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N° 3893

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
 

tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale
en ce qui concerne l’organisation des travaux parlementaires
en période de crise ( 3798)

PAR M. Sylvain WASERMAN

Député

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Voir les numéros : 3798

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-Propos......................................................... 5

EXAMEN DE l’article unique

Article unique (art. 491 B [nouveau] du Règlement de l’Assemblée nationale)  Organisation des travaux parlementaires en période de crise

Compte Rendu des dÉbats

 


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Mesdames, Messieurs,

La Conférence des présidents du 5 mai 2020 a institué un groupe de travail chargé d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise. Votre rapporteur a eu l’honneur de présider ses travaux qui ont réuni trente-deux membres, parmi lesquels les trois Questeurs, l’ensemble des présidents de groupe politique ou de leurs représentants et deux vice-présidents, dont un de l’opposition.

Le groupe de travail s’est réuni au printemps 2020 de manière bimensuelle.  Des réunions thématiques, portant notamment sur les comparaisons internationales, et des réunions d’échange et de réflexion avec chacun des groupes politiques ont été organisées. Elles ont permis de dégager, en début de processus, une soixantaine d’idées qui ont ensuite alimenté les travaux du groupe de travail.

Son rapport ([1]) a été adopté le 12 novembre 2020 après la présentation et la discussion d’une première version en juillet et d’une seconde en septembre. Il s’articule autour de quatre conclusions principales : préserver les missions constitutionnelles de l’Assemblée ; conserver la souplesse du droit parlementaire en adaptant, de manière ciblée et opérationnelle, le Règlement de l’Assemblée ; puiser dans une boîte à outils pensée pour les périodes de crise ; mettre en œuvre sans délai certaines mesures pratiques.

La présente proposition de résolution, qui était annexée au rapport, permet donc de traduire la deuxième de ses conclusions. Déposée 26 janvier 2021 par votre rapporteur, le Président de l’Assemblée nationale et cinq présidents de groupe, dont deux d’opposition, elle sera soumise au vote de notre Assemblée dès le 1er mars.

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EXAMEN DE l’article unique

Article unique
(art. 491 B [nouveau] du Règlement de l’Assemblée nationale)
Organisation des travaux parlementaires en période de crise

Adopté par la Commission avec modifications

L’article unique crée, par l’introduction dans le Règlement d’un l’article 49‑1 B, un dispositif souple et modulaire qui permettra à la Conférence des présidents, en cas de circonstances exceptionnelles et selon certaines conditions, d’adapter temporairement les modalités de participation des députés aux réunions de commission et aux séances publiques, d’une part, et de vote, d’autre part, le cas échéant en recourant à des outils de travail à distance.

Votre rapporteur renvoie vers le rapport du groupe de travail qui développe un commentaire exhaustif de ce dispositif qui doit être apprécié au regard de l’ensemble des conclusions qui y sont formulées.

La présente proposition de résolution comporte néanmoins un alinéa 4 qui a été introduit postérieurement à la publication du rapport. Il vise à introduire une clause de revoyure sollicitée par certains groupes politiques. À cette fin, il prévoit que la Conférence des présidents se prononcera sur le maintien ou la modification des décisions prises en application du présent article tous les quinze jours à compter de leur adoption.

La commission des Lois a adopté cet article unique modifié par des amendements d’amélioration rédactionnelle proposés par son rapporteur.

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   Compte Rendu des dÉbats

Lors de sa seconde réunion du mercredi 17 février 2021, la Commission examine la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’organisation des travaux parlementaires en période de crise (n° 3798) (M. Sylvain Waserman).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10369517_602d18a041a8d.commission-des-lois---preservation-de-l-environnement-suite-17-fevrier-2021
 

M. Stéphane Mazars, président. Nous sommes heureux d’accueillir dans notre commission notre collègue Sylvain Waserman, vice-président de l’Assemblée et rapporteur de cette proposition de résolution, qu’il a déposée avec le président Richard Ferrand et cinq présidents de groupes politiques. Cette proposition de résolution traduit l’une des conclusions du groupe de travail transpartisan chargé d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. La conférence des présidents du 5 mai 2020 a institué un groupe de travail transpartisan chargé d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise.

J’ai souhaité mener des entretiens spécifiques avec chacun des groupes politiques de l’Assemblée nationale afin de recueillir leur retour d’expérience et d’identifier nos pistes de travail. Nous avons également organisé des séances thématiques, et des séances plénières du groupe de travail ont eu lieu tous les quinze jours. Son rapport a présenté les quatre conclusions auxquelles nous sommes parvenus.

Premièrement, l’accord fut unanime pour refuser un état d’urgence sanitaire parlementaire, relevant d’une gouvernance et d’un corps de règles spécifiques, exorbitants du droit commun.

Deuxièmement, nous avons créé une boîte à outils à la disposition des instances de l’Assemblée nationale, notamment la conférence des présidents, pour alimenter avec promptitude et efficacité les réponses aux crises futures – avec, en particulier, des propositions innovantes en ce qui concerne l’utilisation de divers outils comme les questions ou les contributions écrites. Ce dispositif ne nécessite pas de modifier notre règlement.

Troisièmement, nous avons présenté une série de mesures pratiques, avec les services de l’Assemblée et les questeurs, qui vont du recensement des locaux alternatifs au renforcement de la sécurité informatique.

Quatrièmement, un seul sujet impose de modifier le règlement de l’Assemblée nationale. Pour conserver la souplesse du droit parlementaire, il nous a semblé nécessaire d’adapter le règlement afin de favoriser le recours à tout outil numérique de travail à distance, que ce soit pour les discussions ou les votes, en commission comme en séance publique, mais uniquement en cas de circonstances exceptionnelles de nature à affecter de façon significative les conditions de participation, de délibération ou de vote. Cette modification de notre règlement entraînera automatiquement la saisine du Conseil constitutionnel.

Le rapport, qui dépasse le seul article unique de cette proposition de résolution, est le fruit des contributions de l’ensemble des groupes politiques dont je salue le travail transpartisan et efficace. Nous n’en examinons aujourd’hui qu’un aspect mais tous les autres ont été validés par le bureau.

M. Jean-Michel Mis. Le groupe de travail transpartisan chargé d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise a été institué le 5 mai 2020 par le président Richard Ferrand, alors que nous traversions une période de crise sans précédent. Depuis le printemps 2020, en effet, nous avons dû adapter notre mode de fonctionnement afin de concilier la continuité de nos missions au sein de notre institution et la mise en place de règles sanitaires strictes.

La présidente de notre commission, invitée sur France Culture il y a quelques jours, a rappelé qu’en période de crise, seul le respect des règles et des institutions permet à l’État démocratique de tenir. C’est bien cet objectif que nous poursuivons en examinant cette proposition de résolution. Ce texte de sagesse vise à permettre à la conférence des présidents, en cas de circonstances exceptionnelles de nature à affecter de façon significative les conditions de participation, de délibération et de vote, d’adapter temporairement les modalités de participation des députés aux réunions de commission et aux séances publiques, le cas échéant en recourant à des outils de travail à distance, en tenant compte de la configuration politique de l’Assemblée. L’Assemblée nationale ne saurait fonctionner sans la présence d’un minimum de représentants de la Nation, aptes à s’exprimer librement et à confronter leurs opinions.

La conférence des présidents pourra aussi adapter les modalités de vote, le cas échéant en recourant à des outils de travail à distance, dans le respect du principe du vote personnel et des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, comme le prévoit l’article 27 de la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le vote à distance concernera, par conséquent, les seuls votes sur l’ensemble d’un texte ou ceux qui suivent éventuellement une déclaration du Gouvernement faite en application de l’article 50-1 de la Constitution.

Les garanties prévues par cette proposition de résolution portée par Sylvain Waserman semblent remplir les conditions indispensables à la sincérité de nos débats. Le président de l’Assemblée nationale sera tenu d’informer préalablement les présidents de groupes politiques. Tous les quinze jours à compter de leur adoption, la conférence des présidents devra se prononcer sur le maintien ou la modification des décisions qui auront été prises.

L’utilisation d’une boîte à outils renforce également les moyens de contrôle de l’action du Gouvernement par notre assemblée. Il n’est ni utile ni opportun de répondre à une situation de crise en créant un mode de crise, reposant sur une gouvernance et un corps de règles spécifiques, mais il est indispensable de permettre la mise en œuvre de tous les moyens pour que l’Assemblée nationale continue de mener à bien ses missions constitutionnelles. C’est pourquoi le groupe La République en marche adoptera cette modification du règlement.

M. Philippe Gosselin. Je tiens d’abord à saluer la qualité des travaux menés sous la présidence de Sylvain Waserman, que nous remercions pour son écoute. Le groupe Les Républicains a essayé de prendre toute sa part aux propositions de réforme du fonctionnement de l’Assemblée nationale en temps de crise. En effet, la crise sanitaire, qui nous a malheureusement pris au dépourvu, a eu des répercussions sur notre travail.

Nous avons tous en tête les milliers de mètres carrés de locaux de cette belle maison qu’est l’Assemblée nationale, désespérément vides, quelques membres de la représentation nationale disséminés dans l’hémicycle, sans tenir compte de la proportion de chaque groupe politique. Il fallait faire face. Chacun l’a fait du mieux possible, dans un esprit de responsabilité.

Reste que le Parlement, en temps de crise, ne peut être réduit à une simple existence théorique ou juridique, une instance incapable de contrôler, d’évaluer, voire de voter. C’est pourquoi nous avons créé une sorte de boîte à outils qui permettra d’adapter certaines règles de notre fonctionnement sans qu’il soit porté atteinte aux principes fondamentaux de notre règlement.

Cela étant, il faut aller plus loin et prévoir un deuxième étage à la fusée, pour permettre à la conférence des présidents, en cas de circonstances exceptionnelles, d’adapter temporairement les modalités de participation des députés aux réunions de commission et aux séances publiques, en autorisant, par exemple, le recours au vote à distance.

Globalement, nous souscrivons à cette proposition de résolution même si nous avons un regret. Nous aurions souhaité que les décisions de la conférence des présidents soient prises, non pas à l’unanimité, mais au moins à la majorité qualifiée plutôt qu’à la majorité simple. L’unanimité, en effet, revenait à accorder un droit de veto à un groupe. En revanche, accepter le principe d’une majorité qualifiée aurait permis de tendre la main à des groupes de l’opposition, dans une période singulière. J’ai bien compris, cependant, l’argument du fait majoritaire. Nous sommes sous la Vème République et nous sommes attachés à ses institutions. Peut-être est-il sage, en effet, même si c’est compliqué, d’en rester là.

En tout état de cause, nous avons trouvé un compromis dans la clause de revoyure à quinze jours des décisions prises par la conférence des présidents.

Dans ces conditions et sous réserve des débats à suivre en séance publique, le groupe Les Républicains soutiendra cette proposition de résolution. L’Assemblée nationale, pour continuer à fonctionner même en temps de crise, doit demeurer une institution solide en s’appuyant sur des textes plutôt qu’en laissant libre cours à l’improvisation.

Mme Isabelle Florennes. Je salue, tout d’abord, le travail du rapporteur sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur et sur lequel il n’a cessé de plancher depuis le début de la législature, réussissant à entraîner derrière lui l’ensemble des groupes politiques – ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

La présente proposition de résolution vise à permettre au Parlement de mieux fonctionner en période de crise, comme celle que nous avons vécue au cours de l’année 2020, avec l’émergence de la pandémie de covid‑19. Nous avons alors rencontré des difficultés notables – jauge dans l’hémicycle et en réunions, discussions tardives, délégations de vote –, certains dispositifs traditionnels n’étant pas adaptés. Néanmoins, tous les groupes politiques et les parlementaires, ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont démenés pour faire vivre le débat démocratique en dépit de la gravité de la situation. En l’espace de quelques mois, entre le 15 mars et le 15 mai 2020, soit pendant toute la durée du premier confinement, nous avons réussi à examiner sept projets de loi et siégé pas moins de 104 heures – preuve que le Parlement sait être efficace et s’adapter.

Tel est d’ailleurs l’objet de la proposition de résolution : assurer la pérennité du débat parlementaire en toutes circonstances et mettre à sa disposition de nouveaux outils technologiques pour se réinventer, afin que vivent notre assemblée et notre démocratie.

Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés est résolument engagé dans cette transformation, et il ne peut que se féliciter des outils proposés par un texte qui évite l’écueil de la mise en place d’un régime de crise, solution qui n’aurait été d’aucune utilité et aurait même risqué d’alourdir considérablement le fonctionnement de l’Assemblée. En adaptant les modalités de participation aux réunions des différents organes de l’Assemblée et de vote, la proposition de résolution nous permet de conserver une certaine agilité et de la souplesse afin que nous demeurions opérationnels, tout en prévoyant un encadrement du dispositif par la conférence des présidents ainsi qu’une clause de revoyure garantissant l’implication de tous dans la décision de maintenir ou non les dispositions exceptionnelles. Il s’agit là, nous semble-t-il, de garde-fous utiles. Il va sans dire que le groupe MoDem et Démocrates apparentés soutiendra la proposition de résolution.

M. Dimitri Houbron. Je remercie, moi aussi, le rapporteur pour la qualité de son écoute et de son travail. Il y a presque un an, à l’annonce du premier confinement, presque tout le pays était mis sous cloche – une décision historique, bouleversante, perturbante, qui n’a pas épargné notre institution singulièrement touchée par la pandémie de covid-19. Je suis fier de la manière dont l’Assemblée nationale a fait face à ces circonstances exceptionnelles. Le président, le bureau, la questure, les présidents des groupes parlementaires, les présidents des commissions, les collègues, les attachés parlementaires, les fonctionnaires, les employés, les prestataires, et j’en oublie sans doute, tous ont tout fait pour que les représentants du peuple puissent maintenir une activité législative et de contrôle avec les moyens qui étaient à leur disposition. Pourtant, aucune de nos démocraties n’était préparée à ce scénario. Cela a débouché sur la mise en place, à peine deux mois après le début du premier confinement – une réactivité louable –, d’un groupe de travail transpartisan en vue d’adapter le mode de fonctionnement de notre assemblée. Nous sommes aujourd’hui appelés à concrétiser ces travaux.

Le texte présente, en outre, l’avantage d’adapter les règles aux circonstances, en s’appuyant sur les avancées technologiques pour remédier aux obstacles auxquels étaient confrontés certains de nos collègues, notamment ultramarins. Concrètement, l’esquisse d’un fonctionnement dit hybride, associant la présence de certains députés à l’Assemblée nationale et le travail à distance pour d’autres, sera de nature à améliorer la représentativité territoriale des travaux de notre institution pendant une période perturbée, telle que celle que nous connaissons.

S’agissant du vote à distance, véritable révolution pour notre démocratie représentative, il donnera de la souplesse à notre fonctionnement. À l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il a été mis en place dès le début de la crise afin de rendre possible la poursuite des travaux et de préserver leur qualité.

Bien que nous soyons conscients que de telles dispositions doivent être soumises à certaines limites, l’adoption de la proposition de résolution nous semble impérative pour que notre assemblée tire véritablement les leçons de la crise. En conséquence, le groupe Agir ensemble votera pour l’adoption de ce texte.

Mme Cécile Untermaier. Je remercie, à mon tour, Sylvain Waserman pour son travail, sa gentillesse – je suis particulièrement sensible à cette qualité et l’ensemble des députés devraient s’inspirer de son exemple –, sa compétence et sa grande qualité d’écoute. J’en veux pour preuve qu’un jour où je m’inquiétais d’un éventuel conflit d’intérêts que pouvait faire naître un groupe d’études, il a indiqué avec intelligence que cet aspect avait été pris en considération, alors que beaucoup auraient réagi avec indifférence.

S’agissant de la proposition de résolution, je pense que la boîte à outils est tout à fait bienvenue. Ajouter des questions écrites ? Pourquoi pas, mais il importe que l’on obtienne des réponses rapides : dans ces temps difficiles où il est impératif que le dialogue se développe, les membres du Gouvernement doivent y prendre toute leur part et satisfaire aux interrogations légitimes de nos concitoyens. La mise en place d’un binôme majorité-opposition pour le contrôle de l’exécutif me paraît tout à fait pertinente, de même que la possibilité de remettre des contributions écrites.

Concernant les mesures immédiates, le recensement des locaux alternatifs est une bonne chose. Ne pas pouvoir recevoir à l’Assemblée est une réelle entrave à notre action : le Parlement est aussi fait pour accueillir nos concitoyens. En matière d’amélioration du réseau internet, on a fait beaucoup de progrès, et il me semble que dans les circonscriptions, nous pouvons nous organiser nous-mêmes sans faire encore appel à l’Assemblée nationale. Il est, en revanche, tout à fait intéressant d’équiper davantage de salles de dispositifs de visioconférence ; peut-être faudrait-il réfléchir à donner aux députés un accès libre à ces salles. La consécration dans notre règlement des solutions appliquées dans le cadre de la période particulière que nous traversons me paraît bienvenue.

Le groupe Socialistes et apparentés a néanmoins exprimé une réserve concernant les modalités de mise en œuvre de ce régime exorbitant du droit commun. Selon nous, il ne devrait pas pouvoir s’appliquer si un président de groupe s’y oppose. Un tel régime ne doit répondre qu’à un cas de force majeure, et cette clause existe déjà dans notre règlement pour les procédures simplifiées et certaines modalités de mise en œuvre du temps législatif programmé. Il conviendrait, en la matière, de tendre vers l’unanimité, étant entendu que, dans de telles situations, les groupes ne chercheront pas à faire obstacle.

Durant cette période, l’assemblée parlementaire franco-allemande a réussi, malgré les difficultés, à tenir des réunions à distance – Dieu sait pourtant si c’est compliqué de travailler avec le Bundestag ! L’Assemblée nationale a ainsi manifesté sa capacité à s’adapter, et je tenais à en remercier les administrateurs ainsi que vous-même, monsieur Waserman, car vous y avez pris votre part.

En conclusion, le groupe Socialistes et apparentés accueillera favorablement cette proposition de résolution.

M. Michel Zumkeller. Je m’associe aux remerciements adressés à Sylvain Waserman pour son souci de la concertation, fort appréciable sur de tels sujets.

La position du groupe UDI et Indépendants n’a pas varié, Jean-Christophe Lagarde l’a exprimée à plusieurs reprises. Nous souscrivons à l’exigence de souplesse afin de tirer les conclusions de ce qui s’est passé au printemps dernier. Nous pensons que la conférence des présidents est l’organe pertinent, du fait de sa représentativité et de sa réunion hebdomadaire.

Notre seul point de divergence, mais il est important, porte sur le fait que la majorité parlementaire apprécie toute seule les circonstances exceptionnelles. Ce que nous sommes en train de prévoir, c’est tout de même que les députés ne pourront pas être présents dans l’Assemblée nationale ! C’est pourquoi nous avons déposé deux amendements pour y remédier, l’un portant sur un mécanisme de majorité qualifiée, l’autre visant à accorder un droit de veto à deux présidents de groupe. En mars dernier, au plus fort de la crise, nous avons tous fait preuve de responsabilité. Je pense qu’il en serait de même dans toute situation exceptionnelle, et il nous semble nécessaire que les groupes d’opposition puissent faire entendre leur voix. C’est pourquoi le président de notre groupe s’était abstenu lors du vote sur le rapport. Nous espérons faire évoluer les choses sur ce point.

En revanche, nous nous félicitons de la clause de revoyure tous les quinze jours, disposition qui découle d’une initiative de Jean-Christophe Lagarde.

Nous avons trois questions à soumettre à M. le rapporteur.

D’abord, nous regrettons que la réflexion soit limitée aux périodes de crise. Par exemple, les députés ultramarins ont souvent du mal à participer à nos travaux. Ne serait-ce pas l’occasion de leur donner la possibilité de le faire plus facilement hors période de crise, ou en posant des questions au Gouvernement à distance ? Il me semble que les moyens techniques nous le permettraient.

Vous envisagez des lieux alternatifs au Palais-Bourbon. Avez-vous exploré des pistes en particulier ?

Enfin, s’agissant de la boîte à outils, seriez-vous prêt à ce que ceux-ci soient définis à l’issue d’un travail commun avec les représentants de tous les groupes ?

M. Michel Larive. Si je peux comprendre que certains souhaitent que l’unanimité se fasse autour de la proposition de résolution, je vais exprimer une position – celle du groupe La France insoumise – qui va peut-être fragiliser le consensus actuel. Je salue toutefois l’esprit de concertation de Monsieur le rapporteur : nous avons eu de longues discussions, dont j’ai retrouvé les traces dans le texte qui nous est soumis.

Depuis le début de la crise sanitaire, on assiste à l’affaiblissement constant du Parlement. Cela fait presque un an que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré, donnant au Premier ministre la possibilité de prendre par décret toutes les mesures jugées nécessaires pour faire face à l’épidémie. Si le caractère d’urgence de la situation nécessite des mesures exceptionnelles, rien ne justifie, en revanche, d’écarter les représentants de la Nation de la construction des solutions et des décisions qui en découlent.

Malgré les tentatives du Gouvernement d’ignorer le pouvoir législatif, le groupe parlementaire La France insoumise a travaillé sans relâche depuis l’arrivée du covid-19 en France pour être force de proposition. Ce travail sérieux, à la disposition de toutes et tous, nous a permis de publier onze propositions de loi, six plans, quatre guides et de réunir une commission d’enquête sur la gestion de la crise depuis mars 2020.

Après avoir contourné le Parlement, le Gouvernement l’a muselé. Après un premier rapport rendu en juin 2020 et de nouvelles conclusions au mois de décembre, il a été décidé, fin janvier, on ne sait pour quelle raison, de dissoudre la mission d’information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus-covid 19. L’explication est peut-être à chercher du côté d’une politique de gestion de crise parfois hasardeuse, que vous préféreriez dissimuler plutôt qu’assumer, chers collègues de la majorité ! Le point culminant de cette dérive est la place prépondérante du Conseil de défense dans la conduite de la politique sanitaire nationale. Cette instance de décision est régie par le secret défense. Les parlementaires en sont exclus, découvrant parfois l’identité de certains participants par voie de presse.

Nous sommes amenés à débattre de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’organisation des travaux parlementaires en période de crise. Nous nous réjouissons que la majorité présidentielle s’essaie à la planification sanitaire que nous réclamons, dans tous les domaines de l’action publique, depuis plusieurs mois. Un commissaire au Plan, M. Bayrou, a même été nommé à cette fin. Toutefois, il semble que le mode d’organisation du prochain scrutin législatif l’intéresse plus que les perspectives de résolution de la crise que nous connaissons.

Nous regrettons que cette proposition de résolution serve de prétexte à un nouvel affaiblissement du Parlement. Le règlement de l’Assemblée nationale, depuis la révision constitutionnelle de 2008, prévoit huit commissions permanentes de soixante-treize députés chacune, sur la base de la représentation proportionnelle des groupes politiques. Certains groupes minoritaires, dont le nôtre, n’ont que deux sièges par commission permanente. La division par deux du nombre de députés présents en commission, en vigueur depuis plusieurs mois, met en péril la possibilité, pour les groupes d’opposition, d’assurer leurs prérogatives d’initiative législative et de contrôle de l’action du Gouvernement.

En outre, le texte prévoit que la conférence des présidents pourra adapter les modalités de vote, le cas échéant en recourant à des outils de travail à distance, dans le respect du principe du vote personnel et des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. D’après l’exposé des motifs, deux scrutins pourraient être inclus dans le champ du vote à distance : le vote sur l’ensemble d’un texte et le vote sur une déclaration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution. Les notions de respect du principe du vote personnel et d’exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire ne nous semblent pas justifier que l’on écarte les autres scrutins, qui doivent aussi être énumérés dans l’exposé des motifs.

La confiance n’est pas là. La majorité présidentielle n’en est pas à son coup d’essai en matière de limitation des pouvoirs du Parlement. Le recours fréquent à la procédure accélérée et aux ordonnances, le passage en force, grâce à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, lors du débat sur la réforme des retraites, la réforme du règlement de notre assemblée en 2019, l’irrecevabilité de certains amendements de l’opposition au-delà d’un certain nombre, le recours à une seconde délibération quand le résultat de la première ne satisfait pas le Gouvernement : tout cela laisse penser que cette proposition de résolution est une nouvelle étape de la remise en cause de notre institution. Aucune crise ne saurait justifier une telle dérive. Nous, parlementaires insoumis, refusons d’aggraver le délitement de notre institution et de favoriser la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif.

Mme Emmanuelle Ménard. Je m’apprêtais à regretter de briser la belle unanimité, mais quelqu’un l’a fait avant moi !

Monsieur le rapporteur, vous vous doutez sans doute de ce que je vais dire. Vous avez évoqué des discussions avec tous les groupes. Depuis bientôt quatre ans, je déplore systématiquement que cette assemblée ne raisonne qu’en fonction des groupes politiques. À l’Assemblée nationale, tout est fait pour les groupes, il n’y a rien pour les députés non inscrits. Sans vouloir jouer les Calimero, je rappelle que l’on dénombre vingt-cinq députés non inscrits, soit plus que l’effectif de certains groupes politiques. Pourtant, nous avons bien moins de droits que les groupes politiques.

J’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale en 2019, le problème majeur, pour les députés non inscrits, n’est pas tant de ne pas être associés aux décisions, ce qui est compréhensible, mais de ne pas disposer de l’information. J’ai beau le répéter, les députés non inscrits ne sont jamais informés de rien ! Au demeurant, je regrette – c’est même, au regard du fonctionnement de l’institution, le principal regret de mon mandat – que la réforme du règlement n’ait pas ouvert la possibilité d’associer les députés non inscrits au sein d’une sorte de groupe technique, doté par exemple d’une représentation tournante. Nous avions étudié plusieurs possibilités à cet effet. Au Sénat, les membres non inscrits sont constitués en groupe et ne se heurtent pas aux mêmes difficultés techniques que nous. Les propositions en ce sens ont été systématiquement écartées.

Lors du premier confinement, la possibilité du vote à distance a été offerte aux membres des groupes politiques, mais pas aux députés non inscrits. Chacun peut le vérifier, ce n’était pas prévu par la conférence des présidents. J’ai dû me battre au téléphone pendant trois jours, avec le cabinet de Richard Ferrand, pour obtenir que les députés non inscrits puissent voter à distance, prévenant, devant la fin de non-recevoir que l’on m’a d’abord opposée, que je porterai devant le Conseil constitutionnel ce déni inacceptable des droits des députés non inscrits. Nous priver d’un droit accordé aux autres parce que nous n’étions pas membres d’un groupe me semblait une injustice totale. Nous sommes élus comme les autres et représentons des électeurs comme les autres.

Pas plus tard que la semaine dernière, lors de l’examen dans l’hémicycle du projet de loi confortant le respect des principes de la République, Mme Schiappa détaillait le contenu du contrat d’engagement républicain en indiquant en avoir donné un exemplaire à chaque président de groupe. J’ai fait un rappel au règlement et elle a présenté ses excuses. Une fois de plus, les députés non inscrits étaient mis à l’écart de la diffusion de l’information, donc de la discussion.

Ces deux exemples démontrent que cette privation d’information est profondément injuste et nous pénalise dans notre travail quotidien.

M. Bertrand Pancher. Nous sommes particulièrement satisfaits de l’effort de concertation qui a présidé aux travaux du groupe de travail mené par Sylvain Waserman, et dans lequel nous avons été représentés par notre collègue Sylvia Pinel.

L’objet de la proposition de résolution est d’introduire dans le règlement de l’Assemblée nationale une disposition souple et modulaire donnant à la conférence des présidents une latitude accrue pour aménager les modalités des discussions et des votes, en commission comme en séance publique, en cas de crise. Cette approche nous semble être la bonne. Une structure de travail ad hoc du Parlement en temps de crise aurait abouti à un fonctionnement de l’Assemblée au rabais, ce que personne ici ne souhaite. L’Assemblée nationale doit travailler autant que possible dans le cadre réglementaire normal, notamment pour contrôler la gestion de la crise. Au demeurant, ce contrôle peut prendre des formes très différentes, comme l’a montré le travail de cartographie très intéressant réalisé par Sylvain Waserman.

Pour notre groupe, l’exercice d’une démocratie pleine et entière doit être préservé par-dessus tout. Les mesures dérogatoires relatives au travail législatif prises au cœur de la crise sanitaire, au printemps dernier, prévoyant notamment la présence de deux représentants par groupe en séance publique, n’étaient satisfaisantes ni du point de vue constitutionnel ni du point de vue politique. Il n’est pas possible d’interdire à un député de siéger en séance publique, de discuter et de voter la loi, et de contrôler l’action du Gouvernement. À cet égard, les séances de questions au Gouvernement tenues au plus fort de la crise étaient plus que nécessaires.

S’agissant de la présence des députés en séance publique et en commission, nous estimons que la proportionnalité de la représentation des groupes doit, à tout le moins, être maintenue. D’ailleurs, le rapport prévoit que les adaptations relatives aux modalités de participation des députés aux réunions de commission ou à la séance publique devront tenir compte de la configuration politique de l’Assemblée. Toutefois, cette solution n’est pas entièrement satisfaisante, car personne ne peut interdire à un député d’entrer dans l’hémicycle ou de siéger dans la commission dont il est membre.

Si nous soutenons cette modification mesurée du règlement de l’Assemblée nationale, nous appelons à éviter au maximum l’écueil d’une décision prise en conférence des présidents par la seule majorité qui, de facto, peut décider seule au sein de cette instance. Dès lors que l’instauration d’une décision à la majorité qualifiée, que nous appelions de nos vœux, n’a pas été retenue, la recherche du consensus devra prévaloir. Monsieur le rapporteur, si je vous suis sur la possibilité que la recherche de l’unanimité offrirait à un groupe politique de bloquer la mise en œuvre des mesures d’urgence, j’ai avec vous une divergence de vues sur la trop grande complexité qu’il y aurait à définir une majorité qualifiée. Celle-ci n’est d’ailleurs pas définie dans votre rapport, ce qui ne nous a pas empêchés de l’approuver et de cosigner votre proposition de résolution. Nous pourrions néanmoins tenter de le faire au cours de son examen.

Quoi qu’il en soit, nous prenons note de votre effort pour répondre aux craintes liées à la prise de décision par la seule majorité. Vous avez, en effet, introduit dans le texte une disposition absente de votre rapport : une sorte de clause de revoyure, en vertu de laquelle la conférence des présidents se prononcerait tous les quinze jours sur le maintien ou la modification des décisions prises. Il s’agit d’une bonne disposition.

Par ailleurs, nous sommes favorables à l’innovation du vote à distance pour les scrutins sur l’ensemble d’un texte ou une déclaration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution. Nous espérons même que cette voie puisse être explorée dans le cadre normal de nos travaux. Cette modalité de vote est en vigueur au Parlement européen.

Parmi les propositions figurant dans la boîte à outils issue des travaux du groupe de travail mais pas dans le texte, nous saluons tout particulièrement l’outil numéro 3, qui vise à garantir l’information des parlementaires au niveau local par le biais de la tenue de réunions régulières réunissant parlementaires et préfet. Il s’agit d’une demande constante de notre groupe, afin d’adapter au mieux la réponse publique aux différences territoriales.

Enfin, notons, avec quelque malice, que l’outil numéro 10 consistait à permettre, par une disposition législative ad hoc, la prolongation au-delà de six mois de la durée des commissions d’enquête, si leurs travaux sont interrompus en raison de la crise. Après la fin prématurée de la mission d’information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus-covid 19, nous proposons qu’à chaque usage, par la conférence des présidents, de ce nouveau dispositif, une commission d’enquête spéciale soit automatiquement constituée, et ce pour toute la durée de la crise, et non pour six mois.

Chacun aura compris que nous soutiendrons le texte.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Chers collègues, je vous remercie sincèrement et amicalement pour les paroles que vous avez eues à mon endroit. L’exercice que m’a confié Richard Ferrand était vraiment très intéressant : nous avons réfléchi intensément, avec tous les groupes, à soixante idées qui ont alimenté la boîte à outils, dont nous ne débattons pas aujourd’hui mais qui constitue peut-être l’un des éléments les plus importants du rapport.

Parmi les mesures prises dans le cadre de la gestion de la crise, il en est une qui ne fait plus débat : le vote des textes à deux députés par groupe, dans la période de sidération qui a suivi l’apparition du virus, au mois de mars. Cette pratique est contre-nature au regard des règles de proportionnalité usuelles, et elle est dorénavant clairement exclue. Plus généralement, le respect du principe de proportionnalité a fait l’objet de nombreuses discussions. Il sera garanti, notamment par la formulation « en tenant compte de la configuration politique de l’Assemblée ».

En revanche, nous n’avons pas trouvé de solution aux nombreuses demandes portant sur le mode de décision actuel de la conférence des présidents. Il avait été proposé de prendre en compte l’opposition d’un président de groupe ou d’observer la règle de la majorité des deux tiers – simple à formuler, cela posait en réalité un véritable problème. Les échanges sur ce sujet ont été nourris, et nous avons choisi de respecter le fait majoritaire, pour plusieurs raisons.

Des raisons historiques, d’abord – si elles ne justifient pas nos comportements présents, elles les éclairent tout de même. Des recherches en archéologie parlementaire m’ont permis de découvrir que la règle du fait majoritaire dans la conférence des présidents a été instituée en 1954 par Jean Minjoz, député du Doubs, avec l’idée que chaque voix y est portée au prorata du nombre de députés, et que le vote s’en trouve donc pondéré. Depuis 1954 – si l’on exclut un point de procédure selon lequel un président peut s’opposer à la procédure d’examen simplifiée d’un texte –, aucune des décisions de la conférence des présidents n’a dérogé à cette règle. Sur les raisons qui ont présidé à l’instauration de ce mode de décision consubstantiel de la représentativité de la conférence des présidents, je vous renvoie à la thèse passionnante de Christian Bruniet sur le règlement des assemblées parlementaires depuis 1871.

Si, après nos travaux de 2020, nous décidions de mettre fin à la règle majoritaire pour le déclenchement du mode de crise, immanquablement, nous serions conduits à mesurer l’importance de ce sujet par rapport à d’autres thématiques décidées à la majorité, comme le temps législatif programmé (TLP), et tentés d’ouvrir la même possibilité pour celles-là. Nous en avons longuement débattu. Le groupe Les Républicains, par les voix du président Abad et de Philippe Gosselin, bien que souhaitant trouver une règle dérogeant au fait majoritaire, ont convenu que notre institution est fondée sur ce principe et que l’affirmer n’est pas nier le rôle des oppositions. Une large majorité s’est dégagée pour considérer cette solution comme la plus raisonnable.

Le président Pancher l’a dit, tout cela ne fonctionne bien que si l’on crée un consensus assez large. À ce titre, comme nombre d’entre vous, je salue le président Ferrand qui, après la sidération de mars 2020, a su créer l’unanimité sur toutes les décisions qui ont été prises. C’est un message fort : par-delà nos convictions différentes, lorsque l’essentiel est en jeu – c’est-à-dire, les fonctions essentielles du Parlement sans lesquelles certaines décisions ne peuvent être prises –, les présidents de groupes politiques ont convergé unanimes vers la position du président Ferrand.

La clause de revoyure ne figurait pas dans le rapport ; elle est un ajout du groupe Socialistes et apparentés, appuyé par le groupe UDI et Indépendants. Elle est à présent écrite noir sur blanc dans la proposition de résolution. Même si, en théorie, on peut revoir toute décision à chaque conférence des présidents, cela va mieux en le disant. En faire formellement mention dans le texte nous a semblé une bonne idée.

L’unanimité qui a été créée est le meilleur scénario, mais elle s’effrite quand les crises se répètent. On peut alors légitimement se demander si la logique de crise reste justifiée. Au fil du temps, les débats sont plus compliqués. Le choix a donc été fait de respecter le fait majoritaire, pilier, depuis 1954, des décisions de la conférence des présidents. Si une majorité large s’est dégagée en ce sens au fil des réflexions, certains sont néanmoins restés cohérents avec leur position initiale, en disant qu’ils ne pourraient voter le texte si cette règle était conservée.

Je confirme que des travaux sont en cours avec les services pour identifier des lieux alternatifs – en tant que Strasbourgeois, je considère que le Parlement européen serait le meilleur endroit pour accueillir les débats des députés. L’idée est d’être les plus réactifs possible, et d’être prêts avant la crise.

La boîte à outils prend en compte des propositions très concrètes issues des différents groupes politiques, notamment l’augmentation du nombre maximal de questions écrites qui peuvent être posées, ou la possibilité pour chaque député de déposer des contributions écrites, sans restriction – on connaît l’attachement du président Lagarde à ces contributions, qui figurent au Journal officiel et font partie des débats.

Le nouveau rôle de François Bayrou est très important, mais ce sujet passionnant n’est pas l’objet de notre discussion.

La « clarté et la sincérité du scrutin » sont des termes constitutionnels, issus de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’éviter ce que l’on pourrait qualifier de dol dans d’autres domaines. Un amendement sur ce sujet a été déposé en présumant qu’il s’agit de juger de la sincérité de l’orateur. Ce n’est pas du tout l’objet du texte : on ne parle pas de la mauvaise foi. Si l’on censurait la mauvaise foi à chaque fois qu’un orateur prend la parole, le débat serait sans fin !

S’agissant de l’irrecevabilité des amendements, chaque réclamation portée lors d’une séance que je préside est étudiée, et une réponse est apportée. L’irrecevabilité, notamment au titre de l’article 45, est un sujet à part entière, qui tient au lien direct ou indirect, non pas intellectuel, mais de cohérence légistique avec les sujets qu’aborde le texte.

Enfin, je connais l’attachement d’Emmanuelle Ménard à la condition des non-inscrits. Peut-être ne sait-elle pas que Sébastien Chenu était officiellement nommé pour participer aux travaux du groupe de travail.

Mme Emmanuelle Ménard. En effet, et pourquoi donc ?

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Vous n’avez pas, au sein de votre « groupe virtuel » la communication nécessaire.

Je rappelle que de nombreuses avancées factuelles ont été décidées pendant cette législature pour les non-inscrits, notamment dans la précédente réforme du règlement dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. Elles concernent leur droit de parole, leur temps de parole et la participation, de droit, de l’un d’entre eux à toutes les commissions d’enquête et missions d’information créées par la conférence des présidents.

La Commission passe à l’examen des articles.

Article unique Organisation des travaux parlementaires en période de crise

La commission est saisie des amendements CL16 et CL19 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL16 vise à remplacer les termes « de circonstances exceptionnelles » par les mots plus précis « d’état d’urgence sanitaire », qui correspondent à la situation circonscrite et répertoriée que nous avons connue. Les « circonstances exceptionnelles » sont susceptibles de recouvrir davantage de situations, sans que l’on sache qui en définit le caractère exceptionnel.

L’amendement CL19, qui vise à remplacer les termes « de circonstances exceptionnelles » par les mots « d’état d’urgence », a toutefois ma préférence. En tant qu’ils désignent une circonstance spécifique, caractérisée juridiquement, ils évitent certaines dérives ou abus dans l’examen de ces dispositions particulières.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Effectivement, l’état d’urgence peut être caractérisé plus objectivement que les circonstances exceptionnelles. Toutefois, le texte ne vise pas seulement un état d’urgence sanitaire ou terroriste – le Palais Bourbon pourrait être empêché de fonctionner pour une toute autre raison.

Plus fondamentalement, l’état d’urgence étant déclenché par l’exécutif, ce serait une décision de l’exécutif qui conditionnerait le basculement de notre mode d’organisation. Or il revient aux députés de maîtriser cette question.

Qui plus est, il y a le contrôle du Conseil constitutionnel, qui porte non seulement en amont mais aussi en aval de ce texte. Si une majorité – autre que la nôtre, bien sûr – décidait de caractériser abusivement certaines circonstances comme exceptionnelles, à n’en pas douter, le Conseil constitutionnel serait saisi par l’opposition et jugerait que la circonstance ne justifie pas d’avoir, par exemple, un député sur deux présent dans l’hémicycle et annulerait le texte dont il est saisi. Faisons confiance au juge constitutionnel.

Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable aux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL28 du rapporteur.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Les circonstances exceptionnelles peuvent affecter les conditions de participation, de délibération ou de vote. Cet amendement de précision permettra de disposer d’une marge de manœuvre dans le cas où un seul de ces éléments serait altéré.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL29, CL22 et CL23 du rapporteur.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CL8 de Mme Marie-France Lhoro et CL17 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les amendements ont le même objet : assurer aux députés non inscrits la même information qu’aux présidents de groupe politique, préalablement à la réunion de la conférence des présidents destinée à adapter les modalités de travail en cas de circonstances exceptionnelles. Il ne s’agit pas d’être consultés en vue d’une décision politique, mais simplement d’être informés.

Chaque semaine, nous sommes contraints d’aller à la recherche d’informations auprès de députés d’autres groupes politiques pour savoir rapidement ce qui a été dit lors de la conférence des présidents, avant la publication du relevé de conclusions.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Avis défavorable, car toutes les décisions de la conférence des présidents sont publiques. Le relevé de conclusions est envoyé par courriel en même temps aux présidents de groupe politique et aux députés non inscrits – je l’ai vérifié auprès du service de la séance.

Les difficultés que vous avez relevées découlent de problèmes de communication entre députés non inscrits. En témoigne le fait que vous ne saviez pas que M. Sébastien Chenu avait été associé au groupe de travail.

Tous les députés non inscrits ont pu voter à distance pendant le premier confinement ; peut-être grâce à vous, mais je ne pense pas que notre institution les aurait oubliés.

Je m’inscris en faux contre l’idée qu’ils ne seraient pas informés à l’issue de chaque conférence des présidents.

Mme Emmanuelle Ménard. Je n’ai pas dit que nous n’étions pas informés. Les députés non inscrits reçoivent bien le relevé de conclusions, mais dans un certain délai après la réunion de la conférence. Nous avons toujours l’impression de le recevoir de manière décalée.

J’avais proposé en 2019, sans succès, lors de l’examen de la proposition de résolution tendant à modifier notre règlement que les députés non inscrits puissent se constituer en groupe technique, comme peuvent le faire les sénateurs non inscrits. Nous n’avons donc pas de représentant officiel et tournant.

Je le répète, en mars dernier, les modalités de vote des députés non inscrits n’étaient pas prévues au départ – et je crois modestement être à l’origine de la possibilité pour eux de voter à distance, comme les autres députés.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Le relevé de conclusions paraît deux heures après la réunion de la conférence des présidents. Vous le recevez dans les mêmes délais que les présidents de groupe politique. Les députés non inscrits sont des députés à part entière et ne sont pas oubliés.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL18 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL24 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CL13 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement précise que la configuration politique de l’Assemblée s’entend « à travers les groupes parlementaires et les députés non inscrits », afin de donner dans ce texte une existence à ces derniers.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je pense que la notion de configuration politique ne se limite pas aux groupes politiques et comprend l’ensemble des députés. L’amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL25 et l’amendement de cohérence CL30 du rapporteur.

La commission adopte l’article unique modifié.

Après l’article unique

La commission est saisie des amendements CL15 et CL14 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’interdire le recours à la procédure particulière du TLP en cas d’état d’urgence sanitaire. Je ne vais pas indéfiniment revenir sur les difficultés que soulève cette procédure, nous les avons encore constatées lors de l’examen du projet de loi confortant les principes de la République : cinquante minutes seulement ont été accordées à vingt-cinq députés non inscrits.

Je connais déjà partiellement votre réponse : en proportion du nombre de députés, nous avons plus de temps que ceux de la majorité – 2 minutes, contre 1,7. Soit, mais la discussion générale terminée, il nous restait quatre minutes au total pour défendre nos amendements. C’est particulièrement frustrant de passer quinze jours dans l’hémicycle sans pouvoir ouvrir la bouche, surtout quand vous avez envie de faire, de temps en temps, un petit rappel au règlement et qu’il vous est refusé ; je ne le souhaite à personne !

Il ne s’agit pas de se faire plaindre mais, vous le savez, les députés non inscrits, s’ils le veulent, ont tous les outils pour tirer leur épingle du jeu et contourner les règles relatives au temps de parole, sauf en TLP. Dans ce dernier cas de figure, nous sommes censurés, même si vous n’aimerez probablement pas ce terme.

C’est un comble dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire car, sans pouvoir parler, nous sommes obligés d’être présents pour que nos amendements ne tombent pas, alors que l’on demande dans le même temps aux députés de ne pas être trop nombreux en séance pour éviter les contaminations !

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je sais que vous ne partagez pas mon enthousiasme à propos du TLP. Je l’ai vécu au perchoir, sur le projet de loi confortant les principes républicains. Certains débats ont été extraordinaires ; ils ont pu prendre forme parce que le TLP permet justement de passer une demi-heure sur un sujet majeur et d’adopter un texte bien différent de celui qui nous a été soumis. C’est cela la valeur ajoutée parlementaire !

J’observe par ailleurs que les projets de loi relatifs à l’urgence sanitaire n’ont pas été examinés en TLP.

Enfin, le présent texte ne vise pas à statuer sur le TLP. Mon avis sera donc défavorable à vos deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Titre

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL26 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL20 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission adopte la proposition de résolution modifiée.

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*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’organisation des travaux parlementaires en période de crise (n° 3798), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


([1]) https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/318202/3096029/version/1/file/Rapport+Groupe+de+travail.pdf