l’unité économique et sociale. Là encore, ce recours est conditionné à l’existence d’un nombre de salariés propres à l’UES supérieur à 500.

B.   La nécessité de présenter une offre socle harmonisée

1.   Des propositions récentes...

Le rapport rendu par votre rapporteure Charlotte Lecocq ([108]), qui encourageait à la mise en place d’un ensemble de prestations de base servies par une structure régionale, a entraîné de nombreuses réflexions sur la nécessaire harmonisation des services rendus par les SSTI. À ce titre, par exemple, l’association PRESANSE, représentative de l’ensemble des SSTI, a engagé des travaux et abouti à un cahier des charges en février 2020.

Le cahier des charges proposé par PRESANSE

Présenté aux adhérents le 27 janvier 2020, le cahier des charges proposé par PRESANSE s’inscrit clairement dans la lignée de l’ensemble des réflexions relatives à l’évolution de la santé au travail. Ce « cahier des charges de l’offre des services de santé au travail interentreprises », issu d’un travail de plusieurs mois et de la mobilisation de nombreux professionnels de terrain, redéfinit l’offre de services proposée par les SSTI.

Il s’attache en particulier à identifier les besoins des adhérents mais intègre par ailleurs les réflexions les plus récentes sur la nécessaire bascule d’une culture de la réparation à une culture de la prévention. Le but de ce document est de permettre aux entreprises de savoir directement ce qu’un SSTI est en mesure d’assurer auprès d’elles, indépendamment de la taille de l’entreprise.

Le constat d’une hétérogénéité des prestations fournies conduisant à une forme d’illisibilité a été fait par d’autres études, comme celle de l’IGAS. La mission a en effet estimé que les prestations proposées et mises en œuvre par les SSTI demeurent hétérogènes, « aussi bien quantitativement que qualitativement » ([109]). Elle recommande dès lors la mise en place d’un ensemble de prestations de base, servies de manière harmonisée pour répondre au problème de potentielle iniquité en fonction de la taille des entreprises adhérentes. Sans présumer des orientations globales qui pourraient être données à la politique de santé au travail, la mission appelait également à ce que soient préservées dans l’offre socle que pourraient proposer les SSTI les missions de suivi individuel des salariés, d’actions en milieu de travail, de maintien dans l’emploi, mais aussi la réalisation des fiches d’entreprise permettant une traduction immédiate du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

En contrepoint de cette offre de base, les SSTI pourraient proposer une offre complémentaire, qui ferait alors l’objet d’une « facturation complémentaire forfaitaire aux entreprises qui en font la demande » ([110]). La mission avait notamment identifié l’animation des campagnes d’information et de sensibilisation aux questions de santé publique en rapport avec l’activité professionnelle et les spécificités de l’activité de l’entreprise, la formation à des risques spécifiques et propres à l’activité des entreprises concernées et la délivrance de conseils en matière de secours et de services d’urgence.

2.   … partagées par les partenaires sociaux dans l’ANI du 10 décembre 2020

● Les partenaires sociaux ont également reconnu l’importance de la promotion d’une offre de services des SSTI « efficiente et de proximité » ([111]). Les signataires de l’ANI :

 partagent le constat selon lequel les SST constituent « un véritable maillage territorial, de proximité au service de la prévention des risques professionnels et de la santé des salariés » ;

– déplorent toutefois « la grande hétérogénéité des prestations rendues par ces SSTI », alors même qu’il existe une attente forte de la part des employeurs comme des salariés en matière de prévention ;

– estiment dès lors qu’il « est nécessaire de faire évoluer leur offre dans une approche de service rendu aux employeurs, aux salariés, et à leurs représentants ».

Pour ce faire, les signataires se sont entendus sur une offre socle minimale satisfaisant aux missions de prévention, de suivi individuel des salariés et de prévention de la désinsertion professionnelle, tout en conservant naturellement une approche transversale de l’action d’ensemble du SSTI.

Les trois missions de l’offre socle des SPSTI selon les signataires de l’ANI

La première mission, animée essentiellement par les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), relèverait principalement de la prévention primaire pour aider les entreprises à identifier et évaluer les risques professionnels, par le biais de :

– la mise à jour régulière de la fiche d’entreprise, qui peut constituer, notamment pour les TPE-PME, la base du DUERP ;

– la réalisation d’études et d’actions en prévention primaire, notamment via le déploiement de compétences en ergonomie, en métrologie de première intention (bruit, risques chimiques) ou encore en risques organisationnels pour prévenir les risques psycho-sociaux ;

– conseils, autant pour la rédaction du DUERP et du plan d’action qui en résulte que pour la conception des postes.

La deuxième mission, relative au suivi de l’état de santé des salariés, tournerait naturellement autour du rôle essentiel du médecin du travail. Ce suivi demeure « l’une des pièces maîtresses du service attendu par les entreprises et les salariés et de la prévention des risques professionnels » ([112]). Pour que cet état de fait se poursuive, les signataires de l’ANI proposent « de nouvelles modalités de mise en œuvre de ce suivi médical, en vue de le rendre effectif et optimal » par le biais d’un ensemble d’actions qui relèveraient avant tout du médecin du travail et d’une coordination accrue entre médecine du travail et médecine de ville, par la mise en place d’une liste de médecins praticiens correspondants ([113]) ainsi que de l’action d’infirmiers spécialisés en santé au travail et d’infirmiers ne pratique avancée.

La troisième et dernière mission de l’offre socle relèverait quant à elle de la lutte contre la désinsertion professionnelle, par le biais de « dispositifs d’acculturation [...] et d’alarme de risque de la désinsertion professionnelle dans l’entreprise ». L’acteur majeur de cette lutte serait la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle, introduite à l’article 13 de la présente proposition de loi.

● L’ANI prévoit que les SPSTI pourront compléter cette première « offre socle » par :

– la mise à disposition de ses « entreprises adhérentes » d’un dossier comportant les informations utiles à ses actions de prévention, ainsi qu’un contact direct à disposition de l’employeur pour lui faire part de l’état de la situation de son entreprise « au regard de la prévention, adapté à son secteur et à sa taille » ;

– des messages de prévention et des informations relatives à la sécurité, à la prévention primaire et à la prévention des risques sanitaires, autant pour les salariés que pour les employeurs.

Surtout, une offre complémentaire pourrait être proposée par les SPSTI, composée de prestations complémentaires, telles que des études personnalisées, dont le coût et la facturation sont indépendants de la tarification de l’offre socle. Ces prestations complémentaires ne doivent toutefois pas être proposées au détriment de l’offre socle destinée aux adhérents du service, et en particulier des TPE-PME.

C.   La procédure actuelle d’agrément gagnerait à être doublée d’une certification des SPSTI

1.   L’agrément, organisé par les Direccte, couvre la grande majorité des SSTI

La procédure par laquelle un SST peut être admis à fonctionner suppose un agrément, encadré au niveau réglementaire. Défini il y a près de dix ans ([114]), l’agrément est établi pour une durée de cinq ans par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et fixe notamment un effectif maximal de travailleurs qui peuvent être suivis par le médecin du travail ou, le cas échéant, l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail.

La demande d’agrément effectuée principalement par les SSTI s’appuie sur un dossier, qui contient notamment des éléments relatifs à la couverture géographique que le service prétend assurer, aux moyens qu’il compte y affecter ainsi qu’aux locaux et équipements dédiés ([115]).

Il revient aux Direccte, le cas échéant, dès lors que les SST ne satisfont pas aux dispositions obligatoires qui s’appliquent à eux, de délivrer un agrément d’une durée plus courte – deux ans – pour s’assurer de la conformité des actions prises par la suite, de mettre fin à l’agrément lorsqu’il est en cours, après un délai laissé aux SST pour se mettre en conformité avec les exigences, ou de le modifier sous réserve du respect d’un délai similaire.

En 2019 ([116]), une très grande majorité des SSTI disposaient d’un agrément d’une durée de cinq ans, contre 4 % qui bénéficiaient d’un agrément conditionnel de deux ans. Cette politique d’agrément doit respecter des obligations de transparence, en vertu desquelles les Direccte présentent chaque année leur politique régionale d’agrément auprès des instances régionales du comité régional d’orientation des conditions de travail (CROCT), les groupes permanents régionaux d’orientation (GPRO).

2.   Une procédure fractionnée et peu suivie d’effets

Ces décisions sont peu contestées et s’appuient sur l’expertise des services internes des Direccte comme celle des médecins généraux du travail, mais elles ne sont pas exemptes de critiques, répétées par les différents travaux menés tant par l’IGAS que par la Cour de comptes à ce sujet.

● La première d’entre elles relève de l’absence d’orientation nationale, en dehors des textes formels organisant la procédure d’agrément exposés ci-dessus. Il en résulte un traitement différencié des SSTI en fonction des politiques régionales.

La seconde critique porte sur les modalités concrètes d’instruction des procédures d’agrément des SSTI, qui porteraient trop leur attention sur les moyens – en termes de ressources médicales comme de gouvernance – et non pas sur les résultats ou l’atteinte par les SSTI des objectifs qu’ils se sont fixés.

Les conséquences d’un retrait d’agrément, enfin, sont très différentes de ce qu’elle entraîne dans d’autres secteurs sociaux. Loin de signifier la dissolution du SSTI ou d’empêcher des médecins du travail disposant de leurs titres de continuer à exercer leur spécialité, ce retrait prive simplement d’effectivité les avis rendus par ces derniers ou la capacité des SSTI à recevoir des cotisations. Cette situation est particulièrement problématique dans les régions ou les ressorts territoriaux dans lesquels un SSTI non agréé serait amené à poursuivre ces activités. Cette asymétrie peut donc conduire les Direccte, selon la mission IGAS précitée ([117]), à laisser un SSTI défaillant poursuivre ses activités, y compris par le biais d’un agrément conditionnel. Il en résulte une politique nationale d’agrément qui couvre la quasi‑totalité des SSTI, alors que ce refus d’agrément est plus courant pour les SSTA.

● Le Sénat lui-même ([118]) a identifié ces lacunes, qui tiennent de ce que les « services des Direccte, et en particulier l’inspection médicale du travail, ne disposent pas des moyens nécessaires afin de garantir au sein des SST le respect des exigences réglementaires qui s’attachent aux décisions d’agrément ». Cette situation ne permet notamment pas de garantir, selon les auteurs, la même exigence d’interdisciplinarité dans tous les SST, laissant un certain nombre de ces services concentrés sur les seules visites « standard » des médecins du travail.

3.   La mise en place d’une procédure de certification ne pourra que renforcer l’évaluation dans le temps des SPSTI

a.   Un dispositif dont l’utilité est largement reconnue

L’ensemble de ces faiblesses conduit vos rapporteures, en accord avec les partenaires sociaux à soutenir la proposition de développement d’un référentiel de certification pour les SSTI. Ce type de référentiel présente l’avantage, en supplément du seul agrément, d’inscrire les services dans le sens d’une amélioration continue, susceptible de faire l’objet d’une évaluation. L’idée avait d’ailleurs été développée par PRESANSE, sur la base du volontariat des SSTI qui peuvent bénéficier, sous le bénéfice d’une démarche d’évaluation volontaire, d’un label « AMEXIST », en partenariat avec AFNOR, qui existe depuis 2004.

Les collègues sénateurs de vos rapporteures ont reconnu la validité de cette certification en recommandant une évaluation de la qualité sur le modèle de ce que propose la Haute Autorité de Santé (HAS) pour les établissements des secteurs médico-sociaux et sociaux (ESS et ESMS).

b.   Une déclinaison dans l’ANI du 10 décembre 2020

Surtout, les signataires de l’ANI du 10 décembre 2020 ([119]) ont estimé que l’offre socle que les SPSTI devraient proposer s’appuierait sur un « référentiel d’évaluation pour une certification par tierce partie », portant sur trois éléments :

– l’organisation du service, y compris l’activité des professionnels de santé, la continuité et la réactivité du service, la transparence des flux financiers ;

– l’effectivité des prestations figurant dans l’offre socle de chacun des services ;

– la qualité des services rendus aux entreprises (employeurs, salariés et représentants des salariés) sur la base de données qualitatives.

Le cahier des charges de cette certification serait élaboré paritairement au sein du comité national de prévention et de santé au travail (CNPST), instance du conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), tandis que la certification elle-même serait réalisée par des tierces parties.

Cette procédure ne viendrait toutefois pas remplacer l’agrément administratif, elle viendrait le précéder.

II.   Le dROIT proposÉ : des SPSTI certifiÉs, une offre de services structurÉe entre offre socle et services complÉmentaires

A.   Une partition nouvelle entre offre socle et offre de services complÉmentaires

1.   L’offre socle

Le crée deux nouveaux articles dans le code du travail, dont l’article L. 4622-9-1, qui vise la mise en place de deux nouvelles offres par les SPSTI : une offre socle et une offre de services complémentaire.

● La première s’exerce dans le respect de l’ensemble des missions assignées aux services à l’article L. 4622-2 du code du travail. Elle doit donc viser uniquement l’altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail et comprend nécessairement les missions nouvelles que l’article 4 de la présente proposition de loi leur adjoint ([120]).

Cet « ensemble socle de services obligatoires » se décline ensuite en trois composantes recensées dans l’ANI ([121]) :

– la prévention des risques professionnels ;

– le suivi individuel des travailleurs ;

– la prévention de la désinsertion professionnelle.

Les deux premières missions sont déjà inscrites à l’article L. 4622-2 du code du travail précité, tandis que la troisième sera particulièrement renforcée avec la mise en place d’une cellule de lutte contre la désinsertion professionnelle ([122]).

● Les actions à proposer dans le cadre de cette offre, en vue d’atteindre les trois objectifs, doivent être listées par le CNPST avant d’être approuvées par la voie réglementaire. Ce circuit d’édiction de la norme est cohérent avec le rôle des partenaires sociaux dans la définition d’une politique nationale et régionale de la santé au travail, par le biais du conseil national d’orientation des conditions de travail et de ses déclinaisons régionales. Ce rôle est également inscrit à l’article 25 de la présente proposition de loi.

L’approbation de ces dispositions par la voie réglementaire est toutefois indispensable pour garantir l’application uniforme de ces dispositions tout comme leur opposabilité.

Cette offre socle sera donc accessible à l’ensemble des entreprises adhérentes de manière égalitaire, améliorant d’autant l’accession des petites et très petites entreprises à ces services.

2.   L’offre de services complémentaires

● L’offre socle sera complétée par une offre de services complémentaires, déterminée librement par le service lui-même. Cette offre fera l’objet d’une tarification ad hoc, distincte de celle qui sert de fondement à l’offre socle ([123]). Vos rapporteures rappellent qu’il faudra être attentif à cette distinction, en cohérence avec les recommandations de la mission IGAS à ce sujet. Estimant en effet qu’une distinction entre offre socle et offre complémentaire serait pertinente, la mission rappelait qu’il « conviendrait alors d’exiger a minima la mise en place d’une comptabilité analytique permettant des refacturations au coût réel si des collaborateurs ou moyens du SSTI devaient être mobilisés, la création d’une filiale distincte pour ces activités représentant néanmoins une garantie supérieure de transparence » ([124]).

Cette offre complémentaire aurait vocation à s’adresser aux entreprises engagées dans une démarche de prévention particulièrement poussée ou dont les besoins spécifiques ne pourraient être suffisamment bien pris en compte dans le cadre de l’offre socle.

3.   L’inscription de cette offre dans le schéma actuel

● Le du même article prévoit d’intégrer l’obligation de fournir une offre socle dans l’ensemble des dispositions que doit respecter le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) défini à l’article L. 4622-10 du code du travail.

Ces nouvelles offres devront en effet s’articuler avec :

– les CPOM, décrits ci-dessous ;

– les priorités définies par la commission médico-techniques, dont la mission consiste notamment à formuler des propositions relatives aux priorités du service et aux actions à caractère pluridisciplinaire conduites par ses membres ([125]) ;

– le projet de service pluriannuel du service, préparé là encore au sein de la commission médico-technique ([126]).

Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens

Les CPOM sont des contrats pluriannuels tripartites signés par les SSTI, les Direccte et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Cette signature est précédée d’un avis donné par le groupement régional d’orientation des conditions de travail. Créés par la loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, ces contrats précisent les priorités des services, en vue :

- de mettre en œuvre les priorités d’action du projet de service pluriannuel ;

- de promouvoir les bonnes pratiques de santé au travail et mutualiser les moyens, en vue d’améliorer les services rendus aux plus petites entreprises ;

- d’évaluer les modalités pour cibler le maintien dans l’emploi des salariés et lutter contre la désinsertion professionnelle.

L’élaboration du CPOM devra donc désormais respecter, outre la définition d’une « politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail » ([127]), l’obligation de fournir une offre socle ainsi que l’ensemble des actions qui y seront inscrites.

B.   Une nouvelle procÉdure de certification de la qualitÉ des services

● En cohérence avec les préconisations autant des partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI ([128]) que des précédentes missions consacrées à ce sujet, la proposition de loi prévoit, au du présent article, de doubler la procédure actuelle d’agrément du SPSTI d’une procédure de certification des mêmes services.

Celle-ci suivrait le schéma suivant :

– une accréditation des organismes indépendants certificateurs selon des référentiels et principes définis par le CNPST, puis approuvés par voie réglementaire. Vos rapporteures estiment toutefois que cette première procédure d’accréditation pourrait plutôt rejoindre le droit commun, exposé ci-dessous. Les membres du CNPST pourraient dès lors être plutôt chargés de la définition d’un cahier des charges de certification, permettant de guider concrètement les SPSTI sur la manière d’obtenir la certification ;

La procédure d’accréditation

L’accréditation se distingue de la certification, même si les deux démarches sont éminemment complémentaires. Alors que la seconde permet l’attestation par une tierce partie des produits, processus ou systèmes, la première constitue une attestation de la compétence d’une tierce partie pour réaliser des activités spécifiques d’évaluation de la conformité. Dans la chaîne de conformité, l’accréditation constitue souvent le premier maillon, la certification le second.

Les modalités d’accréditation d’organismes de certification en France ont été fortement centralisées par la loi de 2008 ([129]). Le décret d’application ([130]) prévoit ainsi que le Comité français d’accréditation (COFRAC) est seul habilité à délivrer des certificats d’accréditation aux organismes d’évaluation de la conformité, que cette accréditation soit obligatoire ou non. Cette instance nationale d’accréditation au sens de la loi dispose donc d’un monopole en la matière.

Il existe toutefois des procédures alternatives d’accréditation, notamment dans le domaine de la santé. La Haute Autorité de santé (HAS) a ainsi mis en place des procédures d’accréditation des médecins et des équipes médicales, ainsi que des établissements de santé. Inscrite à l’article L. 1414-3-3 du code de la santé publique, en amont de l’unification des procédures d’accréditation, cette démarche rencontre aujourd’hui un certain succès. Au 15 novembre 2020, la HAS recensait ainsi seize spécialités agréées, 7 600 médecins « actifs dans une démarche d’accréditation » dont 1 300 au sein de 178 équipes médicales.

Cette procédure d’accréditation est toutefois plus proche de la procédure de certification elle-même, puisqu’elle vise à proposer aux médecins et aux équipes médicales de s’engager dans une démarche volontaire de gestion des risques et d’amélioration de la qualité des pratiques professionnelles.

– une procédure de certification elle-même, menée par les organismes indépendants accrédités. Celle-ci pourrait s’appuyer sur des référentiels pour déterminer la compatibilité des actions menées par les SPSTI avec le cahier des charges défini par le CNPST.

● En particulier, cette procédure de certification viserait à qualifier :

– la qualité et l’effectivité des services rendus dans le cadre de l’ensemble socle de services obligatoires. En sus des obligations réglementaires prévues par le nouvel article L. 4622-9-1, ce dispositif permettrait d’apprécier in concreto le caractère effectif des services offerts dans le cadre de l’offre socle, leur fréquence et leur traduction concrète. Cette démarche vise notamment à s’assurer que les petites entreprises sont correctement prises en charge par les SPSTI et à réduire le sentiment d’insatisfaction actuel d’une part importante des entreprises adhérant à un SPSTI ;

– l’organisation et la continuité du service, l’activité effective et les procédures suivies. Le dispositif de certification pourra ainsi s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue des SPSTI et contribuant au partage de bonnes pratiques, y compris dans l’organisation interne et pas uniquement dans les relations avec les entreprises ;

– la gestion financière, la tarification et son évolution. Cette dernière disposition s’inscrit dans une démarche plus large de transparence à l’égard des cotisations prélevées par les SPSTI ([131]). Vos rapporteures ont également fait le constat qu’une part du mécontentement des entreprises adhérentes provient de la méconnaissance des modalités de tarification ainsi que de son évolution ; cette certification ne pourra là encore que renforcer la confiance des adhérents envers le SPSTI.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté de nombreux amendements, exclusivement à l’initiative de vos rapporteures. Outre trois amendements rédactionnels, la commission a ainsi adopté :

– un amendement visant à prévoir un décret supplétif en cas de carence du comité national de prévention et de santé au travail dans la définition de la liste et des modalités de l’offre socle de services ;

– un amendement visant à préciser que l’offre complémentaire que peuvent fournir les SPSTI était facultative ;

– un amendement visant à élever au niveau législatif du code du travail la procédure d’agrément à laquelle l’ensemble des services de prévention et de santé au travail sont soumis, en cohérence avec les préconisations du Conseil d’État dans son avis rendu au sujet de la présente proposition de loi. Cet amendement permet également de prévoir les modalités d’articulation entre l’agrément et la nouvelle procédure de certification, en indiquant que l’agrément tient compte des résultats obtenus par le SPSTI en matière de certification, au moment de son renouvellement, en application du même avis. Il prévoit enfin une durée de l’agrément et des modalités de sanction comparables à celles qui existent actuellement en vertu des dispositions règlementaires du code du travail ;

– deux amendements d’amélioration du dispositif de certification. Le premier précise qu’elle doit porter sur la qualité des procédures suivies, tandis que le second ajoute un nouveau critère de certification, à savoir la conformité du traitement des données personnelles au règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 et à la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

– un amendement modifiant le rôle du CNPST au regard de la procédure de certification. Cet amendement substitue en premier lieu l’élaboration du cahier des charges de la certification à l’accréditation, qui sera mise en œuvre selon les modalités de droit commun. En second lieu, conformément aux recommandations du Conseil d’État qui identifiait en la matière une fragilité au regard de la Constitution, cet amendement confie cette élaboration au pouvoir réglementaire, selon une procédure de décret après avis du comité.

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Article 9
Modification de la tarification des services de prévention et de santé au travail interentreprises

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article prévoit de nouvelles modalités de tarification pour les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). Alors que les services autonomes pourront continuer de répartir leurs frais proportionnellement au nombre de salariés, les services interentreprises basculeront dans une double tarification. Les services de leur offre socle continueront d’être fournis sur la base d’une cotisation proportionnelle au nombre des travailleurs qu’ils suivent dans l’ensemble des entreprises adhérentes.

Les services complémentaires ou l’offre de services spécifique, offerte aux travailleurs indépendants, seront tarifés sur la base d’une grille.

Alors qu’elle souffre aujourd’hui du reproche d’être trop peu transparente, la tarification et ses nouvelles modalités feront l’objet d’une approbation explicite de l’assemblée générale du SPSTI.

 

I.   Le système actuel de tarification des SSTI a fait la preuve de sa simplicité mais n’est pas satisfaisant pour une grande part des entreprises adhérentes

A.   Le principe d’une contribution des entreprises per capita régi actuellement par la loi comme par la jurisprudence

1.   Le code du travail prévoit une tarification directement dépendante du nombre de salariés

L’ANI ([132]) du 10 décembre 2020 l’a rappelé : dans le financement global de la politique de santé au travail, le financement des services de santé au travail interentreprises (SSTI) représente environ 10 %, soit 1,5 milliard d’euros contre 13,5 milliards concernant les cotisations « employeurs » à la branche AT‑MP et 2 milliards d’euros pour la formation à la santé au travail. Si ce financement est donc loin d’être négligeable, ses modalités concrètes n’emportent pas l’adhésion de la majorité des entreprises adhérentes.

La tarification qui régit actuellement la contribution des entreprises au fonctionnement des SSTI fonctionne sur une base per capita, en application de l’article L. 4622-6 du code du travail. Cette répartition des frais entre les différentes entreprises, introduite dès la loi de 1946 relative à la médecine du travail ([133]), a été confirmée depuis 1973 par chacune des lois relatives à la modernisation de la santé au travail.

2.   Cette disposition a été rappelée par la jurisprudence pour faire face à des pratiques contra legem

Les SSTI se sont toutefois, pour une large partie d’entre eux, progressivement écartés d’une application stricte du principe légal, au profit de cotisations assises sur la masse salariale. Le but affiché d’une telle pratique était d’éviter que l’offre proposée par le service ne soit comprise que comme un suivi individuel de chaque salarié, mais comme un ensemble de pratiques destinées à la prévention collective. Mais cette pratique s’est étendue à la moitié des SSTI à la fin des années 2000 ([134]).

 Le législateur s’est attaché à rappeler ([135]) que le montant de la cotisation, s’il s’imputait bien en fonction du nombre de salariés, couvrait l’ensemble des services fournis par le SSTI. Ces dispositions ont été confirmées par la circulaire d’application ([136]), qui appelait l’ensemble des services à se mettre en accord avec la loi.

Le juge administratif a confirmé la validité de cette circulaire et rappelé que ces dispositions ([137]), qui « visent à garantir un mode de répartition des frais indépendant des prestations effectivement réalisées par les services de santé au travail interentreprises », étaient d’ordre public et assorties d’un régime de sanction prévu à l’article L. 4745-1 du code du travail.

● La Cour de cassation, quant à elle, a estimé que le principe de calcul d’une cotisation proportionnelle au nombre de salariés était « le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises est la répartition par salarié équivalent temps plein ». Mais elle a nuancé ce rappel au principe de la tarification per capita par deux considérations d’ordre pratique :

– elle précise en premier lieu que cette fixation en fonction d’un « équivalent temps plein » suppose que les salariés à temps partiel doivent être pris en compte au prorata de leur temps de travail, en application du mode de calcul usuel défini à l’article L. 1111-2 du code du travail ;

– elle admet par ailleurs que le calcul des frais puisse intégrer un coefficient de pondération en fonction du nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée, énumérés par décret ([138]) – il s’agit avant tout des travailleurs affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé, leur sécurité, celles de leurs collègues ou de personnes évoluant dans un environnement immédiat. Cette liste est transmise par l’employeur au SSTI ([139]) afin que ces derniers puissent leur consacrer efficacement les mesures de suivi renforcé.

Cette pondération ainsi que le maintien de grandes disparités dans l’imputation des cotisations par les SSTI justifient pleinement une évolution des modes de tarification.

B.   Les modalités actuelles de tarification sont aujourd’hui critiquées en raison de leur hétérogénéité comme de leur relative obscurité

1.   Un mode de financement simple et global

Le mode de financement actuel présente de nombreux avantages. Alors qu’elle est estimée en moyenne à 100 euros par an et par salarié, elle ne comprend pas uniquement la consultation médicale, mais l’ensemble des visites qui peuvent être nécessités par un salarié ainsi que les actions collectives au sein de l’entreprise en faveur du maintien dans l’emploi.

Les avantages pour les SSTI eux-mêmes ne doivent pas être négligés. En effet, le fonctionnement de ces cotisations de manière proportionnelle permet une plus grande prévisibilité des produits et des charges, d’autant qu’ils se lissent d’eux‑mêmes. L’augmentation du nombre de salariés suivi se traduit en effet nécessairement par un accroissement des recettes, augmentées encore par les économies d’échelle dont elles peuvent bénéficier. Les SSTI bénéficient enfin de la possibilité d’ajuster eux-mêmes leur niveau de ressources, en raison notamment de leur situation fréquente d’exclusivité territoriale, uniquement en fonction de l’évolution de l’activité économique et du nombre d’entreprises établies et adhérentes.

Cette lisibilité doit toutefois tenir compte d’exceptions, outre la pratique des SSTI décrite ci-dessus. En effet, des catégories professionnelles comme les mannequins, les intermittents du spectacle ou les journalistes professionnels rémunérés à la pige voient désormais leur cotisation déterminée en fonction de la masse salariale, pour prévenir les effets potentiellement délétères de la seule considération d’une cotisation par salarié ([140]).

2.   Une hétérogénéité des pratiques qui entraîne un sentiment d’inadéquation entre la contribution des entreprises et les prestations servies

Les critiques relatives à ces cotisations, outre l’inadéquation entre leur montant et le service rendu, relèvent également de leur forte hétérogénéité. Les SSTI pratiquent en effet des coûts moyens qui peuvent varier de 70 à 160 euros par an et par salarié. Ces écarts paraissent difficilement justifiables, si ce n’est par leur permanence historique. Par ailleurs, les SSTI sont normalement dans une situation concurrentielle les uns par rapport aux autres, mais un certain nombre d’entre eux peuvent bénéficier d’une situation de quasi-monopole sur leur territoire, ce qui ne plaide pas en faveur d’une diminution des coûts. Bien que l’IGAS comme la Cour des comptes n’aient pas voulu « objectiver » le ressenti d’un certain nombre d’adhérents aux SSTI quant au caractère particulièrement élevé du montant des cotisations, cette dernière avait pu établir dans son rapport de 2012 ([141]) l’aisance financière des services.

Cette situation contraste avec les retours des entreprises adhérentes, puisque les questionnaires envoyés par la mission de l’IGAS de 2020 ([142]), ont fait apparaître des manques, notamment en matière de coût des cotisations et de réactivité des SSTI. Ainsi, pour l’ensemble des SSTI, 54 % des entreprises qui ont répondu au questionnaire estiment que le montant des cotisations n’est pas justifié au regard des services rendus, ce taux variant entre 39 % et 70 % selon les SSTI concernés.

3.   Une hétérogénéité territoriale qui ne permet pas toujours aux entreprises de pouvoir choisir leur SSTI

Les différences dans l’appréciation de la qualité de la procédure de tarification sont d’autant plus cruciales que les entreprises sont souvent dans l’incapacité de choisir leur SSTI, indépendamment de ses modalités de facturation.

L’hétérogénéité territoriale des SSTI est à ce titre frappante. Alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes comprenait trente‑trois SSTI, la Corse n’en recensait que deux sur l’ensemble de son territoire, comme La Réunion, tandis qu’il n’y en a qu’un à Mayotte ([143]).

 

Dans tous les cas, les SSTI exercent leur activité en exclusivité sur leur territoire, sans laisser aux entreprises un choix dans leur SSTI d’implantation, à quelques exceptions près que sont l’Île-de-France, les métropoles lyonnaise et strasbourgeoise, l’agglomération de Colmar, les Bouches-du-Rhône ou encore les Pyrénées-Atlantiques.

C.   La structuration des services des SPSTI entre une offre socle et une offre complémentaire devrait s’appuyer sur des modalités différenciées de tarification

Si de nombreux rapports récents s’attachent à distinguer un ensemble socle de services que pourraient proposer les SSTI et une offre complémentaire facultative, cette dualité se double généralement d’une distinction dans les voies de financement.

Ainsi, le rapport de votre rapporteure Charlotte Lecocq proposait un « socle de base d’offre de service [qui ferait] l’objet d’une contribution de la part de l’ensemble des entreprises » et, en complément, des prestations spécifiques faisant « l’objet d’une facturation complémentaire à l’entreprise » ([144]).

De même, la mission de l’IGAS précitée distingue offre socle et services complémentaires également en fonction de leur différence de financement : « Dans un contexte où l’hétérogénéité domine en termes de prestations réalisées et dans le but d’accroître la qualité globale et individuelle du service rendu, la mission propose qu’un socle de prestations de base assurées par tous les SSTI soit défini en contrepartie de la cotisation, des prestations complémentaires pouvant être facturées aux entreprises de manière distincte, dans des conditions encadrées » ([145]).

De la même manière, les signataires de l’ANI du 10 décembre dernier ont prévu que l’existence d’une offre socle et de services complémentaires soit associée à une tarification spécifique à chacune des dispositions. Il est ainsi que soit prévue la possibilité pour les SPSTI de fournir, pour les entreprises qui le souhaitent, des « prestations complémentaires au-delà du socle » dont le coût serait déterminé dans un cadre certifié ([146]).

II.   Le DROIT proposÉ : une tarification plus responsable et plus transparente

a. Une tarification cohérente avec la dualité d’offres des SPSTI

● En cohérence avec l’article 8 de la présente proposition de loi répartissant les actions proposées par les SPSTI entre une offre socle obligatoire et des services complémentaires facultatifs, le du présent article modifie les modalités actuelles de répartition des frais liés aux dépenses d’un SSTI, inscrites à l’article L. 4622-6 du code du travail.

À cette fin, il prévoit que la répartition actuelle d’une répartition proportionnelle au nombre de salariés soit conservée pour les services de santé au travail communs à plusieurs établissements ou à plusieurs entreprises, à condition pour ces dernières de constituer une unité économique et sociale ([147]).

● S’agissant des SPSTI, le même article prévoit que l’offre socle de services obligatoires fait l’objet d’une « cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs suivis ». Cette tarification sous forme de cotisation reprend les modalités actuelles, mais en étend le bénéfice aux frais concernant l’ensemble des travailleurs suivis ([148]). Cette définition est plus large que le droit actuel, qui restreint la prise en charge aux seuls salariés. Cet élargissement ne remet toutefois pas en cause la répartition proportionnelle des cotisations en fonction du nombre de personnes bénéficiaires des prestations du SSTI.

Cette offre socle peut être complétée :

– d’une offre de services complémentaires mentionnée à l’article L. 4622‑9‑1 créé à l’article 8 de la présente proposition de loi ;

– d’une offre spécifique de services prévue au nouvel article L. 4621-2-1 du code du travail, créé par l’article 17 de la proposition de loi. Cette offre est dirigée vers les travailleurs indépendants suivis par un SPST.

Ces deux types de prestations feront l’objet de modalités identiques de tarification, à savoir une facturation sur la base d’une grille tarifaire librement déterminée par chaque SPSTI.

B. Une tarification plus transparente

En cohérence avec l’ensemble des dispositions de la proposition de loi visant à améliorer la transparence de la tarification proposée par les SPSTI, le prévoit également que l’assemblée générale du SPSTI approuve le barème des cotisations comme la grille tarifaire. Cette assemblée générale, dont sont dotés les SPSTI au même titre que l’ensemble des associations « loi 1901 », rassemble l’ensemble des adhérents. Elle a donc naturellement un rôle crucial dans la détermination de l’évolution des prestations et des cotisations.

Ce mécanisme d’approbation assurera la pleine connaissance et appropriation des modalités de tarification par les adhérents, sous réserve qu’ils souhaitent s’en saisir en participant aux assemblées générales.

III.   Les modifications apportées par la commission

À l’initiative de vos rapporteures, la commission a adopté deux amendements :

– le premier substitue la notion de montant des cotisations à celle de barème, qui est plus cohérente avec le fonctionnement concret des SPSTI ;

– le second modifie les conditions d’approbation de ce même montant des cotisations. Il substitue à l’approbation par l’assemblée générale du SPSTI une approbation par le conseil d’administration ainsi qu’une procédure d’information de l’assemblée générale.

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Article 10
Renforcement de la transparence des documents produits par les services de prévention et de santé au travail interentreprises

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à renforcer la transparence des informations produites par les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) à destination de leurs adhérents ou futurs adhérents, par le biais de la communication et de la mise à disposition du public d’un ensemble de neuf types de documents.

Ces derniers traitent autant de l’activité passée (rapport annuel d’activité, résultat de la dernière procédure de certification) que des actions menées ou envisagées par le SPSTI (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, projet de service pluriannuel, indicateurs de l’activité) ainsi que des nouvelles obligations qui s’imposent à eux en vertu de cette proposition de loi (ensemble socle de services obligatoires, offre de services complémentaires, barème de cotisations et grille tarifaire afférentes à ces offres).

 

I.   Un déficit d’information des entreprises adhérentes à des SSTI

A.   Les SSTI sont déjà soumis à un certain nombre d’obligations en matière de transparence et de communication des documents

Si un effort important a été entrepris par les SSTI pour clarifier et mieux communiquer au sujet de leur offre de services, les retours issus des questionnaires envoyés par la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2020 ([149]) témoignent de la permanence d’une certaine forme d’ambiguïté quant aux services que ces SSTI peuvent fournir. Cette méconnaissance augmente d’autant plus que les entreprises sont de petite taille. Vos rapporteures soulignent les pratiques positives développées par un certain nombre de SSTI, qu’il s’agisse de projets internes au service qui servent également d’engagements auprès des entreprises adhérentes ou de réalisation de kits d’accueil des entreprises, intégrant certains documents présentant le service.

Les SSTI sont par ailleurs déjà soumis à un certain nombre d’obligations de transparence. En particulier, leur caractère d’organismes à but non lucratif, mais exerçant une activité lucrative, suppose une certaine transparence en matière de rémunération des dirigeants de ces services, en fixant les modalités de cette rémunération dans les statuts de l’association.

B.   Le régime actuel d’établissement et de communication des documents du SSTI

1.   Les obligations documentaires

Comme toute association « loi 1901 » ([150]), les SSTI disposent de statuts qui régulent les « droits et obligations réciproques du service de santé au travail interentreprises et de [leurs] adhérents » ([151]). Ces statuts sont toutefois soumis à un régime particulier en raison des liens fonctionnels qui les attachent aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Toute modification des statuts doit ainsi être communiquée à ces directions sous trois mois ([152]).

Outre les statuts, les obligations documentaires internes qui s’imposent aux SPSTI concernent l’élaboration :

– du projet de service pluriannuel. Celui-ci définit au sein de la commission médico-technique les priorités d’action du service dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ([153]). Soumis à l’approbation du conseil d’administration, ce projet dirige l’action de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail ;

– du rapport annuel d’activité. Ce rapport constitue la synthèse annuelle établie par le directeur du SSTI et vise à rendre compte des actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel, de la réalisation des actions sur le milieu de travail et des actions menées pour assurer le suivi individuel de la santé des salariés, notamment à partir du rapport annuel établi par chaque médecin du travail pour les entreprises dont il a la charge ([154]).

Il revient enfin aux SPSTI de signer un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), dont les modalités sont définies à l’article L. 4622-10 du code du travail ([155]).

2.   Les modalités actuelles de communication des documents

Les statuts des SPSTI doivent être communiqués au moment de la demande d’adhésion d’une entreprise, avec le règlement intérieur, ainsi que la grille des cotisations du service de santé au travail interentreprises et un document détaillant les contreparties individualisées de l’adhésion ([156]).

Les documents internes sont également soumis à un régime de communication spécifique. Ainsi, le rapport annuel d’activité est présenté par le président du SPSTI ou par l’employeur, soit au comité social et économique (CSE) soit au comité interentreprises ou à la commission de contrôle et au conseil d’administration. Cette présentation doit intervenir dans le premier tiers de l’année suivant celle pour laquelle il a été établi ([157]).

S’agissant de documents « externes » comme le CPOM, l’article L. 4622‑10 prévoit la consultation, dans le cadre d’une procédure d’avis simple, des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé. Ces contrats, actuellement rendus publics, ne font pas nécessairement l’objet d’un envoi spécifique aux adhérents des SST.

II.   Le DROIT proposÉ : assurer la meilleure compRÉhension possible par les entreprises adHÉrentes des services propoSÉs par les SPSTI

Le présent article prévoit des modalités harmonisées, dans la loi, de communication et de mise à disposition du public, par le SPSTI selon les modalités qu’il entend mettre en œuvre, d’un corpus de documents dont certains étaient déjà prévus au niveau réglementaire et d’autres sont créés par la présente proposition de loi.

● Au titre des premiers, le nouvel article L. 4622-16-1 du code du travail prévoit que le SPSTI rend publics et communique à ses adhérents, ainsi qu’au comité régional de prévention et de santé au travail ([158]) :

– les statuts ;

– le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Celui-ci, actuellement susceptible de faire l’objet d’une publicité notamment par les Direccte, sera également envoyé aux adhérents ;

– le projet de service pluriannuel ;

– le dernier rapport annuel d’activité.

● Au titre des seconds, les mêmes modalités de communication sont applicables :

– au résultat de la dernière procédure de certification. Cette procédure obligatoire pour chaque SPSTI est désormais prévue à l’article L. 4622-9-2 du code du travail. La communication de ces résultats aux adhérents permettra aux adhérents de situer la conformité de leur service au regard des référentiels construits par les partenaires sociaux ;

– l’ensemble socle de services obligatoires. La bonne connaissance des services auxquels ils peuvent prétendre est indispensable pour que les entreprises adhérentes, et notamment les plus petites d’entre elles, puissent faire valoir les droits qu’elles tirent de leur adhésion au SPSTI ;

– l’offre de services complémentaires facultative se composant de prestations offertes sur la base d’une tarification propre ;

– les indicateurs de l’activité du SPSTI, dont la typologie des travailleurs suivis en fonction de leur statut ;

– les modalités de tarification des services obligatoires de l’offre socle et la grille tarifaire applicable à l’offre complémentaire, ainsi que leur évolution. L’idée commune à cette disposition comme à la certification de ces mêmes items à l’article 8 de la proposition de loi vise à garantir la compréhension par les entreprises adhérentes des modalités de tarification. Dès lors, si un surcroît d’activité peut découler de la définition d’une offre socle comprenant un grand nombre de prestations, l’évolution de la tarification afférente devrait être justifiée auprès des adhérents.

Vos rapporteures estiment que cette transparence accrue, au bénéfice des adhérents des SPSTI, doit également leur permettre d’être partie prenante dans la gouvernance des services, notamment au sein des assemblées générales.

III.   Les modifications apportées par la commission

Outre deux amendements rédactionnels à l’initiative de vos rapporteures, la commission a adopté un amendement de Mme Catherine Fabre et ses collègues du groupe La République en Marche, destiné à préciser que le rapport annuel d’activité publié dans le cadre du présent article comporte des données relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cette formulation présente l’avantage d’être plus étoffée que celle qui était antérieurement inscrite à l’article L. 4624-1 du code du travail, selon laquelle le rapport présentait les données par sexe.

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Article 11
Permettre aux professionnels de santé des services de prévention et de santé au travail d’accéder au dossier médical partagé

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à permettre aux professionnels de santé travaillant dans les services de prévention et de santé au travail, qui sont en charge, à ce titre, de l’état de santé des travailleurs, d’accéder au dossier médical partagé (DMP) du travailleur. Cet accès permettra aux médecins du travail de disposer de la meilleure information possible au sujet de l’état de santé du patient et donc de mener au mieux les missions de suivi individuel des travailleurs et d’évaluation de l’adéquation entre le poste et le travailleur, dans le respect du secret professionnel qui s’impose déjà à ses activités.

 

I.   L’impossibilité actuelle pour le médecin du travail d’avoir accès au dossier médical partagé témoigne de la frontière qui sépare santé publique et santé au travail

A.   La césure entre santé au travail et santé publique est un obstacle au développement d’un véritable suivi de l’état de santé des travailleurs

1.   Des origines différenciées

L’un des principaux obstacles à la mise en œuvre d’une politique efficace de prévention et d’amélioration de la santé au travail demeure la césure entre santé publique et santé au travail. Cette séparation tient d’abord à des raisons historiques, les deux secteurs s’étant construits séparément. Alors que la médecine du travail est née de la loi de 1946 ([159]), la santé publique a connu des évolutions propres et récentes.

L’organisation de la médecine du travail a subi une rénovation importante, en raison – déjà – des problèmes démographiques de la profession. En 2002, la loi de modernisation sociale ([160]) aboutissait notamment à renforcer la protection statutaire des médecins du travail et créait une procédure de reconversion pour les médecins généralistes, afin de faire face à la pénurie. Mais ni cette loi, ni les lois suivantes de réforme de la médecine du travail ([161]) n’ont réorienté de manière tout à fait satisfaisante la santé au travail dans le sens de la prévention.

À l’inverse, la prévention comme politique de santé publique est une des dernières nées en France, apparaissant véritablement en 2004 ([162]).

2.   Une attention au décloisonnement entre santé publique et santé au travail récemment renforcée

● Dans son volet relatif à la santé au travail, la stratégie nationale de santé 2018-2022 prend en compte la nécessité de faire travailler ensemble médecins de ville et médecins du travail sur la base du dossier médical partagé, en proposant de développer l’utilisation du volet professionnel du DMP, mais aussi de :

– mieux intégrer les SST dans le parcours de santé ;

– renforcer la prise en compte de la prévention des risques professionnels dans la formation des futurs salariés et dirigeants des entreprises.

Cette stratégie s’inscrit ainsi clairement dans la volonté de « mettre en place une politique globale de santé et de qualité de vie au travail dans l’ensemble des milieux professionnels publics et privés et renforcer le rôle de coordination des services de santé au travail ».

La coordination entre santé publique et santé au travail fait partie par ailleurs du troisième Plan « Santé au travail » sur la période 2016-2020 et plus précisément de son sixième objectif « Transversalité santé travail – santé publique ».

B.   Le DMP : un outil pour assurer la continuité du suivi du patient

1.   L’hébergement des données de santé

Créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, le dossier médical personnel, devenu en 2016 ([163]) le dossier médical partagé (DMP), a fait l’objet dès sa création d’une attention particulière quant aux personnes susceptibles d’y avoir accès.

● En effet, le dossier comprend des données de santé à caractère personnel, propres à chaque bénéficiaire de l’assurance maladie, destinées à favoriser des objectifs de santé publique comme la prévention, mais aussi d’organisation du parcours de soins et de préservation de la continuité des soins. Ces données comprennent notamment les « éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge » mais aussi les principaux éléments relatifs à un séjour dans un établissement de santé ([164]). Mais le DMP peut également comporter des éléments relatifs au don d’organes ou de tissus, aux directives anticipées ou encore aux personnes qui remplissent auprès du titulaire du dossier la qualité de proches aidants ou de proches aidés.

● Le DMP sera par ailleurs automatiquement intégré, à sa création, à l’espace numérique de santé. Celui-ci, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2022 ([165]), permettra à chaque titulaire, après son ouverture automatique, d’accéder à :

– ses données administratives ;

– son DMP ;

– ses « constantes de santé », produites le cas échéant par des services ou outils numériques, sous condition, notamment, de respect de normes éthiques et de référentiels d’interopérabilité et de sécurité élaborés par l’Agence du numérique en santé ([166]) ;

– l’ensemble des données relatives au remboursement de ses données de santé ;

– une messagerie sécurisée permettant à son titulaire d’échanger avec les professionnels et établissements de santé et des outils permettant d’accéder à des services de télésanté ;

– un ensemble de services numériques, dont notamment des services développés pour favoriser la prévention et fluidifier les parcours, les services de retour à domicile, les services procurant une aide à l’orientation et à l’évaluation de la qualité des soins, les services visant à informer les usagers sur l’offre de soins et sur les droits auxquels ils peuvent prétendre.

2.   Un accès restreint à des données sensibles

a.   Les restrictions d’accès

Compte tenu de la sensibilité des données, leur accès est très encadré. Le DMP est avant tout destiné au médecin traitant, sur lequel repose une obligation d’alimentation annuelle du DMP dès lors que celui-ci est ouvert ([167]).

● Ce dossier est également ouvert aux professionnels de santé appartenant ou réputés appartenir à une équipe de soins, dans le cadre de la médecine de ville comme au sein des établissements de santé, puisque, « à l’occasion du séjour d’une personne prise en charge, les professionnels de santé habilités des établissements de santé doivent reporter dans le dossier médical partagé, dans le respect des obligations définies par la Haute Autorité de santé, un résumé des principaux éléments relatifs à ce séjour » ([168]).

Les matrices d’habilitation suivantes, élaborées sous l’égide de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), structurent les catégories de données accessibles aux différents professionnels de santé.

 

● Outre cette matrice générale, dont le principe est l’accès strict aux seules données nécessaires à la prise en charge du patient, peuvent également avoir accès au DMP, autant pour en lire le contenu que pour l’alimenter :

– le médecin coordinateur d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sous réserve de l’accord du patient ;

– le médecin régulateur du centre de réception et de régulation des appels d’aide médicale urgente, sauf opposition expresse manifestée auparavant par le patient ;

– les médecins de la protection maternelle et infantile.

Le dossier est évidemment accessible à son titulaire, par voie électronique, tandis que, en cas de décès, les ayants droit, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité peuvent solliciter l’accès au dossier.

● Cet accès est en revanche interdit « lors de la conclusion d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé et à l’occasion de la conclusion de tout autre contrat exigeant l’évaluation de l’état de santé d’une des parties » ([169]) afin bien sûr d’éviter que les organismes complémentaires ne puissent adapter leur contrat au contenu du dossier. Seule autre mention d’une interdiction explicite, à ce stade, le DMP n’est également pas accessible dans le cadre de la médecine du travail.

L’accès au DMP par des personnes qui ne sont pas habilitées par les dispositions ci-dessus est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, en application du droit commun de l’atteinte au secret professionnel ([170]).

b.   Le contenu du DMP

Si le contenu du dossier lui-même peut varier en fonction de l’appréciation des professionnels de santé quant à l’utilité de partager telle ou telle donnée susceptible d’améliorer la prise en charge du titulaire, le contenu de celui-ci est défini par voie réglementaire ([171]). Il contient notamment :

– les données « relatives à la prévention, à l’état de santé et au suivi social et médico-social que les professionnels de santé estiment devoir être partagées dans le dossier médical partagé, afin de servir la coordination, la qualité et la continuité des soins, y compris en urgence », parmi lesquelles on compte notamment « l’état des vaccinations, les synthèses médicales, les comptes rendus de biologie médicale, d’examens d’imagerie médicale, d’actes diagnostiques et thérapeutiques » ainsi que « les traitements prescrits » ([172]). Ce sont là autant d’informations qui seraient particulièrement utiles à connaître pour les médecins du travail en charge du suivi de l’état de santé du travailleur ;

– les données relatives à la dispensation de médicaments ou encore à l’identité et aux coordonnées du médecin traitant, qui peuvent contribuer là aussi à l’amélioration de l’action du médecin du travail, en coordination avec l’équipe de soins.

3.   Des modalités de consentement adaptées à la sensibilité des données contenues dans le DMP

Le consentement que les titulaires des DMP doivent pouvoir exprimer intervient à différentes étapes et dans différents contextes. L’ensemble doit permettre de s’assurer que le titulaire maîtrise le domaine des données partagées comme l’accès différencié des professionnels de santé.

● Le consentement exprès et éclairé de la personne est d’abord recueilli au stade de la création du DMP ([173]) ainsi que lors de son intégration automatique à l’espace numérique de santé lorsqu’il est déjà ouvert. La réitération de son opposition à l’intégration du DMP de la part de son titulaire entraîne par ailleurs la clôture du dossier.

Ce consentement exprès et éclairé suppose notamment que le titulaire soit « informé des finalités du dossier médical partagé ainsi que de ses modalités de création, de clôture et de destruction [...], de ses modalités d’accès par lui-même et par les professionnels de santé appelés à le prendre en charge au sein d’une équipe de soins ou en dehors de celle-ci, de ses droits sur les données contenues et des droits particuliers dont bénéficie son médecin traitant » ([174]).

● Le titulaire peut toutefois retirer son consentement à tout moment, en décidant de clôturer son dossier médical directement ([175]). S’agissant des droits du titulaire sur le contenu de son dossier, ceux-ci s’exercent en tenant compte de différents niveaux de contrainte :

– s’agissant de l’alimentation du DMP par les professionnels de santé auxquels le titulaire a donné son consentement, celle-ci ne peut faire l’objet d’une opposition du titulaire par la suite sauf motif légitime ;

– s’agissant du droit de rectification des informations contenues dans son DMP, celui-ci s’exerce, dans le cadre du droit général de modification des informations numériques ([176]), auprès des professionnels de santé, de l’auteur de l’information à rectifier ou auprès de la CNAM dans les conditions qu’elle a définies ;

– enfin, et surtout, le titulaire peut s’opposer à ce que certaines informations contenues dans son DMP soient accessibles aux professionnels de santé autorisés à accéder à son dossier ([177]), décision qui est susceptible de modification par le titulaire à tout moment. Les informations déposées par le professionnel de santé lui-même lui restent toutefois accessibles. Le titulaire peut même indiquer dans son DMP l’identité des professionnels de santé auxquels il entend interdire l’accès à son dossier, liste qui peut être modifiée à tout moment par le ses soins ([178]).

● S’agissant des équipes de soins, les informations partagées au sein du DMP suivent les principes définis à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, à savoir :

– le partage d’informations au sein de la même équipe de soins, sous réserve que ce partage soit strictement nécessaire à la coordination, à la continuité des soins ou à son suivi médico-social ou social ;

– lorsque le partage de ces mêmes informations doit se faire avec des professionnels qui ne sont pas partie de cette équipe de soins, celui-ci est soumis au consentement préalable de la personne, recueilli par tous moyens. À cet effet, « le titulaire est informé des raisons qui motivent le recueil de son consentement et des règles qui s’appliquent à la consultation de son dossier médical partagé par le professionnel de santé concerné » ([179]).

● Le droit d’opposition à l’accès des informations contenues dans le DMP par le titulaire peut enfin s’exprimer dans des conditions particulières. Il peut ainsi s’opposer à sa consultation dans des situations d’urgence ([180]).

Le titulaire du DMP a enfin connaissance de l’ensemble des actions réalisées sur son dossier par le biais de la conservation des traces numériques dans le dossier concernant notamment la date, l’heure et l’identité de la personne qui a modifié ou alimenté son DMP. Ces traces sont également accessibles au médecin traitant ainsi qu’aux autres professionnels de santé auxquels le titulaire a conféré les mêmes droits d’accès que le médecin traitant.

C.   La nécessité pour le médecin du travail d’accéder au DMP est progressivement reconnue

1.   Le DMP connaît une phase de développement accru

Après de nombreux « déboires » initiaux de développement, recensés par la Cour des comptes ([181]), le dossier médical partagé tel qu’il a été reformaté en 2016 connaît une phase de développement importante.

● La convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la CNAM pour 2018 à 2022, comme l’accord-cadre interprofessionnel signé en octobre 2018 entre l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) et la CNAM, fixent un objectif de généralisation du DMP en cinq ans, avec une cible chiffrée : 40 millions de DMP ouverts d’ici 2022. À ce jour, un quart de cet objectif a été atteint : 9,3 millions de DMP ont été ouverts ([182]).

Sur une année, de décembre 2018 à décembre 2019, la CNAM a constaté que les documents ont été versés par les acteurs suivants :

– 47,8 % des documents ont été intégrés par les patients ;

– 36,5 % des documents par les établissements ;

– 11,5 % par les professionnels de santé libéraux ;

– 4,3 % par d’autres structures.

Lors de l’un des derniers points de la CNAM à ce sujet ([183]), à la fin du mois de décembre 2019, elle estimait que plus de 8,2 millions de Français disposaient d’un DMP, soit 12,3 % de la population. Au lancement du service en novembre 2018, ils étaient environ 1,9 million. Plus de 6 millions de DMP ont été créés en l’espace d’un an. 9,7 % des patients alimentent leur DMP. 20 % des médecins les alimentent (contre moins de 1 % en 2018) et 46 % des médecins les consultent (contre moins de 1 % en 2018).

Au 9 août 2020, enfin, sur le seul territoire de l’Île-de-France, 12 % des Franciliens possédaient un DMP ouvert, contre 14 % au niveau national.

● Cette appropriation progressive de l’outil est avant tout celle des patients, comme le montrent les modalités d’alimentation des DMP. Mais la montée en charge d’un outil susceptible d’être à la fois un centre unique d’accès de ses données en santé par son titulaire comme un dispositif adéquat de partage d’informations entre l’ensemble des professionnels de santé qui contribuent au suivi de ce même titulaire ont alimenté les réflexions sur la place de la santé au travail au sein de ce dispositif.

2.   Le médecin du travail est soumis à des obligations en matière de respect du secret médical et professionnel

Le régime auquel sont soumises les informations que détiennent le médecin du travail et les professionnels de santé travaillant sous son autorité dans les services de santé au travail permet d’empêcher toute communication de ces informations à des tiers, à commencer par l’employeur.

● En effet, le médecin du travail est tout autant soumis au secret médical que l’ensemble des autres professions de santé. Il entre à ce titre dans le champ de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui protège le droit du patient au respect de sa vie privée et au secret des informations le concernant. Ces informations concernent « l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel » et ce secret s’impose « à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ».

La violation de ces dispositions, notamment le fait d’obtenir ou de tente d’obtenir la communication de telles informations est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ([184]).

● S’agissant de sa relation avec l’employeur ou sa hiérarchie au sein d’un service de santé au travail, le fait d’être salarié n’enlève rien à cette obligation, comme le rappelle l’article R. 4127-95 du code de la santé publique : « le fait pour un médecin d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à un autre médecin, une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n’enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance de ses décisions ».

Ainsi, « en aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part du médecin, de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie ». Cette disposition, qui figure dans le code de déontologie médicale, empêche actuellement le médecin du travail d’être entravé par sa relation avec son employeur dans l’exercice de son art ou la conservation du secret qui l’engage auprès du travailleur. Comme tout professionnel de santé, « il doit toujours agir, en priorité, dans l’intérêt de la santé publique et dans l’intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce » ([185]).

L’exercice concret de l’activité du médecin du travail suppose nécessairement la communication d’éléments à l’employeur, en vue de lui permettre notamment d’adapter le poste à l’état de santé du travailleur. Il est ainsi de jurisprudence constante que le « médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu’il rédige à l’issue des visites médicales de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l’employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d’un éventuel reclassement dans l’entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications. Une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en œuvre dans le respect du secret médical. » ([186]) Les éléments destinés à informer l’employeur peuvent donc comporter des recommandations et contre-indications pour telle ou telle pratique professionnelle, mais ils ne peuvent comporter d’informations sur les faits générateurs de la dégradation de la santé du travailleur.

La violation de ces dispositions peut donc engager non seulement le médecin du travail, mais aussi l’employeur, comme en atteste la jurisprudence récente de la Cour de cassation, selon laquelle, en particulier « commet une faute l’employeur qui fait établir et produit en justice une attestation du médecin du travail comportant des éléments tirés du dossier médical du salarié, hormis les informations que le médecin du travail est légalement tenu de communiquer à l’employeur » ([187]).

Vos rapporteures estiment donc que l’accès des professionnels de santé des services de santé au travail, soumis aux mêmes exigences de secret médical concernant les données des travailleurs que les autres professionnels de santé, au DMP n’est pas de nature à compromettre d’une quelconque manière la confidentialité de ces données de santé.

3.   Dans ce cadre, de nombreuses propositions récentes plaident pour un rapprochement par ce biais entre médecins de ville et médecins du travail

Les réflexions, qui sont rappelées ici, ne visent pas toutes l’objectif du présent article, à savoir ouvrir le DMP aux médecins du travail dans les mêmes conditions que les autres professionnels de santé. Elles appellent néanmoins toutes à un meilleur partage d’information, qui ne doit plus reposer exclusivement sur le patient/travailleur.

● À ce titre, le rapport de votre rapporteure Charlotte Lecocq rappelle utilement que l’accès du médecin du travail au DMP faciliterait l’accomplissement par ce dernier d’une partie de ses missions : « Les médecins du travail et le personnel de santé, outre le suivi individuel de santé des salariés, trouveront, à travers la possibilité de renseigner le dossier médical partagé du salarié et une mobilisation accrue en matière de maintien dans l’emploi, une place reconnue dans le parcours de soins du salarié. Ils pourront dans ce cadre rénové mieux faire partager leur diagnostic relatif au lien entre santé et travail, apparaître comme référent en la matière auprès des médecins de ville et s’impliquer davantage dans la veille sanitaire. » ([188])

De la même manière, à partir du constat selon lequel les médecins traitants et les médecins du travail faisaient état de leurs difficultés à identifier leurs interlocuteurs, les auteurs du rapport ont estimé que « la coordination des actions des médecins ne peut se faire sans la construction d’un "cercle de confiance partagé" avec le patient. Ceci implique qu’un certain nombre de mesures soient prises pour fluidifier l’information. » ([189]). Parmi celles-ci figurait notamment la possibilité d’identifier le nom du médecin du travail dans le DMP ou encore de rendre possible la communication par le médecin prescripteur ou le médecin-conseil des informations d’ordre médical au médecin du travail, sous réserve de son consentement.

● Certaines propositions récentes vont plus loin dans le sens d’un accès complet du médecin du travail aux éléments du DMP. Ainsi, concernant l’harmonisation du fonctionnement informatique des SSTI, la mise en place de systèmes informatiques interopérables se heurte précisément, selon l’IGAS ([190]), à l’absence d’accès du médecin du travail au DMP. Plus largement, « la mission a pu confirmer le constat largement partagé d’un cloisonnement entre les SSTI et les acteurs sanitaires, et en particulier d’échanges trop faibles avec les médecins traitants sur l’état de santé des salariés, entraînant une perte de données, notamment d’exposition, préjudiciable à leur bonne prise en charge ». La mission recommande donc l’ouverture complète du DMP aux médecins du travail, sous réserve de l’accord du salarié ([191]).

Cette proposition est cohérente avec celle des sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny dans leur rapport de 2019, et plus précisément avec leur proposition n° 29. Les rapporteurs estiment qu’il faut renforcer la « collaboration entre le médecin du travail et le médecin traitant » en raison de l’interconnexion croissante entre vie personnelle et vie professionnelle. Pour ce faire, ils proposent que « le salarié puisse consentir à l’accès, partiel ou total, à son DMP par le médecin du travail, en gardant à tout moment la possibilité de revenir sur les conditions de cet accès » ([192]).

D.   Des évolutions législatives récentes ont permis de faire évoluer l’accès au DMP

Pleinement conscients de la nécessité d’associer plus fortement médecine du travail et médecine de ville, cette majorité parlementaire comme le Gouvernement ont progressivement fait évoluer les dispositions législatives en ce sens.

Par l’adoption d’un amendement déposé par votre rapporteure Mme Charlotte Lecocq, l’article 51 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé prévoit, à partir du 1er juillet 2021, la possibilité pour les médecins du travail de renseigner le DMP, à défaut de pouvoir en lire le contenu.

La loi relative à l’accélération et à la simplification de l’action publique ([193]) en outre fait évoluer l’accès au DMP, en permettant :

– aux médecins de la protection maternelle et infantile (PMI) de bénéficier d’un accès plein et entier au DMP ;

 à « tout professionnel participant à la prise en charge d’une personne en application des articles L. 1110-4 et L. 1110-12 [de pouvoir] accéder, sous réserve du consentement de la personne préalablement informée, au dossier médical partagé de celle-ci et l’alimenter » ([194]). Or, cette même loi ([195]) prévoit également que les services de santé au travail mentionnés à l’article L. 4622-1 du code du travail, soit l’ensemble des services, puissent utiliser un identifiant de santé des personnes pour leur prise en charge ([196]). Incidemment, cette disposition, codifiée à l’article L. 1111-8-1 du code de la santé publique, laisse entendre que les services de santé au travail entrent « dans le champ d’application de l’article L. 1110-4 » du code de la santé publique. Or, compte tenu de la nouvelle rédaction présentée cidessus, les services de santé au travail pourraient donc pleinement accéder au dossier médical partagé, n’eût été la disposition qui les limite à la seule alimentation du DMP.

II.   le DROIT proposÉ : permettre aux mÉdecins et infirmiers en santé au travail d’accéder pleinement au DMP

Compte tenu de l’ensemble des éléments présentés ci-dessus, le présent article prévoit deux dispositions.

● Le prévoit de mentionner explicitement les professionnels en charge du suivi de l’état de santé de santé du titulaire du DMP, inscrits à l’article L. 4624‑1 du code du travail, parmi les personnes susceptibles d’accéder aux informations qui sont contenues dans le dossier.

Concrètement, auraient dès lors accès au DMP le médecin du travail, le collaborateur médecin qui travaille sous son autorité, ainsi que l’interne en médecine du travail et l’infirmier.

● Le prévoit en outre de supprimer la disposition interdisant à la médecine du travail l’accès « en lecture » au DMP, condition sine qua non d’un accès au DMP comparable à celui de tous les autres professionnels de santé mais aussi des professionnels médico-sociaux et sociaux comptables de la prise en charge du titulaire.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement, à l’initiative de vos rapporteures, procédant à une nouvelle rédaction de l’ensemble de l’article. À la faveur de cet amendement, l’accès du seul médecin du travail au dossier médical partagé est encadré par de nombreuses dispositions.

Il prévoit en premier lieu que cet accès se fasse par une voie différente de celle des autres professionnels de santé, eu égard à la position particulière du médecin du travail dans ses relations avec le travailleur. L’accès du médecin du travail au DMP sera donc conditionné au consentement exprès du travailleur, et uniquement après que la personne concernée aura été informée des possibilités que lui offre son DMP. En particulier, la personne sera informée qu’il lui est loisible, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, de masquer les documents auxquels elle ne souhaite pas que le médecin du travail ait accès. Ce faisant, la confidentialité et la maîtrise des données par le travailleur sont préservées, facilitant encore l’expression d’un consentement libre et éclairé.

En deuxième lieu, l’amendement permet de faciliter l’expression d’un éventuel refus du travailleur qui ne souhaiterait pas que le médecin du travail accède à son dossier. Il prévoit en particulier que le refus du travailleur à ce que le médecin du travail accède à son DMP n’est pas communiqué à l’employeur. Par ailleurs, il ne peut constituer une faute ni un motif justifiant l’émission d’un avis d’inaptitude.

Protection supplémentaire pour le travailleur, enfin, l’amendement dispose qu’en cas de litige au sujet d’un avis du médecin du travail porté devant les prud’hommes, les éléments médicaux que le médecin mandaté par l’employeur peut demander au médecin du travail n’intègrent pas les données issues du dossier médical partagé, même si celles-ci ont servi de fondement à l’avis du médecin du travail.

*

*     *

Article 12
Faciliter et sécuriser l’accès au dossier médical en santé au travail

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article prévoit, en miroir de l’article 11 de la proposition de loi, de permettre aux professionnels de santé assurant la prise en charge des travailleurs de bénéficier d’un accès renforcé au dossier médical en santé au travail (DMST). Ce dossier, qui doit être intégré au dossier médical partagé (DMP) au 1er juillet 2021, fera l’objet d’un accès sécurisé et simplifié, par le biais de l’identifiant national de santé, déjà utilisé par le DMP. Cette obligation de sécurité qu’impose la sensibilité des données présentes dans le dossier justifier par ailleurs le renvoi des modalités de mise en œuvre de l’article par un décret pris en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

En outre, le DMST accompagnera le travailleur tout au long de sa vie professionnelle en permettant aux services de prévention et de santé au travail compétents à son égard, qu’ils soient autonomes ou interentreprises, d’accéder au dossier, sauf opposition de sa part.

 

I.   Le dossier médical de santé au travail permet aujourd’hui de recueillir des données pour préserver l’état de santé des travailleurs

A.   Un dispositif comparable au DMP dans son fonctionnement

1.   L’hébergement de données relatives à l’état de santé du travailleur

Créé par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le dossier médical de santé au travail relève d’une forme d’équivalence avec le DMP. Ainsi que le précise l’article L. 4624-8 du code du travail, il contient les informations relatives à l’état de santé du travailleur et les expositions auxquelles il a été soumis. Il est alimenté par le médecin du travail, qui peut également y adjoindre ses avis ou ses propositions s’agissant de :

– mesures individuelles d’aménagement ou d’adaptation du poste de travail ou du temps de travail, en raison de l’âge ou de l’état de santé physique ou mental du travailleur ;

– la déclaration, si aucune mesure n’est prise, de l’inaptitude, le cas échéant, du travailleur par rapport à son poste de travail, en vue de son changement de poste.

Le DMST peut par ailleurs être alimenté et consulté par les professionnels de santé membres de l’équipe pluridisciplinaire, tels que les infirmiers en santé au travail et le médecin collaborateur, dans le respect du secret professionnel.

2.   Des restrictions d’accès proportionnées à la sensibilité des données hébergées

Ce dossier fait naturellement l’objet de restrictions de communication, compte tenu de la sensibilité des données qui y sont inscrites. Son alimentation se fait dans le respect du secret médical, tandis que sa communication se fait à la demande de l’intéressé et uniquement au médecin de son choix. Trois autres hypothèses peuvent justifier toutefois son accès par d’autres personnes que le premier médecin du travail :

– s’il existe un risque pour la santé publique ou si le médecin inspecteur du travail le demande, le médecin du travail le lui remet ;

– en vue d’assurer la continuité du suivi du travailleur, le dossier peut être transféré, sauf refus du travailleur, à un autre médecin du travail. Cette hypothèse recouvre les situations de changement d’employeur, de lieu de travail ou encore du service de santé au travail interentreprises (SSTI) auquel adhère l’entreprise ;

– en cas de décès du travailleur, dans les mêmes conditions que pour le dossier médical, les proches auxquels il est fait référence au V de l’article L. 1110‑4 du code de la santé publique comme les professionnels mentionnés à l’article L. 1111-7 du même code peuvent demander la communication de ce dossier.

S’agissant du rôle de l’association PRESANSE, représentative des SSTI, dans la mise en œuvre du DMST, celle-ci, selon l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ([197]), a mis en place un « thésaurus harmonisé », qui permettrait selon l’association, de « remplir 85 % des données devant figurer dans le dossier médical en santé au travail informatisé à partir d’un référentiel commun portant sur la profession, le secteur d’activité, les effets sur la santé (à partir de la CIM 10), les expositions professionnelles, les examens complémentaires, les vaccins, les AMT et la prévention ».

3.   Le contenu du DMST

● La création du DMST s’est accompagnée de recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) quant à son contenu. Défini comme « le lieu de recueil et de conservation des informations socio-administratives, médicales et professionnelles, formalisées et actualisées, nécessaires aux actions de prévention individuelle et collective en santé au travail, enregistrées, dans le respect du secret professionnel, pour tout travailleur exerçant une activité, à quelque titre que ce soit, dans une entreprise ou un organisme, quel que soit le secteur d’activité » ([198]), ce dossier a comme principaux objectifs :

– l’aide à l’appréciation de l’adéquation entre l’état de santé du travailleur, d’une part, et le poste et les conditions de travail, d’autre part, afin que le médecin du travail puisse proposer des mesures de prévention, d’amélioration ou d’aménagement du poste ainsi que des conditions de travail ;

– l’amélioration de la traçabilité des expositions professionnelles, ainsi que des conseils de prévention, d’amélioration des conditions de travail, voire de maintien ou non dans l’emploi, prodigués par le médecin du travail.

● Le DMST retrace aujourd’hui « les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis ainsi que les avis et propositions du médecin du travail » ([199]). Ces avis et propositions comprennent notamment :

– les mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur que le médecin du travail propose par écrit, après échange avec le salarié et l’employeur ([200]) ;

– l’avis d’inaptitude que le médecin du travail rend après avoir effectué une étude de poste, échangé avec le salarié et l’employeur et constaté qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste ([201]). Le DMST a vocation à retracer également les conclusions écrites que le médecin du travail a rendues pour éclairer l’avis d’inaptitude ainsi que les indications relatives au reclassement du travailleur.

● Le dossier comprend également les résultats des examens obligatoires menés par le médecin du travail, à commencer par l’examen médical d’aptitude à l’embauche ([202]), ainsi que, par exemple, la mention de l’existence d’un dossier médical spécial des travailleurs susceptibles d’avoir été exposés à des agents biologiques pathogènes.

Cette obligation de constitution et de conservation du DMST s’étend aux travailleurs intérimaires comme aux travailleurs détachés travaillant sous l’autorité d’un employeur.

B.   Des propositions récentes en faveur d’une meilleure portabilité du DMST

La portabilité du DMST s’inscrit dans le sens d’un certain nombre de recommandations, comme celle de la mission de l’IGAS précitée ([203]), qui a relevé une forte attente en faveur d’un système harmonisé de gestion des données relatives aux travailleurs suivis par les SSTI. Dès lors, la mission propose que ces services puissent utiliser un identifiant unique – elle propose l’identifiant national de santé, dont l’utilisation doit devenir obligatoire en 2021 – pour permettre notamment :

– le suivi, au sein d’une base ou d’un fichier de salariés, dont les activités sont les moins faciles à suivre (salariés multi-employeurs, intérimaires, salariés titulaires de contrats à durée déterminée, salariés régulièrement éloignés du monde du travail) ;

– l’utilisation d’un identifiant unique avec celui qui est affilié au DMP de la personne suivie, dans la perspective de décloisonner les sphères de médecine de ville et de médecine du travail ;

– des échanges d’informations renforcés entre les SSTI, l’assurance maladie et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), notamment dans l’hypothèse d’un risque de désinsertion professionnelle.

C.   Des évolutions récentes rapprochant DMST et DMP

En complément des éléments figurant dans le commentaire de l’article 10, des évolutions législatives récentes ont également amené à rapprocher DMST et DMP. En particulier, l’amendement de votre rapporteure Charlotte Lecocq à la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ([204]) a précisé qu’à compter du 1er juillet 2021, le DMST était intégré au DMP.

Ce même article prévoit qu’à la même échéance, le DMST sera accessible au médecin traitant et au médecin coordonnateur des établissements et services sociaux et médico-sociaux, mentionnés à l’article L. 1111-16 du code de la santé publique, et aux professionnels de santé accédant au DMP d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté, notamment le médecin régulateur du centre de réception et de régulation des appels d’aide médicale urgente, mentionné à l’article L 1111-17 du même code ainsi qu’à l’ensemble des professionnels de santé pratiquant des actes ou des consultations, mentionnés à l’article L. 1111-15 du même code.

II.   Le DROIT proposÉ : Une ouverture réciproque du DMST aux médecins du soin et un accompagnement du travailleur tout au long de sa carrière

Le présent article vise à renforcer autant les modalités d’accès au DMST que son appropriation par le travailleur tout au long de sa carrière.

● En ce qui concerne les modalités d’accès, le conserve l’idée selon laquelle le DMST est intégré au DMP et prévoit en conséquence que les professionnels de santé qui participent à la prise en charge du titulaire du DMST y aient accès dans les conditions prévues au III de l’article L. 1111-17 du code de la santé publique pour l’accès au DMP. Dès lors, tous les professionnels de santé mentionnés aux articles L. 1110-4 et L. 1110-12 du code de la santé publique peuvent en bénéficier.

Le même alinéa prévoit en outre l’accès au DMST aux membres de l’équipe de santé au travail mentionnés à l’article L. 4624-1 du code du travail qui ont naturellement vocation à alimenter comme à accéder aux informations contenues dans le DMST.

● Le prévoit également que le DMST accompagne le travailleur dans son évolution professionnelle, qui peut l’amener à changer de service de prévention et de santé au travail. Dans cette perspective, le dossier doit être toujours accessible au service de prévention et de santé au travail (SPST) compétent, que le travailleur soit dans une situation où il relève de plusieurs SPST ou qu’il soit en train de passer d’un SPST à un autre.

Le travailleur pourra néanmoins opposer un refus à ce transfert, de telle sorte qu’il soit maintenu dans la capacité de consentir ou non à l’accès du professionnel de santé à ses données.

Le supprime par voie de conséquence les deuxième et quatrième phrases de l’article L. 4624-8 du code du travail, qui régissaient notamment les modalités d’accès au DMST.

● S’agissant enfin du renforcement des modalités techniques d’interopérabilité entre DMP et DMST, le prévoit que les titulaires d’un DMST pourront y accéder par le biais de leur identifiant national de santé (INS). Cet identifiant est un dérivé du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) pour la prise en charge des personnes à des fins sanitaires ou médico-sociales.

Cette attache spécifique aux données de santé, qui doivent être collectées, transmises et conservées dans le respect du secret professionnel et des référentiels de sécurité et d’interopérabilité est déjà accessible depuis le mois de décembre 2020 aux services de santé au travail ([205]).

● L’ensemble de ces dispositions fera enfin l’objet d’un décret en Conseil d’État pour en fixer les modalités, après avis de la CNIL. Ce décret se justifie, en comparaison du décret prévu à l’article L. 4624-10 du code du travail qui précise les modalités d’application de l’ensemble du chapitre auquel appartient le présent article, par la nécessité de préciser les modalités d’interopérabilité entre les services de santé au travail, les moyens d’accès des professionnels au DMST ainsi que, le cas échéant, les moyens pour les travailleurs d’exprimer leur consentement.

III.   les modifications apportées par la commission

Outre quatre amendements rédactionnels, de coordination ou de précision à l’initiative des rapporteures, la commission a adopté un amendement de M. Thomas Mesnier, rapporteur général, et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, destiné à préciser que l’accès des professionnels de santé au DMST, en dehors du médecin du travail, se fait uniquement à des fins de consultation.

À l’initiative de vos rapporteures, la commission a également adopté trois amendements de précision visant à énumérer les professionnels ayant accès au DMST, les modalités d’expression du consentement des travailleurs et le partage des seuls éléments nécessaires à la coordination des soins.

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Article 13
Intégrer dans le système national de données de santé les données de santé issues du dossier médical en santé au travail

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à intégrer au système national de données de santé (SNDS) les données de santé issues des dossiers médicaux en santé au travail (DMST), afin de pallier les manques d’exploitation statistique dans ce domaine.

I.   Si la France se distingue par une recherche approfondie en matière de santé au travail, l’exploitation statistique demeure actuellement insuffisante

A.   Un effort important et ancien en faveur de la recherche en santé au travail

1.   Un environnement fourni...

● L’environnement de recherche en santé au travail est dense, depuis longtemps. À ce titre, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), créé en 1947, a fait figure de précurseur. Il a notamment largement contribué au projet de recherche de la caisse nationale de l’assurance maladie axé sur « l’homme au travail », qui a abouti à la création du Centre d’étude et de recherche pour la prévention des accidents du travail. Ce dernier a ensuite été intégré à l’INRS (jusqu’ici INS) pour que les activités de recherche et la diffusion de ces dernières soient regroupées dans la même enceinte.

Il fournit aujourd’hui, grâce notamment à ses liens avec le milieu spécialisé dans la recherche, de nombreux outils de formation ou d’information à destination de l’ensemble des services de santé au travail.

● L’environnement public de la recherche en santé au travail s’appuie aussi sur les travaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dont la mission vise principalement à contribuer à la connaissance des risques professionnels, notamment les risques émergents technologiques ou environnementaux. À cette fin, l’Agence dispose du réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) et mène ses propres actions d’évaluation des risques.

L’Anses pilote également en 2020 un programme de recherche « Environnement-Santé-Travail », doté d’un budget de 6 millions d’euros, par lequel elle a pu sélectionner trente‑quatre projets de recherche, dont six spécifiquement consacrés aux problématiques de risques professionnels.

L’action de ces deux agences est complétée par d’autres interventions encadrées par l’Agence nationale de la recherche. Cette production scientifique se heurte toutefois à une absence de données statistiques suffisamment importantes pour alimenter les études en santé au travail.

2.   ... au risque d’une certaine confusion

● Le rapport remis par votre rapporteure Charlotte Lecocq au Gouvernement ([206]) atteste, malgré la qualité de l’environnement global, d’une insuffisante attention en France à l’évolution de la recherche en santé au travail. Certes, la création de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Affset) en 2005, devenue par la suite l’Anses, a contribué à accélérer l’exploitation des données disponibles comme la conception de nouvelles politiques publiques spécialement consacrées à la question de la santé au travail. Santé publique France (SPF) participe évidemment également à l’effort de recherche dans la matière.

L’action de ces deux agences souffre toutefois d’une certaine dilution. Ainsi, « si chacune possède une direction consacrée à la santé au travail, ni l’une ni l’autre n’est centrée sur le seul champ du travail. L’Anses est placée sous la tutelle de cinq ministères car elle intervient également dans les domaines de l’environnement, de l’alimentation, de la santé animale et végétale. SPF est placée sous la tutelle du ministère chargé de la santé pour protéger toutes les populations à travers l’observation épidémiologique, la veille sur les risques sanitaires, la prévention et l’éducation pour la santé ainsi que la réponse aux crises sanitaires. » ([207])

● Par ailleurs, ainsi que l’a exprimé la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), le niveau des informations collectées en matière de santé au travail fait partie des plus élevés en Europe. Mais son exploitation souffre là encore d’une forme de cloisonnement entre santé publique et santé au travail.

B.   Un déficit d’exploitation statistique des données en matière de santé au travail

1.   Des déficiences techniques de collecte des données

Dans l’univers de la santé au travail, les travaux de collecte statistique sont déjà menés par la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), dont les statistiques sont élaborées à partir des déclarations d’accidents du travail et de maladies professionnelles, regroupées dans chaque région au sein des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), puis au niveau national ([208]). Ces données permettent notamment d’élaborer des indicateurs destinés à évaluer la fréquence des accidents et maladies – un indice de fréquence, ainsi qu’un taux de fréquence – mais aussi la gravité de ces mêmes évènements, via un indice et un taux de gravité.

La mission que l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a menée en 2019 ([209]) pour traiter des services de santé au travail interentreprises (SSTI) a toutefois souligné plusieurs problèmes :

– la défaillance du système informatique de la branche, lié à la construction historique par « couches » de celui-ci ;

– une certaine obsolescence technique ;

– la mauvaise architecture des applications.

2.   De l’intérêt d’améliorer l’exploitation statistique des données en santé au travail

Compte tenu de l’architecture française de la recherche en matière de santé au travail, qui permet une application concrète des résultats par le biais des agences et instituts qui font l’interface avec les entreprises et les services de santé au travail, la bonne collecte et exploitation collective des données présente un intérêt pour le salarié comme pour les acteurs des politiques publiques de prévention, afin de guider leur action à différentes échelles territoriales.

La mission précitée de l’IGAS associe ainsi le manque de pilotage national des SSTI à l’absence de bases de données communes qu’ils pourraient alimenter eux-mêmes. La mission relève ainsi « la mauvaise qualité de la saisie et l’hétérogénéité des systèmes informatiques [...] tant sur le plan épidémiologique que sur celui de leur activité », qui a « pour conséquence la perte de potentiels signaux sanitaires de proximité » ([210]).

Elle estime dès lors pertinent recourir aux données insérées dans les dossiers médicaux en santé au travail (DMST) en les harmonisant pour une exploitation collective. Si le DMST est déjà destiné à recueillir et collecter des données sur les risques d’accidents du travail auxquels sont confrontés les salariés, la mission recommande de passer par un « thésaurus harmonisé », comme le recommande notamment la Haute Autorité de santé. Il s’agirait en outre de « généraliser l’informatisation des DMST, supportée par des systèmes d’informations interopérables entre les différents services de santé au travail actuels en France » ([211]).

C.   Le recueil de données dans le système national de données en santé

1.   Un système de recueil et d’appariement des données en constante expansion

 Le régime actuel du système national des données de santé (SNDS), s’agissant tant du type de données recueillies, des personnes et instances susceptibles d’y accéder que de la protection de ces mêmes données au regard de la législation française et européenne, a été principalement institué par la loi de 2016 relative à notre système de santé ([212]). Cette loi a ainsi rassemblé des bases « médicoadministratives » éparses, comprenant des informations à caractère personnel sur les usagers du système de santé, notamment par le biais des feuilles de soins, mais qui ne disposaient ni d’un système commun, ni d’une gouvernance d’ensemble.

Ce système commun comprenait initialement cinq types de données :

– les données issues des systèmes d’information des établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés ;

– les données du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (SNIIRAM). Cette base de données créée en 1999 vise à améliorer la qualité des soins, la gestion de l’assurance maladie, des politiques de santé et la transmission aux prestataires de soins des informations issues de la collecte de données qui pourrait être pertinente pour leurs activités ;

– les données sur les causes de décès mentionnées dans les certificats de décès ;

– les données issues des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ;

– un échantillonnage des données recueillies par les organismes d’assurance maladie complémentaires relatives au remboursement des soins par bénéficiaire.

● Ce premier champ a été largement étendu à l’article L. 1461-1 du code de la santé publique, qui codifie les dispositions relatives au SNDS, par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ([213]) vers des dispositions qui concernent les données relatives à la perte d’autonomie, issues des visites obligatoires de la médecine scolaire et des services de protection maternelle et infantile. Ce nouveau champ comprend par ailleurs les données recueillies lors des visites d’information et de prévention d’un des professionnels de santé habilités en santé au travail, créées en 2016 ([214]).

2.   Une finalité strictement définie

● Dès sa création en 2016, les finalités du SNDS ont été restreintes, en application du principe de finalité du traitement des données publiques. Les données recueillies ne peuvent donc être collectées, appariées et exploitées qu’à des fins :

– d’information, de recherche, d’étude et d’évaluation dans les domaines de la santé publique ainsi que l’offre de soins, la prise en charge médico-sociale et leur qualité ;

– de connaissance des dépenses dans ces mêmes domaines ;

– de définition, de mise en œuvre et d’évaluation des politiques publiques de santé et de protection sociale ;

– d’information des professionnels, des structures et des établissements de santé ou médico-sociaux, quant à leur activité ;

– de surveillance, de veille et d’amélioration de la sécurité sanitaire.

● Le même article L. 1461-1 du code de la santé publique prévoit également un « domaine interdit » des finalités de traitement de ces données, qui se compose de dispositions essentiellement commerciales, à savoir :

– la promotion de produits de santé à destination des professionnels ou des établissements de santé ;

– l’exclusion d’un individu ou d’un groupe d’individus présente un risque identique de garanties des contrats d’assurance ou de modification de leurs cotisations ou primes d’assurance.

3.   Une protection du traitement des données de santé

La sensibilité des données intégrées au SNDS, auquel le présent article entend ajouter une nouvelle catégorie, justifie un régime de protection renforcé.

a.   Une protection issue du règlement général sur la protection des données (RPGD)...

● Le régime de protection des données personnelles a naturellement été largement renforcé par l’adaptation du règlement européen sur la protection des données ([215]), mais ce renforcement s’est fait sentir plus encore pour les données de santé. Le règlement s’est d’abord attaché à les définir ([216]) comme « l’ensemble des données se rapportant à l’état de santé d’une personne concernée qui révèlent des informations sur l’état de santé physique ou mentale passé, présent ou futur de la personne concernée », soit :

– les données recueillies lors de l’inscription des personnes physiques pour bénéficier de services de santé au moyen de tout symbole ou élément spécifiques permettant de l’identifier de manière unique à des fins de santé ;

– les données biologiques ou génétiques obtenues lors du test ou de l’examen du corps ou d’une partie du corps ;

– l’ensemble des informations concernant l’état de santé de la personne dès lors qu’elles sont issues d’un professionnel ou d’un établissement de santé.

Cette définition commande un statut ambigu de la donnée de santé, protégée en raison de la connaissance qu’elle est susceptible de conférer au sujet d’une personne physique, mais exploitée en raison de l’intérêt qu’elle recouvre au regard des objectifs de politique de santé publique, de gestion des services de soins de santé, de qualité et d’efficience des régimes d’assurance maladie ou encore à des fins de recherche scientifique, d’archivistique ou de statistique. Cette ambiguïté aboutit donc à l’existence d’une dérogation à l’interdiction générale du traitement des données personnelles ([217]), à raison de la poursuite d’un des buts d’intérêt général énumérés ici, sous réserve d’une protection plus élevée.

● Outre les modalités habituelles de protection des données médicales, le règlement prévoit explicitement une dérogation à la même interdiction de traitement portant sur des catégories particulières de données à caractère personnel, dès lors que « le traitement est nécessaire aux fins de la médecine préventive ou de la médecine du travail, de l’appréciation de la capacité de travail du travailleur » ([218]).

b.   ... adaptée en droit français

i.   La protection des données

La collecte comme la conservation des données dans le SNDS obéissent aux principes généraux propres aux données personnelles (collecte pour des finalités déterminées, explicites et légitimes ; minimisation des données ; exactitude et mise à jour des mêmes données) mais aussi, en outre, aux principes propres aux données sensibles. À ce titre :

– ces données sont conservées pour une durée maximale de vingt ans ;

– elles ne peuvent servir à prendre une décision à l’encontre d’une personne physique identifiée sur le fondement de ces données ;

– surtout, elles sont « pseudonymisées », de telle sorte que, en dépit de leur mise à disposition du public sous la forme de statistiques agrégées ou données individuelles, « l’identification, directe ou indirecte, des personnes concernées y est impossible » ([219]).

ii.   Un traitement proportionné

● Adapté aux dispositions du règlement européen, le droit français encadre le traitement des données de santé dans la loi « Informatique et libertés » ([220]), qui prévoit notamment que :

– les traitements relatifs aux données de santé ne peuvent être mis en œuvre qu’en considération de la finalité d’intérêt public qu’ils présentent, dont participe la garantie de normes élevées en matière de qualité et de sécurité des soins de santé, ainsi que des médicaments et des dispositifs médicaux. Une telle considération exclut le détournement des données recensées dans le SNDS à des fins lucratives ou privées ;

– les traitements automatisés de données à caractère personnel dont la finalité est ou devient la recherche ou les études dans le domaine de la santé ainsi que l’évaluation ou l’analyse des pratiques ou des activités de soins ou de prévention sont soumis au même régime que les données de santé, sous réserve de l’autorisation du comité de protection des personnes compétent en matière de recherches biomédicales s’agissant des recherches impliquant la personne humaine. Pour les autres types de recherche, un même type d’autorisation doit être recherché auprès du comité éthique et scientifique.

La vérification de la conformité de ces traitements à ces standards passe notamment par l’émission de référentiels et de règlements types par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), récipiendaire d’une déclaration de conformité à ces référentiels par les responsables des traitements de données de santé ([221]). Ces mêmes responsables doivent a minima, faute de déclaration de conformité, s’adresser à la CNIL pour demander l’autorisation de la mise en œuvre de leur traitement.

● Les modalités de désignation des responsables du traitement des données inscrites dans le SNDS suivent également des procédures destinées à les identifier précisément. Ils sont à cet effet nominativement désignés par arrêté, tandis que leurs rôles sont définis par décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL.

● Les évolutions législatives récentes ont par ailleurs contribué à renforcer l’évaluation du SNDS. Il en va ainsi de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles : elle instaure un comité d’audit du SNDS, qui existait déjà dans les faits ([222]). Ce comité est chargé, sans empiéter sur les missions générales de la CNIL, de définir une « stratégie d’audit puis de programmation » sur « l’ensemble des systèmes réunissant, organisant ou mettant à disposition tout ou partie des données du système national des données de santé à des fins de recherche, d’étude ou d’évaluation ainsi que sur les systèmes composant le système national des données de santé », soit toutes les données précédemment exposées.

Doté de moyens d’enquête sur pièces et sur place, ce comité doit notamment, dès lors qu’il a connaissance de manquements graves ou en cas d’opposition ou d’obstruction à l’audit, en référer sans délai au président de la CNIL, par le truchement de son propre président. Ces mêmes manquements peuvent conduire les responsables du traitement des données à en suspendre temporairement l’accès.

II.   Le DROIT proposÉ : permettre l’exploitation scientifique des données médicales anonymisées contenues dans le DMST

Compte tenu de l’intérêt qui s’attache au croisement de données issues du SNDS et du développement des données statistiques en matière de santé au travail, le présent article prévoit d’ajouter aux données susceptibles d’être collectées les données issues des dossiers médicaux en santé au travail ([223]), en plus des données actuellement collectées à partir des visites d’information et de prévention.

La CNIL, auditionnée par vos rapporteures, n’a pas exprimé d’opposition à l’extension du SNDS à ce nouveau type de données, compte tenu du cadre législatif actuellement applicable, suffisamment protecteur, ainsi que de la proximité de nature entre les données déjà recueillies dans le cadre des visites du médecin du travail et les données comprises dans le DMST qui auraient vocation à intégrer le SNDS.

III.   Les modifications apportées par la commission

À l’initiative de vos rapporteures, la commission a adopté un amendement visant à harmoniser le champ des données intégrées au SNDS. Compte tenu de la mention des données relatives aux visites d’information et de prévention dans le DMST, il est apparu opportun de simplifier la rédaction de l’article L. 1461-1 du code de la santé publique en ne mentionnant que le dossier.

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titre iii
mieux ACCOMPAGNER CERTAINS PUBLICS, NOTAMMENT VULNÉRABLES, ET LUTTER CONTRE LA DÉSINSERTION PROFESSIONNELLE

Article 14
Création d’une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises

Adopté par la commission avec modifications

Cet article dote les services de prévention et de santé au travail interentreprises d’une cellule dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle.

Il définit ses missions et dresse la liste des organismes avec lesquels elle devra collaborer.

I.   le DROIT en vigueur

A.   la prÉvention de la dÉsinsertion professionnelle : une préoccupation ancienne mais croissante des pouvoirs publics...

La prévention de la désinsertion professionnelle consiste à anticiper la perte d’emploi d’un salarié qui, pour des raisons tenant à sa santé ou à un handicap, voit son aptitude professionnelle restreinte. Elle passe, suivant les cas, par des actions de maintien dans l’emploi, soit sur le poste occupé par le travailleur, au moyen d’aménagements, soit dans l’entreprise, par l’intermédiaire d’un reclassement, ou par des actions de maintien en emploi, qui implique un reclassement au sein d’une autre entreprise ou même une réorientation professionnelle.

La prévention de la désinsertion professionnelle est une préoccupation ancienne des pouvoirs publics et, à ce titre, un axe récurrent des politiques publiques pour l’emploi des personnes handicapées ou malades.

La loi du 30 juin 1975 ([224]) dispose déjà que « l’emploi et le reclassement des personnes handicapées constituent un élément de la politique de l’emploi ». C’est à cette loi, notamment, que l’on doit la création des commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel, devenues, à la faveur d’une fusion avec les commissions départementales de l’éducation spéciale, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, elles-mêmes composantes des maisons départementales des personnes handicapées, responsables de l’accueil et de l’accompagnement de ces personnes et de leurs proches.

Puis, à compter de la loi du 10 juillet 1987 ([225]), les établissements d’au moins vingt salariés sont tenus d’employer des travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leurs effectifs. Deux structures, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), sont chargées, respectivement dans le secteur privé et la fonction publique, de faciliter l’insertion professionnelle ainsi que le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.

Enfin, et pour s’en tenir à ces exemples, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2011 ([226]), la prévention de la désinsertion professionnelle fait partie des missions expressément dévolues aux services de santé au travail (SST), ces derniers étant chargés, aux termes du 2° de l’article L. 4622-2 du code du travail, de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures à prendre afin de prévenir ou de réduire la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs.

Ces questions ont pris, au fil du temps, une place de plus en plus importante dans les stratégies de santé publique et de santé au travail.

À cet égard, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) conduite en 2017 faisait le constat suivant : « Simple mention au début des années 2000 comme dans le plan santé mentale 2001-2004 ou le plan cancer 20032007, la préoccupation du maintien dans l’emploi s’inscrit durablement et de manière de plus en plus visible dans les plans de santé publique : Plans santé mentale 2005-2008 et surtout 2011-2015 ; plan maladies chroniques 2007-2011, plans cancer 2009-2013 et surtout 20142019 ; plan maladies neurodégénératives 2008-2012 et notamment 20142019 ; plans maladies chroniques 2007-2011 ; stratégie quinquennale offre médico-sociale, volet handicap psychique 20172021. » ([227])

De la même manière, le sujet du maintien en emploi figure dans les plans de santé au travail qui se sont succédé depuis 2004. Le plan 2016‑2020, dernier en date, lui consacre d’ailleurs un objectif (numéro 5) à part entière.

Source : Plan santé au travail 2016-2020.

Parallèlement, il s’est imposé comme une thématique récurrente des conventions d’objectifs et de gestion (COG) des branches AT-MP et assurance maladie.

B.   ... qui occupe une place insuffisamment centrale dans l’action des services de santÉ au travail

La prévention de la désinsertion professionnelle, phénomène qui touche au premier chef les personnes les moins qualifiées et les plus âgées mobilise de nombreux acteurs : SST, organismes de protection sociale (dans lesquels existent déjà des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle), organismes financés par les fonds pour l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés ou par les organismes paritaires de financement de la formation, services hospitaliers, etc.

Toutefois, force est de reconnaître que l’organisation actuelle ne permet pas une prise en charge satisfaisante des individus en situation de désinsertion professionnelle, ainsi que l’ont souligné les représentants des organisations syndicales devant vos rapporteures.

Ce constat ressort, par ailleurs, des travaux conduits récemment sur le sujet. « Que ce soit pour les personnes handicapées dans leur parcours d’insertion ou de maintien en emploi ou pour les salariés dont l’aptitude médicale est restreinte ou en passe de l’être suite à une affection de longue durée, le dispositif d’accompagnement des intéressés est qualifié de véritable maquis institutionnel. Il fait l’objet de nombreuses critiques s’agissant de son efficacité et de son ancrage avec la situation réelle des personnes. Ces dernières sont en outre souvent réduites à pallier l’insuffisance de coordination des acteurs en se chargeant elles-mêmes, et tant bien que mal, de leur éventuelle mise en relation. » ([228])

Du reste, les SST, en première ligne pour apporter un appui de proximité aux salariés comme aux employeurs, demeurent dans l’ensemble insuffisamment mobilisés dans ce domaine. L’IGAS relevait, dans le rapport précédemment évoqué, que « leur degré d’implication et les moyens dont ils disposent pour accompagner les processus de maintien en emploi restent très hétérogènes » ([229]), que la « mission de maintien en emploi bénéficie d’une organisation et de compétences dédiées dans environ la moitié des services interentreprises et [que] la capacité à organiser pour cette fonction une équipe pluridisciplinaire paraît très dépendante de leur taille » ([230]). Sans surprise, les SST interentreprises de petite taille ou de taille moyenne consacrent des moyens limités à la prévention de la désinsertion professionnelle alors que les structures les plus grosses (qui couvrent plus de 150 000 salariés) comprennent parfois « une équipe pluridisciplinaire dédiée au maintien en emploi, rassemblant les trois principales compétences nécessaires : ergonomie, psychologie du travail et service social » ([231]).

Cette situation est évidemment regrettable mais elle n’est nullement une fatalité. Elle doit désormais évoluer rapidement, tant les enjeux sont importants.

En effet, s’il n’existe pas de mesure directe du nombre de salariés susceptibles de perdre leur emploi en raison d’un problème de santé ou d’un handicap, « ce sont vraisemblablement entre un et deux millions de salariés » ([232]) (soit 5 % à 10 % d’entre eux) qui sont, à un instant donné, exposés à court ou moyen terme à ce risque, d’après l’IGAS ([233]). Ces chiffres témoignent de l’ampleur d’un phénomène que le vieillissement de la population active devrait encore accroître dans les années à venir.

II.   le DROIT proposÉ : placer la prÉvention de la dÉsinsertion professionnelle au cœur de l’action des services de prÉvention et de santÉ au travail interentreprises

L’amélioration de l’offre des services de santé au travail, rebaptisés services de prévention et de santé au travail (SPST) ([234]), constitue l’une des clés de voûte de la réforme de la santé au travail. Dans cette perspective, l’ANI signé par les partenaires sociaux appelle les SPST interentreprises (SPSTI) à proposer à leurs adhérents un ensemble de prestations – l’offre socle – orientées autour de trois axes : la prévention des risques professionnels, le suivi individuel des travailleurs et la prévention de la désinsertion professionnelle.

Aussi, le présent article – qui transpose une disposition du même ANI – insère dans le code du travail un article L. 4622-8-1 aux fins de prévoir qu’une cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle sera installée au sein de chaque SPSTI.

Cette cellule aura trois missions :

– proposer des actions de sensibilisation ;

– identifier les situations individuelles ;

– proposer, en lien avec l’employeur et la personne intéressée, un plan de retour au travail comprenant notamment des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail, soit les mesures que le médecin du travail peut proposer sur le fondement de l’article L. 4624-3 de ce code.

Le nouvel article L. 4622-8-1 prévoit, en outre, que la cellule remplira ses missions en collaboration avec les professionnels de santé en charge des soins, les services médicaux de l’assurance maladie et les organismes en charge de l’insertion professionnelle.

S’il n’apparaît évidemment pas pertinent de faire figurer le détail de sa composition dans la loi, il n’en reste pas moins que la question revêt une importance majeure. Aussi, vos rapporteures estiment nécessaire de préciser ici qu’il serait souhaitable que la cellule comprenne, a minima, des professionnels de santé au travail (y compris un ou plusieurs médecins du travail), des référents handicap, des ergonomes, des psychologues et des assistants sociaux.

Enfin, pour importante qu’elle soit, l’installation de cette cellule dans chaque SPSTI, préconisée notamment par l’IGAS ([235]), ne doit pas faire oublier que la détection des situations de désinsertion professionnelle et l’action – qui doit être la plus précoce possible – pour y répondre relèvent avant tout de l’investissement des entreprises. À cet égard, vos rapporteures font leurs les propos des auteurs du rapport remis au Premier ministre en janvier 2019 sur la prévention, l’efficacité, l’équité et la maîtrise des arrêts de travail, selon lesquels c’est à l’échelle de l’entreprise « que des approches plus collectives et favorables au maintien en emploi peuvent être initiées, pour réduire les facteurs de pénibilité, faciliter la vie professionnelle dans les périodes de fragilité personnelle [et] prévoir des parcours d’évolution pour les salariés les plus exposés à l’usure professionnelle » ([236]).

III.   les modifications apportÉes par la commission

La commission a adopté un amendement déposé par M. Thierry Michels et les membres du groupe La République en Marche, sous-amendé à l’initiative de Mme Caroline Janvier, Mme Catherine Fabre et M. Didier Martin, visant à étendre la liste des organismes avec lesquels la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle sera amenée à collaborer. Seront concernés l’ensemble des services de l’assurance maladie impliqués dans l’accompagnement des personnes au titre de la prévention de la désinsertion professionnelle – plutôt que les seuls services médicaux – ainsi que les acteurs de la compensation du handicap, de la préorientation et de la réadaptation professionnelle ou encore ceux chargés de la mise en œuvre du dispositif d’emploi accompagné.

La commission a également adopté quatre amendements rédactionnels déposés par vos rapporteures.

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Article 14 bis (nouveau)
Amélioration du partage d’informations entre les organismes d’assurance maladie et les services de prévention et de santé au travail

Introduit par la commission

Cet article facilite l’échange d’informations entre les organismes d’assurance maladie et les services de prévention et de santé au travail dans le but d’améliorer l’accompagnement des travailleurs exposés à un risque de désinsertion professionnelle.

Cet article, issu d’un amendement déposé par Mme Catherine Fabre et les membres du groupe La République en Marche, a pour objet d’améliorer le partage d’informations entre les organismes d’assurance maladie et les services de prévention et de santé au travail (SPST) dans le but de prévenir le risque d’éloignement de l’emploi de certains travailleurs. Il répond à l’objectif d’une plus grande coordination entre les acteurs intervenant dans le domaine de la prévention de la désinsertion professionnelle, coordination trop déficiente à l’heure actuelle.

Concrètement, il s’articule autour d’un double dispositif :

– le I insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 315-4 aux fins d’autoriser les organismes susmentionnés à transmettre aux SPST des informations relatives aux arrêts de travail des assurés exposés à un risque de désinsertion professionnelle, à la condition toutefois que ces derniers y consentent. Un décret devra préciser le contenu des informations qui pourront être transmises ainsi que les conditions dans lesquelles cette transmission, réalisée de façon dématérialisée, sera effectuée ;

– le II introduit dans le code du travail un article L. 4622‑8‑2 aux termes duquel il appartiendra à la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle, créée par l’article 14 de la présente proposition de loi, d’informer les organismes de sécurité sociale intéressés, selon des modalités définies par décret, qu’elle accompagne les travailleurs ayant fait l’objet d’un signalement de la part de l’assurance maladie sur le fondement du nouvel article L. 315-4. La cellule pourra leur transmettre des informations relatives au poste et aux conditions de travail desdits travailleurs, sous réserve, là encore, de leur accord.

Le III prévoit opportunément que ce double dispositif n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2024 afin que les supports informatiques nécessaires à sa bonne application puissent être mis en place d’ici là.

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Article 14 ter (nouveau)
Participation du « référent handicap » à l’accompagnement, par les services de prévention et de santé au travail, des personnes en situation de handicap

Introduit par la commission

Cet article autorise le référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap à établir un lien avec les services de prévention et de santé au travail.

Il lui reconnaît le droit d’être associé à l’accompagnement de ces personnes à l’occasion de la visite de mi-carrière et du rendez-vous de préreprise, deux dispositifs créés par la présente proposition de loi.

Cet article, issu d’un amendement déposé par Mme Caroline Janvier et les membres du groupe La République en Marche, complète l’article L. 5213‑6‑1 du code du travail, qui impose à toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés de désigner un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap, aux fins de prévoir :

– que ce référent pourra être chargé d’établir un lien avec les services de prévention et de santé au travail dans le but de favoriser le maintien dans l’emploi des personnes susmentionnées et de prévenir leur désinsertion professionnelle ;

– et, de façon plus opérationnelle, que ce même référent pourra être associé au rendez-vous de préreprise entre le salarié en arrêt de travail et l’employeur ([237]) ainsi qu’aux échanges précédant l’éventuelle mise en œuvre des mesures d’adaptation du poste ou des horaires de travail consécutive à la visite de mi‑carrière ([238]).

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Article 15
Autorisation du recours à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication pour le suivi des travailleurs

Adopté par la commission avec modifications

Cet article ouvre expressément aux professionnels de santé le droit de recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication pour le suivi de l’état de santé des travailleurs, moyennant leur accord.

I.   le droit en vigueur : la tÉlÉmédecine, une pratique relativement rÉcente encadrÉe par les textes

Composante, avec le télésoin, de la télésanté, la télémédecine est une manière innovante et efficace de faire de la médecine.

A.   la tÉlÉmédecine : une manière innovante et efficace de faire de la médecine...

Le premier alinéa de l’article L. 6316-1 du code de la santé publique, créé par la loi du 21 juillet 2009 ([239]), définit la télémédecine comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication [qui] met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient ».

Le deuxième alinéa du même article énumère les actions qui peuvent être réalisées à distance : l’établissement d’un diagnostic ; la mise en œuvre, pour un patient à risque, d’un suivi à visée préventive ou d’un suivi post‑thérapeutique ; le recours à un avis spécialisé ; la préparation d’une décision thérapeutique ; la prescription de produits ; la prescription ou la réalisation de prestations ou d’actes ; la mise en place d’une surveillance de l’état des patients.

Concrètement, et en application de l’article R. 6316-1 du même code, constituent des actes de télémédecine :

– la téléconsultation, « qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient » auprès de qui peuvent être présents un professionnel de santé ou un psychologue au sens de l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 ([240]) ;

– la téléexpertise, « qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient » ;

– la télésurveillance médicale, « qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient » ;

– la téléassistance médicale, « qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte » ;

– la réponse médicale « qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale mentionnée à l’article L. 6311-2 et au troisième alinéa de l’article L. 63141 » dudit code.

Article L. 6311-2 du code de la santé publique

« Seuls les établissements de santé peuvent être autorisés, conformément au chapitre II du titre II du livre Ier de la présente partie, à comporter une ou plusieurs unités participant au service d’aide médicale urgente, dont les missions et l’organisation sont fixées par voie réglementaire.

« Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d’aide médicale urgente. Ce centre peut être commun à plusieurs services concourant à l’aide médicale urgente.

« Le fonctionnement de ces unités et centres peut être assuré, dans des conditions fixées par décret, avec le concours de médecins d’exercice libéral.

« Dans le respect du secret médical, les centres de réception et de régulation des appels sont interconnectés avec les dispositifs des services de police et d’incendie et de secours.

« Les services d’aide médicale urgente et les services concourant à l’aide médicale urgente sont tenus d’assurer le transport des patients pris en charge dans le plus proche des établissements offrant des moyens disponibles adaptés à leur état, sous réserve du respect du libre choix. »

 

 

Troisième alinéa de l’article L. 6314‑1 du code de la santé publique

« La régulation téléphonique de l’activité de permanence des soins ambulatoires est accessible gratuitement par un numéro national de permanence des soins ou par le numéro national d’aide médicale urgente. En application de l’article L. 1435-5, le directeur général de l’agence régionale de santé détermine, pour la région, lequel des deux numéros est utilisé pour la permanence des soins ambulatoires. Lorsqu’il choisit le numéro d’aide médicale urgente, l’accès à la régulation téléphonique de permanence des soins ambulatoires reste toutefois accessible par le numéro national de permanence des soins. Cette permanence est coordonnée avec les dispositifs de psychiatrie d’intervention en urgence. »

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De l’avis de nombreux acteurs du monde médical, la télémédecine permet de répondre à certains des défis auxquels fait face notre pays sur le plan sanitaire, le vieillissement de la population ou le suivi approfondi des maladies chroniques par exemple. Au-delà, elle contribue, selon l’assurance maladie, à l’amélioration de l’organisation du système de santé dans son ensemble, « en limitant les renoncements aux avis spécialisés ou les délais excessifs de prises en charge », « en simplifiant le suivi des patients [...] », « en améliorant [leur] qualité de vie » et « en facilitant l’accès de tous à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire » ([241]).

La télémédecine constitue, en effet, un vecteur important d’amélioration de l’accès aux soins dans les zones sous-dotées en matière d’offre médicale. Là plus qu’ailleurs, elle présente un certain nombre d’avantages que nos collègues sénateurs Jean‑Noël Cardoux et Yves Daudigny ont d’ailleurs identifiés avec justesse dans leur rapport publié en juillet 2017 :

« – elle répond à certaines des attentes des jeunes praticiens, en développant le travail en réseau, les échanges et les coopérations entre professionnels de santé ;

« – elle facilite l’organisation de la prise en charge des patients [...] ;

« – elle apporte une réponse cruciale pour l’accès aux spécialités médicales, en permettant à deux professionnels d’avoir un dialogue pour orienter le patient et lui assurer une prise en charge plus rapide en cas de besoin. » ([242])

Enfin, comment ne pas évoquer le rôle essentiel que joue la télémédecine dans le contexte épidémique actuel eu égard à la hausse spectaculaire du nombre d’actes de téléconsultation réalisés depuis le début de la crise sanitaire ([243]) ? Incontestablement, elle démontre toute son utilité en offrant aux patients la possibilité d’accéder aux soins tout en les protégeant, ainsi que les médecins, d’une éventuelle contamination par le virus.

B.   ... dans le respect des droits du patient

L’accomplissement des actes de télémédecine fait l’objet d’un encadrement strict destiné à garantir au patient le respect de ses droits.

Ainsi le premier alinéa de l’article R. 6316-2 du code de la santé publique énonce-t-il la règle selon laquelle les actes susmentionnés sont réalisés « avec le consentement libre et éclairé de la personne ».

Au demeurant, ils sont réalisés, en vertu de l’article R. 6316-3, dans des conditions garantissant :

– l’authentification des professionnels de santé ;

– l’identification du patient ;

– l’accès des professionnels de santé aux données médicales du patient nécessaires à la réalisation des actes en question ;

– la formation ou la préparation du patient à l’utilisation du dispositif de télémédecine, lorsque la situation l’impose.

Enfin, et pour s’en tenir à ces exemples, l’article R. 6316-10 fait obligation aux organismes et aux professionnels de santé qui utilisent les technologies de l’information et de la communication pour la pratique d’actes de télémédecine de s’assurer « que l’usage de ces technologies est conforme aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité mentionnés à l’article L. 1110-4-1 ».

II.   le DROIT proposÉ : autoriser expressÉment le recours À la tÉlÉmédecine pour le suivi des travailleurs

Pas totalement inconnue des acteurs de la santé au travail, la télémédecine n’en reste pas moins peu pratiquée même si, à la faveur de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, le recours à la téléconsultation est devenu plus fréquent. Elle présente pourtant un intérêt évident, tant pour les professionnels de santé que pour les travailleurs, à la condition qu’elle soit correctement encadrée. Ainsi, il y a tout lieu de penser que la montée en puissance de la téléconsultation, pour s’en tenir à cet exemple, offrirait « une opportunité de développer les échanges » ([244]) entre les médecins traitants et les médecins du travail, ce que vos rapporteures appellent de leurs vœux. Au surplus, il y aurait sans doute là un moyen « de faciliter l’établissement de parcours de soins coordonné, ayant pour objectif le maintien en emploi, et de rémunérer l’investissement du médecin prescripteur » ([245]).

Le présent article donne une traduction législative à la volonté des partenaires sociaux signataires de l’ANI et, plus généralement, des promoteurs d’un recours accru à la télémédecine pour le suivi des travailleurs.

À cet effet, il apporte deux modifications à l’article L. 4624‑1 du code du travail.

● Le , qui insère un alinéa après le premier alinéa, ouvre aux professionnels de santé au travail mentionnés à ce même alinéa – médecin du travail, collaborateur médecin, interne en médecine du travail et infirmier – la faculté de recourir, pour l’exercice de leurs missions, aux pratiques médicales à distance relevant de la télémédecine dans les conditions prévues à l’article L. 6316‑1 du code de la santé publique (voir supra). Toutefois, il renvoie à un décret le soin de préciser les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces pratiques dans le domaine de la santé au travail.

● Le , qui insère un alinéa après le cinquième alinéa, dispose que le suivi individuel du travailleur pourra être assuré par un professionnel de santé, ce qui inclurait notamment le médecin praticien correspondant ([246]), au moyen des pratiques médicales à distance susmentionnées « en tenant compte de l’état de santé physique et psychique du travailleur ». Cependant, il précise que l’examen médical sera réalisé en présence du travailleur dès lors que son état de santé ou les risques professionnels auxquels il est exposé justifieront, selon le professionnel de santé, le recours à cette option.

Selon toute vraisemblance, certains types de consultations se prêteront mieux que d’autres à l’absence de contact physique : à titre d’exemples, si la visite d’information et de prévention réalisée au moment de l’embauche ou les visites périodiques pourraient opportunément se faire à distance, les visites de préreprise ou de reprise du travail après une absence de longue durée gagneraient probablement à se dérouler, comme cela est le cas actuellement, en présence du travailleur.

● Enfin, et dans un tout autre domaine, le supprime le dernier alinéa de l’article L. 4624‑1, qui prévoit, d’une part, que « [l]e rapport annuel d’activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données présentées par sexe » et, d’autre part, qu’« [u]n arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles de rapport annuel d’activité du médecin du travail et de synthèse annuelle de l’activité du service de santé au travail ». Il ne s’agit nullement de renoncer à faire apparaître ces données, encore moins de mettre un terme à la rédaction de ce rapport, mais simplement de tirer les conséquences du choix fait par vos rapporteures de confier au service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) le soin d’élaborer et de rendre public ledit rapport ([247]).

III.   Les modifications apportÉes par la commission

Sur proposition de vos rapporteures, et pour tenir compte des remarques formulées par le Conseil d’État, la commission a adopté un amendement réécrivant substantiellement l’article 15.

Désormais, celui-ci autorise les professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624‑1 du code du travail à recourir « à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication pour le suivi individuel du travailleur, compte tenu de son état de santé physique et mental ».

Vos rapporteures ont estimé qu’il n’était en réalité pas pertinent de faire référence à la télémédecine en tant que telle, les actes associés à cette notion, énumérés à l’article R. 6316-1 du code de la santé publique, s’avérant incomplètement praticables dans le cadre de la médecine du travail.

Elles ont souhaité, par ailleurs, que soit expressément ouverte aux infirmiers la faculté de recourir à des pratiques de soins à distance sans renvoyer, par cohérence avec ce qui précède, au télésoin tel qu’il est défini à l’article L. 6316‑2 du même code.

Enfin, elles ont jugé nécessaire d’apporter deux précisions au dispositif initialement proposé afin d’asseoir sa solidité juridique :

– celle, d’abord, suivant laquelle le consentement du travailleur devra être recueilli préalablement à la mise en œuvre des pratiques médicales ou de soins à distance ;

– celle, ensuite, suivant laquelle la confidentialité des échanges entre le professionnel de santé et le travailleur devra être garantie.

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Article 16
Instauration d’une visite médicale de mi-carrière au bénéfice des travailleurs

Adopté par la commission avec modifications

Cet article instaure une visite de mi-carrière au bénéfice des travailleurs à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile de leur quarante‑cinquième anniversaire.

I.   le code du travail ouvre au travailleur le droit de bÉnÉficier d’un suivi individuel de son État de santÉ, lequel passe notamment par la rÉalisation de visites mÉdicales

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail, tout travailleur ([248]) bénéficie d’un suivi individuel de son état de santé, assuré par le médecin du travail et, sous son autorité, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1 du même code, l’interne en médecine du travail et l’infirmier.

Ce suivi passe notamment par la réalisation d’un certain nombre de visites médicales qui interviennent à différentes étapes de la vie professionnelle.

Dans les seuls services de santé au travail interentreprises (SSTI), le nombre de visites s’établissait à près de 7 millions en 2019 ([249]).

A.   les visites rÉalisÉes À l’embauche

● Une visite d’information et de prévention, organisée sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 4624-1, est effectuée après l’embauche, dans un délai qui ne peut excéder trois mois à compter de la prise effective du poste de travail, conformément à l’article R. 4624-10 de ce code ([250]). Est ouvert, à cette occasion, un dossier médical en santé au travail ([251]).

La visite a pour objet, en vertu de l’article R. 4624-11 :

– d’interroger le salarié sur son état de santé ;

– de l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail ;

– de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre ;

– d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ;

– de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.

S’il l’estime nécessaire, ce dernier peut proposer des adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes ([252]).

La visite d’information et de prévention est renouvelée selon une périodicité qui ne peut excéder cinq ans ([253]). « Ce délai, qui prend en compte les conditions de travail, l’âge et l’état de santé du salarié, ainsi que les risques auxquels il est exposé, est fixé par le médecin du travail ».

À l’issue de toute visite de ce type, une attestation de suivi est délivrée par le professionnel de santé au travailleur et à l’employeur ([254]).

Enfin, le travailleur dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent (notamment s’il est handicapé ou s’il travaille la nuit) bénéficie de modalités de suivi adaptées à sa situation ([255]).

● Le travailleur affecté à un poste présentant certains risques (liés, par exemple, à une exposition à l’amiante, au plomb, aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, etc.) bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé. Dans ce cas, un examen médical d’aptitude ([256]), qui se substitue à la visite d’information et de prévention, « permet de s’assurer de la compatibilité de l’état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de prévenir tout risque grave d’atteinte à sa santé ou à sa sécurité ou à celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail », conformément à l’article L. 4624-2 du code du travail ([257]).

Réalisé avant l’embauche, cet examen, à l’occasion duquel est ouvert un dossier médical en santé au travail ([258]), est renouvelé selon une périodicité déterminée par le médecin du travail et qui ne peut être supérieure à quatre ans ([259]). Toutefois, une visite intermédiaire est effectuée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 au plus tard deux ans après la visite avec le médecin du travail ([260]).

L’examen et son renouvellement donnent lieu à la délivrance d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude, transmis au travailleur et à l’employeur et versé au dossier médical en santé au travail de l’intéressé ([261]).

B.   les visites consÉcutives À une absence de longue durÉe

● Le travailleur en arrêt de travail pour une durée supérieure à trois mois bénéficie, dans le but de favoriser son maintien dans l’emploi, d’une visite de préreprise ([262]) organisée, sur le fondement de l’article R. 4624-29 du code du travail, par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant, du médecin-conseil des organismes de sécurité sociale ou du travailleur lui-même.

Le médecin du travail peut, à cette occasion, recommander, entre autres mesures figurant à l’article R. 4624-30, des aménagements et des adaptations du poste de travail ou des préconisations de reclassement.

● Le travailleur fait l’objet d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail, le jour de la reprise et, au plus tard, dans un délai de huit jours à compter de celle-ci, dans les cas prévus à l’article R. 4624-31 :

– après un congé de maternité ;

– après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

– après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Cet examen a plusieurs objets ([263]) :

– vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;

– examiner les propositions d’aménagement ou d’adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises, le cas échéant, par le médecin du travail lors de la visite de préreprise ;

– préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du travailleur ;

– émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude.

C.   les visites « optionnelles »

● Indépendamment des visites organisées au moment de l’embauche, périodiques ou consécutives à une absence de longue durée, le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail, conformément à l’article R. 4624-34 du code du travail. Ainsi le salarié peut-il notamment solliciter une visite médicale « lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé », ce cas de figure étant d’ailleurs expressément prévu par la loi ([264]).

● Par ailleurs, le médecin a la faculté, d’une manière générale, d’organiser une visite médicale pour tout travailleur qui en aurait besoin, ainsi que l’indique le dernier alinéa du même article R. 4624-34, et de réaliser ou de prescrire, en application de l’article R. 4624-35, les examens complémentaires qui seraient nécessaires à la détermination de la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, au dépistage d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptible de résulter de son activité professionnelle ou au dépistage des maladies dangereuses pour son entourage professionnel.

D.   la visite de fin de carriÈre en cas de suivi renforcÉ

Le travailleur qui fait l’objet d’un suivi individuel renforcé ou qui en a fait l’objet au cours de sa carrière professionnelle est examiné par le médecin du travail, à l’occasion d’une visite médicale prévue à l’article L. 4624-2-1 du code du travail, avant son départ à la retraite aux fins d’« établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 auxquelles » il a été soumis.

À l’issue de cet examen, le médecin du travail peut, si cela s’avère nécessaire, mettre en place une surveillance post-professionnelle en lien avec le médecin traitant.

Vos rapporteures relèvent que le décret en Conseil d’État nécessaire à l’application de ce dispositif issu de la loi du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi du 15 septembre 2017 ([265]) n’a pas encore été pris. Aussi, elles forment le vœu qu’il puisse l’être dans les meilleurs délais.

II.   le dROIT proposÉ : instaurer une visite mÉdicale de mi‑carriÈre au profit du travailleur

Le présent article – qui transpose une disposition de l’ANI – complète la liste des visites médicales dont le travailleur doit ou peut bénéficier tout au long de sa carrière professionnelle. Aux termes du nouvel article L. 4624‑2‑2 du code du travail, il sera désormais examiné par le médecin du travail à l’occasion d’une visite de mi-carrière qui interviendra à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile de son quarante‑cinquième anniversaire.

Dans un souci de pragmatisme, cet article prévoit que l’examen pourra être anticipé et, ce faisant, organisé en même temps qu’une autre visite médicale dès lors que celle-ci aurait lieu dans les deux années qui précèderaient l’échéance susmentionnée.

En tout état de cause, l’examen de mi-carrière poursuivra trois objectifs :

– établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur à la date de la visite, qui tienne compte des risques auxquels il aurait été exposé ;

– évaluer les risques de désinsertion professionnelle, « en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel passé, de son âge et de son état de santé » ;

– sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et à la question de la prévention des risques professionnels.

À l’issue de cet examen, le médecin aura la faculté de proposer, par écrit et après un échange avec le travailleur et l’employeur, « des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur », soit les mesures prévues à l’article L. 4624‑3 du code du travail.

Selon les estimations de l’organisme Présanse, ce sont près de 370 000 visites de mi-carrière qui pourraient être réalisées chaque année. Vos rapporteures ont bien conscience de l’impact que ce nouveau dispositif aura sur la charge de travail des médecins du travail. Toutefois, ce serait une erreur que de l’appréhender isolément car cela reviendrait à faire fi des dispositions de la proposition de loi qui visent à mieux répartir les tâches entre les différents professionnels de santé au travail. Or celles-ci ne manqueront pas de produire leurs effets, vos rapporteures en sont convaincues.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement déposé par M. Thierry Michels et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche visant à autoriser le « référent handicap » à transmettre au médecin du travail, avant la visite de mi‑carrière, ses observations sur le parcours du travailleur en situation de handicap, à la demande de ce dernier.

Elle a également adopté sept amendements de vos rapporteures destinés à améliorer la qualité rédactionnelle du texte.

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Article 17
Amélioration du suivi de l’état de santé de certains salariés et extension
de ce suivi à de nouvelles catégories de travailleurs

Adopté par la commission avec modifications

Cet article crée les conditions d’une meilleure prise en charge, par les services de prévention et de santé au travail, de certains salariés et étend à de nouvelles catégories de travailleurs le bénéfice d’une telle prise en charge.

I.   le dROIT en vigueur : la mÉdecine du travail, un service largement rÉservÉ À certaines catÉgories de travailleurs

Aux termes de l’article L. 4111-5 du code du travail, les dispositions applicables en matière de santé et de sécurité au travail – inscrites au sein de la quatrième partie de ce code – concernent non seulement les salariés, y compris temporaires, mais aussi les stagiaires ainsi que toute personne placée, à quelque titre que ce soit, sous l’autorité de l’employeur. Cependant, force est de reconnaître que le système de prévention des risques professionnels demeure avant tout conçu pour les quelque 20 millions de salariés que compte notre pays.

A.   la prise en charge des salariÉs temporaires et des salariÉs d’entreprises sous-traitantes souffre de carences

En principe, l’entreprise de travail temporaire assume les obligations relatives à la médecine du travail, conformément au premier alinéa de l’article L. 1251-22 du code du travail. Cela signifie notamment que les visites médicales dont bénéficient ses salariés sont réalisées par le service de santé au travail de l’entreprise en question. Toutefois, ces visites peuvent être réalisées, moyennant leur accord, par un service de santé au travail interentreprises proche du lieu de travail des salariés concernés, d’un autre secteur ou professionnel ou le service autonome de l’entreprise utilisatrice auprès de laquelle sont détachés les salariés ([266]). En outre, les obligations sont à la charge de cette dernière entreprise lorsque l’activité exercée par les salariés temporaires nécessite une surveillance médicale renforcée, en application du dernier alinéa du même article L. 1251-22.

En pratique, le suivi des salariés temporaires, qui sont près de 3 millions, se heurte à une difficulté qui réside dans leur présence par nature intermittente au sein de l’entreprise. Pourtant, ils sont exposés à des risques importants, parfois même plus importants que ceux qui touchent les autres salariés, ce que révèlent les différents travaux conduits sur le sujet. « Les indicateurs de sinistralité mettent en évidence la fréquence et la gravité sensiblement plus élevées des accidents du travail des intérimaires dans de nombreux secteurs d’activité. Le taux de fréquence des AT (TF) y est parfois presque 2 fois plus élevé que celui des salariés des entreprises utilisatrices (EU) du même secteur. Les causes sont multiples et assez bien connues parmi lesquelles la réalisation de travaux plus exposés aux risques d’accidents, l’affectation sur des postes différents de ceux des salariés permanents et plus à risques, une insuffisance d’accueil et d’encadrement des salariés intérimaires pendant leur mission, un changement de poste ou une affectation à un poste pour lequel la qualification du salarié intérimaire est inadaptée. » ([267])

De façon tout aussi regrettable, les salariés d’entreprises sous-traitantes pâtissent également d’un accès insuffisant à la médecine du travail en raison de leur présence irrégulière dans l’entreprise. Or, ils « exercent souvent des tâches impliquant une pluralité de risques physiques (port de charges), chimiques et biologiques (manipulation de produits dangereux par exemple dans le cas des agents de nettoyage) et organisationnels (horaires atypiques) » ([268]).

B.   La prise en charge des travailleurs non-salariÉs apparaÎt peu développÉe

Pour l’essentiel, les travailleurs non-salariés, catégorie qui regroupe principalement les artisans, les commerçants, les chefs d’entreprise ou encore les professions libérales, n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du code du travail relatives à la santé et à la sécurité au travail.

Néanmoins, rien ne permet de penser qu’ils seraient a priori moins exposés que les salariés aux risques sanitaires et sécuritaires. Bien au contraire, il apparaît qu’ils font face à des risques en partie identiques à ceux auxquels font face ces derniers, ce que les organisations patronales ont souligné devant vos rapporteures. Au demeurant, et comme l’évoquent à juste titre les sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny dans leur rapport sur la santé au travail, ils sont concernés par des risques spécifiques liés, s’agissant par exemple des travailleurs indépendants, « à la forte responsabilité personnelle qui caractérise leurs métiers », « la nature du travail indépendant [favorisant] le déni par les intéressés de leurs problèmes de santé », le tout conduisant « selon une logique de cercle vicieux à l’aggravation [des] problèmes » ([269]).

Il ne fait pas de doute, par ailleurs, que l’altération de la santé d’un employeur peut avoir un impact sur la situation des salariés de l’entreprise.

II.   le dROIT proposÉ : amÉliorer le suivi de l’État de santÉ de certains salariÉs et Étendre le bÉnÉfice d’un tel suivi À de nouvelles catÉgories de travailleurs

« En matière de santé au travail, il apparaît de moins en moins justifiable d’opérer une distinction entre les personnes en raison de leur différence de statut juridique alors qu’au sein d’une même communauté de travail (salarié et indépendant), voire dans la même entreprise (CDI, intérimaire, CDD, stagiaire), elles cohabitent et sont exposées aux mêmes risques. » ([270])

Ces propos résonnent avant d’autant plus de force dans le contexte épidémique que connaît notre pays depuis plusieurs mois.

Aussi, le présent article, qui fait écho à certaines recommandations formulées dans les travaux récents consacrés à la question de la santé au travail, réalisés pour le compte du Parlement ([271]) ou du pouvoir exécutif ([272]), vise à remédier à la situation dans laquelle se trouvent de nombreux travailleurs, salariés ou non, peu ou pas suivis par la médecine du travail.

Les propositions du rapport d’information de la commission
des affaires sociales du Sénat sur la santé au travail

Proposition n° 11 : Intégrer les chefs d’entreprise dans l’effectif suivi par le SST d’une entreprise, sans majoration de la cotisation versée.

Proposition n° 12 : Prévoir un rattachement obligatoire des travailleurs non-salariés qui n’ont pas de salarié au SST de leur choix moyennant une cotisation individuelle.

Proposition n° 13 : Attribuer par convention le suivi de l’ensemble des intérimaires d’une branche au sein d’un même bassin d’emploi à un SSTI identifié à cet effet.

Proposition n° 14 : Intégrer les salariés de sous-traitants, intervenant au sein d’une entreprise pendant une période minimale déterminée par voie réglementaire, dans les effectifs suivis par le SST de l’entreprise utilisatrice.

Source : Stéphane Artano et Pascale Gruny, op. cit., p. 10.

Concrètement, il crée les conditions d’une amélioration du suivi de l’état de santé des salariés insuffisamment pris en charge et étend à certains travailleurs, qui en sont aujourd’hui privés, le bénéfice d’un tel suivi.

● En premier lieu, le , qui insère un nouvel alinéa à l’article L. 1251-22 du code du travail, donne un fondement législatif au dispositif – évoqué dans l’ANI – ouvrant aux salariés d’une entreprise de travail temporaire la possibilité d’être suivis par le service de prévention et de santé au travail autonome (SPSTA) de l’entreprise utilisatrice. À cette fin, une convention sera conclue entre cette dernière et l’entreprise de travail temporaire ou le service de prévention et de santé au travail (SPST) dont relèvent les salariés intérimaires.

● En deuxième lieu, et suivant une logique similaire, le introduit dans le même code un article L. 4622‑5‑1 dont l’objet est double :

– poser le principe selon lequel l’ensemble des travailleurs, salariés ou non‑salariés (catégorie qui inclut notamment les prestataires extérieurs ou les chefs d’entreprise), exerçant leur activité sur le site d’une entreprise disposant de son propre SPST pourront être suivis par ce service, dans le cadre d’une convention signée entre les parties intéressées ;

– prévoir, selon les termes de l’ANI, que la prévention des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés d’entreprises sous‑traitantes ou prestataires d’entreprises extérieures exerçant certaines activités – dont la nature et la durée seront précisées par décret – sur le site d’une entreprise disposant de son propre SPST devra être assurée conjointement suivant des modalités définies par une convention conclue entre ce service et les SPST dont relèvent les salariés en question.

● En troisième et dernier lieu, le crée dans ledit code un article L. 4621‑2‑1 aux fins de rendre applicables aux travailleurs indépendants qui relèvent du livre VI du code de la sécurité sociale ([273]) les dispositions du livre VI de la quatrième partie du code du travail ([274]) « lorsqu’ils sont suivis par un service de prévention et de santé au travail » et, plus précisément, de leur ouvrir la possibilité de bénéficier d’une « offre spécifique de services en matière de prévention, de suivi individuel et de prévention de la désinsertion professionnelle ». Ainsi, ceux qui le souhaitent pourront s’affilier au SPSTI de leur choix et, moyennant le paiement d’une cotisation, avoir accès à un certain nombre de prestations, nécessairement adaptées à leur statut.

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Vos rapporteures ont bien conscience de l’impact qu’auront les évolutions proposées au présent article sur l’activité des services de santé au travail. Mais elles n’en considèrent pas moins, à l’instar des partenaires sociaux, qu’il est temps de tout mettre en œuvre pour améliorer la prise en charge médicale de l’ensemble des travailleurs. Aussi forment-elles le vœu que les services de santé au travail étendent leur champ d’action à ces publics afin de répondre à la réforme de prévention en santé au travail qui doit concerner plus largement les travailleurs.

III.   les modifications apportées par la commission

Sur proposition de vos rapporteures, la commission a apporté au texte plusieurs modifications afin de garantir la clarté de certaines dispositions.

En premier lieu, elle a adopté un amendement autorisant une entreprise disposant de son propre service de santé au travail susceptible d’assurer le suivi de l’état de santé des salariés d’une entreprise de travail temporaire à conclure une convention à cette fin avec cette seule entreprise et non plus avec le service de santé au travail dont relèveraient les salariés de cette dernière.

En deuxième lieu, elle a adopté un amendement, inspiré d’une recommandation du Conseil d’État, réécrivant le dispositif applicable aux travailleurs indépendants afin de lever toute ambiguïté sur la nature du suivi que les SPSTI pourront leur proposer. Une fois affiliés à un service, ces travailleurs auront accès à des prestations spécifiques en matière de prévention, de suivi individuel et de prévention de la désinsertion professionnelle.

En troisième et dernier lieu, la commission a adopté deux amendements, eux aussi inspirés par les remarques du Conseil d’État, destinés à assurer une meilleure articulation entre les deux alinéas du futur article L. 4622‑5‑1.

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Article 18
Aménagement des modalités de l’organisation du retour des travailleurs
à leur poste après une absence de longue durée

Adopté par la commission avec modifications

Cet article crée les conditions d’une meilleure préparation du retour à leur poste des travailleurs arrêtés pour des raisons tenant essentiellement à leur santé. À cet effet, il instaure un rendez-vous de préreprise, rebaptisé rendez-vous de liaison, entre le salarié et l’employeur et apporte quelques modifications au régime des visites médicales de reprise et de préreprise.

I.   le dROIT en vigueur : l’organisation d’un suivi particulier au plan mÉdical au bÉnÉfice du travailleur de retour À son poste après une absence de longue durÉe

Dans certaines situations, le retour d’un travailleur à son poste nécessite un suivi particulier au plan médical. C’est l’objet de l’examen de reprise du travail qui peut, dans certains cas, être précédé d’un examen de préreprise.

A.   l’examen de reprise du travail

Réalisé par le médecin du travail, l’examen de reprise du travail est, conformément à l’article R. 4624-31 du code du travail, organisé au profit du travailleur :

– après un congé de maternité ;

– après une absence pour cause de maladie professionnelle, quelle qu’en soit la durée ;

– après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Il incombe à l’employeur, dès lors qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, de saisir le service de santé au travail afin que celui-ci organise l’examen le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard huit jours après la date de la reprise.

L’examen a pour objet, en vertu de l’article R. 4624-32 du même code :

– de vérifier que le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;

– d’examiner les propositions d’aménagement ou d’adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises, le cas échéant, par le médecin du travail lors de la visite de préreprise (voir infra) ;

– de préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du travailleur ;

– d’émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude ([275]).

B.   l’examen de prÉreprise

Réservé au travailleur placé en arrêt de travail pour une durée supérieure à trois mois, l’examen de préreprise, prévu à l’article R. 4624-29 du code du travail, est organisé par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant, du médecin-conseil des organismes de sécurité sociale ou du travailleur lui‑même.

Aux termes de l’article R. 4624-30 du même code, il permet au médecin du travail de recommander :

– des aménagements et des adaptations du poste de travail ;

– des préconisations de reclassement ;

– des formations professionnelles visant à faciliter le reclassement dudit travailleur ou sa réorientation professionnelle.

Sauf si ce dernier s’y oppose, le médecin du travail porte à la connaissance de l’employeur et du médecin-conseil les recommandations qu’il formule afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi de la personne.

Si le principe de la tenue d’une visite de préreprise pour les travailleurs absents pour une longue période de temps est évidemment vertueux, il apparaît que l’organisation de cette visite est, dans les faits, loin d’être systématique. À cet égard, la mission de l’IGAS consacrée à la prévention de la désinsertion professionnelle faisait le constat suivant : « Alors qu’elle est indispensable pour anticiper l’aménagement du poste de travail ou la recherche d’une solution de reclassement interne, la proposition d’une visite de préreprise durant un arrêt de travail de plus de trois mois reste aléatoire, en fonction des initiatives du médecin traitant ou d’un médecin-conseil de la sécurité sociale » ([276]).

Du reste, « [l]orsqu’elles sont organisées, ces visites n’interviennent [...] bien souvent que quelques jours avant la reprise prévue du travail et ne permettent pas d’organiser cette reprise dans des conditions adaptées aux besoins du salarié », ainsi que le soulignent les sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny dans leur rapport d’information déjà cité ([277]).

Cette situation n’est évidemment pas satisfaisante et doit évoluer rapidement. Vos rapporteures voient dans la présente réforme une occasion privilégiée d’œuvrer dans ce sens.

II.   le DROIT proposÉ : amÉliorer la prÉparation de la reprise du travail après une absence de longue durÉe du travailleur

Le présent article comporte deux séries de mesures guidées par le souci d’améliorer la préparation de la reprise du travail à la suite d’une absence du travailleur résultant d’un accident du travail, d’une maladie – professionnelle ou non – ou de la naissance d’un enfant.

A.   l’instauration d’un rendez-vous de prÉreprise entre l’employeur et le salariÉ en arrÊt de travail

Les et créent un dispositif nouveau : le rendez-vous de préreprise entre l’employeur et le salarié en arrêt de travail.

En l’état, ce rendez-vous, auquel pourra être associé le service de prévention et de santé au travail (SPST), s’adressera :

– d’une part, et nonobstant la suspension de son contrat de travail, au salarié absent, pour une durée fixée par décret, pour cause d’incapacité « résultant de maladie ou d’accident », suivant les termes du premier alinéa de l’article L. 1226‑1 du code du travail ;

– d’autre part, et nonobstant la suspension de son contrat de travail, au salarié, absent pour une durée fixée par décret, « victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle », suivant les termes du premier alinéa de l’article L. 1226-7 du même code.

Dans les deux cas, le rendez-vous, dont la tenue ne revêtirait aucun caractère obligatoire, sera l’occasion pour l’employeur, appuyé par le SPST, d’informer le salarié sur les dispositifs existants susceptibles d’améliorer les conditions de son retour au travail, à savoir :

– les actions de prévention de la désinsertion professionnelle énumérées au nouvel article L. 4622‑8‑1 dudit code ([278]) ;

– l’examen de préreprise désormais prévu à l’article L. 4624‑2‑3 du même code (voir infra) ;

– les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou d’aménagement du temps de travail figurant à l’article L. 4624‑3 de ce code.

De l’avis de l’ensemble des personnes entendues par vos rapporteures, notamment du secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail, ce dispositif permettra opportunément d’appréhender le plus en amont possible les éventuelles difficultés liées au retour au travail d’une personne en raison de son état de santé et d’envisager plus tôt que cela ne se fait actuellement la mise en œuvre de mesures adaptées à sa situation.

B.   l’amÉnagement du dispositif des visites de reprise et de prÉreprise

Le insère dans le code du travail deux articles L. 4624‑2‑2 et L. 4624‑2‑3 qui posent le cadre général de l’organisation des visites de reprise et de préreprise.

● Le premier article énonce la règle selon laquelle le travailleur bénéficie, après « un congé de maternité ou une absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident, répondant à des conditions fixées par décret », d’un examen de reprise par un professionnel de santé au travail, organisé dans un délai déterminé par décret.

Si, contrairement à la règle qui prévaut aujourd’hui, la réalisation de l’examen n’échoira pas nécessairement au médecin du travail – l’infirmier en pratique avancée, en particulier, pourra en être chargé ([279]) –, le public concerné demeurera, en revanche, le même : travailleuse revenant d’un congé de maternité, travailleur absent pour cause de maladie professionnelle, indépendamment de sa durée, et travailleur absent, pour une durée d’au moins trente jours, pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel ([280]).

Par ailleurs, l’objet de l’examen sera, lui aussi, inchangé au regard du droit en vigueur ([281]).

● Le second article ouvre au travailleur la possibilité de bénéficier, « en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident supérieure à une durée fixée par décret », d’un examen de préreprise par le médecin du travail afin, notamment, que soit envisagée la mise en place des mesures d’aménagement du poste de travail et des horaires prévues à l’article L. 4624‑3.

Là encore, l’examen sera réservé au public qui peut aujourd’hui en bénéficier, à savoir les travailleurs arrêtés pour une durée supérieure à trois mois ([282]).

Toutefois, alors qu’il peut, en l’état actuel du droit, se tenir à l’initiative du médecin traitant, du médecin-conseil des organismes de sécurité sociale ou du travailleur, il pourra aussi, aux termes du nouvel article L. 4624‑2‑3, être organisé sur proposition de l’employeur ou du médecin du travail.

Enfin, il aura vocation à se tenir dès lors que le retour du travailleur à son poste sera anticipé, cette condition n’étant pas prévue à l’heure actuelle. Une fois cette dernière remplie, l’examen aura idéalement lieu aussi tôt que possible afin que l’employeur dispose d’un temps suffisant pour prendre, le cas échéant, les mesures idoines.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a apporté plusieurs modifications de fond à cet article.

Sur proposition de vos rapporteures et de Mme Valérie Six, elle a jugé préférable que le SPST soit systématiquement associé au rendez-vous de préreprise, rebaptisé, à l’initiative de cette dernière, rendez-vous de liaison.

Elle a aussi adopté un amendement de vos rapporteures destiné à ce que soit indiqué explicitement l’objet de ce rendez-vous, à l’occasion duquel le salarié devra être informé de la possibilité pour lui de bénéficier des mesures susceptibles de favoriser son retour dans l’emploi.

Par ailleurs, elle a pris acte de la volonté de vos rapporteures de laisser au seul salarié le droit de prendre l’initiative de l’organisation du rendez-vous de liaison comme de la visite médicale de préreprise, à charge pour l’employeur, dans les deux cas, d’informer le salarié de sa faculté de prendre une telle initiative.

Enfin, elle a fait le choix, sur proposition de vos rapporteures, de confier au seul médecin du travail – plutôt qu’au professionnel de santé au travail – le soin de réaliser la visite médicale de reprise, compte tenu du fait qu’elle peut déboucher sur un avis d’inaptitude. Ce faisant, elle a suivi une autre recommandation formulée par le Conseil d’État qui invitait à ne pas modifier le droit en vigueur sur ce point.

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Article 19
Intégration des salariés confrontés à un risque de désinsertion
professionnelle à la liste des salariés prioritaires pour le
bénéfice d’un projet de transition professionnelle

Adopté par la commission avec modifications

Cet article intègre les salariés exposés à un risque de désinsertion professionnelle à la liste des salariés susceptibles de bénéficier d’un projet de transition professionnelle indépendamment de leur ancienneté dans l’entreprise.

I.   le DROiT en vigueur : le projet de transition professionnelle, un outil au service de la formation des salariÉs qui souhaitent changer de trajectoire

Le projet de transition professionnelle, qui s’est substitué au congé individuel de formation supprimé depuis le 1er janvier 2019, est une modalité particulière de mobilisation du compte personnel de formation qui permet au salarié souhaitant changer de métier ou de profession de financer des actions de formation certifiante.

Y est éligible, aux termes du I de l’article L. 6323-17-2 du code du travail, le salarié qui justifie d’une ancienneté d’au moins :

– vingt-quatre mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, dont douze mois dans l’entreprise, quelle qu’ait été la nature des contrats de travail successifs ;

– vingt-quatre mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, quelle qu’ait été la nature des contrats successifs, au cours des cinq dernières années dont quatre mois, consécutifs ou non, en contrat de travail à durée déterminée au cours des douze derniers mois ([283]).

La condition d’ancienneté n’est toutefois pas exigée « pour le salarié mentionné à l’article L. 5212-13 [c’est-à-dire celui qui bénéficie de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés], ni pour le salarié qui a changé d’emploi à la suite d’un licenciement pour motif économique ou pour inaptitude et qui n’a pas suivi d’action de formation entre son licenciement et son réemploi ».

Le projet de transition professionnelle peut faire l’objet d’un accompagnement par l’un des opérateurs financés par France compétences au titre du conseil en évolution professionnelle, conformément au II du même article L. 6323‑17‑2. L’opérateur informe, oriente et aide le salarié à formaliser son projet et propose un plan de financement.

Il est présenté, aux termes du même II, à une commission paritaire interprofessionnelle régionale chargée d’apprécier, notamment, la pertinence du projet, d’instruire la demande de prise en charge financière et d’autoriser sa réalisation et son financement.

Le salarié qui bénéficie de ce projet, dont la durée correspond à celle de l’action de formation, a droit à une rémunération minimale déterminée par décret, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l’article L. 6323‑17‑5, et demeure couvert par la sécurité sociale en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, en vertu de l’article L. 6323-19.

On notera que les conditions d’ouverture et de prise en charge des projets de transition professionnelle des salariés titulaires d’un contrat de travail conclu avec une entreprise de travail temporaire et des salariés intermittents du spectacle obéissent à des règles particulières.

II.   le DROIT proposÉ : faire des salariÉs exposÉs À un risque de désinsertion professionnelle un public prioritaire pour le bÉnÉfice d’un projet de transition professionnelle

Le présent article ajoute à la liste des personnes éligibles au projet de transition professionnelle sans condition d’ancienneté, mentionnées au I de l’article L. 6323-17-2 précité, les personnes exposées à un risque de désinsertion professionnelle, identifiées en l’espèce comme les salariés qui, au cours des vingt‑quatre mois ayant précédé la demande formulée dans le but de bénéficier d’un tel projet, auraient été absents :

– en raison d’une maladie professionnelle ;

– en raison d’un accident du travail, d’une maladie ou d’un accident non professionnel, à charge pour un décret de définir la durée de l’absence dans ce cas de figure.

III.   les modifications apportées par la commission

Sur propositions de vos rapporteures, la commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle.

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titre IV
RÉORGANISER LA GOUVERNANCE DE LA PRÉVENTION
ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL

Article 20
Aménagement des règles relatives à l’organisation interne des services
de prévention et de santé au travail interentreprises

Adopté par la commission avec modifications

Cet article apporte plusieurs modifications au cadre juridique de la gouvernance des services de santé au travail interentreprises.

I.   le dROIT en vigueur : les services de santÉ au travail interentreprises obÉissent À des rÈgles de gouvernance particuliÈres

Aux termes du premier alinéa de l’article D. 4622-15 du code du travail, le service de santé au travail interentreprises (SSTI) est constitué « sous la forme d’un organisme à but non lucratif, doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière ». En pratique, les SSTI prennent la forme d’associations « loi 1901 » constituées à l’initiative des employeurs.

À l’instar des autres associations de ce type, ils sont dotés d’une assemblée générale qui rassemble les entreprises adhérentes et qui est notamment chargée d’approuver les comptes de l’exercice clos et de voter le budget prévisionnel.

Toutefois, pour l’essentiel, les SSTI obéissent à des règles de gouvernance spécifiques.

Tout d’abord, en application de l’article L. 4622-11 du même code, ils sont administrés paritairement par un conseil, qui approuve notamment le projet de service pluriannuel (voir infra), composé :

– de représentants des employeurs désignés pour quatre ans par les entreprises adhérentes après avis des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au plan national interprofessionnel ou professionnel ([284]) ;

– de représentants des salariés des entreprises adhérentes désignés pour quatre ans par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Le président, qui dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix, est élu parmi les représentants des employeurs. Le trésorier est, quant à lui, élu parmi les représentants des salariés.

Cette organisation paritaire, à laquelle les partenaires sociaux sont naturellement attachés, fut « mise en place notamment pour assurer une plus grande transparence financière et un meilleur contrôle interne au sein des services de santé au travail » ([285]).

Ensuite, et conformément à l’article L. 4622-12 dudit code, leur organisation ainsi que leur gestion sont placées sous la surveillance :

– soit d’un comité social et économique interentreprises constitué par les comités sociaux et économiques intéressés ;

– soit d’une commission de contrôle composée pour un tiers de représentants des employeurs et pour deux tiers de représentants des salariés et dont le président est élu parmi les représentants des seconds. Il ressort des travaux de l’IGAS que cette option est le plus souvent privilégiée.

Les textes – rassemblés dans la partie réglementaire du code du travail – apportent un certain nombre de précisions sur les prérogatives de ces structures. L’article D. 4622-31 prévoit qu’ils sont consultés sur l’organisation et le fonctionnement du service de santé au travail (budget, modification de la compétence géographique ou professionnelle, créations et suppressions d’emploi de médecin du travail, d’intervenant en prévention des risques professionnels ou d’infirmier, etc.) et l’article D. 4622-32 impose qu’un certain nombre d’informations soient portées à leur connaissance (le changement de secteur ou d’affectation d’un médecin d’une entreprise ou d’un établissement de cinquante salariés et plus, les observations et mises en demeure de l’inspection du travail relatives aux missions des services de santé au travail et les mesures prises pour s’y conformer, etc.).

Enfin, les SSTI sont dotés d’une commission médico‑technique, composée du président du service, de médecins du travail et d’autres membres de l’équipe pluridisciplinaire ([286]), chargée, en application de l’article L. 4622-13 du même code, de formuler « des propositions relatives aux priorités du service et aux actions à caractère pluridisciplinaire conduites par ses membres ». Ces propositions sont formalisées dans le projet de service pluriannuel qu’elle élabore ([287]). En outre, elle est consultée sur les questions portant notamment sur la mise en œuvre des compétences pluridisciplinaires au sein du service, son équipement, ou encore l’organisation des actions en milieu de travail et du suivi de l’état de santé des travailleurs ([288]).

II.   le DROIT proposÉ : faire Évoluer l’organisation interne des services de prÉvention et de santÉ au travail interentreprises en renforçant les prÉrogatives des reprÉsentants des travailleurs et des salariÉs

Le présent article apporte plusieurs modifications au cadre juridique de l’organisation interne des SSTI.

● Le confère valeur législative à l’existence et aux missions de l’assemblée générale, « instance souveraine », pour reprendre les termes de l’ANI, qui sera chargée, en application du nouvel article L. 4622101 du code du travail, d’approuver :

– les statuts et le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens du service (CPOM) ;

– le barème des cotisations pour les services obligatoires et la grille tarifaire des services complémentaires.

Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM)

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 4622-10 du code du travail, les priorités des services de santé au travail sont précisées, dans le respect des missions qui leur sont dévolues par l’article L. 4622-2, des orientations de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, d’amélioration des conditions de travail, ainsi que de son volet régional, et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) conclu entre le service, d’une part, l’autorité administrative (la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et les organismes de sécurité sociale compétents, d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.

Ce contrat, conclu pour une durée maximale de cinq ans, définit des actions – énumérées à l’article D. 4622-45 du même code – visant à :

 mettre en œuvre les priorités d’actions du projet de service pluriannuel prévu à l’article L. 4622-14 et faire émerger des bonnes pratiques ;

 améliorer la qualité individuelle et collective de la prévention des risques professionnels et des conditions de travail ;

 mettre en œuvre les objectifs régionaux de santé au travail définis dans les plans régionaux de santé au travail ;

 promouvoir une approche collective et concertée et les actions en milieu de travail ;

 mutualiser, y compris entre les services de santé au travail, des moyens, des outils, des méthodes, des actions, notamment en faveur des plus petites entreprises ;

 cibler des moyens et des actions sur certaines branches professionnelles, en faveur de publics particuliers ou sur la prévention de risques spécifiques ;

 permettre le maintien dans l’emploi des salariés et lutter contre la désinsertion professionnelle.

Conformément à l’article D. 4622-46, il indique les moyens mobilisés par les parties, la programmation des actions et les modalités de collaboration pour atteindre des objectifs chiffrés et détermine les modalités de suivi, de contrôle et d’évaluation des résultats, à l’aide d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs.

● Le fait évoluer, sur deux points, les règles relatives à la composition du conseil d’administration qui figurent à l’article L. 4622-11 du même code, dans la droite ligne des choix faits par les partenaires sociaux signataires de l’ANI.

D’une part, le a prévoit que les représentants des employeurs, aujourd’hui désignés par les entreprises adhérentes après avis des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au plan national interprofessionnel ou professionnel, seront désormais désignés par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel parmi les entreprises adhérentes.

D’autre part, aux termes du b, la fonction de vice-président reviendra à un représentant des salariés des entreprises adhérentes, comme cela est déjà le cas pour la fonction de trésorier.

● Le introduit à l’article L. 4622-12 dudit code deux précisions, issues elles-aussi de l’ANI, ayant trait à la composition et aux prérogatives de l’organe chargé de surveiller l’organisation et la gestion du service de santé.

Le a modifie le régime applicable à la désignation des représentants des employeurs siégeant à la commission de contrôle, lequel relève actuellement d’un décret ([289]) : par symétrie avec la règle prévalant pour les représentants des salariés, ils seront choisis par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel au sein des entreprises adhérentes.

Le b autorise la commission de contrôle ou le comité social et économique interentreprises à saisir le comité régional de prévention et de santé au travail compétent géographiquement, créé par l’article 26 de la proposition de loi ([290]), d’une question portant sur l’organisation ou la gestion du service.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a apporté deux principales modifications au texte.

Sur proposition de vos rapporteures, elle a adopté un amendement supprimant la référence dans la loi à l’assemblée générale des SPSTI, dans la mesure où il est apparu que celle-ci ne pourrait en réalité pas remplir les missions que la proposition de loi lui confiait initialement, à savoir l’approbation du CPOM ainsi que du barème des cotisations pour les services obligatoires et la grille tarifaire des services complémentaires.

Elle a également adopté deux amendements identiques déposés par Mme Jeanine Dubié ainsi que Mme Caroline Fiat et ses collègues du groupe La France insoumise, destinés à limiter à deux le nombre de mandats consécutifs des membres du conseil d’administration et de la commission de contrôle des mêmes SPSTI, conformément au choix fait par les partenaires sociaux signataires de l’ANI.

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Article 21
Contribution du médecin de ville au suivi de l’état
de santé de certains travailleurs

Adopté par la commission avec modifications

Cet article autorise le médecin de ville, moyennant la détention d’une formation en médecine du travail, à contribuer, en lien avec le médecin du travail, au suivi de l’état de santé des travailleurs qui ne font pas l’objet d’un suivi renforcé.

I.   le DROIT en vigueur

A.   le mÉdecin du travail : pièce maÎtresse du systÈme de prise en charge mÉdicale des travailleurs

Pierre angulaire du service de santé au travail, conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux, le médecin du travail joue un rôle exclusivement préventif qui consiste, aux termes de l’article L. 4622-3 du code du travail, à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé, ainsi que tout risque manifeste d’atteinte à la sécurité des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail ».

À cet effet, quatre missions lui sont confiées par l’article R. 4623‑1 du même code :

– participer à la prévention des risques professionnels et à la protection de la santé des travailleurs, lesquelles passent notamment par l’amélioration des conditions de vie et de travail dans l’entreprise, l’adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la santé physique et mentale, la prévention et l’éducation sanitaires ou l’accompagnement en cas de réorganisation importante de l’entreprise ;

– conseiller l’employeur, notamment en participant à l’évaluation des risques ;

– décider du suivi individuel de l’état de santé des travailleurs, qu’il assure avec le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail et l’infirmier, sur lesquels il a autorité ([291]). C’est à lui qu’il appartient de proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail ([292]). C’est à lui, de surcroît, qu’il revient de déclarer apte ou non un travailleur à occuper son poste ([293]) ;

– contribuer à la veille épidémiologique et à la traçabilité.

Titulaire d’un diplôme spécial, obligatoire pour exercer les fonctions qui sont les siennes, il est personnellement responsable des missions qui lui sont dévolues, conformément au premier alinéa de l’article R. 4623-14 dudit code. Il peut néanmoins « confier certaines activités, sous sa responsabilité, dans le cadre de protocoles écrits », aux collaborateurs médecins, aux internes, aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou encore aux membres de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé, conformément au second alinéa du même article.

Enfin, il bénéficie d’une protection contre le licenciement, dont le détail figure aux articles L. 4623-4 et suivants du code du travail.

B.   le mÉdecin du travail : une ressource en voie de rarÉfaction

Depuis plusieurs années, l’évolution de la démographie médicale, largement documentée, suscite de réelles inquiétudes. D’après les données fournies par Présanse, l’organisme de représentation des services de santé au travail interentreprises, les effectifs de l’ensemble des médecins auraient diminué d’environ 8 % entre mi-2015 et début 2019 (en personnes physiques et en équivalents temps plein (ETP)) ([294]). Ainsi, on comptait, au 1er janvier 2019, 4 540 médecins et collaborateurs médecins contre plus de 5 000 cinq ans plus tôt.

Évolution des effectifs de mÉdecins du travail
et de collaborateurs mÉdecins entre 2014 et 2019

Source : Présanse, Lettre d’informations mensuelles, n° 87, novembre 2019.

Chaque année, « les effectifs de l’ensemble des médecins salariés des SSTI diminuent de 4 % en personnes physiques comme en équivalents temps plein » ([295]).

La baisse progressive du nombre de médecins du travail résulte de la combinaison de deux facteurs.

D’une part, il s’agit d’une population vieillissante. 75 % des praticiens ont 50 ans et plus et près de 55 % d’entre eux ont plus de 55 ans, la moyenne d’âge s’établissant à 56 ans (49 ans pour les collaborateurs médecins) ([296]). Conséquence logique de ce qui précède, la moitié des médecins du travail devrait partir à la retraite entre 2017 et 2027 ([297]).

D’autre part, la profession souffre d’un profond déficit d’attractivité, que nul n’ignore. Sur ce point, les conclusions de la mission conduite en 2017 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) ne laissaient aucune place au doute : « La médecine du travail n’est pas considérée par les étudiants en médecine comme une spécialité attractive. Le bilan des [épreuves classantes nationales] en 2016 est de ce point de vue sans appel : 150 postes offerts, 72 choisis par les étudiants en médecine pour devenir internes de médecine du travail. Un peu moins de la moitié des postes offerts ont trouvé preneur. » ([298]) Si la situation semble s’être améliorée depuis – 63 % des postes ouverts pourvus en 2018 ; 84 % des postes ouverts pourvus en 2019 –, la médecine du travail demeure une spécialité peu séduisante aux yeux des étudiants.

Ce déficit d’attractivité a plusieurs causes, parfaitement mises en lumière par les sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny dans leur rapport d’information sur la santé au travail : le positionnement ambigu du médecin du travail vis-à-vis de la hiérarchie administrative du service de santé au travail (SST) et de l’employeur ; la méconnaissance des spécificités de la discipline dans l’enseignement de la médecine ; la crainte, chez les potentiels aspirants, de se trouver dans l’incapacité d’assumer leurs obligations déontologiques et réglementaires dans de bonnes conditions compte tenu des moyens matériels limités des SST et des pressions éventuelles de l’employeur ([299]).

Toujours est-il que la raréfaction de la ressource médicale pèse évidemment sur la capacité du système à garantir aux travailleurs un suivi médical adapté à leurs besoins partout sur le territoire, nonobstant la hausse du nombre d’infirmiers recrutés dans les SST. Or, force est de constater que la densité de praticiens varie fortement d’un endroit à l’autre du pays, et avec elle le nombre de travailleurs pris en charge par ces derniers, ainsi que le relevaient avec justesse nos collègues sénateurs : « les quatre départements les moins bien dotés sont la Meuse (1,5 médecin du travail pour 100 000 habitants), la Haute-Marne (2,2), l’Allier (2,3) et l’Ariège (2,5), et présentent la triste particularité de ne disposer d’aucun médecin du travail de moins de 40 ans (100 % des médecins du travail installés dans la Meuse ayant du reste plus de 60 ans). Les quatre départements les mieux dotés en médecins du travail sont Paris (21,1 médecins du travail pour 100 000 habitants), les Hauts-de-Seine (13,5), le Bas-Rhin (11,5) et les BouchesduRhône (10,1), avec une proportion de médecins du travail de plus de 60 ans qui reste comprise entre 31,6 % (Bouches-du-Rhône) et 46,6 % (Paris). » ([300])

Dans ce contexte, il est urgent de tout mettre en œuvre pour renforcer l’attractivité de la médecine du travail et, pour cela, de mobiliser l’ensemble des leviers identifiés ([301]).

Mais il apparaît également souhaitable, ainsi que le préconisent les partenaires sociaux signataires de l’ANI, de créer les conditions d’une montée en puissance du rôle des infirmiers dans l’écosystème de la santé au travail, dans le prolongement des évolutions récentes ([302]), ainsi que d’une collaboration entre médecine du travail et médecine de ville afin de garantir aux travailleurs une prise en charge effective et adaptée à leurs besoins sur l’ensemble du territoire.

II.   le DROIT proposÉ : autoriser le mÉdecin de ville À contribuer au suivi médical de certains travailleurs

Transposition de l’ANI, disposition essentielle aux yeux des organisations patronales, le présent article propose de faire reposer pour partie le suivi médical de certains travailleurs sur un nouvel acteur : le médecin de ville.

Ce dispositif n’est pas totalement inédit. En effet, aux termes de l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 4625-2 du code du travail, le suivi médical des salariés du particulier employeur et des mannequins peut être effectué par « des médecins non spécialisés en médecine du travail qui signent un protocole avec un service de santé au travail interentreprises ». Par ailleurs, l’article 11 de la loi du 5 septembre 2008 ([303]) autorise, à titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2021, un professionnel de santé de la médecine de ville à réaliser, dans certaines conditions, la visite d’information et de prévention des apprentis embauchés en contrat d’apprentissage.

● Suivant une logique similaire, le ajoute un alinéa à l’article L. 4623-1 du code du travail ([304]) pour prévoir qu’un médecin praticien correspondant (MPC) pourra, moyennant la détention d’une formation en médecine du travail, contribuer au suivi médical des travailleurs relevant de l’article L. 4624-1 du même code.

Cette rédaction est conforme à la volonté des partenaires sociaux, ces derniers ayant souhaité que soit confié au MPC le soin de participer, dans le cadre d’un protocole établi avec le service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), au suivi médical des seuls salariés dispensés d’une « surveillance spécifique du fait des risques associés à leur poste ». En conséquence, et comme le prévoit expressément le texte, ce praticien ne sera pas chargé du suivi individuel renforcé dont bénéficient, en vertu du I de l’article L. 4624‑2 dudit code, les travailleurs affectés à certains postes dangereux, le médecin du travail demeurant la seule autorité compétente en la matière.

Il appartiendra à un décret d’apporter des précisions sur la formation requise pour exercer en qualité de MPC et, de façon plus générale, sur les modalités de mise en œuvre de ce nouveau dispositif.

Il n’en reste pas moins que se pose d’ores et déjà la question de l’étendue des prérogatives qu’il apparaît souhaitable de confier à ce nouvel acteur. Peut-on envisager, en particulier, de lui reconnaître le droit, à l’instar du médecin du travail, de proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail, voire celui de rendre des avis d’inaptitude ?

À l’évidence, cela ne manquerait pas de soulever un certain nombre d’interrogations d’ordre juridique, la principale résidant probablement dans la définition des modalités de contestation de ces propositions ou avis ([305]).

Quoi qu’il en soit, vos rapporteures n’y sont pas favorables. Que le médecin de ville effectue un certain nombre de visites médicales, dans des conditions parfaitement encadrées, est une chose. Qu’il puisse prendre des décisions de cette nature, compte tenu de leur impact sur la vie professionnelle des travailleurs, en est une autre. L’y autoriser ne serait possible – à défaut d’être souhaitable – qu’à la condition qu’il dispose d’une connaissance de l’entreprise aussi fine que celle du médecin du travail. Tel n’est évidemment pas le cas aujourd’hui. Mais tel ne sera pas non plus le cas demain quand bien même aurait-il bénéficié d’une formation particulière. Qui plus est, il ne semble pas que cette solution ait la faveur des médecins eux-mêmes, à en croire les représentants de l’ordre.

● Par cohérence avec le 1°, le modifie le premier alinéa de l’article L. 4624‑1 précité afin qu’il y soit précisé que le MPC assurera, aux côtés des autres professionnels de santé, le suivi individuel de l’état de santé des travailleurs sans pour autant, contrairement au médecin du travail, avoir autorité sur le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail et l’infirmier.

● Enfin, le précise, à l’article L. 4623‑3 de ce code, que l’interdiction faite au médecin du travail de pratiquer la « médecine de clientèle courante » ne s’appliquera pas au MPC.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a apporté deux principales modifications au texte.

Elle a adopté un amendement déposé par vos rapporteures tendant à ce qu’il soit précisé au dernier alinéa de l’article L. 4623-1 du code du travail, conformément à la suggestion faite par le Conseil d’État, que le médecin praticien correspondant (MPC) contribuera au suivi de l’état de santé des travailleurs « en lien avec le médecin du travail », de façon à ce qu’il soit clairement établi que celui‑ci demeurera informé de la situation individuelle des travailleurs pris en charge par le service de santé au travail.

Elle a, par ailleurs, adopté un amendement déposé par M. Didier Martin et les membres du groupe La République en Marche précisant que le MPC ne pourra pas assurer le suivi d’un travailleur dont il serait le médecin traitant.

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Article 22
Préservation du temps de travail du médecin du travail

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article impose le respect de la répartition du temps de travail du médecin au travail de telle sorte qu’un tiers de son temps se passe en milieu de travail. À ce titre, les directeurs des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), tout comme les employeurs s’agissant des services autonomes, devront prendre l’ensemble des mesures nécessaires à ce que le médecin du travail puisse respecter cette répartition de son temps de travail mais aussi assurer sa participation, au cours des deux tiers restants, aux instances territoriales de coordination, dont notamment les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou encore les dispositifs d’appui à la coordination des parcours complexes.

I.   La démographie médicale comme les modalités concrètes de son action contraignent fortement le temps du médecin du travail

A.   Un temps d’activité en milieu de travail normalement protégé

1.   Une répartition du temps de travail déterminée par la voie réglementaire

Les missions concrètes des médecins du travail, notamment au sein des équipes pluridisciplinaires des services de santé au travail interentreprises (SSTI), relèvent notamment de la coordination et de l’animation de l’équipe pluridisciplinaire. Le médecin du travail dispose de fait d’une marge de manœuvre réduite sur son temps de travail, puisqu’il doit assurer personnellement l’ensemble de ces fonctions. Depuis la loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail et son décret d’application ([306]), le médecin du travail peut confier « certaines activités, sous sa responsabilité, dans le cadre de protocoles écrits, aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou, lorsqu’elle est mise en place, aux membres de l’équipe pluridisciplinaire ».

Ces actions relèvent à la fois de la prévention, de l’association des acteurs de l’entreprise, de l’information et de la formation.

Au titre de la première, les SSTI doivent assurer l’élaboration et la mise à jour de la fiche d’entreprise, la réalisation de mesures métrologiques ou encore l’identification et l’analyse des risques professionnels. Ils doivent également s’assurer que la culture de la prévention fasse l’objet de la plus grande appropriation possible, par la participation aux réunions du comité social et économique (CSE). Les actions d’information et de formation, quant à elles, se traduisent par des formations aux risques spécifiques que peuvent rencontrer les travailleurs, l’animation de campagnes d’information et de sensibilisation ou encore l’élaboration de formations à la sécurité et au secourisme sur le milieu de travail.

2.   Un temps contraint dans les faits

Or, ainsi que le relève l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans le rapport de 2019 consacré à la situation des SSTI ([307]), la mise en œuvre de ces actions est encore trop disparate d’un SSTI à l’autre, et donc d’un médecin du travail à l’autre. Malgré des difficultés méthodologiques relevées par PRESANSE, celle‑ci recense une moyenne d’1,6 action en milieu de travail (AMT) par établissement qui en a bénéficié. Ce temps est en augmentation en moyenne, malgré de fortes disparités selon les SSTI. Ces actions sur le milieu de travail sont menées, normalement :

– par le médecin du travail dans les entreprises disposant d’un SST autonome, en collaboration avec les services chargés des activités de protection des salariés et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise ;

– par l’équipe pluridisciplinaire dans le cadre des SSTI, sous l’égide du médecin du travail et dans le cadre des objectifs fixés par le projet pluriannuel de service ([308]).

S’agissant des informations relatives à l’évolution de la démographie des médecins du travail ainsi que de l’étendue de leurs missions, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 4. Les tâches assurées par les médecins du travail ont toutefois elles-mêmes largement évolué.

B.   Un effort en faveur d’un assouplissement du temps d’activité des médecins du travail

La loi de 2016 ([309]) a largement contribué à faire évoluer le nombre de visites effectuées par les médecins du travail. En effet, la visite d’information et de prévention (VIP) s’est substituée à la visite d’embauche. Cette visite, qui concerne les salariés n’occupant pas de postes à risques, doit avoir lieu dans les trois mois à partir de la prise de fonction effective d’un nouveau salarié ([310]). Elle se renouvelle ensuite selon une fréquence définie par le médecin du travail, dans un plafond de cinq ans. Les autres visites qu’effectue le médecin du travail se distinguent entre les visites d’embauche pour les salariés qui vont occuper un poste à risque ([311]), les visites de reprise et de préreprise liées à un arrêt de travail ou encore les visites à la demande du salarié, de l’employeur ou à l’initiative du médecin de travail lui-même.

La délégation d’un nombre de visites de plus en plus grand aux infirmiers de santé au travail (IDEST), qui concernaient 12 % des salariés suivis en 2018 contre 2,5 % en 2012, constitue un signe de cette évolution. La modification des conditions de visite a elle-même entraîné ([312]) une baisse du ratio entre le nombre de visites et le nombre de salariés suivis de 60 % à 50 %. Au sein de ce total, la part de visites périodiques a aussi diminué de 39 % en 2015 à 25 % aujourd’hui.

L’objectif poursuivi par les réformes précédemment évoquées était de donner des marges de manœuvre aux médecins du travail pour qu’ils puissent effectivement respecter leur engagement inscrit à l’article R. 4624-4 du code du travail, visant à consacrer un tiers de leur temps de travail annuel à des actions sur le milieu de travail, conformément aux dispositions réglementaires ([313]). Ce temps correspond à un minimum de 150 journées de travail effectif pour un médecin du travail à plein temps. Cette période minimale est calculée proportionnellement au temps de travail effectif pour les médecins à temps partiel.

Ce sont avant tout les actions de réalisation de fiches d’entreprise ou de fiches de poste qui semblent avoir bénéficié en priorité de cette libération de temps. Ce rattrapage est particulièrement appréciable compte tenu notamment du degré de réalisation des fiches d’entreprise ([314]).

II.   Le DROIT proposÉ : réaffirmer le cœur de métier du médecin du travail en entreprise

Le présent article vient donc réaffirmer la nécessité pour le médecin du travail de protéger la part de son art réservée à des actions en milieu de travail. Il inscrit ainsi dans un nouvel article L. 4623-3-1 du code du travail le fait que le médecin du travail consacre un tiers de son temps de travail à ses missions en milieu de travail.

Le même article précise en outre qu’il incombe à l’employeur, dans le cas d’un service de santé et de prévention autonome, ou au directeur du service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) de prendre toutes mesures afin de préserver la possibilité pour le médecin du travail de respecter ce « tiers-temps » consacré à l’accomplissement de ses missions en milieu de travail par lesquelles il peut pleinement assurer le suivi individuel des travailleurs comme la coordination des actions de prévention en entreprise.

Il revient par ailleurs aux mêmes personnes de permettre au médecin du travail de participer, pendant les deux autres tiers de son temps de travail :

– aux instances internes de l’entreprise. Il s’agit ici de permettre aux médecins de participer aux réunions du CSE et de la commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) quand ils existent ;

– aux instances territoriales de coordination, au titre desquelles on pourra notamment compter, en application de la présente proposition de loi, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les dispositifs d’appui à la coordination des parcours complexes (DAC).

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle des rapporteures.

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Article 23
Création du statut d’infirmier de santé au travail et autorisation
pour ce dernier d’exercer en pratique avancée

Adopté par la commission avec modifications

Cet article dote l’infirmier de santé au travail d’un statut et lui ouvre la possibilité d’exercer en pratique avancée au sein des services de prévention et de santé au travail.

I.   le droit en vigueur

A.   l’infirmier, un professionnel de santÉ qui remplit de nombreuses missions

L’exercice de la profession d’infirmier est encadré par un ensemble de dispositions qui figurent dans le code de la santé publique.

À ce jour, est considérée comme exerçant cette profession, aux termes du premier alinéa de l’article L. 4311-1, « toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical ou en application du rôle propre qui lui est dévolu ».

Le même article reconnaît à l’infirmier un certain nombre de prérogatives, parmi lesquelles :

– la réalisation de certaines vaccinations, sans prescription médicale, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Haute Autorité de santé ;

– le renouvellement, sous plusieurs réserves, des prescriptions de médicaments contraceptifs oraux ;

– l’adaptation, dans des conditions prévues par décret, de la posologie de certains traitements pour une pathologie donnée.

Plus généralement, l’exercice de la profession d’infirmier comporte, en application du premier alinéa de l’article R. 4311-1, « l’analyse, l’organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation à la santé ».

Dans le détail, les soins infirmiers, qui peuvent être préventifs, curatifs ou palliatifs, ont pour objet, en vertu de l’article R. 4311-2 :

– de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ;

– de concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions ;

– de participer à l’évaluation du degré de dépendance des personnes ;

– de contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l’application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l’initiative du ou des médecins prescripteurs ;

– de participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage.

Au demeurant, relèvent du rôle propre de l’infirmier et sont accomplis à son initiative « les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes » ([315]).

Pour l’accomplissement de ses missions, l’infirmier est autorisé à accomplir de nombreux actes, énumérés aux articles R. 4311-5 et suivants.

Enfin, il est soumis, dans l’ensemble de ses activités, au respect de règles professionnelles et, notamment, du secret professionnel ([316]).

B.   l’infirmier de santÉ au travail, un acteur central de la prise en charge mÉdicale des travailleurs

À ce jour, aucun texte ne reconnaît à l’infirmier de santé au travail un statut en propre alors même qu’il n’a cessé de voir ses prérogatives renforcées au fil du temps.

De l’avis de plusieurs personnes entendues par vos rapporteures, parmi lesquelles les représentants des conseils de l’ordre des médecins et de l’ordre des infirmiers, il s’est imposé comme un acteur majeur de la santé au travail tant dans les services autonomes (SSTA) que dans les services interentreprises (SSTI).

1.   Composante essentielle des services de santé au travail...

Sa présence au plus près des travailleurs est assurée à plusieurs titres.

Elle est obligatoire dans certaines entreprises. En effet, aux termes de l’article R. 4623-32 du code du travail :

– dans les établissements industriels de 200 à 800 salariés, est présent au moins un infirmier et, au-delà de cet effectif, un infirmier supplémentaire par tranche de 600 salariés ;

– dans les autres établissements de 500 à 1 000 salariés, est présent au moins un infirmier et, au-delà de cet effectif, un infirmier supplémentaire par tranche de 1 000 salariés.

Dans les établissements industriels de moins de 200 salariés et dans les autres établissements de moins de 500 salariés, elle est subordonnée à une demande du médecin du travail et du comité social et économique ([317]).

Elle résulte, par ailleurs, de sa participation à l’équipe pluridisciplinaire du SSTI ([318]), laquelle assure la prise en charge des personnes employées par les entreprises adhérentes.

Au cours des dernières années, le nombre d’infirmiers exerçant dans les SST a significativement augmenté. Dans les seuls SSTI, les effectifs sont passés d’un peu plus de 1 300 à plus de 2 100 (soit une progression de 60 %) entre le début de l’année 2016 et le début de l’année 2019 ([319]).

2.   ... l’infirmier remplit des missions variées...

Indépendamment du type de service dans lequel il exerce, l’infirmier remplit ses missions propres ainsi que celles définies par le médecin du travail, sur la base du protocole mentionné à l’article R. 4623-14 ([320]), sous l’autorité de ce dernier ([321]), dans le respect des articles R. 4311-1 et suivants du code de la santé publique.

Article R. 4623-14 du code du travail

« Le médecin du travail assure personnellement l’ensemble de ses fonctions, dans le cadre des missions définies à l’article R. 4623-1. Elles sont exclusives de toute autre fonction dans les établissements dont il a la charge et dans le service interentreprises dont il est salarié.

« Toutefois, le médecin du travail peut confier certaines activités, sous sa responsabilité, dans le cadre de protocoles écrits, aux collaborateurs médecins, aux internes, aux candidats à l’autorisation d’exercice, aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou, lorsqu’elle est mise en place, aux membres de l’équipe pluridisciplinaire. Pour les professions dont les conditions d’exercice relèvent du code de la santé publique, ces activités sont exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions de ce code. »

Pour la réalisation des activités qui lui sont confiées par le médecin, il peut conduire, sur le fondement du premier alinéa de l’article R. 4623-31 du code du travail, des « entretiens infirmiers », qui participent directement au suivi des travailleurs. Ces entretiens ont notamment pour objet le recueil d’informations sur leur état de santé ou le recensement de leur exposition aux risques et permettent à l’infirmier, le cas échéant, d’alerter le médecin du travail.

Par ailleurs, en application du second alinéa du même article, l’infirmier peut, sous réserve que cela soit prévu par le protocole susmentionné, « effectuer des examens complémentaires [prise de tension, analyse d’urine, tests visuels] et participer à des actions d’information collectives conçues en collaboration avec le médecin du travail et validées par lui dans le respect des règles liées à l’exercice de la profession d’infirmier déterminées en application de l’article L. 4311-1 du code de la santé publique ».

Surtout, il peut être chargé, depuis la loi du 8 août 2016 ([322]), de réaliser la visite d’information et de prévention effectuée au moment de l’embauche ([323]) et, depuis le décret du 27 décembre 2016 pris pour l’application de certaines dispositions de cette loi ([324]), les visites périodiques ([325]) ou les visites intermédiaires dont bénéficient les travailleurs qui font l’objet d’un suivi renforcé ([326]) ([327]). Beaucoup de ces visites sont, dans les faits, réalisées par les infirmiers « dont les connaissances et l’expertise des spécificités de la santé au travail sont déterminantes pour assurer l’accompagnement et la prise en charge des salariés », selon les termes employés par les partenaires sociaux signataires de l’ANI. Ainsi, sur les 7,6 millions de visites recensées en 2018 par Présanse (s’agissant des seuls SSTI), les infirmiers en ont pris en charge 1,9 million (53 % de ces visites étant des visites d’information et de prévention), qui concernaient 12 % des salariés suivis. À titre de comparaison, cette part s’élevait à 2,5 % en 2012 ([328]).

Il est désormais temps d’aller plus loin et de permettre aux infirmiers d’accomplir davantage de tâches de façon que les médecins du travail puissent, plus encore qu’aujourd’hui, concentrer leur action sur les situations les plus complexes.

3.   ... et doit détenir une formation particulière

L’article R. 4623-29 du code du travail pose deux règles.

D’une part, l’infirmier recruté dans un service de santé au travail doit être diplômé d’État ou avoir l’autorisation d’exercer sans limitation dans les conditions prévues par le code de la santé publique.

D’autre part, si l’infirmier n’a pas suivi une formation en santé au travail, l’employeur se voit obligé de l’y inscrire au cours des douze mois qui suivent son recrutement et de favoriser sa formation continue.

Aucune formation spécifique n’est toutefois exigée. Certes, « [l]a convention collective précise que la formation théorique doit avoir une durée minimum de cent cinquante heures et être assortie d’un stage en milieu de travail incluant la connaissance de l’entreprise et la pratique de l’entretien infirmier » ([329]).

Mais, en réalité, les formations dispensées se caractérisent par une forte hétérogénéité, que ce soit en termes de durée ou de contenu, ainsi que cela ressort à la fois des travaux conduits sur le sujet et des propos tenus par les personnes entendues par vos rapporteures. Parmi elles, le président du conseil national de l’ordre des infirmiers a même déploré la détérioration progressive de la qualité des formations proposées.

Cette situation n’est pas satisfaisante. Par conséquent, il apparaît désormais indispensable, comme le préconisait d’ailleurs une mission conduite par l’IGAS il y a quelques années, d’homogénéiser au plan national et de renforcer le contenu théorique de la formation des infirmiers de santé au travail, compte tenu « des larges possibilités de délégation de tâches qui peuvent leur être accordées par les médecins » ([330]).

II.   le DROIT proposÉ : doter l’infirmier de santÉ au travail d’un statut et l’autoriser À exercer en pratiqué avancÉe

Le présent article a un double objet : doter l’infirmier de santé au travail d’un statut et l’autoriser à exercer en pratique avancée.

A.   doter l’infirmier de santÉ au travail d’un statut

Le I complète le chapitre III du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail par une section – composée de trois articles – consacrée à l’infirmier de santé au travail.

● En premier lieu, sera énoncée à l’article L. 4623‑9 la règle selon laquelle, « [d]ans les conditions de déontologie professionnelle définies et garanties par la loi, l’infirmier de santé au travail assure les missions qui lui sont dévolues par le [code du travail] ou déléguées par le médecin du travail, dans la limite des compétences prévues pour les infirmiers par le code de la santé publique ».

● En deuxième lieu, seront regroupées à l’article L. 4623‑10 les dispositions relatives au recrutement et à la formation, issues pour partie de la réglementation en vigueur.

D’abord, l’infirmier recruté dans un service de prévention et de santé au travail devra être « diplômé d’État » ou disposer « de l’autorisation d’exercer sans limitation dans les conditions prévues par le code de la santé publique ».

Ensuite, il lui faudra détenir une « formation spécifique en santé au travail », précision qui ne figure pas explicitement dans le droit actuel, à charge pour l’employeur de faire en sorte qu’il en suive une dans un délai de douze mois à compter de son recrutement dès lors que cela n’aurait pas été le cas au préalable.

Enfin, il se verra déléguer des tâches en fonction de « ses qualifications complémentaires », synonymes de sa capacité à exercer en pratiquée avancée (voir infra).

● En troisième et dernier lieu, l’article L. 4623‑11 renverra à un décret en Conseil d’État le soin d’apporter des précisions sur les modalités d’application des dispositions de la nouvelle section.

Vos rapporteures seront très attentives aux choix qui seront faits par l’autorité réglementaire dans la définition du contenu de la formation, dont la qualité devra être améliorée. Parce qu’elles attachent à cette question une importance capitale, à l’instar de tous les acteurs de la santé au travail, elles forment le vœu que la représentation nationale puisse être associée à ce travail.

B.   autoriser l’infirmier de santÉ au travail À exercer en pratique avancÉe

Depuis la loi du 26 janvier 2016 ([331]), les auxiliaires médicaux relevant des titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique ([332]), parmi lesquels les infirmiers, peuvent, sur le fondement du I de l’article L. 4301-1, exercer en pratique avancée dans trois cas de figure :

– au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou d’une équipe de soins d’un centre médical du service de santé des armées coordonnée par un médecin des armées ;

– au sein d’une équipe de soins en établissements de santé, en établissements médico-sociaux ou en hôpitaux des armées coordonnée par un médecin ;

– en assistance d’un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Académie nationale de médecine et des représentants des professionnels de santé concernés, définit pour chaque profession d’auxiliaire médical les domaines d’intervention en pratique avancée – qui peuvent comporter des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage, des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et para-clinique et des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, des prescriptions d’examens complémentaires et des renouvellements ou des adaptations de prescriptions médicales – ainsi que les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée.

Pour ce qui le concerne, l’infirmier exerçant en pratique avancée, qui dispose de compétences élargies par rapport à celles de l’infirmier diplômé d’État, peut intervenir, dans le cadre d’un protocole d’organisation établi avec le ou les médecins, dans les domaines suivants ([333]) :

– pathologies chroniques stabilisées, dont la liste est établie par arrêté du ministre chargé de la santé ; prévention et polypathologies courantes en soins primaires ;

– oncologie et hémato-oncologie ;

– maladie rénale chronique, dialyse, transplantation rénale ;

– psychiatrie et santé mentale.

Article R. 4301-3 du code de la santé publique

« Dans le ou les domaines d’intervention définis à l’article R. 4301-2 inscrits dans son diplôme et dans les conditions prévues à l’article D. 4301-8 :

« 1° L’infirmier exerçant en pratique avancée est compétent pour conduire un entretien avec le patient qui lui est confié, effectuer une anamnèse de sa situation et procéder à son examen clinique ;

« 2° L’infirmier exerçant en pratique avancée peut :

« a) Conduire toute activité d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage qu’il juge nécessaire ;

« b) Effectuer tout acte d’évaluation et de conclusion clinique ou tout acte de surveillance clinique et para-clinique, consistant à adapter le suivi du patient en fonction des résultats des actes techniques ou des examens complémentaires ou de l’environnement global du patient ou reposant sur l’évaluation de l’adhésion et des capacités d’adaptation du patient à son traitement ou sur l’évaluation des risques liés aux traitements médicamenteux et non médicamenteux ;

« c) Effectuer les actes techniques et demander les actes de suivi et de prévention inscrits sur les listes établies par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Académie nationale de médecine ;

« d) Prescrire :

« – des médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire figurant sur la liste établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en application de l’article R. 5121-202 ;

« – des dispositifs médicaux non soumis à prescription médicale obligatoire dont la liste est établie par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Académie nationale de médecine ;

« – des examens de biologie médicale dont la liste est établie par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Académie nationale de médecine ;

« e) Renouveler, en les adaptant si besoin, des prescriptions médicales dont la liste est établie par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Académie nationale de médecine. »

Enfin, pour exercer en pratique avancée, les auxiliaires médicaux doivent justifier d’une durée d’exercice minimale de leur profession – trois ans pour les infirmiers – et détenir un diplôme de formation en pratique avancée délivré par une université habilitée à cette fin. Celle dispensée aux infirmiers dure quatre semestres et confère le grade de master ([334]). Elle repose sur des enseignements théoriques, méthodologiques, appliqués, pratiques et cliniques ainsi que sur l’accomplissement de stages. Ces enseignements comportent également un adossement et une initiation à la recherche ([335]).

Suivant la recommandation des partenaires sociaux signataires de l’ANI, le II du présent article autorise les infirmiers à exercer en pratique avancée au sein des services de prévention et de santé au travail de façon qu’ils puissent remplir davantage de missions. Vos rapporteures voient dans cette innovation un facteur d’amélioration globale de la qualité du suivi de l’état de santé des travailleurs. Elles sont convaincues, par ailleurs, qu’elle se traduira par une meilleure répartition des tâches dans les services, ce qui permettra aux médecins du travail de consacrer plus de temps aux situations les plus complexes.

III.   les modifications apportées par la commission

Sur proposition de Mme Annie Chapelier, M. Paul Christophe et Mme Agnès Firmin Le Bodo, la commission a adopté un amendement obligeant l’employeur à inscrire un infirmier de santé au travail à une formation en santé au travail « avant le terme de son contrat » dans le cas où il n’en n’aurait pas suivi une au préalable.

Sur proposition de vos rapporteures, elle a adopté un amendement rédactionnel et un amendement précisant que l’infirmier exercera en pratique avancée, au sein d’un service de prévention et de santé au travail, en « assistance d’un médecin du travail », afin que le dispositif soit mieux encadré.

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Article 24
Promotion de la délégation des tâches au sein de l’équipe pluridisciplinaire du service de prévention et de santé au travail interentreprises

Adopté par la commission avec modifications

Cet article encourage la délégation de tâches au sein de l’équipe pluridisciplinaire du service de prévention et de santé au travail interentreprises et réaffirme le rôle du directeur du service dans l’organisation et le fonctionnement de ce dernier.

I.   le droit en vigueur : l’Équipe pluridisciplinaire, animÉe et coordonnÉe par le mÉdecin du travail, cheville ouvriÈre du service de santÉ au travail interentreprises

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2011 ([336]), les missions des services de santé au travail interentreprises (SSTI), autrefois remplies par le médecin du travail, sont assurées par une équipe pluridisciplinaire.

Si la notion de pluridisciplinarité remonte à la loi du 17 janvier 2002 ([337]), dont l’un des objectifs résidait dans le passage d’une vision strictement médicale de la prévention en santé au travail à une approche globale, force est de reconnaître que cette loi n’a pas suffi à créer les conditions d’un recrutement diversifié dans les services en question, le médecin du travail demeurant seul en charge de la mission de santé au travail.

Aujourd’hui, la pluridisciplinarité ne fait plus débat, la diversité des compétences des membres composant l’équipe prévue à l’article L. 4622-8 du code du travail – médecins du travail, collaborateurs médecins, internes en médecine du travail, intervenants en prévention des risques professionnels, infirmiers et, le cas échéant, assistants de services de santé au travail – étant gage d’efficacité dans la prise en charge des travailleurs.

De façon concrète, l’équipe pluridisciplinaire mène les actions sur le milieu de travail qui s’inscrivent dans la mission des services de santé au travail définie à l’article L. 4622-2 et qui, en vertu de l’article R. 4624-1, comprennent notamment :

– la visite des lieux de travail ;

– l’étude de postes en vue de l’amélioration des conditions de travail, de leur adaptation dans certaines situations ou du maintien dans l’emploi ;

– l’identification et l’analyse des risques professionnels ;

– l’élaboration et la mise à jour de la fiche d’entreprise ;

– la délivrance de conseils en matière d’organisation des secours et des services d’urgence ;

– la participation aux réunions du comité social et économique ;

– la réalisation de mesures métrologiques ;

– l’animation de campagnes d’information et de sensibilisation aux questions de santé publique en rapport avec l’activité professionnelle ;

– les enquêtes épidémiologiques ;

– la formation aux risques spécifiques ;

– l’étude de toute nouvelle technique de production ;

– l’élaboration des actions de formation à la sécurité prévues à l’article L. 4141-2 et à celle des secouristes.

Toutes ces actions sont mises en œuvre sous la conduite du médecin du travail ([338]) à qui la loi confie, au demeurant, l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire ([339]).

Du reste, ses membres peuvent se voir confier certaines activités par le médecin du travail, qu’ils exercent sous sa responsabilité et dans le cadre de protocoles écrits, en application du second alinéa de l’article R. 4623-14 ([340]). Au cours des travaux préparatoires à l’examen de la présente proposition de loi, les représentants des conseils nationaux de l’ordre des médecins et de l’ordre des infirmiers ont salué l’utilité d’un dispositif perçu comme le vecteur d’une meilleure répartition de la charge de travail entre les différents acteurs de l’équipe. Selon vos rapporteures, son utilité pourrait s’avérer plus forte encore avec l’arrivée d’infirmiers en pratique avancée dans les services de santé au travail ([341]).

II.   le DROIT proposÉ

Le présent article poursuit deux objectifs : encourager la délégation de tâches aux membres de l’équipe pluridisciplinaire du service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) et réaffirmer le rôle du directeur du service dans l’organisation et le fonctionnement de celui-ci.

A.   encourager la dÉlÉgation de tÂches au sein de l’Équipe pluridisciplinaire

● Le b du , qui ajoute un alinéa à l’article L. 4622-8 du code du travail, donne un fondement législatif à la règle selon laquelle le médecin du travail peut déléguer certaines missions aux membres de l’équipe pluridisciplinaire disposant de la qualification nécessaire ([342]) et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les conditions dans lesquelles s’opérera la délégation.

● Suivant une logique similaire, le a du , qui modifie la dernière phrase du même article, autorise le médecin du travail à déléguer l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire à l’un de ses membres. Ainsi le médecin pourra‑t‑il non seulement déléguer certaines de ses missions, comme cela est le cas aujourd’hui, mais également, ce qui serait nouveau, tout ou partie de ses tâches managériales.

B.   rÉaffirmer le rÔle du directeur du service dans l’organisation et le fonctionnement de celui-ci

Le complète l’article L. 4622-16 du même code par un alinéa ayant pour objet d’apporter une précision sur le rôle du directeur du SPSTI.

Aujourd’hui, le directeur est chargé de mettre en œuvre, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail et sous l’autorité du président du conseil d’administration, les actions approuvées par celui-ci dans le cadre du projet de service pluriannuel.

À cette mission s’ajoutera celle, plus générale, consistant à prendre les décisions relatives à l’organisation et au fonctionnement du service nécessaires à la mise en œuvre :

– des dispositions législatives et réglementaires, d’une part ;

– des objectifs et prescriptions du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) et du projet de service pluriannuel, d’autre part.

III.   les modifications apportées par la commission

Sur proposition de vos rapporteures, et suivant la recommandation du Conseil d’État, la commission a adopté deux amendements visant à garantir la solidité juridique du dispositif de délégation des tâches aux membres de l’équipe pluridisciplinaire :

– le premier prévoit que le médecin du travail délèguera ces missions « sous sa responsabilité » ;

– le second précise que, pour les professions dont les conditions d’exercice relèvent du code de la santé publique, les missions en question seront exercées dans la limite des compétences des professionnels de santé prévues par ce code.

Par ailleurs, elle a adopté un amendement de M. Didier Martin et les membres du groupe La République en Marche, sous-amendé par vos rapporteures, ajoutant les masseurs‑kinésithérapeutes à la liste des membres composant l’équipe pluridisciplinaire.

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Article 25
Création du comité national de prévention et de santé au travail au sein du conseil d’orientation des conditions de travail

Adopté par la commission avec modifications

Cet article crée, au sein du conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), le comité national de prévention et de santé au travail (CNPST). Il arrête les grandes lignes de sa composition et de ses missions, qui ont vocation à englober celles du groupe permanent d’orientation des conditions de travail (GPO).

I.   le droit en vigueur : le conseil d’orientation des conditions de travail, un acteur clÉ dans la dÉfinition et la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de la santÉ et de la sÉcuritÉ au travail

Créé par un décret du 25 novembre 2008 ([343]), le conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) dispose, depuis la loi du 17 août 2015 ([344]), d’une assise législative.

Placé auprès du ministre chargé du travail, il est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national, de représentants des organismes nationaux de sécurité sociale, de représentants des organismes nationaux d’expertise et de prévention et de personnalités qualifiées ([345]).

Il assure plusieurs missions – énumérées à l’article L. 4641-1 du code du travail ([346]) – en matière de santé et de sécurité au travail et d’amélioration des conditions de travail :

– il participe à l’élaboration des orientations stratégiques des politiques publiques nationales ;

– il contribue à la définition de la position française sur les questions stratégiques au niveau européen et international ;

– il est consulté sur les projets de textes législatifs et réglementaires ;

– il participe à la coordination des acteurs intervenant dans ces domaines.

Il est constitué de différentes formations, toutes dotées de prérogatives spécifiques : les fonctions d’orientation sont exercées par le conseil national d’orientation des conditions de travail et le groupe permanent d’orientation des conditions de travail (GPO) tandis que les fonctions consultatives sont assurées par la commission générale et les commissions spécialisées ([347]).

Parmi ces structures, le GPO est plus précisément chargé, aux termes de l’article R. 4641-7 du même code :

– de participer à l’élaboration du plan santé au travail, en proposant au ministre chargé du travail les orientations pour celui-ci ;

– de participer à l’orientation de la politique publique en santé sécurité au travail, en formulant notamment des avis ou des propositions sur les questions particulières figurant dans son programme de travail annuel ou traitées à la demande du ministre ;

– de contribuer à la définition de la position française sur les questions stratégiques au niveau européen ou international en matière de santé et de sécurité au travail ;

– de participer à la coordination des acteurs de la santé au travail, notamment en formulant des avis et des propositions visant à améliorer son pilotage ;

– de participer à la coordination et l’information des groupes permanents régionaux d’orientation des conditions de travail mentionnés aux articles R. 464121 et suivants ([348]) ;

– d’élaborer une synthèse annuelle de l’évolution des conditions de travail.

La composition du groupe permanent d’orientation
des conditions de travail (GPO)

Aux termes de l’article R. 4641-8 du code du travail, le GPO, présidé par le vice-président du conseil d’orientation des conditions de travail et animé par son secrétaire général, comprend :

1° Au titre du collège des partenaires sociaux : un représentant de chacune des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national ;

2° Au titre du collège des départements ministériels et du collège des organismes nationaux de sécurité sociale, d’expertise et de prévention :

a) Le directeur général du travail ou son représentant ;

b) Le directeur des affaires financières, sociales et logistiques du ministère chargé de l’agriculture ou son représentant ;

c) Le directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l’assurance maladie ou son représentant.

II.   le DROIT proposÉ : crÉer, au sein du COCT, une structure dotÉe de missions Étendues englobant celles du groupe permanent d’orientation des conditions de travail

Le présent article, qui transpose une disposition de l’ANI, modifie l’organisation interne du COCT afin d’améliorer le pilotage, au plan national, de la politique de santé et de sécurité au travail. Ainsi, en application du nouvel article L. 4641‑2‑1 du code du travail, sera constitué en son sein un comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) « composé de représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national » et chargé d’assumer trois missions en particulier.

En premier lieu, il participera « à l’élaboration des politiques publiques en matière de santé au travail et à la coordination des acteurs intervenant dans ces domaines ».

En deuxième lieu, il définira « la liste et les modalités de mise en œuvre des services obligatoires en matière de prévention, de suivi individuel des travailleurs et de prévention de la désinsertion professionnelle » que les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) devront proposer à leurs adhérents dans le cadre de l’offre socle définie à l’article L. 4622‑9‑1 du même code, créé par l’article 8 de la proposition de loi ([349]).

En troisième lieu, il élaborera « les référentiels et les principes guidant l’accréditation des organismes indépendants de certification des services de prévention et de santé au travail » ([350]).

Du reste, il lui reviendra également de déterminer, sur le fondement de l’article L. 4141‑5 dudit code, les modalités de mise en œuvre du passeport prévention, créé par l’article 3 de la proposition de loi ([351]).

Enfin, et conformément à la volonté des partenaires sociaux, le CNPST aura vocation à remplir les missions actuellement dévolues au GPO (voir supra). À l’inverse, seront exclues de son champ d’intervention les missions confiées aux autres structures installées au sein du COCT (conseil national d’orientation des conditions de travail, commission générale et commissions spécialisées).

III.   les modifications apportées par la commission

Sur proposition de vos rapporteures, la commission a modifié le texte sur plusieurs points.

Elle a, d’abord, posé le principe de la représentation de l’État et de la Caisse nationale de l’assurance maladie au sein du CNPST afin que sa composition corresponde à celle de l’actuel GPO.

Elle a, ensuite, modifié la nature de l’une de ses missions, préférant le charger de formuler un avis sur l’élaboration du cahier des charges de certification des services de prévention et de santé au travail plutôt que d’élaborer lui-même les référentiels et les principes guidant l’accréditation des organismes indépendants de certification de ces mêmes services, compte tenu de la trop grande fragilité juridique que présentait la solution envisagée initialement.

Elle a, enfin, précisé que les missions du CNPST n’étaient pas énumérées de façon exhaustive afin qu’il soit explicitement établi qu’il pourrait remplir celles qui sont dévolues au GPO sur le fondement de l’article R. 4641-7 du code du travail.

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Article 26
Création d’un comité régional de prévention et de santé au travail au sein du comité régional d’orientation des conditions de travail

Adopté par la commission avec modifications

Cet article crée, au sein du comité régional d’orientation des conditions de travail (CROCT), un comité régional de prévention et de santé au travail (CRPST). Il arrête les grandes lignes de sa composition et de ses missions, qui ont vocation à englober celles du groupe permanent régional d’orientation des conditions de travail (GPRO).

I.   le droit en vigueur : les comitÉs rÉgionaux d’orientation des conditions de travail, ouvriers de la dÉclinaison des politiques publiques en faveur de la santÉ et de la sÉcuritÉ au travail À l’Échelon rÉgional

L’article L. 4641-4 du code du travail, créé par la loi du 17 août 2015 ([352]), prévoit qu’un comité régional d’orientation des conditions de travail (CROCT), placé auprès du représentant de l’État dans la région, participe à l’élaboration et au suivi des politiques publiques régionales en matière de santé, de sécurité au travail et de conditions de travail ainsi qu’à la coordination des acteurs intervenant dans cette matière à l’échelon régional ([353]).

Le comité régional se réunit au moins une fois par an en séance plénière mais peut aussi se réunir à l’initiative de son président ou à la demande d’une moitié, au moins, des représentants du collège des partenaires sociaux ([354]).

Il comprend en son sein, en application du second alinéa de l’article R. 4641-15 du code du travail, un groupe permanent régional d’orientation des conditions de travail (GPRO) qui exerce une fonction d’orientation dans le domaine de la politique de santé et de sécurité au travail et d’amélioration des conditions de travail.

À ce titre, et conformément à l’article R. 4641‑21 du même code, ce dernier :

– rend un avis sur toute question de nature stratégique dans le domaine de la santé au travail, des conditions de travail et des risques professionnels dont il se saisit ;

– formule les orientations du plan régional santé au travail et participe au suivi de sa mise en œuvre ;

– participe à l’élaboration du diagnostic territorial portant sur la santé au travail, les conditions de travail et la prévention des risques professionnels ;

– favorise la coordination des orientations et des positions adoptées dans les principales instances paritaires régionales dans le champ de la santé au travail, en cohérence avec les orientations du GPO du COCT ;

– adresse au GPO un bilan annuel de son activité.

Par ailleurs, le GPRO rend un avis, qu’il remet au CROCT, sur le contenu des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des services de santé au travail prévus à l’article L. 4622-10 ainsi que sur la politique régionale d’agrément prévue à l’article D. 4622-53.

Enfin, il peut, de sa propre initiative, soumettre des propositions et des avis et diligenter des analyses ou des études entrant dans son champ de compétence.

La composition du groupe permanent régional d’orientation
des conditions de travail (GPRO)

Aux termes de l’article R. 4641-22 du code du travail, le GPRO est présidé par le préfet de région ou son représentant. Deux vice-présidents sont élus, pour l’un, par les représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et, pour l’autre, par les représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national. Ses travaux sont animés par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ou son représentant.

Il comprend :

– au titre du collège des partenaires sociaux : huit représentants des salariés et huit représentants des employeurs ;

– un représentant de la caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail de la circonscription régionale.

II.   le DROIT proposÉ : crÉer, au sein du CROCT, une structure dotÉe de missions Étendues englobant celles du groupe permanent rÉgional d’orientation des conditions de travail

Le présent article, qui transpose une disposition de l’ANI, modifie l’organisation interne du CROCT dans le but d’améliorer le pilotage, à l’échelon régional, de la politique de santé et de sécurité au travail. Ainsi, en application du nouvel article L. 4641‑5 du code du travail, créé par le , sera constitué en son sein un comité régional de prévention et de santé au travail (CRPST) « composé de représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national » et chargé d’assumer trois missions en particulier.

En premier lieu, il promouvra « l’action en réseau de l’ensemble des acteurs régionaux et locaux de la prévention des risques professionnels ».

En deuxième lieu, il contribuera « à la coordination des outils de prévention mis à disposition des entreprises ».

En troisième lieu, il suivra « l’évaluation de la qualité des services de prévention et de santé au travail ».

Un article L. 4641‑6, également introduit par le , renverra à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer l’organisation, les missions, la composition et le fonctionnement du CROCT ainsi que du CRPST. Par cohérence, le dernier alinéa de l’article L. 4641‑4 du code du travail – qui revêt en partie le même objet – sera supprimé (par le ).

Outre les missions expressément prévues à l’article L. 4641‑5, le CRPST remplira les missions actuellement dévolues au GPRO (voir supra), conformément à l’orientation retenue par les partenaires sociaux signataires de l’ANI.

Enfin, il pourra être saisi par le comité social et économique interentreprises ou la commission de contrôle du service de prévention et de santé au travail d’une question touchant à l’organisation ou à la gestion dudit service, en vertu de l’article L. 4622‑12 dans sa rédaction résultant de l’article 20 de la proposition de loi ([355]).

III.   les modifications apportées par la commission

Sur proposition de vos rapporteures, la commission a apporté deux modifications au texte.

D’une part, elle a posé le principe de la représentation de l’État et de la caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail au sein du CRPST afin que sa composition corresponde à celle de l’actuel GPRO.

D’autre part, elle a précisé que les missions du CRPST n’étaient pas énumérées de façon exhaustive afin qu’il soit explicitement établi qu’il pourrait remplir celles qui sont dévolues au même GPRO sur le fondement de l’article R. 4641-21 du code du travail.

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Article 27
Demande de rapport au Parlement sur la modification des relations juridiques et financières entre l’Agence nationale pour l’amélioration
des conditions de travail et le réseau des associations régionales
pour l’amélioration des conditions de travail

Adopté par la commission sans modifications

Cet article invite le Gouvernement à remettre au Parlement, avant le 30 juin 2021, un rapport portant sur la mise en conformité des pratiques du réseau formé par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et les associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) avec les règles applicables en matière de commande publique.

I.   le droit en vigueur : le schÉma d’organisation et de fonctionnement du rÉseau formÉ par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et les associations rÉgionales pour l’amÉlioration des conditions de travail souffre d’irrÉgularités juridiques

Dans un référé en date du 31 août 2011, qui faisait suite à un contrôle sur la gestion et les comptes de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et ses relations avec le réseau des associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT), la Cour des comptes recommandait notamment « un net recentrage du réseau de l’ANACT sur la mission d’amélioration durable des conditions de travail et de la prévention » ainsi « qu’une plus grande rigueur de gestion, comme la cessation de pratiques irrégulières, notamment en matière de frais de missions et de gestion de personnel » ([356]).

Huit ans plus tard, dans un référé en date du 24 mai 2019, la Cour des comptes constatait que la gestion de l’ANACT avait nettement progressé tout en relevant, dans les termes suivants, la persistance d’irrégularités juridiques dans l’organisation et le fonctionnement du réseau formé avec les ARACT, notamment au regard du droit de la concurrence ou de la commande publique :

« Une première difficulté juridique est liée à la gestion des partenariats, par lesquels l’ANACT génère des ressources propres. Ces partenariats s’analysent, pour la plupart, comme des contrats de prestations de services conclus par l’ANACT à titre onéreux, essentiellement avec des personnes publiques.

« Or, ces conventions dont l’objet relève du champ concurrentiel, sont conclues sans que l’ANACT ait été mise en concurrence. Si l’on peut admettre que ces conventions entrent dans la catégorie des contrats de quasi-régie lorsque l’établissement public contracte avec des administrations d’État, ce n’est plus le cas lorsque des partenariats sont conclus avec d’autres personnes morales de droit public ou avec des personnes de droit privé, elles-mêmes soumises au droit de la commande publique. Au surplus, les ARACT, qui sont parties prenantes des conventions de partenariat, et en concluent par ailleurs pour leur compte propre, ne peuvent se prévaloir de la notion de quasirégie et intervenir sans mise en concurrence comme des prestataires de personnes publiques. La vente de prestations de service par les ARACT, sans mise en concurrence, méconnaît donc les règles de la commande publique. » ([357])

En conséquence, et afin de mettre un terme à l’insécurité juridique résultant de cette situation, la Cour recommandait de « modifier le schéma des relations financières et juridiques entre l’ANACT et les ARACT afin de le mettre en conformité avec la réglementation » et de « respecter, en relation avec les partenaires, les règles du code des marchés publics pour les dispositifs de partenariat, s’agissant notamment des ARACT » ([358]).

II.   le DROIT proposÉ : demander au Gouvernement de remettre au parlement un rapport sur la rÉforme des relations juridiques et financiÈres entre l’anact et les aract

En réponse au référé du 24 mai 2019, la ministre du travail, Mme Muriel Pénicaud, faisait part au premier président de la Cour des comptes, dans un courrier en date du 22 juillet de la même année, de son intention d’engager « une réforme du réseau Anact-Aract afin de le mettre en conformité avec les règles de la commande publique » ([359]).

Aussi, le présent article invite le Gouvernement à remettre au Parlement, avant le 30 juin 2021, un rapport portant sur les modifications qui doivent être apportées à cette fin.

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Article 28
Formation des membres de la délégation du personnel du comité social et économique de l’entreprise en santé au travail

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article prévoit, en application des dispositions intégrées à l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 2020, de nouvelles obligations en matière de formation des membres des délégations du personnel du comité social et économique en santé, sécurité et conditions de travail.

Ceux-ci pourront bénéficier d’une formation minimale de cinq jours, puis, en cas de renouvellement du mandat par ces mêmes membres, de trois jours.

La formation des membres de cette même délégation du personnel du comité social et économique sera financée, s’agissant des entreprises de moins de cinquante salariés, par les opérateurs de compétences (OPCO), ajoutant autant de nouvelles missions pour ces derniers.

 

I.   La formation des membres du CSE est cruciale, compte tenu de leur responsabilité en matière de prévention des risques professionnels

A.   La nécessité ancienne de la formation a été récemment renforcée dans les faits

1.   Une obligation ancienne

Les actions en formation en matière de santé et de sécurité au travail ont été développées au fur et à mesure que les actions de recherche elles-mêmes se sont approfondies en la matière, sous l’influence notable de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Les efforts récents de l’Institut en faveur d’une modernisation de son offre de formation ont été ainsi reconnus dans les rapports récents, tels que celui que votre rapporteure Charlotte Lecocq a rendu au Premier ministre en 2018 ([360]) : « L’habilitation d’organismes de formation via le développement de formations de formateurs, de formateurs de formateurs, a permis une forte augmentation du nombre d’habilitations en 2015 (73 % par rapport à 2014), qui s’est poursuivie en 2016 (12 % par rapport à 2015). Alors que l’accès aux formations de l’INRS était réputé difficile en raison des capacités réduites d’intervention de l’organisme, près de 3 000 organismes de formation sont désormais habilités ou certifiés. Le volume des formations proposées dans le domaine de la santé et sécurité au travail sur l’ensemble du territoire national devient de fait significativement plus important. »

Les statuts de l’Institut prévoient à ce titre « de mettre au point les programmes et les méthodes de formation des acteurs de la prévention, d’encourager cette formation ou de l’assurer » lui-même. Cette formation s’étend à l’ensemble des acteurs de la santé et de la sécurité au travail, qu’il s’agisse des médecins du travail, des agents des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) ou des membres des comités sociaux et économiques (CSE). Pour ce faire, l’INRS organise plus de 160 sessions de formation par an, conçues par un effectif d’une trentaine de formateurs, pour un total de plus de 2 000 bénéficiaires de formations ([361]).

2.   Un axe important du dernier plan « Santé au travail »

La formation est évidemment l’un des axes majeurs des politiques publiques récentes en matière de santé au travail, à commencer par le troisième plan « Santé au travail », décliné pour la période 2016-2020. Dans la perspective de développer la culture de la « prévention primaire », à savoir le « passage d’une politique trop tournée vers le soin et la réparation à une politique de promotion de la santé, de prévention » ([362]). Cela doit se traduire notamment, au sein de ce plan, par une action globale visant à « renforcer la formation initiale et continue en santé sécurité au travail et en management du travail », selon la typologie suivante :

– pérenniser la dynamique d’insertion de la santé sécurité au travail dans l’enseignement initial professionnel, en lien avec les mises en situation réelles et le geste professionnel, dans une perspective intégrée plutôt qu’en créant des modules distincts ;

– mobiliser les branches professionnelles pour mettre en place des actions de formation et d’information à destination des salariés nouvellement recrutés ;

– renforcer la part relative à la santé, la sécurité au travail ainsi que le management du travail dans les formations d’enseignement supérieur, notamment au sein des écoles d’ingénieurs, des écoles de commerce ou encore des universités.

B.   Le rôle des opérateurs de compétences dans le financement des actions de formation

Les opérateurs de compétences (OPCO) ont remplacé les anciens organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) dans le rôle d’accompagnement de la formation professionnelle. Au nombre de onze aujourd’hui, ils englobent près de 329 branches et poursuivent les missions suivantes ([363]) :

 assurer le financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation ;

– accompagner les branches adhérentes par le biais d’un appui technique en vue d’établir la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences et déterminer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et des contrats de professionnalisation ;

– assurer un appui technique aux branches professionnelles pour leur mission de certification ;

– garantir un service de proximité au bénéfice des très petites entreprises, petites et moyennes entreprises.

Sous condition de bénéficier d’un agrément par le ministère du travail, ces opérateurs peuvent « collecter des contributions supplémentaires ayant pour objet le développement de la formation professionnelle continue [...] versées soit en application d’un accord professionnel national conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés et mutualisées dès réception par l’organisme au sein des branches concernées, soit sur une base volontaire par l’entreprise » ([364]).

La prise en charge financière par ces opérateurs d’actions dans le champ de la formation relève, au titre de l’article L. 6332-3 du code du travail, de deux sections financières distinctes : les actions de financement de l’alternance et les actions utiles au développement des compétences au bénéfice des entreprises de moins de cinquante salariés.

Au titre de la seconde section, qui intéresse directement le présent article, l’OPCO finance des actions concourant au développement des compétences au bénéfice des entreprises de moins de cinquante salariés. Au sein de ces actions peuvent être recensés l’abondement du compte personnel de formation d’un salarié ou les coûts des diagnostics et d’accompagnement de ces entreprises en vue de la mise en œuvre d’actions de formation.

C.   La formation des membres du comité social et Économique est d’autant plus importante que ces derniers participent pleinement de la politique de santé au travail interne aux entreprises

La formation des membres du CSE est d’autant plus importante que ces derniers participent pleinement, sans toutefois remettre en question la responsabilité de l’employeur, à la politique de santé et de sécurité au travail.

Au demeurant, la formation de ces membres en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail intervient dans le cadre élargi des obligations de formation du CSE inscrites aux articles L. 2315-16 et suivants du code du travail. Ces dispositions prévoient en particulier que le temps consacré aux formations ne soit pas décompté des heures de délégation mais pris sur le temps de travail et rémunéré comme tel.

1.   Un rôle actif dans la promotion de conditions de travail propice à la préservation de la santé des travailleurs

Dans les entreprises de plus de onze mais de moins de quarante‑neuf salariés, la délégation du personnel au CSE ([365]) « contribue à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel ». En ce sens, son action bénéficie à l’ensemble des travailleurs employés au sein de l’entreprise, salariés bénéficiant d’un contrat indéterminé ou travailleurs plus précaires (stagiaires, titulaires d’un contrat à durée déterminée).

Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, le CSE a cette fois repris les attributions de l’ancien comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT) et « procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels » ([366]). Il peut également formuler toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail des salariés, leurs conditions de vie dans l’entreprise et peut mener, de sa propre initiative, « des inspections en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail » qui peuvent s’étendre à l’activité d’une entreprise voisine dès lors que cette dernière soumet les travailleurs à des nuisances particulières ([367]).

Concrètement, le CSE est désormais « consulté sur les programmes de formation et veille à leur mise en œuvre effective » ([368]). Il contribue à la préparation et recueille les informations dispensées par l’employeur lors de la consultation annuelle sur la formation professionnelle quant aux formations à la sécurité menées au cours de l’année écoulée. Cette obligation est doublée, dans les entreprises de plus de trois cents salariés, d’un rapport détaillé ainsi que par « un programme des actions de formation à la sécurité proposées pour l’année à venir au bénéfice des nouveaux embauchés, des travailleurs changeant de poste ou de technique et des salariés temporaires » ([369]).

2.   Un rôle d’information

Le CSE est en outre destinataire des documents obligatoires rédigés à l’initiative de l’employeur – les mentions obligatoires contenues dans les attestations, consignes, résultats et rapports relatifs aux vérifications et contrôles mis à la charge de l’employeur au titre de la santé et de la sécurité au travail – ou de l’inspection du travail – observations et mises en demeure en matière de santé et de sécurité, de médecine du travail et de prévention des risques (articles L. 4711-1 et L. 4711-2 du code du travail). Il est par ailleurs informé des observations formulées par l’inspection du travail dans le domaine de la santé au travail, ainsi que des observations d’ordre technique faites par l’inspection médicale du travail.

3.   Un rôle décisionnaire

Le CSE participe enfin directement du choix qui est fait quant au service de santé au travail auquel l’entreprise a recours. À cette fin, il peut s’opposer au choix qui est fait par l’employeur lorsque celui-ci a le choix entre un service de santé au travail (SST) autonome et un service de santé au travail interentreprises (SSTI), choix qui est à la seule disposition des entreprises de plus de cinq cents salariés. Il surveille, le cas échéant, l’administration du SST par l’employeur et se prononce sur la nomination et l’affectation du médecin du travail. Dans le cas contraire, il est consulté sur le choix du SSTI et peut s’opposer à la cessation de l’adhésion de l’entreprise à un SSTI.

D.   L’enjeu de la formation des membres du comité social et Économique a été pleinement prise en compte dans l’Accord national interprofessionnel du 10 décembre 2020

Compte tenu de l’ensemble de ces enjeux, les signataires de l’ANI du 10 décembre 2020 ([370]) ont souhaité concrétiser l’implication plus forte du CSE dans la politique de prévention par le biais d’une formation ad hoc. Constatant que « la formation en santé, sécurité et conditions de travail doit être effective et de qualité pour mieux prendre en compte les risques professionnels liés à l’activité de travail » et que, partant, les élus du personnel, titulaires ou suppléants, devaient avoir droit à une formation, les partenaires sociaux ont souhaité que :

– les membres de la CSSCT et les élus du CSE bénéficient d’une formation de cinq jours, susceptible d’être reconduite pour une durée de trois jours ([371]) ;

– cette formation se fasse dans le respect du commun de la formation d’un membre de la délégation du personnel du comité social et économique ;

– cette formation soit financée, s’agissant des entreprises de moins de cinquante salariés, sur les fonds des OPCO.

II.   Le dROIT proposÉ : une reprise fidèle des termes de l’Accord national interprofessionnel concernant la durée de la formation comme son financement

A.   Une durée de formation adaptée aux mandats des membres du CSE

Aux fins de transposition des dispositions de l’ANI, le du présent article vient compléter et préciser les dispositions de l’article L. 2315-18 du code du travail. Il est actuellement prévu que les modalités de formation autant des membres de la délégation du personnel du CSE que du référent du CSE en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes désigné parmi ses membres, destinées à leur permettre d’exercer dans les meilleures conditions possibles leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, sont renvoyées au pouvoir règlementaire.

Le financement de cette formation revient à l’employeur, au titre de ses obligations en matière de santé au travail, là encore selon des modalités renvoyées au pouvoir réglementaire.

Sans préjudice de ces dispositions, vos rapporteures ont souhaité que le présent article reprenne fidèlement les dispositions de l’ANI en précisant que la formation serait d’une durée minimale de cinq jours pour le premier mandat d’un membre de la délégation du personnel et d’un minimum de trois jours en cas de renouvellement de ce mandat.

En cohérence, le prévoit la suppression des modalités actuelles de formation des membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail émanant des CSE des entreprises de moins de cinquante salariés. Ce faisant, cette modification faire disparaître la distinction concernant les durées de formation entre les entreprises employant moins de trois cents salariés et celles qui dépassent ce seuil.

Le prévoit par ailleurs, outre des modifications rédactionnelles destinées à supprimer les références obsolètes, que la formation en matière de santé au travail prévue pour les salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise se fera désormais automatiquement et non plus à leur demande.

B.   les modalités de financement des formations pour les entreprises de moins de cinquante salariés peuvent désormais reposer sur les opérateurs de compétences

Le du présent article prévoit également une nouvelle sous-section dans la section 2 du chapitre V du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail – les dispositions particulières des entreprises de moins de cinquante salariés – consacrée à la formation en santé, sécurité et conditions de travail.

Cette section prévoit donc, pour ces seules entreprises, une possible prise en charge par un OPCO par le biais de la section financière mentionnée au 2° de l’article L. 6332‑3. En cohérence, le présent article prévoit :

– au , une nouvelle mission, pour les OPCO, de financement des formations en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail des membres de la délégation du personnel du CSE, ainsi que du salarié référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ;

– au , la prise en charge par ces mêmes opérateurs de la formation pour les mêmes personnes, en vue de leur permettre d’assurer leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel des rapporteures.

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titre v
dispositions finales

Article 29
Modalités d’entrée en vigueur de la loi

Adopté par la commission avec modifications

Cet article arrête les modalités d’entrée en vigueur des dispositions qui résultent de l’adoption de la présente proposition de loi.

Le I renvoie à un décret le soin de fixer la date d’entrée en vigueur de la loi mais impose qu’elle intervienne au plus tard le 31 mars 2022.

Le II apporte deux précisions quant aux effets de ladite loi sur les mandats des membres des conseils d’administration des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) :

– d’une part, il prévoit que les mandats en cours à la date de sa promulgation prendront fin à la date de son entrée en vigueur ;

– d’autre part, il indique que les nouvelles dispositions relatives à l’élection du vice-président et à la désignation des représentants des employeurs ([372]) s’appliqueront dans un délai déterminé par le décret susmentionné et, au plus tard, le 31 mars 2022.

La commission a adopté deux amendements rédactionnels des rapporteures.

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Article 30
Gage financier

Adopté par la commission sans modifications

Cet article vise à prévoir un mécanisme de compensation de la charge, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi.

 

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   EXAMEN EN commission

1.   Réunion du mardi 9 février 2021 à 21 heures

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10308976_6022e72f911c4.commission-des-affaires-sociales--renforcer-la-prevention-en-sante-au-travail-9-fevrier-2021

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous abordons ce soir l’examen de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, présentée par Mmes Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, et inscrite à l’ordre du jour de la séance publique à compter de lundi prochain. Avec 390 amendements à examiner, nous avons du travail en perspective ! Je précise que les dispositions des articles 40 et 45 de la Constitution, relatives à la recevabilité des amendements, s’appliquent.

La présente proposition de loi a pour objet de procéder à une transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, conclu le 10 décembre dernier. Il ne s’agit donc pas d’un texte relatif aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, au compte professionnel de prévention, aux missions du comité social et économique (CSE), à l’absentéisme dans la fonction publique, au travail à distance ou au travail de nuit, pour ne citer que quelques-uns des sujets abordés par le biais d’amendements émanant de tous les groupes politiques, dont chacun aura compris qu’il n’était pas possible de les considérer comme recevables. Au demeurant, la proportion d’amendements déclarés irrecevables est significativement inférieure à celle observée en moyenne – par exemple sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, débattu en séance publique depuis une semaine.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. La proposition de loi dont nous entamons l’examen vise à répondre aux enjeux contemporains et futurs de la santé au travail. Ce faisant, nous abordons un continent qui est au cœur du droit du travail depuis son origine. Nous pouvons remonter à la moitié du XIXe siècle, lorsque la loi Villermé de 1841, visant à limiter le travail des enfants, a donné naissance à notre code du travail moderne. Plus près de nous, la grande loi du 9 avril 1898 a permis de passer d’une responsabilité civile particulièrement lourde pour l’employeur, et impraticable pour le travailleur, à un principe de réparation compatible avec les relations de travail, permettant à celui-ci de bénéficier d’une réparation de son préjudice automatique et forfaitaire, donc bien plus fréquente qu’auparavant. La faute de l’employeur n’est plus une condition sine qua non pour obtenir une réparation, et elle n’est recherchée que dans les cas qui seront progressivement rassemblés sous l’appellation « faute inexcusable ».

Cette nouvelle structure du monde du travail a naturellement suscité un renforcement progressif de l’attention portée à la préservation de la santé des travailleurs sur le lieu de travail, jusqu’à l’adoption de la loi du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail, qui oblige les entreprises à se doter de médecins du travail, dont le rôle est exclusivement préventif. Ces services ont progressivement évolué pour devenir des services de santé au travail, bénéficiant d’équipes pluridisciplinaires en vertu de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. En 2011 et en 2016, plusieurs lois ont modernisé l’action des médecins du travail et leur rôle dans l’entreprise. À l’heure actuelle, la France peut s’appuyer sur un vaste réseau d’acteurs, au premier rang desquels les services de santé au travail, la Caisse nationale de l’assurance maladie, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et ses déclinaisons régionales, les agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail, les Cap emploi et bien d’autres. Nous pouvons également nous enorgueillir d’institutions de recherche et de formation de pointe, notamment l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles (AT‑MP), et de l’inscription récente, parmi les missions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de la fourniture d’informations nécessaires à la prise de décision en matière de prévention des risques professionnels et d’appui aux politiques publiques dans ce domaine.

Malheureusement, ces acteurs s’inscrivent dans le cadre d’un système en silos, et sont par surcroît isolés des acteurs du soin et de la santé publique. Cette situation entraîne de nombreux inconvénients, notamment une déperdition d’informations, une absence de coordination, et, in fine, une perte d’efficacité au détriment du travailleur. De nombreux rapports et études ont été publiés à ce sujet, justifiant les évolutions qui vous sont soumises aujourd’hui. J’ai moi-même remis deux rapports d’information au Gouvernement. L’un, rédigé avec MM. Bruno Dupuis et Henri Forest, porte sur l’évolution de la gouvernance et l’amélioration concrète des services de santé au travail ; l’autre, rédigé avec Mme Pascale Coton et M. Jean-François Verdier, porte sur la situation de la santé au travail dans la fonction publique. Plusieurs de nos collègues, dans cette assemblée et au Sénat, ont également abordé le sujet, notamment Julien Borowczyk et Pierre Dharréville, dans le cadre de la commission d’enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination. Nos collègues sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny ont rendu le 2 octobre 2019 un rapport d’information sur l’instauration d’un service universel de santé au travail. À l’extérieur de nos murs, les réflexions se sont également multipliées. Citons notamment les rapports remis au Gouvernement par des experts, tels celui de M. Paul Frimat sur le risque chimique, et par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui a remis deux rapports sur l’attractivité de la profession de médecin du travail. Citons enfin le rapport d’information sur le dossier médical partagé (DMP) et les données de santé, sujet qui est au cœur de notre volonté de décloisonner médecine de soins et médecine de ville, rédigé par notre collègue Cyrille Isaac‑Sibille dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

Le bouillonnement intellectuel sur ces sujets ne s’est pas cantonné à la réflexion pure. Les partenaires sociaux se sont pleinement emparés du sujet par divers biais. Tout d’abord, ils ont largement contribué à la définition du troisième plan santé au travail (PST3) 2016-2020. Ce faisant, ils ont abondamment insisté sur la nécessité de placer la prévention primaire au cœur de notre politique publique de santé au travail. Depuis trop longtemps, nous nous concentrons sur la seule réparation. L’adoption d’une logique de prévention primaire doit nous permettre de changer véritablement de paradigme et d’associer chacun des acteurs de l’entreprise à l’appropriation de ces questions sur le lieu de travail. Ensuite, ils se sont engagés dans des négociations qui, si elles ont échoué en 2019, ont repris en 2020, avec succès. Ainsi – j’insiste sur ce point –, ce texte est l’aboutissement d’une co-construction et d’une alliance inédites entre la démocratie sociale et la démocratie représentative. Lorsque le Gouvernement adressait aux partenaires sociaux, au mois de juin dernier, un document d’orientation, notre assemblée adoptait une proposition de résolution appelant à faire de la France l’un des pays les plus performants en matière de santé au travail. Telle est toujours notre ambition. Nous reprenons à notre compte les objectifs de cette résolution : faire de la santé au travail une priorité des politiques publiques ; doter la France d’un système d’acteurs de santé au travail plus efficace et tourné vers la prévention des risques professionnels ; prévenir l’usure professionnelle en établissant un lien étroit entre l’exposition aux risques et les parcours professionnels proposés aux travailleurs.

Au fur et à mesure de la progression des négociations entre les partenaires sociaux, nous avons recueilli le témoignage de nombreux acteurs, par le biais d’auditions et de déplacements sur le terrain. Notre proposition de loi s’inspire de certaines propositions formulées dans ce cadre. Nous avons tenu à rester en contact avec les partenaires sociaux tout au long de l’automne dernier, jusqu’à l’aboutissement qu’a constitué l’ANI, conclu le 10 décembre. Notre proposition de loi est la première à transposer un accord national interprofessionnel. À ce propos, je salue l’esprit de coopération et de bonne entente dans lequel cette co-construction a été menée. Il détermine – j’espère que chacun le comprendra – la plupart de nos avis sur les amendements déposés sur ce texte. Il ne s’agit ni de rejouer le match des négociations, ni de bouleverser un équilibre savamment construit, dont certains points ont été pesés au trébuchet. Il n’en demeure pas moins que notre texte s’attache – comme le rappellera notre collègue Carole Grandjean dans un instant – à concilier les vœux des partenaires sociaux avec les idées développées dans les nombreux rapports que j’ai cités, au premier rang desquelles le décloisonnement entre santé publique et santé au travail. C’est l’honneur de notre travail parlementaire que d’ajouter à la transposition fidèle d’un ANI des propositions formulées à de nombreuses reprises dans le débat public. Je souhaite que nos débats soient fidèles à l’ambition de rénovation de la politique de prévention en santé au travail qui nous anime, ainsi que les partenaires sociaux signataires de l’ANI, pour permettre à la France de bénéficier enfin d’une politique transversale et cohérente en la matière, au bénéfice de tous les travailleurs.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. La présente réforme de la santé au travail a pris une nouvelle réalité dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons. Nous l’avons tous constaté : lors du premier confinement, les entreprises et leurs salariés ont particulièrement eu besoin d’appui. Les modes d’organisation du travail ont été totalement bouleversés. Le domaine de la santé au travail a été confronté à des questions nouvelles, qu’il faut à présent intégrer dans notre droit positif, et qui ont renforcé notre volonté de présenter une proposition de loi.

La reprise des discussions entre les partenaires sociaux à ce sujet était programmée. Désireuses de laisser toute sa place au dialogue social, nous avons d’abord soumis à l’Assemblée nationale une proposition de résolution appelant à faire de la France l’un des pays les plus performants en matière de santé au travail, qui a été adoptée le 22 juin 2020. Dès lors, nous avons préparé cette proposition de loi en complète concertation avec les partenaires sociaux que sont les organisations patronales et syndicales, ainsi qu’avec les professionnels du secteur. Ces discussions se sont poursuivies avec le ministère des solidarités et de la santé, ainsi qu’avec le secrétariat d’État chargé des retraites et de la santé au travail. Notre conviction est qu’un accord conclu entre les partenaires sociaux est une étape importante pour construire une adhésion autour de la nécessité de réforme et un levier favorisant sa mise en œuvre. Le dernier ANI en la matière remontait au mois de juin 2013. L’articulation des divers travaux sur la santé au travail a permis d’accélérer les discussions. Par le biais de cet accord, nous saluons l’engagement explicite de donner une place effective à la prévention et de favoriser le décloisonnement de la santé publique et de la santé au travail. Nous soulignons aussi la reconnaissance de la nécessité d’harmoniser l’offre de services proposée aux entreprises et aux travailleurs, ainsi que la volonté d’en renforcer la qualité. Par ailleurs, l’ANI s’attache à lutter contre la désinsertion professionnelle en portant une attention particulière aux salariés vulnérables et aménage la gouvernance des organismes de santé au travail.

La proposition de loi reprend les dispositions voulues par les partenaires sociaux, concrétisées par la signature de l’ANI. Nous sommes attachées, chacun l’aura compris, à respecter l’équilibre trouvé par les partenaires sociaux. Nous avons souhaité retranscrire l’accord en conscience d’un enjeu partagé par tous : le nécessaire renforcement de la protection des travailleurs. À cet effet, l’article 2 modifie la substance ainsi que les modalités de construction, de diffusion et de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), dont l’existence sera désormais prévue par la loi. Il sera également plus accessible aux travailleurs ainsi qu’aux anciens travailleurs, pour conférer sa pleine portée à l’obligation de traçabilité prévue dans l’ANI. L’article 3 consacre l’existence d’un « passeport prévention », qui retracera les formations suivies par les travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la prévention des risques professionnels, ainsi que les attestations, certificats et diplômes qui en sont issus. Il a vocation à intégrer le compte personnel de formation pour figurer parmi les outils à disposition des travailleurs leur permettant de bénéficier a maxima des possibilités qui leur seront offertes.

L’article 8 distingue les actions que proposeront les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) au titre de l’offre socle, d’une part, et de l’offre facultative de services complémentaires, d’autre part. Surtout, il crée une procédure de certification des SPSTI, portant notamment sur l’offre socle, et des modalités de tarification susceptibles de les engager dans une démarche d’amélioration de la qualité de leurs prestations en continu. L’article 14 les invite à installer une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle en leur sein, pour mieux lutter contre ce phénomène, qui touche un grand nombre de travailleurs. L’article 16 instaure une visite médicale de mi-carrière au bénéfice des travailleurs. L’article 17 crée les conditions d’un meilleur suivi de l’état de santé des travailleurs insuffisamment ou pas du tout pris en charge – tel est notamment le cas des salariés intérimaires, des travailleurs indépendants et des chefs d’entreprise. L’article 21 autorise le médecin de ville à contribuer, dans des conditions encadrées, au suivi de l’état de santé des travailleurs qui ne font pas l’objet d’un suivi renforcé. L’article 23 dote d’un statut les infirmiers en santé au travail, dont le rôle ne cesse de croître, et les autorise à exercer en pratique avancée dans les services de santé au travail.

Notre proposition de loi revêt une dimension exceptionnelle : il s’agit de la première transposition d’un accord national interprofessionnel par un texte d’initiative parlementaire, ce qui constitue pour nous un signal fort de la possibilité d’articulation entre le dialogue social et la démocratie parlementaire. Nous sommes allées plus loin, en introduisant dans le texte des dispositions favorisant le décloisonnement entre la santé publique et la santé au travail. Ainsi, l’article 11 ouvre aux professionnels de santé exerçant dans les services de prévention et de santé au travail la possibilité d’accéder au DMP du travailleur, de telle sorte que le médecin du travail soit en mesure de remplir au mieux les missions que la loi lui confie. Nous avons l’intention d’améliorer le texte en vue de permettre aux travailleurs d’exprimer leur consentement dans les meilleures conditions et d’éviter toute conséquence pouvant résulter d’un refus de consentement. Par ailleurs, l’article 12, corollaire du précédent, permet aux professionnels de santé assurant la prise en charge des travailleurs de bénéficier d’un accès renforcé au dossier médical en santé au travail, étendu de façon sécurisée aux acteurs du soin.

Une nouvelle fois, les mesures de protection sociale ont progressé plus rapidement sous l’effet d’une crise. Nous souhaitons vraiment que la présente réforme donne les moyens à cette gouvernance tripartite d’accompagner ces progrès, demain, dans une démarche d’amélioration continue et progressive. Nous sommes convaincues que la prévention primaire doit prendre une place centrale dans notre vision réformée de la santé au travail, afin de mieux sécuriser les travailleurs.

La responsabilité de chacun doit être réaffirmée dans la lutte contre la désinsertion professionnelle. La France doit désormais être un modèle en matière de santé au travail et rattraper son retard dans ce domaine. Je rappelle que la sixième enquête européenne sur les conditions de travail (EWCS), publiée en 2015, plaçait la France au vingt-neuvième rang sur trente-cinq en matière d’évaluation des risques professionnels en Europe. Je rappelle également que 10 % des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles financent la prévention en Allemagne, contre 3 % dans notre pays.

Loin de nous l’idée de donner l’impression de ne pas entendre les défis que nous devons relever. Nous avons travaillé en gardant toujours à l’esprit les enjeux soulevés par la pénurie des médecins, l’aggravation des pressions économiques due à la crise sanitaire et les lourdeurs des strates administratives qui composent notre organisation. En tout état de cause, le Parlement partage avec les partenaires sociaux l’idée selon laquelle réformer et faire évoluer notre système de santé au travail est une impérieuse nécessité.

La proposition de loi a été élaborée de façon partenariale avec les acteurs concernés, dans l’écoute et la concertation, pour construire un texte équilibré, proportionné et répondant à son enjeu principal : placer la santé au travail au cœur de l’économie et de la vie du travailleur, en accompagnant les entreprises et les travailleurs dans la poursuite de cet intérêt commun. J’appelle votre attention sur le fait que nous avons sollicité l’avis du Conseil d’État en amont de son examen, pour sécuriser sa construction juridique et nous assurer de son juste équilibre ainsi que de sa conformité à l’ANI, confortant ainsi la solidité de l’importante réforme sociétale que nous soumettons au débat aujourd’hui. Cet avis nous a été très précieux. Chacun pourra constater qu’il a inspiré certains de nos amendements.

Mme Catherine Fabre. Au nom du groupe La République en Marche, je suis très fière d’entamer nos travaux sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention en santé au travail. Ce texte est le fruit d’un travail de co-construction inédit. Pour la première fois, un accord national interprofessionnel est inscrit dans la loi par le biais d’une initiative parlementaire, commune aux groupes La République en Marche, Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés et Agir ensemble. Elle est aussi le fruit d’un travail de longue haleine, jalonné par le rapport Lecocq sur la santé au travail. La négociation ayant précédé l’ANI est la première à aboutir depuis 2013. Je tiens à féliciter et à remercier nos deux rapporteures, Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, qui orchestrent et coordonnent ce travail depuis plusieurs mois.

La proposition de loi incarne le « protéger » qui nous est cher et propose une démarche préventive assumée dans le domaine de la santé au travail et de la prévention de la désinsertion professionnelle. Elle se décline en quatre grands axes, qui visent des objectifs clairs et ambitieux. Premièrement, elle permet de renforcer la prévention au sein des entreprises et de décloisonner la santé publique et la santé au travail, en renforçant par exemple les dispositions du DUERP et le plan annuel d’actions de prévention, qui en fera désormais partie. Deuxièmement, elle vise à améliorer et à harmoniser la qualité du service rendu par les services de santé au travail, qui devront désormais fournir une offre socle de services à leurs adhérents et seront soumis à plus de transparence. Elle permet de mieux accompagner certains publics, notamment les publics vulnérables, et de lutter contre la désinsertion professionnelle. Troisièmement, elle étend le suivi en santé au travail aux intérimaires, aux salariés d’entreprise sous-traitantes, aux travailleurs indépendants et aux chefs d’entreprise. Enfin, elle prévoit de réorganiser la gouvernance de la santé au travail pour une action efficace, mieux articulée et au plus près des besoins, en réaffirmant l’obligation, pour le médecin du travail, de passer un tiers de son temps en entreprise.

En tant que parlementaires, nous avons une double responsabilité : respecter l’esprit et la volonté des partenaires sociaux, exprimée dans l’accord qu’ils ont su trouver, et enrichir au mieux ce texte de nos expertises et des retours d’expérience acquis sur le terrain. Dans cette dynamique, le groupe La République en Marche proposera de compléter le texte sur plusieurs points, en précisant notamment d’obliger les SPST à tenir compte des nouvelles formes de travail, telles que le travail à distance. Par ailleurs, nous serons attentifs à l’information et au consentement explicite du travailleur en matière de partage de son DMP. Nous souhaitons également prévoir une meilleure coopération entre les acteurs de la prévention et ceux de l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Enfin, nous proposerons de renforcer et de rendre plus précoces la détection et le signalement de situations présentant des risques de désinsertion professionnelle, afin de permettre un accompagnement le plus en amont possible. Tels sont certains des sujets que le groupe La République en Marche abordera pour enrichir ce beau texte.

M. Bernard Bouley. La crise sanitaire doit achever de nous convaincre de faire de la prévention en matière de santé une réalité de chaque jour, traduite en actions concrètes. Dans le monde du travail, le lien entre bonne santé physique et mentale et bonne santé économique fait pleinement sens. J’en suis d’autant plus convaincu que mon expérience de chef d’entreprise et de président d’un service de santé au travail interentreprises pendant vingt ans me l’a maintes fois démontré. Il importe de renforcer la prévention en santé au travail pour le pays et nos concitoyens.

Toutefois, la prévention ne se décrète pas. Il s’agit de permettre une appropriation d’une culture de prévention dans tous les environnements de travail et dans les entreprises de toutes tailles. Les partenaires sociaux ont clairement et quasiunanimement affirmé leur volonté d’apporter des réponses concrètes, adaptables et en proximité des entreprises. Il nous appartient de nous assurer que la présente proposition de loi sera la traduction fidèle de ce quasi-consensus. Nous veillerons notamment au caractère applicable de ses mesures. L’application des textes doit être toujours possible. Ils doivent notamment être capables de s’adapter à des contextes d’activité et géographiques très variables. Ainsi, ils constitueront des leviers réalistes pour les employeurs et les salariés. Dès lors que notre tissu économique, dans le secteur privé, est constitué à 80 % d’entreprises de moins de dix salariés, les services de santé au travail ont une place prépondérante. Notre groupe sera donc attentif à la possibilité, pour les futurs services de prévention et de santé au travail, de fournir un service effectif et cohérent à toutes les entreprises et à tous les salariés. À cet égard, le recours aux compétences disponibles et qualifiées dans les territoires doit devenir possible sans qu’aucune disposition juridique ne fasse obstacle à leur mobilisation ni à leur organisation collective, qui est indispensable à leur efficacité.

Cela impose aussi de sécuriser la qualité des pratiques des professionnels de santé. La loi peut mieux inscrire la santé au travail dans le champ de la santé publique. Le partage d’informations maîtrisé et accepté par les professionnels de santé et les salariés, l’introduction de la télémédecine dans les pratiques, les connexions avec l’espace numérique de santé sont des enjeux sensibles, qui doivent être clairement définis et encadrés. La crise sanitaire a illustré les lacunes des textes permettant aux services de santé au travail de participer aux campagnes de tests ou de vaccination. Certaines rectifications introduites dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire doivent être pérennisées.

Dans ce mouvement d’ouverture vers la notion de santé globale, la loi doit veiller à préserver la répartition des responsabilités. Celles de l’employeur sont définies par la directive-cadre sur la santé et la sécurité au travail du 12 juin 1989 et limitées aux risques inhérents au travail. La loi doit continuer d’offrir une traduction en matière de capacité de décision sur les mesures à prendre après le temps du dialogue social. La prévention vise des résultats à long terme. Il faut arrêter des dispositions porteuses de progrès durables, qui devront nécessairement être adaptables en application dans le temps. Il sera essentiel de garantir la souplesse en matière de moyens de mobilisation. Compte tenu du fort consensus des partenaires sociaux sur l’ANI inédit, la position générale de notre groupe est favorable aux grandes lignes de la proposition de loi, qui en reprend largement le contenu. Nous demeurerons vigilants et contributifs pour amender le texte, dans la perspective de son application réaliste et utile au développement de la prévention en santé au travail.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi dont le titre est bien loin d’épuiser le sujet. S’il s’était simplement agi de renforcer la prévention en santé au travail, nous aurions eu matière à nous entretenir de longues heures autour de ses dispositions. La proposition de loi dépasse de beaucoup cette ambition. Née d’un travail constant de Charlotte Parmentier‑Lecocq depuis le début de la législature, elle est une synthèse assez aboutie, quoique toujours perfectible, des évolutions que nous souhaitons collectivement en la matière.

Elle s’attache notamment à transcrire fidèlement l’accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et de conditions de travail, signé le 10 décembre dernier. De surcroît, s’agissant d’une initiative parlementaire, la proposition de loi, tout en étant fidèle à l’ANI, ne s’interdit pas de faire des propositions nouvelles sur les axes qu’elle aborde, notamment le renforcement de la prévention en santé au sein des entreprises, le décloisonnement de la santé publique et de la santé au travail, la définition de la qualité des services fournis aux entreprises et aux salariés par les services de prévention et de santé au travail, l’accompagnement des publics vulnérables et la lutte contre la désinsertion professionnelle, et la réorganisation de la gouvernance de la prévention de la santé au travail. Des évolutions législatives antérieures ont permis de tirer les conséquences de la baisse des effectifs de la médecine du travail, en réorganisant leur travail au sein d’équipes pluridisciplinaires leur permettant d’assurer au mieux leur mission.

Si disparates que soient la qualité et le coût de leur offre de services, les services de santé au travail demeurent un acteur clé et bien identifié de la santé au travail, dans un écosystème complexe. L’ambition est donc de s’appuyer sur ces acteurs en renforçant les attentes à leur égard, afin de garantir à chaque travailleur et chaque entreprise, sur les trois volets que sont la prévention, le suivi médical et la lutte contre la désinsertion professionnelle, un socle de services satisfaisant. La proposition de loi entend non seulement leur donner toute leur place, mais également les certifier et les confirmer dans leur rôle central. Par ailleurs, les partenaires sociaux prendront directement part à l’élaboration des politiques publiques et de coordination des acteurs. Je salue le travail sérieux et sincère des rapporteures sur ce sujet passionnant. Je ne doute pas que nos débats seront très riches. Nous aurons l’occasion de présenter plusieurs amendements portant sur certains points qui nous semblent faire débat, parfois mentionnés par le Conseil d’État. Nous verrons de quelle façon Mmes les rapporteures proposent de faire évoluer la rédaction du texte. Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, cosignataire du texte et associé à sa construction, le soutiendra avec enthousiasme.

Mme Gisèle Biémouret. Mesdames les rapporteures, votre proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail vise à réformer l’offre de services et la gouvernance des services de santé, en reprenant en grande partie l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail signé le 10 décembre dernier. Elle vise aussi à améliorer le suivi médical des salariés et la prévention de la désinsertion professionnelle.

En lieu et place des propositions audacieuses que nous attendions, vous vous contentez d’une réforme très mesurée de la gouvernance, dont nous ne percevons pas vraiment l’apport, d’une obligation de formation un peu renforcée, et de quelques dispositions annexes, sans jamais aborder la question des moyens. Dans un monde du travail confronté à un enjeu sanitaire qui le percute et met en lumière les difficultés du système de santé au travail, nous ne pouvons que déplorer le manque d’ambition et d’avancées notables sur certains points essentiels.

En matière de prévention primaire des risques socioprofessionnels, le texte n’apporte aucune solution au problème du suivi des travailleurs exposés à des risques chimiques, ne renforce pas la lutte contre la crise des vocations en médecine du travail et ne prévoit aucun plan d’action dans les secteurs où le nombre d’accidents du travail est important. Or les enjeux y sont massifs et les ordres de grandeur édifiants : 500 à 600 morts sur le lieu de travail, 30 000 incapacités permanentes et 600 000 arrêts de travail par an.

L’article 3 portant création du « passeport prévention » représente un motif d’inquiétude, y compris pour les syndicats signataires de l’accord, qui y voient davantage un sauf-conduit permettant aux employeurs de se dégager de leur responsabilité en matière de sécurité, au motif que le travailleur a été préalablement formé. De même, le texte ne propose rien pour faciliter le parcours en reconnaissance des maladies professionnelles, rien sur l’accompagnement des salariés reconnus inaptes au travail que leur entreprise ne peut reclasser, rien pour l’accompagnement des travailleurs les plus précaires qui sont en inter‑contrat, en recherche d’emploi, porteurs de handicap ou malades, rien sur les risques psychosociaux, rien sur les moyens de l’inspection du travail !

La question que nous devons nous poser est de savoir si ce texte sera réellement en mesure de développer la culture de la prévention et de réduire en permanence les risques qui pèsent sur la santé des salariés en raison de leur travail. Pour l’heure, nous n’en sommes pas convaincus. Nous serons attentifs au déroulement des débats et à l’évolution du texte pour déterminer notre position.

M. Paul Christophe. Le groupe Agir ensemble se réjouit d’examiner ce texte qui reprend les dispositions d’un accord ambitieux et novateur en matière de santé au travail, négocié par les partenaires sociaux en décembre dernier.

Je tiens à saluer le travail et l’investissement de Charlotte Parmentier-Lecocq et de Carole Grandjean. Le Conseil d’État lui-même a vu dans ce texte « un processus inédit » de coconstruction associant parlementaires, partenaires sociaux et Gouvernement. Cela démontre, si besoin était, l’importance d’un dialogue social riche pour la santé et le bien-être au travail.

Cet accord était d’autant plus nécessaire que la pandémie a montré les failles de notre système. Nous pensions notamment que la généralisation du télétravail permettrait de mieux concilier activité professionnelle et vie privée. Or nous voyons que le télétravail n’est pas la panacée, malgré la souplesse qu’il apporte : le lien avec les collègues de bureau et la sociabilité qu’apporte le travail collectif sont des cadres qui doivent être conservés pour lutter contre le sentiment d’isolement et les risques de désinvestissement.

La pandémie a donc renforcé le besoin d’une mise à jour du cadre applicable en matière de santé au travail pour mieux protéger les travailleurs. La proposition de loi contient des mesures ambitieuses permettant des avancées. Je pense en particulier à la création du risque de désinsertion professionnelle, assortie d’actions de prévention et d’un accompagnement. La traçabilité des risques professionnels est également renforcée, et il est prévu d’accompagner les services de santé au travail et les branches. La formation des élus syndicaux et de l’ensemble des travailleurs à la prévention est améliorée, avec la création du passeport prévention. Les services de santé au travail sont dotés d’outils nouveaux en lien avec le contexte sanitaire ; ils auront un rôle à jouer dans les campagnes de vaccination et de dépistage.

Il est crucial d’améliorer la complémentarité entre la médecine de ville et les services de santé au travail. À ce titre, l’intégration de la médecine du travail dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) est une réelle avancée. L’accès au DMP pour le médecin du travail est également un progrès qu’il convient de saluer, même s’il faut certainement sécuriser le dispositif dans le sens d’une meilleure protection du consentement des salariés.

La création de visites médicales de reprise et d’une visite médicale de mi‑carrière mérite également d’être saluée. Nous proposons, de la même manière, et dans la continuité des travaux menés par les commissaires de notre groupe depuis le début de la législature, la mise en place d’une visite obligatoire en fin de carrière pour certains métiers particulièrement exposés : cela permettrait d’assurer un meilleur suivi, donc une prise en charge plus rapide de certaines maladies.

La question du sport-santé en entreprise mérite également un débat dans notre commission, tant sont connus les bienfaits de l’exercice physique pour la santé, en particulier psychique.

Nous défendrons des mesures visant à harmoniser les tâches, en particulier en ce qui concerne les infirmiers en pratique avancée, et le statut des infirmiers de santé.

Reste la question des effectifs : il faudrait 200 médecins supplémentaires dans ce secteur.

Notre groupe salue les avancées proposées par le texte et sera force de propositions en vue de l’enrichir, sans dénaturer l’équilibre issu de l’ANI.

Mme Valérie Six. Je remercie Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean pour la qualité des auditions et de leur travail. De nombreux rapports ont été remis sur le thème de la santé au travail. Cette réforme était donc très attendue, et je suis ravi de prendre part aux débats.

La lutte contre la désinsertion professionnelle et pour la santé au travail sont des enjeux importants pour notre société. Cette dernière a trop longtemps été centrée sur la réparation, au détriment de la prévention. L’ANI de décembre dernier – que le groupe UDI et Indépendants salue – traduit la volonté des partenaires sociaux de promouvoir une nouvelle forme de protection de la santé, axée sur la prévention ; le texte que nous examinons reprend ses dispositions.

Le monde du travail subit de nombreuses mutations, et la diversité des formes d’emploi doit permettre à chacun de travailler dans de bonnes conditions. Il y va de l’intérêt de l’employeur. En effet, il s’agit de poser une équation entre les conditions de la performance et celles du bien-être dans l’entreprise. Autrement dit, l’enjeu est de valoriser le travail.

Je regrette que de nombreux amendements aient été jugés irrecevables alors qu’ils portaient sur des thèmes indissociables de l’amélioration de la prévention de la santé, notamment le télétravail – que la ministre du travail, Élisabeth Borne, a incité les entreprises qui le peuvent à mettre en place –, l’adaptation de poste, ou encore les risques psychologiques. Je déplore également l’absence de propositions visant à remédier au manque d’attractivité de la profession de médecin du travail : la mesure que je défendais, inspirée par le rapport des sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny, a été déclarée irrecevable car sans lien avec le texte.

Enfin, ce texte ajoute des dispositions au code du travail, alors qu’il aurait plutôt fallu des moyens humains supplémentaires.

Je salue l’esprit de la proposition de loi, mais présenterai des amendements sur des points qui me paraissent essentiels.

Mme Jeanine Dubié. Mesdames les rapporteures, je salue votre persévérance, car après avoir présenté une proposition de résolution sur le sujet en juin 2020, vous nous soumettez cette proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail.

L’originalité du texte réside dans le fait qu’il transpose dans la loi les conclusions d’un accord national interprofessionnel conclu le 10 décembre 2020. On ne peut que se satisfaire de la conclusion d’un tel accord, d’autant que les négociations ont été difficiles – elles avaient d’ailleurs échoué en juillet 2019. Nous veillerons à ce que la proposition de loi respecte les équilibres trouvés par les partenaires sociaux. Nous ferons aussi en sorte de placer le curseur au bon endroit s’agissant de la santé au travail. Celle-ci doit privilégier l’intérêt sanitaire individuel et collectif des salariés et garantir à tous les travailleurs un accès rapide et de qualité aux services de santé au travail.

L’accord est d’autant plus important que le domaine de la santé au travail est en souffrance depuis de longues années. Les rapports sur la question ne manquent pas – ne serait-ce que depuis le début de l’année, on ne les compte plus. Comme dans un grand nombre d’autres domaines, la crise sanitaire a mis en lumière d’importants dysfonctionnements. Malgré l’épidémie de covid-19 et les incitations à pratiquer le télétravail, nombreux ont été les Français contraints de se rendre sur leur lieu de travail. Or la médecine du travail n’a pas été suffisamment impliquée, ce qui a confirmé les lacunes identifiées depuis de nombreuses années : pénurie de médecins du travail, système illisible et difficile d’accès, existence d’inégalités territoriales et manque de coordination avec la médecine de ville.

Nous partageons donc les grandes orientations qui sont au cœur du texte et de l’ANI, à savoir décloisonner la santé publique et la santé au travail, mettre l’accent sur la prévention, améliorer la qualité du service rendu et la gouvernance, renforcer l’accompagnement de certains publics vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle. Il faudra néanmoins préciser ces orientations pour qu’elles respectent avant toute autre chose le bien‑être du travailleur.

Nous formulerons un certain nombre de propositions visant à s’assurer du consentement du salarié dans toutes les étapes de son parcours et à mieux expliciter les risques professionnels.

Il faut également prendre garde à ne pas oublier les acteurs qui œuvrent dans le domaine de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, le texte n’aborde qu’insuffisamment un certain nombre de points, notamment la pénurie de médecins du travail – nous avons de sérieux doutes à propos de l’article 21 – et la coordination entre la médecine de ville et la médecine du travail, que l’accès au DMP ne suffira pas à lui seul à améliorer. Il faudra aussi aller plus loin s’agissant du statut des infirmiers de santé au travail, en particulier en ce qui concerne l’harmonisation de leur formation et de leurs missions. Au travers de nos amendements, nous vous proposerons donc d’enrichir le texte pour que, à l’issue de nos débats, il soit à la hauteur de ses ambitions.

Mme Caroline Fiat. Si je salue moi aussi le travail de Charlotte Parmentier-Lecocq et de Carole Grandjean, je souhaite leur faire part de mon amertume. En effet, cette proposition de loi ne fait que corriger les conséquences du premier texte du quinquennat d’Emmanuel Macron, c’est-à-dire la « loi travail », qui a supprimé les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et est revenue sur un certain nombre d’acquis sociaux des salariés en matière de conditions de travail. Nous vous avions pourtant dit, à l’époque, que vous mettiez en danger la santé des salariés.

Votre copie est correcte, mesdames les rapporteures. Ce que vous proposez est-il suffisant ? Non, car au lieu de vous contenter de corriger les conséquences, il faudrait vous attaquer aux causes.

Les soignants des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sont les travailleurs confrontés au plus grand nombre d’accidents du travail – plus encore que ceux du secteur du bâtiment et des travaux publics. Or le projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie a été de nouveau repoussé. Mais, grâce à la proposition de loi, on pourra dire à ces soignants, une fois qu’ils auront 45 ans, qu’ils sont trop abîmés et ne peuvent plus exercer – alors même qu’ils ne sont pas assez nombreux... Là encore, on traite une conséquence sans chercher à s’attaquer à la cause. Vivement que quelqu’un s’en prenne aux causes pour que l’on avance !

M. Pierre Dharréville. Aujourd’hui encore, on meurt de travailler, on abîme sa vie au travail. Les corps et les esprits sont mobilisés, instrumentalisés, mis en tension au cœur d’une grande contradiction du monde où se nouent de façon structurante des rapports sociaux. Aborder la question de la santé au travail devrait être l’occasion de parler du travail en général, des relations de travail, de la manière dont on s’émancipe. L’enjeu devrait être également d’étudier comment on s’abîme en travaillant, c’est-à-dire de se pencher sur les maladies professionnelles, les accidents du travail, le « mal-travail ». Il faudrait se donner davantage les moyens de connaître et reconnaître les accidents et maladies professionnelles et de prévenir leur survenue, d’œuvrer en faveur de la santé – au sens où l’entend l’Organisation mondiale de la santé, à savoir un état de « complet bien-être physique, mental et social » – dans l’environnement de travail et de faire en sorte que le geste créateur qu’est le travail soit un moment d’émancipation pour chacune et chacun.

Certes, le texte a suivi un parcours original et inédit, mais cela suffit-il à garantir sa qualité ? Ce n’est pas sûr. Le quinquennat a démarré par une attaque frontale contre la santé au travail avec la suppression des CHSCT et des critères de pénibilité. Vous aviez donc besoin d’une séance de rattrapage, mais ce texte n’est pas suffisant. C’est même une occasion manquée. Il aurait fallu que les aspects que j’ai évoqués soient inclus dans le débat.

Comme il s’agit d’une proposition de loi, nous n’avons pas eu d’étude d’impact. Quant à la co-construction dont il a été question, elle a surtout concerné les parlementaires de la majorité. Je regrette également que nous ne puissions pas aborder d’autres questions : la manière dont le texte a été conçu nous en empêche. Je déplore aussi qu’un certain nombre de mes amendements aient été sortis du débat.

Le périmètre du texte est donc très restreint. Cela ne veut pas dire que nous nous interdisons de le discuter – d’autant que l’ANI n’a pas été unanime. Par ailleurs, la puissance publique doit pouvoir faire pencher la balance.

Force est de constater que, pour un certain nombre de sujets – les tableaux de reconnaissance, la publicité des données, la nécessité de prendre les questions au bon niveau dans l’entreprise, la démocratie autour de la santé au travail –, les choses sont à l’arrêt. Il faudrait aussi établir un lien entre la réparation – qu’il convient d’ailleurs d’améliorer – et la prévention. J’avais moi-même proposé la mise en place d’un cadastre.

Toutes les leçons de la crise n’ont pas été tirées ; certains des débats qui ont émergé à cette occasion devraient être approfondis. Nous essaierons de formuler des propositions, même si le texte est centré sur la médecine du travail. À cet égard, la question du statut des services de santé au travail n’est pas réglée non plus.

Nous serons donc attentifs aux dispositions qui seront adoptées, d’autant qu’un certain nombre d’entre elles nous semblent problématiques – notamment l’article 8, qui marque une évolution potentiellement néfaste de la philosophie de l’intervention des services de santé, ou encore la visite de mi-carrière et les transferts de dossiers. Nous mènerons ce débat avec rigueur.

M. Bernard Perrut. Je salue ce texte co-construit par les partenaires sociaux, le Gouvernement et les parlementaires – à commencer bien sûr par vous, mesdames les rapporteures, qui avez accompli un travail considérable. Il s’agit de renforcer la prévention en santé au travail. Le texte est largement positif, mais on peut s’interroger sur plusieurs mesures.

Vous proposez une collaboration nouvelle entre médecine du travail et médecine de ville. Seuls 5 000 professionnels sont en charge de la santé de 18 millions de salariés. Comment s’assurer que des médecins généralistes, même après avoir suivi la formation prévue, seront en mesure d’exercer les mêmes missions qu’un professionnel de la santé au travail, qui connaît bien la vie interne de l’entreprise ? Des médecins généralistes n’auront pas forcément le poids nécessaire pour peser sur les conditions de travail. Par ailleurs, quelle incidence cette disposition aura-t-elle sur l’assurance responsabilité civile professionnelle de ces généralistes ? Quelles seront les conséquences en cas d’erreur quant à l’aptitude d’un salarié ?

J’aimerais vous entendre aussi, car ces questions ne sont pas évoquées dans le texte, à propos des conditions de travail et de la pénibilité, du suivi des travailleurs précaires, du phénomène de sous-déclaration des maladies professionnelles, ou encore des inégalités en matière de santé créées par les conditions de travail ? Ce sont pourtant des enjeux importants.

Quelle sera la composition de la cellule spécifique ayant pour objet de lutter contre la désinsertion professionnelle ? De quels moyens disposera-t-elle ? Comment sera-t-elle financée, sinon par les cotisations – ce qui veut dire que celles-ci augmenteront ?

Vous proposez la création d’une visite de mi-carrière professionnelle, suivie de recommandations pour adapter le poste de travail en fonction des possibilités physiques du salarié. Envisagez-vous le même mécanisme en fin de carrière, dans un objectif de prévention systématique du vieillissement et de la dépendance ? Cela rejoindrait une autre de nos préoccupations, à savoir le vieillissement, le grand âge et l’autonomie.

Enfin, il convient de dynamiser la prévention. Êtes-vous favorables à l’organisation des services de santé au travail autour de deux pôles, l’un strictement médical et l’autre consacré plus spécifiquement à la prévention ? Cela aiderait les entreprises à rédiger le DUERP, qui ne relève pas d’un acte médical mais requiert des compétences particulières.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Merci, chers collègues, pour vos remarques à propos de notre travail. Nous nous présentons devant vous en ayant pleinement conscience du travail déjà effectué par les partenaires sociaux, qui a débouché sur l’ANI. Nous avons également construit ce texte avec vous, car vous avez été nombreux à assister aux auditions. Nous avons également mené un certain nombre de concertations territoriales. Des améliorations devront bien sûr être apportées dans le cadre du débat. De nombreux amendements – des amendements de qualité – ont été déposés : nous avons compris que vous souhaitiez modifier le texte et serons extrêmement attentives à vos propositions.

Il est important que l’équilibre trouvé au sein de l’ANI soit préservé. Certes, la démocratie représentative doit faire son œuvre, mais dans le respect du dialogue social.

Vous avez rappelé la nécessité de passer d’une culture de la réparation à une culture de la prévention. L’une ne remplace pas l’autre : nous devons continuer à œuvrer en faveur de la réparation tout en renforçant la prévention. C’est d’ailleurs l’un des axes forts de l’ANI.

Certains d’entre vous ont souligné les inégalités territoriales. Nous y sommes évidemment sensibles. L’offre socle favorisera l’harmonisation des pratiques, ce qui nous semble de nature à garantir à l’ensemble des entreprises et des travailleurs, dans l’ensemble des territoires, une même qualité de service.

Il nous paraît très important de décloisonner la santé publique et la santé au travail si nous voulons progresser réellement dans le domaine de la prévention. Il faut accompagner cette évolution en créant un certain nombre d’outils et en changeant les pratiques.

Vous avez rappelé l’organisation du dialogue social au sein de l’entreprise et son élargissement au niveau de l’interprofession et des branches. Nous aurons l’occasion d’y revenir et d’aborder la question de sa portée dans différentes instances.

Monsieur Perrut, le décloisonnement entre la médecine du travail et la médecine de ville a été abordé dans l’ANI : les partenaires sociaux se sont entendus sur ce point. Force est de constater la pénurie de médecins du travail. Cette spécialisation est longue et difficile : une fois diplômé, un généraliste doit poursuivre son parcours pour devenir médecin du travail – je salue d’ailleurs les professionnels qui font ce choix. Décloisonner la médecine de ville et la médecine du travail est une manière de faire face à la pénurie. Les médecins correspondants auront-ils les mêmes missions que les médecins du travail ? Ce n’est pas ce que nous proposons : ils n’effectueront pas certaines visites dites renforcées – par exemple quand il s’agit d’établir l’inaptitude d’un salarié. Un certain nombre de compétences spécifiques resteront donc réservées aux médecins du travail. Il était essentiel pour nous de réaffirmer ce principe.

D’autres problèmes ont été évoqués, notamment le nombre d’arrêts de travail et d’accidents du travail. Je le disais : l’un des enjeux forts de la réforme est justement de renforcer la prévention, notamment au travers du document unique, qui référence l’ensemble des risques dans les entreprises et doit permettre de les prévenir.

L’entretien de mi-carrière et les cellules de lutte contre la désinsertion professionnelle seront financés notamment par les cotisations AT-MP. Celles-ci n’abondent pas suffisamment les dispositifs de prévention : 3 % y sont consacrés, contre 10 % en Allemagne. Cette proportion doit augmenter

La commission aborde l’examen des articles de la proposition de loi.


Titre Ier
Renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail

Article 1er : Renommer les services de santé au travail en services de prévention et de santé au travail

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS 369 des rapporteures.

Elle en arrive à l’amendement AS370 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Initialement, nous avions prévu que certaines dispositions s’appliqueraient au secteur agricole. Après étude, nous avons décidé d’exclure complètement ce secteur du champ de la proposition de loi, car il obéit à des règles spécifiques. Étendre le texte au secteur agricole nécessiterait plus de concertation et des mesures d’adaptation que nous n’avons pas prévues à ce stade.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er, modifié.

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement AS116 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. L’article 1er procède à une harmonisation entre le code du travail et le code pénal s’agissant de la définition du harcèlement sexuel et sexiste. Par cohérence, il convient de préciser que, parmi les missions des services de prévention et de santé au travail, figure la lutte contre le harcèlement sexuel « et sexiste ».

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. La proposition de loi précise que le harcèlement sexuel inclut les comportements sexistes, mais ces derniers ne sont pas définis en tant que tels. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS297 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Les services de santé au travail sont au quotidien les opérateurs de la santé au travail auprès des entreprises et de leurs salariés. Si leur nombre a été réduit de moitié en vingt ans, la poursuite de leur regroupement apparaît souhaitable. En effet, ces services sont très disparates, qu’il s’agisse de leur taille ou de leur périmètre d’intervention. Tous n’ont pas la même capacité à accomplir correctement leurs missions : il est difficile pour ceux qui ne disposent que d’équipes réduites d’organiser des actions d’envergure à l’échelle départementale ou au niveau des branches, en phase avec les périmètres géographiques définis par la CARSAT et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

De même, dans de telles situations, la question de la capacité de ces services à organiser une véritable cellule de prévention de la désinsertion professionnelle se pose.

Le caractère pleinement pluridisciplinaire des équipes – avec un ergonome, un chimiste ou encore un psychologue – nécessite que les services de prévention en santé au travail aient une taille critique.

La place occupée en leur sein par les médecins du travail et l’évolution de la démographie de ces professionnels de santé plaident également en faveur d’un regroupement rapide. Nous demandons donc la remise d’un rapport sur cette question dans un délai d’un an.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Les services de santé au travail sont déjà engagés dans une démarche de fusion, pour les raisons que vous avez rappelées. Par ailleurs, il faut leur laisser le temps de s’approprier la réforme. Du reste, la création de l’offre socle les incitera à poursuivre cette dynamique. Il ne nous semble donc pas opportun de demander au Gouvernement de rédiger un rapport traitant de la question de la taille de ces structures, et nous vous demandons de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille. C’est précisément parce que nous demandons à ces services de faire plus que le mouvement de regroupement doit se poursuivre : c’est indispensable si l’on veut qu’ils soient en mesure d’accomplir leurs missions. Il serait intéressant de voir, dans un an, si le regroupement s’est poursuivi, car si ce n’est pas le cas, la réforme n’aurait pas l’ampleur que vous souhaitez lui donner. Je retire mon amendement, mais le retravaillerai en vue de la séance, car la question me paraît importante.

L’amendement est retiré.

Article 2 : Amélioration des conditions d’élaboration, d’accessibilité et de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels

La commission adopte l’amendement de cohérence AS371 des rapporteures.

Puis elle examine les amendements identiques AS372 des rapporteures et AS71 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il s’agit de corriger une erreur de référence que Mme Dubié a elle aussi repérée.

La commission adopte les amendements.

Elle en arrive aux amendements identiques AS24 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS57 de M. Stéphane Viry, AS196 de Mme Caroline Fiat et AS233 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Paul Christophe. L’organisation du travail est un facteur essentiel de prévention des risques psychosociaux observés chez les salariés. Il convient donc de l’inscrire parmi les éléments faisant l’objet d’une évaluation.

M. Stéphane Viry. Nous ne faisons que reprendre le souhait des partenaires sociaux : dans l’ANI, il est indiqué que l’organisation du travail est un facteur de risque professionnel. À ce titre, elle doit faire l’objet d’actions de prévention et d’évaluations préalables.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Carole Grandjean et moi-même vous remercions d’apporter cette précision : cette dimension est effectivement très présente dans l’ANI. L’organisation du travail reflète la réalité des conditions de travail ; la prendre en compte participe donc à la prévention des risques psychosociaux. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS197 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Il vise à prendre en compte la souffrance au travail.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous considérons qu’il est satisfait : la notion de pénibilité est prise en compte à travers les actions de prévention que les employeurs doivent mener. Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. Je sais bien que le président Macron ne veut pas que l’on associe le travail à la notion de pénibilité. Force est pourtant de constater que certains salariés, quand ils rentrent le soir chez eux, considèrent que leur journée a été plus que pénible... Qui oserait affirmer que les professions pénibles, cela n’existe pas ? Personne. Pourquoi donc cet amendement ne pourrait-il pas être adopté ? Nous sommes ici pour trouver des solutions aux problèmes créés par la loi « travail ». La pénibilité existe bel et bien : nous devons trouver des solutions pour les salariés qui la subissent.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS373 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision : le dialogue social auquel il est fait référence désigne celui qui est organisé au sein de l’entreprise.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure, la commission rejette ensuite l’amendement AS360 de M. JeanHugues Ratenon.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS374 et AS375 des rapporteures.

La commission examine ensuite l’amendement AS280 de M. Bruno Duvergé.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous proposons d’octroyer des compétences et des moyens supplémentaires aux équipes pluridisciplinaires, afin de mieux accompagner les entreprises dans la prévention des risques professionnels et la santé au travail.

Des chartes de partenariat et de coopération pourraient être signées entre les services de prévention et de santé au travail autonomes et interentreprises et les CARSAT mentionnées à l’article L. 215‑1 du code de la sécurité sociale, pour faciliter la prévention au bénéfice des salariés suivis et des entreprises.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur la nécessité de coordonner davantage les acteurs de la prévention, mais cet amendement est satisfait. Les services de santé au travail ont déjà la possibilité de collaborer avec les CARSAT.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AS26 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS137 de M. Pierre Dharréville et AS235 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Paul Christophe. Il est proposé d’approfondir le rôle du CSE dans l’analyse des risques professionnels, afin que le DUERP contribue réellement au dialogue social sur cette analyse. L’amendement AS26 prévoit que le CSE soit consulté sur le document unique et sa mise à jour.

M. Pierre Dharréville. Cette proposition faisait partie des préconisations de la commission d’enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie dont j’étais le rapporteur. Il ne s’agit pas de dégager l’employeur de sa responsabilité. Il est responsable du contenu du document unique : il le dépose, il le signe et il doit l’assumer. Cet amendement permet aux instances représentatives du personnel d’y porter un regard.

Comme les syndicats en attestent, les enjeux de santé dans l’entreprise ne sont pas toujours pris en considération au bon niveau dans les structures actuelles.

J’ai déposé un second amendement sur cet article, qui n’a pas été retenu. Il portait sur le lieu d’archivage des documents uniques. C’est un autre enjeu soulevé dans le rapport de la commission d’enquête : il est essentiel que les documents uniques ne soient pas archivés par l’employeur. Le texte devrait apporter une précision supplémentaire pour que ces documents soient archivés par la puissance publique ou la puissance sociale.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Le second amendement que vous mentionnez n’a pas été jugé recevable en application de l’article 40 de la Constitution.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous sommes favorables à ces amendements. Ils s’inscrivent dans l’esprit de notre proposition de loi, tendant à impliquer le CSE dans la construction du document unique et sa mise à jour.

M. Pierre Dharréville. La rapporteure pourrait-elle préciser son avis sur le second amendement que j’avais déposé ? Faute de précision, il revient à l’employeur d’archiver le document unique, ce qui ne garantit pas sa disponibilité dans la durée pour les salariés. Il est important de renforcer l’importance donnée à ces documents uniques, qui ne sont d’ailleurs pas toujours rédigés dans les entreprises.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Vous avez raison, monsieur Dharréville, c’est un point particulièrement important sur lequel nous avons réfléchi. Nous vous proposerons un amendement pour apporter des précisions sur ces points, la difficulté consistant à assurer la bonne durée de conservation.

La commission adopte les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS105 de M. Vincent Thiébaut.

M. Thierry Michels. Il s’agit de préciser les étapes méthodologiques d’élaboration du document unique, car cette analyse de risques conduit à l’identification des actions de prévention nécessaires.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Cet amendement est satisfait car les principes de prévention prévoient la démarche et la méthode d’élaboration du document. Les textes nous semblent suffisamment précis aujourd’hui.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS236 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. L’amendement est défendu.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous sommes défavorables à cet amendement, car il est important que les 80 % des salariés qui travaillent dans des petites et moyennes entreprises (PME) de moins de cinquante salariés bénéficient du programme de prévention de l’entreprise. Nous avons bien conscience des difficultés que cela peut entraîner pour les plus petites entreprises, mais c’est tout le sens de ce texte. L’offre socle doit précisément s’orienter principalement vers ces plus petites entreprises. Nous souhaitons également inciter les branches à se mobiliser pleinement pour accompagner les entreprises dans la définition des programmes d’actions de prévention. J’ai rappelé qu’un grand nombre d’acteurs peuvent effectuer cet accompagnement. Nous préférons donc que les entreprises soient accompagnées plutôt que réduire les actions de prévention pour les salariés concernés.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS376 des rapporteures.

Puis elle est saisie de l’amendement AS195 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Alors que la disparition des CHSCT voulue par La République en Marche a porté un coup majeur à la sécurité et à la santé des salariés au travail, cette proposition de loi est largement insuffisante pour réparer ce qui a été détruit.

Le document unique pour recenser les risques professionnels dans l’entreprise n’aura un effet important qu’à condition que le CSE contribue systématiquement et préalablement à son élaboration. Aussi, l’application du programme qui en découle doit se faire selon un calendrier strict et précis et faire l’objet d’un suivi, sous peine de ne formuler que de bonnes intentions qui ne verront jamais le jour. C’est l’objet de cet amendement, qui nous a été soumis par la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Demande de retrait, à défaut avis défavorable. La proposition de loi est suffisamment précise sur ces différents aspects.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS367 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Cet amendement nous semble également satisfait par la proposition de loi.

M. Pierre Dharréville. En quoi est-il satisfait ? Le suivi de la mise à jour est organisé par l’employeur lui-même, qui dépose le document. L’intervention d’un tiers est nécessaire, la proposition de loi ne la prévoit pas.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. La mise à jour annuelle permettra de suivre les progrès de l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise. Cet article ajoute une obligation de conservation du document unique à la charge de l’employeur, pour permettre aux anciens travailleurs d’accéder à l’ensemble des documents qui auront été publiés par l’entreprise. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS46 de M. Stéphane Viry et AS72 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Nous proposons de préciser, par voie réglementaire, le contenu et les modalités de mise à jour du DUERP, afin d’assurer une procédure harmonisée pour tous les employeurs.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. La précision que vous proposez n’est pas utile.

Le contenu du document unique est prévu par le futur article L. 4121-3-1 du code du travail : « I  Le document unique d’évaluation des risques professionnels répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs, organise la traçabilité collective de ces expositions et comprend les actions de prévention et de protection qui en découlent, regroupées dans un programme annuel de prévention. »

Je ne vois pas ce qu’un décret pourrait utilement apporter à cet égard. Les modalités de mise à jour nous semblent également suffisamment précisées par la proposition de loi.

La commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS73 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Nous proposons de prendre en compte l’avis des représentants du personnel de l’entreprise lors de la mise à jour du DUERP par l’employeur, afin que le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail soit bien adapté aux besoins des salariés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Demande de retrait : un amendement renverra ces précisions à un décret.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS336 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous proposons de ne pas rendre obligatoire la déclinaison du document unique en programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail dans les très petites entreprises (TPE).

Cette déclinaison est souhaitée, mais l’ANI affirme la nécessité d’accompagner ces petites structures. Selon l’avis du Conseil d’État, le calendrier de mise en œuvre de cette proposition de loi pourrait être différent en ce qui les concerne. Si cette possibilité était retenue, je suis disposée à retirer cet amendement.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous en revenons à la nécessité de doter ces entreprises d’un programme annuel de prévention : ma position est inchangée à ce sujet.

Par ailleurs, il est déjà possible de prévoir des délais spécifiques pour les plus petites entreprises.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS241 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. L’amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS114 de M. Vincent Thiébaut.

M. Thierry Michels. Il s’agit de renforcer la prise en compte de la suppression des causes de risques, plutôt que de traiter leurs effets.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS106 de M. Vincent Thiébaut.

M. Thierry Michels. Cet amendement précise les objectifs du plan d’action qui découle de l’évaluation des risques. Il devra notamment évaluer l’efficacité des mesures appliquées.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Une mise à jour du programme de prévention est prévue chaque année. L’amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS279 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il faut associer pleinement les branches professionnelles à l’élaboration du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés propose que le programme annuel de prévention soit décliné par chaque branche professionnelle selon les spécificités de son secteur. La branche professionnelle constitue un levier d’action puissant pour mettre en œuvre des actions de prévention ciblées, adaptées aux spécificités des métiers.

Cette proposition pourrait être mise en œuvre par paliers, en commençant par les branches sectorielles considérées comme prioritaires, selon des modalités précisées par décret.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous partageons l’objectif de faire s’investir les branches professionnelles pour aider à bâtir des programmes de prévention. Mais prévoir que les branches bâtissent, ou mettent à jour, elles-mêmes des programmes destinés à s’appliquer directement dans les entreprises pose le problème de leur adaptation dans chaque entreprise.

Par ailleurs, cette proposition ajoute des dispositions qui ne sont pas prévues par l’ANI, ce que nous ne souhaitons pas. Nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS377 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Cet amendement répond aux questions soulevées par M. Dharréville et Mme Dubié sur la procédure de conservation et de mise à disposition du document unique.

Nous prévoyons que la durée de sa conservation soit renvoyée à un décret, pour permettre la plus longue conservation possible des données, le DUERP ayant aussi une fonction de traçabilité collective.

Il est également proposé d’autoriser la consultation du DUERP par les personnes et instances qui peuvent se prévaloir d’un intérêt particulier, à l’instar du médecin du travail, des agents de l’inspection du travail ou encore des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale. Cette liste sera définie par décret.

L’adoption de cet amendement ferait tomber l’amendement AS294 de Mme Michèle de Vaucouleurs, qui porte sur la transmission du document unique d’un service de santé au travail à un autre. Dans cette hypothèse, il serait intéressant de le présenter en séance publique.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Les dispositions que vous proposez sont intéressantes, mais pour garantir aux salariés l’accès permanent à ces documents, il faut prévoir leur transmission aux services de santé au travail. Je retiens votre invitation à retravailler à cette disposition en vue de la séance.

M. Pierre Dharréville. Cette proposition améliore le texte, mais elle ne règle pas tout le problème. Le document unique doit être conservé dans l’entreprise, puisqu’elle doit l’appliquer et le mettre à jour régulièrement, mais il serait utile de prévoir aussi sa conservation au sein des DIRECCTE ou de la CARSAT. Des services spécifiques doivent archiver ces documents de manière officielle, pour que les salariés puissent les retrouver si besoin. Ces services pourraient même en faire un autre usage au service de la santé au travail. La question posée est plus large.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS242 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS294 de Mme Michèle de Vaucouleurs ainsi qu’AS108 et AS109 de M. Vincent Thiébaut tombent.

La commission examine l’amendement AS253 de M. Bernard Bouley.

M. Bernard Bouley. L’employeur ne doit pas se faire reprocher de ne pas avoir conservé l’ensemble des anciennes versions du DUERP, puisque les règles actuelles ne prévoient pas cette obligation. L’archivage du document unique doit donc commencer à l’entrée en vigueur de cette proposition de loi.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. La loi n’est pas rétroactive : cette disposition s’appliquera donc à compter de son entrée en vigueur. L’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2, modifié.

Après l’article 2

La commission examine l’amendement AS292 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Nous nous félicitons que cette proposition de loi insiste sur la prévention. Celle-ci peut être de deux natures : individuelle ou collective. Nous souhaitons qu’un entretien collectif soit proposé aux salariés en fonction du type d’expositions auxquelles ils sont soumis. La médecine du travail pourrait jouer un rôle important de prévention collective et populationnelle.

Dans l’année qui suit l’embauche d’une personne exposée au bruit, le médecin du travail ou le service de santé lui détaillera les dangers encourus, mais cet entretien ne dure que quelques minutes. Si nous voulons vraiment éduquer à la santé, il faut prévoir des séances collectives durant lesquelles les répercussions d’une exposition soutenue seraient expliquées. Elles permettraient le développement d’une approche de santé publique populationnelle et collective, et pas seulement individuelle.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je comprends l’utilité d’une démarche collective. De telles actions de sensibilisation collectives sont déjà menées sur le terrain par de nombreux services de prévention. Elles permettent de sensibiliser aux mêmes risques plusieurs salariés en même temps, et de créer une culture de prévention.

Votre amendement impose cependant une visite supplémentaire un an après l’embauche, qui vient s’ajouter à la liste des actions que doivent obligatoirement mener les services de santé au travail, c’est pourquoi nous y sommes défavorables.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Au lieu de prévoir que le médecin du travail consacre à chacun deux ou trois minutes qui ne sont pas toujours utiles, car le travailleur ne comprend pas forcément l’exposition à laquelle il est soumis, nous suggérons de rassembler l’ensemble des personnes concernées dans l’année qui suit leur embauche. Cela n’induit pas nécessairement un coût supplémentaire, c’est une approche différente.

Il est essentiel d’adopter une approche populationnelle pour les personnes soumises à un même risque, afin de créer une démarche de santé publique et de prévention.

Prenons l’exemple des personnes soumises au bruit : ce n’est pas parce qu’on leur a dit qu’il fallait porter un casque de protection qu’elles le feront. Si on leur explique les éléments de manière détaillée, dans un cadre collectif, elles comprendront mieux l’intérêt de la mesure. Une simple phrase prononcée lors d’une consultation individuelle n’apporte pas grand-chose.

M. Pierre Dharréville. La santé au travail se joue sur le poste de travail, et son intégration à l’organisation du travail. Elle ne tient pas au bon comportement d’un individu. De ce point de vue, cette proposition ne me semble pas satisfaisante. Une approche individualisée est nécessaire.

M. Nicolas Turquois. Monsieur Dharréville, le poste de travail est effectivement un élément important, mais je souhaite témoigner de ce qui se passe dans les TPE. Je regrette d’ailleurs que les travailleurs agricoles aient été écartés de cette proposition de loi.

Pour le chef d’exploitation d’une petite entreprise, il est parfois compliqué de faire passer un message à un salarié, qui a parfois besoin de temps pour l’intégrer. Les postures sont importantes dans l’agriculture, et ne sont pas toujours liées au poste de travail. Une démarche collective à ce sujet, ou à propos du port des équipements de protection, pourrait avoir un impact différent.

Une démarche de groupe peut être organisée dans les grandes entreprises, mais dans les TPE, le dialogue parfois paternaliste ne facilite pas toujours la pleine prise de conscience des éléments de risque. Le poste de travail joue un rôle, mais il faut aussi amener le salarié à prendre pleinement conscience des gestes qu’il peut faire pour limiter les risques auxquels il est confronté.

M. Pierre Dharréville. Vous donnez le sentiment que le salarié est responsable de l’environnement de travail. Ce n’est pas le cas, c’est la responsabilité de l’employeur.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je parle d’éducation à la santé.

Je vais vous donner un autre exemple : pour les personnes amenées à porter des charges lourdes, l’entretien du médecin du travail va durer quelques minutes. Or certaines attitudes et positions qui doivent être adoptées ne peuvent pas être expliquées en quelques minutes.

M. Pierre Dharréville. Cela suppose un aménagement du poste de travail !

M. Cyrille Isaac-Sibille. Certes, mais pas toujours. Pour les déménageurs, des explications dans le cadre d’un entretien collectif leur permettraient de mieux comprendre les bons gestes. La notion de santé publique et de prévention doit être considérée sous un angle populationnel. La prévention individuelle est importante, mais un message populationnel permet une éducation aux bons comportements et aux bons gestes.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je comprends l’intérêt d’une sensibilisation à certains risques et de la construction d’une culture commune dans l’entreprise, mais je réitère mon avis défavorable à cet amendement, car il impose un entretien dans l’année qui suit l’embauche. Il est plus cohérent d’organiser une action collective autour d’un groupe d’individus d’un même service, ce qui est déjà possible. Les services de prévention ont les compétences pour construire eux-mêmes leur démarche pédagogique.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il serait bon d’inscrire cette approche populationnelle dans la loi. Mon amendement prévoit qu’une séance d’information est organisée dans l’année, mais elle pourra tout aussi bien l’être dans la semaine suivant l’embauche des travailleurs.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS63 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Dans une démarche de prévention, il est nécessaire que les salariés soient informés et sensibilisés aux problématiques de santé et de sécurité au travail, par le biais d’outils dont la mise en place incombe à l’employeur. Je propose que soit créée, au sein de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation, une sous‑commission qui aurait cet objet. Concrètement, nous demanderons aux branches de se saisir de ce sujet et d’organiser l’instauration d’outils de sensibilisation à ces questions essentielles. Dans le cadre du dialogue social, nous encouragerons ainsi la mise en place d’un écosystème qui ne pourra que rassurer les salariés comme les employeurs.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je comprends votre intention ; vous savez d’ailleurs à quel point j’aurais aimé instaurer un système plus structuré et intégré permettant la bonne diffusion de l’ensemble des outils existants. Cependant, vous proposez de modifier la gouvernance des branches, ce qui ne nous semble pas compatible avec l’objectif de préservation de l’équilibre de l’ANI, auquel nous sommes très attachés.

Avis défavorable.

M. Stéphane Viry. Je comprends que cette proposition de loi ait pour objet de transcrire l’ANI, dont il faut respecter l’esprit et les grands équilibres. Or mon amendement ne les modifie pas ; il ne vise qu’à donner à l’accord une ambition et une portée quelque peu supérieures. Je vois que vous en avez envie, madame la rapporteure. Allons-y !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS141 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il reprend la recommandation n° 7 du rapport de l’IGAS de décembre 2017 relatif à la prévention de la désinsertion professionnelle des salariés malades ou handicapés. Il s’agit d’intégrer à la négociation annuelle d’entreprise sur la qualité de vie au travail la discussion de mesures permettant de prévenir la désinsertion professionnelle des travailleurs.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Là encore, ce n’est pas l’envie qui manque ! Nous avons examiné votre amendement avec beaucoup de bienveillance, mais nous estimons qu’il ajouterait un thème nouveau dans les obligations de négociation des branches.

Avis défavorable, afin d’assurer le respect de l’équilibre de l’ANI.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 bis (nouveau) : Possibilité d’intégrer aux négociations annuelles de l’entreprise la qualité des conditions de travail

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS44 de M. Stéphane Viry, AS138 de M. Pierre Dharréville et AS304 de Mme Michèle de Vaucouleurs ainsi que l’amendement AS78 de Mme Jeanine Dubié.

M. Stéphane Viry. J’ai retenu la leçon, madame la rapporteure : je me cale donc sur l’ANI, dont l’article 2.2 stipule que la négociation obligatoire sur la qualité de vie au travail « peut prendre [...] des aspects qui recoupent le domaine de la santé et de la sécurité au travail ». Mon amendement vise à intégrer cette possibilité dans les dispositions supplétives relatives à la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. Je conviens qu’il va au-delà de l’ANI, mais il s’inscrit tout à fait dans l’esprit de cet accord.

M. Pierre Dharréville. Nous souhaitons transcrire dans la loi une mesure débattue dans le cadre des négociations sur l’ANI. Notre attention a été appelée sur cet enjeu par des organisations syndicales ayant participé à ces discussions.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il s’agit de reprendre une disposition issue d’un travail de concertation avec les partenaires sociaux, dans l’esprit de l’ANI.

Mme Jeanine Dubié. Ce texte vise à transcrire l’ANI dans la loi : nous ne devons donc pas omettre de tenir compte des sujets sur lesquels les partenaires sociaux se sont mis d’accord. L’ANI rappelle que la notion de qualité de vie au travail « fait partie des thématiques de négociation obligatoires prévues par le code du travail » ; aussi mon amendement vise-t-il à l’intégrer dans la loi en indiquant que la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail porte également sur « la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail ».

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Là encore, nous avons veillé à respecter l’équilibre de l’ANI. Nous avons identifié une légère différence entre les amendements identiques de M. Viry, M. Dharréville et Mme de Vaucouleurs, qui instaurent une possibilité et n’imposent donc pas aux branches une obligation nouvelle, et celui de Mme Dubié, dans lequel le caractère obligatoire de cette négociation est explicite, ce qui ne nous paraît pas tout à fait dans les clous de l’ANI. C’est pourquoi nous sommes défavorables à ce dernier amendement, tandis que nous nous en remettons à la sagesse de la commission sur les trois premiers.

La commission adopte les amendements AS44, AS138 et AS304.

En conséquence, l’amendement AS78 tombe.

Après l’article 2

La commission en vient à l’amendement AS76 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Dans le même esprit, il s’agit d’introduire dans la loi la notion de prévention primaire des risques professionnels, qui constitue un axe fort de la première partie de l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 2020. La prévention primaire vise à s’attaquer en amont aux causes profondes des risques professionnels avant qu’ils ne produisent leur effet. Cette approche préventive doit être considérée, aux termes de l’ANI, comme « un investissement aux effets durables, qui contribue à la performance individuelle et collective ».

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Vous souhaitez que les salariés puissent être associés, à un moment donné, à la définition de la politique de prévention et d’évaluation des risques. Nous partageons votre préoccupation mais craignons que votre amendement n’entraîne une atténuation du principe de responsabilité de l’employeur, ce qui n’est certainement pas l’objectif que vous poursuivez. Cette mesure n’est pas non plus prévue par l’ANI ; or les partenaires sociaux, que nous avons auditionnés et avec lesquels nous avons beaucoup échangé, ont souligné que ce n’était pas un hasard si certaines choses n’avaient pas été inscrites dans l’accord – cette situation peut résulter de leurs discussions.

Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Je maintiens mon amendement car c’est un partenaire social qui me l’a suggéré. J’ai du mal à imaginer que cette mesure ne s’inscrive pas dans l’ANI.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS70 de Mme Jeanine Dubié et AS251 de M. Stéphane Viry.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit d’inscrire dans la loi les différentes familles de risques professionnels, telles qu’elles ont été retenues par les partenaires sociaux et précisées dans l’ANI.

M. Stéphane Viry. La rédaction actuelle de l’article L. 4121-1 du code du travail manque de précision. Il me semble utile de dresser précisément la liste des risques professionnels, afin d’éviter toute ambiguïté et d’empêcher toute application subjective de cet article. Mon amendement est donc, en quelque sorte, un amendement rédactionnel que vous auriez pu déposer vous-mêmes, mesdames les rapporteures...

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous aurions pu le déposer mais nous ne l’avons pas voulu ! Nous craignons qu’une telle liste à la Prévert puisse comporter certains oublis ou certains manques, d’autant que de nombreux risques émergent actuellement. Nous préférons donc nous en tenir aux « actions de prévention des risques professionnels » qui incombent à l’employeur : cette expression nous semble couvrir l’ensemble des risques existants et à venir. Il s’agit plutôt d’une précaution pour les salariés.

Mme Jeanine Dubié. Ce sujet est important. Si les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur une classification des différents risques professionnels, il est dommage de ne pas la reprendre dans la loi : nous créerons ainsi une distorsion entre la législation et ce qui a été acté par les partenaires sociaux, qui sont des organisations aussi bien patronales que syndicales. En d’autres termes, nous atténuerons la portée du travail accompli dans le cadre de l’ANI. Je ne comprends pas votre explication et maintiens donc mon amendement, qui ne manquera pas de susciter de longs débats en séance publique.

M. Thibault Bazin. Je m’interroge sur votre méthode. L’ANI semble être l’alpha et l’oméga de cette proposition de loi : aussi, n’aurait-il pas fallu s’en tenir au contenu de l’accord et déposer des amendements à chaque fois que vous souhaitiez le raboter ou l’enrichir ? Nous aurions ainsi pu discuter de l’opportunité de s’éloigner de l’ANI – c’est, en somme, la seule question qui se pose dans notre débat. Nous risquons de tourner en rond. À quoi servent vraiment nos échanges de ce soir ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. La transposition de l’ANI est un exercice assez ardu, qui donne matière à interprétation. Nous avons eu besoin de nombreux échanges avec les partenaires sociaux afin de bien cerner leurs intentions. Il nous a aussi fallu déterminer ce qui devait être inscrit dans la loi et ce qui pouvait ne pas l’être. De notre point de vue, il est préférable que les familles de risques ne soient pas précisées dans la loi. De nouveaux risques peuvent émerger, et il serait dommage qu’ils soient exclus de ce texte. Une définition beaucoup plus large permettra de les englober.

M. Thibault Bazin. Cette législature n’est pas la dernière : la législation doit être adaptée en permanence. Il ne s’agit pas de graver dans le marbre des dispositions qui ne pourront plus être modifiées. De nouveaux risques apparaîtront certainement et nécessiteront une évolution de notre arsenal législatif.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 2 ter (nouveau) : Prise en compte des situations de polyexpositions chimiques et amélioration du suivi des travailleurs ayant été affectés à des postes à risque

La commission est saisie des amendements identiques AS77 de Mme Jeanine Dubié et AS250 de M. Stéphane Viry.

Mme Jeanine Dubié. L’ANI prévoit que le DUERP améliore la « traçabilité des expositions » aux produits chimiques afin de « permettre le repérage des salariés devant faire l’objet d’un suivi post-professionnel et post-exposition ». Mon amendement vise donc à introduire des mesures permettant une meilleure protection des travailleurs en situation de polyexposition, c’est-à-dire exposés cumulativement à plusieurs agents chimiques dangereux ou à un agent chimique dangereux et à un autre risque professionnel dont l’effet combiné est particulièrement nocif pour la santé.

M. Stéphane Viry. Mon amendement présente le même dispositif mais sa motivation est différente. En 2018, un rapport d’enquête de Pierre Dharréville sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie et les moyens à déployer pour leur élimination a mis en évidence des phénomènes de polyexposition jusqu’alors sous-évalués et insuffisamment pris en compte dans le cadre des mesures de réparation. Fort de ce travail parlementaire, je souhaite saisir l’occasion offerte par la présente proposition de loi pour muscler notre dispositif en la matière et assurer une meilleure protection des travailleurs polyexposés aux produits chimiques dangereux dans le cadre de leur carrière professionnelle. Mon amendement permettrait également de renforcer le suivi individuel de ces personnes.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. La polyexposition est une notion importante, que nous souhaitons intégrer à cette proposition de loi. Avis favorable aux deux amendements identiques, sous réserve de la correction d’une coquille : au deuxième alinéa, il convient de remplacer le mot « par » par le mot « à ».

La commission adopte les amendements rectifiés.

Après l’article 2

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS43 de M. Stéphane Viry et AS318 de Mme Sylvie Charrière ainsi que l’amendement AS303 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

M. Stéphane Viry. Mon amendement vise à demander aux partenaires sociaux de réaliser un état des lieux paritaire de la santé au travail. Il s’inscrit dans l’esprit de l’ANI, qui appelle à la mobilisation des branches en matière de santé et de sécurité au travail.

Mme Monique Limon. L’amendement AS318 est défendu.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Mon amendement relève du même esprit que celui de M. Viry mais sa rédaction est un peu différente : il prévoit que les branches « sont tenues de développer la pratique des états des lieux de la santé au travail ». Il me paraît difficile d’imposer aux branches de réaliser un tel état des lieux dans toutes les entreprises, car elles ne sont sans doute pas en mesure de le faire.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Comme vous avez pu le constater, nous souhaitons véritablement inciter les branches à mener ce type d’actions – leur engagement est nécessaire, car c’est à elles que revient le soin d’apporter aux TPE et PME un certain nombre de réponses. Toutefois, nous ne sommes pas allées jusqu’à inscrire des obligations dans la proposition de loi. Encore une fois, nous voulons préserver l’équilibre de l’ANI, qui résulte de négociations ardues.

Avis défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je retire mon amendement, que je retravaillerai en vue de la séance publique. Il n’est déjà pas très directif, mais peut-être pourrait-il l’être encore moins. L’essentiel est d’impliquer davantage les branches professionnelles et de les inciter à développer la pratique des états des lieux.

L’amendement AS303 est retiré.

La commission rejette les amendements AS43 et AS318.

Article 3 : Création du « passeport prévention »

La commission est saisie de l’amendement AS378 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous souhaitons préciser le fonctionnement du « passeport prévention » destiné à retracer l’ensemble des formations suivies par le salarié dans ce domaine. Ce document imaginé par les partenaires sociaux vise aussi à éviter un certain nombre de redondances. Il s’agit là d’une innovation majeure contenue dans l’ANI. Notre amendement répond à toutes les préoccupations exprimées dans les amendements que vous avez déposés à cet article et que l’adoption du nôtre ferait tomber. Il tient également compte des recommandations formulées par le Conseil d’État.

M. Stéphane Viry. Constatant une carence dans la gestion de ce nouvel outil, j’ai déposé un amendement AS48 visant à clarifier et sécuriser les dispositions de l’article 3. Mais l’amendement des rapporteures va dans le même sens, si bien que je pourrais retirer le mien.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé et les amendements identiques AS48 de M. Stéphane Viry et AS74 de Mme Jeanine Dubié, AS199 de M. Adrien Quatennens, AS301 de Mme Gisèle Biémouret ainsi qu’AS325 et AS327 de M. Thierry Michels tombent.

Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement AS272 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il vise à ouvrir aux médecins du travail la possibilité de prescrire avec remboursement, dans le cadre des missions de prévention qui leur sont confiées, des actes de diagnostic et des produits préventifs.

L’article L. 4622‑3 du code du travail précise que « le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif ». À ce titre, il est primordial que les médecins du travail puissent prescrire des actes de prévention – séances de kinésithérapie, substituts nicotiniques, vaccins –, dont la liste doit être déterminée par décret. Or, à l’heure actuelle, les médecins du travail sont exclus du droit de prescription. Face à la pénurie de médecins, une telle mesure permettrait de renforcer l’accès aux soins et de lutter contre les inégalités territoriales ; elle s’avérerait également source d’économies en ce qu’elle éviterait aux patients de solliciter une consultation payante et de s’engager dans des circuits compliqués. Pourquoi refuser aux médecins du travail une possibilité récemment accordée aux médecins scolaires ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous avons effectivement l’intention de décloisonner la santé publique et la santé au travail, mais vous allez beaucoup trop loin : le droit de prescription outrepasse les missions des médecins du travail.

Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je ne comprends pas cet avis. Le médecin du travail, qui joue déjà un rôle en matière d’aptitude et de réparation, voit ses missions élargies à la prévention. Cette nouvelle compétence doit s’accompagner de la possibilité d’exercer les actes y afférents, notamment de prescrire des actes de prévention.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 : Extension des missions du médecin du travail

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AS379 et l’amendement de cohérence AS380 des rapporteures.

Elle examine ensuite l’amendement AS58 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. À l’article 4, nous avons une divergence, madame la rapporteure. Votre proposition de loi vise à remettre les questions de santé au travail au cœur des missions des SPSTI ; ce faisant, vous leur donnez une mission de santé publique. Cela ne doit pas être une priorité, pour plusieurs raisons. Premièrement, le rapport de l’IGAS a déjà déploré l’hétérogénéité des tâches des SPSTI, qu’il faudrait recentrer sur leur mission première. Deuxièmement, dans un contexte de pénurie de médecins du travail, il ne paraît pas opportun de confier à ces derniers de nouvelles attributions. Troisièmement, il ne me semble pas que les partenaires sociaux aient expressément prévu, dans l’ANI, un élargissement des missions des services de santé au travail. C’est pourquoi je propose la suppression des alinéas 4 et 5.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Les médecins du travail remplissent déjà des missions de santé publique : ils participent parfois à des campagnes de vaccination, par exemple contre la grippe. Nous souhaitons clarifier et renforcer cette dimension de leur travail. La crise sanitaire que nous traversons montre à quel point il est nécessaire de pouvoir mobiliser les services de santé au travail, dans le cadre de campagnes de vaccination, de lutte contre les addictions ou de promotion de messages de santé publique, notamment en faveur du sport-santé. Tout cela fait déjà partie de leurs missions, qui revêtent donc une dimension de santé publique ; ce n’est pas incompatible avec l’objectif de maintien d’une bonne santé au travail. Il est possible de faire de l’entreprise un terrain de santé publique, tout en veillant à préserver l’équilibre que vous avez rappelé.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois. Je ne comprends pas, madame la rapporteure : tout à l’heure, vous refusiez de permettre aux services de santé au travail de connaître de la santé collective des personnels d’une entreprise, mais vous souhaitez maintenant consacrer leur mission de santé publique. Ce n’est pas cohérent.

M. Pierre Dharréville. L’amendement suivant étant dans le même esprit, je me permettrai de le défendre maintenant. Les arguments de Stéphane Viry sont pertinents : vous ajoutez des prestations alors que les services de santé au travail, déjà surchargés, doivent être pleinement mobilisés sur leur mission et que les médecins, comme vous l’avez expliqué, doivent conserver un tiers-temps de terrain. La situation exceptionnelle actuelle ne justifie pas que nous tirions de telles conclusions : au contraire, il nous faut renforcer la capacité d’action de ces services sur les enjeux propres à la santé au travail.

Par ailleurs, il serait problématique que les données liées à la vaccination ou au dépistage, qui relèvent du médecin personnel, soient utilisées à d’autres fins.

La commission rejette l’amendement

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure, la commission rejette ensuite l’amendement AS135 de M. Pierre Dharréville.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AS184 de Mme Valérie Six.

Mme Valérie Six. Je pars du principe que la prévention – mission que ce texte vient renforcer – dépend de la sensibilisation des salariés et des employeurs. Je propose d’ajouter aux actions de promotion les campagnes de lutte contre les addictions. Dans son rapport remis en octobre, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives a montré que les addictions pouvaient être à la fois le symptôme et la conséquence des dysfonctionnements dans l’organisation du travail et le management du personnel. La prévention des conduites addictives a d’ailleurs été introduite dans le troisième plan santé au travail 2016-2020.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Votre amendement est satisfait puisque les missions des services de santé au travail visent déjà à « prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail ».

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS381 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Conformément à l’avis du Conseil d’État, nous proposons de préciser que les actions de dépistage et de vaccination menées par les services de santé au travail s’inscrivent dans le cadre de la stratégie nationale de santé.

M. Pierre Dharréville. La situation des services de santé au travail, qu’il s’agisse de leur présence sur le lieu de travail ou de leur capacité d’action, est très hétérogène. Il faudrait aller jusqu’au bout, questionner leurs missions et leur place dans le dispositif de santé global. Mais comme vous avez décidé de ne pas toucher à leur structuration, je doute que cet amendement ait une quelconque efficacité.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Vous précisez que les services de santé au travail participent à la stratégie nationale. En matière de vaccination, cela signifie-t-il qu’ils peuvent prescrire la vaccination et stocker les vaccins dans les locaux de l’entreprise ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. J’imagine que les modalités opérationnelles dépendent des vaccins. Pour la grippe saisonnière, les médecins et les infirmiers en santé au travail se rendent à l’entreprise avec les vaccins et vaccinent les salariés qui le souhaitent. Cette organisation, qui fonctionne bien, constitue un levier de santé publique. Cet amendement rappelle que ces actions doivent s’inscrire dans un effort national cohérent.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS201 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Si le burn-out est tabou pour les directions d’entreprises, il ne doit pas l’être pour les SPST. Ce syndrome est identifié depuis des décennies ; la recherche en psychiatrie et en psychologie a montré qu’il concernait tous les secteurs, et les métiers de services plus particulièrement – santé, grande distribution, assurances, banques, téléphonie, police, éducation, associations. Les SPST doivent aussi sensibiliser les salariés aux risques psychosociaux.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Avis défavorable : les services de santé au travail accompagnent déjà les entreprises dans la prévention des risques, y compris psychosociaux. La proposition de loi vient renforcer ce volet de leur action. J’ajoute que nous avons adopté en début de séance un amendement qui vise à inclure la question de l’organisation du travail dans les démarches de prévention.

Mme Caroline Fiat. Nous avons tous été choqués par les suicides à France Télécom et nous sommes régulièrement alertés par les difficultés vécues sur le lieu de travail. Les employeurs, à commencer par les députés, ont à gérer les nouveaux risques psychosociaux induits par la crise sanitaire et liés au télétravail. Ils se trouvent souvent démunis, ignorant vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. Ne dites pas que les actions de prévention sont encadrées : Santé publique France même a admis que les outils manquaient pour appréhender ces nouveaux risques. L’organisation de campagnes de sensibilisation sur ce thème répondrait aux besoins actuels.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je répète que la prévention des risques psychosociaux est bien prévue dans les missions des services de santé au travail.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure, elle rejette l’amendement AS200 de Mme Caroline Fiat.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, de l’amendement AS308 de Mme Annie Chapelier ainsi que des amendements identiques AS33 de Mme Laurence Trastour-Isnart et AS64 de M. Stéphane Viry.

Mme Annie Chapelier. Il s’agit d’ajouter aux actions de promotion de la santé les actions de sensibilisation à la lutte contre les violences conjugales et sexuelles.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Les violences conjugales et sexuelles sont un fléau ; dans la mesure où elles peuvent avoir des conséquences graves sur la santé de l’individu, elles constituent un problème de santé publique. Il faut faire de la prévention et sensibiliser l’ensemble des personnels de santé à ces questions.

M. Stéphane Viry. Cette proposition de loi est l’occasion de nous raccrocher à des thèmes évoqués depuis le début de la législature : les pathologies dans l’industrie, auxquelles Pierre Dharréville a consacré un rapport, les violences conjugales et sexuelles. Il paraît opportun de se servir de ce véhicule législatif pour renforcer autant que faire se peut la prévention.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je le dis en préambule : nous partageons tous, quelle que soit notre couleur politique, cette préoccupation majeure ; nous nous efforçons de faire avancer, dans les textes, la lutte contre les violences conjugales et sexuelles.

Il existe cependant un principe de réalité : le médecin du travail a une mission de prévention, à laquelle nous ajoutons les actions de promotion de la santé – campagnes vaccinales, sport-santé. Mais alors que ces dernières concernent un large public et sont relativement aisées à mener, la lutte contre les violences conjugales et sexuelles exige une formation spécifique et du temps pour accompagner et suivre les salariés qui en sont victimes.

Il est évident que le médecin du travail, s’il est alerté, peut orienter la personne vers d’autres professionnels, mais son rôle s’arrête là. Lui demander d’incarner cette mission dépasserait le champ de ses possibilités et lui assignerait un objectif impossible à atteindre.

Avis défavorable.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Les conjoints violents exercent une telle emprise qu’ils peuvent aller jusqu’à vérifier les dépenses de santé et accompagner leur victime chez le médecin. Le fait d’avoir un interlocuteur sur le lieu du travail pourrait aider ces femmes à révéler des faits de violence.

M. Stéphane Viry. Le raisonnement est implacable tant il est vrai que ces femmes vivent sous le joug de leur bourreau. Vos arguments, madame la rapporteure, ne tiennent pas : nous demandons que les médecins mènent des actions de sensibilisation, nous ne leur demandons pas d’exercer une compétence qui n’est pas la leur. Du reste, lorsqu’ils sont confrontés à une telle situation, ils font déjà ce que leur déontologie leur commande de faire.

Mme Annie Chapelier. Je ne comprends pas non plus la façon dont vous motivez votre avis, madame la rapporteure. D’abord, le médecin du travail est entouré d’une équipe pluridisciplinaire et les actions de sensibilisation ne reposent pas sur sa seule personne. Ensuite, ce n’est pas une question de formation, mais de déontologie. Enfin, il est étonnant que vous établissiez une hiérarchie des priorités en considérant que les actions de sensibilisation aux violences conjugales et sexuelles sont moins importantes que d’autres.

Mme Véronique Hammerer. Ce débat me surprend. Je ne considère pas qu’il soit nécessaire d’apporter une telle précision car la déontologie impose aux médecins du travail d’accompagner une personne qui révélerait être victime de violences – il est vrai que l’entreprise peut être un sanctuaire. Accueillir, écouter, orienter fait partie de leur travail. Par ailleurs, rien ne les empêche de participer aux actions de sensibilisation organisées par les CPTS, auxquelles ils seront intégrés.

M. Philippe Chalumeau. Le rôle du médecin du travail consiste d’abord à évaluer les risques liés au travail et à mesurer correctement les expositions. Il doit pour cela bénéficier de tout le temps nécessaire. Je ne dis pas que ce sujet n’est pas fondamental, mais si des violences venaient à être évoquées dans le cadre du colloque singulier médecin-patient, le médecin du travail pourrait en informer le médecin traitant. N’ajoutons pas des missions supplémentaires, qui relèvent du médecin généraliste. Si l’on dévoie la spécialité du médecin du travail, son action risque de perdre en efficacité.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous sommes très sensibles à ce problème : il ne s’agit pas de le minimiser ou de méconnaître l’intérêt qu’aurait une personne à trouver une écoute attentive dans un milieu serein et protégé. Les médecins et les infirmiers de santé au travail peuvent accompagner et orienter une personne victime de violences. Mais leur imposer d’organiser des actions de sensibilisation – qui relèvent peut-être d’autres acteurs –, c’est aller un peu loin. D’ailleurs, je ne crois pas que cette disposition ait été concertée avec les représentants de ces professions.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AS202 de M. Jean-Hugues Ratenon et l’amendement AS75 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Caroline Fiat. Les données obtenues lors des campagnes de dépistage et de vaccination ne doivent pas être communiquées à l’employeur. Celui-ci n’a pas à savoir, par exemple, si la personne est enceinte ou compte l’être prochainement, ou si elle souffre d’une maladie auto-immune – des informations qui peuvent être demandées aux personnes souhaitant se faire vacciner.

Mme Jeanine Dubié. Dans le contexte sanitaire actuel, il paraît normal d’étendre les missions des SPST aux actions de promotion de la santé, comme la vaccination et le dépistage. Mais il faut des garde-fous. Les données de santé des salariés, même si elles sont obtenues sur le lieu du travail, ne doivent pas être communiquées à l’employeur.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je partage pleinement votre préoccupation. Vos amendements sont satisfaits puisque le médecin du travail est soumis au secret professionnel.

Mme Jeanine Dubié. Nous voyons bien que l’épidémie de covid-19 a une incidence sur l’organisation du système et la gestion des données : les personnes contaminées peuvent être détectées et isolées. J’extrapole peut-être, mais il ne me semble pas inutile d’apporter cette précision.

Mme Caroline Fiat. L’employeur aura toute sa place dans l’organisation de ces campagnes vaccinales : il pourra participer à la rédaction du formulaire, décider du lieu où seront rangés les dossiers et éventuellement être présent.

Lorsqu’une disposition est inédite, il faut verrouiller les choses. Vous nous invitez souvent à le faire. Dans ce cas précis, vous refusez de poser les limites : ne nous dites pas que notre demande est satisfaite puisqu’il s’agit d’une nouvelle mission !

M. Pierre Dharréville. La particularité de ces campagnes, c’est qu’elles se dérouleront sur le lieu du travail. Non seulement l’employeur ne doit pas prendre connaissance des données de santé, mais il doit aussi se garder d’inviter ses salariés à prendre part à la campagne et ignorer qui est allé se faire vacciner ou dépister. Vous connaissez les critiques sur l’indépendance des services de santé au travail : dans la mesure où la disposition est nouvelle, il faut poser un cadre clair.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS176 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Dans le prolongement de l’obligation de prévention qui incombe aux employeurs, l’amendement vise à permettre le suivi post-professionnel des salariés licenciés pour inaptitude. Comme le montrent plusieurs études, se retrouver au chômage peut fortement altérer la santé : ce dispositif permettrait de mieux accompagner ces personnes déjà fragilisées par l’usure professionnelle.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Le suivi de ces personnes ne peut incomber à des services dont le rôle concerne uniquement les travailleurs, et qui sont déjà surchargés. Il faudrait créer un dispositif spécifique pour les demandeurs d’emploi.

M. Pierre Dharréville. Je retire l’amendement pour le retravailler. Je précise que cette disposition concerne les salariés licenciés pour inaptitude, donc leur ancien employeur.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS177 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. J’ai déjà défendu cet amendement, inspiré d’une recommandation du rapport Frimat, dans le cadre d’un autre texte. Il prévoit l’organisation d’un suivi post-professionnel des salariés exposés à des agents chimiques dangereux.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je tiens à souligner la qualité du rapport Frimat sur la prévention des risques chimiques. Mais comme l’amendement précédent, celui-ci concerne des personnes qui ne sont plus employées par l’entreprise.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Le risque est identifié et présente cette particularité que les effets ne se manifestent qu’après un délai de latence. Le suivi doit être assuré dans la mesure où l’exposition dans le cadre de l’activité professionnelle est reconnue et que la responsabilité de l’employeur est engagée au-delà de la fin du contrat de travail. La proposition du Pr Frimat me semble juste.

Je garde un souvenir dramatique de la façon dont se sont soldés nos débats sur la pénibilité au travail il y a quelques mois. Il nous faut agir sur la question des agents chimiques, très sensible dans une circonscription comme la mienne. Nous ne pouvons pas en rester là, compte tenu des dégâts que causent les expositions simples, a fortiori les polyexpositions.

La commission rejette l’amendement.

Puis la commission aborde l’amendement AS178 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il vise à préciser que les services de santé au travail ont pour mission d’assurer la traçabilité des expositions subies par les salariés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Avis défavorable : ce n’est pas aux services de santé au travail que doit incomber cette mission ; il s’agit d’une obligation de l’employeur, que nous renforçons par l’obligation de conserver les différentes versions du document unique.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS281 de Mme Perrine Goulet et AS120 de Mme Aina Kuric.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’article 4 précise que les services de prévention en santé au travail participent à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail. L’amendement AS281 tend à leur confier dans ce cadre la promotion de la pratique sportive.

Il a été clairement démontré, en effet, que l’activité physique régulière contribue à réduire le risque de maladies cardio-vasculaires et d’hypertension artérielle. C’est un facteur de prévention essentiel qu’il convient de diffuser. On le fait déjà à l’école ou à propos des pratiques de loisir ; il semble nécessaire que le sport en entreprise se développe également.

Le sport en entreprise est déjà expérimenté, notamment grâce à un accord entre le Comité national olympique et sportif français et le Mouvement des entreprises de France, et une étude portant sur les entreprises y ayant recours témoigne d’effets très favorables pour les salariés et l’entreprise : pour le salarié, 5 à 7 % de dépenses de santé en moins pour le salarié, trois ans de gain d’espérance de vie, 6 à 9 % de productivité supplémentaire ; pour l’entreprise, 1 à 14 % d’augmentation de la rentabilité nette.

M. Paul Christophe. L’amendement AS120 vise à permettre au médecin du travail de prescrire une activité sportive adaptée aux besoins du patient afin de prévenir les risques liés à son activité professionnelle et le maintenir en bonne santé toute l’année !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Aussi enthousiaste que Paul Christophe quant à l’intérêt de la pratique sportive, je serai donc favorable à l’amendement AS281, mais défavorable à l’amendement AS120, car il parle de prescription, ce qui nous semble un peu trop compte tenu de toutes les missions déjà confiées au médecin du travail.

La commission adopte l’amendement AS281.

En conséquence, l’amendement AS120 tombe.

La commission aborde alors l’amendement AS347 de Mme Mireille Robert.

Mme Mireille Robert. Le télétravail, en constante progression, s’est brusquement massifié avec la crise sanitaire. Pourtant, 42 % des salariés ayant exercé leur activité au moins en partie à distance lors du second confinement ont eu un sentiment d’isolement.

Dans la mesure où le télétravail est appelé à être pérennisé dans de nombreuses entreprises, y compris après la crise épidémique, il apparaît essentiel de préserver pour les télétravailleurs un environnement professionnel collectif et équilibré.

Notre amendement tend donc à ajouter aux missions de conseil des services de santé au travail à l’égard des employeurs celle portant sur l’amélioration des conditions de télétravail.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Votre amendement traduit une préoccupation précédemment exprimée par plusieurs de nos collègues, mais le fait de manière plus adaptée aux missions des services de santé au travail.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4, modifié.

Après l’article 4

La commission examine l’amendement AS167 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure, la commission rejette ensuite l’amendement AS203 de Mme Caroline Fiat.

Puis elle aborde l’amendement AS34 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Il prévoit que les médecins du travail suivent des formations spécifiques pour accueillir les femmes victimes de violences conjugales ou sexuelles.

Les addictions, citées précédemment, font déjà l’objet d’une prévention aux termes de la proposition de loi. Or les violences conjugales sont aussi graves, voire davantage ; de plus, les deux sont souvent liées. Elles devraient donc relever également du dispositif de prévention. Certaines entreprises y pourvoient déjà, en lien avec les médecins et autres professionnels de santé ; malheureusement, la démarche n’est pas généralisée. Il aurait été bon qu’un texte visant la prévention en matière de santé le permette, pour toutes les femmes victimes.

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

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2.   Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9 heures 30

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10311293_602398292e89d.commission-des-affaires-sociales--renforcer-la-prevention-en-sante-au-travail-suite-10-fevrier-2021

Article 5 : Intégration des services de santé au travail dans les communautés professionnelles territoriales de santé et les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes

La commission adopte successivement les amendements AS382, rédactionnel, et AS383, de coordination de Mmes Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, rapporteures.

Puis elle adopte l’article 5, modifié.

Article 6 : Présentation d’un volet « politique de santé au travail » au sein du rapport annexé au projet de loi de finances relatif à la politique de santé publique

La commission adopte l’article 6 sans modification.


Article 7 : Renforcement des pouvoirs de surveillance du marché des équipements de protection individuelle et des équipements de travail non conformes

La commission est saisie de l’amendement AS204 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Si nous encourageons les autorités administratives compétentes à s’assurer du respect par les opérateurs économiques de la surveillance du marché et de la conformité des produits au sens de l’article 3 du règlement européen de 2019, il convient que les résultats de leurs contrôles soient rendus publics afin que la santé au travail ne soit plus un espace opaque en dehors de la santé publique. La société civile a le droit d’être informée sur ce sujet comme elle l’est sur la protection des consommateurs ou de l’environnement. Tel est l’objet de cet amendement, qui nous a été soumis par la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il s’agit de transposer une disposition de droit européen en droit français. Cette question recouvrant des aspects techniques, je vous propose d’interroger le Gouvernement en séance. Pour le moment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 sans modification.

Après l’article 7

La commission est saisie de l’amendement AS111 de M. Vincent Thiébaut.

M. Thierry Michels. Compte tenu du caractère très technique des équipements de protection individuelle, le salarié référent en santé et sécurité du travail ou les intervenants extérieurs doivent pouvoir être impliqués dans le processus de sélection et d’achat en cette matière.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. L’amendement me semble trop flou et trop restrictif. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Titre II
Définir l’offre de services à fournir par les services de prévention et santé au travail aux entreprises et aux salariés, notamment en matière de prévention et d’accompagnement

Article 8 : Mise en place d’une offre socle et d’une offre complémentaire par les services de prévention et de santé au travail interentreprises ainsi que d’une procédure de certification

La commission examine l’amendement de suppression AS129 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’article est problématique à deux titres. Premièrement, il crée une médecine du travail à deux vitesses, les services de santé pouvant proposer, d’un côté, une offre socle, et, de l’autre, une offre premium. Je ne comprends pas le sens de cette proposition, car tout professionnel de santé confronté à un problème de santé met en œuvre tous les moyens à sa disposition pour y faire face. Je crains que ne se développe un marché supplémentaire de la santé au travail, créateur d’inégalités entre salariés en fonction de l’entreprise qui les emploie.

Deuxièmement, cet article introduit une logique de certification par des organismes privés extérieurs. Or ce rôle de labellisation des services de santé au travail (SST) doit revenir à la puissance publique ; il n’est pas besoin de créer, là aussi, un marché supplémentaire. Un tel système existe déjà dans le domaine du médicament ou des dispositifs médicaux. Or je ne suis pas tout à fait certain qu’il ait fait ses preuves.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Avis défavorable.

Il s’agit là d’une vraie avancée, plébiscitée par les partenaires sociaux, en matière d’offre des services de santé au travail. En outre, la certification est au cœur de l’accord national interprofessionnel (ANI), qu’il s’agit de transposer.

M. Pierre Dharréville. Je vous donne acte du fait que la disposition figurait dans l’ANI, mais en quoi est-ce une « vraie avancée » ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. De notre point de vue, c’est l’inverse de vos craintes qui se produira. Dans la suite du débat, nous préciserons mieux la nature de l’offre et le cadre dans lequel s’exerceront ces missions. La certification des services de santé au travail conditionnera l’obtention de l’agrément.

M. Didier Martin. La certification est un processus de mesure de la qualité d’origine industrielle, fonctionnant avec des référentiels établis sur des paramètres précis. Elle s’est progressivement appliquée à tous les types de services. La définition précise, grâce à la méthode avancée dans l’article, de ce que doit être un service de qualité en matière de réduction des risques professionnels et d’amélioration de la prévention, c’est là l’avancée considérable du texte. Elle contribuera à la fois à élever le niveau qualitatif de l’établissement interentreprises et à avoir une vision transversale de l’ensemble des services sur le territoire permettant de promouvoir la protection des salariés et la disparition des facteurs de risques.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS385 des rapporteures.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS386 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il s’agit, de donner suite aux recommandations du Conseil d’État, en clarifiant la notion d’offre socle.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS387 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. C’est un amendement de précision également recommandé par le Conseil d’État, qui prévoit le cas de carence de décision de la part du comité national de prévention et de santé au travail (CNPST).

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS388 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il précise que l’offre complémentaire est bien facultative et s’inscrit en tout état de cause dans les missions générales des services de santé au travail définies dans le code du travail.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS27 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. Il s’agit de préciser le rôle du conseil d’administration et de la commission de contrôle dans le choix des offres complémentaires aux entreprises adhérentes.

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS110 de M. Vincent Thiébaut.

M. Thierry Michels. Il s’agit de fournir une liste exhaustive des intervenants auxquels les entreprises peuvent faire appel dans leurs actions de prévention en santé, de manière à favoriser l’accession aux différents services proposés sur le territoire.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. L’amendement me semble satisfait. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS113 de M. Vincent Thiébaut.

M. Thierry Michels. Il s’agit de diffuser auprès des entreprises les informations relatives aux aides qu’elles peuvent obtenir pour mener leurs actions en matière de prévention en santé. Le facteur financier étant souvent limitant, il y aurait là un levier particulièrement important d’amélioration.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Les services de santé au travail peuvent déjà dispenser ces informations, qui pourront être apportées de manière plus précise par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS389 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il vise à rehausser au niveau législatif la procédure d’agrément par laquelle les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) autorisent le fonctionnement des services de santé au travail, en application de l’avis du Conseil d’État.

Il précise également que l’agrément est désormais conditionné à l’obtention de la certification.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS391 des rapporteures.

La commission examine ensuite l’amendement AS286 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Selon les médecins qui ont été auditionnés, il est fondamental qu’un médecin traitant et un service de santé au travail puissent échanger facilement et de manière fiable au travers d’une messagerie sécurisée. Il s’agit, par cet amendement d’appel, d’intégrer l’existence d’une telle messagerie dans les procédures de certification des services de prévention et de santé au travail.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il faut effectivement être vigilant sur ce point. Un prochain amendement précisera d’ailleurs toutes les mesures relatives à la protection des données. Nous vous suivrons également s’agissant de l’intégration d’un critère de certification dans ce domaine.

M. Philippe Vigier. Je ne comprends pas bien : on vous propose une messagerie sécurisée qui ne pourra qu’apporter de la qualité. Comment imaginer une quelconque certification sans protection des données ?

Lorsque des données médicales sont transférées via Apicrypt, elles sont réservées aux professionnels de santé : c’est la base en médecine. J’ai l’expérience d’une procédure de certification : c’est la première des demandes qui nous a été faite.

M. Pierre Dharréville. La sécurisation des données sensibles et des messageries des services de santé au travail est effectivement un élément important.

Mme Caroline Fiat. Madame la rapporteure, je n’ai pas compris quel est votre avis sur l’amendement. Pour notre part, nous le soutenons, car une messagerie sécurisée est effectivement très importante en matière de données de santé – nous en parlons assez souvent ici.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il faut distinguer le principe, c’est-à-dire la sécurisation des données qui fera l’objet de l’amendement mentionné, et les outils dont les SST doivent disposer : la messagerie sécurisée en est un, comme le dossier médical partagé (DMP) que nous allons aborder. Les deux sont importants.

M. Bernard Bouley. Tous les SST en France respectent le règlement général sur la protection des données (RGPD). Leurs systèmes d’information assurent donc tous la protection de leurs données personnelles.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement résulte d’échanges avec des médecins traitants qui considèrent que le partage de données à travers le DMP n’est pas un moyen aussi simple et rapide pour communiquer avec le médecin du travail qu’une messagerie sécurisée. Il est certain qu’une telle messagerie doit constituer un élément de certification ; reste à savoir s’il est pertinent de surcharger le texte en le mentionnant.

M. Philippe Vigier. Au quotidien, madame la rapporteure, les données relatives à un patient sont transmises entre un médecin de ville et un médecin d’entreprise à 80 % par du papier : la protection du secret médical ou des données personnelles n’existe pas ! La transmission sécurisée des messages doit être un élément fondateur de la certification.

M. Pierre Dharréville. Si les SST disposent effectivement de procédures assurant la protection des données, il faut réfléchir à la fois sur les services de santé interentreprises mais également sur ceux qui sont intégrés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Cet amendement d’appel, selon les propres termes de Mme de Vaucouleurs, attire l’attention sur la protection des données, une notion que nous avons bien prise à bras-le-corps, notamment en écho aux recommandations du Conseil d’État. La rédaction que nous proposerons un peu plus tard s’agissant de la certification couvre non seulement la messagerie mais également tout autre outil de conservation et de diffusion des données.

M. Didier Martin. Tous les personnels des équipes médicales, quel que soit leur statut, ont un devoir de respect de la confidentialité.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je ne doute pas que des processus assurent la protection des données, mais il s’agit là d’un outil de communication simple qui fait défaut et qui me semble important. Je ne sais pas si un outil doit figurer au cœur de la loi mais je vois qu’il suscite un débat.

Mme Caroline Fiat. Jamais nous ne remettrons en cause le respect par chaque soignant du secret professionnel. Simplement, lors d’une vaccination ou d’un dépistage sur un lieu de travail où le matériel informatique local utilisé ne dispose pas d’une messagerie sécurisée, on ne sait pas où ces données vont aller.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS392 des rapporteures et AS273 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Notre amendement introduit parmi les éléments de certification un critère lié la protection des données personnelles. En cela, il va au-delà des recommandations du Conseil d’État. La Commission nationale de l’informatique et des libertés met au point une démarche d’accompagnement des SST leur permettant de vérifier qu’ils sont bien dans les clous au regard du respect de la réglementation liée au RGPD.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Mon amendement va dans le même sens.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. J’en demande le retrait au profit du mien, dont la rédaction me semble un peu plus précise.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Comme avec l’amendement précédent, il y a les principes et les moyens. Nous en rediscuterons en séance publique.

L’amendement AS273 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS392.

Puis elle est saisie de l’amendement AS393 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. L’amendement tend à confier au pouvoir réglementaire, après avis du CNPST, l’élaboration du cahier des charges de la certification plutôt que la procédure d’accréditation. Il s’agit de suivre la recommandation du Conseil d’État afin d’assurer la solidité juridique du dispositif.

Cette rédaction couvre tout à fait l’amendement AS348 de notre collègue Didier Martin.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS348 de M. Didier Martin tombe.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS28 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS59 de M. Stéphane Viry ainsi que les amendements AS132 de M. Pierre Dharréville et AS205 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Paul Christophe. L’amendement AS28 précise la procédure de certification en fixant dans la partie législative du code du travail le principe d’un agrément des SST et en renvoyant à la partie réglementaire les modalités plus détaillées de cette procédure d’agrément. Les critères de cet agrément seraient fixés par le nouveau CNPST, la certification faisant partie de ces critères.

M. Stéphane Viry. Ainsi que l’ont relevé l’Inspection générale des affaires sociales, dans son rapport, et les partenaires sociaux, dans l’ANI, un lien doit être établi entre la procédure d’agrément déjà existante et la certification, qui manque dans la proposition de loi. L’amendement identique vise à sécuriser et à compléter sa rédaction sur ce point, sans la dénaturer.

M. Pierre Dharréville. Dans le même esprit, mon amendement tend à placer l’agrément au-dessus de la certification dans la hiérarchie des normes. Selon moi, la procédure d’agrément qui existe est le levier le plus efficace pour contrôler les SST et pour donner une vision globale sur les territoires à la puissance publique – c’est à elle qu’incombe cette mission, et à personne d’autre.

Une étude d’impact a-t-elle été faite s’agissant des frais qu’engendrera la création de cette certification ? Avec la distinction entre une offre socle et une offre dite supérieure, c’est là également un élément du débat.

Mme Caroline Fiat. Notre amendement AS205 tend également à faire de l’agrément l’élément essentiel de cet article.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous sommes totalement d’accord. C’est bien pourquoi, d’ailleurs, nous avons rehaussé la procédure d’agrément dans la loi et conditionné l’obtention de l’agrément à la certification. Nous aborderons ultérieurement la question des sanctions.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques AS29 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS61 de M. Stéphane Viry.

M. Paul Christophe. Dans le sens de l’ANI, il s’agit, par l’amendement AS29, de conforter les DIRECCTE dans la mise en œuvre de sanctions graduées.

M. Stéphane Viry. Il s’agit de répondre à des situations de fait : parfois, certains SST ne se montrent pas à la hauteur mais la DIRECCTE n’a pas les moyens de les sanctionner. Afin qu’il ne lui soit plus impossible, pour diverses raisons, de refuser ou de retirer l’agrément, il est nécessaire de renforcer et de sécuriser le dispositif par la voie législative, tant pour celle-ci que pour les SST dont l’obligation de moyen sera renforcée.

M. Philippe Vigier. Ces amendements sont importants. D’abord, ils donnent à ceux qui auront à décider que tel ou tel organisme ne pourra exercer ces compétences en matière de santé au travail une base légale, qui évitera toute possibilité d’interprétation, donc de fragilisation. Ensuite, ils permettent de renforcer l’agrément. Dans le domaine de la biologie médicale, par exemple, c’est très simple : ne pas être agréé pour certains actes fait que ceux-ci ne sont plus remboursés. Il faut donc bien que la qualité soit au rendez-vous. Enfin, ils rétabliraient l’équité entre les citoyens. Comment expliquer que certains bénéficient de SST de qualité et d’autres, dans les territoires où la désertification médicale est extrêmement avancée, de SST en mode dégradé ?

Ces dispositions seraient donc un gage d’efficacité du texte. Sauf si l’on veut accorder une prime à ceux qui font moins bien le travail, elles me paraissent importantes pour les salariés.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Les services de santé au travail sont déjà censés définir un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Or nombre d’entre eux ne le font pas et ne sont pas sanctionnés. Cet amendement me paraît donc important : si l’on donne un rôle plus important aux services de santé au travail, il faut pouvoir prendre des mesures lorsque les choses ne se passent pas bien et pouvoir les contraindre à respecter la loi.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. Nous partageons totalement l’idée qu’il faut introduire une échelle de sanctions, mais ces amendements ne nous semblent pas présenter les garanties nécessaires. Je vous invite à les retirer, afin que nous puissions continuer à travailler ensemble sur ces questions jusqu’à la séance.

Mme Annie Vidal. Il me semble qu’on fait un lien trop rapide entre démographie médicale, territoires ruraux et mauvaise qualité de la prise en charge. Les territoires ruraux ont, malgré leur déclin démographique, une qualité de prise en charge médicale qui repose sur l’engagement des professionnels de santé.

M. Stéphane Viry. Je maintiens mon amendement, car je ne vois pas très bien ce que l’on peut y ajouter.

M. Philippe Vigier. Qu’est-ce que l’administration pourrait apporter de plus ? C’est nous qui faisons la loi et je trouve que les options proposées – refuser ou retirer l’agrément, proposer un agrément provisoire sous condition ou rattacher le service à un autre service agrémenté – sont tout à fait pertinentes : c’est déjà ce qui s’applique pour d’autres délégations données à des collectivités ou dans la fonction publique hospitalière. Ce texte entend renforcer l’agrément et c’est une très bonne chose : c’est une façon d’assurer l’équité entre les salariés. Ne pas voter cet amendement, renvoyer à une disposition dont on ne connaît pas la teneur, ce serait affaiblir le texte.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’article D. 4622-51 du code du travail prévoit déjà des procédures de refus, de retrait ou de modification de l’agrément. Comment se fait-il que ces dispositions ne s’appliquent pas ? C’est sur ce point qu’il conviendrait peut-être d’agir.

M. Paul Christophe. Je vais maintenir mon amendement, car il a le mérite d’aller au-delà de ce que prévoit la réglementation actuelle, en proposant de rattacher le service qui perdrait son agrément à un autre service agrémenté. Il me semble important de marquer cette avancée dès l’examen en commission.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. M. Viry a bien souligné le problème que peut poser le retrait de l’agrément : dans certains territoires, il aboutit tout simplement à la fin du suivi en matière de santé au travail. Il faut une échelle de sanctions, c’est certain, mais nous réfléchissons plutôt à des sanctions financières, qui pourraient avoir un effet incitatif. Je vous invite de nouveau à retirer vos amendements, afin que nous puissions travailler ensemble sur ces questions.

M. Bernard Bouley. Les SST qui n’ont plus l’agrément de la DIRECCTE mettent les entreprises dans une situation très difficile, puisque les inaptitudes ne peuvent plus être reconnues légalement. Je ne crois pas que c’est en introduisant des punitions qu’on règlera le problème : rattacher le service qui a perdu son agrément à un service voisin semble être la seule solution.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS278 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit de préciser que les acteurs et opérateurs de prévention que sont notamment les CARSAT ou les associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail travaillent ensemble, de manière coordonnée, dans les actions de prévention qu’ils conduisent. Dans ce cadre, nous proposons un mécanisme de « droit à l’expérimentation », afin de faciliter et de valoriser les initiatives locales. Les services locaux, qui sont chapeautés par les directions centrales, aimeraient pouvoir lancer leurs propres expérimentations, faire leurs propres propositions.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. La coordination entre les acteurs, que vous appelez de vos vœux, et que nous approuvons, est déjà possible. Par ailleurs, votre rédaction me semble un peu imprécise. Demande de retrait.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Permettez-moi d’insister. Les directions centrales ont tendance à bloquer le système. Or il importe de faire respirer les organismes qui interviennent aux niveaux régional, départemental et local. Si tout vient toujours d’en haut, aucune initiative ne peut venir du terrain. J’ajoute que cet amendement ne propose qu’une expérimentation.

M. Philippe Vigier. Cet amendement est intéressant, car il peut favoriser la mutualisation des moyens, qui est essentielle, notamment dans les territoires isolés. La coopération au niveau local est un gage de qualité : c’est cela, l’application de la loi au dernier kilomètre ! Et puis, il s’agit d’une expérimentation, qui aura une dimension plus organisationnelle que financière. On ne prendrait pas un risque considérable en adoptant cet amendement.

M. Bernard Bouley. L’expérimentation que vous proposez est déjà une réalité, puisque les CPOM associent de nombreux partenaires : je peux vous assurer que, sur le terrain, les services de santé au travail collaborent déjà avec tous les acteurs concernés. On est déjà au-delà de l’expérimentation.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement traduit le sentiment qu’ont exprimé certains des acteurs auditionnés de ne pas trouver pleinement leur place. Même si ce qu’il propose existe déjà, il a le mérite de réaffirmer la volonté de ceux-ci de collaborer et de concevoir des protocoles de collaboration. C’est en tout cas le sens que je lui donne.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8, modifié.

Après l’article 8

La commission est saisie de l’amendement AS112 de M. Vincent Thiébaut.

M. Thierry Michels. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport présentant un état des lieux des conditions d’exercice des intervenants en prévention des risques professionnels afin de savoir, notamment, s’il existe des inégalités territoriales.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 9 : Modification de la tarification des services de prévention et de santé au travail interentreprises

La commission examine les amendements AS394 et AS395 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. L’amendement AS394 est rédactionnel.

L’amendement AS395 a pour objet de confier au conseil d’administration la compétence d’approbation du montant des cotisations et de la grille tarifaire, et d’assurer la bonne information de l’assemblée générale à ce sujet.

La commission adopte successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS13 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Nous proposons de légaliser le mode de calcul de la cotisation due par les employeurs lorsqu’ils adhèrent à un service de médecine du travail interentreprises. Il s’agit d’inscrire dans la loi la règle d’une tarification calculée « par tête » en équivalents temps plein, afin de la rendre plus contraignante et incontestable. Cela va dans le sens de la jurisprudence et des circulaires de la direction générale du travail (DGT).

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. Votre amendement me semble satisfait par la réglementation en vigueur. Du reste, cette question n’a pas été abordée dans l’ANI.

Demande de retrait.

M. Thibault Bazin. La DGT avait prévu une période transitoire avant de légiférer sur ce point pour que tout le monde ait le temps de s’adapter. Le moment est venu de reprendre dans la loi ce qui a été confirmé par la Cour de cassation en 2018. Dans le texte actuellement à l’étude dans l’hémicycle, n’inscrivez-vous pas dans la loi des éléments de la jurisprudence ? Il importe de clarifier les questions relatives à la tarification.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9, modifié.

Article 10 : Renforcement de la transparence des documents produits par les services de prévention et de santé au travail interentreprises

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS397 des rapporteures.

Puis elle est saisie de l’amendement AS349 de Mme Catherine Fabre.

Mme Catherine Fabre. Nous proposons que le rapport annuel d’activité, désormais confié au service de prévention et de santé au travail, comporte des données présentées par sexe. Ces données figuraient dans le rapport du médecin du travail et il importe qu’il en soit toujours ainsi, afin que l’on puisse s’assurer de l’égal accès des hommes et des femmes à la santé et, le cas échéant, identifier des facteurs liés au genre dans la santé au travail.

Suivant l’avis favorable de Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS398 des rapporteures.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS30 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS60 de M. Stéphane Viry et AS243 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Paul Christophe. Par cet amendement AS30, nous proposons d’ajouter le rapport financier aux documents devant être communiqués et rendus publics.

M. Stéphane Viry. La situation financière des SST suscitant certains fantasmes – ils prélèveraient, par exemple, des cotisations élevées sur les entreprises et thésauriseraient –, il paraît important de disposer d’informations précises à ce sujet.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. Ces amendements me semblent satisfaits. S’agissant de la transparence financière, l’article 8 prévoit que l’évolution de la tarification fait partie des critères de la certification. En outre, la publication du rapport annuel d’activité comprend déjà des éléments relatifs à la gestion financière du service de santé au travail.

Demande de retrait.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je m’interroge sur la finalité de la transmission de tous ces éléments au comité régional de prévention et de santé au travail. Est-ce à des fins d’études et de statistiques ? Il me semble problématique de ne pas préciser l’objectif de cette transmission.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 10, modifié.

Article 11 : Permettre aux professionnels de santé des services de prévention et de santé au travail d’accéder aux dossiers médicaux partagés

La commission examine l’amendement de suppression AS128 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’article 11 permet aux médecins et infirmiers du travail d’accéder au DMP du salarié. Dans notre rapport sur les maladies et pathologies professionnelles, nous avons montré qu’il fallait effectivement créer un lien entre le médecin traitant et le médecin du travail, mais que ce lien devait être à sens unique, en direction du médecin traitant. Or l’article 11 introduit une transmission d’informations dans les deux sens, ce qui nous paraît problématique, car les deux médecins n’ont pas exactement la même mission auprès du salarié. S’il est nécessaire que le médecin traitant ait accès aux données du médecin du travail, notamment pour évaluer les causes professionnelles de certaines pathologies, l’inverse n’est pas évident, surtout en l’état actuel de la structuration des services de santé au travail.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. Je suis évidemment défavorable à cet amendement de suppression, car l’article 11 introduit l’une des dispositions majeures de cette proposition de loi. L’objectif, je le rappelle, est d’abattre les cloisons entre la santé publique et la santé au travail, et ainsi d’assurer une bonne coordination entre les professionnels de santé, autour du salarié. Pour cela, il importe que le médecin du travail dispose de toutes les informations dont il a besoin. Nous nous sommes habitués à cette séparation entre santé publique et santé au travail, en oubliant que le médecin du travail a pour mission première de préserver la santé du salarié, qu’il agit au service et dans l’intérêt du salarié. Pour qu’il fasse son évaluation de la manière la plus fiable possible, il faut qu’il dispose de toutes les informations nécessaires. Notre préoccupation, c’est que le salarié soit accompagné au mieux dans les démarches d’adaptation du poste, de prévention de la désinsertion professionnelle et de prévention contre l’usure professionnelle.

M. Pierre Dharréville. Il va falloir approfondir cette discussion sur les rôles respectifs du médecin traitant et du médecin du travail, et sur les données dont ils doivent disposer. Le risque – et des médecins du travail me l’ont dit eux-mêmes –, c’est que l’on oriente leur travail vers une sorte de médecine de sélection, ce qui n’est pas leur souhait, ni leur fonction. Le salarié, quand il se présente devant le médecin du travail, est tout à fait capable de lui faire part d’un certain nombre de choses, de questions qui lui sont propres, mais la transmission d’informations entre médecin traitant et médecin du travail relève d’une autre démarche.

M. Didier Martin. Les informations contenues dans le DMP appartiennent avant tout à son titulaire. Il faut certes travailler au décloisonnement de la santé publique et de la santé au travail, mais il faut s’assurer que le médecin du travail ait un échange avec le salarié, qu’il lui fasse comprendre clairement l’objet de l’ouverture du DMP et qu’il s’assure de son consentement libre et éclairé. Notre groupe a déposé un amendement qui prévoit qu’à tout moment le salarié peut revenir sur cet accord et qu’en aucun cas sa décision d’accepter ou de refuser l’ouverture de son DMP n’est divulguée à l’employeur.

L’accès du médecin du travail au DMP constitue un progrès pour la santé du salarié, mais il doit être très strictement encadré.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS399 des rapporteures, qui fait l’objet du sousamendement AS463 de M. Stéphane Viry.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. Il arrive déjà que des échanges aient lieu entre le médecin généraliste et le médecin du travail, mais ce n’est pas toujours simple. Le salarié, pour sa part, n’est pas toujours capable de transmettre les informations qui seraient utiles au médecin du travail. C’est pourquoi il nous a paru nécessaire d’améliorer la transmission d’informations et de la sécuriser, qu’elle soit ou non liée au DMP.

C’est notamment parce que la question du DMP nous semblait particulièrement délicate que nous avons sollicité l’avis du Conseil d’État. Cet amendement reprend ses recommandations et va même au-delà ; il nous semble satisfaire tous les amendements qui ont été déposés sur ce sujet.

Il prévoit que le médecin du travail accède au DMP par une voie différente de celle des autres professionnels de santé, eu égard à sa position particulière dans ses relations avec le travailleur. L’accès du médecin du travail au DMP sera donc conditionné au consentement exprès du travailleur.

L’amendement rappelle que le médecin du travail est évidemment tenu au secret médical, qu’il travaille exclusivement dans l’intérêt de la personne qu’il suit et qu’il dispose de garanties d’indépendance à l’égard de l’employeur, en tant que salarié protégé.

Nous allons au-delà des préconisations du Conseil d’État en prévoyant que le refus du salarié de laisser le médecin du travail accéder à son DMP n’est pas communiqué à l’employeur. Ce refus ne peut constituer une faute ni un motif justifiant l’émission d’un avis d’inaptitude. Dans le même esprit, l’amendement ouvre l’accès au DMP au seul médecin du travail – lui seul ayant le statut de salarié protégé – et non à l’ensemble de l’équipe soignante.

Enfin, nous avons inscrit la protection des données comme l’un des critères de certification des services de santé au travail : ces derniers devront démontrer qu’ils respectent bien le RGPD. Ces mesures permettent de sécuriser non seulement des données qui pourraient être obtenues dans le cadre de l’accès au DMP mais, d’une façon plus globale, toutes les données de santé dont dispose le médecin du travail.

Je vous invite à adopter cet amendement, qui suit les recommandations du Conseil d’État, qui consolide juridiquement toutes les dispositions de protection des données et de consentement du salarié et qui répond aux préoccupations exprimées dans vos amendements.

M. Stéphane Viry. Je vous rejoins, madame la rapporteure : je considère que favoriser la connaissance de l’état de santé de la personne par le médecin du travail est une bonne chose – le DMP, en soi, est une bonne chose. Dans son rapport sur le DMP, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a montré que ce dispositif est calibré et pertinent, mais qu’il est sous-utilisé dans notre organisation des soins et dans la prise en charge des patients.

Qu’à travers cette proposition de loi, on cherche à mettre le DMP au service de l’état de santé des travailleurs me semble être une très bonne chose également, dès lors qu’on respecte les principes inscrits dans le code de la santé publique, notamment le consentement de la personne concernée. Avec le sous-amendement AS463, je propose que le médecin conseil de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ait également accès au DMP, car il fait partie de la chaîne responsable de la santé du salarié. Il paraîtrait incohérent de le tenir à l’écart. Il me semble que ce sous-amendement s’inscrit parfaitement dans la logique du texte et complète votre amendement.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je remercie les rapporteures pour cet amendement qui réécrit l’article 11. Il témoigne de leur capacité d’écoute et de conciliation, aussi bien vis-à-vis de leurs collègues parlementaires que des diverses personnes auditionnées. Avec cet amendement, qui reprend les recommandations du Conseil d’État, nous allons assurer un accès spécifique du médecin du travail, et de lui seul, au DMP. Le patient devra donner son consentement exprès et son refus ne constituera pas une faute – c’est un ajout auquel je n’avais pas pensé. Tout cela va dans le bon sens et répondra aux appréhensions qui ont pu s’exprimer. Je retire donc, par avance, mon amendement AS341.

Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, rapporteure. Le sous-amendement correspond effectivement à l’esprit du texte mais ce qui me gêne, c’est que nous n’avons pas abordé cette question dans le cadre des concertations, et que nous ne l’avons pas soumise au Conseil d’État. Par prudence, j’émettrai donc un avis défavorable.

M. Stéphane Viry. Vous auriez pu vous en tenir à un avis de sagesse, considérant que je ne dénature pas votre réécriture de l’article 11. Si vous voulez faire une vraie réforme des services de santé au travail, il faut faire preuve d’ambition. Or il me semble que ce sous‑amendement maximiserait le DMP.

Par ailleurs, ce n’est pas le Conseil d’État qui décide de la loi française : la loi se fait ici, au Parlement ! Je veux bien que l’on aille prendre des avis consultatifs, mais il faut aussi savoir s’affranchir de la tutelle administrative, qui en vient à dénaturer l’acte législatif de notre assemblée. J’aurais préféré que vous vous en remettiez à la sagesse de notre commission, sans influencer nos collègues.

M. Paul Christophe. J’ai déjà rappelé à maintes reprises mon attachement au DMP. Je suis très satisfait de l’amendement que vous proposez, madame la rapporteure, car il corrige une faiblesse que j’avais pointée dans l’un des miens, en rendant nécessaire le consentement exprès du salarié. Il est très important de sanctuariser l’accord donné par le salarié sur l’accès à son propre DMP. Je retirerai donc mon amendement AS155.

Mme Jeanine Dubié. Je remercie Mmes les rapporteures d’avoir tenu compte de l’avis du Conseil d’État dans cet amendement qui reprend des propositions formulées par le groupe Libertés et Territoires : la possibilité pour le salarié de refuser au médecin du travail l’accès à son DMP, sans que cela ait de conséquence pour lui et sans que son employeur en soit informé ; l’accès au DMP limité au seul médecin du travail.

Je suis totalement opposée au sous-amendement de notre collègue Stéphane Viry, car j’estime que chacun doit rester dans son rôle : le médecin de la sécurité sociale est un médecin contrôleur, alors que nous parlons ici de prévention. Mélanger les deux fonctions ne me semble pas être une bonne chose. Il faut laisser le médecin contrôleur de la sécurité sociale dans son rôle de contrôle ; sa décision peut avoir une vraie incidence sur le montant des indemnités ou la situation du salarié.

Je retire par avance mes amendements AS163 et AS168 qui, de toute façon, tomberont.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Depuis le début, on nous dit : « Tout l’ANI, rien que l’ANI », et je me réjouis que l’on en sorte finalement pour procéder à une vraie production législative. Je vous en remercie, mesdames les rapporteures.

Je suis l’auteur du rapport sur le DMP que notre collègue Stéphane Viry a évoqué : c’est effectivement un moyen de coordonner l’intervention des différents médecins et il faut le développer. Dans le DMP peuvent figurer des antécédents ou des traitements reçus par le patient, d’où l’importance que le médecin du travail y ait accès avec l’accord du salarié. J’avais également un amendement AS274 prévoyant que le refus de donner accès au DMP ne puisse pas être sanctionné : je vais donc, moi aussi, le retirer. Nous verrons si nous pouvons encore améliorer le dispositif d’ici à la séance, mais je vous remercie d’ores et déjà pour ce travail parlementaire.

M. Didier Martin. L’amendement AS350 de notre groupe va également être satisfait ; je le retire. Nous avons également voulu poser des garde-fous à l’ouverture du DMP, qui a besoin de beaucoup d’avocats, tant il a du mal à s’implanter. L’ouverture du DMP au médecin du travail va dans le sens de son bon usage. Les barrières sont là, et le DMP reste bien la propriété du salarié. Même si, comme l’a dit Stéphane Viry, c’est bien ici que nous faisons la loi et non pas au Conseil d’État, je remercie les rapporteures qui ont pris soin de border le texte grâce à ses nombreuses recommandations.

Sur le point des libertés individuelles, les garanties sont réunies. Je partage également les propos de Mme Dubié : le médecin de la CPAM a un rôle de contrôle. Il ne faut pas oublier le rapport, quel qu’il soit d’ailleurs, qui existe entre le salarié et ce médecin. De même qu’on ne peut pas autoriser des perquisitions sans mandat, on ne peut pas se servir de l’ouverture du DMP pour autoriser toute investigation dans ce qui reste un bien personnel du salarié.

Mme Caroline Fiat. Je proposerai, pour la séance, un amendement au dispositif introduit par votre amendement, qui répond en partie à nos demandes. Si nul n’est censé ignorer la loi, il n’est pas toujours simple pour les gens de faire entendre raison. C’est pourquoi il vaut mieux que ce soit au médecin de demander au salarié l’autorisation d’accéder à ses données de santé plutôt qu’au salarié de refuser la communication de ses données de santé au médecin. Dans ce sens, on sera sûr que chaque salarié disposera de l’information selon laquelle il n’a pas l’obligation de partager toutes ses données de santé avec le médecin du travail.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Concernant le sous-amendement de M. Viry, je me demandais si cette possibilité n’était pas déjà offerte, puisque le médecin conseil ne fait pas partie des catégories interdites d’accès au DMP, parmi lesquelles on trouve la médecine du travail, les mutuelles et les assurances, les banques ou encore l’employeur. À partir du moment où un patient peut de lui-même demander un rendez-vous à son médecin conseil, il peut aussi souhaiter lui donner l’accès de son DMP.

La commission rejette le sous-amendement puis adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 est ainsi rédigé et les amendements AS206 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS252 de M. Stéphane Viry et AS207 de Mme Caroline Fiat tombent, les amendements AS341 du rapporteur général, AS163 de Mme Jeanine Dubié, AS350 de M. Didier Martin, AS155 de M. Paul Christophe, AS168 de Mme Martine Wonner et AS274 de M. Cyrille Isaac-Sibille ayant été retirés.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement AS276 de M. Cyrille IsaacSibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Le DMP est une espèce d’armoire fourre-tout où s’empilent les documents et qui commence tout juste à être structuré, le médecin traitant réalisant, une fois par an, une fiche de synthèse comprenant les antécédents du patient, ses traitements ou encore ses allergies. L’amendement vise à créer un espace dédié à la santé au travail, afin de distinguer plus aisément les différents risques auxquels le travailleur a pu être exposé et voir les pathologies liées à son travail.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Demande de retrait. Votre amendement nous semble satisfait par le dossier médical en santé au travail (DMST).

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il me semble malgré tout indispensable de structurer le DMP avec un espace dédié au travail.

La commission rejette l’amendement.

Article 12 : Faciliter et sécuriser l’accès au dossier médical en santé au travail

La commission examine les amendements identiques AS32 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS62 de M. Stéphane Viry.

M. Paul Christophe. Par respect du principe d’égalité de traitement entre les salariés, notre amendement AS32 vise à permettre au médecin praticien correspondant (MPC) de constituer le DMST.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Avis défavorable.

Le dispositif n’existant pas encore, il ne semble pas pertinent, à ce stade, d’offrir à un autre praticien que le médecin du travail une telle prérogative.

M. Paul Christophe. Je ne comprends pas très bien votre argument. Cela voudrait dire qu’il faudrait faire une nouvelle loi pour ajuster le dispositif ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je ne comprends pas très bien non plus la réponse de la rapporteure. L’amendement vise‑t‑il bien à ouvrir l’accès du DMST aux médecins praticiens correspondants ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Je suis entièrement favorable à l’idée que les MPC puissent consulter le DMST, mais pas à ce qu’ils en soient les auteurs.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements AS400, de coordination, AS401, rédactionnel, et AS402, de coordination, des rapporteures.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS403 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il vise à restreindre les informations inscrites au sein du DMST aux seuls éléments nécessaires à la coordination des soins, à l’instar de ce qui se pratique pour le DMP.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS169 de Mme Martine Wonner.

Mme Jeanine Dubié. Il vise à recueillir le consentement explicite du salarié concernant le partage de son DMST.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Nous partageons votre intention, qui est satisfaite par l’amendement AS407 dont nous préférons la rédaction – la formule « sous réserve du consentement » nous semble plus ferme que « après consentement ».

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS344 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il vise à instaurer un monopole des professionnels de la médecine du travail dans l’alimentation du dossier médical partagé en santé au travail des patients. En effet, si tous les professionnels de santé y ont accès, il semble pertinent que seuls les professionnels de la médecine du travail puissent alimenter la partie santé au travail du DMP.

Suivant l’avis favorable de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS404 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il vise à préciser les professionnels de santé ayant accès au DMST.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS407 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il vise à prévoir le consentement exprès du travailleur pour la consultation de son DMST.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS254 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Parmi les médecins ayant accès au DMST, qu’en est-il du médecin conseil de la CPAM – celui-là même que j’avais tenté d’introduire avec mon sous‑amendement précédent ? Il me semble important de favoriser la coordination des soins.

Suivant l’avis défavorable de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS49 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Il vise à permettre au DMST de suivre le salarié, conformément à l’ANI.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Avis défavorable. Nous préférons maintenir la nécessité du consentement préalable du travailleur.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision AS406 des rapporteures.

Puis elle adopte l’article 12, modifié.

Après l’article 12

La commission est saisie de l’amendement AS262 de Mme Valérie Beauvais.

M. Stéphane Viry. L’amendement est défendu.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS121 de Mme Aina Kuric.

M. Paul Christophe. L’amendement est défendu.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 13 : Intégrer dans le système national de données de santé les données de santé issues du dossier médical en santé au travail

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS208 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Nous ne comprenons pas l’intérêt de cet article dont le but est déjà satisfait par l’article L. 1461-1 du code de la santé publique : « Les données de santé recueillies lors des visites d’information et de prévention, telles que définies à l’article L. 46241 du code du travail ». Cette disposition est suffisante pour bénéficier d’une photographie de l’état de santé de la population au travail et voir les évolutions des pathologies liées au travail, en plus de garantir l’anonymat des personnes.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS408 des rapporteures.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Il vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article, notamment afin d’éviter les doublons avec le droit en vigueur, que soulignait Caroline Fiat, et d’apporter des précisions sur les catégories de données recueillies dans le cadre du DMST qui seront intégrées dans le système national de données de santé.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 13 est ainsi rédigé et les amendements AS209 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS210 de Mme Caroline Fiat tombent.

Après l’article 13

La commission examine l’amendement AS256 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Il vise à y voir plus clair sur l’avancée législative permise par l’article 13, en sollicitant un rapport.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Demande de retrait. Nous partageons votre intérêt mais votre demande semble un peu prématurée.

M. Stéphane Viry. Je le retire pour le redéposer en séance… en 2023.

Mme Caroline Fiat. Je veux bien des explications. D’abord, Mme la rapporteure a dit que j’avais raison avec l’amendement AS208, qui a pourtant été rejeté. Ensuite, son amendement AS408 a fait tomber le mien, l’amendement AS210, par lequel je demandais que les données de santé soient stockées sur un support matériel français, ce qui n’a rien à voir avec l’amendement adopté. Comment cela est-il possible ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. L’amendement de la rapporteure était un amendement de rédaction globale de l’article 13. L’article ayant été entièrement récrit, les autres amendements tombent automatiquement.

L’amendement est retiré.

Titre III 
Mieux accompagner certains publics, notamment vulnérables, et lutter contre la désinsertion professionnelle

Avant l’article 14

La commission examine l’amendement AS351 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Il revêt, à mes yeux, une très grande importance symbolique. Nous devons nous assurer de mentionner explicitement la situation des personnes handicapées, dont le taux d’emploi en entreprise est en deçà de l’objectif de 6 %. Il faut travailler à accompagner ces personnes le mieux possible. Le titre III manifeste notre attachement à la prise en compte du handicap, pour une société inclusive dans le travail. Le monde du handicap a des attentes très fortes à ce sujet, comme je l’ai perçu en échangeant avec des membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées, avec des universitaires de l’Université Paris-Est Créteil ou d’autres associations. Une personne peut être vulnérable du fait de son niveau de formation, alors que, inversement, une personne en situation de handicap n’a pas nécessairement de problèmes liés à son handicap dans son entreprise.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis favorable, dans la mesure où nous souscrivons à l’enjeu politique que vous avez souligné et à votre message en faveur des publics en situation de handicap.

Mme Jeanine Dubié. Je tiens à saluer la vigilance de notre collègue. Inscrire le mot « handicap » dans le titre III est très important : c’est aussi une manière de reconnaître la nécessité de travailler à l’insertion des personnes en situation de handicap.

La commission adopte l’amendement.

Article 14 : Création d’une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises

La commission examine l’amendement AS98 de M. Bruno Duvergé.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, « l’article 14 prévoit qu’au sein des services de prévention et de santé au travail, autonomes et interentreprises, une cellule sera dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle ». Or l’article créant cette cellule est inséré dans la section du code du travail consacrée aux services de santé au travail interentreprises, après l’article L. 4622-8 ; les salariés suivis par les services autonomes de santé au travail des grandes entreprises se retrouvent donc exclus du projet. L’amendement vise à prendre en compte l’ensemble des services de santé au travail, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’intention est légitime ; néanmoins, il semble prématuré de prendre de telles dispositions. Les services de santé au travail autonomes ne sont pas encore multidisciplinaires et leurs indicateurs restent à consolider. À l’instar du secrétaire d’État, M. Laurent Pietraszewski, nous pensons que l’offre des services de santé au travail interentreprises, d’une part, et autonomes, d’autre part, convergera progressivement mais que les conditions ne sont pas remplies pour que cet objectif soit atteint immédiatement.

Avis défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il me semble tout de même important de suivre les recommandations du Conseil d’État : « L’article 14 de la proposition de loi crée des cellules pluridisciplinaires de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de prévention et de santé au travail. Si l’exposé des motifs indique que ces cellules seront créées au sein des services autonomes et des services interentreprises, l’emplacement choisi dans le code du travail pour introduire l’article les concernant conduit à ne le rendre applicable qu’aux services interentreprises. » Cela me paraît fou de priver 10 % des salariés de ces cellules !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS68 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS245 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Paul Christophe. La cellule de prévention de la désinsertion professionnelle créée par la proposition de loi dans les services de prévention et de santé au travail est constituée d’un panel représentatif de leurs différents intervenants. L’amendement AS68 vise à préciser le rôle de la cellule au titre des acteurs externes aux services.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Demande de retrait.

Votre rédaction présente l’inconvénient de ne pas préciser qui pourrait signaler les situations de désinsertion professionnelle à la cellule. Or il ne faudrait pas laisser entendre qu’elle pourrait être saisie par n’importe quelle autorité et serait dépourvue de toute marge d’appréciation quant à la nécessité de prendre en charge ou non les personnes exposées à un risque de désinsertion professionnelle ou en situation de désinsertion professionnelle.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS329 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Il vise à mieux mettre en avant l’implication du salarié dans l’élaboration du plan de retour au travail.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je ne suis pas convaincue par la nécessité de modifier les termes retenus. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de cohérence AS409 des rapporteures.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS410 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il vise à reprendre, dans leur intégralité, les termes de l’article L. 4624-3 du code du travail. De cette manière, il sera parfaitement établi que les mesures dont il est question ici sont bien celles prévues à l’article.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS411 des rapporteures.

Elle examine ensuite l’amendement AS352 de M. Thierry Michels, qui fait l’objet du sousamendement AS464 de Mme Caroline Janvier.

M. Thierry Michels. Cet amendement de cohérence prévoit la collaboration des cellules pluridisciplinaires de prévention de la désinsertion professionnelle constituées au sein des services de prévention et de santé au travail avec l’ensemble des services de l’assurance maladie impliqués dans l’accompagnement des assurés, de manière à renforcer également la collaboration avec les acteurs du domaine du handicap.

Mme Caroline Janvier. Le sous-amendement vise à prévoir la collaboration des cellules pluridisciplinaires de prévention de la désinsertion professionnelle constituées au sein des services de prévention et de santé au travail avec les acteurs en charge de l’emploi accompagné.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis favorable à l’amendement modifié par le sous-amendement. Cette précision sur l’organisation de la collaboration entre organismes est bienvenue.

Mme Jeanine Dubié. Je me permets d’intervenir dans la mesure où je pense que l’adoption de cet amendement va faire tomber les nôtres. La nouvelle rédaction permettrait de bien prendre en compte tous les acteurs travaillant à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Je retire donc les amendements AS79 et AS80.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je me réjouis de cette nouvelle rédaction. Il est important que les services sociaux de l’assurance maladie puissent être associés. Les difficultés sociales rencontrées par les salariés étant de nature à entraîner de nombreux troubles, il est très important de pouvoir utiliser l’ensemble des ressources proposées par l’assurance maladie. Je retire l’amendement AS283.

Mme Michèle Peyron. Je retire l’amendement AS319, relatif au même sujet.

M. Stéphane Viry. Je souscris également à la nouvelle rédaction, qui intègre clairement les acteurs de la prise en charge du handicap, et retire l’amendement AS50.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

En conséquence, les amendements AS25 de M. Stéphane Testé et AS182 de M. Guillaume Chiche tombent, les amendements AS283 de Mme Michèle de Vaucouleurs, AS50 de M. Stéphane Viry, AS79 de Mme Jeanine Dubié, AS319 de Mme Sylvie Charrière et AS80 de Mme Jeanine Dubié ayant été retirés.

La commission est saisie de l’amendement AS412 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il vise à faire référence, dans une rédaction plus englobante, aux différents organismes intervenant dans l’insertion professionnelle.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS330 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Il vise à inclure toutes les structures qui contribuent à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap dans l’entreprise – Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, Cap emploi ou Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique –, de manière à nous assurer que la nouvelle cellule pluridisciplinaire s’appuiera bien sur l’ensemble de l’écosystème existant pour accompagner les personnes en situation de handicap dans l’entreprise.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous considérons que votre amendement a été en partie satisfait par l’adoption de l’amendement AS352.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS238 de Mme Cécile Delpirou.

Mme Cécile Delpirou. Il vise à confier une mission d’information à la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle. De nombreux salariés en situation de handicap ne se déclarent pas travailleurs handicapés, le plus souvent par méconnaissance de leurs droits. La cellule pourrait avoir comme rôle d’informer tous les salariés des possibilités de se déclarer travailleur handicapé. Cela est particulièrement important pour les porteurs de handicaps invisibles et évolutifs.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous partageons votre préoccupation. Toutefois, la cellule pourra informer le travailleur de la possibilité d’être reconnu comme travailleur handicapé, quand bien même cela ne serait pas prévu dans la loi. Il me semble que cette précision ne s’impose pas.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Cécile Delpirou. Je le maintiens, parce qu’il me semble important d’apporter cette précision, de sorte que chaque salarié puisse bénéficier de l’information.

M. Thierry Michels. Cela me semble, en effet, très important. On connaît la réticence que certains ont à demander leur reconnaissance comme travailleur handicapé. Cela peut se traduire par un manque de prise en compte par l’employeur des conditions spécifiques dans lesquelles se trouve la personne, ce qui nuit à la prévention que nous appelons tous de nos vœux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 14, modifié.

Article 14 bis (nouveau) : Amélioration du partage d’informations entre les organismes d’assurance maladie et les services de prévention et de santé au travail

La commission est saisie de l’amendement AS355 de Mme Catherine Fabre.

Mme Catherine Fabre. Il a pour but d’améliorer le partage d’informations entre les organismes d’assurance maladie et les services de prévention de santé au travail, dans le but d’identifier de façon aussi précoce que possible les salariés concernés par un risque de désinsertion professionnelle. L’idée est d’aménager le poste de ces salariés, d’accompagner ces derniers pour éviter la désinsertion professionnelle.

Il s’agit d’instaurer une réciprocité de manière à renforcer la coordination : l’organisme d’assurance maladie informe le service de santé au travail de l’existence du risque, ledit service l’avisant en retour qu’il prend acte du risque et accompagne le salarié. Il est crucial de prendre en charge rapidement les personnes présentant un risque de désinsertion professionnelle si l’on veut les maintenir dans l’emploi.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cet amendement s’inscrit pleinement dans l’objectif de notre proposition de loi de lutter contre la désinsertion professionnelle et mieux appréhender la situation des travailleurs exposés à des risques. Dans cette perspective, le renforcement de la coordination entre les organismes intervenant en matière de prévention de la désinsertion professionnelle me paraît tout à fait adapté.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 14

La commission examine l’amendement AS156 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Conformément à l’objectif de repérer précocement les risques de désinsertion du salarié, cet amendement prévoit le renforcement des liens et des échanges entre médecin traitant, médecin du travail et médecin conseil : la circulation des informations entre eux est essentielle. Le présent amendement a pour objet de donner un support législatif à ces échanges.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je comprends parfaitement l’intention. Néanmoins, la formulation de l’amendement me paraît manquer de précision : il faudrait indiquer la nature des éléments que le médecin traitant, le médecin conseil et le médecin du travail peuvent échanger. S’ils sont d’ordre médical, on ne saurait y manquer. La question du traitement des données individuelles est extrêmement sensible.

En conséquence, je ne saurais émettre un avis favorable sur cet amendement, qui me semble d’ailleurs en partie satisfait par l’amendement AS355, que nous venons d’adopter.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous en revenons à l’intérêt qu’il y aurait à posséder une messagerie sécurisée pour favoriser ces échanges entre le médecin traitant et le médecin du travail, qui sont tout à fait pertinents et doivent être fluides.

La commission rejette l’amendement.

Article 14 ter (nouveau) : Participation du « référent handicap » à l’accompagnement, par les services de prévention et de santé au travail, des personnes en situation de handicap

La commission est saisie de l’amendement AS353 de Mme Caroline Janvier.

Mme Caroline Janvier. Il a pour objectif d’expliciter le rôle du référent handicap en matière de prévention et de santé au travail. Celui-ci peut venir en appui des services de prévention et de santé au travail, en particulier en ce qui concerne le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap et la prévention de la désinsertion professionnelle. Afin de garantir la prise en compte des situations de handicap au travail, le référent handicap peut être associé au rendez-vous de préreprise entre le salarié et l’employeur, comme le prévoit l’article 18 de la proposition de loi pour le service de prévention et de santé au travail. Il peut également être sollicité par le médecin du travail dans le cadre des propositions d’adaptation formulées à l’issue de l’entretien de mi-carrière.

Suivant l’avis favorable de Mme Carole Grandjean, rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Après l’article 14

La commission examine l’amendement AS211 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Même s’il serait ubuesque de voir un salarié licencié pour faute au motif que son poste n’a pas pu être aménagé, nous souhaitons rendre impossible ce genre de situation en inscrivant dans la loi le principe suivant : « Nul ne peut être licencié pour faute car son poste ne peut être aménagé, adapté ou transformé de manière à favoriser son retour au travail. » Mieux vaut prévenir que guérir.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je ferai un bref rappel de l’état du droit.

L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée par le médecin du travail lorsque l’état de santé physique ou mentale du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe. Toutefois, le processus est strictement encadré.

Avant de prendre sa décision, le médecin du travail doit effectuer au moins un examen médical du salarié concerné et procéder ou faire procéder à une étude de son poste de travail. C’est uniquement lorsqu’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation n’en est possible, alors que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste, que le médecin du travail peut le déclarer inapte.

L’avis d’inaptitude oblige l’employeur à rechercher un reclassement pour le salarié. L’emploi proposé doit être aussi compatible que possible avec l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que des mutations, des aménagements, des adaptations ou transformations de postes existants ou des aménagements du temps de travail.

L’employeur peut rompre le contrat de travail du salarié s’il est en mesure de justifier de son impossibilité de lui proposer un emploi compatible avec son état de santé ou que le salarié a refusé l’emploi proposé. Il peut aussi le faire si l’avis d’inaptitude rédigé par le médecin du travail mentionne que le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Enfin, les avis d’inaptitude peuvent être contestés devant le conseil de prud’hommes.

Ce cadre juridique me semble de nature à apporter aux salariés la protection à laquelle ils ont droit. Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. Merci pour ce rappel du droit, mais mon amendement propose simplement d’écrire dans la loi qu’il n’est pas possible de licencier pour faute une personne dont le poste ne peut être aménagé ou adapté. Dans la vraie vie, ce genre de situation existe. Or nous sommes tous d’accord pour dire que le fait d’être inapte au travail n’est pas une faute : on ne choisit pas d’avoir un problème de santé empêchant d’occuper son poste.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Votre demande est déjà satisfaite : on ne peut être licencié pour faute sur ce fondement.

La commission rejette l’amendement.

Avant l’article 15

La commission examine l’amendement AS214 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Cet amendement vise à mettre fin au processus de fragilisation de la médecine du travail.

Il rétablit la visite médicale d’embauche, transformée par la « loi El Khomri » en une visite d’information et de prévention qui ne permet pas la prise en compte réelle de l’état de santé de la personne. Cette visite visera aussi à s’assurer réellement de l’aptitude physique du salarié à occuper son poste, ce qui avait également été supprimé par la « loi El Khomri », au mépris du bon sens le plus élémentaire.

Il rend au seul médecin du travail le pouvoir de procéder à la visite médicale : celle-ci ne saurait être confiée à un autre professionnel de santé. Si l’on veut que la prévention soit efficace, il semble logique qu’un véritable examen médical soit confié à un médecin.

Le médecin du travail serait choisi par les délégués du personnel pour éviter le choix d’un praticien ayant des affinités ou des liens d’intérêt avec l’employeur.

Enfin, la périodicité des visites régulières serait encadrée : elle deviendrait annuelle pour tous les salariés, et semestrielle pour les travailleurs de nuit.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis défavorable.

Votre amendement propose un retour en arrière s’agissant du suivi individuel de l’état de santé des travailleurs.

Vous proposez que seul le médecin du travail puisse procéder à la visite d’embauche. Or, de l’avis des professionnels que nous avons auditionnés, notamment les représentants de l’Ordre des médecins et de l’Ordre des infirmiers, c’est une bonne chose que les infirmiers puissent réaliser les visites d’information et de prévention, et les visites périodiques. Le dispositif donne satisfaction.

Une visite annuelle serait à la fois irréaliste, compte tenu de l’effet significatif que cela aurait sur la charge de travail des médecins du travail, et inutile pour un très grand nombre de travailleurs. Par ailleurs, si la visite a lieu tous les cinq ans au maximum, ce délai peut être réduit si le médecin l’estime nécessaire.

En outre, le droit prévoit déjà que le suivi de l’état de santé est adapté à la situation des personnes. L’article R. 4624-17 du code du travail dispose : « Tout travailleur dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent, notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité et les travailleurs de nuit [...], bénéficie, à l’issue de la visite d’information et de prévention, de modalités de suivi adaptées ».

Mme Caroline Fiat. Les personnes travaillant la nuit, par exemple, présentent des risques accrus de développer des cancers ou de souffrir d’obésité : elles devraient être suivies plus régulièrement.

La commission rejette l’amendement.

Article 15 : Autorisation du recours aux pratiques médicales à distance relevant de la télémédecine pour le suivi des travailleurs

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS69 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS170 de Mme Martine Wonner et AS216 de Mme Caroline Fiat ainsi que l’amendement AS248 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Paul Christophe. L’amendement AS69 tend à encadrer le recours à la téléconsultation, notamment pour garantir la confidentialité, conformément à la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans l’ANI.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement AS170 vise également à faire de la consultation en présentiel le principe et la téléconsultation l’exception, car celle-ci peut poser des problèmes de confidentialité et de discrétion. Les partenaires sociaux souhaitent donc l’encadrer.

Mme Gisèle Biémouret. Je considère, moi aussi, que la téléconsultation doit être l’exception et la consultation en présentiel, la norme. D’où mon amendement.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. J’entends vos remarques. L’un de mes amendements, que nous examinerons dans quelques instants, répondra en grande partie à vos préoccupations. Il prévoit que les professionnels de santé pourront recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance en fonction de l’état de santé physique et mentale du travailleur, et moyennant son accord. Le processus garantira également la confidentialité des échanges.

Il n’est pas question de faire du recours à ces pratiques la règle en toute circonstance. Comme vous, nous sommes attachés au principe selon lequel le suivi médical des travailleurs doit se faire en leur présence dès lors que cela s’avère nécessaire. Toutefois, la rédaction que vous proposez viderait le dispositif d’une partie significative de sa substance et donc de son intérêt. Ne rigidifions pas à l’excès le cadre juridique. Je vous propose de laisser aux professionnels de santé le soin d’apprécier l’opportunité de recourir à la téléconsultation, dont l’utilité est évidente.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Mon amendement AS131 va dans le même sens que ces amendements.

Vous avez dit, madame la rapporteure, que la consultation doit se dérouler en présentiel « dès lors que cela s’avère nécessaire ». Cette formule affaiblit quelque peu l’idée selon laquelle cette pratique serait la règle. Or le cadre numérique ne permet pas toujours la rencontre pleine et entière entre le médecin et le salarié. Si nous voulons que ces consultations, déjà très espacées, aient tout l’effet que nous en attendons pour la santé au travail, il faut veiller à ce qu’elles se déroulent dans le meilleur cadre possible. Il ne faut pas qu’elles se transforment en une formalité numérique supplémentaire. Il se peut que le recours à la téléconsultation soit nécessaire et même profitable, mais nous pensons qu’il faut maintenir le principe du présentiel pour s’assurer que cette consultation, déjà largement dévalorisée, conserve quand même une certaine force.

Mme Jeanine Dubié. Je suppose que Mme la rapporteure faisait allusion à son amendement AS413, qui répond effectivement à un certain nombre de nos préoccupations. J’en prends acte mais je m’assurerai, d’ici à la séance, que la nouvelle rédaction satisfait l’ensemble de nos demandes.

M. Bernard Bouley. La responsabilité du choix revient au médecin du travail : c’est à lui de décider si la consultation doit avoir lieu en présence du salarié ou à distance, voire de considérer qu’il est possible de la déléguer à une infirmière ou à l’un des membres de l’équipe pluridisciplinaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS413 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il supprime la référence à l’article L. 6316-1 du code de la santé publique. Les actes de télémédecine définis à l’article R. 6316-1 du même code n’apparaissent pas intégralement réalisables dans le cadre de la médecine du travail. À la suite de nos échanges avec le Conseil d’État, il nous a semblé préférable de faire uniquement référence aux « pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Par ailleurs, nous souhaitons ouvrir la possibilité aux infirmiers de recourir à des pratiques de soins à distance, dans certaines conditions. Or, en l’état, l’article 15 ne le permet pas.

L’amendement introduit également dans le dispositif le principe du consentement du travailleur préalablement au recours à ces pratiques, ainsi que celui du respect de la confidentialité des échanges.

M. Pierre Dharréville. La question de la confidentialité est importante, mais elle n’est pas la seule que pose la téléconsultation.

Je me réjouis que vous intégriez le consentement préalable du travailleur. C’est effectivement nécessaire, mais sans doute pas suffisant.

Enfin, il conviendrait de préciser que la téléconsultation est l’exception et non pas la règle. Or ce n’est pas ce que je lis dans votre proposition. Nous reviendrons sans doute sur ces différents aspects en séance publique.

M. Cyrille Isaac-Sibille. La télémédecine est un outil extraordinaire, qui se développe, mais la téléconsultation ne doit pas être la règle. Or, dans cet amendement, vous ne rappelez pas que la présence du salarié reste la règle. La téléconsultation peut être utilisée pour régler rapidement certains problèmes, pour faire face à des urgences, mais elle doit rester l’exception. Ce n’est qu’un outil. Nous devrons en rediscuter en séance.

Mme Caroline Fiat. Je cherche en vain les avantages exceptionnels de la téléconsultation. Même en période de pandémie, nous n’arrêtons pas de dire aux gens qu’ils doivent continuer à aller voir leur médecin ! De plus, lors d’une visite médicale, on passe un certain nombre d’examens : analyse d’urine ou encore tests auditifs et visuels. À travers un écran, cela ne va pas être facile…

Qui plus est, pour certains salariés qui ne présentent pas, en apparence, de problème de santé et qui ne vont jamais voir de médecin, la visite médicale est la seule occasion de découvrir une maladie.

Les visites avaient déjà été espacées. Désormais, elles ne permettront même plus d’effectuer des examens médicaux : autant les supprimer, pendant que vous y êtes !

Mme Carole Grandjean, rapporteure. La téléconsultation n’est effectivement qu’un outil : elle permet à la consultation d’avoir lieu, mais à distance. En outre, ce n’est qu’une possibilité offerte au médecin. Enfin, un décret en Conseil d’État permettra de sécuriser la disposition, notamment au regard du respect des libertés individuelles.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS131 de M. Pierre Dharréville, AS275 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS309 de Mme Annie Chapelier, AS217 de Mme Caroline Fiat, AS5 de Mme Emmanuelle Anthoine, AS17 de M. Stéphane Testé, AS81 de Mme Jeanine Dubié, AS174 de M. Guillaume Chiche et AS362 de Mme Caroline Fiat tombent.

La commission en vient à l’amendement AS215 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Nous demandons la suppression de l’alinéa 6. L’article 15 est censé permettre simplement aux médecins du travail d’utiliser la téléconsultation. Pourquoi donc proposez-vous de supprimer le dernier alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail ? Celui-ci dispose : « En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. » Les travailleurs, tout comme les employeurs, doivent conserver le droit à un recours devant l’inspection du travail en cas de désaccord.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Vous prêtez à cette disposition un objet qui n’est pas le sien. Le 3° de l’article 15 supprime effectivement le dernier alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail, qui prévoit que le rapport annuel d’activité établi par le médecin du travail pour les entreprises dont il a la charge comporte des données présentées par sexe. Toutefois, nous n’avons pas l’intention de mettre un terme à l’élaboration de ce rapport, dont il a été question à l’article 10. Si nous supprimons cet alinéa, c’est parce que ce rapport est désormais prévu par un nouvel article du code du travail. En outre, nous avons adopté à l’article 10 un amendement précisant que ce rapport comprendrait des données relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de façon à éviter tout recul.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Je profite de cet amendement pour souligner le manque de médecins inspecteurs du travail, même si c’est au Gouvernement, et pas à vous, madame la rapporteure, de répondre sur ce point. Vous parlez d’un dispositif en matière d’égalité et de la possibilité de se tourner vers le médecin inspecteur du travail, mais à quoi ce texte sert-il quand il n’y en a pas ? De manière plus générale, le rôle des médecins inspecteurs du travail mérite d’être interrogé au vu de leur faible nombre – quatre ou cinq par région, me semble‑t‑il. Le fait qu’ils ne soient pas assez nombreux pour relayer les politiques conduites en matière de santé au travail pose un sérieux problème.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15, modifié.

Après l’article 15

La commission est saisie de l’amendement AS310 de Mme Annie Chapelier.

M. Paul Christophe. L’amendement est défendu.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je comprends parfaitement la préoccupation de Mme Chapelier, qui fait d’ailleurs l’objet de nombreuses discussions, à l’Assemblée nationale comme dans le cadre du dialogue social. La mesure proposée, à savoir la surveillance de l’état de santé physique et psychique des salariés en télétravail, mériterait néanmoins une expertise approfondie. Les partenaires sociaux ne se sont pas exprimés sur la question dans le cadre de la négociation de l’accord.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS160 de M. Paul Christophe et AS22 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. Ces deux amendements visent à préciser les conditions d’accès à la téléconsultation pour un certain nombre de salariés.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Vous proposez qu’un salarié atteint d’une maladie grave puisse bénéficier d’une téléconsultation ou de télésoins pendant les heures de travail. Ce sujet nous préoccupe tous, mais n’est pas abordé en tant que tel dans le texte. Je ne suis pas convaincue de l’opportunité d’introduire une telle disposition sans que les partenaires sociaux aient exprimé leur point de vue. Qui plus est, la mise en œuvre de cette mesure pose question : tous les salariés n’ont pas accès à un poste informatique. Il faudrait également organiser le remplacement de la personne concernée.

Par ailleurs, il est expliqué dans les exposés sommaires que la consultation médicale à distance présente pour le salarié l’avantage de la discrétion. Si je puis admettre que ce soit vrai pour certains salariés de grandes entreprises, qui disposent de locaux permettant ces pratiques, je ne suis pas convaincue qu’il en aille de même pour l’ensemble des salariés.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 16 : Instauration d’une visite médicale de mi-carrière au bénéfice des travailleurs

La commission examine les amendements de suppression AS127 de M. Pierre Dharréville, AS218 de Mme Caroline Fiat et AS234 de Mme Valérie Six.

M. Pierre Dharréville. Cet article instaure une visite de mi-carrière, fixée à l’âge de 45 ans, pour établir « un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié ». Or c’est l’objet de toutes les consultations médicales dans le cadre de la santé au travail : la question de cette adéquation doit donc se poser au minimum tous les cinq ans. Si la visite suivante est prévue à 42 ans ou à 47 ans, à quoi bon organiser la visite de mi‑carrière ?

Pourquoi se plaindre d’une visite supplémentaire, me demanderez-vous ? C’est que je crains, en fait, compte tenu de la difficulté à organiser réellement une visite tous les cinq ans, qu’il n’y ait plus qu’une visite à l’embauche, une visite à mi-carrière et une autre en fin de carrière.

Mme Caroline Fiat. Vous savez que j’aime pousser jusqu’à l’absurde les conséquences des mesures que vous prenez, pour vous faire réagir. À la lecture de cet article, je me suis dit qu’une fois encore on traitait les conséquences sans agir sur les causes.

Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), pour parler de ce que je connais le mieux, lors de cette visite à 45 ans, que va-t-on dire aux soignants ? « Vous souffrez de troubles musculo-squelettiques, vous êtes fracassés. Vous n’êtes plus capables de travailler. Ciao, bonsoir ! » Comment vont faire ces établissements qui manquent déjà de personnel ?

Alors qu’il faudrait faire en sorte que les conditions de travail soient dignes – par exemple, en ce qui concerne les EHPAD, en nous présentant enfin le projet de loi sur l’autonomie et la dépendance –, vous vous contentez de traiter les conséquences du mal-être au travail. C’est du grand n’importe quoi !

Mme Valérie Six. Je rejoins les propos de Pierre Dharréville. Si je comprends l’objectif de l’article, à savoir faire de la prévention pour permettre de maintenir les salariés dans leur poste, je regrette que le dispositif conduise en réalité à les stigmatiser : à l’âge de 45 ans – ou celui qui sera déterminé par l’accord de branche –, les salariés pourraient avoir le sentiment d’être convoqués pour envisager déjà la piste de l’aménagement plutôt que pour faire un simple bilan, comme s’ils n’étaient déjà plus aptes. Les médecins du travail avec qui j’ai discuté me l’ont bien dit : ce qui doit être pris en compte, ce n’est pas tant l’âge que le type de poste occupé. C’est pourquoi je suis opposée à cet article.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Ce dispositif constitue une innovation intéressante, dans la mesure où il donne au médecin du travail une occasion privilégiée de vérifier notamment l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé de la personne, mais également d’évaluer le risque de désinsertion professionnelle et d’en tirer, le cas échéant, les conclusions en proposant des mesures d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste, ou encore d’aménagement du temps de travail.

Vous l’avez dit, madame Six, d’un métier à l’autre les circonstances ne sont pas forcément les mêmes. Nous avons donc souhaité encourager une discussion de branche pour que, selon le métier, la visite ait lieu à l’âge ou au moment le plus adéquat.

Par souci de pragmatisme, le nouvel article L. 4624-2-2 du code du travail prévoit que cette visite pourra se tenir en même temps qu’une autre visite, dès lors que celle-ci aurait lieu au cours des deux années précédentes.

La mise en place d’une visite de mi-carrière s’inscrit pleinement dans l’objectif poursuivi par la proposition de loi de renforcer la prévention en santé au travail. Il s’agit de fixer des rendez-vous permettant de construire avec l’équipe pluridisciplinaire des actions de prévention autour de la lutte contre la désinsertion professionnelle.

Avis défavorable.

M. Philippe Chalumeau. On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. En l’occurrence, nous devrions tous être d’accord avec cette mesure. La visite de mi-carrière se situe à un moment clé. Qui plus est, nous avons du mal, en France, à mettre en place des consultations de prévention ; pour une fois, un outil particulièrement intéressant est proposé. Cela permettra à des gens ne présentant pas de pathologie particulière et qui ne sont pas suivis par un médecin de bénéficier d’une consultation. Cela n’empêchera pas les autres visites d’avoir lieu, bien sûr, mais celle-ci sera particulière. Pourquoi faut-il la prévoir dans le cadre de la médecine du travail ? Parce que, sinon, les gens ne la feront pas.

En outre, cette mesure doit être conçue dans le cadre d’un parcours de prévention tout au long de la vie : de la même manière qu’une consultation est prévue pour les enfants à 9 mois, puis à 2 ans, nous proposons de créer une visite à 45 ans. Sans doute faudrait-il en prévoir une autre à l’adolescence. Nous essayons aussi de mettre en place une visite de prévention à 55 ans.

Mme Catherine Fabre. Je suis étonnée de ces amendements de suppression. C’est d’abord une question de respect pour les partenaires sociaux, qui ont perçu l’intérêt de l’entretien de mi-carrière puisqu’ils l’ont prévu dans l’ANI.

Concernant l’entretien lui-même, je suis d’accord avec Philippe Chalumeau : il permet une approche préventive en fournissant l’occasion de faire le point à mi-carrière – donc à un moment qui ne présente aucun risque de stigmatisation – sur les perspectives qui s’offrent au salarié, ce qui n’est pas le cas des visites prévues toutes les cinq ans, dont l’objet est plus large. Tout cela va dans le sens de ce que nous voulons : prévenir la désinsertion professionnelle et accompagner le salarié en vue de la suite de sa carrière.

M. Pierre Dharréville. Je n’entrerai pas dans le débat sur l’âge auquel on est à mi-carrière – personnellement, je l’aurais fixé plus tôt.

Le risque est de diviser les salariés en deux catégories : les juniors, ici avant 45 ans, et les seniors ensuite. En réalité, c’est tout au long de la vie professionnelle qu’il faut prêter attention à la situation personnelle du salarié dans son environnement de travail. De ce point de vue, chaque visite – surtout maintenant qu’elle n’a plus lieu que tous les cinq ans – doit avoir la même importance. Or, en affirmant que la visite de mi-carrière doit être particulièrement importante, on sous-entend que les autres le seraient moins.

Le débat touche aussi à la question de la pénibilité, qui mériterait une autre discussion.

Enfin, je l’ai dit en commençant, je tiens compte du débat qui a eu lieu entre les partenaires sociaux, lesquels, au demeurant, n’étaient pas unanimes – il faut toujours le rappeler –, mais je ne m’interdis pas de discuter des propositions qui en sont issues ; sinon, nos échanges n’auraient pas lieu d’être. Puisque je suis là, je me permets de donner mon avis !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Bien sûr, et le débat est intéressant.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La visite de mi-carrière aurait l’intérêt de permettre de sortir du cadre habituel des visites médicales, notamment par l’exploration du parcours professionnel antérieur d’un salarié qui aurait changé plusieurs fois d’entreprise.

Mais l’alinéa 6 de l’article me pose problème. Il prévoit que l’examen médical vise à « évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel passé ». Or le médecin n’a pas nécessairement accès aux informations concernant l’ensemble de la carrière du salarié ; il ne saurait donc être tenu responsable de leur ignorance lorsqu’il procède à son évaluation. De ce point de vue, le dispositif me semble risqué.

Un examen médical supplémentaire est toujours une chance pour le salarié. Mais, en ce qui concerne son contenu, mieux vaudrait suivre l’avis du Conseil d’État en proposant, en vue de la séance, une autre rédaction qui ne le définisse pas aussi précisément et en renvoie le détail à un décret en Conseil d’État.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Les rendez-vous fixés à l’avance sont importants, surtout en médecine préventive. En effet, la prévention ne faisant pas partie de notre culture, elle risque de passer à l’as si l’on compte sur l’initiative du patient. Il ne me semble donc pas du tout stigmatisant de prévoir des rendez-vous forts, consacrés à un thème particulier et destinés à tout un chacun. Cela ferait prendre conscience du fait que ce n’est pas parce que l’on est malade qu’on consulte, mais pour prendre soin de sa santé – ici, de sa santé au travail. D’autant que la démarche était consensuelle parmi les partenaires sociaux.

Mme Caroline Fiat. C’est vrai, la prévention au travail, c’est important : pour que les salariés ne mettent pas leur santé en péril au travail, donnons-leur donc des conditions de travail dignes.

Cela fait trois ans et demi que je vous soûle avec les conditions de travail des soignants. Elles sont telles que l’entretien de mi-carrière prévu à 45 ans va se conclure ainsi : « Vous souffrez de troubles musculo-squelettiques, ciao ! » Dans les EHPAD, il y a un lève‑malade au bout de chaque couloir ; mais comme vous demandez aux soignants de faire vingt toilettes dans la matinée, il prend la poussière, parce que l’utiliser demande trop de temps. Soit on fait des toilettes un peu plus longues sans utiliser le lève-malade, soit on l’utilise pour prendre soin de notre colonne vertébrale, mais on fait moins de toilettes. Devinez qui prend : notre colonne vertébrale ! Prévoyez des ratios plus corrects entre soignants et résidents, de meilleures conditions d’exercice, et vous pourrez organiser cette visite. Désolée de ne citer que cet exemple, mais je parle de ce que je maîtrise.

De plus, la mesure est stigmatisante – je n’ai encore que 44 ans, mais l’année prochaine, je vais prendre cher… Et quelles sont les perspectives de carrière d’une aide‑soignante de 45 ans à qui vous allez annoncer qu’elle ne peut plus faire son travail ? À moins que vous ne m’annonciez que l’an prochain, quand j’aurai 45 ans, le plein emploi régnera en France et que j’aurai l’embarras du choix pour trouver un nouvel emploi… Mais on en est loin ; sans compter que, l’an dernier, vous vouliez me faire travailler jusqu’à 67 ans ! On ne vit pas dans le même monde ! Je le répète, c’est du grand n’importe quoi.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Vous ne nous soûlez pas, madame Fiat ; nous ne sommes jamais ivres, à l’Assemblée nationale !

Mme Jeanine Dubié. Systématiser la visite crée un risque de stigmatisation. Comme le disait Pierre Dharréville, cela donne l’impression qu’après 45 ans on rencontre nécessairement des difficultés au travail, qu’on y est moins performant.

Cela dit, si vous me permettez ce trait d’humour, la visite permettrait de diagnostiquer la CMV, la crise du milieu de vie, qui, souvent, ne se manifeste pas seulement au travail…

M. Bernard Bouley. La visite de mi-carrière répond à une demande appuyée des partenaires sociaux. En outre, elle permet d’anticiper la fin de la carrière. Le problème est sa faisabilité : alors que nous manquons de médecins du travail, avec 15 millions de salariés, il faudrait prévoir 400 000 à 500 000 visites par an. Il est dommage, dans ce contexte, de devoir en passer systématiquement par le médecin du travail alors que des surveillances légères peuvent être assurées par des infirmières.

Mme Valérie Six. Je comprends très bien l’importance de la prévention et la nécessité de travailler en amont à l’adaptation du poste en référence au métier, donc l’intérêt de l’accord de branche. Mais je ne peux pas admettre que l’on fixe un âge pour cette démarche. Tel est le sens de mon amendement, que je réécrirai pour le clarifier sur ce point, puisqu’il va certainement être rejeté. Je comprends l’intérêt de l’article, mais c’est sa rédaction qui me perturbe. Car on y retrouve la stigmatisation par l’âge, comme nous le voyons dans le cadre de la mission relative au maintien des seniors dans l’emploi sur laquelle nous travaillons actuellement.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Aucun des partenaires sociaux n’a souhaité une stigmatisation par l’âge : ils ont voulu construire des solutions pour lutter contre la désinsertion professionnelle et anticiper les effets des risques pouvant être liés à l’activité professionnelle.

Le seuil retenu suscite l’interrogation, comme souvent en matière de seuils. Voilà pourquoi, au-delà de ce que prévoyait l’ANI, nous avons introduit la notion d’accord de branche pour résoudre ce problème par l’adaptation des mesures aux types de métier, aux parcours de carrière, dont certains débutent plus tôt que d’autres, et aux conditions de travail.

Je comprends très bien les remarques formulées à ce sujet, mais il nous faut un repère permettant d’engager les entretiens de mi-carrière et d’en organiser la tenue au sein des services de santé au travail. En effet, comme l’a rappelé M. Bouley, le volume de visites à prévoir – plutôt 350 000 par an selon mes estimations – est très élevé et il faut pouvoir anticiper l’afflux de salariés. D’où la nécessité de fixer un âge, même si des aménagements de branche sembleraient intéressants.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS414 des rapporteures.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS257 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Je me réjouis du rejet des amendements de suppression, car la visite de mi-carrière faisait l’objet d’un accord des partenaires sociaux. Se pose maintenant la question, soulevée par M. Bouley, de la capacité médicale à assurer cette prestation supplémentaire alors que l’on manque de médecins du travail et que l’évolution de la démographie médicale ne va pas permettre de résoudre le problème. N’est-ce pas l’occasion de mettre en avant les infirmiers en pratique avancée (IPA) en les autorisant à accomplir l’acte, sous le contrôle, évidemment, d’un médecin du travail ?

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je ne suis pas opposée à ce qu’un IPA réalise la visite de mi-carrière à la place d’un médecin du travail. Mais le dispositif que vous proposez à cette fin n’apporte pas suffisamment de garanties : vous ne précisez pas que les IPA ne pourront pas suggérer des mesures d’aménagement du poste ou des horaires, ce que seul un médecin du travail peut faire aux termes de l’article L. 4624-3 du code du travail ; vous ne prévoyez pas la possibilité pour l’IPA d’orienter le travailleur vers le médecin du travail.

Je vous invite donc à retirer votre amendement pour le retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS331 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Dans le droit-fil des dispositions que nous avons adoptées au sujet du référent handicap, notre amendement vise à lui faire jouer un rôle important dans la visite de mi-carrière, essentielle pour dresser un bilan et permettre à l’intéressé de se projeter dans sa seconde partie de carrière. À cette fin, si le travailleur handicapé l’y autorise, le référent handicap, chargé d’appliquer la politique de l’entreprise en matière de handicap et parfaitement au fait des conditions de travail et de l’évolution des métiers, pourrait communiquer des éléments au médecin du travail dans ce cadre.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je salue votre détermination à faire place à l’accompagnement des travailleurs en situation de handicap. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements AS415, de cohérence, ainsi qu’AS416 et AS417, rédactionnels, des rapporteures.

Elle examine ensuite l’amendement AS52 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Il tend à mettre le médecin du travail en lien avec la nouvelle cellule de prévention de désinsertion professionnelle en vue des aménagements du poste ou du temps de travail qui peuvent être proposés au salarié.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’idée est intéressante, mais la proposition présente une faiblesse : le dispositif ne pourrait s’appliquer que dans les services de santé interentreprises puisque les services autonomes ne comprendront pas nécessairement ce type de cellule. Je ne suis pas favorable à ce que l’on prévoie un mécanisme qui ne serait qu’à moitié opérant.

M. Stéphane Viry. Vous chipotez, c’est dommage !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS418 et AS419 des rapporteures.

Suivant l’avis défavorable de Mme Carole Grandjean, rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement AS51 de M. Stéphane Viry.

Puis elle est saisie de l’amendement AS420 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’article L. 4624‑10 du code du travail dispose que les conditions d’application des mesures du chapitre dans lequel figure la visite de mi-carrière sont précisées par décret en Conseil d’État. Il n’apparaît donc pas nécessaire de conserver l’alinéa 9.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16, modifié.

Article 17 : Amélioration du suivi de l’état de santé de certains salariés et extension de ce suivi à de nouvelles catégories de travailleurs

La commission est saisie de l’amendement AS219 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Il vise à permettre aux intérimaires, salariés d’entreprises sous‑traitantes ou prestataires, d’être suivis par le service de prévention et de santé au travail de l’entreprise utilisatrice ou donneuse d’ordre.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous partageons entièrement votre souhait que davantage de travailleurs soient suivis par les services de santé au travail, mais nous ne souhaitons pas nous écarter de l’ANI sur ce point. Or les partenaires sociaux ont voulu ouvrir une possibilité à ces services, non les contraindre à suivre un public qu’ils ne souhaitent pas ou ne peuvent pas encore accompagner.

Par ailleurs, peut-être le dispositif que vous proposez est-il trop rigide. Ainsi, si les travailleurs temporaires étaient nécessairement suivis par l’entreprise utilisatrice disposant de son propre service de santé au travail, cela voudrait dire qu’ils ne peuvent l’être par le service de santé au travail de leur entreprise ; or on ne peut exclure que, dans certains cas, cette solution soit la plus adaptée à leurs besoins.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS289 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il tend à permettre aux salariés de l’ensemble des structures pouvant mettre du personnel à disposition d’une entreprise utilisatrice de bénéficier d’un suivi par le service de prévention et de santé au travail de cette dernière. Sont particulièrement visés les salariés des structures d’insertion par l’activité économique ou des établissements et services d’aide par le travail.

L’article 17 mentionne certes la possibilité d’une convention entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire ou le service de prévention et de santé au travail dont les salariés relèvent, mais cette formulation exclut les associations intermédiaires qui mettent du personnel à disposition dans les mêmes conditions que les entreprises de travail temporaire d’insertion. D’où la rédaction que je propose.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’article du code du travail que votre amendement tend à modifier ne correspond pas à l’objectif que vous visez, puisqu’il ne concerne lui-même que les entreprises de travail temporaire. Surtout, votre amendement est satisfait par le 3° de l’article 17, aux termes duquel l’ensemble des travailleurs pourront être suivis par le service de santé au travail de l’entreprise sur le site de laquelle ils exercent.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je vais le retirer, mais je vérifierai s’il est bien satisfait par l’alinéa 8 auquel vous faites référence, car je n’en étais pas convaincue au moment où je l’ai rédigé.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS421 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il tend à supprimer la possibilité pour l’entreprise utilisatrice de conclure directement une convention avec le service de prévention et de santé au travail dont relèvent les salariés de l’entreprise de travail temporaire. Il ne nous paraît pas souhaitable que cette dernière puisse être exclue de la négociation.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS422 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. En partie inspiré de l’avis du Conseil d’État, il clarifie la rédaction du dispositif relatif à la prise en charge des travailleurs indépendants.

En l’état, la lecture combinée des deux alinéas du futur article L. 4621-2-1 du code du travail pourrait laisser penser que ces travailleurs auraient accès non seulement à une offre spécifique de service en matière de prévention, de suivi individuel et de prévention de la désinsertion professionnelle, mais également à d’autres prestations de la part des services de prévention et de santé au travail interentreprises. Aussi le premier alinéa est-il réécrit pour préciser que les travailleurs indépendants ont la possibilité de s’affilier aux services de prévention et de santé au travail interentreprises de leur choix.

Par ailleurs, l’amendement renvoie à un décret le soin de déterminer les modalités d’application du dispositif.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS179 de M. Pierre Dharréville et AS354 de Mme Catherine Fabre tombent.

La commission est saisie de l’amendement AS423 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Lui aussi très inspiré de l’avis du Conseil d’État, il précise le suivi dont il est question au premier alinéa du futur article L. 4622-5-1 du code du travail en spécifiant qu’il concerne l’état de santé des travailleurs. Ce suivi pourra être réalisé par le service de prévention et de santé au travail de l’entreprise sur le site de laquelle les travailleurs exercent leur activité.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS425 et AS426 des rapporteures.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS187 de Mme Valérie Six.

Mme Valérie Six. Conformément à l’ANI, l’article prévoit la signature d’une convention permettant au service de santé et de prévention au travail propre à une entreprise d’assurer le suivi médical des intérimaires, des travailleurs, salariés ou non, qui exercent leur activité dans cette entreprise, des salariés d’entreprises sous‑traitantes ou prestataires d’entreprises extérieures.

L’amendement vise à préciser qu’ils peuvent en bénéficier lorsqu’ils exercent sur le site une activité d’une durée déterminée par accord de branche ou d’une durée minimale d’un mois. Il s’agit de promouvoir la négociation collective au niveau de la branche professionnelle ou, à défaut, de prévoir une relation de travail d’au moins un mois. Il est préférable, en effet, de déterminer les règles qui régissent la relation de travail par le dialogue social chaque fois que c’est possible, car cela contribue à leur légitimité et à leur adaptation au secteur concerné.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. En effet, la négociation permet l’adhésion des acteurs et facilite probablement la mise en œuvre des règles négociées. Ici, toutefois, le renvoi au décret est préférable – dans certaines branches, les négociations sont peu développées et l’accord difficile à obtenir.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS427 des rapporteures.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Suivant l’avis du Conseil d’État, il a pour objet de préciser que la prévention des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés s’inscrit dans le cadre des missions confiées aux services de santé au travail par la loi.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 17, modifié.

Après l’article 17

La commission est saisie des amendements identiques AS7 de M. Thibault Bazin, AS14 de M. Patrick Hetzel et AS222 de Mme Josiane Corneloup.

M. Thibault Bazin. Conformément à la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans l’article 3.1.2.2 de l’ANI, nous proposons par les amendements AS7 et AS222 de mutualiser et de simplifier le suivi médical dans les entreprises employant des salariés multi-employeurs. Le fait qu’un salarié occupant des postes identiques au sein de plusieurs entreprises doive être suivi par chacune d’entre elles crée de la complexité, de nombreuses contraintes d’organisation et entraîne parfois des visites inutiles.

M. Bernard Perrut. L’amendement AS14 est défendu.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Le sujet a suscité plusieurs amendements et a été abordé dans nos discussions préparatoires.

Les préoccupations de nos collègues sont tout à fait légitimes, mais je m’interroge sur la pertinence de l’inscription dans la loi d’une disposition de cette nature, plutôt d’ordre réglementaire. Un dispositif équivalent existe d’ailleurs déjà pour les salariés du particulier employeur : un accord-cadre interbranches du 24 novembre 2016, étendu par arrêté du 4 mai 2017, prévoit en son article 5.2.1 que le suivi de l’état de santé de ces salariés est réalisé au bénéfice de tous les particuliers employeurs. Ils effectuent donc une seule visite par type de suivi pratiqué – visite d’information et de prévention, suivi périodique, visite de reprise –, quels que soient le nombre d’employeurs et le nombre d’emplois, dans la limite de trois.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je vous propose que nous en débattions dans l’hémicycle afin de connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet et l’éventuel calendrier de l’introduction sous forme réglementaire d’une telle disposition, très attendue dans nos territoires. Pour prendre date et vu l’importance du sujet, je maintiens mon amendement.

La commission rejette les amendements.

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3.    Réunion du mercredi 10 février 2021 à 21 heures

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10330085_6024393d0e043.commission-des-affaires-sociales--renforcer-la-prevention-en-sante-au-travail-suite-10-fevrier-2021

Article 18 : Aménagement des modalités de l’organisation du retour des travailleurs à leur poste après une absence de longue durée

La commission adopte les amendements AS428 et AS429 de Mme Carole Grandjean, rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement AS220 de M. Adrien Quatennens.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cet amendement, qui prévoit la présence d’un membre du service de prévention et de santé au travail (SPST), sera satisfait ultérieurement par un de mes amendements. Demande de retrait ; sinon, défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS239 de Mme Valérie Six.

Mme Valérie Six. Sur la recommandation des centres de prévention et de santé au travail, l’amendement vise à remplacer le rendez-vous de préreprise par un rendez-vous de liaison. Il pourrait être organisé bien en amont de la reprise du travail par le salarié, y compris lorsque la date de reprise n’est pas connue. L’objectif est de favoriser un climat serein entre l’employeur, le médecin du travail et l’employé, afin d’éviter la désinsertion professionnelle.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Votre proposition fait sens car une confusion est possible entre le rendez-vous et la visite de préreprise. Substituer « liaison » à « préreprise » rend plus lisible l’intention du dispositif – maintenir le lien entre l’employeur, le service de santé au travail et le collaborateur absent. Je donne donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS225 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. La lutte contre la désinsertion professionnelle doit être une priorité de la prévention et de la santé au travail. Le respect du secret médical est essentiel pour garantir l’adhésion, donc la confiance, de l’ensemble des parties prenantes : le salarié doit pouvoir s’exprimer sans pression de l’employeur, et, si besoin, dialoguer avec lui sous supervision d’un professionnel de santé au travail ou d’un médecin du travail. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés harmonise donc la forme de l’examen du rendez-vous de préreprise pour les différents cas.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement car il revient sur le principe de la présence de l’employeur au rendez-vous de préreprise, renommé rendez-vous de liaison. Or l’objectif est précisément de permettre un échange entre le salarié en arrêt de travail et son employeur, afin que puissent être évoquées des typologies d’action susceptibles d’aider le salarié à reprendre son activité. Il semble y avoir une confusion avec les visites médicales, de reprise par exemple, qui sont réalisées par la médecine du travail. Ce sont deux vocations différentes.

M. Pierre Dharréville. Le rendez-vous de préreprise peut en effet être confondu avec la visite médicale, alors qu’ils ne sont pas du même registre. Le premier est une rencontre avec l’employeur ; la seconde, un entretien avec la médecine du travail. Il est décisif que la visite médicale soit réalisée en premier, et que cet ordre soit inscrit dans la loi.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je comprends votre remarque. Pour des pathologies comparables, nous observons des durées d’absence très variables selon les territoires et les patients. Un des objectifs de ce rendez-vous de liaison sera de maintenir le lien, d’informer le salarié en congé maladie des possibles qui s’ouvrent à lui. À titre d’exemple, le temps partiel thérapeutique est très peu utilisé en France. Nous pourrions davantage anticiper les retours et les préparer en donnant davantage d’informations aux salariés sur les possibilités d’aménagement. L’employeur est gêné d’entrer en contact avec son salarié, car l’arrêt maladie conduit à une suspension du contrat. Il fallait donner un cadre qui lui permette d’entrer en contact, de donner des informations, en présence de la médecine du travail – certains ont défendu un amendement en ce sens – pour accompagner les conditions d’un éventuel retour, notamment en matière de santé.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS430 de Mme Carole Grandjean, rapporteure.

Puis elle est saisie de l’amendement AS171 de Mme Martine Wonner.

Mme Jeanine Dubié. Tel qu’il est rédigé, l’article laisse l’initiative du rendez-vous de préreprise à l’employeur, ce qui peut entraîner des risques de pressions de l’employeur sur le salarié, afin qu’il reprenne le travail. L’amendement vise à limiter cette possibilité, en prévoyant que les services de prévention et de santé au travail donnent leur avis lorsque la demande de rendez-vous de préreprise est effectuée par l’employeur.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. J’en comprends l’intention, qui sera satisfaite par l’amendement que je déposerai : seul le salarié pourra prendre l’initiative de l’organisation du rendez-vous ; l’employeur donnera l’information sur les possibilités offertes au salarié. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques AS431 de la rapporteure, et AS188 de Mme Valérie Six.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Le service de prévention et de santé au travail doit être associé au rendez-vous de préreprise. Sa présence est nécessaire à la bonne préparation du retour au travail du salarié, qui est directement concerné par les mesures susceptibles d’être appliquées.

M. Pierre Dharréville. J’avais devancé le problème dans mon intervention précédente. En demandant que le service de prévention et de santé au travail soit présent à l’entretien, vous mélangez deux éléments. Il faut assurer la distinction, en organisant d’une part, une visite médicale, où le service de prévention et de santé au travail est présent, de l’autre, un rendez-vous de préreprise, qui ne devrait pas avoir lieu tant que la visite médicale n’a pas été organisée. C’est du moins la logique qui devrait prévaloir. Une discussion à trois me semble problématique, en raison du rôle de la médecine du travail et du service de prévention et de santé au travail dans la reprise.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je n’avais pas bien compris les modalités de ce rendez-vous. Il y a intérêt à ce que l’employeur puisse proposer une telle visite. Il semblerait logique qu’elle passe d’abord par le médecin puis, en fonction des recommandations de ce dernier, qu’un rendez-vous avec l’employeur soit prévu, pour aménager le poste, si nécessaire.

La commission adopte les amendements.

Elle examine l’amendement AS231 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Afin de garantir l’adhésion et la confiance du salarié, il apparaît impératif de lui permettre de disposer d’un accompagnement et d’une expertise syndicale.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis défavorable. Je ne suis pas convaincue que le représentant syndical ait sa place dans ce rendez-vous de préreprise ou de liaison.

M. Pierre Dharréville. Quel rôle joue le service de prévention et de santé au travail ?

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il faut distinguer la visite médicale de préreprise du rendez-vous de liaison. La première existe déjà dans le droit actuel. Organisée un peu avant le retour à l’emploi du salarié, elle permet à un médecin de donner son accord quant à la reprise du travail.

Le rendez-vous de liaison permet de maintenir le lien entre l’employeur et le salarié pendant la suspension de contrat que constitue l’arrêt maladie. L’employeur informe le salarié qu’il peut être accompagné pour définir des aménagements de son poste, dans le cadre d’un éventuel retour au travail. Si le salarié répond favorablement à cette proposition, la médecine du travail est un tiers, qui échange avec l’employeur et le salarié sur les conditions qui pourraient être envisagées. Le salarié est libre de consentir à cet entretien. C’est lui qui prend l’initiative de répondre favorablement à la proposition faite par l’employeur.

M. Pierre Dharréville. J’ai compris la distinction entre les deux, mais quel rôle veut-on faire jouer au service de prévention et de santé au travail dans le rendez-vous de liaison ? S’agit-il d’un rôle de médiation ?

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il informe sur les conditions possibles d’aménagement du poste par rapport aux pathologies de la personne. Par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire – préventeurs, ergonomes, infirmières –, il dispose de compétences pour proposer des aménagements et accompagner un éventuel retour à l’emploi. Il saura donc apporter une compétence médicale, que l’employeur n’a pas. De son côté, l’employeur connaît son entreprise et les possibilités de réaliser les propositions de l’équipe pluridisciplinaire en santé au travail. Ces deux compétences convergent pour accompagner l’information donnée au salarié pour son retour à l’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS134 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il précise que le refus du salarié de participer au rendez-vous ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous partageons ce point de vue. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement, qui prévoit d’insérer après l’alinéa 4 un paragraphe qui précise d’une part, que l’initiative du rendez-vous de préreprise appartiendra au seul salarié ; d’autre part, que l’employeur aura l’obligation d’informer le salarié qu’il peut solliciter l’organisation de ce rendez-vous.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, qui sera satisfait par le nôtre dans la mesure où le cas de figure dans lequel un salarié refuserait le rendez-vous ne sera pas envisageable. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS432 de Mme la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’amendement, inspiré de l’avis du Conseil d’État, précise l’objet du rendez-vous de liaison, qui n’apparaissait pas de manière explicite. Il établit clairement que le rendez-vous a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier des actions de prévention de la désinsertion professionnelle prévue à l’article L. 4622-8-1, de l’examen de préreprise prévu à l’article L 4624-2-4 et des mesures d’aménagement du poste de travail ou des horaires, prévues à l’article L. 4624-3.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS333 de M. Thierry Michels et AS366 de M. Adrien Quatennens tombent.

La commission en vient à l’amendement AS433 de Mme Carole Grandjean, rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il est guidé par le souci d’apporter toute la protection nécessaire au salarié en arrêt de travail, et répond à certains des amendements que vous avez déposés. Il ouvre au seul salarié la faculté de prendre l’initiative de l’organisation du rendez-vous de préreprise. L’employeur n’étant pas nécessairement informé de la situation médicale du salarié, dont le contrat est suspendu, il apparaît préférable d’exclure la possibilité qu’il puisse prendre cette initiative. L’amendement oblige en revanche l’employeur à informer le salarié qu’il peut solliciter l’organisation de ce rendez-vous.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement répond aux préconisations du Conseil d’État, en indiquant l’objet du rendez-vous et la personne qui peut en être à l’initiative. Mais ni l’amendement AS432, ni l’amendement AS433 ne précise qu’aucune conséquence ne peut être tirée d’un refus du salarié, comme Pierre Dharréville le souhaitait. Il sera utile de l’ajouter en séance.

Mme Caroline Fiat. L’amendement AS366 qui est tombé visait à changer « peut informer » par « informe » à l’alinéa 4, pour protéger le salarié. Il faisait évoluer la forme du rendez-vous de préreprise car la rédaction actuelle laisse à penser que l’employeur peut en prendre l’initiative. Une telle possibilité comporte un risque que l’employeur ne fasse pression sur le salarié pour qu’il reprenne le travail. On ne peut pas prendre le risque que l’employeur se retrouve dans un rôle dont on ne veut pas.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Dans la rédaction actuelle, l’employeur « informe », il ne demande rien. Le salarié, une fois informé, est libre d’organiser ou non ce rendez-vous. L’employeur a simplement l’obligation d’informer des possibilités que j’ai présentées. Il n’a évidemment ni connaissance du dossier médical de la personne qui est en arrêt de travail, ni pouvoir de contraindre à un tel rendez-vous. Aujourd’hui, les salariés qui sont en arrêt de travail manquent d’informations sur les possibilités qui leur sont offertes pour reprendre le travail dans de bonnes conditions. Le dispositif du temps partiel thérapeutique, notamment, est sous-utilisé en France, alors qu’il permettrait un retour à l’emploi progressif et plus adapté.

M. Paul Christophe. Dans le travail considérable auquel les rapporteures se sont astreintes, certains articles ont été réécrits, faisant logiquement tomber certains amendements. Sans vouloir encourager l’explosion des amendements en séance, il sera toujours possible d’en déposer.

Mme Jeanine Dubié. Est-ce l’organisation ou le salarié qui est à l’initiative de la visite de préreprise ?

Mme Carole Grandjean, rapporteure. C’est le salarié qui prend l’initiative du rendez-vous, s’il le souhaite. L’article le dit de manière explicite.

Mme Jeanine Dubié. Merci de l’avoir précisé car le texte laissait supposer que l’employeur était à l’initiative du rendez-vous.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement AS434 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il convient de supprimer les alinéas 5 à 7 car il n’y a pas lieu de prévoir la mise en œuvre du rendez-vous de préreprise à deux endroits différents dans le code du travail.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS240 et AS189 de Mme Valérie Six, AS133 de M. Pierre Dharréville et AS181 de M. Guillaume Chiche tombent.

La commission examine l’amendement AS172 de Mme Martine Wonner.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de supprimer, à l’alinéa 9, les mots : « répondant à des conditions fixées par décret ». Compte tenu du contexte actuel, la lutte contre la désinsertion professionnelle doit être une priorité nationale en matière de prévention et de santé au travail. Cet amendement vise à ouvrir l’examen de reprise à toutes les situations d’incapacité résultant de la maladie ou de l’accident, professionnels ou non. Elles ne doivent pas faire l’objet d’une liste de critères restrictifs.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Les dispositions qui encadrent la visite de reprise sont aujourd’hui prévues par décret et n’ont pas vocation à disparaître. Au contraire, elles continueront à s’appliquer. Je pense, par exemple, à l’article R. 4624-31 du code du travail prévoyant que la visite de reprise concerne notamment les travailleurs qui ont été absents pour cause de maladie professionnelle ou au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. Je pense également à l’article R. 4624-32 indiquant l’objet de cette visite

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS265 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS435 de la rapporteure.

M. Paul Christophe. Il convient de rendre obligatoire le recours à un médecin praticien correspondant-MPC par les services de prévention de santé au travail interentreprises (SPSTI) en cas d’insuffisance de ressources médicales, en conformité avec l’accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre 2020.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Comme cela est actuellement le cas, seul le médecin du travail doit pouvoir réaliser la visite de reprise après un congé de maternité, une absence pour cause de maladie professionnelle ou une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Dans la mesure où la visite de reprise peut déboucher sur un avis d’inaptitude, qui implique un diagnostic médical, il est souhaitable, comme l’a fait remarquer le Conseil d’État, qu’elle soit réalisée par le médecin qui, seul, peut, en l’état du droit, déclarer inapte un travailleur, sa décision étant d’ailleurs susceptible de recours devant le conseil de prud’hommes.

Avis défavorable à l’amendement AS265.

La commission rejette l’amendement AS265.

Elle adopte l’amendement AS435.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS436 et AS437 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AS438 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cet amendement répare un oubli : il y a lieu d’autoriser le médecin traitant à prendre l’initiative de l’organisation de la visite de préreprise, comme cela est actuellement le cas.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS439 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cet amendement apporte deux modifications motivées par le souci de protéger le travailleur en arrêt de travail : il supprime la possibilité, pour l’employeur, de prendre l’initiative de l’organisation de la visite de préreprise – ce qui n’est d’ailleurs pas prévu par le droit en vigueur – et il oblige l’employeur à informer le travailleur qu’il peut solliciter l’organisation de cette visite, ce dernier n’étant pas toujours au courant de l’existence de ce dispositif.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 18 modifié.

Article 19 : Intégration des salariés confrontés à un risque de désinsertion professionnelle à la liste des salariés prioritaires pour le bénéfice d’un projet de transition professionnelle

La commission adopte l’amendement AS440 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 19 modifié.

Titre IV
Réorganiser la gouvernance de la prévention et de la santé au travail

Article 20 : Aménagement des règles relatives à l’organisation interne des services de prévention et de santé au travail interentreprises

La commission examine l’amendement AS441 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous avions envisagé, à l’origine, de confier à l’assemblée générale deux nouvelles missions : l’approbation du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) et l’approbation du barème des cotisations pour les services obligatoires et de la grille tarifaire des services complémentaires.

À la réflexion, après avoir entendu les remarques des services de santé au travail, il n’est pas pertinent de confier de telles prérogatives à l’assemblée générale car la procédure risquerait d’être trop lourde et insuffisamment efficace. La consécration dans la loi de ladite assemblée générale n’a plus de raison d’être. Les alinéas 2 à 5 sont donc supprimés.

M. Bernard Bouley. Je ne suis pas défavorable à la suppression de l’approbation du CEPOM par l’assemblée générale mais je serais inquiet si une assemblée générale d’une association « loi 1901 » ne votait pas ses cotisations.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Les mêmes règles continueront de s’appliquer mais la loi ne précise pas les modalités de fonctionnement habituelles d’une assemblée générale.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS93 de Mme Agnès Firmin Le Bodo tombe.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS94 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS158 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. L’article 20 réforme la gouvernance des services de santé au travail et modifie notamment les procédures de désignation des administrateurs au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises. Or, la nouvelle rédaction proposée réserve les possibilités de désignation des représentants au sein des conseils d’administration des SPSTI, parmi les entreprises adhérentes, aux seules organisations représentatives sur le plan national et interprofessionnel et exclut les entreprises du multi-professionnel. La gouvernance des SPSTI devant être le reflet des entreprises adhérentes, nous proposons de réintroduire le multi-professionnel.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous souhaitons nous en tenir aux conditions de l’ANI.

M. Paul Christophe. Pour autant, il conviendrait de s’interroger sur la place des adhérents aux organisations nationales multiprofessionnelles.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS84 de Mme Jeanine Dubié et AS221 de Mme Caroline Fiat, les amendements identiques AS53 de M. Stéphane Viry et AS320 de Mme Sylvie Charrière, et les amendements identiques AS54 de M. Stéphane Viry et AS321 de Mme Sylvie Charrière.

Mme Jeanine Dubié. Il convient de transcrire à l’identique les termes de l’ANI précisant que « chaque mandataire ne pourra pas cumuler plus de deux mandats consécutifs ».

Mme Caroline Fiat. Cet amendement, qui nous a été soumis par la CFDT, reprend en effet les termes de l’ANI et nous paraît particulièrement important pour d’évidentes raisons démocratiques.

Les amendements AS320 et AS321 sont retirés.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Les amendements AS84 et AS221 reprennent en effet pertinemment une disposition de l’ANI. Avis favorable.

J’invite les auteurs des autres amendements à les retirer, à défaut, avis défavorable.

La commission adopte les amendements AS84 et AS221.

En conséquence, les amendements AS53 et AS54 tombent.

La commission examine les amendements identiques AS122 de Mme Aina Kuric et AS261 de Mme Valérie Beauvais.

M. Paul Christophe. Il convient de modifier les procédures de désignation des administrateurs pour favoriser une meilleure représentativité des TPE et des PME dans les organes de gestion des services de santé au travail.

M. Alain Ramadier. Afin de parvenir à une représentation des entreprises et des salariés dans les organismes de santé au travail la plus proche des réalités socio-économiques, il convient de modifier les procédures de désignation des administrateurs en prenant en considération l’échelon départemental.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je comprends vos intentions mais mon avis sera défavorable pour la raison précédemment évoquée et afin de respecter les équilibres de l’ANI.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AS157 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. La gouvernance des services de prévention et de santé au travail interentreprises doit être le reflet des entreprises adhérentes. Ainsi, seules les organisations syndicales et patronales représentatives des entreprises adhérentes pourront designer des représentants de celles-ci.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. La rédaction de la proposition de loi est conforme aux choix arrêtés par les partenaires sociaux signataires de l’ANI et nous ne souhaitons pas revenir sur ses termes.

Avis défavorable.

M. Paul Christophe. Pour paraphraser M. Viry : nous ne faisons plus la loi, madame la rapporteure !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS361 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS442 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 20 modifié.

Article 21 : Contribution du médecin de ville au suivi de l’état de santé de certains travailleurs

La commission examine les amendements de suppression AS85 de Mme Jeanine Dubié, AS126 de M. Pierre Dharréville et AS190 de Mme Valérie Six.

Mme Jeanine Dubié. L’article 21 prévoit la possibilité de recourir à des médecins correspondants pour contribuer au suivi autre que le suivi médical renforcé des travailleurs, comme la visite d’information et de prévention.

Le problème de la pénurie de médecins du travail doit effectivement être abordé mais nous doutons que cette solution soit adaptée. Il ne faudrait pas non plus qu’une telle disposition entraîne un conflit ou un chevauchement entre les tâches des médecins du travail et celles des médecins généralistes.

Le recours aux infirmiers en santé au travail et à la délégation de tâches semble plus pertinent. De même, il est plus adapté de permettre aux médecins praticiens correspondants qui le souhaitent de devenir médecin du travail plus facilement grâce, notamment, à des passerelles entre les formations.

Nous savons que cette disposition fait partie de l’accord national interprofessionnel et qu’elle demeure une simple faculté mais nous nous interrogeons sur sa pertinence.

M. Pierre Dharréville. Cet article ouvre la possibilité de recourir à des médecins de ville pour contribuer au suivi des travailleurs mais cela ne permettra pas de combler le manque de médecins du travail.

Outre qu’une telle mesure est inapplicable, elle risque de participer à la dévalorisation de cette spécialité qu’est la médecine du travail, médecine très particulière qui ne s’improvise pas plus que les autres. Une formation supplémentaire ne permettra pas à des médecins de ville d’exercer pleinement une telle fonction. Je connais des médecins de ville qui, pour devenir des médecins du travail, ont repris un cycle d’études.

Mme Valérie Six. Je comprends le sens de cet article visant à répondre à la pénurie de médecins du travail en ouvrant la possibilité de recourir à des médecins praticiens correspondants pour contribuer au suivi autre que le suivi médical renforcé des travailleurs, conformément à l’ANI. Il n’en reste pas moins que la démographie des médecins de ville est elle-même en péril.

Former des médecins de ville à l’exécution de tâches des médecins du travail n’est peut-être pas une solution adéquate et pérenne, d’autant plus que cette disposition est une faculté et que les médecins de ville n’y sont pas favorables. Je préfèrerais un recours aux infirmiers en santé au travail et à la délégation de tâches. Le médecin du travail a une approche globale de la personne dans l’entreprise, de son métier et du contexte dans lequel il l’exerce. Même si le médecin de ville suit une formation, il ne saura prendre en compte l’ensemble de ces facteurs, tout simplement parce que tel n’est pas son métier.

Le problème qui se pose est surtout celui de l’attractivité de la médecine du travail. Sans doute est-ce une spécialité mal reconnue qui a besoin d’être revalorisée. Je regrette que ce texte ne présente aucune disposition en ce sens mais j’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler en séance publique.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’article 21, qui reprend une disposition de l’ANI, apporte une réponse supplémentaire au problème posé par la pénurie de médecins du travail dans certains territoires. Vous avez raison de dire qu’il y a d’autres solutions, dont la délégation de tâches aux infirmiers. C’est aussi notre avis, mais il n’en resterait pas moins dommage de se priver d’une telle option. Je vous signale d’ailleurs que le médecin de ville peut d’ores et déjà être chargé de réaliser les visites médicales des salariés du particulier employeur ou des apprentis – dans le cadre, pour ces derniers, d’une expérimentation.

Ce dispositif est assorti d’un certain nombre de garanties : le médecin de ville devra disposer d’une formation en médecine du travail ; il n’aura pas vocation, contrairement au médecin du travail, à proposer des mesures d’aménagement de poste ou des horaires de travail et, encore moins, à rendre des avis d’inaptitude ; il contribuera, sur la base du volontariat, au suivi médical de certains travailleurs.

Enfin, sur la recommandation du Conseil d’État, nous avons souhaité renforcer la solidité juridique du dispositif. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement précisant que le médecin praticien correspondant contribuera au suivi médical des travailleurs « en lien avec le médecin du travail », de telle sorte que soit écarté le risque d’une détérioration de la qualité du suivi médical des travailleurs.

Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Les amendements suivants montrent en effet que vous avez tenu compte de l’avis du Conseil d’État mais il n’en reste pas moins que la désertification médicale est une réalité et qu’il ne me paraît pas opportun de charger les médecins généralistes d’une nouvelle mission alors que la délégation de tâche auprès des infirmiers est possible et que ceux-ci ont la culture de la santé au travail lorsqu’ils sont employés dans ce secteur. De surcroît, un tel dispositif risque de créer des inégalités de traitement.

M. Pierre Dharréville. Nous savons tous que les missions du médecin du travail ne se limitent pas à la visite médicale. La question du périmètre se pose donc.

De plus, je ne suis pas sûr que la carte des déserts médicaux des médecins du travail ne se superpose pas à celle des médecins généralistes. On risque donc de nous expliquer plus tard que l’inverse est également nécessaire et que les médecins du travail devront faire des consultations de ville. Où cela nous mènera-t-il donc ?

M. Bernard Bouley. Nous avons voté une loi il y a deux ans, je crois, pour que les médecins de ville puissent faire les visites médicales des apprentis, les médecins du travail ne les recevant pas. Les statistiques sont implacables : zéro visite.

La disposition dont nous discutons figure dans l’ANI et l’on ne peut qu’y être favorable.

Enfin, je vous confirme que selon le Conseil national de l’ordre des médecins, les deux cartes dont vient de parler M. Dharréville se superposent, en effet.

Mme Annie Chapelier. Cette disposition me semble assez contre-productive.

On demande en effet beaucoup aux médecins généralistes : ils doivent se démener dans les déserts médicaux, des médecins retraités doivent signer les certificats de décès, ils doivent faire des remplacements au pied levé et ils devraient maintenant pallier la pénurie de médecins du travail ! La délégation de tâches, en revanche, me semble plus appropriée et efficace.

Mme Nicole Trisse. Dans un bassin houiller de Moselle, des médecins généralistes sont également affiliés aux mines, précisément en raison de la pénurie de professionnels. Une telle situation se rencontre donc déjà.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Que pensent les médecins généralistes de cette proposition ?

M. Philippe Chalumeau. J’entends, bien sûr, que la médecine du travail est une spécialité et il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, néanmoins, les jeunes étudiants en médecine souhaitant avoir des activités variées, il me paraît intéressant de créer des passerelles. Des médecins ont d’ailleurs déjà des activités mixtes, à la fois salariales et libérales. « Ma santé 2022 », enfin, supprime le numerus clausus et le désert médical, demain, ne sera peut-être pas aussi étendu qu’il l’est aujourd’hui.

Faisons en sorte qu’il soit possible de sortir des sillons habituels, même si le dispositif « infirmier en pratique avancée » est également très intéressant !

Mme Caroline Fiat. Je vais encore jouer les oiseaux de mauvais augure.

Si l’on vous écoute, nous avons beaucoup d’infirmiers mais Olivier Véran, hier, m’a donné raison – c’est notable ! – aux questions au Gouvernement en expliquant qu’il fallait aller rechercher les infirmiers qui avaient changé de métier ! Si on pouvait déjà trouver des infirmiers pour travailler dans les hôpitaux en pleine pandémie ! « Allo Oxo, ici la Terre » ! Nous n’avons pas d’infirmiers ! Je tenais à vous en informer ! Ne misez pas non plus sur les aides-soignants, nous n’en avons pas plus !

Mme Véronique Hammerer. Le dispositif sera-t-il fondé sur le volontariat ?

Aucun médecin, en effet, ne délivre de certificats de visite médicale aux apprentis, mais je ne vois pas où est le problème quand des médecins, spécialistes ou non, choisissent de se former pour évoluer dans leur carrière. Cela n’a rien à voir avec les déserts médicaux. Il importe de leur laisser le choix d’avoir une double activité. Je suis en revanche assez sceptique sur l’efficacité d’un tel dispositif.

Il en est de même pour les infirmières. Il en manque peut-être dans les hôpitaux mais certaines choisissent par exemple de se spécialiser dans l’éducation thérapeutique – je pense aux infirmières « Asalée ».

Seul le temps nous dira si un tel dispositif est efficace.

M. Bernard Bouley. Mes collègues donnent l’impression que les services de santé au travail n’emploieraient aucune infirmière : or la loi de 2016 a autorisé les infirmières du travail à effectuer, sous la responsabilité du médecin et conformément à un protocole adapté, la visite médicale d’information et de prévention.

De telles visites représentent 75 % des visites d’embauche, et elles sont aujourd’hui faites par les infirmières, les médecins du travail se concentrant sur les embauches de personnels à risque, les visites de reprise ainsi que les visites à la demande, en forte augmentation, ce que les médecins généralistes ne pourront faire.

Ce qui est demandé à travers le texte est de surqualifier les infirmières et de les former afin qu’elles puissent, par exemple, préparer une visite de reprise d’un salarié en difficulté et ainsi faire gagner du temps au médecin.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Chers collègues, je veux d’abord rassurer les médecins de ville : cette démarche de partenariat avec les services de santé au travail, évidemment pas bénévole, se construira sur la base du volontariat.

Je répète qu’elle existe déjà, en attestent les exemples des mines et des militaires qui sont suivis par des médecins pratiquant la médecine de ville et la médecine de santé au travail : il est donc possible d’accompagner l’individu sur l’ensemble des facettes de sa vie professionnelle et personnelle.

De quelles missions parlons-nous ? Elles excluent, je le répète, les visites renforcées, qui doivent rester de la compétence du médecin du travail. Y étant extrêmement attachées comme principe essentiel d’une telle coopération, nous avons, Charlotte Lecocq-Parmentier et moi-même, largement discuté de ce sujet tant avec le Conseil d’État que lors de nos travaux préparatoires.

Parlons vrai : aujourd’hui, l’iniquité territoriale existe déjà en France, et ce n’est pas ce dispositif qui l’aggravera.

On peut cependant imaginer qu’un médecin de ville cherchant à approfondir une compétence en matière de santé au travail – il s’agit d’une démarche volontaire, puisqu’il devra suivre une formation – et susceptible, notamment dans un territoire rural, d’apporter un appui, serait intéressant pour la vie de celui-ci.

Un tel choix d’orientation professionnel pourrait le conduire demain à exercer en tant que médecin collaborateur dans un service de santé au travail et pourquoi pas, ensuite, en tant que médecin du travail.

Mon parcours de directrice des ressources humaines me fait comprendre une telle poursuite de carrière et une telle démarche d’orientation et d’organisation de vie professionnelle et personnelle.

S’agissant de la concertation avec les ordres professionnels, nous les avons bien évidemment entendus dans le cadre de nos travaux préparatoires : il semble qu’ils aient été peu consultés en amont des discussions entre partenaires sociaux et de la conclusion de l’accord national interprofessionnel (ANI).

Ils ont donc exprimé un certain nombre d’inquiétudes et de réserves auxquelles nous avons cherché à répondre par le biais des dispositions de sécurisation proposées au travers de l’article.

J’y insiste : Charlotte Lecocq-Parmentier et moi-même avons souhaité, dès le démarrage de nos travaux, conforter tant la place des infirmiers – en particulier celle des infirmiers en pratique avancée (IPA) : nous y reviendrons à l’article 23 – dont nous soulignons la formidable expertise, que celle d’une équipe pluridisciplinaire agglomérant différentes compétences.

Nous faisons le pari de suivre les partenaires sociaux dans ce dispositif et leur souhaitons de réussir à animer ce réseau de médecins de ville.

Nous le concevons comme un ensemble de mesures accompagnant les réponses multiples et de moyen terme aux défis en matière de prévention, de lutte contre la désinsertion professionnelle, mais également en matière de crise économique et sanitaire et, avec la fin du numerus clausus, d’arrivée progressive de jeunes médecins, car c’est ainsi que se construit une société.

Je suis donc défavorable aux amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS268 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. Notre collègue Agnès Firmin Le Bodo est très sensible à l’introduction du médecin praticien correspondant (MPC), disposition innovante de l’ANI.

L’amendement vise donc à réaffirmer dans la loi que les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) devront, s’ils ne disposent pas des ressources médicales suffisantes, constituer un réseau de médecins praticiens correspondants pour répondre aux demandes des entreprises afin de combler le manque de médecins praticiens.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Les amendements AS268 et AS267 visent, même si j’en comprends la préoccupation sous-jacente, à contraindre les SPSTI à recourir aux MPC dans le cas où ils ne disposeraient pas de ressources médicales suffisantes pour accomplir leurs missions.

Il ne me semble pas que cela corresponde à l’intention de l’ANI ni à notre volonté politique : il n’est en effet nullement question d’obliger ces services ou les médecins libéraux à conclure un protocole.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’amendement AS267 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Elle en vient à l’amendement AS443 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il s’agit de donner suite à nos échanges avec le Conseil d’État : il apparaît préférable de préciser que le MPC contribuera au suivi de l’état de santé des travailleurs en lien avec le médecin du travail, lequel demeurera seul compétent pour proposer des mesures d’aménagement du poste ou des horaires de travail ainsi que pour déclarer inaptes certains travailleurs.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS277 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit de préciser les cas dans lesquels il est possible de recourir à des MPC pour contribuer au suivi des travailleurs.

Les visites médicales obligatoires peuvent être déléguées à un médecin généraliste tandis que les entretiens nécessitant une formation spécifique en santé publique doivent rester de la compétence du médecin du travail.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je ne suis pas sûre que la solution consistant à confier au MPC le soin de réaliser uniquement les visites obligatoires soit pertinente.

Si une telle rédaction était retenue, cela signifierait qu’il ne pourrait plus réaliser les visites demandées par un travailleur qui, par construction, ne sont pas obligatoires. Les amendements précédents suffisent à sécuriser les conditions d’exercice de ce médecin praticien correspondant.

Il n’est pas évident qu’il faille exclure cette possibilité que nous laissons ouverte.

Pour ce qui concerne la formation, il me semble que la rédaction que nous avons retenue est satisfaisante. Mon avis est donc défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS444 et AS445 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement AS357 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. Notre groupe propose que le MPC ne puisse cumuler cette fonction avec celle de médecin traitant d’un salarié, afin de ne pas mélanger les genres.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Mme Valérie Six. Je ne comprends plus la démarche : vous cherchez à disposer de plus de médecins de travail et à mettre à contribution certains médecins de ville. Or, compte tenu de l’adoption de l’amendement précédent, vous n’aurez jamais assez de médecins !

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Les auditions que nous avons menées en particulier avec les ordres et les syndicats de médecins nous ont alertés sur le fait qu’un médecin traitant peut parfois se trouver en difficulté lorsqu’il a à émettre certains avis sensibles concernant ses patients.

Eu égard aux relations établies avec ceux-ci et aux caractéristiques du secteur privé, la prudence a semblé s’imposer concernant les médecins traitants.

Il s’agit cependant, je vous l’accorde, d’une condition, donc d’une difficulté, supplémentaire.

Mme Nicole Trisse. J’émets également une réserve : franchement, même si je comprends bien le concept, cela va être une usine à gaz.

La commission examine l’amendement AS446 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Compte tenu de la sensibilité de la matière, l’amendement renvoie à un décret en Conseil d’État plutôt qu’à un décret simple.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 21 modifié.

Après l’article 21 :

La commission est saisie de l’amendement AS224 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Alors que sa démographie est très faible, la médecine du travail occupe une place essentielle dans le monde du travail.

La proposition de loi entend lui faire assumer des missions supplémentaires de promotion de la santé, ce qui ne doit pas se faire au détriment de ses missions premières : protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

Dans un rapport de 2017, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) observait justement que le nombre de médecins du travail a connu une baisse constante ces dernières années, appelant en outre à entamer un travail de fond pour l’amélioration de l’attractivité du métier et son image.

Ce même rapport s’inquiétait des moyens de l’inspection du travail : « la DGT et les DIRECCTE sont dans une situation difficile pour pouvoir pleinement jouer leur rôle, notamment du fait d’un déficit important en médecins inspecteurs du travail. »

L’amendement vise donc à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant l’état et l’évolution de la démographie en médecins du travail et en médecins inspecteurs du travail – dont on ne parle hélas que trop peu – et formulant des préconisations pour que ces métiers retrouvent de l’attrait.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Les rapports sur la démographie médicale dans le domaine de la santé au travail ne manquent pas : outre les travaux de l’IGAS, on pourrait citer les excellents rapports, tous parus récemment, de notre collègue Charlotte Parmentier-Lecocq et de nos collègues sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny.

Vous avez cependant raison de dire qu’il faut tout faire pour renforcer l’attractivité de la filière médecine du travail : nous partageons votre sentiment et cela figure d’ailleurs dans notre rapport.

Un rapport supplémentaire sur le sujet est-il toutefois nécessaire ? Je ne le crois pas. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme Caroline Fiat. L’amendement précise que le rapport, qui arriverait au bon moment, devra présenter « […] des préconisations pour que la médecine du travail retrouve de l’attrait auprès des médecins. »

La commission rejette l’amendement.

Article 22 : Préservation du temps de travail du médecin du travail

La commission examine l’amendement de suppression AS191 de Mme Valérie Six.

Mme Valérie Six. Il s’agit de supprimer cette organisation imposée du temps de travail du médecin, car les médecins du travail ont besoin de souplesse afin d’exercer leurs missions.

Il serait plutôt nécessaire d’alléger leurs tâches administratives – dont une partie pourrait être déléguée aux infirmières du travail – afin qu’ils se dégagent du temps médical, comme le prévoit la proposition de loi.

Le manque de médecins du travail est la réelle cause du peu de temps passé en entreprise : seule une attractivité renouvelée de la médecine du travail permettrait au médecin du travail d’y passer, de sa propre initiative, plus de temps.

Il faut leur laisser de la souplesse dans leur organisation et notamment au sein de leurs équipes.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous déplorons également en effet l’actuelle démographie décroissante des médecins du travail. Il faut en outre qu’ils consacrent plus de temps à la pratique médicale qui constitue leur expertise.

Que propose cet article ? De sanctuariser le tiers du temps de travail passé par les médecins du travail en milieu de travail, ce qui constitue leur cœur de métier, c’est-à-dire l’accompagnement des individus et des entreprises.

Cette règle, que nous allons inscrire dans le marbre de la loi, était déjà fixée auparavant par décret : il s’agit donc de les préserver notamment des tâches administratives.

Il incombe à tous les acteurs, notamment aux directeurs d’établissement ou de SSTI, de prendre toutes mesures leur permettant d’effectuer ce partage de leur temps.

Le temps consacré aux instances de coordination territoriale – cela vaut également, comme nous l’avons prévu, s’agissant des travailleurs en situation de handicap, notamment autour des cellules de prévention et de lutte contre la désinsertion professionnelle – n’est pas du temps d’administration, mais de coopération, de pratique professionnelle et de tissage conjoint de solutions.

Cette implication sur les territoires constituera donc également un véritable levier en matière de prévention en matière de santé au travail.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS259 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Puis elle adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle AS447 de la rapporteure.

En conséquence, les amendements AS291 et AS284 de Mme Michèle de Vaucouleurs tombent.

La commission adopte l’article 22 modifié.

Article 23 : Création du statut d’infirmier de santé au travail et autorisation pour ce dernier d’exercer en pratique avancée

La commission est saisie de l’amendement AS311 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Il ne s’agit que d’un amendement d’appel car même s’il venait à être adopté, il serait impossible de le mettre en œuvre.

Vous avez prévu que les médecins du travail passent un tiers de leur temps sur les lieux de travail et cherché, par certains artifices, à augmenter le nombre de médecins pouvant intervenir en santé au travail.

Réfléchir au développement des IPA du travail pourrait apporter la réponse de demain : or cette spécialité de pratique avancée et les référentiels n’existent pas encore. Je salue cependant la seconde partie de l’article qui lui offre un cadre.

J’espère que vous porterez un regard bienveillant sur l’amendement qui permettra d’évoluer plus rapidement vers ces nouvelles professions.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. C’est le cas, tant nous sommes nombreux à être convaincus que l’infirmière doit prendre toute sa place au sein de cette équipe pluridisciplinaire, notamment au travers du déploiement du dispositif d’IPA.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS313 de Mme Annie Chapelier

Mme Annie Chapelier. Il s’agit de préciser que la formation spécifique en santé au travail définie par décret en Conseil d’État sera sanctionnée par un diplôme.

Si les infirmiers en exercice pourront la suivre grâce à leur employeur, l’absence de diplôme universitaire ne permettra pas de la valoriser : il n’y aura en effet pas de différence en termes de rémunération.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous partageons votre constat et reconnaissons comme vous l’enjeu fondamental qui s’attache à la formation. Nous avons beaucoup échangé avec les acteurs, qui soulignent l’hétérogénéité des contenus et de l’organisation des formations. Nous sommes convaincus de la nécessité de mener un travail d’harmonisation et de mieux accompagner les infirmiers en santé au travail, afin d’améliorer et de valoriser cette spécialisation. Cela étant, le renvoi à un décret en Conseil d’État pour la définition de la formation nous semble satisfaisant, ces questions relevant plutôt du niveau réglementaire. La précision que vous proposez d’apporter au texte ne nous paraît pas indispensable. Avis défavorable

Mme Annie Chapelier. S’il n’est pas précisé qu’un diplôme sera délivré à l’issue de la formation, l’employeur pourra continuer à appliquer la même grille salariale. La formation doit être perçue comme une promotion.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS288 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il est proposé que la formation en santé au travail soit dispensée à l’infirmier qui n’en a pas encore suivi au plus tard dans le mois suivant la fin de la période d’essai et non dans les douze mois suivant le recrutement. Cette compétence est en effet essentielle pour améliorer le service rendu.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous sommes tous conscients de l’impérieuse nécessité de dispenser cette formation, mais l’accélération que vous proposez pourrait constituer une contrainte trop forte pour l’employeur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS314 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Il s’agit de préciser que la formation aura lieu avant le terme du contrat, pour ne pas inciter à la multiplication des CDD.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS448 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement AS449 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’amendement a pour objet de préciser que l’infirmier pourra exercer en pratique avancée au sein d’un service de prévention et de santé au travail « en assistance d’un médecin du travail ». Les 1°, 2° et 3° du I de l’article L. 4301-1 du code de la santé publique, modifié par l’alinéa 13 de l’article 23 de notre texte, disposent que l’exercice en pratique avancée se fait, suivant les cas, sous la coordination d’un médecin traitant, d’un médecin des armées ou en assistance d’un médecin spécialiste. Nous vous proposons cette précision afin qu’il soit bien établi que l’infirmier en pratique avancée n’exercera pas en totale autonomie, ce qui ne retire évidemment rien à la confiance que nous lui portons.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

Après l’article 23

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS316 de Mme Annie Chapelier, AS192 de Mme Valérie Six et AS143 de M. Pierre Dharréville.

Mme Annie Chapelier. L’amendement vise à ce que, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le déploiement de la pratique avancée en santé au travail, incluant des recommandations sur la création d’une formation universitaire et la validation des acquis de l’expérience pour les infirmiers de santé au travail déjà formés.

Mme Valérie Six. L’amendement AS192 s’inspire des dispositions du code du travail concernant la protection du médecin du travail. Il vise à créer le statut de salarié protégé pour les infirmiers de santé au travail. Au sein des équipes pluridisciplinaires, le rôle des infirmiers est essentiel. Les représentants syndicaux des infirmiers indiquent que les salariés se confient souvent plus facilement à l’infirmier du travail qu’au médecin du travail, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’ils n’encourent pas de risque d’inaptitude.

M. Pierre Dharréville. Je propose la même mesure, qui constituait la proposition numéro 35 du rapport de la commission d’enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je ferai une réponse unique sur l’ensemble des amendements proposant de faire de l’infirmier de santé au travail un salarié protégé. C’est un sujet sensible et complexe. Reconnaître le statut de salarié protégé emporte un certain nombre de conséquences, que vous n’ignorez pas. Au cours des travaux préparatoires à l’examen de la proposition de loi, nous n’avons pas abordé la question avec les partenaires sociaux. Or, il ne me semble pas que nous puissions prendre une décision de cette nature et de cette ampleur sans un minimum de concertation préalable. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable

Mme Annie Chapelier. J’ai présenté par anticipation l’amendement AS312. Lors des auditions que j’ai menées dans le cadre du groupe d’études sur les professions paramédicales, les représentants des infirmiers de santé au travail demandaient avec insistance la création de ce statut pour faire face à l’instabilité de leur situation vis-à-vis des employeurs. Cette protection leur serait très utile, en particulier lorsqu’ils constatent et font remonter des dysfonctionnements au sein d’une organisation. Le statut protégé ne doit pas être l’apanage des médecins.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient aux amendements AS315 et AS312 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. L’amendement AS315 vise à instaurer le tiers-temps infirmier par parallélisme avec le tiers-temps des médecins, pour permettre aux infirmiers de santé au travail de se rendre sur le terrain.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je ne pense pas qu’on puisse introduire dans le texte une modification de cette nature sans consulter préalablement les intéressés et évaluer son impact. Je ne suis pas opposée à ce que nous réfléchissions à la question mais cette mesure me paraît prématurée. Avis défavorable.

Concernant l’amendement AS312, j’appelle votre attention sur le fait que la publication de la loi interviendra avant son entrée en vigueur, fixée au plus tard le 31 mars 2022. Dès lors, le délai que vous laissez au Gouvernement pour remettre le rapport risque d’être insuffisant pour tirer de réels enseignements sur la pratique avancée en santé au travail. Avis défavorable.

Mme Annie Chapelier. Si vous le souhaitez, on peut réduire le délai à six mois.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 24 : Promotion de la délégation des tâches au sein de l’équipe pluridisciplinaire du service de prévention et de santé au travail interentreprises

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS36 de M. Bernard Perrut et AS56 de M. Stéphane Viry.

M. Bernard Bouley. L’amendement reconnaît le rôle déterminant du médecin du travail dans la formulation des avis et conseils délivrés par le SPSTI. Le médecin du travail est le seul qualifié pour établir un lien complet entre la santé des travailleurs et les situations de travail. En supprimant l’alinéa sur l’animation et la coordination de l’équipe, l’amendement vise à favoriser la souplesse organisationnelle. Il s’agit de tenir compte des compétences disponibles et des aspirations des professionnels présents dans le SPSTI tout en garantissant que le médecin du travail puisse jouer son rôle. Le fonctionnement de l’équipe pluridisciplinaire est renvoyé au cadre organisationnel défini au sein du projet de service afin de tendre vers l’harmonisation concertée des pratiques et du service rendu. Pour rappel, le projet de service fait l’objet d’un avis de la commission médico-technique et doit être approuvé par le conseil d’administration paritaire.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Votre amendement soulève une difficulté. En effet, il autorise le médecin du travail à déléguer une partie de ses activités aux seuls infirmiers, ce qui marque un recul par rapport au droit en vigueur. Le second alinéa de l’article R. 4623-14 du code du travail permet au médecin du travail de confier certaines activités, sous sa responsabilité, dans le cadre de protocoles écrits, aux collaborateurs médecins, aux internes, aux candidats à l’autorisation d’exercice, aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou, lorsqu’elle existe, aux membres de l’équipe pluridisciplinaire.

L’article 24 propose d’élever cette disposition au rang législatif. Toutefois, parce que la délégation n’était pas suffisamment encadrée dans la rédaction initiale de la proposition de loi, nous avons déposé des amendements destinés à garantir la solidité juridique du dispositif.

Quoi qu’il en soit, je ne peux donner un avis favorable à un amendement guidé par une logique aussi différente de la nôtre.

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’avais déposé, à l’article 22, un amendement – qui est tombé – prévoyant que le médecin pouvait déléguer à l’équipe pluridisciplinaire un tiers-temps en milieu de travail. Il me paraît nécessaire de réaffirmer dans le texte la faculté offerte au médecin de déléguer tout ou partie de son temps de travail sur le terrain à l’équipe pluridisciplinaire. Il est essentiel que le médecin soit présent dans le milieu de travail, mais il n’a pas à l’être en permanence ; d’autres personnes peuvent lui faire remonter les informations.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS317 de Mme Annie Chapelier et AS358 de M. Didier Martin, ce dernier faisant l’objet du sous-amendement AS462 de la rapporteure.

Mme Annie Chapelier. L’amendement AS317 vise à intégrer les ergothérapeutes et les masseurs-kinésithérapeutes à l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail. Ce sont des acteurs majeurs au titre de la prévention et de la détection des pathologies, par exemple des troubles musculo-squelettiques, très fréquemment rencontrés dans le monde du travail. Je suis toutefois consciente que toutes les entreprises n’ont pas les moyens d’avoir des équipes aussi étoffées.

M. Didier Martin. Les masseurs-kinésithérapeutes nous ont fait savoir que leur formation comportait un volet dédié à la prévention. Le décret de 1996 relatif à leurs actes professionnels leur offre la possibilité de travailler dans ce domaine. La prévention liée aux postures est indispensable pour réduire les troubles musculo-squelettiques, qui représentent près de 90 % des maladies professionnelles. Par ailleurs, le mouvement permet de lutter contre la sédentarité et ses effets sur la santé. Il paraît donc pertinent que les masseurs-kinésithérapeutes intègrent les équipes pluridisciplinaires. Cela permettrait de lutter contre les pathologies professionnelles et de favoriser l’adaptation des travailleurs atteints de handicap et d’affections de longue durée à leurs conditions de travail, tout en améliorant celles-ci. In fine, cela renforcerait le maintien dans l’emploi.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Si la mention des masseurs-kinésithérapeutes dans la liste des professionnels composant l’équipe pluridisciplinaire ne soulève, à mon sens, pas de difficulté, la mention de ces professionnels au premier alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail me paraît, en revanche, inopportune. Cet alinéa reconnaît à tout travailleur le droit de bénéficier d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail et l’infirmier. Nous allons ajouter à cette liste le médecin praticien correspondant, mais nous ne souhaitons pas aller au-delà. Il n’y a pas de raison de faire une place particulière à d’autres professionnels de santé. J’ai une préférence pour la rédaction de l’amendement AS358, qui fait entrer les masseurs-kinésithérapeutes au sein de l’équipe pluridisciplinaire. Avis défavorable sur l’amendement AS317.

Mme Annie Chapelier. Je suis très satisfaite de l’évolution proposée pour les masseurs-kinésithérapeutes. Cela étant, l’association nationale française des ergothérapeutes m’a interpellée, aujourd’hui encore, sur la place que ces praticiens pourraient jouer dans le domaine de la santé au travail, notamment pour l’adaptation du poste de travail. C’est une mission complémentaire, qui s’inscrit pleinement dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire. Je déposerai un amendement en séance concernant les ergothérapeutes.

Mme Jeanine Dubié. Il me paraît aussi justifié d’inclure les ergothérapeutes dans l’équipe pluridisciplinaire, car ils jouent un rôle majeur pour prévenir les troubles musculo-squelettiques.

L’amendement AS317 est retiré.

La commission adopte le sous-amendement AS462.

Puis elle adopte l’amendement AS358 sous-amendé.

La commission en vient à l’amendement AS86 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Il vise à mettre fin à la possibilité pour le médecin du travail de déléguer l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire aux professionnels qui en font partie. Il nous semble essentiel que ces missions restent l’apanage du médecin du travail, afin de garantir la cohérence des décisions. Par ailleurs, la délégation pourrait susciter des difficultés d’organisation et être facteur de confusion.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’alinéa 3 de l’article prévoit que le médecin du travail pourra déléguer l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire aux professionnels de santé qui la composent. Selon nous, c’est un moyen de donner de la souplesse à l’organisation de l’équipe. J’insiste sur le fait que cette délégation n’est qu’une possibilité donnée au médecin du travail, qui pourra confier certaines tâches managériales aux membres de l’équipe pluridisciplinaire disposant des compétences nécessaires, par exemple aux infirmiers en pratique avancée. Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Le Conseil d’État a préconisé la suppression de l’article 24. Il a estimé que la délégation de missions de coordination et d’animation ne peut être envisagée, comme le prévoit la loi actuelle, que de manière ponctuelle et partielle, sous la responsabilité du médecin du travail. La notion de responsabilité est essentielle.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS87 de Mme Jeanine Dubié et AS293 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement prévoit que le médecin du travail peut assurer ou déléguer l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire « dans les conditions définies par le projet de service ». Celui-ci est élaboré en lien avec la commission médicotechnique, approuvé par le conseil d’administration paritaire et soumis à l’administration, dans le cadre de la procédure d’agrément.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit de préciser que le médecin du travail ne peut déléguer l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire qu’à une personne ayant suivi ou validé une formation en santé publique.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis défavorable, car les dispositions que vous proposez réduiraient la souplesse du dispositif.

M. Cyrille Isaac-Sibille. J’entends ce que vous dites, mais le médecin peut déléguer ces tâches à quelqu’un qui ne dispose pas de la compétence nécessaire.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Je ne crois pas que le médecin du travail déléguerait des missions à des professionnels qui n’auraient pas les compétences requises.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement AS255 de M. Bernard Bouley.

M. Bernard Bouley. Le constat de la désorganisation et de l’hétérogénéité des services de santé au travail nous conduit, aujourd’hui, à examiner ce texte. Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi institue notamment la certification, le socle commun et le niveau de cotisation qui lui est attaché. Je crains que, si on ne fait pas référence au projet de service dans les dispositions relatives à l’animation et à la coordination de l’équipe pluridisciplinaire, l’hétérogénéité demeure. Il sera difficile pour un service de santé au travail d’instituer la certification et le socle commun, car chaque médecin a sa façon de travailler. Il faut fixer un cadre, sans rien retirer à la responsabilité de l’équipe pluridisciplinaire.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Vous évoquez des sujets distincts. La certification, l’offre socle et les offres complémentaires sont instituées sur la proposition du CNPST. Avis défavorable pour les raisons précédemment invoquées.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS322 de Mme Sylvie Charrière.

Mme Monique Limon. La proposition de loi tend à renforcer les mécanismes de direction et d’animation de l’équipe pluridisciplinaire des SPST, en permettant notamment aux différents acteurs d’y prendre leur part. Ainsi, l’article 24 met en avant le rôle du directeur du service. Ce même article confère pourtant au médecin du travail l’entier pouvoir de gestion ou de délégation pour tout ce qui concerne l’équipe pluridisciplinaire, alors qu’il n’est pas nécessairement formé aux spécificités managériales. Il doit pouvoir être appuyé et aiguillé dans la gestion de l’équipe par le directeur. L’amendement vise à ce que le médecin du travail assure ou délègue l’animation de l’équipe pluridisciplinaire en lien avec le directeur du SPST.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS123 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. S’inscrivant lui aussi dans une optique pluridisciplinaire, il vise à ce que la faculté de répartir les tâches d’encadrement s’exerce dans le cadre du fonctionnement général du SPSTI. Cela permettrait de conserver la souplesse organisationnelle introduite par l’article 24 de la proposition de loi tout en l’encadrant par la définition collective du projet de service, approuvé par le conseil d’administration paritaire du SPSTI et évalué dans le cadre de la certification envisagée. Tout faire reposer sur le médecin ne permet pas d’assurer suffisamment de cohérence, c’est le projet de service qui doit prédominer.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis défavorable. Les modifications que nous apportons à la rédaction de l’alinéa 5, qui encadre la délégation par le médecin du travail de ses missions aux membres de l’équipe pluridisciplinaire, sont inspirées de l’avis du Conseil d’État. Elles sont de nature à apporter au dispositif les garanties qui font actuellement défaut et qui figurent à ce jour dans la partie réglementaire du code du travail. Je les évoquerai dans un instant.

M. Paul Christophe. Si vous restreignez la délégation au seul médecin, vous risquez d’avoir autant d’organisations qu’il y aura de médecins dans le service. Franchement, ce ne sera pas une source de progrès. On peut s’autoriser à réfléchir au-delà de l’avis du Conseil d’État. Nous reviendrons sur cette question en séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements AS451 et AS450 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’amendement AS451 précise que c’est sous la responsabilité du médecin du travail que les membres de l’équipe pluridisciplinaire exerceront les tâches déléguées par lui. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’actuel second alinéa de l’article R. 4623‑14 du code du travail, auquel l’article 24 de la proposition de loi confère valeur législative.

L’amendement AS450 ajoute à l’alinéa 5 la précision selon laquelle les missions déléguées par le médecin du travail sont exercées dans la limite des compétences des professionnels de santé prévues par le code de la santé publique. La même précision est prévue pour les infirmiers.

La commission adopte successivement ces amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS346 de Mme Graziella Melchior.

Elle est saisie de l’amendement AS269 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Jeanine Dubié. J’aurais voulu une précision sur l’alinéa 7, qui commence par « Le directeur prend les décisions relatives à l’organisation et au fonctionnement du service nécessaires à la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires ». Est-ce à dire qu’il y a des directeurs qui ne respecteraient pas la loi ni le règlement ? Sinon, pourquoi affirmer l’évidence ? Je me demande ce que cette phrase vient faire dans le texte.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cet alinéa dit simplement que c’est la mission du directeur que de s’assurer que ces principes sont respectés par lui et par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire.

Mme Jeanine Dubié. C’est tout de même un peu fort. Nous y reviendrons en séance.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS323 de Mme Sylvie Charrière.

Mme Monique Limon. Il vise à donner au directeur un rôle d’arbitrage dans la gestion de l’équipe pluridisciplinaire, dans un souci de fluidification des interactions et de l’animation, afin de mettre en cohérence les différentes attributions et les cœurs de métier.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis défavorable. Le directeur n’a pas vocation à arbitrer les décisions prises par le médecin du travail en ce qui concerne la délégation de ses tâches managériales.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 24 modifié.

Article 25 : Création du comité national de prévention et de santé au travail au sein du conseil d’orientation des conditions de travail

La commission est saisie de l’amendement AS452 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cet amendement ajoute à la liste des membres du Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) un représentant de l’État et un représentant de la CNAM (Caisse nationale d’assurance maladie). Sa composition correspondra ainsi à celle de l’actuel groupe permanent d’orientation (GPO), dont les missions sont absorbées par la nouvelle structure.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS88 de Mme Jeanine Dubié, AS130 de M. Pierre Dharréville et AS39 de M. Stéphane Viry tombent.

La commission est saisie de l’amendement AS305 de M. Bernard Bouley.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Avis défavorable : nous ne souhaitons pas toucher à l’équilibre trouvé par les partenaires sociaux quant à la composition du futur CNPST.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS270 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS299 de M. Cyrille Isaac-Sibille, ainsi que les amendements AS96 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS295 de M. Nicolas Turquois.

M. Cyrille Isaac-Sibille. L’ANI, rien que l’ANI, tout l’ANI ! Selon l’ANI, le CNPST est composé de représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. L’amendement AS299, pour mieux le respecter, propose d’introduire les mots « et interprofessionnel ».

M. Nicolas Turquois. L’amendement AS295 propose, lui, le terme « multiprofessionnel ». Au-delà de la nuance, je suis terriblement gêné par le fait que le texte, sauf au début, oublie complètement le milieu agricole. Je le vois comme une mise à l’écart des salariés agricoles en matière de santé au travail. Que la Caisse centrale de la MSA soit intégrée au CNPST pourrait contribuer au rapprochement des pratiques et me semblerait avoir du sens dans la gouvernance de la santé au travail.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. La question de la gouvernance est évidemment un sujet particulièrement sensible. Chacun ici le sait, et a compris que l’équilibre avait été difficile à trouver dans les discussions sur ce point. Par ailleurs, si l’on commence à intégrer certaines organisations interprofessionnelles, il faut le faire pour toutes, et l’instance devient d’une tout autre taille. Il faut vraiment y être sensibles. J’ajoute que la MSA n’a pas souhaité intégrer les dispositions de l’ANI : il est dès lors difficile de vouloir faire partie de certaines instances et pas d’autres.

Nous allons respecter les équilibres trouvés dans cet accord national interprofessionnel conclu entre certains partenaires. Nous nous y sommes engagés, et c’est une condition de la réussite.

Mme Véronique Hammerer. On parle là de deux choses très différentes. La MSA est un guichet unique. Elle a un objet spécifique, les salariés et exploitants agricoles, et son propre fonctionnement. Oui, elle a de grands préventeurs en matière de santé, oui elle applique la pluridisciplinarité et la transversalité dont nous parlons aujourd’hui, et elle le fait depuis trente ou quarante ans ! Elle n’entre donc pas forcément dans le cadre de la présente proposition de loi, qui s’adresse à des organismes bien définis. Elle va rester à part et continuer à faire la même chose qu’auparavant. En revanche, si on s’appuyait de temps en temps sur le savoir-faire des mutualités sociales agricoles, y compris pour élaborer cette proposition de loi, on en sortirait grandi.

M. Nicolas Turquois. La MSA est un régime social obligatoire. Elle est loin de s’adresser seulement aux agriculteurs, qui n’y sont même plus majoritaires. Quand on travaille au Crédit agricole, on relève de la MSA. On y a pourtant les mêmes conditions de travail qu’à la Société générale ! Et les employés des coopératives agricoles exercent des métiers qui ne sont pas différents des autres secteurs. Sans compter que la démographie des agriculteurs eux-mêmes est négative. Mettre la MSA dans le tour de table me paraît légitime, et me semble aller dans le sens de l’histoire pour un métier que les agriculteurs ou employés de coopératives agricoles vivent de plus en plus comme un métier comme les autres.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Il serait effectivement préférable d’éviter les clivages dans le pilotage de la politique de prévention. Le monde agricole compte nombre de professions qui sont cousines, voire identiques à ce qu’on trouve dans d’autres entreprises, par exemple dans l’agro-alimentaire, les banques ou les coopératives. Il y a des ouvriers qui travaillent sur des chaînes et qui relèvent de la MSA. Je comprends qu’il soit difficile d’embrasser tous les domaines à la fois, mais cet échange et cette concertation avec la MSA, qui a une certaine avance dans la culture de prévention, serait bénéfique pour tous. C’est une piste de réflexion.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je n’ai pas eu de réponse quant à ma proposition d’ajouter les mots « et interprofessionnel ». C’est dans l’ANI !

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS165 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. L’article 25 crée un Comité national de prévention et de santé au travail au sein du COCT. Un amendement de la rapporteure a permis d’y ajouter les représentant de l’État, ce qui était nécessaire. Il nous semble intéressant aussi d’intégrer les acteurs de la prise en charge du handicap, comme l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) ou Cap emploi. En effet, le handicap et sa présence dans l’entreprise sont généralement traités comme un objet spécifique, indépendant de la santé au travail. Notre proposition permettrait d’avancer en matière de prise en compte du handicap dans les instances de dialogue social de l’entreprise et de maintien en emploi.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Les organisations que vous citez sont des partenaires et des acteurs essentiels dans la prise en charge du handicap, mais ne figurent pas sur la liste des membres du GPO. Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. C’est pour cela que nous proposons qu’elles y figurent !

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS338 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Sur la demande de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, nous proposons d’élargir le plus possible la composition du CNPST, d’une part à la société civile, avec des associations de victimes du travail, de malades et de médecins par exemple, et d’autre part aux agences de l’État. Cette liste est une proposition, qui peut être réduite.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous ne souhaitons pas élargir de cette manière la liste des membres du CNPST. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements AS453 et AS454 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. L’amendement AS453 précise que la liste des missions du CNPST n’est pas exhaustive. Le suivant tire les conséquences de l’adoption de l’amendement AS386 à l’article 8.

La commission adopte successivement ces amendements.

Elle examine en discussion commune l’amendement AS40 de M. Stéphane Viry et l’amendement AS89 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous avons déposé des amendements destinés à modifier les missions du CNPST à la lumière des remarques formulées par le Conseil d’État, s’agissant notamment des prérogatives susceptibles d’être confiées à cette nouvelle structure compte tenu de sa composition. Nous sommes parvenus me semble-t-il à une solution équilibrée.

Pour ce qui est de la mission touchant au passeport prévention, je vous propose de l’intégrer au texte au moment de son examen en séance, afin de tenir compte de la modification que nous avons apportée à l’article 3 de la proposition de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS455 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il tire les conséquences de la modification apportée par l’amendement AS393 à l’article 8.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS359 de M. Didier Martin tombe.

La commission est saisie de l’amendement AS365 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Le CNPST a vocation à se substituer à l’actuel groupe permanent d’orientation du COCT. La MSA était représentée dans le GPO. Pour travailler au rapprochement et à l’enrichissement réciproque des deux systèmes de protection, agricole et général, il serait pertinent que cela soit le cas dans le futur CNPST.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cette précision n’est pas nécessaire : l’article L. 4641-3 du code du travail prévoit déjà que c’est un décret en Conseil d’État qui détermine l’organisation, les missions, la composition et le fonctionnement des formations du CNPST, donc du futur CNPST. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 25 modifié.

Article 26 : Création d’un comité régional de prévention et de santé au travail au sein du comité régional d’orientation des conditions de travail

La commission est saisie de l’amendement AS456 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il ajoute à la liste des membres du nouveau comité régional de prévention et de santé au travail (CRPST) un représentant de l’État et un représentant de la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail) afin que sa composition corresponde à celle de l’actuel groupe permanent régional d’orientation (GPRO), dont les missions sont absorbées par la nouvelle structure.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS41 de M. Stéphane Viry et AS90 de Mme Jeanine Dubié tombent.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS300 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS335 de M. Bernard Bouley.

Elle examine en discussion commune les amendements AS95 et AS271 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. Il s’agit encore une fois d’insister sur la dimension interprofessionnelle et multiprofessionnelle.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS166 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Il prévoit d’intégrer les acteurs de la prise en charge du handicap au sein des comités régionaux.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. J’entends bien vos arguments, mais pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS296 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Il s’agit toujours de la représentation de la MSA, cette fois dans les comités régionaux. Je le retravaillerai pour la séance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS457 de la rapporteure.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Il précise que la liste des missions du comité régional de prévention et de santé au travail n’est pas exhaustive.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS42 de M. Stéphane Viry et AS91 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous venons d’adopter un amendement précisant que les missions du futur CRPST ne sont pas énumérées de manière exhaustive, afin de tenir compte du fait qu’il lui reviendra d’exercer les missions aujourd’hui dévolues aux groupes permanents régionaux d’orientation des CROCT, missions qui sont prévues au niveau réglementaire. Je propose d’en rester là. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS92 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Il propose que les comités régionaux de prévention et de santé au travail présentent tous les ans un rapport d’activité au CNPST, afin d’assurer la cohérence entre les décisions nationales et régionales.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Cet amendement me semble satisfait : l’article R. 4641-21 du code du travail prévoit d’ores et déjà que les groupes permanents régionaux d’orientation des CROCT, qui seront remplacés par les CRPST, adressent au groupe permanent d’orientation du COCT, remplacé par le CNPST, un bilan annuel de leur activité. Je vous invite à le retirer. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 26 modifié.

Article 27 : Demande de rapport au Parlement sur la modification des relations juridiques et financières entre l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et le réseau des associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail

La commission adopte l’article 27 sans modification.

Article 28 : Formation des membres de la délégation du personnel du comité social et économique de l’entreprise en santé au travail

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS139 de M. Pierre Dharréville et AS232 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit de maintenir, pour les entreprises de plus de 300 salariés, une formation d’une durée minimale de cinq jours pour les membres des délégations du personnel dont le mandat serait renouvelé, conformément à l’ANI. J’avais d’ailleurs proposé, par un amendement déclaré irrecevable, de revenir sur un certain nombre de dispositions de la loi travail valables pour les entreprises de plus de 300 salariés. Il semble nécessaire de renforcer les possibilités d’intervention des salariés en matière de santé et de sécurité dans de nombreuses entreprises. Je pense notamment aux sites Seveso, impliqués dans plusieurs drames récents. Je regrette que cela ne puisse pas faire partie de notre discussion.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous avons effectivement identifié ce problème. L’ANI, afin de faciliter la formation des membres de la délégation du personnel dans la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail) et des élus du CSE (comité social et économique), a prévu une formation de cinq jours pour le premier mandat et de trois jours en cas de renouvellement. Les signataires ne font donc plus mention des dispositions de l’article L. 2315-40 du code du travail, ne visant que la CSSCT, qui fixaient des durées de formation différentes selon que les entreprises avaient plus ou moins de 300 salariés. Or, selon ses signataires mêmes, les dispositions de l’ANI doivent être comprises « sauf dispositions déjà existantes dans le code du travail » – lesquelles, donc, ne concernent que la CSSCT et pas les élus du CSE.

Je suis favorable à ces amendements sur le fond : oui, il faudra réintroduire la distinction entre les entreprises de plus ou moins de 300 salariés. En revanche, ils me semblent, en l’état, trop larges. L’amendement de Mme Biémouret par ailleurs s’éloigne des dispositions de l’ANI, qui prévoit bien que la formation, en cas de renouvellement du mandat, est de trois jours. Je demande donc le retrait de ces amendements, en vue d’élaborer une nouvelle rédaction pour la séance.

M. Pierre Dharréville. Je veux bien retravailler avec vous en ce sens, madame la rapporteure. La largesse dont il est question pourrait être très profitable à la santé au travail.

L’amendement AS139 est retiré.

Mme Gisèle Biémouret. L’amendement nous ayant été proposé par l’UNSA, je le maintiens.

La commission rejette l’amendement AS232.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS458 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 28, modifié.

Avant l’article 29

La commission examine les amendements AS37 et AS38 de M. Stéphane Viry.

M. Alain Ramadier. L’amendement AS37 vise à rétablir le bénéfice des dispositions de ce texte aux travailleurs indépendants. Quant à l’amendement AS38, il vise à obtenir un rapport sur l’application de cette loi aux travailleurs indépendants.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. La proposition de loi ouvre aux travailleurs indépendants la possibilité de bénéficier d’une offre spécifique en matière de suivi individuel et de prévention de la désinsertion professionnelle. C’est une réelle avancée saluée par beaucoup de nos interlocuteurs. Je propose que nous en restions à cette étape, sur la base du volontariat. Avis défavorable sur l’amendement AS37.

Par ailleurs, vous demandez au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’application de la loi six mois après sa publication, alors qu’elle pourrait n’entrer en vigueur que le 31 mars 2022, ce qui pose problème. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois. Ces amendements rejoignent ce que je disais sur les agriculteurs. La santé au travail, c’est la même pour tous. Les critères sont les mêmes pour tous les métiers – problème des postures de travail, par exemple, ou de l’exposition aux agents chimiques. Nous devons travailler dans le sens d’une généralisation et d’une homogénéisation.

M. Alain Ramadier. J’ai bien entendu l’argument de Mme la rapporteure sur l’amendement AS38 et je le retire.

L’amendement AS38 est retiré.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Concernant les indépendants, la proposition de loi permet de construire une offre spécifique, qui représente une vraie avancée. Nous devons veiller à étendre la protection de la santé au travail à tous les indépendants. Mais cela pose la question du financement et des cotisations. Laissons cette offre mûrir et les indépendants s’acculturer à un suivi en santé au travail. La question de la protection sociale des indépendants reste ouverte.

La commission rejette l’amendement AS37.

Elle est saisie de l’amendement AS298 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Par cohérence, il vise à demander un rapport pour étudier la possibilité de faire coïncider l’élaboration du plan santé au travail avec la convention d’objectifs et de gestion de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Même argument que pour l’amendement AS38. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Titre V

Dispositions finales
 

Article 29

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS459 et AS460 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS324 de Mme Sylvie Charrière.

Elle examine l’amendement AS244 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Annie Chapelier. Dans le cadre de la conservation des versions successives du document unique d’évaluation des risques professionnels, il convient de ne pas reprocher à l’employeur de ne pas avoir conservé l’ensemble des anciennes versions, dans la mesure où les règles actuelles ne prévoient pas une telle obligation. L’effectivité de l’archivage du document unique doit donc commencer à l’entrée en vigueur de cette loi.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. Nous avons abordé ce point à l’occasion de l’examen de l’article 2. L’archivage ne s’appliquera bien qu’à compter de la publication de la loi, sans rétroactivité. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 29, modifié.

Article 30

La commission adopte l’article 30, sans modification.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

 

*

*     *

 

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi, modifiée. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3881_texte-adopte-commission#

 


–  1  –

   annexe 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteures

         Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

         M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail

         Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques

         Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM)  Dr François Simon, président de la section Exercice professionnel (EP), Dr Frédérique Nassoy Stehlen, conseillère nationale, Dr Michel Malinet, chargé de mission en médecine du travail, M. Francisco Jornet, directeur des services juridiques, et Mme Isabelle Jouannet, conseillère juridique

         Conseil national de l’ordre des infirmiers – M. Patrick Chamboredon, président

         Confédération générale du travail (CGT) M. Jérôme Vivenza, membre de la direction confédérale, pilote de la délégation « santé au travail », et M. Olivier Perrot

         Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) –Mme Mireille Dispot, secrétaire nationale Égalité des chances et santé au travail, Mme Anne-Michel Chartier, déléguée nationale Médecin du travail, M. Michel Petitot, expert, et Mme Emérance de Baudoin, chargée d’études

         Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Catherine Pinchaut, secrétaire nationale, Mme Bénédicte Moutin, M. Florian Pipard et Mme Caroline Werkoff, secrétaires confédéraux

         Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)  M. Frédéric Fischbach, en charge des questions de santé au travail, MM. Pierre-Yves Montéléon et Sébastien Garoutte, délégués syndicaux

         Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM)  M. Thomas Fatome, directeur général, et Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels

         Force ouvrière (FO) – M. Serge Legagnoa, secrétaire confédéral en charge du secteur protection sociale, et M. Ronald Schouller

         Presanse – M. Maurice Plaisant, président, et M. Martial Brun, directeur général

         Table ronde réunissant les représentants de médecins urgentistes :

 Union professionnelle des préventeurs privés (U3P) – Mme AnneMarielle Pouplier, présidente

– Association française des IPRP de SSTI (AFISST) – Mme Virginie Rascle, présidente, et M. Gaspard Gravier, membre du conseil d’administration

– Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) – Dr Isabelle Legras, secrétaire générale adjointe

          Table ronde réunissant les organisations patronales :

 Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) – Mme Diane Deperrois, présidente de la commission « Protection sociale », et M. JeanLuc Monteil, vice-président du MEDEF et co-président de la commission « Adhérents »

– Union des entreprises de proximité (U2P) (*)M. Laurent Munerot, président, et M. Pierre Burban, secrétaire général

– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*) –M. François Asselin, président, M. Éric Chevée, vice-président aux affaires sociales, M. Florian Faure, directeur des affaires sociales et de la formation, Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe, et M. Adrien Dufour, en charge des affaires publiques

          Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – M. Thomas Dautieu, directeur de la conformité, Mme Stéphanie Saulnier, juriste au service des questions sociales et ressources humaines, et Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

          France Assos santé (*)  Mme Féreuze Aziza, conseillère technique Assurance maladie

          Syndicat des médecins généralistes (MG France) – Dr Jacques Battistoni, président, et Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint

          Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF) santé (*) – Dr Jean-Paul Ortiz, président

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


–  1  –

   Annexe 2 : dispositions en vigueur modifiées ou abrogées par la proposition de loi

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code du travail

L. 1153-1, L. 1251-22, L. 2314-3, L. 4622-1, L. 4622-2, L. 4622-4 à L. 4622-9, L. 4622-12 à L. 4622‑17, L. 4623-1, L. 4623-5, L. 4623‑5‑1, L. 4623-5-3, L. 4624-1, L. 4624-10, L. 4625-1, L. 4625-2, L. 4631-2, L. 4644-1 et L. 8123-1

1er

Code de la sécurité sociale

L. 422-6

1er

Code de la santé publique

L. 1411-8 et L. 1413-7

1er

Code des transports

L. 5545-13, L. 5785-5 et L. 5795-6

1er

Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

108-2

2

Code du travail

L. 2312-27

2

Code du travail

L. 4121-3

2

Code du travail

L. 4121-3-1 [nouveau]

2 bis [nouveau]

Code du travail

L. 2242-17

2 ter [nouveau]

Code du travail

L. 4412-1 et L. 4624-2

3

Code du travail

L. 4141-5 [nouveau]

4

Code du travail

L. 4622-2

5

Code de la santé publique

L. 1434-12 et L. 6327-1

6

Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020

179

7

Code du travail

L. 4314-1

8

Code du travail

L. 4622-9-1, L. 4622-9-1-1, L. 4622-9-2 [nouveaux] et L. 4622-10

9

Code du travail

L. 4622-6

10

Code du travail

L. 4622-16-1 [nouveau]

11

Code de la santé publique

L. 1111-17 et L. 1111-18

11

Code du travail

L. 4624-7 et L. 4624-8-1 [nouveau]

12

Code du travail

L. 4624-8

13

Code de la santé publique

L. 1461-1

14

Code du travail

L. 4622-8-1 [nouveau]

14 bis [nouveau]

Code de la sécurité sociale

L. 315-4 [nouveau]

14 bis [nouveau]

Code du travail

L. 4622-8-2 [nouveau]

14 ter [nouveau]

Code du travail

L. 5213-6-1

15

Code du travail

L. 4624-1

16

Code du travail

L. 4624-2-2 [nouveau]

17

Code du travail

L. 1251-22, L. 4621-3 [nouveau] et L. 4622-5-1 [nouveau]

18

Code du travail

L. 1226-1-3, L. 1226-7-1, L. 4624-2-3 et L. 4624-2-4 [nouveaux]

19

Code du travail

L. 6323-17-2

20

Code du travail

L. 4622-11 et L. 4622-12

21

Code du travail

L. 4623-1

21

Code du travail

L. 4623-3 et L. 4624-1

22

Code du travail

L. 4623-3-1 [nouveau], section 2 du chapitre III du titre II du livre VI [art. L. 4623-9 à L. 4623-11, nouveaux] et L. 4301-1

24

Code du travail

L. 4622-8 et L. 4622-16

25

Code du travail

L. 4641-2-1 [nouveau]

26

Code du travail

L. 4641-4, L. 4641-5 [nouveau] et L. 4641-6 [nouveau]

28

Code du travail

L. 2315-18, sous-section 4 de la section 2 du chapitre V du titre premier du livre III de la deuxième partie [art. L. 2315-22-1, nouveau], L. 2315-40 [abrogé], L. 4644-1, L. 6332-1 et L. 6332-1-3

 


([1]) Soc., 28 février 2002, pourvois n° 00-10.051, n° 99-18.390, n° 99-17.221, n° 99-21.255, n° 99-17.201, Bull. 2002, V, n° 81.

([2]) Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24.444.

([3]) Données issues du rapport de Delphine Chaumel, Benjamin Maurice et Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([4]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([5]) Idem.

([6]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([7]) Le lecteur pourra utilement se reporter à la lecture du commentaire de l’article 2 à ce sujet.

([8]) Article L. 4622-2.

([9]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, op. cit.

([10]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([11]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([12]) Voir commentaire de l’article 8 de la présente proposition de loi.

([13]) Cette nouvelle dénomination est mentionnée à la page 15 de l’ANI.

([14]) Article 11 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([15]) Décret n°2001-1016 du 5 novembre 2001 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

([16]) Décret n° 2014-1158 du 9 octobre 2014 relatif au document unique d’évaluation des risques et aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité

([17]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([18]) Le DUER correspond à ce qui est entendu ici comme DUERP.

([19]) Article L 4121-3 du code du travail.

([20]) Idem.

([21]) DARES, La prévention des risques professionnels en 2016. Des résultats contrastés selon les secteurs et les risques.

([22]) Articles R. 4624-46 et suivants.

([23]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([24]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([25]) Idem.

([26]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([27]) Sur ce sujet, le lecteur peut se reporter notamment au commentaire de l’article 28 de la présente proposition de loi.

([28]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([29]) Troisième Plan de santé au travail.

([30]) Action 1.1, « accompagner les démarches d’évaluation des risques et de planification de la prévention, notamment dans les PME-TPE ».

([31]) Stéphane Artano, Pascale Gruny, sénateurs. « Rapport d’information au nom de la commission des affaires sociales sur la santé au travail », 2 octobre 2019.

([32]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([33]) Idem.

([34]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([35]) Paul Frimat, Mission relative à la prévention et à la prise en compte de l’exposition des travailleurs aux agents chimiques dangereux, 2018.

([36]) Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination, remis le 19 juillet 2018, M. Julien Borowcczyk, président, M. Pierre Dharréville, rapporteur.

([37]) Article R. 4141-3-1 du code du travail.

([38]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([39]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([40]) Idem.

([41]) La création de ce comité est prévu à l’article 25 de la proposition de loi, au commentaire duquel on pourra se reporter.

([42]) Article L. 4622-3 du code du travail.

([43]) Article L. 4622-2 du code du travail.

([44]) Idem.

([45]) Article R. 4623-1 du code du travail.

([46]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([47]) 618 274 accidents en 2013, 626 227 en 2016.

([48]Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, op. cit.

([49]) Les données sont issues de la CNAM.

([50]) Idem.

([51]) Rapport IGAS-IGAENR, Attractivité et formation des professions de santé au travail, établi par Xavier Chastel, Hamid Siahmed et Patrice Blémont, 2017.

([52]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([53]) Article R. 4623-1 du code du travail.

([54]) Article R 4426-6 du code du travail.

([55]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, op. cit.

([56]) Article R. 4624-35 du code du travail.

([57]) Article R 4624-24 du code du travail.

([58]) Idem.

([59]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([60]) Article R. 4311-7 du code de la santé publique.

([61]) Lettre circulaire du 26 avril 1998 relative à la pratique des vaccinations en milieu de travail par les médecins du travail.

([62]) Articles R. 4626-2 à R. 4626-4 du code du travail.

([63]) Article R. 4426-6 du code du travail.

([64]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire.

([65]) Ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire.

([66]) Article 2 de l’ordonnance.

([67]) Décret n° 2021-24 du 13 janvier 2021 fixant les conditions temporaires de prescription et de renouvellement des arrêts de travail prescrits par le médecin du travail pendant l’épidémie de covid-19 et les modalités de dépistage du virus SARS-CoV-2 par les services de santé au travail.

([68]) Article L. 1411-1 du code de la santé publique.

([69]) Article 65 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([70]) Une équipe de soins primaires est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins sur la base d’un projet de santé. Elle peut prendre la forme d’un centre de santé ou d’une maison de santé (article L. 1411-11-1 du code de la santé publique).

([71]) La médecine de ville, aussi appelée médecine ambulatoire, désigne l’ensemble des activités qui se déroulent en dehors des établissements de santé ou des établissements médico-sociaux.

([72]) Encadré à l’article L. 1434-13 du code de la santé publique.

([73]) Article L. 1434-12 du code de la santé publique.

([74]) Article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([75]) Le parcours de santé est dit complexe lorsque l’état de santé, le handicap ou la situation sociale du patient rend nécessaire l’intervention de plusieurs catégories de professionnels de santé, sociaux ou médico-sociaux (article 74 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé).

([76]) Loi du 11 octobre 1964 relative à l’organisation des services médicaux du travail.

([77]) Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

([78]) Article L. 4622-2 du code du travail.

([79]) Synthèse de la stratégie nationale de santé 2018-2022, disponible ici : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_sns_2017_synthesev6-10p.pdf.

([80]) Rapport de l’IGAS sur l’évaluation des services de santé au travail interentreprises, février 2020, disponible ici : https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-070r1d.pdf.

([81]) Article L. 4622-2 du code du travail.

([82]) Rapport de l’IGAS sur l’attractivité et la formation des professions de santé au travail, Xavier Chastel, Hamid Siahmed et Patrice Belmont, disponible ici : https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-023R.pdf.

([83]) Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

([84]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([85]) Document disponible ici : https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2021/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2021.

([86]) Partie de l’annexe 1 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, disponible ici : https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/PLFSS/2021/PLFSS-2021-ANNEXE%201-AT-MP.pdf.

([87]) Rapport fait à la demande du Premier ministre par Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis et Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, août 2018.

([88]) Rapport fait à la demande du Premier ministre par Charlotte Lecocq, Pascale Coton et Jean-François Verdier, Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance septembre 2019.

([89]) Articles L. 4311-2 et R. 4311-8 du code du travail.

([90]) Ces dispositions sont déclinées dans leur version réglementaire aux articles R. 4311-1 à R. 4312-23.

([91]) Énumérées à l’annexe I à l’article R. 4312-1 et à l’annexe II à l’article R. 4312-23 du code du travail.

([92]) Décision 93/465/CEE du Conseil du 22 juillet 1993 concernant les modules relatifs aux différentes phases des procédures d’évaluation de la conformité et les règles d’apposition et d’utilisation du marquage « CE » de conformité, destinés à être utilisés dans les directives d’harmonisation technique.

([93]) Règlement (UE) 2016/425 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux équipements de protection individuelle et abrogeant la directive 89/686/CEE du Conseil.

([94]) Transposée en droit français par le décret n° 2008-1156 du 7 novembre 2008.

([95]) Procédure encadrée aux articles R. 4313-43 à R. 4313-56 du code du travail.

([96]) Procédure encadrée aux articles R. 4313-57 à R. 4313-61 du code du travail.

([97]) Procédure encadrée aux articles R. 4313-62 à R. 4313-74 du code du travail.

([98]) Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011.

([99]) Fabricants, mandataires, importateurs, distributeurs, prestataires de services d’exécution des commandes.

([100]) Stéphane Buzzi, Jean-Claude Devinck, et Paul-André Rosental, « I. Genèses de la médecine en milieu professionnel (1880-1919) », Stéphane Buzzi éd., La Santé au travail. 1880-2006. La Découverte, 2006, pp. 10-23.

([101]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([102]) Loi du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail.

([103]) Voir commentaire de l’article 1er de la proposition de loi.

([104])Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([105]) Loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail.

([106]) Article L. 4622-8 du code du travail.

([107]) Article L. 2322-4 du code du travail.

([108]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([109]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([110]) Idem.

([111]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([112]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([113]) Sur ce sujet, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 20.

([114]) Décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la médecine du travail.

([115]) Article D. 4622-50 du code du travail.

([116]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, op. cit.

([117]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([118]) Stéphane Artano, Pascale Gruny, sénateurs, Rapport d’information au nom de la commission des affaires sociales sur la santé au travail, 2 octobre 2019.

([119]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([120]) On pense notamment aux actions de promotion de la santé, parmi lesquelles les actions de dépistage et de vaccination.

([121]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([122]) Voir l’article 14 de la présente proposition de loi.

([123]) Cette distinction est prévue à l’article 9 de la présente proposition de loi.

([124]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([125]) Article L. 4622-13 du code du travail.

([126]) Article L. 4622-14 du code du travail.

([127]) Article L. 4622-10 du code du travail.

([128]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([129]) Article 137 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

([130]) Décret n° 2008-1401 du 19 décembre 2008 relatif à l’accréditation et à l’évaluation de conformité pris en application de l’article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

([131]) Voir notamment le commentaire de l’article 9.

([132]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([133]) Loi n° 46-2195 du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail.

([134]) Cour des comptes, Les services de santé au travail interentreprises : une réforme en devenir, rapport public thématique, novembre 2012.

([135]) Loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail.

([136]) Circulaire DGT n° 13 du 9 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail.

([137]) Conseil d’État, 1re sous-section jugeant seule, 30/06/2014, 365071, inédit au recueil Lebon.

([138]) Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail.

([139]) Article R. 4624-23 du code du travail.

([140]) Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

([141]) Cour des comptes, op. cit.

([142]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([143]) Idem.

([144]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([145]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([146]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([147]) S’agissant de la définition de ces services, le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 8.

([148]) Pour rappel, au titre de l’article L. 4111-5 du code du travail, la partie du code relative à la santé et sécurité au travail s’applique aux travailleurs entendus comme « les salariés, y compris temporaires, et les stagiaires, ainsi que toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur ».

([149]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([150]) Ou « loi 1903 » en Alsace-Moselle.

([151]) Article D. 4622-22 du code du travail.

([152]) Article D. 4622-20 du code du travail.

([153]) Article L. 4622-14 du code du travail.

([154]) Article R. 4624-51 du code du travail.

([155]) Voir commentaire de l’article 8.

([156]) Article D. 4622-22 du code du travail.

([157]) Article D. 4622-54 du code du travail.

([158]) Cette formation spécifique au sein du comité régional d’orientation des conditions de travail (CROCT) est définie à l’article 26 de la présente proposition de loi.

([159]) Loi n° 46-2195 du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail.

([160]) Article 193 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

([161]) Lois n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail et n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([162]) Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

([163]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([164]) Article L. 1111-15 du code de la santé publique.

([165]) Article 45 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([166]) Article L. 1111-24 du code de la santé publique.

([167]) Article L. 1111-15 du code de la santé publique.

([168]) Idem.

([169]) Article L. 1111-18 du code de santé publique.

([170]) Article 226-13 du code pénal.

([171]) Décret n° 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier médical partagé.

([172]) Article R. 1111-30 du code du travail.

([173]) Article R. 1111-26 du code de la santé publique.

([174]) Article R. 1111-32 du code de la santé publique.

([175]) Article R. 1111-34 du code de la santé publique.

([176])  Article 40 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([177]) Article R. 1111-38 du code de la santé publique.

([178]) Article R. 1111-41 du code de la santé publique.

([179]) Article R. 1111-41 du code de la santé publique.

([180]) Article L. 1111-17 du code de la santé publique.

([181]) Rapport public annuel de la Cour des Comptes, 2018. La Cour estime que le nombre de dossiers médicaux personnels créés en 2012 était de 158 000 pour un investissement de 210 millions d’euros. La suspension de ces dossiers en attendant la loi de 2016 relative à la modernisation de notre système de santé a coûté 35 millions d’euros supplémentaires.

([182]) Données issues notamment du rapport de M. Cyril Isaac-Sibille déposé le 22 juillet 2020 en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale(MECSS) sur le dossier médical partagé et les données de santé.

([183]) CNAM, Plus de 8 millions de DMP désormais ouverts, 20 décembre 2019, https://www.ameli.fr/medecin/actualites/plus-de-8-millions-de-dmp-desormais-ouverts.

([184]) Article L. 1110-4 du code de la santé publique.

([185]) Article R. 4127-95 du code de la santé publique.

([186]) Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 29 septembre 2020, 18VE01069.

([187]) Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2015, 13-28.201, publié au bulletin.

([188]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([189]) Paul Frimat, Mission relative à la prévention et à la prise en compte de l’exposition des travailleurs aux agents chimiques dangereux, 2018.

([190]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([191]) Idem.

([192]) Stéphane Artano, Pascale Gruny, sénateurs, Rapport d’information au nom de la commission des affaires sociales sur la santé au travail, 2 octobre 2019.

([193]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([194]) Article 98 de la loi précitée.

([195]) Article 90 de la loi précitée.

([196]) À ce sujet, voir le commentaire de l’article 12.

([197]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([198]) Haute Autorité de santé, synthèse des recommandations professionnelles, Le dossier médical en santé au travail, janvier 2009.

([199]) Article L. 4624-8 du code du travail.

([200]) Article L. 4624-3 du code du travail.

([201]) Article L. 4624-4 du code du travail.

([202]) Article R. 4624-6 du code du travail.

([203]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([204]) Article 51 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([205]) Article 90 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([206]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([207]) Idem.

([208]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([209]) Idem.

([210]) Idem.

([211]) Idem.

([212]) Article 193 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([213]) Article 41 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([214]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([215]) Règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([216]) Considérant 35 du règlement.

([217]) Article 9 du règlement précité.

([218]) Paragraphe 2, point h de l’article 9 du règlement précité.

([219]) Article L. 4161-2 du code de la santé publique.

([220]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([221]) Article 66 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([222]) Ce comité est désormais prévu à l’article 77 de la loi « Informatique et libertés ».

([223]) Ce dossier fait largement l’objet du commentaire de l’article 12 de la présente proposition de loi.

([224]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([225]) Loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés.

([226]) Loi n° 2011‑867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail.

([227]) Pierre Aballea, Marie-Ange du Mesnil du Buisson, Anne Burstin, La prévention de la désinsertion professionnelle des salariés malades ou handicapés, IGAS, décembre 2017.

([228]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([229]) Pierre Aballea, Marie-Ange du Mesnil du Buisson, Anne Burstin, op. cit.

([230]) Idem.

([231]) Ibidem.

([232]) Ibidem.

([233]) La mission de l’IGAS relative à la prévention de la désinsertion professionnelle indique, dans son rapport, que 2,3 millions de salariés sont considérés comme étant en situation de handicap au sens large, parmi lesquels 900 000 bénéficient d’une reconnaissance administrative du handicap.

([234]) Voir le commentaire de l’article 1er.

([235]) Voir, notamment, le rapport fait par Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant sur l’Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI) (recommandation n° 2), publié en février 2020.

([236]) Jean-Luc Bérard, Stéphane Oustric, Stéphane Seiller, Plus de prévention, d’efficacité, d’équité et de maîtrise des arrêts de travail, rapport fait à la demande du Premier ministre, janvier 2019.

([237]) Ce dispositif est créé par l’article 18 de la proposition de loi.

([238]) Ce dispositif est créé par l’article 16 de la proposition de loi.

([239]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([240]) Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social.

([241]) Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2021, juillet 2020.

([242]) Rapport d’information (session extraordinaire de 2016-2017) sur les mesures incitatives au développement de l’offre de soins primaires dans les zones sous-dotées fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat par MM. Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, juillet 2017.

([243]) De quelques milliers par semaine avant les mesures de confinement début mars 2020, le nombre moyen hebdomadaire de téléconsultations a atteint, au plus fort de la crise sanitaire, près d’un million, d’après l’assurance maladie.

([244]) Jean-Luc Bérard, Stéphane Oustric, Stéphane Seiller, Plus de prévention, d’efficacité, d’équité et de maîtrise des arrêts de travail, rapport fait à la demande du Premier ministre, janvier 2019.

([245]) Idem.

([246]) Voir le commentaire de l’article 21.

([247]) Voir le commentaire de l’article 10.

([248]) Sont concernés, conformément à l’article L. 4111-5 du code du travail, les salariés, y compris temporaires, et les stagiaires, ainsi que toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur. Voir aussi les articles L. 4625-1 et suivants du même code pour les règles applicables au suivi des travailleurs appartenant à des catégories particulières.

([249]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([250]) Cette visite est réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 : médecin du travail, collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, interne en médecine du travail ou infirmier.

([251]) Article R. 4624-12 du code du travail.

([252]) Article R. 4624‑13 du code du travail.

([253]) Article R. 4624-16 du code du travail.

([254]) Article R. 4624-14 du code du travail.

([255]) Article R. 4624-17 du code du travail.

([256]) Cet examen est réalisé par le médecin du travail.

([257]) Voir aussi l’article R. 4624-24 du code du travail.

([258]) Article R. 4624-26 du code du travail.

([259]) Article R. 4624-28 du code du travail.

([260]) Idem.

([261]) Article R. 4624-25 du code du travail.

([262]) Pour plus de détails sur les visites de préreprise et de reprise du travail, voir le commentaire de l’article 18.

([263]) Article R. 4624-32 du code du travail.

([264]) Au sixième alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail.

([265]) Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017‑1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([266]) Article R. 4625-8 du code du travail.

([267]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, op. cit.

([268]) Rapport d’information sur la santé au travail fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par M. Stéphane Artano et Mme Pascale Gruny, publié en octobre 2019.

([269]) Ibidem, p. 62.

([270]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, op. cit.

([271]) Voir le rapport d’information de M. Stéphane Artano et Mme Pascale Gruny, op. cit.

([272]) Voir, notamment, le rapport de l’IGAS, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), publié en février 2020.

([273]) Ce livre comprend les articles L. 611-1 à L. 671-1.

([274]) Ce livre, intitulé « Institutions et organismes de prévention », comprend un titre II relatif aux services de santé au travail, un titre III relatif au service social du travail et un titre IV relatif aux institutions et personnes concourant à l’organisation de la prévention (le titre Ier ayant été abrogé).

([275]) Les conditions dans lesquelles l’inaptitude médicale du travailleur à son poste peut être constatée par le médecin du travail sont énumérées à l’article R. 4624-42 du code du travail.

([276]) Pierre Aballea, Marie-Ange du Mesnil du Buisson, Anne Burstin, op. cit.

([277]) Stéphane Artano et Pascale Gruny, op. cit.

([278]) Voir le commentaire de l’article 14.

([279]) Voir le commentaire de l’article 23.

([280]) Article R. 4624-31 du code du travail.

([281]) Article R. 4624-32 du code du travail.

([282]) Article R. 4624-29 du code du travail.

([283]) Ces précisions figurent au I de l’article D. 6323-9 du code du travail. N’est pas prise en compte dans le calcul des quatre mois en contrat à durée déterminée l’ancienneté acquise au titre : d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi mentionné à l’article L. 5134-20 ; d’un contrat d’apprentissage mentionné à l’article L. 6221‑1 ; d’un contrat de professionnalisation mentionné à l’article L. 6325-1 ; d’un contrat conclu avec un jeune au cours de son cursus scolaire ou universitaire ; d’un contrat de travail à durée déterminée qui se poursuit par un contrat à durée indéterminée.

([284]) Cet avis est prévu au premier alinéa de l’article D. 4622-19 du code du travail.

([285]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([286]) Article D. 4622-29 du code du travail.

([287]) Article L. 4622-14 du code du travail.

([288]) Article D. 4622-28 du code du travail.

([289]) Article D. 4622-35 du code du travail.

([290]) Voir le commentaire de cet article.

([291]) Premier alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail.

([292]) Article L. 4624-3 du code du travail.

([293]) Article L. 4624-4 du code du travail.

([294]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([295]) Présanse, Lettre d’informations mensuelles, n° 87, novembre 2019.

([296]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, op. cit.

([297]) Xavier Chastel, Hamid Siahmedet, Patrice Blémont, Attractivité et formation des professions de santé au travail, IGAS-IGAENR, août 2017.

([298]) Ibidem.

([299]) Stéphane Artano et Pascale Gruny, op. cit.

([300]) Ibidem.

([301]) Voir, notamment, les recommandations de la mission IGAS-IGAENR consacrée à l’attractivité et à la formation des professions de santé au travail.

([302]) Voir le commentaire de l’article 23.

([303]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([304]) Le premier alinéa de cet article dispose qu’un « diplôme spécial est obligatoire pour l’exercice des fonctions de médecin du travail ».

([305]) Voir les articles L. 4624-7 et R. 4624-45 et suivants du code du travail.

([306]) Décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la médecine du travail.

([307]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI), février 2020.

([308]) Article R 4624-2 du code du travail.

([309]) Article 102 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([310])  À l’exception de certains salariés tels que les travailleurs de nuit ou encore les jeunes de moins de 18 ans, qui doivent bénéficier d’une visite précédant l’affectation sur leur poste.

([311]) Ces salariés bénéficient d’une fréquence supérieure de visite, qui doit intervenir au plus tard quatre ans après la précédente et doivent également faire l’objet d’une visite par un membre de l’équipe pluridisciplinaire dans les deux ans qui suivent la première visite par le médecin du travail.

([312]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([313]) Décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la médecine du travail.

([314]) S’agissant du respect encore parcellaire de remplir une fiche d’entreprise, on pourra se reporter au commentaire de l’article 2 de la proposition de loi.

([315]) Article R. 4311-3. Pour plus de détails sur les soins qui relèvent du rôle propre de l’infirmier, voir l’article R. 4311-5.

([316]) Deuxième alinéa de l’article R. 4311-1.

([317]) Premier alinéa de l’article R. 4623-33 du code du travail.

([318]) Article L. 4622-8 du code du travail.

([319]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([320]) Article R. 4623-30 du code du travail.

([321]) Article R. 4623-34 du code du travail.

([322]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([323]) Deuxième alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail.

([324]) Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail.

([325]) Article R. 4624-16 du code du travail.

([326]) Article R. 4624-28 du code du travail.

([327]) Pour plus d’informations sur ces visites, voir le commentaire de l’article 16.

([328]) Delphine Chaumel, Benjamin Maurice, Jean-Philippe Vinquant, op. cit.

([329]) Xavier Chastel, Hamid Siahmedet, Patrice Blémont, op. cit.

([330]) Ibidem.

([331]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([332]) Les auxiliaires médicaux regroupent les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthoprothésistes et les pédicure-podologues, les psychomotriciens, les orthophonistes et orthoptistes, les manipulateurs d’électroradiologie médicale, les audioprothésistes, les opticiens-lunetiers, les prothésistes et orthésistes et les diététiciens.

([333]) Article R. 4301-2 du code de la santé publique.

([334]) Article D. 636-75 du code de l’éducation.

([335]) Article D. 636-76 du code de l’éducation.

([336]) Loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail.

([337]) Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

([338]) 2° de l’article R. 4624-2 du code du travail.

([339]) Article L. 4622-8 du code du travail.

([340]) Celui précise que, « [p]our les professions dont les conditions d’exercice relèvent du code de la santé publique, ces activités sont exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions de ce code ».

([341]) Voir le commentaire de l’article 23.

([342]) À ce jour, les textes prévoient que les tâches ne sont pas « déléguées » mais « confiées » aux membres de l’équipe pluridisciplinaire.

([343]) Décret n° 2008-1217 du 25 novembre 2008 relatif au Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

([344]) Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([345]) Article L. 4641-2 du code du travail.

([346]) Voir également l’article R. 4641-1 du code du travail.

([347]) Article R. 4641-2 du code du travail.

([348]) Voir le commentaire de l’article 26.

([349]) Voir les commentaires de cet article ainsi que de l’article 14.

([350]) Voir le commentaire de l’article 8.

([351]) Voir le commentaire de cet article.

([352]) Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([353]) Le détail de ses missions figure à l’article R. 4641-18 du code du travail.

([354]) Le détail de sa composition figure aux articles R. 4641-16 et R. 4641-19 du code du travail.

([355]) Voir le commentaire de cet article.

([356]) Cour des comptes, Référé, L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et ses relations avec le réseau des associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail, 24 mai 2019, disponible ici : https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-08/20190829-refere-S2019-1360-Anact.pdf.

([357]) Ibidem.

([358]) Ibidem.

([359]) Cette réponse est disponible ici : https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-08/20190829-refere-S2019-1360-Anact-rep-MT.pdf

([360]) Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis, Henri Forest, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, rapport fait à la demande du Premier ministre, août 2018.

([361]) Présentation de l’INRS sur son site internet : https://www.inrs.fr/services/formation/pratique.html.

([362]) Orientations des partenaires sociaux au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail dans la phase d’élaboration du troisième plan « Santé au travail ».

([363]) Article L. 6332-1 du code du travail.

([364]) Article L. 6332-1-2 du code du travail.

([365]) Article L. 2312-5 du code du travail.

([366]) Article L. 2312-9 du code du travail.

([367]) Article L. 2312-13 du code du travail.

([368]) Article L. 4143-1 du code du travail.

([369]) Article R 4143-2 du code du travail.

([370]) Accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, 10 décembre 2020.

([371]) Idem.

([372]) Voir le commentaire de l’article 20.