Logo2003modif

N° 3987

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 mars 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, adoptÉe par le SÉnat, tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote,

 

 

 

Par Mme Valérie SIX,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat :  438 (2018‑2019), 169, 170 et T.A. 33 (2019‑2020).

Assemblée nationale :  2498.


 


  1  

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Élargissement du livre V de la troisième partie du code de la santé publique à la lutte contre la consommation de protoxyde d’azote

Article 2 Lutte contre l’usage détourné par les mineurs du protoxyde d’azote

Article 2 bis (nouveau) Obligations d’information pesant sur les intermédiaires numériques

Article 2 ter (nouveau) Informations de prévention dispensées à l’école

Article 3 Application outre-mer des dispositions de la présente proposition de loi

Article 4 Rapport d’évaluation

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXEs

ANNEXE 1 : personnes auditionnÉes par la rapporteure

ANNEXE 2 : TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI


  1  

   Avant-propos

● Le 15 janvier 2021, à Montigny-lès-Cormeilles, dans le Val-d’Oise, cinq adolescents et un adulte ont été brûlés par l’explosion de leur voiture, provoquée par le protoxyde d’azote qu’ils étaient alors en train de consommer ([1]).

Le 26 janvier 2021 à Tournefeuille, en Haute-Garonne, un homme ayant inhalé du protoxyde d’azote a mordu et frappé quatre policiers à la suite de l’interruption d’un rodéo urbain ([2]).

Ces quelques exemples parmi tant d’autres relatés par la presse quotidienne régionale ces derniers mois sont révélateurs de la dangerosité de l’inhalation de protoxyde d’azote (N2O), pour le consommateur lui-même comme pour autrui.

● L’usage récréatif du protoxyde d’azote est loin d’être nouveau. Il remonte à la fin du XVIIIe siècle, peu de temps après la découverte de ce gaz. Il prend toutefois, depuis une dizaine d’années, des proportions inquiétantes.

Si l’usage à des fins récréatives du protoxyde d’azote rencontre une telle popularité, c’est qu’il est singulièrement simple d’y avoir accès. Des cartouches de gaz, normalement destinées à faire fonctionner des siphons à chantilly, sont accessibles via les grandes surfaces ou Internet (y compris sur les réseaux sociaux, parfois avec un service de livraison) pour un prix dérisoire, autour d’un euro pièce par boîte de dix environ. Pour obtenir des effets psychoactifs, ces cartouches sont ensuite ouvertes avec des « crackers » vendus spécifiquement à cet effet. Le gaz, libéré dans un ballon de baudruche, est ensuite inhalé. L’effet de l’inhalation, ne durant que quelques minutes, il incite le consommateur à réitérer l’expérience.

Nos autorités sanitaires se montrent – à juste titre – de plus en plus inquiètes de la popularité croissante de cette mode dangereuse. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) soulignait ainsi dans un rapport publié en juin 2020 que soixante-six cas d’intoxication au protoxyde d’azote ont été enregistrés par les centres antipoison entre 2017 et 2019. Des symptômes sévères, notamment un arrêt cardiaque et un coma ([3]), ont été observés chez cinq d’entre eux.

Fait tout aussi préoccupant, les consommateurs de protoxyde d’azote semblent toujours plus jeunes. Plusieurs associations tirent aujourd’hui le signal d’alarme, estimant que l’exposition des jeunes au protoxyde d’azote se fait dès le milieu scolaire.

S’il s’agit avant tout d’un grave problème de santé publique, l’utilisation du protoxyde d’azote à des fins récréatives pose également des problèmes d’ordre public. Elle est une source d’inquiétude, voire de mécontentement pour de nombreux maires et les citoyens qu’ils représentent. Paris en a récemment fait l’expérience en juillet 2020, avec la multiplication de rodéos à trottinettes sur les Champs-Élysées, réalisés par des individus sous l’emprise des effets de ce gaz. À ces nuisances, déjà loin d’être anecdotiques, s’ajoute la pollution engendrée par ces pratiques. Il est en effet courant de voir des bonbonnes, cartouches de gaz et ballons de baudruche joncher les trottoirs de nombreuses communes.

Dépassés par un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur, les maires tentent de le contenir en prenant des arrêtés municipaux. Toutefois, ces derniers sont nécessairement insuffisants pour lutter contre une telle mode. De par leur aspect très local, il est en effet extrêmement aisé de les contourner. Surtout, leur applicabilité dépend des effectifs disponibles de la force publique et de l’aptitude de cette dernière à qualifier le mésusage d’un produit tout à fait légal et demeurant de consommation courante.

● Malgré les méfaits désormais bien connus du protoxyde d’azote, la France a tardé à prendre à bras-le-corps ce fléau par rapport à d’autres pays qui ont déjà légiféré sur ce sujet. Elle a toutefois fait un pas important et très attendu le 11 décembre 2019, en adoptant à l’unanimité la présente proposition de loi de la sénatrice Valérie Létard et de plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste.

À l’Assemblée nationale, une proposition de loi en ce sens a également été déposée par le groupe L

a France insoumise, montrant à quel point cette inquiétude est commune aux deux chambres et transpartisane.

*

*     *

I.   Une consommation de protoxyde d’azote de plus en plus préoccupante

A.   À quoi sert le protoxyde d’azote ?

S’il est impossible d’interdire purement et simplement le protoxyde d’azote pour empêcher son usage en tant que psychotrope, c’est qu’il a par ailleurs de multiples vertus et usages, en particulier médicaux.

1.   Un usage médical de longue date

Découvert au début des années 1770 par Joseph Priestley, le protoxyde d’azote est rapidement utilisé à des fins médicales, et notamment expérimenté par le chimiste britannique Humphry Davy dès 1799 sur des patients souffrant de la tuberculose. En 1844, le dentiste américain Horace Wells démontra les propriétés anesthésiantes du protoxyde d’azote en s’arrachant lui-même une molaire tout en étant sous l’effet de ce gaz.

Le « mélange équimolaire de l’oxygène protoxyde d’azote » (MEOPA), consistant en un mélange à parité du N2O avec de l’oxygène est quant à lui commercialisé depuis les années 1970 au Royaume-Uni et les années 1980 en France.

Le protoxyde d’azote joue le rôle d’anesthésiant, étant utilisé notamment par le SAMU, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en gériatrie et pour la médecine vétérinaire, mais surtout celui d’analgésiant, dans le cadre de la réalisation de gestes médicaux douloureux (notamment lors d’accouchements).

2.   Des usages industriels variés pour lesquels le protoxyde d’azote semble encore nécessaire

En dehors du milieu médical, on retrouve surtout le protoxyde d’azote dans le milieu culinaire, celui-ci y étant utilisé comme gaz propulseur pour siphons à crème chantilly et autres mousses ou « espumas ». Loin d’être réservée à un usage professionnel, son utilisation est aujourd’hui très à la mode chez les cuisiniers amateurs.

C’est aussi le cas dans l’industrie, le protoxyde d’azote pouvant être utilisé comme comburant, permettant par exemple d’accroître la puissance des moteurs dans le cadre de compétitions automobiles.

On retrouve également ce gaz dans la composition de certains aérosols, tels que les dépoussiérants pour ordinateur.

À ce stade, pour ces multiples usages, le protoxyde d’azote semble irremplaçable.

Le rapport du Sénat sur la présente proposition de loi souligne ainsi que « le choix du protoxyde d’azote comme aérosol résulte de propriétés qu’il est à ce stade le seul à réunir : il est soluble dans les graisses, peut donc se dissoudre dans la crème et produire des bulles lorsque la pression est libérée, tout en empêchant la crème de rancir. L’utilisation d’oxygène ou de dioxyde de carbone, également solubles dans les graisses, ferait toutefois cailler la crème ou lui donnerait un goût acide. L’un des principaux fabricants de siphons et de cartouches de protoxyde d’azote, bénéficiant d’une réputation d’innovateur et d’un positionnement haut de gamme, a assuré à [la] rapporteure que le développement d’un procédé de substitution, à base d’oxygène par exemple, ne saurait aboutir avant quelques années – s’il aboutit. » Les mêmes éléments ont été mis en exergue par les industriels auditionnés par la rapporteure à l’Assemblée nationale.

B.   L’inhalation de protoxyde d’azote à des fins récréatives : une pratique toujours plus populaire malgré ses dangers

1.   Des effets connus depuis longtemps

Si le potentiel du protoxyde d’azote dans le milieu médical a très vite été découvert, il en est de même pour ses effets euphorisants et addictifs. C’est ainsi qu’en parallèle de ses expérimentations médicales en faveur des tuberculeux, Humphry Davy développa une addiction au protoxyde d’azote lorsqu’il le testa sur lui-même afin d’en décrire ses effets. Il en proposa par la suite à son entourage, ce qui donna lieu à des « laughing gas parties » désormais passées à la postérité.

L’usage du protoxyde d’azote à des fins récréatives se propagea rapidement et son usage était devenu extrêmement populaire dans le Royaume-Uni du XVIIIe siècle.

Il connut un net ralentissement au début du XXe siècle, le protoxyde d’azote étant remplacé par d’autres substances psychoactives.

Comme le souligne le rapport du Sénat précité, « la mesure des dangers du protoxyde d’azote ne fut vraiment prise qu’à compter des années 1950 ». En effet, « en avril 1956, une étude du professeur danois Henry Cai Alexander Lassen, parue dans la revue médicale britannique The Lancet, mit en évidence le risque de mégaloblastose médullaire – autrement dit, d’une atteinte de la moelle épinière – après inhalation de protoxyde d’azote, et conduisit à davantage d’études sur la question ».

Malgré une meilleure connaissance de ses dangers, cette mode connaît depuis les années 2000 un regain de popularité, et ce particulièrement chez les jeunes. Du fait de la démocratisation du N2O, beaucoup de jeunes sont attirés par cette substance, y cherchant l’euphorie, l’hilarité et la distorsion des perceptions. C’est bien cette tendance, avec l’insertion de ce gaz dans des pratiques à risque, que la présente proposition de loi cherche à appréhender.

2.   Un phénomène toujours plus populaire

a.   Un engouement croissant, touchant particulièrement les jeunes adultes

S’il est difficile de mesurer l’ampleur de ce phénomène, il est certain que celui-ci connaît un engouement croissant au sein de la population, et particulièrement auprès des jeunes, voire des très jeunes. L’aspect « festif », voire enfantin du produit (ballons, nom de « gaz hilarant ») contribue d’ailleurs à lui donner un aspect attractif et inoffensif.

Selon l’Anses, cette consommation est sans aucun doute sous-estimée par rapport aux données dont nous disposons aujourd’hui.

En 2017, selon une enquête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 2,3 % des 18-64 ans et 3,1 % des jeunes de 17 ans déclaraient avoir consommé un ou plusieurs produits à inhaler (colles, solvants, protoxyde d’azote, etc.) au moins une fois au cours de leur vie.

S’agissant plus particulièrement du protoxyde d’azote, son usage a été repéré dès 1999 par le dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues (Trend) de l’OFDT. Toutefois, son utilisation à des fins récréatives semblait alors limitée aux milieux festifs alternatifs, notamment « techno ». Les fêtes étudiantes au sein des filières médicales représentaient souvent un contexte d’exposition au protoxyde d’azote médical à des fins récréatives.

Le rapport de l’Anses précité permet de disposer d’un aperçu clair de l’amplification et de la généralisation du phénomène ces dernières années. L’année 2019 concentre à elle seule quarante-six des soixante-six cas, soit environ 69,7 % de ces derniers.

 

RÉPARTITION DES CAS D’EXPOSITION AU PROTOXYDE D’AZOTE PAR ANNÉE

Source : Rapport de l’Anses de juin 2020 à partir des données du Système d’information des centres antipoison (Sicap).

Les données partielles actuellement disponibles pour 2020 et fournies à la rapporteure par l’Anses et la direction générale de la santé (DGS) confirment cette tendance préoccupante, faisant apparaître un triplement des cas signalés au réseau des centres d’addictovigilance entre 2019 et 2020.

Au Royaume-Uni dont elle est originaire, cette mode est elle aussi en pleine résurgence. Le chapitre « drogues » de l’enquête sur la criminalité réalisée en 2013-2014 en Angleterre et au Pays-de-Galles montrait que le protoxyde d’azote était alors la deuxième drogue la plus populaire chez les 16-24 ans, derrière le cannabis mais devant la cocaïne, avec alors plus de 400 000 consommateurs uniquement pour cette tranche d’âge. Des résultats similaires sont mis en exergue par la même étude pour la période 2018-2019, avec toutefois un nombre croissant de consommateurs (552 000 jeunes adultes pour la même tranche d’âge) ([4]).

L’enquête I-share du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP) de Bordeaux, menée auprès de 10 000 étudiants de l’enseignement supérieur, montre que le protoxyde d’azote était alors la deuxième substance la plus consommée par des étudiants, derrière le cannabis. 13,5 % des étudiants étaient alors des consommateurs actuels, et 24 % déclaraient l’avoir déjà expérimenté.

Selon le rapport de l’Anses de juin 2020, 54,5 % des soixante-six cas d’intoxication enregistrés par les centres antipoison entre 2017 et 2019 inclus avaient entre 20 et 25 ans. L’âge médian des cas enregistrés était de 21 ans.

L’association Accompagner – Prévenir – Éduquer – Agir – Sauver (APEAS) a toutefois souligné lors de son audition par la rapporteure que les cas d’exposition au protoxyde d’azote pouvaient être particulièrement précoces, évoquant des cas concrets dans une classe de 5e.

 

RÉPARTITION PAR ÂGE ET SEXE DES CAS D’EXPOSITION RAPPORTÉS AUX CENTRES ANTIPOISON ENTRE LE 1ER JANVIER 2017 ET LE 31 DÉCEMBRE 2019

 

Source : Rapport de l’Anses de juin 2020 à partir des données du Sicap.

b.   Une généralisation de cette pratique partout en France

Fait déjà observé par le passé par l’OFDT – qui a notamment relevé une forte consommation de protoxyde d’azote dans les grandes agglomérations étudiantes, comme Lille – et confirmé par l’Anses, ce phénomène connaît des disparités territoriales.

Selon l’Anses, les Hauts-de-France et l’Île-de-France sont ainsi les régions les plus touchées par cette mode, chacune représentant un quart des cas recensés. À l’échelle départementale, c’est le département du Nord qui est le plus touché, représentant à lui seul quinze des soixante-six cas.

 

RÉPARTITION RÉGIONALE DES CAS D’EXPOSITION AU PROTOXYDE D’AZOTE

Source : Rapport de l’Anses de juin 2020 à partir des données du Sicap.

Toujours selon le dispositif Trend de l’OFDT, en 2019, la vente de protoxyde d’azote dans ou à proximité d’événements festifs a été le plus fréquemment observée en Île-de-France, Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur ou Hauts-de-France.

Toutefois, la généralisation du phénomène sur l’ensemble du territoire national a été confirmée lors des auditions de l’OFDT, ainsi que celles des centres d’addictovigilance de Nantes et de Lille.

c.   Un produit de plus en plus accessible

La commercialisation de siphons et de recharges prenant la forme de cartouches de gaz afin de préparer sa chantilly « faite maison » a rendu commune la vente de protoxyde d’azote dans les grandes surfaces ou sur les commerces en ligne.

Toutefois, c’est davantage la vente de protoxyde d’azote clairement destinée à un usage « récréatif » qui se développe aujourd’hui.

La vente sur Internet de lots incluant des cartouches, « crackers » et ballons de baudruche, ou rendant possible l’achat de plusieurs dizaines de cartouches, de bonbonnes ou de « tanks » montre ainsi le caractère décomplexé de ce phénomène et de sa publicité.

N’importe qui peut désormais acheter sur Internet des bonbonnes de grande capacité.

Les centres d’addictovigilance alertent ainsi sur la disponibilité de ces bonbonnes, voire de « tanks » dépassant l’équivalent d’une centaine de cartouches. La DGS a confirmé à la rapporteure une disponibilité de plus en plus importante de ces produits, décrivant « des bouteilles non médicales de toutes marques », des « obus » ou des « fontaines à proto » et confirmant que « sur Internet on trouve des bouteilles jusqu’à 10 kg, avec possibilité d’ajout de parfums ».

Le niveau actuel des prix d’achat de ces bonbonnes ne peut qu’encourager les mineurs à acheter du protoxyde d’azote. Il est en effet courant de pouvoir se procurer ce gaz à des prix dérisoires (moins de 30 euros pour une bonbonne contenant l’équivalent de 78 cartouches).

De plus, les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la diffusion de ces pratiques chez les plus jeunes. Ces derniers peuvent y découvrir la manière de consommer du protoxyde d’azote et sont incités à partager leurs expériences en lien avec la consommation de substances psychoactives. L’étude Trend de l’OFDT précitée rapporte même des reventes de produits via les réseaux sociaux, incluant un service de livraison.

Ces pratiques irresponsables ne sont toutefois pas réservées à Internet. Certains commerces physiques ne se cachent nullement de leur vente de protoxyde d’azote à des fins « récréatives », proposant des offres de bonbonnes avec lesquelles les ballons de baudruche sont offerts. Il est même possible de trouver des publicités incitant à la consommation de ce gaz, notamment à Roubaix où l’on a pu voir une supérette distribuer des tracts commerciaux où se côtoient alcool, bonbonnes et cartouches de protoxyde d’azote.

3.   Un gaz aux effets loin d’être hilarants

Parfois connu sous le nom de « proto » ou « gaz hilarant », le protoxyde d’azote comporte des dangers dont les possibles conséquences n’ont rien de léger ni de drôle.

Le consommateur peut ressentir des effets communs à d’autres substances psychoactives : de l’euphorie, une distorsion visuelle et auditive, des impressions de dissociation et de désinhibition, des sensations de flottement et des vertiges, mais également des paralysies des membres inférieurs ou une diminution de la force musculaire des membres.

Toutefois, d’autres effets secondaires bien plus graves peuvent survenir.

Cinquante-neuf des soixante-six cas d’intoxication au protoxyde d’azote étudiés par l’Anses ont souffert de symptômes, dont cinq à un niveau sévère – arrêt cardio-respiratoire, convulsions, myoclonies et coma. Ces cinq personnes avaient toutes associé leur consommation de protoxyde d’azote avec une autre substance à effets psychoactifs – alcool, drogue, hélium, etc. – ou eu une consommation chronique de ce gaz – une dizaine de cartouches par jour pour l’un, et une quarantaine par jour pour l’autre.

Par ailleurs, lorsque les effets de l’inhalation commencent à s’atténuer, le consommateur peut soudainement souffrir d’anxiété, voire se retrouver dans un état de panique du fait d’une modification de ses perceptions sensorielles. Il peut également souffrir d’une dépression respiratoire et cardiovasculaire, d’une hyperthermie maligne, d’une distension abdominale, d’un pneumothorax ou d’une rupture tympanique par diffusion du N2O dans ces cavités.

L’Anses a également alerté la rapporteure sur la reprotoxicité de ce produit, qui, consommé chez la femme enceinte, peut affecter le développement de l’enfant à naître.

La consommation chronique de protoxyde d’azote peut par ailleurs engendrer un déficit en vitamine B12. Cette carence peut conduire à l’apparition de graves lésions neurologiques, parfois irréversibles. Parmi celles-ci, des neuropathies, d’expression parfois sévère et des myélopathies, notamment des scléroses combinées de la moelle ont été signalées à la rapporteure.

Lors de son audition par la rapporteure, le CEIP de Lille a rapporté le cas d’un jeune souffrant d’importants troubles de la mémoire liés à sa consommation de protoxyde d’azote.

Il convient par ailleurs de souligner combien l’aspect addictif de cette pratique est inquiétant. La DGS a ainsi signalé à la rapporteure « des cas de dépendance et "craving" (envie irrépressible de consommer) ». Le rapport de l’Anses évoque par exemple un cas ayant inhalé 500 cartouches de protoxyde d’azote en 24 heures. La chronicité de certaines consommations a également été soulignée par l’Anses comme par les professionnels de santé lors de leurs auditions.

INFORMATIONS SUR LA CONSOMMATION DE PROTOXYDE D’AZOTE DANS LES CAS RAPPORTÉS

Source : Rapport de l’Anses de juin 2020 à partir des données du Sicap.

Aux risques d’apparition d’effets secondaires à la suite de l’inhalation de N2O s’ajoutent les dangers liés au procédé lui-même. En effet, il s’agit d’un gaz froid, devant être manipulé avec précaution. En cas de contact avec la peau dès la sortie de son contenant, il peut provoquer des brûlures des lèvres, du nez et des mains, voire des œdèmes pulmonaires.

II.   Une réglementation pratiquement inexistante en dépit de la gravité de la situation

A.   Un faible encadrement de ces pratiques à l’échelle nationale et européenne

● Le protoxyde d’azote, pour son utilisation médicale en anesthésie, est inscrit sur la liste I des substances vénéneuses ([5]) et réservé à l’usage hospitalier.

En tant que mélange équimolaire avec l’oxygène (MEOPA), il est également inscrit sur la liste I des substances vénéneuses, mais sorti de la réserve hospitalière depuis 2009, une modification de son autorisation de mise sur le marché ayant autorisé son usage professionnel en ville.

Ce mélange est soumis à une partie de la réglementation sur les stupéfiants, notamment à un plan de gestion des risques imposant en particulier un stockage sécurisé et l’obligation de déclaration pour tout constat de vol aux autorités sanitaires, en application de l’arrêté du 21 décembre 2001 portant application de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à base de protoxyde d’azote. Il est également soumis à une surveillance de pharmacovigilance et de pharmacodépendance renforcée.

Cette réglementation stricte se traduit aujourd’hui par un niveau désormais presque nul de détournement du protoxyde d’azote médical à des fins récréatives – un seul cas sur les soixante-six étudiés dans le rapport de l’Anses.

● En revanche, les mésusages du protoxyde d’azote non médical bénéficient d’un vide juridique national et européen. Il dispose d’un statut d’additif alimentaire autorisé de classe I (E 942) et d’auxiliaire technologique en tant que gaz propulseur, la réglementation européenne concernant les denrées alimentaires autorisant son usage – règlement n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires. Il est également autorisé en tant que solvant d’extraction pour le traitement des matières premières et autres denrées et leurs ingrédients au niveau européen (directive 2009/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ([6]) ).

En tant que substance chimique, les fabricants de cette substance et des produits en contenant sont également soumis aux dispositions de deux règlements européens complémentaires : le règlement n° 1907/2006 sur l’évaluation, l’enregistrement et l’autorisation des substances chimiques, dit « REACH », et le règlement n° 1272/2008 relatif à la classification, l’étiquetage, l’emballage des substances et des mélanges lors de leur mise sur le marché, sous la responsabilité du fabricant (règlement dit « CLP »).

Si ces réglementations autorisent et encadrent ces usages spécifiques, les usages détournés du protoxyde d’azote sortent de ces législations nationales et européennes.

● En France, les usages « récréatifs » du protoxyde d’azote ne sont actuellement réglementés que par des arrêtés municipaux, le plus souvent pris sur la base de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales aux termes duquel il leur revient d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Ainsi, la ville d’Illkirch-Graffenstaden, dans le Bas-Rhin, interdit depuis le 4 septembre 2020 la possession et la consommation de ce gaz dans l’espace public, sous peine d’une amende s’élevant à 38 euros. Mulhouse a été la première ville d’Alsace à prendre un arrêté relatif aux mésusages du protoxyde d’azote, en en interdisant l’usage récréatif depuis le 28 mai 2020 entre 7 heures 45 et 20 heures dans un rayon de 500 mètres autour des établissements scolaires. À Tourcoing, depuis septembre 2020, la vente de cartouches de protoxyde d’azote est même interdite aux majeurs comme aux mineurs. Le même arrêté interdit également la consommation et le dépôt de ces cartouches sur la voie publique.

Toutefois, comme le souligne le rapport du Sénat précité, l’efficacité de ces arrêtés est par essence limitée :

«  Ils sont, par hypothèse, territorialisés. Ce qui les rend contournables par les consommateurs, qui s’approvisionnent dans la commune voisine ou en font usage dans une zone qui n’est pas visée par l’arrêté, et contraint le cas échéant les services municipaux à en modifier le périmètre pour suivre les contrevenants.

«  Leur objet varie selon les communes. Dans l’aire urbaine de Montpellier, les arrêtés pris à Castelnau-le-Lez et à Lattes interdisent la vente aux mineurs ainsi que la consommation dans un rayon de 500 mètres autour d’établissements publics (écoles, crèches, parcs, complexes sportifs, etc.) ; celui de Palavas-les-Flots vise la détention, l’utilisation, et l’abandon sur la voie publique du protoxyde d’azote, mais n’interdit pas sa vente aux mineurs.

«  Ils sont presque inopérants dans de grandes communes. Le maire de Montpellier a ainsi renoncé à faire usage de ses pouvoirs de police de cette façon : comment, en effet, contrôler l’application d’un tel texte dans une ville de 280 000 habitants ?

«  Ils sont parfois fragiles juridiquement : tels ceux qui ne viseraient pas un périmètre défini avec assez de précision. »

B.   Une tendance internationale à l’encadrement des usages « récréatifs » de produits à effets psychoactifs

De nombreux États se sont emparés de la question de l’encadrement des usages « récréatifs » du protoxyde d’azote.

En Espagne, l’article 359 du code pénal interdit la vente ou la fourniture de toute substance nocive pour la santé, sous peine d’encourir une peine allant de six mois à trois ans d’emprisonnement et de six à douze mois de jours-amende. La justice a condamné à plusieurs reprises des vendeurs de protoxyde d’azote sur ce fondement. Les arrêtés municipaux y sont également légion.

Outre-Manche, les Britanniques ont adopté en 2016 le « Psychoactive substance Act », rendant illégale la production ou la vente d’une substance dans l’objectif de générer un effet psychoactif, soustraction faite de nombreux psychotropes dont l’usage est courant – alcool, café, tabac, etc. – et des stupéfiants, ceux-ci faisant déjà l’objet d’autres textes ([7]).

En Belgique, le Parlement a adopté à l’unanimité le 4 février 2021 une proposition de loi visant à interdire la vente de cartouches de protoxyde d’azote aux moins de 18 ans, dans les commerces physiques et en ligne. Une mention alertant sur la dangerosité de ce gaz sera obligatoire sur tous les contenants de cartouches métalliques incluant du protoxyde d’azote. La loi entrera en vigueur dans un an, afin de laisser aux commerçants le temps de s’adapter ([8]).

Aux Pays-Bas, le Gouvernement a annoncé le 21 juin 2020 un plan visant à stopper les mésusages du protoxyde d’azote, dont les mesures feront l’objet d’une consultation nationale. Il souhaite ainsi classer le N2O au même niveau que le cannabis et le khat et interdire la possession, la production, la commercialisation et l’importation de protoxyde. Seuls les usages médicaux et culinaires de ce dernier demeureraient possibles ([9]).

Au Danemark, une loi entrée en vigueur le 10 juin 2020 interdit la vente de protoxyde d’azote dans les épiceries vendant du tabac, des cigarettes électroniques et de l’alcool, sous peine d’une amende s’élevant à 10 000 euros pour le commerçant. Les vendeurs doivent systématiquement vérifier l’âge de l’acheteur de protoxyde d’azote. Il ne peut également être vendu à des particuliers plus de deux cartouches à la fois pour un total de 17 grammes, sous peine d’une amende de 3 361 euros pour le magasin. Pour les moins de 18 ans, l’importation et la commercialisation de protoxyde d’azote sont interdites, sans quoi le mineur concerné encourt une amende de 6 723 euros.

À Taïwan, depuis octobre 2020, le « Environmental Protection Administration » (EPA) a rendu illégale l’utilisation du protoxyde d’azote à des fins récréatives. Être en possession de cette substance, ou en vendre ou distribuer est depuis passible d’une amende pouvant atteindre environ 10 500 dollars américains ([10]).

III.   Un impératif : combler ce vide juridique au nom de la protection des mineurs

En France, le Sénat rappelle dans son rapport précité que l’unique texte pouvant se rapprocher des nombreuses mesures prises dans d’autres pays est l’article 222-15 du code pénal, sanctionnant « l’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui ». Toutefois, cette rédaction implique que l’atteinte puisse être avérée.

Malgré ce vide juridique, il convient de noter que le tribunal correctionnel de Nanterre a prononcé le 8 octobre 2020 des peines de huit et dix mois d’emprisonnement dans une affaire de trafic de protoxyde d’azote, au motif de « trafic de substances psychotropes ».

Toutefois, cette seule jurisprudence reste fragile. Afin de mieux protéger les mineurs des dangers que représentent les mésusages de produits à effets psychoactifs, la présente proposition de loi repose sur une double dynamique : réglementer et prévenir.

L’interdiction de la vente de ces produits à des mineurs et la pénalisation de l’incitation à leur consommation constituent ainsi le premier pilier de cette proposition de loi.

Les mesures relatives à la prévention, comportant notamment des campagnes d’information au sein des établissements scolaires, en constituent le deuxième pilier, et visent à détourner les jeunes de ces modes aux conséquences toujours plus tragiques.

A.   Mieux encadrer la vente de ces produits et sanctionner l’incitation à leur consommation

La présente proposition de loi cherche à garantir la protection des mineurs contre les dangers des mésusages de produits à effets psychoactifs sans pour autant rendre illégale la commercialisation de ces produits pour d’autres usages, culinaires ou industriels.

À la suite de l’examen de la proposition de loi en première lecture par le Sénat, celle-ci a été profondément modifiée afin notamment d’en renforcer sa lisibilité.

Le champ et la portée du dispositif ont été élargis en étendant l’interdiction de toute incitation d’un mineur à la consommation de protoxyde d’azote à l’ensemble des mésusages de produits de consommation courante afin d’obtenir des effets psychoactifs.

Les sanctions en cas d’incitation d’un mineur à la consommation de ces produits ont également été modifiées, passant d’un an de prison et 3 750 euros d’amende à une amende s’élevant désormais à 15 000 euros. A également été instaurée une amende s’élevant à 3 750 euros pour la violation de l’interdiction de vente ou d’offre de protoxyde d’azote à un mineur. Enfin, a été ajoutée une interdiction de la vente ou de l’offre de protoxyde d’azote dans des lieux de consommation de boissons.

La proposition de loi telle qu’adoptée par le Sénat entend donc répondre aux mésusages de produits de consommation courante – et plus spécifiquement du protoxyde d’azote – par des mineurs via les mesures suivantes :

– la création d’un délit pour incitation d’un mineur à utiliser un produit de consommation courante afin d’en obtenir des effets psychoactifs. Cela sera passible d’une amende de 15 000 euros ;

– l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote aux mineurs dans l’ensemble des commerces et lieux publics, passible d’une amende de 3 750 euros. Cette mesure a pour avantage de concilier la protection des mineurs à l’égard des dangers liés à l’inhalation de ce gaz et la préservation de l’activité des fabricants de cartouches de gaz à usage culinaire, les mineurs représentant vraisemblablement une proportion minime de leurs acheteurs ;

– l’extension de cette interdiction à l’ensemble des commerces en ligne. Ceux-ci devront alors obligatoirement spécifier l’interdiction de la vente aux mineurs sur toutes les pages où il serait possible d’effectuer des achats en ligne ;

– l’interdiction de vendre ou d’offrir gratuitement du protoxyde d’azote à toute personne, même majeure, dans les lieux de consommation proposant des boissons alcoolisées.

B.   La prévention au cœur de la protection des mineurs contre les mésusages de produits à effets psychoactifs

Toute politique de lutte contre la consommation de substances à effets psychoactifs ne saurait être réellement efficace sans être accompagnée d’une solide politique de sensibilisation et de prévention, notamment à destination des mineurs.

La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a d’ores et déjà entrepris un vaste travail de sensibilisation sur les dangers des mésusages du protoxyde d’azote. En 2020, elle a notamment effectué une campagne d’information sur son site Internet, y publiant un communiqué riche en informations à destination des jeunes et les alertant sur les dangers du protoxyde d’azote ([11]). Elle a transmis au printemps 2019 aux préfectures de région des informations afin de permettre une organisation efficace des actions locales en la matière, conjointement avec les agences régionales de santé et les collectivités concernées.

S’il faut se féliciter de ces efforts, cela ne signifie pas pour autant que nous ne devons pas faire plus.

Lors de leurs auditions, M. Jérôme Morel d’Arleux, directeur de l’OFDT, et le Pr Régis Bordet, gérant le centre d’addictovigilance de Lille, ont par exemple mis en avant l’utilité de l’inscription d’une mention alertant sur la dangerosité du protoxyde d’azote sur les contenants incluant celui-ci. Celle-ci s’avèrerait dissuasive en informant chacun sur les risques liés à la manipulation et aux mésusages de cette substance.

Toujours selon le directeur de l’OFDT, les campagnes de prévention pourraient permettre aux jeunes de prendre du recul et de s’affirmer sur ces sujets, réduisant de facto l’influence du groupe sur leurs choix, en leur donnant les outils pour refuser l’expérimentation du protoxyde d’azote.

La présente proposition de loi entend donc renforcer la prévention afin de mieux sensibiliser la population, et particulièrement les jeunes, quant aux dangers de la consommation de protoxyde d’azote.

Si elle a profondément évolué lors de son examen au Sénat, la proposition de loi adoptée contient une série de mesures préventives visant à améliorer l’efficacité de la politique de lutte contre les mésusages dangereux de produits communs à des fins récréatives :

– l’obligation pour les industriels d’inscrire une mention informant l’usager de la dangerosité du protoxyde d’azote sur les contenants incluant ce gaz, prévue à l’article 2 ;

– le renforcement des obligations des fournisseurs d’accès à Internet et des hébergeurs (article 2 bis) ;

– la délivrance d’informations de sensibilisation sur les addictions et leurs risques au sein des établissements scolaires (article 2 ter), intégrées au sein des différents dispositifs de prévention déjà existants.

C.   La nécessité d’agir au-DElà de la présente proposition de loi

Cette proposition de loi ne peut faire partie que d’un arsenal plus large visant à lutter contre les abus liés au mésusage de protoxyde d’azote.

Tout d’abord, parce qu’elle ne sera utile que si des moyens de contrôle sont effectivement déployés pour assurer sa mise en œuvre pratique, notamment en ce qui concerne l’interdiction de la vente aux mineurs.

Ensuite, parce que d’autres mesures ne relevant pas du domaine de la loi doivent être mises en œuvre en complément.

La prévention, au-delà du présent dispositif législatif, doit évidemment être la première des priorités.

La rapporteure souhaite notamment que soit mise en place une Charte spécifique avec la grande distribution, à l’image de celle ayant été signée entre les représentants du secteur et la Mildeca en 2019 afin de responsabiliser les distributeurs notamment sur l’interdiction de vente aux mineurs.

En matière de sécurité routière, les travaux sur la dangerosité de la consommation de protoxyde d’azote au volant restent à approfondir, tandis que la lutte contre cette dernière doit être renforcée. En effet, si cela n’est pour l’heure pas mesurable, le protoxyde d’azote représente un risque pour la sécurité routière. Les bonbonnes et cartouches de gaz retrouvées sur le bord des grands axes routiers attestent de l’utilisation du N2O à des fins récréatives dans les voitures des consommateurs. S’il est pour l’heure difficile d’établir le lien entre l’accident et le protoxyde d’azote, ses effets sur celui qui l’inhale accroît sans aucun doute les risques d’accidents de la route, mettant en danger aussi bien le consommateur que ses proches et autrui.

La rapporteure souhaite également que des avancées puissent avoir lieu au niveau européen, qui reste la meilleure échelle pour lutter contre ces mésusages.

La DGS a ainsi indiqué à la rapporteure qu’une « réflexion avec les autres pays européens a débuté en octobre 2020 sur la mise en place d’une action coordonnée afin de cadrer l’usage détourné de ce produit potentiellement dangereux par son classement au niveau européen dans le cadre du règlement n° 1272/2008 sur la classification, l’étiquetage et l’emballage des produits chimiques dit règlement "CLP" ».

Toujours selon la DGS, cette initiative française en vue d’une classification du protoxyde d’azote au niveau européen dans le cadre du règlement CLP a ainsi obtenu le soutien de l’ensemble des pays européens et de la Commission européenne. « En effet, il semble d’après les données dont dispose l’Anses que ce produit pourrait faire l’objet d’une classification harmonisée au titre de ses effets toxiques pour la reproduction, voire de ses effets neurotoxiques. Une identification du protoxyde d’azote en tant que substance dangereuse permettrait d’encadrer sa mise sur le marché au niveau communautaire (en définissant son étiquetage et éventuellement son interdiction de vente au public à plus de 0,3 % en concentration dans un produit s’il est classé toxique pour la reproduction). L’élaboration d’un dossier de classification harmonisée par l’Anses a été inscrite au programme de travail 2021 de l’agence. Le processus engagé est assez long (pas de conclusion avant au moins deux ans) car sous-tendu par la production de données scientifiques, leurs analyses et la caractérisation de la dangerosité du produit (N2O) en lui-même par voie inhalée, et le temps des débats d’experts au niveau européen. »

La rapporteure soutient pleinement le Gouvernement dans cette démarche européenne.

● Enfin, des efforts doivent encore être faits dans la connaissance de ces mésusages.

À compter de la prochaine édition de l’enquête chez les jeunes de 17 ans menée par l’OFDT, il sera possible d’individualiser et de mesurer l’usage détourné du protoxyde d’azote chez les jeunes de 17 ans. La rapporteure s’en félicite, ainsi que de la poursuite des travaux de l’Anses sur le sujet.

 


  1  

   Commentaire des articles

Article 1er
Élargissement du livre V de la troisième partie du code de la santé publique à la lutte contre la consommation de protoxyde d’azote

Suppression maintenue par la commission

Cet article, supprimé par le Sénat, avait pour objet de modifier le titre du livre V de la troisième partie du code de la santé publique afin d’y inclure la lutte contre la consommation de protoxyde d’azote par des mineurs.

● Figurant dans la proposition de loi initialement déposée au Sénat, cet article 1er venait modifier l’intitulé du livre V de la troisième partie du code de la santé publique, afin d’y inclure la lutte contre la consommation de protoxyde d’azote par les mineurs.

Lors de l’examen en commission des affaires sociales du Sénat de la proposition de loi, la rapporteure a souligné qu’il ne semblait pas opportun, « pour des raisons de lisibilité et de cohérence de la politique publique de lutte contre les conduites addictives, d’ajouter un troisième objectif à cette partie du code de la santé publique et de placer sur le même plan la protection des mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote et la lutte contre le tabagisme », alors même que l’intitulé du livre visé (« Lutte contre le tabagisme et lutte contre le dopage ») manque déjà de cohérence.

La commission a donc supprimé cet article, afin de déplacer la substance de la présente proposition de loi dans un nouveau livre VI au sein du code de la santé publique.

● La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a pleinement souscrit aux arguments mis en avant par le Sénat et a donc confirmé la suppression de cet article 1er.

*

*     *

 

Article 2
Lutte contre l’usage détourné par les mineurs du protoxyde d’azote

Adopté par la commission avec modifications

Cet article, profondément modifié par le Sénat en commission puis en séance, crée un délit d’incitation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante.

Il interdit également la vente et la cession gratuite à des mineurs de protoxyde d’azote, dans les commerces physiques comme en ligne.

Il impose qu’une mention indiquant la dangerosité du protoxyde d’azote soit apposée sur chaque contenant incluant ce produit.

Enfin, il précise les modalités de contrôle et d’inspection permettant de faire appliquer ces nouvelles dispositions.

L’article 2, profondément réécrit par le Sénat en commission des affaires sociales puis en séance, constitue le cœur du dispositif proposé par la présente proposition de loi.

Il rétablit le livre VI de la troisième partie du code de la santé publique, désormais intitulé « Lutte contre les usages détournés dangereux de produits de consommation courante ».

Ce livre serait désormais composé de trois chapitres dédiés respectivement :

– à la lutte contre les usages détournés et dangereux de produits de consommation courante ;

– à la prévention de ces usages détournés et dangereux ;

– au contrôle de ces usages.

1.   Les dispositions adoptées par le Sénat

a.   Création d’un délit d’incitation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante

Alors que la proposition de loi initiale était uniquement dédiée à la lutte contre l’usage détourné par les mineurs du protoxyde d’azote, le champ de cet article a été considérablement élargi par le Sénat en commission, à l’initiative de la rapporteure.

Celle-ci a en effet souligné que « viser le seul protoxyde d’azote risque de faire manquer à la politique de santé publique et de lutte contre les conduites addictives la cible des modes à venir » et a notamment observé que, « si le protoxyde d’azote a tué 36 personnes au Royaume-Uni depuis 2001, l’hélium, lui, en a tué 509 ».

Le texte adopté par le Sénat crée donc, au sein d’un nouvel article L. 3611- 1 du code de la santé publique, un délit d’incitation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante dans le but d’en obtenir des effets psychoactifs.

Le quantum de la peine est fixé par ce même article à 15 000 euros d’amende, du même montant que celle prévue depuis 2016 par l’article 227-19 du code pénal pour « le fait de provoquer directement un mineur à la consommation excessive d’alcool ». La proposition de loi initiale fixait ce quantum à un an de prison et 3 750 euros d’amende, s’inspirant de la législation en vigueur concernant l’usage de stupéfiants.

b.   Création de délits de vente et d’offre spécifiques au protoxyde d’azote

Aux côtés de ce premier article englobant tous les usages détournés des produits de consommation courante, la présente proposition de loi introduit deux nouveaux articles spécifiquement dédiés à la vente et à l’offre aux mineurs de protoxyde d’azote.

Un nouvel article L. 3611-2 interdit ainsi de vendre ou d’offrir gratuitement à un mineur, « dans tous commerces ou lieux publics », du protoxyde d’azote, quel qu’en soit le conditionnement. Comme pour le tabac, la personne qui délivre ce produit devra désormais exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité.

La violation de cette interdiction sera punie de 3 750 euros d’amende.

Cette interdiction, assortie de la même amende, est étendue à la vente en ligne par un nouvel article L. 3611-3, qui précise que les sites de commerce électronique permettant d’acheter du protoxyde d’azote, quel que soit son contenant, sont tenus de spécifier l’interdiction de vente aux mineurs.

En séance publique, avec un avis de sagesse de la commission et du Gouvernement, le Sénat a également adopté un amendement de Mme Corinne Imbert et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains interdisant de vendre ou d’offrir du protoxyde d’azote dans les débits de boissons. En effet, selon les auteurs de l’amendement, « on constate une évolution inquiétante du nombre de bars et d’établissements de nuits proposant gratuitement, ou à la vente, du protoxyde d’azote ». Contrairement aux autres délits créés par la présente proposition de loi, cette interdiction concernerait non seulement les mineurs, mais également les majeurs, afin d’éviter l’association de la consommation d’alcool avec du protoxyde d’azote.

Aucune sanction n’est toutefois prévue en cas de méconnaissance de l’interdiction ainsi fixée.

c.   Étiquetage

Le titre II de ce nouveau livre VI du code de la santé publique dédié à la lutte contre les usages détournés dangereux de produits de consommation courante est consacré à la prévention.

Au sein de ce titre, un article L. 3621-1 prévoit qu’une mention indiquant la dangerosité du protoxyde d’azote est apposée sur chaque contenant incluant ce produit, qui ne peut être vendu sans cette mention.

d.   Contrôles

Le titre III du nouveau livre VI du code de la santé publique dédié à la lutte contre les usages détournés dangereux de produits de consommation courante est consacré aux contrôles permettant l’application de ces dispositions.

Au sein de ce titre, un article unique L. 3631-1 reprend en grande partie les dispositions de l’article L. 3515-1 du code de la santé publique relatif au contrôle des mesures de restriction sur la vente de tabac.

Ainsi, devront procéder à la recherche et à la constitution des infractions prévues par la présente proposition de loi :

– les officiers et agents de police judiciaire ;

– les pharmaciens inspecteurs de santé publique, les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l’action sanitaire et sociale, les ingénieurs du génie sanitaire, les ingénieurs d’études sanitaires et les techniciens sanitaires ou les personnes nommées par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) pour remplir les mêmes missions ;

– les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés.

Ils disposeront alors des prérogatives fixées par l’article L. 1312-1 du code de la santé publique, et en particulier de la possibilité d’effectuer des visites et contrôles, prévue aux articles L. 1421-2 et L. 1421-3.

Dans le cadre d’un constat d’infraction, ces agents pourront exiger de la part d’un client qu’il prouve sa majorité, par la production d’un document officiel muni d’une photographie.

L’enjeu de la conformité de la présente proposition de loi au droit de l’Union européenne

Comme le souligne le rapport du Sénat, l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote aux mineurs ainsi que l’obligation d’étiquetage pourraient être considérées comme susceptibles d’entraver le commerce intra-communautaire de ces produits et constituer ainsi une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives aux échanges.

De telles mesures sont interdites par l’article 34 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Elles doivent être justifiées, afin de démontrer qu’elles sont proportionnées et relèvent d’au moins une des dérogations prévues par l’article 36 du TFUE.

Cet article 36 stipule que : « Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. »

Toutes ces mesures, mêmes justifiées, doivent être notifiées à la Commission européenne, en application de la directive 2015/1535/UE du 9 septembre 2015.

Le non-respect de cette obligation de notification rendrait inopposable la règle technique en cause, et un texte, même législatif, adopté en méconnaissance de cette obligation de notification pourrait faire l’objet d’une procédure en manquement de la part de la Commission européenne.

Les dispositions de cet article, bien que pleinement justifiables dans le cadre de la dérogation prévue pour la protection de la santé, devront donc impérativement être notifiées par le Gouvernement à la Commission européenne.

La loi belge précitée, qui contient de nombreuses mesures similaires à la présente proposition de loi, n’a d’ailleurs pas fait l’objet de remarques de la Commission européenne ([12]).

2.   La position de la rapporteure

La rapporteure se félicite de l’évolution de cette proposition de loi telle que réécrite par le Sénat, et notamment de son extension au-delà du seul protoxyde d’azote.

Sur plusieurs aspects, il semble toutefois possible et souhaitable d’aller encore plus loin.

a.   Étendre le dispositif aux majeurs

Dans la rédaction issue des travaux du Sénat, seules les dispositions relatives à la vente ou l’offre de protoxyde d’azote dans les débits de boissons sont applicables aux majeurs.

On peut s’interroger sur la pertinence de cette limitation. En effet, l’âge médian des cas enregistrés par l’Anses dans son rapport précité était de 21 ans.

Lors des auditions, l’ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure ont souligné que limiter le champ de la présente proposition de loi aux mineurs serait trop restrictif, au vu de l’ampleur de ce phénomène chez les jeunes adultes.

La rapporteure plaide donc pour étendre davantage le dispositif de la présente proposition de loi au-delà des seuls mineurs, consciente toutefois que l’équilibre de telles dispositions reste difficile à trouver ne s’agissant pas d’un produit illégal.

b.   Interdire certains contenants et accessoires

S’il est difficile, à ce stade, d’interdire la vente de protoxyde d’azote en tant que telle, la vente de ce dernier sous forme de bonbonnes ou de « crackers » ne peut en aucun cas s’expliquer par ses usages culinaires ou industriels.

La rapporteure souhaite donc que l’usage du protoxyde d’azote dans de telles quantités ou avec de tels accessoires puisse être interdit.

c.   Étendre le dispositif à d’autres produits de consommation courante

Telle qu’adoptée par le Sénat, seul le nouvel article L. 3611-1 a été élargi à l’usage de produits de consommation courante dans le but d’en obtenir des effets psychoactifs.

La rapporteure s’interroge sur l’opportunité d’élargir de la même façon les autres dispositions de cette proposition de loi actuellement centrées sur le protoxyde d’azote.

3.   La position de la commission

Outre quatre amendements rédactionnels de la rapporteure, la commission des affaires sociales a adopté trois amendements enrichissant profondément cet article 2.

● Un amendement de la rapporteure est notamment venu préciser et compléter les interdictions prévues par cet article.

Cet amendement permet tout d’abord d’interdire la vente de protoxyde d’azote, mais également d’autres produits de consommation courante, dans des quantités qui ne peuvent s’expliquer par leur seul usage traditionnel. Aux termes du nouvel article L. 3611‑2 du code de la santé publique ainsi réécrit, une quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers de chaque produit visé à l’article L. 3611‑1 pourra en effet être fixée par arrêté conjoint des ministres en charge de la santé et de l’économie.

Cet amendement réunit également, au sein d’un même article L. 3611‑3, les dispositions relatives à la vente de protoxyde d’azote aux mineurs dans les commerces et en ligne, initialement prévues aux articles L. 3611‑2 et L. 3611‑3.

Il étend dans le même temps le champ de l’interdiction de vente et d’offre aux mineurs de protoxyde d’azote à tous les lieux, plutôt que de restreindre cette interdiction aux « commerces ou lieux publics » comme le prévoit la proposition de loi telle qu’adoptée par le Sénat.

Les modifications apportées par cet amendement permettent également d’interdire la vente de protoxyde d’azote non seulement dans les bars et discothèques, comme le prévoit déjà la proposition de loi, mais également dans les débits de boissons temporaires mentionnés aux articles L. 3334‑1 et L. 3334‑2 du code de la santé publique.

Enfin, il permet d’interdire la vente de « crackers » ou de ballons dédiés à l’usage détourné du protoxyde d’azote. Il interdit en effet la vente et la distribution de tout produit spécifiquement destiné à faciliter l’extraction de protoxyde d’azote afin d’en obtenir des effets psychoactifs.

● La commission a également adopté des amendements identiques de Mme Agnès Firmin Le Bodo et de M. Jean-Carles Grelier, précisés par trois sous-amendements rédactionnels, dont deux de la rapporteure et un de M. Stéphane Viry, avec l’avis favorable de la rapporteure.

Ces amendements précisent que :

– c’est bien la dangerosité de l’usage détourné du protoxyde d’azote qui doit faire l’objet d’un étiquetage dédié, et non pas la dangerosité du produit en lui-même ;

– cet étiquetage doit être apposé sur chaque unité de conditionnement des produits contenant du protoxyde d’azote.

● Enfin, la commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure et avec un sous-amendement corrigeant une erreur de référence, un amendement de M. Ugo Bernalicis et des membres du groupe La France insoumise étendant le champ des personnels chargés de contrôler l’application des dispositions de la présente proposition de loi.

*

*     *

Article 2 bis (nouveau)
Obligations d’information pesant sur les intermédiaires numériques

Supprimé par la commission

Cet article, introduit par le Sénat, a pour objet de renforcer les obligations d’information pesant sur les intermédiaires numériques (hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet).

Cet article est issu d’un amendement du sénateur M. Jean-Pierre Grand (groupe Les Républicains) adopté par la commission des affaires sociales.

Il complète l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui engage les hébergeurs à lutter contre de nombreux sujets considérés comme prioritaires – incitation à la violence, pédopornographie, pornographie pouvant être vue par des mineurs, apologie du terrorisme mais aussi vente en ligne de tabac.

Il dispose que les fournisseurs d’accès à Internet et les hébergeurs de contenus sont tenus d’informer leurs abonnés des interdictions de procéder en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer à des opérations de vente à distance de produits ou services à des mineurs, ainsi que des sanctions légalement encourues pour de tels actes.

Si elle comprend l’intention de l’auteur de l’amendement, la rapporteure s’interroge sur sa rédaction et ses implications concrètes.

Ainsi formulé, cet article 2 bis sous-entend que la vente à distance de tout produit ou service serait interdite, ce qui n’est certainement pas l’intention de l’auteur de cet amendement ; la portée de cet article apparaît donc incertaine.

Par ailleurs, la rapporteure s’interroge sur la pertinence de cette mesure dans la politique de lutte contre les méfaits du protoxyde d’azote.

À la lumière de ces explications et à l’initiative de la rapporteure, la commission a supprimé cet article.

*

*     *

Article 2 ter (nouveau)
Informations de prévention dispensées à l’école

Adopté par la commission avec modifications

Cet article, introduit par le Sénat, étend à toutes les addictions – et non plus seulement aux drogues – le champ des modules de prévention dispensés dans l’enseignement secondaire.

● Issu d’un amendement de M. Jean-Pierre Grand (groupe Les Républicains) adopté par la commission des affaires sociales du Sénat, cet article modifie l’article L. 312-18 du code de l’éducation.

Ce dernier dispose dans sa version actuelle qu’une information est délivrée dans les collèges et lycées « sur les conséquences de la consommation de drogues sur la santé, notamment concernant les effets neuropsychiques et comportementaux du cannabis ». Cette information doit intervenir au moins une fois par an, et ces séances peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que d’autres intervenants extérieurs.

Ainsi rédigé, cet article se concentre sur les drogues et il ne permet pas de délivrer une information plus générale relative aux pratiques addictives liées à des mésusages de produits de consommation courante, notamment du protoxyde d’azote.

L’article 2 ter de la présente proposition de loi modifie cet article afin de pallier cette lacune et substitue à cette information délivrée sur les conséquences de la consommation de drogues sur la santé une information plus générale sur les addictions et leurs risques.

● La commission a adopté cet article précisé par un amendement de Mme Michèle Peyron et des membres du groupe La République en Marche, remplaçant le terme « addictions » par celui de « conduites addictives ».

En effet, selon l’exposé des motifs de cet amendement, « les professionnels utilisent plutôt le terme de conduites addictives afin d’englober un maximum d’usages. L’addiction est la maladie, le résultat d’une ou plusieurs conduites addictives. Les conduites addictives concernent donc tous les usages, notamment dits problématiques, ce qui est le cas pour un public plus jeune ».

*

*     *

Article 3
Application outre-mer des dispositions de la présente proposition de loi

Adopté par la commission avec modification

Cet article, modifié par le Sénat en commission, prévoit l’application des différentes dispositions de la proposition de loi à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

L’article 3 prévoit l’application des précédents articles à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Par souci de cohérence, il reprend les dispositions en vigueur sur ces territoires en matière de lutte contre le tabagisme et adapte la proposition de loi à ces territoires d’outre-mer.

Lors de l’examen en commission de la proposition de loi, cet article a été modifié en parallèle des changements apportés aux précédentes dispositions. L’ensemble des mesures inscrites dans le livre VI du code de la santé publique sera en vigueur sur ces territoires d’outre-mer – à l’exception de l’article L. 3631-2 pour son application à Wallis-et-Futuna.

La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure à cet article.

*

*     *

Article 4
Rapport d’évaluation

Suppression maintenue par la commission

Cet article, supprimé par le Sénat en commission, prévoyait la remise d’un rapport d’évaluation du Gouvernement au Parlement relatif à la présente proposition de loi.

 

● Figurant dans la proposition de loi initiale déposée au Sénat, cet article 4 demandait au Gouvernement la remise d’un rapport d’évaluation au Parlement sur la présente proposition de loi.

Devant être remis dix-huit mois après la promulgation de cette dernière, ce rapport devait permettre une évaluation pluridisciplinaire de l’impact de ce texte sur les mésusages de protoxyde d’azote.

Lors de l’examen en commission de la proposition de loi, il a été relevé qu’adopter cet article constituerait un paradoxe à l’égard de la politique de réduction du nombre de rapports gouvernementaux menée par le Sénat. D’autre part, l’existence de nombreux outils pleinement efficaces afin de traiter des mésusages du protoxyde d’azote – OFDT, centres d’addictovigilance – rendait ce rapport peu pertinent car d’une faible valeur ajoutée.

Cet article a donc été supprimé de la proposition de loi par le Sénat en commission, à l’initiative de sa rapporteure.

● La commission a confirmé la suppression de cet article.

La rapporteure a en revanche invité le Parlement à se saisir pleinement de sa mission d’évaluation et de contrôle afin de réaliser, dès que ce sera pertinent, l’évaluation de la présente proposition de loi une fois ses dispositions entrées en vigueur et mises en œuvre.

 


  1  

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa première réunion du mercredi 17 mars 2021, la commission a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote (n° 2498) (Mme Valérie Six, rapporteure) ([13]).

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote, dont le groupe UDI et Indépendants a proposé l’inscription à l’ordre du jour des séances publiques qui lui seront réservées le jeudi 25 mars. Ce texte sera examiné en séance selon la procédure d’examen simplifiée.

Mme Valérie Six, rapporteure. Malgré le nom trompeur de « gaz hilarant » donné au protoxyde d’azote, ce sujet n’est ni léger, ni drôle. Ce combat m’est cher, il a fait l’objet de ma première question au Gouvernement, et je suis fière et honorée de le mener dans le cadre de la niche parlementaire de mon groupe.

Le protoxyde d’azote, que l’on trouve dans tous les supermarchés afin de faire fonctionner des siphons à chantilly faite maison, est de plus en plus souvent utilisé pour ses effets psychoactifs, consistant en une hilarité et une distorsion des perceptions. Pour ce faire, seuls une cartouche de ce gaz, un cracker pour l’ouvrir et un ballon de baudruche pour le contenir sont nécessaires.

Autrefois limitée à certains milieux, notamment les facultés de médecine, la consommation de ce gaz est devenue une triste banalité, et voir des cartouches joncher les trottoirs de nos villes est monnaie courante.

En tant que députée du Nord, cette question me tient à cœur puisque les Hauts‑de‑France sont particulièrement touchés par ces pratiques. Toutefois, ce phénomène est observable dans l’ensemble de la métropole. Aucun de nos territoires n’est épargné. Les centres d’addictovigilance observent un nombre de cas d’exposition au protoxyde d’azote toujours plus élevé, tandis que les individus concernés sont de plus en plus jeunes.

Il est terrible de constater que beaucoup de jeunes croient que le protoxyde d’azote est inoffensif et sans danger. Après tout, le gaz hilarant produit des effets sympathiques, est légal et en vente libre partout ! La réalité est toute autre. Ses mésusages sont dangereux et peuvent avoir des conséquences graves, voire dramatiques.

La manipulation seule est risquée, pouvant provoquer brûlures et œdèmes pulmonaires au consommateur. Quant à son inhalation, elle a été à l’origine de décès par asphyxie et arrêt cardiaque, mais également de comas et de lésions neurologiques importantes, comme une paralysie des membres inférieurs ou des troubles de la mémoire.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) alerte également sur la reprotoxicité de ce produit qui, consommé par la femme enceinte, peut affecter le développement de l’enfant à naître.

L’autre danger de ce gaz est l’addiction que sa consommation peut entraîner. Le caractère fugace de ses effets invite à la répétition de l’expérience par le consommateur, et peut le pousser à une addiction caractérisée par des quantités de doses inhalées toujours plus extrêmes. On a vu le cas d’une personne ayant inhalé plus de 500 cartouches en vingt‑quatre heures ! Des cas de consommation quotidienne supérieure à plusieurs centaines de cartouches m’ont également été signalés.

La consommation chronique de protoxyde d’azote peut entraîner un déficit en vitamine B12. Cette carence peut conduire à l’apparition de graves lésions neurologiques, parfois irréversibles parmi lesquelles des neuropathies, d’expression parfois sévère, et des myélopathies, notamment des scléroses combinées de la moelle.

La dangerosité de ce gaz contraste fortement avec son statut et son accessibilité. Le protoxyde d’azote étant légal, il est facile de s’en procurer partout : dans les supermarchés, les épiceries de proximité ou en ligne, voire sur les réseaux sociaux, avec un service de livraison assorti ! Le prix dérisoire des cartouches de gaz joue un rôle non négligeable dans l’amplification du phénomène. Vingt-cinq euros suffisent à acquérir une bonbonne de grande capacité, contenant l’équivalent d’environ quatre‑vingts cartouches.

Des commerces physiques et en ligne ne font même plus semblant de destiner ces cartouches à la fabrication de chantilly faite maison, les uns proposant des lots de bonbonnes de grande capacité, tandis que d’autres mettent en vente des kits, incluant des cartouches ou bonbonnes, des crackers et des ballons de baudruche. Certains sites proposent même des tanks, contenant bien plus d’une centaine de cartouches.

Cela ne peut plus durer. Les maires de nombreuses villes ont tenté de remédier au phénomène par le biais d’arrêtés municipaux. Seulement, leur bilan démontre les limites d’une approche locale. Il suffit pour les consommateurs de se rendre dans la rue d’à côté, dans un autre parc ou dans la commune voisine pour se procurer du protoxyde d’azote et le consommer sur la voie publique.

Il est donc nécessaire de prendre des mesures nationales fortes pour soulager nos maires et nos concitoyens. Le Sénat a pris les choses en main en adoptant, à l’unanimité, une proposition de loi en 2019. Ce texte ambitieux vise un équilibre fragile entre la lutte contre ces pratiques et le fait que le protoxyde d’azote reste un produit de consommation courante. Il n’est pas interdit à la vente et n’est pas une substance psychoactive. Il est donc inenvisageable, à ce stade, d’interdire ou, plus encore, de pénaliser sa consommation.

Ce ne sont ainsi pas les consommateurs que nous souhaitons pénaliser, mais les vendeurs mal intentionnés et les trafiquants. Parallèlement, concernant les consommateurs, souvent très jeunes, nous souhaitons mettre l’accent sur la prévention.

Cette proposition de loi cherche également à trouver l’équilibre entre la lutte contre ces pratiques au niveau national et le respect du droit européen. Au vu des dispositions qu’elle contient concernant l’étiquetage et les restrictions à la vente, elle devra être notifiée à la Commission européenne. Les restrictions que nous imposons devront donc être proportionnées par rapport à l’objectif recherché de préservation de la santé publique. Une voie de passage est possible entre ces objectifs à concilier, le Danemark et la Belgique l’ont fait il y a quelques mois.

Le Sénat a ainsi créé un délit de provocation des mineurs à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs. Ce délit est inspiré de ce qui existe depuis 2016 pour l’alcool. Cet article et la proposition de loi ne se limitent donc pas au protoxyde d’azote mais permettront d’englober d’autres produits, comme l’hélium, et surtout d’éviter le développement de nouvelles modes similaires.

Le Sénat a également interdit la vente de protoxyde d’azote, y compris de siphons à chantilly, aux mineurs. L’interdiction concerne la vente directe comme en ligne. Les sites internet devront la signaler. Enfin, des dispositions relatives à la prévention de la consommation ont été adoptées.

Je remercie nos collègues sénatrices, Valérie Létard et Jocelyne Guidez, pour la détermination dont elles ont fait preuve pour faire adopter ces dispositions. J’ai travaillé avec elles pour préparer le passage à l’Assemblée nationale, car nous souhaitons que le Sénat puisse, dès que possible, adopter ce texte conforme. La navette parlementaire est l’occasion d’aller plus loin pour empêcher ce fléau de se développer.

Tout d’abord, nous pouvons ne pas cantonner la proposition de loi aux seuls mineurs. Davantage de jeunes majeurs abusent de cette pratique, toutes les personnes auditionnées nous l’ont signalé. Selon l’ANSES, l’âge moyen des cas recensés par les centres antipoison est de vingt et un ans. Envoyons un signal fort.

Je souhaite également étendre l’interdiction de la vente aux mineurs à tous les lieux, publics comme privés, notamment les soirées étudiantes, agir quant aux quantités vendues et à la taille des contenants, et interdire la vente de crackers et autres accessoires dédiés à l’inhalation du gaz hilarant. Les bonbonnes, tanks ou fontaines à protoxyde doivent disparaître, elles n’ont aucun autre usage que l’inhalation ! Le Danemark a récemment légiféré pour limiter le nombre de cartouches pouvant être vendues à des particuliers. J’ai déposé des amendements en ce sens.

Cette proposition de loi, seule, ne sera pas suffisante. Ne relâchons pas nos efforts. Elle ne sera tout d’abord utile que si des moyens de contrôle sont effectivement déployés pour assurer son application, notamment concernant l’interdiction de vente aux mineurs. Des mesures complémentaires, ne relevant pas du domaine de la loi, doivent être prises.

Au‑delà de la proposition de loi, la prévention doit évidemment être notre priorité. J’aimerais ainsi créer avec la grande distribution une charte spécifique, à l’image de celle qu’ont signée en 2019 les représentants du secteur et ceux de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), afin de responsabiliser les distributeurs, notamment pour l’interdiction de vente aux mineurs.

En matière de sécurité routière, les travaux sur la dangerosité de la consommation de protoxyde d’azote au volant restent à approfondir.

Enfin, j’espère vivement que des avancées auront lieu au niveau européen, qui reste la meilleure échelle pour lutter contre les mésusages. Par cette proposition de loi, nous disons, comme la Belgique ou le Danemark avant nous, qu’il faut agir.

La proposition de loi présente un dispositif innovant, montrant notre volonté d’avancer. Je ne doute pas que, comme au Sénat, elle fera l’unanimité malgré des débats sur certains points.

Cette question est transpartisane, le groupe La France insoumise a notamment déposé très tôt une proposition de loi à ce sujet. Je serai évidemment ouverte, durant nos discussions, aux amendements et remarques issus de tous les bancs.

M. Pierre Dharréville. Je salue la ténacité de notre collègue Valérie Six. Nous sommes néanmoins réservés quant à l’équilibre de la proposition de loi.

Des mesures doivent être prises mais il faut mettre l’accent sur la prévention. Un article de la proposition de loi le fait, néanmoins une politique de prévention offensive est nécessaire et serait l’outil le plus efficace pour permettre, notamment aux plus jeunes, de connaître les effets de ce gaz et de son usage et de s’en dégager.

La lutte contre l’usage du protoxyde d’azote nécessite d’informer largement quant aux risques, dans une démarche plutôt positive que stigmatisante. Nous ne sommes pas foncièrement opposés aux dispositions proposées mais nous veillerons à ce que les logiques d’interdiction n’aillent pas trop loin. Étant contournables par nature, elles peuvent avoir un contre‑effet par rapport à l’objectif poursuivi et être ainsi inefficaces.

Mme Michèle Peyron. La proposition de loi vise à protéger les mineurs d’un usage détourné et dangereux du protoxyde d’azote. Issue du Sénat, elle y avait été adoptée à l’unanimité en décembre 2019.

Les usages dangereux du protoxyde d’azote ne sont pas récents, mais, jusque-là circonscrits à des lieux festifs ou aux soirées d’étudiants de médecine, nous constatons une tendance à la démocratisation vers une population jeune et même mineure.

Son usage est également plus visible : les fameuses cartouches jonchent les trottoirs et les caniveaux. Il profite d’une bonne image auprès des usagers : produit libre d’accès dans les commerces, à très bas prix, il a un aspect inoffensif, voire ludique, et est vu comme agréable ou enfantin. Son effet semble très court. La réalité est toutefois plus sombre.

S’il pose des problèmes de sécurité publique dans nos communes, il est également très dangereux pour la santé des plus jeunes. Il peut causer de graves troubles neurologiques ou cardiaques allant, dans les cas les plus sévères, jusqu’au décès. Comme avec toute substance psychoactive, des problèmes de conduites addictives et d’addiction se posent.

Légiférer sur l’usage détourné et dangereux de cette substance est donc bienvenu. La majorité salue la rapporteure pour son engagement et le groupe UDI et Indépendants pour avoir mis ce texte à l’ordre du jour. Néanmoins, les auditions l’ont montré, plusieurs améliorations peuvent être envisagées. Le groupe La République en Marche accueille favorablement le texte et prendra activement part au débat afin de le compléter.

M. Alain Ramadier. Le protoxyde d’azote, substance gazeuse connue pour ses effets euphorisants et dissociatifs, est devenu depuis quelques années la nouvelle drogue des jeunes. Son utilisation est en constante hausse et les pouvoirs publics peinent à endiguer ce phénomène. Les centres antipoison constatent en effet de plus en plus d’intoxications graves.

 

Alors que ce produit est reconnu comme dangereux, et malgré les mises en garde, de plus en plus de situations dramatiques sont à déplorer. Des patients sont admis à l’hôpital en situation de détresse respiratoire ou en état de perte de connaissance. Certains succombent même à son inhalation, les actualités récentes en témoignent.

Il faut limiter la vente et l’utilisation de ce produit, qui peut avoir des conséquences dramatiques, notamment lorsqu’il est inhalé par des mineurs. La proposition de loi présentée par le groupe UDI et Indépendants apporte une limitation bienvenue à sa vente et à son utilisation. L’article 2 réprime le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné du produit. En lui interdisant l’achat, il apporte également des possibilités de contrôle et de prévention contre son usage à des fins récréatives.

Je salue les maires qui ont fait le choix depuis plusieurs mois d’interdire la vente de ce produit aux mineurs. Pour protéger davantage notre jeunesse, nous devons adopter des dispositions répressives à l’encontre de ceux qui, directement ou indirectement, mettent en danger la vie de nos mineurs. Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Isabelle Florennes. Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés accueille ce texte favorablement et avec un certain soulagement, car l’usage détourné du protoxyde d’azote prend une ampleur inquiétante.

Confrontée à ce problème dans ma circonscription, j’avais alerté et interrogé le Gouvernement dès janvier 2020. Il est d’autant plus inquiétant que les jeunes, dont on sait qu’ils en sont les premiers consommateurs, font face actuellement à des situations complexes pouvant les conduire à chercher un palliatif face au désarroi et aux difficultés qu’ils rencontrent – nous le constatons dans nos villes, sur le terrain.

La proposition de loi sanctionne, prévient et protège. L’article 2, qui crée un délit d’incitation à la consommation de protoxyde d’azote, traite le problème dans sa globalité puisqu’il encadre la publicité, la vente et l’information. Il est très bien complété par l’article 2 ter, introduit par nos collègues sénateurs, qui élargit aux addictions l’information dispensée à l’école.

Toutefois, le texte ne répond pas totalement aux demandes des élus locaux. Aussi la rédaction qui se dessine dans vos amendements, madame la rapporteure, me semble aller plus loin et être plus adaptée aux situations rencontrées par les élus. Votre amendement AS43 permet notamment de s’attaquer à la vente en ligne, à l’offre, et non plus seulement à la vente, de cartouches lors d’événements festifs ou dans des établissements recevant du public, et même à la vente de ce produit dans des proportions non justifiées par son usage classique. Nous soutenons ce dispositif qui correspond plus à la réalité du détournement. Je souligne le travail de notre collègue sénatrice Valérie Létard qui a permis d’avancer considérablement au Sénat.

M. Joël Aviragnet. L’usage récréatif du protoxyde d’azote n’est pas nouveau, nous en connaissons les effets dévastateurs sur la jeunesse. Il est populaire parce qu’il est facile de s’en procurer dans le commerce mais aussi sur internet. Nous nous réjouissons que les autorités souhaitent mettre fin à cette pratique.

Toutefois, en matière d’addictions, nous ne pouvons pas nous limiter à interdire l’usage du protoxyde d’azote : il faudra aller plus loin et regarder en face la réalité des addictions des jeunes, notamment au cannabis, ainsi que l’économie parallèle dans les banlieues. L’alcool est aussi de plus en plus répandu chez les jeunes. C’est une étape, il faudra aller plus loin. Le protoxyde d’azote n’est qu’une infime partie de ce qui est consommé par notre jeunesse.

M. Paul Christophe. Le groupe Agir ensemble accueille favorablement cette proposition de loi visant à instaurer une réglementation de l’usage détourné du protoxyde d’azote.

Ce phénomène est identifié depuis plusieurs décennies, notamment dans le milieu festif, mais la recrudescence de cet usage chez les collégiens, lycéens et étudiants, avec des consommations répétées, au long cours et en grandes quantités, nécessite une réponse claire et adaptée des pouvoirs publics.

La seule solution dont nous disposons pour tenter de limiter les conséquences néfastes de cette consommation sur la santé de nos concitoyens réside dans l’élaboration d’arrêtés municipaux d’interdiction de vente aux mineurs. Force est de constater que cette solution, très localisée, n’est aucunement suffisante eu égard à l’étendue du phénomène et à la perméabilité de la pratique.

Ainsi, avec notre ancien collègue Francis Vercamer, nous avions soutenu une autre approche lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale en 2019 et 2020, par le dépôt d’amendements qui visaient à susciter un débat sur le protoxyde d’azote et sur la nécessité d’en dissuader l’achat pour un usage détourné.

En effet, la difficulté principale tient à l’usage détourné d’un produit tout à fait légal. Aucune disposition n’interdit explicitement l’inhalation de protoxyde d’azote à des fins récréatives. Ce vide juridique doit donc être comblé et nous nous réjouissons que ce texte y contribue. Nous défendrons néanmoins des amendements destinés à compléter l’arsenal juridique en créant une interdiction pure et simple de l’usage détourné de ce produit pour en obtenir des effets psychoactifs, indépendamment de l’âge du consommateur.

Dans un rapport sur l’inhalation du protoxyde d’azote dans le cadre d’un usage détourné publié en juin 2020, l’ANSES montre que l’âge médian des cas enregistrés est de vingt et un ans. Ainsi, cet usage n’est nullement le fait des seuls mineurs et, si nous souhaitons lutter efficacement contre ce phénomène, nous devons protéger l’ensemble des consommateurs de ses effets délétères.

Notre groupe votera en faveur de la proposition de loi.

M. Michel Zumkeller. Je salue le travail de nos collègues sénatrices, Valérie Létard et Jocelyne Guidez, ainsi que de Valérie Six, qui s’est saisie de ce problème – très important dans son territoire mais pas seulement – dès son arrivée à l’Assemblée nationale.

Les travaux du Sénat, menés avec détermination, ont permis l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi. Nous sommes persuadés que ce sera aussi le cas dans cette assemblée. Il est essentiel de montrer notre unanimité, bien que beaucoup de choses restent à améliorer, notre débat le permettra.

Le protoxyde d’azote est d’autant plus dangereux qu’il paraît inoffensif aux jeunes qui n’en imaginent pas toutes les conséquences. Il ne coûte pas cher et n’est pas dépistable, il présente donc pour eux tous les avantages. Malheureusement, les conséquences peuvent être dramatiques.

Nous aborderons la question des majeurs, principalement des jeunes majeurs. En effet, comment estimer que ce produit est dangereux à dix‑sept ans et quelques mois et ne l’est plus à dix‑huit ans et un mois ? Certes, il est difficile de prendre en considération toutes les questions européennes ou de liberté du commerce. Au‑delà du protoxyde d’azote, nous devons aussi parler librement des addictions et apporter des solutions à notre jeunesse.

Notre groupe soutiendra la proposition de loi avec enthousiasme.

Mme Jeanine Dubié. Merci, madame la rapporteure, de promouvoir ce sujet grâce à la niche parlementaire de votre groupe. Utilisé d’habitude comme un gaz de pressurisation d’aérosol alimentaire ou dans le milieu hospitalier, il est détourné de son usage originel et les jeunes, qui l’appellent gaz hilarant, s’en servent comme drogue récréative. Il est facile d’accès et ne coûte pas cher : il est disponible partout en vente libre à cinquante centimes pièce. Ce phénomène s’accentue et, dans beaucoup de nos villes ou nos campagnes, des cartouches vides jonchent les trottoirs.

Notre groupe déplore l’usage détourné du protoxyde d’azote mais le premier enjeu est de renforcer la sensibilisation quant aux effets graves que son inhalation, notamment répétée, a sur la santé. On ne peut plus laisser les élus et les préfets seuls face à cette situation et une législation nationale s’impose face à la multiplication des arrêtés municipaux et préfectoraux pour interdire la vente du protoxyde d’azote aux mineurs ainsi que l’incitation à en faire un usage détourné.

Cette proposition de loi est un premier pas pour protéger les jeunes mais l’augmentation de l’utilisation de ce gaz lors du premier confinement, pas seulement par les mineurs mais aussi par les adultes, a renforcé notre inquiétude.

La proposition de loi est circonscrite aux mineurs, il semble impératif de l’étendre aux adultes. Il faut faire évoluer le droit mais surtout accentuer le volet consacré à la prévention en informant sur la dangerosité du produit et les risques graves encourus.

M. Ugo Bernalicis. Notre groupe avait déposé en 2019 une proposition de loi visant à encadrer la vente de protoxyde d’azote et à renforcer les actions de prévention. Elle visait à interdire sa vente aux mineurs et, dans le cadre de la prévention, à obliger ceux qui produisent les capsules à indiquer sur l’emballage que le produit est toxique s’il est inhalé – j’ai déposé un amendement en ce sens. Cela paraît aller de soi, mais, si vous avez fait de la chantilly ou de l’espuma, vous aurez constaté qu’il n’y a aucune indication, alors qu’une mention est imposée pour de nombreux autres produits alimentaires ou ménagers.

Je ne suis pas un grand fan de la pénalisation en tant que telle, non pas par idéologie, mais pour des raisons pragmatiques : ce n’est pas le moyen le plus opérant de réduire la consommation de produits illicites, encore moins pour le protoxyde d’azote.

En pénalisant les vendeurs, notre proposition de loi poursuivait l’objectif que les vendeurs soient conscients de leur responsabilité lorsqu’ils en vendent à un mineur, ce dernier n’étant pas en capacité de connaître les enjeux. J’évacue ainsi la question des majeurs : si un majeur veut prendre une douille de protoxyde d’azote, c’est sa responsabilité. De ce point de vue, quid de l’alcool, qui fait aussi des ravages dans notre société ?

La prévention et les campagnes de sensibilisation sont importantes. En 2019, on nous disait qu’on ne pouvait rien faire car ce n’était pas illégal. Or on peut agir : je suis ravi de voir se multiplier des campagnes de sensibilisation, comme dans la ville de Lomme, dans la métropole lilloise. Il faut donc combattre les usages problématiques par un arsenal de mesures contenues dans une proposition de loi.

M. Bernard Perrut. Je salue cette initiative qui a le mérite d’apporter des éclaircissements, à commencer par le classement du protoxyde d’azote comme substance dangereuse. Il est d’autant plus dangereux que les jeunes détournent son effet euphorisant, utilisé dans le milieu médical pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques, à des fins récréatives. Certaines soirées finissent très mal, avec, pour les mineurs, des conséquences allant parfois jusqu’à l’arrêt cardiaque.

Nous faisons face à un enjeu social et à un problème de santé publique. Nous connaissons la facilité d’accès à ce produit, dont l’utilisation est loin des usages culinaires ou médicaux.

Je partage votre objectif, Madame la rapporteure, j’ai toutefois des interrogations. Si cette proposition de loi est circonscrite aux mineurs, ce gaz fait aussi fureur chez les jeunes majeurs. Sachant que ces substances circulent également dans des universités ou des écoles, où elles touchent des jeunes adultes toujours en quête de sensations, ne pensez‑vous pas pertinent d’étendre aux majeurs les dispositions de ce texte ? Comment associer les collectivités à la prévention, mais surtout au contrôle de ces usages ? Des communes courageuses ont pris des arrêtés municipaux.

Dans son usage médical, s’il est autorisé, le mélange équimolaire oxygène‑protoxyde d’azote est un produit dangereux puisqu’il est inscrit sur la liste I des stupéfiants. Paradoxalement, alors qu’il est plus concentré dans son usage domestique, ce produit ne fait l’objet d’aucune interdiction ou de classification particulière. Comment étendre la classification aux autres contenants du fait de leur usage détourné ?

Enfin, j’évoquerai l’information et la sensibilisation : pour mieux informer des risques les jeunes et leur entourage, des campagnes ont été lancées à l’été 2020. Savez‑vous si ces initiatives ont été suivies d’effets sur la consommation des jeunes ? Si des modules de prévention dans l’enseignement secondaire sont prévus, que pensez‑vous de la possibilité d’étendre la sensibilisation dans le cadre des actions destinées à informer sur les substances toxicomanogènes et addictives, aux centres d’animation socioculturelle, aux infrastructures sportives et de loisirs ou aux points d’information jeunesse ?

Mme Valérie Six, rapporteure. Je vous remercie, chers collègues, pour votre soutien. En tant qu’élus de terrain, vous êtes conscients du problème dans vos territoires. Il était urgent de légiférer et d’agir pour aider nos maires à exercer leurs pouvoirs et informer les jeunes des dangers de ce produit, pour lesquels on constate une sous-information.

Vous avez parlé de prévention, mais aussi d’autres enjeux qui relèvent du domaine réglementaire et pas de la loi, tel le travail avec les commerces – notamment par des chartes avec la grande distribution – avec les collèges et avec les élus de terrain.

Le rapport de la MILDECA, que nous avons auditionnée, nous a permis de travailler à des campagnes d’information dans les collèges et lycées, dans le sens prévu par ce texte.

Cette proposition de loi sera un signal fort.

*

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’examen des articles.

Article 1er : Élargissement du livre V de la troisième partie du code de la santé publique à la lutte contre la consommation de protoxyde d’azote

La commission maintient la suppression de l’article 1er.

Article 2 : Lutte contre l’usage détourné par les mineurs du protoxyde d’azote

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS35 de la rapporteure.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS3 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS24 de M. JeanCarles Grelier, et de l’amendement AS32 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

M. Paul Christophe. L’amendement AS3 vise à compléter l’arsenal juridique en créant une interdiction pure et simple de l’usage détourné du protoxyde d’azote pour en obtenir des effets psychoactifs, indépendamment de l’âge du consommateur.

Comme le disait Michel Zumkeller, à quelques mois près on est mineur ou majeur. Comment déterminer où mettre le curseur ? L’idée est de viser l’ensemble des âges concernés, en vertu du mésusage.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le problème est celui des jeunes majeurs, l’âge moyen de consommation étant de vingt et un ans. Mes collègues proposent d’interdire l’usage détourné du protoxyde d’azote ; mon amendement est similaire mais vise à interdire sa détention en vue d’en faire un usage détourné.

Les policiers contrôlant les espaces publics arrivant dans un lieu jonché de capsules pourraient vérifier la détention, qui serait ainsi pénalisée.

Mme Valérie Six, rapporteure. Interdire de faire un usage détourné du protoxyde d’azote est juridiquement impossible : soit on interdit une substance en la classant comme psychoactive, soit on en restreint l’accès, par exemple en la réservant à un usage médical. La proposition de loi se place dans cette perspective en interdisant sa vente dans certains lieux, mais, une fois un bien librement commercialisé, on ne peut pas empêcher son propriétaire d’en faire ce qu’il veut. Je souhaite en revanche que l’on étende aux majeurs un maximum des dispositions. J’émets un avis défavorable aux amendements AS3 et AS24.

L’amendement AS32 a pour objet l’interdiction de détenir du protoxyde d’azote dans l’objectif d’en faire un usage détourné. Or, en droit pénal, l’infraction doit être matérialisée par un acte pour exister. On ne peut pas punir l’intention. Avis également défavorable.

Nous avons deux options. Premièrement, nous pouvons envisager d’interdire purement et simplement la commercialisation du produit. Du fait de notre appartenance au marché intérieur et de la libre circulation des biens dans l’Union européenne, cela ne pourra passer que par une modification des règlements européens. À l’initiative de la France, cette piste est étudiée. Deuxièmement, il est possible de contingenter et réglementer sa vente au motif de la protection de la santé publique, mais toujours dans le respect du droit européen : si la vente n’est pas interdite, on ne peut sanctionner la possession de cartouches et encore moins l’intention d’en faire un usage détourné.

M. Ugo Bernalicis. Je partage vos arguments juridiques. Sur le fond, pénaliser le consommateur n’est pas le bon chemin si nous voulons faire diminuer la consommation de ce produit, du moins éradiquer les usages les plus problématiques qui ont un impact sur la santé, c’est‑à‑dire les usages répétés, abondants et réguliers.

Quoi de mieux que de sensibiliser les vendeurs, la société, les établissements scolaires, dans le cas des mineurs, la MILDECA, les clubs de prévention et les services spécialisés avec les éducateurs de rue et les médiateurs de quartier dans celui des majeurs ? Des représentants de ces structures sont venus me voir, aucun policier ne l’a fait, comme si le seul problème était que les cartouches ne soient pas jetées à la poubelle, mais par terre, et que cela soit dangereux pour les cyclistes.

Si vous pensez qu’en envoyant un policier verbaliser le consommateur, nous allons régler le problème, vous vous trompez. Nous retomberons dans les mêmes difficultés qu’avec l’usage des stupéfiants, qui eux sont illégaux. Nous sommes les plus grands consommateurs de cannabis d’Europe en proportion de la population alors que nous avons la politique la plus répressive !

Je vous invite à jeter un œil aux travaux de la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis. L’addictologie concerne de nombreux produits. S’il n’y avait que le protoxyde d’azote qu’on pouvait détourner dans le cadre d’un mésusage, ce serait simple, mais ce n’est pas le cas !

M. Paul Christophe. Nous ne sommes pas naïfs, Monsieur Bernalicis ! Sensibilisation et prévention ne sont pas pour nous des gros mots : nous savons les mettre en pratique dans nos territoires.

Nos amendements sont destinés à appeler l’attention sur le fait que ces problèmes concernent les mineurs mais aussi les jeunes majeurs. C’est un enjeu de société, ne l’édulcorons pas.

Cela étant dit, je comprends les arguments de la rapporteure et je retire mon amendement.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Mon amendement est destiné à amorcer une réflexion. Nous devons réfléchir au‑delà des mineurs puisque cet usage n’est pas moins préoccupant à l’âge adulte. De plus, la consommation des jeunes adultes a valeur d’exemple pour les plus jeunes.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement AS8 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il vise à supprimer l’alinéa 7 qui est disproportionné et inadapté à la situation, y compris en droit, et qui pourrait viser, de façon contestable, d’autres cas de figure. Il existe dans notre code pénal des dispositions plus générales, notamment relatives à la mise en danger de la vie d’autrui, sur lesquelles s’appuyer pour ne pas adopter une disposition qui aurait des effets contreproductifs.

Se concentrer sur ceux qui vendent le produit, en ligne ou dans les commerces, serait plus efficace que cette définition large qui serait une nouveauté dans le code pénal.

Mme Valérie Six, rapporteure. Vous souhaitez supprimer le délit de provocation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs. Or la création de ce délit, s’inspirant de ce qui existe depuis 2016 en matière d’alcool, est la pierre angulaire de cette proposition de loi.

On ne peut tolérer l’incitation décomplexée à une consommation, qui reste impunie, d’autant plus lorsqu’il s’agit de mineurs. Pour ma part, je souhaite même aller plus loin que ce qu’a prévu le Sénat et étendre le champ de ce délit à l’incitation des majeurs.

M. Ugo Bernalicis. Cela ne changera pas mon avis sur l’ensemble de la proposition de loi, mais nous créons dans notre code pénal de plus en plus de délits que nous sommes incapables de caractériser le moment venu. L’enquête pour prouver cette infraction sera compliquée.

S’il s’agit de pénaliser le fait de donner du protoxyde d’azote à un mineur dans une boîte de nuit – même si à moins de dix‑huit ans on ne devrait pas y entrer à moins d’être accompagné d’un adulte –, cela est couvert par le code pénal avec l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui, des circonstances aggravantes étant prévues pour les mineurs. Je comprends que vous vouliez aller plus loin mais je ne trouve cela ni utile ni nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AS36 de la rapporteure.

Mme Valérie Six, rapporteure. Il vise à étendre aux majeurs le délit d’incitation à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs, restreint aux seuls mineurs par la proposition de loi adoptée par le Sénat.

Davantage de jeunes majeurs abusent de cette pratique. Toutes les personnes auditionnées nous l’ont signalé. Selon un rapport de l’ANSES de 2020, l’âge moyen des cas recensés par les centres antipoison est de vingt et un ans. Je souhaite envoyer un signal fort.

M. Thibault Bazin. S’agit‑il d’un amendement rédactionnel ou la rédaction que vous proposez a‑t‑elle plus d’impact juridiquement en matière de qualification ?

M. Ugo Bernalicis. Adopter cet amendement poserait problème à mon sens. La notion de produit de consommation courante couvre un très grand nombre de choses et la qualification de mise en danger de la vie d’autrui existe déjà. Dès lors, qu’apporte cet article si ce n’est une qualification juridique hasardeuse qui pourrait être mal utilisée ? Etendre ce délit à l’incitation des majeurs semble compliqué et, si nous devons débattre de la notion de consentement, nous ne nous en sortirons pas.

Mme Michèle Peyron. Madame la rapporteure, vous souhaitez étendre aux majeurs le délit d’incitation faite aux mineurs. Cette démarche semble excessive compte tenu de la ligne de crête que suit ce texte entre répression et responsabilisation des majeurs. Se pose par ailleurs la question de la proportionnalité des sanctions. Si cette extension était décidée, il semblerait difficile de punir de la même façon l’incitation faite à un mineur ou à un majeur. Le groupe La République en Marche votera contre cet amendement.

M. Bernard Perrut. Vous partez du constat que non seulement les mineurs sont concernés mais aussi les jeunes majeurs, c’est‑à‑dire les étudiants en école supérieure qui se retrouvent de manière festive et utilisent hélas ce produit toxique. Mais comment distinguer les jeunes majeurs de l’ensemble des majeurs ?

Soit on considère que le protoxyde d’azote est dangereux donc on l’interdit pour tous, soit il ne l’est pas. Vous avez pourtant raison : les jeunes majeurs doivent être pris en considération. Peut‑être faut‑il des campagnes de sensibilisation plus fortes, voire rendre l’accès plus difficile pour ces catégories de jeunes.

Mme Valérie Six, rapporteure. Non, cet amendement n’est pas rédactionnel.

Je comprends la difficulté que vous soulevez mais il s’agit de savoir qui nous voulons protéger. Je souhaite ainsi étendre la disposition aux majeurs, pas seulement aux jeunes majeurs. Le texte actuel représente une avancée mais ne touche pas les catégories que l’on rencontre de plus en plus dans les centres antipoison. Je souhaitais envoyer ce signal fort à nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie des amendements identiques AS1 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS25 de M. JeanCarles Grelier.

M. Paul Christophe. Cet amendement traite également du problème des jeunes majeurs. Ce n’est pas la vente du produit qui est en cause, mais bien le mésusage ou le détournement d’usage à des fins d’obtenir des effets psychoactifs.

La complexité est de traduire notre volonté au plan juridique pour aller plus loin que la prévention car, dans notre société, la politique menée doit reposer sur deux jambes, prévention et répression. La rédaction que nous proposons n’est sans doute pas parfaite mais notre amendement a le mérite de poser la question.

Mme Valérie Six, rapporteure. Pénaliser la vente, la promotion, la distribution ou l’offre de protoxyde d’azote dans le but délibéré d’inciter le consommateur à un usage détourné de ce produit pour en obtenir des effets psychoactifs serait redondant avec le délit d’incitation prévu à l’alinéa 7. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

La commission est saisie de l’amendement AS43 de la rapporteure.

Mme Valérie Six, rapporteure. La proposition de loi adoptée par le Sénat interdit la vente et l’offre de protoxyde d’azote à des mineurs dans les commerces et lieux publics. Elle exclut d’autres lieux et ne s’applique pas à l’espace privé.

Cet amendement vise donc à étendre le champ de l’interdiction à tous les lieux. Il permet également d’englober la vente en ligne et de clarifier la rédaction.

La proposition interdisant de façon pertinente la vente dans les bars et discothèques, je propose en outre de l’étendre aux débits de boissons temporaires, notamment les foires ou fêtes publiques.

Par ailleurs, l’ensemble des personnes auditionnées et nombre de rapports nous ont alertés sur des niveaux très élevés de consommation de cartouches chez les personnes ayant développé une addiction. Limiter la quantité de cartouches que peuvent acheter des particuliers, comme l’a fait le Danemark, me semble donc un moyen efficace afin de complexifier l’accessibilité à ce produit dans le cadre de ces mésusages. Nous devons également agir quant au développement de gros contenants tels que les bonbonnes. C’est pourquoi la rédaction de l’article L. 3611-2 que je propose permet d’agir sur les quantités vendues.

Enfin, cet amendement permet d’interdire la vente de crackers et de ballons dédiés à la consommation récréative et n’ayant aucune fin culinaire.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS16, AS13, AS14 de M. Stéphane Viry, AS31 de Mme Caroline Janvier et AS15 de M. Stéphane Viry tombent.

La commission est saisie de l’amendement AS5 de M. Alain Ramadier.

Alain Ramadier. Récemment, la presse a révélé que des épiceries de nuit livraient des bonbonnes de protoxyde d’azote en grande quantité. Pour y remédier, je propose de fixer par décret la quantité pouvant être vendue à une même personne.

Mme Valérie Six, rapporteure. Un de mes amendements précédemment adoptés visant le même objectif, je vous propose de retirer le vôtre.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS6 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Pour limiter au maximum l’usage détourné du protoxyde d’azote, il convient d’en restreindre les horaires d’achat, la vente en journée étant suffisante pour les personnes souhaitant s’en procurer à des fins culinaires. Limiter l’accès et la vente aux jeunes, même majeurs, va de pair avec l’objectif visé par cette proposition de loi.

Mme Valérie Six, rapporteure. L’idée d’interdire la vente de protoxyde d’azote après vingt heures est intéressante mais cette interdiction me semble très difficile à contrôler. Elle n’existe pas pour la vente d’alcool.

Les maires peuvent décider d’une telle interdiction par le biais d’arrêtés municipaux, ce qui me semble plus pertinent et plus facile à contrôler, car limité à un périmètre défini.

Cela étant, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS2 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS26 de M. JeanCarles Grelier, faisant l’objet des sousamendements AS46, AS41 de la rapporteure, AS48 de M. Stéphane Viry et AS42 de la rapporteure, et de l’amendement AS23 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

M. Paul Christophe. L’amendement AS2 précise que la mention doit porter sur la dangerosité de l’usage détourné du protoxyde d’azote, et non sur la dangerosité du produit lui‑même. Cette distinction est importante dans la mesure où il est reconnu comme un additif alimentaire par l’Union européenne, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux et l’Organisation mondiale de la santé, ainsi que par plusieurs organisations multilatérales. En tant que tel, il fait l’objet d’une réglementation exhaustive au niveau tant européen que national. En l’absence d’une telle distinction, il y aurait un risque d’incohérence du fait de la superposition de ces deux réglementations.

Cet amendement précise également que la mention doit figurer sur l’unité de conditionnement mise en vente afin de la rendre visible et lisible lors de l’achat.

Mme Valérie Six, rapporteure. Je souhaite qu’un pictogramme figure sur chaque unité de conditionnement mais aussi sur chaque contenant. Lorsque vous êtes en soirée ou qu’il n’y a plus de conditionnement, la cartouche est seule et vous ne voyez pas la dangerosité du produit à inhaler. Tel est l’objet du sous-amendement AS46, les autres étant rédactionnels.

M. Stéphane Viry. Le mot « commercialisé » serait préférable au mot « vendu » puisque l’obligation d’apposer la mention de dangerosité pèse uniquement sur les commerçants, dans le cadre de leur activité commerciale.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Mon amendement est légèrement différent, la mention « tels que mis sur le marché » ne me paraissant pas porteuse de sens.

Mme Valérie Six, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement au profit des amendements AS2 et AS26, sous‑amendés. Je suis favorable au sous‑amendement AS48.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Qu’apportent les mots « tels que mis sur le marché » ?

M. Paul Christophe. S’agissant du sous‑amendement AS46, nous avions pensé à l’inscription sur chaque contenant mais nous nous sommes interrogés sur la lisibilité du pictogramme. On peut aussi se demander si cela serait adapté au marché européen.

Si le produit est vendu sous le conditionnement présenté, il n’y a pas de détournement d’usage, alors que si on en sort les cartouches, il y a une intention sous‑jacente.

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’ai eu également cette réflexion sur la taille des contenants, je n’ai pas trouvé de rédaction satisfaisante.

Mme Michèle Peyron. La double obligation semble excessive : faire apparaître le pictogramme sur le conditionnement assure qu’il sera visible de tous. Pour les bonbonnes, on peut considérer que le contenant sera assimilé au conditionnement extérieur. Quoi qu’il en soit, il appartiendra à celui qui met sur le marché de commercialiser le produit avec ces mentions, sans lesquelles il ne pourra l’être.

Le texte réglementaire pourrait préciser la disposition en fonction des conditionnements concernés. Le groupe La République en Marche est défavorable à l’amendement AS23 et favorable aux amendements et sous‑amendements AS2, AS41, AS48, AS42 et AS26.

Mme Valérie Six, rapporteure. Le numéro de lot et la date de péremption sont gravés sur chaque cartouche, ajouter un pictogramme n’est pas compliqué. Je suis pharmacienne et je travaille en industrie, je sais qu’il est possible de le faire.

Je comprends la difficulté de savoir si la vente à l’échelle européenne pourra être accordée si d’autres pays n’ont pas adopté une disposition identique. Je renonce donc à faire figurer l’inscription sur l’unité de conditionnement. Nous verrons si nous aurons la possibilité d’aller plus loin au niveau réglementaire.

Le sousamendement AS46 est retiré.

La commission adopte successivement le sousamendement AS41 de la rapporteure, le sousamendement AS48 de M. Stéphane Viry et le sous-amendement AS42 de la rapporteure.

Elle adopte les amendements AS2 et AS26 ainsi sousamendés.

En conséquence, les amendements AS23 de Mme Michèle de Vaucouleurs et AS19 et AS20 de M. Stéphane Viry tombent.

La commission est saisie de l’amendement AS9 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il vise à ce que la MILDECA suive particulièrement la question du protoxyde d’azote et qu’elle puisse être une aide et un appui pour toutes les missions de prévention.

Que cela relève de la mission de la MILDECA tombe sous le sens, pourtant, on explique aux élus du Nord qu’il n’y a pas de souci, qu’on ne peut rien faire ou que ce n’est pas vraiment un problème. J’avais même demandé s’il fallait qu’on déverse quelques kilos de douilles de protoxyde d’azote devant les portes du ministère de la santé pour qu’on y prenne conscience du problème qui se répand.

Mme Valérie Six, rapporteure. Votre amendement est satisfait. La MILDECA a entrepris un vaste travail de sensibilisation quant aux dangers des mésusages du protoxyde d’azote. En 2020, elle a mené une campagne d’information sur son site internet, en publiant un communiqué riche en informations destinées aux jeunes, les alertant des dangers.

Elle a également entamé un travail de fond avec les élus locaux et les préfectures. Surtout, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) suit davantage l’évolution de ces pratiques. À compter de la prochaine édition de l’enquête qu’il mène chez les jeunes de dix‑sept ans, il sera possible d’individualiser et de mesurer l’usage détourné du protoxyde d’azote. Je m’en réjouis et vous pouvez compter sur moi pour m’assurer que ce soit vraiment le cas !

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Ugo Bernalicis. Je précise mon propos pour que l’on ne se méprenne pas. Le problème n’est pas que la MILDECA se saisisse de la question, elle le fait déjà. L’objectif est que le politique fasse de même et lui donne les moyens d’agir.

La MILDECA a communiqué sur son site internet, c’est bien, mais le jeune qui prend du protoxyde d’azote avec un ballon de baudruche ne va pas sur ce site internet et l’objectif ne sera donc pas atteint. C’est une question de moyens. Nous nous sommes battus dans les Hauts‑de‑France et l’agence régionale de santé a débloqué quelques crédits, tardivement, en urgence, pour des campagnes de sensibilisation. Les mairies sont rendues, avec leurs petits moyens, à faire leurs propres campagnes de sensibilisation alors qu’un appui national concret, financier, humain et matériel serait bienvenu.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS10 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis. Nous voulions proposer d’apposer un autocollant sur le contenant, mais je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS37, AS45 et AS38 de la rapporteure.

La commission est saisie de l’amendement AS11 de M. Ugo Bernalicis et du sousamendement AS47 de la rapporteure.

M. Ugo Bernalicis. Parce qu’il s’agit d’une activité locale, nous souhaitons étendre à d’autres agents que ceux qui sont prévus la capacité de constater des infractions, notamment aux policiers municipaux, aux gardes-champêtres ou aux agents de surveillance de Paris. Cela n’empêchera pas la police nationale d’agir mais il serait pertinent que la constatation des infractions soit faite par des agents au plus près du terrain.

Mme Valérie Six, rapporteure. Votre remarque technique est très pertinente. Avis favorable, sous réserve de la correction d’une erreur de référence.

La commission adopte successivement le sousamendement et l’amendement ainsi sousamendé.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Article 2 bis : Obligations d’information pesant sur les intermédiaires numériques

La commission est saisie de l’amendement AS34 de la rapporteure.

Mme Valérie Six, rapporteure. L’article 2 bis, introduit par le Sénat, dispose que les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de contenus sont tenus d’informer leurs abonnés des interdictions de procéder, en France métropolitaine et dans les départements d’outre‑mer, à des opérations de vente à distance de produits ou services à des mineurs.

Si je comprends l’intention de nos collègues, je m’interroge sur la rédaction de cet article et sur ses implications. Ainsi formulé, il sous‑entend que la vente à distance de tout produit ou service serait interdite, ce qui n’est certainement pas l’intention poursuivie.

Par ailleurs, je ne suis pas convaincue de la pertinence de cette mesure dans la politique de lutte contre les méfaits du protoxyde d’azote.

Je propose donc de supprimer cet article, dont la portée reste incertaine.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.

Article 2 ter : Informations de prévention dispensées à l’école

La commission est saisie de l’amendement AS33 de Mme Michèle Peyron.

Mme Michèle Peyron. Cet amendement d’ordre sémantique vise à remplacer « addictions » par « conduites addictives », que les professionnels utilisent de préférence, afin d’englober un maximum d’usages. L’addiction est la maladie, le résultat d’une ou plusieurs conduites addictives. Les conduites addictives concernent donc tous les usages, notamment dits problématiques, ce qui est le cas pour un public plus jeune avec par exemple le binge drinking.

Par ailleurs, le sigle MILDECA fait mention des conduites addictives, et non des addictions.

M. Philippe Chalumeau. Ce sont bien les conduites addictives qui conduisent aux addictions, je trouve donc cet amendement pertinent.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AS21 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Dans le même esprit, je propose que les campagnes d’information sur le risque des drogues pour la santé des adolescents et des adultes ne s’arrêtent pas aux seules informations sur l’addiction mais alertent sur les risques de la consommation ou de l’inhalation de produits dangereux.

Mme Valérie Six, rapporteure. Le code de l’éducation prévoit qu’une information est délivrée dans les collèges et lycées « sur les conséquences de la consommation de drogues sur la santé, notamment concernant les effets neuropsychiques et comportementaux du cannabis ». Cette information doit intervenir au moins une fois par an.

Ainsi rédigé, cet article se concentre sur les drogues et il ne permet pas de délivrer une information plus générale relative aux pratiques addictives liées à des mésusages de produits de consommation courante, notamment du protoxyde d’azote. L’article adopté par le Sénat permet d’englober plus largement ces mésusages, sans pour autant qu’il s’agisse de substances psychoactives en tant que telles.

Votre amendement est donc satisfait : ces formations permettront de parler des drogues proprement dites, mais également de substances comme l’hélium ou le protoxyde d’azote. Il n’a pas besoin de préciser qu’il s’agit de produits inhalés, il faut au contraire être le plus large possible. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Les sénateurs ont fait un choix intéressant. Les conduites addictives ne concernent en effet pas que la drogue mais aussi les jeux d’argent ou l’abus de télévision, notamment de certaines chaînes d’information…

Je vous fais un aveu : je suis un gros consommateur de jeux vidéo – oui, même chez les députés, dans quel monde vit‑on ! Il y a des conduites addictives dans le monde des jeux vidéo où l’on cherche, par de nombreux procédés, à vous soutirer de l’argent quand vous jouez en ligne.

Il faudrait donc, dans l’éducation nationale, une information plus générale et moins concentrée sur les substances et les drogues.

M. Stéphane Viry. Je ne suis pas convaincu par vos arguments, Madame la rapporteure : il me paraissait utile de le mentionner pour être sûr que cela soit traité. Mais je vous fais confiance et je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 ter modifié.

Après l’article 2 ter

La commission est saisie des amendements AS28 et AS29 de M. Thierry Michels, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

M. Thierry Michels. Merci, madame la rapporteure, pour votre travail avec cette proposition de loi qui, en prévoyant des infractions pénales, veille à placer des interdits au bon niveau en mentionnant la vente détournée de protoxyde d’azote.

J’entends la logique de la répression pénale, mais nous pouvons utilement la renforcer par un effort de prévention et d’éducation à hauteur des gens, en particulier en nous appuyant sur le premier échelon géographique où la prévention peut se faire : celui du maire et de l’intercommunalité. Il nous faut mobiliser les instances de concertation usuelles en matière de prévention de la délinquance pour qu’elles y travaillent.

Pour cela, je propose que le code de la sécurité intérieure prévoie que les conseils municipaux et intercommunaux organisent chaque année un rendez-vous public pour rendre compte de leur action dans la lutte contre les substances psychoactives détournées.

Les actions des communes et des intercommunalités gagnent à être mieux connues, mises en valeur et comparées entre elles. Gage de démocratie et de bonne gestion, cette disposition poussera à mieux faire et à parler des politiques municipales de prévention. La prévention, si elle est bien faite, permet d’éviter des dérives aussi dramatiques pour les individus que coûteuses pour la collectivité.

Ma proposition donne aussi l’occasion de mieux mettre en perspective le travail de l’État, à qui les différentes facettes de la lutte contre la drogue coûtent plus d’un milliard d’euros par an. Pour nos concitoyens, il faut dire qui prend en charge quoi et à quel niveau.

Je salue le renforcement du service public à Strasbourg par les déploiements de nouveaux effectifs de forces de l’ordre dans les quartiers de reconquête républicaine d’Elsau et de Hautepierre. J’espère que cet effort, que nous constatons dans l’ensemble du territoire, sera complété par un effort local de prévention.

L’amendement AS29 a le même objet pour les conseils départementaux, dont l’action de prévention contre les conduites addictives gagne également à être mieux connue, valorisée et mieux comparée.

Les présidents de conseils départementaux sont depuis longtemps vice‑présidents des conseils départementaux de prévention de la délinquance et de la radicalisation et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes. Organisés autour des préfets, ces conseils sont les organes de la politique départementale de prévention de la délinquance, avec un objet qui traite expressément de la lutte contre les conduites addictives aux termes de l’article D132‑5 du code de la sécurité intérieure.

Demander que les conseils départementaux rendent compte de ce qu’ils font en la matière présenterait les avantages que je viens d’exposer à propos des communes et des intercommunalités.

Enfin, nous devons nous assurer que tous les acteurs travaillent en coopération et rendent compte de leurs résultats dans un esprit de responsabilité. Notre jeunesse et toutes les personnes menacées méritent cet effort.

Mme Valérie Six, rapporteure. Cette proposition de loi a pour but de soulager les maires qui sont en première ligne face à ce problème, et qui nous ont demandé de légiférer, je ne veux donc pas alourdir leurs charges !

Les élus locaux n’attendent qu’un appui de leurs démarches pour mettre fin à ce fléau. Je ne suis pas sûre de la plus‑value qu’apporteraient vos amendements, par ailleurs contraires au principe de libre‑administration des collectivités territoriales. Avis défavorable.

Mme Michèle Peyron. Nous comprenons l’objectif visé par ces amendements mais je rejoins madame la rapporteure : ces obligations sont trop contraignantes pour les collectivités territoriales.

M. Thierry Michels. Il ne me semble pas illégitime de demander aux acteurs locaux de rendre compte de l’action qu’ils mènent. On ne progresse que lorsqu’on vérifie la réalité des résultats obtenus.

Ce texte comporte un important volet répressif, mettre l’accent sur la prévention donnerait de la visibilité à l’action que mènent les collectivités locales parallèlement à celle de l’État. Je maintiens mes amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission est saisie de l’amendement AS17 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. L’amendement est défendu.

M. Ugo Bernalicis. Je ne sais pas si les chefs d’établissement entendront ce qui est dit dans cette commission, mais je profite de cet amendement pour souligner que ce n’est pas en faisant croire que le problème n’existe pas qu’on le règle. De nombreux chefs d’établissement disent à la presse que le protoxyde d’azote n’est pas un problème chez eux : dans la métropole lilloise c’est un problème partout !

Je tiens à féliciter les courageux chefs d’établissement qui ont pris les devants, notamment dans ma circonscription, et qui ont informé les parents et les jeunes de la dangerosité du produit.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AS18 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Dans l’hypothèse d’un retard d’application, je souhaite m’assurer que ce texte sera mis en application l’année suivante.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Article 3 : Application outre-mer des dispositions de la présente proposition de loi

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS39 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 3 ainsi modifié.

Article 4 : Rapport d’évaluation

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS12 de M. Ugo Bernalicis, AS4 de M. Alain Ramadier et AS22 de M. Stéphane Viry.

M. Ugo Bernalicis. Le Sénat a supprimé cet article, qui demandait au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi. L’amendement AS12 vise à le rétablir. Nous ne sommes pas des grands fans des rapports du Gouvernement, toutefois, le ministère de la santé n’ayant jusqu’ici pas fait preuve d’une grande volonté à ce sujet, pourquoi ne pas saisir l’occasion d’exercer une pression amicale pour qu’il le prenne en considération ?

Mme Valérie Six, rapporteure. Je ferai une même réponse aux trois amendements visant à rétablir l’article 4 car je pense que, sur un tel sujet, mis en avant par l’Assemblée nationale comme par le Sénat, un rapport du Gouvernement n’est pas souhaitable.

Emparons‑nous plutôt de nos pouvoirs de contrôle : Monsieur Bernalicis, je propose – et je sais que la commission me soutiendra pleinement dans cette démarche – que nous suivions ensemble l’application de ce texte, au sein d’une mission d’évaluation.

En outre, un suivi de l’OFDT et de l’ANSES est en cours. Leurs rapports et leurs données sont publics et ont beaucoup nourri mon rapport. À la lumière de ces éléments, je vous propose de retirer vos amendements.

M. Ugo Bernalicis. Je suis honoré de votre proposition, mais le problème n’est pas vraiment le contrôle du législateur sur le pouvoir exécutif. D’ailleurs, c’est grâce au législateur que le sujet est sur la table.

J’ai déjà fait usage de nos moyens de contrôle, notamment lors des semaines de contrôle ou par des questions écrites, cela n’a pas fait bouger le ministère. J’en conclus que tous les moyens sont bons, y compris la remise d’un rapport, pour lui mettre la pression. Effectivement, nous avons les informations, mais nous savons comment les choses se passent : si le ministre est obligé de remettre un rapport, il doit faire travailler son administration et, pour rédiger le rapport, elle est obligée de vérifier qu’elle a bien fait les choses. N’attendons pas un contrôle a posteriori pour confirmer que nous avons écrit une excellente loi mais que son application laisse à désirer, comme souvent.

Je ne doute pas que l’Assemblée nationale, notamment la commission des affaires sociales, conduise d’excellentes missions d’information et produise d’excellents rapports, mais à quoi bon si les politiques publiques ne progressent pas ?

La commission rejette successivement les amendements.

En conséquence, la commission maintient la suppression de l’article 4.

Titre

La commission est saisie de l’amendement AS30 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. C’est un amendement de cohérence avec ceux qui visaient à aller au-delà de la seule sensibilisation et des seuls mineurs.

Mme Valérie Six, rapporteure. Votre amendement insiste davantage sur l’interdiction et la pénalisation. Je préfère pour ma part que nous mettions l’accent sur la prévention et la protection.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS40 de la rapporteure.

Mme Valérie Six, rapporteure. Compte tenu des enjeux, je souhaite supprimer dans le titre le mot « mineurs ».

Mme Michèle Peyron. Le groupe La République en Marche votera contre cet amendement car les mineurs sont bien notre public cible.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée, à l’unanimité.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je félicite la rapporteure pour son travail, ainsi que mes collègues pour la qualité de nos débats.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3987_texte-adopte-commission#

 

 


  1  

   ANNEXEs

ANNEXE 1 :
personnes auditionnÉes par la rapporteure

(Par ordre chronologique)

            Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)M. Julien Morel d’Arleux, directeur, et M. Clément Gérôme, coordinateur national du dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues (TREND), unité Focus

            Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addiction vigilance de LillePr Régis Bordet, responsable, et Dr Sylvie Deheul, adjointe

            Accompagner – Prévenir – Éduquer – Agir – Sauver (APEAS)Mme Françoise Cochet, présidente, et M. Dominique Triviaux, membre du conseil scientifique

            Audition commune d’industriels :

iSi GmbHM. Gottfried Bauernfeind, responsable export France

Kayser Berndorf GmbHMme Eleftheria Bitzikou, responsable qualité

Blue Star StrategiesM. Étienne Bodard et Mme Lucie Gonçalves, consultants

            Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca)Dr Nicolas Prisse, président, et Mme Virginie Leheuzey, chargée de mission « Territoires »

            Comité français des aérosols (CFA)M. Jean Blottière, délégué général, et Mme Nathalie Thys, vice-présidente

            Fédération du commerce et de la distribution (FCD)Mme Émilie Tafournel, directrice qualité, Mme Layla Rahhou, directrice des affaires publiques, et Mme Sophie Amoros, responsable des affaires publiques et de la communication

            Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)M. Matthieu Schuler, directeur général délégué, Pôle Sciences pour l’expertise, Mme Juliette Bloch, directrice des alertes et des vigilances sanitaires, Mme Cécilia Solal, chargée d’étude en toxicologie à la direction des alertes et des vigilances sanitaires, et Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles


  1  

ANNEXE 2 :
TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS
OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN
DE LA PROPOSITION DE LOI

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

2

Code de la santé publique

L. 3611-1 à L. 3611-3 [rétablis]

2

Code de la santé publique

L. 3621‑1 [rétabli]

2

Code de la santé publique

L. 3631‑1 [rétabli]

2 bis

Loi n° 2004 575 du 21 juin 2004

6

2 ter

Code de l’éducation

Section 10 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie

3

Code de la santé publique

L. 3823‑4 et L. 3842-5 [nouveaux]

 


([1]) https://www.leparisien.fr/val-d-oise-95/val-d-oise-ils-inhalent-du-gaz-hilarant-la-voiture-explose-15-01-2021-8419415.php

([2]) https://www.ladepeche.fr/2021/01/27/sous-gaz-hilarant-il-frappe-et-mord-des-policiers-9335684.php

([3]) Protoxyde d’azote, étude des cas rapportés aux Centres antipoison entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, rapport d’étude, juin 2020.

 https://www.anses.fr/fr/system/files/Toxicovigilance2019SA0216Ra.pdf

 

([4]) Drugs Misuse : Findings from the 2018/19 Crime Survey for England and Wales, ministère de l’intérieur, septembre 2019.

([5]) Arrêté du 17 août 2001 portant classement sur les listes des substances vénéneuses.

([6])  Directive 2009/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les solvants d’extraction utilisés dans la fabrication des denrées alimentaires et de leurs ingrédients.

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:02009L0032-20161109&from=EN

([7]) https://commonslibrary.parliament.uk/nitrous-oxide-no-laughing-matter

([8]) Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, visant à interdire la vente de cartouches métalliques contenant du protoxyde d’azote aux mineurs.

([9]) https://www.dutchnews.nl/news/2020/06/no-laughing-matter-new-legislation-will-ban-the-sale-of-nitrous-oxide/

([10]) https://www.taiwannews.com.tw/en/news/4041412

([11]) https://www.drogues.gouv.fr/actualites/lusage-detourne-protoxyde-dazote-une-pratique-risques-de-plus-plus-repandue

([12]) https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/tris/fr/search/?trisaction=search.detail&year=2020&num=567

([13]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10505671_6051bc563338a.commission-des-affaires-sociales--proteger-les-mineurs-des-usages-dangereux-du-protoxyde-d-azote-17-mars-2021